Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.
Projet de loi no 126
(Dix heures vingt minutes)
Le Président (M. Marcoux): A l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission permanente du travail et de la main-d'oeuvre est
réunie pour poursuivre l'audition des mémoires concernant le
projet de loi no 126, Loi sur les normes du travail.
Les membres de la commission sont M. Belle-mare (Johnson), M. Bisaillon
(Sainte-Marie), M. Chevrette (Joliette-Montcalm), M. Gravel (Limoilou), M.
Johnson (Anjou), M. Lavigne (Beauharnois), M. Mailloux (Charlevoix)
remplacé par Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), M. Pagé (Portneuf)
remplacé par M. Forget (Saint-Laurent), M. Roy (Beauce-Sud), M.
Vaillancourt (Jonquière).
Les intervenants sont M. Brochu (Richmond), M. Gosselin (Sherbrooke), M.
Jolivet (Laviolette), M. Laplante (Bourassa), M. Lefebvre (Viau), M. Paquette
(Rosemont), M. Samson (Rouyn-Noranda), M. Springate (Westmount).
Aujourd'hui...
M. Bellemare: M. le Président, voulez-vous me permettre de
vous suggérer mon remplaçant, M. Grenier...
Le Président (M. Marcoux): Oui.
M. Bellemare: ... député de Mégantic-Compton
pour ce soir.
Le Président (M. Marcoux): A 15 heures, je le ferai.
M. Bellemare: Oui, d'accord. Ce soir pour demain.
Le Président (M. Marcoux): Je le ferai à la reprise
de nos travaux à 16 heures ou à 15 h 30.
M. Bellemare: D'accord. Je voudrais que vous teniez compte du nom
de M. Grenier, député de Mégantic-Compton.
Le Président (M. Marcoux): Parfait. M. Bellemare:
D'accord.
Le Président (M. Marcoux): Aujourd'hui, nous entendrons
les organismes suivants: Le Conseil du patronat du Québec, l'Association
des manufacturiers de mode enfantine (10).
M. Bellemare: 10, je ne l'ai pas.
Le Président (M. Marcoux): L'Association canadienne des
compagnies d'assurance-vie (11), le Bureau de commerce de Montréal (14),
l'Association du personnel domestique (17), l'Association des camps du
Québec Inc. (18), la Coalition des normes minimales du travail (19).
J'ai le plaisir...
M. Bellemare: Quel est le dernier que vous avez nommé, M.
le Président?
Le Président (M. Marcoux): 19.
M. Johnson: La Coalition des normes minimales du travail; c'est
le no 19.
Le Président (M. Marcoux): Celui qu'on... M. Bellemare:
Oui, le no 19.
Le Président (M. Marcoux): Celui dont on a parlé
tantôt.
J'ai le plaisir d'appeler le Conseil du patronat du Québec
à venir nous présenter son mémoire. M. Dufour, si vous
voulez nous présenter vos collègues.
Conseil du patronat du Québec
M. Dufour (Ghislain): Merci, M. le Président.
Le Président (M. Marcoux): Alors, je voudrais
préciser, pour I'ensemble des personnes qui sont déjà
arrivées pour présenter les mémoires, que les
règles que la commission s'est donnée sont des règles
plutôt indicatives qu'impératives. On consacre environ une heure
par mémoire, dont une vingtaine de minutes pour la présentation
du mémoire et une quarantaine de minutes pour le dialogue avec les
députés membres de la commission. M. Dufour.
M. Dufour: Merci, M. le Président. Oui, je vous
présente mes collègues. A ma gauche, M. Jean-Claude Blondeau,
directeur général de l'Association des restaurateurs de la
province de Québec, M. Jacques Tremblay, directeur de la recherche au
Conseil du patronat du Québec, et à ma droite, M. Roger
Hébert, vice-président aux ressources humaines chez Johnson &
Johnson et directeur du comité de relations de travail du Centre des
dirigeants d'entreprises.
M. Johnson: Et membre du Conseil consultatif du travail et de la
main-d'oeuvre.
M. Dufour: Et membre du Conseil consultatif du travail et de la
main-d'oeuvre, M. le ministre.
M. Bellemare: Ainsi que vous, M. Dufour. Vous ne vous êtes
pas oublié, toujours?
M. Dufour: J'ai laissé le président et membre aussi
du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre.
M. Bellemare: D'accord.
Le Président (M. Marcoux): C'est un habitué de nos
travaux.
M. Dufour: M. le Président, M. le ministre, MM. les
membres de la commission parlementaire, on
vous a déposé notre mémoire, qui fait 32 pages.
C'est bien sûr qu'il n'est pas question de le lire. Est-ce qu'on pourrait
quand même vous demander, en accord avec le ministre et avec
l'Opposition, de verser en annexe au journal des Débats le texte
intégral de notre mémoire?
Le Président (M. Marcoux): Est-ce que cette demande du
Conseil du patronat sera acceptée? Elle est acceptée; cela va
nous simplifier la tâche, (voir annexe A)
M. Bellemare: Mais pas le sommaire de ce matin.
Le Président (M. Marcoux): Non, non, le
mémoire.
M. Dufour: M. le Président, le Conseil du patronat est
d'accord avec le principe et les buts généraux d'une loi sur les
normes du travail parce que nous considérons que c'est le rôle
propre et normal du gouvernement de fixer les normes générales
régissant l'ensemble des activités sociales. Nous avons des
réticences vis-à-vis de certaines propositions du projet de loi
no 126 non seulement parce que sur certains sujets, ce projet n'est pas
suffisamment clair mais surtout que les moyens qu'il propose pour atteindre ses
objectifs ne nous paraissent pas adéquats. Mais ces réticences
sur la forme actuelle du projet de loi et sur les moyens d'atteindre ses
objectifs ne remettent nullement en cause le principe de l'existence d'une loi
générale sur les loi du travail.
Le premier commentaire: Le projet de loi no 126 est trop vague. Sur la
moitié des sujets qu'il aborde et à propos desquels l'intention
déclarée est de fixer des normes, le projet de loi no 126 ne fixe
pas du tout les normes mais donne au Conseil des ministres le pouvoir de fixer
des normes par règlement. Notre conception du rôle du
législateur est bien différente. Nous croyons que la loi doit
fixer les normes et que le pouvoir de réglementation doit porter
seulement sur les règles d'application. Contrairement à ce que
propose le projet actuel, nous désirons que les normes s'appliquant aux
jours fériés, aux congés de maternité et les autres
normes, s'il doit y en avoir, soient fixées par la loi. Cependant
et nous le mentionnons tout de suite pour des raisons pratiques, nous
admettons que le taux du salaire minimum soit fixé par une
décision du Conseil des ministres à condition toutefois qu'une
procédure clairement établie par la loi permette
d'échapper à l'improvisation et aux décisions
hâtives. Nous reviendrons d'ailleurs plus loin sur ce point.
Pour des raisons similaires, les articles 123, 124 et 125 sur le
paiement des salaires en cas de faillite nous paraissent inacceptables parce
qu'ils autorisent la commission à s'en occuper sans fixer les normes
qu'elle aura à respecter. Cette question des faillites n'a manifestement
pas encore fait l'objet d'études suffisantes pour permettre au
législateur de faire des choix fondamentaux.
Dans ces conditions, il n'est pas acceptable que l'Assemblée
nationale se contente de renvoyer toute cette question à une commission
purement administrative. D'ailleurs, les discussions récentes à
Montebello ont montré qu'il valait la peine d'étudier
sérieusement l'hypothèse de la création de ce que nous,
nous appelons un fonds d'indemnisation pour les cas de licenciement collectif.
Il nous apparaît que ces questions sont connexes et, dans les deux cas,
nous devons admettre que nous en sommes encore à l'étape de la
recherche.
Deuxième commentaire, l'application des normes. Notre
mémoire expose longuement les raisons d'abandonner l'idée de
confier l'application et la surveillance des normes à une commission
administrative autonome. L'expérience passée montre clairement
qu'une telle commission ne peut pas être un arbitre impartial qui
permettrait de décentraliser et de dépolitiser les
décisions sur l'organisation générale du travail.
Nous accepterions l'idée d'une commission des normes du travail
si tout était mis en oeuvre pour en faire un centre de décision
autonome vis-à-vis du pouvoir politique tout en reconnaissant, mais
vraiment, au pouvoir politique ou à l'Assemblée nationale le
rôle d'arbitre final auprès duquel s'exercerait un droit
d'appel.
Pour que la création de la commission des normes du travail soit
justifiée, la loi devrait chercher à réaliser les trois
conditions suivantes: Premièrement, que la commission soit autonome
vis-à-vis du pouvoir politique, ce qui implique sa capacité de
connaître les données concrètes, par ses propres
études ou par ses propres consultations, et l'indépendance de ses
recommandations aux décisions; deuxièmement, que les parties
impliquées par les décisions de la commission puissent se faire
entendre avant que ces décisions ne soient prises; finalement, que
l'arbitrage final par le pouvoir exécutif soit exceptionnel et toujours
publiquement expliqué.
Ce n'est manifestement pas là l'orientation choisie par le projet
de loi no 126. Il reste alors, quant à nous, à aller jusqu'au
bout de l'orientation choisie par la loi 126 et à confier directement au
ministère du Travail la responsabilité de l'application et de la
surveillance des normes. L'avantage de cette dernière solution est,
premièrement, de préserver le principe de la
responsabilité ministérielle vis-à-vis de
l'Assemblée nationale et deuxièmement, d'éviter des
dépenses inutiles, notamment en papeterie.
Quatrième commentaire, le financement du service des normes. S'il
n'y a pas de raison d'avoir recours à un organisme formellement
autonome, il y a encore moins de raison de chercher une source de financement
autonome pour le service d'application et de surveillance des normes du
travail. Premièrement, il n'y a aucun principe de justice qui puisse
justifier que les frais d'un tel service soient assumés par les
employeurs puisque ce n'est pas un service rendu aux employeurs.
Deuxièmement, il n'y a, à plus forte raison, aucune façon
d'expliquer que seules les entreprises pri-
vées soient taxées pour les fins de ce service, car si
l'on admettait que ce service est une responsabilité des employeurs, les
employeurs du secteur public ne devraient pas y échapper, alors que la
loi ou le projet les exclut.
Troisièmement, un pouvoir de taxation dans une démocratie
ne peut être exercé que par des représentants choisis par
les contribuables en cause.
Quatrièmement, ce serait, quant à nous, une erreur
administrative que de payer les frais d'un système de perception
automatique pour aller chercher des revenus de quelque $8 millions par .
année à côté du système de perception de
l'Etat qui va chercher actuellement quelque $14 milliards de revenus. Les
revenus du petit système représentent moins de .06% des revenus
de l'Etat provincial, même pas de quoi apparaître comme premier
chiffre après le point dans les statistiques de l'Etat. Le poids du
système de perception, la paperasserie, la tracasserie administrative
sont tout à fait disproportionnés par rapport à son
produit. (10 h 30)
Cinquièmement, tous les Etats modernes sont conduits aujourd'hui
à chercher des moyens de dégonfler leur appareil administratif,
de contrôler plus étroitement l'usage des deniers publics et de
rendre des comptes plus rigoureux à leurs contribuables. La fausse
autonomie de la commission, mais surtout le pouvoir de taxation que
l'Assemblée nationale lui accorderait vont à l'encontre de cette
orientation.
Abordons maintenant la question des procédures préalables
à l'adoption d'un règlement, procédures dont le but est
d'éviter l'improvisation ou les décisions hâtives, de
permettre la consultation ou un débat public et, s'il y a lieu, de
redonner à l'Assemblée nationale son plein droit de
contrôle sur tout pouvoir de réglementation. Les procédures
prévues par les articles 32 à 35 nous paraissent tout à
fait satisfaisantes à cet effet. Mais les articles 36 et 37 annulent
l'effet des précédents en prévoyant le cas d'urgence et en
déclarant que les règlements sont valables même si la
procédure prévue par la loi n'a pas été
respectée. Ces deux articles nous paraissent si inacceptables que nous
préférerions que la loi ne prévoie rien du tout, laissant
au Conseil des ministres le pouvoir d'agir à sa guise et sans
règle, plutôt que d'édicter des règles pour dire
ensuite: Nous nous réservons le droit de ne pas les respecter.
Le coût des nouvelles normes. Nous croyons que le choix des
nouvelles normes ou l'élargissement des nonnes anciennes de façon
assez générale sont acceptables sous réserve d'une
exception, les trois semaines de vacances après dix ans de service. La
seule remarque sur le coût de ces nouvelles normes est qu'il est
nécessaire d'analyser l'impact de l'ensemble de ces mesures sur la vie
surtout des petites entreprises. Le fait de parler de petites entreprises
n'indique pas qu'il n'y aura pas des coûts additionnels aussi pour les
grandes entreprises.
Nous croyons qu'une telle étude ne remettrait pas en cause le
contenu comme tel des normes, mais permettrait sûrement de fixer un
calendrier d'entrée en vigueur de ces normes qui tiendrait compte du
taux actuel du salaire minimum ici et ailleurs. Il faut noter à ce sujet
d'ailleurs que le gouvernement a justifié un salaire minimum plus
élevé au Québec par le fait que d'autres normes du travail
sont inférieures ici à ce qu'elles sont ailleurs.
Dernières considérations générales
très importantes sur le projet de loi no 126. La Loi sur les normes du
travail ne doit pas empêcher les parties, dans une négociation
collective, de se donner une convention jugée par les deux parties comme
étant plus avantageuse que ce que prévoient les normes
générales. Sur le taux du salaire, sur les vacances et les
congés, y compris le congé de maternité, on ne peut
manifestement pas être en deça de ces normes et, en même
temps, y trouver un avantage pour l'employé. C'est pourquoi nous croyons
juste que la loi déclare ces normes, les quatre que nous venons
d'identifier, comme étant d'ordre public.
Dans les autres cas, les avantages prévus par les normes peuvent
être interchangeables avec profit pour les deux parties en tenant compte
de circonstances particulières. Ainsi, sur un chantier
éloigné, il y a avantage à travailler 50 heures ou
même 60 heures par semaine pour avoir ensuite plusieurs jours
consécutifs de congé. La loi ne peut pas prévoir tous les
cas d'exception et c'est pourquoi nous proposons de laisser dans ce domaine le
plus large champ possible aux négociations collectives. Plusieurs
entreprises ou associations ont déjà présenté
à cette commission les difficultés particulières qu'il y
aurait pour leur secteur de s'adapter à telles normes. Pour satisfaire
à ces multiples considérations, toutes fort bien fondées,
il faudrait prévoir un nombre indéfini d'exceptions à la
loi. Au contraire, notre proposition ne complique pas la loi et ne complique
pas non plus son interprétation; en l'absence d'une convention
collective, toutes les normes générales s'appliquent. Nulle
convention collective ne peut déroger aux normes déclarées
d'intérêt public, à savoir celles portant sur le taux du
salaire minimum, les vacances annuelles, les congés fériés
et payés de même que sur les congés de
maternité.
Notre mémoire analyse, dans une deuxième partie, un
certain nombre d'articles de ce projet de loi. Très brièvement
ici, nous retenons certains de ces articles qui nous paraissent quand
même de grande importance. Premièrement, le travail domestique. Le
domestique qui réside chez son employeur ou qui travaille plus de 30
heures pour un même employeur serait maintenant couvert par la loi. Nous
affirmons que c'est une règle, un principe tout à fait
acceptable. Cependant, il faut se demander si elle est vraiment applicable et
si les moyens de contrôle nécessaires pour l'appliquer
efficacement ne seraient pas très coûteux, si encore ces moyens de
contrôle ne représenteraient pas une intrusion excessive de l'Etat
dans la
vie des foyers. Vous aurez noté que nous utilisons la forme
interrogative.
Ce sont les questions que nous nous posons dans notre mémoire et
il ne semble pas, à ce moment-ci, y avoir de données suffisantes
pour y répondre avec assurance. C'est pourquoi nous croyons que le
gouvernement doit pousser plus avant ses recherches sur ce sujet s'il veut
prendre une décision réaliste qui sera probablement plus souple
que la proposition actuelle.
Articles 22 et 23: Immunité des membres de la commission. Si la
nouvelle commission doit exister, elle sera une corporation civile ayant les
pouvoirs, les droits et les privilèges d'une corporation civile
ordinaire. Cela étant dit, nous n'admettons pas que le
législateur prévoie, pour les administrateurs de cette
commission, une sorte d'irresponsabilité que le même
législateur considérerait comme inadmissible pour les
gestionnaires d'une corporation civile ordinaire.
Le pouvoir de taxation, à l'article 29h. Si la commission doit
exister, l'article 29h sur le prélèvement d'une cotisation
auprès des entreprises doit être soumis à l'approbation de
l'Assemblée nationale après analyse des budgets de la commission,
eu égard à ses objectifs et à son rendement.
Le préavis de congédiement. Le préavis doit
être obligatoire après trois mois de travail et non pas dès
le premier jour comme le prévoit le projet de loi actuel. Il s'agit de
regarder, d'ailleurs, l'ensemble des normes dans les autres provinces pour
constater que le préavis ne devient obligatoire qu'après une
certaine période d'attente et cette période est
généralement de trois mois.
Finalement, un dernier commentaire sur le recours à un
commissaire du travail. C'est l'article 115. Il nous apparaît que le
commissaire du travail est compétent surtout pour appliquer le Code du
travail. Nous sommes ici dans le cadre d'une autre loi. Les inspecteurs du
service des normes ou de la Commission des normes du travail, telle que
projetée, sont censés être compétents pour appliquer
la Loi sur les normes du travail et, quant à nous, il n'y a pas
nécessité à retourner au Code du travail et au commissaire
du travail. Notre objection tient au fait que, de plus en plus, dans bon nombre
de lois et c'est le cas de la loi 101 et d'autres lois on
réfère, et presque de façon automatique, tous ces cas au
commissaire du travail, donnant une dimension au commissaire du travail et
à tout ce qui entoure le Tribunal du travail, une connotation qui
n'était pas prévue lorsque l'on a structuré le Code du
travail.
Alors, voilà, l'essence de notre mémoire. Nous n'avons pas
voulu reprendre, dans l'ensemble, nos principales préoccupations; elles
ont déjà été véhiculées et nous
serons prêts à discuter avec les membres de cette commission de ce
qui vous apparaît peut-être le plus important dans nos
préoccupations.
Le Président (M. Marcoux): M. le ministre. M. Johnson:
Merci, M. Dufour. Merci d'avoir eu c'est peut-être l'habitude de
l'expertise du Conseil du patronat la pensée de faire un sommaire
pour cette commission. Néanmoins, nous avons étudié au
ministère votre mémoire qui nous est parvenu dans les
délais prolongés à la demande du conseil et d'autres
organismes. J'ai environ huit pages de remarques sur chacun des
éléments. Je pense qu'on va s'abstenir d'en faire la
nomenclature. Je soulèverai peut-être simplement certaines des
choses sur lesquelles vous avez insisté in fine; ensuite, je reviendrai
sur l'approche générale que vous avez établie.
En ce qui a trait au travail domestique, d'abord, je suis heureux de
constater que vous acceptez le principe, au niveau de l'application, de
conditions particulières pour les domestiques. Vous soulevez cependant
un problème qui est celui du contrôle. On pourrait soulever
d'autres problèmes, par exemple, toute la question de la
réintégration du travailleur qui se plaint du non-respect des
dispositions de la loi ou d'un règlement et qui va devant le commissaire
général du travail. On le conçoit peut-être plus
difficilement dans le cas des domestiques. Cela doit faire une drôle de
vie familiale avec quelqu'un dans la maison qui est en grief. On comprend,
à la rigueur, que cela puisse exister dans une entreprise, mais dans une
maison, cela doit être un peu drôle.
Il faudrait peut-être trouver des sanctions un peu
particulières, mais disons que cela met en évidence le fait que
cette loi prévoit que le domestique cela rejoint une autre
préoccupation de votre mémoire sur la souplesse qu'il faut avoir
fera l'objet d'une réglementation spécifique. Il faut se
demander si habiter dans une maison cinq jours par semaine doit être
considéré comme cinq fois 24 heures de travail au salaire
minimum. Je ne le pense pas. Il est bien évident qu'il faut essayer de
trouver une solution à cela. Je pense que la seule façon de le
faire, c'est effectivement de l'établir par règlement.
Sur la question de l'immunité des membres de la commission, je
vous ferai remarquer que ces dispositions sont standard et se retrouvent dans
plusieurs lois. Je comprends qu'on dit que c'est une corporation ordinaire au
sens civil, mais on dit cela également de la plupart des autres
corporations simplement pour leur conférer les droits qui
découlent du Code civil.
Sur la question de l'article 29h, c'est-à-dire le pouvoir de
taxation, si je comprends bien, vous ne semblez pas, dans votre
résumé peut-être est-ce dû à une
rencontre qu'on a eue dans un colloque, M. Dufour, récemment, alors que
je vous ai établi clairement les intentions du gouvernement
là-dessus revenir sur le fait que, à votre avis, tout cela
devrait être payé par l'Etat et non par les employeurs, parce que
le gouvernement, comme vous le savez, a décidé, en vertu du
principe qui veut que tous contribuent d'une façon ou d'une autre,
particulièrement le monde des employeurs au Québec, au
développement des meilleures conditions d l'ensemble des citoyens qui
sont des travailleurs, qu'ils y contribuent par voie de taxation.
Maintenant, un règlement à cet effet devrait effectivement
être soumis à la procédure que nous prévoyons,
à des articles de prépublication, etc. Si le gouvernement voulait
plaider urgence, il faudrait qu'il la justifie en vertu de la loi.
Le préavis de congédiement. Vous soulevez un
problème qui a été soulevé par d'autres dans le
passé et je crois que cela mérite d'être regardé
également.
Sur l'introduction ou les grands principes, si on veut, la philosophie
ou l'idéologie de votre mémoire, si tant est qu'on puisse parler
d'idéologie je pense que cela n'est pas le propre du monde
syndical d'avoir une idéologie reprocher au projet de loi 126
d'être trop vague, je trouve cela un petit peu sévère, M.
Dufour. Il est vrai qu'environ la moitié des dispositions
prévoient que c'est par règlement, mais, encore là, c'est
dans un but de souplesse.
Quant au salaire minimum lui-même, qu'il soit fixé par
règlement j'ai eu l'occasion de le dire à d'autres qui
vous ont précédé je crois qu'il faut que le
gouvernement assume ses responsabilités en cette matière. La
conjoncture économique, la situation de la fiscalité, les
différents programmes qui visent les citoyens qui sont touchés
très directement par le salaire minimum sont un ensemble de points dont
il faut tenir compte quand on prend une décision sur le salaire minimum.
Fixer dans la loi le salaire minimum avec une formule d'indexation, comme le
souhaiterait la CSN, ou avec une formule de débat obligatoire demeure,
à mon avis, discutable. Je pense qu'il faut que le gouvernement soit
capable d'assumer ses responsabilités là-dedans et le Parlement
est là, par voie de motions, de questions avec débat, de
questions tout court trois fois par semaine, pour faire valoir son opinion.
L'Opposition est présente.
Sur la question de l'application des normes par le ministère du
Travail vous dites, dans le fond: Ou vous faites une vraie commission autonome
avec pleins pouvoirs, mais vous laissez une espèce de pouvoir
résiduaire au gouvernement qui, ultimement, peut trancher, ce qui, dans
le fond, est peut-être blanc bonnet, bonnet blanc ou encore vous
intégrez cela au ministère du Travail. L'objectif, c'est de
conserver à cette commission l'autonomie relative nécessaire pour
qu'elle puisse justifier sa propre efficacité. Je ne prétends pas
qu'une direction générale d'un ministère n'est pas
amenée à être efficace, mais, compte tenu de
l'immensité de l'appareil gouvernemental on sait qu'il y a 23
ministres ou 26, dépendant des années et des ministères
d'Etat, qu'il y a, quand même, 30 000 fonctionnaires, que cela touche six
millions de Québécois et qu'on brasse $11 milliards il est
bien évident que, de temps en temps, le gouvernement sente le besoin de
se prévaloir d'un organisme ou d'une structuration au niveau de ces
organismes-là qui permette que ces organismes sentent le besoin de
justifier leur existence non seulement de façon bureaucratique mais
également en termes d'efficacité et de rendement. Cela
allège finalement, paradoxalement, le poids de l'Etat. (10 h 45)
Maintenant, la responsabilité ministérielle existe
toujours, et ce qu'on confirme ici, quand on parle de l'adoption de la
réglementation par le lieutenant-gouverneur en conseil, c'est vraiment
pour que la responsabilité politique réelle repose entre les
mains du ministre du Travail et du Conseil des ministres qui ira se
défendre devant le Parlement.
Sur la question du financement, on en a parlé tout à
l'heure, l'Etat, les commissions scolaires, le réseau hospitalier et le
gouvernement lui-même, en tant qu'employeur, sont exempts en vertu du
principe que l'ensemble des payeurs de taxes au Québec contribuent, par
la voie de la taxation foncière ou de la taxation sur les personnes ou
les corporations, à financer l'ensemble de ces activités qui sont
des services aux citoyens. Cependant, nous visons dans cette loi à
inclure, au niveau du prélèvement, toutes les
sociétés qui ont une vocation commerciale et qui ont un
rôle actif dans le commerce ou dans le secteur industriel et qui
concurrencent l'industrie privée pour assujettir ces
sociétés d'Etat aux mêmes types de contraintes que
l'industrie privée.
Sur la question des articles 36 et 37, je l'ai évoqué tout
à l'heure, je remarque encore là qu'on a affaire à une
certaine unanimité du monde patronal à l'égard de ces
dispositions. C'est vrai mais, encore une fois, d'abord c'est une
amélioration de la situation actuelle, on impose au gouvernement de
faire une prépublication et de procéder par consultation, le cas
échéant. Cependant, on dit que dans un cas jugé urgent,
dont il appartiendra au gouvernement de justifier qu'il s'agit d'une urgence,
il pourra procéder autrement. Comme, par exemple, si le prix des
aliments devait augmenter de 11% en huit jours.
La place des négociations collectives, c'est un problème
extrêmement important que vous soulevez et je peux vous assurer que d'ici
à ce que nous procédions à l'étude article par
article, nous tenterons de trouver une formulation qui permette de concilier
l'exigence de l'affirmation de normes s'appliquant à tout le monde avec
les contraintes particulières de certains secteurs industriels où
il y a des négociations de conventions collectives où,
finalement, librement, des associations des employeurs et des associations de
salariés ont décidé de se négocier des conditions
différentes, et qui poseraient des gros problèmes d'application.
Je pense que votre remarque est tout à fait pertinente. Quant aux
solutions qu'on trouvera, on verra.
Vous avez une approche assez globale sur toute cette question. Vous
dites: Dans le fond, il devrait y avoir le salaire minimum, les vacances
annuelles, les jours fériés payés et le congé de
maternité qui sont d'ordre public. Le reste s'applique là
où il n'y a pas de convention collective, si je vous comprends bien,
indépendamment d'une notion d'équivalence. On dirait: S'il y a
une convention collective, le reste ne s'applique pas.
Là-dessus, quelques autres détails à partir de
votre mémoire, précisément sur l'article 38b:
établir le salaire par "constaté, vérifié"; nous
allons tenir compte de votre remarque. Il y a quelques
remarques sur le plan de la rédaction elle-même qui nous
apparaissent à priori pertinentes.
L'enveloppe scellée, encore une fois, il s'agit d'un article qui
existe en vertu de la loi actuelle. Evidemment, la situation a peut-être
changé depuis les années trente mais ce n'est rien de nouveau. Ce
qui peut être inquiétant, des fois, c'est que, comme il y a une
nouvelle loi et qu'on donne des pouvoirs étendus à la commission,
comme on a l'intention de donner plus d'effectifs et d'avoir un peu de dents
dans les amendes, cela va peut-être agacer une certaine partie du secteur
privé où, à toutes fins utiles, la loi n'était pas
appliquée par absence de ressources, et là elle risque de
l'être. Mais on veut bien considérer ces commentaires.
J'ai encore une fois, comme je vous le disais, cinq pages de
commentaires. On aura peut-être l'occasion dans des échanges de
correspondance, comme ces choses arrivent à l'occasion, de les
reprendre. Vous aurez l'occasion de constater que nous avons accepté ou
rejeté, de façon pertinente ou pas, selon votre jugement, des
représentations qui ont été faites dans un mémoire
qui, je pense, est fort bien documenté. Je vous remercie.
Le Président (M. Marcoux): Est-ce que vous avez des
commentaires?
M. Dufour: Oui, M. le Président, quand même un
certain nombre de réactions. Je n'ai pas les seize pages de notes du
ministre, mais il y a quand même un certain nombre de blocs qu'on peut
reprendre. Sur le travail domestique, je suis heureux de voir que vous avez
signalé notre accord de principe avec cela. Vous avez surtout
mentionné le problème au niveau familial, le contrôle, la
réintégration, mais, dans notre mémoire, il ne faudrait
pas oublier non plus tout ce qu'on soulève au niveau de l'entreprise,
parce qu'on vient de faire d'une série de foyers québécois
des entreprises qui seront assujetties à la législation qui
s'applique aux entreprises; vous en faites des entrepreneurs professionnels. On
imagine ce que cela peut sous-entendre en termes d'application de ces
nombreuses lois pour quelqu'un qui embauche une bonne, peu importe, une femme
de ménage, 30 heures et plus par semaine. On connaît tous les
griefs que peuvent enregistrer, non seulement les PME, mais les grandes
entreprises; vous avez toute la superstructure gouvernementale qu'on vient
d'appliquer à un système familial purement et simplement.
Quand on a parlé de l'article 29h, dans notre
résumé de ce matin, M. le ministre, nous avions bien dit, avant
notre commmentaire: Si la structure actuelle doit demeurer, nous faisons le
commentaire suivant. Mais, même dans le cadre de votre projet de loi
actuel, nous n'accepterons pas que le pouvoir, tel qu'il est donné, soit
donné à la commission. Actuellement, la commission, si je me
rappelle bien, prélève effectivement 0,1%, ce qui lui donne une
possibilité de revenus de $8 millions, Avec le libellé actuel de
l'article 29h, de 1% de la masse salariale, cela peut nous amener à $200
millions si on se base, par exemple, sur la masse salariale de la Commission
des accidents du travail. Là on vient de réaliser
immédiatement le pouvoir administratif qu'on donne à une
commission. C'est là que nous disons, il ne peut pas y avoir de
prélèvement de ce type sans que cela passe par l'Assemblée
nationale, qui est la seule, en toute équité, à pouvoir
prélever des impôts chez un groupe de citoyens, et c'est un
impôt.
Dans le cadre même où vous garderiez votre orientation
actuelle, nous disons que ce contenu de l'article 29h devrait être soumis
à l'Assemblée nationale. Par ailleurs, dès ce matin, M. le
ministre, nous vous avons donné au moins cinq raisons peut-être
additionnelles ou reprises sous une façon différente qui
étaient déjà dans notre mémoire et qui
établissent pourquoi, quant à nous, le financement du
contrôle des normes du travail devrait émarger au budget de l'Etat
et non pas provenir purement des employeurs. Nonobstant ce colloque auquel nous
avons participé vous et moi, même si vous nous avez dit à
ce moment que le gouvernement ne changerait pas d'idée, que la situation
était telle quelle et qu'elle ne serait pas modifiée, pour nous
c'est une réponse probablement insatisfaisante. Ce n'est pas parce que
cette situation existe aujourd'hui, dans le cadre d'une révision totale
de la loi, qu'on devrait s'asseoir sur des choses qui ont été
déterminées en 1941. Il faudrait vraiment revoir toute cette
orientation.
Vous nous dites: Le jugement est sévère lorsque l'on
considère que la loi 126 est trop vague. Si vous regardez les huit
normes, les huit blocs de normes qui sont prévus dans la loi, il y en a
seulement quatre qui sont déterminés par la loi. Les quatre
autres s'en vont directement à la réglementation. Surtout, une
chose drôlement importante pour nous, les congés
fériés. Vous dites dans la loi: II y aura Noël, il y aura le
jour de l'An et il y en aura d'autres déterminés par le
lieutenant-gouverneur en conseil. Or, s'il y a quelque chose de sensible au
niveau de la population, c'est bien l'identification de ce que peut être
un congé férié chômé. On a eu l'occasion de
le dire, c'est une discussion qui doit se faire, quant à nous, à
l'Assemblée nationale.
Prenons un exemple: si vous optez, à un moment donné,
comme congé additionnel, pour le 1er mai, vous allez avoir des
problèmes avec ceux qui vont plaider le premier lundi de septembre, et
vice versa, le premier lundi de septembre versus le 1er mai. Alors, on a
décidé, dans les autres provinces, que lorsqu'on établit
un congé chômé additionnel, on le débat toujours
à l'Assemblée nationale et, quant à nous, cela devrait
être une chose débattue à l'Assemblée nationale.
Même chose pour au moins trois autres blocs de normes.
Par ailleurs, je vous signale que la détermination du salaire,
nous sommes d'accord pour la laisser, selon la tradition actuelle, au Conseil
des ministres. Nous endossons finalement les remarques que vous avez
mentionnées tantôt. Compte tenu de l'urgence, compte tenu d'un
certain nombre de situations, il ne faudrait pas revenir constamment devant
l'Assemblée nationale, mais sous réserve que la procédure
de consultation est
effective. Parce qu'on veut bien prévoir c'est vrai que
c'est nouveau cette période de 60 jours de prépublication pour
obtenir des commentaires mais si à tout coup vous utilisez les
articles 36 et 37, finalement on n'est pas plus avancé. Je pense que
c'est de cela qu'il s'agit quand on dit que la loi est trop vague; 50% des
normes ne sont pas établies dans la loi.
Sur la question de l'application des normes, nous revenons à
notre position de fond; nous ne croyons pas qu'il soit nécessaire
d'avoir une structure indépendante, une commission autonome pour
administrer les normes. A ce moment, nous ne demandons, finalement, que ce qui
existe dans toutes les autres provinces canadiennes. Cela n'existe pas, des
commissions de salaire minimum dans les autres provinces. Il y a des
entités qui se rattachent au ministère du Travail. De toute
façon, en termes d'efficacité et de contrôle, nous pensons
que vous auriez probablement une meilleure supervision si vous le faisiez
directement vous-même, par vos propres ressources.
Les articles 36 et 37, on en a parlé. Vous avez vu nos
préoccupations. Je suis heureux de constater que pour vous la place des
négociations est importante et je pense qu'il faudrait vraiment revoir
cette question.
Une question à laquelle vous avez échappé,
volontairement ou involontairement, c'est la question suivante qu'on vous pose.
Compte tenu de notre salaire minimum, qui est plus élevé au
Québec aujourd'hui que dans toutes les autres provinces, vous ajoutez
quand même toute une série de normes drôlement importantes
au niveau des congés, des jours fériés, du temps
supplémentaire à payer au taux du salaire horaire effectif et non
pas au taux du salaire minimum, donc toute une série de nouvelles
normes, et nous vous disons: On ne s'oppose pas en principe à cela.
Parce que c'est bien sûr qu'avec un congé actuellement, on est en
bas de tout ce qui se passe dans les autres provinces. On est
entièrement d'accord sur cela. Mais, au moment où vous le faites,
êtes-vous prêts à l'échelonner dans le temps? Parce
que là, on ne parlera plus d'un salaire minimum de $3.47, comme cela va
être le cas le 1er avril, mais cela va maintenant être un salaire
minimum de $3.60, $3.65, si on tient compte de l'ensemble de ces
bénéfices sociaux, et là on repose tout le
problème, finalement, de la concurrence. On vous suggère un
étalement dans le temps et on dit: Bon, la troisième semaine de
vacances, pourquoi ne serait-ce pas, dans un premier temps, après dix
ans de service, deux semaines et une journée, puis réaliser cela
sur une période de peut-être cinq ou six ans, en tenant compte
dans l'ensemble de la grille de tous les coûts qui sont mis en cause.
Là-dessus, M. le ministre, pourriez-vous nous donner une
réaction, parce que pour nous cela est très préoccupant en
termes de coût. On le mentionne dans notre mémoire. On s'est
toujours fait dire que notre haut salaire minimum était justifié
justement par l'absence de certaines normes de ce type. Aujourd'hui, comme on
les a, comment va-t-on justifier maintenant notre taux de salaire minimum plus
élevé? Là-dessus, on aimerait vraiment avoir une
réponse du ministre.
M. Johnson: Bon. Moi, j'aurais rapidement trois choses à
dire et je terminerai avec votre dernière question. Premièrement,
sur la question de la perception, je pense que cela ne demande pas de
pertinence pour vous de soulever le fait que pour ramasser $8 millions, on
dépense beaucoup d'énergie. Je vous poserais une question en
échange. Verriez-vous, par exemple, que le prélèvement
pour la Commission du salaire minimum soit effectué par la Commission
des accidents de travail?
M. Dufour: En principe, non, parce que l'on dit: II faut
absolument que l'État en arrive un jour à diminuer toutes ces
structures administratives, que ce soit la CAT, le "Medicare'...
M. Johnson: C'est cela, mais au lieu d'avoir... En d'autres
termes, la question que je pose c'est: Au lieu de confier à la
Commission du salaire minimum l'identification du bassin des quelque 100 000
employeurs du Québec, avec la paperasserie dont vous parlez pour les
fins de la perception, le suivi de cela, etc., verriez-vous que ce paiement
soit effectué à la Commission des accidents du travail qui a
déjà cette structure sur pied et qu'il y ait des fonds qui soient
versés à la Commission du salaire minimum? (11 heures)
M. Dufour: Est-ce que la CAT serait le bon médium? Je ne
le sais pas. Sur le principe, je serais sûrement d'accord parce que
simplement la structure de prélèvement qui doit être mise
sur pied à la Commission du salaire minimum doit coûter $2
millions ou $2 500 000. Si on a les outils ailleurs pour faire ce même
prélèvement et qu'on peut économiser $2 500 000 ou $3
millions, c'est bien évident qu'on va fonctionner à
l'intérieur de cela. Si vous entrez sur ce terrain, on va vous dire la
même chose pour l'inspection. Pourquoi l'inspection ne serait-elle pas
faite par vos systèmes d'inspection? Vous entrez vraiment dans notre
cheminement et on est d'accord.
M. Johnson: C'est pour cette raison, pour reprendre un autre
aspect de votre mémoire, que la réintégration est faite
devant le commissaire du travail et non pas devant l'inspecteur de la
Commission du salaire minimum, comme vous le suggérez.
M. Dufour: Cela, on l'accepterait, M. le ministre, si vous aviez
une direction générale du travail qui contrôlait les
normes; que la plainte se fasse devant votre commissaire, on serait
d'accord.
M. Johnson: L'autre chose, c'est sur l'application. Finalement,
c'est l'application progressive et cela touche également votre
dernière question. On est bien conscient qu'on arrive avec un ensemble
de normes qui, à certains égards, je dois vous le dire, sont
parfois difficiles à défendre
tellement celui qui vous parle les trouve timides. Je suis bien
prêt à le reconnaître; on ne fera pas une révolution
sociale avec cette loi, il faut être bien conscient de cela.
Une des choses qui nous a retenus, une des choses qui nous a
"timorés", si on veut, à certains égards, c'est le
problème économique qu'il ne faut pas nier là-dedans. Il
ne faut pas se fermer les yeux et faire comme si cela n'existait pas. C'est la
capacité d'imposer un fardeau additionnel à une économie
qui est d'ailleurs majoritairement formée de petites entreprises qui ont
des problèmes de concurrentialité, etc. On est bien conscient de
cela et on a essayé de faire une évaluation économique de
chacune des mesures; dans certains cas, on a des instruments extrêmement
grossiers pour le faire et, dans certains autres cas, on est totalement
dépourvu d'instruments pour le faire. C'est pour cela justement qu'on
introduit un pouvoir réglementaire, par exemple, sur les congés
fériés.
C'est bien clair que, dans sept ou huit ans au Québec, dans les
conditions minimales, il va y avoir plus que trois congés
fériés. Il faut se mettre cela dans la tête, tout le monde.
Quand on regarde la moyenne canadienne dans ce domaine, on peut trouver que
c'est un peu timide cette mesure. Par contre, si on prend l'ensemble des
mesures, c'est vrai que c'est un fardeau pour les entreprises, mais ce pouvoir
de réglementation va nous permettre effectivement d'introduire
graduellement certaines de ces normes.
Quant à la question du congé férié
spécifiquement, à savoir si ce sera le 1er mai ou le premier
lundi de septembre, encore une fois, je pense que c'est une décision
politique. Je peux vous donner mon opinion personnelle là-dessus au
départ. Je pense que ce sera bien difficile, si jamais on a à
édicter qu'il y aura un congé férié ou le 1er mai
ou le premier lundi de septembre, de faire comprendre à des centaines de
milliers de Québécois pour qui c'est une tradition, depuis le
début du siècle, de prendre le premier lundi de septembre que ce
jour ne sera plus un jour férié. Je pense qu'il appartient au
gouvernement d'être capable, une fois qu'il aura pris sa décision,
de la justifier. Cela n'empêche pas que le gouvernement peut avoir des
pressions pour que également le 1er mai en soit un; cela en sera
peut-être un jour, le 1er mai.
Encore une fois, pour les fins d'imposer un nombre de jours additionnels
à l'entreprise, qui se traduit en termes de coût, il faut avoir ce
pouvoir réglementaire. Deuxièmement, quant au choix de la date ou
du jour, je pense que cela relève d'une espèce
d'appréciation, vous me permettrez le terme, sociologique que les hommes
politiques qui sont au gouvernement font de ce qu'est ce jour. Je pense qu'il
faut qu'ils vivent avec cela.
L'autre point que je soulèverais est celui-ci: Verriez-vous qu'au
niveau du prélèvement, on introduise une notion de plafonnement
de la masse salariale pour les fins de la cotisation, encore une fois, des
entrepreneurs, comme cela existe dans le cas de la Commission des accidents du
travail? Il y a un salaire dit assurable dans le cas de la Commission des
accidents du travail, qui est environ $18 000 indexé au salaire
industriel moyen, si je ne me trompe pas. Finalement, on cotise la masse
salariale jusqu'à un maximum de tant. Dans la loi actuelle, avant le
projet de loi no 126, le plafonnement est établi à $8000. Il est
évident qu'il va falloir augmenter cela, mais verriez-vous qu'il y ait
un plafonnement, au départ, et où le situeriez-vous à peu
près?
M. Dufour: Où on le situerait... C'est une autre
affaire.
M. Johnson: C'est une autre affaire; il me semblait! Verriez-vous
qu'il y ait un plafonnement?
M. Dufour: C'est sûrement un élément
important pour nous. Entre un plafond de salaire admissible, comme on l'a aux
fins de la CAT qui est de $20 000, je pense, et 1% de la masse salariale, c'est
le jour et la nuit. C'est un élément qui serait sûrement
important. Mais pour nous, cela va beaucoup plus loin que cela, si vous me le
permettez, M. le Président. L'on dit: Tu ne peux pas cristalliser cela,
a priori. Tu vas prélever auprès d'un groupe ou tu vas demander
à l'Etat parce que dans notre tête cela devrait
émarger au budget de l'Etat l'argent dont tu as besoin pour
rendre les services. Aujourd'hui, il semble que c'est $8 millions. Mais que
sera cette nouvelle Commission des normes du travail? C'est très
difficile, au départ, à établir. Quels sont les services
qu'elle va donner? On parle du fonds de faillite, on lui donne un drôle
de pouvoir au niveau du fonds de faillite, et on ne peut pas marcher
là-dedans actuellement. Vous laissez complètement à la
Commission des normes du travail le soin d'établir toute
réglementation possible au niveau de la faillite. Est-ce que cela va
être $30, $100, $300 par semaine? Aucune idée. C'est bien
évident que l'élément qui permet, dans une loi, de
déterminer où tout le monde s'en va, c'est bon. Mais
préalablement à cela, nous disons, compte tenu de ce que sera
cette commission, compte tenu de ce que sera cette direction
générale, dans nos termes, compte tenu des responsabilités
qu'elle assumera, au niveau de la faillite, notamment, qui est un
problème énorme, on dit: Pourquoi l'Assemblée nationale ne
voterait-elle pas tous les ans le budget de cette commission? Il
découlerait un prélèvement, lequel
prélèvement, si vous optez pour qu'il soit payé par les
employeurs, on n'est pas d'accord et vous le savez, mais il y aura eu au moins
un débat sur cette question. Mais ce serait difficile aujourd'hui de
dire: II faut tant. Est-ce $8 millions, $20 millions qui seront requis pour
cette commission? On ne le sait vraiment pas.
M. Johnson: D'accord. Merci.
Le Président (M. Marcoux): Le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: M. le Président, deux des questions qui ont
été soulevées par le présent mémoire
sont
de caractère plutôt général et touchent
à un point extrêmement important. Le premier d'entre eux touche
à un point extrêmement important, c'est-à-dire la raison
d'être d'une Commission des normes du travail. On aurait pu supposer,
avant d'entendre le ministre tout à l'heure, que s'il avait
présenté un projet de loi de manière à
préserver une structure distincte pour l'administration de cette loi,
c'est qu'il n'osait tout simplement pas abolir un organisme que lui a
légué la tradition, même s'il ne pouvait décrire
aucune espèce de fonction autonome que peut jouer une telle commission.
Et, effectivement, je pense qu'on a pu vérifier que la défense la
plus faible d'un organisme autonome que j'aie jamais entendue de qui que ce
soit c'est le genre d'explication qu'on vient d'entendre.
Malgré tout, on aurait pu aussi supposer que le ministre ne
voulait pas supprimer une commission autonome afin de ne pas s'enlever le
pouvoir de placer un certain nombre de personnes comme membres de la
commission. On sait que cela s'est fait dans le passé. Ce n'est
certainement pas un des fleurons de la Commission du salaire minimum, mais cela
s'est fait avec le nouveau gouvernement, si je comprends bien, puisqu'il y a eu
des nominations, au moins une nomination, de gens qui sont bien connus, au
moins du ministre de la Justice si ce n'est pas du ministre du Travail.
Maïs je ne fais pas l'imputation de motifs aussi déplorables au
ministre.
M. Johnson: Je l'espère!
M. Forget: Je pense qu'il a un autre motif que l'on vient de
découvrir lors de la discussion de ce pouvoir d'imposition. C'est, dans
le fond, une préoccupation qui tient beaucoup plus aux
préoccupations du ministre des Finances qu'aux préoccupations du
ministre du Travail.
On assiste, dans un certain nombre de secteurs gouvernementaux, à
une multiplication rapide des cotisations, des charges spéciales, des
taxes affectées à certains services, et on peut voir que la seule
raison d'être, dans le fond, de la Commission des normes du travail sera
d'aller chercher indirectement ce que le ministre des Finances cherche à
ne pas faire directement, c'est-à-dire aller chercher des revenus
additionnels pour le financement de services qui, essentiellement, devraient
émarger au budget de l'Etat. Le ministre joue un peu sur les mots
lorsqu'il dit qu'il a laissé entendre au sommet de Montebello que ce
sont les entrepreneurs, que ce sont les employeurs qui avaient la
responsabilité d'améliorer les conditions de travail des
travailleurs. C'est évidemment jouer sur les mots, parce que, bien
sûr, c'est à eux que revient la responsabilité puisque
c'est d'eux que les salariés reçoivent leur salaire. Cela peut
difficilement venir de qui que ce soit d'autre. Mais c'est jouer sur les mots;
la vérification ou le contrôle de cette activité, il n'est
pas du tout acquis que ce doit être une responsabilité des
employeurs. Par définition même, puisqu'il s'agit de
contrôle, c'est une responsabilité qui ne peut pas leur revenir.
Il faut bien qu'ils soient contrôlés par quelqu'un d'autre et non
pas eux-mêmes. Donc, ce genre de raisonnement établit assez
clairement que la Commission des normes du travail n'aura aucune espèce
de réalité indépendamment de la volonté
gouvernementale, mais cela fournira une occasion commode pour aller chercher
des revenus que le ministre des Finances est fort aise de ne pas avoir à
aller chercher par des impôts généraux.
J'aimerais dans cette veine-là, M. le Président, demander
à nos invités si les conditions qu'ils énumèrent
dans leur mémoire pour qu'une telle commission soit vraiment
indépendante leur apparaissent vraiment suffisantes et
véritablement de nature à donner une réalité
à la Commission des normes du travail. Quand on dit qu'elle doit
être autonme vis-à-vis du pouvoir politique, ils suggèrent
que ce serait suffisant là-dessus, pour qu'elle soit autonome, qu'elle
puisse faire une analyse des données relatives aux conditions du
travail. C'est peut-être là une des conditions, mais elle n'est
pas nécessairement exclue par la possibilité de financer
n'importe quelle espèce de service de recherche sur les conditions de
travail. Dans le fond, ce qui importe, ce n'est pas tellement de savoir
d'où viennent les données; c'est de savoir ce qu'on fait avec et
avec quel esprit d'indépendance on les évalue, on estime les
besoins d'amélioration de normes ou de décret de nouvelles
normes. Il doit donc y avoir, au niveau de la structure même de la
commission, du mode de nomination, des critères qui doivent être
utilisés pour la détermination des normes, des choses qui
seraient effectivement les points d'ancrage de cette autonomie. Je ne sais pas
si M. Dufour pourrait préciser cela, mais il me semble que c'est absent
de la loi de façon radicale. Tout est laissé au
discrétionnaire. Même si on avait un service de recherche, ce
n'est pas cela qui rendrait autonome la commission en question.
M. Dufour: M. Forget, M. le député, comme on a fait
une recherche là-dessus dès 1974 pour établir vraiment ce
qui, pour nous, était une commission du salaire minimum, je vais
demander à M. Tremblay de rappeler un peu le cheminement qu'on a fait et
qui nous conduit à cette proposition.
M. Tremblay (Jacques): Nous n'avons pas fait en
réalité une proposition définissant les conditions exactes
qui permettraient de réaliser les objectifs que nous définissons
ici pour une commission du salaire minimum ou une commission des normes du
travail. Nous définissons quels seraient les objectifs
idéalement, en quelque sorte, d'une commission autonome. Comme le choix
du projet de loi que nous avons à discuter ici nous met sur une autre
piste, nous n'avons pas cherché à définir quel encadrement
juridique nous permettrait d'atteindre ces objectifs. Vous posez la bonne
question. Comment pourrions-nous obtenir une nomination de membres dans une
telle commission qui assurerait à une telle commission sa
véritable autonomie de pensée, sa véritable
autonomie d'action, qui en ferait un véritable représentant de
ceux qui paient ce service? Nous n'avons pas répondu à cette
question. Nous disons simplement que, si nous voulions atteindre un tel
objectif, il faudrait répondre à de telles questions. En fait,
pour aller jusqu'à définir les conditions qui feraient une
commission des normes du travail conforme à nos objectifs, il aurait
fallu réécrire tout un cadre juridique pour une telle commission.
(11 h 15)
Nous constatons, si on regarde l'historique de la Commission du salaire
minimum, que l'évolution n'est pas allée vers la
réalisation de sa véritable autonomie. De façon
générale, rien, malgré ses 40 ans d'existence, presque,
n'a permis à cette commission de devenir en elle-même un
témoin qui aurait eu une véritable crédibilité dans
les débats sur l'organisation du travail. En réalité, la
Commission du salaire minimum a administré un certain nombre de
règles, mais n'a jamais eu de crédibilité comme telle dans
des dossiers portant sur l'organisation générale du travail.
Cela étant constaté, on est un peu amené à
dire: Au fond, cet idéal d'une commission autonome dans laquelle se
retrouveraient des représentants des parties impliquées
mais par quel mécanisme aurions-nous des représentants des
parties impliquées n'est peut-être pas accessible. C'est
pourquoi nous sommes un peu amenés à revenir à
l'idée de représentation au niveau de l'Assemblée
nationale, au niveau de ceux qui représentent normalement l'ensemble de
la société. Nous ne pensons pas que, dans la complexité
actuelle de la société, il soit tellement facile d'avoir,
à côté de l'organisation qu'est le Parlement, une autre
structure qui pourrait être considérée comme
représentative des diverses parties impliquées. Mais les diverses
parties impliquées, finalement, ce sont tous les mêmes citoyens,
soit à titre d'employeurs, soit à titre d'employés.
Finalement, cet idéal d'une commission qui serait
rattachée aux parties impliquées n'est peut-être pas si
facile à réaliser. Peut-être y a-t-il une
nécessité dans l'évolution historique d'en arriver
à faire de cette commission un organe de l'Etat. Si on arrive à
un tel résultat, quelles que soient les bonnes intentions qu'on peut
reconnaître au législateur de 1940, je pense qu'on doit avoir
l'espèce de réalisme qui dit: Finalement, c'est un organe de
l'Etat; c'est sur un autre ton, sous un autre nom, un service du
ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre. De toute façon,
l'argent de la commission passe au ministère du Travail et de la
Main-d'Oeuvre, sous divers titres dans certains programmes particuliers, et une
bonne part des perceptions ramassées par la Commission du salaire
minimum repasse ensuite au ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre
sous divers services, $2 600 000, je pense, dans le dernier rapport.
Finalement, cette réalité étant là, je pense qu'il
vaut mieux raisonner à partir de cette réalité
plutôt que de chercher une structure idéale qui aboutirait, qui
pourrait répondre aux objectifs difficiles à atteindre qui
étaient peut-être l'intention du légis- lateur en 1940 dans
une société beaucoup moins complexe et vis-à-vis d'une
organisation de l'Etat beaucoup moins complexe.
M. Forget: Je vous remercie. Dans un autre domaine, celui de la
question des travailleurs domestiques, vous avez soulevé, M. Dufour, la
possibilité, mais de façon très générale,
qu'il y ait toutes sortes d'autres règles qui s'appliqueraient aux
foyers qui engagent des domestiques. Si on fait ce précédent
d'inscrire comme employés réguliers les domestiques, à ce
moment-là, les foyers deviennent des entreprises. Pourriez-vous nous
donner une idée des autres restrictions, règlements ou exigences
qui deviendraient applicables aux foyers qui, à ce moment-là,
engagent des domestiques?
M. Dufour: Notre compréhension, c'est que l'article 29
s'appliquerait parce que les foyers deviennent des employeurs. Or, l'article 29
dit: "La Commission peut, par règlement peut, mais elle va le
faire de façon automatique d) rendre obligatoire, pour un
employeur professionnel, un système d'enregistrement de tout travail
qu'elle régit ou la tenue d'un registre où sont indiqués
les nom, prénom et résidence de chacun de ses salariés,
son emploi, l'heure à laquelle le travail a commencé, a
été interrompu, etc.; e) ... lui transmettre à des
périodes qu'elle détermine, un rapport écrit donnant les
nom, prénom et adresse de chacun de ses salariés, etc." Il n'y a
pas d'exclusion. Le cadre familial vient d'être incorporé dans
l'article 29d. Alors, on imagine que tout cela s'applique, à moins qu'on
nous confirme le contraire pour les fins d'application de cette loi. Mais
après, l'employeur en question aura à transiger avec le Revenu
national, le Revenu provincial, la Régie des rentes,
l'assurance-chômage, etc.
M. Johnson: Est-ce que le député de Saint-Laurent
me permettrait d'intervenir là-dessus? C'est peut-être une affaire
d'interprétation des articles 29d et 29e, pour éviter qu'il y ait
un long débat là-dessus. L'article 29e dit bel et bien: "Obliger
un employeur professionnel ou une catégorie d'employeurs professionnels
qu'elle désigne à lui transmettre à des périodes
qu'elle détermine, etc." En d'autres termes, il est très clair
que, dans le cas des domestiques, ce qu'on veut faire, c'est pouvoir les
assujettir à un régime qui permette qu'ils ne soient pas dans des
conditions d'exploitation qui sont inacceptables, comme cela peut exister dans
certaines catégories d'employeurs qui utilisent les services de
domestiques.
Cependant, il n'est évidemment pas de la volonté et de
l'intention du gouvernement de faire en sorte qu'on transforme tous les foyers
au Québec en employeurs au sens de la loi, qui remplissent des
formulaires en 14 copies, qui transigent quotidiennement avec les organismes
d'Etat avec les mêmes ennuis que vous avez, vous autres, dans
l'entreprise. Je pense que les citoyens ont déjà assez d'autres
choses à endurer et qu'il y a déjà assez d'une
catégorie de citoyens corpo-
ratifs qui s'appellent les entreprises qui le subissent qu'on n'est pas
obligé de l'imposer aux foyers en plus. Mais, encore une fois, il s'agit
clairement d'affirmer qu'il y aura un régime pour les domestiques parce
qu'on veut les couvrir et les protéger à certains égards.
D'autre part, on veut faire en sorte par l'article 29e il y a
peut-être un problème de rédaction de l'article 29d
qu'on puisse quand même ne pas assimiler constamment les employeurs
à la maison à la catégorie des employeurs professionnels
pour les fins de production de rapports.
M. Dufour: M. le ministre, si vous me le permettez, ce que vous
dites, c'est pour ce que vous, vous contrôlez comme ministre du Travail.
Mais vous ne pouvez pas contrôler toutes les autres formules qui vous
échappent et qui devront être remplies parce qu'il aura à
en produire à l'impôt, il aura à en produire à la
Régie des rentes, etc. Il y a toute cette dimension qui vous
échappe. Même si vous le faites par règlement et que vous
le rendez très souple et je pense qu'il le faudra; sans cela, ce
sera impossible du fait de le reconnaître comme un employeur dans
ce cadre, vu que toutes les autres législations vous échappent
il sera assujetti à cela.
M. Forget: M. le Président, puisque je suppose qu'il
s'agissait d'une parenthèse qu'a ouverte le ministre, il reste que ce
n'est pas suffisant, encore une fois, d'affirmer qu'il y aura des
rédactions nouvelles dans tel ou tel règlement. Il reste que le
principe même de chercher à protéger certaines
catégories de personnes, comme les domestiques, par une loi qui est
essentiellement faite pour suppléer à la carence d'une convention
collective dans des relations entre un employeur et les employés pose un
très grand nombre de questions. On peut s'interroger même du point
de vue des domestiques eux-mêmes, à savoir si la situation nette
qui sera la leur une fois toutes ces lois appliquées à leur
situation particulière sera plus avantageuse que celle qui
prévaut actuellement.
On n'a qu'à penser justement, pas simplement du point de vue de
l'employeur, mais du point de vue de l'employé, à ce qui lui
restera comme salaire net une fois qu'il aura fini de verser toutes les
contributions. Le ministre peut bien dire: Toutes ces lois sont faites pour
s'appliquer également aux domestiques. Sans aucun doute, mais on n'a pas
besoin de se faire de cachette. Entre nous, je pense bien que tout le monde
sait que le travail domestique en particulier est largement en marge du
fonctionnement économique ordinaire, du statut de salarié
ordinaire, ce qui fait que la plupart des domestiques ne paient pas
d'impôt, par exemple. Si on doit les assujettir à toutes ces lois,
à toutes ces réglementations, les faire entrer dans le
réseau économique régulier et ordinaire, ils vont se
retrouver avec un résidu qui va être inférieur, dans la
plupart des cas, à ce qu'ils ont dans le moment. Dans bien d'autres cas,
on va rendre impossible parce que déraisonnablement onéreux,
l'emploi de domestiques puisqu'il y a bien peu de personnes, il y a bien peu de
foyers au Québec qui peuvent payer l'équivalent des quelque $200
bruts qui seront nécessaires pour payer toutes les cotisations à
tous les régimes, les impôts, etc., et rester avec un salaire net
qui est décent.
Je pense que c'est toute la philosophie de protéger un groupe de
gens qui peuvent être mieux protégés par d'autres
législations. Je rappellerais au ministre que, dans certaines
juridictions, dans certains pays qui sont parmi les plus progressistes, il
n'existe même pas de législation sur le salaire minimum parce
qu'on juge que d'autres mécanismes sociaux sont plus efficaces pour
protéger les travailleurs, même ceux qui sont au bas de
l'échelle des revenus.
Quel que soit le jugement qu'on peut porter là-dessus et
ce n'est peut-être pas transférable au Québec, de toute
manière il reste que vis-à-vis de la mam-d'oeuvre
domestique, le programme, par exemple, qui est annoncé pour
dépôt dans quelques jours par le gouvernement d'un revenu minimum
fait que cela établit un plancher en dessous duquel une
rémunération nette ne peut pas tomber. Il faut voir justement si,
appliqué aux travailleurs seuls, sans familles, qui ne sont pas soutiens
de famille, ce plancher n'est pas suffisant pour garantir une protection
adéquate, c'est-à-dire essentiellement donner une alternative
adéquate sans soumettre tout le monde à des tracasseries et
à des charges fiscales qui s'appliqueraient même aux domestiques,
ce qui ferait que leur situation serait pire à la fin que celle qu'on
veut corriger initialement
M. le Président, je pense que, de ce côté, il serait
facile de dire, et sans exagérer, qu'une réglementation comme
celle-là éventuellement ne pourrait être envisagée
que si le gouvernement voulait non pas tellement protéger les
travailleurs domestiques, mais s'assurer qu'il détient une espèce
de levier pour rendre applicables de façon efficace les lois de
l'impôt. C'est un peu une autre façon, dans le fond,
d'étendre l'application des lois de l'impôt indirectement, alors
qu'on n'a pas, dans ce secteur, réussi à le faire directement. Je
pense que c'est un objectif fiscal beaucoup plus qu'un objectif social que le
gouvernement pourrait poursuivre par cette mesure, et que les questions qui
sont posées dans ce mémoire-ci, mais dans un tas d'autres,
relativement à cette question, méritent énormément
d'attention de la part du gouvernement.
Pour ce qui est des autres remarques, M. le Président, qui sont
contenues dans le mémoire du Conseil du patronat, je pense qu'on a
déjà eu l'occasion, lors de l'audition d'autres mémoires,
de souligner qu'il nous apparaît également que les articles 36 et
37, de même que l'article 86 dans sa formulation actuelle qui permet
d'exempter à peu près n'importe qui, n'importe quoi par
catégories ou généralement de l'application d'une loi,
dans le fond qui permet d'abroger la loi sélectivement pour des
catégories non spécifiées d'avance, c'était un abus
du pouvoir réglementaire. Cela devrait être retranché. De
toutes manières, la flexi-
bilité légitime que peut rechercher le gouvernement dans
la modification des taux de salaire minimum et même dans la
spécification d'un certain nombre de normes additionnelles au niveau des
congés, etc., n'a pas du tout besoin d'une espèce de
pléthore de pouvoirs réglementaires qu'on retrouve
dispersés un peu partout dans le cadre du projet de loi.
Je précise cela parce que le ministre va certainement vouloir
argumenter qu'il a besoin de cette flexibilité, et je pense que cela a
été admis par le groupe qui est devant nous et par d'autres
groupes également. Il y a besoin de flexibilité et on n'est
certainement pas, du côté de l'Opposition, pour condamner l'effort
pour insérer un certain degré de flexibilité dans des
règles où on doit tenir compte de la situation économique,
de la possibilité de compenser une augmentation moindre du taux par une
augmentation des congés, etc., un certain nombre de facteurs qui sont
présents, sans aucun doute, dans l'esprit du ministre. Par contre, cela
doit être strictement limité aux occasions où une
flexibilité est essentielle et ne pas s'étendre indûment
à tous les autres aspects de l'application de la loi. Autrement, on
légifère pour rien, étant donné qu'on pourra demain
suspendre par règlement une loi qu'on aura votée à
l'Assemblée nationale après consultations, débats
prolongés, avis à toutes les parties. Ce n'est sûrement pas
l'intention du ministre, dans le moment. Je pense que c'est mis par
excès de précaution et de prudence de la part des
rédacteurs, et il y aurait intérêt à réviser
de façon très sévère l'ensemble de ces pouvoirs
réglementaires. C'est tout, M. le Président. Je remercie nos
invités de leur présentation.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Johnson, est-ce que vous avez des commentaires?
M. Bellemare: Oui, certainement.
Le Président (M. Marcoux): Un instant.
M. Bellemare: Depuis que j'ai entendu le ministre parler de
timoré, je ne pense pas que ce soit son cas. Il ne me fait pas
l'impression d'être un homme timoré du tout. Au contraire, je
pense qu'il a envisagé le problème dans son ensemble et il va
selon les conditions psychologiques de la situation économique qu'on a
actuellement. Dans trois ans, dans deux ans, il aura passé son
état de timoré pour devenir peut-être plus réaliste
dans certains domaines. (11 h 30)
D'abord, je voudrais vous féliciter, messieurs du patronat,
d'avoir si bien étayé votre base de discussion sur cette loi.
Vous ressentez sûrement, comme plusieurs autres, notre
appréhension sur les articles 36 et 37, quand on parle d'urgence,
d'intérêt public; le règlement sera valide même s'il
n'y a pas de publication. Je pense que nous sommes d'accord depuis longtemps
sur ce trop qui est dans la loi; les articles 36 et 37 donnent au gouvernement
un pouvoir assez extraordinaire, sans au préalable avoir les
consultations requises.
On arrive demain matin, particulièrement sur la loi 126, aux
articles 123 et 124 comme vous l'avez défini, au chapitre des faillites;
il est marqué que la commission peut pas doit faire un
règlement comme conséquence de la faillite d'un employeur. Mais
quels sont les règlements qui vont être édictés,
quelles sont les possibilités de 0,1% à 1% selon la loi qui est
là? Rien ne nous dit qu'il n'y aura pas un tarif spécial pour les
faillites. On ne le sait pas. Dans la loi, lorsqu'une ordonnance de
séquestre est rendue, comment va-t-on l'établir? Aussi, lorsqu'on
fait une cession au sens de ladite loi et, troisièmement, lorsque
l'ordonnance de liquidation est rendue contre une corporation. Ce sont encore
des choses qui vont nous être données par règlements qu'on
ne connaît pas qu'on ne peut pas prévoir, elles ne sont pas dans
la loi, et qui seront discrétionnaires. On ne pourra pas
jusque-là voir véritablement quelles sont les
responsabilités des employeurs vis-à-vis de l'employé.
Vous avez ajouté, à un moment donné, dans votre
mémoire, que vous n'étiez pas responsables des employeurs puisque
ce n'est pas un service rendu aux employeurs. C'est dans votre mémoire,
et je pense que l'employeur est conscient depuis 40 ans de sa
responsabilité vis-à-vis de l'employé. On change les
normes, on change la structure de la Commission du salaire minimum, mais vous
avez vécu avec cette commission depuis 40 ans. Vous avez prévu
depuis 40 ans les possibilités d'avoir des griefs, tout cela,
d'être appelés à vous défendre si vous ne respectez
pas au moins le précis qui est dans la Loi du salaire minimum. Je ne
comprends pas pourquoi vous dites aujourd'hui, en 1978, que ce n'est pas votre
responsabilité, les employeurs. Vous ne dites pas que ce n'est pas votre
responsabilité, vous dites: Un tel service soit assumé par les
employeurs puisque ce n'est pas un service rendu aux employeurs. Ecoutez, la
logique en 1978 me semble manquer d'aplomb.
Il y a une autre chose sur laquelle je voudrais attirer votre attention,
c'est que j'aimerais bien connaître, vous qui êtes présents
dans bien des comités paritaires, quel sera l'impact des futures
relations des comités paritaires avec la Commission des normes du
travail. J'aimerais bien connaître cela, parce qu'à mon sens les
comités paritaires vont disparaître. C'est une institution qui est
chez nous dans notre législation présentement qui fait d'immenses
progrès et qui rend d'immenses services. Mais, par l'imposition des
nouvelles normes qui sont des normes du travail fixées par la loi, je
pense que le comité paritaire va perdre beaucoup de sa force, qu'il va
se disloquer.
Une autre chose vous prenez des notes, je suppose, je n'ai pas
besoin de vous dire cela, je sais qu'ils en prennent je voudrais
simplement attirer l'attention du ministre sur l'immunité des membres de
la commission. Il y a les articles 22 et 23 qui en traitent. Elle sera une
corporation civile ayant les pouvoirs, les droits et les privilèges
d'une corporation civile ordinaire. D'accord. Qu'est-ce que vous faites des
droits acquis? Ce n'est pas à
vous que je demande cela, je demande cela au ministre. Qu'est-ce que le
ministre fait des droits acquis? Est-ce qu'il reconnaît les droits acquis
de ceux qui sont là présentement? Est-ce qu'il se garde une
provision spéciale pour dégommer, comme on dit, certaines gens
dont la figure ne lui irait pas? Je ne pense pas que ce soit cela. Le ministre
est bien trop...
M. Johnson: Si vous ne le pensez pas, ne le dites pas.
M. Bellemare: Je ne le pense pas, mais je voudrais vous avertir
que j'ai une "susceptibilité" qui me laisse peut-être...
M. Chevrette: Une suspicion.
M. Bellemare: ... certains doutes; j'ai le droit de les exprimer.
En démocratie, je sais que, quand on a le pouvoir, on peut faire bien
des choses.
M. Johnson: Est-ce l'ancien président de la Commission des
accidents du travail qui parle?
M. Bellemare: Non, parce que je n'ai pas été
longtemps là. Le peu de temps que j'y ai été, j'ai fait
bien du bien. Si vous voulez relever les assemblées...
M. Johnson: Je l'espère.
M. Bellemare: Oui, beaucoup de bien et j'ai rarement coupé
des têtes. Rarement. Il y en a une pour laquelle c'est vous qui avez pris
la responsabilité de le faire...
M. Johnson: Vous auriez peut-être dû, dans certains
cas.
M. Bellemare: ... chose que j'avais, depuis longtemps, le
goût de faire, mais que je n'ai pas faite. C'est vous qui l'avez
fait.
M. Johnson: Je vous remercie.
M. Bellemare: A cause de la question que j'ai posée au
feuilleton, le lendemain matin, il y avait la lettre de démission du
gars. J'ai remarqué cela, aussi.
Quant à ces droits privilégiés, ces droits acquis
en vertu de la Loi de la fonction publique, je tiens à le dire, je n'ai
personne à protéger, mais je serais heureux si le ministre nous
faisait un commentaire sur l'avenir de ceux qui ont servi pendant des
années la Commission du salaire minimum. Dans le mémoire, il est
dit ceci: "Cela étant, nous n'admettons pas que le législateur
prévoie pour les administrateurs de cette commission une sorte
d'irresponsabilité." C'est attirer l'attention du législateur sur
le fait que ce serait inadmissible pour les gestionnaires d'une corporation
civile ordinaire. Ceux qui ont bien servi à ce jour méritent
sûrement au moins l'appréciation de ceux qui vont parfaire le
comité, la nouvelle commission paritaire.
Je passe maintenant aux congés fériés, M. Dufour.
Vous avez parlé du premier lundi de septembre avec la fête du
travail, ou la fête des travailleurs du 1er mai. Est-ce qu'on n'aura pas
aussi, avant longtemps, le "Yom Kipicour".
M. Johnson: Le Yom-Kippour. M. Bellemare: L'Om Kippour? M.
Johnson: Yom-Kippour.
M. Bellemare: Y-o-m-K-i-p-p-o-u-r, est-ce cela?
M. Johnson: Oui.
M. Bellemare: Bon. Est-ce qu'on n'aura pas cela bientôt?
Peut-être...
M. Johnson: C'est la fête annuelle des Juifs. Une Voix: Le
Jour de l'Expiation hébreu.
M. Bellemare: C'est le jour des Hébreux et Dieu sait
combien il y en a dans la petite et la moyenne entreprise! Je ne le sais pas,
mais je pense que cela pourrit être un jour qui retienne l'attention du
ministre.
En terminant, M. le Président, je sais que M. Dufour va me donner
certaines explications quant à l'application de la Loi sur la faillite,
quant à l'application du 1% prévu dans la loi. On peut aller
jusqu'à la limite de 1% alors qu'actuellement on a 0,1%. Comme vous le
dites, vous avez fait des chiffres. Vous dites que c'est peut-être de
l'ordre de $200 millions, mais je ne pense pas que le ministère aille
jusque là. Dans la Loi sur la faillite, tout reste possible pour
l'imposer aux employeurs.
M. Johnson: C'est fédéral.
M. Bellemare: La loi est fédérale. Je sais que la
loi est fédérale. La Loi sur la faillite est sous la
responsabilité du gouvernement fédéral et Dieu sait,
même si c'est fédéral, combien il y en a dans la
province!
M. Johnson: C'est votre meilleure de la matinée! Cela en
relève pas mal d'autres.
Une Voix: Vous ne vouliez pas le dire comme ça?
M. Johnson: C'est toujours à cause du
fédéral, comme vous le savez.
M. Bellemare: Je l'attendais depuis longtemps,
celle-là.
Le Président (M. Marcoux): Avez-vous des commentaires, M.
Dufour?
M. Johnson: Sur quoi, au. juste?
M. Dufour: Sur les congés fériés, je vais
passer vite parce que c'est justement ce qu'on
pose comme problème: Quel sera le choix de ces congés
fériés?
Sur les comités paritaires, ils sont exclus du
prélèvement, tout comme les entrepreneurs assujettis à la
loi 290. Ce que vous soulevez au niveau du rôle à venir des
comités paritaires pour nous est préoccupant. C'est un dossier,
d'ailleurs, qu'on discutera éventuellement avec le ministère du
Travail parce que c'est vrai que c'est un dossier préoccupant.
J'aimerais plutôt retenir vos deux commentaires, celui sur le
prélèvement et celui sur les faillites. Sur le
prélèvement, vous dites: Parce que c'est là depuis 40 ans,
cela doit demeurer à peu près comme c'est aujourd'hui.
Evidemment, ce n'est pas notre approche. On a bien dit tantôt qu'en 1941,
quand ce mode de prélèvement a été trouvé,
cela s'adaptait à la situation; il y avait de nouveaux organismes de ce
type qui étaient mis sur pied et il fallait trouver une formule, on a
trouvé celle-là.
Entre-temps, depuis 40 ans, pour d'autres services de contrôle,
d'autres services d'inspection je vourais en nommer un que vous avez
bien connu, le service de contrôle et d'inspection au ministère du
Travail sur les établissements industriels et commerciaux, par exemple
cela n'est pas assumé par les employeurs, c'est assumé
directement par l'Etat. Dans les autres provinces...
M. Johnson: Ils sont obligés de payer des honoraires
d'inspection.
M. Dufour: Le service comme tel...
M. Bellemare: La Commission du salaire minimum verse aussi au
ministère du Travail $2 millions par année pour payer les
commissaires et ces choses-là. Chose certaine, c'est recevoir d'une main
et obliger le contribuable, l'employeur à payer au ministère des
choses qu'il va chercher indirectement, mais qui ne paraissent pas au
budget.
M. Dufour: C'est cela. Alors, il faudrait continuer, M.
Bellemare; vous nous donnez parfaitement raison.
M. Bellemare: Oui, d'accord, et je pense que sur cela je vous
donnerais raison en plus!
M. Johnson: Je ne suis pas sûr que cela soit un bon
point!
M. Bellemare: Un instant! Vous avez votre barque et j'ai la
mienne.
M. Dufour: Dans l'article 21a, M. Bellemare, on établit
justement que tout ce qui s'appelle services du droit d'accréditation au
ministère du Travail est payé à partir de la Commission du
salaire minimum, $2 500 000. Pourquoi les employeurs paient-ils cela? Pour des
accréditations syndicales. Cela n'a rien à voir avec notre
rôle! On dit: S'il y a un service d'inspection au ministère du
Travail qui contrôle les entreprises, pourquoi, au niveau du
contrôle des normes du travail, ne serait-ce pas au niveau du
ministère? Je pense qu'il faut le reconnaître: le service qui est
donné, dans l'application des normes, n'est pas un service aux
entreprises. Ce n'est même pas un service; elles vont être
pénalisées. Elles vont payer l'amende si elles n'ont pas
respecté la loi. C'est un service aux employés et, dans ce
sens-là, cela doit émarger à l'Etat.
M. Bellemare: La peur est le commencement de la sagesse.
M. Johnson: Est-ce que le député de Johnson me
permettrait? C'est juste parce que, dans le fond, les employeurs paient aussi
pour les services de la police de la Communauté urbaine de
Montréal. Je ne tiens pas pour acquis que les employeurs sont des gens
qui font des infractions au Code criminel! Cela peut arriver.
M. Dufour: Tout comme on paie des impôts! Partout, c'est un
service à la population. De toute façon, la question de la
faillite, c'est aussi très préoccupant. Vous avez remarqué
tantôt, dans notre présentation liminaire, que nous avons fait une
référence à Montebello sur cette question très
précise. Certaines centrales syndicales sont arrivées avec une
caisse de stabilisation de l'emploi. Nous avons suggéré un fonds
de licenciement collectif. Par définition, notre fonds de licenciement
collectif met en cause et la caisse d'assurance-chômage et les plans qui
existent déjà dans l'entreprise, parce qu'il y a toute une
série de plans dans l'entreprise au niveau des licenciements collectifs.
Vous avez des demandes sectorielles et ici on arrive avec un fonds de faillite
dont on ne connaît justement pas les coûts. Le rapport Castonguay
évaluait à peu près à $2 millions le coût
d'application de cette dimension. Quand on parle avec le surintendant des
faillites à Ottawa, M. Landry, ce n'est plus du tout le même ordre
de grandeur. Alors, vraiment, on ne sait pas où on en est. Ce matin,
contrairement peut-être à ce qui était dans notre
mémoire où on interrogeait le pouvoir administratif qui
était laissé à la Commission du salaire minimum, on va
beaucoup plus loin. On demande le retrait de ces articles parce qu'on ne peut
pas purement regarder le problème des faillites lorsqu'on parle
aujourd'hui sur la place publique de fonds de licenciement collectif et que
tout le monde semble être d'accord pour plonger vraiment dans ce dossier.
Il faut agencer cela avec la caisse d'assurance-chômage, il faut agencer
cela avec la loi fédérale des faillites qui va payer finalement
parce qu'actuellement la caisse d'assurance-chômage, c'est
moitié-moitié ou à peu près. Alors, je pense que ce
matin on prend une position. Le dossier est vraiment sur la place publique. Ce
n'est pas mûr et il faudrait vraiment retirer ces articles du projet de
loi.
M. Bellemare: M. Dufour, j'ai deux questions
supplémentaires à vous poser et j'aurai terminé. La
première: Est-ce que le père de famille qui a une bonne est
assujetti à la Loi des accidents du travail, puisqu'il est
employeur?
M. Dufour: Je pense que, dans la loi 114 que vous avez
débattue à l'Assemblée nationale en décembre, le
conjoint et les enfants sont les seules exceptions. Je pense que la bonne
serait couverte par la Loi des accidents du travail, d'après la loi 114
de décembre.
M. Bellemare: Donc, l'employeur... M. Johnson: Elle ne
l'est pas.
M. Bellemare: Elle n'est pas couverte par la loi 114? Il devient
employeur.
M. Johnson: Pour les fins de la Commission des accidents du
travail, elle ne l'est pas.
M. Bellemare: Vous êtes sûr de cela? M. Johnson:
Sûr de cela.
M. Dufour: II faudrait vérifier. (11 h 45)
M. Bellemare: Bonne question. Deuxième question: Vous
dites dans votre mémoire que la Commission des normes devrait chercher
à établir la création d'une commission spéciale,
d'un tribunal spécial, si j'ai bien compris. Vous dites: Pour que la
création de la Commission des normes soit justifiée, la loi
devrait chercher à réaliser le conditions suivantes: Que la
commission soit autonome vis-à-vis du pouvoir politique. Très
bien. Que les parties impliquées par les décisions de la
commission puissent se faire entendre. Troisièmement, que l'arbitrage
final par le pouvoir exécutif soit exceptionnel et toujours publiquement
expliqué.
Est-ce qu'il n'existerait pas une formule plus simple de
référer cela au Tribunal du travail?
M. Dufour: Nous...
M. Bellemare: Le Tribunal du travail est d'abord apolitique. Tout
le monde le sait. Il entend, par les commissaires ou ceux qui sont en charge de
certains griefs, toutes sortes de griefs. Il les rend publics parce qu'il
entend les parties. Sa vocation, comme Tribunal du travail, ne sera-t-elle pas
véritablement atteinte par le fait même?
M. Dufour: Non. Le Tribunal du travail a un rôle
judiciaire, alors qu'ici on parle vraiment d'une commission administrative.
Cela nous amène à soulever un point qui est d'ailleurs dans notre
mémoire, mais qui n'a pas été débattu ce matin,
c'est qu'il n'y a pas de possibilité d'appel des décisions de la
commission, dans le projet de loi 126. Donc, il devrait y avoir une
possibilité d'appel ou probablement devant le Tribunal du travail, mais
le rôle...
M. Bellemare: II peut en avoir devant les
commissaires-enquêteurs.
M. Dufour: Pour un cas très précis...
M. Bellemare: Oui.
M. Dufour: ... mais à votre question, non. Je pense qu'il
ne faut pas confondre le Tribunal du travail avec le rôle administratif
qu'on entend confier à cette commission. Nous sommes d'accord avec vous
pour l'intégrer quelque part au ministère du Travail, mais dans
une direction générale des normes.
Le Président (M. Marcoux): Y a-t-il d'autres membres de la
commission qui veulent poser des questions ou faire des commentaires?
Alors, je vous remercie, au nom de tous les membres de la commission, de
votre participation aux travaux de cette commission.
M. Johnson: Merci, messieurs.
Le Président (M. Marcoux): J'inviterais maintenant
l'Association des manufacturiers de mode enfantine à venir nous
présenter son mémoire. Me Louis Orenstein. Mémoire no
10.
Association des manufacturiers de mode
enfantine
M. Orenstein (Louis): Nous tenons pour acquis que notre
mémoire amendé a été distribué. Pour
commencer, nous devons déclarer qu'en général nous
acceptons la philosophie de la loi no 126. La justice naturelle exige qu'on
accorde et qu'on protège les congés de maternité, le
salaire en cas d'insolvabilité de l'employeur professionnel, les
congés de deuil, une troisième semaine de vacances, des jours
fériés payés et les autres mesures sociales qui se
trouvent dans le projet de loi 126. La question peut se poser: Est-ce qu'on est
venu de Montréal pour vous dire que c'est une bonne philosopie ou
sommes-nous ici pour avoir des explications? On doit vous dire que nous sommes
ici plutôt...
M. Bellemare: Est-ce que vous êtes accompagné de
M...
M. Orenstein: Ah! Excusez. M. Covit, l'ancien président de
l'association.
M. Bellemare: M. Covit?
M. Orenstein: M. Peter Covit, ancien président de
l'association et maintenant président du comité de travail.
Nous sommes ici pour soulever certaines questions qui ont même
été discutées ce matin en grande partie. L'association
citée en rubrique est composée de fabricants de vêtements
pour enfants jusqu'à la taille 14X, c'est-à-dire les
vêtements des enfants qui sont à l'école. Ce sont des
fabricants qui emploient entre 2 et 100 salariés, avec une moyenne
d'environ 40 à 50. Il est bien évident que ce n'est pas une
industrie embauchant plusieurs centaines de salariés dans chaque
usine.
Le projet de loi proposé impose un fardeau sur les épaules
des petits fabricants qui ont déjà de la difficulté
à cause de la grande concurrence des importations et aussi à
cause de la différence qui existe entre le taux minimal du Québec
et celui de l'Ontario, quoique nous acceptions, je dois vous le dire, la
proposition selon laquelle chaque salarié a le droit de toucher un
salaire qui lui permette de vivre; on accepte ce principe. C'est bien connu que
selon la loi de l'Ontario, depuis le 1er janvier 1979, le salaire minimum est
fixé à $3 l'heure et selon celle du Québec il est
fixé à $3.37 jusqu'au 31 mars 1979 et à $3.47 dès
le 1er avril 1979. Encore, on ne se plaint pas. Nous ne sommes pas d'accord sur
le fait que les règlements, tels que mentionnés à
l'article 29 du projet de loi 126, soient déterminés par la
commission. Ce sont les députés élus par la population
québécoise qui représentent la population
québécoise; pas ses fonctionnaires. C'est à nos
députés et aux ministres qu'appartiennent le droit et
l'obligation de faire adopter les lois, les règlements et d'imposer les
taxes. Je ne veux pas souligner encore cet article parce qu'on en a
discuté longuement avec la CSN la dernière fois que nous sommes
venus ici et on le fait avec le Conseil du patronat du Québec
aujourd'hui. Alors, je le mentionne seulement parce que c'est indiqué
dans mon mémoire.
L'article 48 du projet de loi peut créer des difficultés.
Chez les petits fabricants, il arrive de temps en temps qu'un salarié
doive faire un emprunt. N'oubliez pas que j'ai déjà
souligné que nous n'avons pas trop de salariés pour cette
industrie dans chaque usine. Une relation étroite existe entre
l'employeur et les employés. Il arrive assez souvent qu'il y a de la
misère dans la famille; on cherche alors à emprunter. Comme il
existe une relation assez étroite entre le propriétaire et le
salarié, ce dernier approche le propriétaire et lui demande s'il
peut lui emprunter, disons, $200. Le propriétaire lui prête ladite
somme de $200 sans intérêt et le salarié signe une
autorisation au propriétaire lui permettant de déduire $10 par
semaine je prends un chiffre comme exemple de son salaire
même. Si le deuxième paragraphe de l'article 48 reste en force et
que le salarié peut révoquer cette autorisation en tout temps, il
est bien évident qu'il ne sera plus en mesure d'emprunter cet argent. En
fait, le salarié sera obligé d'emprunter cet argent soit d'une
caisse, soit d'une banque, soit d'une maison de finance et il paiera un
intérêt assez élevé. Nous tenons donc à ce
que cet article soit amendé, c'est-à-dire le deuxième
paragraphe.
Il y a un deuxième fait qui est important. Suivant l'article 553
du Code de procédure civile, au sous-article 9, suivant la loi, un homme
marié ayant deux enfants se voit accorder une exemption de $60 par
semaine. Pour ce qui est du surplus, son salaire est saisissable à 70%.
Alors, s'il y a une saisie-arrêt par tiers et que le salarié gagne
$200 par semaine, le montant de $140 est saisissable jusqu'à 70%,
c'est-à-dire qu'il y a une déduction de $98, ce qui laisse au
salarié visé la somme de $102 par semaine pour faire vivre sa
femme et ses enfants. Il est certain qu'il lui est impossible de gagner sa vie.
D'ordinaire, ce qui arrive, c'est que l'employeur remet la saisie à son
avocat qui, par la suite, prend des arrangements avec l'avocat de la
demanderesse pour déduire un montant beaucoup plus équitable. Le
salarié signe une autorisation à son employeur pour qu'il
déduise, disons, $20 par semaine et qu'il remette cette somme à
l'avocat qui a engagé la cause. Si le salarié peut retirer son
autorisation de par l'article 48, les arrangements ci-haut mentionnés ne
seront plus faits parce que l'employeur peut se retrouver dans la position
suivante: il aurait entrepris de faire la déduction, mais le
salarié lui retirerait son consentement.
L'article 57 ne prend pas en considération la force majeure.
Disons que le salarié est censé commencer son travail à
huit heures le matin et qu'à sept heures du matin il y a une panne
d'électricité, une inondation ou un feu. Il est donc impossible
pour le salarié de commencer son travail à huit heures le matin.
Est-ce que la petite entreprise doit subir une perte de salaire encore et payer
trois heures de travail à chaque salarié?
L'article 58 doit être étudié en même temps
que l'article 78. D'ici quelque temps, à Montréal, il y aura des
discussions entre les syndicats et les employeurs afin d'adopter une
cédule de quatre jours de travail de dix heures par jour. Je dois vous
dire que c'est à l'essai maintenant et même nous sommes en train
de négocier une convention où la demande a été
faite pour quatre jours de dix heures. Aussi, à Montréal, il y a
certaines conventions collectives qui fixent les heures de travail pour la
deuxième équipe à quatre soirs par semaine de dix heures
par soir. Alors c'est bien facile de fixer les heures de travail de 7 heures du
matin à midi et de 13 heures à 19 heures le soir. Mais assez
souvent, les salariés préfèrent prendre une demi-heure
pour le lunch et terminer leur journée de travail une demi-heure plus
tôt, c'est-à-dire à 18 h 30. Pour ceux qui travaillent le
soir, c'est encore plus avantageux; ils peuvent quitter le travail une
demi-heure plus tôt.
Si l'article 58 demeure tel quel dans le projet de loi no 126, la
période de repos de quinze minutes au cours de l'après-midi
n'interrompt pas les cinq heures consécutives de travail. Cela
n'interrompt pas, c'est-à-dire que cela doit être pris comme du
temps travaillé. Puis nous sommes en face d'un autre problème. Si
l'article 78 reste tel quel, c'est dire que le salarié qui termine les
cinq heures consécutives de travail dans l'après-midi où
leur équipe doit avoir encore une demi-heure payée ou une heure
non payée, qu'après avoir terminé le travail, si le projet
de loi reste tel quel, il a travaillé cinq heures dans
l'après-midi et doit donc rester encore une demi-heure ou une heure
avant de partir. Nous ne croyons pas que ce soit là l'intention ou
l'esprit de la loi.
Les articles 59 et 64 sont en conflit avec la loi 48, articles 4, 5 et
6. Aux articles 59 et 64 du projet de loi no 126, on exige que le
salarié ne soit pas absent du travail sans l'autorisation de l'employeur
ou sans raison valable la veille ou le
lendemain de ces jours. Cela existe dans le projet de loi no 126 mais
n'existe pas dans la loi 48. Est-ce que c'est l'intention du projet de loi no
126 de modifier la loi 48? Dans la loi 48, il n'est pas nécessaire
d'être présent le jour avant ou le jour après. Alors, il y
a un conflit entre la loi 48 et le projet de loi no 126.
L'article 68 du projet de loi no 126 a du sens. Nous sommes d'avis qu'un
salarié qui travaille pour la compagnie pendant dix ans doit avoir une
troisième semaine de vacances. Cependant, comme le taux minimum a
déjà été augmenté de $0.20 l'heure durant la
dernière année et comme nos taux minimaux sont déjà
les plus élevés au Canada, nous sommes d'avis que ce
bénéfice d'une troisième semaine doit être
retardé pour une période de deux ans afin de donner la chance aux
employeurs d'intégrer la dernière augmentation de $0.10 qui doit
entrer en vigueur le 1er avril 1979.
L'article 73 peut causer un embêtement, même aux
salariés. Disons qu'un salarié doit s'absenter pour une
période de six mois à cause de maladie; l'employeur sera tenu de
lui payer soit 4% ou 6%, ou deux ou trois semaines de salaire, celui des deux
qui est le plus élevé. La question qui m'inquiète, c'est:
Est-ce que ce même employeur ne peut pas congédier cet
employé en disant: Je ne veux pas attendre six mois avant votre retour
et cela parce qu'il veut épargner la différence? Je pense bien
qu'il y a quelque chose qu'il faut considérer là-dedans, bien
soigneusement.
L'article 81 peut causer des problèmes. D'ordinaire, si le
salarié est congédié, le propriétaire paie au
salarié une semaine d'avis sans obliger le salarié à
travailler cette semaine parce qu'il craint que le salarié cause des
dommages à la machinerie ou à la production. N'oubliez pas qu'on
parte toujours non pas de Pratt and Whitney, non pas de United Steel Company of
Canada, on parle de petits patrons. Je n'aime pas le mot patron, disons
employeur. (12 heures)
Alors, il peut y avoir un problème social qui découle d'un
avis de deux semaines. Si la loi l'oblige à payer deux semaines, c'est
bien entendu qu'il ne paiera pas sans être obligé de continuer son
travail pendant deux semaines. Nous sommes d'avis que cela peut créer
des difficultés et des chicanes inutiles. Les articles 93 et 94 ont du
sens et nous sommes d'accord que celui qui va dans l'entreprise totalement ou
partiellement soit responsable conjointement et solidairement des
réclamations découlant de la loi 126. Mais n'est-il pas
insensé que celui qui achète une entreprise doive avoir les
moyens de savoir s'il y a une réclamation ou non? Il n'y a aucune mesure
protectrice, il n'y en a aucune. La seule façon de le savoir est de
regarder les livres de la compagnie qui veut vendre l'entreprise pour voir s'il
y a des obligations. Si ces obligations ne sont pas marquées dans les
livres, il n'a aucun moyen, il n'a pas d'enregistrement; un titre peut
être enregistré, mais il n'y a pas d'enregistrement ici. Nous
croyons donc que l'article 94 entre en conflit avec le Code civil.
Les articles 1569 et suivants. L'article 1569, pour les avocats qui se
trouvent ici, dit que, si quelque'un veut vendre un commerce, il lui faut
signer un affidavit donnant la liste des créanciers. Celui qui
achète le commerce paie les dettes suivant l'affidavit ou un pourcentage
si nécessaire et il n'est plus responsable. La question que je
soulève est la suivante: Est-ce que l'article 1569 et les suivants
doivent être amendés ou est-ce que l'article 94 exclut l'article
1569? Encore, comme je le faisais remarquer, ce sont plutôt des questions
que je veux soulever parce qu'une loi adoptée sans être claire
peut causer des injustices pécuniaires et sociales.
L'article 80a... nous croyons que l'article 46 de la loi 126 doit
être amendé et que l'on doit ajouter comme suit: Telle signature
du salarié sera la preuve que de fait il a été payé
pour la période de temps y indiquée. En d'autres termes, il doit
y avoir quelques mesures de responsabilité. Si le salarié a
vraiment été payé et qu'il a signé sa paie, on doit
tenir pour acquis que de fait il a été payé suivant sa
signature. L'article 93 doit être amendé en y ajoutant: Mais
l'employeur professionnel ne sera pas responsable des salaires qui auront
été signés, suivant l'article 46, et le même
amendement doit être apporté à l'article 94. Cela ne cause
pas d'ennuis au salarié parce que de fait il a touché son argent,
il a signé qu'il a touché sa paie.
L'article 42 n'est pas dans l'intérêt des salariés.
Il y a beaucoup de petites entreprises au Québec qui sont à peine
solvables. Si le salarié est payé par chèque, par exemple,
deux fois par mois, cela prendra plus d'une semaine avant que le salarié
puisse savoir si de fait son chèque de paie a été
encaissé. Ceci m'a troublé. On peut obliger un employeur à
payer pour une période n'excédant pas seize jours dans la loi
126. J'ai peur que les petits employeurs qui paient par chèques et qui
sont insolvables... il n'est pas évident qu'ils sont insolvables. Ils ne
mettent pas une annonce dans les journaux en disant: Je suis insolvable
aujourd'hui. Ils donnent des chèques toutes les deux semaines. On donne
un chèque à M. Covit couvrant une période de deux
semaines. M. Covit dépose son chèque. Cela prend une semaine
avant qu'on puisse apprendre de la banque que le chèque n'a pas les
fonds suffisants et voici un salarié qui n'a pas été
payé depuis trois semaines.
L'article 113, où l'on discute d'une pénalité de
20%, ne doit pas s'appliquer à un employeur professionnel, à
savoir qu'il est obligé de payer pour la négligence d'un
sous-traitant ou sous-entrepreneur. De fait, à l'article 14, les
décrets de conventions collectives se lisent comme suit: Tout employeur
professionnel qui contracte avec un sous-entrepreneur ou un sous-traitant,
directement ou par intermédiaire, est solidairement responsable avec ce
sous-entrepreneur ou sous-traitant et tout intermédiaire du paiement des
salaires. Il n'y a pas de salaire et pénalité. N'oubliez pas
qu'il y a déjà une pénalité parce que l'employeur
professionnel doit payer, mais est-ce qu'il doit être sujet à une
pénalité de 20% à part cela?
Maintenant, il y a quelque chose que je n'ai pas mentionné dans
mon mémoire et j'en ai
discuté lundi soir avec l'administration d'un des comités
paritaires. C'est la suivante: A l'article 14, il y a deux choses: il y a les
inspecteurs des comités paritaires, il y a les inspections qui auront
lieu en raison de la loi 126. On trouve qu'un sous-traitant n'a pas payé
le salaire ou n'a pas payé les vacances, n'a pas payé les jours
fériés ou peu importe, et cette industrie se trouve sous le coup
d'un décret. Qui doit prendre les procédures pour retrouver
l'argent? Est-ce que c'est le comité paritaire ou la commission? Est-ce
qu'il doit y avoir un mode type d'inspection par deux organismes; le
comité paritaire et la commission des normes? Est-ce qu'il est possible
que les deux intentent une même poursuite contre le même employeur
professionnel? Qui va décider de celui qui va entamer la poursuite,
est-ce que ce sera la commission ou est-ce que ce sera le comité
paritaire? Cela doit être éclairci.
Je voudrais faire remarquer que dans l'article 14, décret des
conventions collectives, chapitre 143, l'employeur professionnel est
sûrement responsable des salaires, mais non pas des
pénalités. Le reste vous le savez.
Je veux seulement ajouter quelque chose. Notre association est d'avis
que le progrès ne doit pas être retardé. Nous sommes
d'accord que la justice naturelle exige que les bénéfices sociaux
soient accordés, mais on ne peut pas... dans les lois
générales, des lois qui peuvent être nuisibles. On peut
toujours dire que ce sera rétabli par la jurisprudence mais, pour les
petites compagnies que je représente, ce n'est pas facile, cela
coûte de l'argent, chaque fois que les avocats vont au tribunal. Je suis
avocat depuis au moins cinq ans, disons, mais en tout cas... On ne parle pas
d'une grande industrie, on parle d'une industrie moyenne, on parle des
conditions québécoises. Ce n'est pas seulement au Québec
qu'il y a des petites industries, cela existe partout au Canada et même
aux Etats-Unis; c'est une condition qu'on ne peut pas changer. Les petits
fabricants, les petits employeurs existent et doivent exister. Selon moi, si on
change les lois, cela donne un peu de protection, si on ne s'embarque pas dans
quelque chose qui peut être vague.
Il y a des conflits naturellement, ce n'est pas que je cherche à
limiter le débat au point de vue légal, être
légaliste, si vous voulez, non. Notre intention c'est d'appliquer la loi
de bonne foi, une loi qui serait juste envers les salariés et envers les
petits patrons aussi. Je vous remercie.
Le Président (M. Marcoux): Vous serait-il possible de nous
donner une copie de votre mémoire puisque le mémoire que vous
avez lu est passablement différent de celui que vous nous aviez
donné?
M. Orenstein: Oui, j'ai envoyé 105 copies.
Le Président (M. Marcoux): Oui, mais le mémoire que
vous nous avez envoyé est très différent de celui que vous
avez lu. Est-ce qu'il serait possible d'en avoir au moins une copie pour que
nous puissions en faire des photocopies?
M. Orenstein: Oui, mais j'en ai envoyé 105 copies de celui
qui a été amendé, je les ai envoyées par le
Télécom.
M. Chevrette: Le mémoire amendé? M. Orenstein:
Oui.
M. Johnson: M. Orenstein, si M. le Président me le permet,
le mémoire que nous avons, qui porte le no 10-M, est de l'Association
des manufacturiers de mode enfantine; objet: Le projet de loi no 126. Ce que
vous nous avez lu, je présume que c'est le mémoire amendé,
sauf qu'on ne l'avait pas. Je ne l'ai pas et les officiers de mon
ministère non plus ne l'ont pas.
M. Orenstein: J'ai envoyé 105 copies et il y a à
peu près une semaine. J'ai le reçu.
Le Président (M. Marcoux): Un officier va aller le
chercher et il va en faire des photocopies à distribuer aux membres de
la commission.
M. Orenstein: J'en ai 4 copies ici. J'ai envoyé par
Télécom 105 copies.
Le Président (M. Marcoux): II y a probablement eu une
erreur au secrétariat des commissions; on a confondu les deux.
M. le ministre.
M. Johnson: M. Orenstein, je voudrais vous remercier d'abord. Je
ne veux pas trop improviser de remarques sur ce qui m'apparaissait
être une improvisation un mémoire amendé que je
n'avais pas sous les yeux et donc, que je n'ai pas pu étudier. Je peux
vous assurer qu'on le fera. Je vais revenir plutôt aux
considérations du mémoire original dans lequel vous couvrez
plusieurs des éléments.
D'abord, les dispositions sur l'article 57, la notion de force majeure.
Je pense que c'est une observation très pertinente et je me demande s'il
ne serait pas bon d'étudier la possibilité de créer une
exemption un peu comme il y a celles de 56 et 57 dans le cas de force majeure.
Concrètement, l'exemple que vous donnez, je pense, nous amène
à nous poser des questions.
Sur l'article 73, qui serait une incitation pour l'employeur à
congédier l'employé, écoutez! Dans le fond, il y a ce qui
est peut-être en filigrane derrière beaucoup de vos remarques, M.
Orenstein, vous reconnaissez le principe que le législateur peut ou doit
intervenir dans ce domaine, mais à partir du moment où cela
coûte un peu d'argent ou à partir du moment où cela
perturbe des choses, vous trouvez cela un peu moins drôle. Je veux bien,
mais c'est ça, le changement social dans une société. Il
faut payer quelque part, il faut payer en temps, il faut payer en argent. Les
dispositions de l'article 73, qui prévoient les vacances obligatoies et
non seulement le versement des 4%, c'est-à-dire les vacances que peut
exiger le salarié, devrais-je dire, par opposition à juste un
chèque représentant 4% et 6% après dix ans, je vois
mal,
dans le cas, par exemple, de celui qui pourrait toucher trois semaines
de vacances ou 6% après dix ans, que l'employeur décide
simplement, au bout d'un certain temps, de le congédier pour ne pas
devoir payer.
Je me dis que s'il y a une main-d'oeuvre, un travailleur ou une
salariée, dans votre secteur surtout, qui est là depis 7, 8, 9,
10, 12 ou 15 ans, je vois mal pourquoi il ferait cela pour sauver
l'équivalent d'une semaine de salaire. Franchement, s'il faisait cela,
je pense que cela justifierait d'autant plus qu'il y ait des choses assez
coercitives dans cette loi.
Dans le cas de 78, la réponse est oui. Effectivement, les
pauses-café sont incluses dans le service continu aux fins de calcul des
heures et des montants. Vos considérations sur l'article 94 et l'article
1569 du Code civil sont également pertinentes. On essaiera d'en tenir
compte. Il s'agit de trouver l'ajustement. On risque beaucoup plus de modifier
l'article 126 que de modifier le Code civil, comme vous le savez.
Habituellement, on prend un bon bout de temps avant de toucher au Code
civil.
De façon générale, je retiens, en plus des choses
très précises que vous avez apportées dans votre
mémoire amendé et que je ne peux, malheureusement, commenter en
ce moment, vous reconnaissez le bien-fondé et les principes de cette
loi. Vous êtes ennuyé par quelques détails techniques. Je
pense qu'on pourra en régler quelques-uns. (12 h 15)
II y a une couple de choses qui sont des affaires de fond. On est
conscient que l'industrie que vous représentez est une industrie
extrêmement fragile sur le plan de la concurrence. On le sait et c'est
d'ailleurs pour cela que le gouvernement a pris une série de mesures
depuis deux ans pour tenter de donner une chance à cette industrie,
à tout ce qui est relié au textile et au vêtement; c'est le
cas aussi du meuble et de la chaussure. Mais il y a des coûts aux
transformations sociales et ma réponse, à certains égards,
est que c'est peut-être d'accepter, dans le cas de certaines entreprises,
que si ces coûts-là doivent être assumés par
l'employeur, qu'ils le soient. C'est cela, à un moment donné, le
progrès social.
Voilà, ce sont les commentaires que j'avais à faire sur
votre mémoire, M. Orenstein.
M. Orenstein: Est-ce que je peux prendre deux minutes pour
répondre?
M. Johnson: Sûrement.
M. Orenstein: Suivant la loi, la bonne foi est toujours
présumée. Mais ce qui existe dans la loi et ce qui existe en
pratique, ce n'est pas toujours pareil. Quand j'ai parlé de deux ou
trois semaines de vacances ou de 4% ou 6%, ce n'est pas que j'accuse quiconque
d'être de mauvaise foi, mais je parle de la possibilité qui existe
qu'un salarié perde un emploi à cause d'un employeur qui ne prend
pas ses responsabilités. C'est ce dont j'ai peur. Vous pouvez me
demander si je suis ici pour représenter les salariés ou si je
suis ici pour représenter les patrons. Je suis ici pour
représenter les deux parties, impartialement, autant que possible.
M. Johnson: Quel genre de solution proposez-vous? Ce que nous
voulons introduire, c'est cette notion qu'un salarié peut exiger de son
employeur qu'il s'absentera de son travail pendant deux semaines au cours d'une
période de douze mois. La Loi du salaire minimum en ce moment
prévoit qu'un salarié peut demander cela, mais l'employeur peut
décider qu'il n'aura pas de vacances et qu'il va lui payer ses 4%. Nous
pensons qu'un salarié, sur une période de douze mois ce
sont, encore une fois, des cas relativement marginaux parce qu'en
général les gens prennent au moins une semaine de vacances, deux
semaines peut-être dans certaines types d'industrie, c'est un
progrès intéressant. Je parle des non-syndiqués qui sont
effectivement soumis à l'expulsion s'ils l'exigent. Ce que la loi dit,
c'est: Quand il va l'exiger, il va y avoir droit. Je pense que, encore une
fois, sans que ce soient les conditions idéales, c'est un progrès
sur ce qui existe dans certains endroits au niveau de la protection de l'emploi
du salarié qui gagne le salaire minimum. La question à laquelle
je voudrais avoir une réponse de vous est: Quelle est l'alternative que
vous proposez?
M. Orenstein: II y a plusieurs choix. Pour commencer, si j'ai
bien compris, la loi doit être amendée alors qu'on aurait un
minimum garanti. Cela ne couvre-t-il pas l'exigence?
M. Johnson: Est-ce que...?
M. Orenstein: Cela ne couvre-t-il pas l'exigence que le
salarié doit toucher un montant convenable? Je ne dis pas que c'est un
montant énorme si on parle de $7000. On ne parle pas d'un montant
énorme. Un salarié ne serait pas capable d'acheter une Cadillac
avec cet argent. Mais qu'on donne au moins quelque sécurité au
salarié. La question que je soulève est la suivante: Cela
n'en-courage-t-il pas un manque de justice sociale? Je ne dis pas de la part
des employeurs en général. Je touche la personne qui peut
être affectée par un employeur qui n'a pas de conscience
sociale.
M. Johnson: Oui, je sais bien. Cela existe, des employeurs qui
n'ont pas de conscience sociale. On sait cela. Mais ce que je ne comprends pas,
M. Orenstein, c'est que vous dites que ces dispositions vont mettre en danger
les travailleurs. Au contraire! Ce qu'elles visent précisément,
c'est le salarié, le travailleur qui n'a pas de convention collective
parce que c'est de cela qu'on parle qui travaille au salaire
minimum parce qu'en pratique c'est cette population qui risque
d'être le plus affectée et qui, en général,
dans votre industrie est une femme, ce qui donne trois raisons peut-être
de dire que ce sont des gens qui sont dans une situation de fragilité
sur le plan de
leurs droits, historiquement comme autrement. Ce qu'on dit, c'est que
dorénavant cette salariée ou ce salarié a le droit de dire
à son employeur: Moi, cette année, je prends deux semaines. On va
peut-être s'entendre sur la date pour les deux semaines, II y a le droit
de gérance, etc., mais il prend deux semaines, et on dit: L'employeur ne
poura plus lui répondre: Non, tu ne prends pas deux semaines. Je te
donne 4%. Nous, on pense qu'un salarié a le droit, sur douze mois, de
sortir de son travail deux semaines par année. Vous me dites qu'au bout
de la ligne il y a peut-être certains employeurs dans votre industrie qui
sont marginaux, etc. je veux bien reconnaître que ce n'est pas la
règle générale qui vont décider de mettre
à pied des gens parce qu'ils ne veulent pas être pris pour leur
donner deux semaines. Je vous dis qu'ils seront obligés de les remplacer
par des gens à qui ils vont être obligés de donner deux
semaines. C'est aussi simple que cela.
M. Orenstein: Je comprends votre position.
M. Johnson: Alors, là, c'est vrai pour tout le monde.
M. Orenstein: Oui, je comprends votre position, M. le ministre.
On ne fait pas d'erreur. Mais je pense bien qu'en bonne conscience je dois vous
dire que cela peut arriver.
M. Johnson: Oui, c'est possible.
M. Orenstein: Nos députés décident: Bon! Il
faut faire quelque chose. On ne peut pas compter seulement sur la
discrétion d'une des parties. Je pense que c'est clair. Je ne vous
chicane pas. J'ai rempli ma responsabilité de soulever la question
devant vous. Il y a une petite note que mon client m'a donnée plus
tôt c'est un ami parler des frais d'administration. Je n'ai
pas touché cela parce que cela a été longuement
discuté avec le Conseil du patronat et avec la CSN quand on était
présent la première fois. On ne veut pas avoir une
prolifération des prélèvements parce que comme je vous
l'ai dit auparavant je ne veux pas le répéter trop souvent
je ne représente pas United Steel of Canada, je ne
représente pas Pratt et Whitney. Je représente des petites
compagnies qui ont assez de misère à rester dans le commerce
naturellement. On ne veut pas avoir une augmentation des
prélèvements. Mais, comme je l'ai dit, cela a été
longuement discuté, cela a été souligné par les
députés qui sont présents et même par vous. Comment
comprenez-vous notre position?
M. Johnson: Alors, c'est tout ce que j'avais pour le moment, M.
Orenstein.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: II y a plusieurs points intéressants sur
l'application de différents articles. Je ne reviendrai pas
là-dessus. Nous en prenons bonne note pour l'étude article par
article.
Il y a un point que j'aimerais qu'on nous explique peut-être un
peu plus complètement. C'est celui qui est relatif à des
contradictions entre l'article 64, si j'ai bien compris, et la loi 48. Est-ce
que vous pourriez aller un peu plus dans les détails...
M. Orenstein: Oui.
M. Forget: ... pour être sûr que l'on comprend bien
de quoi il s'agit?
M. Orenstein: J'ai apporté avec moi les deux lois; alors,
je peux vous l'expliquer bien facilement. Si vous voulez me donner deux minutes
seulement.
Regardons les articles 59 et 64 du projet de loi 126, en particulier
l'article 59 sur les trois jours fériés et payés.
L'article 64 se lit comme suit je parle toujours du projet de loi 126:
"Pour bénéficier d'un jour férié visé dans
l'article 59, un salarié doit avoir eu droit à un salaire ou
à une indemnité en tenant lieu pendant au moins dix jours dans
les trente jours précédant ce jour férié et ne pas
s'être absenté du travail sans l'autorisation de l'employeur ou
sans une raison valable, la veille ou le lendemain de ce jour." Alors, le
salarié doit être présent soit le jour avant, soit le jour
après.
Regardons la loi 48.
Une Voix: L'article 7.
M. Johnson: "L'employeur n'est pas tenu d'accorder le
congé compensatoire ni l'indemnité prévus par la
présente loi à un salarié qui n'a pas eu droit à un
salaire ou à une indemnité en tenant lieu pendant au moins dix
jours au cours de la période du 1er au 23 juin."
M. Orenstein: On ne mentionne pas que ce doit être...
M. Johnson: C'est cela.
M. Orenstein: ... soit le jour avant, soit le jour après.
La question que j'ai soulevée est la suivante: Est-ce que c'est
l'intention du gouvernement de changer la loi 48 parce que, de fait, en raison
de la loi que vous avez ici, c'est maintenant changé.
M. Johnson: Je pourrais peut-être commenter
là-dessus. C'est vrai, il y a deux différences entre la Loi sur
la fête nationale et le projet de loi no 126 en ce qui a trait aux
congés fériés. La Loi sur la fête nationale ne
prévoit pas l'obligation d'avoir été au travail la veille
ou le lendemain, d'une part. Deuxièmement, la Loi sur la fête
nationale ne prévoit pas de distinction si cela tombe sur un jour
ouvrable ou pas. Maintenant, il n'y a qu'une fête nationale, il n'y en a
pas deux. Dans ce sens, c'est vrai, la loi parle de choses différentes,
mais, effectivement, la loi 48 ne prévoit pas ce type d'obligation,
peut-être à cause du caractère du 24 juin tel quel dans
notre société. C'est effectivement vrai qu'il y a une
différence. Maintenant, ce n'est
pas une contradiction au sens que, dans l'application juridique, cela va
poser des problèmes. C'est juste qu'il y aura une situation
différente pour une autre fête, par exemple, qui serait
édictée par règlement. Mais il n'y a pas de conflit de
loi; il y a juste une différence d'approche dans deux lois distinctes
qui s'appliquent à deux situations ou, enfin, à une situation
semblable qui est la notion d'un jour férié.
M. Bellemare: Parce que, aussi, il y a la possibilité d'en
avoir sept, huit ou dix prochainement. C'est une autre raison.
M. Johnson: Je pense bien qu'en l'an 2000 il va y en avoir une
bonne quarantaine.
M. Bellemare: Je ne sais pas s'il va y en avoir une quarantaine,
mais...
M. Johnson: On ne sera pas là, ni vous, ni moi.
M. Bellemare: Ah! non, pas moi.
M. Forget: Si on est pessimiste. Il y a une autre
différene, il y a une autre formulation qui a été
solevée par un groupe qui est venu devant nous hier. C'est l'expression
"sans une raison valable", c'est-à-dire l'impossibilité
d'être absent du travail le jour suivant ou le jour
précédent, à moins qu'il n'y ait une raison valable. On
nous a dit qu'il y avait dans d'autres lois une expression différente
qui a donné lieu déjà à beaucoup de jurisprudence,
qui était "sans cause" ou "avec cause". Est-ce que vous seriez
disposé à faire un commentaire là-dessus parce qu'il
semble que cette nouvelle expression créerait des difficultés?
Est-ce que vous voyez des difficultés dans l'expression "sans une raison
valable" plutôt que "sans cause"?
M. Orenstein: C'est la différence entre force majeure et
cas fortuit. Force majeure, cela veut dire, par exemple, quelque chose que
l'employeur ne peut pas empêcher. Force majeure, cela doit être ce
que l'on appelle en anglais "act of God"; c'est la même chose. Raison
valable, cela peut être une aison "raisonnable" pour vous, mais pas pour
moi. Sans cause, c'est exclusif: pour aucune cause.
Il peut dire: Mon cousin à Trois-Rivières a
été malade et je voulais lui parler, il était à
l'hôpital et je lui ai parlé seulement à 10 heures le
matin. C'est une cause. Est-ce que c'était une raison valable? C'est une
autre affaire. En d'autres mots, raison valable, ce doit être quelque
chose plutôt comme une force majeure. Sans cause, c'est beaucoup plus
léger. On peut donner une cause qui n'est peut-être pas tout
à fait raisonnable, mais c'est une cause. Comprenez-vous ce que je veux
dire? C'est la différence entre "must" ou "shall".
M. Forget: Dans le cas de raison valable pour qui?
M. Orenstein: C'est la question, et qui va décider? Est-ce
que ce sera seulement l'employeur qui dit: Cela, je ne pense pas que c'est une
raison valable. D'ordinaire, naturellement, on l'accepte parce que dans
l'industrie on n'a pas été tout à fait raisonnable. Par
exemple, vous avez dans la loi congé de "dying". Naturellement, si
monsieur a perdu son frère le jour avant, il ne serait pas là
pour trois jours. Il a le droit, suivant la loi 126, de s'absenter pour trois
jours. Il y a certaines raisons valables. Sa femme adonné naissance
à un enfant pendant la nuit, c'est une raison valable. Pour moi, raison
valable, cela peut marcher. Naturellement, c'est seulement mon opinion, cela ne
veut pas dire que c'est l'opinion de chacun, mais il doit y avoir quelques
raisons. (12 h 30)
M. Forget: Selon vous, cela peut marcher parce que c'est plus
restrictif que l'expression sans cause et que, deuxièmement, celui qui
juge si c'est valable ou pas, c'est l'employeur. C'est comme cela que vous
l'interprétez.
M. Orenstein: Plutôt. Je dois vous dire que je suis en
pratique maintenant depuis 41 ans, je trouve de plus en plus qu'il n'y a pas
d'animosité là-dedans. On essaie d'éviter, et ce qu'on
trouve assez souvent, que si une fête a lieu un lundi, un grand nombre de
salariés s'absentent le vendredi. La raison est qu'ils veulent avoir une
fin de semaine plus longue. C'est là où il y a des abus.
Soudainement on retrouve, si c'est pendant l'été,
qu'à midi il y en a beaucoup qui ont mal à la tête et qui
sont obligés de partir chez eux parce qu'il y a une fête le lundi.
Je n'accuse personne, on est tous humains, on comprend bien, mais je crois
qu'avec une astuce raisonnable cela peut marcher.
M. Forget: Je serais intéressé de savoir si le
ministre a la même interprétation de cette formulation de raison
valable et la différence entre cette expression et l'expression "sans
cause", qui est celle qui vient de nous être suggérée.
M. Johnson: M. Heenan, on se souviendra de l'Association des
manufacturiers, avait évoqué cette notion de cause valable, sans
cause, faute grave, etc., mais c'était relié à l'article
82.
M. Bellemare: L'article 82, oui, faute grave. C'est quoi la
définition de faute grave?
M. Johnson: C'est cela. Le problème qui est soulevé
par le député de Saint-Laurent et M. Orenstein mérite
effectivement qu'on s'y penche. C'est toujours le danger d'introduire dans une
loi du secteur du travail un nouveau vocabulaire et le développement
d'une jurisprudence qui ne partira pas nécessairement dans la même
direction que celle du Code civil, mais on va essayer d'harmoniser cela
effectivement. Je voudrais simplement souligner que les remarques de M. Heenan,
l'autre jour, étaient vraiment autour de l'article 82.
M. Bellemare: C'est cela, faute grave. La faute grave se
définit comment dans les termes juridiques?
M. Johnson: C'est la jurisprudence qui... M. Bellemare:
C'est qui?
M. Johnson: Cela dépend; la jurisprudence du droit civil
et la jurisprudence du Code du travail sont bien différentes sur la
faute grave.
M. Bellemare: D'accord, mais dans l'article 82, dans le cas de
faute grave, qui décide? L'article 82, faute grave.
M. Orenstein: Faute grave du salarié.
M. Bellemare: C'est quoi, qui va décider?
M. Orenstein: Qui va décider? L'interprétation que
nous avons donnée jusqu'ici à nos clients, et je parle des autres
avocats qui s'occupent des lois du travail, "unless you get your land cut in
the cash register", purement et simplement. A moins qu'on attrape quelqu'un
avec la main dans la caisse, qu'est-ce qu'on peut dire?
Il y a de temps en temps d'autres causes où il y a bataille. Un
salarié commence à se chicaner, il y a de la machinerie partout
et l'un a commencé à battre l'autre; naturellement, on n'est pas
capable de tolérer cela, parce que la personne qui est frappée
peut tomber dans la machine et peut se faire tuer. Nécessairement, on
est obligé de congédier celui qui veut se battre.
Ce qui arrive de temps en temps, un salarié prend un peu de
boisson pendant l'heure du dîner. Il travaille sur un "punch press";
soudainement, il lui manque quatre doigts. On lui dit: Non, monsieur, allez
donc. Actuellement, cette faute grave du salarié est
interprétée par les arbitres, jusqu'à ce jour, très
restrictivement.
Le Président (M. Marcoux): Comme il est 12 h 30, est-ce
que les membres de la commission désirent que M. Orenstein revienne
à 15 h 30?
M. Bellemare: J'aurais juste une question à lui poser,
mais je n'ai pas d'objection à accepter la suspension. Cela touche
l'amendement qu'il veut apporter au paragraphe 2 de l'article 48, où il
est dit qu'un salarié peut révoquer cette autorisation en tout
temps. Vous l'avez explicité un peu dans votre mémoire, mais je
voudrais avoir plus d'explications. Je n'ai pas d'objection à suspendre
nos travaux.
M. Johnson: Je pense que cela imposerait à M. Orenstein,
qui a déjà été retardé une fois, de rester
jusqu'en fin de journée. Je n'aurais pas d'objection à ce qu'on
prenne deux minutes pour terminer cela.
M. Bellemare: Voulez-vous me donner certaines explications quant
au paragraphe 2 de l'article 48 que vous voulez amender? De quelle
façon?
M. Orenstein: Je veux l'amender dans le cas d'un salarié
qui donne à son employeur le droit de faire des déductions parce
qu'il a réglé un problème pour le salarié ou parce
qu'il y a eu une saisie-arrêt sur le salaire d'un salarié
visé. Il ne serait pas capable de révoquer son autorisation.
Autrement, voici ce qui arrive. Il y a une saisie-arrêt dans les mains de
l'employeur. Vous êtes de bonne foi, vous avez réglé avec
moi, avec l'avocat du demandeur, et vous me donnez $20 par semaine. Vous avez
demandé au salarié de signer un papier autorisant la
déduction. Vous m'avez donné votre lettre me disant que, tant que
le salarié travaillera pour moi, je ferai la déduction.
Maintenant, le salarié peut envoyer une lettre disant qu'il refuse son
autorisation. Vous êtes tenu par la lettre, tant que le salarié
travaille pour vous, M. le député, de faire la déduction,
mais vous n'avez plus l'autorisation. Alors, vous serez obligé de payer
la dette à raison de $20, vous, l'employeur.
M. Bellemare: Quand vous dites que vous prêtez $200
à l'un de vos employés et que vous lui imposez, par convention
réciproque, une déduction de $10 par semaine, vous opposez-vous
à cela?
M. Orenstein: Non.
M. Bellemare: C'est le contraire. Vous voulez garder ce
privilège pour pouvoir accommoder les familles.
M. Orenstein: Oui. Parce que autrement il va emprunter de la
banque et quel intérêt va-t-il payer? 13 1/2%, 14%. M. Covii et
moi sommes partis de Montréal...
M. Bellemare: En vertu des lois des banques et des caisses, selon
la loi fédérale, je ne sais pas si vous avez le droit de le
faire.
M. Oreinstein: Je n'ai pas besoin...
M. Bellemare: Même si c'est humain, même si c'est
pour rendre service aux familles, je ne sais pas si la loi vous permet de faire
cela.
M. Orenstein: Je ne demande pas d'intérêt, je
cherche seulement à accommoder le salarié qui est là.
M. Bellemare: Je comprends, mais je me demande si cela ne vient
pas en contradiction avec la Loi sur les prêts, les banques. Je comprends
que c'est une avance de salaire. D'accord.
Le Président (M. Marcoux): Je remercie M. Orenstein pour
la présentation de son mémoire. La commission reprendra
probablement ses travaux après la période des questions. Pour le
moment, il faut ajourner la commission sine die.
Suspension de la séance à 12 h 38
Reprise de la séance à 16 h 23
Le Président (M. Marcoux): A l'ordre, messieurs! La
commission du travail et de la main-d'oeuvre est réunie pour poursuivre
l'audition des mémoires concernant le projet de loi no 126, Loi sur les
normes du travail.
Les membres de la commission sont: M. Bellemare (Johnson), M. Bisaillon
(Sainte-Marie), M. Chevrette (Joliette-Montcalm), M. Gravel (Limoilou) est
remplacé par M. Gagnon (Champlain); M. Johnson (Anjou), M. Lavigne
(Beauharnois), M. Mailloux (Charlevoix) remplacé par M. Picotte
(Maskinongé); M. Pagé (Portneuf) remplacé par M. Forget
(Saint-Laurent); M. Roy (Beauce-Sud), M. Vaillancourt (Jonquière), M.
Brochu (Richmond).
Les intervenants sont: M. Brochu (Richmond), M. Gosselin (Sherbrooke),
M. Jolivet (Laviolette), M. Laplante (Bourassa), M. Lefebvre (Viau), M.
Paquette (Rosemont), M. Samson (Rouyn-Noranda), M. Springate (Westmount).
M. Bellemare: M. le président, puisque vous m'avez remis
à cet après-midi, ce soir ce sera M. Grenier.
Le Président (M. Marcoux): Oui, vous avez bien raison. Je
le fais tout de suite. Remplacer M. Brochu (Richmond)...
M. Bellemare: Non, M. Brochu (Richmond) va y être et aussi
M. Grenier (Mégantic-Compton).
Le Président (M. Marcoux): Pour vous remplacer. Comme
intervenant ou comme...
M. Bellemare: Comme intervenant. Pour me remplacer ce sera M.
Brochu.
Le Président (M. Marcoux): Alors, on fera le remplacement
à ce moment-là. Comme intervenant, M. Grenier
(Mégantic-Compton) en remplacement de... M. Brochu (Richmond).
J'appellerais maintenant l'Association canadienne des compagnies
d'assurance-vie, le mémoire no 11. Me Claude Girard.
Association canadienne des compagnies
d'assurance-vie
M. Girard (Claude): Oui, M. le Président, Claude
Girard.
Le Président (M. Marcoux): Est-ce que vous pouvez
présenter votre collègue?
M. Girard: Me Luc Plamondon qui est le vice-directeur juridique
à la compagnie d'assurance-vie Sun Life du Canada.
M. le Président, comme vous avez été certainement
à même de le constater, notre mémoire est relativement bref
et il ne touche qu'un point visé par le projet de loi 126, soit les
congés annuels payés. Quant à nous, c'est le statut des
agents d'assurances entièrement rémunérés à
commis- sion qui nous préoccupe. Tel que mentionné dans notre
mémoire, nous avons été étonnés de remarquer
que le gouvernement n'entendait pas reconduire l'exception qui existe depuis
plusieurs années dans l'ordonnance 3 de la Commission du salaire minimum
et qui exclut de façon spécifique les agents et sous-agents
d'assurances entièrement rémunérés à
commission de l'ordonnance en question. Comme il ne nous apparaît pas que
les conditions de travail des agents et sous-agents d'assurances
entièrement rémunérés à commission ont
changé depuis quelques années, nous nous demandons pour quelle
raison le gouvernement entend changer cette exclusion et ne pas la reconduire
dans le projet de loi, d'autant plus que des professions qui s'apparentent aux
agents d'assurances entièrement rémunérés à
commission, c'est-à-dire les agents de valeurs mobilières et les
agents immobiliers voient l'exemption qu'ils avaient dans l'ordonnance no 3
reconduite dans le projet de loi 126. C'est la raison qui nous a poussés
à intervenir auprès de la présente commission. Evidemment,
nous sommes impatients de connaître la position du gouvernement ou les
motifs qui l'ont incité à suggérer ce changement dans le
projet de loi 126. Selon les motifs que le gouvernement pourra nous soumettre,
nous serons à la disposition de la commission pour donner plus de
détails sur notre position.
Le Président (M. Marcoux): M. le ministre.
M. Johnson: En fait, si vous permettez, c'est moi qui vais vous
retourner la question, pour quelle raison vous opposez-vous à ce que les
agents d'assurances je ne parle pas des courtiers, évidemment, je
parle des agents soient couverts par la Loi du salaire minimum?
J'aimerais vous entendre nous dire pourquoi.
M. Bellemare: Si on répond.
M. Johnson: Est-ce que je pourrais vous entendre quelques minutes
là-dessus? Quelles sont les raisons pour lesquelles, en tant que
représentants des compagnies d'assurances, vous vous opposez à ce
que les dispositions de la Loi du salaire minimum, y compris le salaire,
s'appliquent aux agents d'assurance?
M. Girard: Les dispositions de la Loi du salaire minimum, comme
telles, n'ont jamais causé, à ma connaissance, de
problèmes particuliers aux compagnies d'assurances. C'est tellement vrai
que le problème ne se pose pas au niveau des heures de travail et au
niveau de la rémunération versée aux agents. Quant aux
congés annuels payés, à ma connaissance, dans le cours des
emplois des agents, le problème ne se pose pas non plus. Il s'est
posé à l'occasion, lorsque certains agents ont quitté des
compagnies d'assurances, je me situe dans la période de 1974-1975,
où il y a eu certaines réclamations faites au nom des agents ou
de certains agents par la Commission du salaire minimum. Depuis plusieurs
années... d'ail-
leurs, des représentations avaient été faites,
à l'époque, à la Commission du salaire minimum et le
gouvernement avait, de façon exclusive, dans l'ordonnance no 3 de 1972,
donné une exemption pour les agents et sous-agents d'assurances,
reconnaissant par là qu'ils n'étaient pas des salariés,
qu'ils n'étaient pas des travailleurs sur lesquels les compagnies
d'assurances avaient un contrôle quant aux conditions de travail, soit
leur façon de travailler, leurs heures de travail, le temps qu'ils
prennent en vacances. La commission ou le gouvernement, à
l'époque, était d'opinion qu'ils devaient être
considérés comme des travailleurs autonomes.
M. Bellemare: L'ordonnance no 3 de 1972...
M. Johnson: Je m'excuse, si le député de Johnson me
permet, s'il vous plaît.
M. Bellemare: Certainement. Je vous le permets certainement. Mais
je pense que vous devez connaître les ordonnances 67 et 72.
M. Johnson: Oui, on les connaît. Ce sont celles qui ont
pour effet d'exclure.
M. Bellemare: Pardon?
M. Johnson: Vous parlez de celles qui ont pour effet
d'exclure?
M. Bellemare: Oui, l'ordonnance 3 et les ordonnances... 67 et
72.
M. Johnson: Oui, on les connaît. Mais la loi 126
prévoirait effectivement que les agents d'assurances à
moins qu'on ne modifie la loi seraient soumis aux dispositions du
salaire minimum.
Je vais vous poser une question. Combien y a-t-il d'agents d'assurances
au Québec? Vous représentez l'association. Combien y en a-t-il
à peu près?
M. Plamondon (Luc): On représente la partie patronale et
non pas le nombre d'agents. On parle de plusieurs milliers d'agents.
M. Johnson: On peut dire facilement qu'il y a entre 4000 et 5000
agents au Québec?
M. Plamondon: Je ne voudrais pas vous donner un chiffre.
M. Johnson: Vous ne voudriez pas spéculer? M.
Plamondon: Non.
M. Johnson: D'accord. Est-ce que vous pouvez me dire le salaire
moyen d'un agent d'assurances au Québec, annuellement? Le revenu moyen,
pardon.
M. Plamondon: Non, je ne peux pas répondre à la
question. On ne parle pas de salaire. Le mot "revenu" est plus près de
la réalité. C'est entièrement à commission, n'ayant
pas juridiction sur le nombre de leurs heures de travail...
M. Johnson: Non, mais la quantité. Mais un agent
d'assurances, dans la moyenne des agents d'assurances au Québec, qui
travaillent pour une compagnie et qui vendent des polices d'assurance-vie, ou
qui vendent des polices d'assurance-incendie, etc., quel est le revenu annuel,
en gros? Est-ce $8000 par année, le revenu d'un agent d'assurances, ou
si c'est $50 000 par année?
M. Plamondon: II y en a qui en font $8000 et il y en a qui se
font dans les six chiffres, facilement. Une moyenne, c'est-à-dire
diviser la quantité des commissions en assurance sur la vie
payées en une année, par le nombre de têtes, non. Je n'ai
pas de chiffre à ma disposition.
M. Johnson: Vous ne l'avez pas, d'accord. Mais pensez-vous que ce
serait un chiffre qu'on pourrait obtenir?
M. Plamondon: Oui, c'est un chiffre disponible.
M. Johnson: Par l'association, probablement.
M. Plamondon: Par l'association, avec le service des assurances,
certainement.
M. Johnson: Ce sont des données qu'on pourrait avoir?
M. Plamondon: C'est disponible, oui. C'est exact.
M. Johnson: Ce sur quoi je m'interroge, dans le fond, c'est dans
quelle mesure les dispositions de la loi qui auraient pour effet de les inclure
et de poser le problème très concret de calculer le temps, pour
les fins d'application du salaire minimum, dans quelle mesure cela touche une
population qui, en ce moment, fait un revenu qui s'apparente au salaire
minimum?
Disons qu'il y a 4000 agents d'assurances au Québec, que le
revenu moyen mais quand je parle du revenu moyen, ce n'est pas juste le
revenu total divisé par le nombre, c'est avec la méthode du khi
carré et de la répartition avec la cloche dans quelle
mesure est-ce qu'une quantité X de ces personnes feraient autour de
$8000 par année?
Si on me répond que 98,3% des agents d'assurances au
Québec font un salaire moyen ou un salaire excédant $12 500 par
année, je suis d'accord avec vous à dire dans quelle mesure y
a-t-il une utilité a priori, sauf pour les fins du congé de
maternité et d'autres choses comme celles-là, de les couvrir au
niveau du salaire proprement dit. Mais si la démonstration va dans le
sens que leur revenu est plus près du salaire minimum, sur une base
annuelle, avec une semaine de quarante
heures, cinquante semaines par année, je pense que le
problème se pose de façon différente. Je pense que ces
données manquent pour en discuter. On va essayer d'approfondir cela avec
votre association si elle veut nous faire parvenir ses données. (16 h
30)
M. Girard: M. le ministre, je ne sais pas si on s'éloigne
un peu de la question, parce que vous semblez revenir assez souvent sur le
revenu comme tel par rapport au salaire minimum. Ce n'est pas tellement
là le but de notre récrimination ou de notre présentation.
Notre problème, on ne l'a pas avec le salaire minimum, ni avec les
heures de travail. Ce qu'on a comme problème avec le projet de loi 126
par rapport à ce qui existe présentement avec l'ordonnance 3,
c'est strictement au niveau des congés annuels payés. Autrement
dit, jusqu'à maintenant, les compagnies d'assurances n'ont pas à
payer 4% ou 6% de vacances à leurs agents, parce qu'ils sont exclus de
l'ordonnance 3, tandis qu'avec le projet de loi 126, ce sera une autre paire de
manches. Il va falloir les considérer comme des salariés au sens
de la loi, particulièrement au sens de la section IV sur les
congés annuels payés. On n'a pas de représentation
à formuler sur le salaire minimum ou sur le nombre d'heures de travail
données par les agents; c'est strictement au niveau des congés
annuels payés. Pourquoi le gouvernement ne reconduit-il pas dans la loi
une exemption qui existe depuis plusieurs années? Sans raison apparente,
à notre connaissance, il y a un changement draconien qui se produit.
M. Johnson: J'ai très bien compris.
M. Bellemare: Parce qu'un agent d'assurances qui ne
réussit pas à gagner $10 000 ou $12 000 ne reste pas, il s'en
va.
M. Girard: Je ne pense pas qu'il reste longtemps dans le
domaine.
M. Bellemare: II ne restera pas.
M. Girard: C'est comme dans toute profession, il y en a des bons
et des meilleurs et les mauvais s'éliminent d'eux-mêmes.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Maskinongé.
M. Picotte: Je ferai tout simplement un commentaire, je pense
bien, à ce moment-ci. Je pense que, jusqu'à la fin de
l'intervention du ministre, pour ma part, vous ne m'avez pas convaincu et je ne
pense pas que vous ayez convaincu le ministre non plus, mais je pense que le
point que vous avez précisé sur les congés annuels
payés est important. Cela mériterait en tout cas que le ministre
et les autorités du ministère approfondissent ce point le plus
à fond possible. Je pense qu'il semble tout à fait important. En
terminant, je veux tout simplement vous remercier de votre participation
à la commission et du mémoire que vous nous avez
présenté qui, même s'il n'est pas volumineux, comme vous
l'avez mentionné tantôt, est quand même très
intéressant. Merci.
M. Bellemare: Est-ce que vous seriez satisfaits de renouveler
l'ordonnance no 372?
M. Girard: Bien sûr. C'est la seule chose que nous
demandons.
M. Bellemare: C'est la seule chose que vous demandez.
M. Johnson: Première défaite.
Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie beaucoup, au
nom de tous les membres de la commission. J'inviterais maintenant le Bureau de
commerce de Montréal à nous présenter son mémoire,
c'est le no 14. M. Lorne Tracey?
Bureau de commerce de Montréal
M. Del Motte (Georges): Non, mon nom est Georges Del Motte. Je
suis membre du comité des relations ouvrières du Bureau de
commerce de Montréal. Je représente M. Tracey ici
aujourd'hui.
Le Président (M. Marcoux): Est-ce que vous pourriez
répéter votre nom?
M. Del Motte: Del Motte.
Le Président (M. Marcoux): D'accord. Cela va.
M. Del Motte: Vraiment, moi aussi, j'aimerais être assez
bref dans ma présentation. Nous avons travaillé assez
étroitement avec le Conseil du patronat sur la préparation de son
mémoire. Nous sommes complètement d'accord sur les détails
qui ont été discutés ce matin. Nous avons un
problème assez particulier, parce que nous avons 2800 entreprises qui
sont membres de notre bureau, dont 2200 qui ont moins de 100
employés.
La chose qui nous préoccupe vraiment, c'est l'impact
économique qui pourrait se produire si on appliquait toutes les normes
qui sont proposées dans la loi. On a déjà le fardeau d'un
salaire minimum très élevé. Maintenant, on a un fardeau
qu'on ne peut pas déterminer. Je pense que M. le ministre y a fait
référence ce matin. C'est très difficile, avec les outils
que nous avons de disponibles, de dire que si telle et telle chose se
produisent, cela va nous coûter tant. Qu'est-ce qui arrive dans les
secteurs mous particulièrement et dans les secteurs d'industrie et de
services? On commence à perdre notre possibilité de faire de la
concurrence aux niveaux national et international. Qu'est-ce qu'on demande? La
commission essaie au moins de faire une étude en détail sur les
coûts prévus.
Je sais que ce n'est pas facile. Aussi, on indique dans notre
mémoire, que l'on ne veut pas mêler les industries où il y
a des conventions collectives à d'autres industries où il n'y en
a pas.
L'autre chose qui est peut-être unique dans ce projet de loi, ce
sont les dispositins relatives à l'éligibilité pour les
jours fériés qui sont trop généreux, ils commencent
à la première journée d'emploi. Je ne connais aucune
juridiction où il y a une loi semblable. D'habitude, il y a une
période de 60 jours ou de 90 jours, trois mois, qui s'applique.
Aussi, on a trouvé l'article 65 un peu drôle, qui nous
ramène à une année fixe du 1er mai au 30 avril. On vient
juste de compléter il y a deux ou trois ans un nouveau système.
C'est encore le coût qui nous intéresse. On a un système
qui a l'air de marcher, pourquoi le changer?
En effet, je ne vais pas faire le tour d'horizon que mon collègue
Ghislain Dufour a fait ce matin, mais je veux encore l'appuyer sur les points
qui ont été soulevés et discutés ce matin. C'est
tout de ma part.
Le Président (M. Marcoux): M. le ministre.
M. Johnson: Merci, M. Del Motte. Essentiellement, selon le
mémoire du Board of Trade ou du Bureau de commerce de Montréal,
vous appuyez la position du Conse.l du patronat. Deuxièmement, vous
insistez sur la question de la compatibilité avec une loi d'application
générale des conventions collectives. C'est un problème
qui a été évoqué, dont on a discuté
très longuement, d'ailleurs, avec vos collègues.
Troisièmement, vous avez insisté sur un des détails qui
vous semblent généreux dans la loi d'octroyer le congé,
indépendamment de la période d'engagement de la personne. Il faut
dire que la plupart des conventions collectives, il me semble bien, dans les
recherches qu'on a faites, ne prévoient pas un minimum de
présence dans l'entreprise à partir du moment où...
M. Del Motte: D'habitude, il y a une clause dans la plupart des
conventions collectives qui dit que la personne n'a pas droit à
certaines choses, jusqu'à ce qu'elle n'ait pas fini ou
complété sa période...
M. Johnson: Sa période de probation. M. Del Motte:
... probation. M. Johnson: Oui.
M. Del Motte: Cela revient un peu à la même chose.
D'habitude, c'est 60 jours...
M. Johnson: Oui.
M. Del Motte: ... 90 jours, trois mois ou quelque chose comme
ça.
M. Johnson: Oui, je comprends ce que vous voulez dire.
M. Del Motte: Mais je pense que la chose qui nous
préoccupe le plus dans toute cette affaire, c'est le coût.
J'ai bien aimé votre idée, ce matin, d'avoir un
plafonnement sur les prestations. On saurait finalement où on s'en va.
Présentement, on est pris entre 0,1% et 1%. On ne sait pas où on
s'en va. Beaucoup de choses seront faites par règlement, lorsque la loi
sera passée par l'Assemblée nationale. Cela laisse une porte
ouverte.
Un gars qui a une petite entreprise d'environ 50 employés,
comment peut-il faire son bilan s'il ne connaît pas ses coûts? Cela
va avoir un choc économique, sur des petites compagnies
particulièrement, qui pourra être très néfaste.
M. Johnson: D'accord. On en prend bonne note. Merci, M. Del
Motte.
M. Del Motte: Merci, M. le ministre.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Maskinongé.
M. Picotte: M. Del Motte, quand vous parlez à un moment
donné d'impact économique, voulez-vous dire que c'est impossible
ou à peu près totalement impossible de
l'évaluer?
M. De! Motte: Pour le moment, parce que les choses ne sont pas
assez précises. Est-ce qu'on prend 0,1%, 1% ou un congé
férié, est-ce que l'on en prend, comme le ministre l'a dit ce
matin, peut-être 20? J'espère que non.
M. Johnson: En l'an 2000. M. Del Motte: En l'an 2000.
M. Johnson: II faudrait au moins qu'il y ait cela!
M. Picotte: Mais quand vous parlez de jours fériés
accordés en trop grand nombre, est-ce que vous vous
référez à d'autres endroits bien précis, à
d'autres législations ou...
M. Del Motte: II y a la Loi des établissements
commerciaux, par exemple, qui donne certaines journées. On ne sait pas
si on parle d'une journée pour la fête nationale. Est-ce qu'on
parle, comme disait M. Dufour ce matin, du 1er mai ou du 1er lundi du mois de
septembre? Est-ce qu'on parle du Vendredi saint ou du lundi de Pâques? Il
y a des conflits qui existent.
Si une compagnie a déjà une convention qui donne... En
moyenne, c'est au moins dix à onze jours de congés
fériés. Si la compagnie a déjà donné cela
dans un contrat collectif, et que tout à coup on sort le 1er mai, par
exemple, qu'est-ce qui arrive à ce moment-là? Est-ce qu'on leur
donne le 1er mai et les onze jours qu'on a déjà
négociés ou est-ce qu'on dit: En effet, tout ce que la loi
demande, c'est qu'on leur donne trois, quatre ou cinq jours, on leur donne
déjà onze ou douze
jours dans certains cas. On peut balancer l'un contre l'autre.
M. Picotte: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Johnson.
M. Bellemare: C'est la même discussion que ce matin avec le
patronat.
Le Président (M. Marcoux): Merci beaucoup au nom de tous
les membres de la commission.
M. Bellemare: Ce n'est pas clair, mais j'essaie de suivre le
débat.
Le Président (M. Marcoux): Ce qui nous permet d'inviter
maintenant l'Association du personnel domestique.
M. Johnson: Merci M. Del Motte. L'Association... mémoire
no 17...
M. le Président, si vous le permettez, est-ce qu'on pourrait
savoir si le représentant de l'Association des camps du Québec
est dans la salle? Il est là?
M. Bellemare: Ils sont ici.
M. Johnson: Je veux simplement vous aviser, messieurs que,
simplement pour vous permettre de planifier votre après-midi ou votre
soirée, cela ira malheureusement à compter de 20 heures ce soir.
Est-ce que cela vous va? Cela vous donne quand même une heure et quart de
plus que prévu.
Le Président (M. Marcoux): Cela vous enlève une
heure et quart de plus que prévu, selon qu'on est optimiste ou
pessimiste.
Maintenant, Mme Gracia Constantineau est-elle là?
Association de la défense des droits du
personnel domestique
Mme Constantineau (Gracia): Oui, c'est moi.
Le Président (M. Marcoux): Si vous voulez présenter
les collègues qui vous accompagnent. Si vous étiez là
depuis ce matin, vous connaissez notre mode de fonctionnement. Allez-y.
Mme Constantineau: Danièle Bouchard, Adriana Volpato,
Mathilde Marchand, Antonio Requelme et Mme Korkor.
Le Président (M. Marcoux): Si vous pouvez parler plus
fort, parce que...
Mme Constantineau: D'accord. Je vais vous lire le mémoire
présenté par l'association de la défense des droits du
personnel domestique de Montréal.
Le Président (M. Marcoux): Est-ce que vous avez
l'intention de le lire en entier?
Mme Constantineau: Oui. Vous trouvez cela trop long?
Le Président (M. Marcoux): Allez-y.
Mme Constantineau: Définition d'un employé
domestique. Par employé domestique, nous entendons une personne
engagée dans une maison privée...
M. Johnson: Un instant, s'il vous plaît. Est-ce qu'on
pourrait essayer d'approcher le micro un peu plus?
Mme Constantineau: On ne peut pas, non.
M. Johnson: Je vais être obligé, Mme Constantineau,
si vous le permettez, de vous demander d'essayer de parler fort. D'accord?
Mme Constantineau: Plus fort encore. Par employée
domestique nous entendons une personne engagée dans une maison
privée pour accomplir diverses tâches ménagères
moyennant une rémunération. Ces personnes peuvent être
employées pour préparer les repas, garder les enfants ou
s'occuper de personnes âgées, faire le lavage, l'entretien
général de la maison ou pour le jardinage ou l'entretien du
terrain, mais nous constatons qu'en général une personne est
employée pour accomplir toutes ces tâches.
De plus, il est nécessaire de distinguer les employées
domestiques résidentes, qui demeurent chez leur employeur, et les
employées domestiques non-résidentes, qui demeurent à
l'extérieur, ces deux types d'employées ont globalement les
mêmes problèmes.
L'historique. Historiquement, le statut de la travailleuse domestique a
toujours été celui d'une servante qui, en échange du
logement et de la nourriture et parfois d'une petite somme d'argent, offrait
ses services à ses employeurs. Avec l'arrivée de
l'industrialisation, de plus en plus de femmes entrèrent sur le
marché du travail. Ceci, pour un bon nombre de personnes, fut rendu
possible grâce à la disposition des travailleuses domestiques. Le
travail domestique prit une grande importance, et les travailleuses se virent
confier de plus en plus de responsabilités puisque les familles
dépendirent entièrement d'elles sur plusieurs points, comme le
soin des enfants, des personnes âgées, de la maison, et ceci
à plein temps. Les changements amenés par l'industrialisation et
qui contribuent à aider les femmes d'Amérique du Nord à
trouver un nouveau sens à leur propre valeur, ironiquement, jouent
contre la valeur et la dignité professionnelle de la travailleuse
domestique. (16 h 45)
Comme les femmes entrent sur le marché du travail pour poursuivre
une carrière, le travail domestique en vient à être
considéré comme étant
une corvée dévalorisante. La faible opinion qu'on a du
travail domestique nous fait considérer cette travailleuse qui
l'accomplit de la même façon. Son travail est alors jugé
comme n'étant pas assez important pour mériter le salaire minimum
ainsi que les autres avantages dont bénéficient les travailleuses
du Québec.
L'employée domestique n'est toujours pas considérée
comme une travailleuse qui contribue à la croissance économique
de la société. Ceux qui font les lois ainsi que plusieurs
employeurs voient encore ces travailleuses comme des servantes sans droits;
ainsi, cet article 2 de la Loi du salaire minimum stipule: "La présente
loi s'applique à tous les salariés dont le travail se fait dans
la province chez l'employeur, à domicile ou ailleurs, excepté les
domestiques de maison".
L'absence totale de protection légale fait en sorte que
l'employée domestique est particulièrement vulnérable aux
pires conditions d'emploi, surtout dans le cas des personnes avec permis
d'emploi temporaires. Plusieurs de ces personnes sont venues travailler au
Canada afin de subvenir aux besoins de leurs familles restées dans leur
pays. Facilement intimidées à cause de leur statut fragile et de
leur ignorance du peu de droit qu'elles ont, ces travailleuses acceptent des
conditions de travail misérables afin de garder leur emploi. Dans le cas
des travailleuses canadiennes ou immigrantes reçues, la situation n'est
pas tellement différente en ce qui concerne leur
vulnérabilité.
La situation actuelle. Les conditions de travail du personnel
domestique. Comme il n'existe aucune loi pour régimenter le salaire des
domestiques, les employeurs ont toujours payé ce qu'ils voulaient bien.
D'après une enquête effectuée à Montréal par
l'Association du personnel domestique, la travailleuse domestique logée
et nourrie reçoit un salaire qui correspond en moyenne à $1.05
l'heure, et pour la travailleuse non logée et nourrie, environ $2
l'heure. La majorité doit faire des semaines de plus de 60 heures, sans
être rémunérée en temps supplémentaires. Ces
salaires horaires démontrent ce que gagnent en moyenne les travailleuses
domestiques de la région de Montréal où les travailleuses
peuvent obtenir des salaires plus élevés. Ils ne sont cependant
pas représentatifs des régions à l'extérieur de
Montréal, comme Sherbrooke, où les salaires dépassent
rarement $40 ou $50 par semaine et la région de Lislet où ils se
situent entre $30 et $40. De plus, alors que le coût de la vie a
augmenté astronomiquement ces dernières années et que les
salaires des autres travailleurs au Québec ont plus ou moins suivi cette
évolution, ceux du personnel domestique sont demeurés fixes. Il
faut remarquer, cependant, que le personnel domestique a les mêmes
besoins que les autres travailleurs et qu'il a le même droit à des
conditions de vie décentes.
Puisque le personnel domestique est exclu de la Loi du salaire minimum,
il ne peut bénéficier des avantages sociaux, comme des vacances
annuelles payées, des congés de maternité, etc., qu'ont
les autres travailleurs. Il est également exclu de la Loi des accidents
du travail, ce qui signifie qu'en cas d'un accident au travail, son sort est
laissé au bon vouloir de l'employeur. De plus, à cause de leur
isolement, les travailleuses n'ont pas un pouvoir collectif de négocier
certains bénéfices minimaux, comme des congés
fériés, l'indexation du salaire au coût de la vie et selon
les années d'expérience. La situation du personnel domestique est
caractérisée par la contradiction entre l'absence totale de
droits en tant que travailleuses et l'imposition d'obligations se rapportant
aux ouvriers. Cette contradiction devient nettement apparente dans le cas des
travailleuses domestiques avec visa d'emploi temporaire, car celles-ci doivent
tout autant que les autres employées domestiques payer des impôts
sur le revenu et payer les régimes d'assurance-chômage,
d'assurance-maladie et de rente, sans n'avoir aucun droit aux
bénéfices que peuvent apporter ces régimes sociaux.
Ce qui s'est fait jusqu'à maintenant. Malgré le mandat
qu'il s'était donné d'améliorer les conditions d'emploi de
tous les travailleurs de la province, le gouvernement du Québec n'a, en
fait, rien accompli pour rétablir la situation des travailleuses
domestiques, car elles ne constituent pas une force politique importante.
La Commission de l'emploi et de l'immigration du Canada à
Montréal, constatant les piètres conditions d'emploi dont
étaient victimes les travailleuses domestiques, établit un
règlement. Celui-ci stipule que l'employée logée et
nourrie devrait recevoir un minimum de $70 par semaine pour 45 heures d'ouvrage
et un minimum de $91 pour une personne demeurant à l'extérieur
pour le même nombre d'heures, 45 heures. Ceci, cependant, n'a pas
amené la protection espérée.
Tout d'abord, le taux de salaire est nettement inadéquat: $300
par mois, chambre et pension comprise, pour des femmes, chefs de famille, qui
doivent loger, nourrir, habiller et éduquer leurs enfants, qu'ils soient
à l'intérieur ou à l'extérieur du Canada.
L'insuffisance de ce taux de salaire est d'autant plus frappante lorsqu'on le
compare au taux effectif en Saskatchewan qui est de $485 par mois, chambre et
pension comprises.
En outre, il est difficile de faire respecter le règlement,
précisément parce que les employeurs savent que c'est un
règlement et non une loi. L'efficacité du règlement est
davantage réduite par le fait que les travailleuses domestiques
canadiennes ou immigrantes reçues ne sont pas obligées d'utiliser
les services de la main-d'oeuvre pour se placer et ignorent donc, dans la
plupart des cas, l'existence même de ce règlement. Les seules
travailleuses qui doivent passer par la main-d'oeuvre sont celles qui
détiennent des visas d'emploi temporaires. Malheureusement, même
celles-ci n'osent pas se plaindre si le règlement n'est pas
respecté, car leur statut fragile et leur exclusion des lois qui
protègent les travailleurs les rendent extrêmement
vulnérables. De plus, faute de mécanisme de surveillance
efficace, la main-d'oeuvre n'a aucun moyen d'assurer que le règlement
soit appliqué.
Tout cela démontre la nécessité évidente
d'inclure tout le personnel domestique dans une loi sur les normes de travail,
sous la juridiction du gouvernement du Québec.
Mme Bouchard (Danièle): Les articles qui concernent le
personnel domestique.
Article 3. La présente loi ne s'applique pas: b) au
salarié qui exerce des fonctions de domestique et qui réside
ailleurs que chez l'employeur, ou qui, à ce titre, travaille moins de
trente heures par semaine pour un même employeur.
Article 86. Le gouvernement peut faire des règlements pour
assujettir ou exclure de l'application totale ou partielle de la
présente loi ou des règlements certains organismes qu'il
désigne ou pour exempter de l'application totale ou partielle de la
section I du chapitre IV, pour le temps et aux conditions qu'il
détermine, une ou plusieurs catégories de salariés qu'il
désigne et fixer, le cas échéant, des normes du travail
particulières pour ces salariés, notamment les domestiques.
Article 87. Le gouvernement peut fixer, par règlement, des normes
du travail sur les matières suivantes: Salaire minimum; bulletin de
paye; montant maximum pour la chambre et la pension; la semaine normale,
notamment, celle du domestique; les jours fériés,
chômés et payés; le droit à un congé de
maternité; les primes, indemnités et allocations diverses; les
outils, les douches, les vestiaires et les lieux de repos.
Article 147. La présente loi s'applique aux salariés qui
exercent les fonctions de domestiques à compter de l'entrée en
vigueur des règlements adoptés en vertu de l'article 86 et du
paragraphe d) de l'article 87 les concernant.
La position de l'association face aux changements proposés.
L'Association pour la défense des droits du personnel domestique de
Montréal recommande l'inclusion de toutes les travailleuses domestiques,
sans exception, dans la Loi sur les normes du travail, comme tous les
travailleurs protégés par cette loi. C'est ce que l'association
revendique depuis ses débuts.
Les propositions contenues dans le projet de loi 126 concerant le
personnel domestique pourraient être considérées comme des
améliorations si l'on compare cette loi à l'ancienne Loi du
salaire minimum qui les ignorait. Cependant, en réalité, ces
changements n'avantagent pas le personnel domestique et, par conséquent,
ne peuvent être accueillis favorablement par les travailleuses
domestiques.
Le projet de loi exclut les personnes qui ne demeurent pas chez
l'employeur et qui travaillent moins de 30 heures pour un même employeur.
Cela signifie qu'il ne protège pas la majorité des travailleuses
domestiques puisque la plupart ne remplissent pas ces conditions. Même
celles que la loi se propose d'inclure ne pourront réellement
bénéficier des avantages puisque les employeurs pourront
contourner la loi en engageant des travailleuses domestiques qui ne sont pas
incluses et qu'ils pourront donc continuer d'exploiter. Ainsi, la
première démarche du gouvernement du
Québec en vue de soi-disant améliorer les conditions
d'emploi des travailleuses domestiques se trouve plutôt, de cette
façon, à encourager leur exploitation.
De plus, afin d'être protégées, les travailleuses
domestiques devront accepter d'être logées et nourries et de
sacrifier leur vie privée et leur famille. Etant donné qu'un
nombre de plus en plus important de travailleuses sont chefs de famille, ces
personnes, en étant exclues de cette loi, recevront encore, dans une
période où le coût de la vie ne cesse d'augmenter, un
salaire de $4732 par année. Il est important de noter que le seuil de
pauvreté pour 1978, pour une famille d'un adulte et deux enfants,
était de $9888.
La loi encourage également les femmes, chefs de famille, à
recourir plutôt au bien-être social où elles obtiendront
plus du côté financier, c'est-à-dire $5832, prestation
annuelle de bien-être social en 1978 pour une famille composée
d'un adulte et deux enfants, par année au lieu de $4732 qui est le
montant exigé par la Main-d'oeuvre si elles continuaient à faire
du travail domestique.
Les articles 86, 87 et 147 dénotent la nette intention de fixer
les conditions de travail du personnel domestique par règlement. Sur ce
point, nous désirons fortement faire valoir l'importance de ne pas se
servir de tels règlements de façon à mettre les
travailleuses domestiques à part des autres travailleurs.
Il faut remarquer qu'à cause de sa condition sociale et du
travail qu'elle fait, la travailleuse domestique n'a jamais été
placée au même rang que les autres travailleurs du Québec
en ce qui concerne les lois de protection du travail. De fait, elle fut
toujours mise de côté. Pour cette raison, la Commission des droits
de la personne du Québec, répondant à une plainte
présentée par l'Association du personnel domestique en 1978,
déclara l'ancienne Loi du salaire minimum discriminatoire envers le
personnel domestique.
Or, si le gouvernement tient à procéder par
règlements, il est normal que ceux-ci fixent pour le personnel
domestique les mêmes normes minimales que pour les autres
travailleurs.
Les mythes concernant l'inclusion du personnel domestique dans la loi
sur les normes du travail. Un des arguments invoqués par les
autorités en place pour continuer à exclure tout le personnel
domestique de la loi sur les normes du travail est que celles-ci perdraient
leur emploi. Cet argument est sans fondement.
Depuis l'année 1974, les travailleurs domestiques aux Etats-Unis
sont protégées par la Loi du salaire minimum. Les personnes qui
travaillent plus de huit heures par semaine pour un ou plusieurs employeurs ou
qui reçoivent au total $50 ou plus pour une période de trois mois
consécutifs pour un même employeur sont protégées
par cette loi. Avant que celle-ci ne soit mise en vigueur, on craignait que les
travailleuses ne perdent leurs emplois. Cependant, le Conseil national du
travail domestique des Etats-Unis qui a effectué une recherche sur les
répercussions du salaire minimum sur les employés domestiques
et
leurs employeurs a découvert que bien qu'il y ait eu beaucoup de
discussions et d'objections face à ce projet de loi, les travailleuses
domestiques n'ont pas perdu leur emploi à cause du refus ou de
l'incapacité de l'employeur de payer le nouveau salaire minimum.
Un autre argument fréquemment soulevé maintient que
l'extension du salaire minimum au personnel domestique rendrait les services de
ces travailleuses inaccessibles à certaines familles. Cet argument est
trompeur. D'une part, il est illusoire de croire que les employeurs de
travailleuses domestiques proviennent de toutes les classes sociales. A cet
effet, le département montréalais de la Commission de l'emploi et
de l'immigration du Canada affirme que les offres d'emploi pour domestiques
proviennent majoritairement des districts les mieux nantis, notamment
Hampstead, Westmount, Laval, ville Saint-Laurent et ville Mont-Royal.
D'autre part, nous maintenons que le travail domestique est une
profession et non une faveur personnelle et que l'épanouissement
professionnel d'une partie de la population ne doit pas continuer de se faire
aux dépens d'une autre.
Il est aussi souvent prétendu par les législateurs que
l'inclusion du personnel domestique dans la Loi sur les normes du travail
serait un geste futile puisque les difficultés qu'auraient les
fonctionnaires à l'appliquer la rendraient totalement inefficace.
Cependant, les hauts fonctionnaires de la Commission du salaire minimum, qui
sont ceux qui sont aux prises avec l'application concrète de la Loi du
salaire minimum, sont manifestement en désaccord avec cette position
puisqu'ils recommandent depuis déjà plusieurs années
l'inclusion du personnel domestique dans cette loi. Ils croient fermement que
la loi peut être appliquée aux travailleuses domestiques,
même dans des instances qui peuvent sembler présenter des
problèmes.
Par exemple, prenons le cas d'une travailleuse domestique qui travaille
pour cinq employeurs différents à raison d'une journée par
semaine chacun. Le droit à des vacances annuelles payées pour une
telle employée pourrait sembler présenter des difficultés
au niveau de l'application. Cependant, il n'en est rien car il suffirait que
chaque employeur lui paye un montant équivalant à 4% du salaire
brut total qu'il lui aurait payé. En fait, un mécanisme
d'application qui serait efficace pour les autres travailleurs le serait tout
autant pour le personnel domestique. (17 heures)
Le travail domestique étant indispensable sur le plan
économique et social, le personnel domestique se considère donc
comme des travailleurs à part entière et exige d'être
reconnu comme tel. Nous recommandons l'inclusion de toutes les travailleuses
domestiques sans exception dans la Loi sur les normes de travail, comme tous
les travailleurs protégés par cette loi.
Le Président (M. Marcoux): ...
Mme Constantineau: M. le ministre, j'ai encore quelque chose
à vous dire, et après, vous pourrez poser les questions qu'il
nous semblera bon de nous poser. M. le ministre Johnson, permettez-moi de me
présenter à vous et à vos collègues du gouvernement
québécois. Je suis la présidente de l'Association pour la
défense des droits du personnel domestique de Montréal. Ce n'est
pas la première fois qu'on se rencontre, et j'en suis fort heureuse.
Cependant, j'aimerais bien que, la prochaine fois, ce soit pour un autre
sujet.
Je crois de mon devoir de vous expliquer la situation du personnel
domestique depuis longtemps. Je suis arrivée à Montréal
à l'âge de 17 ans, venant du Lac-Mégantic. N'ayez crainte,
je ne vous raconterai pas ma vie, mais seulement quelques passages. Avant de
vous dire cela ne cherchez pas dans vos papiers, personne ne l'a
les choses n'ont pas tellement changé depuis 40 ans. Ce qui a
changé pour moi, j'ai dû le faire moi-même. J'ai
travaillé dans les familles anglaises ou celles qui parlent anglais.
Pourquoi, me direz-vous? Pour la simple raison que c'étaient elles qui
avaient l'argent, pour se permettre une domestique costumée, comme on
disait, dans le temps. Maintenant, je suis à ma retraite, qui ne sera
pas payante. Qu'est-ce qui me manque, pensez-vous, pour me rendre dans une
maison pour personnes âgés?
M. Johnson: Cela va bien, madame.
Mme Constantineau: II ne faut pas y penser. C'est seulement pour
les personnes qui ont travaillé à un gros salaire. Cela m'a
tellement affectée, vous savez, quand on passe notre vie à
travailler là-dedans et qu'on n'a aucun droit. On dirait qu'on n'est pas
au Québec. Franchement, je suis peut-être un peu frustrée.
Peut-être trouvez-vous que... En tous les cas, je veux continuer, parce
que je veux au moins le dire une fois dans ma vie. Il ne faut pas y penser.
C'est seulement pour les personnes qui ont travaillé à gros
salaire. Alors, elles ont trois ou quatre pensions, ceci est accessible pour
elles. Les petits salariés, que va-t-on faire avec eux? Par chance, il y
a des personnes qui commencent à en parler. Mais, en attendant, nous ne
mangeons toujours pas de steak. Mais nous sommes habitués d'être
en arrière des autres. Nous avons passé notre vie à
être en arrière des autres. Qu'est-ce que vous en pensez? Cela
nous coûte d'être venues jusqu'à vous, maintenant, beaucoup
d'efforts, de travail de toute sorte et d'argent, notre journée n'est
pas payée. Je ne reçois pas de frais de transport pour mon
voyage. Je n'ai jamais reçu un cent pour mes vacances. Si je prenais un
jour de congé, il n'était jamais payé. Que ce soit pour
une maternité ou un décès, j'ai passé ma vie
à perdre mon temps. A plusieurs reprises, je me suis demandé si
j'étais une femme, une Canadienne, une Québécoise ou une
esclave. Vous savez, souvent une travailleuse domestique, c'est de la
cruauté mentale que nous avons à subir; depuis 40 ans, cela n'a
pas beaucoup
changé. C'est bien beau, de belles phrases bien tournées,
de nous parler de structures de toutes sortes, de progrès,
d'économie, d'énergie, de relance économique,
d'écologie, de sexologie, de la séparation du Québec.
Toutes ces choses s'appellent de l'avancement. Mais nous, les petits
salariés, sommes toujours au même point. Quand va-t-on prendre le
temps de s'occuper des travailleurs non syndiqués, qui gagnent encore en
1979 des salaires de famine? N'est-ce-pas qu'avant de penser à se
séparer, il faudrait penser à s'unir entre nous? Qu'en
pensez-vous, M. le ministre? Si vous êtes rendu au poste que vous occupez
en ce moment, vous l'avez gagné, bien sûr, par la haute
bourgeoisie, mais aussi par le petit peuple, pour qui deux choix se posaient:
voter ou ne pas voter.
On se sentait tellement heureux qu'on pense à nous qu'on ne se
rendait même pas voter; au fond, pour qui? Pour quoi? Vu que nous sommes
toujours oubliés. Je comprends bien que cela n'est pas toujours votre
faute, mais, maintenant que vous êtes informé de la situation qui
a assez duré, j'espère bien que vous allez voir à
remédier à la chose et à mettre enfin cette bonne affaire
du salaire minimum pour tous les travailleurs québécois. Au
moins, ce sera marqué dans les archives du gouvernement
québécois, qui va être sûr d'avoir fait une bonne
action.
Un autre point très important qu'il ne faut pas oublier, ce sont
les immigrants qui viennent dans notre beau pays auquel je suis fière
d'appartenir. Ils arrivent ici en pensant être capables de travailler
à un salaire convenable. Non, on abuse d'eux dans bien des cas. Ils ne
peuvent se défendre car ils ne sont pas citoyens canadiens et ils
doivent gagner leur vie. J'ai vu des cas où on refusait des travailleurs
canadiens et on prenait des immigrants, dans le seul but de pouvoir les
façonner et les payer à leur goût. C'est fini! Le salaire
minimum pour tous les travailleurs!
Cher M. le ministre, ce n'est pas parce qu'il y a une insuffisance dans
les revenus familiaux que certains employeurs doivent avoir le droit
d'embaucher du personnel domestique sans être capables de les payer
adéquatement. Dans la majorité des cas, beaucoup sont en bas du
salaire minimum, il y en a qui font des heures très longues, sans droit
à l'assurance-chômage, ni à la protection des accidents, ni
aux rentes du Québec, ni à l'assurance-salaire, alors que les
mêmes dames pour qui nous travaillons reçoivent, elles, tous les
avantages sociaux, pour la seule raison qu'elles quittent leur foyer et leur
famille pour faire du travail à l'extérieur quel qu'il soit.
Ne trouvez-vous pas, M. le ministre, que les rôles sont
renversés? Cela est toujours au détriment de la pauvre petite
domestique, souvent immigrée, qui ne peut rien faire d'autre à
cause de son statut social ou de ses qualifications qui n'ont pas
été acceptées des gouvernements.
Ne trouvez-vous pas, M. le ministre, qu'il est temps de faire quelque
chose pour ce pauvre personnel domestique, afin de remettre le statut de la
femme à sa juste valeur, dans tous les domaines, non seulement en
sortant de son foyer, mais en y demeurant?
Je puis vous laisser savoir que je regrette, mais je n'avais pas de
secrétaire pour m'aider.
Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie beaucoup, Mme
Constantineau, ainsi que vos collègues. M. le ministre.
M. Johnson: Merci, Mme Constantineau. J'ai lu avec attention, et
nos services aussi, votre mémoire. Je pense que les
éléments que vous y avez ajoutés tout à l'heure
nous ont permis de saisir, bien concrètement, ce que vous avez
vécu vous-même, dans ce domaine-là, pendant plusieurs
années.
Certaines choses me frappent. Il y a peut-être des questions
auxquelles j'aimerais qu'on réponde. J'entendais votre collaboratrice de
droite parler de la mythologie sur les travailleurs domestiques. Je pense qu'on
a exagéré beaucoup les inconvénients qu'il y aurait
à couvrir, ne serait-ce que partiellement, ou ne serait-ce que par un
régime particulier de réglementation, les travailleurs
domestiques. Néanmoins, il reste quelques problèmes très
concrets qu'il faut voir. C'est du monde en vie, ceux dont on parle, ce n'est
pas une fonction théorique. Etre travailleur domestique, vous l'avez
vécu, vous, et vous êtes en vie. Vous me dites: Après 40
ans, dans le fond, je n'ai pas de pension, je n'ai pas eu de régime de
participation, je n'ai pas pu planifier, finalement, mon avenir. Je suis
d'accord avec vous, il va falloir que la société trouve des
moyens de répondre à cela, mais ce n'est pas vrai seulement des
travailleurs domestiques. C'est bien important qu'on comprenne cela aussi.
Mme Constantineau: Nous le savons, cela.
M. Johnson: C'est vrai sûrement des travailleurs
domestiques, mais c'est vrai pour d'autres citoyens aussi. En ce
sens-là, il ne s'agit pas d'ignorer ce que vous dites, mais je vais
juste évoquer qu'il y a des choses très concrètes qui
peuvent être faites dans certains domaines. Si vous parlez de logement
pour les personnes qui ont plus de 65 ans, le régime qui est en vigueur
au Québec depuis quelques années et dans lequel ce gouvernement a
mis beaucoup d'argent neuf, depuis deux ans, c'est le logement social qui tient
compte du niveau de revenu des personnes.
Si on prend l'exemple des pyramides olympiques, cent de ces logements
sont effectivement réservés à des personnes, quel que soit
leur niveau de revenu. Sans cela, ce n'est pas en réglant le
problème des domestiques qu'on le règle, je pense qu'on le
règle pour beaucoup de gens dans la société. En ce sens,
je pense que vous êtes solidaires d'autres citoyens.
Deuxièmement, dans le cas des domestiques qui sont
mariées, donc qui forment une unité familiale, qui ont des
enfants, la loi qui a été déposée aujourd'hui et
qui sera en vigueur d'ici le mois de juin concernant le supplément de
revenu de tra-
vail, va couvrir les domestiques qui sont mariées et qui ont des
enfants, dans un premier temps, et, éventuellement, les femmes
mariées qui sont domestiques, mais qui n'ont pas d'enfant. C'est dans
une phase de deux ans, possiblement. Encore une fois, concrètement, je
pense que cela correspond aux besoins du groupe que vous représentez,
mais aussi d'autres groupes de citoyens qui sont plus ou moins dans votre
position.
Les questions concrètes que je me pose sont les suivantes:
D'abord, à votre avis ou à celui du groupe qui vous accompagne,
quel est le nombre de domestiques au Québec, à peu
près?
Mme Bouchard: Dans toute la province, on l'évalue à
environ 15 000.
M. Johnson: Vous l'évaluez à environ 15 000 dont la
majorité est sans doute à Montréal.
Mme Bouchard: La majorité, au moins...
M. Johnson: Dans ce groupe, quel est le pourcentage
d'immigrantes, à peu près? Encore une fois, en gros. Est-ce qu'il
y en a 20%.
Mme Volpato: Est-ce que vous parlez d'immigrantes ou de celles
qui détiennent un permis de travail? Parce que ce n'est pas la
même situation.
M. Johnson: C'est-à-dire des gens qui ne sont pas citoyens
canadiens, qu'ils soient immigrants reçus ou qu'ils soient ici sur une
base de permis de travail. Je pense que la distinction est importante dans
votre métier.
Mme Volpato: A peu près un tiers.
M. Johnson: A peu près un tiers. Troisièmement
la question peut paraître drôle et ne veut pas être la
traduction d'un préjugé que j'aurais, je voudrais seulement vous
en assurer, Mme Constantineau à votre connaissance, les
domestiques que vous connaissez dans votre association, combien font un rapport
d'impôt?
Mme Constantineau: M. le ministre, quand elles gagnent
suffisamment, elles font un rapport d'impôt, mais il faut gagner.
M. Johnson: Oui.
Mme Constantineau: Vous savez qu'il y a un montant minimum requis
et, à partir de ce montant, on doit payer l'impôt, comme tout
travailleur. Ce matin, quelqu'un a dit: La majorité ne font pas de
rapport d'impôt. Non, elles ne gagnent pas assez pour faire leur rapport
d'impôt, elles n'ont pas besoin d'en faire. Si elles gagnent assez,
automatiquement, tout le monde est obligé de faire son rapport
d'impôt.
M. Johnson: Une des réflexions d'un membre de
l'Opposition, ce matin, était que, dans le fond, le gouvernement ne
réglait pas le problème des domestiques, il ne faisait que les
obliger à payer de l'impôt. Ce qui m'apparaît une
façon peut-être un peu simple de présenter le
problème. Notre objectif n'est pas là; c'est d'essayer
d'améliorer la condition des domestiques et de les protéger,
parce qu'ils sont relativement démunis en termes de moyens pour faire
valoir leurs droits.
Mme Bouchard: J'aimerais clarifier la réponse de Mme
Constantineau concernant les impôts. Présentement, il y a quand
même un pourcentage assez important de travailleuses qui paient les
impôts, notamment les personnes qui détiennent un permis de
travail qui sont obligées, sur les $70 qui sont demandés par la
main-d'oeuvre, de payer les impôts, la régie des rentes,
l'assurance-chômage, elles n'ont pas droit aux avantages, et on exige
d'elles d'avoir les mêmes obligations que les autres travailleurs du
Québec, mais on ne leur donne aucun avantage, d'un autre
côté.
Il y a de plus en plus de femmes ou de travailleuses, parce
qu'à 97%, ce sont des femmes qui se rendent compte qu'il est
important d'en payer. Il y en a qui, quand elles perdent leur emploi, nous
appellent et elles sont vraiment mal prises, elle ne peuvent pas aller au
bien-être et elles disent: Pourquoi ne puis-je pas avoir de
l'assurance-chômage? Parce que tu n'en as pas payé. Quand elles
sont rendues à leur retraite, comme Mme Constantineau, tu n'auras pas de
régie des rentes, tu n'en as pas payé. Les accidents du travail,
c'est une autre chose. C'est quand on est rendu à la limite et qu'on n'a
absolument plus aucun recours qu'on se rend compte qu'on aurait du en payer.
Donc, il y a beaucoup d'éducation à faire de ce
côté, d'information à donner. On ne peut pas dire que c'est
parce que les travailleuses domestiques ne veulent pas le payer, c'est parce
qu'elles ne sont pas informées, elles ne sont pas sensibilisées
à payer l'impôt. Quand elles se rendent compte de l'importance de
le payer, elles le paient.
Mme Volpato: II faudrait peut-être ajouter aussi qu'avec le
nouveau régime pour avoir droit aux allocations familiales, toutes les
travailleuses vont être obligées de remplir leur rapport
d'impôt. A ce moment-là, toutes le paieront.
M. Requelme: II y a aussi le cas où le patron ne veut pas
déclarer son employé. Donc, il ne fait pas faire de rapport
d'impôt ni de cotisation. Il y a toujours ce facteur aussi. (17 h 15)
M. Johnson: Mais en général, si je comprends bien,
c'est utile pour l'employeur de déclarer... dans la mesure où il
y a des enfants, cela lui permet un exemption d'impôt. Cela ne doit pas
être fréquent, j'imagine.
Mme Volpato: Pas nécessairement, dans la mesure où
l'employeur déclare qu'il a une employée domestique, il devra
payer l'assurance-chômage, le régime de rentes; ce que souvent il
n'est pas tout à fait intéressé à faire.
M. Johnson: Si on avait essayé de cerner ce qu'est le
marché du travail que constitue le travail domestique au Québec.
Vous dites: 97% sont des femmes. Vous dites: Probablement pas loin d'un tiers
sont des immigrants, tous des gens qui ont un permis de travail mais qui ne
sont pas des citoyens canadiens, donc des gens qui sont fragiles, d'une
certaine façon, dans notre société à cause de ce
statut. Le type de travail, il y en a combien, par exemple, d'après
vous, qui travaille en résidant à domicile cinq soirs par semaine
ou sept soirs par semaine? En gros, est-ce que c'est un gros morceau ou c'est
une partie minime?
Mme Volpato: C'est une partie que je ne dirais pas minime, mais
c'est moins que la moitié.
M. Johnson: Donc, la majorité ne réside pas chez
celui qui les emploie.
Mme Volpato: C'est exact.
M. Johnson: Deuxièmement, est-ce que vous diriez aussi que
la majorité des aides domestiques ou des femmes ou des quelques hommes
qui font du travail domestique ont plusieurs employeurs.
Mme Volpato: Oui, absolument. Indiscutablement.
M. Johnson: La majorité, d'après vous, a plusieurs
employeurs.
Mme Volpato: Exactement. Je voudrais ajouter que la
majorité des personnes qui demeurent chez l'employeur sont souvent des
personnes avec des permis de travail, parce qu'il y a de moins en moins de
Québécoises qui sont intéressées à faire ce
travail, à demeurer... elles ne veulent rien savoir, cela ne finit
jamais. Donc, il y a beaucoup de permis de travail à cause de cela. On
ne sait pas si elles vont se trouver automatiquement protégées
par la loi qui va passer, vu que la loi de l'immigration est
fédérale. Mais c'est quand même quelque chose d'assez
important.
M. Johnson: D'après vous, concrètement, parmi
celles qui résident à la maison de l'employeur, on peut dire
qu'elles font combien d'heures par semaine de travail?
Mme Volpato: Selon les recherches qu'on a effectuées cet
été, c'est un minimum de 60 heures par semaine. C'est le
minimum.
M. Requelme: Pour six jours.
Mme Volpato: Distribuées sur six jours,
c'est-à-dire...
M. Johnson: Donc dix heures par jour de travail. Chez celles qui
ont plusieurs employeurs et qui ne résident pas?
Mme Volpato: C'est une semaine de 45 heures, en moyenne.
M. Johnson: En général 45 heures. Mme Volpato:
C'est cela.
M. Johnson: Cela veut dire huit heures par jour, pour cinq jours
par semaine.
Mme Volpato: Neuf heures par jour.
M. Johnson: Neuf heures par jour, pardon, cinq jours par semaine.
Comment concrètement, voyez-vous la solution du travailleur, ou de la
travailleuse domestique qui est, non pas logée, mais qui est nourrie le
midi? Pensez-vous qu'elle doit être payée au salaire minimum et
payer pour son repas?
Mme Volpato: Ce qu'on suggère, à ce chapitre et
c'est la même chose pour celle qui est logée et nourrie, c'est que
l'employée soit payée au salaire minimum, et si elle est nourrie
ou logée et nourrie, elle paiera son repas ou sa pension, comme une
personne qui résiderait en pension chez...
M. Johnson: Comment évalue-t-on cela?
Mme Volpato: Je pense qu'il y a des moyens très efficaces
pour évaluer une telle chose. Présentement, selon les
dispositions de la Loi du salaire minimum, c'était évalué
à $21 par semaine. Là, peut-être, avec le coût de la
vie ce n'est pas réalisable, mais d'après les calculs qu'on a
faits, cela ne devrait pas excéder un tiers. Mais c'est vraiment au
maximum. Si elle a sa chambre privée, avec téléphone etc.
et les trois repas par jour, sept fois par semaine.
M. Johnson: Ce que vous évaluez, finalement, c'est un
critère qui serait dans la réglementation et dirait par exemple:
La travailleuse domestique est payée au salaire minimum. On
créerait une espèce de présomption du nombre d'heures
qu'elle fait et on dirait qu'il y a tant pour cent de cela qui doit être
considéré, possiblement, déductible de son salaire ou
qu'elle doit remettre après avoir été payée pour
les fins de son logement et de sa nourriture.
Mme Volpato: C'est peut-être une façon où
cela n'est pas nécessaire d'avoir un règlement pour cela, qui
définirait le montant exact dans la mesure où, toujours compte
tenu de la pension, de la nourriture, des repas qu'elle prend dans la maison de
l'employeur ce montant pourrait être négocié entre
l'employé et l'employeur. Il suffirait d'établir un maximum,
comme cela a été fait pour certaines ordonnances de la Loi du
salaire minimum, notamment concernant les employés de l'exploitation
forestière.
M. Johnson: Oui, c'est cela. Sauf que, dans les exploitations
forestières, il y a des syndicats en général. Le pattern
est établi par des conventions collectives. C'est cela la
difficulté de la définition dans le cas des aides domestiques. Il
faut se rendre compte que la situation est bien variable.
Mme Volpato: Mais la domestique est souvent consciente de la
valeur de sa pension et de la nourriture et elle est capable de négocier
du moment qu'il y a un maximum, un plafond qui est imposé par
règlement.
M. Johnson: D'accord, vous avez répondu aux questions que
je vous ai posées. Je vous remercie.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Maskinongé.
M. Picotte: M. le Président, je voudrais féliciter
ces gens de leur mémoire. C'est peut-être une des premières
fois au Québec que l'on se penche vraiment sur ce problème des
travailleurs domestiques. Le témoignage qu'en a fait Mme Cons-tantineau
tantôt prouve jusqu'à quel point il y a des situations vraiment
pénibles et que ce domaine a été considéré
comme obscur très longtemps. Quand je dis obscur, je veux tout
simplement dire que très peu de gouvernements, je pense bien, y compris
celui-là et les autres, ont eu des données ou ont fait des
recherches pour avoir des données et connaître exactement tout ce
qui pouvait se passer dans le domaine du travail domestique.
Malheureusement, le dossier m'a été remis seulement cet
après-midi vers 15 heures. J'aurais aimé prendre davantage
contact avec quelqu'un d'entre vous ou avec d'autres personnes dans le but de
vérifier jusqu'à quel point vous... on parle de l'Association
pour la défense des droits du personnel domestique de Montréal.
J'imagine, selon le témoignage que vous avez fait, que vous n'êtes
pas une association qui peut payer des gens pour préparer certaines
données importantes. Mais est-ce qu'il existe ou est-ce que quelqu'un
chez vous pourrait nous renseigner davantage sur les statistiques ou les
pourcentages qui peuvent avoir été établis, même
s'il y a des statistiques maisons qui ont été faites? Quelqu'un
pourrait-il nous éclairer davantage?
On a parlé tantôt des employés, des travailleurs
domestiques qui travaillent à domicile. Cela représente quoi? On
a parlé aussi d'autres groupes de travailleurs. Alors, j'aimerais que
vous explicitiez davantage, si c'est possible. On a parlé tantôt
de 4000 ou 5000. Je pense qu'il doit y avoir sûrement des travailleurs
domestiques qui sont pas mal mieux traités je dis pas mal mieux
traités par rapport à ceux qui sont très mal
traités Est-ce que cela existe et est-ce qu'il y en a qui ont
vraiment des conditions qui ont de l'allure? Est-ce que quelqu'un peut
répondre à des questions semblables?
Mme Volpato: Je pense qu'on peut dire qu'il y a des domestiques
qui sont bien traités; c'est évident. Mais les statistiques que
nous vous avons présentées aujourd'hui représentent une
moyenne. Il y a aussi des travailleuses domestiques qui sont traitées de
pire façon encore. On a eu des cas de travailleuses domestiques qui ont
travaillé pour $10 par semaine pendant des années. En fait, ce ne
sont pas des cas qu'on a rapportés aujourd'hui à la commission
parce qu'on a pensé qu'ils n'étaient pas représentatifs,
tout comme les travailleuses bien traitées ne sont pas des cas
représentatifs, bien qu'il en existe.
M. Johnson: Pourriez-vous me décrire quelle est la famille
plus ou moins typique ou moyenne qui utilise les services d'une domestique? Mme
Constantineau.
Mme Constantineau: Oui, mais c'est...
M. Johnson: D'abord, il y a combien d'enfants en
général? Est-ce que c'est une famille avec des enfants? Il y en a
combien? Ils ont à peu près quel âge? Sont-ce des enfants
à la maison ou de jeunes adultes?
Mme Constantineau: Moi, en ce moment, je travaille et je reviens
chez moi tous les soirs. Alors, des fois, il y a trois ou quatre enfants qu'on
doit garder pendant la journée ou qu'on va garder le soir, selon les
besoins des parents ou des familles, mais, en règle
générale, ce sont toutes des familles qui sont capables de
payer.
M. Johnson: D'accord.
Mme Constantineau: II y en a quelques-unes, mais
celles-là, souvent...
M. Johnson: En général, est-ce que ce sont des
familles où l'homme et la femme travaillent?
Mme Constantineau: Ah oui!
M. Johnson: En général, les deux travaillent,
à l'extérieur du foyer, j'entends.
Mme Constantineau: Oui, c'est ce que je vous ai dit. Nous, on
entre, on n'a aucune sécurité et eux, ils sortent, ils ont tous
les avantages, parce qu'ils veulent avoir une rente du Québec et
l'assurance-chômage. Il y a des femmes qui vont travailler deux ou trois
ans. Après, elles veulent avoir l'assurance-chômage. Nous entrons
chez elles et, encore, elles ne veulent pas nous payer beaucoup. Elles disent:
Cela va trop diminuer mon salaire. D'accord, nous ne sommes pas obligées
de travailler pour elles pour rien. Des fois, je leur demande si elles
reçoivent le bien-être social, parce que franchement elles nous
offrent des taux parfois plus bas que ceux qu'on recevrait du bien-être
social.
Je comprends que cela va réduire trop leur salaire, mais qu'elles
restent à la maison, ces femmes-là, si elles ne peuvent pas se
payer une servante de façon adéquate. On n'est toujours pas des
esclaves.
M. Johnson: Là, je pense qu'on est en plein milieu du
cercle vicieux. C'est ce qui est difficile à casser et c'est ce qu'on
essaie de commencer à faire. Je veux qu'on se comprenne bien
là-dessus. J'ai eu l'occasion de poser la question au prési-
dent de la CEQ. Le président de la CEQ représente un
mouvement de 70 000 personnes, dont la majorité sont des femmes qui
travaillent, qui sont des enseignantes. Et le salaire moyen d'une enseignante
qui arrive sur le marché du travail, qui a un an ou deux
d'expérience au maximum, est à peu près $225 par semaine.
Je ne me trompe pas, M. Chevrette? C'est à peu près $225 par
semaine. On peut présupposer que le mari, lui aussi, travaille et
ça peut-être cela ou ça peut être plus. Et c'est cela
le problème. Vous dites d'une certaine façon: Si elles n'ont pas
les moyens de nous embaucher, qu'elles restent donc à la maison pour
s'occuper des enfants et faire leur ménage. Et, d'une certaine
façon, je suis d'accord avec vous: Pourquoi en seraient-ce d'autres,
sauf qu'on n'a pas réglé le problème de la condition
féminine dont nous parle Mme Payette, depuis un bout de temps. On veut
aussi permettre aux femmes d'avoir accès au travail, sur le
marché du travail, pour se développer.
Mme Bouchard: Je m'excuse... Mais le problème des
travailleuses domestiques, actuellement, nos revendications ne sont pas de dire
aux femmes de rentrer à la maison; c'est tout simplement de leur
demander de ne pas exploiter d'autres femmes et, si elles veulent aller
à l'extérieur, de faire des pressions pour obtenir des garderies.
Il y a aussi l'entraide entre amis, entre parents, qui existe et doit toujours
exister. Je pense qu'il y a d'autres moyens que de faire venir une personne
à temps plein.
M. Johnson: On se comprend bien: il y a aussi d'autres moyens.
C'est un peu à tout cela que je voulais vous amener, afin qu'on puisse
réfléchir sur cette question. Parmi ces autres moyens, il y a
aussi les garderies; c'est évident que cela va simplifier bien des
problèmes, le jour où on aura un système de garderie
publique plus accessible. Quand vous parlez d'entraide, moi, je regarde dans la
paroisse Saint-Conrad, chez nous, dans le comté d'Anjou, c'est une
paroisse où il y a presque 40% de la population qui, ou reçoit de
l'aide sociale, ou de l'assurance-chômage quand il y en a. Il y a des
femmes qu tentent de se grouper pour essayer de sortir un peu de la maison et
se ventiler une journée par semaine, pour faire autre chose que
d'entendre les petits brailler à la maison. Cela peut se comprendre,
cela; je pense que c'est légitime, pour une femme au foyer, de le faire.
Ce sont des femmes qui ne travaillent pas à l'extérieur, qui
n'ont pas de métier, qui ne sont pas non plus des aides-domestiques et
pour qui ce serait peut-être très difficile, compte tenu de leur
âge, de ce qui se passe, de la situation économique, etc.
De temps en temps, elles font venir quelqu'un. Il y en a qui ont
réussi à se grouper pour former une espèce de garderie
communautaire qui reçoit des subventions à travers
différents programmes, et cela fonctionne bien. Une journée par
semaine, elles viennent à tour de rôle. En plus de cela, elles
paient une gardienne d'enfants professionnelle, sur une base hebdomadaire. Mais
à un moment donné, le problème qui se pose, c'est dire le
jour où celles qui n'ont pas réussi à s'organiser sur une
base communautaire, et tout le monde ne réussit pas. On n'est pas rendu
à ce stade, dans notre société, où on va souhaiter
que le monde s'organise et s'organise instantanément. On vit encore dans
une société où beaucoup de gens sont individualistes. Cela
vaut pour le personnel domestique, comme pbur tout le monde d'ailleurs. Vous
savez comme association, que vous avez des difficultés de regroupement,
parfois. Le jour, elle fait venir une jeune fille, par exemple, qui est sa
voisine ou la fille de sa voisine, qui a 19 ans ou qui, pour une raison ou pour
une autre, n'est pas à l'école, fait garder ses enfants et lui
dit en même temps: pourrais-tu me donner un coup de main dans la maison?
Je suis fatiguée cette semaine. Tombe-t-elle sous la Loi du salaire
minimum? Il y a ce problème très concret. Si on définit
toute personne qui utilise les services d'un personnel domestique comme
employeur au sens de nos lois, va-t-on faire des dames de Saint-Conrad, que je
connais, des employeurs professionnels. C'est cela le problème. Je vais
simplement vous dire qu'il y a des difficultés techniques
considérables. D'accord?
Mme Constantineau: D'accord. Mais, d'un autre côté
si cette jeune fille ne gagne pas adéquatement, soit pour ses
études, soit pour suivre un cours, ou pour être capable de
s'habiller, qu'est-ce qui va arriver? Elle va aller automatiquement demander de
l'aide sociale. On n'a pas tellement le choix. D'accord, je comprends ces
familles qui ne peuvent pas toujours payer le salaire minimum. Moi-même,
je ne pourrais pas le payer, même si j'en avais besoin. Quand même
une grande loi serait passée, quand même j'en aurais besoin, je ne
pourrais pas le payer le salaire minimum. Mais il faut essayer... (17 h 30)
C'est vous, le gouvernement, qui devez penser à faire quelque
chose. De quelle manière peut-on aider le petit peuple? Je ne le sais
pas. Il n'y a pas que nous, d'accord, comme vous l'avez dit, le personnel
domestique qui est mal pris, les petits salariés ont tous le même
problème. Quand on a besoin, nous sommes là à balancer de
l'un ou l'autre; souvent, on ne peut pas se payer l'un et l'autre, c'est
impossible.
Mme Volpato: Est-ce que je peux aussi ajouter quelque chose? Je
pense que si vous poussez l'exemple que vous avez donné à
l'extrême, on aboutit au problème de la travailleuse domestique
qui doit sortir de chez elle pour aller gagner sa vie et qui, elle, à
son retour, ne peut pas se payer une travailleuse domestique pour faire les
travaux à la maison. Donc, je pense que le souci des petits
salariés est un peu faux. Je m'excuse de le dire, mais je pense que vous
vous obstinez à croire que les employeurs des travailleuses domestiques
proviennent de toutes les classes sociales et ce n'est pas le cas. Une famille
qui a un revenu de $10 000
par année ne pense même pas à se permettre une
travailleuse domestique. Parmi leurs amis, il y en a qui font du travail
domestique, ils n'en veulent pas une. Ils vont se débrouiller. Les
employeurs des travailleuses domestiques peuvent s'en payer une. C'est un
fait.
M. Johnson: C'est cela la question que je vous ai posée
tout à l'heure et à laquelle j'aimerais que vous
répondiez. Quel est le portrait type de l'employeur qui utilise les
services domestiques d'une femme qui donne cette prestation de service?
Mme Volpato: Tout d'abord, comme l'a dit Mme Constantineau, c'est
d'habitude une famille où le couple travaille. Cela veut dire que le
revenu n'est pas celui d'une personne, mais de deux. Deuxièmement, il se
situe habituellement dans les classes professionnelles en montant... Pour ce
qui est du revenu, on ne peut pas vous donner des statistiques. Mais, comme on
vous l'a dit, le centre de main-d'oeuvre de Montréal a pu nous
préciser que la plupart des offres d'emploi, sinon toutes, provenaient,
comme je l'ai mentionné tout à l'heure, de ville Mont-Royal,
Hamptead ou Westmount, pour la région de Montréal. Je pense que
cela ne fait aucun doute que les personnes qui résident dans ces
quartiers peuvent se payer une domestique.
M. Johnson: Empiriquement et selon les recherches que vous avez
faites, de façon générale, on peut dire que ceux qui
utilisent les services d'une domestique, que ce soit une journée par
semaine ou cinq jours par semaine parce qu'il y a une très grande
différence, je pense, entre l'utiliser une journée par semaine et
cinq jours par semaine...
Mme Volpato: Le revenu des employeurs qui utilisent les services
d'une domestique seulement une journée par semaine est peut-être
moins élevé, mais on parle d'une journée par semaine. Si
le revenu est moins élevé, on paie une domestique pour le nombre
d'heures qu'on peut payer. Mais qu'on ne la fasse pas travailler si on ne peut
pas la payer, c'est un non-sens.
M. Johnson: L'autre chose, c'est que, d'après vos
études, de façon générale, si vous aviez à
mettre un pourcentage sur les travailleuses domestiques qui sont payées
l'équivalent ou plus du salaire minimum, vous diriez que c'est
combien?
Mme Volpato: Je ne pourrais pas vous dire, mais c'est
sûrement moins de la moitié. C'est une fraction très
petite.
M. Johnson: C'est une fraction seulement qui est payée au
salaire minimum?
Mme Volpato: Oui, même si je crois que... On pense souvent
à la femme de ménage qui est payée $20 par jour. Je vous
dis que $20 par jour pour neuf heures de travail, sans rien d'autre comme
droit, sans avoir le droit à l'assurance-chômage ou au
régime de rentes, cela ne vaut pas grand-chose. Cela ne va pas loin.
M. Johnson: Vous établiriez cela à combien? $25 par
jour plus un repas le midi? Pour vous cela revient...
Mme Volpato: La moyenne est de $20 par jour.
M. Johnson: La moyenne, c'est $20 par jour. Mais, pour vous, ce
qui serait le salaire minimum pour une journée de huit à neuf
heures, y compris, en général, une pause, entre guillemets,
pendant lavant-midi et l'après-midi et une heure pour le repas fourni?
C'est $25 par jour qui serait, pour vous l'équivalent, plus ou moins, du
salaire minimum.
Mme Volpato: Bien, un repas fourni... souvent, la femme qui vient
faire le ménage apporte son lunch.
M. Johnson: Souvent, en général ou parfois?
Mme Volpato: Très souvent elle apporte son lunch,
très souvent. Elle n'a pas le temps de se faire un repas convenable, si
elle a une demi-heure pour manger. Elle a le temps de manger un sandwich, c'est
tout. De toute façon, son heure de dîner n'est pas
payée.
Mme Constantineau: Ensuite, vous savez, ce n'est pas partout
qu'on est bien nourri. On aime autant apporter son dîner que de manger ce
qu'on nous a laissé ou ce qu'on nous a présenté.
Quelquefois même, vous savez, il n'y a rien dans le
réfrigérateur. Vous savez qu'on est réellement mal
prises.
M. Johnson: Merci.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Maskinongé.
M. Picotte: Comme vous le voyez, M. le Président, j'ai
été gentilhomme avec le ministre. J'ai cédé mon
droit de parole quelques minutes, mais je me suis aperçu qu'il m'a
littéralement volé, dans le bon sens du mot, certaines questions.
Mais je pense que c'est important, parce que cela fait avancer le dossier et on
est ici, en fait, pour cela.
Quand vous parlez, à un moment donné... A la page 9 de
votre mémoire, vous dites: un autre argument fréquemment
soulevé maintient que l'extension du salaire minimum au personnel
domestique rendrait les services de ces travailleuses, inaccessibles à
certaines familles.
Je ne voudrais pas mal vous interpréter, mais j'espère que
ce n'est pas cela que vous avez voulu dire non plus. Mais est-ce que c'est le
fait qu'il y a deux personnes qui travaillent à l'intérieur d'une
maison qui vous fait dire: "Bon, s'ils travaillent
tous les deux, ils sont capables, à ce moment, de se payer une
bonne, de se payer une aide domestique et de se la payer de façon
convenable".
Je vais prendre, par exemple, une situation dans mon comté et qui
se répète à plusieurs exemplaires. On a malheureusement le
désavantage chez nous d'avoir des industries qui paient des salaires
minimaux, très minimaux, c'est-à-dire, c'est l'industrie du bois,
l'industrie du textile qu existait, et aussi l'industrie du vêtement qui
est peut-être un petit peu mieux payée du côté
féminin, ce qui fait que la plupart du temps, les deux personnes sont
obligées de travailler si elles veulent être capables de continuer
d'effectuer leurs paiements sur la maison.
Ma question est la suivante: Vous appuyez votre raisonnement sur quoi
pour faire une telle affirmation? Est-ce qu'il n'y aurait pas danger
qu'advenant à ce moment, je ne veux pas être
péjoratif du tout le fait que le ministre accepte vos
recommandations et qu'en principe, on se rende à vos désirs, n'y
aurait-il pas danger, à un moment donné, qu'il puisse y avoir un
certain regroupement de personnes qui ne pourraient pas se permettre une telle
chose vous parlez de Westmount, d'accord, mais des Westmount dans le
comté de Maskinongé, il n'y en a pas il y a beaucoup plus
de personnes qui ont de la difficulté à joindre les deux bouts.
J'imagine que le personnel dont vous parliez tantôt on parlait de
5000 travailleurs ils ne doivent pas tous être situés dans
ces coins-là.
Mme Volpato: M. le député en tout cas, c'est
mon avis je pense que, si vous effectuez une recherche dans votre
comté, vous vous apercevrez que ces familles ne sont pas celles qui se
paient des travailleuses domestiques de toute façon.
M. Picotte: II en existe, il en existe.
Mme Volpato: La travailleuse domestique travaille justement pour
pouvoir se payer trois repas par jour, sept jours par semaine, et pour pouvoir
payer son appartement, mais non pas pour pouvoir finir de payer sa maison,
parce qu'elle n'a pas les moyens de s'en payer. Alors, il ne faut quand
même pas...
M. Picotte: D'accord, je ne vous dis pas cela... je vous
mentionne tout simplement cela, parce que cela peut être un
élément dont il nous faudra, nous, les gens de la commission
parlementaire, tenir compte, et qui est important.
Mme Volpato: Encore une fois, il faut arrêter de
considérer le travail domestique comme un service, une faveur
personnelle qu'on fait, du bénévolat. Ce n'est pas du
bénévolat, c'est du travail. Cela mérite d'être
rémunéré comme tel. Je pense que c'est aussi simple que
cela.
M. Picotte: Je voulais tout simplement savoir ce que...
M. Johnson: Au mieux, c'est un contrat à forfait, au
mieux.
M. Picotte: Je voulais tout simplement savoir si vous aviez fait
une étude, à savoir si vraiment l'affirmation que vous faites en
page 9... C'est tout simplement ce que je voulais savoir dans cela.
Le ministre a soulevé une autre question que je voudrais rappeler
aussi: on parlait des travailleurs domestiques occasionnels, par exemple, c'est
surtout dans le cas de gardiennage, je pense, que le ministre a posé sa
question. Il a cité le cas d'une jeune fille, par exemple, qui avait 18,
19, 20 ans, qui va au CEGEP ou qui poursuit des études, qui, à ce
moment, n'est pas considérée comme une travailleuse dans notre
système. Elle n'est pas sur le marché du travail, donc, ce n'est
pas une travailleuse, c'est une étudiante. Le ministre vous a
posé une question à peu près semblable à celle-ci:
Comment devrait-on considérer ce genre de travailleur? Vous avez dit en
tout cas, j'ai cru percevoir que vous disiez que tous les travailleurs, toute
personne qui, même l'étudiante, irait travailler dans ce domaine,
devrait être considérée sur le même pied qu'une
travailleuse.
Comment pensez-vous que c'est possible, pour un gouvernement, d'agencer
une chose semblable à l'intérieur du projet de loi, puisque,
comme je viens de vous le mentionner, une étudiante, une personne qui
poursuit des études n'est même pas considérée comme
quelqu'un qui est sur le marché du travail. A ce moment, ce pourrait
être des personnes qui pourraient être utilisées, et je ne
verrais pas comment... Peut-être que vous, vous pouvez nous dire comment
on pourrait le voir et comment on pourrait le faire. C'est l'essentiel de ma
question.
Mme Volpato: Une étudiante, comme vous le dites, qui n'est
pas une travailleuse, selon vos propres termes, qui travaille dans un
restaurant ou un bureau, est-ce qu'à ce moment, cette personne,
d'après vous, n'aurait pas droit au salaire minimum parce qu'elle est
une étudiante? Cela ne tient pas debout, votre opinion...
M. Picotte: Evidemment, il y a énormément de choses
auxquelles elle n'a pas droit. Le ministre du Travail pourrait peut-être
donner certaines explications additionnelles.
M. Johnson: Je pense qu'il faut quand même mentionner que
dans les lois, de façon générale, que ce soit celles de
l'Education, des Affaires sociales, du Travail parce que l'Etat assume
l'essentiel des dépenses reliées à l'éducation, il
considère que ceux qui sont des étudiants ne doivent pas
être considérés, pour les fins de l'ensemble de
l'application des lois, comme étant des travailleurs au sens
général. Je pense que cela se justifie fort bien collectivement,
dans la mesure où l'étudiant au CEGEP reçoit de l'ensemble
des contribuables du Québec, aux fins de son éducation, une somme
qui varie n'importe où entre mille et cinq mille dollars par
année, selon le type d'études qu'il fait.
C'est cela que ça coûte, "l'éduquer " et c'est la
collectivité qui paie. L'autre chose, c'est que la gardienne d'enfants
qui est étudiante et qui a 19 ans, en pratique, qui est la cousine ou la
fille du voisin que la personne connaît. C'est plus sur la base, je
pense, de ce que vous-même vous avez décrit comme étant un
système d'entraide dans le quartier. Je veux dire, effectivement, ma
fille qui a 19 ans va aller garder les enfants de ma voisine, un vendredi, et
le samedi cela va être le contraire, cela va être le fils de mon
voisin, qui a 18 ans, qui va venir garder mes enfants. Sauf que "l'employeur"
ou le voisin décide d'une gratification à l'égard de cette
personne-là, qui peut se traduire par un cadeau à Noël ou $2
l'heure. Je ne pense pas qu'on parle de service domestique, quand on parle de
gardiennage dans ce sens-là, de garde d'enfants, dans ce sens-là.
Je ne sais pas si vous êtes d'accord avec moi là-dessus. Ce qui
est très différent de ce que vous me décrivez, madame
Constantineau, quand vous parlez que votre métier, c'est effectivement
comme aide-domestique et que cela implique, entre autres, de garder des enfants
à un moment donné. Mais je pense que c'est très
différent, par nature. Je ne sais pas si vous êtes d'accord avec
cela?
Mme Constantineau: Oui, je comprends bien qu'il peut y avoir une
certaine lacune. Naturellement, c'est difficile d'arriver de façon
juste, parce qu'il n'y a pas de problèmes uniquement de ce
côté-là et cela fait longtemps que l'on n'a rien fait. Si
on avait fait un peu, peut-être qu'aujourd'hui ce serait plus solide.
Là, on arrive et on a tous les problèmes ensemble. Mais d'un
autre côté, cela fait assez longtemps que ça dure, que les
domestiques ont été écrasées. Il faut absolument
que...
M. Johnson: Que cela débloque.
Mme Constantineau: Oui, pourquoi des gens ont-ils des
difficultés à se trouver de l'aide? Les domestiques se dirigent
d'un autre côté.
Une Voix: Ils vont aller les chercher au Pérou, les
domestiques.
Mme Constantineau: Oui, là ils se dépêchent
et vont chercher une immigrante et essaient de l'écraser, vu qu'elle ne
connaît rien et qu'elle a peur de retourner dans son pays. Parce qu'on a
bien moins de difficulté à placer une immigrante qu'une
canadienne. On comprend bien leur jeu, ils peuvent la faire travailler. On a vu
des cas pitoyables; il faut aller à leur secours parce que ces personnes
ont peur de parler. Elles ont même peur de venir à nous, parce
qu'elles ne font partie d'aucun groupe. Alors, elles ont
énormément peur. Aussitôt qu'elles s'aperçoivent que
nous sommes formées en association, elles ont énormément
peur de nous, et je les comprends, parce que si j'étais dans leur pays,
j'aurais peur d'aller à un groupement.
M. Picotte: Ma question était simplement dans le but, M.
le Président, de faire remarquer l'impact qu'on avait souligné
tantôt et l'importance d'en faire la distinction.
J'avais encore quelques questions additionnelles, mais je pense bien que
je vais laisser la chance à mes autres collègues de la commission
parlementaire, étant donné qu'il est déjà cinq
heures quarante-cinq, de poser des questions.
En terminant, je veux vous féliciter, parce qu'avec les moyens de
base et les pauvres moyens que vous avez eus pour nous présenter un tel
rapport et nous donner une idée assez juste de ce que représente
votre travail, je pense que vous méritez des félicitations de la
part de la commission.
Mme Constantineau: On vous remercie et soyez assurés qu'on
a travaillé très fort pour venir jusqu'ici, parce que, vous
savez, on a toujours été le petit peuple prêt à
reculer et on n'est pas habitué aux grandes choses.
M. Picotte: Vous faites bien cela, parce que c'est difficile de
passer devant un micro.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Johnson.
M. Bellemare: Mme Constantineau, je vous félicite, moi
aussi, parce que je sais combien c'est pénible d'exercer vos droits,
dans une société qui semble mettre de côté cet
élément depuis plusieurs années: les domestiques. Combien
de membres êtes-vous actuellement, dans votre association? (17 h 45)
Mme Constantineau: Au-delà de 400 membres.
M. Bellemare: 400 membres, de la région de Montréal
seulement?
Mme Constantineau: Oui, et des environs.
M. Bellemare: Vous n'en avez pas dans les parties rurales, comme
dans Johnson, comme dans...
M. Requelme: II y a d'autres associations qui sont en train de se
former à L'Islet, Sherbrooke, Trois-Rivières, qui sont en train
de se monter parce que...
M. Bellemare: Elles sont en train de s'organiser mais elles ne le
sont pas...
M. Requelme: Elles sont organisées, mais elles commencent.
Elles sont à leur début, elles ont peut-être un mois ou
deux...
M. Bellemare: Est-ce que vous avez, comme association, bien des
demandes actuellement pour des jeunes filles, par exemple, pour travailler aux
soins domestiques? Est-ce que vous avez beaucoup de demandes?
Mme Volpato: Nous ne sommes pas une agence de placement, mais il
arrive que des employeurs souvent nous appellent, des employés aussi. On
a pas mal de demandes.
M. Bellemare: Est-ce qu'il y a eu une baisse ou il y a eu une
montée dans ce système de domestiques, actuellement?
Mme Volpato: II y a une montée. M. Bellemare: II y
a une montée. Mme Volpato: II y a une montée, oui.
M. Bellemare: A quel âge, à peu près,
sont-elles engagées ces jeunes filles? De 16, 17, 18 ou 19 ans? La
majorité d'entre elles est engagée...
Mme Volpato: Dans Montréal, on n'en a pas en bas de 19,
cela va jusqu'à 60. Je sais que dans d'autres régions, comme
à Sherbrooke, surtout à L'Islet, où les gens ressentent le
besoin de former quelque chose, il y a beaucoup de travailleuses qui ont 14, 15
ans.
M. Bellemare: Une autre question. Est-ce qu'il y a des gens de
l'âge d'or qui se prêtent comme travailleuses domestiques dans les
maisons?
Mme Volpato: Pas à ma connaissance, elles sont toutes en
bas de 65 ans. C'est quand même assez dur, faire du ménage,
s'occuper des enfants. Alors 65 ans...
M. Bellemare: Quelqu'un a dit tout à l'heure, j'ai lu cela
dans votre mémoire, que vous vouliez être couvertes par la Loi des
accidents du travail, la CAT.
Ce matin, le ministre a dit, à une question qui lui a
été posée, que vous ne seriez pas couvertes par la Loi de
la CAT dans cette loi.
M. Johnson: Je crois que la Commission des accidents de travail
ne prévoit pas l'inclusion des domestiques.
M. Bellemare: Bon, alors.
Mme Constantineau: Mais pourquoi?
M. Johnson: Parce qu'elle est comme cela depuis un bout de temps.
Remarquez que ce n'est pas une réponse, je suis bien conscient de cela,
madame.
Mme Constantineau: Parce que quand on est...
M. Johnson: Au moment où on se parle, cela n'est pas
prévu dans la Loi de la Commission des accidents du travail.
Mme Constantineau: Essayez de l'ajouter au plus vite.
M. Bellemare: Je n'ai pas voulu faire de traquenard avec cela,
pour prendre le ministre.
M. Johnson: Dans le fond, cela fait bien son affaire, par
exemple.
M. Picotte: C'est cela qui s'est passé.
M. Bellemare: Mais je pense, madame, qu'en ce qui regarde la
Régie des rentes, l'assurance-chômage, la Commission des accidents
du travail, quant à être couvertes vous aimeriez être
couvertes dans tout, à mon sens, parce qu'on vous laissera sur votre
appétit, c'est sûr, autrement.
Mme Constantineau: Ce que j'ai pensé, j'aimerais que soit
couvert automatiquement tout travailleur. Quand on arrive à 65
ans...
M. Bellemare: Oui c'est sûr.
Mme Constantineau: Vous pourriez nous en donner une certaine
partie des rentes. Nous sommes au Québec, nous existons. Même si
on n'a pas contribué...
M. Bellemare: Vous dites cela au ministre, vous ne dites pas cela
à moi.
Mme Constantineau: Je dis cela à qui veut l'entendre.
M. Johnson: M. Bellemare aurait pu voir à cela à
l'époque où il était ministre du Travail, mais c'est
peut-être parce qu'il n'a pas eu le temps.
M. Bellemare: Ce n'est pas avec le budget qu'on avait dans le
temps, mais avec ce qu'ils ont aujourd'hui; la différence est
énorme.
Mme Constantineau: Mais peut-être que si on était
venu les voir à ce moment, cela serait peut-être
préparé aujourd'hui. On n'est pas venu assez vite, vous savez
qu'il faut avoir les cheveux blancs pour venir ici, parce que...
M. Bellemare: Je me souviens que dans le temps, le budget de la
province était de $100 millions. Aujourd'hui il est de $13 milliards.
Cela fait une grande différence et j'ai vu cela de mes yeux vu, comme
administration provinciale." Other days, other ways", autre temps autres
moeurs, puis d'autres moeurs, d'autres hommes, d'autres hommes, d'autres
manières de procéder.
Je suis très favorable, madame, à ce que vous puissiez
prendre en main votre responsabilité et la faire valoir devant la
commission parlementaire. Toutes celles qui se sont exprimées, et vous,
monsieur, vous avez bien plaidé. Je pense que cela nous donne un
aperçu de la situation véritable. Je me demande, seulement, si
aux Etats-Unis, après
qu'ils eussent changé le salaire minimum, il y a eu beaucoup de
tapage qui a été fait. Je pense que vous le dites dans votre
mémoire, mais que ceux qui ont crié contre l'augmentation du
salaire minimum se sont réadaptés tranquillement au fait qu'il
avait été imposé par l'Etat. Est-ce que c'est vrai que
vous avez été... A un moment donné, j'ai lu cela dans une
partie de votre mémoire, que la compagnie avait fait une recherche.
Je pense que c'est National Council of Household Employment aux
Etats-Unis qui a effectué une recherche sur la répercussion du
salaire minimum chez les employés domestiques et leurs employeurs. On a
découvert que, bien qu'il y avait beaucoup de discussions et
d'objections systématiques face à ce projet de loi, les
travailleuses domestiques n'ont pas perdu leur emploi à cause du refus
ou de l'incapacité de l'employeur de les payer selon le salaire. Alors,
vous avez donné un aperçu; je pense que c'est ce qui va se
produire dans la province, parce que c'est sûr et certain que vous allez
avoir plusieurs personnes qui ne pourront peut-être pas... accomplir tous
ces événements là. Mais comme vous le disiez tout à
l'heure, il y a une proportion d'au moins le tiers ou la moitié qui ne
reste pas dans les familles, on ne les garde pas, ou qui vont travailler pour
deux jours, trois jours par semaine et qui ne font pas les trente heures.
Alors, ces gens ne sont pas couverts, c'est sûr...
Mme Constantineau: Non.
M. Bellemare: Ni d'assurance-chômage, ni de commission des
accidents du travail, ni de régime de rentes.
M. Requelme: Pour poursuivre peut-être... moi, le patron,
je m'arrangerais pour que ceux qui sont couverts ne le soient pas.
C'est-à-dire, qu'ils fassent moins de 30 heures par semaine aussi...
sept fois, cela pourrait permettre à l'employé, qui fait plus que
30 heures, de descendre en bas de 30 heures pour ne pas être inclus dans
le taux du salaire minimum.
Mme Bouchard: 29 heures.
M. Requelme: 29 heures. Disons que ce n'est pas toujours
facile.
M. Bellemare: Mais est-ce qu'il y a une femme qui travaille, une
jeune fille qui travaille dans cinq endroits différents, qui fait 30
heures? Elle ne pourrait pas être couverte, parce qu'il faut qu'elle
garde son domicile.
M. Johnson: J'avais une question, si vous me le permettez, au
sujet de votre association...
M. Bellemare: Si vous voulez la finir, je vais arrêter.
M. Johnson: ... est-ce qu'il y a une différence
entre...
M. Bellemare: Si vous voulez la finir, je m'en... si je ne la
finis pas, le ministre va encore prendre une demi-heure de mon temps...
M. Johnson: Non, non, non, c'est juste une question très
brève.
M. Bellemare: II va dire qu'il est 18 heures, le
député de Johnson a fini, et: Bon, on s'en va.
M. Johnson: Mais c'est juste une question très
brève.
M. Bellemare: Ce n'est pas très, très gentil.
M. Johnson: Mais est-ce que le député de Johnson me
permet une question très brève?
M. Bellemare: Je vous le permets, vous la prenez la permission.
Je ne suis pas capable de vous l'enlever! Je ne suis pas capable de vous
l'ôter; vous êtes le ministre. Si je vous la refuse, vous allez
dire: "Le député de Johnson ne collabore pas et il
s'organise...
M. Chevrette: Là, tu collabores, tu en as juste une
à poser.
M. Bellemare: Par qui...
M. Johnson: Brièvement, est-ce qu'il y a une
différence entre l'Association du personnel domestique et l'Association
pour la défense des droits du personnel domestique de Montréal?
Etes-vous la même association?
M. Constantineau: C'est cela.
M. Johnson: Parce qu'il y a deux titres différents dans
votre mémoire et dans votre nom.
Mme Bouchard: C'est plus facile. Normalement, on fonctionne sous
le nom d'Association du personnel domestique, parce que cela fait long...
association... Mais sur les choses officielles, nous...
M. Johnson: II n'y a pas de différence? Mme Bouchard:
Non, c'est la même chose.
M. Bellemare: ... je peux revenir, merci. Vous êtes bien
gentil. Est-ce que, madame, vous allez faire pression spéciale
auprès du ministre pour qu'au moins ceux qui travaillent 30 heures dans
le service domestique puissent être couverts par la loi, même si
elle n'exige pas 30 heures dans une maison?
Mme Constantineau: Oui, mais nous ne voudrons pas être
séparés comme cela... 30 heures, elles sont couvertes, elles ne
sont pas couvertes. Vous savez, cela va faire encore... on veut tout ou...
M. Bellemare: Ou rien.
Mme Constantineau: Ou rien.
M. Bellemare: Vous ne voulez pas rien, c'est sûr et
certain. Vous voulez quelque chose au moins...
Mme Constantineau: Non, non, on veut avoir nos...
M. Bellemare: Ne dites pas cela, parce que c'est
enregistré au journal des Débats et on va relire cela dans
quelques années.
M. Picotte: Le ministre va vous prendre au sérieux et ne
va rien vous donner.
M. Bellemare: Voyons.
Mme Constantineau: Ah non. Je le connais, M. Johnson, et je suis
sûre qu'il va faire quelque chose.
M. Bellemare: Cela, au moins, c'est un pas qui peut être
apprécié, mais il reste que vous autres, vous êtes dans
l'attente de voir ces autres qui viendront s'ajouter à cela. Cela ne
sera pas cette année. Cela viendra peut-être à la veille
d'une élection; c'est peut-être bon aussi à la veille d'une
élection.
Mme Constantineau: Bon, c'est juste le bon temps, M. Lamarre.
M. Bellemare: Ce n'est pas Lamarre, c'est Bellemare.
Mme Constantineau: C'est juste...
M. Bellemare: Mon nom est assez pitoyable, vous savez... Quand
arrive le mois de novembre, moi aussi, je m'appelle Bellemare. Mais, madame, la
veille des élections peut-être qu'on tricotera quelque chose et
qu'on vous dira... vous afficher peut-être un petit amendement. C'est
dans la "game", c'est dans la stratégie, la politique.
Mme Constantineau: Oui mais, vous savez, cela va nous prendre un
bon amendement, parce que je suis sérieuse, bon.
M. Bellemare: Oui, mais vous ne pensez pas avoir gagné
votre point avec le ministre.
Mme Constantineau: Non, je sais que c'est plus difficile que
cela. Mais on va revenir si cela ne fait pas.
M. Bellemare: Je l'ai déjà été et je
vous garantis que ce que vous demandez dans votre mémoire, contrairement
à ce qui existe dans la loi, c'est une transformation quasiment à
100%. Je sais d'avance que le ministre vous donnera peut-être un petit
quelque chose pour ne pas vous perdre...
Une Voix: C'est parce qu'on est des femmes que vous dites
cela?
M. Bellemare: Parce que vous êtes des femmes?
Une Voix: Oui, j'ai entendu cela ce matin, avec le Conseil du
patronat. Vous n'avez pas parlé...
M. Bellemare: Ou côté patronal, j'ai
été selon mes convictions.
Une Voix: ... et aujourd'hui.
M. Bellemare: Non, la même égalité, madame,
je vous dis que, comme député, après 36 ans de
députation, je n'ai pas changé ma face.
M. Johnson: Si vous me permettez, pour la défense de M.
Bellemare, il est toujours comme cela.
Mme Bouchard: Est-ce que je peux poser une question à M.
Johnson?
M. Johnson: Allez-y.
Mme Bouchard: Si vous avez fini.
M. Bellemare: Bien sûr, je semble avoir terminé
après l'allusion si baroque que vient de faire votre
collègue.
Mme Bouchard: Vous proposez dans le projet de loi que les
personnes logées et nourries soient incluses. Comme on sait que la
plupart de ces travailleuses sont des personnes qui détiennent un permis
de travail j'en ai parlé tantôt et qu'elles le
détiennent en vertu d'une loi fédérale le
ministère provincial de l'Immigration s'occupe également d'elles
elles sont quand même assujetties à la loi du travail du
Québec. Est-ce qu'elles vont se trouver automatiquement incluses dans
cette loi?
M. Johnson: Je pense que oui, d'après les
évaluations...
Mme Bouchard: Vous pensez!
M. Johnson: C'est un problème de droit constitutionnel. On
voudrait qu'elles le soient, on le souhaite et on souhaite que la constitution
ne nous en empêche pas. On pense et c'est ce qu'on a
évoqué avec le Conseil consultatif de l'immigration qui est venu
nous voir au début de la semaine, hier qu'on pourrait
peut-être exiger d'inclure dans la loi l'obligation pour l'employeur de
s'assurer que la personne qu'il a à son service a un permis de travail
si ce n'est pas un citoyen, évidemment, ou si ce n'est pas un immigrant
reçu. En ce sens, est-ce que vous êtes d'accord avec cette notion?
Le conseil consultatif était d'accord avec cela. Pensez-vous que cela
améliorerait...
Mme Bouchard: Elle vient toujours avec un permis de travail.
M. Johnson: Non, justement, c'est ce que le conseil nous disait.
Il y en a, justement, qui sont... et c'est là où le conseil s'en
prenait aux loix et aux difficultés d'application de certaines de ces
lois, c'est qu'il y a un trafic illicite de personnel, entre autres de
personnel domestique, qui sont des gens qui n'ont pas leur permis de travail.
La seule façon de le contrôler, c'est d'imposer une
pénalité à l'employeur qui déciderait d'embaucher
quelqu'un qui n'a pas de permis de travail. On pense...
Mme Marchand (Mathilde): Est-ce que vous savez, M. Johnson,
qu'avec le projet de loi que vous nous proposez, c'est l'encouragement à
l'arrivée massive de main-d'oeuvre domestique à bon marché
des pays étrangers? Etant donné que vous ne couvrez que les
domestiques logées et que, maintenant, vu l'abus des heures de travail,
ces femmes refusent d'être logées et veulent travailler de 8
heures à 5 heures ou de 8 heures à 4 heures, elles refusent et,
apparemment, il y a un manque de main-d'oeuvre domestique. Je peux vous en
parler parce que des demandes d'emploi, on en a des quantités par jour.
Ces employeurs vont s'en chercher dans les pays du tiers-monde. Il y a de plus
en plus de travailleuses domestiques à permis temporaire qui sont
exploitées.
M. Johnson: Je comprends ce que vous voulez dire, c'est un danger
et on regarde le type de formulation qu'on pourrait donner à la loi, y
compris les amendements qu'on pourrait y apporter, à partir des
mémoires qui ont été soumis. Je me permets de dire que
votre raisonnement ne tient pas, madame. Dans la mesure...
Mme Marchand: Pourquoi?
M. Johnson: Je vous explique pourquoi. Dans la mesure où
on dit que celui qui est nourri et logé va être couvert par la Loi
du salaire minimum, quel serait l'intérêt de l'employeur
éventuel à aller chercher une main-d'oeuvre dite à bon
marché? Elle ne pourra plus être à bon marché, elle
va être soumise à la Loi du salaire minimum.
Mme Marchand: Etant donné qu'elles sont sous juridiction
fédérale, elles passent à côté de la
juridiction actuelle du Québec.
M. Johnson: Pas nécessairement. C'est le statut
d'immigrant qui dépend des lois fédérales, mais les
conditions de travail d'une personne ici, qu'elle soit immigrante ou pas, sont
de juridiction provinciale.
Mme Marchand: Une chose qui échappe à M. Johnson,
je crois, c'est que ces femmes ne connaissent pas les lois et elles sont
très souvent victimes de l'ingérence de leur patron qui leur dit:
Si vous ne faites pas ce que je vous dis, je vous retourne dans votre pays. Il
y a un rapport de force qui est très inégal. Combien de femmes
exploitées ne parlent pas la langue? On va les chercher à
l'étranger parce que c'est plus facile de les contrôler, de les
manoeuvrer.
M. Johnson: Je comprends tout cela. Je veux quand même
corriger une impression que vous pouvez donner. La loi est loin d'avoir l'effet
que vous proposez. Telle qu'elle est rédigée, si elle devait
rester comme cela ça reste à déterminer je
pense que la loi aurait justement l'effet contraire, dans la mesure où
on dit qu'une personne nourrie et logée va être soumise à
la Loi du salaire minimum. (18 heures)
Vous me parlez du manque d'information, c'est vrai. Il y a votre
association, de la même façon que dans le cas des amendements au
Code du travail, on a distribué aux centrales syndicales et à un
tas de groupes de travailleurs organisés, ou qui veulent s'organiser,
des résumés du Code du travail qui sont facilement accessibles.
De la même façon dorénavant, comme vous le savez depuis
quelques années et particulièrement depuis deux ans, un immigrant
qui arrive au Québec passe, entre autres, à travers les services
du ministère québécois de l'Immigration. Il n'y a rien qui
empêche qu'un dépliant d'une page et quart qui donne un
numéro de téléphone à celui qui est susceptible
d'avoir un emploi domestique et qui est écrit en douze langues, le
réfère quant à ses droits.
Mme Marchand: Pas pour les permis de travail, les permis de
travail ne passent pas.
M. Johnson: Je sais que les permis de travail ne passent pas;
mais un immigrant, en général, au Québec, et de plus en
plus, ne serait-ce qu'à cause des bureaux de l'immigration du
Québec dans les aéroports, ne serait-ce qu'à cause de la
consultation maintenant obligatoire pour l'entrée de nouvelles personnes
au Québec dans le nouvel accord fédéral-provincial, il
passe quelque part dans le circuit gouvernemental provincial. Je ne vous dis
pas que c'est nous qui décidons qu'il a un permis de travail ou pas,
cela relève du fédéral. Mais ils sont en contact avec les
fonctionnaires provinciaux à un stade ou à un autre. De la
même façon on pourrait demander, comme cela nous arrive dans
certains cas, que Emploi et Immigration Canada, effectivement, distribue ces
dépliants à ceux qui demandent des permis de travail. C'est un
problème d'information qui n'a rien à voir avec la loi. Je pense
que vous faites bien de le souligner, mais cela se règle et on n'a pas
besoin d'une loi pour régler cela. On peut leur dire, par exemple, quels
sont les droits qu'ils ont en vertu de la loi.
Mme Volpato: ...
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Joliette-Montcalm, vous avez une question?
M. Chevrette: Vous demandez un consentement, si j'ai bien
compris?
M. Johnson: Cinq minutes.
M. Chevrette: Parce que je ne voudrais pas qu'ils reviennent
à huit heures.
M. Picotte: Pour ne pas qu'ils soient obligés de revenir,
disons cinq ou dix minutes maximum.
M. Chevrette: Parce que je les ai écoutés
religieusement, je me demande s'il n'y a pas une conclusion, en tout cas je
tire une conclusion de l'argumentation que vous faites. Je me demande si vous
n'êtes pas, par exemple, inconsciemment en train d'accentuer le
décalage des classes. Je vais vous expliquer pourquoi. Si vous dites:
Salaire minimum, ne craignez-vous pas que cela accentue le décalage
entre ceux qui avaient des possibilités d'avoir des domestiques par
rapport à ceux qui n'en n'ont pas la possibilité? Autrement dit,
que cela pourrait être réservé uniquement pour une classe
sociale.
Deuxième question parce que, si je la pose uniquement dans
ce sens, vous allez dire que vous y avez répondu d'une certaine
façon tantôt ne croyez-vous pas que c'est la
prolifération des systèmes d'aide sociale, j'inclus dans cela
l'assu-rance-chômage parce que j'écoutais Mme Constantineau
qui faisait des allusions politiques dans sa dernière partie vous
ne croyez pas que le fait d'obtenir de l'aide sociale, sous forme
d'assurance-chômage, de bien-être, vous démontrez même
que cela peut être plus payant, s'il y avait centralisation des argents
au niveau des programmes d'aide sociale, si c'était concentré
uniquement à une place et qu'on puisse permettre, par exemple, à
l'ensemble des Québécois, moyennant leur revenu, d'avoir
accès à l'aide domestique et que cela soit régi par un
programme unique. Ce ne serait pas l'idéal, mais cela règlerait
plus à fond le problème que vous soulevez, par rapport à
l'intention que vous manifestez dans votre mémoire.
Mme Volpato: Je m'excuse, mais je ne comprends pas ce que vous
expliquez.
M. Chevrette: Je prends un exemple. Il se paie de
l'assurance-chômage, il se paie de l'aide sociale, il se paie diverses
formes d'aide sociale au Québec. S'il y avait un programme
québécois de soutien de revenu, par exemple, aux familles qui ont
besoin de domestique et qui n'en n'ont pas les moyens. Vu qu'on a fixé
un seuil minimum à $3.37 ou $3.47 l'heure, s'il y avait un programme qui
permettait à l'ensemble des familles québécoises d'avoir
des recours à l'aide domestique, est-ce que cela ne serait pas
préférable que d'arriver uniquement avec une formule de salaire
minimum pour les domestiques, ce qui pourrait venir en aide uniquement aux
familles riches, mais qui pourrait créer des emmerdements monstres. Par
exemple, une femme qui accouche et qui a besoin de quinze jours d'aide. Dans le
contexte actuel, elle ne peut pratiquement pas vous allez me dire: elle
n'en prend pas. Elle en prend bien souvent à des salaires ridicules,
pour se relever, comme on dit en bon Québécois. C'est ce que je
veux souligner. Je trouve que dans votre mémoire, vous mettez l'accent
uniquement sur le salaire minimum, ce qui est bien en termes de revendications,
mais cela ne règle pas un problème social, cela risque même
de l'empirer, d'une certaine manière. Ce sont les conclusions qui se
dégagent un peu de vos interventions.
M. Requelme: Mais j'ai l'impression que cela pourrait... Va-t-on
commencer à demander au gouvernement de faire une certaine
nationalisation du travail domestique quand il n'est même pas capable de
l'inclure dans une loi et que ce n'est pas lui qui paie? C'est pour cela que ce
n'est pas bien clair dans ma tête de dire: Le gouvernement va payer la
travailleuse domestique quand il n'est même pas prêt à ce
que les autres paient un salaire raisonnable.
Mme Volpato: Si vous suggérez... que ce que vous voulez
faire, c'est d'avoir des services domestiques qui seront accessibles à
toute la population, je pense qu'on ne sera pas contre cela. C'est très
bien, mais c'est beaucoup, encore plus progressif que ce qu'on demande.
M. Chevrette: Vous vous en preniez à l'aide sociale
tantôt et vous vous en preniez à différentes formes, en
disant que c'était presque plus payant de ne pas travailler.
Mme Volpato: Ce l'est, en fait. Une Voix: Ce l'est.
M. Chevrette: Je comprends que ce l'est, mais est-ce qu'on
règle un problème en en créant un autre ou est-ce qu'on
cherche à trouver une solution globale, graduelle par le
dépôt de la loi 1, par exemple, qui a été
déposée cet après-midi, qui est une forme...
Mme Volpato: Tout à l'heure vous aviez le souci de ne pas
donner lieu à un décalage de classes, que c'était
seulement les mieux nantis qui pouvaient se payer des domestiques.
Premièrement, en effet, c'est la situation qui existe.
Deuxièmement, est-ce que vous pensez, qu'en faisant travailler
des personnes en bas du salaire minimum, moins ce qu'elles recevraient du
bien-être social, ce n'est pas plutôt donner lieu à un
décalage de classe? Vous coincez des personnes dans des situations
où elles ne peuvent même pas subvenir à leurs besoins les
plus essentiels: nourriture, logement, enfin les besoins vraiment
essentiels.
M. Chevrette: Comment expliquez-vous que c'est plus payant de
recevoir de l'aide sociale, comme vous le dites, socialement, à ce
moment,
comment expliquez-vous que vous défendez d'ar-rache-pied, le
salaire minimum à $3.47 pour l'ensemble des domestiques?
Mme Volpato: Connaissez-vous des gens qui aiment vivre du
bien-être social?
M. Chevrette: Bien, madame, je reçois du monde
régulièrement à mon bureau. Il y a des gens qui viennent
me demander des emplois de huit à dix semaines pour pouvoir s'inscrire
au chômage. Il y en a d'autres, tout ce qu'ils me demandent... Vous
resteriez surpris aussi du nombre qu'on peut rencontrer. C'est bien dommage,
mais je diverge d'opinion avec vous parce qu'il y en a qui viennent à se
complaire dans cela. C'est cela que je trouve heureux dans le
dépôt de loi cet après-midi; cela renferme justement un
régime qui comporte une incitation au travail, on peut sortir un peu du
ghetto dans lequel on est présentement.
Mme Volpato: Est-ce que je pourrais répondre à cela
et en même temps je pense que je vais commenter les déclarations
du ministre, lorsqu'on a commencé, tout de suite après la lecture
de notre mémoire.
M. Johnson, vous avez dit que le gouvernement essayait de mettre sur
pied des formes d'accueil pour les personnes âgées à
faibles revenus. Vous avez aussi souligné qu'il y avait un régime
de revenu minimum garanti. Tout cela, c'est bien, mais est-ce que ce n'est pas
apporter une solution après le fait, d'attendre qu'une travailleuse soit
coincée dans la situation. Elle ne peut pas subvenir à ses
besoins et doit avoir recours à ces services. Est-ce que ce ne serait
pas plus raisonnable de lui assurer un salaire minimum qui lui permettrait de
vivre convenablement? Il me semble que c'est là, la solution. C'est de
la prévention.
M. Johnson: Je suis d'accord en principe avec ce que vous dites,
sauf que même au salaire minimum, soit une base de huit heures par jour,
quel que soit le type de régime par règlement qu'on puisse fixer,
si elle fait $28 pour huit heures dans une journée, moins
l'équivalent du repas si elle prend son repas là, évaluer
cela à, je ne sais pas, $3, $2, disons, autour de $25 ou $26, cela ne
réglera pas son problème à 65 ans. Je pense que l'Etat a
une responsabilité d'assurer pour les gens qui, pour une raison ou pour
une autre, à travers les années, n'ont pas réussi à
s'assurer une certaine sécurité à l'âge
avancé, que ce soit en termes d'exigences sociales, de logement, je veux
dire, ou de santé ou de soins. Je pense que c'est une
responsabilité de l'Etat d'y voir largement.
Mme Volpato: C'est entendu que je ne suis pas contre le
régime de revenu minimum garanti, mais ce n'est pas une solution que de
le substituer à un salaire minimum convenable. Comme vous le dites, si
ce n'est pas possible de vivre sur le salaire minimum, vous vous imaginez que
c'est encore moins possible de vivre avec $4000 par année.
M. Requelme: II faut apprendre à subvenir à ses
besoins jusqu'à 65 ans pour voir que le gouvernement lui donne cela.
Mme Constantineau: Ensuite, je dirais, pour les personnes... Vous
pensez que c'est normal que les petits salariés qui sont rendus à
leur pension, à la pension qu'ils ont aujourd'hui... Combien pensez-vous
qu'ils prennent dans les résidences et qu'est-ce qu'on donne à la
personne âgée? Je me vois prise avec ce problème. Qu'est-ce
qui va me rester? Je vous dis que je ne voyagerai pas beaucoup. La
résidence, cela m'en prend combien; elle prend presque tout; elle laisse
seulement quelques dollars.
M. Johnson: Cela dépend de quel type de résidence.
Excusez, mesdames, de vous interrompre. On me demande; il y a quelqu'un qui ne
se sent pas bien en haut et je dois aller le rejoindre. Alors, comme de toute
façon, on devait terminer, je vais être obligé de
m'excuser, quitte à vous revoir quelques minutes après, si vous
restez ce soir.
Mme Volpato: D'accord.
Le Président (M. Marcoux): Est-ce qu'il y a d'autres... M.
le député de Joliette-Montcalm.
M. Chevrette: Je voulais vous donner un exemple, madame au gilet
vert. Je prends l'exemple du chômage au Québec. On sait
très bien que si un gars ou une femme travaille un ou deux jours par
semaine, cette personne connaît bien des emmerdements pour se
réinscrire au chômage, elle a de la difficulté face au
contrôle. Même les régimes par là, je vous
donne raison dans un sens sociaux ne comportent aucune incitation. C'est
cela qui m'effraie. Moi, personnellement, j'espère, à
l'intérieur des mandats politiques qui me seront confiés,
réussir cela, c'est-à-dire qu'on puisse avoir un seul
régime social qui tienne compte d'un paquet de facteurs. Cela n'a pas
d'allure de continuer comme cela. Il y a des gens qui ne s'en sortiront jamais
dans le contexte actuel avec des régimes dédoublés et des
régimes qui, dans un certain sens, comme vous le dites dans le
mémoire, sont plus avantageux que ce qu'on offre à ceux qui
veulent vraiment travailler, qui veulent s'en sortir et faire un travail
honnête et quotidien. C'est cela qui me renverse.
Mme Constantineau: De celles qui sont sur le bien-être
social, vous savez, qu'il y en a qui veulent faire du service domestique.
Dès...
M. Chevrette: Elles ont de la difficulté à se
réinscrire, je suis d'accord avec vous.
Mme Constantineau: Je ne suis pas d'accord. Je vais vous dire
pourquoi: chez bien des couples ou des familles, si la femme avait voulu
travailler un peu, des fois cela aurait permis d'encourager l'homme. Parfois,
il aurait réussi à s'en sortir. Vous savez, quand un travaille,
on devient encouragé de
travailler et on a encore notre bien-être, on peut essayer de
balancer entre les deux. Mais, non, ce n'est pas cela. Aussitôt: "Ah, tu
as travaillé", on coupe.
M. Chevrette: C'est vrai.
Mme Constantineau: Alors, ils ne veulent plus aller travailler.
Ils disent: "Ils me coupent et je ne peux plus en avoir". Alors, je trouve
qu'on encourage les gens à ne pas travailler. Il y en a qui en prennent
une habitude; il arrive un temps où ils ne travaillent réellement
plus. Après, souvent, on est porté à leur lancer la pierre
en disant: Ah, ils sont sur le bien-être et ils veulent y rester.
M. Chevrette: Madame, je vous remercie pour le motif suivant: Je
pense que vous êtes le premier groupe qui débordez les cadres de
la loi et qui avez mis le doigt sur l'ensemble des régimes sociaux.
C'est très important, parce que cela n'a pas ressorti. Les gens sont
venus beaucoup plus, jusqu'à maintenant, par souci de régler un
problème concret. Je pense que vous avez abordé le
problème globalement. C'est un problème social global. On se rend
compte que, même en trouvant des solutions, on se retrouve dans des
cercles vicieux. Il y a des paquets d'interrogations qui surgissent quand on
veut corriger une chose. La seule façon de régler cela en
ce qui me concerne, moi, comme individu et député
représentant une circonscription qui n'a pas de Westmount non plus,
Joliette je peux vous dire que la seule façon, c'est de prendre
le problème globalement.
Mme Constantineau: Oui.
M. Chevrette: Je vous remercie.
Le Président (M. Marcoux): Je remercie, au nom des membres
qui étaient là et qui ont dû partir, l'Association du
personnel domestique du mémoire qu'elle nous a présenté.
Alors, la commission suspend ses travaux jusqu'à 20 heures.
Suspension de la séance à 18 h 13
Reprise de la séance à 20 h 15
Le Président (M. Marcoux): La commission du travail et de
la main-d'oeuvre poursuit l'étude des mémoires concernant le
projet de loi 126 sur les normes du travail.
Il faut remplacer le député de Johnson, M. Bellemare, par
le député Brochu de Richmond et le député Brochu de
Richmond sera remplacé comme intervenant par le député
Grenier de Mégantic-Compton.
J'appelle maintenant la Coalition des normes minimales de travail
à venir nous présenter son mémoire.
M. Johnson: Si vous me le permettez, M. le Président, je
demanderais peut-être aux représentants du groupement que nous
entendons, étant donné que leur mémoire a 33 pages, de
nous le résumer. Nous avons pris connaissance de ce mémoire. La
commission parlementaire s'est imposé et s'attend évidemment que
les participants essaient également, compte tenu du fait qu'il y a 26
mémoires à entendre, de restreindre cela à une heure.
D'une part, on pourrait, dans un premier temps, accepter que soit
versé au journal des Débats tout le mémoire pour qu'il
figure dans la transcription de nos débats. Deuxièmement, je
souhaiterais évidemment qu'on nous résume les principales
dispositions de ce mémoire.
Le Président (M. Marcoux): Mme Elisabeth Roussel, si vous
pouvez nous présenter vos collègues et procéder à
la présentation de votre mémoire.
Coalition des normes minimales du travail
Mme Roussel (Elisabeth): Certainement, c'est ce que j'allais
faire, M. le Président.
Avant de le faire, pour répondre à M. le ministre Johnson,
on demande effectivement que tout le mémoire soit enregistré au
journal des Débats.
Je vais procéder dans l'ordre: A ma gauche, Jean-Guy Lewis,
représentant de la Ligue des droits et libertés, anciennement la
Ligue des droits de l'homme; Fernando Pires, du Centre Me Donald House;
Caroline Katchoyan, de l'Union des travailleurs immigrants du Québec;
André Legault, de la Ligue des droits et libertés, Dania
Theodorakopoulos, de l'Association des travailleurs grecs de Montréal,
Vittoria Bronzati, de la Ligue des femmes du Québec et Irène
Typaldos du Service d'aide aux Néo-Québécois et immigrants
et moi-même, je représente ici le groupe Au bas de
l'échelle.
Avant de commencer le résumé du mémoire, c'est vrai
qu'il a 33 pages et, avec les annexes, il y en a 40. Alors, je voudrais lire la
liste des signataires de ce mémoire, qui se compose de 27 organismes qui
n'ont pas pu tous se rendre à Québec, étant donné
les moyens financiers limités que nous avons et la grève des
autobus. Au Bas de l'échelle, l'Association du personnel domestique, que
vous avez entendue cet après-midi, la Ligue des droits et
libertés, le Mouvement action-chômage, la Ligue des femmes du
Québec, l'Action-Travail des femmes, le Comité d'action
féministe du YWCA de Montréal, l'Office des droits des
détenus, le Service d'aide aux consommateurs du centre communautaire
Saint-Urbain, le Centre communautaire "Pilote A", le Centre communautaire
Notre-Dame-de-Grâce, le Centre Me Donald House, le Carrefour des
associations de familles monoparentales du Québec, le Centre social
d'aide aux immigrants, le Centre portugais d'information et de
références, le Service d'aide aux
Néo-Québécois et immigrants, l'Association des
travail-
leurs grecs de Montréal, l'Union des travailleurs immigrants du
Québec, le Carrefour international. Ici, on a trois groupes de la
région de Sherbrooke: l'ACEF de l'Estrie, le Comité des
travailleurs accidentés de l'Estrie, l'Opération-Chômage,
le Comité Laure-Gaudreault de la CEQ, le Comité de la condition
féminine de la CSN et il y a une deuxième liste de signatures
qu'on a fait parvenir par courrier recommandé au début de la
semaine à M. Jacques Pouliot, secrétaire des commissions et qui
n'a pas été envoyée avec la copie du mémoire. Je
vais vous la lire: La Fédération des travailleurs italiens
immigrants et familles, le Centre d'éducation populaire de la
Pointe-Saint-Charles, le Centre d'information et de références
pour les femmes. Ce sont tous des groupes soit de citoyens, de travailleurs non
syndiqués, exception faite des deux comités de la condition
féminine des centrales syndicales, des groupes d'immigrants et des
groupes féminins.
Avant de commencer le résumé, on a déposé,
au début de la journée, à 10 heures, des copies des
annexes. On a donné 30 copies au secrétariat des commissions
parce que ce n'était pas parvenu en même temps que le
mémoire.
Je vais vous faire l'historique de la coalition. La Coalition des normes
minimales de travail a débuté il y a plus d'un an avec la
participation d'une dizaine d'organismes dont les trois centrales syndicales.
Elle s'était formée pour rédiger un document d'amendement
à la Loi du salaire minimum. Après plus d'un an de travail, la
coalition compte maintenant 27 organismes membres dont vous trouvez la liste
à la fin de notre mémoire. Sans être signataires, la CSN et
la CEQ appuient néanmoins ce mémoire, puisque leurs
comités de la condition féminine ont décidé de le
signer.
Le mémoire de la coalition est le résultat concret de ces
mois de travail commun, la coalition est inscrite aux auditions de la
commission parlementaire, etc.
Le Québec, société d'abondance et de justice.
Certains secteurs de l'économie québécoise, comme de toute
économie, se caractérisent par de basses échelles de
salaire et des conditions de travail peu avantageuses. Ce sont des extraits du
rapport Castonguay qui a été fait en 1975. Les principaux
facteurs des faibles salaires ne revêtent pas un caractère
purement temporaire. Les faibles rémunérations persistent
même à travers les périodes de progrès
accéléré de l'économie. Sur le marché du
travail, la discrimination se traduit souvent par l'exploitation des
travailleurs les plus démunis. Avec le temps, on s'est également
rendu compte que la pauvreté n'affecte pas uniquement les pauvres, mais
comporte, pour l'ensemble de la collectivité, des coûts sociaux et
économiques élevés. C'est un organisme à
caractère économique, le Conseil économique du Canada, qui
a mis le plus clairement en relief cet aspect de la pauvreté.
Nous savons tous que le salaire minimum au Québec est le plus
élevé en Amérique du Nord. Cependant, d'après le
Comité sénatorial sur la pauvreté (Canada), le salaire
minimum de 1975, basé sur le seuil de la pauvreté, aurait
dû s'élever à $3.29 l'heure. En 1979, avec un taux
d'inflation annuel frisant les 10%, le salaire minimum au Québec n'est
que de $3.47 l'heure au 1er avril 1979. Ceci, sans tenir compte de l'absence
presque totale de conditions minimales de travail assez avantageuses pour
compenser en partie cette insuffisance de revenus directs.
En février 1978, le seuil de la pauvreté au Canada
s'établissait à $11 600 par année pour une unité de
quatre personnes. Ces statistiques sont tirées du document des ACEF de
Montréal. En 1979, 20% des Québécois vivent sous le seuil
de la pauvreté et 34% des unités familiales vivent au niveau de
ce seuil ou en dessous. C'est donc qu'au moins un tiers des
Québécois sont des pauvres. On peut se demander comment on peut
être aussi pauvre si notre salaire minimum est aussi
élevé.
La réalité vécue des gens au salaire minimum. Bien
que la grande majorité des travailleurs québécois soit
couverte par la Loi du salaire minimum, elle s'applique en pratique aux
non-syndiqués, soit près de 1 800 000 personnes. On évalue
à environ 300 000 le nombre de ces travailleurs qui sont au bas de
l'échelle, gagnant à peine le salaire minimum. De plus, 75% des
gens au salaire minimum au Québec sont des femmes, souvent immigrantes.
Cette catégorie de travailleurs, 62% environ, est inorganisée et
donc sans droit pour s'exprimer publiquement et sans organisme
représentatif pour se défendre face à l'arbitraire
patronal. Couverts par une Loi du salaire minimum désuète
elle a plus de 40 ans pleine de trous, peu appliquée et peu
connue, sans protection réelle d'aucune sorte et isolés, ces
travailleurs sont souvent les plus exploités et les laissés pour
compte des réformes législatives dans le domaine du travail, et
ce, malgré leur très grand nombre.
De plus, même avec les récents amendements apportés
au Code du travail par la loi no 45, les obstacles à la syndicalisation
restent énormes, parfois même insurmontables, pour un bon nombre
de gens au salaire minimum, comme les travailleurs temporaires, et à
temps partiel, et ceux qui se trouvent dans des unités de travail
très réduites comme des serveuses, des vendeuses, des
employées domestiques et agricoles, par exemple. C'est d'ailleurs dans
ce secteur d'activité économique qu'on retrouve le plus haut
pourcentage de gens au salaire minimum et d'infractions patronales directes et
indirectes à la Loi du salaire minimum.
En 1977, la Commission du salaire minimum, organisme chargé
d'appliquer la loi, reçut et examina 3780 plaintes
déposées par des individus et des groupes d'employés.
Grâce aux plaintes logées auprès de la commission au cours
des dernières années, environ 30 000 personnes ont reçu
annuellement des salaires rétroactifs qui leur étaient dus.
Cependant, il semble que ces plaintes ne représentent que la pointe de
l'iceberg et qu'un nombre beaucoup plus important de travailleurs
reçoivent moins que le salaire minimum ou ne sont pas payés en
temps supplémentaire, etc. Par
peur ou par ignorance, ces travailleurs ne portent pas plainte et
subissent en silence ces illégalités.
Même si le Québec affirme posséder un salaire
minimum plus élevé que les autres provinces, d'autres facteurs,
tels que le manque de congés statutaires, le paiement des heures
supplémentaires actuellement seulement au taux minimal du salaire
replacent cet avantage dans un plus juste contexte.
De plus, le Québec ayant toujours été la province
du "cheap labor", on y retrouve proportionnellement plus de gens au salaire
minimum qu'ailleurs au Canada, sans oublier le fait que le Québec est la
seule province à permettre un taux minimum de salaire horaire
inférieur pour les employés recevant des pourboires, en omettant
cependant de rendre ces pourboires obligatoires.
Les objectifs de la Loi sur le salaire minimum, selon la commission
Castonguay, sont: -Protéger les travailleurs contre l'exploitation et la
pauvreté. - Réduire la pauvreté et l'insuffisance des
revenus. - Permettre aux travailleurs de participer à
l'amélioration de la qualité de la vie qui devrait normalement
accompagner le progrès économique.
De fait, la loi contribue grandement à perpétuer cette
pauvreté et cette exploitation qu'elle voudrait soulager. Le rapport
Castonguay lui-même, un document pourtant conservateur, émet cette
critique: "La Loi sur le salaire minimum au Québec est incomplète
et arriérée si on la compare aux dispositions contenues dans les
ententes collectives".
Nous pourrions ajouter à ce constat du rapport Castonguay un
autre constat tout aussi juste. Non seulement cette loi est
arriérée, mais elle est également violée chaque
jour par des employeurs contre lesquels on prend bien peu de mesures
correctives et punitives vraiment efficaces, susceptibles de freiner
définitivement tout abus et toute illégalité. De plus, des
milliers de travailleurs et travailleuses du Québec en sont exclus,
comme les employés domestiques et agricoles, par exemple. Nous voulons
bien croire que certains genres d'emplois nécessitent des
aménagements particuliers, mais de là à exclure totalement
des catégories entières de travailleurs de la protection d'une
loi minimale, rappelons-le, il y a une marge que l'on pourrait assimiler
à une forme de discrimination ou de cécité volontaire pour
des raisons de facilité, de mépris ou d'exploitation
économique pure et simple.
Nous voudrions faire ici quelques remarques générales. Le
projet de loi 126 apporte peu de réels changements à la Loi du
salaire minimum actuelle, sauf sur la question du fonds d'indemnisation des
faillites, les deux semaines de vacances en temps et les congés
sociaux.
Au sujet du préavis des congédiements, l'article 1668 du
Code civil restera souvent plus avantageux pour les salariés que les
dispositions prévues dans la nouvelle loi.
En fait, le projet de loi 126 est un regroupe- ment et une codification
des règlements et ordonnances actuels de la Commission du salaire
minimum avec de minimes améliorations. Il ne s'agit aucunement de la
convention collective des non-syndiqués qu'on nous a annoncée. Il
ne s'agit pas non plus d'une véritable reconnaissance sociale, de
l'importance de la part des non-syndiqués dans la vie économique
québécoise.
La coalition ne peut être contre le projet de loi 126. Personne ne
refuse l'aumône quand il en a besoin pour vivre. Seulement tous
préfèrent recevoir un niveau de vie décent et, d'ailleurs,
tous y ont droit. La coalition reproche au projet de loi 126 la trop large
place faite au pouvoir de réglementation gouvernementale sur des aspects
de fond, des conditions de travail, comme, par exemple, le calcul de la
durée du travail pour des catégories de salariés à
l'article 53; l'inclusion retardée de ces catégories sous la
protection de la loi, article 147; l'incertitude sur le nombre de jours
fériés, chômés et payés par année,
article 59; l'établissement du taux de salaire minimum horaire, chapitre
IV, section I.
Le ministre du Travail, l'honorable Pierre-Marc Johnson, a
déclaré que ce projet de loi n'était pas
révolutionnaire. Rien n'est plus vrai! La révolution
n'était ici réclamée par personne; de vraies
réformes l'étaient. Or, le projet de loi est si peu
réformiste qu'il n'accorde même pas ce que sept provinces
canadiennes et toutes les conventions collectives accordent: la journée
de travail normale de huit heures aux fins de calcul du temps
supplémentaire. Ceci n'est qu'un exemple.
La Coalition des normes du travail est donc extrêmement
déçue par le projet de loi 126 et, comme le Québec a
attendu plus de quarante ans avant de présenter ce projet de loi, nous
faut-il croire que nous devrons faire, pendant encore un quart de
siècle, les frais d'une loi consacrant la discrimination par ses
exclusions et l'inégalité sociale puisque, dès son
adoption, elle sera déjà désuète sur des points
comme la durée du travail, les congés payés et les repos
hebdomadaires par rapport au contenu de la plupart des conventions collectives
et des décrets.
Avant de présenter le résumé de nos amendements au
projet de loi 126, nous voudrions répondre à la
déclaration du ministre du Travail dans le sens que des normes minimales
trop avancées décourageraient la syndicalisation, ce qui
ressemble étrangement à une politique sociale du pire.
A moins de réformes profondes de notre Code du travail, un grand
nombre de gens au salaire minimum et de non-syndiqués ne pourront jamais
se regrouper. Même ceux qui le peuvent et le tentent peuvent attendre des
années une accréditation. (20 h 30)
Est-ce ainsi que le Québec reconnaît le droit à
l'association? D'ailleurs, ce n'est pas en reléguant des centaines de
milliers de travailleurs à des secteurs d'emplois où
l'exploitation et l'arbitraire patronaux sévissent le plus durement et
où le chantage entre la dignité et la nécessité du
pain et du beurre devient parfois sordide, sans qu'on
accorde toutefois, à ces travailleurs des recours vraiment
efficaces et adaptés aux besoins réels pour défendre leurs
droits, qu'on les encouragera à se syndiquer. On ne fera que les garder
en bas de l'échelle encore plus longtemps.
Nos recommandations, en dernier lieu. Pour conclure ce mémoire,
nous voudrions répéter en quelques lignes nos principales
recommandations.
M. Johnson: Quelle page?
Mme Roussel: C'est à la page 31 du mémoire que vous
avez reçu. Seulement, comme c'est une conclusion au mémoire
lui-même, nous avons fait un résumé de tout ce qui est
contenu dans le mémoire de 33 pages. Ce que vous avez dans la
conclusion, c'est, si vous voulez, ce qu'il y a de plus important. Il faudrait
lire tout le mémoire. Je vous donne vraiment un résumé de
ce qu'il y a dans les 33 pages. C'est différent de la conclusion.
La première, c'est: Aucune exclusion de catégories de
travailleurs au chapitre des normes minimales, de la protection et des recours
prévus par la présente loi. Quand on demande "aucune exclusion de
catégories de travailleurs", on s'adresse évidemment à des
catégories comme les employés domestiques que vous avez entendus
cet après-midi et qui ont très bien expliqué quels
étaient leurs problèmes, les salariés agricoles. Il y a
des dispositions spéciales, par réglementation, pour les
handicapés. Il y a aussi une réglementation pour les gens qui
travaillent dans les ateliers protégés. On peut penser aux
détenus. Il y a aussi des exceptions faites au niveau des
étudiants travaillant dans des colonies de vacances, les vendeurs
à commission, les gens qui sont sur des chantiers
éloignés, etc.
On demande que tous les citoyens, étant censés être
égaux devant la loi, et étant donné que la loi doit
s'appliquer à tous, ne souffrent pas de discrimination à ce
niveau et qu'il n'y ait pas d'exclusion.
On demande la mise sur pied de dispositions pour assurer la
sécurité d'emploi, comme un préavis plus long, la plainte
anonyme et par délégation, les jours de maladie, etc., et la
reconnaissance du droit d'ancienneté, en ce qui concerne le temps
supplémentaire et le congédiement, par exemple. On sait que le
principal problème actuellement sur le marché du travail, non
seulement pour les non-syndiqués, mais également pour les
syndiqués, c'est la question de la sécurité d'emploi.
Or, les gens qui ne sont pas syndiqués n'ont, par exemple, aucun
congé de maladie. Est-ce qu'il faut croire que, parce que les gens ne
sont pas dans une unité syndicale, ils ne tomberont pas malades un jour
ou deux? Actuellement, les gens qui n'ont pas de syndicats ou ne sont pas
couverts par des décrets n'ont aucun recours à ce niveau, ne
peuvent absolument pas obtenir un congé de maladie payé et
reposent finalement sur la bonne volonté de leur employeur pour garder
leur emploi, ce qui n'est pas normal, d'après nous.
Le préavis plus long: Comme on en a fait mention tout à
l'heure, l'article 1668 du Code civil et nous le savons
d'expérience va souvent être plus avantageux pour les
travailleurs que ce qui est prévu au projet de loi à l'article
81. On le sait parce que nous-mêmes, on recommande fortement aux
travailleurs qui se font congédier d'aller réclamer leur dû
devant soit la Cour des petites créances, soit la cour appropriée
quand il s'agit d'un montant de plus de $500. Je me demande à quoi
ça sert de faire un article dans une loi comme celle-là qui est
moins avantageux qu'un autre article dans une autre loi.
La question du préavis plus long, la plainte anonyme:
Actuellement, on sait que la Commission du salaire minimum prend les plaintes
anonymes. Nous voulons ajouter la plainte par délégation et la
plainte par délégation, c'est ce qui est prévu notamment
dans la charte des droits de la personne, à l'article 70, qui dit qu'un
groupe de citoyens voués au bien-être d'un groupe de personnes
dans la société, qui a de bonnes raisons de croire qu'une
infraction à la loi a été commise, peut, avec
l'autorisation du salarié, déposer une plainte en son nom devant
l'organisme chargé de faire appliquer la loi qui a été
violée.
Nous demandons, à ce niveau, le droit, la possibilité pour
un organisme comme ceux qui sont ici présents, qui ont affaire à
des gens payés au salaire minimum et non syndiqués, avec
l'autorisation du salarié en question et pour protéger son
emploi, pour le soustraire au chantage, finalement, sur ce qui assure sa
survie, c'est-à-dire son travail, qu'il y ait possibilité, en son
nom, de déposer une plainte devant la Commission du salaire minimum.
Nous demandons également la journée de travail normale de
huit heures et la semaine de 40 heures aux fins de calcul du temps
supplémentaire. On a expliqué pourquoi, tout à l'heure,
sept provinces canadiennes sur dix l'accordent déja, ainsi que les
conventions collectives et les décrets. Cela ne nous paraît
absolument pas révolutionnaire de faire ce que bon nombre de gens au
Canada ont déjà décidé d'accorder.
La pause-café obligatoire est payée: Actuellement, on
sait, par exemple, que, dans des usines où il y a de la production au
rendement, de la production à la pièce, où il y a
énormément de pression sur les salariés, dans les
restaurants, dans les fameuses heures de "rush" des repas, ces gens-là
sont continuellement debout, ils sont continuellement poussés et c'est
extrêmement dur pour leur santé. C'est une situation de travail
fondamentalement dangereuse et injuste. Beaucoup d'accidents de travail se
produisent, parce qu'il y a trop de fatigue et d'inattention causée par
la fatigue. On demande donc une pause-café obligatoire et payée
après deux heures de travail.
Une application plus stricte de la loi grâce aux mesures
suivantes: des amendes plus élevées et rigoureusement
appliquées. Dans notre mémoire, on suggère un
barème pour les amendements aux articles 126, 127 et 128 sur la question
des infractions et des peines. Il y a trois genres d'infractions
qui sont soulevées à ce niveau-là; on demande des
amendes plus élevées. On va de $500 à $3000 plus, pour une
troisième offense, 2% de la masse salariale totale de l'employeur dans
une entreprise donnée.
De meilleurs pouvoirs d'enquête pour la commission. Il y a un
endroit dans le projet de loi où on dit qu'un inspecteur de la
Commission du salai/e minimum pourra inspecter une entreprise à une
heure raisonnable. Nous demandons l'amendement qui dit: à toute heure.
On ne voit vraiment pas pourquoi on limiterait les pouvoirs d'enquête et
d'inspection de la commission. Il y a déjà passablement de
difficultés à faire appliquer la loi. Quand on veut vraiment
faire appliquer une loi, on se donne les moyens de le faire.
Un nombre accru d'inspecteurs. Même s'il n'y a pas de très
grandes améliorations dans le projet de loi no 126, il y a
néanmoins la question du congé de maternité. Il y a aussi
le fait que dans les secteurs comme la restauration ou l'hôtellerie,
commerce de détail et ainsi qu'entretien des édifices, je pense
aux conciergeries où ce sont des concierges engagés directement
par des employeurs professionnels mais individuels et non pas par des agences
de personnel d'entretien d'édifices, on sait qu'il y a
énormément de violations de la Loi du salaire minimum dans ces
secteurs. Or, la Commission du salaire minimum, ayant actuellement, je crois,
135 inspecteurs pour un total de 95 000 entreprises couvertes au Québec
par la Loi du salaire minimum qui demande 500 inspecteurs pour faire appliquer
la loi.
L'établissement d'enquêtes de routine ou d'enquêtes
de vérification, qui ne sont pas faites à la suite de plaintes.
Des mécanismes visant à prolonger la durée de la
prescription. La nouvelle prescription proposée dans le projet de loi
nous paraît encore insuffisante et on a des cas particuliers, par
exemple, où un travailleur immigrant ne parlant pas la langue,
n'était pas informé de ses droits... On sait que l'ordonnance 17
sur le congé de maternité est particulièrement complexe
à cause des délais qui sont demandés: trois semaines
à tel endroit; huit jours à tel autre endroit; quinze jours pour
déposer une piainte par écrit devant un commissaire du travail
pour congédiement pour grossesse. C'est une ordonnance très
technique. Nous demandons que soient prévus des prolongements de
prescription ainsi que des prolongements d'appel pour déposer des
plaintes sur des congédiements visant à faire respecter ces
droits au travail. Aussi nous ne voyons pas pourquoi quelqu'un qui aurait
été privé d'avantages durant deux ou trois ans ne pourrait
réclamer que pour un an, par exemple, ou que pour six mois.
Nous demandons aussi la possibilité pour un organisme de
déposer une plainte au nom d'un salarié devant la commission
je l'ai déjà expliqué et la publication des
noms des employeurs ayant contrevenu à la loi, ainsi que le nombre
d'offenses et cela dans les media d'information publics que tout le
monde peut consulter. Je crois que ce serait une excellente mesure de
dissuasion auprès des employeurs pour les encourager à res-
pecter les lois que le gouvernement du Québec et la
société québécoise ont décidé de se
donner.
Une meilleure information du grand public à propos de la nouvelle
loi des normes minimales grâce aux mesures suivantes: Une campagne
générale de publicité de la commission sur tout ce qui
concerne la nouvelle loi, la rédaction d'exemplaires vulgarisés
de cette loi et l'obligation pour les employeurs d'en remettre une copie
à chaque salarié ou encore de l'afficher sur les lieux de travail
je crois qu'il y a effectivement un règlement, une ordonnance de
la commission concernant l'affichage de la Loi du salaire minimum sur les lieux
de travail, mais universellement, ce n'est pas respecté et la
publication d'avis officiels et l'établissement de mécanismes de
consultation avant l'adoption de règlements et d'ordonnances
reliés à la présente loi. Tout cela dans le but,
évidemment, d'une démocratie, d'une meilleure information du
public.
Les deux principales raisons pour lesquelles la loi n'est pas
appliquée en fait, il y en a trois la première est
la peur des salariés devant le chantage qui est exercé sur leur
moyen de survie, c'est-à-dire leur emploi par les employeurs; la
deuxième est l'ignorance des salariés devant leurs propres droits
et la troisième est évidemment les amendes et autres mesures
dissuasives et punitives qui sont inexistantes, c'est tellement ridicule qu'on
les juge inexistantes.
L'application concrète des principes reconnus dans le livre blanc
sur la santé et la sécurité au travail,
c'est-à-dire les équipements de sécurité aux frais
de l'employeur et l'abolition du travail au rendement. La possibilité
pour la commission de recouvrer le salaire et tous les autres avantages
pécuniaires reliés à un emploi au taux intégral de
salaire d'un employé et non au seul taux minimal. Un même taux de
salaire minimum horaire pour les salariés de 16 ans et plus et pour ceux
qui reçoivent des pourboires. On sait qu'actuellement le taux du salaire
minimum est inférieur de $0.30 pour les salariés de 18 ans et
moins. On ne voit pas pourquoi un travailleur de 17 ans serait payé
$0.30 de moins qu'un travailleur de 18 ans ou de 19 ans pour un même
travail, ce qui se produit, par exemple, très souvent dans les
restaurants, ce qui va se produire dans les commerces, beaucoup. Etant
donné que l'âge de scolarisation obligatoire au Québec est
16 ans et qu'à partir de ce moment-là les jeunes peuvent aller
travailler, puisque se limite là la scolarisation obligatoire, on
demande alors que le taux minimal de salaire pour les seize ans et plus soit le
même que pour les autres salariés plus âgés ainsi que
pour ceux qui reçoivent des pourboires, parce que le pourboire n'est pas
obligatoire et que dans la restauration et dans l'hôtellerie, où
il y a beaucoup de salariés à pourboire, c'est là
où il y a le plus de violations de la Loi du salaire minimum. Nous avons
plusieurs cas de gens qui ne reçoivent jamais de salaire, seulement les
pourboires, ou qui endossent des chèques de paie qu'ils sont
forcés de retourner à l'employeur ou qui doivent donner une
partie de leurs pourboires, les cas sont multiples.
II y a énormément de façons de contourner la loi et
pour assurer un revenu minimum stable à ces gens-là, on demande
qu'ils aient le même taux de salaire minimum que les autres. D'ailleurs,
le Québec est la seule province au Canada qui ne l'accorde pas. Dix
jours fériés, chômés et payés par
année. A ce niveau-là, on vous rappelle c'est dans les
annexes de notre mémoire je vais vous lire ce qui est contenu
dans les diverses législations canadiennes au niveau des jours
fériés chômés et payés. Le Code du travail du
Canada, la Colombie-Britannique, la Saskatchewan, les Territoires du Yukon et
du Nord-Ouest accordent de neuf à dix jours, l'Alberta et le Manitoba
accordent huit jours, l'Ontario accorde sept jours, le Nou-veau-Brunswick six,
Terre-Neuve et la Nouvelle-Ecosse cinq. Le Québec en accorde pour le
moment un seul et il y en a trois, si on compte la Saint-Jean-Baptiste qui
existent pour le moment. Il y en aura trois après l'adoption de la
présente loi si elle est adoptée sans être amendée.
Dans les conventions collectives et les décrets, au niveau des jours
fériés chômés et payés, la plupart des
conventions collectives et leurs décrets accordent une moyenne de dix
jours fériés chômés et payés par
année. Ceci est une moyenne. Il y en a qui en accordent plus, il y en a
qui en accordent moins aussi. C'est une condition de travail assez bien
respectée à travers le Canada et le Québec serait en
arrière, une fois de plus, à ce niveau-là si la
présente loi était adoptée sans définition de jours
de congé autrement que par règlement. (20 h 45)
D'après nous, il devrait y avoir une définition beaucoup
plus claire. Et, évidemment, dix jours de congés
fériés, chômés et payés. Quatre semaines de
vacances après un an de service chez un même employeur, donc 8% de
tout le salaire reçu, soit une journée et deux tiers de paie par
mois travaillé. Un avis d'un mois pour la date des vacances. Cet avis
est demandé par commodité pour le salarié et,
évidemment, parce que l'employeur, connaissant son entreprise, est en
mesure croit-on de donner un tel avis. Deux périodes de 24 heures
consécutives de repos hebdomadaire.
Nous demandons ici qu'on ne revienne pas en arrière au niveau des
années trente alors que les salariés travallaient le samedi
jusqu'à 14 heures ou 16 heures et ne se reposaient que le dimanche.
C'est universellement respecté à travers le monde
industrialisé, dans les conventions collectives et les décrets
qu'il y a deux jours de repos par semaine. C'est pour faire la concordance avec
nos 40 heures par semaine à huit heures par jour, soit cinq jours de
travail par semaine. Deux périodes de 24 heures consécutives et
non 48 heures pour tenir compte des réalités de certaines
industries et de certains secteurs de l'activité économique comme
la restauration, comme le commerce qui doit ouvrir six ou sept jours par
semaine.
De meilleurs congés sociaux payés. Quand on parle de
congés sociaux, on parle des congés de paternité, des
congés pour décès, mariage, naissance. Pour
l'établissement de congés de maladie, on a déjà
expliqué le but des congés de maladie, c'est à la fois
pour une raison de santé et de sécurité au travail et
à la fois pour une raison de sécurité d'emploi, afin qu'un
salarié ne perde pas son emploi à cause d'une maladie de deux ou
trois jours. Un congé de maternité de vingt semaines
payées et administrées par l'Etat. Il s'agit ici d'une
revendication et des centrales syndicales et des groupes féminins qui a
été répétée maintes et maintes fois, c'est
maintenant l'ordonnance 17 de la Loi du salaire minimum. Cette demande a
été présentée au mois de juillet 1978, on a
même fait des représentations à cet effet auprès du
ministre Johnson, qui s'en souvient sûrement.
Aucune déduction directe ou indirecte du salaire effectif pour le
paiement d'uniformes, des déficits de caisse enregistreuse et
d'équipement de sécurité. Je vais expliquer cette
recommandation. Lorsque, dans le projet de loi, on mentionne qu'aucune
déduction directe du taux du salaire minimum ne pourra être
effectuée pour le paiement d'uniformes, on sait très bien, par
expérience, que, pour les employeurs, il est très simple de
contourner cet article, par exemple, en demandant à un employé de
payer son uniforme "cash", comme on dit, ou en dessous de la table. Il n'y a
pas eu de déduction sur le salaire, rien n'a été
déduit sur le chèque. Evidemment, on pourrait argumenter
c'est ce qu'on fait que c'est une déduction indirecte, mais il y
a souvent une interprétation étroite de la Loi du salaire minimum
qui dit que si cela n'a pas été déduit sur le
chèque, cela n'a pas été déduit. On demande
qu'aucune déduction directe ou indirecte du salaire effectif n'ait lieu,
parce qu'on ne voit vraiment pas pourquoi ce serait simplement le salaire
minimum. Si un salarié reçoit, par exemple, $3.50 l'heure,
pourquoi devrait-il, au 1er avril, avoir trois sous à donner à un
employeur pour payer un uniforme alors que c'est l'employeur qui exige cet
uniforme, que ce n'est pas le salarié. S'il exige un instrument de
travail comme un uniforme, qu'il en assume les coûts.
Que l'employeur ne puisse exercer de mesure disciplinaire contre un
salarié pour la raison que ce dernier a voulu défendre des droits
légalement reconnus avant qu'il n'ait d'abord prouvé que ces
mesures disciplinaires n'ont pas pour objet la défense de ses droits. A
l'article 114 du projet de loi 126, on énumère les raisons pour
lesquelles un employeur ne peut congédier un salarié. Cela se
résume à la grossesse et à la demande d'application des
droits prévus dans la présente loi ou le témoignage dans
une cause pour le respect des droits prévus dans la présente loi
et tout ce qui touche la défense des droits au travail.
On trouve qu'il est fondamentalement injuste qu'un employeur puisse
pénaliser un salarié avant qu'il n'ait d'abord prouvé que
ce salarié est effectivement coupable de ce qu'il a fait. On trouve cela
totalement illogique; c'est d'ailleurs une revendication des centrales
syndicales au niveau du congédiement pour activités syndicales.
On demande que l'employé soit maintenu dans ses fonctions jusqu'à
ce que le patron ait fait la preuve que, effectivement, il le met à pied
ou il le congédie
pour une autre raison que celle d'activités syndicales. A ce
moment-là, il pourra le congédier, mais pas avant. On ne
pénalise pas ou on ne condamne pas quelqu'un avant d'avoir prouvé
que cette personne a effectivement fait ce qu'on lui reproche.
Un préavis de congédiement plus long pour tenir compte et
de l'ancienneté et de la sécurité d'emploi.
Généralement, ce sont les employeurs qui n'avisent pas du
congédiement et non les employés qui n'avisent pas de leur
départ.
Et c'est la dernière recommandation: Qu'un salarié qui le
désire puisse toujours exercer les recours légaux
appropriés autres que ceux prévus par la présente loi pour
une meilleure défense de ses droits. On ne voudrait pas limiter un
salarié, en particulier au niveau du préavis de
congédiement dont j'ai parlé, où l'article 1668 du Code
civil restera souvent plus avantageux dans bien des cas, si on tient compte de
l'ancienneté, ce que l'article 81 ne fait absolument pas. Il s'agit d'un
préavis de deux semaines après un an de travail ou après
dix ans de travail. Cela nous paraît incroyable qu'on accorde deux
semaines de préavis de congédiement à un salarié
qui a travaillé dix ans dans la même entreprise. On voudrait
maintenir ces recours. C'est bien évident qu'on demande un allongement
de ce préavis en tenant compte de l'ancienneté.
Avant de clore ce mémoire, nous voudrions faire une remarque
d'ordre général. L'un des aspects les plus intéressants du
livre blanc sur la santé et la sécurité au travail est
certainement celui qui recommande le regroupement en un tout cohérent
des divers textes de lois, des règlements et des autres dispositions
légales dans ce domaine, ainsi que l'unification des compétences
et des responsabilités au chapitre de leur application.
Nous faisons remarquer ici que la santé et la
sécurité sont une facette des conditions générales
de travail. Il y en a d'autres, comme la question des relations patronales
ouvrières et celle des normes minimales, par exemple. Toutes ces
composantes forment donc un tout, mais l'éparpillement et le
chevauchement actuel des réglementations et des compétences nous
empêchent de saisir globalement cette situation, ce qui rend vraiment
difficile la liaison des problèmes entre eux et l'établissement
de véritables solutions.
A quand une politique d'ensemble dans le domaine du travail au
Québec?
Le Président (M. Marcoux): Merci, madame. M. le
ministre.
Mme Roussel: Avant que vous parliez, M. le ministre je ne
voudrais pas vous interrompre quand vous aurez commencé on a un
résumé du mémoire de la coalition qui est disponible, si
vous voulez l'avoir. On l'a ici.
M. Johnson: Ce que vous entendez par le résumé,
est-ce que c'est ce que vous avez lu?
Mme Roussel: Oui.
M. Johnson: C'est l'introduction que vous avez lue?
Mme Roussel: Oui, c'est tout ce que j'ai lu, à part les
explications que j'ai données à côté.
M. Johnson: De toute façon, c'est inscrit au journal des
Débats, puisque vous l'avez prononcé, plus le texte du
mémoire original qui va être également inscrit. (Voir
annexe B)
C'est assez vaste. Pour le moment, je n'ai pas de question. Je vais
laisser mes collègues y aller.
M. Picotte: M. le Président, je pense que le
mémoire que nous a présenté cet organisme est très
intéressant et, quand on a mentionné tantôt que le projet
de loi du ministre n'était pas révolutionnaire, je pense bien que
le moins qu'on puisse dire, c'est que le vôtre est très
avant-gardiste.
Mais, à plusieurs égards, il est très
intéressant. En plus, lorsque je regarde la liste des signatures
à la fin du présent mémoire, je pense qu'il peut
s'accompagner d'une richesse de documents et peut-être de statistiques;
s'il vous était possible de les avoir ou de les communiquer, ce serait
encore préférable.
Mais je vais vous poser quelques questions. Vous dites, à la page
4 de votre mémoire, que le délai vous semble beaucoup trop court
pour une loi semblable. J'aimerais savoir pourquoi il vous semble trop court.
Est-ce que c'est parce que vous trouvez qu'il y aurait beaucoup d'autres
organismes qui auraient été intéressés à
venir nous livrer des messages ou si c'est parce que vous auriez aimé
avoir plus de temps pour faire un consensus général auprès
de...? C'est ce que vous soulignez dans votre mémoire.
Mme Roussel: Si le délai nous a paru court, c'est qu'on
attendait cette loi depuis si longtemps! Effectivement, pour des organismes
comme les nôtres, qui n'ont pas les ressources des associations
patronales, il est très difficile de ramasser très vite les
ressources nécessaires à la présentation d'un
mémoire sur une question de cette importance. Quand on reçoit un
télégramme ou un appel téléphonique à cinq
jours d'avis, pour être le plus représentatif possible des gens
concernés par les normes minimales de travail, quand il faut coordonner
un ensemble de 27 groupes pour donner une bonne idée du problème
et donner une bonne représentation à la commission parlementaire,
cela nous paraît... Il y a ce délai, il y a le délai de
dépôt des mémoires aussi, surtout en cent copies pour des
organismes comme les nôtres, cela nous paraît
disproportionné vis-à-vis de nos moyens.
M. Picotte: Je veux peut-être vous demander aussi... Cela
pourrait être une opinion, mais j'aimerais la connaître, je pense
qu'on est ici pour cela. Cet après-midi, nous avions l'avantage de
regarder un mémoire du Bureau de commerce de Montréal. Quand je
lisais la page 14 de votre mémoire qui
disait: Pause-café obligatoire, quinze minutes après
chaque deux heures de travail. Je n'ai pas eu l'occasion évidemment, ce
matin, d'entendre le mémoire du Conseil du patronat, parce que je
n'étais pas mandaté pour travailler à cette commission,
quand on a entendu M. Del Motte qui parlait des coûts et qui semblait
être effarouché, si vous me permettez le terme, du coût que
pourrait amener cette loi, qu'est-ce que vous avez à dire
là-dessus, vous autres? Pourtant, cela va beaucoup moins loin que le
projet de loi qui nous est proposé par le ministre ou qu'il nous
suggère. Si vous aviez été assise de ce
côté-ci de la table, qu'est-ce que vous auriez répondu?
Mme Roussel: Justement, je ne suis pas assise de l'autre
côté de la table.
M. Picotte: Qu'est-ce que vous auriez à dire au Conseil du
patronat?
Mme Roussel: Monsieur, ce que j'ai à lui dire, c'est ce
qui est inscrit dans notre mémoire, c'est ce que je viens de vous lire,
c'est ce que je viens de vous expliquer. Je lui dirais la même chose.
M. Picotte: Non, vous ne parlez pas dans votre mémoire des
coûts. Ces gens s'inquiètent des coûts. Ils disent: On ne
peut pas évaluer cela. Je n'ai pas lu cela dans votre mémoire.
C'est vrai que je l'ai parcouru rapidement, mais je n'ai pas vu cet aspect dans
votre mémoire.
Mme Roussel: On voudrait répondre à la question des
coûts. J'étais présente ce matin et je me souviens
très bien lorsqu'une question d'un député de la commission
a été adressée au porte-parole du Conseil du patronat.
Cette question visait à faire préciser combien effectivement cela
donnerait de cotisation des employeurs pour financer la commission.
Premièrement, le Conseil du patronat n'avait pas de réponse
exacte, et, deuxièmement, je ne croirais pas que ce serait le rôle
d'organismes comme les nôtres. Nous n'avons pas les équipements
nécessaires pour analyser ce que des associations patronales n'analysent
pas elles-mêmes.
M. Legault (André): Ce que je pourrais souligner, c'est
que, ce matin, dans la réponse, ils ont dit que le coût, ils ne
pouvaient pas le calculer, parce que c'était entre 0,1% et 1%.
Une réponse aussi, je n'oserais pas dire le terme... Pour ma
part, si tu sais 1%, tu sais 0,1%. S'ils ne sont pas bons en
mathématiques, pas bons en économie, parce qu'ils ne savent pas
compter, il faudrait peut-être leur poser la question. C'est pour cela
que je ne crois pas que ce soit à nous de répondre à la
question. Eux n'y répondent pas, mais, dans le fond, ils posent
l'hypothèse que cela coûte, mais dans la réponse qu'ils ont
donnée ce matin... J'étais présent. D'ailleurs, je pense
qu'on leur a posé à nouveau la question et ils ont répondu
d'une façon... Pour ma part, ne pas savoir ce que cela coûte entre
0,1% et 1%, je vous avoue que je suis resté stupéfait avec
cela.
Mme Roussel: C'est bien évident que la justice sociale
coûte quelque chose, elle n'est pas gratuite. Le ministre du Travail
lui-même l'a mentionné au cours de la journée.
M. Picotte: Concernant les congés annuels payés,
page 15, vous proposez une nouvelle méthode de calcul qui serait
basée, par exemple, sur l'année de travail d'un individu du
moment où il commence à aller jusque, si j'ai bien compris votre
affaire... Pourriez-vous expliciter davantage et me dire quelle
différence cela ferait en principe?
Mme Roussel: Oui, certainement. Nous jugeons qu'un salarié
a droit à des vacances. On met comme référence, pour les
vacances pleines et entières qu'on demande en temps, une année de
service continu. Nous estimons qu'à partir de la date d'embauche d'un
salarié, la date effective d'embauche, après douze mois de
travail, après qu'il ait fait douze mois de travail, le salarié
devrait avoir normalement droit, et nous le demandons, à quatre semaines
de vacances payées. Si, par exemple, un salarié est engagé
au mois d'octobre dans le projet de loi, je crois, qu'on demande le
calcul du 31 avril au 1er mai, je ne sais pas effectivement on demande
une méthode de calcul déterminée ou soit toute autre
entente passée entre l'employeur et le salarié, et que la date de
référence pour la prise des vacances en temps, après un an
de service, ce soit la date effective d'embauche, parce que c'est à
partir de ce moment-là qu'un salarié aura effectivement
travaillé un an et s'il y a une disposition précise sur des dates
pour une année de référence, cela pourrait priver un
salarié, par exemple, parce qu'il n'aurait pas complété le
nombre de mois ou de semaines nécessaire pour obtenir ses vacances
à temps, au bout de l'année de référence ainsi
fixée par une loi. Il n'aurait que des vacances en argent. C'est pour
cela qu'on demande que la date d'embauche, après un an, soit la date
effective de prise des vacances. C'est par souci de logique. (21 heures)
M. Picotte: Oui. Maintenant, je ne crois... Je ne voudrais pas
mal vous interpréter, mais on a parlé, à un moment
donné, des employés à pourboire. Est-ce que votre
idée serait que les employés à pourboire soient
éliminés, c'est-à-dire que le pourboire soit obligatoire
et que l'employé soit payé selon un salaire établi, le
salaire minimum ou peu importe, mais qu'on fasse disparaître le
pourboire. La personne qui travaille à pourboire ne recevrait plus de
pourboires, cela serait facturé directement au consommateur.
Mme Roussel: Notre groupe et, en particulier les groupes qui sont
ici, reçoit des appels téléphoniques de membres ou de gens
qui sont des employés de la restauration ou de l'hôtellerie,
où les gens reçoivent habituellement des pourboires
et sont considérés comme des salariés à
pourboire. On sait que ce qui est recommandé au Québec, comme
frais de service ou de pourboire, c'est 15% de la facture. Or, après
avoir eu beaucoup de discussions à ce sujet avec les employés
concernés, on a trouvé que le pourboire moyen payé
plus la facture est portée à grimper, moins les 15% sont
effectivement respectés est d'environ 9% de la facture. Je ne
peux pas vous remettre ces chiffres en main sur une feuille, je ne les ai pas
sur moi. C'est une étude qu'on fait actuellement avec des travailleurs
concernés dans le milieu de la restauration et de l'hôtellerie,
qui travaillent avec nous. Donc, à ce niveau, qu'on rende le pourboire,
les frais de service de 15% obligatoires dans les faits et que ces gens les
reçoivent, ou bien qu'on ne le rende pas obligatoire, mais qu'on leur
donne le même taux du salaire minimum que les autres. Mais qu'on
empêche premièrement une discrimination sur l'emploi, que le
Québec est la seule province à permettre au Canada, qu'on assure
un revenu minimum stable à ces gens et aussi qu'on limite l'arbitraire
patronal dans ce domaine. Nous avons des foules et des foules d'exemples...
M. Johnson: Si vous permettez, parce que c'est la
cinquième fois que je vous entends dire que le Québec est la
seule province, ce n'est pas exact. L'Ontario prévoit un taux de salaire
minimum différent pour les employés à pourboire dans le
secteur de l'hôtellerie.
Mme Roussel: Merci.
M. Picotte: D'ailleurs, vous savez qu'il y a beaucoup de
controverse là-dessus. Je ne suis pas certain que les employés de
la restauration accepteraient cela si facilement, sauf peut-être ceux qui
travaillent dans la cuisine et dans la profondeur. A part cela, pour le reste,
je ne suis pas trop certain que cela ferait l'unanimité et que si vous
cherchiez l'unanimité là-dessus il faut quand même
se le dire, il ne faut pas se cacher la tête dans le sable je
pense que l'unanimité serait loin d'être faite de ce
côté.
M. Legault: Si vous permettez, à propos de ce pourboire,
il faut bien se comprendre. On dit: Même salaire pour les employés
de restaurants en plus, toujours, du pourboire de 15%, qui est un droit acquis.
On ne dit pas: On leur enlève le droit acquis qu'est le pourboire. Je ne
vois pas une serveuse refuser son droit au salaire minimum comme tout le monde,
plus son pourboire.
Mme Roussel: II ne s'agit pas de leur supprimer leur pourboire
ici.
M. Picotte: Je dois vous dire que j'ai participé au sommet
économique organisé par le gouvernement sur le tourisme, la
chasse et la pêche...
M. Legault: Je pense qu'il n'y avait pas d'employés qui
étaient présents.
M. Picotte: II y avait des représentants des
employés, il y avait des syndicats, on était plusieurs. J'ai
même posé la question, à ce moment, aux syndicats et ils
m'ont dit qu'eux-mêmes ne risqueraient peut-être pas d'essayer de
faire l'unanimité dans ce sens. Si le salaire minimum est plus bas dans
le domaine de la restauration, c'est que les personnes reçoivent un
pourboire. Si on le rend obligatoire au niveau des restaurants comme tels, on
va devenir, selon ce qu'on nous a rapporté, non concurrentiel. Cela
hausserait les coûts, ce qui ferait que le client paierait davantage. La
personne qui reçoit le pourboire, c'est considéré comme un
salaire additionnel qui n'est pas imposable, ce qui est encore un avantage de
plus sur le salaire minimum.
Des Voix: C'est imposable.
Mme Roussel: II y a une chose que je voudrais vous dire...
M. Picotte: Bien oui, c'est imposable, mais qu'est-ce qui se
passe en réalité? En fait, ce qui se fait, la
réalité, c'est ce qui est déclaré dans les cartes
de crédit où, à toutes fins utiles, on n'a pas le choix,
c'est-à-dire que le client qui a payé avec une carte de
crédit, la personne va le déclarer à l'impôt, mais,
dans la balance, ça fait quoi? Je pense bien qu'on n'a pas à se
le cacher.
Mme Roussel: II y a une chose que je voudrais vous dire à
ce sujet, monsieur, c'est que les gens de la Commission du salaire
minimum qui sont ici pourront le confirmer très souvent, il y a
une pratique dans la restauration et dans l'hôtellerie qui consiste
à prélever une partie des pourboires d'un employé, dont le
pourboire est la propriété exclusive au niveau de la loi
c'est inscrit dans ces termes et une partie de leurs pourboires leur est
soutirée par l'employeur pour payer d'autres salariés de
l'entreprise comme, par exemple, ce qu'on appelle les "busboys", des
garçons de table. Cela se produit très souvent, c'est une
pratique très courante. On a des membres de notre association qui sont
obligés, pour conserver leur emploi, de faire des choses comme
celle-là.
M. Picotte: Mais, à la suite de cette affirmation, je
pense qu'il y a des gens à cette table, qui pourraient nous donner...
J'aimerais entendre ça, moi.
M. Bisaillon: Seulement une petite chose. Il y a trois aspects
finalement dans l'ensemble de votre proposition. La question qui concerne le
salaire minimum, la question qui concerne le pourboire et là, je ne suis
pas tellement d'accord avec vous, Me Legault, ce n'est pas
nécessairement 15% partout. Si c'est un pourboire facturé et
automatique, c'est 15%, mais j'ai compris que vous parliez du pourboire, peu
importe qu'il soit de 15% ou un pourboire de 10% laissé à
même une carte de crédit et dont le montant est
décidé
par le client lui-même. Je comprends qu'il y a une
troisième partie dans votre réclamation, c'est que ce qui est
laissé comme pourboire, ce soit à l'employé de
décider de sa distribution. Je pense qu'en soi, c'est quelque chose qui
est acceptable que l'employé lui-même puisse décider, parce
que, effectivement, il y a d'autres employés dans ces entreprises qui
apportent, qui contribuent au pourboire qui arrive au bout du compte. Par le
travail qui prépare le service dans le restaurant, ils contribuent aussi
à déterminer le montant...
M. Johnson: Le barman.
M. Bisaillon: ... du pourboire qui sera réduit ou
augmenté, mais il appartiendrait quand même, pour moi, à
l'employé, comme vous le suggérez, que ce soit l'employé
qui décide d'en redistribuer lui-même une partie à ceux qui
collaborent à lui faire obtenir un pourboire. Le barman ou la barmaid
qui prépare les verres que la serveuse va aller servir, je pense que ce
n'est pas là-dessus qu'est l'essentiel de votre demande. L'essentiel,
c'est que l'employé puisse le toucher intégralement et que, par
la suite, il soit redistribué ou non, c'est quelque chose qui le
regarde. Est-ce que je me trompe?
Mme Roussel: Je crois qu'il y a une nuance dans
l'interprétation ici. On interprète étrangement ce qu'on a
dit.
Tout ce qu'on veut dire à ce niveau-là, cela existe
actuellement dans la Loi du salaire minimum et c'est
répété dans le projet de loi no 126, que le pourboire est
la propriété exclusive du salarié qui le reçoit et
doit être versé intégralement au salarié en
question, s'il est perçu par l'employeur.
Les cas que nous avons sont très rares où c'est une
salariée à pourboire qui, normalement, devrait recevoir $2.80
l'heure actuellement et $2.85 au 1er avril et qui, souvent, ne les
reçoit pas, c'est très rare les cas où on va voir une
salariée décider d'elle-même de donner une partie de ses
pourboires à d'autres travailleurs du restaurant. C'est plutôt
l'employeur...
M. Johnson: Je m'excuse, je ne prétends pas être un
expert dans les bars, madame...
Mme Roussel: Oui.
M. Johnson: ... j'en ai vu quelques-uns ou j'ai entendu parler de
ça... Le gars qui est barman dans une place où il y a cinq gars
qui servent aux tables, celui qui est barman est chanceux s'il réussit
à servir trois, quatre bières au comptoir dans une soirée
occupée. Il est payé au salaire minimum, mais les cinq gars qui
vont porter les centaines de bières qu'ils distribuent dans la
soirée, si, dans les pourboires qu'ils reçoivent, il n'en donnent
pas une partie au barman, je pense qu'ils vont avoir de la misère
à avoir du service de la part du barman. C'est normal. Le barman est
derrière son comptoir et il est rarement en contact avec la
clientèle; il est en contact avec les gars qui servent la
clientèle et il considère qu'il travaille. Si vous avez
déjà vu ça dans un bar, ça travaille fort, le gars
qui prépare les "drinks".
Dans le fond, on devrait dire: C'est sa propriété
exclusive. Les cinq autres ont bien le droit de décider de
s'épauler et de lui donner chacun un cinquième de ce qu'ils ont
fait comme pourboires dans la soirée pour égaliser les pourboires
entre les six gars. Cela se fait couramment dans la plupart des bars,
d'ailleurs, et ce n'est imposé par personne. C'est juste le fait que le
barman est derrière son comptoir et il ne voit pas de clients. Je pense
que vous ne voulez pas supprimer cette possibilité pour les cinq gars de
donner un cinquième des pourboires qu'ils ont faits dans la
soirée.
Mme Théodorakopoulos: Est-ce que je peux répondre?
Qu'on ne compte pas sur le pourboire. On a présenté tout un
mémoire ici. D'accord, pour le pourboire, il y a de petites nuances ici
et là qu'on peut contourner. De toute façon, nous avons
présenté un mémoire. Ce qui nous intéresse, nous,
travailleurs grecs, plus que tout le reste, c'est l'application stricte de la
loi. Au salaire minimun la loi d'avant il y avait aussi des
amendes, il y avait la loi, mais les patrons ne la respectaient pas. Ce qu'on
veut, c'est que vous vous penchiez vraiment sur l'article 6: des amendes plus
élevées et rigoureusement appliquées.
M. Bisaillon: Oui, mais attendez un peu, madame. On vous a
laissé présenter le mémoire comme vous l'avez voulu, on
l'a lu et on a d'autres commentaires à passer. Je ne pense pas qu'il
puisse vous appartenir de déterminer combien de temps on va passer
à vous poser des questions ou à vous demander des
éclaircissements sur une partie du mémoire. Si on veut fouiller
cette question-là, vous êtes là, je pense bien, pour nous
présenter cet aspect comme les autres, et on va revenir par la suite sur
les autres.
Pour l'instant, c'était celui-là et j'aimerais comprendre;
si je ne comprends pas celui-là, peut-être que je ne voudrai pas
comprendre les dix autres. Je suis ici pour essayer de comprendre quelque
chose; pour l'instant, ce sur quoi je vous demande des éclaircissements,
c'est sur cette question-là. Alors, pourrait-on avoir la réponse
là-dessus?
Mme Roussel: II est bien évident que quelqu'un qui a de
l'argent est libre d'en faire ce qu'il veut. Cela est sûr, il est libre
d'en faire ce qu'il veut. Bon! Si une personne décide de donner une
partie de son pourboire à un "bus boy" de son propre chef, il n'y a
personne qui peut l'en empêcher. On dit: Le pourboire est sa
propriété exclusive. Il a le droit d'en faire ce qu'il veut.
M. Johnson: La loi le dit d'ailleurs.
Mme Roussel: Bon! Nous en sommes aux cas qui se produisent
très souvent où les employés sont obligés de le
faire parce que, s'ils ne le font
pas... C'est une politique du restaurant, une politique imposée
par l'employeur; il ne s'agit pas d'un "pot" consenti, il ne s'agit pas de
quelqu'un qui va reconnaître le travail d'un aide, de quelqu'un d'autre
parce que cette personne-là a de la bonne volonté et
qu'effectivement, elle mérite que son travail soit reconnu. Il ne s'agit
pas de cela. Il s'agit d'éviter ce genre de violations qui se produisent
très souvent où, au lieu de déduire sur le taux du salaire
minimum parce que c'est illégal, on prend finalement sur les pourboires
pour financer le salaire d'autres travailleurs.
M. Bisaillon: Si vous me permettez, au sujet de l'autre partie,
qui est celle de demander de payer les employés de la restauration au
salaire minimum...
M. Legault: Pour bien se comprendre, l'exemple qu'a donné
le ministre à propos du barman et de tel type de restaurant, il faut
comprendre qu'à Montréal et à travers tout le
Québec, les restaurants n'ont pas tous la même clientèle.
Donc, si on prend généralement, il y a beaucoup de serveuses qui
peuvent travailler des jours de huit, dix ou douze heures et peut-être
voir très peu de clients, ne voir peut-être, durant une heure ou
deux, que deux clients. Il faut quand même voir une
réalité, ne pas s'arrêter aux exceptions. C'est pour cela
qu'on part du point de vue suivant: II ne doit pas y avoir de discrimination
sur le taux du salaire minimum. Que ce soit une serveuse ou quelque autre
employé, le salaire minimum est le même.
Deuxièmement, on dit: Dans le cas particulier des serveurs, parce
qu'ils ont un droit acquis, s'ils reçoivent 15%, ils continueront
à garder ce pourcentage. Quand on me dit que, par exemple, dans un
restaurant, il y a évidemment la serveuse et d'autres personnes en
arrière, j'en suis, mais je vais vous dire également que, dans la
société, les salaires ne sont pas égaux pour tout le
monde. Ce qui veut dire que c'est une catégorie de personnel de
restauration qui a un salaire plus un pourboire.
C'est évident que tout le monde souhaiterait que le laveur de
vaisselle ait également un pourboire, mais, comme la
société, telle qu'elle est, fait des catégories
d'employés, des catégories de personnel, alors...
Mais on en crée de nouvelles ici. Des exclusions de la loi. Nous
répétons que c'est le salaire identique minimum pour chacun au
départ et, comme il a un droit acquis, qu'il le conserve.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Maskinongé. (21 h 15)
M. Picotte: J'avais quelques autres questions, mais pour ce qui
me concerne, M. le Président, je crois que je vais terminer mes
questions à ce stade-ci. Je vous remercie de votre mémoire et
l'avenir nous dira si le ministre du Travail tiendra compte de vos
recommandations.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Sainte-Marie.
M. Bisaillon: J'aurais quelques questions à vous poser.
Vous avez parlé du temps supplémentaire.
M. Johnson: Approche le micro, tu vas pouvoir parler moins
fort.
M. Bisaillon: Merci, docteur. Je voudrais vous poser quelques
questions sur le temps supplémentaire. Vous avez fait une
première recommandation en demandant que le temps supplémentaire
soit comptabilisé à partir de 40 heures.
Mme Roussel: Huit heures par jour.
M. Bisaillon: Huit heures par jour et 40 heures par semaine. Il y
a un aspect, cependant, face au temps supplémentaire, dont vous n'avez
pas parlé, sur lequel je voudrais vous poser des questions. De
façon générale, cela s'applique à l'ensemble des
travailleurs, mais peut-être de façon particulière à
ceux qui sont au salaire minimum qui souvent sont obligés de faire du
temps supplémentaire, des heures additionnelles. Vous ne vous êtes
pas prononcés sur l'obligation de ce temps supplémentaire ni pour
une mesure de temps qui imposerait le temps supplémentaire facultatif,
quelle serait votre attitude là-dessus?
Mme Roussel: Dans le résumé qu'on a lu,
étant donné que c'est un résumé, on était
conscient que le mémoire avait 40 pages, mais si vous prenez le
mémoire au niveau de la durée du travail qui est au chapitre 4,
section 2, je crois, on mentionne que le temps supplémentaire devrait
être établi par ordre d'ancienneté à
l'intérieur de l'entreprise ou d'une fonction et qu'il devrait
être laissé au libre choix du salarié. On ne l'a pas mis
dans le résumé, parce qu'un résumé étant ce
qu'il est, on ne peut pas tout y mettre, mais c'est effectivement dans le
mémoire.
Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie de...
M. Bisaillon: Un instant, je vérifie quelque chose. Vous
demandez le temps facultatif complet. Pour autant que je me souvienne, à
la suite de la grève chez United Aircraft en 1974, 1975, il me semblait
qu'il y avait eu un amendement apporté à la Loi du salaire
minimum pour faire en sorte qu'après un certain nombre d'heures soit 44
en tout cas, si cela n'a pas été fait, il y avait eu une
promesse de faite le temps supplémentaire soit facultatif.
Après 44 heures de travail le temps supplémentaire devient
facultatif. Je ne sais pas si cela existe et si ç'a été
voté effectivement. Donc, cela a été une promesse. Si,
dans un premier temps, on s'orientait vers une formule comme celle-là,
est-ce que pour vous ce serait suffisant, est-ce que ce serait acceptable comme
amélioration pour l'instant? Autrement dit, si, sans y aller totalement
au départ, on reconnaissait le principe de la liberté de choix
face au temps supplémentaire après un certain nombre d'heures de
travail...
Mme Roussel: II est bien évident qu'on ne peut pas
être contre.
M. Bisaillon: Par exemple, si on disait: Après 40 heures,
parce que selon votre demande c'est 40 heures, le temps supplémentaire
sera facultatif, dans une journée...
Mme Roussel: Notre demande se situe à 40 heures pour une
semaine normale de travail à cause du fait qu'on demande deux
périodes de congés hebdomadaires consécutives, le
congé de 24 heures consécutives. Notre demande au niveau du temps
supplémentaire, c'est qu'il soit comptabilisé après huit
heures de travail par jour. On demande la journée normale de travail de
huit heures qui était demandée par les travailleurs en 1930 ou
autour de ces années-là, que sept provinces canadiennes sur dix
accordent et les conventions collectives et les décrets bien
entendu.
M. Bisaillon: Est-ce que vous avez des statistiques sur les
conventions collectives par rapport au temps supplémentaire?
Mme Roussel: Oui, cela se trouve dans les annexes qu'on a
données ce matin en 30 copies au secrétaire des commissions. Il
s'agit du tableau 1. C'est le paiement du temps supplémentaire, la
durée du travail par semaine et, dans la page, je crois que c'est...
M. Chevrette: Est-ce que vous avez les vacances, aussi? Les
périodes de vacances des conventions collectives, avez-vous un tableau
là-dessus?
Mme Roussel: Pas dans ces annexes.
M. Bisaillon: Quelles sont les conventions collectives qui ont
été analysées?
M. Legault: De toute façon, si vous voulez savoir si les
statistiques sont sérieuses, elles ont été
commandées par le gouvernement; ce sont deux universités qui les
ont faites. Je pense que le ministre est au courant.
M. Johnson: Oui, on les connaît très bien,
d'ailleurs, parce qu'on s'est inspiré largement de ces tableaux pour
faire nos recherches. Cela a été confirmé par le
professeur Hébert.
M. Legault: Vous en êtes sûr.
Mme Roussel: Pas sur la journée de huit heures, M. le
ministre, aux fins du calcul du temps supplémentaire.
M. Johnson: Pas sur la journée de huit heures, j'en suis,
mais on s'en est servi de base pour certaines autres choses. Je ferai cependant
remarquer que dans le cas de cette annexe, on parle essentiellement des
entreprises, dans le cas de la première colonne de ce tableau, de 500
employés et plus. Il ne faut pas oublier cela. On parle donc d'un type
d'entreprise industrielle ou commerciale où les travailleurs, en
général on peut en présumer quand il y a plus de
500 employés ont une convention collective par définition.
Vous n'avez pas affaire à des gens au salaire minimum, non plus, ce sont
vraiment des conditions qui sont relativement exceptionnelles, comparativement
à ceux qui ne sont pas conventionnés, ceux qui n'ont pas de
convention collective. C'est simplement la nuance que je voulais mettre sur
certains des tableaux.
Mme Roussel: Oui, je le sais. Mais quand on donne, en page 2 de
nos annexes, les normes effectives dans les sept provinces canadiennes, je ne
crois pas qu'il s'agisse d'employés d'entreprises...
M. Johnson: Si vous parlez des normes des autres provinces,
d'accord. Je parlais des conventions collectives.
Mme Roussel: Egalement. On demanderait l'égalité
des droits pour des travailleurs qui, souvent, sont empêchés
d'être syndiqués par des réglementations, parce qu'ils
n'entrent pas dans le Code du travail, certaines unités de travailleurs
qui sont des salariés au taux minimum, des employés temporaires
ou à temps partiel qui sont au salaire minimum.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Sainte-Marie.
M. Bisaillon: Une dernière question, je n'avais pas
l'annexe... Vous avez parlé, à un moment donné, que la loi
reconnaisse le pouvoir de déposer des plaintes par
délégation, comme actuellement la Loi du salaire minimum permet
les plaintes anonymes. Qu'est-ce que cela ajoute, pour vous, d'avoir dans la
loi des plaintes par délégation?
Mme Théodorakopoulos: Cela ajoute seulement qu'ils ne
viendront plus chez nous, parce qu'ils ont plus confiance en nous que d'aller
directement à un bureau du gouvernement.
M. Bisaillon: Actuellement, vous pourriez déposer par le
biais des plaintes anonymes?
Mme Théodorakopoulos: Par contre, on pourrait, avec la
loi, devenir leur porte-parole officiel.
Mme Roussel: C'est une question de meilleure application de la
loi pour la sécurité d'emploi des travailleurs qui
déposent une plainte auprès de la commission. La majorité
des travailleurs, lorsqu'on leur dit au téléphone, par exemple:
Vous savez, vous avez le droit de porter une plainte anonyme, ils n'y croient
pas pour la bonne et simple raison qu'ils savent très bien que si un
inspecteur va dans leur entreprise...
Une Voix: C'est ce qui arrive.
Mme Roussel: Et c'est ce qui arrive.
Mme Théodorakopoulos: C'est ce qui arrive essentiellement.
On a des cas où, la plainte a été faite la veille et le
lendemain, le travailleur a été congédié. C'est
pour cela qu'on veut absolument... On ne veut pas seulement des lois, des
règlements, des ordonnances, on veut que la loi soit appliquée et
strictement appliquée et qu'on trouve des moyens. On vous propose
certaines choses, des moyens de voir à ce que la loi soit
appliquée. C'est ce qu'on veut, essentiellement.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Joliette-Montcalm.
M. Chevrette: J'aurais une question et un commentaire. Ma
question est la suivante: Sur les périodes de vacances de quatre
semaines, vous avez justifié huit heures par jour. Comment
justifiez-vous les quatre semaines par rapport à des moyennes, des
renseignements ou des statistiques que vous auriez? (21 h 15)
Mme Roussel: Les quatre semaines de vacances, c'est actuellement
une demande qui existe au niveau de certaines conventions collectives du
secteur public. C'est également une demande qui va être
présentée publiquement et renforcée dans les nouvelles
rondes de négociation du secteur public et parapublic.
On demande les quatre semaines, le mois de vacances, en se basant
notamment sur l'exemple de la France et de la Suède, qui les accordent,
et aussi sur le fait qu'on trouve que deux semaines de vacances annuelles,
c'est nettement insuffisant. Même si maintenant, on les accorde en temps,
il n'y a pas seulement une compensation financière. C'est nettement
insuffisant pour consister en une vraie période de vacances, surtout
quand on permet le fractionnement en deux unités d'une semaine, dans
certains cas.
M. Legault: On peut ajouter également que ce qu'on
demande, lorsqu'on parle de quatre semaines, on parle de quatre semaines,
quelle que soit l'ancienneté, c'est donc plutôt un principe qu'il
soit reconnu à toute personne qu'annuellement, elle ait quatre semaines.
On ne fait pas, en soi, la graduation de deux semaines, trois semaines, quatre
semaines.
Je ne réponds pas à la question, je pose la question.
Comment peut-on donner à un employé le désir de rester
chez un employeur durant dix ans, si ce n'est qu'après dix ans qu'il a
trois semaines de vacances? C'est nettement...
Mme Théodorakopoulos: J'aimerais ajouter à cela
que, chez nous, il y en a plusieurs qui travaillent à la pièce et
qui se fatiguent vraiment après une journée et après un
mois et après un an. Quatre semaines, je ne sais pas pourquoi cela donne
l'impression que c'est un peu exagéré. Ce n'est pas du tout
exagéré, parce que ces gens-là ont vraiment besoin de se
reposer.
M. Chevrette: C'est parce que vous aviez justifié 40
heures/semaine et huit heures, à partir de statistiques. Je pensais que
vous en aviez. Je remarque, à ce moment-là, que la période
prolongée de vacances est basée sur une argumentation purement
idéologique et sociale. Mais vous n'avez pas d'argumentation en termes
de comparaison ou de statistiques, contrairement à ce que vous aviez
pour les huit heures et pour les quarante heures. Ce n'est pas une question de
juger. J'ai questionné. Vous avez l'air très susceptible,
madame.
Deuxièmement, j'avais dit que je ferais un commentaire. Ne
croyez-vous pas que l'ensemble des demandes constitue une véritable
convention collective?
Mme Roussel: Effectivement, ce qu'on a présenté
dans notre introduction, c'est qu'on nous avait annoncé la convention
collective des non-syndiqués, le Code du travail des
non-syndiqués. On considère que le projet de loi no 126, ce n'est
aucunement cela. Etant donné les difficultés, les obstacles
énormes de syndicalisation actuellement, dans des secteurs où on
retrouve des grandes concentrations de salariés à taux minimum et
étant donné que, même dans des secteurs où il est
plus facile de se syndiquer et où le droit d'association est reconnu
théoriquement, il arrive très souvent qu'une accréditation
puisse traîner des années et que beaucoup de gens soient
congédiés pour activités syndicales.
On ne pratique pas de politique du pire, on ne pense pas que des normes
trop avancées défavoriseraient la syndicalisation, si on
n'apporte pas des mesures correctives au niveau du Code du travail ou une
politique d'ensemble au niveau du travail.
Pourquoi pénaliser des gens parce qu'ils n'ont pas les moyens de
se regrouper? Pourquoi les pénaliser à ce niveau? Cela se peut
très bien que ce soit une espèce de convention collective des
non-syndiqués, je suis d'accord avec vous. Mais, à ce
moment-là, je ne vois vraiment pas pourquoi on revendiquerait des
catégories inégales chez les travailleurs ou qu'on favorise la
syndicalisation, réellement.
Mme Théodorakopoulos: Est-ce que je peux vous poser une
question? Sur quels points trouvez-vous que c'est comme une convention
collective? Il y en a très peu. C'est peut-être les 40 heures que
vous trouvez que...
M. Chevrette: J'ai négocié une série de
con-conventions, j'ai vécu personnellement, comme négociateur, au
moins une centaine de négociations. Une négociation, c'est un
rapport de force. Si l'Etat se substituait totalement au rapport de forces,
dans une conjoncture économique et dans un régime tel qu'on le
vit présentement, je pense que ce serait fausser complètement les
règles du jeu. Vous pourriez, à ce moment-là, vous
ramasser à court terme dans un chaos économique fantas-
tique, si on appliquait intégralement cela et vous le savez
très bien vous-même. (21 h 30)
II y a des entreprises, à cause de politiques antérieures
sur le plan économique, qui n'ont pas favorisé le
développement et vous savez très bien qu'il y a des entreprises
qui tirent le diable par la queue. Du jour au lendemain, si on appliquait
intégralement cela, vous savez tout autant que moi,
indépendamment du bien-fondé des revendications, si on appliquait
intégralement vos demandes demain matin, ce qui arriverait. Je vous
retourne la question et je vous demande: Quel échéancier nous
donnez-vous pour appliquer cela?
Mme Roussel: Je voudrais répondre à ce que vous
avez dit sur plusieurs points; premièrement, les règles du jeu.
On entend énormément cette expression-là depuis quelque
temps. Personnellement, je trouve qu'elle est étrange parce que le
travail et les relations de travail, ce n'est pas un jeu. Si vous avez
négocié autant de conventions collectives que cela, vous
êtes sûrement au courant que personne ne va là pour
s'amuser.
M. Chevrette: Pardon?
Mme Roussel: Personne ne va là pour s'amuser et personne
ne va là pour jouer, ce n'est pas un jeu.
M. Chevrette: Quand on parle de règles du jeu, je
m'excuse.
M. Johnson: Si vous permettez...
M. Chevrette: Je vous demanderais quand même de ne pas
interpréter le jeu dans le sens...
Une Voix: Littéraire.
M. Chevrette: ... littéraire. Les règles du
jeu...
M. Johnson: Parce que les règles du jeu, cela vient, par
exemple, de la campagne de publicité du ministère du Travail pour
rendre accessibles, entre autres, aux institutions syndicales, des
dépliants qui résument le Code du travail et une série
d'instruments pour favoriser, sur le plan technique, la connaissance des lois
du travail dans un but qui est de favoriser la syndicalisation. L'expression
"règles du jeu" existe dans les pages roses du dictionnaire et elle ne
signifie pas le badinage ou le batifolage. C'est une expression qui, comme en
anglais, "rules of the game", ne parle pas nécessairement d'amuse-gueule
ou d'autres choses; c'est simplement une expression qui dit: II y a des
règles. Il y a des règles dans le rapport de force. Vous
demanderez cela aux gars de Murdochville, qui sont en grève depuis six
mois qui, démocratiquement, ont choisi, dans des votes secrets
répétés et qui se battaient contre un employeur dans une
conjoncture économique précise, s'ils savent ce que sont les
règles du jeu. Ils savent ce que c'est et je ne pense pas qu'ils
trouvent cela humiliant. Ils le savent, ils l'ont choisi et ils exercent un
rapport de force. Je pense que c'est cela que le député de
Joliette-Montcalm disait. On ne prend pas à la légère
cette notion-là et je n'aime pas vous voir prendre cette
interprétation.
M. Legault: A propos du rapport de force, je pense quand
même qu'il faut être conscient qu'il n'y a aucun rapport de force
pour un salarié au taux minimum. Il est isolé ou ils sont deux ou
trois. L'expérience a prouvé que, pratiquement, c'est impossible
pour eux de se syndiquer. On le sait parce qu'il y a eu deux tentatives
à Montréal, notamment chez les employés de la
restauration. Leur isolement fait qu'ils n'ont pas un rapport de force. Sinon,
c'est évident qu'ils iraient à la syndicalisation. Je pense que
cet élément-là est bien important.
M. Chevrette: A ce moment-là, je pourrais peut-être
seulement ajouter un petit bout. J'ai comme l'impression, à ce
moment-là, que, plutôt que d'y aller au niveau des conditions
minimales qui risquent de débalancer complètement une structure
économique à très court terme, il y a d'autres moyens de
pallier ce que vous dites que le moyen des conditions minimales. Vous pourriez
réclamer, il me semble, avec une plus grande logique,
l'accréditation sectorielle et cela correspondrait beaucoup plus
à quelque chose de valable que de demander, du jour au lendemain, de se
substituer au rapport de force que crée le syndicalisme.
Mme Théodorakopoulos: Est-ce que je peux répondre
avant cela, s'il vous plaît? Parce que j'ai posé une question et,
je m'excuse, mais vraiment je n'ai pas compris. Ce que j'ai demandé,
c'est: Comment voyez-vous cela comme un rapport de force? J'aimerais
défendre certains points que vous trouvez peut-être vraiment
excessifs ou je ne sais quoi. Pour moi, la seule chose qui serait en accord
avec les autres conventions collectives, ce seraient les vingt jours de
vacances qu'on demande, les vingt jours ouvrables, quatre semaines de travail.
A part cela, quarante heures, vous trouvez que c'est un rapport de force? On en
avait quarante-cinq avant, on nous donne une heure de moins et vous trouvez que
cela entre dans les règles du jeu?
M. Chevrette: Ce n'est pas du tout cela que j'ai dit, madame.
Mme Théodorakopoulos: C'est cela, explique-moi ce que tu
veux dire.
M. Chevrette: Oui. Mais ce n'est pas ce que j'ai dit. Je veux
être très bref. Je sais qu'il reste un autre groupe. Ce n'est pas
cela que j'ai dit. J'ai dit que du jour au lendemain... Quand j'ai parlé
de l'application intégrale de votre mémoire, je n'ai pas
parlé de rapport de force. Ce n'est pas un
rapport de force quand un gouvernement légifère pour
imposer des normes minimales à des employeurs. J'ai dit que le
syndicalisme était là pour établir un rapport de force. Ce
n'était pas du tout dans le même contexte, comme vous dites. J'ai
pris un point précis sur une question tantôt. Quand je vous ai
parlé de vacances, je n'ai même pas parlé
d'exagération, en ce qui me concerne, à ce moment. Je vous ai
purement et simplement demandé si vous aviez des statistiques. C'est
après que j'ai dit: Globalement, si on appliquait cela, à mon
humble évaluation, ce serait déséquilibrer une situation.
Je vous ai même retourné une question à laquelle je n'ai
pas eu de réponse: Quel échéancier donneriez-vous à
un Etat pour risquer d'éviter le chaos?
Mme Théodorakopoulos: Je m'excuse encore, je regrette.
Vous ne m'avez pas prouvé encore que l'on aurait un chaos si on
appliquait cela. On ne demande rien d'extraordinaire, rien de plus que ce que
quelques autres ont. Ceux-là ne l'ont pas, seulement parce qu'ils sont
certainement dans les secteurs les plus exploités. La seule chose qu'on
veut, c'est qu'ils deviennent un peu plus égaux avec les autres. On n'a
pas demandé plus que cela. Si cela nous apportait une situation
chaotique dans notre économie, il va falloir se poser des questions. Si
notre économie est basée sur l'exploitation de la serveuse, de la
travailleuse immigrante dans l'industrie du vêtement, qui travaille en
temps supplémentaire, qui travaille de longues heures, qui n'est pas
payée pour cela, là, il faudrait peut-être, vous comme
nous, se poser des questions. Ce n'est pas notre discussion d'aujourd'hui.
Sur la question sectorielle, au sujet de laquelle, vous avez dit:
Pourquoi ne pas le faire comme cela? Il y en a pour et il y en a contre, comme
vous le savez déjà. J'ai commencé à faire des
recherches sur cela, et je ne suis pas prête à donner une
réponse tout de suite. Je sais que pratiquement, ce serait
peut-être la meilleure façon, parce que je vois,
évidemment, qu'avec les lois, spécialement quand les lois
je tiens à cela ne sont pas appliquées, parce que c'est
cela, la pire des choses... Même cette loi-ci, comme vous l'avez
présentée, elle ne va pas être appliquée. Alors,
même cela, ils ne l'auront pas. De toute façon, ce serait
peut-être pratiquement le seul moyen pour le travailleur dans la
restauration ou peut-être dans la petite entreprise d'avoir son droit.
Par contre, je ne sais pas si ce serait le meilleur moyen. D'autre part,
même la syndicali-sation sectorielle apporterait le même
problème à votre économie, comme vous dites. Si on avait
le syndicalisme sectoriel demain pour ces gens, d'accord, les patrons auront
les mêmes arguments.
Mme Roussel: Comme Danièle a très bien dit, il y a
des pour et il y a des contre, c'est un fait. Je ne crois pas que le projet de
loi no 126 ait porté sur le fonds de syndicalisation à proposer
pour l'avenir. Comme on tenait à être dans l'ordre de ce qui
était dans le projet de loi, c'est comme cela qu'on a fait notre
mémoire, dans l'ordre des chapitres et des sections, on est resté
dans ce domaine. Evidemment, si vous nous demandez des opinions personnelles,
on pourrait vous les donner après, mais on tient à rester dans
l'ordre du jour.
Egalement, toujours sur la question de la syndicalisation sectorielle ou
de toute autre forme de syndicalisation, on est conscient que le projet de loi
126 est extrêmement minimal, comme on l'a dit, et c'est finalement un
regroupement et une codification des ordonnances et des règlements. La
meilleure protection pour les travailleurs et les travailleuses du
Québec, c'est de se syndiquer. On en est très conscients. Si on
propose des normes minimales, c'est le sujet du projet de loi. Effectivement,
il y a 1 800 000 travailleurs québécois qui ne sont pas
syndiqués.
Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie pour...
Mme Théodorakopoulos: Je m'excuse, mais j'aimerais poser
une question à M. le ministre, M. Pierre-Marc Johnson. Qu'est-ce que
vous pensez de notre rapport, au numéro 6? On fait des choses. Je
m'excuse, mais je n'ai pas eu de réponse sur les amendes un peu plus
sévères. Essentiellement, pour faire appliquer votre loi,
même si vous n'acceptez aucune de nos propositions, que pensez-vous
seulement sur l'application... Essentiellement, la seule chose qu'on dit:
D'accord, on accepte votre loi, mais, la seule chose, c'est que vous la mettez
sur pied et qu'elle soit respectée.
M. Johnson: Sur les amendes, on va y penser; on regarde votre
suggestion. Déjà, la loi prévoit des amendes qui vont
jusqu'à $3000. Une des raisons essentielles vous avez
déjà mis le doigt dessus pour laquelle cette loi est mal
appliquée, c'est qu'il n'y a pas d'incitation au niveau des
pénalités pour les employeurs à la respecter, sauf que la
loi 126 vient remplacer la Loi du salaire minimum qui prévoit des
pénalités qui peuvent aller jusqu'à $3000 pour chaque
infraction. C'est déjà considérable, je pense, mais on va
réfléchir à toutes vos suggestions et à d'autres
qui nous sont faites par d'autres groupements également.
Je vous remercie.
Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie au nom de tous
les membres de la commission.
Mme Roussel: Merci.
Association des camps du Québec
Le Président (M. Marcoux): J'inviterais maintenant
l'Association des camps du Québec à venir nous présenter
son mémoire.
M. Robert Maisonneuve? Si vous voulez nous présenter vos
collègues et présenter votre mémoire.
M. Johnson: D'abord, si vous permettez, M. le Président,
avant que M. Maisonneuve... D'abord, on voudrait s'excuser de vous avoir fait
attendre jusqu'à 21 h 45.
M. Maisonneuve (Robert): Ce sont les règles du jeu.
M. Johnson: Oui. Maintenant, je pense qu'on a le consentement
unanime des membres de la commission pour dépasser
légèrement 22 heures. On va vous donner le temps qu'il faut pour
passer à travers le mémoire pour ne pas vous obliger à
revenir demain.
M. Maisonneuve: Je vous remercie. M. Johnson: Je vous en
prie.
Le Président (M. Marcoux):... c'est le consentement
volontaire.
M. Maisonneuve: Si vous me permettez de présenter les
membres du conseil provincial de l'Association des camps du Québec: M.
Rosaire Poussard, M. Yvon Vézina, M. Jim Sweeny, M. Rosaire Corbin, qui
est le directeur général de l'Association des camps et M. Normand
Nadeau.
Le présent mémoire, M. le Président, veut situer le
rôle de l'Association des camps du Québec, décrire les
particularités des camps de vacances et exposer les conséquences
qu'entraînerait l'adoption d'un tel projet de loi sur le fonctionnement
des camps de vacances.
Je pense, M. le Président, que la plupart, en tout cas, des
membres autour de cette table de la commission parlementaire ont touché
d'assez près, à un moment de leur vie, au domaine des camps de
vacances ou, au moins, à de l'animation, peut-être, dans le loisir
des jeunes et connaissent assez bien le milieu où nous travaillons, les
camps de vacances et les loisirs, pour être familiers au style, au type
d'arguments que nous allons vous présenter et pour partager aussi, nous
l'espérons, nos préoccupations.
Si vous le permettez, M. le Président, je laisserais à M.
Rosaire Corbin, notre directeur général, le soin de
présenter notre mémoire puisqu'il gagne un peu plus que le
salaire minimum et il faut bien qu'il gagne son salaire.
M. Corbin (Rosaire): C'est donc gentil!
C'est assez difficile de présenter un mémoire quand on se
voit se situer d'une façon diamétralement opposée à
ceux qui nous ont précédé. (21 h 45)
L'Association des camps du Québec est l'organisme de regroupement
des camps et colonies de vacances du Québec. Fondée en 1961,
l'ACQ est constituée en vertu de la troisième partie de la Loi
des compagnies et sa mission principale est de favoriser le
développement des camps de vacances de la province.
Le Haut-Commissariat à la jeunesse, aux loisirs et aux sports
reconnaît également à l'ACQ les fonctions suivantes:
Assurer la promotion des camps de vacances auprès du public
québécois;
Faire connaître les problèmes ainsi que les besoins des
camps;
Réaliser des programmes de formation destinés au personnel
oeuvrant dans les camps de vacances;
Contribuer à l'amélioration de la qualité des
services offerts par les camps.
C'est en vertu des deuxième et quatrième fonctions que
nous vous présentons ce mémoire.
La mise sur pied des camps de vacances au Québec remonte au
début du siècle. En 1912, la Colonie des Grèves fut
fondée pour donner l'occasion aux jeunes de la région
métropolitaine de profiter, durant la période de vacances, d'un
séjour en pleine nature, loin de la vie trépidante de la ville
et, aujourd'hui encore, ce camp offre ce précieux service.
Par après, d'autres camps de vacances ont vu le jour et
actuellement leur nombre se chiffre aux environs de 200. Si la
clientèle, la durée des séjours et la nature des
activités varient d'un camp à l'autre, les objectifs fondamentaux
sont les mêmes, c'est-à-dire de permettre à l'individu de
vivre une expérience enrichissante et unique par laquelle il apprend
à grandir dans l'indépendance, à s'enrichir par ses
rapports avec les autres et à découvrir les richesses et les
surprises qu'offrent la vie de camp et le milieu naturel.
Ces objectifs sont complémentaires à ceux poursuivis par
les institutions et les organismes d'éducation au Québec.
Cependant, la richesse du milieu et le mode de vie qui prévalent
dans un camp de vacances confèrent à ce dernier un
caractère unique qui favorise grandement la réalisation des
objectifs poursuivis.
Vécues dans un environnement privilégié, qui est la
nature, les relations interpersonnelles font l'objet d'une attention
particulière, car elles s'inscrivent dans un contexte où les
individus vivent ensemble, 24 heures sur 24 pendant une période variant
de deux à huit semaines. Cette particularité favorise
l'apprentissage du respect de l'autre, le développement du sens des
responsabilités et de la coopération.
Le mode de vie dans un camp s'apparente à celui que l'on retrouve
dans une famille; l'intimité y est aussi grande, le bien-être et
la sécurité de tous y sont constamment recherchés et il
existe une volonté omniprésente de porter attention à
chacun et de reconnaître chaque individu comme unique.
Milieu naturel, qualité des relations interpersonnelles et mode
de vie unique, trois caractéristiques qui donnent au camp de vacances
une originalité de laquelle procèdent, pour celui qui en est
responsable, des exigences bien particulières en regard du personnel
d'encadrement.
Le camp de vacances ne se distingue pas des autres entreprises
québécoises et les tâches des responsables s'apparentent
à celles de tout gestionnaire. En effet, on retrouve les trois
éléments fondamentaux propres à toute entreprise, soit
d'avoir un programme, des ressources humaines
et un budget. Toutefois, ce qui particularise le camp de vacances, c'est
la nature des objectifs poursuivis et le cadre dans lequel se réalisent
les programmes qui en découlent. Pour assurer le contexte de vie de
camp, lequel est similaire à celui de la famille, il faut accorder une
grande importance aux campeurs et le personnel doit être constamment
disponible comme c'est le cas pour le père et la mère de
famille.
La grande variété d'activités et les nombreuses
sorties auxquelles participent les campeurs représentent des moyens
privilégiés et originaux par lesquels les objectifs
d'éducation peuvent être atteints. Mais elles représentent
aussi des ressources dont l'utilisation exige une vigilance très
poussée.
Conséquemment, la nature des responsabilités des
directeurs et des moniteurs d'un camp de vacances et les normes de travail
seront en grande partie déterminées par les exigences
inhérentes aux caractéristiques ci-haut mentionnées. Si
des dizaines de milliers de parents confient leurs enfants aux directeurs de
camps de vacances du Québec, c'est qu'ils savent que la richesse de
l'expérience de vie de camp favorisera le développement de la
personnalité de leurs jeunes et qu'ils s'attendent que l'encadrement
garantisse une qualité d'intervention qui prolonge la leur et qui assure
un maximum de sécurité.
Le projet de loi 126, s'il était adopté tel quel,
compromettrait sérieusement l'existence d'un type d'institution qui,
sans nul doute, s'avère présentement nécessaire dans notre
société québécoise. Les 100 000 enfants qui
fréquentent les camps de vacances du Québec constituent en soi
une preuve évidente.
L'assujettissement de toutes les personnes oeuvrant dans les camps de
vacances aux normes de travail et aux normes salariales contenues dans ce
projet transformerait le mode de fonctionnement des camps à un point tel
qu'il serait impossible de poursuivre les objectifs énoncés
précédemment.
Les normes de travail édictées dans le projet de loi sont
incompatibles avec la nature des responsabilités assumées par le
personnel, car elles introduisent une notion de fractionnement de la
responsabilité et de la vigilance auprès des campeurs. Cette
responsabilité est continue et exige une disponibilité de tous
les instants. Un parent peut-il fractionner sa responsabilité? Et un
enfant peut-il comprendre que l'on ne puisse pas toujours être à
sa disposition?
Elles sont également incompatibles avec le type
d'activités pratiquées dans les camps. Nous pouvons citer les
randonnées pédestres et les expéditions de canot qui
durent plusieurs jours consécutifs, voire au-delà d'une semaine.
Dans de tels cas, le personnel accompagnant les groupes de campeurs ne peut,
quelles que soient les normes de travail, se soustraire aux obligations
inhérentes à ce genre d'activités.
Afin de maintenir un mode de fonctionnement propre aux camps de
vacances, il faudrait alors doubler et tripler le nombre de personnes requises.
Répartir les tâches par quart de travail, trois périodes de
huit heures, comme on le retrouve dans d'autres types d'entreprises, ne peut
s'appliquer au fonctionnement d'un camp sans entraîner une augmentation
considérable des frais de fonctionnement. Si cela était, un
séjour dans un camp deviendrait inaccessible pour 90% des
Québécois. Si, présentement, les camps subsistent, c'est
qu'une catégorie de personnel n'est pas soumise aux normes de travail et
aux normes salariales de la Commission du salaire minimum en vertu des
ordonnances 3 et 4. Cette exclusion est fondée, entre autres, sur le
fait qu'un étudiant oeuvrant dans un camp de vacances y recherche un
complément de formation en s'intégrant à
l'expérience de la vie de camp.
L'étudiant qui accepte ainsi de s'associer à un tel projet
est conscient que cette expérience est financièrement inestimable
et, d'autre part, les responsabilités qu'on lui confie et le cadre dans
lequel il est appelé à les assumer représentent une
fonction originale qu'on retrouve difficilement ailleurs et qui exigerait, de
ce fait, un salaire très élevé. C'est pourquoi il a
toujours été reconnu que l'argent versé au personnel
était beaucoup plus une rétribution qu'un véritable
salaire, car le milieu de camp est beaucoup plus un milieu de vie qu'un milieu
de travail.
Les recommandations sont simples. Pour toutes les raisons
énoncées précédemment, l'Association des camps du
Québec recommande éner-giquement que tous les camps du
Québec, quel que soit leur statut corporatif, soient exemptés de
l'application de cette loi, sans quoi il faudra dorénavant parler des
camps de vacances au passé. Il serait dommage qu'après avoir
adopté une loi sur la protection de la jeunesse, une autre loi vienne
priver au-delà de 100 000 enfants des avantages dont ils ont toujours
joui. L'année internationale de l'enfant ne doit pas voir l'adoption de
telles mesures.
La conclusion, c'était de vous demander...
Le Président (M. Marcoux): M. le ministre.
M. Johnson: D'abord, j'ai lu votre mémoire avec attention;
je l'ai relu en vous écoutant. J'aurais une question au départ.
Combien de camps représentez-vous comme association, à peu
près?
M. Corbin: Comme association, 125 camps.
M. Johnson: 125 camps. Sur ces 125 camps, combien sont à
but lucratif et combien à but non lucratif, à peu
près?
M. Corbin: 25 à but lucratif et...
M. Johnson: Une centaine à but non lucratif. Je pense que
l'ensemble de vos remarques, malgré les bémols que je tiens
à y mettre, se justifient dans la logique que vous présentez pour
les camps à but non lucratif. Cela dit, je pense qu'une lecture
très attentive de trois articles de la loi va
vous permettre de constater que nous étions très
conscients de cela. L'article 86 qui dit: "Le gouvernement peut faire des
règlements pour assujettir ou exclure de l'application totale ou
partielle de la présente loi ou des règlements certains
organismes qu'il désigne, ou pour exempter de l'application totale ou
partielle de la section I du chapitre IV, pour le temps et aux conditions qu'il
détermine, une ou plusieurs catégories de salariés qu'il
désigne et fixer, le cas échéant, des normes du travail
particulières pour ces salariés, notamment... les
étudiants occupés dans les colonies de vacances..."
Deuxièmement, l'article 53 du projet de loi prévoit que la
durée de la semaine normale déterminée à l'article
51, c'est-à-dire de 44 heures, ne s'applique pas aux salariés
suivants: b) Un étudiant employé dans une colonie de vacances
constituée en vertu de la troisième partie de la Loi des
compagnies, c'est-à-dire les organismes à but non lucratif.
L'article 76b qui dit que les articles 65 à 75 qui, en fait,
prévoient les congés annuels payés ne s'appliquent pas
à un étudiant employé dans une colonie de vacances
incorporée en vertu de la troisième partie de la Loi des
compagnies.
C'est simplement pour vous rassurer que nous étions conscients du
problème que cela pose dans le cas des colonies de vacances. Si je
comprends bien, vous nous dites: Nous pensons qu'on devrait être
totalement exclus. Au départ, je fais une distinction entre les colonies
à but lucratif et à but non lucratif; je pense qu'il faut en
faire une, objectivement. Une colonie à but lucratif est une entreprise
commerciale qui peut, c'est vrai, être animée par des moniteurs
qui sont de véritables animateurs sociaux, qui réussissent
à satisfaire des jeunes pendant l'été, qui
reçoivent une quantité de jeunes qui peuvent provenir de toute
source sur un plan économique, de la provenance socio-économique
des parents, etc., mais il demeure quand même que c'est une entreprise
commerciale. A ce titre, je pense qu'il y a un minimum de dispositions
où il faut faire en sorte que les lois soient respectées comme
s'appliquant à l'ensemble des salariés qui travaillent dans tout
ce qui est à but lucratif dans notre société.
A ce titre, je pourrais vous citer un exemple que je connais fort bien
et qui touche une jeune fille de mon comté qui a travaillé dans
une colonie de vacances comme monitrice, une colonie de vacances tenue par une
corporation qui fait bien des profits, d'ailleurs, et qui a un réseau
commercial en dehors de cela et qui était payée la mirobolante
somme de $400 pour presque douze semaines, trois mois de travail. Le
chèque, d'ailleurs, est provenu seulement à la fin de
l'été. Cela n'a aucun sens. Je sais ce qui est arrivé avec
les intérêts de tout cet argent de l'ensemble des moniteurs et
ceux dans la poche de qui cet argent est allé.
Cela dit, je fais la distinction entre le groupement à but
lucratif et à but non lucratif. De la même façon, je pense,
deux d'entre vous êtes des anciens professeurs de mon collègue
Bisaillon de Sainte-Marie, je me permettrai une réminiscence. J'ai
été moniteur à Saint-Liguori, au camp Notre-
Dame, j'avais 18 ans, j'étais payé la merveilleuse somme
de $12 par semaine, on travaillait beaucoup et j'aimais cela. C'est vrai que
cela a été une expérience extraordinaire. Encore une fois,
le camp de Notre-Dame de Saint-Liguori était un organisme à but
non lucratif, cela faisait partie de ce que je percevais comme devant à
la société qui m'éduquait, qui payait mon éducation
par un réseau scolaire, etc. Cela faisait partie des expériences
intéressantes qu'un jeune homme de 17 ou 18 ans peut avoir. (22
heures)
Encore une fois, je fais cette distinction. On la fait dans la loi. Il y
a peut-être des précisions qu'il faudrait apporter au texte de la
loi. Je ne suis pas sûr que cela devrait s'appliquer à tout le
personnel, tout le temps. J'aimerais vous entendre un peu là-dessus.
M. Corbin: Sur la question, indépendamment, je trouve
drôle qu'une loi qui veut protéger une personne, le
salarié, partout, à un moment donné, on intervient dans
l'institution, selon sa capacité de payer. Donc si toi, tu veux
être moniteur dans un camp de vacances à but non lucratif, tu
n'auras pas droit à ton taux de 4% de vacances, tu vas travailler comme
un chien, je ne veux pas exagérer, mais tu vas travailler 60, 65 heures
et tu vas être payé juste pour cela.
Si tu t'en vas dans un camp à but lucratif; pour le même
individu, là, tu vas être payé pour ton temps
supplémentaire et tu vas être payé ensuite pour tes
vacances. Donc, c'est une discrimination vis-à-vis l'individu; à
un moment donné, on introduit cette notion parce qu'on se rend compte
qu'il y a une capacité de payer différente, à cause d'une
capacité différente de payer.
C'est cela que je...
M. Johnson: Je pourrais vous répondre que, si vous le
permettez, dans le fond, ce que vous me suggérez, c'est que cette
discrimination soit étendue aux 25 camps. On dit qu'il n'y a aucun des
jeunes qui travaillent dans les colonies de vacances qui va être soumis
à une protection de la Loi du salaire minimum.
M. Corbin: C'est cela.
M. Johnson: C'est ce que vous nous suggérez. Je vous dis
que dans le cas des camps à but lucratif, c'est une opération
commerciale. Le gars qui "ronne" cela, si vous me passez l'expression, il fait
de l'argent avec cela. Il emploie du personnel. C'est comme s'il avait un
magasin d'articles de sport, qu'il vendait de l'équipement de sport, et
il fait cela l'été.
M. Corbin: Je vais laisser parler un directeur de camp à
but lucratif.
M. Johnson: Peut-être.
M. Nadeau (Normand): Si vous le permettez, depuis 19 ans que j'ai
un camp de vacances, je
suis encore dans le rouge, en additionnant d'une année à
l'autre. C'est à but lucratif.
M. Johnson: Allez-vous changer votre charte?
M. Nadeau: Si c'est la loi que vous voulez passer, il va falloir
que je change de charte au plus vite et obtenir des subventions du gouvernement
pour me permettre de continuer.
M. Johnson: Si vous êtes dans le rouge depuis plusieurs
années, depuis la fondation, je ne comprends pas pourquoi votre camp est
à but lucratif.
M. Maisonneuve: Quand vous parlez d'entreprises commerciales, je
pense que ce n'est pas exactement dans le même sens qu'une industrie
où on fait des profits pour faire du profit. La majorité des
camps que je connais, qui sont à but lucratif, comme Normand le dit
lui, il peut avoir de la difficulté à arriver c'est
pour se faire vivre, c'est pour donner un salaire à ceux qui
administrent le camp et pour réinvestir dans le camp, au service des
enfants et au service de leur équipement et des choses comme cela. Mais
ce n'est pas uniquement pour faire du profit pour faire du profit. Les termes
ne me viennent pas, mais cela ne peut pas être comparable à une
entreprise à but lucratif, comme vous le dites, d'un commerce pour
vendre des articles de sport et emmagasiner un montant. Je ne dis pas qu'il n'y
en a pas parmi les camps. Il y aurait peut-être des différences
à faire entre ce qu'on peut appeler des auberges ou des colonies de
vacances, c'est possible. Mais la majorité des camps à but
lucratif qui sont chez nous, qui sont des camps accrédités, ne
font pas des profits si énormes qu'on puisse les comparer à des
gens qui ont des commerces et qui peuvent accumuler des profits pour se payer
ensuite d'autres investissements. Ils se paient leur salaire comme
propriétaire du camp, pour réinvestir ensuite dans le camp.
Je ne sais pas si la nuance est saisie, mais l'entreprise commerciale ne
peut pas être totalement comparable dans les deux cas, quand il s'agit,
comme on l'a montré dans le mémoire, du style de vie, du style de
camp, des objectifs qui sont poursuivis dans une colonie de vacances.
M. Johnson: M. le Président... Le Président (M.
Marcoux): Oui.
M. Corbin: Admettons que c'est un organisme à but lucratif
qui fait beaucoup de profits, ce qui serait approuvé...
M. Johnson: II ne doit pas y en avoir beaucoup d'ailleurs. Je
reconnais cela avec vous, il ne doit pas y en avoir beaucoup.
M. Corbin: Cela représente une petite industrie, une
petite ou une moyenne entreprise dans le milieu et c'est un apport
économique pour cette région-là. C'est tout un groupe qui
n'est pas à la charge de l'Etat, parce que la majorité des camps
à but non lucratif sont subventionnés par le Haut-Commissariat.
Ils pourront avoir facilement des subventions concernant les salaires.
Même pour la majorité, l'Etat aura-t-il la capacité de
payer le salaire minimum requis avec les subventions venant du
haut-commissariat?
M. Johnson: De toute façon, ils sont exclus, au moment
où on se parle, dans le projet de loi 126; les camps à but non
lucratif incorporés en vertu de la troisième partie de la loi des
compagnies sont exclus quant à leur personnel qui est étudiant.
C'est exclu dans la loi.
M. Corbin: Quant aux salaires.
M. Johnson: Quant aux salaires, quant aux vacances.
M. Corbin: Quant aux vacances, quant à la semaine de
travail, mais quant aux salaires, où?
M. Johnson: C'est cela, par l'article 86.
M. Maisonneuve: C'est inscrit "peut", M. le ministre, "peut
faire".
M. Johnson: "Peut", ils sont "excluables".
M. Maisonneuve: On s'est dit: Peut-être qu'ils pourront...
Oui, c'est cela, on voudrait que cela soit défait.
M. Picotte: Politiquement parlant, il semblerait que "doit",
c'est un mot très difficile à employer, selon ce qu'on m'a
déjà répondu.
M. Grenier: On a bien de la difficulté, de ce
côté-ci de la table, à faire inscrire des "doit".
M. Corbin: II n'y a pas assez de dix doigts.
M. Chevrette: II en sait quelque chose, son parti a
été 26 ans au pouvoir et n'en a jamais mis un.
M. Grenier: II y avait un "boss" qui en mettait souvent dans ce
temps-là.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Maskinongé.
M. Corbin: Non, on l'était tout le temps. Jusqu'à
présent, on l'a toujours été. Je regarde même dans
les autres provinces. Dernièrement, on avait une réunion au
niveau des camps du Canada et, dans toutes les autres provinces, des camps sont
exemptés, même les camps à but lucratif et même en
Ontario.
M. Picotte: M. le Président, je tiens à vous faire
remarquer au point de départ que je trouve vraiment que le rouge est une
belle couleur, mais,
indépendamment de cela, je suis peut-être un peu
porté à penser un peu comme le ministre, sans mettre en doute les
déclarations que M. je ne me souviens plus du nom nous a
faites tantôt. Je ne vois pas l'avantage, à un moment
donné, pour un camp de vacances comme cela, qui fonctionnerait dans le
rouge depuis X temps, de poursuivre cela, mais il reste que, sans mettre cela
en doute, je veux du moins faire un commentaire. Ce n'est pas une question que
je pose, mais je voudrais faire un commentaire au ministre. Etant donné
qu'il s'agit d'activités à caractère fortement social, que
cela touche les jeunes Québécois, je pense qu'il est très
important que le mémoire qui nous a été
présenté soit considéré, non seulement
considéré, mais soit entendu positivement par le ministre.
J'espère, M. le ministre, que les articles 86, 53 et 76 vont demeurer
dans le projet de loi, qu'il n'y aura pas de changements afin qu'on puisse s'en
servir pour essayer de permettre à ces camps qui fonctionnent dans un
but non lucratif d'avoir toutes les possibilités d'aide
nécessaire qu'ils attendent avec un tas de projets. Je vous remercie de
votre mémoire.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Mégantic-Compton.
M. Grenier: M. le Président, M. Corbin, vous avez dit tout
à l'heure que 25 camps ou 25% des camps sont à but lucratif, dans
la série de ceux qui font partie de votre association?
M. Corbin: 25, à peu près. C'est facile à
voir. M. Grenier: 25 camps. Oui, c'est indiqué.
M. Corbin: Du côté anglais, vous avez "private
camps". On peut les énumérer moins le camp Marie-Clarac et le
camp Notre-Dame-de-la-Joie, dans ceux de cette série. "Private camps",
ce sont les camps à but lucratif. Le nombre qui est là, je pense,
ce serait une douzaine et, du côté français, nous en avons
à peu près quatre ou cinq, pas plus que cinq, mais, ce qui est
dommage, c'est que ces camps à but lucratif, ce sont ceux qui, en
groupe, ont exercé le leadership et qui ont monté le
phénomène d'une certaine façon des camps de vacances pour
arriver à des standards. Maintenant que le phénomène est
bien lancé, que le haut-commissariat et le gouvernement disent:
Maintenant, on a un réseau de camps, on dit à ceux-là:
Vous avez fait votre part dans la société, fermez vos portes. Il
y a une espèce de concurrence qui n'est pas égale dans la
réalisation des objectifs.
Si c'était un scandale d'exploitation, ces camps à but
lucratif, cela ferait l'objet d'enquêtes. Ils ont collaboré au
développement du phénomène des camps de vacances. Ils
n'exploitent pas plus le moniteur travaillant dans un camp à but
lucratif que l'autre, en vertu de ce que je vous disais tantôt, parce
que, si tu travailles dans un camp à but non lucratif: Fais des heures,
mon Pit, et tu n'as pas droit à 4%. Tu t'en vas dans un camp, tu vas
faire des heures et tout cela... Ils reçoivent à peu près
le même traitement, qu'ils soient dans un camp à but lucratif ou
non lucratif. Actuellement, la moyenne des salaires payés est à
peu près identique, que ce soit dans des camps à but non lucratif
ou dans des camps à but lucratif, parce que, dans l'ensemble de
l'association, les directeurs de camps se rencontrent et font une espèce
d'échelle pour s'équilibrer, pour ne pas faire une concurrence
négative. Au contraire, c'est une concurrence positive qui se fait entre
eux. C'est dans ce sens. S'il y avait vraiment une exagération, ce qui
se peut, dans certains cas, ce serait sorti bien avant dans les journaux et
dans la société, l'exploitation par les directeurs de camps et
les moniteurs. Il y a vraiment cette compréhension de s'associer au
phénomène comme tel.
M. Maisonneuve: Si vous permettez, seulement pour
compléter, la plupart des camps que je connais, dans l'Association des
camps, qui sont des camps à but non lucratif, ce sont des camps
particulièrement de communauté, ou d'autres qui ont surtout des
gens bénévoles; ils peuvent se permettre d'être à
but non lucratif à cause des gens bénévoles. Dans mon
camp, tout mon personnel de cadre le fait bénévolement, parce
qu'il n'a pas besoin d'un salaire, parce qu'il n'a pas de famille à
faire vivre et ainsi de suite. Dans les camps qu'on a, qui sont à but
lucratif, ce sont des pères de familles qui sont obligés de faire
vivre leur famille. Ils ne font que faire vivre leur famille, pour la plupart;
ils réussissent seulement cela ou investissent, comme je l'ai dit tout
à l'heure, pour le bien des campeurs qui viennent à leur camp. Ce
n'est pas un profit de type industriel ou commercial, dans le sens qu'on peut
l'entendre dans l'industrie. Je pense que c'est une distinction qui montre la
réalité des camps de vacances et qui ajoute à ce que M.
Corbin vient de dire. On a besoin aussi de ces camps dans l'Association des
camps pour la promotion du plein air et des loisirs pour nos étudiants.
Il n'y a aucune concurrence entre nous. Si on faisait cette loi, cela
deviendrait, dans notre association, une concurrence qu'il ne serait pas
possible de subir.
M. Grenier: Je reviendrai, M. Maisonneuve, à ce que vous
dites là. Je reviens à M. Corbin. D'abord, vous avez plus de
succès à m'enseigner l'administration des camps que le latin,
parce que je comprends plus rapidement...
M. Johnson: Deo gratias!
M. Corbin: C'est pour cela que j'ai enseigné la biologie
par la suite.
M. Grenier: Cela n'a pas été si mal. On a le
résultat, finalement. J'aimerais connaître...
M. Johnson: C'est vrai, parce que le député de
Mégantic-Compton y perd souvent son latin!
M. Grenier: Ah oui! On est placé dans des situations
où on perd souvent notre latin. J'aimerais que vous me disiez, parce que
j'ai oeuvré
le ministre a dit qu'il a oeuvré deux ans au moins
une dizaine d'années comme bénévole là-dedans ou
presque, avec des salaires de famine dans le temps. J'étais
étudiant et c'étaient mes vacances d'été.
Pardon?
M. Bisaillon: Sonnez trompettes!
M. Grenier: Evidemment, il faut vous faire comprendre qu'on a
aussi certaines connaissances dans ce milieu et, quand on voit arriver un
groupe comme le vôtre, on est sensible à cela, parce que l'oeuvre
qui a été faite au Québec concernant les camps, vous en
savez quelque chose. Je pense que l'ensemble des gens autour de la table savent
de quoi vous parlez. Ils sont sensibles à cette cause.
C'est pour cette raison qu'on ne se surprend pas qu'il y ait trois
articles qui devraient exclure ce travail d'étudiant qui se fait et je
pense bien que le "peut" du gouvernement va se changer en "doit". Je pense
qu'on va l'avoir, cette fois-ci. Je pense que ça va se faire. J'ai bien
cette impression. On a un ministre qui est bien sensible à ça,
vous savez, il comprends les choses, un homme très humain et il ne dira
pas non à ça, vous savez. Il comprend ces choses-là.
Vous avez fait allusion aux autres provinces. Vous avez des cas bien
précis, principalement du côté des camps à but non
lucratif. Il y a un personnel qui n'est pas formé d'étudiants, un
personnel sans douté permanent. Quelles difficultés cela peut-il
poser? J'imagine qu'il doit y avoir du monde payé à faible
salaire également. Quelle est la moyenne de salaire dans ces camps
à but lucratif pour le personnel en parmanence? (22 h 15)
M. Corbin: En Ontario?
M. Grenier: Non, les nôtres, ici. M. Corbin: En
permanence...
M. Grenier: Vous en avez toujours un certain nombre, j'imagine,
qui...
M. Corbin: Cela dépend de quelle catégorie... M.
Grenier: II y a des camps annuels.
M. Corbin: Pour les camps annuels, M. Na-deau peut
évaluer...
M. Nadeau: Oui, dans le cas du cuisinier qui peut travailler, par
exemple, à longueur d'années chez nous ou qui va travailler
à temps partiel quand il y a des groupes qui viennent passer une semaine
ou une fin de semaine, il est payé au taux de $5 l'heure chez nous, pour
les heures qu'il fait chez nous. Mais la difficulté suivante arrive:
Comme un camp de vacances est toujours éloigné d'un centre
urbain, le cuisinier qui arrive à 7 heures le matin ne peut pas
retourner chez lui entre 10 heures et 11 heures pour aller se reposer. Il ne
peut pas retourner non plus entre 14 heures et 16 heures ou 16 h 30 dans
l'après-midi pour encore aller se reposer, parce qu'il n'y a pas de
cuisine à faire à 14 heures de l'après-midi. Le cuisinier,
en réalité, se trouve à passer tout près de dix
heures dans le camp, mais il ne travaille pas durant dix heures. De là
arrive justement l'espèce de réglementation qui dit que quand un
membre du personnel est à la disposition d'un organisme, d'un patron, il
doit être payé pour les heures durant lesquelles il est à
sa disposition. Là, ça fait une difficulté assez
compliquée à chiffrer dans le salaire d'un cuisinier.
Quant à moi, je le calcule de cette façon-ci: Le cuisinier
a travaillé huit heures durant, il est peut-être demeuré
dix ou onze heures dans la place, mais, effectivement, il n'a travaillé
que pendant huit heures. Pendant ses deux ou trois heures libres durant la
journée, peut-être qu'il va à la table de billard ou
peut-être qu'il va se promener dehors. En été, il va aller
se baigner, il va aller faire un tour en canot ou en chaloupe. Il va s'occuper
lui-même dans des loisirs qui lui sont offerts gratuitement. S'il
était dans un autre organisme, il serait obligé de louer un
canot. La piscine, il serait obligé de la payer. On lui offre des
services qui sont gratuits, mais, entre autres, je ne voudrais pas qu'il me
demande $5 l'heure quand il vient prendre un canot ou quand il vient se baigner
dans la piscine.
Il y a non-sens, une difficulté de compréhension ou de
joindre les deux bouts quand arrive un personnel comme le cuisinier, les
cuistots, les gens qui ne sont pas étudiants, par exemple, et qu'on veut
payer au taux normal pour qu'ils vivent, eux aussi.
M. Grenier: Avez-vous, chez ce personnel permanent ou quasi
permanent, certaines difficultés ou si la loi se prépare à
vous en causer? On sait qu'on est tous un peu passés par là. On
ne va pas là d'abord pour se gagner une grosse somme d'argent; il n'y a
pas beaucoup de monde qui fait ça. Ce sont des parents qui envoient
leurs enfants j'ai été de ceux-là pour
prendre du plein air, passer un été agréable de
santé, mais est-ce que ça vous cause des problèmes
actuellement sans la loi?
M. Nadeau: Actuellement, il y a certainement qui...
M. Grenier: Financiers, peut-être, mais y a-t-il des gens
qui sont exigeants, qui disent: On n'est pas assez payés et...
M. Nadeau: Non. En général les moniteurs qui
viennent travailler dans notre camp sont conscients qu'ils ont un salaire X
mais qu'ils ont, entre autres, des compensations et des valeurs qu'ils n'ont
pas ailleurs.
Quand ils vont travailler...
M. Grenier: Je sais que le ministre vous entend, c'est
important.
M. Nadeau: ... dans l'industrie, ils doivent faire de la
production sans arrêter.
M. Grenier: C'est cela.
M. Nadeau: Et toutes les heures, huit ou dix heures, qu'ils vont
travailler dans la journée. Tandis que chez nous, les huit, dix ou douze
heures qu'ils vont passer avec les enfants, ce ne sont pas des heures de
production sans arrêter.
Je demandais à mes moniteurs cet hiver cinq heures de ski. Une
heure et un quart, un quart d'heure de repos, une heure et un quart,
dîner, etc. Vous avez une répartition comme cela. Ce qui donnait
cinq heures par jour, effectivement, auprès des enfants. Mais quand il
s'en va manger, est-ce qu'on va dire: Tu travailles durant le temps que tu
manges? Il ne travaillait pas. C'est là qu'entre en ligne de compte le
milieu de vie. Il n'est pas pour aller manger tout seul dans un coin, il n'est
pas pour aller s'asseoir dans la cuisine pour manger loin des enfants, il vit
avec eux. Le moniteur qui va réclamer douze ou quinze heures dans la
journée parce qu'il a vécu avec les enfants... Il y a un
problème par rapport aux recommandations du salaire minimum. Quand
quelqu'un vit en place, il faudrait qu'il soit payé douze ou quatorze
heures.
M. Maisonneuve: Je pense qu'un des critères principaux de
la qualité du personnel dans un camp de vacances depuis notre tradition
et ce qu'on a remarqué, c'est que justement le personnel moniteur et
cadre ne vient pas d'abord pour venir chercher un salaire. Il vient d'abord
parce qu'il aime les enfants, il aime la nature et il vient faire une
expérience de vie humaine avec eux.
S'il ne vient que pour chercher un salaire, tout l'esprit de vie
éducative du camp est renversé et on n'obtient pas nos
objectifs.
M. Grenier: Ils sont mieux sur le bien-être social, ils ont
plus que cela. La moyenne de vacanciers dans les camps à but lucratif
est de combien par rapport à celle des camps à but non
lucratif?
M. Nadeau: Qu'est-ce que vous entendez par moyenne?
M. Grenier: Le total. Vous avez 100 000 vacanciers qui profitent
des camps, la moyenne est de combien? Est-ce qu'elle se tient aussi dans les
25% ou 30% dans les camps à but lucratif par rapport au total?
M. Corbin: A peu près.
M. Grenier: A peu près cela.
M. Corbin: Parce qu'autant il y a de petits camps à but
lucratif comme il y a de petits camps à but non lucratif, comme il y a
des camps de dimensions moyennes a but lucratif et non lucratif et comme il y
en a... quoique de très gros à but lucratif, il n'y en a pas
tellement, comparativement au Camp Saint-Donat par exemple, qui reçoit
350 ou 400 enfants, ou encore comme au Camp de santé Bruchési
où j'ai été pendant un certain temps, et où on en
recevait 600 ou encore à Notre-Dame... Il n'y a pas de camp de ces
dimensions dans le domaine privé. Cela va aux alentours de 150 à
200 ou 225.
M. Grenier: Dans les autres provinces, vous n'avez pas
été une fois cette loi déposée sans
vous informer ailleurs, dans les autres provinces. Vous pouvez certainement me
dire ce qui se passe exactement vis-à-vis le salaire minimum pour les
camps à but non lucratif et à but lucratif.
M. Corbin: II n'y a aucune disposition par exemple en Ontario
entre lucratif et non lucratif. Les étudiants travaillant il y a
là une distinction à la programmation sont exclus du
salaire minimum. Il se peut qu'un étudiant qui travaille à la
cuisine, parce qu'il ne travaille pas auprès des enfants, soit
payé au salaire minimum. Mais celui qui travaille auprès des
enfants est exclu du salaire minimum. Maintenant, c'est une course en Ontario
j'ai visité des camps l'été dernier ... On
peut toujours être scandalisé quand on dit: Est-ce effrayant; un
gars passe neuf semaines ici et tout ce qu'il reçoit en salaire à
la fin de l'été lui aussi, c'est $230 et $330.
Mais, celui qui sort du camp Tawingo, par exemple, un instant! C'est un
tremplin pour toutes les autres activités. Heureux celui qui est choisi
pour être moniteur au camp Tawingo, en Ontario. Après cela, c'est
une expansion pour ces jeunes, c'est un camp reconnu comme valeur à
cause de l'équipe et du type d'expérience qui se vit là.
Ceux qui sont en récréation, en récréologie, quand
ils passent cela dans leur curriculum vitae, qu'ils ont été
moniteurs, "camp counselors" au camp Tawingo, ça monte dans
l'échelle.
M. Grenier: A part l'aide qui vous est donnée dans les
camps à but non lucratif, l'aide qui vous est donnée par le
haut-commissariat, qui est une aide d'environ $70 par semaine par groupe de
huit moniteurs, est-ce qu'il y a d'autres subventions qui vous sont
données?
M. Maisonneuve: Ce ne sont pas tous les camps même à
but non lucratif qui en reçoivent, il y en a une quarantaine qui sont
dans ce qu'on appelle le réseau du haut-commissariat pour
l'accessibilité aux camps de vacances.
M. Grenier: Les subventions additionnelles...
M. Maisonneuve: Oui. Il y a des subventions pour les salaires
selon le ratio, un pour huit. Il y a aussi un montant qui peut être
accordé pour l'entretien régulier, la peinture, les
réparations et ainsi de suite, un certain nombre surtout pour les
équipements de plein air, si on veut remplacer des canots, le tir
à l'arc, l'équipement de canot, le camping de montagne, des
choses comme cela.
Dans l'équipement, ce sont surtout ces domaines qui sont
assujettis à des subventions.
M. Grenier: Est-ce que c'est comparable à l'Ontario, par
exemple, ce qui est donné aux camps, les montants que vous avez comme
base de salaire pour les gens...
M. Maisonneuve: En Ontario, il y a seulement un camp qui
reçoit des subventions du gouvernement de l'Ontario, c'est ce qu'on
appelle Algonquin Experience. Le parc Algonquin a été
considéré comme accessible uniquement à des riches et on
en a fait un camp spécial, il y en a un seul. Il n'y a pas d'autre
subvention pour...
M. Grenier: Sur les deniers de l'Etat. Le reste, ce sont des
camps subventionnés par les gens.
M. Maisonneuve: Oui.
M. Grenier: Vous devez constater, j'imagine, que les participants
à ces camps sont d'une clientèle de gens mieux nantis que ceux du
Québec.
M. Maisonneuve: Cela varie, parce qu'ils ont beaucoup de ce
qu'ils appellent des "church camps" les camps religieux, la Salvation Army, la
United Church ou des choses comme cela. Je voudrais préciser que, dans
les salaires, la subvention du haut-commissariat, autrefois, était de
$70 plus $5, s'il y avait un programme de formation; maintenant, pour cette
année, c'est augmenté à $80 et $85, selon le choix. C'est
une augmentation, une précision...
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Sainte-Marie.
M. Bisaillon: Je vais être bref, M. le Président,
parce que le député de Mégantic-Compton a pris tout le
temps...
M. Grenier: J'avais encore plusieurs questions.
M. Bisaillon:... quasiment qu'on avait à notre
disposition. Vous m'excuserez, mais je vais ajouter peut-être une petite
note discordante, parce que, de toute façon, votre démonstration
a été faite, vous avez été entendus. Comme vous
l'avez vu, vous avez déjà pratiquement gain de cause dans le
projet de loi.
Je voudrais d'abord vous souligner que je suis heureux de voir M.
Maisonneuve aussi souriant ce soir. Il était moins souriant quand
j'avais douze ans, quand je l'ai connu. A moins que ce soit ma perception qui
ait changé.
M. Maisonneuve: C'est une perception, je pense.
M. Grenier: C'est parce que vous êtes plus loin de lui,
cela l'aide!
M. Maisonneuve: II y a une barrière entre les deux.
M. Corbin: II a grandi depuis ce temps.
M. Maisonneuve: Les rapports de force ne sont pas les
mêmes.
M. Bisaillon: Pour continuer dans la voie qui nous a
été tracée, moi aussi, j'ai été moniteur
dans des camps de vacances et j'ai...
M. Grenier: Combien d'années? M. Bisaillon: Deux
ans, seulement.
M. Picotte: On va finir par avoir plus d'expérience
à nous tous qu'à vous tous!
M. Bisaillon: En lisant votre mémoire, je me suis rendu
compte que, durant les dernières années ce que je savais
avant de lire votre mémoire beaucoup de travail a
été fait quant à la formation des moniteurs. A
l'époque où j'allais dans les camps de vacances, c'était
assez déficient. Les moniteurs n'étaient pas formés comme
ils le sont aujourd'hui. Aujourd'hui, par rapport à autrefois, on
demande encore plus aux étudiants qui vont dans des camps de vacances
qu'en en demandait à l'époque où j'y suis allé. Par
ailleurs, le coût de la vie a augmenté depuis ce temps. Pour les
étudiants, aujourd'hui, cela coûte plus cher qu'à
l'époque pour fumer un paquet de cigarettes par semaine. Je m'attendais
que, comme ils font un travail extraordinaire dans les camps de vacances
vous avez expliqué le type de travail qu'ils faisaient de vous
voir devant la commission pour venir les défendre sur deux points.
Le premier, c'est la semaine de travail. Il me semble que, pour
répondre aux objectifs que vous visez dans un camp de vacances, ce qu'on
doit viser le plus, c'est de réduire, justement, le travail du moniteur,
pour que la qualité de sa présence soit améliorée.
Par rapport aux 75 heures ou aux 80 heures qu'on faisait aux grèves
à l'époque, il me semble qu'il y a un juste milieu, entre cela et
la semaine de 25 heures, vers lequel on doit tendre. Cela veut peut-être
dire une augmentation de personnel dans un camp de vacances pour faire en sorte
que les moniteurs puissent être présents qualitativement
auprès des enfants.
Le deuxième aspect, je pensais que vous étiez venus ici
pour dire: Ecoutez, il y a de la discrimination dans votre projet de loi, les
étudiants se forment pendant une bonne période de l'année,
se préparent pour venir au camp; il me semble que vous les traitez de
façon discriminatoire. Je pensais que vous veniez ici pour dire: On
vient demander à l'Etat qui présente cette loi, d'augmenter nos
subventions dans les camps de vacances, pour permettre de payer nos
étudiants au salaire minimum.
M. Corbin: C'est exactement cela.
M. Bisaillon: Comment cela se fait-il que ce n'est pas cette
approche que vous avez, mais que vous avez plutôt l'approche de nous
dire: Nous autres, on veut être exclus de cela?
M. Nadeau: On ne veut pas quêter trop trop.
M. Maisonneuve: Indirectement, cela revient à cela.
D'abord, comme il y a eu du progrès dans la formation, je pense qu'il y
a eu du progrès aussi dans le partage des tâches dans les camps de
vacances, en augmentant d'abord ce personnel. Et on voudrait encore davantage
si on était capable, financièrement, avec nos revenus, d'y
arriver, au prix qu'on demande actuellement. On voudrait bien, si on en avait
les moyens, payer le salaire minimum à tout le monde, c'est bien
sûr. Mais même les étudiants qui viennent travailler dans
les camps de vacances ne considèrent pas comme une discrimination de ne
pas être payés au même taux que s'ils travaillaient chez
Eaton, par exemple, parce qu'ils ne viennent pas d'abord pour cela. Ils
seraient très heureux de le recevoir par surcroît ou par surplus,
bien sûr. On serait très heureux aussi de leur accorder si nous en
avions les moyens.
Mais de l'autre côté je ne sais trop où est
la salle on parle de publicité du gouvernement et tout cela. Je
pense qu'il ne faut pas s'attendre non plus toujours à regarder le
gouvernement comme une vache à lait. Il y a des capacités chez
nous et au bout, c'est nous, les contribuables aussi qui avons à payer.
Nous tentions de nous débrouiller avec les ressources du milieu, pas
pour être indépendants, mais pour prendre des initiatives, nos
responsabilités, et demander au gouvernement de nous appuyer et de
compléter ce que nous-mêmes, avec nos petites ressources, ne
pouvons accorder.
M. Bisaillon: Le projet de loi actuel prévoit que les
étudiants ne seront pas soumis au salaire minimum. Mais il y a d'autres
types d'employés que des étudiants dans des camps de vacances. Ce
que vous demandiez, c'était que les camps de vacances ne soient pas du
tout couverts par la loi 126, de sorte que même le cuisinier, selon votre
recommandation, vous ne le soumettiez pas non plus au salaire minimum. Est-ce
que je me trompe? (22 h 30)
Quand vous demandiez, dans votre recommandation, de ne pas être
couverts du tout par la loi 126, vous demandiez par le fait même
oublions les étudiants que le cuisinier, père de famille,
ne soit pas couvert par le salaire minimum.
M. Maisonneuve: Peut-être qu'on demandait plus pour avoir
moins, c'est sûr. On demandait d'abord pour les étudiants, un peu
comme c'est accordé actuellement.
Enfin, si on nous accordait, pour le personnel cadre de programmation
qui a affaire aux étudiants, qui peut comprendre, justement, des
personnes mariées ou des gens qui sont en récréolo-gie aux
universités, des choses comme cela, qu'on est obligé de payer
plus que le salaire minimum et qui le méritent certainement, des
subventions pour cela ou qu'on puisse être exemptés de payer le
salaire minimum pour ceux qui, volontairement accepteraient de prolonger leur
expérience dans ce domaine-là. Les camps de vacances ne
s'attendent pas que les cuisiniers soient dispensés de cette loi ou des
gens de l'intendance. Ce sont quand même des gens qui ont des familles et
qui ont une responsabilité.
M. Bisaillon: II faut comprendre votre recommandation ou votre
demande dans ce cadre-là. Cela va.
Le Président (M. Marcoux): Oui, allez-y.
M. Nadeau: Je voudrais poser une question. Le cuisinier qui
travaille dans un camp de vacances, c'est sûr que ce n'est pas un
étudiant, mais, si le cuisinier est payé à l'heure pour
les douze heures qu'il passe dans un camp, comme peut être
interprétée la Loi du salaire minimum, à ce
moment-là, on ne peut pas payer un cuisinier pour les douze heures qu'il
demeure en place. Même le soir, à un moment donné, il fait
un gâteau pour la fête de quelqu'un. Il va dire: J'ai
travaillé de 7 heures, le matin, jusqu'à 11 heures, le soir et il
va demander un salaire, parce qu'il était à la disposition de la
direction du camp de 7 heures, le matin, à 11 heures, le soir.
M. Johnson: Non.
M. Nadeau: C'est là qu'on veut peut-être exclure, si
vous voulez, les règlements qui s'appliquent automatiquement
vis-à-vis des salaires à l'heure. Si vous me permettez, en
même temps, un moniteur qui serait payé au salaire minimum dans
les camps à but lucratif, ceux qui font beaucoup d'argent, à ce
moment-là, cela représenterait à peu près pour
l'été, un salaire de $3000, pour un moniteur. J'engage quarante
moniteurs. Nous avons chez nous à peu près une quarantaine de
moniteurs à $3000 chacun. Cela se multiplie assez vite. Mon chiffre
d'affaires est de $100 000. Je vais avoir de la misère à arriver.
Là, je vais fermer sur un moyen temps et je vais me retourner et je vais
aller quêter au gouvernement. Je vais devenir une organisation à
but non lucratif et vous allez payer les salaires et je vais entrer avec
l'autre "gang", de l'autre côté. Je pense que cela n'est pas
avantageux pour le gouvernement.
M. Bisaillon: M. Nadeau, est-ce que je me trompe en disant
qu'actuellement je vais traiter seulement de cela votre cuisinier
qui est en disponibilité, il ne travaille pas dans sa cuisine, mais il y
a deux heures de flottement et on le
calcule en disponibilité, est couvert par le salaire minimum?
Vous le payez pendant ces deux heures-là, actuellement. Actuellement,
vous payez le cuisinier lorsqu'il y a deux heures de flottement.
Je ne veux pas vous faire dire que vous ne respectez pas la loi actuelle
du salaire minimum, mais je voudrais savoir si, dans la loi actuelle, à
votre connaissance, car cette notion de disponibilité existe, le
cuisinier qui commence à 7 heures du matin, prépare les
déjeuners, après cela, il a une heure ou deux où il n'a
pas à préparer le dîner, il fait sa préparation du
dîner, et, de 14 heures à 16 h 30, il est libre. Actuellement, de
14 heures à 16 h 30, normalement, quand vous l'engagez dans votre camp
de vacances, vous le payez actuellement? Donc, pour vous, le projet de loi 126,
par cet aspect, ce n'est par rapport à l'an passé, au plan
budgétaire, une augmentation, puisque vous l'aviez déjà?
Est-ce que je me trompe?
M. Nadeau: Vis-à-vis de la cuisine, cela ne change rien,
effectivement.
M. Johnson: C'est cela.
M. Nadeau: C'est chez les moniteurs que je suis obligé
d'engager du personnel à un salaire minimum.
M. Johnson: Est-ce que vos moniteurs sont des
étudiants?
M. Nadeau: Oui, ce sont des étudiants. M. Johnson:
Généralement? M. Nadeau:
Généralement.
M. Johnson: On pourrait faire en sorte qu'ils ne soient pas
couverts.
M. Maisonneuve: Le seul embêtement, c'est qu'on
disait...
M. Johnson: Par 86.
M. Nadeau: C'est parce que c'est une corporation à but
lucratif que vous êtes exclus.
M. Johnson: Non, 86 prévoit des catégories... Il y
a une possibilité d'exclusion dans la loi, de tout étudiant, quel
que soit le camp où il travaille. Je suis d'accord avec Guy Bisaillon
là-dessus. Les dispositions de l'ordonnance no 4 à l'article 6,
paragraphe a) prévoient ceci pour la période d'attente: "Si le
salarié est considéré être à son travail
lorsqu'il est à la disposition de son employeur et obligé
d'attendre qu'on lui donne du travail". Votre cuisinier est soumis à
cela au moment où on se parle. D'ailleurs, j'ai fait un calcul vite en
vous écoutant tout à l'heure. Vous dites: II est au camp pendant
dix heures dans sa journée, mais, de fait, il y a au moins deux heures
là-dessus où il peut aller se promener en canot.
Vous dites: Je le paie $5 l'heure sur une base de huit heures, cela fait
$40. Si je dis: II a été chez vous pendant dix heures, vous avez
quand même respecté la Loi du salaire minimum, dans la mesure
où vous l'avez payé $4 l'heure. Le problème ne se pose pas
là. Le problème, pour vous, se pose pour les moniteurs et les
étudiants. On a pris bonne note de votre demande là-dessus.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Maskinongé a une question.
M. Picotte: On vient de répondre à ma question par
le fait même. Je voulais savoir si un étudiant dans un camp
à but lucratif pouvait être exempté. On m'a dit que cela
pouvait se faire. Alors, je vous remercie. Je ne prolonge pas la
discussion.
M. Johnson: On pourrait soumettre une réglementation
particulière qui pourrait prévoir que son salaire, quel qu'il
soit, soit versé aux quinze jours, plutôt qu'à la fin de
l'été seulement. Je vous vois hésiter!
M. Nadeau: Non. Chez nous, les salaires sont aux quinze
jours.
M. Johnson: C'est cela. Il y a des endroits où cela ne
l'est pas.
M. Nadeau: II y a plusieurs camps où c'est aux quinze
jours, je le crois.
M. Corbin: II y a une série de normes comme cela. La
journée de congé, il y a des camps qui préfèrent,
et même les moniteurs préfèrent travailler quinze jours, et
puis, ils ferment pendant une semaine et ils reprennent un autre groupe. Il y a
toutes sortes de...
M. Johnson: II pourrait y avoir un encadrement précis. La
loi a la souplesse nécessaire pour le faire.
Je voudrais simplement terminer, messieurs, en vous remerciant, d'une
part; deuxièmement, vous dire qu'on prend bonne note de ce que vous nous
avez dit; troisièmement, dans le cas des non-étudiants, je pense
que, d'une façon générale, il faut considérer que
la loi doit s'appliquer à ces salariés comme aux autres et,
quatrièmement, je suis heureux de découvrir, au cours de cette
commission, pourquoi le député de Sainte-Marie aime les
grèves, c'est qu'il est allé au camp des grèves.
M. Nadeau: Est-ce que vous me permettez une question?
Le Président (M. Marcoux): Oui.
M. Nadeau: II s'agit d'un jeune homme ou d'une jeune fille qui a
17 ou 18 ans, qui laisse l'école et qui s'en vient travailler dans un
camp de vacances. Ne trouvez-vous pas que c'est discriminatoire pour ce jeune,
qui ne peut plus travailler
dans un camp de vacances parce qu'il n'est plus étudiant, mais
qui voudrait beaucoup y travailler, par exemple?
M. Maisonneuve: La loi actuelle, c'était un de nos
embêtements; l'étudiant déclarait qu'au moment où on
l'engageait, au mois de juin, il était encore étudiant, il
finissait son année, mais, en septembre, il y en a qui nous disaient:
Oui, j'ai l'intention d'étudier l'an prochain, donc, je suis
étudiant. Après ça, ils changeaient d'idée,
n'étaient plus étudiants parce qu'ils s'en allaient sur le
marché du travail en septembre et ils revenaient pour nous demander un
salaire parce que la loi ne s'appliquait pas, ils n'étaient plus
étudiants. On se faisait jouer des tours comme ça.
M. Grenier: Ce sont des cas assez fréquents.
M. Johnson: Si on prévoyait les finissants dans la loi, en
plus des étudiants, ça règle votre problème d'une
année et je présume qu'une année après avoir...
M. Maisonneuve: Le statut d'étudiant.
M. Johnson: Oui, mais une année après avoir
terminé ses études, un plein douze mois après la fin de
son secondaire ou de son CEGEP, selon le cas...
M. Maisonneuve: Oui.
M. Johnson: ... je pense qu'il devient un travailleur sur le
marché du travail. Il faut être conscient de ça. Ce n'est
plus un étudiant et, en ce sens-là, il doit être
traité et considéré et protégé par les lois
comme n'importe quel travailleur dans notre société.
Le Président (M. Marcoux): En tant qu'ancien moniteur aux
Grèves...
M. Maisonneuve: ...
Le Président (M. Marcoux): Ancien moniteur à une
colonie de vacances proche de Valleyfield aussi...
M. Johnson: ... ce soir...
Le Président (M. Marcoux): ... je vous remercie de la
présentation de votre mémoire. Vous voulez avoir le mot de la fin
vraiment? D'accord.
M. Grenier: Oui, pour vous dire une chose. On a
écouté d'autres mémoires déjà, mais ce
n'était pas avec le même ministre. Lui, je pense qu'on peut s'y
fier pas mal. Ce qu'on vous a dit là, je pense que ça peut faire
votre affaire pleinement. Mais, s'il y avait des choses qui accrochaient... On
a vu des "rebounds" assez importants parfois. Les gens qui présentaient
le mémoire partaient contents et, quand le règlement arrivait,
oh! ça retroussait, des bouts! Laissez-nous-le savoir. Vous avez nos
adresses.
M. Bisaillon:... commerciale de l'Union Nationale, on va y
mettre...
Le Président (M. Marcoux): La commission ajourne ses
travaux à demain, 9 h 30, pour pouvoir terminer à midi. Si vous
voulez avertir vos collègues, à 9 h 30, pour les mémoires
21, 23 et 24.
Fin de la séance à 22 h 40
ANNEXE A
CONSEIL DU PATRONAT DU QUÉBEC
Mémoire à la commission parlementaire du
travail et de la main-d'oeuvre
sur le projet de loi no 126, "Loi sur les normes du
travail"
Montréal, 1er mars 1979 PREMIERE PARTIE
Considérations générales
1.
Accord sur le principe et les buts
généraux d'une "Loi sur les normes du travail".
C'est le rôle propre et normal du gouvernement,
premièrement, de fixer les normes générales
régissant l'ensemble des activités sociales; deuxièmement,
de choisir les moyens pour assurer le respect de ces normes par tous, de
déléguer à qui de droit des pouvoirs suffisants pour
rendre effectives ces normes et d'établir les règles s'appliquant
à l'exercice de ces pouvoirs. Le principe d'une loi fixant les normes
générales du travail est manifestement conforme à une
telle conception du rôle du gouvernement, et le Conseil du Patronat
l'appuie sans réserve.
A propos des normes du travail, l'accord est d'autant plus facile
à donner que ce domaine est déjà couvert en bonne partie
par les lois existantes. La "Loi du salaire minimum" en effet, depuis 1940, a
pour objet de fixer les normes les plus importantes du travail, notamment la
rémunération de base, la durée normale de la semaine de
travail, le paiement du temps supplémentaire, les vacances annuelles et,
récemment, le congé de maternité. Il s'agit de moderniser
et de compléter ces lois.
2.
Nos présupposés
Le législateur, dans la conception des lois
générales devant régir l'ensemble des activités des
citoyens dans un domaine défini, doit chercher à donner aux lois
les qualités suivantes: 1) UNIVERSALITÉ: idéalement, la
loi s'applique à tous les citoyens et à tous les organismes,
selon ce principe que la loi est l'autorité suprême dans une
démocratie et que nul n'est au-dessus de la loi; en pratique, à
cause de la diversité sociale, il n'y a guère de loi
générale qui ne doive comporter des exceptions; le
Législateur doit quand même rechercher la règle
s'appliquant dans la plupart des cas; si la multiplication des exceptions rend
la loi inextricable, il manque à la loi la clarté, ou son
application imposera des moyens de contrôle disproportionnés; 2)
CLARTE: la clarté, c'est aussi la simplicité; ces qualités
sont nécessaires pour rendre la loi compréhensible et applicable,
pour permettre une interprétation juste et cohérente, pour ne pas
placer les tribunaux dans l'obligation d'avoir à décider de
l'orientation fondamentale de la loi en donnant un sens à des formules
ambiguës; 3) RÉALISME: les normes fixées par la loi ne sont
pas déduites de quelque théorie abstraite, mais sont une sorte de
codification des us et coutumes d'une société; c'est l'analyse
des données sur la vie sociale qui explique et justifie une loi
donnée à un moment historique donné; 4) STABILITÉ:
en codifiant les us et coutumes d'une société, la loi les
rationalise et contribue à créer plus de cohésion sociale;
les lois générales, fixant les normes de l'action sociale, ne
pourraient jouer ce rôle si elles changeaient souvent; la loi est en fait
tout le contraire d'une décision administrative révisable au
gré du pouvoir exécutif; 5) ECONOMIE DES MOYENS: une loi doit
être applicable compte tenu des attitudes connues des citoyens et compte
tenu des moyens existants; en plus, les moyens nécessaires à
l'application d'une loi ne doivent pas représenter des coûts plus
élevés que la valeur des avantages espérés; enfin,
les effets secondaires de l'application d'une loi ne doivent pas contredire les
effets désirés.
C'est à la lumière de ces critères
généraux que nous essaierons d'évaluer le projet de loi no
126 dans sa forme actuelle. Cependant, la discussion sur la forme actuelle du
projet de loi ne remet nullement en cause le principe de l'existence d'une loi
générale sur les normes du travail.
3.
Une loi générale, trop
générale
La loi sur les normes du travail doit être, par définition
même, une loi générale. Ce ne sont pas les normes
particulières s'appliquant à tel ou tel secteur
d'activités, dans telles ou telles circonstances particulières,
qui sont ici en cause, mais les normes fondamentales s'appliquant à
toute la société. Nous ne nous attendions donc pas à ce
que la loi no 126 établisse des normes variant selon les secteurs et les
circonstances.
Pourtant, la loi no 126 nous paraît quand même trop vague,
trop imprécise, à propos de certains sujets sur lesquels elle
aurait dû constituer, comme son nom l'indique, une norme. Regardons en
effet le tableau suivant:
Référer à la version PDF page B-920
Sur des points majeurs, donc, le projet ne fixe pas les normes, mais
autorise tout simplement le Conseil des ministres à fixer des normes par
règlement. DURÉE DU TRAVAIL, VACANCES ANNUELLES, AUTRES
CONGÉS, PRÉAVIS Sur ces sujets, la loi est claire et la
réglementation consistera uniquement comme il convient
à déterminer les règles d'application de la loi, sans lui
donner son contenu. De plus, les normes fixées dans les sections en
cause correspondent généralement à des habitudes
déjà acquises dans notre société, de même
qu'aux normes existant dans les principales régions avec lesquelles le
Québec entretient des relations commerciales continues. Ainsi, dans
l'ensemble, les sections II, IV, V et VI ne soulèvent pas d'objections
fondamentales. Nous étudierons cependant, dans une autre partie de ce
mémoire, certains aspects économiques propres au Québec,
dont on devra tenir compte dans la promulgation et l'application de ces normes.
SALAIRE: Les lois antérieures ont déjà fait une
règle de laisser au Conseil des ministres la responsabilité de
fixer le salaire minimum. On pourrait fort utilement puisqu'il s'agit de
moderniser une loi s'interroger sur le bien-fondé d'une telle
procédure par laquelle le Législateur délègue
à l'Exécutif le pouvoir de fixer le contenu significatif d'une
loi. Nous ne croyons pas utile, cependant, dans le contexte présent de
soulever un débat théorique à ce sujet, et nous acceptons
la solution proposée par le projet de loi no 126 à propos du
salaire minimum, à condition toutefois que le pouvoir exécutif
respecte des règles rigoureuses permettant la discussion publique de ses
projets de règlements avant qu'ils ne soient adoptés. Nous
traiterons de cette question plus loin. CONGÉS PAYÉS: La
loi en nomme deux: le premier jour de l'An et la Noël. Par la "Loi sur la
fête nationale", il y en a un troisième, le 24 juin. Il y en aura
d'autres par règlement. En somme, la loi ne fixe pas la norme.
Le nombre de congés payés imposés à tous
pourrait pourtant être fixé par la loi, et il n'y a pas de raison
que la loi soit vague à ce sujet, ni que ce nombre varie souvent. La loi
pourrait donc être claire à ce sujet, sans laisser d'ouverture
à des changements fréquents. Comme le choix de "ces congés
pour toute la société" est un jugement sur les us et coutumes de
cette société, il appartient assez naturellement à
l'Assemblée nationale elle-même de l'exprimer. AUTRES
NORMES: Par la section intitulée "autres normes", normes qui seraient
toutes définies par règlement, la loi no 126 laisse la porte
ouverte à n'importe quoi. Elle devient alors tout le contraire d'une loi
fixant les normes. Cette section est en fait un fourre-tout inutile. S'il y a
des normes générales à fixer à propos de primes,
indemnités, allocations diverses, outils, douches, vestiaires, "lieux de
repos", la loi devrait les indiquer, mais tel n'est pas le cas.
Les primes, indemnités, allocations diverses, font partie de la
rémunération des salariés. Il faudrait donc reporter ces
questions à la section I, sur le salaire, qui serait justement
désignée sous le titre "la rémunération". Quant aux
installations sanitaires diverses, il existe déjà une vaste
réglementation dépendant des lois sur l'hygiène et la
santé publiques ou sur l'hygiène et la santé au travail.
L'intention du Législateur n'est sûrement pas de ramener sous
l'autorité de la loi 126 toutes les
normes, toutes les mesures de contrôle et tous les systèmes
de surveillance existant déjà ou promis par le Livre blanc sur la
santé et la sécurité. Dans ce cas, une
réglementation supplémentaire sur les mêmes sujets, sous le
titre "normes générales de travail", ferait double emploi ou
compliquerait inutilement la réglementation. Ainsi donc, la section
fourre-tout des "autres normes" n'a pas sa place dans une loi qui doit fixer
des normes, et non pas seulement se contenter d'affirmer qu'il pourrait y avoir
des normes... CONGÉ DE MATERNITÉ: Le congé de
maternité n'apparaît pas dans l'une des sections du chapitre IV
intitulé: "Les normes du travail", ce qui est une incohérence. De
fait, ce "congé" qui pourrait, par règlement, devenir un
"congé payé" aurait dû faire l'objet d'une section
spéciale du chapitre IV (ou, tout au moins, de quelques articles de la
section V, "autres congés") et la loi devrait contenir en clair les
normes de base qui s'y appliquent, la réglementation portant alors
seulement sur les règles d'application. La rédaction d'une telle
section aurait été d'autant plus facile que son contenu est
déjà fixé dans une ordonnance récente de la
Commission du salaire minimum. Selon le projet actuel, le congé de
maternité serait défini exclusivement par les règlements
de la commission, et la commission pourrait aussi définir par
règlement "l'indemnité afférente à ce
congé". En somme, comme dans le cas précédent, la loi sur
les normes ne fixe pas les normes, mais affirme seulement qu'il pourrait y
avoir des normes fixées par règlement de la commission. Le
Législateur a donc ici manqué au devoir qu'il se reconnaît
lui-même de fixer les normes générales s'appliquant
à l'ensemble des citoyens.
4. L'instrument pour l'application des normes: la
Commission des normes du travail
La création d'une "Commission des normes du travail", les
pouvoirs qu'on lui attribue, le mode de financement et de gestion qu'on propose
de lui appliquer, sont de l'ordre des moyens. Notre accord entier sur les buts
poursuivis par le projet de loi no 126 n'implique pas ipso facto l'acceptation
des moyens proposés par le même projet de loi.
Nous chercherons à évaluer les moyens que propose le
projet de loi 126 à la lumière de l'expérience
passée et des règles élémentaires de la gestion des
affaires publiques dans une démocratie.
a)
Les raisons qui militent en faveur de la
création d'une "commission des normes"
La "Commission des normes du travail" prendrait la relève de la
"Commission du salaire minimum". Auparavant, en prenant en considération
la philosophie qui inspirait la "Loi du salaire minimum", nous avons
souhaité que la "Commission du salaire minimum" soit revalorisée
(voir notre mémoire au ministre du Travail, septembre 1974). C'est dire
que nous ne rejetons pas en principe l'idée d'une telle commission.
La "Commission du salaire minimum" devrait être un arbitre
impartial réglant des différends à partir de sa
connaissance des intérêts des parties et en consultation avec
elles. Le modèle théorique qui permet de comprendre le rôle
d'une telle commission, c'est celui de la "convention collective de travail":
le salaire minimum et les autres normes minimums constitueraient une
"convention collective de base", définie par une sorte de
négociation entre des personnes parlant au nom des employés ou
connaissant leurs intérêts et d'autres personnes dans une
situation analogue vis-à-vis des employeurs. De là, l'idée
qu'une "commission" indépendante et impartiale puisse jouer le
rôle d'arbitre, de conciliateur ou, au besoin, de juge. De là
aussi, l'idée qu'il doive exister, au-dessus de cet arbitre, un pouvoir
auprès duquel s'exercerait un droit d'appel ou une autre forme de
recours extraordinaire, ce pouvoir étant le Législateur
lui-même ou, par délégation, le Conseil des ministres. Dans
cette perspective, les qualités de la commission devraient être
notamment son autonomie vis-à-vis du pouvoir politique, sa
capacité de connaître les données concrètes par ses
propres études et par ses propres consultations, et
l'indépendance de ses recommandations ou décisions. De
même, la possibilité pour les parties de se faire entendre par la
commission avant que les décisions qui les touchent ne soient prises
serait une règle essentielle. Enfin, il ne serait pas moins essentiel
que l'arbitrage final par le pouvoir exécutif soit tout à fait
exceptionnel et toujours publiquement expliqué.
Dans cette perspective, et dans cette perspective seulement, le principe
d'une "commission" nous paraît valable. Il reste à évaluer
maintenant si ces principes ont été mis en application par le
passé et si la loi 126 donne quelques garanties qu'ils le seront dans
l'avenir.
b)
L'expérience de la Commission du
salaire minimum
L'expérience de la Commission du salaire minimum n'a pas
confirmé son autonomie et ne lui a pas donné une autorité
propre. C'est tout le contraire qui s'est produit, quel que soit le parti
politique au pouvoir. Les recommandations de la commission, quand elles ne
confirmaient pas les positions du Conseil des ministres n'étaient tout
simplement pas rendues publiques. Ces façons de faire ont
empêché que la commission n'impose son autorité en tant
qu'arbitre impartial. Le gouvernement actuel, pour des raisons pratiques
probablement acceptables, a choisi d'utiliser la
Commission du salaire minimum de la même façon que les
gouvernements précédents. Ainsi, ce ne sont pas les études
de la commissionn qui ont servi de fondement à la décision
d'indexer automatiquement le salaire minimum et la commission n'a pas
été autorisée à exprimer un point de vue
indépendant à ce sujet. Par ailleurs, conformément
à la tradition, le nouveau gouvernement remplaçait le
président qui avait été nommé par le gouvernement
précédent. Voilà pour le passé. A l'analyse, il
apparaît clairement que le projet de loi 126 a choisi la même voie
pour l'avenir.
c)
Une commission devenue inutile et
inutilement coûteuse
Si la commission ne joue pas un rôle d'arbitre indépendant,
elle perd sa principale raison d'être. Si la commission n'est pas un lieu
de rencontre non-politique des représentants des employeurs et des
employés pour établir les normes générales par la
consultation et la négociation, l'ensemble de ces normes perd son
caractère de "convention collective de base". Si la commission n'est pas
un instrument de recherches objectives capables de formuler publiquement ses
propres recommandations, indépendamment de toutes décisions
politiques et avant de telles décisions, le gouvernement reste l'arbitre
unique et perd son rôle de "recours exceptionnel et final" en cas de
différend grave. Ainsi, à moins de revaloriser la commission dans
le sens que nous avons dit, ladite commission devient inutile.
En dehors de cette conception qui ferait de la commission un arbitre
indépendant et un lieu non-politique de conciliation, la commission
devient exclusivement un service de surveillance et de contrôle des
normes du travail. Mais rien ne justifie que ce service de surveillance et de
contrôle soit confié à une "Commission administrative
autonome" au lieu d'être tout simplement et tout naturellement un service
du ministère du Travail.
La formule d'une "Commission administrative autonome" est trop
coûteuse en regard des services rendus. L'autonomie de la commission
suppose qu'elle maintient ses propres fichiers sur les entreprises, qu'elle
exige de la part de chaque employeur des rapports qui s'ajoutent à ceux
exigés par les autres services gouvernementaux, qu'elle entretient son
propre service de perception, qu'elle a son propre programme d'informatique, de
publicité et de relations publiques, etc.. Le ministère du
Travail a déjà des tas d'inspecteurs sur la route et il en aura
d'autres pour appliquer les nouvelles normes dont parle le Livre blanc sur la
santé et la sécurité. L'Etat a déjà, par la
C.A.T., par exemple, ou par le système fiscal, cent entrées
différentes dans chaque entreprise. Pourquoi ne pas rechercher une
formule administrative exploitant des canaux existants déjà,
plutôt que de mettre en place une machine qui multipliera la
paperasserie?
Chaque employeur doit dépenser chaque année, pour les
gouvernements, beaucoup de temps à remplir des formulaires, à
préparer des rapports, à répondre à des
enquêteurs. Le temps non-productif exigé par l'Etat à
l'ensemble des entreprises représente un poids de dizaines de millions
de dollars par année. La prise de conscience de ce
phénomène, dans tous les Etats modernes, a fait naître une
volonté de réduire la paparasserie, les contrôles et les
systèmes d'inspection. Cette volonté nouvelle des Etats modernes
pourrait inutilement nous inspirer dans ce cas-ci. L'utilisation de moyens
coûteux n'est justifiée que si ces moyens permettent d'atteindre
des objectifs que l'on ne pourrait pas atteindre autrement. La règle de
"l'économie des moyens" nous oblige donc à remettre en cause
l'idée de créer la "commission des normes du travail".
d)
Un mode de financement injustifiable
L'existence d'une "Commission autonome" justifierait le recours à
un mode de financement autonome du service de surveillance des normes. Mais,
moins encore que l'existence de la commission, le mode de financement retenu
par le projet de loi no 126 ne peut être justifié en saine
logique.
Historiquement, on peut comprendre que l'on ait créé, en
1940, la Commission du salaire minimum, dont la "Commission des normes du
travail" prendrait la relève aujourd'hui. Le Législateur, en
1940, a dû considérer que la fonction publique
québécoise n'avait ni les ressources humaines ni les ressources
techniques pour assumer une tâche efficace de surveillance. Il a alors
utilisé le modèle de la Commission des accidents du travail
(créée en 1931), prévoyant pour la Commission du salaire
minimum un mode de financement analogue.
Mais la comparaison entre la Commission des accidents du travail et la
Commission des normes du travail n'est que de pure forme. Dans le cas des
accidents du travail, les employeurs ont une responsabilité
réelle, qu'ils reconnaissent sans hésitation. Pour assumer cette
responsabilité, les employeurs auraient de toute façon recours
à un système quelconque d'assurance. La CAT. assume donc une
responsabilité propre des employeurs et les employeurs doivent partager
les frais ainsi encourus.
Mais la Commission des normes du travail ne "vend" pas un service aux
employeurs et n'assume pas en leur nom une responsabilité. Les normes
générales du travail protègent l'ensemble des citoyens.
Elles représentent l'une des formes de la responsabilité que
l'Etat assume vis-à-vis de l'ensemble des citoyens. La "surveillance des
normes" n'est pas un service aux employeurs, mais un
service aux salariés. On ne peut donc pas prétendre que
c'est pour des raisons de justice que le coût de ce "service" doit
être acquitté par les employeurs.
La loi no 126 donnerait à la commission un pouvoir direct de
taxation sur les entreprises privées (la plupart des organisations
publiques faisant l'objet d'une exception en leur faveur). Ce pouvoir de
taxation n'est pas soumis au contrôle normal de l'Assemblée
nationale. Une augmentation de cette taxe (par l'élévation du
taux de la taxe ou par l'élévation de la masse imposable) est une
simple affaire de règlement de la commission, approuvé par le
Conseil des ministres. En démocratie, un gouvernement ne peut pas
dépenser un sou sans l'autorisation du Parlement; surtout, il ne peut
pas prélever une taxe sans l'autorisation expresse du Parlement. Au nom
de quel principe la loi 126 concéderait-elle un pouvoir autonome de
taxation à une commission administrative? Et encore, la règle
fondamentale définissant la responsabilité en démocratie,
"No taxation without representation", imposerait que les employeurs aient un
contrôle réel sur les décisions de la Commission des normes
du travail. Idéalement, la direction de la commission devrait être
vis-à-vis des employeurs qui lui paient une taxe dans la même
position qu'un Conseil municipal vis-à-vis des contribuables de la
municipalité. Mais cet idéal est probablement irréalisable
à cause de la complexité du monde économique, et, de toute
façon, le projet de loi 126 ne va nullement en ce sens.
Le projet 126 accorde à la commission un pouvoir de taxation
pouvant atteindre 1% d'une certaine masse salariale déterminée
par règlement de la commission. Sur la base de la masse salariale
définie par la C.A.T., cela pourrait donner des revenus de près
de $200 millions actuellement à la commission. Or, les besoins
financiers de la Commission du salaire minimum en 1977-1978 n'étaient
que de $10 millions, incluant dans ces $10 millions $2.6 millions perçus
pour des services du ministère du Travail. La limite de 1% n'est donc
pas à proprement parler une limite, et, par rapport à ses
besoins, la commission jouit en quelque sorte d'un pouvoir illimité de
taxation. Mais, si l'on accorde un pouvoir de taxation à un organisme
autonome, il est naïf de croire qu'un tel pouvoir restera
inutilisé. C'est l'intérêt des fonctionnaires d'un
organisme de l'Etat de dépenser le plus possible, puisque leur
importance dépend de l'importance de leur budget. Nous ouvrons donc la
porte à des dépenses faites pour elles-mêmes, sans aucune
finalité sociale ou économique. Dépenser pour
dépenser. Grossir le budget de la commission pour grossir l'importance
de ses fonctionnaires et les salaires de ses hauts-fonctionnaires. C'est une
mécanique connue et infernale qui a rongé à pure perte les
budgets attribués à l'Etat par le passé et contre laquelle
le gouvernement actuel ne possède pas de protection particulière.
Mieux vaut alors ne pas s'engager sur une telle voie.
Les années qui viennent obligeront tous les gouvernements
à rendre des comptes plus rigoureux à leurs contribuables.
L'analyse de la pensée politique contemporaine et l'orientation des
nouvelles recherches scientifiques le prouvent abondamment. Cette analyse et
ces recherches scientifiques pourraient ici nous servir de guides et nous
éviter de nous engager dans un programme gouvernemental qui, par sa
structure même, a toutes les apparences d'un panier percé. Au
contraire, un programme de "surveillance des normes du travail" confié
à un ministère avec un budget spécifique,
réanalysé chaque année en regard de ses objectifs propres
et de son efficacité, puis adapté selon les besoins réels,
pourrait présenter un mode d'administration publique plus responsable et
plus sain. Enfin, la surveillance des normes du travail étant un service
de l'Etat s'adressant à l'ensemble des citoyens, rien ne peut justifier
que ce service soit payé autrement que par les revenus
généraux de l'Etat, conformément à des budgets
approuvés par l'Assemblée nationale.
e)
L'expérience des autres
Dans aucune autre province canadienne, il n'existe telle chose qu'une
taxe spéciale payée uniquement par les entreprises pour la
surveillance des normes du travail et du salaire minimum, ni telle chose qu'une
commission autonome ayant le pouvoir de lever une telle taxe. Le financement du
service de surveillance des normes du travail émarge, dans tous les cas,
au budget régulier de l'Etat et est soumis au contrôle normal du
Parlement. De même, quoique le nom des organismes change d'une province
à l'autre et que les structures de consultation soient plus ou moins
complexes, l'organisme chargé de la surveillance des normes fait partie
de ce qui est à peu près l'équivalent d'un
ministère du Travail.
Le cas du Manitoba est particulièrement significatif. Les normes
du travail sont la responsabilité d'un service du ministère du
Travail auquel est adjoint un "Labor Board". En particulier, à propos du
salaire minimum, s'il appartient au lieutenant-gouverneur en Conseil d'en fixer
le taux, il existe par ailleurs non pas un, mais des "Minimum Wage Boards",
sortes de "conseils consultatifs sectoriels et paritaires" ayant un mandat de
recherche et de recommandation.
f)
Notre proposition Que le service de surveillance
des normes du travail soit un service du ministère du Travail.
Que le budget de ce service soit intégré au budget
régulier du ministère du Travail et soumis au contrôle
normal de l'Assemblée nationale.
5- Les règles de la consultation
La consultation préalable à l'adoption d'un
règlement est assurée par les mécanismes prévus
dans les articles 32 à 35: publication préalable du projet de
règlement dans la Gazette officielle, période de 60 jours pour la
formulation des objections, enquêtes et études par le
ministère sur ces objections, approbation et publication
définitive par la suite. Dans le contexte où la portée
réelle de la loi est déterminée par les règlements,
une telle procédure apparaît comme une protection minimum
absolument nécessaire contre l'arbitraire et l'improvisation. Cette
procédure permettrait, entre autres choses, à l'Assemblée
nationale de reprendre en partie son autorité législative par le
recours à une Commission parlementaire sur les sujets les plus
importants.
Nous appuyons donc tout à fait l'esprit et la lettre des articles
32 à 35 inclusivement. Mais les articles 36 et 37 détruisent la
portée de ce qui précède. Nous demandons que ces deux
articles soient biffés tout simplement.
a)
L'article 36
En effet, l'article 36 autorise le gouvernement à approuver les
règlements de la commission, et ses propres règlements
édictés en vertu des articles 86 à 90, "sans publication
préalable si l'urgence de la situation ou l'intérêt public"
l'impose.
Mais, qu'est-ce que signifie "urgence" quand on parle des "normes
générales" qui, par définition, doivent être
relativement stables et qui ne doivent être changées qu'en
considération d'une réalité ne changeant pas
elle-même par soubresauts brusques et imprévisibles? La seule
forme d'"urgence" que l'on puisse imaginer dans ce contexte serait le fait d'un
retard administratif malgré des promesses antérieures. Simplifier
alors la procédure, ce serait récompenser la mauvaise
administration.
Par contre, l'article 36 devient une porte de sortie trop facile quand
les procédures de consultation peuvent être embarrassantes. Par
exemple, la commission doit trouver quelques millions de plus pour boucler son
budget, ayant été trop prodigue ou les "services rendus au
ministère du Travail", pour lesquels la commission paie sans exercer de
conrôle, ayant dépassé les prévisions. En
conséquence, il faut, par règlement, changer la masse salariale
imposable. Il est alors tentant de déclarer "urgent" un tel changement,
puisque l'on évite de cette façon un débat public.
Il s'agit d'une nouvelle loi. Le terrain est, si l'on peut dire, encore
propre. Ne pourrait-on pas espérer que le gouvernement impose à
la "nouvelle" commission et s'impose à lui-même dans le cadre de
cette nouvelle loi une éthique plus élevée?
b) L'article 37
Comme si l'article 36, qui permet sous le prétexte de "l'urgence"
de passer outre à la consultation, ne suffisait pas, le projet de loi
ajoute encore l'article 37 qui dit simplement que, avec ou sans raison, le
gouvernement et la commission peuvent toujours passer outre aux règles
de la publication préalable contenues dans les articles 32 à 35.
Aussi bien dire que le gouvernement et la commission appliqueront les articles
32 à 35 quand bon leur semblera.
L'article 37 frise la provocation si on le compare aux exigences que le
gouvernement a envers les simples citoyens. Un citoyen qui doit se soumettre
à une série de démarches pour obtenir une autorisation
sait que la loi lui imposant de telles démarches se termine par des
"pénalités" pour le contrevenant. S'il ne suit pas correctement
la procédure, non seulement le citoyen n'est pas traité comme
s'il l'avait suivie, mais encore il risque fort de payer l'amende.
Mais quand c'est le gouvernement et ses organismes qui sont en cause,
non seulement le défaut de respecter les règles ne leur
coûte rien, mais encore tout se passe comme si les règles avaient
été respectées.
c)
Conclusion
Que le gouvernement fasse à ce sujet un choix clair. Ou bien il
doit effacer les articles 36 et 37, faisant alors des préavis et des
consultations une règle stricte qu'il s'impose de respecter comme il
l'impose aux autres. C'est notre proposition.
Ou bien, il doit effacer tous les articles sur la fausse consultation,
à savoir les articles 32 à 37. La loi aura alors le mérite
de dire clairement ce qu'elle veut dire: "Les règlements sont
édictés selon le bon plaisir du prince."
6. Les coûts inhérents à
l'application des nouvelles normes
La plupart des normes fixées par la loi 126 sont
déjà entrées dans les moeurs, d'abord par
l'évolution normale de la vie économique, ensuite par la
formulation, les unes après les autres, de diverses ordonnances sous
l'autorité de la "Loi du salaire minimum". Mais, en même temps, le
projet de loi élève des normes anciennes et en propose de
nouvelles. A propos de ces normes nouvelles, nous avons déjà dit
qu'elles étaient, prises une à une, acceptables. Il reste
à étudier la question de savoir s'il est opportun de les
promulguer toutes en même temps.
L'application de chaque norme de travail implique un certain coût
pour l'ensemble de l'économie. Une analyse rigoureuse de la
"capacité de payer" de notre économie devrait normalement
permettre au gouvernement d'évaluer l'opportunité de promulguer
en même temps plusieurs normes nouvelles. A notre connaissance, une telle
analyse n'existe pas.
Il faut considérer en particulier, à ce propos, le fait
que le taux du salaire minimum est exceptionnellement élevé au
Québec. Pour justifier les élévations récentes du
salaire minimum, d'ailleurs, le gouvernement rappelait, en particulier, que les
autres normes de travail représentaient un poids économique moins
lourd au Québec qu'ailleurs au Canada. En suivant ce même
raisonnement, le gouvernement devrait être amené aujourd'hui
à ne changer ces autres normes que graduellement, et dans la mesure
seulement où le taux du salaire minimum ailleurs au Canada aura rejoint
celui en vigueur au Québec.
Les normes nouvelles qui représenteront des coûts
non-productifs supplémentaires pour les entreprises du Québec
sont les suivantes: La semaine normale de travail est réduite de
45 à 44 heures. En ce faisant, le Québec s'ajuste à la
bonne moyenne canadienne, et en particulier, à la norme appliquée
en Ontario. La norme est sûrement réaliste. Elle est quand
même l'un des facteurs à considérer dans le calcul des
nouveaux coûts imposés aux entreprises. Le temps
supplémentaire devrait être payé auparavant à un
taux une fois et demie supérieur au salaire minimum. A l'avenir, il
serait payé une fois et demie le taux du salaire effectif. C'est
là, en réalité, la règle la plus courante chez les
principaux partenaires économiques du Québec Mais en
considérant le niveau élevé du salaire minimum, le
même calcul n'a pas les mêmes conséquences au Québec.
Le coût de cette nouvelle norme, à lui seul, serait très
élevé et doit faire l'objet d'une étude attentive.
Le temps d'attente d'un salarié disponible pour un travail à la
demande de son employeur, mais ne travaillant pas, devait être
payé auparavant sur la base du salaire minimum. A l'avenir, c'est le
salaire normal du salarié en cause qui s'appliquerait. A ce sujet, on
doit faire la même remarque que pour le cas précédent.
Les jours chômés et payés seront au moins au nombre
de trois, selon le projet 126 et la Loi sur la fête nationale, alors
qu'il n'y en avait aucun avant 1977 et un seulement depuis cette date. La
règle la plus répandue au Canada fixe le nombre de congés
payés et chômés à au moins six. Sur ce point, le
Québec aura donc encore un retard à combler, retard qui sera
comblé par simple règlement. Le fait d'ajouter des congés
payés alors que le salaire minimum est plus élevé
qu'ailleurs, d'une part, l'incertitude quant au nombre de congés
payés dans un proche avenir, d'autre part, ne sont pas des facteurs
favorables tout au moins pour les petites entreprises. Il aurait mieux valu:
premièrement, que la loi elle-même fixe les congés
correspondant aux coutumes établies (ils seraient au nombre de six: le
jour de l'An, le vendredi-saint, la St-Jean, la fête du Canada, la
fête du travail et la Noël); deuxièmement, que les
"dispositions transitoires" répartissent l'entrée en vigueur de
cette disposition sur un certain nombre d'années (par exemple, en
ajoutant un congé par an pendant cinq ans). Les vacances
annuelles de trois semaines après dix années de service ne sont
pas une norme très répandue chez nos principaux partenaires
économiques. La règle de base en Ontario est celle qui existe
déjà au Québec: deux semaines pour tous avec une
indemnité correspondant à 4% du salaire annuel. Les trois
semaines après dix ans sont, en principe, une règle fort
raisonnable. La question pratique est de savoir combien d'entreprises seront
touchées, quels déboursés supplémentaires cela
représentera dès la première année, et comment ce
facteur affectera l'équilibre des entreprises marginales. Il y aurait
sûrement lieu, tout au moins, de penser ici à une entrée en
vigueur graduelle d'une telle mesure, allongeant les vacances annuelles d'une
journée à la fois et non pas d'une semaine d'un même coup.
D'autres mesures plus particulières représenteront de
nouveaux coûts pour les entreprises. Par exemple, la période de
repas rémunérée dans certaines conditions ou les
congés payés dans le cas du décès d'un proche.
Aucune des normes contenues dans le projet de loi 126 ne nous
paraît en elle-même inacceptable. Notre propos est seulement, ici,
de demander au gouvernement de ne pas traiter chacune de ces normes comme un
cas isolé, mais au contraire d'analyser l'ensemble des facteurs
représentant des coûts non-productifs pour les entreprises d'ici
et de comparer cet ensemble à ce qui est supporté par les
entreprises des autres régions. Une telle étude conduirait
probablement à étaler dans le temps la mise en vigueur des
nouvelles normes de façon à minimiser leur impact
économique. Sans une telle étude, nous avançons au
hasard.
7. La place des négociations
collectives
Notre dernier commentaire général portera sur le sens des
articles 91 et 92 qui rendent les normes du travail "d'ordre public" (art. 91)
et qui rendent nulle et sans effet une convention librement
négociée qui changerait l'une ou l'autre de ces normes (art.
92).
Nous croyons que les normes portant sur le salaire minimum, sur les
vacances annuelles, sur les congés payés et sur le congé
de maternité doivent être d'ordre public, mais non pas les autres
normes.
En effet, la négociation, en tenant compte du contexte
particulier à une entreprise et à un groupe de salariés,
pourrait conduire à une sorte d'échange entre un avantage
proposé par les normes générales du travail et un avantage
désiré par les personnes en cause. Par exemple, le paiement du
temps supplémentaire, parce qu'il est en grande partie rongé par
les impôts, peut fort bien être moins désirable qu'un
congé supplémentaire, ou qu'une plus grande flexibilité
des horaires de travail. Sur les chantiers éloignés, les salaires
élevés tiennent compte d'une semaine de travail plus longue, et
les longues périodes de congé à tous les deux ou trois
mois sont préférées aux congés hebdomadaires. Les
différentes formes de travaux saisonniers commanderont aussi des
règles particulières.
On n'imagine pas que la réglementation puisse prévoir, en
multipliant les exceptions, tous les cas particuliers. Si telle était
l'ambition de la réglementation, elle deviendrait en fait inextricable
et inadministrable. Au contraire, les conventions collectives
négociées, par leur nature même, s'adaptent aux situations
les plus diverses, sans que le règlement qui convient à un
chantier exceptionnel ne soit appliqué à d'autres groupes.
Il reste entendu par ailleurs qu'en l'absence d'une convention
collective signée conformément à toutes les exigences du
Code du travail ou de la loi 290, l'ensemble des normes générales
du travail s'appliquerait.
DEUXIÈME PARTIE
Analyse de quelques articles du projet de loi Les
définitions
Article 1
Les définitions proposées dans l'article 1 ne sont pas
toutes satisfaisantes et ne permettront pas de régler certains
problèmes d'interprétation.
Ainsi, le mot "convention" s'appliquerait maintenant à un contrat
individuel de travail, ce qui n'est pas conforme au sens que le mot
"convention" a généralement dans les lois du travail. Pour
éviter une confusion inutile, il suffirait que le texte même de la
loi utilise au besoin les deux expressions: "contrat individuel de travail" et
"convention collective de travail". Par contre, au paragraphe j), la
"convention" est devenue un "contrat de travail".
La définition du mot salarié est manifestement trop large.
Le tondeur de gazon, le livreur de journaux, le "baby-sitter", le pelleteur de
neige, le jardinier d'occasion seraient-ils maintenant des salariés au
sens de la loi 126?
Par ailleurs, des mots clés dans certaines parties de la loi
n'ont pas de définition précise. En particulier, une
définition claire des mots CADRE, DOMESTIQUE et ENTREPRISE serait
nécessaire à l'intelligence de la loi.
Le domestique
Article 3
Le domestique qui réside chez son employeur ou qui travaille plus
de 30 heures pour un même employeur serait maintenant couvert par la loi.
C'est une règle en principe tout à fait acceptable. Cependant, il
faut se demander si elle est vraiment applicable, si les moyens de
contrôle nécessaires pour l'appliquer efficacement ne seraient pas
exagérément coûteux, si encore ces moyens de contrôle
ne représenteraient pas une intrusion excessive de l'Etat dans la vie
des foyers?
Si le domestique est un salarié au sens de la nouvelle loi, le
foyer qui l'emploie est un "employeur" au sens de la même loi. Cela
signifie que ce foyer devrait connaître et appliquer, entre autres, les
règlements édictés en vertu de l'article 29d) à
29g), et ceux de l'article 45. Est-il assuré que ces "nouveaux
employeurs" pourront devenir facilement des "employeurs professionnels" au
goût du fonctionnarisme?
Il y a enfin des questions à poser sur les conséquences
qu'aurait cette loi sur l'offre et la demande de travail dans ce domaine.
L'application de cette nouvelle règle affecterait probablement le
marché du travail de deux façons: 1) elle diminuerait la
disponibilité de certaines personnes ayant une compétence
professionnelle reconnue, utiles sur le marché du travail, mais retenues
à la maison par des travaux domestiques; 2) elle diminuerait l'offre de
travail pour un personnel capable d'accomplir correctement des travaux
domestiques, mais non qualifié pour être intégré au
marché du travail.
Nous croyons que le gouvernement, avant de pousser plus avant cet aspect
de son projet, devrait faire une étude précise de ses diverses
conséquences. Peut-être serait-il conduit alors à une
solution plus souple.
La commission
Nos considérations générales qui forment la
première partie de ce mémoire justifient largement notre
proposition de remettre entièrement en cause le principe même
d'une commission autonome des normes du travail. Si, par contre, l'idée
d'une telle commission devait quand même être retenue, les
commentaires suivants devraient être pris en considération.
Article 5
Parmi les fonctions de la commission, pour être cohérent
avec l'article 103, il faut prévoir la fonction d'enquête.
Articles 22 et 23
Les articles 22 et 23 accordent aux membres de la commission une forme
d'immunité qui s'inspire de cette idée fort détestable que
les règles qui s'appliquent à tous ne s'appliquent quand
même pas au gouvernement et à ses organismes. Dans la
présentation qu'elle fait d'elle-même dans son rapport annuel
1977-1978, la Commission du salaire minimum dit, en interprétant sa loi
constitutive: "Elle est une corporation ayant les pouvoirs, droits et
privilèges d'une corporation civile ordinaire". Cette définition
est bonne et c'est pourquoi toutes les règles ordinaires du Code de
procédure civile doivent s'appliquer dans son cas comme pour toutes "les
corporations civiles ordinaires".
L'immunité est, de toute façon, un mauvais principe de
gestion. Des dirigeants trop bien protégés sont sûrement
moins attentifs à la qualité de leur gestion. Les règles
de la responsabilité doivent s'appliquer dans la fonction publique aussi
bien qu'ailleurs.
Par ailleurs, le projet de loi 126 ne prévoit aucun droit d'appel
des décisions de la commission. Ainsi, nous avons des dirigeants qui ne
portent pas la responsabilité de leurs décisions, d'une part, et
ces décisions sont sans recours, d'autre part. Ces deux
éléments ne vont pas ensemble, si l'on veut protéger les
citoyens contre l'arbitraire.
Nous demandons de biffer les articles 22 et 23, d'une part; de
prévoir dans un article nouveau un droit d'appel des décisions de
la commission, d'autre part. Article 29
L'article 29 donne un pouvoir de réglementation à la
commission sur des sujets de nature très diverse, et sans faire les
distinctions qui s'imposent. Cet article devrait en fait être
scindé en trois de façon à distinguer et à
soumettre à des règles différentes trois genres de
règlements: a) les règlements de régie interne
(paragraphes a, b et c), qui ne posent aucune difficulté
particulière; b) les règlements applicables aux entreprises
(paragraphes d, e, f et g), à propos desquels une procédure de
consultation auprès des entreprises doit être suivie de
façon très stricte; c) enfin, le règlement par lequel la
commission lève un impôt sur les entreprises (paragraphe h), un
tel règlement devant être soumis à un contrôle direct
de l'Assemblée nationale.
A propos de ce paragraphe h), nous voulons en particulier insister sur
le fait qu'il attribue à une commission autonome un pouvoir de taxation.
Nous répétons notre proposition principale à ce sujet,
à savoir que la commission ne doit pas avoir le pouvoir de
prélever une taxe sur des entreprises auxquelles ladite commission ne
vend pas de services directs. Si, cependant, la commission devait continuer
à percevoir une telle taxe, le moins que l'on puisse demander, c'est que
le règlement sur le "prélèvement" soit soumis à
l'approbation de l'Assemblée nationale, après analyse des budgets
de la commission eu égard à ses objectifs et à son
rendement.
A propos de ce paragraphe h) encore, il y aurait lieu de prévoir
que soient exemptés du "prélèvement" les employeurs qui
contribuent à un comité paritaire en vertu de la loi des
décrets de convention collective et ceux qui sont assujettis à la
loi sur l'industrie de la construction. Pour ces employeurs, en effet, le
prélèvement de la commission constituerait une double taxation.
Articles 36 et 37
Biffer ces articles. Voir nos commentaires à ce sujet dans la
première partie. Article 38b)
On donne à la commission le pouvoir d'"établir le salaire
payé à un salarié". Il s'agit probablement de constater et
de vérifier les faits, mais la formule utilisée est ambiguë.
Article 38i)
Biffer l'expression "malgré toute loi à ce contraire".
Voir à ce sujet nos commentaires sur l'immunité des organismes de
l'Etat et, en général, sur cette mauvaise conception du
rôle d'un gouvernement qui ne s'impose pas de respecter les règles
qu'il impose aux autres.
Le salaire Article 39
Nous sommes d'accord pour que le taux du salaire minimum soit
fixé par règlement du gouvernement, à condition toutefois
que les articles 36 et 37 soient biffés. Le fait d'enlever ces articles
permettra d'établir une procédure de consultation acceptable et
évitera l'improvisation. Article 43 "une enveloppe
scellée"...
Une précaution inutile. Les moeurs ordinaires laissent place
à plus de confiance entre les citoyens et il serait quand même
triste que la loi force l'évolution sociale vers plus de méfiance
et plus de standardisation, quand ce n'est pas absolument nécessaire.
Article 45c)
Au lieu de "emploi occupé par le salarié", il faut
écrire: "identification de la fonction du salarié". En effet,
avec l'utilisation des ordinateurs, les descriptions sont souvent
remplacées par des codes. L'identification par un code devrait suffire
dans ce cas-ci. Article 49
La rédaction de cet article doit être telle qu'elle ne
rende pas illégale la formation d'un "pool", comme c'est la coutume dans
les restaurants dont le service "à la française" est complexe et
suit les règles de la cuisine internationale.
De plus, l'expression "frais de service ajoutés à la note
du client" est trop vague. Les frais de service ajoutés à la note
du client de l'Hydro-Québec, par exemple, ne sont pas ici en cause. Il
faudrait préciser que l'on parle d'une note d'hôtel et de
l'addition au restaurant.
La durée du travail Article 54
L'effet de cet article est de remplacer le "salaire minimum" par le
"salaire horaire effectif" pour le calcul du salaire dû pour le temps
supplémentaire. Cela impliquera des coûts nouveaux pour bon nombre
d'entreprises. Il est alors important de faire précéder la mise
en vigueur d'une telle décision par une analyse sérieuse de
l'ensemble des coûts impliqués par les nouvelles normes, comme
nous l'avons dit dans la première partie de notre mémoire.
D'autre part, il faut prévoir la possibilité que le temps
supplémentaire soit remis à un employé en congés
payés plutôt qu'en salaire supplémentaire.
Les jours fériés Article
59
La loi devrait être explicite sur ces congés
fériés, et non pas laisser le nombre et le choix des
congés fériés au pouvoir de réglementation de
l'Exécutif.
Les six congés payés généralement admis au
Canada pourraient dès maintenant être fixés par la loi. Par
contre, les "dispositions transitoires" de la loi devraient prévoir
l'étalement dans le temps de leur entrée en vigueur, de
façon à attendre le moment où l'ensemble des normes du
travail, y compris le taux du salaire minimum, ait atteint un point
d'équilibre entre le Québec et les autres régions avec
lesquelles nous entretenons des relations commerciales et industrielles
suivies. Article 64
L'article 64 doit prévoir le cas des travaux saisonniers pour
lesquels un salarié peut avoir été engagé pour une
dizaine de jours et plus dans les trente jours précédant un jour
férié. Il suffirait d'appliquer à ce cas l'esprit de
l'article 81.
Les congés divers
Ajouter intégralement les conditions contenues à l'article
64. Article 81
La règle du préavis d'une semaine, la première
année d'emploi, et de deux semaines par la suite, place le Québec
à peu près au même niveau que les autres provinces
canadiennes. Cependant, dans aucun cas autre que le projet de loi 126, le
préavis n'est obligatoire dès la première journée
d'un engagement. La règle la plus commune est de rendre obligatoire le
préavis après trois mois de travail. La fin du premier paragraphe
de l'article 81 devrait donc se lire: "le salarié qui justifie de moins
de douze mois et de plus de trois mois de service continu".
Article 83
Le sens de cet article ne doit pas interdire à un employeur de
décrire la qualité du travail ou la conduite d'un salarié,
surtout si cela est favorable à ce dernier. La rédaction de
l'article doit dire clairement que le salarié peut obliger un employeur
à lui donner un certificat réduit aux éléments
proposés, et ne peut l'obliger à rien d'autre. Par contre, la loi
ne doit pas interdire un certificat plus complet, ni non plus en faire une
obligation. Il faudrait donc rayer la dernière phrase de l'article.
Autres normes
Article 85
Comme nous l'avons montré plus haut, cet article fourre-tout, qui
laisse au pouvoir de réglementation un champ ouvert, est inutile. Les
"primes, indemnités et allocations diverses" font partie de la
rémunération et ce sujet peut être introduit à
l'article 87a), parlant des règlements sur le salaire minimum. Pour ce
qui est des autres sujets contenus dans cet article, ils relèvent tous
déjà d'autres lois et règlements.
Les règlements Article 87a), g) et
h)
Lire au paragraphe a): "Salaire minimum, de même que les primes,
indemnités et allocations qui en font partie en certains cas". Biffer
les paragraphes g) et h). Voir à ce propos nos commentaires sur
l'article 85. Article 90
Ecrire: "les articles 32 à 35", et non pas: "les articles 32
à 37", puisque les articles 36 et 37 annulent l'effet des articles 32
à 35. Voir nos commentaires dans la première partie.
L'effet des normes
Article 92
L'article 92 ne devrait s'appliquer que dans le cas du salaire minimum,
des vacances annuelles, des jours fériés et du congé de
maternité. Une convention collective signée conformément
au Code du travail devrait pouvoir statuer librement à propos des autres
normes.
Les recours
Article 108a)
Compléter ce paragraphe par les mots: "se rapportant à
l'application de la présente loi ou d'un règlement".
Article 115
Pourquoi placer l'application de cet article sous l'autorité du
Code du travail et d'un "commissaire du travail"? La commission a ses propres
enquêteurs. C'est la commission qui est compétente pour juger des
matières auxquelles se réfère l'article 114.
La faillite Articles 123, 124 et 125
Le problème du paiement des salaires dus en cas de faillite a
fait déjà l'objet de nombreuses discussions et recherches, sans
que personne n'ait encore proposé une solution tout à fait
satisfaisante. La loi 126 ne contient pas de solution, mais elle règle
quand même la question en deux temps trois mouvements: les fonds de la
commission et ses règlements. C'est une façon d'échapper
à une question qui mérite plus d'attention.
La loi à propos des faillites doit être précise:
l'engagement des créanciers hypothécaires, entre autres choses,
en dépend, et donc une bonne part du financement des entreprises, en
particulier la disponibilité du capital de risque. La concordance entre
les lois fédérales et provinciales sur le sujet est essentielle.
Nous ne sommes manifestement pas dans un domaine où le
Législateur peut déléguer un pouvoir de faire des
règlements en lieu et place des lois.
La commission indemnisant les salariés en cas de faillite
devra-t-elle ensuite refiler la note au failli? Deviendra-t-elle un
créancier privilégié? Si elle absorbe la note sans recours
contre le failli, qu'est-ce qu'il en coûtera aux contribuables de la
commission? Dans quelle limite pourra agir la commission? Comme nous avons
démontré que la commission a un pouvoir de taxation tout à
fait disproportionné par rapport à ses besoins, on peut imaginer
facilement que la commission pourrait être indéfiniment
généreuse.
Pour l'instant, le gouvernement doit considérer la question des
faillites comme un sujet d'étude. Quand des études
sérieuses lui permettront de faire des propositions concrètes et
complètes sur ce sujet à l'Assemblée nationale, il
ajoutera alors, à la "Loi sur les normes du travail" ou dans un autre
cadre juridique, selon les résultats des recherches, la pièce
législative manquante.
Nous proposons donc que le chapitre IV soit renvoyé au
ministère du Travail pour plus amples études.
C.P.Q. Mars 1979
ANNEXE B
Mémoire sur le projet de loi no 126
présenté par la coalition des normes
minimales du travail
à la Commission parlementaire du
travail
de l'Assemblée nationale du
Québec
Mars 1979
Avant-propos: La réalité vécue des
salarié(es) minimum
Bien que la grande majorité des travailleurs
québécois soit couverte par la Loi du salaire minimum, elle
s'applique, en pratique, aux non-syndiqués, soit près de
1,800,000 personnes. On évalue à environ 300,000 le nombre de ces
travailleurs qui sont au bas de l'échelle, gagnant à peine le
salaire minimum. De plus, 75% des salariés minimum au Québec sont
des femmes, souvent immigrantes.
Cette catégorie de travailleurs (62% environ) est
inorganisée et donc sans voix pour s'exprimer publiquement et sans
organisme représentatif pour se défendre face à
l'arbitraire patronal. Couverts par une loi du salaire minimum
désuète elle a plus que 40 ans, pleine de trous, peu
appliquée et peu connue sans protection réelle d'aucune
sorte et isolés, ces travailleurs sont souvent les plus exploités
et les laissés pour compte des réformes législatives dans
le domaine du travail, et ce malgré leur très grand nombre. De
plus, même avec les récents amendements apportés au Code du
travail par la loi no 45, les obstacles à la syndicalisation restent
énormes, parfois même insurmontables, pour un bon nombre de
salariés minimum, comme les travailleurs temporaires et à temps
partiel et ceux qui se trouvent dans des unités de travail très
réduites (1 ou 2 employés), comme des serveurs(seuses),
vendeurs(euses), employés(es) domestiques et agricoles, par exemple.
C'est d'ailleurs dans ces secteurs d'activité économique qu'on
retrouve le plus haut pourcentage de salariés minimum et d'infractions
patronales directes et indirectes à la loi du salaire minimum.
En 1977, la Commission du salaire minimum, organisme chargé
d'appliquer la loi, reçut et examina 3,780 plaintes
déposées par des individus et des groupes d'employés.
Grâce aux plaintes logées auprès de la commission au cours
des dernières années, environ 30,000 personnes ont reçu
annuellement des salaires rétroactifs qui leur étaient dus.
Cependant, il semble que ces plaintes ne représentent que la pointe de
l'iceberg, et qu'un nombre beaucoup plus important de travailleurs
reçoivent moins que le salaire minimum ou ne sont pas payés en
temps supplémentaire, etc. Par peur ou par ignorance, ces travailleurs
ne portent pas plainte et subissent en silence ces
illégalités.
Même si le Québec affirme posséder un salaire
minimum plus élevé que les autres provinces, d'autres facteurs,
tels que le manque de congés statutaires, le paiement des heures
supplémentaires, etc., replacent cet avantage dans un plus juste
contexte.
De plus, le Québec ayant toujours été la province
du "cheap labor", on y retrouve proportionnellement plus de salariés
minimum qu'ailleurs au Canada, sans oublier le fait que le Québec est la
seule province à permettre un taux minimum de salaire horaire
inférieur pour les employés recevant habituellement des
pourboires, en omettant cependant de rendre ces pourboires obligatoires.
Les objectifs de la Loi sur le salaire minimum, selon la Commission
Castonguay, sont: protéger les travailleurs contre l'exploitation
et la pauvreté; réduire la pauvreté et
l'insuffisance des revenus; permettre aux travailleurs de participer
à l'amélioration de la qualité de la vie qui devrait
normalement accompagner le progrès économique.
De fait, la loi contribue grandement à perpétuer cette
pauvreté et cette exploitation qu'elle voudrait soulager. Le rapport
Castonguay lui-même, un document pourtant conservateur, émet cette
critique: "La loi sur le salaire minimum au Québec est incomplète
et arriérée si on la compare aux dispositions contenues dans les
ententes collectives".
Nous pourrions ajouter à ce constat du rapport Castonguay un
autre constat tout aussi juste. Non seulement cette loi est
arriérée, mais elle est également violée chaque
jour par des employeurs, contre lesquels on prend bien peu de mesures
correctives et punitives vraiment efficaces, susceptibles de
freiner définitivement tout abus et toute
illégalité. De plus, des milliers de travailleurs et
travailleuses du Québec en sont exclus, comme les employés(es)
domestiques et agricoles, par exemple. Nous voulons bien croire que certains
genres d'emploi nécessitent des aménagements particuliers, mais
de là à exclure totalement des catégories entières
de travailleurs de la protection d'une loi minimale, rappelons-le, il y a une
marge que l'on pourrait assimiler à une forme de discrimination ou de
cécité volontaire pour des raisons de facilité, de
mépris ou d'exploitation économique pure et simple.
Avant de passer à l'analyse du projet no 126, nous voudrions
faire remarquer à l'Honorable Ministre du Travail, M. Pierre-Marc
Johnson, que le délai dévolu à la population du
Québec et aux divers organismes et regroupements qu'elle s'est
donnée pour prendre la parole publiquement, nous paraît bien court
face à l'importance d'un tel projet de loi. Il est vrai que nous
l'attendions depuis longtemps.
Ceci n'est pas sans nous rappeler la parution, en plein
été, du projet d'ordonnance sur le congé de
maternité, alors que toutes les activités sociales et politiques,
y compris celles de l'Assemblée nationale, fonctionnent au ralenti.
Néanmoins, nous vous présentons ce mémoire, en
espérant que vous prendrez sérieusement en considération
son contenu et que vous agirez le plus vite possible à ce propos, afin
de mieux servir les intérêts de tous les travailleurs et
travailleuses du Québec.
Chapitre I: Définitions
Nous ne recommandons aucun amendement particulier à ce
chapitre.
Chapitre II: Le champ d'application
Nous nous sommes souvent exprimés au sujet des exclusions de la
loi du salaire minimum. Vous avez d'ailleurs déjà pris
connaissance de notre point de vue là-dessus, à la fin de
l'avant-propos de ce mémoire. Nous sommes conscients que certains
aménagements particuliers, telle la question de la pension (frais de
logement, de repas) par rapport au taux minimal de salaire horaire, sont
nécessaires en ce qui concerne le personnel domestique et agricole.
Cependant, il nous semble discriminatoire et injuste socialement d'exclure
totalement certains de ces travailleurs de la protection, des recours et des
conditions minimales assurés par une loi, qui doit s'appliquer à
tous, dans une optique démocratique et d'égalité des
droits. C'est pourquoi, nous réclamons une fois de plus, que l'on
abolisse toute exclusion au chapitre de l'application des normes minimales,
afin de protéger tout le monde et de mettre un frein à
l'exploitation et au chantage subis par ces travailleurs(euses), qui sont
souvent des employés saisonniers ou des immigrants(es) sur permis de
travail, donc inorganisés, vulnérables, et sans autre recours que
ceux accordés par une loi générale.
Chapitre III: La Commission
A ce chapitre, nous recommandons que partout où l'on emploie le
verbe "pouvoir" pour définir ce qui, d'après-nous, a trait aux
devoirs de la commission, c'est-à-dire sa raison d'être et son
rôle, on remplace ce verbe "pouvoir" par le verbe "devoir", afin de bien
marquer une véritable volonté de faire appliquer la nouvelle loi
des normes minimales, (ex.: articles 29 (d), (e), (h) et 123).
En ce qui concerne les membres de la commission, nous demandons que les
six autres postes, à part celui de président nommé par le
gouvernement, soient répartis également entre le monde patronal
et le monde ouvrier (ex.: représentants d'associations d'employeurs et
de salariés), ceci afin d'assurer une meilleure
représentativité de la commission face à ces deux milieux
directement impliqués dans le domaine du travail.
Nous demandons qu'on ajoute, à l'article 11, la mention "suivant
les règlements établis à cet effet", règlements
qui, d'après nous, doivent s'appliquer à tout organisme relevant
du gouvernement. Nous réclamons qu'on supprime l'article 17, pour des
raisons de démocratie élémentaire, surtout dans un
organisme comme la commission.
A l'article 24, nous demandons qu'une décision, prise par un
membre de la commission en conflit d'intérêts, puisse être
annulée et que des poursuites puissent être intentées
contre le contrevenant.
L'article 29 (h) établit les sources de revenu de la commission
donc son budget de fonctionnement. A ce sujet, nous insistons pour qu'on
augmente le budget de la commission, afin de pouvoir engager plus d'inspecteurs
pour être en mesure d'effectuer un meilleur contrôle sur
l'application effective de la loi, par des enquêtes de routine plus
nombreuses, par exemple. En effet, il y a près de 95 000 entreprises
couvertes par la Loi du salaire minimum au Québec et, il n'y a que 135
inspecteurs pour couvrir tout cela. Nous trouvons cette situation inacceptable,
lorsqu'on a à coeur de prendre tous les moyens possibles pour faire
respecter une loi.
Un budget accru permettrait aussi à la commission de faire plus
de publicité sur les normes minimales et sur les recours offerts aux
salariés pour défendre leurs droits. En effet, une des grandes
causes du non-respect des conditions minimales est l'ignorance de leurs droits
et recours où se trouvent les travailleurs concernés. Toujours
dans un but d'information, nous recommandons que tout employeur soit tenu de
remettre à tout salarié une copie vulgarisée de la
nouvelle loi des normes minimales, ou
encore d'afficher cette copie dans un endroit visible et accessible, sur
les lieux de travail. De plus, la commission devrait publier deux fois par an,
dans les journaux, les noms des employeurs ayant contrevenu à la loi,
ainsi que le nombre d'offenses.
Nous demandons également qu'on supprime les articles 36 et 37,
parce qu'ils contredisent l'article 32 et qu'ils portent atteinte au droit du
public à l'information et à l'expression. Aucun
"intérêt public" réel ne saurait être
supérieur au droit fondamental à l'information sur les droits
légaux individuels et collectifs.
Nous demandons la suppression des paragraphes (I) et (m) de l'article
38. En effet, c'est là donner à la commission un pouvoir
discrétionnaire qui entre en totale contradiction avec le fait
même de légiférer dans le but d'établir et de faire
respecter de nouveaux droits sociaux. A quoi sert-il d'accorder et de
définir des normes minimales de travail par voie législative, si
l'on permet'à une corporation d'autoriser des pratiques qui pourraient
contredire, voire rendre invalides, certaines dispositions prévues par
la loi?
Chapitre IV: Les normes du travail
Section I: Le salaire
Au chapitre du paiement du salaire, nous souhaitons que le virement
bancaire, prévu à l'article 41, soit fait à la banque,
caisse populaire ou société de fiducie choisie par le
salarié et, que celui-ci reçoive toujours un bulletin de paye
dans ce cas. Cette mesure vise à assurer au salarié un meilleur
contrôle sur sa paye, qui lui appartient.
A l'article 48, deuxième paragraphe, il faut ajouter les retenues
syndicales aux déductions qu'un salarié ne peut révoquer
sur le montant de sa paye. Cet amendement vise à empêcher toute
équivoque, confusion ou contradiction au niveau du droit d'association
et de la protection syndicale qu'une majorité de travailleurs
décident de se donner dans une entreprise, un atelier, un
département ou un corps de métier précis. Cet amendement
complèterait également les récentes dispositions de la loi
no 45.
Pour l'article 49, nous faisons à nouveau remarquer que le
Québec est la seule province qui permet un taux minimum de salaire
horaire inférieur pour les salariés à pourboires, sans
toutefois rendre ce pourboire obligatoire. De plus, les employeurs de la
restauration hôtellerie abusent souvent de l'élément
pourboire en rétribuant mal ou en ne payant aucun salaire à leurs
employés. Parfois, les employés doivent travailler seulement pour
les pourboires ou doivent partager leurs pourboires avec les autres membres du
personnel ou avec l'employeur. C'est dans ce secteur de travail que se produit
le plus grand nombre d'infractions à la loi, déclarées ou
non. Les faits sont éloquents à ce sujet.
Afin de leur assurer un revenu minimum stable et de freiner l'arbitraire
patronal dans ce secteur, nous réclamons que le taux du salaire minimum
soit le même pour les salariés à pourboires que pour les
autres salariés, et que le pourboire soit remis intégralement
à l'employé lorsqu'il est perçu par l'employeur.
Toujours au sujet du taux minimum de salaire, nous demandons que la
limite d'âge de 18 ans, en-dessous de laquelle le salaire minimum est
plus bas, soit portée à 16 ans, puisque le droit officiel au
travail est reconnu à partir de cet âge, par rapport à
l'âge minimum de scolarisation obligatoire. En cette Année
internationale de l'enfant, nous demandons que cette incohérence, qui
permet de moins payer un mineur pour un même travail qu'un majeur, cesse
définitivement. Ce taux inférieur de salaire pour les mineurs ne
saurait être une incitation aux études puisque: 1. La
différence entre les deux taux est trop mince pour encourager un jeune
à étudier plutôt qu'à travailler. 2. La grande cause
de l'abandon des études avant le niveau collégial est le "manque
à gagner" familial ou individuel, créé par une combinaison
de facteurs socio-économiques divers, qu'entraîne une longue
période de scolarisation à temps plein. Accorder un salaire
minimum moindre, dans ce contexte, n'aide sûrement pas le jeune
travailleur à assumer les frais de la poursuite ou de la reprise de ses
études.
Nous recommandons aussi l'établissement de primes dites
"d'inconvénients" pour les salariés qui doivent travailler de
soir et de nuit, comme cela existe à plusieurs endroits.
Section II: La durée du travail
Au Québec, on calcule le temps supplémentaire
d'après le nombre total d'heures travaillées dans une semaine (45
heures). Les travailleurs devant travailler sur deux quarts dans la même
journée et seulement 3 heures le jour suivant, jusqu'à un maximum
de 45 heures, ne reçoivent aucune compensation pour le temps
supplémentaire travaillé. Ceci est susceptible de nuire à
la santé du travailleur et à l'harmonie de ses relations
familiales, de même qu'à son équilibre.
Une semaine de travail de 45 heures telle qu'exigée par la loi,
représente environ 10 heures de plus que ce que la majorité des
conventions collectives et des compagnies demandent.
Selon la loi, tous les travailleurs n'ont droit, en temps
supplémentaire, qu'au salaire minimum plus 50%, même s'ils gagnent
davantage d'habitude, plutôt que leur salaire régulier plus
50%.
La Loi sur le salaire minimum dans les autres provinces, à
l'exception de la Nouvelle-Ecosse et du Québec et la plupart des
conventions collectives exige le calcul des heures supplémentaires sur
une base quotidienne après 8 heures. De plus, dès le début
du 20e siècle, les travailleurs obtenaient la reconnaissance
légale de la journée de travail normale de 9 heures et, quelque
temps après, de celle de 8 heures. S'il faut en croire l'article 51 tel
que formulé, le Québec a l'intention de demeurer ancré
dans le passé encore quelque temps. En conséquence, nous trouvons
l'article 51 tel que formulé, ridiculement arriéré et
parfaitement injuste. Nous réclamons donc que le nombre maximum d'heures
régulières de travail pour un employé à plein temps
soit de 8 heures par jour et, de 40 heures par semaine. Le temps
supplémentaire serait basé sur le salaire régulier plus
50% (et non sur le taux minimal), et devrait être calculé sur une
base quotidienne après 8 heures.
A l'article 53, nous remarquons qu'on continue à priver le
conjont(e) et les enfants d'un employeur d'une protection et de conditions
minimales. Nous comprenons que, là également, certains
aménagements particuliers sont nécessaires, mais ils ne devraient
pas entraîner des conditions de travail inférieures pour ces
employés d'une entreprise dite "familiale". En effet, le point de vue
actuel qui veut que les employés ayant un lien de parenté direct
avec leur employeur soient, en quelque sorte, ses associés et
bénéficient des profits réalisés par cet employeur,
profits qui se réalisent sous la forme du revenu familial, ce point de
vue a souvent pour effet de priver ces employés de certains avantages
sociaux (comme l'assurance-chômage, régime de rentes) et de
conditions de travail égales à celles des autres travailleurs. De
plus, ces employés ne sont souvent pas les véritables
associés de l'employeur, ce qui ne leur donne aucun droit réel
sur les bénéfices de l'entreprise.
Au sujet des étudiants employés dans une colonie de
vacances, les heures de travail trop longues et les temps de repos insuffisants
ont souvent des effets néfastes sur leur santé, ce qui est
préjudiciable, en définitive, au bien-être des enfants
confiés à leur attention. Cette affirmation est facilement
verifiable auprès des étudiants en question.
Tout salarié, qu'il travaille aux récoltes, à un
poste de cadre ou ailleurs, a droit à une semaine et à une
journée de travail normale, du point de vue du progrès social
général à ce chapitre et, aussi au niveau de sa
santé et de son équilibre personnel et familial. C'est pourquoi,
nous demandons que l'on supprime l'article 53 tel que formulé, en ce qui
concerne la durée de travail normale aux fins de calcul du temps
supplémentaire.
Nous sommes conscients que certains travaux doivent s'effectuer dans des
délais étroits et précis, nécessitant donc des
aménagements un peu différents. Mais, nous insistons pour qu'on
reconnaisse le droit d'un salarié au temps supplémentaire
librement consenti. Ce temps supplémentaire devrait être
exercé à tour de rôle par les employés d'une
même entreprise ou département et, ce en accordant la
priorité par ordre d'ancienneté. D'ailleurs, il serait
souhaitable, à ce chapitre, qu'on règlemente les heures de
fermeture, en particulier celles des commerces, ce qui aurait aussi l'avantage
de freiner la concurrence déloyale.
A l'article 58, pour des raisons de meilleur rendement et de
santé-sécurité au travail, nous demandons une
pause-café obligatoire payée de 15 minutes après chaque 2
heures de travail consécutives, qui se prendra durant l'heure qui suit
les 2 heures de travail en question. Cette pause est indispensable à
cause de l'état de tension et de fatigue qu'entraîne une trop
longue période de travail ininterrompue. Pour illustrer cela, nous
pouvons citer les cas des serveuses et vendeuses qui doivent rester longtemps
debout, des ouvriers forcés de suivre le rythme d'une machine ou de
rencontrer des quota de production.
Section III: Les jours fériés,
chômés et payés
A l'article 59, nous recommandons un minimum de 10 jours
fériés, chômés et payés (y compris le 24
juin). Lorsqu'un salarié doit travailler durant une de ces
journées, l'employeur devrait le rémunérer à temps
double, ou lui accorder un congé compensatoire d'une journée dans
les 2 semaines avant ou après le jour en question et, ce au choix de
l'employé. Cette journée compensatoire devrait être
accordée également lorsque le congé férié et
payé survient un jour non-ouvrable, à cause du caractère
particulier de ces jours fériés, qui donnent souvent lieu
à des réunions familiales et qui sont généralement
respectés en Amérique du Nord (ex.: Noël, Jour de l'An,
Fête du travail etc.). De plus, certaines provinces canadiennes accordent
déjà 10 congés fériés et payés.
Section IV: Les congés annuels
payés
A l'article 65, nous recommandons que l'année de
référence pour un salarié débute à son 1er
jour de travail pour un employeur et se termine exactement à la
même date, mais un an plus tard. Cette méthode de calcul nous
paraît beaucoup plus réaliste que celle qu'on propose.
Nous sommes très heureux qu'on rende enfin obligatoires les
vacances annuelles, calculées sur la base du temps, et qu'il ne suffise
plus à un employeur de remettre au salarié un 4% sur le salaire
reçu pour remplacer cette période de repos annuel. Cette mesure
tient enfin compte de l'importance d'un repos annuel pour la santé et le
rendement d'un travailleur.
A l'article 68, nous trouvons ridiculement insuffisant qu'on accorde 3
semaines de vacances qu'après 10 ans de service continu chez un
même employeur, surtout lorsqu'on constate le fort taux de roulement dans
les secteurs d'activité économique à haut pourcentage de
salariés minimum, comme la restauration, l'hôtellerie et le
commerce de détail. De plus, ces secteurs ont tendance à
favoriser l'engagement de travailleurs temporaires et à temps partiel,
ce qui exagère encore le taux de roulement du personnel et
l'installabilité des conditions de travail.
Faut-il alors en conclure que l'écrasante majorité de
salariés couverts par les normes minimales ne pourrait jamais jouir de 3
semaines de vacances? Il semble bien que oui.
Nous considérons qu'une vendeuse, une serveuse, un concierge, un
ouvrier(ère) non-syndiqué(e), qui possèdent 3 ans
d'ancienneté chez un même employeur, méritent amplement
d'obtenir une juste reconnaissance de leur travail, sous la forme d'un
congé annuel payé suffisamment long pour constituer un
véritable repos.
Nous faisons également remarquer que certains pays
européens, comme la France et la Suède, accordent
déjà un mois de vacances payées au bout d'un an de
travail, et ce depuis des années. Certaines conventions collectives au
Québec contiennent également des dispositions dans ce sens.
En conséquence, nous réclamons qu'un salarié
justifiant 1 an de travail pour un même employeur, ait droit à 4
semaines de vacances payées (8%), soit 1 2/3 journée par mois.
Tout salarié justifiant moins d'un an de service aurait donc droit
à autant de journée et deux-tiers de vacances que de mois
travaillés. Toute période de vacances ne pourra être
fractionnée de façon à ce que l'une des unités soit
plus petite qu'une semaine, ce qui permet au travailleur d'obtenir une
période ininterrompue de congé annuel assez longue pour se
reposer vraiment.
A l'article 71, nous demandons qu'un salarié ait droit de savoir
un (1) mois à l'avance la période de son congé annuel,
afin qu'il puisse vraiment avoir le temps de prendre les dispositions
nécessaires à l'organisation de ce congé, et ce pour des
raisons de stabilité et de bien-être individuel et familial. De
plus, un employeur peut facilement planifier les périodes de vacances
car il connaît son entreprise.
En ce qui concerne l'article 76, nous constatons que l'on exclut encore
une fois certaines catégories de travailleurs d'une protection minimale
au chapitre des vacances annuelles. Quitte à agir par règlements
lorsque certaines situations d'emploi particulières l'exigent, le
gouvernement du Québec devrait néanmoins proclamer le droit de
tous les travailleurs(euses) à avoir des vacances! Ceci nous
paraît élémentaire et fondamental, lorsqu'on affirme
soutenir l'égalité des droits, viser le mieux-être des
citoyens et avoir à coeur la santé des travailleurs.
L'article 76, tel que formulé, nous semble donc inacceptable s'il
n'est pas réécrit dans le sens de la reconnaissance d'un droit
élémentaire tel que nous l'avons exposé plus haut.
Section V: Les repos et congés divers
II est maintenant reconnu, à travers les pays industriellement
développés du monde, que le nombre normal de jours de repos
hebdomadaire est d'un minimum de deux. Or, à l'article 77, on n'accorde
qu'une seule période de 24 heures de repos hebdomadaire, ce qui nous
ramène 50 ans en arrière dans l'histoire, où les
employés travaillaient jusqu'à 2 heures ou 4 heures le samedi
après-midi et ne se reposaient qu'une seule journée, celle du
Seigneur. Ici également, nous pouvons constater le peu de cas que le
Québec semble faire de l'évolution historique
générale et du progrès social, dans le cas des repos
hebdomadaires, surtout lorsqu'on commence à parler de la semaine de 4
jours.
Nous réclamons donc que l'article 77 soit amendé de
façon à accorder 2 repos hebdomadaires d'une durée
minimale de 24 heures consécutives chacun.
En ce qui concerne la période de repas, nous constatons que l'on
accorde 30 minutes payées de repas, à un salarié. Ceci est
un pas en avant, dont le Québec pourra être fier. Cependant, nous
ne voyons pas pourquoi ces 30 minutes ne seraient pas payées lorsque la
période de repas compte 60 minutes. C'est pourquoi, nous demandons que
30 minutes soient également payées sur une période de
repas de 60 minutes.
Pour les articles 79 et 80, nous demandons qu'on considère les
beaux-parents et les grands-parents au même titre de parenté que
le conjoint, père, mère, etc. En effet, il nous semble
déplacer qu'un(e) salarié(e) ne puisse assister son(sa)
conjoint(e) lors du décès d'un de ses parents, et ne puisse
également assister son père et sa mère lors du
décès des parents de ces derniers.
Il est rare que le décès d'un proche n'entraîne
qu'une seule journée de perturbations dans une famille. Or, les
salariés minimum n'ont certainement pas les moyens, dans le contexte
économique actuel, de s'abstenter plusieurs jours de leur travail
à leurs frais. C'est pourquoi, nous demandons que l'article 79 soit
reformulé comme suit: 1. Décès d'un(e) conjoint(e) ou d'un
enfant: 5 jours (3 payés, 2 sans solde). 2. Décès d'un
père, d'une mère, d'un frère ou d'une soeur: 5 jours (2
payés, 3 ans solde). 3. Décès d'un grand-parent ou d'un
beau-parent: 3 jours (1 payé, 2 sans solde).
Nous trouvons étrange qu'un salarié ait droit à un
jour d'absence pour le mariage d'un de ses enfants, sans rien obtenir pour son
propre mariage. De plus, il nous semble illogique d'accorder une journée
d'absence payée pour un décès, tout en ne payant pas cette
même journée d'absence pour un mariage. Nous demandons donc
qu'à l'article 80, on donne 3 jours d'absence payés à un
salarié pour
son propre mariage et, qu'on rémunère la journée
pour le mariage d'un enfant. Cependant, quand ces absences autorisées se
produisent lors d'un jour chômé, il n'est pas nécessaire de
les rémunérer.
C'est à l'article 80 qu'on introduit un début de
congé de paternité. Nous en sommes heureux. Cependant, ces 2
jours nous paraissent insuffisants et, de plus, ils sont sans solde. Cela nous
semble une bien timide initiation faite aux pères pour que ceux-ci
soient enfin encouragés à s'occuper avec leur femme de leur
enfant commun. Nous vous rappelons, à ce propos, le mémoire du
Front commun sur le congé de maternité, qui regroupait
près de 40 organismes très diversifiés, visant à
répondre au projet d'ordonnance du congé de maternité qui
est maintenant l'ordonnance 17 de la Loi du salaire minimum. Dans ce
mémoire, on demandait un congé de paternité de 10 jours
ouvrables payés. Cette revendication fut d'ailleurs reprise par la
Commission des droits de la personne, dans un document à ce sujet. Nous
présentons à nouveau cette demande, à l'article 80 de ce
projet de loi.
Il manque un article au chapitre des congés divers. C'est celui
des journées de maladie. Actuellement, il n'existe aucune disposition
permettant à un travailleur couvert par la Loi du salaire minimum
d'être rémunéré pour de courtes maladies, même
si ce dernier est tout aussi susceptible de tomber malade qu'un travailleur qui
dispose de congés de maladie. Tout employé, à un moment ou
l'autre, sera victime de maladie temporaire l'obligeant à s'abstenter de
son travail.
Faute de journées de maladies rémunérées,
les employés doivent soit perdre une journée de salaire en
s'exposant à perdre leur emploi, soit courir le risque de devenir plus
gravement malade. Etant donné que les travailleurs au salaire minimum ne
peuvent se permettre de perdre leur salaire ou leur emploi dans le contexte de
chômage et d'inflation que nous connaissons, ils sont forcés
d'aller travailler, courant le risque énorme de contaminer leurs
collègues et le public. Faut-il ici vous rappeler certaines
préoccupations sociales exprimées depuis peu au niveau du droit
à la santé au travail?
Nous recommandons donc que l'on accorde des congés payés
pour des maladies de courte durée et qu'on assure la
sécurité d'emploi dans les cas de maladie.
Nous suggérons également la mise sur pied
d'assurances-salaire obligatoires pour les cas de maladie, pour toutes les
entreprises québécoises. Ceci protégerait le revenu des
salariés en cas de maladie et, leur assurerait un minimum de
sécurité à ce chapitre.
Section VI: Le préavis et le certificat de
travail
Le préavis de licenciement et de congédiement est enfin
intégré aux normes minimales. C'est sûrement sur ce point
précis des conditions de travail que l'arbitraire patronal joue le plus
fortement. C'est là également que les travailleurs ont le plus de
difficulté à faire respecter ce droit minimal de savoir s'ils
auront toujours un emploi le lendemain, droit qui touche à la
sécurité d'emploi. Nous pourrions citer plusieurs exemples de
salariés congédiés du jour au lendemain, sans avis et pour
des raisons futiles, voire discriminatoires et, parfois même pour de faux
motifs ou sans motif du tout. Le seul recours de ces salariés reste
actuellement le préavis, puisqu'aucune autre disposition légale
n'existe pour le moment au niveau de la sécurité d'emploi pour
les non-syndiqués. Nous recommandons d'ailleurs au gouvernement
d'établir des dispositions plus strictes à cet effet, car le peu
que nous avons actuellement est bien mal respecté.
Au chapitre du préavis, nous demandons que, malgré son
intégration aux normes minimales, les recours prévus à cet
effet par le Code civil puissent être quand même exercés par
un salarié, devant les instances judiciaires concernées.
Pour les raisons expliquées plus haut, nous recommandons qu'on
modifie l'article 81 selon ce qui suit:
Préavis pour moins d'un an de service continu: 1 jour par mois,
avec une limite minimale de 5 jours. Préavis pour 3 ans de service
continu: 4 semaines Préavis pour 10 ans de service continu et plus: 8
semaines
Nous demandons de plus la reconnaissance officielle du droit
d'ancienneté, en ce qui concerne le licenciement et le
congédiement, ainsi que la suppression des mesures d'exclusion des
cadres des normes prévues à l'article 81. L'article 83 nous
semble une nette amélioration par rapport à la situation actuelle
(certificat de travail).
Section VII: Les autres normes de travail
A l'article 84, nous recommandons qu'on biffe le mot "minimum" qui vient
après le mot "salaire", et qu'on ajoute, après les mots "aucune
déduction" la mention "directe ou indirecte". Ces amendements visent
à assurer qu'un employeur ne pourra faire payer un uniforme par un
salarié selon une autre méthode que la déduction directe
sur le salaire. De plus, nous ne voyons pas pourquoi un salarié devrait
assumer les frais d'un uniforme exigé par l'employeur. Nous vous
rappelons, à ce chapitre, les pratiques de certains employeurs, visant
à faire assumer par les salariés le coût d'instruments
directement reliés à l'accomplissement d'un travail (comme des
ustensiles de luxe dans la restauration) ou le déficit d'une caisse
enregistreuse, par exemple (commerces et banques). Nous suggérons la
mise sur pied de plans d'assurances pour couvrir ce genre de situations. Il
nous semble logique d'ajouter, à ce chapitre, que l'employeur doit
également fournir, entretenir et remplacer tout équipement de
sécurité imposé par des
normes publiques pour un genre de travail précis et ce, sans
déduction directe ou indirecte sur le salaire. Ceci vise à
appliquer concrètement certains principes du Livre blanc sur la
santé-sécurité au travail.
Section VIII: Les règlements
En ce qui concerne l'article 86 et les suivants, nous réclamons
deux choses: 1. Que les normes minimales fixées par règlements,
pour certaines catégories de travailleurs, ne puissent être
inférieures à celles prévues pour les autres
salariés. De plus, le taux minimum de salaire doit être le
même pour tous les travailleurs et ce, pour des raisons
déjà expliquées plus avant dans ce mémoire. 2. Que
ces règlements soient affichés publiquement pour être
discutés avant leur adoption. Ceci est demandé dans un but
d'information du public.
A l'article 87(a), nous réclamons qu'on biffe la mention (ou au
rendement ou sur une autre base". En effet, il est grand temps qu'on abolisse
le travail au rendement (à la pièce) pour des raisons
élémentaires de santé-sécurité au travail et
de respect de la valeur humaine des travailleurs, qui ne sont pas des machines.
Combien d'accidents de travail se produisent parce que le rendement
imposé à un salarié est trop élevé par
rapport à la moyenne des possibilités humaines à ce
niveau?
A l'article 87(d), nous demandons qu'on ajoute les mots "et la
journée normale" après la mention "la semaine normale", afin de
faire la concordance avec les amendements demandés à la
durée du travail aux fins de calcul du temps supplémentaire
(chapitre IV, section II).
A l'article 87(f), nous vous rappelons le contenu du mémoire du
Front commun sur le congé de maternité, dont nous avons
déjà fait mention au chapitre du congé de
paternité. Nous résumons ici les principales recommandations de
ce mémoire. Pour plus de détails, vous pouvez toujours vous
référer au mémoire en question dont nous avons des copies
disponibles. Nous demandons d'ailleurs, qu'à défaut de loi
particulière à ce sujet, on rédige un article
spécifique pour le congé de maternité dans la
présente loi. 1. Un congé de maternité flexible de 20
semaines payées à 100%. 2. Le financement de ces congés
administré par l'Etat. 3. Un congé sans solde pouvant aller
jusqu'à 24 mois, débutant après le congé de
maternité et applicable à l'un ou l'autre des conjoints. 4. Une
loi garantissant à toutes celles et ceux qui jouiront soit d'un
congé de maternité, de paternité ou d'un congé
parental, leur droit à l'emploi et à tous les avantages qui s'y
rattachent. 5. Des avantages analogues dans le cas d'adoption ou de prise en
charge d'enfants. 6. Aucune exclusion au niveau des congés de
maternité et de paternité. 7. Que le délai de 15 jours,
prévu par l'ordonnance no. 17 (congé de maternité) en ce
qui concerne le temps accordé à une salariée mise à
pied pour grossesse, pour porter plainte par écrit selon la
procédure prévue à l'article 115 de la présente
loi, que ce délai soit porté à 30 jours ouvrables. En
effet, un délai de 15 jours seulement est irréalistement court
pour des salariées isolées et souvent mal informées, comme
les travailleuses non-syndiquées.
A l'article 87(h), nous demandons qu'on ajoute la mention "et les
équipements de sécurité", pour faire la concordance avec
nos précédents amendements.
A l'article 88, nous voulons dénoncer l'exploitation honteuse
qu'on fait subir à des handicapés physiques et mentaux et aux
détenus travaillant dans les ateliers des prisons. Certains ne sont
payés que $0.15 de l'heure pour un même travail que d'autres
salariés. Une société qui permet de telles
iniquités sur les plus démunis de ses citoyens ne peut
prétendre être reconnue comme juste et avancée socialement.
Nous réclamons donc que l'on se base sur ce principe de non-exclusion et
d'égalité des droits de tous les travailleurs face à une
loi minimale et, qu'en conséquence, on supprime l'article 88.
Section IX: L'effet des normes de travail
Nous ne recommandons aucun amendement particulier à cette section
du chapitre IV.
Chapitre V: Les recours
En ce qui concerne l'article 97, il est incroyable qu'un salarié
doive payer de sa poche et accomplir seul de multiples démarches
légales dont il n'a pas l'expérience, tout cela pour
récupérer une somme d'argent qu'il a déjà
gagnée par son travail, si on considère que les conditions
d'embauche faites à un salarié par un employeur consiste en un
contrat verval, moral ou même parfois écrit, conditions qui lui
accordent souvent un salaire horaire un peu supérieur au taux minimal.
Nous voudrions qu'on étende les pouvoirs de la commission et, donc son
budget, de façon à ce qu'elle puisse réclamer à
l'employeur, au nom du salarié, tout montant d'argent dû sur la
base du salaire intégral, et non du seul salaire minimum, comme c'est le
cas à l'article 98, au sujet des autres avantages pécuniaires
prévus légalement. Nous recommandons donc qu'on amende l'article
97 en conséquence, ainsi que tout autre article pareillement
rédigé.
En ce qui concerne la sécurité d'emploi d'un
salarié qui porte plainte auprès de la commission alors qu'il
travaille toujours chez l'employeur visé par la plainte, on devrait
accorder, en plus de l'anonymat, le droit à tout organisme voué
à la défense des normes minimales ou au bien-être d'un
groupe de personnes, qui a raison de croire que s'est commise une atteinte
à un droit reconnu par la présente loi ou par un
règlement, de faire une demande d'enquête au nom d'autrui, pourvu
que cette personne y consente par écrit. Cette mesure protégerait
sûrement mieux un salarié isolé et vulnérable que le
simple anonymat. Elle est d'ailleurs déjà reconnue par la Charte
des droits de la personne (article 70).
En ce qui concerne l'article 114, nous recommandons qu'on ajoute au
paragraphe (a) les mots "directement, et indirectement" après la mention
"d'un droit qui résulte", ceci afin d'éviter une
interprétation trop étroite et restrictive de la présente
loi et d'un règlement.
Une remarque concernant l'actuel Code du travail s'impose à
l'article 115. Nous réclamons que le fardeau de la preuve du bien
fondé d'une mesure disciplinaire pour les raisons mentionnées
à l'article 114, repose sur l'employeur. Ceci veut dire qu'un employeur
ne pourrait suspendre, congédier ou déplacer un salarié,
sans qu'il ait d'abord prouvé qu'il le fait pour d'autres motifs que
ceux de l'article 114. Nous savons tous que les procédures d'appel
devant un commissaire du travail et devant le Tribunal du travail peuvent
être très longues. C'est le salarié qui, pendant ce temps,
fait tous les frais des délais causés par ces procédures.
De plus, comment peut-on permettre que quelqu'un soit pénalisé
pour une cause où sa culpabilité n'est pas encore prouvée?
Nous demandons aussi que le salarié conserve les recours judiciaires
autres que le recours selon le Code du travail, pour l'application de l'article
114.
A l'article 108, nous demandons qu'on remplace la mention "heure
raisonnable" par "toute heure". Nous voulons ainsi qu'on cesse de limiter les
pouvoirs d'enquête de la commission et son efficacité, puisque ces
pouvoirs d'enquête sont l'une des meilleures garanties de la bonne
application de la loi.
Au sujet de la durée de prescription visant à
établir jusqu'à quel point un salarié, à partir du
moment du dépôt d'une plainte devant la commission, peut retourner
en arrière dans le temps pour réclamer le paiement de sommes
qu'il estime lui être dues, nous recommandons qu'on prévoit des
mécanismes visant à prolonger cette prescription dans certains
cas afin de couvrir rétroactivement une période d'emploi plus
réaliste. En effet, il nous semble injuste qu'un salarié, ayant
été privé durant plusieurs années d'avantages
reconnus par la loi, ne puisse réclamer leur paiement que pour une
période rétroactive d'un an.
Ce prolongement de prescription devient, d'après-nous,
nécessaire dans le cas où un salarié est manifestement
ignorant des dispositions de la loi à ce sujet, ce qui arrive souvent
à cause du peu de publicité que l'on fait sur cette loi. Nous
pensons ici surtout aux immigrants et aux Néo-Québécois,
surtout lorsque ces derniers maîtrisent mal le français, ainsi
qu'aux femmes, en particulier au chapitre du congé de maternité,
car l'ordonnance 17 est assez complexe. Nous pensons également au cas
d'un salarié effrayé par de possibles représailles de son
employeur et qui, à cause de cette crainte, hésite et attend trop
longtemps pour déposer une plainte. Et, croyez bien que ce dernier
problème est monnaie courante, car les non-syndiqués n'ont aucune
sécurité d'emploi.
Chapitre VI: La faillite
Le fait de couvrir, par la loi des normes minimales, les salariés
en cas de faillite de leur employeur, nous semble une excellente initiative et
un vrai pas en avant. Cette nouvelle disposition sera extrêmement utile,
dans le contexte économique que nous connaissons.
Nous ne passerons qu'une remarque à ce chapitre. Nous
souhaiterions qu'on amende la Loi sur la faillite, actuellement de juridiction
fédérale, afin que le travailleur soit reconnu comme premier
créancier de l'entreprise en faillite sur tout ce qui concerne le
salaire et les autres avantages pécuniaires reliés à son
emploi. Ceci n'est qu'une remarque, car nous sommes conscients qu'un tel
changement ne peut se faire au niveau de la présente loi.
Chapitre VII: Les infractions et les peines
II nous paraît essentiel que la commission applique des sanctions
sévères pour prévenir les infractions et leurs
récidives. Les peines imposées dans la présente loi ne
nous semblent pas suffisamment significatives pour mettre un frein à des
infractions multiples, surtout dans le cas de conditions de travail
inférieures à la loi (article 128). On devrait faire en sorte de
rendre impossible à un employeur, de quelque importance que ce soit, de
se soustraire à la loi, ce qui est actuellement la pratique
courante.
L'amende qu'encoure actuellement un employeur pour une première
offense peut aller de $10.00 à $100.00. Cette amende est si ridiculement
minime qu'elle ne peut, en aucun cas, constituer une mesure dissuasive et
punitive vraiment efficace, qui ferait en sorte qu'un employeur soit
réellement découragé de violer sciemment la loi. De plus,
cette amende est peu imposée en pratique, car son administration
coûterait plus de $10.00 à la commission.
C'est pourquoi nous recommandons, qu'aux articles 126, 127 et 128 de la
présente loi, on établisse les amendes comme suit:
Première offense: de $500.00 à $1500.00.
Deuxième offense: de $1500.00 à $3000.00.
Troisième offense: amende minimale de $3000.00, plus une somme
d'argent supplémentaire représentant 2% de la masse salariale
totale déboursée par un employeur dans l'entreprise où
s'est commise l'offense.
Ceci a pour but de tenir compte, au chapitre des peines, des
possibilités de paiement d'un employeur professionnel. En effet, si
$3000.00 sont plus pour un petit employeur, ils sont bien peu pour un plus gros
employeur qui, à cause de sa capacité de production
supérieure, aura eu l'opportunité de réaliser des profits
supplémentaires significatifs, en partie grâce aux infractions
commises à la présente loi.
Chapitre VIII: Les dispositions diverses, transitoires
et finales
Nous demandons qu'on supprime totalement l'article 146, parce qu'il
contredit l'article 92 de la présente loi et que, d'après-nous,
nul ne devrait être autorisé à permettre le maintien, dans
un contrat de travail, de conditions de travail inférieures à
celles assurées par une loi minimale et générale. Prenons
ici l'exemple d'un contrat de travail signé un mois avant
l'entrée en vigueur de la présente loi, et qui contiendrait des
normes de travail inférieures à celles de cette loi. Cette
signature aurait pour effet, selon l'article 146, de priver les salariés
concernés des avantages prévus par une loi minimale et ce, pour
deux ou trois ans.
A l'article 147, nous répétons notre opposition à
toute exclusion de catégories de salariés au chapitre de la
protection, avantages et recours assurés par une loi minimale.
En ce qui concerne l'article 153(a), nous demandons que l'amende
imposée à un employeur qui omet de respecter le jour
férié, chômé et payé du 24 juin (Fête
nationale), soit basée sur les mêmes taux que ceux
recommandés pour les infractions prévues aux articles 126, 127 et
128 de la présente loi.
Conclusion: Pour une politique d'ensemble dans le
domaine du travail.
Nous attendons cette loi depuis longtemps. Maintenant que nous l'avons
enfin sous les yeux, nous constatons que certaines des réformes
proposées constituent un réel avancement pour les travailleuses
et travailleurs du Québec, surtout pour les non-syndiqué(es).
Nous savons que pour les associations patronales, par exemple, le peu qu'on
nous accorde, par ce projet de loi, est déjà trop et que ces
groupes feront tout ce qui sera en leur pouvoir pour obtenir qu'on amende ce
texte, non dans le sens du progrès social et de l'égalité
des droits, mais dans celui du "statu quo", c'est-à-dire du recul. En
effet, lorsque la situation générale d'une société
progresse, ceux d'entre ces citoyens qui ne peuvent participer à cette
évolution, occupent une position de recul effectif par rapport à
la moyenne. En conséquence, nous demandons au Gouvernement du
Québec de ne céder en rien sur ce qui est actuellement inscrit
dans ce projet de loi, afin que le Québec devienne une
société où règne un peu plus
d'égalité.
Pour conclure ce mémoire, nous voudrions répéter,
en quelques lignes, nos principales recommandations. 1. Aucune exclusion de
catégories de travailleurs(euses) au chapitre des normes minimales, de
la protection et des recours prévus par la présente loi. 2. La
mise sur pied de dispositions pour assurer la sécurité d'emploi
(comme un préavis plus long, la plainte anonyme et par
délégation, les jours de maladie, etc.) et la reconnaissance du
droit d'ancienneté, en ce qui concerne le temps supplémentaire et
le congédiement, par exemple, 3. La journée de travail normale de
8 heures et la semaine de 40 heures, aux fins de calcul du temps
supplémentaire. 4. La pause-café obligatoire et payée. 5.
Un plus grand nombre de congés statutaires et divers payés et une
période de vacances payée plus longue. 6. Une application plus
stricte de la loi, grâce aux mesures suivantes: a) Des amendes plus
élevées et rigoureusement appliquées. b) De meilleurs
pouvoirs d'enquête pour la Commission. c) Un nombre accru d'inspecteurs.
d) L'établissement d'enquêtes de routine. e) Des mécanismes
visant à prolonger la durée de prescription dans certains cas. f)
La possibilité pour un organisme de déposer une plainte, au nom
d'un salarié, devant la Commission. g) La publication des noms des
employeurs ayant contrevenu à la loi, ainsi que le nombre
d'offenses.
7. Une meilleure Information du grand public à propos de la
nouvelle loi des normes minimales, grâce aux mesures suivantes: a) Une
campagne générale de publicité de la Commission sur tout
ce qui concerne la nouvelle loi. b) La rédaction d'exemplaires
vulgarisés de cette loi et l'obligation pour les employeurs d'en
remettre une copie à chaque salarié ou encore de l'afficher. c)
La publication d'avis officiels et l'établissement de mécanismes
de consultation, avant l'adoption de règlements et d'ordonnances
reliés à la présente loi. 8. L'application concrète
des principes reconnus dans le Livre blanc sur la
santé-sécurité au travail (équipements de
sécurité aux frais de l'employeur et abolition du travail au
rendement). 9. La possibilité, pour la Commission, de recouvrer le
salaire et tous les autres avantages pécuniaires reliés à
un emploi au taux intégral de salaire d'un employé, et non au
seul taux minimal.
Avant de clore ce mémoire, nous voudrions faire une remarque
d'ordre général.
L'un des aspects les plus intéressants du Livre blanc sur la
santé-sécurité au travail est certainement celui qui
recommande le regroupement, en un tout cohérent, des divers textes de
loi, des règlements et des autres dispositions légales dans ce
domaine, ainsi que l'unification des compétences et des
responsabilités au chapitre de leur application. Nous faisons ici
remarquer que la santé-sécurité est une facette des
conditions générales de travail. Il y en a d'autres, comme la
question des relations patronales-ouvrières (Code du travail) et celle
des normes minimales (Loi du salaire minimum, Code civil, etc.), par
exemple.
Toutes ces composantes forment donc un tout. Mais l'éparpillement
et le chevauchement actuels des règlementations et des
compétences nous empêchent de saisir globalement cette situation,
ce qui rend vraiment difficile la liaison des problèmes entre eux et
l'établissement de véritables solutions.
A quand une "politique d'ensemble" dans le domaine du travail au
Québec?
LISTE DES SIGNATURES
Les groupes et organismes, dont les signatures suivent, sont membres de
la Coalition des normes minimales de travail, regroupement qui vous a
présenté ce mémoire. Cette Coalition rassemble des
groupements féminins, syndicaux, de citoyens, d'immigrants et de
Néo-Québécois.
Cette liste de signatures n'est pas close. En effet, la Coalition la
laisse ouverte pour permettre à d'autres organismes de donner leur
soutien à son mémoire. Au Bas de l'Echelle.
Association du Personnel Domestique Ligue des Droits et
Libertés Mouvement Action-Chômage Ligue des Femmes du
Québec Action-Travail des femmes Comité d'action
féministe du YWCA de Montréal Office des Droits des
Détenus Service d'aide aux consommateurs du Centre communautaire
St-Urbain Centre communautaire "Pilote A" Centre communautaire
Notre-Dame-de-Grâce Centre Me Donald House Carrefour des
Associations de familles monoparentales du Québec Centre Social
d'aide aux immigrants Centre portugais d'information et de
références Service d'aide aux
Néo-Québécois et immigrants Association des
Travailleurs Grecs de Montréal Union des Travailleurs Immigrants
du Québec Carrefour International ACEF de l'Estrie
Comité des travailleurs accidentés de l'Estrie
Opération-Chômage Comité Laure Gaudreault de la
C.E.Q. Comité de la condition féminine de la C.S.N.