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Version finale

31st Legislature, 4th Session
(March 6, 1979 au June 18, 1980)

Thursday, March 22, 1979 - Vol. 21 N° 18

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Auditions concernant le projet de loi no 126 - Loi sur les normes du travail


Journal des débats

 

Projet de loi no 126

(Dix heures vingt minutes)

Le Président (M. Marcoux): A l'ordre, s'il vous plaît!

La commission permanente du travail et de la main-d'oeuvre est réunie pour poursuivre l'audition des mémoires concernant le projet de loi no 126, Loi sur les normes du travail.

Les membres de la commission sont M. Belle-mare (Johnson), M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Chevrette (Joliette-Montcalm), M. Gravel (Limoilou), M. Johnson (Anjou), M. Lavigne (Beauharnois), M. Mailloux (Charlevoix) remplacé par Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), M. Pagé (Portneuf) remplacé par M. Forget (Saint-Laurent), M. Roy (Beauce-Sud), M. Vaillancourt (Jonquière).

Les intervenants sont M. Brochu (Richmond), M. Gosselin (Sherbrooke), M. Jolivet (Laviolette), M. Laplante (Bourassa), M. Lefebvre (Viau), M. Paquette (Rosemont), M. Samson (Rouyn-Noranda), M. Springate (Westmount).

Aujourd'hui...

M. Bellemare: M. le Président, voulez-vous me permettre de vous suggérer mon remplaçant, M. Grenier...

Le Président (M. Marcoux): Oui.

M. Bellemare: ... député de Mégantic-Compton pour ce soir.

Le Président (M. Marcoux): A 15 heures, je le ferai.

M. Bellemare: Oui, d'accord. Ce soir pour demain.

Le Président (M. Marcoux): Je le ferai à la reprise de nos travaux à 16 heures ou à 15 h 30.

M. Bellemare: D'accord. Je voudrais que vous teniez compte du nom de M. Grenier, député de Mégantic-Compton.

Le Président (M. Marcoux): Parfait. M. Bellemare: D'accord.

Le Président (M. Marcoux): Aujourd'hui, nous entendrons les organismes suivants: Le Conseil du patronat du Québec, l'Association des manufacturiers de mode enfantine (10).

M. Bellemare: 10, je ne l'ai pas.

Le Président (M. Marcoux): L'Association canadienne des compagnies d'assurance-vie (11), le Bureau de commerce de Montréal (14), l'Association du personnel domestique (17), l'Association des camps du Québec Inc. (18), la Coalition des normes minimales du travail (19).

J'ai le plaisir...

M. Bellemare: Quel est le dernier que vous avez nommé, M. le Président?

Le Président (M. Marcoux): 19.

M. Johnson: La Coalition des normes minimales du travail; c'est le no 19.

Le Président (M. Marcoux): Celui qu'on... M. Bellemare: Oui, le no 19.

Le Président (M. Marcoux): Celui dont on a parlé tantôt.

J'ai le plaisir d'appeler le Conseil du patronat du Québec à venir nous présenter son mémoire. M. Dufour, si vous voulez nous présenter vos collègues.

Conseil du patronat du Québec

M. Dufour (Ghislain): Merci, M. le Président.

Le Président (M. Marcoux): Alors, je voudrais préciser, pour I'ensemble des personnes qui sont déjà arrivées pour présenter les mémoires, que les règles que la commission s'est donnée sont des règles plutôt indicatives qu'impératives. On consacre environ une heure par mémoire, dont une vingtaine de minutes pour la présentation du mémoire et une quarantaine de minutes pour le dialogue avec les députés membres de la commission. M. Dufour.

M. Dufour: Merci, M. le Président. Oui, je vous présente mes collègues. A ma gauche, M. Jean-Claude Blondeau, directeur général de l'Association des restaurateurs de la province de Québec, M. Jacques Tremblay, directeur de la recherche au Conseil du patronat du Québec, et à ma droite, M. Roger Hébert, vice-président aux ressources humaines chez Johnson & Johnson et directeur du comité de relations de travail du Centre des dirigeants d'entreprises.

M. Johnson: Et membre du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre.

M. Dufour: Et membre du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, M. le ministre.

M. Bellemare: Ainsi que vous, M. Dufour. Vous ne vous êtes pas oublié, toujours?

M. Dufour: J'ai laissé le président et membre aussi du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre.

M. Bellemare: D'accord.

Le Président (M. Marcoux): C'est un habitué de nos travaux.

M. Dufour: M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de la commission parlementaire, on

vous a déposé notre mémoire, qui fait 32 pages. C'est bien sûr qu'il n'est pas question de le lire. Est-ce qu'on pourrait quand même vous demander, en accord avec le ministre et avec l'Opposition, de verser en annexe au journal des Débats le texte intégral de notre mémoire?

Le Président (M. Marcoux): Est-ce que cette demande du Conseil du patronat sera acceptée? Elle est acceptée; cela va nous simplifier la tâche, (voir annexe A)

M. Bellemare: Mais pas le sommaire de ce matin.

Le Président (M. Marcoux): Non, non, le mémoire.

M. Dufour: M. le Président, le Conseil du patronat est d'accord avec le principe et les buts généraux d'une loi sur les normes du travail parce que nous considérons que c'est le rôle propre et normal du gouvernement de fixer les normes générales régissant l'ensemble des activités sociales. Nous avons des réticences vis-à-vis de certaines propositions du projet de loi no 126 non seulement parce que sur certains sujets, ce projet n'est pas suffisamment clair mais surtout que les moyens qu'il propose pour atteindre ses objectifs ne nous paraissent pas adéquats. Mais ces réticences sur la forme actuelle du projet de loi et sur les moyens d'atteindre ses objectifs ne remettent nullement en cause le principe de l'existence d'une loi générale sur les loi du travail.

Le premier commentaire: Le projet de loi no 126 est trop vague. Sur la moitié des sujets qu'il aborde et à propos desquels l'intention déclarée est de fixer des normes, le projet de loi no 126 ne fixe pas du tout les normes mais donne au Conseil des ministres le pouvoir de fixer des normes par règlement. Notre conception du rôle du législateur est bien différente. Nous croyons que la loi doit fixer les normes et que le pouvoir de réglementation doit porter seulement sur les règles d'application. Contrairement à ce que propose le projet actuel, nous désirons que les normes s'appliquant aux jours fériés, aux congés de maternité et les autres normes, s'il doit y en avoir, soient fixées par la loi. Cependant — et nous le mentionnons tout de suite — pour des raisons pratiques, nous admettons que le taux du salaire minimum soit fixé par une décision du Conseil des ministres à condition toutefois qu'une procédure clairement établie par la loi permette d'échapper à l'improvisation et aux décisions hâtives. Nous reviendrons d'ailleurs plus loin sur ce point.

Pour des raisons similaires, les articles 123, 124 et 125 sur le paiement des salaires en cas de faillite nous paraissent inacceptables parce qu'ils autorisent la commission à s'en occuper sans fixer les normes qu'elle aura à respecter. Cette question des faillites n'a manifestement pas encore fait l'objet d'études suffisantes pour permettre au législateur de faire des choix fondamentaux.

Dans ces conditions, il n'est pas acceptable que l'Assemblée nationale se contente de renvoyer toute cette question à une commission purement administrative. D'ailleurs, les discussions récentes à Montebello ont montré qu'il valait la peine d'étudier sérieusement l'hypothèse de la création de ce que nous, nous appelons un fonds d'indemnisation pour les cas de licenciement collectif. Il nous apparaît que ces questions sont connexes et, dans les deux cas, nous devons admettre que nous en sommes encore à l'étape de la recherche.

Deuxième commentaire, l'application des normes. Notre mémoire expose longuement les raisons d'abandonner l'idée de confier l'application et la surveillance des normes à une commission administrative autonome. L'expérience passée montre clairement qu'une telle commission ne peut pas être un arbitre impartial qui permettrait de décentraliser et de dépolitiser les décisions sur l'organisation générale du travail.

Nous accepterions l'idée d'une commission des normes du travail si tout était mis en oeuvre pour en faire un centre de décision autonome vis-à-vis du pouvoir politique tout en reconnaissant, mais vraiment, au pouvoir politique ou à l'Assemblée nationale le rôle d'arbitre final auprès duquel s'exercerait un droit d'appel.

Pour que la création de la commission des normes du travail soit justifiée, la loi devrait chercher à réaliser les trois conditions suivantes: Premièrement, que la commission soit autonome vis-à-vis du pouvoir politique, ce qui implique sa capacité de connaître les données concrètes, par ses propres études ou par ses propres consultations, et l'indépendance de ses recommandations aux décisions; deuxièmement, que les parties impliquées par les décisions de la commission puissent se faire entendre avant que ces décisions ne soient prises; finalement, que l'arbitrage final par le pouvoir exécutif soit exceptionnel et toujours publiquement expliqué.

Ce n'est manifestement pas là l'orientation choisie par le projet de loi no 126. Il reste alors, quant à nous, à aller jusqu'au bout de l'orientation choisie par la loi 126 et à confier directement au ministère du Travail la responsabilité de l'application et de la surveillance des normes. L'avantage de cette dernière solution est, premièrement, de préserver le principe de la responsabilité ministérielle vis-à-vis de l'Assemblée nationale et deuxièmement, d'éviter des dépenses inutiles, notamment en papeterie.

Quatrième commentaire, le financement du service des normes. S'il n'y a pas de raison d'avoir recours à un organisme formellement autonome, il y a encore moins de raison de chercher une source de financement autonome pour le service d'application et de surveillance des normes du travail. Premièrement, il n'y a aucun principe de justice qui puisse justifier que les frais d'un tel service soient assumés par les employeurs puisque ce n'est pas un service rendu aux employeurs. Deuxièmement, il n'y a, à plus forte raison, aucune façon d'expliquer que seules les entreprises pri-

vées soient taxées pour les fins de ce service, car si l'on admettait que ce service est une responsabilité des employeurs, les employeurs du secteur public ne devraient pas y échapper, alors que la loi ou le projet les exclut.

Troisièmement, un pouvoir de taxation dans une démocratie ne peut être exercé que par des représentants choisis par les contribuables en cause.

Quatrièmement, ce serait, quant à nous, une erreur administrative que de payer les frais d'un système de perception automatique pour aller chercher des revenus de quelque $8 millions par . année à côté du système de perception de l'Etat qui va chercher actuellement quelque $14 milliards de revenus. Les revenus du petit système représentent moins de .06% des revenus de l'Etat provincial, même pas de quoi apparaître comme premier chiffre après le point dans les statistiques de l'Etat. Le poids du système de perception, la paperasserie, la tracasserie administrative sont tout à fait disproportionnés par rapport à son produit. (10 h 30)

Cinquièmement, tous les Etats modernes sont conduits aujourd'hui à chercher des moyens de dégonfler leur appareil administratif, de contrôler plus étroitement l'usage des deniers publics et de rendre des comptes plus rigoureux à leurs contribuables. La fausse autonomie de la commission, mais surtout le pouvoir de taxation que l'Assemblée nationale lui accorderait vont à l'encontre de cette orientation.

Abordons maintenant la question des procédures préalables à l'adoption d'un règlement, procédures dont le but est d'éviter l'improvisation ou les décisions hâtives, de permettre la consultation ou un débat public et, s'il y a lieu, de redonner à l'Assemblée nationale son plein droit de contrôle sur tout pouvoir de réglementation. Les procédures prévues par les articles 32 à 35 nous paraissent tout à fait satisfaisantes à cet effet. Mais les articles 36 et 37 annulent l'effet des précédents en prévoyant le cas d'urgence et en déclarant que les règlements sont valables même si la procédure prévue par la loi n'a pas été respectée. Ces deux articles nous paraissent si inacceptables que nous préférerions que la loi ne prévoie rien du tout, laissant au Conseil des ministres le pouvoir d'agir à sa guise et sans règle, plutôt que d'édicter des règles pour dire ensuite: Nous nous réservons le droit de ne pas les respecter.

Le coût des nouvelles normes. Nous croyons que le choix des nouvelles normes ou l'élargissement des nonnes anciennes de façon assez générale sont acceptables sous réserve d'une exception, les trois semaines de vacances après dix ans de service. La seule remarque sur le coût de ces nouvelles normes est qu'il est nécessaire d'analyser l'impact de l'ensemble de ces mesures sur la vie surtout des petites entreprises. Le fait de parler de petites entreprises n'indique pas qu'il n'y aura pas des coûts additionnels aussi pour les grandes entreprises.

Nous croyons qu'une telle étude ne remettrait pas en cause le contenu comme tel des normes, mais permettrait sûrement de fixer un calendrier d'entrée en vigueur de ces normes qui tiendrait compte du taux actuel du salaire minimum ici et ailleurs. Il faut noter à ce sujet d'ailleurs que le gouvernement a justifié un salaire minimum plus élevé au Québec par le fait que d'autres normes du travail sont inférieures ici à ce qu'elles sont ailleurs.

Dernières considérations générales très importantes sur le projet de loi no 126. La Loi sur les normes du travail ne doit pas empêcher les parties, dans une négociation collective, de se donner une convention jugée par les deux parties comme étant plus avantageuse que ce que prévoient les normes générales. Sur le taux du salaire, sur les vacances et les congés, y compris le congé de maternité, on ne peut manifestement pas être en deça de ces normes et, en même temps, y trouver un avantage pour l'employé. C'est pourquoi nous croyons juste que la loi déclare ces normes, les quatre que nous venons d'identifier, comme étant d'ordre public.

Dans les autres cas, les avantages prévus par les normes peuvent être interchangeables avec profit pour les deux parties en tenant compte de circonstances particulières. Ainsi, sur un chantier éloigné, il y a avantage à travailler 50 heures ou même 60 heures par semaine pour avoir ensuite plusieurs jours consécutifs de congé. La loi ne peut pas prévoir tous les cas d'exception et c'est pourquoi nous proposons de laisser dans ce domaine le plus large champ possible aux négociations collectives. Plusieurs entreprises ou associations ont déjà présenté à cette commission les difficultés particulières qu'il y aurait pour leur secteur de s'adapter à telles normes. Pour satisfaire à ces multiples considérations, toutes fort bien fondées, il faudrait prévoir un nombre indéfini d'exceptions à la loi. Au contraire, notre proposition ne complique pas la loi et ne complique pas non plus son interprétation; en l'absence d'une convention collective, toutes les normes générales s'appliquent. Nulle convention collective ne peut déroger aux normes déclarées d'intérêt public, à savoir celles portant sur le taux du salaire minimum, les vacances annuelles, les congés fériés et payés de même que sur les congés de maternité.

Notre mémoire analyse, dans une deuxième partie, un certain nombre d'articles de ce projet de loi. Très brièvement ici, nous retenons certains de ces articles qui nous paraissent quand même de grande importance. Premièrement, le travail domestique. Le domestique qui réside chez son employeur ou qui travaille plus de 30 heures pour un même employeur serait maintenant couvert par la loi. Nous affirmons que c'est une règle, un principe tout à fait acceptable. Cependant, il faut se demander si elle est vraiment applicable et si les moyens de contrôle nécessaires pour l'appliquer efficacement ne seraient pas très coûteux, si encore ces moyens de contrôle ne représenteraient pas une intrusion excessive de l'Etat dans la

vie des foyers. Vous aurez noté que nous utilisons la forme interrogative.

Ce sont les questions que nous nous posons dans notre mémoire et il ne semble pas, à ce moment-ci, y avoir de données suffisantes pour y répondre avec assurance. C'est pourquoi nous croyons que le gouvernement doit pousser plus avant ses recherches sur ce sujet s'il veut prendre une décision réaliste qui sera probablement plus souple que la proposition actuelle.

Articles 22 et 23: Immunité des membres de la commission. Si la nouvelle commission doit exister, elle sera une corporation civile ayant les pouvoirs, les droits et les privilèges d'une corporation civile ordinaire. Cela étant dit, nous n'admettons pas que le législateur prévoie, pour les administrateurs de cette commission, une sorte d'irresponsabilité que le même législateur considérerait comme inadmissible pour les gestionnaires d'une corporation civile ordinaire.

Le pouvoir de taxation, à l'article 29h. Si la commission doit exister, l'article 29h sur le prélèvement d'une cotisation auprès des entreprises doit être soumis à l'approbation de l'Assemblée nationale après analyse des budgets de la commission, eu égard à ses objectifs et à son rendement.

Le préavis de congédiement. Le préavis doit être obligatoire après trois mois de travail et non pas dès le premier jour comme le prévoit le projet de loi actuel. Il s'agit de regarder, d'ailleurs, l'ensemble des normes dans les autres provinces pour constater que le préavis ne devient obligatoire qu'après une certaine période d'attente et cette période est généralement de trois mois.

Finalement, un dernier commentaire sur le recours à un commissaire du travail. C'est l'article 115. Il nous apparaît que le commissaire du travail est compétent surtout pour appliquer le Code du travail. Nous sommes ici dans le cadre d'une autre loi. Les inspecteurs du service des normes ou de la Commission des normes du travail, telle que projetée, sont censés être compétents pour appliquer la Loi sur les normes du travail et, quant à nous, il n'y a pas nécessité à retourner au Code du travail et au commissaire du travail. Notre objection tient au fait que, de plus en plus, dans bon nombre de lois — et c'est le cas de la loi 101 et d'autres lois — on réfère, et presque de façon automatique, tous ces cas au commissaire du travail, donnant une dimension au commissaire du travail et à tout ce qui entoure le Tribunal du travail, une connotation qui n'était pas prévue lorsque l'on a structuré le Code du travail.

Alors, voilà, l'essence de notre mémoire. Nous n'avons pas voulu reprendre, dans l'ensemble, nos principales préoccupations; elles ont déjà été véhiculées et nous serons prêts à discuter avec les membres de cette commission de ce qui vous apparaît peut-être le plus important dans nos préoccupations.

Le Président (M. Marcoux): M. le ministre. M. Johnson: Merci, M. Dufour. Merci d'avoir eu — c'est peut-être l'habitude de l'expertise du Conseil du patronat — la pensée de faire un sommaire pour cette commission. Néanmoins, nous avons étudié au ministère votre mémoire qui nous est parvenu dans les délais prolongés à la demande du conseil et d'autres organismes. J'ai environ huit pages de remarques sur chacun des éléments. Je pense qu'on va s'abstenir d'en faire la nomenclature. Je soulèverai peut-être simplement certaines des choses sur lesquelles vous avez insisté in fine; ensuite, je reviendrai sur l'approche générale que vous avez établie.

En ce qui a trait au travail domestique, d'abord, je suis heureux de constater que vous acceptez le principe, au niveau de l'application, de conditions particulières pour les domestiques. Vous soulevez cependant un problème qui est celui du contrôle. On pourrait soulever d'autres problèmes, par exemple, toute la question de la réintégration du travailleur qui se plaint du non-respect des dispositions de la loi ou d'un règlement et qui va devant le commissaire général du travail. On le conçoit peut-être plus difficilement dans le cas des domestiques. Cela doit faire une drôle de vie familiale avec quelqu'un dans la maison qui est en grief. On comprend, à la rigueur, que cela puisse exister dans une entreprise, mais dans une maison, cela doit être un peu drôle.

Il faudrait peut-être trouver des sanctions un peu particulières, mais disons que cela met en évidence le fait que cette loi prévoit que le domestique — cela rejoint une autre préoccupation de votre mémoire sur la souplesse qu'il faut avoir — fera l'objet d'une réglementation spécifique. Il faut se demander si habiter dans une maison cinq jours par semaine doit être considéré comme cinq fois 24 heures de travail au salaire minimum. Je ne le pense pas. Il est bien évident qu'il faut essayer de trouver une solution à cela. Je pense que la seule façon de le faire, c'est effectivement de l'établir par règlement.

Sur la question de l'immunité des membres de la commission, je vous ferai remarquer que ces dispositions sont standard et se retrouvent dans plusieurs lois. Je comprends qu'on dit que c'est une corporation ordinaire au sens civil, mais on dit cela également de la plupart des autres corporations simplement pour leur conférer les droits qui découlent du Code civil.

Sur la question de l'article 29h, c'est-à-dire le pouvoir de taxation, si je comprends bien, vous ne semblez pas, dans votre résumé — peut-être est-ce dû à une rencontre qu'on a eue dans un colloque, M. Dufour, récemment, alors que je vous ai établi clairement les intentions du gouvernement là-dessus — revenir sur le fait que, à votre avis, tout cela devrait être payé par l'Etat et non par les employeurs, parce que le gouvernement, comme vous le savez, a décidé, en vertu du principe qui veut que tous contribuent d'une façon ou d'une autre, particulièrement le monde des employeurs au Québec, au développement des meilleures conditions d l'ensemble des citoyens qui sont des travailleurs, qu'ils y contribuent par voie de taxation.

Maintenant, un règlement à cet effet devrait effectivement être soumis à la procédure que nous prévoyons, à des articles de prépublication, etc. Si le gouvernement voulait plaider urgence, il faudrait qu'il la justifie en vertu de la loi.

Le préavis de congédiement. Vous soulevez un problème qui a été soulevé par d'autres dans le passé et je crois que cela mérite d'être regardé également.

Sur l'introduction ou les grands principes, si on veut, la philosophie ou l'idéologie de votre mémoire, si tant est qu'on puisse parler d'idéologie — je pense que cela n'est pas le propre du monde syndical d'avoir une idéologie — reprocher au projet de loi 126 d'être trop vague, je trouve cela un petit peu sévère, M. Dufour. Il est vrai qu'environ la moitié des dispositions prévoient que c'est par règlement, mais, encore là, c'est dans un but de souplesse.

Quant au salaire minimum lui-même, qu'il soit fixé par règlement — j'ai eu l'occasion de le dire à d'autres qui vous ont précédé — je crois qu'il faut que le gouvernement assume ses responsabilités en cette matière. La conjoncture économique, la situation de la fiscalité, les différents programmes qui visent les citoyens qui sont touchés très directement par le salaire minimum sont un ensemble de points dont il faut tenir compte quand on prend une décision sur le salaire minimum. Fixer dans la loi le salaire minimum avec une formule d'indexation, comme le souhaiterait la CSN, ou avec une formule de débat obligatoire demeure, à mon avis, discutable. Je pense qu'il faut que le gouvernement soit capable d'assumer ses responsabilités là-dedans et le Parlement est là, par voie de motions, de questions avec débat, de questions tout court trois fois par semaine, pour faire valoir son opinion. L'Opposition est présente.

Sur la question de l'application des normes par le ministère du Travail vous dites, dans le fond: Ou vous faites une vraie commission autonome avec pleins pouvoirs, mais vous laissez une espèce de pouvoir résiduaire au gouvernement qui, ultimement, peut trancher, ce qui, dans le fond, est peut-être blanc bonnet, bonnet blanc ou encore vous intégrez cela au ministère du Travail. L'objectif, c'est de conserver à cette commission l'autonomie relative nécessaire pour qu'elle puisse justifier sa propre efficacité. Je ne prétends pas qu'une direction générale d'un ministère n'est pas amenée à être efficace, mais, compte tenu de l'immensité de l'appareil gouvernemental — on sait qu'il y a 23 ministres ou 26, dépendant des années et des ministères d'Etat, qu'il y a, quand même, 30 000 fonctionnaires, que cela touche six millions de Québécois et qu'on brasse $11 milliards — il est bien évident que, de temps en temps, le gouvernement sente le besoin de se prévaloir d'un organisme ou d'une structuration au niveau de ces organismes-là qui permette que ces organismes sentent le besoin de justifier leur existence non seulement de façon bureaucratique mais également en termes d'efficacité et de rendement. Cela allège finalement, paradoxalement, le poids de l'Etat. (10 h 45)

Maintenant, la responsabilité ministérielle existe toujours, et ce qu'on confirme ici, quand on parle de l'adoption de la réglementation par le lieutenant-gouverneur en conseil, c'est vraiment pour que la responsabilité politique réelle repose entre les mains du ministre du Travail et du Conseil des ministres qui ira se défendre devant le Parlement.

Sur la question du financement, on en a parlé tout à l'heure, l'Etat, les commissions scolaires, le réseau hospitalier et le gouvernement lui-même, en tant qu'employeur, sont exempts en vertu du principe que l'ensemble des payeurs de taxes au Québec contribuent, par la voie de la taxation foncière ou de la taxation sur les personnes ou les corporations, à financer l'ensemble de ces activités qui sont des services aux citoyens. Cependant, nous visons dans cette loi à inclure, au niveau du prélèvement, toutes les sociétés qui ont une vocation commerciale et qui ont un rôle actif dans le commerce ou dans le secteur industriel et qui concurrencent l'industrie privée pour assujettir ces sociétés d'Etat aux mêmes types de contraintes que l'industrie privée.

Sur la question des articles 36 et 37, je l'ai évoqué tout à l'heure, je remarque encore là qu'on a affaire à une certaine unanimité du monde patronal à l'égard de ces dispositions. C'est vrai mais, encore une fois, d'abord c'est une amélioration de la situation actuelle, on impose au gouvernement de faire une prépublication et de procéder par consultation, le cas échéant. Cependant, on dit que dans un cas jugé urgent, dont il appartiendra au gouvernement de justifier qu'il s'agit d'une urgence, il pourra procéder autrement. Comme, par exemple, si le prix des aliments devait augmenter de 11% en huit jours.

La place des négociations collectives, c'est un problème extrêmement important que vous soulevez et je peux vous assurer que d'ici à ce que nous procédions à l'étude article par article, nous tenterons de trouver une formulation qui permette de concilier l'exigence de l'affirmation de normes s'appliquant à tout le monde avec les contraintes particulières de certains secteurs industriels où il y a des négociations de conventions collectives où, finalement, librement, des associations des employeurs et des associations de salariés ont décidé de se négocier des conditions différentes, et qui poseraient des gros problèmes d'application. Je pense que votre remarque est tout à fait pertinente. Quant aux solutions qu'on trouvera, on verra.

Vous avez une approche assez globale sur toute cette question. Vous dites: Dans le fond, il devrait y avoir le salaire minimum, les vacances annuelles, les jours fériés payés et le congé de maternité qui sont d'ordre public. Le reste s'applique là où il n'y a pas de convention collective, si je vous comprends bien, indépendamment d'une notion d'équivalence. On dirait: S'il y a une convention collective, le reste ne s'applique pas.

Là-dessus, quelques autres détails à partir de votre mémoire, précisément sur l'article 38b: établir le salaire par "constaté, vérifié"; nous allons tenir compte de votre remarque. Il y a quelques

remarques sur le plan de la rédaction elle-même qui nous apparaissent à priori pertinentes.

L'enveloppe scellée, encore une fois, il s'agit d'un article qui existe en vertu de la loi actuelle. Evidemment, la situation a peut-être changé depuis les années trente mais ce n'est rien de nouveau. Ce qui peut être inquiétant, des fois, c'est que, comme il y a une nouvelle loi et qu'on donne des pouvoirs étendus à la commission, comme on a l'intention de donner plus d'effectifs et d'avoir un peu de dents dans les amendes, cela va peut-être agacer une certaine partie du secteur privé où, à toutes fins utiles, la loi n'était pas appliquée par absence de ressources, et là elle risque de l'être. Mais on veut bien considérer ces commentaires.

J'ai encore une fois, comme je vous le disais, cinq pages de commentaires. On aura peut-être l'occasion dans des échanges de correspondance, comme ces choses arrivent à l'occasion, de les reprendre. Vous aurez l'occasion de constater que nous avons accepté ou rejeté, de façon pertinente ou pas, selon votre jugement, des représentations qui ont été faites dans un mémoire qui, je pense, est fort bien documenté. Je vous remercie.

Le Président (M. Marcoux): Est-ce que vous avez des commentaires?

M. Dufour: Oui, M. le Président, quand même un certain nombre de réactions. Je n'ai pas les seize pages de notes du ministre, mais il y a quand même un certain nombre de blocs qu'on peut reprendre. Sur le travail domestique, je suis heureux de voir que vous avez signalé notre accord de principe avec cela. Vous avez surtout mentionné le problème au niveau familial, le contrôle, la réintégration, mais, dans notre mémoire, il ne faudrait pas oublier non plus tout ce qu'on soulève au niveau de l'entreprise, parce qu'on vient de faire d'une série de foyers québécois des entreprises qui seront assujetties à la législation qui s'applique aux entreprises; vous en faites des entrepreneurs professionnels. On imagine ce que cela peut sous-entendre en termes d'application de ces nombreuses lois pour quelqu'un qui embauche une bonne, peu importe, une femme de ménage, 30 heures et plus par semaine. On connaît tous les griefs que peuvent enregistrer, non seulement les PME, mais les grandes entreprises; vous avez toute la superstructure gouvernementale qu'on vient d'appliquer à un système familial purement et simplement.

Quand on a parlé de l'article 29h, dans notre résumé de ce matin, M. le ministre, nous avions bien dit, avant notre commmentaire: Si la structure actuelle doit demeurer, nous faisons le commentaire suivant. Mais, même dans le cadre de votre projet de loi actuel, nous n'accepterons pas que le pouvoir, tel qu'il est donné, soit donné à la commission. Actuellement, la commission, si je me rappelle bien, prélève effectivement 0,1%, ce qui lui donne une possibilité de revenus de $8 millions, Avec le libellé actuel de l'article 29h, de 1% de la masse salariale, cela peut nous amener à $200 millions si on se base, par exemple, sur la masse salariale de la Commission des accidents du travail. Là on vient de réaliser immédiatement le pouvoir administratif qu'on donne à une commission. C'est là que nous disons, il ne peut pas y avoir de prélèvement de ce type sans que cela passe par l'Assemblée nationale, qui est la seule, en toute équité, à pouvoir prélever des impôts chez un groupe de citoyens, et c'est un impôt.

Dans le cadre même où vous garderiez votre orientation actuelle, nous disons que ce contenu de l'article 29h devrait être soumis à l'Assemblée nationale. Par ailleurs, dès ce matin, M. le ministre, nous vous avons donné au moins cinq raisons peut-être additionnelles ou reprises sous une façon différente qui étaient déjà dans notre mémoire et qui établissent pourquoi, quant à nous, le financement du contrôle des normes du travail devrait émarger au budget de l'Etat et non pas provenir purement des employeurs. Nonobstant ce colloque auquel nous avons participé vous et moi, même si vous nous avez dit à ce moment que le gouvernement ne changerait pas d'idée, que la situation était telle quelle et qu'elle ne serait pas modifiée, pour nous c'est une réponse probablement insatisfaisante. Ce n'est pas parce que cette situation existe aujourd'hui, dans le cadre d'une révision totale de la loi, qu'on devrait s'asseoir sur des choses qui ont été déterminées en 1941. Il faudrait vraiment revoir toute cette orientation.

Vous nous dites: Le jugement est sévère lorsque l'on considère que la loi 126 est trop vague. Si vous regardez les huit normes, les huit blocs de normes qui sont prévus dans la loi, il y en a seulement quatre qui sont déterminés par la loi. Les quatre autres s'en vont directement à la réglementation. Surtout, une chose drôlement importante pour nous, les congés fériés. Vous dites dans la loi: II y aura Noël, il y aura le jour de l'An et il y en aura d'autres déterminés par le lieutenant-gouverneur en conseil. Or, s'il y a quelque chose de sensible au niveau de la population, c'est bien l'identification de ce que peut être un congé férié chômé. On a eu l'occasion de le dire, c'est une discussion qui doit se faire, quant à nous, à l'Assemblée nationale.

Prenons un exemple: si vous optez, à un moment donné, comme congé additionnel, pour le 1er mai, vous allez avoir des problèmes avec ceux qui vont plaider le premier lundi de septembre, et vice versa, le premier lundi de septembre versus le 1er mai. Alors, on a décidé, dans les autres provinces, que lorsqu'on établit un congé chômé additionnel, on le débat toujours à l'Assemblée nationale et, quant à nous, cela devrait être une chose débattue à l'Assemblée nationale. Même chose pour au moins trois autres blocs de normes.

Par ailleurs, je vous signale que la détermination du salaire, nous sommes d'accord pour la laisser, selon la tradition actuelle, au Conseil des ministres. Nous endossons finalement les remarques que vous avez mentionnées tantôt. Compte tenu de l'urgence, compte tenu d'un certain nombre de situations, il ne faudrait pas revenir constamment devant l'Assemblée nationale, mais sous réserve que la procédure de consultation est

effective. Parce qu'on veut bien prévoir — c'est vrai que c'est nouveau cette période de 60 jours de prépublication pour obtenir des commentaires — mais si à tout coup vous utilisez les articles 36 et 37, finalement on n'est pas plus avancé. Je pense que c'est de cela qu'il s'agit quand on dit que la loi est trop vague; 50% des normes ne sont pas établies dans la loi.

Sur la question de l'application des normes, nous revenons à notre position de fond; nous ne croyons pas qu'il soit nécessaire d'avoir une structure indépendante, une commission autonome pour administrer les normes. A ce moment, nous ne demandons, finalement, que ce qui existe dans toutes les autres provinces canadiennes. Cela n'existe pas, des commissions de salaire minimum dans les autres provinces. Il y a des entités qui se rattachent au ministère du Travail. De toute façon, en termes d'efficacité et de contrôle, nous pensons que vous auriez probablement une meilleure supervision si vous le faisiez directement vous-même, par vos propres ressources.

Les articles 36 et 37, on en a parlé. Vous avez vu nos préoccupations. Je suis heureux de constater que pour vous la place des négociations est importante et je pense qu'il faudrait vraiment revoir cette question.

Une question à laquelle vous avez échappé, volontairement ou involontairement, c'est la question suivante qu'on vous pose. Compte tenu de notre salaire minimum, qui est plus élevé au Québec aujourd'hui que dans toutes les autres provinces, vous ajoutez quand même toute une série de normes drôlement importantes au niveau des congés, des jours fériés, du temps supplémentaire à payer au taux du salaire horaire effectif et non pas au taux du salaire minimum, donc toute une série de nouvelles normes, et nous vous disons: On ne s'oppose pas en principe à cela. Parce que c'est bien sûr qu'avec un congé actuellement, on est en bas de tout ce qui se passe dans les autres provinces. On est entièrement d'accord sur cela. Mais, au moment où vous le faites, êtes-vous prêts à l'échelonner dans le temps? Parce que là, on ne parlera plus d'un salaire minimum de $3.47, comme cela va être le cas le 1er avril, mais cela va maintenant être un salaire minimum de $3.60, $3.65, si on tient compte de l'ensemble de ces bénéfices sociaux, et là on repose tout le problème, finalement, de la concurrence. On vous suggère un étalement dans le temps et on dit: Bon, la troisième semaine de vacances, pourquoi ne serait-ce pas, dans un premier temps, après dix ans de service, deux semaines et une journée, puis réaliser cela sur une période de peut-être cinq ou six ans, en tenant compte dans l'ensemble de la grille de tous les coûts qui sont mis en cause.

Là-dessus, M. le ministre, pourriez-vous nous donner une réaction, parce que pour nous cela est très préoccupant en termes de coût. On le mentionne dans notre mémoire. On s'est toujours fait dire que notre haut salaire minimum était justifié justement par l'absence de certaines normes de ce type. Aujourd'hui, comme on les a, comment va-t-on justifier maintenant notre taux de salaire minimum plus élevé? Là-dessus, on aimerait vraiment avoir une réponse du ministre.

M. Johnson: Bon. Moi, j'aurais rapidement trois choses à dire et je terminerai avec votre dernière question. Premièrement, sur la question de la perception, je pense que cela ne demande pas de pertinence pour vous de soulever le fait que pour ramasser $8 millions, on dépense beaucoup d'énergie. Je vous poserais une question en échange. Verriez-vous, par exemple, que le prélèvement pour la Commission du salaire minimum soit effectué par la Commission des accidents de travail?

M. Dufour: En principe, non, parce que l'on dit: II faut absolument que l'État en arrive un jour à diminuer toutes ces structures administratives, que ce soit la CAT, le "Medicare'...

M. Johnson: C'est cela, mais au lieu d'avoir... En d'autres termes, la question que je pose c'est: Au lieu de confier à la Commission du salaire minimum l'identification du bassin des quelque 100 000 employeurs du Québec, avec la paperasserie dont vous parlez pour les fins de la perception, le suivi de cela, etc., verriez-vous que ce paiement soit effectué à la Commission des accidents du travail qui a déjà cette structure sur pied et qu'il y ait des fonds qui soient versés à la Commission du salaire minimum? (11 heures)

M. Dufour: Est-ce que la CAT serait le bon médium? Je ne le sais pas. Sur le principe, je serais sûrement d'accord parce que simplement la structure de prélèvement qui doit être mise sur pied à la Commission du salaire minimum doit coûter $2 millions ou $2 500 000. Si on a les outils ailleurs pour faire ce même prélèvement et qu'on peut économiser $2 500 000 ou $3 millions, c'est bien évident qu'on va fonctionner à l'intérieur de cela. Si vous entrez sur ce terrain, on va vous dire la même chose pour l'inspection. Pourquoi l'inspection ne serait-elle pas faite par vos systèmes d'inspection? Vous entrez vraiment dans notre cheminement et on est d'accord.

M. Johnson: C'est pour cette raison, pour reprendre un autre aspect de votre mémoire, que la réintégration est faite devant le commissaire du travail et non pas devant l'inspecteur de la Commission du salaire minimum, comme vous le suggérez.

M. Dufour: Cela, on l'accepterait, M. le ministre, si vous aviez une direction générale du travail qui contrôlait les normes; que la plainte se fasse devant votre commissaire, on serait d'accord.

M. Johnson: L'autre chose, c'est sur l'application. Finalement, c'est l'application progressive et cela touche également votre dernière question. On est bien conscient qu'on arrive avec un ensemble de normes qui, à certains égards, je dois vous le dire, sont parfois difficiles à défendre

tellement celui qui vous parle les trouve timides. Je suis bien prêt à le reconnaître; on ne fera pas une révolution sociale avec cette loi, il faut être bien conscient de cela.

Une des choses qui nous a retenus, une des choses qui nous a "timorés", si on veut, à certains égards, c'est le problème économique qu'il ne faut pas nier là-dedans. Il ne faut pas se fermer les yeux et faire comme si cela n'existait pas. C'est la capacité d'imposer un fardeau additionnel à une économie qui est d'ailleurs majoritairement formée de petites entreprises qui ont des problèmes de concurrentialité, etc. On est bien conscient de cela et on a essayé de faire une évaluation économique de chacune des mesures; dans certains cas, on a des instruments extrêmement grossiers pour le faire et, dans certains autres cas, on est totalement dépourvu d'instruments pour le faire. C'est pour cela justement qu'on introduit un pouvoir réglementaire, par exemple, sur les congés fériés.

C'est bien clair que, dans sept ou huit ans au Québec, dans les conditions minimales, il va y avoir plus que trois congés fériés. Il faut se mettre cela dans la tête, tout le monde. Quand on regarde la moyenne canadienne dans ce domaine, on peut trouver que c'est un peu timide cette mesure. Par contre, si on prend l'ensemble des mesures, c'est vrai que c'est un fardeau pour les entreprises, mais ce pouvoir de réglementation va nous permettre effectivement d'introduire graduellement certaines de ces normes.

Quant à la question du congé férié spécifiquement, à savoir si ce sera le 1er mai ou le premier lundi de septembre, encore une fois, je pense que c'est une décision politique. Je peux vous donner mon opinion personnelle là-dessus au départ. Je pense que ce sera bien difficile, si jamais on a à édicter qu'il y aura un congé férié ou le 1er mai ou le premier lundi de septembre, de faire comprendre à des centaines de milliers de Québécois pour qui c'est une tradition, depuis le début du siècle, de prendre le premier lundi de septembre que ce jour ne sera plus un jour férié. Je pense qu'il appartient au gouvernement d'être capable, une fois qu'il aura pris sa décision, de la justifier. Cela n'empêche pas que le gouvernement peut avoir des pressions pour que également le 1er mai en soit un; cela en sera peut-être un jour, le 1er mai.

Encore une fois, pour les fins d'imposer un nombre de jours additionnels à l'entreprise, qui se traduit en termes de coût, il faut avoir ce pouvoir réglementaire. Deuxièmement, quant au choix de la date ou du jour, je pense que cela relève d'une espèce d'appréciation, vous me permettrez le terme, sociologique que les hommes politiques qui sont au gouvernement font de ce qu'est ce jour. Je pense qu'il faut qu'ils vivent avec cela.

L'autre point que je soulèverais est celui-ci: Verriez-vous qu'au niveau du prélèvement, on introduise une notion de plafonnement de la masse salariale pour les fins de la cotisation, encore une fois, des entrepreneurs, comme cela existe dans le cas de la Commission des accidents du travail? Il y a un salaire dit assurable dans le cas de la Commission des accidents du travail, qui est environ $18 000 indexé au salaire industriel moyen, si je ne me trompe pas. Finalement, on cotise la masse salariale jusqu'à un maximum de tant. Dans la loi actuelle, avant le projet de loi no 126, le plafonnement est établi à $8000. Il est évident qu'il va falloir augmenter cela, mais verriez-vous qu'il y ait un plafonnement, au départ, et où le situeriez-vous à peu près?

M. Dufour: Où on le situerait... C'est une autre affaire.

M. Johnson: C'est une autre affaire; il me semblait! Verriez-vous qu'il y ait un plafonnement?

M. Dufour: C'est sûrement un élément important pour nous. Entre un plafond de salaire admissible, comme on l'a aux fins de la CAT qui est de $20 000, je pense, et 1% de la masse salariale, c'est le jour et la nuit. C'est un élément qui serait sûrement important. Mais pour nous, cela va beaucoup plus loin que cela, si vous me le permettez, M. le Président. L'on dit: Tu ne peux pas cristalliser cela, a priori. Tu vas prélever auprès d'un groupe ou tu vas demander à l'Etat — parce que dans notre tête cela devrait émarger au budget de l'Etat — l'argent dont tu as besoin pour rendre les services. Aujourd'hui, il semble que c'est $8 millions. Mais que sera cette nouvelle Commission des normes du travail? C'est très difficile, au départ, à établir. Quels sont les services qu'elle va donner? On parle du fonds de faillite, on lui donne un drôle de pouvoir au niveau du fonds de faillite, et on ne peut pas marcher là-dedans actuellement. Vous laissez complètement à la Commission des normes du travail le soin d'établir toute réglementation possible au niveau de la faillite. Est-ce que cela va être $30, $100, $300 par semaine? Aucune idée. C'est bien évident que l'élément qui permet, dans une loi, de déterminer où tout le monde s'en va, c'est bon. Mais préalablement à cela, nous disons, compte tenu de ce que sera cette commission, compte tenu de ce que sera cette direction générale, dans nos termes, compte tenu des responsabilités qu'elle assumera, au niveau de la faillite, notamment, qui est un problème énorme, on dit: Pourquoi l'Assemblée nationale ne voterait-elle pas tous les ans le budget de cette commission? Il découlerait un prélèvement, lequel prélèvement, si vous optez pour qu'il soit payé par les employeurs, on n'est pas d'accord et vous le savez, mais il y aura eu au moins un débat sur cette question. Mais ce serait difficile aujourd'hui de dire: II faut tant. Est-ce $8 millions, $20 millions qui seront requis pour cette commission? On ne le sait vraiment pas.

M. Johnson: D'accord. Merci.

Le Président (M. Marcoux): Le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président, deux des questions qui ont été soulevées par le présent mémoire sont

de caractère plutôt général et touchent à un point extrêmement important. Le premier d'entre eux touche à un point extrêmement important, c'est-à-dire la raison d'être d'une Commission des normes du travail. On aurait pu supposer, avant d'entendre le ministre tout à l'heure, que s'il avait présenté un projet de loi de manière à préserver une structure distincte pour l'administration de cette loi, c'est qu'il n'osait tout simplement pas abolir un organisme que lui a légué la tradition, même s'il ne pouvait décrire aucune espèce de fonction autonome que peut jouer une telle commission. Et, effectivement, je pense qu'on a pu vérifier que la défense la plus faible d'un organisme autonome que j'aie jamais entendue de qui que ce soit c'est le genre d'explication qu'on vient d'entendre.

Malgré tout, on aurait pu aussi supposer que le ministre ne voulait pas supprimer une commission autonome afin de ne pas s'enlever le pouvoir de placer un certain nombre de personnes comme membres de la commission. On sait que cela s'est fait dans le passé. Ce n'est certainement pas un des fleurons de la Commission du salaire minimum, mais cela s'est fait avec le nouveau gouvernement, si je comprends bien, puisqu'il y a eu des nominations, au moins une nomination, de gens qui sont bien connus, au moins du ministre de la Justice si ce n'est pas du ministre du Travail. Maïs je ne fais pas l'imputation de motifs aussi déplorables au ministre.

M. Johnson: Je l'espère!

M. Forget: Je pense qu'il a un autre motif que l'on vient de découvrir lors de la discussion de ce pouvoir d'imposition. C'est, dans le fond, une préoccupation qui tient beaucoup plus aux préoccupations du ministre des Finances qu'aux préoccupations du ministre du Travail.

On assiste, dans un certain nombre de secteurs gouvernementaux, à une multiplication rapide des cotisations, des charges spéciales, des taxes affectées à certains services, et on peut voir que la seule raison d'être, dans le fond, de la Commission des normes du travail sera d'aller chercher indirectement ce que le ministre des Finances cherche à ne pas faire directement, c'est-à-dire aller chercher des revenus additionnels pour le financement de services qui, essentiellement, devraient émarger au budget de l'Etat. Le ministre joue un peu sur les mots lorsqu'il dit qu'il a laissé entendre au sommet de Montebello que ce sont les entrepreneurs, que ce sont les employeurs qui avaient la responsabilité d'améliorer les conditions de travail des travailleurs. C'est évidemment jouer sur les mots, parce que, bien sûr, c'est à eux que revient la responsabilité puisque c'est d'eux que les salariés reçoivent leur salaire. Cela peut difficilement venir de qui que ce soit d'autre. Mais c'est jouer sur les mots; la vérification ou le contrôle de cette activité, il n'est pas du tout acquis que ce doit être une responsabilité des employeurs. Par définition même, puisqu'il s'agit de contrôle, c'est une responsabilité qui ne peut pas leur revenir. Il faut bien qu'ils soient contrôlés par quelqu'un d'autre et non pas eux-mêmes. Donc, ce genre de raisonnement établit assez clairement que la Commission des normes du travail n'aura aucune espèce de réalité indépendamment de la volonté gouvernementale, mais cela fournira une occasion commode pour aller chercher des revenus que le ministre des Finances est fort aise de ne pas avoir à aller chercher par des impôts généraux.

J'aimerais dans cette veine-là, M. le Président, demander à nos invités si les conditions qu'ils énumèrent dans leur mémoire pour qu'une telle commission soit vraiment indépendante leur apparaissent vraiment suffisantes et véritablement de nature à donner une réalité à la Commission des normes du travail. Quand on dit qu'elle doit être autonme vis-à-vis du pouvoir politique, ils suggèrent que ce serait suffisant là-dessus, pour qu'elle soit autonome, qu'elle puisse faire une analyse des données relatives aux conditions du travail. C'est peut-être là une des conditions, mais elle n'est pas nécessairement exclue par la possibilité de financer n'importe quelle espèce de service de recherche sur les conditions de travail. Dans le fond, ce qui importe, ce n'est pas tellement de savoir d'où viennent les données; c'est de savoir ce qu'on fait avec et avec quel esprit d'indépendance on les évalue, on estime les besoins d'amélioration de normes ou de décret de nouvelles normes. Il doit donc y avoir, au niveau de la structure même de la commission, du mode de nomination, des critères qui doivent être utilisés pour la détermination des normes, des choses qui seraient effectivement les points d'ancrage de cette autonomie. Je ne sais pas si M. Dufour pourrait préciser cela, mais il me semble que c'est absent de la loi de façon radicale. Tout est laissé au discrétionnaire. Même si on avait un service de recherche, ce n'est pas cela qui rendrait autonome la commission en question.

M. Dufour: M. Forget, M. le député, comme on a fait une recherche là-dessus dès 1974 pour établir vraiment ce qui, pour nous, était une commission du salaire minimum, je vais demander à M. Tremblay de rappeler un peu le cheminement qu'on a fait et qui nous conduit à cette proposition.

M. Tremblay (Jacques): Nous n'avons pas fait en réalité une proposition définissant les conditions exactes qui permettraient de réaliser les objectifs que nous définissons ici pour une commission du salaire minimum ou une commission des normes du travail. Nous définissons quels seraient les objectifs idéalement, en quelque sorte, d'une commission autonome. Comme le choix du projet de loi que nous avons à discuter ici nous met sur une autre piste, nous n'avons pas cherché à définir quel encadrement juridique nous permettrait d'atteindre ces objectifs. Vous posez la bonne question. Comment pourrions-nous obtenir une nomination de membres dans une telle commission qui assurerait à une telle commission sa

véritable autonomie de pensée, sa véritable autonomie d'action, qui en ferait un véritable représentant de ceux qui paient ce service? Nous n'avons pas répondu à cette question. Nous disons simplement que, si nous voulions atteindre un tel objectif, il faudrait répondre à de telles questions. En fait, pour aller jusqu'à définir les conditions qui feraient une commission des normes du travail conforme à nos objectifs, il aurait fallu réécrire tout un cadre juridique pour une telle commission. (11 h 15)

Nous constatons, si on regarde l'historique de la Commission du salaire minimum, que l'évolution n'est pas allée vers la réalisation de sa véritable autonomie. De façon générale, rien, malgré ses 40 ans d'existence, presque, n'a permis à cette commission de devenir en elle-même un témoin qui aurait eu une véritable crédibilité dans les débats sur l'organisation du travail. En réalité, la Commission du salaire minimum a administré un certain nombre de règles, mais n'a jamais eu de crédibilité comme telle dans des dossiers portant sur l'organisation générale du travail.

Cela étant constaté, on est un peu amené à dire: Au fond, cet idéal d'une commission autonome dans laquelle se retrouveraient des représentants des parties impliquées — mais par quel mécanisme aurions-nous des représentants des parties impliquées — n'est peut-être pas accessible. C'est pourquoi nous sommes un peu amenés à revenir à l'idée de représentation au niveau de l'Assemblée nationale, au niveau de ceux qui représentent normalement l'ensemble de la société. Nous ne pensons pas que, dans la complexité actuelle de la société, il soit tellement facile d'avoir, à côté de l'organisation qu'est le Parlement, une autre structure qui pourrait être considérée comme représentative des diverses parties impliquées. Mais les diverses parties impliquées, finalement, ce sont tous les mêmes citoyens, soit à titre d'employeurs, soit à titre d'employés.

Finalement, cet idéal d'une commission qui serait rattachée aux parties impliquées n'est peut-être pas si facile à réaliser. Peut-être y a-t-il une nécessité dans l'évolution historique d'en arriver à faire de cette commission un organe de l'Etat. Si on arrive à un tel résultat, quelles que soient les bonnes intentions qu'on peut reconnaître au législateur de 1940, je pense qu'on doit avoir l'espèce de réalisme qui dit: Finalement, c'est un organe de l'Etat; c'est sur un autre ton, sous un autre nom, un service du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre. De toute façon, l'argent de la commission passe au ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre, sous divers titres dans certains programmes particuliers, et une bonne part des perceptions ramassées par la Commission du salaire minimum repasse ensuite au ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre sous divers services, $2 600 000, je pense, dans le dernier rapport. Finalement, cette réalité étant là, je pense qu'il vaut mieux raisonner à partir de cette réalité plutôt que de chercher une structure idéale qui aboutirait, qui pourrait répondre aux objectifs difficiles à atteindre qui étaient peut-être l'intention du légis- lateur en 1940 dans une société beaucoup moins complexe et vis-à-vis d'une organisation de l'Etat beaucoup moins complexe.

M. Forget: Je vous remercie. Dans un autre domaine, celui de la question des travailleurs domestiques, vous avez soulevé, M. Dufour, la possibilité, mais de façon très générale, qu'il y ait toutes sortes d'autres règles qui s'appliqueraient aux foyers qui engagent des domestiques. Si on fait ce précédent d'inscrire comme employés réguliers les domestiques, à ce moment-là, les foyers deviennent des entreprises. Pourriez-vous nous donner une idée des autres restrictions, règlements ou exigences qui deviendraient applicables aux foyers qui, à ce moment-là, engagent des domestiques?

M. Dufour: Notre compréhension, c'est que l'article 29 s'appliquerait parce que les foyers deviennent des employeurs. Or, l'article 29 dit: "La Commission peut, par règlement — peut, mais elle va le faire de façon automatique — d) rendre obligatoire, pour un employeur professionnel, un système d'enregistrement de tout travail qu'elle régit ou la tenue d'un registre où sont indiqués les nom, prénom et résidence de chacun de ses salariés, son emploi, l'heure à laquelle le travail a commencé, a été interrompu, etc.; e) ... lui transmettre à des périodes qu'elle détermine, un rapport écrit donnant les nom, prénom et adresse de chacun de ses salariés, etc." Il n'y a pas d'exclusion. Le cadre familial vient d'être incorporé dans l'article 29d. Alors, on imagine que tout cela s'applique, à moins qu'on nous confirme le contraire pour les fins d'application de cette loi. Mais après, l'employeur en question aura à transiger avec le Revenu national, le Revenu provincial, la Régie des rentes, l'assurance-chômage, etc.

M. Johnson: Est-ce que le député de Saint-Laurent me permettrait d'intervenir là-dessus? C'est peut-être une affaire d'interprétation des articles 29d et 29e, pour éviter qu'il y ait un long débat là-dessus. L'article 29e dit bel et bien: "Obliger un employeur professionnel ou une catégorie d'employeurs professionnels qu'elle désigne à lui transmettre à des périodes qu'elle détermine, etc." En d'autres termes, il est très clair que, dans le cas des domestiques, ce qu'on veut faire, c'est pouvoir les assujettir à un régime qui permette qu'ils ne soient pas dans des conditions d'exploitation qui sont inacceptables, comme cela peut exister dans certaines catégories d'employeurs qui utilisent les services de domestiques.

Cependant, il n'est évidemment pas de la volonté et de l'intention du gouvernement de faire en sorte qu'on transforme tous les foyers au Québec en employeurs au sens de la loi, qui remplissent des formulaires en 14 copies, qui transigent quotidiennement avec les organismes d'Etat avec les mêmes ennuis que vous avez, vous autres, dans l'entreprise. Je pense que les citoyens ont déjà assez d'autres choses à endurer et qu'il y a déjà assez d'une catégorie de citoyens corpo-

ratifs qui s'appellent les entreprises qui le subissent qu'on n'est pas obligé de l'imposer aux foyers en plus. Mais, encore une fois, il s'agit clairement d'affirmer qu'il y aura un régime pour les domestiques parce qu'on veut les couvrir et les protéger à certains égards. D'autre part, on veut faire en sorte par l'article 29e — il y a peut-être un problème de rédaction de l'article 29d — qu'on puisse quand même ne pas assimiler constamment les employeurs à la maison à la catégorie des employeurs professionnels pour les fins de production de rapports.

M. Dufour: M. le ministre, si vous me le permettez, ce que vous dites, c'est pour ce que vous, vous contrôlez comme ministre du Travail. Mais vous ne pouvez pas contrôler toutes les autres formules qui vous échappent et qui devront être remplies parce qu'il aura à en produire à l'impôt, il aura à en produire à la Régie des rentes, etc. Il y a toute cette dimension qui vous échappe. Même si vous le faites par règlement et que vous le rendez très souple — et je pense qu'il le faudra; sans cela, ce sera impossible — du fait de le reconnaître comme un employeur dans ce cadre, vu que toutes les autres législations vous échappent — il sera assujetti à cela.

M. Forget: M. le Président, puisque je suppose qu'il s'agissait d'une parenthèse qu'a ouverte le ministre, il reste que ce n'est pas suffisant, encore une fois, d'affirmer qu'il y aura des rédactions nouvelles dans tel ou tel règlement. Il reste que le principe même de chercher à protéger certaines catégories de personnes, comme les domestiques, par une loi qui est essentiellement faite pour suppléer à la carence d'une convention collective dans des relations entre un employeur et les employés pose un très grand nombre de questions. On peut s'interroger même du point de vue des domestiques eux-mêmes, à savoir si la situation nette qui sera la leur une fois toutes ces lois appliquées à leur situation particulière sera plus avantageuse que celle qui prévaut actuellement.

On n'a qu'à penser justement, pas simplement du point de vue de l'employeur, mais du point de vue de l'employé, à ce qui lui restera comme salaire net une fois qu'il aura fini de verser toutes les contributions. Le ministre peut bien dire: Toutes ces lois sont faites pour s'appliquer également aux domestiques. Sans aucun doute, mais on n'a pas besoin de se faire de cachette. Entre nous, je pense bien que tout le monde sait que le travail domestique en particulier est largement en marge du fonctionnement économique ordinaire, du statut de salarié ordinaire, ce qui fait que la plupart des domestiques ne paient pas d'impôt, par exemple. Si on doit les assujettir à toutes ces lois, à toutes ces réglementations, les faire entrer dans le réseau économique régulier et ordinaire, ils vont se retrouver avec un résidu qui va être inférieur, dans la plupart des cas, à ce qu'ils ont dans le moment. Dans bien d'autres cas, on va rendre impossible parce que déraisonnablement onéreux, l'emploi de domestiques puisqu'il y a bien peu de personnes, il y a bien peu de foyers au Québec qui peuvent payer l'équivalent des quelque $200 bruts qui seront nécessaires pour payer toutes les cotisations à tous les régimes, les impôts, etc., et rester avec un salaire net qui est décent.

Je pense que c'est toute la philosophie de protéger un groupe de gens qui peuvent être mieux protégés par d'autres législations. Je rappellerais au ministre que, dans certaines juridictions, dans certains pays qui sont parmi les plus progressistes, il n'existe même pas de législation sur le salaire minimum parce qu'on juge que d'autres mécanismes sociaux sont plus efficaces pour protéger les travailleurs, même ceux qui sont au bas de l'échelle des revenus.

Quel que soit le jugement qu'on peut porter là-dessus — et ce n'est peut-être pas transférable au Québec, de toute manière — il reste que vis-à-vis de la mam-d'oeuvre domestique, le programme, par exemple, qui est annoncé pour dépôt dans quelques jours par le gouvernement d'un revenu minimum fait que cela établit un plancher en dessous duquel une rémunération nette ne peut pas tomber. Il faut voir justement si, appliqué aux travailleurs seuls, sans familles, qui ne sont pas soutiens de famille, ce plancher n'est pas suffisant pour garantir une protection adéquate, c'est-à-dire essentiellement donner une alternative adéquate sans soumettre tout le monde à des tracasseries et à des charges fiscales qui s'appliqueraient même aux domestiques, ce qui ferait que leur situation serait pire à la fin que celle qu'on veut corriger initialement

M. le Président, je pense que, de ce côté, il serait facile de dire, et sans exagérer, qu'une réglementation comme celle-là éventuellement ne pourrait être envisagée que si le gouvernement voulait non pas tellement protéger les travailleurs domestiques, mais s'assurer qu'il détient une espèce de levier pour rendre applicables de façon efficace les lois de l'impôt. C'est un peu une autre façon, dans le fond, d'étendre l'application des lois de l'impôt indirectement, alors qu'on n'a pas, dans ce secteur, réussi à le faire directement. Je pense que c'est un objectif fiscal beaucoup plus qu'un objectif social que le gouvernement pourrait poursuivre par cette mesure, et que les questions qui sont posées dans ce mémoire-ci, mais dans un tas d'autres, relativement à cette question, méritent énormément d'attention de la part du gouvernement.

Pour ce qui est des autres remarques, M. le Président, qui sont contenues dans le mémoire du Conseil du patronat, je pense qu'on a déjà eu l'occasion, lors de l'audition d'autres mémoires, de souligner qu'il nous apparaît également que les articles 36 et 37, de même que l'article 86 dans sa formulation actuelle qui permet d'exempter à peu près n'importe qui, n'importe quoi par catégories ou généralement de l'application d'une loi, dans le fond qui permet d'abroger la loi sélectivement pour des catégories non spécifiées d'avance, c'était un abus du pouvoir réglementaire. Cela devrait être retranché. De toutes manières, la flexi-

bilité légitime que peut rechercher le gouvernement dans la modification des taux de salaire minimum et même dans la spécification d'un certain nombre de normes additionnelles au niveau des congés, etc., n'a pas du tout besoin d'une espèce de pléthore de pouvoirs réglementaires qu'on retrouve dispersés un peu partout dans le cadre du projet de loi.

Je précise cela parce que le ministre va certainement vouloir argumenter qu'il a besoin de cette flexibilité, et je pense que cela a été admis par le groupe qui est devant nous et par d'autres groupes également. Il y a besoin de flexibilité et on n'est certainement pas, du côté de l'Opposition, pour condamner l'effort pour insérer un certain degré de flexibilité dans des règles où on doit tenir compte de la situation économique, de la possibilité de compenser une augmentation moindre du taux par une augmentation des congés, etc., un certain nombre de facteurs qui sont présents, sans aucun doute, dans l'esprit du ministre. Par contre, cela doit être strictement limité aux occasions où une flexibilité est essentielle et ne pas s'étendre indûment à tous les autres aspects de l'application de la loi. Autrement, on légifère pour rien, étant donné qu'on pourra demain suspendre par règlement une loi qu'on aura votée à l'Assemblée nationale après consultations, débats prolongés, avis à toutes les parties. Ce n'est sûrement pas l'intention du ministre, dans le moment. Je pense que c'est mis par excès de précaution et de prudence de la part des rédacteurs, et il y aurait intérêt à réviser de façon très sévère l'ensemble de ces pouvoirs réglementaires. C'est tout, M. le Président. Je remercie nos invités de leur présentation.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Johnson, est-ce que vous avez des commentaires?

M. Bellemare: Oui, certainement.

Le Président (M. Marcoux): Un instant.

M. Bellemare: Depuis que j'ai entendu le ministre parler de timoré, je ne pense pas que ce soit son cas. Il ne me fait pas l'impression d'être un homme timoré du tout. Au contraire, je pense qu'il a envisagé le problème dans son ensemble et il va selon les conditions psychologiques de la situation économique qu'on a actuellement. Dans trois ans, dans deux ans, il aura passé son état de timoré pour devenir peut-être plus réaliste dans certains domaines. (11 h 30)

D'abord, je voudrais vous féliciter, messieurs du patronat, d'avoir si bien étayé votre base de discussion sur cette loi. Vous ressentez sûrement, comme plusieurs autres, notre appréhension sur les articles 36 et 37, quand on parle d'urgence, d'intérêt public; le règlement sera valide même s'il n'y a pas de publication. Je pense que nous sommes d'accord depuis longtemps sur ce trop qui est dans la loi; les articles 36 et 37 donnent au gouvernement un pouvoir assez extraordinaire, sans au préalable avoir les consultations requises.

On arrive demain matin, particulièrement sur la loi 126, aux articles 123 et 124 comme vous l'avez défini, au chapitre des faillites; il est marqué que la commission peut — pas doit — faire un règlement comme conséquence de la faillite d'un employeur. Mais quels sont les règlements qui vont être édictés, quelles sont les possibilités de 0,1% à 1% selon la loi qui est là? Rien ne nous dit qu'il n'y aura pas un tarif spécial pour les faillites. On ne le sait pas. Dans la loi, lorsqu'une ordonnance de séquestre est rendue, comment va-t-on l'établir? Aussi, lorsqu'on fait une cession au sens de ladite loi et, troisièmement, lorsque l'ordonnance de liquidation est rendue contre une corporation. Ce sont encore des choses qui vont nous être données par règlements qu'on ne connaît pas qu'on ne peut pas prévoir, elles ne sont pas dans la loi, et qui seront discrétionnaires. On ne pourra pas jusque-là voir véritablement quelles sont les responsabilités des employeurs vis-à-vis de l'employé.

Vous avez ajouté, à un moment donné, dans votre mémoire, que vous n'étiez pas responsables des employeurs puisque ce n'est pas un service rendu aux employeurs. C'est dans votre mémoire, et je pense que l'employeur est conscient depuis 40 ans de sa responsabilité vis-à-vis de l'employé. On change les normes, on change la structure de la Commission du salaire minimum, mais vous avez vécu avec cette commission depuis 40 ans. Vous avez prévu depuis 40 ans les possibilités d'avoir des griefs, tout cela, d'être appelés à vous défendre si vous ne respectez pas au moins le précis qui est dans la Loi du salaire minimum. Je ne comprends pas pourquoi vous dites aujourd'hui, en 1978, que ce n'est pas votre responsabilité, les employeurs. Vous ne dites pas que ce n'est pas votre responsabilité, vous dites: Un tel service soit assumé par les employeurs puisque ce n'est pas un service rendu aux employeurs. Ecoutez, la logique en 1978 me semble manquer d'aplomb.

Il y a une autre chose sur laquelle je voudrais attirer votre attention, c'est que j'aimerais bien connaître, vous qui êtes présents dans bien des comités paritaires, quel sera l'impact des futures relations des comités paritaires avec la Commission des normes du travail. J'aimerais bien connaître cela, parce qu'à mon sens les comités paritaires vont disparaître. C'est une institution qui est chez nous dans notre législation présentement qui fait d'immenses progrès et qui rend d'immenses services. Mais, par l'imposition des nouvelles normes qui sont des normes du travail fixées par la loi, je pense que le comité paritaire va perdre beaucoup de sa force, qu'il va se disloquer.

Une autre chose — vous prenez des notes, je suppose, je n'ai pas besoin de vous dire cela, je sais qu'ils en prennent — je voudrais simplement attirer l'attention du ministre sur l'immunité des membres de la commission. Il y a les articles 22 et 23 qui en traitent. Elle sera une corporation civile ayant les pouvoirs, les droits et les privilèges d'une corporation civile ordinaire. D'accord. Qu'est-ce que vous faites des droits acquis? Ce n'est pas à

vous que je demande cela, je demande cela au ministre. Qu'est-ce que le ministre fait des droits acquis? Est-ce qu'il reconnaît les droits acquis de ceux qui sont là présentement? Est-ce qu'il se garde une provision spéciale pour dégommer, comme on dit, certaines gens dont la figure ne lui irait pas? Je ne pense pas que ce soit cela. Le ministre est bien trop...

M. Johnson: Si vous ne le pensez pas, ne le dites pas.

M. Bellemare: Je ne le pense pas, mais je voudrais vous avertir que j'ai une "susceptibilité" qui me laisse peut-être...

M. Chevrette: Une suspicion.

M. Bellemare: ... certains doutes; j'ai le droit de les exprimer. En démocratie, je sais que, quand on a le pouvoir, on peut faire bien des choses.

M. Johnson: Est-ce l'ancien président de la Commission des accidents du travail qui parle?

M. Bellemare: Non, parce que je n'ai pas été longtemps là. Le peu de temps que j'y ai été, j'ai fait bien du bien. Si vous voulez relever les assemblées...

M. Johnson: Je l'espère.

M. Bellemare: Oui, beaucoup de bien et j'ai rarement coupé des têtes. Rarement. Il y en a une pour laquelle c'est vous qui avez pris la responsabilité de le faire...

M. Johnson: Vous auriez peut-être dû, dans certains cas.

M. Bellemare: ... chose que j'avais, depuis longtemps, le goût de faire, mais que je n'ai pas faite. C'est vous qui l'avez fait.

M. Johnson: Je vous remercie.

M. Bellemare: A cause de la question que j'ai posée au feuilleton, le lendemain matin, il y avait la lettre de démission du gars. J'ai remarqué cela, aussi.

Quant à ces droits privilégiés, ces droits acquis en vertu de la Loi de la fonction publique, je tiens à le dire, je n'ai personne à protéger, mais je serais heureux si le ministre nous faisait un commentaire sur l'avenir de ceux qui ont servi pendant des années la Commission du salaire minimum. Dans le mémoire, il est dit ceci: "Cela étant, nous n'admettons pas que le législateur prévoie pour les administrateurs de cette commission une sorte d'irresponsabilité." C'est attirer l'attention du législateur sur le fait que ce serait inadmissible pour les gestionnaires d'une corporation civile ordinaire. Ceux qui ont bien servi à ce jour méritent sûrement au moins l'appréciation de ceux qui vont parfaire le comité, la nouvelle commission paritaire.

Je passe maintenant aux congés fériés, M. Dufour. Vous avez parlé du premier lundi de septembre avec la fête du travail, ou la fête des travailleurs du 1er mai. Est-ce qu'on n'aura pas aussi, avant longtemps, le "Yom Kipicour".

M. Johnson: Le Yom-Kippour. M. Bellemare: L'Om Kippour? M. Johnson: Yom-Kippour.

M. Bellemare: Y-o-m-K-i-p-p-o-u-r, est-ce cela?

M. Johnson: Oui.

M. Bellemare: Bon. Est-ce qu'on n'aura pas cela bientôt? Peut-être...

M. Johnson: C'est la fête annuelle des Juifs. Une Voix: Le Jour de l'Expiation hébreu.

M. Bellemare: C'est le jour des Hébreux et Dieu sait combien il y en a dans la petite et la moyenne entreprise! Je ne le sais pas, mais je pense que cela pourrit être un jour qui retienne l'attention du ministre.

En terminant, M. le Président, je sais que M. Dufour va me donner certaines explications quant à l'application de la Loi sur la faillite, quant à l'application du 1% prévu dans la loi. On peut aller jusqu'à la limite de 1% alors qu'actuellement on a 0,1%. Comme vous le dites, vous avez fait des chiffres. Vous dites que c'est peut-être de l'ordre de $200 millions, mais je ne pense pas que le ministère aille jusque là. Dans la Loi sur la faillite, tout reste possible pour l'imposer aux employeurs.

M. Johnson: C'est fédéral.

M. Bellemare: La loi est fédérale. Je sais que la loi est fédérale. La Loi sur la faillite est sous la responsabilité du gouvernement fédéral et Dieu sait, même si c'est fédéral, combien il y en a dans la province!

M. Johnson: C'est votre meilleure de la matinée! Cela en relève pas mal d'autres.

Une Voix: Vous ne vouliez pas le dire comme ça?

M. Johnson: C'est toujours à cause du fédéral, comme vous le savez.

M. Bellemare: Je l'attendais depuis longtemps, celle-là.

Le Président (M. Marcoux): Avez-vous des commentaires, M. Dufour?

M. Johnson: Sur quoi, au. juste?

M. Dufour: Sur les congés fériés, je vais passer vite parce que c'est justement ce qu'on

pose comme problème: Quel sera le choix de ces congés fériés?

Sur les comités paritaires, ils sont exclus du prélèvement, tout comme les entrepreneurs assujettis à la loi 290. Ce que vous soulevez au niveau du rôle à venir des comités paritaires pour nous est préoccupant. C'est un dossier, d'ailleurs, qu'on discutera éventuellement avec le ministère du Travail parce que c'est vrai que c'est un dossier préoccupant. J'aimerais plutôt retenir vos deux commentaires, celui sur le prélèvement et celui sur les faillites. Sur le prélèvement, vous dites: Parce que c'est là depuis 40 ans, cela doit demeurer à peu près comme c'est aujourd'hui. Evidemment, ce n'est pas notre approche. On a bien dit tantôt qu'en 1941, quand ce mode de prélèvement a été trouvé, cela s'adaptait à la situation; il y avait de nouveaux organismes de ce type qui étaient mis sur pied et il fallait trouver une formule, on a trouvé celle-là.

Entre-temps, depuis 40 ans, pour d'autres services de contrôle, d'autres services d'inspection — je vourais en nommer un que vous avez bien connu, le service de contrôle et d'inspection au ministère du Travail sur les établissements industriels et commerciaux, par exemple — cela n'est pas assumé par les employeurs, c'est assumé directement par l'Etat. Dans les autres provinces...

M. Johnson: Ils sont obligés de payer des honoraires d'inspection.

M. Dufour: Le service comme tel...

M. Bellemare: La Commission du salaire minimum verse aussi au ministère du Travail $2 millions par année pour payer les commissaires et ces choses-là. Chose certaine, c'est recevoir d'une main et obliger le contribuable, l'employeur à payer au ministère des choses qu'il va chercher indirectement, mais qui ne paraissent pas au budget.

M. Dufour: C'est cela. Alors, il faudrait continuer, M. Bellemare; vous nous donnez parfaitement raison.

M. Bellemare: Oui, d'accord, et je pense que sur cela je vous donnerais raison en plus!

M. Johnson: Je ne suis pas sûr que cela soit un bon point!

M. Bellemare: Un instant! Vous avez votre barque et j'ai la mienne.

M. Dufour: Dans l'article 21a, M. Bellemare, on établit justement que tout ce qui s'appelle services du droit d'accréditation au ministère du Travail est payé à partir de la Commission du salaire minimum, $2 500 000. Pourquoi les employeurs paient-ils cela? Pour des accréditations syndicales. Cela n'a rien à voir avec notre rôle! On dit: S'il y a un service d'inspection au ministère du Travail qui contrôle les entreprises, pourquoi, au niveau du contrôle des normes du travail, ne serait-ce pas au niveau du ministère? Je pense qu'il faut le reconnaître: le service qui est donné, dans l'application des normes, n'est pas un service aux entreprises. Ce n'est même pas un service; elles vont être pénalisées. Elles vont payer l'amende si elles n'ont pas respecté la loi. C'est un service aux employés et, dans ce sens-là, cela doit émarger à l'Etat.

M. Bellemare: La peur est le commencement de la sagesse.

M. Johnson: Est-ce que le député de Johnson me permettrait? C'est juste parce que, dans le fond, les employeurs paient aussi pour les services de la police de la Communauté urbaine de Montréal. Je ne tiens pas pour acquis que les employeurs sont des gens qui font des infractions au Code criminel! Cela peut arriver.

M. Dufour: Tout comme on paie des impôts! Partout, c'est un service à la population. De toute façon, la question de la faillite, c'est aussi très préoccupant. Vous avez remarqué tantôt, dans notre présentation liminaire, que nous avons fait une référence à Montebello sur cette question très précise. Certaines centrales syndicales sont arrivées avec une caisse de stabilisation de l'emploi. Nous avons suggéré un fonds de licenciement collectif. Par définition, notre fonds de licenciement collectif met en cause et la caisse d'assurance-chômage et les plans qui existent déjà dans l'entreprise, parce qu'il y a toute une série de plans dans l'entreprise au niveau des licenciements collectifs. Vous avez des demandes sectorielles et ici on arrive avec un fonds de faillite dont on ne connaît justement pas les coûts. Le rapport Castonguay évaluait à peu près à $2 millions le coût d'application de cette dimension. Quand on parle avec le surintendant des faillites à Ottawa, M. Landry, ce n'est plus du tout le même ordre de grandeur. Alors, vraiment, on ne sait pas où on en est. Ce matin, contrairement peut-être à ce qui était dans notre mémoire où on interrogeait le pouvoir administratif qui était laissé à la Commission du salaire minimum, on va beaucoup plus loin. On demande le retrait de ces articles parce qu'on ne peut pas purement regarder le problème des faillites lorsqu'on parle aujourd'hui sur la place publique de fonds de licenciement collectif et que tout le monde semble être d'accord pour plonger vraiment dans ce dossier. Il faut agencer cela avec la caisse d'assurance-chômage, il faut agencer cela avec la loi fédérale des faillites qui va payer finalement parce qu'actuellement la caisse d'assurance-chômage, c'est moitié-moitié ou à peu près. Alors, je pense que ce matin on prend une position. Le dossier est vraiment sur la place publique. Ce n'est pas mûr et il faudrait vraiment retirer ces articles du projet de loi.

M. Bellemare: M. Dufour, j'ai deux questions supplémentaires à vous poser et j'aurai terminé. La première: Est-ce que le père de famille qui a une bonne est assujetti à la Loi des accidents du travail, puisqu'il est employeur?

M. Dufour: Je pense que, dans la loi 114 que vous avez débattue à l'Assemblée nationale en décembre, le conjoint et les enfants sont les seules exceptions. Je pense que la bonne serait couverte par la Loi des accidents du travail, d'après la loi 114 de décembre.

M. Bellemare: Donc, l'employeur... M. Johnson: Elle ne l'est pas.

M. Bellemare: Elle n'est pas couverte par la loi 114? Il devient employeur.

M. Johnson: Pour les fins de la Commission des accidents du travail, elle ne l'est pas.

M. Bellemare: Vous êtes sûr de cela? M. Johnson: Sûr de cela.

M. Dufour: II faudrait vérifier. (11 h 45)

M. Bellemare: Bonne question. Deuxième question: Vous dites dans votre mémoire que la Commission des normes devrait chercher à établir la création d'une commission spéciale, d'un tribunal spécial, si j'ai bien compris. Vous dites: Pour que la création de la Commission des normes soit justifiée, la loi devrait chercher à réaliser le conditions suivantes: Que la commission soit autonome vis-à-vis du pouvoir politique. Très bien. Que les parties impliquées par les décisions de la commission puissent se faire entendre. Troisièmement, que l'arbitrage final par le pouvoir exécutif soit exceptionnel et toujours publiquement expliqué.

Est-ce qu'il n'existerait pas une formule plus simple de référer cela au Tribunal du travail?

M. Dufour: Nous...

M. Bellemare: Le Tribunal du travail est d'abord apolitique. Tout le monde le sait. Il entend, par les commissaires ou ceux qui sont en charge de certains griefs, toutes sortes de griefs. Il les rend publics parce qu'il entend les parties. Sa vocation, comme Tribunal du travail, ne sera-t-elle pas véritablement atteinte par le fait même?

M. Dufour: Non. Le Tribunal du travail a un rôle judiciaire, alors qu'ici on parle vraiment d'une commission administrative. Cela nous amène à soulever un point qui est d'ailleurs dans notre mémoire, mais qui n'a pas été débattu ce matin, c'est qu'il n'y a pas de possibilité d'appel des décisions de la commission, dans le projet de loi 126. Donc, il devrait y avoir une possibilité d'appel ou probablement devant le Tribunal du travail, mais le rôle...

M. Bellemare: II peut en avoir devant les commissaires-enquêteurs.

M. Dufour: Pour un cas très précis...

M. Bellemare: Oui.

M. Dufour: ... mais à votre question, non. Je pense qu'il ne faut pas confondre le Tribunal du travail avec le rôle administratif qu'on entend confier à cette commission. Nous sommes d'accord avec vous pour l'intégrer quelque part au ministère du Travail, mais dans une direction générale des normes.

Le Président (M. Marcoux): Y a-t-il d'autres membres de la commission qui veulent poser des questions ou faire des commentaires?

Alors, je vous remercie, au nom de tous les membres de la commission, de votre participation aux travaux de cette commission.

M. Johnson: Merci, messieurs.

Le Président (M. Marcoux): J'inviterais maintenant l'Association des manufacturiers de mode enfantine à venir nous présenter son mémoire. Me Louis Orenstein. Mémoire no 10.

Association des manufacturiers de mode enfantine

M. Orenstein (Louis): Nous tenons pour acquis que notre mémoire amendé a été distribué. Pour commencer, nous devons déclarer qu'en général nous acceptons la philosophie de la loi no 126. La justice naturelle exige qu'on accorde et qu'on protège les congés de maternité, le salaire en cas d'insolvabilité de l'employeur professionnel, les congés de deuil, une troisième semaine de vacances, des jours fériés payés et les autres mesures sociales qui se trouvent dans le projet de loi 126. La question peut se poser: Est-ce qu'on est venu de Montréal pour vous dire que c'est une bonne philosopie ou sommes-nous ici pour avoir des explications? On doit vous dire que nous sommes ici plutôt...

M. Bellemare: Est-ce que vous êtes accompagné de M...

M. Orenstein: Ah! Excusez. M. Covit, l'ancien président de l'association.

M. Bellemare: M. Covit?

M. Orenstein: M. Peter Covit, ancien président de l'association et maintenant président du comité de travail.

Nous sommes ici pour soulever certaines questions qui ont même été discutées ce matin en grande partie. L'association citée en rubrique est composée de fabricants de vêtements pour enfants jusqu'à la taille 14X, c'est-à-dire les vêtements des enfants qui sont à l'école. Ce sont des fabricants qui emploient entre 2 et 100 salariés, avec une moyenne d'environ 40 à 50. Il est bien évident que ce n'est pas une industrie embauchant plusieurs centaines de salariés dans chaque usine.

Le projet de loi proposé impose un fardeau sur les épaules des petits fabricants qui ont déjà de la difficulté à cause de la grande concurrence des importations et aussi à cause de la différence qui existe entre le taux minimal du Québec et celui de l'Ontario, quoique nous acceptions, je dois vous le dire, la proposition selon laquelle chaque salarié a le droit de toucher un salaire qui lui permette de vivre; on accepte ce principe. C'est bien connu que selon la loi de l'Ontario, depuis le 1er janvier 1979, le salaire minimum est fixé à $3 l'heure et selon celle du Québec il est fixé à $3.37 jusqu'au 31 mars 1979 et à $3.47 dès le 1er avril 1979. Encore, on ne se plaint pas. Nous ne sommes pas d'accord sur le fait que les règlements, tels que mentionnés à l'article 29 du projet de loi 126, soient déterminés par la commission. Ce sont les députés élus par la population québécoise qui représentent la population québécoise; pas ses fonctionnaires. C'est à nos députés et aux ministres qu'appartiennent le droit et l'obligation de faire adopter les lois, les règlements et d'imposer les taxes. Je ne veux pas souligner encore cet article parce qu'on en a discuté longuement avec la CSN la dernière fois que nous sommes venus ici et on le fait avec le Conseil du patronat du Québec aujourd'hui. Alors, je le mentionne seulement parce que c'est indiqué dans mon mémoire.

L'article 48 du projet de loi peut créer des difficultés. Chez les petits fabricants, il arrive de temps en temps qu'un salarié doive faire un emprunt. N'oubliez pas que j'ai déjà souligné que nous n'avons pas trop de salariés pour cette industrie dans chaque usine. Une relation étroite existe entre l'employeur et les employés. Il arrive assez souvent qu'il y a de la misère dans la famille; on cherche alors à emprunter. Comme il existe une relation assez étroite entre le propriétaire et le salarié, ce dernier approche le propriétaire et lui demande s'il peut lui emprunter, disons, $200. Le propriétaire lui prête ladite somme de $200 sans intérêt et le salarié signe une autorisation au propriétaire lui permettant de déduire $10 par semaine — je prends un chiffre comme exemple — de son salaire même. Si le deuxième paragraphe de l'article 48 reste en force et que le salarié peut révoquer cette autorisation en tout temps, il est bien évident qu'il ne sera plus en mesure d'emprunter cet argent. En fait, le salarié sera obligé d'emprunter cet argent soit d'une caisse, soit d'une banque, soit d'une maison de finance et il paiera un intérêt assez élevé. Nous tenons donc à ce que cet article soit amendé, c'est-à-dire le deuxième paragraphe.

Il y a un deuxième fait qui est important. Suivant l'article 553 du Code de procédure civile, au sous-article 9, suivant la loi, un homme marié ayant deux enfants se voit accorder une exemption de $60 par semaine. Pour ce qui est du surplus, son salaire est saisissable à 70%. Alors, s'il y a une saisie-arrêt par tiers et que le salarié gagne $200 par semaine, le montant de $140 est saisissable jusqu'à 70%, c'est-à-dire qu'il y a une déduction de $98, ce qui laisse au salarié visé la somme de $102 par semaine pour faire vivre sa femme et ses enfants. Il est certain qu'il lui est impossible de gagner sa vie. D'ordinaire, ce qui arrive, c'est que l'employeur remet la saisie à son avocat qui, par la suite, prend des arrangements avec l'avocat de la demanderesse pour déduire un montant beaucoup plus équitable. Le salarié signe une autorisation à son employeur pour qu'il déduise, disons, $20 par semaine et qu'il remette cette somme à l'avocat qui a engagé la cause. Si le salarié peut retirer son autorisation de par l'article 48, les arrangements ci-haut mentionnés ne seront plus faits parce que l'employeur peut se retrouver dans la position suivante: il aurait entrepris de faire la déduction, mais le salarié lui retirerait son consentement.

L'article 57 ne prend pas en considération la force majeure. Disons que le salarié est censé commencer son travail à huit heures le matin et qu'à sept heures du matin il y a une panne d'électricité, une inondation ou un feu. Il est donc impossible pour le salarié de commencer son travail à huit heures le matin. Est-ce que la petite entreprise doit subir une perte de salaire encore et payer trois heures de travail à chaque salarié?

L'article 58 doit être étudié en même temps que l'article 78. D'ici quelque temps, à Montréal, il y aura des discussions entre les syndicats et les employeurs afin d'adopter une cédule de quatre jours de travail de dix heures par jour. Je dois vous dire que c'est à l'essai maintenant et même nous sommes en train de négocier une convention où la demande a été faite pour quatre jours de dix heures. Aussi, à Montréal, il y a certaines conventions collectives qui fixent les heures de travail pour la deuxième équipe à quatre soirs par semaine de dix heures par soir. Alors c'est bien facile de fixer les heures de travail de 7 heures du matin à midi et de 13 heures à 19 heures le soir. Mais assez souvent, les salariés préfèrent prendre une demi-heure pour le lunch et terminer leur journée de travail une demi-heure plus tôt, c'est-à-dire à 18 h 30. Pour ceux qui travaillent le soir, c'est encore plus avantageux; ils peuvent quitter le travail une demi-heure plus tôt.

Si l'article 58 demeure tel quel dans le projet de loi no 126, la période de repos de quinze minutes au cours de l'après-midi n'interrompt pas les cinq heures consécutives de travail. Cela n'interrompt pas, c'est-à-dire que cela doit être pris comme du temps travaillé. Puis nous sommes en face d'un autre problème. Si l'article 78 reste tel quel, c'est dire que le salarié qui termine les cinq heures consécutives de travail dans l'après-midi où leur équipe doit avoir encore une demi-heure payée ou une heure non payée, qu'après avoir terminé le travail, si le projet de loi reste tel quel, il a travaillé cinq heures dans l'après-midi et doit donc rester encore une demi-heure ou une heure avant de partir. Nous ne croyons pas que ce soit là l'intention ou l'esprit de la loi.

Les articles 59 et 64 sont en conflit avec la loi 48, articles 4, 5 et 6. Aux articles 59 et 64 du projet de loi no 126, on exige que le salarié ne soit pas absent du travail sans l'autorisation de l'employeur ou sans raison valable la veille ou le

lendemain de ces jours. Cela existe dans le projet de loi no 126 mais n'existe pas dans la loi 48. Est-ce que c'est l'intention du projet de loi no 126 de modifier la loi 48? Dans la loi 48, il n'est pas nécessaire d'être présent le jour avant ou le jour après. Alors, il y a un conflit entre la loi 48 et le projet de loi no 126.

L'article 68 du projet de loi no 126 a du sens. Nous sommes d'avis qu'un salarié qui travaille pour la compagnie pendant dix ans doit avoir une troisième semaine de vacances. Cependant, comme le taux minimum a déjà été augmenté de $0.20 l'heure durant la dernière année et comme nos taux minimaux sont déjà les plus élevés au Canada, nous sommes d'avis que ce bénéfice d'une troisième semaine doit être retardé pour une période de deux ans afin de donner la chance aux employeurs d'intégrer la dernière augmentation de $0.10 qui doit entrer en vigueur le 1er avril 1979.

L'article 73 peut causer un embêtement, même aux salariés. Disons qu'un salarié doit s'absenter pour une période de six mois à cause de maladie; l'employeur sera tenu de lui payer soit 4% ou 6%, ou deux ou trois semaines de salaire, celui des deux qui est le plus élevé. La question qui m'inquiète, c'est: Est-ce que ce même employeur ne peut pas congédier cet employé en disant: Je ne veux pas attendre six mois avant votre retour et cela parce qu'il veut épargner la différence? Je pense bien qu'il y a quelque chose qu'il faut considérer là-dedans, bien soigneusement.

L'article 81 peut causer des problèmes. D'ordinaire, si le salarié est congédié, le propriétaire paie au salarié une semaine d'avis sans obliger le salarié à travailler cette semaine parce qu'il craint que le salarié cause des dommages à la machinerie ou à la production. N'oubliez pas qu'on parte toujours non pas de Pratt and Whitney, non pas de United Steel Company of Canada, on parle de petits patrons. Je n'aime pas le mot patron, disons employeur. (12 heures)

Alors, il peut y avoir un problème social qui découle d'un avis de deux semaines. Si la loi l'oblige à payer deux semaines, c'est bien entendu qu'il ne paiera pas sans être obligé de continuer son travail pendant deux semaines. Nous sommes d'avis que cela peut créer des difficultés et des chicanes inutiles. Les articles 93 et 94 ont du sens et nous sommes d'accord que celui qui va dans l'entreprise totalement ou partiellement soit responsable conjointement et solidairement des réclamations découlant de la loi 126. Mais n'est-il pas insensé que celui qui achète une entreprise doive avoir les moyens de savoir s'il y a une réclamation ou non? Il n'y a aucune mesure protectrice, il n'y en a aucune. La seule façon de le savoir est de regarder les livres de la compagnie qui veut vendre l'entreprise pour voir s'il y a des obligations. Si ces obligations ne sont pas marquées dans les livres, il n'a aucun moyen, il n'a pas d'enregistrement; un titre peut être enregistré, mais il n'y a pas d'enregistrement ici. Nous croyons donc que l'article 94 entre en conflit avec le Code civil.

Les articles 1569 et suivants. L'article 1569, pour les avocats qui se trouvent ici, dit que, si quelque'un veut vendre un commerce, il lui faut signer un affidavit donnant la liste des créanciers. Celui qui achète le commerce paie les dettes suivant l'affidavit ou un pourcentage si nécessaire et il n'est plus responsable. La question que je soulève est la suivante: Est-ce que l'article 1569 et les suivants doivent être amendés ou est-ce que l'article 94 exclut l'article 1569? Encore, comme je le faisais remarquer, ce sont plutôt des questions que je veux soulever parce qu'une loi adoptée sans être claire peut causer des injustices pécuniaires et sociales.

L'article 80a... nous croyons que l'article 46 de la loi 126 doit être amendé et que l'on doit ajouter comme suit: Telle signature du salarié sera la preuve que de fait il a été payé pour la période de temps y indiquée. En d'autres termes, il doit y avoir quelques mesures de responsabilité. Si le salarié a vraiment été payé et qu'il a signé sa paie, on doit tenir pour acquis que de fait il a été payé suivant sa signature. L'article 93 doit être amendé en y ajoutant: Mais l'employeur professionnel ne sera pas responsable des salaires qui auront été signés, suivant l'article 46, et le même amendement doit être apporté à l'article 94. Cela ne cause pas d'ennuis au salarié parce que de fait il a touché son argent, il a signé qu'il a touché sa paie.

L'article 42 n'est pas dans l'intérêt des salariés. Il y a beaucoup de petites entreprises au Québec qui sont à peine solvables. Si le salarié est payé par chèque, par exemple, deux fois par mois, cela prendra plus d'une semaine avant que le salarié puisse savoir si de fait son chèque de paie a été encaissé. Ceci m'a troublé. On peut obliger un employeur à payer pour une période n'excédant pas seize jours dans la loi 126. J'ai peur que les petits employeurs qui paient par chèques et qui sont insolvables... il n'est pas évident qu'ils sont insolvables. Ils ne mettent pas une annonce dans les journaux en disant: Je suis insolvable aujourd'hui. Ils donnent des chèques toutes les deux semaines. On donne un chèque à M. Covit couvrant une période de deux semaines. M. Covit dépose son chèque. Cela prend une semaine avant qu'on puisse apprendre de la banque que le chèque n'a pas les fonds suffisants et voici un salarié qui n'a pas été payé depuis trois semaines.

L'article 113, où l'on discute d'une pénalité de 20%, ne doit pas s'appliquer à un employeur professionnel, à savoir qu'il est obligé de payer pour la négligence d'un sous-traitant ou sous-entrepreneur. De fait, à l'article 14, les décrets de conventions collectives se lisent comme suit: Tout employeur professionnel qui contracte avec un sous-entrepreneur ou un sous-traitant, directement ou par intermédiaire, est solidairement responsable avec ce sous-entrepreneur ou sous-traitant et tout intermédiaire du paiement des salaires. Il n'y a pas de salaire et pénalité. N'oubliez pas qu'il y a déjà une pénalité parce que l'employeur professionnel doit payer, mais est-ce qu'il doit être sujet à une pénalité de 20% à part cela?

Maintenant, il y a quelque chose que je n'ai pas mentionné dans mon mémoire et j'en ai

discuté lundi soir avec l'administration d'un des comités paritaires. C'est la suivante: A l'article 14, il y a deux choses: il y a les inspecteurs des comités paritaires, il y a les inspections qui auront lieu en raison de la loi 126. On trouve qu'un sous-traitant n'a pas payé le salaire ou n'a pas payé les vacances, n'a pas payé les jours fériés ou peu importe, et cette industrie se trouve sous le coup d'un décret. Qui doit prendre les procédures pour retrouver l'argent? Est-ce que c'est le comité paritaire ou la commission? Est-ce qu'il doit y avoir un mode type d'inspection par deux organismes; le comité paritaire et la commission des normes? Est-ce qu'il est possible que les deux intentent une même poursuite contre le même employeur professionnel? Qui va décider de celui qui va entamer la poursuite, est-ce que ce sera la commission ou est-ce que ce sera le comité paritaire? Cela doit être éclairci.

Je voudrais faire remarquer que dans l'article 14, décret des conventions collectives, chapitre 143, l'employeur professionnel est sûrement responsable des salaires, mais non pas des pénalités. Le reste vous le savez.

Je veux seulement ajouter quelque chose. Notre association est d'avis que le progrès ne doit pas être retardé. Nous sommes d'accord que la justice naturelle exige que les bénéfices sociaux soient accordés, mais on ne peut pas... dans les lois générales, des lois qui peuvent être nuisibles. On peut toujours dire que ce sera rétabli par la jurisprudence mais, pour les petites compagnies que je représente, ce n'est pas facile, cela coûte de l'argent, chaque fois que les avocats vont au tribunal. Je suis avocat depuis au moins cinq ans, disons, mais en tout cas... On ne parle pas d'une grande industrie, on parle d'une industrie moyenne, on parle des conditions québécoises. Ce n'est pas seulement au Québec qu'il y a des petites industries, cela existe partout au Canada et même aux Etats-Unis; c'est une condition qu'on ne peut pas changer. Les petits fabricants, les petits employeurs existent et doivent exister. Selon moi, si on change les lois, cela donne un peu de protection, si on ne s'embarque pas dans quelque chose qui peut être vague.

Il y a des conflits naturellement, ce n'est pas que je cherche à limiter le débat au point de vue légal, être légaliste, si vous voulez, non. Notre intention c'est d'appliquer la loi de bonne foi, une loi qui serait juste envers les salariés et envers les petits patrons aussi. Je vous remercie.

Le Président (M. Marcoux): Vous serait-il possible de nous donner une copie de votre mémoire puisque le mémoire que vous avez lu est passablement différent de celui que vous nous aviez donné?

M. Orenstein: Oui, j'ai envoyé 105 copies.

Le Président (M. Marcoux): Oui, mais le mémoire que vous nous avez envoyé est très différent de celui que vous avez lu. Est-ce qu'il serait possible d'en avoir au moins une copie pour que nous puissions en faire des photocopies?

M. Orenstein: Oui, mais j'en ai envoyé 105 copies de celui qui a été amendé, je les ai envoyées par le Télécom.

M. Chevrette: Le mémoire amendé? M. Orenstein: Oui.

M. Johnson: M. Orenstein, si M. le Président me le permet, le mémoire que nous avons, qui porte le no 10-M, est de l'Association des manufacturiers de mode enfantine; objet: Le projet de loi no 126. Ce que vous nous avez lu, je présume que c'est le mémoire amendé, sauf qu'on ne l'avait pas. Je ne l'ai pas et les officiers de mon ministère non plus ne l'ont pas.

M. Orenstein: J'ai envoyé 105 copies et il y a à peu près une semaine. J'ai le reçu.

Le Président (M. Marcoux): Un officier va aller le chercher et il va en faire des photocopies à distribuer aux membres de la commission.

M. Orenstein: J'en ai 4 copies ici. J'ai envoyé par Télécom 105 copies.

Le Président (M. Marcoux): II y a probablement eu une erreur au secrétariat des commissions; on a confondu les deux.

M. le ministre.

M. Johnson: M. Orenstein, je voudrais vous remercier d'abord. Je ne veux pas trop improviser de remarques sur — ce qui m'apparaissait être une improvisation — un mémoire amendé que je n'avais pas sous les yeux et donc, que je n'ai pas pu étudier. Je peux vous assurer qu'on le fera. Je vais revenir plutôt aux considérations du mémoire original dans lequel vous couvrez plusieurs des éléments.

D'abord, les dispositions sur l'article 57, la notion de force majeure. Je pense que c'est une observation très pertinente et je me demande s'il ne serait pas bon d'étudier la possibilité de créer une exemption un peu comme il y a celles de 56 et 57 dans le cas de force majeure. Concrètement, l'exemple que vous donnez, je pense, nous amène à nous poser des questions.

Sur l'article 73, qui serait une incitation pour l'employeur à congédier l'employé, écoutez! Dans le fond, il y a ce qui est peut-être en filigrane derrière beaucoup de vos remarques, M. Orenstein, vous reconnaissez le principe que le législateur peut ou doit intervenir dans ce domaine, mais à partir du moment où cela coûte un peu d'argent ou à partir du moment où cela perturbe des choses, vous trouvez cela un peu moins drôle. Je veux bien, mais c'est ça, le changement social dans une société. Il faut payer quelque part, il faut payer en temps, il faut payer en argent. Les dispositions de l'article 73, qui prévoient les vacances obligatoies et non seulement le versement des 4%, c'est-à-dire les vacances que peut exiger le salarié, devrais-je dire, par opposition à juste un chèque représentant 4% et 6% après dix ans, je vois mal,

dans le cas, par exemple, de celui qui pourrait toucher trois semaines de vacances ou 6% après dix ans, que l'employeur décide simplement, au bout d'un certain temps, de le congédier pour ne pas devoir payer.

Je me dis que s'il y a une main-d'oeuvre, un travailleur ou une salariée, dans votre secteur surtout, qui est là depis 7, 8, 9, 10, 12 ou 15 ans, je vois mal pourquoi il ferait cela pour sauver l'équivalent d'une semaine de salaire. Franchement, s'il faisait cela, je pense que cela justifierait d'autant plus qu'il y ait des choses assez coercitives dans cette loi.

Dans le cas de 78, la réponse est oui. Effectivement, les pauses-café sont incluses dans le service continu aux fins de calcul des heures et des montants. Vos considérations sur l'article 94 et l'article 1569 du Code civil sont également pertinentes. On essaiera d'en tenir compte. Il s'agit de trouver l'ajustement. On risque beaucoup plus de modifier l'article 126 que de modifier le Code civil, comme vous le savez. Habituellement, on prend un bon bout de temps avant de toucher au Code civil.

De façon générale, je retiens, en plus des choses très précises que vous avez apportées dans votre mémoire amendé et que je ne peux, malheureusement, commenter en ce moment, vous reconnaissez le bien-fondé et les principes de cette loi. Vous êtes ennuyé par quelques détails techniques. Je pense qu'on pourra en régler quelques-uns. (12 h 15)

II y a une couple de choses qui sont des affaires de fond. On est conscient que l'industrie que vous représentez est une industrie extrêmement fragile sur le plan de la concurrence. On le sait et c'est d'ailleurs pour cela que le gouvernement a pris une série de mesures depuis deux ans pour tenter de donner une chance à cette industrie, à tout ce qui est relié au textile et au vêtement; c'est le cas aussi du meuble et de la chaussure. Mais il y a des coûts aux transformations sociales et ma réponse, à certains égards, est que c'est peut-être d'accepter, dans le cas de certaines entreprises, que si ces coûts-là doivent être assumés par l'employeur, qu'ils le soient. C'est cela, à un moment donné, le progrès social.

Voilà, ce sont les commentaires que j'avais à faire sur votre mémoire, M. Orenstein.

M. Orenstein: Est-ce que je peux prendre deux minutes pour répondre?

M. Johnson: Sûrement.

M. Orenstein: Suivant la loi, la bonne foi est toujours présumée. Mais ce qui existe dans la loi et ce qui existe en pratique, ce n'est pas toujours pareil. Quand j'ai parlé de deux ou trois semaines de vacances ou de 4% ou 6%, ce n'est pas que j'accuse quiconque d'être de mauvaise foi, mais je parle de la possibilité qui existe qu'un salarié perde un emploi à cause d'un employeur qui ne prend pas ses responsabilités. C'est ce dont j'ai peur. Vous pouvez me demander si je suis ici pour représenter les salariés ou si je suis ici pour représenter les patrons. Je suis ici pour représenter les deux parties, impartialement, autant que possible.

M. Johnson: Quel genre de solution proposez-vous? Ce que nous voulons introduire, c'est cette notion qu'un salarié peut exiger de son employeur qu'il s'absentera de son travail pendant deux semaines au cours d'une période de douze mois. La Loi du salaire minimum en ce moment prévoit qu'un salarié peut demander cela, mais l'employeur peut décider qu'il n'aura pas de vacances et qu'il va lui payer ses 4%. Nous pensons qu'un salarié, sur une période de douze mois — ce sont, encore une fois, des cas relativement marginaux parce qu'en général les gens prennent au moins une semaine de vacances, deux semaines peut-être dans certaines types d'industrie, c'est un progrès intéressant. Je parle des non-syndiqués qui sont effectivement soumis à l'expulsion s'ils l'exigent. Ce que la loi dit, c'est: Quand il va l'exiger, il va y avoir droit. Je pense que, encore une fois, sans que ce soient les conditions idéales, c'est un progrès sur ce qui existe dans certains endroits au niveau de la protection de l'emploi du salarié qui gagne le salaire minimum. La question à laquelle je voudrais avoir une réponse de vous est: Quelle est l'alternative que vous proposez?

M. Orenstein: II y a plusieurs choix. Pour commencer, si j'ai bien compris, la loi doit être amendée alors qu'on aurait un minimum garanti. Cela ne couvre-t-il pas l'exigence?

M. Johnson: Est-ce que...?

M. Orenstein: Cela ne couvre-t-il pas l'exigence que le salarié doit toucher un montant convenable? Je ne dis pas que c'est un montant énorme si on parle de $7000. On ne parle pas d'un montant énorme. Un salarié ne serait pas capable d'acheter une Cadillac avec cet argent. Mais qu'on donne au moins quelque sécurité au salarié. La question que je soulève est la suivante: Cela n'en-courage-t-il pas un manque de justice sociale? Je ne dis pas de la part des employeurs en général. Je touche la personne qui peut être affectée par un employeur qui n'a pas de conscience sociale.

M. Johnson: Oui, je sais bien. Cela existe, des employeurs qui n'ont pas de conscience sociale. On sait cela. Mais ce que je ne comprends pas, M. Orenstein, c'est que vous dites que ces dispositions vont mettre en danger les travailleurs. Au contraire! Ce qu'elles visent précisément, c'est le salarié, le travailleur qui n'a pas de convention collective — parce que c'est de cela qu'on parle — qui travaille au salaire minimum — parce qu'en pratique c'est cette population qui risque d'être le plus affectée — et qui, en général, dans votre industrie est une femme, ce qui donne trois raisons peut-être de dire que ce sont des gens qui sont dans une situation de fragilité sur le plan de

leurs droits, historiquement comme autrement. Ce qu'on dit, c'est que dorénavant cette salariée ou ce salarié a le droit de dire à son employeur: Moi, cette année, je prends deux semaines. On va peut-être s'entendre sur la date pour les deux semaines, II y a le droit de gérance, etc., mais il prend deux semaines, et on dit: L'employeur ne poura plus lui répondre: Non, tu ne prends pas deux semaines. Je te donne 4%. Nous, on pense qu'un salarié a le droit, sur douze mois, de sortir de son travail deux semaines par année. Vous me dites qu'au bout de la ligne il y a peut-être certains employeurs dans votre industrie qui sont marginaux, etc. — je veux bien reconnaître que ce n'est pas la règle générale — qui vont décider de mettre à pied des gens parce qu'ils ne veulent pas être pris pour leur donner deux semaines. Je vous dis qu'ils seront obligés de les remplacer par des gens à qui ils vont être obligés de donner deux semaines. C'est aussi simple que cela.

M. Orenstein: Je comprends votre position.

M. Johnson: Alors, là, c'est vrai pour tout le monde.

M. Orenstein: Oui, je comprends votre position, M. le ministre. On ne fait pas d'erreur. Mais je pense bien qu'en bonne conscience je dois vous dire que cela peut arriver.

M. Johnson: Oui, c'est possible.

M. Orenstein: Nos députés décident: Bon! Il faut faire quelque chose. On ne peut pas compter seulement sur la discrétion d'une des parties. Je pense que c'est clair. Je ne vous chicane pas. J'ai rempli ma responsabilité de soulever la question devant vous. Il y a une petite note que mon client m'a donnée plus tôt — c'est un ami — parler des frais d'administration. Je n'ai pas touché cela parce que cela a été longuement discuté avec le Conseil du patronat et avec la CSN quand on était présent la première fois. On ne veut pas avoir une prolifération des prélèvements parce que comme je vous l'ai dit auparavant — je ne veux pas le répéter trop souvent — je ne représente pas United Steel of Canada, je ne représente pas Pratt et Whitney. Je représente des petites compagnies qui ont assez de misère à rester dans le commerce naturellement. On ne veut pas avoir une augmentation des prélèvements. Mais, comme je l'ai dit, cela a été longuement discuté, cela a été souligné par les députés qui sont présents et même par vous. Comment comprenez-vous notre position?

M. Johnson: Alors, c'est tout ce que j'avais pour le moment, M. Orenstein.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: II y a plusieurs points intéressants sur l'application de différents articles. Je ne reviendrai pas là-dessus. Nous en prenons bonne note pour l'étude article par article.

Il y a un point que j'aimerais qu'on nous explique peut-être un peu plus complètement. C'est celui qui est relatif à des contradictions entre l'article 64, si j'ai bien compris, et la loi 48. Est-ce que vous pourriez aller un peu plus dans les détails...

M. Orenstein: Oui.

M. Forget: ... pour être sûr que l'on comprend bien de quoi il s'agit?

M. Orenstein: J'ai apporté avec moi les deux lois; alors, je peux vous l'expliquer bien facilement. Si vous voulez me donner deux minutes seulement.

Regardons les articles 59 et 64 du projet de loi 126, en particulier l'article 59 sur les trois jours fériés et payés. L'article 64 se lit comme suit — je parle toujours du projet de loi 126: "Pour bénéficier d'un jour férié visé dans l'article 59, un salarié doit avoir eu droit à un salaire ou à une indemnité en tenant lieu pendant au moins dix jours dans les trente jours précédant ce jour férié et ne pas s'être absenté du travail sans l'autorisation de l'employeur ou sans une raison valable, la veille ou le lendemain de ce jour." Alors, le salarié doit être présent soit le jour avant, soit le jour après.

Regardons la loi 48.

Une Voix: L'article 7.

M. Johnson: "L'employeur n'est pas tenu d'accorder le congé compensatoire ni l'indemnité prévus par la présente loi à un salarié qui n'a pas eu droit à un salaire ou à une indemnité en tenant lieu pendant au moins dix jours au cours de la période du 1er au 23 juin."

M. Orenstein: On ne mentionne pas que ce doit être...

M. Johnson: C'est cela.

M. Orenstein: ... soit le jour avant, soit le jour après. La question que j'ai soulevée est la suivante: Est-ce que c'est l'intention du gouvernement de changer la loi 48 parce que, de fait, en raison de la loi que vous avez ici, c'est maintenant changé.

M. Johnson: Je pourrais peut-être commenter là-dessus. C'est vrai, il y a deux différences entre la Loi sur la fête nationale et le projet de loi no 126 en ce qui a trait aux congés fériés. La Loi sur la fête nationale ne prévoit pas l'obligation d'avoir été au travail la veille ou le lendemain, d'une part. Deuxièmement, la Loi sur la fête nationale ne prévoit pas de distinction si cela tombe sur un jour ouvrable ou pas. Maintenant, il n'y a qu'une fête nationale, il n'y en a pas deux. Dans ce sens, c'est vrai, la loi parle de choses différentes, mais, effectivement, la loi 48 ne prévoit pas ce type d'obligation, peut-être à cause du caractère du 24 juin tel quel dans notre société. C'est effectivement vrai qu'il y a une différence. Maintenant, ce n'est

pas une contradiction au sens que, dans l'application juridique, cela va poser des problèmes. C'est juste qu'il y aura une situation différente pour une autre fête, par exemple, qui serait édictée par règlement. Mais il n'y a pas de conflit de loi; il y a juste une différence d'approche dans deux lois distinctes qui s'appliquent à deux situations ou, enfin, à une situation semblable qui est la notion d'un jour férié.

M. Bellemare: Parce que, aussi, il y a la possibilité d'en avoir sept, huit ou dix prochainement. C'est une autre raison.

M. Johnson: Je pense bien qu'en l'an 2000 il va y en avoir une bonne quarantaine.

M. Bellemare: Je ne sais pas s'il va y en avoir une quarantaine, mais...

M. Johnson: On ne sera pas là, ni vous, ni moi.

M. Bellemare: Ah! non, pas moi.

M. Forget: Si on est pessimiste. Il y a une autre différene, il y a une autre formulation qui a été solevée par un groupe qui est venu devant nous hier. C'est l'expression "sans une raison valable", c'est-à-dire l'impossibilité d'être absent du travail le jour suivant ou le jour précédent, à moins qu'il n'y ait une raison valable. On nous a dit qu'il y avait dans d'autres lois une expression différente qui a donné lieu déjà à beaucoup de jurisprudence, qui était "sans cause" ou "avec cause". Est-ce que vous seriez disposé à faire un commentaire là-dessus parce qu'il semble que cette nouvelle expression créerait des difficultés? Est-ce que vous voyez des difficultés dans l'expression "sans une raison valable" plutôt que "sans cause"?

M. Orenstein: C'est la différence entre force majeure et cas fortuit. Force majeure, cela veut dire, par exemple, quelque chose que l'employeur ne peut pas empêcher. Force majeure, cela doit être ce que l'on appelle en anglais "act of God"; c'est la même chose. Raison valable, cela peut être une aison "raisonnable" pour vous, mais pas pour moi. Sans cause, c'est exclusif: pour aucune cause.

Il peut dire: Mon cousin à Trois-Rivières a été malade et je voulais lui parler, il était à l'hôpital et je lui ai parlé seulement à 10 heures le matin. C'est une cause. Est-ce que c'était une raison valable? C'est une autre affaire. En d'autres mots, raison valable, ce doit être quelque chose plutôt comme une force majeure. Sans cause, c'est beaucoup plus léger. On peut donner une cause qui n'est peut-être pas tout à fait raisonnable, mais c'est une cause. Comprenez-vous ce que je veux dire? C'est la différence entre "must" ou "shall".

M. Forget: Dans le cas de raison valable pour qui?

M. Orenstein: C'est la question, et qui va décider? Est-ce que ce sera seulement l'employeur qui dit: Cela, je ne pense pas que c'est une raison valable. D'ordinaire, naturellement, on l'accepte parce que dans l'industrie on n'a pas été tout à fait raisonnable. Par exemple, vous avez dans la loi congé de "dying". Naturellement, si monsieur a perdu son frère le jour avant, il ne serait pas là pour trois jours. Il a le droit, suivant la loi 126, de s'absenter pour trois jours. Il y a certaines raisons valables. Sa femme adonné naissance à un enfant pendant la nuit, c'est une raison valable. Pour moi, raison valable, cela peut marcher. Naturellement, c'est seulement mon opinion, cela ne veut pas dire que c'est l'opinion de chacun, mais il doit y avoir quelques raisons. (12 h 30)

M. Forget: Selon vous, cela peut marcher parce que c'est plus restrictif que l'expression sans cause et que, deuxièmement, celui qui juge si c'est valable ou pas, c'est l'employeur. C'est comme cela que vous l'interprétez.

M. Orenstein: Plutôt. Je dois vous dire que je suis en pratique maintenant depuis 41 ans, je trouve de plus en plus qu'il n'y a pas d'animosité là-dedans. On essaie d'éviter, et ce qu'on trouve assez souvent, que si une fête a lieu un lundi, un grand nombre de salariés s'absentent le vendredi. La raison est qu'ils veulent avoir une fin de semaine plus longue. C'est là où il y a des abus.

Soudainement on retrouve, si c'est pendant l'été, qu'à midi il y en a beaucoup qui ont mal à la tête et qui sont obligés de partir chez eux parce qu'il y a une fête le lundi. Je n'accuse personne, on est tous humains, on comprend bien, mais je crois qu'avec une astuce raisonnable cela peut marcher.

M. Forget: Je serais intéressé de savoir si le ministre a la même interprétation de cette formulation de raison valable et la différence entre cette expression et l'expression "sans cause", qui est celle qui vient de nous être suggérée.

M. Johnson: M. Heenan, on se souviendra de l'Association des manufacturiers, avait évoqué cette notion de cause valable, sans cause, faute grave, etc., mais c'était relié à l'article 82.

M. Bellemare: L'article 82, oui, faute grave. C'est quoi la définition de faute grave?

M. Johnson: C'est cela. Le problème qui est soulevé par le député de Saint-Laurent et M. Orenstein mérite effectivement qu'on s'y penche. C'est toujours le danger d'introduire dans une loi du secteur du travail un nouveau vocabulaire et le développement d'une jurisprudence qui ne partira pas nécessairement dans la même direction que celle du Code civil, mais on va essayer d'harmoniser cela effectivement. Je voudrais simplement souligner que les remarques de M. Heenan, l'autre jour, étaient vraiment autour de l'article 82.

M. Bellemare: C'est cela, faute grave. La faute grave se définit comment dans les termes juridiques?

M. Johnson: C'est la jurisprudence qui... M. Bellemare: C'est qui?

M. Johnson: Cela dépend; la jurisprudence du droit civil et la jurisprudence du Code du travail sont bien différentes sur la faute grave.

M. Bellemare: D'accord, mais dans l'article 82, dans le cas de faute grave, qui décide? L'article 82, faute grave.

M. Orenstein: Faute grave du salarié.

M. Bellemare: C'est quoi, qui va décider?

M. Orenstein: Qui va décider? L'interprétation que nous avons donnée jusqu'ici à nos clients, et je parle des autres avocats qui s'occupent des lois du travail, "unless you get your land cut in the cash register", purement et simplement. A moins qu'on attrape quelqu'un avec la main dans la caisse, qu'est-ce qu'on peut dire?

Il y a de temps en temps d'autres causes où il y a bataille. Un salarié commence à se chicaner, il y a de la machinerie partout et l'un a commencé à battre l'autre; naturellement, on n'est pas capable de tolérer cela, parce que la personne qui est frappée peut tomber dans la machine et peut se faire tuer. Nécessairement, on est obligé de congédier celui qui veut se battre.

Ce qui arrive de temps en temps, un salarié prend un peu de boisson pendant l'heure du dîner. Il travaille sur un "punch press"; soudainement, il lui manque quatre doigts. On lui dit: Non, monsieur, allez donc. Actuellement, cette faute grave du salarié est interprétée par les arbitres, jusqu'à ce jour, très restrictivement.

Le Président (M. Marcoux): Comme il est 12 h 30, est-ce que les membres de la commission désirent que M. Orenstein revienne à 15 h 30?

M. Bellemare: J'aurais juste une question à lui poser, mais je n'ai pas d'objection à accepter la suspension. Cela touche l'amendement qu'il veut apporter au paragraphe 2 de l'article 48, où il est dit qu'un salarié peut révoquer cette autorisation en tout temps. Vous l'avez explicité un peu dans votre mémoire, mais je voudrais avoir plus d'explications. Je n'ai pas d'objection à suspendre nos travaux.

M. Johnson: Je pense que cela imposerait à M. Orenstein, qui a déjà été retardé une fois, de rester jusqu'en fin de journée. Je n'aurais pas d'objection à ce qu'on prenne deux minutes pour terminer cela.

M. Bellemare: Voulez-vous me donner certaines explications quant au paragraphe 2 de l'article 48 que vous voulez amender? De quelle façon?

M. Orenstein: Je veux l'amender dans le cas d'un salarié qui donne à son employeur le droit de faire des déductions parce qu'il a réglé un problème pour le salarié ou parce qu'il y a eu une saisie-arrêt sur le salaire d'un salarié visé. Il ne serait pas capable de révoquer son autorisation. Autrement, voici ce qui arrive. Il y a une saisie-arrêt dans les mains de l'employeur. Vous êtes de bonne foi, vous avez réglé avec moi, avec l'avocat du demandeur, et vous me donnez $20 par semaine. Vous avez demandé au salarié de signer un papier autorisant la déduction. Vous m'avez donné votre lettre me disant que, tant que le salarié travaillera pour moi, je ferai la déduction. Maintenant, le salarié peut envoyer une lettre disant qu'il refuse son autorisation. Vous êtes tenu par la lettre, tant que le salarié travaille pour vous, M. le député, de faire la déduction, mais vous n'avez plus l'autorisation. Alors, vous serez obligé de payer la dette à raison de $20, vous, l'employeur.

M. Bellemare: Quand vous dites que vous prêtez $200 à l'un de vos employés et que vous lui imposez, par convention réciproque, une déduction de $10 par semaine, vous opposez-vous à cela?

M. Orenstein: Non.

M. Bellemare: C'est le contraire. Vous voulez garder ce privilège pour pouvoir accommoder les familles.

M. Orenstein: Oui. Parce que autrement il va emprunter de la banque et quel intérêt va-t-il payer? 13 1/2%, 14%. M. Covii et moi sommes partis de Montréal...

M. Bellemare: En vertu des lois des banques et des caisses, selon la loi fédérale, je ne sais pas si vous avez le droit de le faire.

M. Oreinstein: Je n'ai pas besoin...

M. Bellemare: Même si c'est humain, même si c'est pour rendre service aux familles, je ne sais pas si la loi vous permet de faire cela.

M. Orenstein: Je ne demande pas d'intérêt, je cherche seulement à accommoder le salarié qui est là.

M. Bellemare: Je comprends, mais je me demande si cela ne vient pas en contradiction avec la Loi sur les prêts, les banques. Je comprends que c'est une avance de salaire. D'accord.

Le Président (M. Marcoux): Je remercie M. Orenstein pour la présentation de son mémoire. La commission reprendra probablement ses travaux après la période des questions. Pour le moment, il faut ajourner la commission sine die.

Suspension de la séance à 12 h 38

Reprise de la séance à 16 h 23

Le Président (M. Marcoux): A l'ordre, messieurs! La commission du travail et de la main-d'oeuvre est réunie pour poursuivre l'audition des mémoires concernant le projet de loi no 126, Loi sur les normes du travail.

Les membres de la commission sont: M. Bellemare (Johnson), M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Chevrette (Joliette-Montcalm), M. Gravel (Limoilou) est remplacé par M. Gagnon (Champlain); M. Johnson (Anjou), M. Lavigne (Beauharnois), M. Mailloux (Charlevoix) remplacé par M. Picotte (Maskinongé); M. Pagé (Portneuf) remplacé par M. Forget (Saint-Laurent); M. Roy (Beauce-Sud), M. Vaillancourt (Jonquière), M. Brochu (Richmond).

Les intervenants sont: M. Brochu (Richmond), M. Gosselin (Sherbrooke), M. Jolivet (Laviolette), M. Laplante (Bourassa), M. Lefebvre (Viau), M. Paquette (Rosemont), M. Samson (Rouyn-Noranda), M. Springate (Westmount).

M. Bellemare: M. le président, puisque vous m'avez remis à cet après-midi, ce soir ce sera M. Grenier.

Le Président (M. Marcoux): Oui, vous avez bien raison. Je le fais tout de suite. Remplacer M. Brochu (Richmond)...

M. Bellemare: Non, M. Brochu (Richmond) va y être et aussi M. Grenier (Mégantic-Compton).

Le Président (M. Marcoux): Pour vous remplacer. Comme intervenant ou comme...

M. Bellemare: Comme intervenant. Pour me remplacer ce sera M. Brochu.

Le Président (M. Marcoux): Alors, on fera le remplacement à ce moment-là. Comme intervenant, M. Grenier (Mégantic-Compton) en remplacement de... M. Brochu (Richmond).

J'appellerais maintenant l'Association canadienne des compagnies d'assurance-vie, le mémoire no 11. Me Claude Girard.

Association canadienne des compagnies d'assurance-vie

M. Girard (Claude): Oui, M. le Président, Claude Girard.

Le Président (M. Marcoux): Est-ce que vous pouvez présenter votre collègue?

M. Girard: Me Luc Plamondon qui est le vice-directeur juridique à la compagnie d'assurance-vie Sun Life du Canada.

M. le Président, comme vous avez été certainement à même de le constater, notre mémoire est relativement bref et il ne touche qu'un point visé par le projet de loi 126, soit les congés annuels payés. Quant à nous, c'est le statut des agents d'assurances entièrement rémunérés à commis- sion qui nous préoccupe. Tel que mentionné dans notre mémoire, nous avons été étonnés de remarquer que le gouvernement n'entendait pas reconduire l'exception qui existe depuis plusieurs années dans l'ordonnance 3 de la Commission du salaire minimum et qui exclut de façon spécifique les agents et sous-agents d'assurances entièrement rémunérés à commission de l'ordonnance en question. Comme il ne nous apparaît pas que les conditions de travail des agents et sous-agents d'assurances entièrement rémunérés à commission ont changé depuis quelques années, nous nous demandons pour quelle raison le gouvernement entend changer cette exclusion et ne pas la reconduire dans le projet de loi, d'autant plus que des professions qui s'apparentent aux agents d'assurances entièrement rémunérés à commission, c'est-à-dire les agents de valeurs mobilières et les agents immobiliers voient l'exemption qu'ils avaient dans l'ordonnance no 3 reconduite dans le projet de loi 126. C'est la raison qui nous a poussés à intervenir auprès de la présente commission. Evidemment, nous sommes impatients de connaître la position du gouvernement ou les motifs qui l'ont incité à suggérer ce changement dans le projet de loi 126. Selon les motifs que le gouvernement pourra nous soumettre, nous serons à la disposition de la commission pour donner plus de détails sur notre position.

Le Président (M. Marcoux): M. le ministre.

M. Johnson: En fait, si vous permettez, c'est moi qui vais vous retourner la question, pour quelle raison vous opposez-vous à ce que les agents d'assurances — je ne parle pas des courtiers, évidemment, je parle des agents — soient couverts par la Loi du salaire minimum? J'aimerais vous entendre nous dire pourquoi.

M. Bellemare: Si on répond.

M. Johnson: Est-ce que je pourrais vous entendre quelques minutes là-dessus? Quelles sont les raisons pour lesquelles, en tant que représentants des compagnies d'assurances, vous vous opposez à ce que les dispositions de la Loi du salaire minimum, y compris le salaire, s'appliquent aux agents d'assurance?

M. Girard: Les dispositions de la Loi du salaire minimum, comme telles, n'ont jamais causé, à ma connaissance, de problèmes particuliers aux compagnies d'assurances. C'est tellement vrai que le problème ne se pose pas au niveau des heures de travail et au niveau de la rémunération versée aux agents. Quant aux congés annuels payés, à ma connaissance, dans le cours des emplois des agents, le problème ne se pose pas non plus. Il s'est posé à l'occasion, lorsque certains agents ont quitté des compagnies d'assurances, je me situe dans la période de 1974-1975, où il y a eu certaines réclamations faites au nom des agents ou de certains agents par la Commission du salaire minimum. Depuis plusieurs années... d'ail-

leurs, des représentations avaient été faites, à l'époque, à la Commission du salaire minimum et le gouvernement avait, de façon exclusive, dans l'ordonnance no 3 de 1972, donné une exemption pour les agents et sous-agents d'assurances, reconnaissant par là qu'ils n'étaient pas des salariés, qu'ils n'étaient pas des travailleurs sur lesquels les compagnies d'assurances avaient un contrôle quant aux conditions de travail, soit leur façon de travailler, leurs heures de travail, le temps qu'ils prennent en vacances. La commission ou le gouvernement, à l'époque, était d'opinion qu'ils devaient être considérés comme des travailleurs autonomes.

M. Bellemare: L'ordonnance no 3 de 1972...

M. Johnson: Je m'excuse, si le député de Johnson me permet, s'il vous plaît.

M. Bellemare: Certainement. Je vous le permets certainement. Mais je pense que vous devez connaître les ordonnances 67 et 72.

M. Johnson: Oui, on les connaît. Ce sont celles qui ont pour effet d'exclure.

M. Bellemare: Pardon?

M. Johnson: Vous parlez de celles qui ont pour effet d'exclure?

M. Bellemare: Oui, l'ordonnance 3 et les ordonnances... 67 et 72.

M. Johnson: Oui, on les connaît. Mais la loi 126 prévoirait effectivement que les agents d'assurances — à moins qu'on ne modifie la loi — seraient soumis aux dispositions du salaire minimum.

Je vais vous poser une question. Combien y a-t-il d'agents d'assurances au Québec? Vous représentez l'association. Combien y en a-t-il à peu près?

M. Plamondon (Luc): On représente la partie patronale et non pas le nombre d'agents. On parle de plusieurs milliers d'agents.

M. Johnson: On peut dire facilement qu'il y a entre 4000 et 5000 agents au Québec?

M. Plamondon: Je ne voudrais pas vous donner un chiffre.

M. Johnson: Vous ne voudriez pas spéculer? M. Plamondon: Non.

M. Johnson: D'accord. Est-ce que vous pouvez me dire le salaire moyen d'un agent d'assurances au Québec, annuellement? Le revenu moyen, pardon.

M. Plamondon: Non, je ne peux pas répondre à la question. On ne parle pas de salaire. Le mot "revenu" est plus près de la réalité. C'est entièrement à commission, n'ayant pas juridiction sur le nombre de leurs heures de travail...

M. Johnson: Non, mais la quantité. Mais un agent d'assurances, dans la moyenne des agents d'assurances au Québec, qui travaillent pour une compagnie et qui vendent des polices d'assurance-vie, ou qui vendent des polices d'assurance-incendie, etc., quel est le revenu annuel, en gros? Est-ce $8000 par année, le revenu d'un agent d'assurances, ou si c'est $50 000 par année?

M. Plamondon: II y en a qui en font $8000 et il y en a qui se font dans les six chiffres, facilement. Une moyenne, c'est-à-dire diviser la quantité des commissions en assurance sur la vie payées en une année, par le nombre de têtes, non. Je n'ai pas de chiffre à ma disposition.

M. Johnson: Vous ne l'avez pas, d'accord. Mais pensez-vous que ce serait un chiffre qu'on pourrait obtenir?

M. Plamondon: Oui, c'est un chiffre disponible.

M. Johnson: Par l'association, probablement.

M. Plamondon: Par l'association, avec le service des assurances, certainement.

M. Johnson: Ce sont des données qu'on pourrait avoir?

M. Plamondon: C'est disponible, oui. C'est exact.

M. Johnson: Ce sur quoi je m'interroge, dans le fond, c'est dans quelle mesure les dispositions de la loi qui auraient pour effet de les inclure et de poser le problème très concret de calculer le temps, pour les fins d'application du salaire minimum, dans quelle mesure cela touche une population qui, en ce moment, fait un revenu qui s'apparente au salaire minimum?

Disons qu'il y a 4000 agents d'assurances au Québec, que le revenu moyen — mais quand je parle du revenu moyen, ce n'est pas juste le revenu total divisé par le nombre, c'est avec la méthode du khi carré et de la répartition avec la cloche — dans quelle mesure est-ce qu'une quantité X de ces personnes feraient autour de $8000 par année?

Si on me répond que 98,3% des agents d'assurances au Québec font un salaire moyen ou un salaire excédant $12 500 par année, je suis d'accord avec vous à dire dans quelle mesure y a-t-il une utilité a priori, sauf pour les fins du congé de maternité et d'autres choses comme celles-là, de les couvrir au niveau du salaire proprement dit. Mais si la démonstration va dans le sens que leur revenu est plus près du salaire minimum, sur une base annuelle, avec une semaine de quarante

heures, cinquante semaines par année, je pense que le problème se pose de façon différente. Je pense que ces données manquent pour en discuter. On va essayer d'approfondir cela avec votre association si elle veut nous faire parvenir ses données. (16 h 30)

M. Girard: M. le ministre, je ne sais pas si on s'éloigne un peu de la question, parce que vous semblez revenir assez souvent sur le revenu comme tel par rapport au salaire minimum. Ce n'est pas tellement là le but de notre récrimination ou de notre présentation. Notre problème, on ne l'a pas avec le salaire minimum, ni avec les heures de travail. Ce qu'on a comme problème avec le projet de loi 126 par rapport à ce qui existe présentement avec l'ordonnance 3, c'est strictement au niveau des congés annuels payés. Autrement dit, jusqu'à maintenant, les compagnies d'assurances n'ont pas à payer 4% ou 6% de vacances à leurs agents, parce qu'ils sont exclus de l'ordonnance 3, tandis qu'avec le projet de loi 126, ce sera une autre paire de manches. Il va falloir les considérer comme des salariés au sens de la loi, particulièrement au sens de la section IV sur les congés annuels payés. On n'a pas de représentation à formuler sur le salaire minimum ou sur le nombre d'heures de travail données par les agents; c'est strictement au niveau des congés annuels payés. Pourquoi le gouvernement ne reconduit-il pas dans la loi une exemption qui existe depuis plusieurs années? Sans raison apparente, à notre connaissance, il y a un changement draconien qui se produit.

M. Johnson: J'ai très bien compris.

M. Bellemare: Parce qu'un agent d'assurances qui ne réussit pas à gagner $10 000 ou $12 000 ne reste pas, il s'en va.

M. Girard: Je ne pense pas qu'il reste longtemps dans le domaine.

M. Bellemare: II ne restera pas.

M. Girard: C'est comme dans toute profession, il y en a des bons et des meilleurs et les mauvais s'éliminent d'eux-mêmes.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Maskinongé.

M. Picotte: Je ferai tout simplement un commentaire, je pense bien, à ce moment-ci. Je pense que, jusqu'à la fin de l'intervention du ministre, pour ma part, vous ne m'avez pas convaincu et je ne pense pas que vous ayez convaincu le ministre non plus, mais je pense que le point que vous avez précisé sur les congés annuels payés est important. Cela mériterait en tout cas que le ministre et les autorités du ministère approfondissent ce point le plus à fond possible. Je pense qu'il semble tout à fait important. En terminant, je veux tout simplement vous remercier de votre participation à la commission et du mémoire que vous nous avez présenté qui, même s'il n'est pas volumineux, comme vous l'avez mentionné tantôt, est quand même très intéressant. Merci.

M. Bellemare: Est-ce que vous seriez satisfaits de renouveler l'ordonnance no 372?

M. Girard: Bien sûr. C'est la seule chose que nous demandons.

M. Bellemare: C'est la seule chose que vous demandez.

M. Johnson: Première défaite.

Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie beaucoup, au nom de tous les membres de la commission. J'inviterais maintenant le Bureau de commerce de Montréal à nous présenter son mémoire, c'est le no 14. M. Lorne Tracey?

Bureau de commerce de Montréal

M. Del Motte (Georges): Non, mon nom est Georges Del Motte. Je suis membre du comité des relations ouvrières du Bureau de commerce de Montréal. Je représente M. Tracey ici aujourd'hui.

Le Président (M. Marcoux): Est-ce que vous pourriez répéter votre nom?

M. Del Motte: Del Motte.

Le Président (M. Marcoux): D'accord. Cela va.

M. Del Motte: Vraiment, moi aussi, j'aimerais être assez bref dans ma présentation. Nous avons travaillé assez étroitement avec le Conseil du patronat sur la préparation de son mémoire. Nous sommes complètement d'accord sur les détails qui ont été discutés ce matin. Nous avons un problème assez particulier, parce que nous avons 2800 entreprises qui sont membres de notre bureau, dont 2200 qui ont moins de 100 employés.

La chose qui nous préoccupe vraiment, c'est l'impact économique qui pourrait se produire si on appliquait toutes les normes qui sont proposées dans la loi. On a déjà le fardeau d'un salaire minimum très élevé. Maintenant, on a un fardeau qu'on ne peut pas déterminer. Je pense que M. le ministre y a fait référence ce matin. C'est très difficile, avec les outils que nous avons de disponibles, de dire que si telle et telle chose se produisent, cela va nous coûter tant. Qu'est-ce qui arrive dans les secteurs mous particulièrement et dans les secteurs d'industrie et de services? On commence à perdre notre possibilité de faire de la concurrence aux niveaux national et international. Qu'est-ce qu'on demande? La commission essaie au moins de faire une étude en détail sur les coûts prévus.

Je sais que ce n'est pas facile. Aussi, on indique dans notre mémoire, que l'on ne veut pas mêler les industries où il y a des conventions collectives à d'autres industries où il n'y en a pas.

L'autre chose qui est peut-être unique dans ce projet de loi, ce sont les dispositins relatives à l'éligibilité pour les jours fériés qui sont trop généreux, ils commencent à la première journée d'emploi. Je ne connais aucune juridiction où il y a une loi semblable. D'habitude, il y a une période de 60 jours ou de 90 jours, trois mois, qui s'applique.

Aussi, on a trouvé l'article 65 un peu drôle, qui nous ramène à une année fixe du 1er mai au 30 avril. On vient juste de compléter il y a deux ou trois ans un nouveau système. C'est encore le coût qui nous intéresse. On a un système qui a l'air de marcher, pourquoi le changer?

En effet, je ne vais pas faire le tour d'horizon que mon collègue Ghislain Dufour a fait ce matin, mais je veux encore l'appuyer sur les points qui ont été soulevés et discutés ce matin. C'est tout de ma part.

Le Président (M. Marcoux): M. le ministre.

M. Johnson: Merci, M. Del Motte. Essentiellement, selon le mémoire du Board of Trade ou du Bureau de commerce de Montréal, vous appuyez la position du Conse.l du patronat. Deuxièmement, vous insistez sur la question de la compatibilité avec une loi d'application générale des conventions collectives. C'est un problème qui a été évoqué, dont on a discuté très longuement, d'ailleurs, avec vos collègues. Troisièmement, vous avez insisté sur un des détails qui vous semblent généreux dans la loi d'octroyer le congé, indépendamment de la période d'engagement de la personne. Il faut dire que la plupart des conventions collectives, il me semble bien, dans les recherches qu'on a faites, ne prévoient pas un minimum de présence dans l'entreprise à partir du moment où...

M. Del Motte: D'habitude, il y a une clause dans la plupart des conventions collectives qui dit que la personne n'a pas droit à certaines choses, jusqu'à ce qu'elle n'ait pas fini ou complété sa période...

M. Johnson: Sa période de probation. M. Del Motte: ... probation. M. Johnson: Oui.

M. Del Motte: Cela revient un peu à la même chose. D'habitude, c'est 60 jours...

M. Johnson: Oui.

M. Del Motte: ... 90 jours, trois mois ou quelque chose comme ça.

M. Johnson: Oui, je comprends ce que vous voulez dire.

M. Del Motte: Mais je pense que la chose qui nous préoccupe le plus dans toute cette affaire, c'est le coût.

J'ai bien aimé votre idée, ce matin, d'avoir un plafonnement sur les prestations. On saurait finalement où on s'en va. Présentement, on est pris entre 0,1% et 1%. On ne sait pas où on s'en va. Beaucoup de choses seront faites par règlement, lorsque la loi sera passée par l'Assemblée nationale. Cela laisse une porte ouverte.

Un gars qui a une petite entreprise d'environ 50 employés, comment peut-il faire son bilan s'il ne connaît pas ses coûts? Cela va avoir un choc économique, sur des petites compagnies particulièrement, qui pourra être très néfaste.

M. Johnson: D'accord. On en prend bonne note. Merci, M. Del Motte.

M. Del Motte: Merci, M. le ministre.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Maskinongé.

M. Picotte: M. Del Motte, quand vous parlez à un moment donné d'impact économique, voulez-vous dire que c'est impossible — ou à peu près totalement impossible — de l'évaluer?

M. De! Motte: Pour le moment, parce que les choses ne sont pas assez précises. Est-ce qu'on prend 0,1%, 1% ou un congé férié, est-ce que l'on en prend, comme le ministre l'a dit ce matin, peut-être 20? J'espère que non.

M. Johnson: En l'an 2000. M. Del Motte: En l'an 2000.

M. Johnson: II faudrait au moins qu'il y ait cela!

M. Picotte: Mais quand vous parlez de jours fériés accordés en trop grand nombre, est-ce que vous vous référez à d'autres endroits bien précis, à d'autres législations ou...

M. Del Motte: II y a la Loi des établissements commerciaux, par exemple, qui donne certaines journées. On ne sait pas si on parle d'une journée pour la fête nationale. Est-ce qu'on parle, comme disait M. Dufour ce matin, du 1er mai ou du 1er lundi du mois de septembre? Est-ce qu'on parle du Vendredi saint ou du lundi de Pâques? Il y a des conflits qui existent.

Si une compagnie a déjà une convention qui donne... En moyenne, c'est au moins dix à onze jours de congés fériés. Si la compagnie a déjà donné cela dans un contrat collectif, et que tout à coup on sort le 1er mai, par exemple, qu'est-ce qui arrive à ce moment-là? Est-ce qu'on leur donne le 1er mai et les onze jours qu'on a déjà négociés ou est-ce qu'on dit: En effet, tout ce que la loi demande, c'est qu'on leur donne trois, quatre ou cinq jours, on leur donne déjà onze ou douze

jours dans certains cas. On peut balancer l'un contre l'autre.

M. Picotte: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Johnson.

M. Bellemare: C'est la même discussion que ce matin avec le patronat.

Le Président (M. Marcoux): Merci beaucoup au nom de tous les membres de la commission.

M. Bellemare: Ce n'est pas clair, mais j'essaie de suivre le débat.

Le Président (M. Marcoux): Ce qui nous permet d'inviter maintenant l'Association du personnel domestique.

M. Johnson: Merci M. Del Motte. L'Association... mémoire no 17...

M. le Président, si vous le permettez, est-ce qu'on pourrait savoir si le représentant de l'Association des camps du Québec est dans la salle? Il est là?

M. Bellemare: Ils sont ici.

M. Johnson: Je veux simplement vous aviser, messieurs que, simplement pour vous permettre de planifier votre après-midi ou votre soirée, cela ira malheureusement à compter de 20 heures ce soir. Est-ce que cela vous va? Cela vous donne quand même une heure et quart de plus que prévu.

Le Président (M. Marcoux): Cela vous enlève une heure et quart de plus que prévu, selon qu'on est optimiste ou pessimiste.

Maintenant, Mme Gracia Constantineau est-elle là?

Association de la défense des droits du personnel domestique

Mme Constantineau (Gracia): Oui, c'est moi.

Le Président (M. Marcoux): Si vous voulez présenter les collègues qui vous accompagnent. Si vous étiez là depuis ce matin, vous connaissez notre mode de fonctionnement. Allez-y.

Mme Constantineau: Danièle Bouchard, Adriana Volpato, Mathilde Marchand, Antonio Requelme et Mme Korkor.

Le Président (M. Marcoux): Si vous pouvez parler plus fort, parce que...

Mme Constantineau: D'accord. Je vais vous lire le mémoire présenté par l'association de la défense des droits du personnel domestique de Montréal.

Le Président (M. Marcoux): Est-ce que vous avez l'intention de le lire en entier?

Mme Constantineau: Oui. Vous trouvez cela trop long?

Le Président (M. Marcoux): Allez-y.

Mme Constantineau: Définition d'un employé domestique. Par employé domestique, nous entendons une personne engagée dans une maison privée...

M. Johnson: Un instant, s'il vous plaît. Est-ce qu'on pourrait essayer d'approcher le micro un peu plus?

Mme Constantineau: On ne peut pas, non.

M. Johnson: Je vais être obligé, Mme Constantineau, si vous le permettez, de vous demander d'essayer de parler fort. D'accord?

Mme Constantineau: Plus fort encore. Par employée domestique nous entendons une personne engagée dans une maison privée pour accomplir diverses tâches ménagères moyennant une rémunération. Ces personnes peuvent être employées pour préparer les repas, garder les enfants ou s'occuper de personnes âgées, faire le lavage, l'entretien général de la maison ou pour le jardinage ou l'entretien du terrain, mais nous constatons qu'en général une personne est employée pour accomplir toutes ces tâches.

De plus, il est nécessaire de distinguer les employées domestiques résidentes, qui demeurent chez leur employeur, et les employées domestiques non-résidentes, qui demeurent à l'extérieur, ces deux types d'employées ont globalement les mêmes problèmes.

L'historique. Historiquement, le statut de la travailleuse domestique a toujours été celui d'une servante qui, en échange du logement et de la nourriture et parfois d'une petite somme d'argent, offrait ses services à ses employeurs. Avec l'arrivée de l'industrialisation, de plus en plus de femmes entrèrent sur le marché du travail. Ceci, pour un bon nombre de personnes, fut rendu possible grâce à la disposition des travailleuses domestiques. Le travail domestique prit une grande importance, et les travailleuses se virent confier de plus en plus de responsabilités puisque les familles dépendirent entièrement d'elles sur plusieurs points, comme le soin des enfants, des personnes âgées, de la maison, et ceci à plein temps. Les changements amenés par l'industrialisation et qui contribuent à aider les femmes d'Amérique du Nord à trouver un nouveau sens à leur propre valeur, ironiquement, jouent contre la valeur et la dignité professionnelle de la travailleuse domestique. (16 h 45)

Comme les femmes entrent sur le marché du travail pour poursuivre une carrière, le travail domestique en vient à être considéré comme étant

une corvée dévalorisante. La faible opinion qu'on a du travail domestique nous fait considérer cette travailleuse qui l'accomplit de la même façon. Son travail est alors jugé comme n'étant pas assez important pour mériter le salaire minimum ainsi que les autres avantages dont bénéficient les travailleuses du Québec.

L'employée domestique n'est toujours pas considérée comme une travailleuse qui contribue à la croissance économique de la société. Ceux qui font les lois ainsi que plusieurs employeurs voient encore ces travailleuses comme des servantes sans droits; ainsi, cet article 2 de la Loi du salaire minimum stipule: "La présente loi s'applique à tous les salariés dont le travail se fait dans la province chez l'employeur, à domicile ou ailleurs, excepté les domestiques de maison".

L'absence totale de protection légale fait en sorte que l'employée domestique est particulièrement vulnérable aux pires conditions d'emploi, surtout dans le cas des personnes avec permis d'emploi temporaires. Plusieurs de ces personnes sont venues travailler au Canada afin de subvenir aux besoins de leurs familles restées dans leur pays. Facilement intimidées à cause de leur statut fragile et de leur ignorance du peu de droit qu'elles ont, ces travailleuses acceptent des conditions de travail misérables afin de garder leur emploi. Dans le cas des travailleuses canadiennes ou immigrantes reçues, la situation n'est pas tellement différente en ce qui concerne leur vulnérabilité.

La situation actuelle. Les conditions de travail du personnel domestique. Comme il n'existe aucune loi pour régimenter le salaire des domestiques, les employeurs ont toujours payé ce qu'ils voulaient bien. D'après une enquête effectuée à Montréal par l'Association du personnel domestique, la travailleuse domestique logée et nourrie reçoit un salaire qui correspond en moyenne à $1.05 l'heure, et pour la travailleuse non logée et nourrie, environ $2 l'heure. La majorité doit faire des semaines de plus de 60 heures, sans être rémunérée en temps supplémentaires. Ces salaires horaires démontrent ce que gagnent en moyenne les travailleuses domestiques de la région de Montréal où les travailleuses peuvent obtenir des salaires plus élevés. Ils ne sont cependant pas représentatifs des régions à l'extérieur de Montréal, comme Sherbrooke, où les salaires dépassent rarement $40 ou $50 par semaine et la région de Lislet où ils se situent entre $30 et $40. De plus, alors que le coût de la vie a augmenté astronomiquement ces dernières années et que les salaires des autres travailleurs au Québec ont plus ou moins suivi cette évolution, ceux du personnel domestique sont demeurés fixes. Il faut remarquer, cependant, que le personnel domestique a les mêmes besoins que les autres travailleurs et qu'il a le même droit à des conditions de vie décentes.

Puisque le personnel domestique est exclu de la Loi du salaire minimum, il ne peut bénéficier des avantages sociaux, comme des vacances annuelles payées, des congés de maternité, etc., qu'ont les autres travailleurs. Il est également exclu de la Loi des accidents du travail, ce qui signifie qu'en cas d'un accident au travail, son sort est laissé au bon vouloir de l'employeur. De plus, à cause de leur isolement, les travailleuses n'ont pas un pouvoir collectif de négocier certains bénéfices minimaux, comme des congés fériés, l'indexation du salaire au coût de la vie et selon les années d'expérience. La situation du personnel domestique est caractérisée par la contradiction entre l'absence totale de droits en tant que travailleuses et l'imposition d'obligations se rapportant aux ouvriers. Cette contradiction devient nettement apparente dans le cas des travailleuses domestiques avec visa d'emploi temporaire, car celles-ci doivent tout autant que les autres employées domestiques payer des impôts sur le revenu et payer les régimes d'assurance-chômage, d'assurance-maladie et de rente, sans n'avoir aucun droit aux bénéfices que peuvent apporter ces régimes sociaux.

Ce qui s'est fait jusqu'à maintenant. Malgré le mandat qu'il s'était donné d'améliorer les conditions d'emploi de tous les travailleurs de la province, le gouvernement du Québec n'a, en fait, rien accompli pour rétablir la situation des travailleuses domestiques, car elles ne constituent pas une force politique importante.

La Commission de l'emploi et de l'immigration du Canada à Montréal, constatant les piètres conditions d'emploi dont étaient victimes les travailleuses domestiques, établit un règlement. Celui-ci stipule que l'employée logée et nourrie devrait recevoir un minimum de $70 par semaine pour 45 heures d'ouvrage et un minimum de $91 pour une personne demeurant à l'extérieur pour le même nombre d'heures, 45 heures. Ceci, cependant, n'a pas amené la protection espérée.

Tout d'abord, le taux de salaire est nettement inadéquat: $300 par mois, chambre et pension comprise, pour des femmes, chefs de famille, qui doivent loger, nourrir, habiller et éduquer leurs enfants, qu'ils soient à l'intérieur ou à l'extérieur du Canada. L'insuffisance de ce taux de salaire est d'autant plus frappante lorsqu'on le compare au taux effectif en Saskatchewan qui est de $485 par mois, chambre et pension comprises.

En outre, il est difficile de faire respecter le règlement, précisément parce que les employeurs savent que c'est un règlement et non une loi. L'efficacité du règlement est davantage réduite par le fait que les travailleuses domestiques canadiennes ou immigrantes reçues ne sont pas obligées d'utiliser les services de la main-d'oeuvre pour se placer et ignorent donc, dans la plupart des cas, l'existence même de ce règlement. Les seules travailleuses qui doivent passer par la main-d'oeuvre sont celles qui détiennent des visas d'emploi temporaires. Malheureusement, même celles-ci n'osent pas se plaindre si le règlement n'est pas respecté, car leur statut fragile et leur exclusion des lois qui protègent les travailleurs les rendent extrêmement vulnérables. De plus, faute de mécanisme de surveillance efficace, la main-d'oeuvre n'a aucun moyen d'assurer que le règlement soit appliqué.

Tout cela démontre la nécessité évidente d'inclure tout le personnel domestique dans une loi sur les normes de travail, sous la juridiction du gouvernement du Québec.

Mme Bouchard (Danièle): Les articles qui concernent le personnel domestique.

Article 3. La présente loi ne s'applique pas: b) au salarié qui exerce des fonctions de domestique et qui réside ailleurs que chez l'employeur, ou qui, à ce titre, travaille moins de trente heures par semaine pour un même employeur.

Article 86. Le gouvernement peut faire des règlements pour assujettir ou exclure de l'application totale ou partielle de la présente loi ou des règlements certains organismes qu'il désigne ou pour exempter de l'application totale ou partielle de la section I du chapitre IV, pour le temps et aux conditions qu'il détermine, une ou plusieurs catégories de salariés qu'il désigne et fixer, le cas échéant, des normes du travail particulières pour ces salariés, notamment les domestiques.

Article 87. Le gouvernement peut fixer, par règlement, des normes du travail sur les matières suivantes: Salaire minimum; bulletin de paye; montant maximum pour la chambre et la pension; la semaine normale, notamment, celle du domestique; les jours fériés, chômés et payés; le droit à un congé de maternité; les primes, indemnités et allocations diverses; les outils, les douches, les vestiaires et les lieux de repos.

Article 147. La présente loi s'applique aux salariés qui exercent les fonctions de domestiques à compter de l'entrée en vigueur des règlements adoptés en vertu de l'article 86 et du paragraphe d) de l'article 87 les concernant.

La position de l'association face aux changements proposés. L'Association pour la défense des droits du personnel domestique de Montréal recommande l'inclusion de toutes les travailleuses domestiques, sans exception, dans la Loi sur les normes du travail, comme tous les travailleurs protégés par cette loi. C'est ce que l'association revendique depuis ses débuts.

Les propositions contenues dans le projet de loi 126 concerant le personnel domestique pourraient être considérées comme des améliorations si l'on compare cette loi à l'ancienne Loi du salaire minimum qui les ignorait. Cependant, en réalité, ces changements n'avantagent pas le personnel domestique et, par conséquent, ne peuvent être accueillis favorablement par les travailleuses domestiques.

Le projet de loi exclut les personnes qui ne demeurent pas chez l'employeur et qui travaillent moins de 30 heures pour un même employeur. Cela signifie qu'il ne protège pas la majorité des travailleuses domestiques puisque la plupart ne remplissent pas ces conditions. Même celles que la loi se propose d'inclure ne pourront réellement bénéficier des avantages puisque les employeurs pourront contourner la loi en engageant des travailleuses domestiques qui ne sont pas incluses et qu'ils pourront donc continuer d'exploiter. Ainsi, la première démarche du gouvernement du

Québec en vue de soi-disant améliorer les conditions d'emploi des travailleuses domestiques se trouve plutôt, de cette façon, à encourager leur exploitation.

De plus, afin d'être protégées, les travailleuses domestiques devront accepter d'être logées et nourries et de sacrifier leur vie privée et leur famille. Etant donné qu'un nombre de plus en plus important de travailleuses sont chefs de famille, ces personnes, en étant exclues de cette loi, recevront encore, dans une période où le coût de la vie ne cesse d'augmenter, un salaire de $4732 par année. Il est important de noter que le seuil de pauvreté pour 1978, pour une famille d'un adulte et deux enfants, était de $9888.

La loi encourage également les femmes, chefs de famille, à recourir plutôt au bien-être social où elles obtiendront plus du côté financier, c'est-à-dire $5832, prestation annuelle de bien-être social en 1978 pour une famille composée d'un adulte et deux enfants, par année au lieu de $4732 qui est le montant exigé par la Main-d'oeuvre si elles continuaient à faire du travail domestique.

Les articles 86, 87 et 147 dénotent la nette intention de fixer les conditions de travail du personnel domestique par règlement. Sur ce point, nous désirons fortement faire valoir l'importance de ne pas se servir de tels règlements de façon à mettre les travailleuses domestiques à part des autres travailleurs.

Il faut remarquer qu'à cause de sa condition sociale et du travail qu'elle fait, la travailleuse domestique n'a jamais été placée au même rang que les autres travailleurs du Québec en ce qui concerne les lois de protection du travail. De fait, elle fut toujours mise de côté. Pour cette raison, la Commission des droits de la personne du Québec, répondant à une plainte présentée par l'Association du personnel domestique en 1978, déclara l'ancienne Loi du salaire minimum discriminatoire envers le personnel domestique.

Or, si le gouvernement tient à procéder par règlements, il est normal que ceux-ci fixent pour le personnel domestique les mêmes normes minimales que pour les autres travailleurs.

Les mythes concernant l'inclusion du personnel domestique dans la loi sur les normes du travail. Un des arguments invoqués par les autorités en place pour continuer à exclure tout le personnel domestique de la loi sur les normes du travail est que celles-ci perdraient leur emploi. Cet argument est sans fondement.

Depuis l'année 1974, les travailleurs domestiques aux Etats-Unis sont protégées par la Loi du salaire minimum. Les personnes qui travaillent plus de huit heures par semaine pour un ou plusieurs employeurs ou qui reçoivent au total $50 ou plus pour une période de trois mois consécutifs pour un même employeur sont protégées par cette loi. Avant que celle-ci ne soit mise en vigueur, on craignait que les travailleuses ne perdent leurs emplois. Cependant, le Conseil national du travail domestique des Etats-Unis qui a effectué une recherche sur les répercussions du salaire minimum sur les employés domestiques et

leurs employeurs a découvert que bien qu'il y ait eu beaucoup de discussions et d'objections face à ce projet de loi, les travailleuses domestiques n'ont pas perdu leur emploi à cause du refus ou de l'incapacité de l'employeur de payer le nouveau salaire minimum.

Un autre argument fréquemment soulevé maintient que l'extension du salaire minimum au personnel domestique rendrait les services de ces travailleuses inaccessibles à certaines familles. Cet argument est trompeur. D'une part, il est illusoire de croire que les employeurs de travailleuses domestiques proviennent de toutes les classes sociales. A cet effet, le département montréalais de la Commission de l'emploi et de l'immigration du Canada affirme que les offres d'emploi pour domestiques proviennent majoritairement des districts les mieux nantis, notamment Hampstead, Westmount, Laval, ville Saint-Laurent et ville Mont-Royal.

D'autre part, nous maintenons que le travail domestique est une profession et non une faveur personnelle et que l'épanouissement professionnel d'une partie de la population ne doit pas continuer de se faire aux dépens d'une autre.

Il est aussi souvent prétendu par les législateurs que l'inclusion du personnel domestique dans la Loi sur les normes du travail serait un geste futile puisque les difficultés qu'auraient les fonctionnaires à l'appliquer la rendraient totalement inefficace. Cependant, les hauts fonctionnaires de la Commission du salaire minimum, qui sont ceux qui sont aux prises avec l'application concrète de la Loi du salaire minimum, sont manifestement en désaccord avec cette position puisqu'ils recommandent depuis déjà plusieurs années l'inclusion du personnel domestique dans cette loi. Ils croient fermement que la loi peut être appliquée aux travailleuses domestiques, même dans des instances qui peuvent sembler présenter des problèmes.

Par exemple, prenons le cas d'une travailleuse domestique qui travaille pour cinq employeurs différents à raison d'une journée par semaine chacun. Le droit à des vacances annuelles payées pour une telle employée pourrait sembler présenter des difficultés au niveau de l'application. Cependant, il n'en est rien car il suffirait que chaque employeur lui paye un montant équivalant à 4% du salaire brut total qu'il lui aurait payé. En fait, un mécanisme d'application qui serait efficace pour les autres travailleurs le serait tout autant pour le personnel domestique. (17 heures)

Le travail domestique étant indispensable sur le plan économique et social, le personnel domestique se considère donc comme des travailleurs à part entière et exige d'être reconnu comme tel. Nous recommandons l'inclusion de toutes les travailleuses domestiques sans exception dans la Loi sur les normes de travail, comme tous les travailleurs protégés par cette loi.

Le Président (M. Marcoux): ...

Mme Constantineau: M. le ministre, j'ai encore quelque chose à vous dire, et après, vous pourrez poser les questions qu'il nous semblera bon de nous poser. M. le ministre Johnson, permettez-moi de me présenter à vous et à vos collègues du gouvernement québécois. Je suis la présidente de l'Association pour la défense des droits du personnel domestique de Montréal. Ce n'est pas la première fois qu'on se rencontre, et j'en suis fort heureuse. Cependant, j'aimerais bien que, la prochaine fois, ce soit pour un autre sujet.

Je crois de mon devoir de vous expliquer la situation du personnel domestique depuis longtemps. Je suis arrivée à Montréal à l'âge de 17 ans, venant du Lac-Mégantic. N'ayez crainte, je ne vous raconterai pas ma vie, mais seulement quelques passages. Avant de vous dire cela — ne cherchez pas dans vos papiers, personne ne l'a — les choses n'ont pas tellement changé depuis 40 ans. Ce qui a changé pour moi, j'ai dû le faire moi-même. J'ai travaillé dans les familles anglaises ou celles qui parlent anglais. Pourquoi, me direz-vous? Pour la simple raison que c'étaient elles qui avaient l'argent, pour se permettre une domestique costumée, comme on disait, dans le temps. Maintenant, je suis à ma retraite, qui ne sera pas payante. Qu'est-ce qui me manque, pensez-vous, pour me rendre dans une maison pour personnes âgés?

M. Johnson: Cela va bien, madame.

Mme Constantineau: II ne faut pas y penser. C'est seulement pour les personnes qui ont travaillé à un gros salaire. Cela m'a tellement affectée, vous savez, quand on passe notre vie à travailler là-dedans et qu'on n'a aucun droit. On dirait qu'on n'est pas au Québec. Franchement, je suis peut-être un peu frustrée. Peut-être trouvez-vous que... En tous les cas, je veux continuer, parce que je veux au moins le dire une fois dans ma vie. Il ne faut pas y penser. C'est seulement pour les personnes qui ont travaillé à gros salaire. Alors, elles ont trois ou quatre pensions, ceci est accessible pour elles. Les petits salariés, que va-t-on faire avec eux? Par chance, il y a des personnes qui commencent à en parler. Mais, en attendant, nous ne mangeons toujours pas de steak. Mais nous sommes habitués d'être en arrière des autres. Nous avons passé notre vie à être en arrière des autres. Qu'est-ce que vous en pensez? Cela nous coûte d'être venues jusqu'à vous, maintenant, beaucoup d'efforts, de travail de toute sorte et d'argent, notre journée n'est pas payée. Je ne reçois pas de frais de transport pour mon voyage. Je n'ai jamais reçu un cent pour mes vacances. Si je prenais un jour de congé, il n'était jamais payé. Que ce soit pour une maternité ou un décès, j'ai passé ma vie à perdre mon temps. A plusieurs reprises, je me suis demandé si j'étais une femme, une Canadienne, une Québécoise ou une esclave. Vous savez, souvent une travailleuse domestique, c'est de la cruauté mentale que nous avons à subir; depuis 40 ans, cela n'a pas beaucoup

changé. C'est bien beau, de belles phrases bien tournées, de nous parler de structures de toutes sortes, de progrès, d'économie, d'énergie, de relance économique, d'écologie, de sexologie, de la séparation du Québec. Toutes ces choses s'appellent de l'avancement. Mais nous, les petits salariés, sommes toujours au même point. Quand va-t-on prendre le temps de s'occuper des travailleurs non syndiqués, qui gagnent encore en 1979 des salaires de famine? N'est-ce-pas qu'avant de penser à se séparer, il faudrait penser à s'unir entre nous? Qu'en pensez-vous, M. le ministre? Si vous êtes rendu au poste que vous occupez en ce moment, vous l'avez gagné, bien sûr, par la haute bourgeoisie, mais aussi par le petit peuple, pour qui deux choix se posaient: voter ou ne pas voter.

On se sentait tellement heureux qu'on pense à nous qu'on ne se rendait même pas voter; au fond, pour qui? Pour quoi? Vu que nous sommes toujours oubliés. Je comprends bien que cela n'est pas toujours votre faute, mais, maintenant que vous êtes informé de la situation qui a assez duré, j'espère bien que vous allez voir à remédier à la chose et à mettre enfin cette bonne affaire du salaire minimum pour tous les travailleurs québécois. Au moins, ce sera marqué dans les archives du gouvernement québécois, qui va être sûr d'avoir fait une bonne action.

Un autre point très important qu'il ne faut pas oublier, ce sont les immigrants qui viennent dans notre beau pays auquel je suis fière d'appartenir. Ils arrivent ici en pensant être capables de travailler à un salaire convenable. Non, on abuse d'eux dans bien des cas. Ils ne peuvent se défendre car ils ne sont pas citoyens canadiens et ils doivent gagner leur vie. J'ai vu des cas où on refusait des travailleurs canadiens et on prenait des immigrants, dans le seul but de pouvoir les façonner et les payer à leur goût. C'est fini! Le salaire minimum pour tous les travailleurs!

Cher M. le ministre, ce n'est pas parce qu'il y a une insuffisance dans les revenus familiaux que certains employeurs doivent avoir le droit d'embaucher du personnel domestique sans être capables de les payer adéquatement. Dans la majorité des cas, beaucoup sont en bas du salaire minimum, il y en a qui font des heures très longues, sans droit à l'assurance-chômage, ni à la protection des accidents, ni aux rentes du Québec, ni à l'assurance-salaire, alors que les mêmes dames pour qui nous travaillons reçoivent, elles, tous les avantages sociaux, pour la seule raison qu'elles quittent leur foyer et leur famille pour faire du travail à l'extérieur quel qu'il soit.

Ne trouvez-vous pas, M. le ministre, que les rôles sont renversés? Cela est toujours au détriment de la pauvre petite domestique, souvent immigrée, qui ne peut rien faire d'autre à cause de son statut social ou de ses qualifications qui n'ont pas été acceptées des gouvernements.

Ne trouvez-vous pas, M. le ministre, qu'il est temps de faire quelque chose pour ce pauvre personnel domestique, afin de remettre le statut de la femme à sa juste valeur, dans tous les domaines, non seulement en sortant de son foyer, mais en y demeurant?

Je puis vous laisser savoir que je regrette, mais je n'avais pas de secrétaire pour m'aider.

Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie beaucoup, Mme Constantineau, ainsi que vos collègues. M. le ministre.

M. Johnson: Merci, Mme Constantineau. J'ai lu avec attention, et nos services aussi, votre mémoire. Je pense que les éléments que vous y avez ajoutés tout à l'heure nous ont permis de saisir, bien concrètement, ce que vous avez vécu vous-même, dans ce domaine-là, pendant plusieurs années.

Certaines choses me frappent. Il y a peut-être des questions auxquelles j'aimerais qu'on réponde. J'entendais votre collaboratrice de droite parler de la mythologie sur les travailleurs domestiques. Je pense qu'on a exagéré beaucoup les inconvénients qu'il y aurait à couvrir, ne serait-ce que partiellement, ou ne serait-ce que par un régime particulier de réglementation, les travailleurs domestiques. Néanmoins, il reste quelques problèmes très concrets qu'il faut voir. C'est du monde en vie, ceux dont on parle, ce n'est pas une fonction théorique. Etre travailleur domestique, vous l'avez vécu, vous, et vous êtes en vie. Vous me dites: Après 40 ans, dans le fond, je n'ai pas de pension, je n'ai pas eu de régime de participation, je n'ai pas pu planifier, finalement, mon avenir. Je suis d'accord avec vous, il va falloir que la société trouve des moyens de répondre à cela, mais ce n'est pas vrai seulement des travailleurs domestiques. C'est bien important qu'on comprenne cela aussi.

Mme Constantineau: Nous le savons, cela.

M. Johnson: C'est vrai sûrement des travailleurs domestiques, mais c'est vrai pour d'autres citoyens aussi. En ce sens-là, il ne s'agit pas d'ignorer ce que vous dites, mais je vais juste évoquer qu'il y a des choses très concrètes qui peuvent être faites dans certains domaines. Si vous parlez de logement pour les personnes qui ont plus de 65 ans, le régime qui est en vigueur au Québec depuis quelques années et dans lequel ce gouvernement a mis beaucoup d'argent neuf, depuis deux ans, c'est le logement social qui tient compte du niveau de revenu des personnes.

Si on prend l'exemple des pyramides olympiques, cent de ces logements sont effectivement réservés à des personnes, quel que soit leur niveau de revenu. Sans cela, ce n'est pas en réglant le problème des domestiques qu'on le règle, je pense qu'on le règle pour beaucoup de gens dans la société. En ce sens, je pense que vous êtes solidaires d'autres citoyens.

Deuxièmement, dans le cas des domestiques qui sont mariées, donc qui forment une unité familiale, qui ont des enfants, la loi qui a été déposée aujourd'hui et qui sera en vigueur d'ici le mois de juin concernant le supplément de revenu de tra-

vail, va couvrir les domestiques qui sont mariées et qui ont des enfants, dans un premier temps, et, éventuellement, les femmes mariées qui sont domestiques, mais qui n'ont pas d'enfant. C'est dans une phase de deux ans, possiblement. Encore une fois, concrètement, je pense que cela correspond aux besoins du groupe que vous représentez, mais aussi d'autres groupes de citoyens qui sont plus ou moins dans votre position.

Les questions concrètes que je me pose sont les suivantes: D'abord, à votre avis ou à celui du groupe qui vous accompagne, quel est le nombre de domestiques au Québec, à peu près?

Mme Bouchard: Dans toute la province, on l'évalue à environ 15 000.

M. Johnson: Vous l'évaluez à environ 15 000 dont la majorité est sans doute à Montréal.

Mme Bouchard: La majorité, au moins...

M. Johnson: Dans ce groupe, quel est le pourcentage d'immigrantes, à peu près? Encore une fois, en gros. Est-ce qu'il y en a 20%.

Mme Volpato: Est-ce que vous parlez d'immigrantes ou de celles qui détiennent un permis de travail? Parce que ce n'est pas la même situation.

M. Johnson: C'est-à-dire des gens qui ne sont pas citoyens canadiens, qu'ils soient immigrants reçus ou qu'ils soient ici sur une base de permis de travail. Je pense que la distinction est importante dans votre métier.

Mme Volpato: A peu près un tiers.

M. Johnson: A peu près un tiers. Troisièmement — la question peut paraître drôle et ne veut pas être la traduction d'un préjugé que j'aurais, je voudrais seulement vous en assurer, Mme Constantineau — à votre connaissance, les domestiques que vous connaissez dans votre association, combien font un rapport d'impôt?

Mme Constantineau: M. le ministre, quand elles gagnent suffisamment, elles font un rapport d'impôt, mais il faut gagner.

M. Johnson: Oui.

Mme Constantineau: Vous savez qu'il y a un montant minimum requis et, à partir de ce montant, on doit payer l'impôt, comme tout travailleur. Ce matin, quelqu'un a dit: La majorité ne font pas de rapport d'impôt. Non, elles ne gagnent pas assez pour faire leur rapport d'impôt, elles n'ont pas besoin d'en faire. Si elles gagnent assez, automatiquement, tout le monde est obligé de faire son rapport d'impôt.

M. Johnson: Une des réflexions d'un membre de l'Opposition, ce matin, était que, dans le fond, le gouvernement ne réglait pas le problème des domestiques, il ne faisait que les obliger à payer de l'impôt. Ce qui m'apparaît une façon peut-être un peu simple de présenter le problème. Notre objectif n'est pas là; c'est d'essayer d'améliorer la condition des domestiques et de les protéger, parce qu'ils sont relativement démunis en termes de moyens pour faire valoir leurs droits.

Mme Bouchard: J'aimerais clarifier la réponse de Mme Constantineau concernant les impôts. Présentement, il y a quand même un pourcentage assez important de travailleuses qui paient les impôts, notamment les personnes qui détiennent un permis de travail qui sont obligées, sur les $70 qui sont demandés par la main-d'oeuvre, de payer les impôts, la régie des rentes, l'assurance-chômage, elles n'ont pas droit aux avantages, et on exige d'elles d'avoir les mêmes obligations que les autres travailleurs du Québec, mais on ne leur donne aucun avantage, d'un autre côté.

Il y a de plus en plus de femmes — ou de travailleuses, parce qu'à 97%, ce sont des femmes — qui se rendent compte qu'il est important d'en payer. Il y en a qui, quand elles perdent leur emploi, nous appellent et elles sont vraiment mal prises, elle ne peuvent pas aller au bien-être et elles disent: Pourquoi ne puis-je pas avoir de l'assurance-chômage? Parce que tu n'en as pas payé. Quand elles sont rendues à leur retraite, comme Mme Constantineau, tu n'auras pas de régie des rentes, tu n'en as pas payé. Les accidents du travail, c'est une autre chose. C'est quand on est rendu à la limite et qu'on n'a absolument plus aucun recours qu'on se rend compte qu'on aurait du en payer. Donc, il y a beaucoup d'éducation à faire de ce côté, d'information à donner. On ne peut pas dire que c'est parce que les travailleuses domestiques ne veulent pas le payer, c'est parce qu'elles ne sont pas informées, elles ne sont pas sensibilisées à payer l'impôt. Quand elles se rendent compte de l'importance de le payer, elles le paient.

Mme Volpato: II faudrait peut-être ajouter aussi qu'avec le nouveau régime pour avoir droit aux allocations familiales, toutes les travailleuses vont être obligées de remplir leur rapport d'impôt. A ce moment-là, toutes le paieront.

M. Requelme: II y a aussi le cas où le patron ne veut pas déclarer son employé. Donc, il ne fait pas faire de rapport d'impôt ni de cotisation. Il y a toujours ce facteur aussi. (17 h 15)

M. Johnson: Mais en général, si je comprends bien, c'est utile pour l'employeur de déclarer... dans la mesure où il y a des enfants, cela lui permet un exemption d'impôt. Cela ne doit pas être fréquent, j'imagine.

Mme Volpato: Pas nécessairement, dans la mesure où l'employeur déclare qu'il a une employée domestique, il devra payer l'assurance-chômage, le régime de rentes; ce que souvent il n'est pas tout à fait intéressé à faire.

M. Johnson: Si on avait essayé de cerner ce qu'est le marché du travail que constitue le travail domestique au Québec. Vous dites: 97% sont des femmes. Vous dites: Probablement pas loin d'un tiers sont des immigrants, tous des gens qui ont un permis de travail mais qui ne sont pas des citoyens canadiens, donc des gens qui sont fragiles, d'une certaine façon, dans notre société à cause de ce statut. Le type de travail, il y en a combien, par exemple, d'après vous, qui travaille en résidant à domicile cinq soirs par semaine ou sept soirs par semaine? En gros, est-ce que c'est un gros morceau ou c'est une partie minime?

Mme Volpato: C'est une partie que je ne dirais pas minime, mais c'est moins que la moitié.

M. Johnson: Donc, la majorité ne réside pas chez celui qui les emploie.

Mme Volpato: C'est exact.

M. Johnson: Deuxièmement, est-ce que vous diriez aussi que la majorité des aides domestiques ou des femmes ou des quelques hommes qui font du travail domestique ont plusieurs employeurs.

Mme Volpato: Oui, absolument. Indiscutablement.

M. Johnson: La majorité, d'après vous, a plusieurs employeurs.

Mme Volpato: Exactement. Je voudrais ajouter que la majorité des personnes qui demeurent chez l'employeur sont souvent des personnes avec des permis de travail, parce qu'il y a de moins en moins de Québécoises qui sont intéressées à faire ce travail, à demeurer... elles ne veulent rien savoir, cela ne finit jamais. Donc, il y a beaucoup de permis de travail à cause de cela. On ne sait pas si elles vont se trouver automatiquement protégées par la loi qui va passer, vu que la loi de l'immigration est fédérale. Mais c'est quand même quelque chose d'assez important.

M. Johnson: D'après vous, concrètement, parmi celles qui résident à la maison de l'employeur, on peut dire qu'elles font combien d'heures par semaine de travail?

Mme Volpato: Selon les recherches qu'on a effectuées cet été, c'est un minimum de 60 heures par semaine. C'est le minimum.

M. Requelme: Pour six jours.

Mme Volpato: Distribuées sur six jours, c'est-à-dire...

M. Johnson: Donc dix heures par jour de travail. Chez celles qui ont plusieurs employeurs et qui ne résident pas?

Mme Volpato: C'est une semaine de 45 heures, en moyenne.

M. Johnson: En général 45 heures. Mme Volpato: C'est cela.

M. Johnson: Cela veut dire huit heures par jour, pour cinq jours par semaine.

Mme Volpato: Neuf heures par jour.

M. Johnson: Neuf heures par jour, pardon, cinq jours par semaine. Comment concrètement, voyez-vous la solution du travailleur, ou de la travailleuse domestique qui est, non pas logée, mais qui est nourrie le midi? Pensez-vous qu'elle doit être payée au salaire minimum et payer pour son repas?

Mme Volpato: Ce qu'on suggère, à ce chapitre et c'est la même chose pour celle qui est logée et nourrie, c'est que l'employée soit payée au salaire minimum, et si elle est nourrie ou logée et nourrie, elle paiera son repas ou sa pension, comme une personne qui résiderait en pension chez...

M. Johnson: Comment évalue-t-on cela?

Mme Volpato: Je pense qu'il y a des moyens très efficaces pour évaluer une telle chose. Présentement, selon les dispositions de la Loi du salaire minimum, c'était évalué à $21 par semaine. Là, peut-être, avec le coût de la vie ce n'est pas réalisable, mais d'après les calculs qu'on a faits, cela ne devrait pas excéder un tiers. Mais c'est vraiment au maximum. Si elle a sa chambre privée, avec téléphone etc. et les trois repas par jour, sept fois par semaine.

M. Johnson: Ce que vous évaluez, finalement, c'est un critère qui serait dans la réglementation et dirait par exemple: La travailleuse domestique est payée au salaire minimum. On créerait une espèce de présomption du nombre d'heures qu'elle fait et on dirait qu'il y a tant pour cent de cela qui doit être considéré, possiblement, déductible de son salaire ou qu'elle doit remettre après avoir été payée pour les fins de son logement et de sa nourriture.

Mme Volpato: C'est peut-être une façon où cela n'est pas nécessaire d'avoir un règlement pour cela, qui définirait le montant exact dans la mesure où, toujours compte tenu de la pension, de la nourriture, des repas qu'elle prend dans la maison de l'employeur ce montant pourrait être négocié entre l'employé et l'employeur. Il suffirait d'établir un maximum, comme cela a été fait pour certaines ordonnances de la Loi du salaire minimum, notamment concernant les employés de l'exploitation forestière.

M. Johnson: Oui, c'est cela. Sauf que, dans les exploitations forestières, il y a des syndicats en général. Le pattern est établi par des conventions collectives. C'est cela la difficulté de la définition dans le cas des aides domestiques. Il faut se rendre compte que la situation est bien variable.

Mme Volpato: Mais la domestique est souvent consciente de la valeur de sa pension et de la nourriture et elle est capable de négocier du moment qu'il y a un maximum, un plafond qui est imposé par règlement.

M. Johnson: D'accord, vous avez répondu aux questions que je vous ai posées. Je vous remercie.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Maskinongé.

M. Picotte: M. le Président, je voudrais féliciter ces gens de leur mémoire. C'est peut-être une des premières fois au Québec que l'on se penche vraiment sur ce problème des travailleurs domestiques. Le témoignage qu'en a fait Mme Cons-tantineau tantôt prouve jusqu'à quel point il y a des situations vraiment pénibles et que ce domaine a été considéré comme obscur très longtemps. Quand je dis obscur, je veux tout simplement dire que très peu de gouvernements, je pense bien, y compris celui-là et les autres, ont eu des données ou ont fait des recherches pour avoir des données et connaître exactement tout ce qui pouvait se passer dans le domaine du travail domestique.

Malheureusement, le dossier m'a été remis seulement cet après-midi vers 15 heures. J'aurais aimé prendre davantage contact avec quelqu'un d'entre vous ou avec d'autres personnes dans le but de vérifier jusqu'à quel point vous... on parle de l'Association pour la défense des droits du personnel domestique de Montréal. J'imagine, selon le témoignage que vous avez fait, que vous n'êtes pas une association qui peut payer des gens pour préparer certaines données importantes. Mais est-ce qu'il existe ou est-ce que quelqu'un chez vous pourrait nous renseigner davantage sur les statistiques ou les pourcentages qui peuvent avoir été établis, même s'il y a des statistiques maisons qui ont été faites? Quelqu'un pourrait-il nous éclairer davantage?

On a parlé tantôt des employés, des travailleurs domestiques qui travaillent à domicile. Cela représente quoi? On a parlé aussi d'autres groupes de travailleurs. Alors, j'aimerais que vous explicitiez davantage, si c'est possible. On a parlé tantôt de 4000 ou 5000. Je pense qu'il doit y avoir sûrement des travailleurs domestiques qui sont pas mal mieux traités — je dis pas mal mieux traités par rapport à ceux qui sont très mal traités — Est-ce que cela existe et est-ce qu'il y en a qui ont vraiment des conditions qui ont de l'allure? Est-ce que quelqu'un peut répondre à des questions semblables?

Mme Volpato: Je pense qu'on peut dire qu'il y a des domestiques qui sont bien traités; c'est évident. Mais les statistiques que nous vous avons présentées aujourd'hui représentent une moyenne. Il y a aussi des travailleuses domestiques qui sont traitées de pire façon encore. On a eu des cas de travailleuses domestiques qui ont travaillé pour $10 par semaine pendant des années. En fait, ce ne sont pas des cas qu'on a rapportés aujourd'hui à la commission parce qu'on a pensé qu'ils n'étaient pas représentatifs, tout comme les travailleuses bien traitées ne sont pas des cas représentatifs, bien qu'il en existe.

M. Johnson: Pourriez-vous me décrire quelle est la famille plus ou moins typique ou moyenne qui utilise les services d'une domestique? Mme Constantineau.

Mme Constantineau: Oui, mais c'est...

M. Johnson: D'abord, il y a combien d'enfants en général? Est-ce que c'est une famille avec des enfants? Il y en a combien? Ils ont à peu près quel âge? Sont-ce des enfants à la maison ou de jeunes adultes?

Mme Constantineau: Moi, en ce moment, je travaille et je reviens chez moi tous les soirs. Alors, des fois, il y a trois ou quatre enfants qu'on doit garder pendant la journée ou qu'on va garder le soir, selon les besoins des parents ou des familles, mais, en règle générale, ce sont toutes des familles qui sont capables de payer.

M. Johnson: D'accord.

Mme Constantineau: II y en a quelques-unes, mais celles-là, souvent...

M. Johnson: En général, est-ce que ce sont des familles où l'homme et la femme travaillent?

Mme Constantineau: Ah oui!

M. Johnson: En général, les deux travaillent, à l'extérieur du foyer, j'entends.

Mme Constantineau: Oui, c'est ce que je vous ai dit. Nous, on entre, on n'a aucune sécurité et eux, ils sortent, ils ont tous les avantages, parce qu'ils veulent avoir une rente du Québec et l'assurance-chômage. Il y a des femmes qui vont travailler deux ou trois ans. Après, elles veulent avoir l'assurance-chômage. Nous entrons chez elles et, encore, elles ne veulent pas nous payer beaucoup. Elles disent: Cela va trop diminuer mon salaire. D'accord, nous ne sommes pas obligées de travailler pour elles pour rien. Des fois, je leur demande si elles reçoivent le bien-être social, parce que franchement elles nous offrent des taux parfois plus bas que ceux qu'on recevrait du bien-être social.

Je comprends que cela va réduire trop leur salaire, mais qu'elles restent à la maison, ces femmes-là, si elles ne peuvent pas se payer une servante de façon adéquate. On n'est toujours pas des esclaves.

M. Johnson: Là, je pense qu'on est en plein milieu du cercle vicieux. C'est ce qui est difficile à casser et c'est ce qu'on essaie de commencer à faire. Je veux qu'on se comprenne bien là-dessus. J'ai eu l'occasion de poser la question au prési-

dent de la CEQ. Le président de la CEQ représente un mouvement de 70 000 personnes, dont la majorité sont des femmes qui travaillent, qui sont des enseignantes. Et le salaire moyen d'une enseignante qui arrive sur le marché du travail, qui a un an ou deux d'expérience au maximum, est à peu près $225 par semaine. Je ne me trompe pas, M. Chevrette? C'est à peu près $225 par semaine. On peut présupposer que le mari, lui aussi, travaille et ça peut-être cela ou ça peut être plus. Et c'est cela le problème. Vous dites d'une certaine façon: Si elles n'ont pas les moyens de nous embaucher, qu'elles restent donc à la maison pour s'occuper des enfants et faire leur ménage. Et, d'une certaine façon, je suis d'accord avec vous: Pourquoi en seraient-ce d'autres, sauf qu'on n'a pas réglé le problème de la condition féminine dont nous parle Mme Payette, depuis un bout de temps. On veut aussi permettre aux femmes d'avoir accès au travail, sur le marché du travail, pour se développer.

Mme Bouchard: Je m'excuse... Mais le problème des travailleuses domestiques, actuellement, nos revendications ne sont pas de dire aux femmes de rentrer à la maison; c'est tout simplement de leur demander de ne pas exploiter d'autres femmes et, si elles veulent aller à l'extérieur, de faire des pressions pour obtenir des garderies. Il y a aussi l'entraide entre amis, entre parents, qui existe et doit toujours exister. Je pense qu'il y a d'autres moyens que de faire venir une personne à temps plein.

M. Johnson: On se comprend bien: il y a aussi d'autres moyens. C'est un peu à tout cela que je voulais vous amener, afin qu'on puisse réfléchir sur cette question. Parmi ces autres moyens, il y a aussi les garderies; c'est évident que cela va simplifier bien des problèmes, le jour où on aura un système de garderie publique plus accessible. Quand vous parlez d'entraide, moi, je regarde dans la paroisse Saint-Conrad, chez nous, dans le comté d'Anjou, c'est une paroisse où il y a presque 40% de la population qui, ou reçoit de l'aide sociale, ou de l'assurance-chômage quand il y en a. Il y a des femmes qu tentent de se grouper pour essayer de sortir un peu de la maison et se ventiler une journée par semaine, pour faire autre chose que d'entendre les petits brailler à la maison. Cela peut se comprendre, cela; je pense que c'est légitime, pour une femme au foyer, de le faire. Ce sont des femmes qui ne travaillent pas à l'extérieur, qui n'ont pas de métier, qui ne sont pas non plus des aides-domestiques et pour qui ce serait peut-être très difficile, compte tenu de leur âge, de ce qui se passe, de la situation économique, etc.

De temps en temps, elles font venir quelqu'un. Il y en a qui ont réussi à se grouper pour former une espèce de garderie communautaire qui reçoit des subventions à travers différents programmes, et cela fonctionne bien. Une journée par semaine, elles viennent à tour de rôle. En plus de cela, elles paient une gardienne d'enfants professionnelle, sur une base hebdomadaire. Mais à un moment donné, le problème qui se pose, c'est dire le jour où celles qui n'ont pas réussi à s'organiser sur une base communautaire, et tout le monde ne réussit pas. On n'est pas rendu à ce stade, dans notre société, où on va souhaiter que le monde s'organise et s'organise instantanément. On vit encore dans une société où beaucoup de gens sont individualistes. Cela vaut pour le personnel domestique, comme pbur tout le monde d'ailleurs. Vous savez comme association, que vous avez des difficultés de regroupement, parfois. Le jour, elle fait venir une jeune fille, par exemple, qui est sa voisine ou la fille de sa voisine, qui a 19 ans ou qui, pour une raison ou pour une autre, n'est pas à l'école, fait garder ses enfants et lui dit en même temps: pourrais-tu me donner un coup de main dans la maison? Je suis fatiguée cette semaine. Tombe-t-elle sous la Loi du salaire minimum? Il y a ce problème très concret. Si on définit toute personne qui utilise les services d'un personnel domestique comme employeur au sens de nos lois, va-t-on faire des dames de Saint-Conrad, que je connais, des employeurs professionnels. C'est cela le problème. Je vais simplement vous dire qu'il y a des difficultés techniques considérables. D'accord?

Mme Constantineau: D'accord. Mais, d'un autre côté si cette jeune fille ne gagne pas adéquatement, soit pour ses études, soit pour suivre un cours, ou pour être capable de s'habiller, qu'est-ce qui va arriver? Elle va aller automatiquement demander de l'aide sociale. On n'a pas tellement le choix. D'accord, je comprends ces familles qui ne peuvent pas toujours payer le salaire minimum. Moi-même, je ne pourrais pas le payer, même si j'en avais besoin. Quand même une grande loi serait passée, quand même j'en aurais besoin, je ne pourrais pas le payer le salaire minimum. Mais il faut essayer... (17 h 30)

C'est vous, le gouvernement, qui devez penser à faire quelque chose. De quelle manière peut-on aider le petit peuple? Je ne le sais pas. Il n'y a pas que nous, d'accord, comme vous l'avez dit, le personnel domestique qui est mal pris, les petits salariés ont tous le même problème. Quand on a besoin, nous sommes là à balancer de l'un ou l'autre; souvent, on ne peut pas se payer l'un et l'autre, c'est impossible.

Mme Volpato: Est-ce que je peux aussi ajouter quelque chose? Je pense que si vous poussez l'exemple que vous avez donné à l'extrême, on aboutit au problème de la travailleuse domestique qui doit sortir de chez elle pour aller gagner sa vie et qui, elle, à son retour, ne peut pas se payer une travailleuse domestique pour faire les travaux à la maison. Donc, je pense que le souci des petits salariés est un peu faux. Je m'excuse de le dire, mais je pense que vous vous obstinez à croire que les employeurs des travailleuses domestiques proviennent de toutes les classes sociales et ce n'est pas le cas. Une famille qui a un revenu de $10 000

par année ne pense même pas à se permettre une travailleuse domestique. Parmi leurs amis, il y en a qui font du travail domestique, ils n'en veulent pas une. Ils vont se débrouiller. Les employeurs des travailleuses domestiques peuvent s'en payer une. C'est un fait.

M. Johnson: C'est cela la question que je vous ai posée tout à l'heure et à laquelle j'aimerais que vous répondiez. Quel est le portrait type de l'employeur qui utilise les services domestiques d'une femme qui donne cette prestation de service?

Mme Volpato: Tout d'abord, comme l'a dit Mme Constantineau, c'est d'habitude une famille où le couple travaille. Cela veut dire que le revenu n'est pas celui d'une personne, mais de deux. Deuxièmement, il se situe habituellement dans les classes professionnelles en montant... Pour ce qui est du revenu, on ne peut pas vous donner des statistiques. Mais, comme on vous l'a dit, le centre de main-d'oeuvre de Montréal a pu nous préciser que la plupart des offres d'emploi, sinon toutes, provenaient, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, de ville Mont-Royal, Hamptead ou Westmount, pour la région de Montréal. Je pense que cela ne fait aucun doute que les personnes qui résident dans ces quartiers peuvent se payer une domestique.

M. Johnson: Empiriquement et selon les recherches que vous avez faites, de façon générale, on peut dire que ceux qui utilisent les services d'une domestique, que ce soit une journée par semaine ou cinq jours par semaine — parce qu'il y a une très grande différence, je pense, entre l'utiliser une journée par semaine et cinq jours par semaine...

Mme Volpato: Le revenu des employeurs qui utilisent les services d'une domestique seulement une journée par semaine est peut-être moins élevé, mais on parle d'une journée par semaine. Si le revenu est moins élevé, on paie une domestique pour le nombre d'heures qu'on peut payer. Mais qu'on ne la fasse pas travailler si on ne peut pas la payer, c'est un non-sens.

M. Johnson: L'autre chose, c'est que, d'après vos études, de façon générale, si vous aviez à mettre un pourcentage sur les travailleuses domestiques qui sont payées l'équivalent ou plus du salaire minimum, vous diriez que c'est combien?

Mme Volpato: Je ne pourrais pas vous dire, mais c'est sûrement moins de la moitié. C'est une fraction très petite.

M. Johnson: C'est une fraction seulement qui est payée au salaire minimum?

Mme Volpato: Oui, même si je crois que... On pense souvent à la femme de ménage qui est payée $20 par jour. Je vous dis que $20 par jour pour neuf heures de travail, sans rien d'autre comme droit, sans avoir le droit à l'assurance-chômage ou au régime de rentes, cela ne vaut pas grand-chose. Cela ne va pas loin.

M. Johnson: Vous établiriez cela à combien? $25 par jour plus un repas le midi? Pour vous cela revient...

Mme Volpato: La moyenne est de $20 par jour.

M. Johnson: La moyenne, c'est $20 par jour. Mais, pour vous, ce qui serait le salaire minimum pour une journée de huit à neuf heures, y compris, en général, une pause, entre guillemets, pendant lavant-midi et l'après-midi et une heure pour le repas fourni? C'est $25 par jour qui serait, pour vous l'équivalent, plus ou moins, du salaire minimum.

Mme Volpato: Bien, un repas fourni... souvent, la femme qui vient faire le ménage apporte son lunch.

M. Johnson: Souvent, en général ou parfois?

Mme Volpato: Très souvent elle apporte son lunch, très souvent. Elle n'a pas le temps de se faire un repas convenable, si elle a une demi-heure pour manger. Elle a le temps de manger un sandwich, c'est tout. De toute façon, son heure de dîner n'est pas payée.

Mme Constantineau: Ensuite, vous savez, ce n'est pas partout qu'on est bien nourri. On aime autant apporter son dîner que de manger ce qu'on nous a laissé ou ce qu'on nous a présenté. Quelquefois même, vous savez, il n'y a rien dans le réfrigérateur. Vous savez qu'on est réellement mal prises.

M. Johnson: Merci.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Maskinongé.

M. Picotte: Comme vous le voyez, M. le Président, j'ai été gentilhomme avec le ministre. J'ai cédé mon droit de parole quelques minutes, mais je me suis aperçu qu'il m'a littéralement volé, dans le bon sens du mot, certaines questions. Mais je pense que c'est important, parce que cela fait avancer le dossier et on est ici, en fait, pour cela.

Quand vous parlez, à un moment donné... A la page 9 de votre mémoire, vous dites: un autre argument fréquemment soulevé maintient que l'extension du salaire minimum au personnel domestique rendrait les services de ces travailleuses, inaccessibles à certaines familles.

Je ne voudrais pas mal vous interpréter, mais j'espère que ce n'est pas cela que vous avez voulu dire non plus. Mais est-ce que c'est le fait qu'il y a deux personnes qui travaillent à l'intérieur d'une maison qui vous fait dire: "Bon, s'ils travaillent

tous les deux, ils sont capables, à ce moment, de se payer une bonne, de se payer une aide domestique et de se la payer de façon convenable".

Je vais prendre, par exemple, une situation dans mon comté et qui se répète à plusieurs exemplaires. On a malheureusement le désavantage chez nous d'avoir des industries qui paient des salaires minimaux, très minimaux, c'est-à-dire, c'est l'industrie du bois, l'industrie du textile qu existait, et aussi l'industrie du vêtement qui est peut-être un petit peu mieux payée du côté féminin, ce qui fait que la plupart du temps, les deux personnes sont obligées de travailler si elles veulent être capables de continuer d'effectuer leurs paiements sur la maison.

Ma question est la suivante: Vous appuyez votre raisonnement sur quoi pour faire une telle affirmation? Est-ce qu'il n'y aurait pas danger qu'advenant — à ce moment, je ne veux pas être péjoratif du tout — le fait que le ministre accepte vos recommandations et qu'en principe, on se rende à vos désirs, n'y aurait-il pas danger, à un moment donné, qu'il puisse y avoir un certain regroupement de personnes qui ne pourraient pas se permettre une telle chose — vous parlez de Westmount, d'accord, mais des Westmount dans le comté de Maskinongé, il n'y en a pas — il y a beaucoup plus de personnes qui ont de la difficulté à joindre les deux bouts. J'imagine que le personnel dont vous parliez tantôt — on parlait de 5000 travailleurs — ils ne doivent pas tous être situés dans ces coins-là.

Mme Volpato: M. le député — en tout cas, c'est mon avis — je pense que, si vous effectuez une recherche dans votre comté, vous vous apercevrez que ces familles ne sont pas celles qui se paient des travailleuses domestiques de toute façon.

M. Picotte: II en existe, il en existe.

Mme Volpato: La travailleuse domestique travaille justement pour pouvoir se payer trois repas par jour, sept jours par semaine, et pour pouvoir payer son appartement, mais non pas pour pouvoir finir de payer sa maison, parce qu'elle n'a pas les moyens de s'en payer. Alors, il ne faut quand même pas...

M. Picotte: D'accord, je ne vous dis pas cela... je vous mentionne tout simplement cela, parce que cela peut être un élément dont il nous faudra, nous, les gens de la commission parlementaire, tenir compte, et qui est important.

Mme Volpato: Encore une fois, il faut arrêter de considérer le travail domestique comme un service, une faveur personnelle qu'on fait, du bénévolat. Ce n'est pas du bénévolat, c'est du travail. Cela mérite d'être rémunéré comme tel. Je pense que c'est aussi simple que cela.

M. Picotte: Je voulais tout simplement savoir ce que...

M. Johnson: Au mieux, c'est un contrat à forfait, au mieux.

M. Picotte: Je voulais tout simplement savoir si vous aviez fait une étude, à savoir si vraiment l'affirmation que vous faites en page 9... C'est tout simplement ce que je voulais savoir dans cela.

Le ministre a soulevé une autre question que je voudrais rappeler aussi: on parlait des travailleurs domestiques occasionnels, par exemple, c'est surtout dans le cas de gardiennage, je pense, que le ministre a posé sa question. Il a cité le cas d'une jeune fille, par exemple, qui avait 18, 19, 20 ans, qui va au CEGEP ou qui poursuit des études, qui, à ce moment, n'est pas considérée comme une travailleuse dans notre système. Elle n'est pas sur le marché du travail, donc, ce n'est pas une travailleuse, c'est une étudiante. Le ministre vous a posé une question à peu près semblable à celle-ci: Comment devrait-on considérer ce genre de travailleur? Vous avez dit en tout cas, j'ai cru percevoir que vous disiez que tous les travailleurs, toute personne qui, même l'étudiante, irait travailler dans ce domaine, devrait être considérée sur le même pied qu'une travailleuse.

Comment pensez-vous que c'est possible, pour un gouvernement, d'agencer une chose semblable à l'intérieur du projet de loi, puisque, comme je viens de vous le mentionner, une étudiante, une personne qui poursuit des études n'est même pas considérée comme quelqu'un qui est sur le marché du travail. A ce moment, ce pourrait être des personnes qui pourraient être utilisées, et je ne verrais pas comment... Peut-être que vous, vous pouvez nous dire comment on pourrait le voir et comment on pourrait le faire. C'est l'essentiel de ma question.

Mme Volpato: Une étudiante, comme vous le dites, qui n'est pas une travailleuse, selon vos propres termes, qui travaille dans un restaurant ou un bureau, est-ce qu'à ce moment, cette personne, d'après vous, n'aurait pas droit au salaire minimum parce qu'elle est une étudiante? Cela ne tient pas debout, votre opinion...

M. Picotte: Evidemment, il y a énormément de choses auxquelles elle n'a pas droit. Le ministre du Travail pourrait peut-être donner certaines explications additionnelles.

M. Johnson: Je pense qu'il faut quand même mentionner que dans les lois, de façon générale, que ce soit celles de l'Education, des Affaires sociales, du Travail parce que l'Etat assume l'essentiel des dépenses reliées à l'éducation, il considère que ceux qui sont des étudiants ne doivent pas être considérés, pour les fins de l'ensemble de l'application des lois, comme étant des travailleurs au sens général. Je pense que cela se justifie fort bien collectivement, dans la mesure où l'étudiant au CEGEP reçoit de l'ensemble des contribuables du Québec, aux fins de son éducation, une somme qui varie n'importe où entre mille et cinq mille dollars par année, selon le type d'études qu'il fait.

C'est cela que ça coûte, "l'éduquer " et c'est la collectivité qui paie. L'autre chose, c'est que la gardienne d'enfants qui est étudiante et qui a 19 ans, en pratique, qui est la cousine ou la fille du voisin que la personne connaît. C'est plus sur la base, je pense, de ce que vous-même vous avez décrit comme étant un système d'entraide dans le quartier. Je veux dire, effectivement, ma fille qui a 19 ans va aller garder les enfants de ma voisine, un vendredi, et le samedi cela va être le contraire, cela va être le fils de mon voisin, qui a 18 ans, qui va venir garder mes enfants. Sauf que "l'employeur" ou le voisin décide d'une gratification à l'égard de cette personne-là, qui peut se traduire par un cadeau à Noël ou $2 l'heure. Je ne pense pas qu'on parle de service domestique, quand on parle de gardiennage dans ce sens-là, de garde d'enfants, dans ce sens-là. Je ne sais pas si vous êtes d'accord avec moi là-dessus. Ce qui est très différent de ce que vous me décrivez, madame Constantineau, quand vous parlez que votre métier, c'est effectivement comme aide-domestique et que cela implique, entre autres, de garder des enfants à un moment donné. Mais je pense que c'est très différent, par nature. Je ne sais pas si vous êtes d'accord avec cela?

Mme Constantineau: Oui, je comprends bien qu'il peut y avoir une certaine lacune. Naturellement, c'est difficile d'arriver de façon juste, parce qu'il n'y a pas de problèmes uniquement de ce côté-là et cela fait longtemps que l'on n'a rien fait. Si on avait fait un peu, peut-être qu'aujourd'hui ce serait plus solide. Là, on arrive et on a tous les problèmes ensemble. Mais d'un autre côté, cela fait assez longtemps que ça dure, que les domestiques ont été écrasées. Il faut absolument que...

M. Johnson: Que cela débloque.

Mme Constantineau: Oui, pourquoi des gens ont-ils des difficultés à se trouver de l'aide? Les domestiques se dirigent d'un autre côté.

Une Voix: Ils vont aller les chercher au Pérou, les domestiques.

Mme Constantineau: Oui, là ils se dépêchent et vont chercher une immigrante et essaient de l'écraser, vu qu'elle ne connaît rien et qu'elle a peur de retourner dans son pays. Parce qu'on a bien moins de difficulté à placer une immigrante qu'une canadienne. On comprend bien leur jeu, ils peuvent la faire travailler. On a vu des cas pitoyables; il faut aller à leur secours parce que ces personnes ont peur de parler. Elles ont même peur de venir à nous, parce qu'elles ne font partie d'aucun groupe. Alors, elles ont énormément peur. Aussitôt qu'elles s'aperçoivent que nous sommes formées en association, elles ont énormément peur de nous, et je les comprends, parce que si j'étais dans leur pays, j'aurais peur d'aller à un groupement.

M. Picotte: Ma question était simplement dans le but, M. le Président, de faire remarquer l'impact qu'on avait souligné tantôt et l'importance d'en faire la distinction.

J'avais encore quelques questions additionnelles, mais je pense bien que je vais laisser la chance à mes autres collègues de la commission parlementaire, étant donné qu'il est déjà cinq heures quarante-cinq, de poser des questions.

En terminant, je veux vous féliciter, parce qu'avec les moyens de base et les pauvres moyens que vous avez eus pour nous présenter un tel rapport et nous donner une idée assez juste de ce que représente votre travail, je pense que vous méritez des félicitations de la part de la commission.

Mme Constantineau: On vous remercie et soyez assurés qu'on a travaillé très fort pour venir jusqu'ici, parce que, vous savez, on a toujours été le petit peuple prêt à reculer et on n'est pas habitué aux grandes choses.

M. Picotte: Vous faites bien cela, parce que c'est difficile de passer devant un micro.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Johnson.

M. Bellemare: Mme Constantineau, je vous félicite, moi aussi, parce que je sais combien c'est pénible d'exercer vos droits, dans une société qui semble mettre de côté cet élément depuis plusieurs années: les domestiques. Combien de membres êtes-vous actuellement, dans votre association? (17 h 45)

Mme Constantineau: Au-delà de 400 membres.

M. Bellemare: 400 membres, de la région de Montréal seulement?

Mme Constantineau: Oui, et des environs.

M. Bellemare: Vous n'en avez pas dans les parties rurales, comme dans Johnson, comme dans...

M. Requelme: II y a d'autres associations qui sont en train de se former à L'Islet, Sherbrooke, Trois-Rivières, qui sont en train de se monter parce que...

M. Bellemare: Elles sont en train de s'organiser mais elles ne le sont pas...

M. Requelme: Elles sont organisées, mais elles commencent. Elles sont à leur début, elles ont peut-être un mois ou deux...

M. Bellemare: Est-ce que vous avez, comme association, bien des demandes actuellement pour des jeunes filles, par exemple, pour travailler aux soins domestiques? Est-ce que vous avez beaucoup de demandes?

Mme Volpato: Nous ne sommes pas une agence de placement, mais il arrive que des employeurs souvent nous appellent, des employés aussi. On a pas mal de demandes.

M. Bellemare: Est-ce qu'il y a eu une baisse ou il y a eu une montée dans ce système de domestiques, actuellement?

Mme Volpato: II y a une montée. M. Bellemare: II y a une montée. Mme Volpato: II y a une montée, oui.

M. Bellemare: A quel âge, à peu près, sont-elles engagées ces jeunes filles? De 16, 17, 18 ou 19 ans? La majorité d'entre elles est engagée...

Mme Volpato: Dans Montréal, on n'en a pas en bas de 19, cela va jusqu'à 60. Je sais que dans d'autres régions, comme à Sherbrooke, surtout à L'Islet, où les gens ressentent le besoin de former quelque chose, il y a beaucoup de travailleuses qui ont 14, 15 ans.

M. Bellemare: Une autre question. Est-ce qu'il y a des gens de l'âge d'or qui se prêtent comme travailleuses domestiques dans les maisons?

Mme Volpato: Pas à ma connaissance, elles sont toutes en bas de 65 ans. C'est quand même assez dur, faire du ménage, s'occuper des enfants. Alors 65 ans...

M. Bellemare: Quelqu'un a dit tout à l'heure, j'ai lu cela dans votre mémoire, que vous vouliez être couvertes par la Loi des accidents du travail, la CAT.

Ce matin, le ministre a dit, à une question qui lui a été posée, que vous ne seriez pas couvertes par la Loi de la CAT dans cette loi.

M. Johnson: Je crois que la Commission des accidents de travail ne prévoit pas l'inclusion des domestiques.

M. Bellemare: Bon, alors.

Mme Constantineau: Mais pourquoi?

M. Johnson: Parce qu'elle est comme cela depuis un bout de temps. Remarquez que ce n'est pas une réponse, je suis bien conscient de cela, madame.

Mme Constantineau: Parce que quand on est...

M. Johnson: Au moment où on se parle, cela n'est pas prévu dans la Loi de la Commission des accidents du travail.

Mme Constantineau: Essayez de l'ajouter au plus vite.

M. Bellemare: Je n'ai pas voulu faire de traquenard avec cela, pour prendre le ministre.

M. Johnson: Dans le fond, cela fait bien son affaire, par exemple.

M. Picotte: C'est cela qui s'est passé.

M. Bellemare: Mais je pense, madame, qu'en ce qui regarde la Régie des rentes, l'assurance-chômage, la Commission des accidents du travail, quant à être couvertes vous aimeriez être couvertes dans tout, à mon sens, parce qu'on vous laissera sur votre appétit, c'est sûr, autrement.

Mme Constantineau: Ce que j'ai pensé, j'aimerais que soit couvert automatiquement tout travailleur. Quand on arrive à 65 ans...

M. Bellemare: Oui c'est sûr.

Mme Constantineau: Vous pourriez nous en donner une certaine partie des rentes. Nous sommes au Québec, nous existons. Même si on n'a pas contribué...

M. Bellemare: Vous dites cela au ministre, vous ne dites pas cela à moi.

Mme Constantineau: Je dis cela à qui veut l'entendre.

M. Johnson: M. Bellemare aurait pu voir à cela à l'époque où il était ministre du Travail, mais c'est peut-être parce qu'il n'a pas eu le temps.

M. Bellemare: Ce n'est pas avec le budget qu'on avait dans le temps, mais avec ce qu'ils ont aujourd'hui; la différence est énorme.

Mme Constantineau: Mais peut-être que si on était venu les voir à ce moment, cela serait peut-être préparé aujourd'hui. On n'est pas venu assez vite, vous savez qu'il faut avoir les cheveux blancs pour venir ici, parce que...

M. Bellemare: Je me souviens que dans le temps, le budget de la province était de $100 millions. Aujourd'hui il est de $13 milliards. Cela fait une grande différence et j'ai vu cela de mes yeux vu, comme administration provinciale." Other days, other ways", autre temps autres moeurs, puis d'autres moeurs, d'autres hommes, d'autres hommes, d'autres manières de procéder.

Je suis très favorable, madame, à ce que vous puissiez prendre en main votre responsabilité et la faire valoir devant la commission parlementaire. Toutes celles qui se sont exprimées, et vous, monsieur, vous avez bien plaidé. Je pense que cela nous donne un aperçu de la situation véritable. Je me demande, seulement, si aux Etats-Unis, après

qu'ils eussent changé le salaire minimum, il y a eu beaucoup de tapage qui a été fait. Je pense que vous le dites dans votre mémoire, mais que ceux qui ont crié contre l'augmentation du salaire minimum se sont réadaptés tranquillement au fait qu'il avait été imposé par l'Etat. Est-ce que c'est vrai que vous avez été... A un moment donné, j'ai lu cela dans une partie de votre mémoire, que la compagnie avait fait une recherche.

Je pense que c'est National Council of Household Employment aux Etats-Unis qui a effectué une recherche sur la répercussion du salaire minimum chez les employés domestiques et leurs employeurs. On a découvert que, bien qu'il y avait beaucoup de discussions et d'objections systématiques face à ce projet de loi, les travailleuses domestiques n'ont pas perdu leur emploi à cause du refus ou de l'incapacité de l'employeur de les payer selon le salaire. Alors, vous avez donné un aperçu; je pense que c'est ce qui va se produire dans la province, parce que c'est sûr et certain que vous allez avoir plusieurs personnes qui ne pourront peut-être pas... accomplir tous ces événements là. Mais comme vous le disiez tout à l'heure, il y a une proportion d'au moins le tiers ou la moitié qui ne reste pas dans les familles, on ne les garde pas, ou qui vont travailler pour deux jours, trois jours par semaine et qui ne font pas les trente heures. Alors, ces gens ne sont pas couverts, c'est sûr...

Mme Constantineau: Non.

M. Bellemare: Ni d'assurance-chômage, ni de commission des accidents du travail, ni de régime de rentes.

M. Requelme: Pour poursuivre peut-être... moi, le patron, je m'arrangerais pour que ceux qui sont couverts ne le soient pas. C'est-à-dire, qu'ils fassent moins de 30 heures par semaine aussi... sept fois, cela pourrait permettre à l'employé, qui fait plus que 30 heures, de descendre en bas de 30 heures pour ne pas être inclus dans le taux du salaire minimum.

Mme Bouchard: 29 heures.

M. Requelme: 29 heures. Disons que ce n'est pas toujours facile.

M. Bellemare: Mais est-ce qu'il y a une femme qui travaille, une jeune fille qui travaille dans cinq endroits différents, qui fait 30 heures? Elle ne pourrait pas être couverte, parce qu'il faut qu'elle garde son domicile.

M. Johnson: J'avais une question, si vous me le permettez, au sujet de votre association...

M. Bellemare: Si vous voulez la finir, je vais arrêter.

M. Johnson: ... est-ce qu'il y a une différence entre...

M. Bellemare: Si vous voulez la finir, je m'en... si je ne la finis pas, le ministre va encore prendre une demi-heure de mon temps...

M. Johnson: Non, non, non, c'est juste une question très brève.

M. Bellemare: II va dire qu'il est 18 heures, le député de Johnson a fini, et: Bon, on s'en va.

M. Johnson: Mais c'est juste une question très brève.

M. Bellemare: Ce n'est pas très, très gentil.

M. Johnson: Mais est-ce que le député de Johnson me permet une question très brève?

M. Bellemare: Je vous le permets, vous la prenez la permission. Je ne suis pas capable de vous l'enlever! Je ne suis pas capable de vous l'ôter; vous êtes le ministre. Si je vous la refuse, vous allez dire: "Le député de Johnson ne collabore pas et il s'organise...

M. Chevrette: Là, tu collabores, tu en as juste une à poser.

M. Bellemare: Par qui...

M. Johnson: Brièvement, est-ce qu'il y a une différence entre l'Association du personnel domestique et l'Association pour la défense des droits du personnel domestique de Montréal? Etes-vous la même association?

M. Constantineau: C'est cela.

M. Johnson: Parce qu'il y a deux titres différents dans votre mémoire et dans votre nom.

Mme Bouchard: C'est plus facile. Normalement, on fonctionne sous le nom d'Association du personnel domestique, parce que cela fait long... association... Mais sur les choses officielles, nous...

M. Johnson: II n'y a pas de différence? Mme Bouchard: Non, c'est la même chose.

M. Bellemare: ... je peux revenir, merci. Vous êtes bien gentil. Est-ce que, madame, vous allez faire pression spéciale auprès du ministre pour qu'au moins ceux qui travaillent 30 heures dans le service domestique puissent être couverts par la loi, même si elle n'exige pas 30 heures dans une maison?

Mme Constantineau: Oui, mais nous ne voudrons pas être séparés comme cela... 30 heures, elles sont couvertes, elles ne sont pas couvertes. Vous savez, cela va faire encore... on veut tout ou...

M. Bellemare: Ou rien.

Mme Constantineau: Ou rien.

M. Bellemare: Vous ne voulez pas rien, c'est sûr et certain. Vous voulez quelque chose au moins...

Mme Constantineau: Non, non, on veut avoir nos...

M. Bellemare: Ne dites pas cela, parce que c'est enregistré au journal des Débats et on va relire cela dans quelques années.

M. Picotte: Le ministre va vous prendre au sérieux et ne va rien vous donner.

M. Bellemare: Voyons.

Mme Constantineau: Ah non. Je le connais, M. Johnson, et je suis sûre qu'il va faire quelque chose.

M. Bellemare: Cela, au moins, c'est un pas qui peut être apprécié, mais il reste que vous autres, vous êtes dans l'attente de voir ces autres qui viendront s'ajouter à cela. Cela ne sera pas cette année. Cela viendra peut-être à la veille d'une élection; c'est peut-être bon aussi à la veille d'une élection.

Mme Constantineau: Bon, c'est juste le bon temps, M. Lamarre.

M. Bellemare: Ce n'est pas Lamarre, c'est Bellemare.

Mme Constantineau: C'est juste...

M. Bellemare: Mon nom est assez pitoyable, vous savez... Quand arrive le mois de novembre, moi aussi, je m'appelle Bellemare. Mais, madame, la veille des élections peut-être qu'on tricotera quelque chose et qu'on vous dira... vous afficher peut-être un petit amendement. C'est dans la "game", c'est dans la stratégie, la politique.

Mme Constantineau: Oui mais, vous savez, cela va nous prendre un bon amendement, parce que je suis sérieuse, bon.

M. Bellemare: Oui, mais vous ne pensez pas avoir gagné votre point avec le ministre.

Mme Constantineau: Non, je sais que c'est plus difficile que cela. Mais on va revenir si cela ne fait pas.

M. Bellemare: Je l'ai déjà été et je vous garantis que ce que vous demandez dans votre mémoire, contrairement à ce qui existe dans la loi, c'est une transformation quasiment à 100%. Je sais d'avance que le ministre vous donnera peut-être un petit quelque chose pour ne pas vous perdre...

Une Voix: C'est parce qu'on est des femmes que vous dites cela?

M. Bellemare: Parce que vous êtes des femmes?

Une Voix: Oui, j'ai entendu cela ce matin, avec le Conseil du patronat. Vous n'avez pas parlé...

M. Bellemare: Ou côté patronal, j'ai été selon mes convictions.

Une Voix: ... et aujourd'hui.

M. Bellemare: Non, la même égalité, madame, je vous dis que, comme député, après 36 ans de députation, je n'ai pas changé ma face.

M. Johnson: Si vous me permettez, pour la défense de M. Bellemare, il est toujours comme cela.

Mme Bouchard: Est-ce que je peux poser une question à M. Johnson?

M. Johnson: Allez-y.

Mme Bouchard: Si vous avez fini.

M. Bellemare: Bien sûr, je semble avoir terminé après l'allusion si baroque que vient de faire votre collègue.

Mme Bouchard: Vous proposez dans le projet de loi que les personnes logées et nourries soient incluses. Comme on sait que la plupart de ces travailleuses sont des personnes qui détiennent un permis de travail — j'en ai parlé tantôt — et qu'elles le détiennent en vertu d'une loi fédérale — le ministère provincial de l'Immigration s'occupe également d'elles — elles sont quand même assujetties à la loi du travail du Québec. Est-ce qu'elles vont se trouver automatiquement incluses dans cette loi?

M. Johnson: Je pense que oui, d'après les évaluations...

Mme Bouchard: Vous pensez!

M. Johnson: C'est un problème de droit constitutionnel. On voudrait qu'elles le soient, on le souhaite et on souhaite que la constitution ne nous en empêche pas. On pense — et c'est ce qu'on a évoqué avec le Conseil consultatif de l'immigration qui est venu nous voir au début de la semaine, hier — qu'on pourrait peut-être exiger d'inclure dans la loi l'obligation pour l'employeur de s'assurer que la personne qu'il a à son service a un permis de travail si ce n'est pas un citoyen, évidemment, ou si ce n'est pas un immigrant reçu. En ce sens, est-ce que vous êtes d'accord avec cette notion? Le conseil consultatif était d'accord avec cela. Pensez-vous que cela améliorerait...

Mme Bouchard: Elle vient toujours avec un permis de travail.

M. Johnson: Non, justement, c'est ce que le conseil nous disait. Il y en a, justement, qui sont... et c'est là où le conseil s'en prenait aux loix et aux difficultés d'application de certaines de ces lois, c'est qu'il y a un trafic illicite de personnel, entre autres de personnel domestique, qui sont des gens qui n'ont pas leur permis de travail. La seule façon de le contrôler, c'est d'imposer une pénalité à l'employeur qui déciderait d'embaucher quelqu'un qui n'a pas de permis de travail. On pense...

Mme Marchand (Mathilde): Est-ce que vous savez, M. Johnson, qu'avec le projet de loi que vous nous proposez, c'est l'encouragement à l'arrivée massive de main-d'oeuvre domestique à bon marché des pays étrangers? Etant donné que vous ne couvrez que les domestiques logées et que, maintenant, vu l'abus des heures de travail, ces femmes refusent d'être logées et veulent travailler de 8 heures à 5 heures ou de 8 heures à 4 heures, elles refusent et, apparemment, il y a un manque de main-d'oeuvre domestique. Je peux vous en parler parce que des demandes d'emploi, on en a des quantités par jour. Ces employeurs vont s'en chercher dans les pays du tiers-monde. Il y a de plus en plus de travailleuses domestiques à permis temporaire qui sont exploitées.

M. Johnson: Je comprends ce que vous voulez dire, c'est un danger et on regarde le type de formulation qu'on pourrait donner à la loi, y compris les amendements qu'on pourrait y apporter, à partir des mémoires qui ont été soumis. Je me permets de dire que votre raisonnement ne tient pas, madame. Dans la mesure...

Mme Marchand: Pourquoi?

M. Johnson: Je vous explique pourquoi. Dans la mesure où on dit que celui qui est nourri et logé va être couvert par la Loi du salaire minimum, quel serait l'intérêt de l'employeur éventuel à aller chercher une main-d'oeuvre dite à bon marché? Elle ne pourra plus être à bon marché, elle va être soumise à la Loi du salaire minimum.

Mme Marchand: Etant donné qu'elles sont sous juridiction fédérale, elles passent à côté de la juridiction actuelle du Québec.

M. Johnson: Pas nécessairement. C'est le statut d'immigrant qui dépend des lois fédérales, mais les conditions de travail d'une personne ici, qu'elle soit immigrante ou pas, sont de juridiction provinciale.

Mme Marchand: Une chose qui échappe à M. Johnson, je crois, c'est que ces femmes ne connaissent pas les lois et elles sont très souvent victimes de l'ingérence de leur patron qui leur dit: Si vous ne faites pas ce que je vous dis, je vous retourne dans votre pays. Il y a un rapport de force qui est très inégal. Combien de femmes exploitées ne parlent pas la langue? On va les chercher à l'étranger parce que c'est plus facile de les contrôler, de les manoeuvrer.

M. Johnson: Je comprends tout cela. Je veux quand même corriger une impression que vous pouvez donner. La loi est loin d'avoir l'effet que vous proposez. Telle qu'elle est rédigée, si elle devait rester comme cela — ça reste à déterminer — je pense que la loi aurait justement l'effet contraire, dans la mesure où on dit qu'une personne nourrie et logée va être soumise à la Loi du salaire minimum. (18 heures)

Vous me parlez du manque d'information, c'est vrai. Il y a votre association, de la même façon que dans le cas des amendements au Code du travail, on a distribué aux centrales syndicales et à un tas de groupes de travailleurs organisés, ou qui veulent s'organiser, des résumés du Code du travail qui sont facilement accessibles. De la même façon dorénavant, comme vous le savez depuis quelques années et particulièrement depuis deux ans, un immigrant qui arrive au Québec passe, entre autres, à travers les services du ministère québécois de l'Immigration. Il n'y a rien qui empêche qu'un dépliant d'une page et quart qui donne un numéro de téléphone à celui qui est susceptible d'avoir un emploi domestique et qui est écrit en douze langues, le réfère quant à ses droits.

Mme Marchand: Pas pour les permis de travail, les permis de travail ne passent pas.

M. Johnson: Je sais que les permis de travail ne passent pas; mais un immigrant, en général, au Québec, et de plus en plus, ne serait-ce qu'à cause des bureaux de l'immigration du Québec dans les aéroports, ne serait-ce qu'à cause de la consultation maintenant obligatoire pour l'entrée de nouvelles personnes au Québec dans le nouvel accord fédéral-provincial, il passe quelque part dans le circuit gouvernemental provincial. Je ne vous dis pas que c'est nous qui décidons qu'il a un permis de travail ou pas, cela relève du fédéral. Mais ils sont en contact avec les fonctionnaires provinciaux à un stade ou à un autre. De la même façon on pourrait demander, comme cela nous arrive dans certains cas, que Emploi et Immigration Canada, effectivement, distribue ces dépliants à ceux qui demandent des permis de travail. C'est un problème d'information qui n'a rien à voir avec la loi. Je pense que vous faites bien de le souligner, mais cela se règle et on n'a pas besoin d'une loi pour régler cela. On peut leur dire, par exemple, quels sont les droits qu'ils ont en vertu de la loi.

Mme Volpato: ...

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Joliette-Montcalm, vous avez une question?

M. Chevrette: Vous demandez un consentement, si j'ai bien compris?

M. Johnson: Cinq minutes.

M. Chevrette: Parce que je ne voudrais pas qu'ils reviennent à huit heures.

M. Picotte: Pour ne pas qu'ils soient obligés de revenir, disons cinq ou dix minutes maximum.

M. Chevrette: Parce que je les ai écoutés religieusement, je me demande s'il n'y a pas une conclusion, en tout cas je tire une conclusion de l'argumentation que vous faites. Je me demande si vous n'êtes pas, par exemple, inconsciemment en train d'accentuer le décalage des classes. Je vais vous expliquer pourquoi. Si vous dites: Salaire minimum, ne craignez-vous pas que cela accentue le décalage entre ceux qui avaient des possibilités d'avoir des domestiques par rapport à ceux qui n'en n'ont pas la possibilité? Autrement dit, que cela pourrait être réservé uniquement pour une classe sociale.

Deuxième question — parce que, si je la pose uniquement dans ce sens, vous allez dire que vous y avez répondu d'une certaine façon tantôt — ne croyez-vous pas que c'est la prolifération des systèmes d'aide sociale, j'inclus dans cela l'assu-rance-chômage — parce que j'écoutais Mme Constantineau qui faisait des allusions politiques dans sa dernière partie — vous ne croyez pas que le fait d'obtenir de l'aide sociale, sous forme d'assurance-chômage, de bien-être, vous démontrez même que cela peut être plus payant, s'il y avait centralisation des argents au niveau des programmes d'aide sociale, si c'était concentré uniquement à une place et qu'on puisse permettre, par exemple, à l'ensemble des Québécois, moyennant leur revenu, d'avoir accès à l'aide domestique et que cela soit régi par un programme unique. Ce ne serait pas l'idéal, mais cela règlerait plus à fond le problème que vous soulevez, par rapport à l'intention que vous manifestez dans votre mémoire.

Mme Volpato: Je m'excuse, mais je ne comprends pas ce que vous expliquez.

M. Chevrette: Je prends un exemple. Il se paie de l'assurance-chômage, il se paie de l'aide sociale, il se paie diverses formes d'aide sociale au Québec. S'il y avait un programme québécois de soutien de revenu, par exemple, aux familles qui ont besoin de domestique et qui n'en n'ont pas les moyens. Vu qu'on a fixé un seuil minimum à $3.37 ou $3.47 l'heure, s'il y avait un programme qui permettait à l'ensemble des familles québécoises d'avoir des recours à l'aide domestique, est-ce que cela ne serait pas préférable que d'arriver uniquement avec une formule de salaire minimum pour les domestiques, ce qui pourrait venir en aide uniquement aux familles riches, mais qui pourrait créer des emmerdements monstres. Par exemple, une femme qui accouche et qui a besoin de quinze jours d'aide. Dans le contexte actuel, elle ne peut pratiquement pas — vous allez me dire: elle n'en prend pas. Elle en prend bien souvent à des salaires ridicules, pour se relever, comme on dit en bon Québécois. C'est ce que je veux souligner. Je trouve que dans votre mémoire, vous mettez l'accent uniquement sur le salaire minimum, ce qui est bien en termes de revendications, mais cela ne règle pas un problème social, cela risque même de l'empirer, d'une certaine manière. Ce sont les conclusions qui se dégagent un peu de vos interventions.

M. Requelme: Mais j'ai l'impression que cela pourrait... Va-t-on commencer à demander au gouvernement de faire une certaine nationalisation du travail domestique quand il n'est même pas capable de l'inclure dans une loi et que ce n'est pas lui qui paie? C'est pour cela que ce n'est pas bien clair dans ma tête de dire: Le gouvernement va payer la travailleuse domestique quand il n'est même pas prêt à ce que les autres paient un salaire raisonnable.

Mme Volpato: Si vous suggérez... que ce que vous voulez faire, c'est d'avoir des services domestiques qui seront accessibles à toute la population, je pense qu'on ne sera pas contre cela. C'est très bien, mais c'est beaucoup, encore plus progressif que ce qu'on demande.

M. Chevrette: Vous vous en preniez à l'aide sociale tantôt et vous vous en preniez à différentes formes, en disant que c'était presque plus payant de ne pas travailler.

Mme Volpato: Ce l'est, en fait. Une Voix: Ce l'est.

M. Chevrette: Je comprends que ce l'est, mais est-ce qu'on règle un problème en en créant un autre ou est-ce qu'on cherche à trouver une solution globale, graduelle par le dépôt de la loi 1, par exemple, qui a été déposée cet après-midi, qui est une forme...

Mme Volpato: Tout à l'heure vous aviez le souci de ne pas donner lieu à un décalage de classes, que c'était seulement les mieux nantis qui pouvaient se payer des domestiques. Premièrement, en effet, c'est la situation qui existe.

Deuxièmement, est-ce que vous pensez, qu'en faisant travailler des personnes en bas du salaire minimum, moins ce qu'elles recevraient du bien-être social, ce n'est pas plutôt donner lieu à un décalage de classe? Vous coincez des personnes dans des situations où elles ne peuvent même pas subvenir à leurs besoins les plus essentiels: nourriture, logement, enfin les besoins vraiment essentiels.

M. Chevrette: Comment expliquez-vous que c'est plus payant de recevoir de l'aide sociale, comme vous le dites, socialement, à ce moment,

comment expliquez-vous que vous défendez d'ar-rache-pied, le salaire minimum à $3.47 pour l'ensemble des domestiques?

Mme Volpato: Connaissez-vous des gens qui aiment vivre du bien-être social?

M. Chevrette: Bien, madame, je reçois du monde régulièrement à mon bureau. Il y a des gens qui viennent me demander des emplois de huit à dix semaines pour pouvoir s'inscrire au chômage. Il y en a d'autres, tout ce qu'ils me demandent... Vous resteriez surpris aussi du nombre qu'on peut rencontrer. C'est bien dommage, mais je diverge d'opinion avec vous parce qu'il y en a qui viennent à se complaire dans cela. C'est cela que je trouve heureux dans le dépôt de loi cet après-midi; cela renferme justement un régime qui comporte une incitation au travail, on peut sortir un peu du ghetto dans lequel on est présentement.

Mme Volpato: Est-ce que je pourrais répondre à cela et en même temps je pense que je vais commenter les déclarations du ministre, lorsqu'on a commencé, tout de suite après la lecture de notre mémoire.

M. Johnson, vous avez dit que le gouvernement essayait de mettre sur pied des formes d'accueil pour les personnes âgées à faibles revenus. Vous avez aussi souligné qu'il y avait un régime de revenu minimum garanti. Tout cela, c'est bien, mais est-ce que ce n'est pas apporter une solution après le fait, d'attendre qu'une travailleuse soit coincée dans la situation. Elle ne peut pas subvenir à ses besoins et doit avoir recours à ces services. Est-ce que ce ne serait pas plus raisonnable de lui assurer un salaire minimum qui lui permettrait de vivre convenablement? Il me semble que c'est là, la solution. C'est de la prévention.

M. Johnson: Je suis d'accord en principe avec ce que vous dites, sauf que même au salaire minimum, soit une base de huit heures par jour, quel que soit le type de régime par règlement qu'on puisse fixer, si elle fait $28 pour huit heures dans une journée, moins l'équivalent du repas si elle prend son repas là, évaluer cela à, je ne sais pas, $3, $2, disons, autour de $25 ou $26, cela ne réglera pas son problème à 65 ans. Je pense que l'Etat a une responsabilité d'assurer pour les gens qui, pour une raison ou pour une autre, à travers les années, n'ont pas réussi à s'assurer une certaine sécurité à l'âge avancé, que ce soit en termes d'exigences sociales, de logement, je veux dire, ou de santé ou de soins. Je pense que c'est une responsabilité de l'Etat d'y voir largement.

Mme Volpato: C'est entendu que je ne suis pas contre le régime de revenu minimum garanti, mais ce n'est pas une solution que de le substituer à un salaire minimum convenable. Comme vous le dites, si ce n'est pas possible de vivre sur le salaire minimum, vous vous imaginez que c'est encore moins possible de vivre avec $4000 par année.

M. Requelme: II faut apprendre à subvenir à ses besoins jusqu'à 65 ans pour voir que le gouvernement lui donne cela.

Mme Constantineau: Ensuite, je dirais, pour les personnes... Vous pensez que c'est normal que les petits salariés qui sont rendus à leur pension, à la pension qu'ils ont aujourd'hui... Combien pensez-vous qu'ils prennent dans les résidences et qu'est-ce qu'on donne à la personne âgée? Je me vois prise avec ce problème. Qu'est-ce qui va me rester? Je vous dis que je ne voyagerai pas beaucoup. La résidence, cela m'en prend combien; elle prend presque tout; elle laisse seulement quelques dollars.

M. Johnson: Cela dépend de quel type de résidence. Excusez, mesdames, de vous interrompre. On me demande; il y a quelqu'un qui ne se sent pas bien en haut et je dois aller le rejoindre. Alors, comme de toute façon, on devait terminer, je vais être obligé de m'excuser, quitte à vous revoir quelques minutes après, si vous restez ce soir.

Mme Volpato: D'accord.

Le Président (M. Marcoux): Est-ce qu'il y a d'autres... M. le député de Joliette-Montcalm.

M. Chevrette: Je voulais vous donner un exemple, madame au gilet vert. Je prends l'exemple du chômage au Québec. On sait très bien que si un gars ou une femme travaille un ou deux jours par semaine, cette personne connaît bien des emmerdements pour se réinscrire au chômage, elle a de la difficulté face au contrôle. Même les régimes — par là, je vous donne raison dans un sens — sociaux ne comportent aucune incitation. C'est cela qui m'effraie. Moi, personnellement, j'espère, à l'intérieur des mandats politiques qui me seront confiés, réussir cela, c'est-à-dire qu'on puisse avoir un seul régime social qui tienne compte d'un paquet de facteurs. Cela n'a pas d'allure de continuer comme cela. Il y a des gens qui ne s'en sortiront jamais dans le contexte actuel avec des régimes dédoublés et des régimes qui, dans un certain sens, comme vous le dites dans le mémoire, sont plus avantageux que ce qu'on offre à ceux qui veulent vraiment travailler, qui veulent s'en sortir et faire un travail honnête et quotidien. C'est cela qui me renverse.

Mme Constantineau: De celles qui sont sur le bien-être social, vous savez, qu'il y en a qui veulent faire du service domestique. Dès...

M. Chevrette: Elles ont de la difficulté à se réinscrire, je suis d'accord avec vous.

Mme Constantineau: Je ne suis pas d'accord. Je vais vous dire pourquoi: chez bien des couples ou des familles, si la femme avait voulu travailler un peu, des fois cela aurait permis d'encourager l'homme. Parfois, il aurait réussi à s'en sortir. Vous savez, quand un travaille, on devient encouragé de

travailler et on a encore notre bien-être, on peut essayer de balancer entre les deux. Mais, non, ce n'est pas cela. Aussitôt: "Ah, tu as travaillé", on coupe.

M. Chevrette: C'est vrai.

Mme Constantineau: Alors, ils ne veulent plus aller travailler. Ils disent: "Ils me coupent et je ne peux plus en avoir". Alors, je trouve qu'on encourage les gens à ne pas travailler. Il y en a qui en prennent une habitude; il arrive un temps où ils ne travaillent réellement plus. Après, souvent, on est porté à leur lancer la pierre en disant: Ah, ils sont sur le bien-être et ils veulent y rester.

M. Chevrette: Madame, je vous remercie pour le motif suivant: Je pense que vous êtes le premier groupe qui débordez les cadres de la loi et qui avez mis le doigt sur l'ensemble des régimes sociaux. C'est très important, parce que cela n'a pas ressorti. Les gens sont venus beaucoup plus, jusqu'à maintenant, par souci de régler un problème concret. Je pense que vous avez abordé le problème globalement. C'est un problème social global. On se rend compte que, même en trouvant des solutions, on se retrouve dans des cercles vicieux. Il y a des paquets d'interrogations qui surgissent quand on veut corriger une chose. La seule façon de régler cela — en ce qui me concerne, moi, comme individu et député représentant une circonscription qui n'a pas de Westmount non plus, Joliette — je peux vous dire que la seule façon, c'est de prendre le problème globalement.

Mme Constantineau: Oui.

M. Chevrette: Je vous remercie.

Le Président (M. Marcoux): Je remercie, au nom des membres qui étaient là et qui ont dû partir, l'Association du personnel domestique du mémoire qu'elle nous a présenté. Alors, la commission suspend ses travaux jusqu'à 20 heures.

Suspension de la séance à 18 h 13

Reprise de la séance à 20 h 15

Le Président (M. Marcoux): La commission du travail et de la main-d'oeuvre poursuit l'étude des mémoires concernant le projet de loi 126 sur les normes du travail.

Il faut remplacer le député de Johnson, M. Bellemare, par le député Brochu de Richmond et le député Brochu de Richmond sera remplacé comme intervenant par le député Grenier de Mégantic-Compton.

J'appelle maintenant la Coalition des normes minimales de travail à venir nous présenter son mémoire.

M. Johnson: Si vous me le permettez, M. le Président, je demanderais peut-être aux représentants du groupement que nous entendons, étant donné que leur mémoire a 33 pages, de nous le résumer. Nous avons pris connaissance de ce mémoire. La commission parlementaire s'est imposé et s'attend évidemment que les participants essaient également, compte tenu du fait qu'il y a 26 mémoires à entendre, de restreindre cela à une heure.

D'une part, on pourrait, dans un premier temps, accepter que soit versé au journal des Débats tout le mémoire pour qu'il figure dans la transcription de nos débats. Deuxièmement, je souhaiterais évidemment qu'on nous résume les principales dispositions de ce mémoire.

Le Président (M. Marcoux): Mme Elisabeth Roussel, si vous pouvez nous présenter vos collègues et procéder à la présentation de votre mémoire.

Coalition des normes minimales du travail

Mme Roussel (Elisabeth): Certainement, c'est ce que j'allais faire, M. le Président.

Avant de le faire, pour répondre à M. le ministre Johnson, on demande effectivement que tout le mémoire soit enregistré au journal des Débats.

Je vais procéder dans l'ordre: A ma gauche, Jean-Guy Lewis, représentant de la Ligue des droits et libertés, anciennement la Ligue des droits de l'homme; Fernando Pires, du Centre Me Donald House; Caroline Katchoyan, de l'Union des travailleurs immigrants du Québec; André Legault, de la Ligue des droits et libertés, Dania Theodorakopoulos, de l'Association des travailleurs grecs de Montréal, Vittoria Bronzati, de la Ligue des femmes du Québec et Irène Typaldos du Service d'aide aux Néo-Québécois et immigrants et moi-même, je représente ici le groupe Au bas de l'échelle.

Avant de commencer le résumé du mémoire, c'est vrai qu'il a 33 pages et, avec les annexes, il y en a 40. Alors, je voudrais lire la liste des signataires de ce mémoire, qui se compose de 27 organismes qui n'ont pas pu tous se rendre à Québec, étant donné les moyens financiers limités que nous avons et la grève des autobus. Au Bas de l'échelle, l'Association du personnel domestique, que vous avez entendue cet après-midi, la Ligue des droits et libertés, le Mouvement action-chômage, la Ligue des femmes du Québec, l'Action-Travail des femmes, le Comité d'action féministe du YWCA de Montréal, l'Office des droits des détenus, le Service d'aide aux consommateurs du centre communautaire Saint-Urbain, le Centre communautaire "Pilote A", le Centre communautaire Notre-Dame-de-Grâce, le Centre Me Donald House, le Carrefour des associations de familles monoparentales du Québec, le Centre social d'aide aux immigrants, le Centre portugais d'information et de références, le Service d'aide aux Néo-Québécois et immigrants, l'Association des travail-

leurs grecs de Montréal, l'Union des travailleurs immigrants du Québec, le Carrefour international. Ici, on a trois groupes de la région de Sherbrooke: l'ACEF de l'Estrie, le Comité des travailleurs accidentés de l'Estrie, l'Opération-Chômage, le Comité Laure-Gaudreault de la CEQ, le Comité de la condition féminine de la CSN et il y a une deuxième liste de signatures qu'on a fait parvenir par courrier recommandé au début de la semaine à M. Jacques Pouliot, secrétaire des commissions et qui n'a pas été envoyée avec la copie du mémoire. Je vais vous la lire: La Fédération des travailleurs italiens immigrants et familles, le Centre d'éducation populaire de la Pointe-Saint-Charles, le Centre d'information et de références pour les femmes. Ce sont tous des groupes soit de citoyens, de travailleurs non syndiqués, exception faite des deux comités de la condition féminine des centrales syndicales, des groupes d'immigrants et des groupes féminins.

Avant de commencer le résumé, on a déposé, au début de la journée, à 10 heures, des copies des annexes. On a donné 30 copies au secrétariat des commissions parce que ce n'était pas parvenu en même temps que le mémoire.

Je vais vous faire l'historique de la coalition. La Coalition des normes minimales de travail a débuté il y a plus d'un an avec la participation d'une dizaine d'organismes dont les trois centrales syndicales. Elle s'était formée pour rédiger un document d'amendement à la Loi du salaire minimum. Après plus d'un an de travail, la coalition compte maintenant 27 organismes membres dont vous trouvez la liste à la fin de notre mémoire. Sans être signataires, la CSN et la CEQ appuient néanmoins ce mémoire, puisque leurs comités de la condition féminine ont décidé de le signer.

Le mémoire de la coalition est le résultat concret de ces mois de travail commun, la coalition est inscrite aux auditions de la commission parlementaire, etc.

Le Québec, société d'abondance et de justice. Certains secteurs de l'économie québécoise, comme de toute économie, se caractérisent par de basses échelles de salaire et des conditions de travail peu avantageuses. Ce sont des extraits du rapport Castonguay qui a été fait en 1975. Les principaux facteurs des faibles salaires ne revêtent pas un caractère purement temporaire. Les faibles rémunérations persistent même à travers les périodes de progrès accéléré de l'économie. Sur le marché du travail, la discrimination se traduit souvent par l'exploitation des travailleurs les plus démunis. Avec le temps, on s'est également rendu compte que la pauvreté n'affecte pas uniquement les pauvres, mais comporte, pour l'ensemble de la collectivité, des coûts sociaux et économiques élevés. C'est un organisme à caractère économique, le Conseil économique du Canada, qui a mis le plus clairement en relief cet aspect de la pauvreté.

Nous savons tous que le salaire minimum au Québec est le plus élevé en Amérique du Nord. Cependant, d'après le Comité sénatorial sur la pauvreté (Canada), le salaire minimum de 1975, basé sur le seuil de la pauvreté, aurait dû s'élever à $3.29 l'heure. En 1979, avec un taux d'inflation annuel frisant les 10%, le salaire minimum au Québec n'est que de $3.47 l'heure au 1er avril 1979. Ceci, sans tenir compte de l'absence presque totale de conditions minimales de travail assez avantageuses pour compenser en partie cette insuffisance de revenus directs.

En février 1978, le seuil de la pauvreté au Canada s'établissait à $11 600 par année pour une unité de quatre personnes. Ces statistiques sont tirées du document des ACEF de Montréal. En 1979, 20% des Québécois vivent sous le seuil de la pauvreté et 34% des unités familiales vivent au niveau de ce seuil ou en dessous. C'est donc qu'au moins un tiers des Québécois sont des pauvres. On peut se demander comment on peut être aussi pauvre si notre salaire minimum est aussi élevé.

La réalité vécue des gens au salaire minimum. Bien que la grande majorité des travailleurs québécois soit couverte par la Loi du salaire minimum, elle s'applique en pratique aux non-syndiqués, soit près de 1 800 000 personnes. On évalue à environ 300 000 le nombre de ces travailleurs qui sont au bas de l'échelle, gagnant à peine le salaire minimum. De plus, 75% des gens au salaire minimum au Québec sont des femmes, souvent immigrantes. Cette catégorie de travailleurs, 62% environ, est inorganisée et donc sans droit pour s'exprimer publiquement et sans organisme représentatif pour se défendre face à l'arbitraire patronal. Couverts par une Loi du salaire minimum désuète — elle a plus de 40 ans — pleine de trous, peu appliquée et peu connue, sans protection réelle d'aucune sorte et isolés, ces travailleurs sont souvent les plus exploités et les laissés pour compte des réformes législatives dans le domaine du travail, et ce, malgré leur très grand nombre.

De plus, même avec les récents amendements apportés au Code du travail par la loi no 45, les obstacles à la syndicalisation restent énormes, parfois même insurmontables, pour un bon nombre de gens au salaire minimum, comme les travailleurs temporaires, et à temps partiel, et ceux qui se trouvent dans des unités de travail très réduites comme des serveuses, des vendeuses, des employées domestiques et agricoles, par exemple. C'est d'ailleurs dans ce secteur d'activité économique qu'on retrouve le plus haut pourcentage de gens au salaire minimum et d'infractions patronales directes et indirectes à la Loi du salaire minimum.

En 1977, la Commission du salaire minimum, organisme chargé d'appliquer la loi, reçut et examina 3780 plaintes déposées par des individus et des groupes d'employés. Grâce aux plaintes logées auprès de la commission au cours des dernières années, environ 30 000 personnes ont reçu annuellement des salaires rétroactifs qui leur étaient dus. Cependant, il semble que ces plaintes ne représentent que la pointe de l'iceberg et qu'un nombre beaucoup plus important de travailleurs reçoivent moins que le salaire minimum ou ne sont pas payés en temps supplémentaire, etc. Par

peur ou par ignorance, ces travailleurs ne portent pas plainte et subissent en silence ces illégalités.

Même si le Québec affirme posséder un salaire minimum plus élevé que les autres provinces, d'autres facteurs, tels que le manque de congés statutaires, le paiement des heures supplémentaires — actuellement seulement au taux minimal du salaire — replacent cet avantage dans un plus juste contexte.

De plus, le Québec ayant toujours été la province du "cheap labor", on y retrouve proportionnellement plus de gens au salaire minimum qu'ailleurs au Canada, sans oublier le fait que le Québec est la seule province à permettre un taux minimum de salaire horaire inférieur pour les employés recevant des pourboires, en omettant cependant de rendre ces pourboires obligatoires.

Les objectifs de la Loi sur le salaire minimum, selon la commission Castonguay, sont: -Protéger les travailleurs contre l'exploitation et la pauvreté. - Réduire la pauvreté et l'insuffisance des revenus. - Permettre aux travailleurs de participer à l'amélioration de la qualité de la vie qui devrait normalement accompagner le progrès économique.

De fait, la loi contribue grandement à perpétuer cette pauvreté et cette exploitation qu'elle voudrait soulager. Le rapport Castonguay lui-même, un document pourtant conservateur, émet cette critique: "La Loi sur le salaire minimum au Québec est incomplète et arriérée si on la compare aux dispositions contenues dans les ententes collectives".

Nous pourrions ajouter à ce constat du rapport Castonguay un autre constat tout aussi juste. Non seulement cette loi est arriérée, mais elle est également violée chaque jour par des employeurs contre lesquels on prend bien peu de mesures correctives et punitives vraiment efficaces, susceptibles de freiner définitivement tout abus et toute illégalité. De plus, des milliers de travailleurs et travailleuses du Québec en sont exclus, comme les employés domestiques et agricoles, par exemple. Nous voulons bien croire que certains genres d'emplois nécessitent des aménagements particuliers, mais de là à exclure totalement des catégories entières de travailleurs de la protection d'une loi minimale, rappelons-le, il y a une marge que l'on pourrait assimiler à une forme de discrimination ou de cécité volontaire pour des raisons de facilité, de mépris ou d'exploitation économique pure et simple.

Nous voudrions faire ici quelques remarques générales. Le projet de loi 126 apporte peu de réels changements à la Loi du salaire minimum actuelle, sauf sur la question du fonds d'indemnisation des faillites, les deux semaines de vacances en temps et les congés sociaux.

Au sujet du préavis des congédiements, l'article 1668 du Code civil restera souvent plus avantageux pour les salariés que les dispositions prévues dans la nouvelle loi.

En fait, le projet de loi 126 est un regroupe- ment et une codification des règlements et ordonnances actuels de la Commission du salaire minimum avec de minimes améliorations. Il ne s'agit aucunement de la convention collective des non-syndiqués qu'on nous a annoncée. Il ne s'agit pas non plus d'une véritable reconnaissance sociale, de l'importance de la part des non-syndiqués dans la vie économique québécoise.

La coalition ne peut être contre le projet de loi 126. Personne ne refuse l'aumône quand il en a besoin pour vivre. Seulement tous préfèrent recevoir un niveau de vie décent et, d'ailleurs, tous y ont droit. La coalition reproche au projet de loi 126 la trop large place faite au pouvoir de réglementation gouvernementale sur des aspects de fond, des conditions de travail, comme, par exemple, le calcul de la durée du travail pour des catégories de salariés à l'article 53; l'inclusion retardée de ces catégories sous la protection de la loi, article 147; l'incertitude sur le nombre de jours fériés, chômés et payés par année, article 59; l'établissement du taux de salaire minimum horaire, chapitre IV, section I.

Le ministre du Travail, l'honorable Pierre-Marc Johnson, a déclaré que ce projet de loi n'était pas révolutionnaire. Rien n'est plus vrai! La révolution n'était ici réclamée par personne; de vraies réformes l'étaient. Or, le projet de loi est si peu réformiste qu'il n'accorde même pas ce que sept provinces canadiennes et toutes les conventions collectives accordent: la journée de travail normale de huit heures aux fins de calcul du temps supplémentaire. Ceci n'est qu'un exemple.

La Coalition des normes du travail est donc extrêmement déçue par le projet de loi 126 et, comme le Québec a attendu plus de quarante ans avant de présenter ce projet de loi, nous faut-il croire que nous devrons faire, pendant encore un quart de siècle, les frais d'une loi consacrant la discrimination par ses exclusions et l'inégalité sociale puisque, dès son adoption, elle sera déjà désuète sur des points comme la durée du travail, les congés payés et les repos hebdomadaires par rapport au contenu de la plupart des conventions collectives et des décrets.

Avant de présenter le résumé de nos amendements au projet de loi 126, nous voudrions répondre à la déclaration du ministre du Travail dans le sens que des normes minimales trop avancées décourageraient la syndicalisation, ce qui ressemble étrangement à une politique sociale du pire.

A moins de réformes profondes de notre Code du travail, un grand nombre de gens au salaire minimum et de non-syndiqués ne pourront jamais se regrouper. Même ceux qui le peuvent et le tentent peuvent attendre des années une accréditation. (20 h 30)

Est-ce ainsi que le Québec reconnaît le droit à l'association? D'ailleurs, ce n'est pas en reléguant des centaines de milliers de travailleurs à des secteurs d'emplois où l'exploitation et l'arbitraire patronaux sévissent le plus durement et où le chantage entre la dignité et la nécessité du pain et du beurre devient parfois sordide, sans qu'on

accorde toutefois, à ces travailleurs des recours vraiment efficaces et adaptés aux besoins réels pour défendre leurs droits, qu'on les encouragera à se syndiquer. On ne fera que les garder en bas de l'échelle encore plus longtemps.

Nos recommandations, en dernier lieu. Pour conclure ce mémoire, nous voudrions répéter en quelques lignes nos principales recommandations.

M. Johnson: Quelle page?

Mme Roussel: C'est à la page 31 du mémoire que vous avez reçu. Seulement, comme c'est une conclusion au mémoire lui-même, nous avons fait un résumé de tout ce qui est contenu dans le mémoire de 33 pages. Ce que vous avez dans la conclusion, c'est, si vous voulez, ce qu'il y a de plus important. Il faudrait lire tout le mémoire. Je vous donne vraiment un résumé de ce qu'il y a dans les 33 pages. C'est différent de la conclusion.

La première, c'est: Aucune exclusion de catégories de travailleurs au chapitre des normes minimales, de la protection et des recours prévus par la présente loi. Quand on demande "aucune exclusion de catégories de travailleurs", on s'adresse évidemment à des catégories comme les employés domestiques que vous avez entendus cet après-midi et qui ont très bien expliqué quels étaient leurs problèmes, les salariés agricoles. Il y a des dispositions spéciales, par réglementation, pour les handicapés. Il y a aussi une réglementation pour les gens qui travaillent dans les ateliers protégés. On peut penser aux détenus. Il y a aussi des exceptions faites au niveau des étudiants travaillant dans des colonies de vacances, les vendeurs à commission, les gens qui sont sur des chantiers éloignés, etc.

On demande que tous les citoyens, étant censés être égaux devant la loi, et étant donné que la loi doit s'appliquer à tous, ne souffrent pas de discrimination à ce niveau et qu'il n'y ait pas d'exclusion.

On demande la mise sur pied de dispositions pour assurer la sécurité d'emploi, comme un préavis plus long, la plainte anonyme et par délégation, les jours de maladie, etc., et la reconnaissance du droit d'ancienneté, en ce qui concerne le temps supplémentaire et le congédiement, par exemple. On sait que le principal problème actuellement sur le marché du travail, non seulement pour les non-syndiqués, mais également pour les syndiqués, c'est la question de la sécurité d'emploi.

Or, les gens qui ne sont pas syndiqués n'ont, par exemple, aucun congé de maladie. Est-ce qu'il faut croire que, parce que les gens ne sont pas dans une unité syndicale, ils ne tomberont pas malades un jour ou deux? Actuellement, les gens qui n'ont pas de syndicats ou ne sont pas couverts par des décrets n'ont aucun recours à ce niveau, ne peuvent absolument pas obtenir un congé de maladie payé et reposent finalement sur la bonne volonté de leur employeur pour garder leur emploi, ce qui n'est pas normal, d'après nous.

Le préavis plus long: Comme on en a fait mention tout à l'heure, l'article 1668 du Code civil — et nous le savons d'expérience — va souvent être plus avantageux pour les travailleurs que ce qui est prévu au projet de loi à l'article 81. On le sait parce que nous-mêmes, on recommande fortement aux travailleurs qui se font congédier d'aller réclamer leur dû devant soit la Cour des petites créances, soit la cour appropriée quand il s'agit d'un montant de plus de $500. Je me demande à quoi ça sert de faire un article dans une loi comme celle-là qui est moins avantageux qu'un autre article dans une autre loi.

La question du préavis plus long, la plainte anonyme: Actuellement, on sait que la Commission du salaire minimum prend les plaintes anonymes. Nous voulons ajouter la plainte par délégation et la plainte par délégation, c'est ce qui est prévu notamment dans la charte des droits de la personne, à l'article 70, qui dit qu'un groupe de citoyens voués au bien-être d'un groupe de personnes dans la société, qui a de bonnes raisons de croire qu'une infraction à la loi a été commise, peut, avec l'autorisation du salarié, déposer une plainte en son nom devant l'organisme chargé de faire appliquer la loi qui a été violée.

Nous demandons, à ce niveau, le droit, la possibilité pour un organisme comme ceux qui sont ici présents, qui ont affaire à des gens payés au salaire minimum et non syndiqués, avec l'autorisation du salarié en question et pour protéger son emploi, pour le soustraire au chantage, finalement, sur ce qui assure sa survie, c'est-à-dire son travail, qu'il y ait possibilité, en son nom, de déposer une plainte devant la Commission du salaire minimum.

Nous demandons également la journée de travail normale de huit heures et la semaine de 40 heures aux fins de calcul du temps supplémentaire. On a expliqué pourquoi, tout à l'heure, sept provinces canadiennes sur dix l'accordent déja, ainsi que les conventions collectives et les décrets. Cela ne nous paraît absolument pas révolutionnaire de faire ce que bon nombre de gens au Canada ont déjà décidé d'accorder.

La pause-café obligatoire est payée: Actuellement, on sait, par exemple, que, dans des usines où il y a de la production au rendement, de la production à la pièce, où il y a énormément de pression sur les salariés, dans les restaurants, dans les fameuses heures de "rush" des repas, ces gens-là sont continuellement debout, ils sont continuellement poussés et c'est extrêmement dur pour leur santé. C'est une situation de travail fondamentalement dangereuse et injuste. Beaucoup d'accidents de travail se produisent, parce qu'il y a trop de fatigue et d'inattention causée par la fatigue. On demande donc une pause-café obligatoire et payée après deux heures de travail.

Une application plus stricte de la loi grâce aux mesures suivantes: des amendes plus élevées et rigoureusement appliquées. Dans notre mémoire, on suggère un barème pour les amendements aux articles 126, 127 et 128 sur la question des infractions et des peines. Il y a trois genres d'infractions

qui sont soulevées à ce niveau-là; on demande des amendes plus élevées. On va de $500 à $3000 plus, pour une troisième offense, 2% de la masse salariale totale de l'employeur dans une entreprise donnée.

De meilleurs pouvoirs d'enquête pour la commission. Il y a un endroit dans le projet de loi où on dit qu'un inspecteur de la Commission du salai/e minimum pourra inspecter une entreprise à une heure raisonnable. Nous demandons l'amendement qui dit: à toute heure. On ne voit vraiment pas pourquoi on limiterait les pouvoirs d'enquête et d'inspection de la commission. Il y a déjà passablement de difficultés à faire appliquer la loi. Quand on veut vraiment faire appliquer une loi, on se donne les moyens de le faire.

Un nombre accru d'inspecteurs. Même s'il n'y a pas de très grandes améliorations dans le projet de loi no 126, il y a néanmoins la question du congé de maternité. Il y a aussi le fait que dans les secteurs comme la restauration ou l'hôtellerie, commerce de détail et ainsi qu'entretien des édifices, je pense aux conciergeries où ce sont des concierges engagés directement par des employeurs professionnels mais individuels et non pas par des agences de personnel d'entretien d'édifices, on sait qu'il y a énormément de violations de la Loi du salaire minimum dans ces secteurs. Or, la Commission du salaire minimum, ayant actuellement, je crois, 135 inspecteurs pour un total de 95 000 entreprises couvertes au Québec par la Loi du salaire minimum qui demande 500 inspecteurs pour faire appliquer la loi.

L'établissement d'enquêtes de routine ou d'enquêtes de vérification, qui ne sont pas faites à la suite de plaintes. Des mécanismes visant à prolonger la durée de la prescription. La nouvelle prescription proposée dans le projet de loi nous paraît encore insuffisante et on a des cas particuliers, par exemple, où un travailleur immigrant ne parlant pas la langue, n'était pas informé de ses droits... On sait que l'ordonnance 17 sur le congé de maternité est particulièrement complexe à cause des délais qui sont demandés: trois semaines à tel endroit; huit jours à tel autre endroit; quinze jours pour déposer une piainte par écrit devant un commissaire du travail pour congédiement pour grossesse. C'est une ordonnance très technique. Nous demandons que soient prévus des prolongements de prescription ainsi que des prolongements d'appel pour déposer des plaintes sur des congédiements visant à faire respecter ces droits au travail. Aussi nous ne voyons pas pourquoi quelqu'un qui aurait été privé d'avantages durant deux ou trois ans ne pourrait réclamer que pour un an, par exemple, ou que pour six mois.

Nous demandons aussi la possibilité pour un organisme de déposer une plainte au nom d'un salarié devant la commission — je l'ai déjà expliqué — et la publication des noms des employeurs ayant contrevenu à la loi, ainsi que le nombre d'offenses — et cela dans les media d'information publics que tout le monde peut consulter. Je crois que ce serait une excellente mesure de dissuasion auprès des employeurs pour les encourager à res- pecter les lois que le gouvernement du Québec et la société québécoise ont décidé de se donner.

Une meilleure information du grand public à propos de la nouvelle loi des normes minimales grâce aux mesures suivantes: Une campagne générale de publicité de la commission sur tout ce qui concerne la nouvelle loi, la rédaction d'exemplaires vulgarisés de cette loi et l'obligation pour les employeurs d'en remettre une copie à chaque salarié ou encore de l'afficher sur les lieux de travail — je crois qu'il y a effectivement un règlement, une ordonnance de la commission concernant l'affichage de la Loi du salaire minimum sur les lieux de travail, mais universellement, ce n'est pas respecté — et la publication d'avis officiels et l'établissement de mécanismes de consultation avant l'adoption de règlements et d'ordonnances reliés à la présente loi. Tout cela dans le but, évidemment, d'une démocratie, d'une meilleure information du public.

Les deux principales raisons pour lesquelles la loi n'est pas appliquée — en fait, il y en a trois — la première est la peur des salariés devant le chantage qui est exercé sur leur moyen de survie, c'est-à-dire leur emploi par les employeurs; la deuxième est l'ignorance des salariés devant leurs propres droits et la troisième est évidemment les amendes et autres mesures dissuasives et punitives qui sont inexistantes, c'est tellement ridicule qu'on les juge inexistantes.

L'application concrète des principes reconnus dans le livre blanc sur la santé et la sécurité au travail, c'est-à-dire les équipements de sécurité aux frais de l'employeur et l'abolition du travail au rendement. La possibilité pour la commission de recouvrer le salaire et tous les autres avantages pécuniaires reliés à un emploi au taux intégral de salaire d'un employé et non au seul taux minimal. Un même taux de salaire minimum horaire pour les salariés de 16 ans et plus et pour ceux qui reçoivent des pourboires. On sait qu'actuellement le taux du salaire minimum est inférieur de $0.30 pour les salariés de 18 ans et moins. On ne voit pas pourquoi un travailleur de 17 ans serait payé $0.30 de moins qu'un travailleur de 18 ans ou de 19 ans pour un même travail, ce qui se produit, par exemple, très souvent dans les restaurants, ce qui va se produire dans les commerces, beaucoup. Etant donné que l'âge de scolarisation obligatoire au Québec est 16 ans et qu'à partir de ce moment-là les jeunes peuvent aller travailler, puisque se limite là la scolarisation obligatoire, on demande alors que le taux minimal de salaire pour les seize ans et plus soit le même que pour les autres salariés plus âgés ainsi que pour ceux qui reçoivent des pourboires, parce que le pourboire n'est pas obligatoire et que dans la restauration et dans l'hôtellerie, où il y a beaucoup de salariés à pourboire, c'est là où il y a le plus de violations de la Loi du salaire minimum. Nous avons plusieurs cas de gens qui ne reçoivent jamais de salaire, seulement les pourboires, ou qui endossent des chèques de paie qu'ils sont forcés de retourner à l'employeur ou qui doivent donner une partie de leurs pourboires, les cas sont multiples.

II y a énormément de façons de contourner la loi et pour assurer un revenu minimum stable à ces gens-là, on demande qu'ils aient le même taux de salaire minimum que les autres. D'ailleurs, le Québec est la seule province au Canada qui ne l'accorde pas. Dix jours fériés, chômés et payés par année. A ce niveau-là, on vous rappelle — c'est dans les annexes de notre mémoire — je vais vous lire ce qui est contenu dans les diverses législations canadiennes au niveau des jours fériés chômés et payés. Le Code du travail du Canada, la Colombie-Britannique, la Saskatchewan, les Territoires du Yukon et du Nord-Ouest accordent de neuf à dix jours, l'Alberta et le Manitoba accordent huit jours, l'Ontario accorde sept jours, le Nou-veau-Brunswick six, Terre-Neuve et la Nouvelle-Ecosse cinq. Le Québec en accorde pour le moment un seul et il y en a trois, si on compte la Saint-Jean-Baptiste qui existent pour le moment. Il y en aura trois après l'adoption de la présente loi si elle est adoptée sans être amendée. Dans les conventions collectives et les décrets, au niveau des jours fériés chômés et payés, la plupart des conventions collectives et leurs décrets accordent une moyenne de dix jours fériés chômés et payés par année. Ceci est une moyenne. Il y en a qui en accordent plus, il y en a qui en accordent moins aussi. C'est une condition de travail assez bien respectée à travers le Canada et le Québec serait en arrière, une fois de plus, à ce niveau-là si la présente loi était adoptée sans définition de jours de congé autrement que par règlement. (20 h 45)

D'après nous, il devrait y avoir une définition beaucoup plus claire. Et, évidemment, dix jours de congés fériés, chômés et payés. Quatre semaines de vacances après un an de service chez un même employeur, donc 8% de tout le salaire reçu, soit une journée et deux tiers de paie par mois travaillé. Un avis d'un mois pour la date des vacances. Cet avis est demandé par commodité pour le salarié et, évidemment, parce que l'employeur, connaissant son entreprise, est en mesure croit-on de donner un tel avis. Deux périodes de 24 heures consécutives de repos hebdomadaire.

Nous demandons ici qu'on ne revienne pas en arrière au niveau des années trente alors que les salariés travallaient le samedi jusqu'à 14 heures ou 16 heures et ne se reposaient que le dimanche. C'est universellement respecté à travers le monde industrialisé, dans les conventions collectives et les décrets qu'il y a deux jours de repos par semaine. C'est pour faire la concordance avec nos 40 heures par semaine à huit heures par jour, soit cinq jours de travail par semaine. Deux périodes de 24 heures consécutives et non 48 heures pour tenir compte des réalités de certaines industries et de certains secteurs de l'activité économique comme la restauration, comme le commerce qui doit ouvrir six ou sept jours par semaine.

De meilleurs congés sociaux payés. Quand on parle de congés sociaux, on parle des congés de paternité, des congés pour décès, mariage, naissance. Pour l'établissement de congés de maladie, on a déjà expliqué le but des congés de maladie, c'est à la fois pour une raison de santé et de sécurité au travail et à la fois pour une raison de sécurité d'emploi, afin qu'un salarié ne perde pas son emploi à cause d'une maladie de deux ou trois jours. Un congé de maternité de vingt semaines payées et administrées par l'Etat. Il s'agit ici d'une revendication et des centrales syndicales et des groupes féminins qui a été répétée maintes et maintes fois, c'est maintenant l'ordonnance 17 de la Loi du salaire minimum. Cette demande a été présentée au mois de juillet 1978, on a même fait des représentations à cet effet auprès du ministre Johnson, qui s'en souvient sûrement.

Aucune déduction directe ou indirecte du salaire effectif pour le paiement d'uniformes, des déficits de caisse enregistreuse et d'équipement de sécurité. Je vais expliquer cette recommandation. Lorsque, dans le projet de loi, on mentionne qu'aucune déduction directe du taux du salaire minimum ne pourra être effectuée pour le paiement d'uniformes, on sait très bien, par expérience, que, pour les employeurs, il est très simple de contourner cet article, par exemple, en demandant à un employé de payer son uniforme "cash", comme on dit, ou en dessous de la table. Il n'y a pas eu de déduction sur le salaire, rien n'a été déduit sur le chèque. Evidemment, on pourrait argumenter — c'est ce qu'on fait — que c'est une déduction indirecte, mais il y a souvent une interprétation étroite de la Loi du salaire minimum qui dit que si cela n'a pas été déduit sur le chèque, cela n'a pas été déduit. On demande qu'aucune déduction directe ou indirecte du salaire effectif n'ait lieu, parce qu'on ne voit vraiment pas pourquoi ce serait simplement le salaire minimum. Si un salarié reçoit, par exemple, $3.50 l'heure, pourquoi devrait-il, au 1er avril, avoir trois sous à donner à un employeur pour payer un uniforme alors que c'est l'employeur qui exige cet uniforme, que ce n'est pas le salarié. S'il exige un instrument de travail comme un uniforme, qu'il en assume les coûts.

Que l'employeur ne puisse exercer de mesure disciplinaire contre un salarié pour la raison que ce dernier a voulu défendre des droits légalement reconnus avant qu'il n'ait d'abord prouvé que ces mesures disciplinaires n'ont pas pour objet la défense de ses droits. A l'article 114 du projet de loi 126, on énumère les raisons pour lesquelles un employeur ne peut congédier un salarié. Cela se résume à la grossesse et à la demande d'application des droits prévus dans la présente loi ou le témoignage dans une cause pour le respect des droits prévus dans la présente loi et tout ce qui touche la défense des droits au travail.

On trouve qu'il est fondamentalement injuste qu'un employeur puisse pénaliser un salarié avant qu'il n'ait d'abord prouvé que ce salarié est effectivement coupable de ce qu'il a fait. On trouve cela totalement illogique; c'est d'ailleurs une revendication des centrales syndicales au niveau du congédiement pour activités syndicales. On demande que l'employé soit maintenu dans ses fonctions jusqu'à ce que le patron ait fait la preuve que, effectivement, il le met à pied ou il le congédie

pour une autre raison que celle d'activités syndicales. A ce moment-là, il pourra le congédier, mais pas avant. On ne pénalise pas ou on ne condamne pas quelqu'un avant d'avoir prouvé que cette personne a effectivement fait ce qu'on lui reproche.

Un préavis de congédiement plus long pour tenir compte et de l'ancienneté et de la sécurité d'emploi. Généralement, ce sont les employeurs qui n'avisent pas du congédiement et non les employés qui n'avisent pas de leur départ.

Et c'est la dernière recommandation: Qu'un salarié qui le désire puisse toujours exercer les recours légaux appropriés autres que ceux prévus par la présente loi pour une meilleure défense de ses droits. On ne voudrait pas limiter un salarié, en particulier au niveau du préavis de congédiement dont j'ai parlé, où l'article 1668 du Code civil restera souvent plus avantageux dans bien des cas, si on tient compte de l'ancienneté, ce que l'article 81 ne fait absolument pas. Il s'agit d'un préavis de deux semaines après un an de travail ou après dix ans de travail. Cela nous paraît incroyable qu'on accorde deux semaines de préavis de congédiement à un salarié qui a travaillé dix ans dans la même entreprise. On voudrait maintenir ces recours. C'est bien évident qu'on demande un allongement de ce préavis en tenant compte de l'ancienneté.

Avant de clore ce mémoire, nous voudrions faire une remarque d'ordre général. L'un des aspects les plus intéressants du livre blanc sur la santé et la sécurité au travail est certainement celui qui recommande le regroupement en un tout cohérent des divers textes de lois, des règlements et des autres dispositions légales dans ce domaine, ainsi que l'unification des compétences et des responsabilités au chapitre de leur application.

Nous faisons remarquer ici que la santé et la sécurité sont une facette des conditions générales de travail. Il y en a d'autres, comme la question des relations patronales ouvrières et celle des normes minimales, par exemple. Toutes ces composantes forment donc un tout, mais l'éparpillement et le chevauchement actuel des réglementations et des compétences nous empêchent de saisir globalement cette situation, ce qui rend vraiment difficile la liaison des problèmes entre eux et l'établissement de véritables solutions.

A quand une politique d'ensemble dans le domaine du travail au Québec?

Le Président (M. Marcoux): Merci, madame. M. le ministre.

Mme Roussel: Avant que vous parliez, M. le ministre — je ne voudrais pas vous interrompre quand vous aurez commencé — on a un résumé du mémoire de la coalition qui est disponible, si vous voulez l'avoir. On l'a ici.

M. Johnson: Ce que vous entendez par le résumé, est-ce que c'est ce que vous avez lu?

Mme Roussel: Oui.

M. Johnson: C'est l'introduction que vous avez lue?

Mme Roussel: Oui, c'est tout ce que j'ai lu, à part les explications que j'ai données à côté.

M. Johnson: De toute façon, c'est inscrit au journal des Débats, puisque vous l'avez prononcé, plus le texte du mémoire original qui va être également inscrit. (Voir annexe B)

C'est assez vaste. Pour le moment, je n'ai pas de question. Je vais laisser mes collègues y aller.

M. Picotte: M. le Président, je pense que le mémoire que nous a présenté cet organisme est très intéressant et, quand on a mentionné tantôt que le projet de loi du ministre n'était pas révolutionnaire, je pense bien que le moins qu'on puisse dire, c'est que le vôtre est très avant-gardiste.

Mais, à plusieurs égards, il est très intéressant. En plus, lorsque je regarde la liste des signatures à la fin du présent mémoire, je pense qu'il peut s'accompagner d'une richesse de documents et peut-être de statistiques; s'il vous était possible de les avoir ou de les communiquer, ce serait encore préférable.

Mais je vais vous poser quelques questions. Vous dites, à la page 4 de votre mémoire, que le délai vous semble beaucoup trop court pour une loi semblable. J'aimerais savoir pourquoi il vous semble trop court. Est-ce que c'est parce que vous trouvez qu'il y aurait beaucoup d'autres organismes qui auraient été intéressés à venir nous livrer des messages ou si c'est parce que vous auriez aimé avoir plus de temps pour faire un consensus général auprès de...? C'est ce que vous soulignez dans votre mémoire.

Mme Roussel: Si le délai nous a paru court, c'est qu'on attendait cette loi depuis si longtemps! Effectivement, pour des organismes comme les nôtres, qui n'ont pas les ressources des associations patronales, il est très difficile de ramasser très vite les ressources nécessaires à la présentation d'un mémoire sur une question de cette importance. Quand on reçoit un télégramme ou un appel téléphonique à cinq jours d'avis, pour être le plus représentatif possible des gens concernés par les normes minimales de travail, quand il faut coordonner un ensemble de 27 groupes pour donner une bonne idée du problème et donner une bonne représentation à la commission parlementaire, cela nous paraît... Il y a ce délai, il y a le délai de dépôt des mémoires aussi, surtout en cent copies pour des organismes comme les nôtres, cela nous paraît disproportionné vis-à-vis de nos moyens.

M. Picotte: Je veux peut-être vous demander aussi... Cela pourrait être une opinion, mais j'aimerais la connaître, je pense qu'on est ici pour cela. Cet après-midi, nous avions l'avantage de regarder un mémoire du Bureau de commerce de Montréal. Quand je lisais la page 14 de votre mémoire qui

disait: Pause-café obligatoire, quinze minutes après chaque deux heures de travail. Je n'ai pas eu l'occasion évidemment, ce matin, d'entendre le mémoire du Conseil du patronat, parce que je n'étais pas mandaté pour travailler à cette commission, quand on a entendu M. Del Motte qui parlait des coûts et qui semblait être effarouché, si vous me permettez le terme, du coût que pourrait amener cette loi, qu'est-ce que vous avez à dire là-dessus, vous autres? Pourtant, cela va beaucoup moins loin que le projet de loi qui nous est proposé par le ministre ou qu'il nous suggère. Si vous aviez été assise de ce côté-ci de la table, qu'est-ce que vous auriez répondu?

Mme Roussel: Justement, je ne suis pas assise de l'autre côté de la table.

M. Picotte: Qu'est-ce que vous auriez à dire au Conseil du patronat?

Mme Roussel: Monsieur, ce que j'ai à lui dire, c'est ce qui est inscrit dans notre mémoire, c'est ce que je viens de vous lire, c'est ce que je viens de vous expliquer. Je lui dirais la même chose.

M. Picotte: Non, vous ne parlez pas dans votre mémoire des coûts. Ces gens s'inquiètent des coûts. Ils disent: On ne peut pas évaluer cela. Je n'ai pas lu cela dans votre mémoire. C'est vrai que je l'ai parcouru rapidement, mais je n'ai pas vu cet aspect dans votre mémoire.

Mme Roussel: On voudrait répondre à la question des coûts. J'étais présente ce matin et je me souviens très bien lorsqu'une question d'un député de la commission a été adressée au porte-parole du Conseil du patronat. Cette question visait à faire préciser combien effectivement cela donnerait de cotisation des employeurs pour financer la commission. Premièrement, le Conseil du patronat n'avait pas de réponse exacte, et, deuxièmement, je ne croirais pas que ce serait le rôle d'organismes comme les nôtres. Nous n'avons pas les équipements nécessaires pour analyser ce que des associations patronales n'analysent pas elles-mêmes.

M. Legault (André): Ce que je pourrais souligner, c'est que, ce matin, dans la réponse, ils ont dit que le coût, ils ne pouvaient pas le calculer, parce que c'était entre 0,1% et 1%.

Une réponse aussi, je n'oserais pas dire le terme... Pour ma part, si tu sais 1%, tu sais 0,1%. S'ils ne sont pas bons en mathématiques, pas bons en économie, parce qu'ils ne savent pas compter, il faudrait peut-être leur poser la question. C'est pour cela que je ne crois pas que ce soit à nous de répondre à la question. Eux n'y répondent pas, mais, dans le fond, ils posent l'hypothèse que cela coûte, mais dans la réponse qu'ils ont donnée ce matin... J'étais présent. D'ailleurs, je pense qu'on leur a posé à nouveau la question et ils ont répondu d'une façon... Pour ma part, ne pas savoir ce que cela coûte entre 0,1% et 1%, je vous avoue que je suis resté stupéfait avec cela.

Mme Roussel: C'est bien évident que la justice sociale coûte quelque chose, elle n'est pas gratuite. Le ministre du Travail lui-même l'a mentionné au cours de la journée.

M. Picotte: Concernant les congés annuels payés, page 15, vous proposez une nouvelle méthode de calcul qui serait basée, par exemple, sur l'année de travail d'un individu du moment où il commence à aller jusque, si j'ai bien compris votre affaire... Pourriez-vous expliciter davantage et me dire quelle différence cela ferait en principe?

Mme Roussel: Oui, certainement. Nous jugeons qu'un salarié a droit à des vacances. On met comme référence, pour les vacances pleines et entières qu'on demande en temps, une année de service continu. Nous estimons qu'à partir de la date d'embauche d'un salarié, la date effective d'embauche, après douze mois de travail, après qu'il ait fait douze mois de travail, le salarié devrait avoir normalement droit, et nous le demandons, à quatre semaines de vacances payées. Si, par exemple, un salarié est engagé au mois d'octobre — dans le projet de loi, je crois, qu'on demande le calcul du 31 avril au 1er mai, je ne sais pas effectivement — on demande une méthode de calcul déterminée ou soit toute autre entente passée entre l'employeur et le salarié, et que la date de référence pour la prise des vacances en temps, après un an de service, ce soit la date effective d'embauche, parce que c'est à partir de ce moment-là qu'un salarié aura effectivement travaillé un an et s'il y a une disposition précise sur des dates pour une année de référence, cela pourrait priver un salarié, par exemple, parce qu'il n'aurait pas complété le nombre de mois ou de semaines nécessaire pour obtenir ses vacances à temps, au bout de l'année de référence ainsi fixée par une loi. Il n'aurait que des vacances en argent. C'est pour cela qu'on demande que la date d'embauche, après un an, soit la date effective de prise des vacances. C'est par souci de logique. (21 heures)

M. Picotte: Oui. Maintenant, je ne crois... Je ne voudrais pas mal vous interpréter, mais on a parlé, à un moment donné, des employés à pourboire. Est-ce que votre idée serait que les employés à pourboire soient éliminés, c'est-à-dire que le pourboire soit obligatoire et que l'employé soit payé selon un salaire établi, le salaire minimum ou peu importe, mais qu'on fasse disparaître le pourboire. La personne qui travaille à pourboire ne recevrait plus de pourboires, cela serait facturé directement au consommateur.

Mme Roussel: Notre groupe et, en particulier les groupes qui sont ici, reçoit des appels téléphoniques de membres ou de gens qui sont des employés de la restauration ou de l'hôtellerie, où les gens reçoivent habituellement des pourboires

et sont considérés comme des salariés à pourboire. On sait que ce qui est recommandé au Québec, comme frais de service ou de pourboire, c'est 15% de la facture. Or, après avoir eu beaucoup de discussions à ce sujet avec les employés concernés, on a trouvé que le pourboire moyen payé —plus la facture est portée à grimper, moins les 15% sont effectivement respectés — est d'environ 9% de la facture. Je ne peux pas vous remettre ces chiffres en main sur une feuille, je ne les ai pas sur moi. C'est une étude qu'on fait actuellement avec des travailleurs concernés dans le milieu de la restauration et de l'hôtellerie, qui travaillent avec nous. Donc, à ce niveau, qu'on rende le pourboire, les frais de service de 15% obligatoires dans les faits et que ces gens les reçoivent, ou bien qu'on ne le rende pas obligatoire, mais qu'on leur donne le même taux du salaire minimum que les autres. Mais qu'on empêche premièrement une discrimination sur l'emploi, que le Québec est la seule province à permettre au Canada, qu'on assure un revenu minimum stable à ces gens et aussi qu'on limite l'arbitraire patronal dans ce domaine. Nous avons des foules et des foules d'exemples...

M. Johnson: Si vous permettez, parce que c'est la cinquième fois que je vous entends dire que le Québec est la seule province, ce n'est pas exact. L'Ontario prévoit un taux de salaire minimum différent pour les employés à pourboire dans le secteur de l'hôtellerie.

Mme Roussel: Merci.

M. Picotte: D'ailleurs, vous savez qu'il y a beaucoup de controverse là-dessus. Je ne suis pas certain que les employés de la restauration accepteraient cela si facilement, sauf peut-être ceux qui travaillent dans la cuisine et dans la profondeur. A part cela, pour le reste, je ne suis pas trop certain que cela ferait l'unanimité et que si vous cherchiez l'unanimité là-dessus — il faut quand même se le dire, il ne faut pas se cacher la tête dans le sable — je pense que l'unanimité serait loin d'être faite de ce côté.

M. Legault: Si vous permettez, à propos de ce pourboire, il faut bien se comprendre. On dit: Même salaire pour les employés de restaurants en plus, toujours, du pourboire de 15%, qui est un droit acquis. On ne dit pas: On leur enlève le droit acquis qu'est le pourboire. Je ne vois pas une serveuse refuser son droit au salaire minimum comme tout le monde, plus son pourboire.

Mme Roussel: II ne s'agit pas de leur supprimer leur pourboire ici.

M. Picotte: Je dois vous dire que j'ai participé au sommet économique organisé par le gouvernement sur le tourisme, la chasse et la pêche...

M. Legault: Je pense qu'il n'y avait pas d'employés qui étaient présents.

M. Picotte: II y avait des représentants des employés, il y avait des syndicats, on était plusieurs. J'ai même posé la question, à ce moment, aux syndicats et ils m'ont dit qu'eux-mêmes ne risqueraient peut-être pas d'essayer de faire l'unanimité dans ce sens. Si le salaire minimum est plus bas dans le domaine de la restauration, c'est que les personnes reçoivent un pourboire. Si on le rend obligatoire au niveau des restaurants comme tels, on va devenir, selon ce qu'on nous a rapporté, non concurrentiel. Cela hausserait les coûts, ce qui ferait que le client paierait davantage. La personne qui reçoit le pourboire, c'est considéré comme un salaire additionnel qui n'est pas imposable, ce qui est encore un avantage de plus sur le salaire minimum.

Des Voix: C'est imposable.

Mme Roussel: II y a une chose que je voudrais vous dire...

M. Picotte: Bien oui, c'est imposable, mais qu'est-ce qui se passe en réalité? En fait, ce qui se fait, la réalité, c'est ce qui est déclaré dans les cartes de crédit où, à toutes fins utiles, on n'a pas le choix, c'est-à-dire que le client qui a payé avec une carte de crédit, la personne va le déclarer à l'impôt, mais, dans la balance, ça fait quoi? Je pense bien qu'on n'a pas à se le cacher.

Mme Roussel: II y a une chose que je voudrais vous dire à ce sujet, monsieur, c'est que — les gens de la Commission du salaire minimum qui sont ici pourront le confirmer — très souvent, il y a une pratique dans la restauration et dans l'hôtellerie qui consiste à prélever une partie des pourboires d'un employé, dont le pourboire est la propriété exclusive au niveau de la loi — c'est inscrit dans ces termes — et une partie de leurs pourboires leur est soutirée par l'employeur pour payer d'autres salariés de l'entreprise comme, par exemple, ce qu'on appelle les "busboys", des garçons de table. Cela se produit très souvent, c'est une pratique très courante. On a des membres de notre association qui sont obligés, pour conserver leur emploi, de faire des choses comme celle-là.

M. Picotte: Mais, à la suite de cette affirmation, je pense qu'il y a des gens à cette table, qui pourraient nous donner... J'aimerais entendre ça, moi.

M. Bisaillon: Seulement une petite chose. Il y a trois aspects finalement dans l'ensemble de votre proposition. La question qui concerne le salaire minimum, la question qui concerne le pourboire et là, je ne suis pas tellement d'accord avec vous, Me Legault, ce n'est pas nécessairement 15% partout. Si c'est un pourboire facturé et automatique, c'est 15%, mais j'ai compris que vous parliez du pourboire, peu importe qu'il soit de 15% ou un pourboire de 10% laissé à même une carte de crédit et dont le montant est décidé

par le client lui-même. Je comprends qu'il y a une troisième partie dans votre réclamation, c'est que ce qui est laissé comme pourboire, ce soit à l'employé de décider de sa distribution. Je pense qu'en soi, c'est quelque chose qui est acceptable que l'employé lui-même puisse décider, parce que, effectivement, il y a d'autres employés dans ces entreprises qui apportent, qui contribuent au pourboire qui arrive au bout du compte. Par le travail qui prépare le service dans le restaurant, ils contribuent aussi à déterminer le montant...

M. Johnson: Le barman.

M. Bisaillon: ... du pourboire qui sera réduit ou augmenté, mais il appartiendrait quand même, pour moi, à l'employé, comme vous le suggérez, que ce soit l'employé qui décide d'en redistribuer lui-même une partie à ceux qui collaborent à lui faire obtenir un pourboire. Le barman ou la barmaid qui prépare les verres que la serveuse va aller servir, je pense que ce n'est pas là-dessus qu'est l'essentiel de votre demande. L'essentiel, c'est que l'employé puisse le toucher intégralement et que, par la suite, il soit redistribué ou non, c'est quelque chose qui le regarde. Est-ce que je me trompe?

Mme Roussel: Je crois qu'il y a une nuance dans l'interprétation ici. On interprète étrangement ce qu'on a dit.

Tout ce qu'on veut dire à ce niveau-là, cela existe actuellement dans la Loi du salaire minimum et c'est répété dans le projet de loi no 126, que le pourboire est la propriété exclusive du salarié qui le reçoit et doit être versé intégralement au salarié en question, s'il est perçu par l'employeur.

Les cas que nous avons sont très rares où c'est une salariée à pourboire qui, normalement, devrait recevoir $2.80 l'heure actuellement et $2.85 au 1er avril et qui, souvent, ne les reçoit pas, c'est très rare les cas où on va voir une salariée décider d'elle-même de donner une partie de ses pourboires à d'autres travailleurs du restaurant. C'est plutôt l'employeur...

M. Johnson: Je m'excuse, je ne prétends pas être un expert dans les bars, madame...

Mme Roussel: Oui.

M. Johnson: ... j'en ai vu quelques-uns ou j'ai entendu parler de ça... Le gars qui est barman dans une place où il y a cinq gars qui servent aux tables, celui qui est barman est chanceux s'il réussit à servir trois, quatre bières au comptoir dans une soirée occupée. Il est payé au salaire minimum, mais les cinq gars qui vont porter les centaines de bières qu'ils distribuent dans la soirée, si, dans les pourboires qu'ils reçoivent, il n'en donnent pas une partie au barman, je pense qu'ils vont avoir de la misère à avoir du service de la part du barman. C'est normal. Le barman est derrière son comptoir et il est rarement en contact avec la clientèle; il est en contact avec les gars qui servent la clientèle et il considère qu'il travaille. Si vous avez déjà vu ça dans un bar, ça travaille fort, le gars qui prépare les "drinks".

Dans le fond, on devrait dire: C'est sa propriété exclusive. Les cinq autres ont bien le droit de décider de s'épauler et de lui donner chacun un cinquième de ce qu'ils ont fait comme pourboires dans la soirée pour égaliser les pourboires entre les six gars. Cela se fait couramment dans la plupart des bars, d'ailleurs, et ce n'est imposé par personne. C'est juste le fait que le barman est derrière son comptoir et il ne voit pas de clients. Je pense que vous ne voulez pas supprimer cette possibilité pour les cinq gars de donner un cinquième des pourboires qu'ils ont faits dans la soirée.

Mme Théodorakopoulos: Est-ce que je peux répondre? Qu'on ne compte pas sur le pourboire. On a présenté tout un mémoire ici. D'accord, pour le pourboire, il y a de petites nuances ici et là qu'on peut contourner. De toute façon, nous avons présenté un mémoire. Ce qui nous intéresse, nous, travailleurs grecs, plus que tout le reste, c'est l'application stricte de la loi. Au salaire minimun — la loi d'avant — il y avait aussi des amendes, il y avait la loi, mais les patrons ne la respectaient pas. Ce qu'on veut, c'est que vous vous penchiez vraiment sur l'article 6: des amendes plus élevées et rigoureusement appliquées.

M. Bisaillon: Oui, mais attendez un peu, madame. On vous a laissé présenter le mémoire comme vous l'avez voulu, on l'a lu et on a d'autres commentaires à passer. Je ne pense pas qu'il puisse vous appartenir de déterminer combien de temps on va passer à vous poser des questions ou à vous demander des éclaircissements sur une partie du mémoire. Si on veut fouiller cette question-là, vous êtes là, je pense bien, pour nous présenter cet aspect comme les autres, et on va revenir par la suite sur les autres.

Pour l'instant, c'était celui-là et j'aimerais comprendre; si je ne comprends pas celui-là, peut-être que je ne voudrai pas comprendre les dix autres. Je suis ici pour essayer de comprendre quelque chose; pour l'instant, ce sur quoi je vous demande des éclaircissements, c'est sur cette question-là. Alors, pourrait-on avoir la réponse là-dessus?

Mme Roussel: II est bien évident que quelqu'un qui a de l'argent est libre d'en faire ce qu'il veut. Cela est sûr, il est libre d'en faire ce qu'il veut. Bon! Si une personne décide de donner une partie de son pourboire à un "bus boy" de son propre chef, il n'y a personne qui peut l'en empêcher. On dit: Le pourboire est sa propriété exclusive. Il a le droit d'en faire ce qu'il veut.

M. Johnson: La loi le dit d'ailleurs.

Mme Roussel: Bon! Nous en sommes aux cas qui se produisent très souvent où les employés sont obligés de le faire parce que, s'ils ne le font

pas... C'est une politique du restaurant, une politique imposée par l'employeur; il ne s'agit pas d'un "pot" consenti, il ne s'agit pas de quelqu'un qui va reconnaître le travail d'un aide, de quelqu'un d'autre parce que cette personne-là a de la bonne volonté et qu'effectivement, elle mérite que son travail soit reconnu. Il ne s'agit pas de cela. Il s'agit d'éviter ce genre de violations qui se produisent très souvent où, au lieu de déduire sur le taux du salaire minimum parce que c'est illégal, on prend finalement sur les pourboires pour financer le salaire d'autres travailleurs.

M. Bisaillon: Si vous me permettez, au sujet de l'autre partie, qui est celle de demander de payer les employés de la restauration au salaire minimum...

M. Legault: Pour bien se comprendre, l'exemple qu'a donné le ministre à propos du barman et de tel type de restaurant, il faut comprendre qu'à Montréal et à travers tout le Québec, les restaurants n'ont pas tous la même clientèle. Donc, si on prend généralement, il y a beaucoup de serveuses qui peuvent travailler des jours de huit, dix ou douze heures et peut-être voir très peu de clients, ne voir peut-être, durant une heure ou deux, que deux clients. Il faut quand même voir une réalité, ne pas s'arrêter aux exceptions. C'est pour cela qu'on part du point de vue suivant: II ne doit pas y avoir de discrimination sur le taux du salaire minimum. Que ce soit une serveuse ou quelque autre employé, le salaire minimum est le même.

Deuxièmement, on dit: Dans le cas particulier des serveurs, parce qu'ils ont un droit acquis, s'ils reçoivent 15%, ils continueront à garder ce pourcentage. Quand on me dit que, par exemple, dans un restaurant, il y a évidemment la serveuse et d'autres personnes en arrière, j'en suis, mais je vais vous dire également que, dans la société, les salaires ne sont pas égaux pour tout le monde. Ce qui veut dire que c'est une catégorie de personnel de restauration qui a un salaire plus un pourboire.

C'est évident que tout le monde souhaiterait que le laveur de vaisselle ait également un pourboire, mais, comme la société, telle qu'elle est, fait des catégories d'employés, des catégories de personnel, alors...

Mais on en crée de nouvelles ici. Des exclusions de la loi. Nous répétons que c'est le salaire identique minimum pour chacun au départ et, comme il a un droit acquis, qu'il le conserve.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Maskinongé. (21 h 15)

M. Picotte: J'avais quelques autres questions, mais pour ce qui me concerne, M. le Président, je crois que je vais terminer mes questions à ce stade-ci. Je vous remercie de votre mémoire et l'avenir nous dira si le ministre du Travail tiendra compte de vos recommandations.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: J'aurais quelques questions à vous poser. Vous avez parlé du temps supplémentaire.

M. Johnson: Approche le micro, tu vas pouvoir parler moins fort.

M. Bisaillon: Merci, docteur. Je voudrais vous poser quelques questions sur le temps supplémentaire. Vous avez fait une première recommandation en demandant que le temps supplémentaire soit comptabilisé à partir de 40 heures.

Mme Roussel: Huit heures par jour.

M. Bisaillon: Huit heures par jour et 40 heures par semaine. Il y a un aspect, cependant, face au temps supplémentaire, dont vous n'avez pas parlé, sur lequel je voudrais vous poser des questions. De façon générale, cela s'applique à l'ensemble des travailleurs, mais peut-être de façon particulière à ceux qui sont au salaire minimum qui souvent sont obligés de faire du temps supplémentaire, des heures additionnelles. Vous ne vous êtes pas prononcés sur l'obligation de ce temps supplémentaire ni pour une mesure de temps qui imposerait le temps supplémentaire facultatif, quelle serait votre attitude là-dessus?

Mme Roussel: Dans le résumé qu'on a lu, étant donné que c'est un résumé, on était conscient que le mémoire avait 40 pages, mais si vous prenez le mémoire au niveau de la durée du travail qui est au chapitre 4, section 2, je crois, on mentionne que le temps supplémentaire devrait être établi par ordre d'ancienneté à l'intérieur de l'entreprise ou d'une fonction et qu'il devrait être laissé au libre choix du salarié. On ne l'a pas mis dans le résumé, parce qu'un résumé étant ce qu'il est, on ne peut pas tout y mettre, mais c'est effectivement dans le mémoire.

Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie de...

M. Bisaillon: Un instant, je vérifie quelque chose. Vous demandez le temps facultatif complet. Pour autant que je me souvienne, à la suite de la grève chez United Aircraft en 1974, 1975, il me semblait qu'il y avait eu un amendement apporté à la Loi du salaire minimum pour faire en sorte qu'après un certain nombre d'heures soit 44 — en tout cas, si cela n'a pas été fait, il y avait eu une promesse de faite — le temps supplémentaire soit facultatif. Après 44 heures de travail le temps supplémentaire devient facultatif. Je ne sais pas si cela existe et si ç'a été voté effectivement. Donc, cela a été une promesse. Si, dans un premier temps, on s'orientait vers une formule comme celle-là, est-ce que pour vous ce serait suffisant, est-ce que ce serait acceptable comme amélioration pour l'instant? Autrement dit, si, sans y aller totalement au départ, on reconnaissait le principe de la liberté de choix face au temps supplémentaire après un certain nombre d'heures de travail...

Mme Roussel: II est bien évident qu'on ne peut pas être contre.

M. Bisaillon: Par exemple, si on disait: Après 40 heures, parce que selon votre demande c'est 40 heures, le temps supplémentaire sera facultatif, dans une journée...

Mme Roussel: Notre demande se situe à 40 heures pour une semaine normale de travail à cause du fait qu'on demande deux périodes de congés hebdomadaires consécutives, le congé de 24 heures consécutives. Notre demande au niveau du temps supplémentaire, c'est qu'il soit comptabilisé après huit heures de travail par jour. On demande la journée normale de travail de huit heures qui était demandée par les travailleurs en 1930 ou autour de ces années-là, que sept provinces canadiennes sur dix accordent et les conventions collectives et les décrets bien entendu.

M. Bisaillon: Est-ce que vous avez des statistiques sur les conventions collectives par rapport au temps supplémentaire?

Mme Roussel: Oui, cela se trouve dans les annexes qu'on a données ce matin en 30 copies au secrétaire des commissions. Il s'agit du tableau 1. C'est le paiement du temps supplémentaire, la durée du travail par semaine et, dans la page, je crois que c'est...

M. Chevrette: Est-ce que vous avez les vacances, aussi? Les périodes de vacances des conventions collectives, avez-vous un tableau là-dessus?

Mme Roussel: Pas dans ces annexes.

M. Bisaillon: Quelles sont les conventions collectives qui ont été analysées?

M. Legault: De toute façon, si vous voulez savoir si les statistiques sont sérieuses, elles ont été commandées par le gouvernement; ce sont deux universités qui les ont faites. Je pense que le ministre est au courant.

M. Johnson: Oui, on les connaît très bien, d'ailleurs, parce qu'on s'est inspiré largement de ces tableaux pour faire nos recherches. Cela a été confirmé par le professeur Hébert.

M. Legault: Vous en êtes sûr.

Mme Roussel: Pas sur la journée de huit heures, M. le ministre, aux fins du calcul du temps supplémentaire.

M. Johnson: Pas sur la journée de huit heures, j'en suis, mais on s'en est servi de base pour certaines autres choses. Je ferai cependant remarquer que dans le cas de cette annexe, on parle essentiellement des entreprises, dans le cas de la première colonne de ce tableau, de 500 employés et plus. Il ne faut pas oublier cela. On parle donc d'un type d'entreprise industrielle ou commerciale où les travailleurs, en général — on peut en présumer quand il y a plus de 500 employés — ont une convention collective par définition. Vous n'avez pas affaire à des gens au salaire minimum, non plus, ce sont vraiment des conditions qui sont relativement exceptionnelles, comparativement à ceux qui ne sont pas conventionnés, ceux qui n'ont pas de convention collective. C'est simplement la nuance que je voulais mettre sur certains des tableaux.

Mme Roussel: Oui, je le sais. Mais quand on donne, en page 2 de nos annexes, les normes effectives dans les sept provinces canadiennes, je ne crois pas qu'il s'agisse d'employés d'entreprises...

M. Johnson: Si vous parlez des normes des autres provinces, d'accord. Je parlais des conventions collectives.

Mme Roussel: Egalement. On demanderait l'égalité des droits pour des travailleurs qui, souvent, sont empêchés d'être syndiqués par des réglementations, parce qu'ils n'entrent pas dans le Code du travail, certaines unités de travailleurs qui sont des salariés au taux minimum, des employés temporaires ou à temps partiel qui sont au salaire minimum.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: Une dernière question, je n'avais pas l'annexe... Vous avez parlé, à un moment donné, que la loi reconnaisse le pouvoir de déposer des plaintes par délégation, comme actuellement la Loi du salaire minimum permet les plaintes anonymes. Qu'est-ce que cela ajoute, pour vous, d'avoir dans la loi des plaintes par délégation?

Mme Théodorakopoulos: Cela ajoute seulement qu'ils ne viendront plus chez nous, parce qu'ils ont plus confiance en nous que d'aller directement à un bureau du gouvernement.

M. Bisaillon: Actuellement, vous pourriez déposer par le biais des plaintes anonymes?

Mme Théodorakopoulos: Par contre, on pourrait, avec la loi, devenir leur porte-parole officiel.

Mme Roussel: C'est une question de meilleure application de la loi pour la sécurité d'emploi des travailleurs qui déposent une plainte auprès de la commission. La majorité des travailleurs, lorsqu'on leur dit au téléphone, par exemple: Vous savez, vous avez le droit de porter une plainte anonyme, ils n'y croient pas pour la bonne et simple raison qu'ils savent très bien que si un inspecteur va dans leur entreprise...

Une Voix: C'est ce qui arrive.

Mme Roussel: Et c'est ce qui arrive.

Mme Théodorakopoulos: C'est ce qui arrive essentiellement. On a des cas où, la plainte a été faite la veille et le lendemain, le travailleur a été congédié. C'est pour cela qu'on veut absolument... On ne veut pas seulement des lois, des règlements, des ordonnances, on veut que la loi soit appliquée et strictement appliquée et qu'on trouve des moyens. On vous propose certaines choses, des moyens de voir à ce que la loi soit appliquée. C'est ce qu'on veut, essentiellement.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Joliette-Montcalm.

M. Chevrette: J'aurais une question et un commentaire. Ma question est la suivante: Sur les périodes de vacances de quatre semaines, vous avez justifié huit heures par jour. Comment justifiez-vous les quatre semaines par rapport à des moyennes, des renseignements ou des statistiques que vous auriez? (21 h 15)

Mme Roussel: Les quatre semaines de vacances, c'est actuellement une demande qui existe au niveau de certaines conventions collectives du secteur public. C'est également une demande qui va être présentée publiquement et renforcée dans les nouvelles rondes de négociation du secteur public et parapublic.

On demande les quatre semaines, le mois de vacances, en se basant notamment sur l'exemple de la France et de la Suède, qui les accordent, et aussi sur le fait qu'on trouve que deux semaines de vacances annuelles, c'est nettement insuffisant. Même si maintenant, on les accorde en temps, il n'y a pas seulement une compensation financière. C'est nettement insuffisant pour consister en une vraie période de vacances, surtout quand on permet le fractionnement en deux unités d'une semaine, dans certains cas.

M. Legault: On peut ajouter également que ce qu'on demande, lorsqu'on parle de quatre semaines, on parle de quatre semaines, quelle que soit l'ancienneté, c'est donc plutôt un principe qu'il soit reconnu à toute personne qu'annuellement, elle ait quatre semaines. On ne fait pas, en soi, la graduation de deux semaines, trois semaines, quatre semaines.

Je ne réponds pas à la question, je pose la question. Comment peut-on donner à un employé le désir de rester chez un employeur durant dix ans, si ce n'est qu'après dix ans qu'il a trois semaines de vacances? C'est nettement...

Mme Théodorakopoulos: J'aimerais ajouter à cela que, chez nous, il y en a plusieurs qui travaillent à la pièce et qui se fatiguent vraiment après une journée et après un mois et après un an. Quatre semaines, je ne sais pas pourquoi cela donne l'impression que c'est un peu exagéré. Ce n'est pas du tout exagéré, parce que ces gens-là ont vraiment besoin de se reposer.

M. Chevrette: C'est parce que vous aviez justifié 40 heures/semaine et huit heures, à partir de statistiques. Je pensais que vous en aviez. Je remarque, à ce moment-là, que la période prolongée de vacances est basée sur une argumentation purement idéologique et sociale. Mais vous n'avez pas d'argumentation en termes de comparaison ou de statistiques, contrairement à ce que vous aviez pour les huit heures et pour les quarante heures. Ce n'est pas une question de juger. J'ai questionné. Vous avez l'air très susceptible, madame.

Deuxièmement, j'avais dit que je ferais un commentaire. Ne croyez-vous pas que l'ensemble des demandes constitue une véritable convention collective?

Mme Roussel: Effectivement, ce qu'on a présenté dans notre introduction, c'est qu'on nous avait annoncé la convention collective des non-syndiqués, le Code du travail des non-syndiqués. On considère que le projet de loi no 126, ce n'est aucunement cela. Etant donné les difficultés, les obstacles énormes de syndicalisation actuellement, dans des secteurs où on retrouve des grandes concentrations de salariés à taux minimum et étant donné que, même dans des secteurs où il est plus facile de se syndiquer et où le droit d'association est reconnu théoriquement, il arrive très souvent qu'une accréditation puisse traîner des années et que beaucoup de gens soient congédiés pour activités syndicales.

On ne pratique pas de politique du pire, on ne pense pas que des normes trop avancées défavoriseraient la syndicalisation, si on n'apporte pas des mesures correctives au niveau du Code du travail ou une politique d'ensemble au niveau du travail.

Pourquoi pénaliser des gens parce qu'ils n'ont pas les moyens de se regrouper? Pourquoi les pénaliser à ce niveau? Cela se peut très bien que ce soit une espèce de convention collective des non-syndiqués, je suis d'accord avec vous. Mais, à ce moment-là, je ne vois vraiment pas pourquoi on revendiquerait des catégories inégales chez les travailleurs ou qu'on favorise la syndicalisation, réellement.

Mme Théodorakopoulos: Est-ce que je peux vous poser une question? Sur quels points trouvez-vous que c'est comme une convention collective? Il y en a très peu. C'est peut-être les 40 heures que vous trouvez que...

M. Chevrette: J'ai négocié une série de con-conventions, j'ai vécu personnellement, comme négociateur, au moins une centaine de négociations. Une négociation, c'est un rapport de force. Si l'Etat se substituait totalement au rapport de forces, dans une conjoncture économique et dans un régime tel qu'on le vit présentement, je pense que ce serait fausser complètement les règles du jeu. Vous pourriez, à ce moment-là, vous ramasser à court terme dans un chaos économique fantas-

tique, si on appliquait intégralement cela et vous le savez très bien vous-même. (21 h 30)

II y a des entreprises, à cause de politiques antérieures sur le plan économique, qui n'ont pas favorisé le développement et vous savez très bien qu'il y a des entreprises qui tirent le diable par la queue. Du jour au lendemain, si on appliquait intégralement cela, vous savez tout autant que moi, indépendamment du bien-fondé des revendications, si on appliquait intégralement vos demandes demain matin, ce qui arriverait. Je vous retourne la question et je vous demande: Quel échéancier nous donnez-vous pour appliquer cela?

Mme Roussel: Je voudrais répondre à ce que vous avez dit sur plusieurs points; premièrement, les règles du jeu. On entend énormément cette expression-là depuis quelque temps. Personnellement, je trouve qu'elle est étrange parce que le travail et les relations de travail, ce n'est pas un jeu. Si vous avez négocié autant de conventions collectives que cela, vous êtes sûrement au courant que personne ne va là pour s'amuser.

M. Chevrette: Pardon?

Mme Roussel: Personne ne va là pour s'amuser et personne ne va là pour jouer, ce n'est pas un jeu.

M. Chevrette: Quand on parle de règles du jeu, je m'excuse.

M. Johnson: Si vous permettez...

M. Chevrette: Je vous demanderais quand même de ne pas interpréter le jeu dans le sens...

Une Voix: Littéraire.

M. Chevrette: ... littéraire. Les règles du jeu...

M. Johnson: Parce que les règles du jeu, cela vient, par exemple, de la campagne de publicité du ministère du Travail pour rendre accessibles, entre autres, aux institutions syndicales, des dépliants qui résument le Code du travail et une série d'instruments pour favoriser, sur le plan technique, la connaissance des lois du travail dans un but qui est de favoriser la syndicalisation. L'expression "règles du jeu" existe dans les pages roses du dictionnaire et elle ne signifie pas le badinage ou le batifolage. C'est une expression qui, comme en anglais, "rules of the game", ne parle pas nécessairement d'amuse-gueule ou d'autres choses; c'est simplement une expression qui dit: II y a des règles. Il y a des règles dans le rapport de force. Vous demanderez cela aux gars de Murdochville, qui sont en grève depuis six mois qui, démocratiquement, ont choisi, dans des votes secrets répétés et qui se battaient contre un employeur dans une conjoncture économique précise, s'ils savent ce que sont les règles du jeu. Ils savent ce que c'est et je ne pense pas qu'ils trouvent cela humiliant. Ils le savent, ils l'ont choisi et ils exercent un rapport de force. Je pense que c'est cela que le député de Joliette-Montcalm disait. On ne prend pas à la légère cette notion-là et je n'aime pas vous voir prendre cette interprétation.

M. Legault: A propos du rapport de force, je pense quand même qu'il faut être conscient qu'il n'y a aucun rapport de force pour un salarié au taux minimum. Il est isolé ou ils sont deux ou trois. L'expérience a prouvé que, pratiquement, c'est impossible pour eux de se syndiquer. On le sait parce qu'il y a eu deux tentatives à Montréal, notamment chez les employés de la restauration. Leur isolement fait qu'ils n'ont pas un rapport de force. Sinon, c'est évident qu'ils iraient à la syndicalisation. Je pense que cet élément-là est bien important.

M. Chevrette: A ce moment-là, je pourrais peut-être seulement ajouter un petit bout. J'ai comme l'impression, à ce moment-là, que, plutôt que d'y aller au niveau des conditions minimales qui risquent de débalancer complètement une structure économique à très court terme, il y a d'autres moyens de pallier ce que vous dites que le moyen des conditions minimales. Vous pourriez réclamer, il me semble, avec une plus grande logique, l'accréditation sectorielle et cela correspondrait beaucoup plus à quelque chose de valable que de demander, du jour au lendemain, de se substituer au rapport de force que crée le syndicalisme.

Mme Théodorakopoulos: Est-ce que je peux répondre avant cela, s'il vous plaît? Parce que j'ai posé une question et, je m'excuse, mais vraiment je n'ai pas compris. Ce que j'ai demandé, c'est: Comment voyez-vous cela comme un rapport de force? J'aimerais défendre certains points que vous trouvez peut-être vraiment excessifs ou je ne sais quoi. Pour moi, la seule chose qui serait en accord avec les autres conventions collectives, ce seraient les vingt jours de vacances qu'on demande, les vingt jours ouvrables, quatre semaines de travail. A part cela, quarante heures, vous trouvez que c'est un rapport de force? On en avait quarante-cinq avant, on nous donne une heure de moins et vous trouvez que cela entre dans les règles du jeu?

M. Chevrette: Ce n'est pas du tout cela que j'ai dit, madame.

Mme Théodorakopoulos: C'est cela, explique-moi ce que tu veux dire.

M. Chevrette: Oui. Mais ce n'est pas ce que j'ai dit. Je veux être très bref. Je sais qu'il reste un autre groupe. Ce n'est pas cela que j'ai dit. J'ai dit que du jour au lendemain... Quand j'ai parlé de l'application intégrale de votre mémoire, je n'ai pas parlé de rapport de force. Ce n'est pas un

rapport de force quand un gouvernement légifère pour imposer des normes minimales à des employeurs. J'ai dit que le syndicalisme était là pour établir un rapport de force. Ce n'était pas du tout dans le même contexte, comme vous dites. J'ai pris un point précis sur une question tantôt. Quand je vous ai parlé de vacances, je n'ai même pas parlé d'exagération, en ce qui me concerne, à ce moment. Je vous ai purement et simplement demandé si vous aviez des statistiques. C'est après que j'ai dit: Globalement, si on appliquait cela, à mon humble évaluation, ce serait déséquilibrer une situation. Je vous ai même retourné une question à laquelle je n'ai pas eu de réponse: Quel échéancier donneriez-vous à un Etat pour risquer d'éviter le chaos?

Mme Théodorakopoulos: Je m'excuse encore, je regrette. Vous ne m'avez pas prouvé encore que l'on aurait un chaos si on appliquait cela. On ne demande rien d'extraordinaire, rien de plus que ce que quelques autres ont. Ceux-là ne l'ont pas, seulement parce qu'ils sont certainement dans les secteurs les plus exploités. La seule chose qu'on veut, c'est qu'ils deviennent un peu plus égaux avec les autres. On n'a pas demandé plus que cela. Si cela nous apportait une situation chaotique dans notre économie, il va falloir se poser des questions. Si notre économie est basée sur l'exploitation de la serveuse, de la travailleuse immigrante dans l'industrie du vêtement, qui travaille en temps supplémentaire, qui travaille de longues heures, qui n'est pas payée pour cela, là, il faudrait peut-être, vous comme nous, se poser des questions. Ce n'est pas notre discussion d'aujourd'hui.

Sur la question sectorielle, au sujet de laquelle, vous avez dit: Pourquoi ne pas le faire comme cela? Il y en a pour et il y en a contre, comme vous le savez déjà. J'ai commencé à faire des recherches sur cela, et je ne suis pas prête à donner une réponse tout de suite. Je sais que pratiquement, ce serait peut-être la meilleure façon, parce que je vois, évidemment, qu'avec les lois, spécialement quand les lois — je tiens à cela — ne sont pas appliquées, parce que c'est cela, la pire des choses... Même cette loi-ci, comme vous l'avez présentée, elle ne va pas être appliquée. Alors, même cela, ils ne l'auront pas. De toute façon, ce serait peut-être pratiquement le seul moyen pour le travailleur dans la restauration ou peut-être dans la petite entreprise d'avoir son droit. Par contre, je ne sais pas si ce serait le meilleur moyen. D'autre part, même la syndicali-sation sectorielle apporterait le même problème à votre économie, comme vous dites. Si on avait le syndicalisme sectoriel demain pour ces gens, d'accord, les patrons auront les mêmes arguments.

Mme Roussel: Comme Danièle a très bien dit, il y a des pour et il y a des contre, c'est un fait. Je ne crois pas que le projet de loi no 126 ait porté sur le fonds de syndicalisation à proposer pour l'avenir. Comme on tenait à être dans l'ordre de ce qui était dans le projet de loi, c'est comme cela qu'on a fait notre mémoire, dans l'ordre des chapitres et des sections, on est resté dans ce domaine. Evidemment, si vous nous demandez des opinions personnelles, on pourrait vous les donner après, mais on tient à rester dans l'ordre du jour.

Egalement, toujours sur la question de la syndicalisation sectorielle ou de toute autre forme de syndicalisation, on est conscient que le projet de loi 126 est extrêmement minimal, comme on l'a dit, et c'est finalement un regroupement et une codification des ordonnances et des règlements. La meilleure protection pour les travailleurs et les travailleuses du Québec, c'est de se syndiquer. On en est très conscients. Si on propose des normes minimales, c'est le sujet du projet de loi. Effectivement, il y a 1 800 000 travailleurs québécois qui ne sont pas syndiqués.

Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie pour...

Mme Théodorakopoulos: Je m'excuse, mais j'aimerais poser une question à M. le ministre, M. Pierre-Marc Johnson. Qu'est-ce que vous pensez de notre rapport, au numéro 6? On fait des choses. Je m'excuse, mais je n'ai pas eu de réponse sur les amendes un peu plus sévères. Essentiellement, pour faire appliquer votre loi, même si vous n'acceptez aucune de nos propositions, que pensez-vous seulement sur l'application... Essentiellement, la seule chose qu'on dit: D'accord, on accepte votre loi, mais, la seule chose, c'est que vous la mettez sur pied et qu'elle soit respectée.

M. Johnson: Sur les amendes, on va y penser; on regarde votre suggestion. Déjà, la loi prévoit des amendes qui vont jusqu'à $3000. Une des raisons essentielles — vous avez déjà mis le doigt dessus — pour laquelle cette loi est mal appliquée, c'est qu'il n'y a pas d'incitation au niveau des pénalités pour les employeurs à la respecter, sauf que la loi 126 vient remplacer la Loi du salaire minimum qui prévoit des pénalités qui peuvent aller jusqu'à $3000 pour chaque infraction. C'est déjà considérable, je pense, mais on va réfléchir à toutes vos suggestions et à d'autres qui nous sont faites par d'autres groupements également.

Je vous remercie.

Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie au nom de tous les membres de la commission.

Mme Roussel: Merci.

Association des camps du Québec

Le Président (M. Marcoux): J'inviterais maintenant l'Association des camps du Québec à venir nous présenter son mémoire.

M. Robert Maisonneuve? Si vous voulez nous présenter vos collègues et présenter votre mémoire.

M. Johnson: D'abord, si vous permettez, M. le Président, avant que M. Maisonneuve... D'abord, on voudrait s'excuser de vous avoir fait attendre jusqu'à 21 h 45.

M. Maisonneuve (Robert): Ce sont les règles du jeu.

M. Johnson: Oui. Maintenant, je pense qu'on a le consentement unanime des membres de la commission pour dépasser légèrement 22 heures. On va vous donner le temps qu'il faut pour passer à travers le mémoire pour ne pas vous obliger à revenir demain.

M. Maisonneuve: Je vous remercie. M. Johnson: Je vous en prie.

Le Président (M. Marcoux):... c'est le consentement volontaire.

M. Maisonneuve: Si vous me permettez de présenter les membres du conseil provincial de l'Association des camps du Québec: M. Rosaire Poussard, M. Yvon Vézina, M. Jim Sweeny, M. Rosaire Corbin, qui est le directeur général de l'Association des camps et M. Normand Nadeau.

Le présent mémoire, M. le Président, veut situer le rôle de l'Association des camps du Québec, décrire les particularités des camps de vacances et exposer les conséquences qu'entraînerait l'adoption d'un tel projet de loi sur le fonctionnement des camps de vacances.

Je pense, M. le Président, que la plupart, en tout cas, des membres autour de cette table de la commission parlementaire ont touché d'assez près, à un moment de leur vie, au domaine des camps de vacances ou, au moins, à de l'animation, peut-être, dans le loisir des jeunes et connaissent assez bien le milieu où nous travaillons, les camps de vacances et les loisirs, pour être familiers au style, au type d'arguments que nous allons vous présenter et pour partager aussi, nous l'espérons, nos préoccupations.

Si vous le permettez, M. le Président, je laisserais à M. Rosaire Corbin, notre directeur général, le soin de présenter notre mémoire puisqu'il gagne un peu plus que le salaire minimum et il faut bien qu'il gagne son salaire.

M. Corbin (Rosaire): C'est donc gentil!

C'est assez difficile de présenter un mémoire quand on se voit se situer d'une façon diamétralement opposée à ceux qui nous ont précédé. (21 h 45)

L'Association des camps du Québec est l'organisme de regroupement des camps et colonies de vacances du Québec. Fondée en 1961, l'ACQ est constituée en vertu de la troisième partie de la Loi des compagnies et sa mission principale est de favoriser le développement des camps de vacances de la province.

Le Haut-Commissariat à la jeunesse, aux loisirs et aux sports reconnaît également à l'ACQ les fonctions suivantes:

Assurer la promotion des camps de vacances auprès du public québécois;

Faire connaître les problèmes ainsi que les besoins des camps;

Réaliser des programmes de formation destinés au personnel oeuvrant dans les camps de vacances;

Contribuer à l'amélioration de la qualité des services offerts par les camps.

C'est en vertu des deuxième et quatrième fonctions que nous vous présentons ce mémoire.

La mise sur pied des camps de vacances au Québec remonte au début du siècle. En 1912, la Colonie des Grèves fut fondée pour donner l'occasion aux jeunes de la région métropolitaine de profiter, durant la période de vacances, d'un séjour en pleine nature, loin de la vie trépidante de la ville et, aujourd'hui encore, ce camp offre ce précieux service.

Par après, d'autres camps de vacances ont vu le jour et actuellement leur nombre se chiffre aux environs de 200. Si la clientèle, la durée des séjours et la nature des activités varient d'un camp à l'autre, les objectifs fondamentaux sont les mêmes, c'est-à-dire de permettre à l'individu de vivre une expérience enrichissante et unique par laquelle il apprend à grandir dans l'indépendance, à s'enrichir par ses rapports avec les autres et à découvrir les richesses et les surprises qu'offrent la vie de camp et le milieu naturel.

Ces objectifs sont complémentaires à ceux poursuivis par les institutions et les organismes d'éducation au Québec.

Cependant, la richesse du milieu et le mode de vie qui prévalent dans un camp de vacances confèrent à ce dernier un caractère unique qui favorise grandement la réalisation des objectifs poursuivis.

Vécues dans un environnement privilégié, qui est la nature, les relations interpersonnelles font l'objet d'une attention particulière, car elles s'inscrivent dans un contexte où les individus vivent ensemble, 24 heures sur 24 pendant une période variant de deux à huit semaines. Cette particularité favorise l'apprentissage du respect de l'autre, le développement du sens des responsabilités et de la coopération.

Le mode de vie dans un camp s'apparente à celui que l'on retrouve dans une famille; l'intimité y est aussi grande, le bien-être et la sécurité de tous y sont constamment recherchés et il existe une volonté omniprésente de porter attention à chacun et de reconnaître chaque individu comme unique.

Milieu naturel, qualité des relations interpersonnelles et mode de vie unique, trois caractéristiques qui donnent au camp de vacances une originalité de laquelle procèdent, pour celui qui en est responsable, des exigences bien particulières en regard du personnel d'encadrement.

Le camp de vacances ne se distingue pas des autres entreprises québécoises et les tâches des responsables s'apparentent à celles de tout gestionnaire. En effet, on retrouve les trois éléments fondamentaux propres à toute entreprise, soit d'avoir un programme, des ressources humaines

et un budget. Toutefois, ce qui particularise le camp de vacances, c'est la nature des objectifs poursuivis et le cadre dans lequel se réalisent les programmes qui en découlent. Pour assurer le contexte de vie de camp, lequel est similaire à celui de la famille, il faut accorder une grande importance aux campeurs et le personnel doit être constamment disponible comme c'est le cas pour le père et la mère de famille.

La grande variété d'activités et les nombreuses sorties auxquelles participent les campeurs représentent des moyens privilégiés et originaux par lesquels les objectifs d'éducation peuvent être atteints. Mais elles représentent aussi des ressources dont l'utilisation exige une vigilance très poussée.

Conséquemment, la nature des responsabilités des directeurs et des moniteurs d'un camp de vacances et les normes de travail seront en grande partie déterminées par les exigences inhérentes aux caractéristiques ci-haut mentionnées. Si des dizaines de milliers de parents confient leurs enfants aux directeurs de camps de vacances du Québec, c'est qu'ils savent que la richesse de l'expérience de vie de camp favorisera le développement de la personnalité de leurs jeunes et qu'ils s'attendent que l'encadrement garantisse une qualité d'intervention qui prolonge la leur et qui assure un maximum de sécurité.

Le projet de loi 126, s'il était adopté tel quel, compromettrait sérieusement l'existence d'un type d'institution qui, sans nul doute, s'avère présentement nécessaire dans notre société québécoise. Les 100 000 enfants qui fréquentent les camps de vacances du Québec constituent en soi une preuve évidente.

L'assujettissement de toutes les personnes oeuvrant dans les camps de vacances aux normes de travail et aux normes salariales contenues dans ce projet transformerait le mode de fonctionnement des camps à un point tel qu'il serait impossible de poursuivre les objectifs énoncés précédemment.

Les normes de travail édictées dans le projet de loi sont incompatibles avec la nature des responsabilités assumées par le personnel, car elles introduisent une notion de fractionnement de la responsabilité et de la vigilance auprès des campeurs. Cette responsabilité est continue et exige une disponibilité de tous les instants. Un parent peut-il fractionner sa responsabilité? Et un enfant peut-il comprendre que l'on ne puisse pas toujours être à sa disposition?

Elles sont également incompatibles avec le type d'activités pratiquées dans les camps. Nous pouvons citer les randonnées pédestres et les expéditions de canot qui durent plusieurs jours consécutifs, voire au-delà d'une semaine. Dans de tels cas, le personnel accompagnant les groupes de campeurs ne peut, quelles que soient les normes de travail, se soustraire aux obligations inhérentes à ce genre d'activités.

Afin de maintenir un mode de fonctionnement propre aux camps de vacances, il faudrait alors doubler et tripler le nombre de personnes requises. Répartir les tâches par quart de travail, trois périodes de huit heures, comme on le retrouve dans d'autres types d'entreprises, ne peut s'appliquer au fonctionnement d'un camp sans entraîner une augmentation considérable des frais de fonctionnement. Si cela était, un séjour dans un camp deviendrait inaccessible pour 90% des Québécois. Si, présentement, les camps subsistent, c'est qu'une catégorie de personnel n'est pas soumise aux normes de travail et aux normes salariales de la Commission du salaire minimum en vertu des ordonnances 3 et 4. Cette exclusion est fondée, entre autres, sur le fait qu'un étudiant oeuvrant dans un camp de vacances y recherche un complément de formation en s'intégrant à l'expérience de la vie de camp.

L'étudiant qui accepte ainsi de s'associer à un tel projet est conscient que cette expérience est financièrement inestimable et, d'autre part, les responsabilités qu'on lui confie et le cadre dans lequel il est appelé à les assumer représentent une fonction originale qu'on retrouve difficilement ailleurs et qui exigerait, de ce fait, un salaire très élevé. C'est pourquoi il a toujours été reconnu que l'argent versé au personnel était beaucoup plus une rétribution qu'un véritable salaire, car le milieu de camp est beaucoup plus un milieu de vie qu'un milieu de travail.

Les recommandations sont simples. Pour toutes les raisons énoncées précédemment, l'Association des camps du Québec recommande éner-giquement que tous les camps du Québec, quel que soit leur statut corporatif, soient exemptés de l'application de cette loi, sans quoi il faudra dorénavant parler des camps de vacances au passé. Il serait dommage qu'après avoir adopté une loi sur la protection de la jeunesse, une autre loi vienne priver au-delà de 100 000 enfants des avantages dont ils ont toujours joui. L'année internationale de l'enfant ne doit pas voir l'adoption de telles mesures.

La conclusion, c'était de vous demander...

Le Président (M. Marcoux): M. le ministre.

M. Johnson: D'abord, j'ai lu votre mémoire avec attention; je l'ai relu en vous écoutant. J'aurais une question au départ. Combien de camps représentez-vous comme association, à peu près?

M. Corbin: Comme association, 125 camps.

M. Johnson: 125 camps. Sur ces 125 camps, combien sont à but lucratif et combien à but non lucratif, à peu près?

M. Corbin: 25 à but lucratif et...

M. Johnson: Une centaine à but non lucratif. Je pense que l'ensemble de vos remarques, malgré les bémols que je tiens à y mettre, se justifient dans la logique que vous présentez pour les camps à but non lucratif. Cela dit, je pense qu'une lecture très attentive de trois articles de la loi va

vous permettre de constater que nous étions très conscients de cela. L'article 86 qui dit: "Le gouvernement peut faire des règlements pour assujettir ou exclure de l'application totale ou partielle de la présente loi ou des règlements certains organismes qu'il désigne, ou pour exempter de l'application totale ou partielle de la section I du chapitre IV, pour le temps et aux conditions qu'il détermine, une ou plusieurs catégories de salariés qu'il désigne et fixer, le cas échéant, des normes du travail particulières pour ces salariés, notamment... les étudiants occupés dans les colonies de vacances..."

Deuxièmement, l'article 53 du projet de loi prévoit que la durée de la semaine normale déterminée à l'article 51, c'est-à-dire de 44 heures, ne s'applique pas aux salariés suivants: b) Un étudiant employé dans une colonie de vacances constituée en vertu de la troisième partie de la Loi des compagnies, c'est-à-dire les organismes à but non lucratif. L'article 76b qui dit que les articles 65 à 75 qui, en fait, prévoient les congés annuels payés ne s'appliquent pas à un étudiant employé dans une colonie de vacances incorporée en vertu de la troisième partie de la Loi des compagnies.

C'est simplement pour vous rassurer que nous étions conscients du problème que cela pose dans le cas des colonies de vacances. Si je comprends bien, vous nous dites: Nous pensons qu'on devrait être totalement exclus. Au départ, je fais une distinction entre les colonies à but lucratif et à but non lucratif; je pense qu'il faut en faire une, objectivement. Une colonie à but lucratif est une entreprise commerciale qui peut, c'est vrai, être animée par des moniteurs qui sont de véritables animateurs sociaux, qui réussissent à satisfaire des jeunes pendant l'été, qui reçoivent une quantité de jeunes qui peuvent provenir de toute source sur un plan économique, de la provenance socio-économique des parents, etc., mais il demeure quand même que c'est une entreprise commerciale. A ce titre, je pense qu'il y a un minimum de dispositions où il faut faire en sorte que les lois soient respectées comme s'appliquant à l'ensemble des salariés qui travaillent dans tout ce qui est à but lucratif dans notre société.

A ce titre, je pourrais vous citer un exemple que je connais fort bien et qui touche une jeune fille de mon comté qui a travaillé dans une colonie de vacances comme monitrice, une colonie de vacances tenue par une corporation qui fait bien des profits, d'ailleurs, et qui a un réseau commercial en dehors de cela et qui était payée la mirobolante somme de $400 pour presque douze semaines, trois mois de travail. Le chèque, d'ailleurs, est provenu seulement à la fin de l'été. Cela n'a aucun sens. Je sais ce qui est arrivé avec les intérêts de tout cet argent de l'ensemble des moniteurs et ceux dans la poche de qui cet argent est allé.

Cela dit, je fais la distinction entre le groupement à but lucratif et à but non lucratif. De la même façon, je pense, deux d'entre vous êtes des anciens professeurs de mon collègue Bisaillon de Sainte-Marie, je me permettrai une réminiscence. J'ai été moniteur à Saint-Liguori, au camp Notre-

Dame, j'avais 18 ans, j'étais payé la merveilleuse somme de $12 par semaine, on travaillait beaucoup et j'aimais cela. C'est vrai que cela a été une expérience extraordinaire. Encore une fois, le camp de Notre-Dame de Saint-Liguori était un organisme à but non lucratif, cela faisait partie de ce que je percevais comme devant à la société qui m'éduquait, qui payait mon éducation par un réseau scolaire, etc. Cela faisait partie des expériences intéressantes qu'un jeune homme de 17 ou 18 ans peut avoir. (22 heures)

Encore une fois, je fais cette distinction. On la fait dans la loi. Il y a peut-être des précisions qu'il faudrait apporter au texte de la loi. Je ne suis pas sûr que cela devrait s'appliquer à tout le personnel, tout le temps. J'aimerais vous entendre un peu là-dessus.

M. Corbin: Sur la question, indépendamment, je trouve drôle qu'une loi qui veut protéger une personne, le salarié, partout, à un moment donné, on intervient dans l'institution, selon sa capacité de payer. Donc si toi, tu veux être moniteur dans un camp de vacances à but non lucratif, tu n'auras pas droit à ton taux de 4% de vacances, tu vas travailler comme un chien, je ne veux pas exagérer, mais tu vas travailler 60, 65 heures et tu vas être payé juste pour cela.

Si tu t'en vas dans un camp à but lucratif; pour le même individu, là, tu vas être payé pour ton temps supplémentaire et tu vas être payé ensuite pour tes vacances. Donc, c'est une discrimination vis-à-vis l'individu; à un moment donné, on introduit cette notion parce qu'on se rend compte qu'il y a une capacité de payer différente, à cause d'une capacité différente de payer.

C'est cela que je...

M. Johnson: Je pourrais vous répondre que, si vous le permettez, dans le fond, ce que vous me suggérez, c'est que cette discrimination soit étendue aux 25 camps. On dit qu'il n'y a aucun des jeunes qui travaillent dans les colonies de vacances qui va être soumis à une protection de la Loi du salaire minimum.

M. Corbin: C'est cela.

M. Johnson: C'est ce que vous nous suggérez. Je vous dis que dans le cas des camps à but lucratif, c'est une opération commerciale. Le gars qui "ronne" cela, si vous me passez l'expression, il fait de l'argent avec cela. Il emploie du personnel. C'est comme s'il avait un magasin d'articles de sport, qu'il vendait de l'équipement de sport, et il fait cela l'été.

M. Corbin: Je vais laisser parler un directeur de camp à but lucratif.

M. Johnson: Peut-être.

M. Nadeau (Normand): Si vous le permettez, depuis 19 ans que j'ai un camp de vacances, je

suis encore dans le rouge, en additionnant d'une année à l'autre. C'est à but lucratif.

M. Johnson: Allez-vous changer votre charte?

M. Nadeau: Si c'est la loi que vous voulez passer, il va falloir que je change de charte au plus vite et obtenir des subventions du gouvernement pour me permettre de continuer.

M. Johnson: Si vous êtes dans le rouge depuis plusieurs années, depuis la fondation, je ne comprends pas pourquoi votre camp est à but lucratif.

M. Maisonneuve: Quand vous parlez d'entreprises commerciales, je pense que ce n'est pas exactement dans le même sens qu'une industrie où on fait des profits pour faire du profit. La majorité des camps que je connais, qui sont à but lucratif, comme Normand le dit — lui, il peut avoir de la difficulté à arriver — c'est pour se faire vivre, c'est pour donner un salaire à ceux qui administrent le camp et pour réinvestir dans le camp, au service des enfants et au service de leur équipement et des choses comme cela. Mais ce n'est pas uniquement pour faire du profit pour faire du profit. Les termes ne me viennent pas, mais cela ne peut pas être comparable à une entreprise à but lucratif, comme vous le dites, d'un commerce pour vendre des articles de sport et emmagasiner un montant. Je ne dis pas qu'il n'y en a pas parmi les camps. Il y aurait peut-être des différences à faire entre ce qu'on peut appeler des auberges ou des colonies de vacances, c'est possible. Mais la majorité des camps à but lucratif qui sont chez nous, qui sont des camps accrédités, ne font pas des profits si énormes qu'on puisse les comparer à des gens qui ont des commerces et qui peuvent accumuler des profits pour se payer ensuite d'autres investissements. Ils se paient leur salaire comme propriétaire du camp, pour réinvestir ensuite dans le camp.

Je ne sais pas si la nuance est saisie, mais l'entreprise commerciale ne peut pas être totalement comparable dans les deux cas, quand il s'agit, comme on l'a montré dans le mémoire, du style de vie, du style de camp, des objectifs qui sont poursuivis dans une colonie de vacances.

M. Johnson: M. le Président... Le Président (M. Marcoux): Oui.

M. Corbin: Admettons que c'est un organisme à but lucratif qui fait beaucoup de profits, ce qui serait approuvé...

M. Johnson: II ne doit pas y en avoir beaucoup d'ailleurs. Je reconnais cela avec vous, il ne doit pas y en avoir beaucoup.

M. Corbin: Cela représente une petite industrie, une petite ou une moyenne entreprise dans le milieu et c'est un apport économique pour cette région-là. C'est tout un groupe qui n'est pas à la charge de l'Etat, parce que la majorité des camps à but non lucratif sont subventionnés par le Haut-Commissariat. Ils pourront avoir facilement des subventions concernant les salaires. Même pour la majorité, l'Etat aura-t-il la capacité de payer le salaire minimum requis avec les subventions venant du haut-commissariat?

M. Johnson: De toute façon, ils sont exclus, au moment où on se parle, dans le projet de loi 126; les camps à but non lucratif incorporés en vertu de la troisième partie de la loi des compagnies sont exclus quant à leur personnel qui est étudiant. C'est exclu dans la loi.

M. Corbin: Quant aux salaires.

M. Johnson: Quant aux salaires, quant aux vacances.

M. Corbin: Quant aux vacances, quant à la semaine de travail, mais quant aux salaires, où?

M. Johnson: C'est cela, par l'article 86.

M. Maisonneuve: C'est inscrit "peut", M. le ministre, "peut faire".

M. Johnson: "Peut", ils sont "excluables".

M. Maisonneuve: On s'est dit: Peut-être qu'ils pourront... Oui, c'est cela, on voudrait que cela soit défait.

M. Picotte: Politiquement parlant, il semblerait que "doit", c'est un mot très difficile à employer, selon ce qu'on m'a déjà répondu.

M. Grenier: On a bien de la difficulté, de ce côté-ci de la table, à faire inscrire des "doit".

M. Corbin: II n'y a pas assez de dix doigts.

M. Chevrette: II en sait quelque chose, son parti a été 26 ans au pouvoir et n'en a jamais mis un.

M. Grenier: II y avait un "boss" qui en mettait souvent dans ce temps-là.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Maskinongé.

M. Corbin: Non, on l'était tout le temps. Jusqu'à présent, on l'a toujours été. Je regarde même dans les autres provinces. Dernièrement, on avait une réunion au niveau des camps du Canada et, dans toutes les autres provinces, des camps sont exemptés, même les camps à but lucratif et même en Ontario.

M. Picotte: M. le Président, je tiens à vous faire remarquer au point de départ que je trouve vraiment que le rouge est une belle couleur, mais,

indépendamment de cela, je suis peut-être un peu porté à penser un peu comme le ministre, sans mettre en doute les déclarations que M. — je ne me souviens plus du nom — nous a faites tantôt. Je ne vois pas l'avantage, à un moment donné, pour un camp de vacances comme cela, qui fonctionnerait dans le rouge depuis X temps, de poursuivre cela, mais il reste que, sans mettre cela en doute, je veux du moins faire un commentaire. Ce n'est pas une question que je pose, mais je voudrais faire un commentaire au ministre. Etant donné qu'il s'agit d'activités à caractère fortement social, que cela touche les jeunes Québécois, je pense qu'il est très important que le mémoire qui nous a été présenté soit considéré, non seulement considéré, mais soit entendu positivement par le ministre. J'espère, M. le ministre, que les articles 86, 53 et 76 vont demeurer dans le projet de loi, qu'il n'y aura pas de changements afin qu'on puisse s'en servir pour essayer de permettre à ces camps qui fonctionnent dans un but non lucratif d'avoir toutes les possibilités d'aide nécessaire qu'ils attendent avec un tas de projets. Je vous remercie de votre mémoire.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: M. le Président, M. Corbin, vous avez dit tout à l'heure que 25 camps ou 25% des camps sont à but lucratif, dans la série de ceux qui font partie de votre association?

M. Corbin: 25, à peu près. C'est facile à voir. M. Grenier: 25 camps. Oui, c'est indiqué.

M. Corbin: Du côté anglais, vous avez "private camps". On peut les énumérer moins le camp Marie-Clarac et le camp Notre-Dame-de-la-Joie, dans ceux de cette série. "Private camps", ce sont les camps à but lucratif. Le nombre qui est là, je pense, ce serait une douzaine et, du côté français, nous en avons à peu près quatre ou cinq, pas plus que cinq, mais, ce qui est dommage, c'est que ces camps à but lucratif, ce sont ceux qui, en groupe, ont exercé le leadership et qui ont monté le phénomène d'une certaine façon des camps de vacances pour arriver à des standards. Maintenant que le phénomène est bien lancé, que le haut-commissariat et le gouvernement disent: Maintenant, on a un réseau de camps, on dit à ceux-là: Vous avez fait votre part dans la société, fermez vos portes. Il y a une espèce de concurrence qui n'est pas égale dans la réalisation des objectifs.

Si c'était un scandale d'exploitation, ces camps à but lucratif, cela ferait l'objet d'enquêtes. Ils ont collaboré au développement du phénomène des camps de vacances. Ils n'exploitent pas plus le moniteur travaillant dans un camp à but lucratif que l'autre, en vertu de ce que je vous disais tantôt, parce que, si tu travailles dans un camp à but non lucratif: Fais des heures, mon Pit, et tu n'as pas droit à 4%. Tu t'en vas dans un camp, tu vas faire des heures et tout cela... Ils reçoivent à peu près le même traitement, qu'ils soient dans un camp à but lucratif ou non lucratif. Actuellement, la moyenne des salaires payés est à peu près identique, que ce soit dans des camps à but non lucratif ou dans des camps à but lucratif, parce que, dans l'ensemble de l'association, les directeurs de camps se rencontrent et font une espèce d'échelle pour s'équilibrer, pour ne pas faire une concurrence négative. Au contraire, c'est une concurrence positive qui se fait entre eux. C'est dans ce sens. S'il y avait vraiment une exagération, ce qui se peut, dans certains cas, ce serait sorti bien avant dans les journaux et dans la société, l'exploitation par les directeurs de camps et les moniteurs. Il y a vraiment cette compréhension de s'associer au phénomène comme tel.

M. Maisonneuve: Si vous permettez, seulement pour compléter, la plupart des camps que je connais, dans l'Association des camps, qui sont des camps à but non lucratif, ce sont des camps particulièrement de communauté, ou d'autres qui ont surtout des gens bénévoles; ils peuvent se permettre d'être à but non lucratif à cause des gens bénévoles. Dans mon camp, tout mon personnel de cadre le fait bénévolement, parce qu'il n'a pas besoin d'un salaire, parce qu'il n'a pas de famille à faire vivre et ainsi de suite. Dans les camps qu'on a, qui sont à but lucratif, ce sont des pères de familles qui sont obligés de faire vivre leur famille. Ils ne font que faire vivre leur famille, pour la plupart; ils réussissent seulement cela ou investissent, comme je l'ai dit tout à l'heure, pour le bien des campeurs qui viennent à leur camp. Ce n'est pas un profit de type industriel ou commercial, dans le sens qu'on peut l'entendre dans l'industrie. Je pense que c'est une distinction qui montre la réalité des camps de vacances et qui ajoute à ce que M. Corbin vient de dire. On a besoin aussi de ces camps dans l'Association des camps pour la promotion du plein air et des loisirs pour nos étudiants. Il n'y a aucune concurrence entre nous. Si on faisait cette loi, cela deviendrait, dans notre association, une concurrence qu'il ne serait pas possible de subir.

M. Grenier: Je reviendrai, M. Maisonneuve, à ce que vous dites là. Je reviens à M. Corbin. D'abord, vous avez plus de succès à m'enseigner l'administration des camps que le latin, parce que je comprends plus rapidement...

M. Johnson: Deo gratias!

M. Corbin: C'est pour cela que j'ai enseigné la biologie par la suite.

M. Grenier: Cela n'a pas été si mal. On a le résultat, finalement. J'aimerais connaître...

M. Johnson: C'est vrai, parce que le député de Mégantic-Compton y perd souvent son latin!

M. Grenier: Ah oui! On est placé dans des situations où on perd souvent notre latin. J'aimerais que vous me disiez, parce que j'ai oeuvré

— le ministre a dit qu'il a oeuvré deux ans — au moins une dizaine d'années comme bénévole là-dedans ou presque, avec des salaires de famine dans le temps. J'étais étudiant et c'étaient mes vacances d'été. Pardon?

M. Bisaillon: Sonnez trompettes!

M. Grenier: Evidemment, il faut vous faire comprendre qu'on a aussi certaines connaissances dans ce milieu et, quand on voit arriver un groupe comme le vôtre, on est sensible à cela, parce que l'oeuvre qui a été faite au Québec concernant les camps, vous en savez quelque chose. Je pense que l'ensemble des gens autour de la table savent de quoi vous parlez. Ils sont sensibles à cette cause.

C'est pour cette raison qu'on ne se surprend pas qu'il y ait trois articles qui devraient exclure ce travail d'étudiant qui se fait et je pense bien que le "peut" du gouvernement va se changer en "doit". Je pense qu'on va l'avoir, cette fois-ci. Je pense que ça va se faire. J'ai bien cette impression. On a un ministre qui est bien sensible à ça, vous savez, il comprends les choses, un homme très humain et il ne dira pas non à ça, vous savez. Il comprend ces choses-là.

Vous avez fait allusion aux autres provinces. Vous avez des cas bien précis, principalement du côté des camps à but non lucratif. Il y a un personnel qui n'est pas formé d'étudiants, un personnel sans douté permanent. Quelles difficultés cela peut-il poser? J'imagine qu'il doit y avoir du monde payé à faible salaire également. Quelle est la moyenne de salaire dans ces camps à but lucratif pour le personnel en parmanence? (22 h 15)

M. Corbin: En Ontario?

M. Grenier: Non, les nôtres, ici. M. Corbin: En permanence...

M. Grenier: Vous en avez toujours un certain nombre, j'imagine, qui...

M. Corbin: Cela dépend de quelle catégorie... M. Grenier: II y a des camps annuels.

M. Corbin: Pour les camps annuels, M. Na-deau peut évaluer...

M. Nadeau: Oui, dans le cas du cuisinier qui peut travailler, par exemple, à longueur d'années chez nous ou qui va travailler à temps partiel quand il y a des groupes qui viennent passer une semaine ou une fin de semaine, il est payé au taux de $5 l'heure chez nous, pour les heures qu'il fait chez nous. Mais la difficulté suivante arrive: Comme un camp de vacances est toujours éloigné d'un centre urbain, le cuisinier qui arrive à 7 heures le matin ne peut pas retourner chez lui entre 10 heures et 11 heures pour aller se reposer. Il ne peut pas retourner non plus entre 14 heures et 16 heures ou 16 h 30 dans l'après-midi pour encore aller se reposer, parce qu'il n'y a pas de cuisine à faire à 14 heures de l'après-midi. Le cuisinier, en réalité, se trouve à passer tout près de dix heures dans le camp, mais il ne travaille pas durant dix heures. De là arrive justement l'espèce de réglementation qui dit que quand un membre du personnel est à la disposition d'un organisme, d'un patron, il doit être payé pour les heures durant lesquelles il est à sa disposition. Là, ça fait une difficulté assez compliquée à chiffrer dans le salaire d'un cuisinier.

Quant à moi, je le calcule de cette façon-ci: Le cuisinier a travaillé huit heures durant, il est peut-être demeuré dix ou onze heures dans la place, mais, effectivement, il n'a travaillé que pendant huit heures. Pendant ses deux ou trois heures libres durant la journée, peut-être qu'il va à la table de billard ou peut-être qu'il va se promener dehors. En été, il va aller se baigner, il va aller faire un tour en canot ou en chaloupe. Il va s'occuper lui-même dans des loisirs qui lui sont offerts gratuitement. S'il était dans un autre organisme, il serait obligé de louer un canot. La piscine, il serait obligé de la payer. On lui offre des services qui sont gratuits, mais, entre autres, je ne voudrais pas qu'il me demande $5 l'heure quand il vient prendre un canot ou quand il vient se baigner dans la piscine.

Il y a non-sens, une difficulté de compréhension ou de joindre les deux bouts quand arrive un personnel comme le cuisinier, les cuistots, les gens qui ne sont pas étudiants, par exemple, et qu'on veut payer au taux normal pour qu'ils vivent, eux aussi.

M. Grenier: Avez-vous, chez ce personnel permanent ou quasi permanent, certaines difficultés ou si la loi se prépare à vous en causer? On sait qu'on est tous un peu passés par là. On ne va pas là d'abord pour se gagner une grosse somme d'argent; il n'y a pas beaucoup de monde qui fait ça. Ce sont des parents qui envoient leurs enfants — j'ai été de ceux-là — pour prendre du plein air, passer un été agréable de santé, mais est-ce que ça vous cause des problèmes actuellement sans la loi?

M. Nadeau: Actuellement, il y a certainement qui...

M. Grenier: Financiers, peut-être, mais y a-t-il des gens qui sont exigeants, qui disent: On n'est pas assez payés et...

M. Nadeau: Non. En général les moniteurs qui viennent travailler dans notre camp sont conscients qu'ils ont un salaire X mais qu'ils ont, entre autres, des compensations et des valeurs qu'ils n'ont pas ailleurs.

Quand ils vont travailler...

M. Grenier: Je sais que le ministre vous entend, c'est important.

M. Nadeau: ... dans l'industrie, ils doivent faire de la production sans arrêter.

M. Grenier: C'est cela.

M. Nadeau: Et toutes les heures, huit ou dix heures, qu'ils vont travailler dans la journée. Tandis que chez nous, les huit, dix ou douze heures qu'ils vont passer avec les enfants, ce ne sont pas des heures de production sans arrêter.

Je demandais à mes moniteurs cet hiver cinq heures de ski. Une heure et un quart, un quart d'heure de repos, une heure et un quart, dîner, etc. Vous avez une répartition comme cela. Ce qui donnait cinq heures par jour, effectivement, auprès des enfants. Mais quand il s'en va manger, est-ce qu'on va dire: Tu travailles durant le temps que tu manges? Il ne travaillait pas. C'est là qu'entre en ligne de compte le milieu de vie. Il n'est pas pour aller manger tout seul dans un coin, il n'est pas pour aller s'asseoir dans la cuisine pour manger loin des enfants, il vit avec eux. Le moniteur qui va réclamer douze ou quinze heures dans la journée parce qu'il a vécu avec les enfants... Il y a un problème par rapport aux recommandations du salaire minimum. Quand quelqu'un vit en place, il faudrait qu'il soit payé douze ou quatorze heures.

M. Maisonneuve: Je pense qu'un des critères principaux de la qualité du personnel dans un camp de vacances depuis notre tradition et ce qu'on a remarqué, c'est que justement le personnel moniteur et cadre ne vient pas d'abord pour venir chercher un salaire. Il vient d'abord parce qu'il aime les enfants, il aime la nature et il vient faire une expérience de vie humaine avec eux.

S'il ne vient que pour chercher un salaire, tout l'esprit de vie éducative du camp est renversé et on n'obtient pas nos objectifs.

M. Grenier: Ils sont mieux sur le bien-être social, ils ont plus que cela. La moyenne de vacanciers dans les camps à but lucratif est de combien par rapport à celle des camps à but non lucratif?

M. Nadeau: Qu'est-ce que vous entendez par moyenne?

M. Grenier: Le total. Vous avez 100 000 vacanciers qui profitent des camps, la moyenne est de combien? Est-ce qu'elle se tient aussi dans les 25% ou 30% dans les camps à but lucratif par rapport au total?

M. Corbin: A peu près.

M. Grenier: A peu près cela.

M. Corbin: Parce qu'autant il y a de petits camps à but lucratif comme il y a de petits camps à but non lucratif, comme il y a des camps de dimensions moyennes a but lucratif et non lucratif et comme il y en a... quoique de très gros à but lucratif, il n'y en a pas tellement, comparativement au Camp Saint-Donat par exemple, qui reçoit 350 ou 400 enfants, ou encore comme au Camp de santé Bruchési où j'ai été pendant un certain temps, et où on en recevait 600 ou encore à Notre-Dame... Il n'y a pas de camp de ces dimensions dans le domaine privé. Cela va aux alentours de 150 à 200 ou 225.

M. Grenier: Dans les autres provinces, vous n'avez pas été — une fois cette loi déposée — sans vous informer ailleurs, dans les autres provinces. Vous pouvez certainement me dire ce qui se passe exactement vis-à-vis le salaire minimum pour les camps à but non lucratif et à but lucratif.

M. Corbin: II n'y a aucune disposition par exemple en Ontario entre lucratif et non lucratif. Les étudiants travaillant — il y a là une distinction — à la programmation sont exclus du salaire minimum. Il se peut qu'un étudiant qui travaille à la cuisine, parce qu'il ne travaille pas auprès des enfants, soit payé au salaire minimum. Mais celui qui travaille auprès des enfants est exclu du salaire minimum. Maintenant, c'est une course en Ontario — j'ai visité des camps l'été dernier — ... On peut toujours être scandalisé quand on dit: Est-ce effrayant; un gars passe neuf semaines ici et tout ce qu'il reçoit en salaire à la fin de l'été lui aussi, c'est $230 et $330.

Mais, celui qui sort du camp Tawingo, par exemple, un instant! C'est un tremplin pour toutes les autres activités. Heureux celui qui est choisi pour être moniteur au camp Tawingo, en Ontario. Après cela, c'est une expansion pour ces jeunes, c'est un camp reconnu comme valeur à cause de l'équipe et du type d'expérience qui se vit là. Ceux qui sont en récréation, en récréologie, quand ils passent cela dans leur curriculum vitae, qu'ils ont été moniteurs, "camp counselors" au camp Tawingo, ça monte dans l'échelle.

M. Grenier: A part l'aide qui vous est donnée dans les camps à but non lucratif, l'aide qui vous est donnée par le haut-commissariat, qui est une aide d'environ $70 par semaine par groupe de huit moniteurs, est-ce qu'il y a d'autres subventions qui vous sont données?

M. Maisonneuve: Ce ne sont pas tous les camps même à but non lucratif qui en reçoivent, il y en a une quarantaine qui sont dans ce qu'on appelle le réseau du haut-commissariat pour l'accessibilité aux camps de vacances.

M. Grenier: Les subventions additionnelles...

M. Maisonneuve: Oui. Il y a des subventions pour les salaires selon le ratio, un pour huit. Il y a aussi un montant qui peut être accordé pour l'entretien régulier, la peinture, les réparations et ainsi de suite, un certain nombre surtout pour les équipements de plein air, si on veut remplacer des canots, le tir à l'arc, l'équipement de canot, le camping de montagne, des choses comme cela.

Dans l'équipement, ce sont surtout ces domaines qui sont assujettis à des subventions.

M. Grenier: Est-ce que c'est comparable à l'Ontario, par exemple, ce qui est donné aux camps, les montants que vous avez comme base de salaire pour les gens...

M. Maisonneuve: En Ontario, il y a seulement un camp qui reçoit des subventions du gouvernement de l'Ontario, c'est ce qu'on appelle Algonquin Experience. Le parc Algonquin a été considéré comme accessible uniquement à des riches et on en a fait un camp spécial, il y en a un seul. Il n'y a pas d'autre subvention pour...

M. Grenier: Sur les deniers de l'Etat. Le reste, ce sont des camps subventionnés par les gens.

M. Maisonneuve: Oui.

M. Grenier: Vous devez constater, j'imagine, que les participants à ces camps sont d'une clientèle de gens mieux nantis que ceux du Québec.

M. Maisonneuve: Cela varie, parce qu'ils ont beaucoup de ce qu'ils appellent des "church camps" les camps religieux, la Salvation Army, la United Church ou des choses comme cela. Je voudrais préciser que, dans les salaires, la subvention du haut-commissariat, autrefois, était de $70 plus $5, s'il y avait un programme de formation; maintenant, pour cette année, c'est augmenté à $80 et $85, selon le choix. C'est une augmentation, une précision...

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: Je vais être bref, M. le Président, parce que le député de Mégantic-Compton a pris tout le temps...

M. Grenier: J'avais encore plusieurs questions.

M. Bisaillon:... quasiment qu'on avait à notre disposition. Vous m'excuserez, mais je vais ajouter peut-être une petite note discordante, parce que, de toute façon, votre démonstration a été faite, vous avez été entendus. Comme vous l'avez vu, vous avez déjà pratiquement gain de cause dans le projet de loi.

Je voudrais d'abord vous souligner que je suis heureux de voir M. Maisonneuve aussi souriant ce soir. Il était moins souriant quand j'avais douze ans, quand je l'ai connu. A moins que ce soit ma perception qui ait changé.

M. Maisonneuve: C'est une perception, je pense.

M. Grenier: C'est parce que vous êtes plus loin de lui, cela l'aide!

M. Maisonneuve: II y a une barrière entre les deux.

M. Corbin: II a grandi depuis ce temps.

M. Maisonneuve: Les rapports de force ne sont pas les mêmes.

M. Bisaillon: Pour continuer dans la voie qui nous a été tracée, moi aussi, j'ai été moniteur dans des camps de vacances et j'ai...

M. Grenier: Combien d'années? M. Bisaillon: Deux ans, seulement.

M. Picotte: On va finir par avoir plus d'expérience à nous tous qu'à vous tous!

M. Bisaillon: En lisant votre mémoire, je me suis rendu compte que, durant les dernières années — ce que je savais avant de lire votre mémoire — beaucoup de travail a été fait quant à la formation des moniteurs. A l'époque où j'allais dans les camps de vacances, c'était assez déficient. Les moniteurs n'étaient pas formés comme ils le sont aujourd'hui. Aujourd'hui, par rapport à autrefois, on demande encore plus aux étudiants qui vont dans des camps de vacances qu'en en demandait à l'époque où j'y suis allé. Par ailleurs, le coût de la vie a augmenté depuis ce temps. Pour les étudiants, aujourd'hui, cela coûte plus cher qu'à l'époque pour fumer un paquet de cigarettes par semaine. Je m'attendais que, comme ils font un travail extraordinaire dans les camps de vacances — vous avez expliqué le type de travail qu'ils faisaient — de vous voir devant la commission pour venir les défendre sur deux points.

Le premier, c'est la semaine de travail. Il me semble que, pour répondre aux objectifs que vous visez dans un camp de vacances, ce qu'on doit viser le plus, c'est de réduire, justement, le travail du moniteur, pour que la qualité de sa présence soit améliorée. Par rapport aux 75 heures ou aux 80 heures qu'on faisait aux grèves à l'époque, il me semble qu'il y a un juste milieu, entre cela et la semaine de 25 heures, vers lequel on doit tendre. Cela veut peut-être dire une augmentation de personnel dans un camp de vacances pour faire en sorte que les moniteurs puissent être présents qualitativement auprès des enfants.

Le deuxième aspect, je pensais que vous étiez venus ici pour dire: Ecoutez, il y a de la discrimination dans votre projet de loi, les étudiants se forment pendant une bonne période de l'année, se préparent pour venir au camp; il me semble que vous les traitez de façon discriminatoire. Je pensais que vous veniez ici pour dire: On vient demander à l'Etat qui présente cette loi, d'augmenter nos subventions dans les camps de vacances, pour permettre de payer nos étudiants au salaire minimum.

M. Corbin: C'est exactement cela.

M. Bisaillon: Comment cela se fait-il que ce n'est pas cette approche que vous avez, mais que vous avez plutôt l'approche de nous dire: Nous autres, on veut être exclus de cela?

M. Nadeau: On ne veut pas quêter trop trop.

M. Maisonneuve: Indirectement, cela revient à cela. D'abord, comme il y a eu du progrès dans la formation, je pense qu'il y a eu du progrès aussi dans le partage des tâches dans les camps de vacances, en augmentant d'abord ce personnel. Et on voudrait encore davantage si on était capable, financièrement, avec nos revenus, d'y arriver, au prix qu'on demande actuellement. On voudrait bien, si on en avait les moyens, payer le salaire minimum à tout le monde, c'est bien sûr. Mais même les étudiants qui viennent travailler dans les camps de vacances ne considèrent pas comme une discrimination de ne pas être payés au même taux que s'ils travaillaient chez Eaton, par exemple, parce qu'ils ne viennent pas d'abord pour cela. Ils seraient très heureux de le recevoir par surcroît ou par surplus, bien sûr. On serait très heureux aussi de leur accorder si nous en avions les moyens.

Mais de l'autre côté — je ne sais trop où est la salle — on parle de publicité du gouvernement et tout cela. Je pense qu'il ne faut pas s'attendre non plus toujours à regarder le gouvernement comme une vache à lait. Il y a des capacités chez nous et au bout, c'est nous, les contribuables aussi qui avons à payer. Nous tentions de nous débrouiller avec les ressources du milieu, pas pour être indépendants, mais pour prendre des initiatives, nos responsabilités, et demander au gouvernement de nous appuyer et de compléter ce que nous-mêmes, avec nos petites ressources, ne pouvons accorder.

M. Bisaillon: Le projet de loi actuel prévoit que les étudiants ne seront pas soumis au salaire minimum. Mais il y a d'autres types d'employés que des étudiants dans des camps de vacances. Ce que vous demandiez, c'était que les camps de vacances ne soient pas du tout couverts par la loi 126, de sorte que même le cuisinier, selon votre recommandation, vous ne le soumettiez pas non plus au salaire minimum. Est-ce que je me trompe? (22 h 30)

Quand vous demandiez, dans votre recommandation, de ne pas être couverts du tout par la loi 126, vous demandiez par le fait même — oublions les étudiants — que le cuisinier, père de famille, ne soit pas couvert par le salaire minimum.

M. Maisonneuve: Peut-être qu'on demandait plus pour avoir moins, c'est sûr. On demandait d'abord pour les étudiants, un peu comme c'est accordé actuellement.

Enfin, si on nous accordait, pour le personnel cadre de programmation qui a affaire aux étudiants, qui peut comprendre, justement, des personnes mariées ou des gens qui sont en récréolo-gie aux universités, des choses comme cela, qu'on est obligé de payer plus que le salaire minimum et qui le méritent certainement, des subventions pour cela ou qu'on puisse être exemptés de payer le salaire minimum pour ceux qui, volontairement accepteraient de prolonger leur expérience dans ce domaine-là. Les camps de vacances ne s'attendent pas que les cuisiniers soient dispensés de cette loi ou des gens de l'intendance. Ce sont quand même des gens qui ont des familles et qui ont une responsabilité.

M. Bisaillon: II faut comprendre votre recommandation ou votre demande dans ce cadre-là. Cela va.

Le Président (M. Marcoux): Oui, allez-y.

M. Nadeau: Je voudrais poser une question. Le cuisinier qui travaille dans un camp de vacances, c'est sûr que ce n'est pas un étudiant, mais, si le cuisinier est payé à l'heure pour les douze heures qu'il passe dans un camp, comme peut être interprétée la Loi du salaire minimum, à ce moment-là, on ne peut pas payer un cuisinier pour les douze heures qu'il demeure en place. Même le soir, à un moment donné, il fait un gâteau pour la fête de quelqu'un. Il va dire: J'ai travaillé de 7 heures, le matin, jusqu'à 11 heures, le soir et il va demander un salaire, parce qu'il était à la disposition de la direction du camp de 7 heures, le matin, à 11 heures, le soir.

M. Johnson: Non.

M. Nadeau: C'est là qu'on veut peut-être exclure, si vous voulez, les règlements qui s'appliquent automatiquement vis-à-vis des salaires à l'heure. Si vous me permettez, en même temps, un moniteur qui serait payé au salaire minimum dans les camps à but lucratif, ceux qui font beaucoup d'argent, à ce moment-là, cela représenterait à peu près pour l'été, un salaire de $3000, pour un moniteur. J'engage quarante moniteurs. Nous avons chez nous à peu près une quarantaine de moniteurs à $3000 chacun. Cela se multiplie assez vite. Mon chiffre d'affaires est de $100 000. Je vais avoir de la misère à arriver. Là, je vais fermer sur un moyen temps et je vais me retourner et je vais aller quêter au gouvernement. Je vais devenir une organisation à but non lucratif et vous allez payer les salaires et je vais entrer avec l'autre "gang", de l'autre côté. Je pense que cela n'est pas avantageux pour le gouvernement.

M. Bisaillon: M. Nadeau, est-ce que je me trompe en disant qu'actuellement — je vais traiter seulement de cela — votre cuisinier qui est en disponibilité, il ne travaille pas dans sa cuisine, mais il y a deux heures de flottement et on le

calcule en disponibilité, est couvert par le salaire minimum? Vous le payez pendant ces deux heures-là, actuellement. Actuellement, vous payez le cuisinier lorsqu'il y a deux heures de flottement.

Je ne veux pas vous faire dire que vous ne respectez pas la loi actuelle du salaire minimum, mais je voudrais savoir si, dans la loi actuelle, à votre connaissance, car cette notion de disponibilité existe, le cuisinier qui commence à 7 heures du matin, prépare les déjeuners, après cela, il a une heure ou deux où il n'a pas à préparer le dîner, il fait sa préparation du dîner, et, de 14 heures à 16 h 30, il est libre. Actuellement, de 14 heures à 16 h 30, normalement, quand vous l'engagez dans votre camp de vacances, vous le payez actuellement? Donc, pour vous, le projet de loi 126, par cet aspect, ce n'est par rapport à l'an passé, au plan budgétaire, une augmentation, puisque vous l'aviez déjà? Est-ce que je me trompe?

M. Nadeau: Vis-à-vis de la cuisine, cela ne change rien, effectivement.

M. Johnson: C'est cela.

M. Nadeau: C'est chez les moniteurs que je suis obligé d'engager du personnel à un salaire minimum.

M. Johnson: Est-ce que vos moniteurs sont des étudiants?

M. Nadeau: Oui, ce sont des étudiants. M. Johnson: Généralement? M. Nadeau: Généralement.

M. Johnson: On pourrait faire en sorte qu'ils ne soient pas couverts.

M. Maisonneuve: Le seul embêtement, c'est qu'on disait...

M. Johnson: Par 86.

M. Nadeau: C'est parce que c'est une corporation à but lucratif que vous êtes exclus.

M. Johnson: Non, 86 prévoit des catégories... Il y a une possibilité d'exclusion dans la loi, de tout étudiant, quel que soit le camp où il travaille. Je suis d'accord avec Guy Bisaillon là-dessus. Les dispositions de l'ordonnance no 4 à l'article 6, paragraphe a) prévoient ceci pour la période d'attente: "Si le salarié est considéré être à son travail lorsqu'il est à la disposition de son employeur et obligé d'attendre qu'on lui donne du travail". Votre cuisinier est soumis à cela au moment où on se parle. D'ailleurs, j'ai fait un calcul vite en vous écoutant tout à l'heure. Vous dites: II est au camp pendant dix heures dans sa journée, mais, de fait, il y a au moins deux heures là-dessus où il peut aller se promener en canot.

Vous dites: Je le paie $5 l'heure sur une base de huit heures, cela fait $40. Si je dis: II a été chez vous pendant dix heures, vous avez quand même respecté la Loi du salaire minimum, dans la mesure où vous l'avez payé $4 l'heure. Le problème ne se pose pas là. Le problème, pour vous, se pose pour les moniteurs et les étudiants. On a pris bonne note de votre demande là-dessus.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Maskinongé a une question.

M. Picotte: On vient de répondre à ma question par le fait même. Je voulais savoir si un étudiant dans un camp à but lucratif pouvait être exempté. On m'a dit que cela pouvait se faire. Alors, je vous remercie. Je ne prolonge pas la discussion.

M. Johnson: On pourrait soumettre une réglementation particulière qui pourrait prévoir que son salaire, quel qu'il soit, soit versé aux quinze jours, plutôt qu'à la fin de l'été seulement. Je vous vois hésiter!

M. Nadeau: Non. Chez nous, les salaires sont aux quinze jours.

M. Johnson: C'est cela. Il y a des endroits où cela ne l'est pas.

M. Nadeau: II y a plusieurs camps où c'est aux quinze jours, je le crois.

M. Corbin: II y a une série de normes comme cela. La journée de congé, il y a des camps qui préfèrent, et même les moniteurs préfèrent travailler quinze jours, et puis, ils ferment pendant une semaine et ils reprennent un autre groupe. Il y a toutes sortes de...

M. Johnson: II pourrait y avoir un encadrement précis. La loi a la souplesse nécessaire pour le faire.

Je voudrais simplement terminer, messieurs, en vous remerciant, d'une part; deuxièmement, vous dire qu'on prend bonne note de ce que vous nous avez dit; troisièmement, dans le cas des non-étudiants, je pense que, d'une façon générale, il faut considérer que la loi doit s'appliquer à ces salariés comme aux autres et, quatrièmement, je suis heureux de découvrir, au cours de cette commission, pourquoi le député de Sainte-Marie aime les grèves, c'est qu'il est allé au camp des grèves.

M. Nadeau: Est-ce que vous me permettez une question?

Le Président (M. Marcoux): Oui.

M. Nadeau: II s'agit d'un jeune homme ou d'une jeune fille qui a 17 ou 18 ans, qui laisse l'école et qui s'en vient travailler dans un camp de vacances. Ne trouvez-vous pas que c'est discriminatoire pour ce jeune, qui ne peut plus travailler

dans un camp de vacances parce qu'il n'est plus étudiant, mais qui voudrait beaucoup y travailler, par exemple?

M. Maisonneuve: La loi actuelle, c'était un de nos embêtements; l'étudiant déclarait qu'au moment où on l'engageait, au mois de juin, il était encore étudiant, il finissait son année, mais, en septembre, il y en a qui nous disaient: Oui, j'ai l'intention d'étudier l'an prochain, donc, je suis étudiant. Après ça, ils changeaient d'idée, n'étaient plus étudiants parce qu'ils s'en allaient sur le marché du travail en septembre et ils revenaient pour nous demander un salaire parce que la loi ne s'appliquait pas, ils n'étaient plus étudiants. On se faisait jouer des tours comme ça.

M. Grenier: Ce sont des cas assez fréquents.

M. Johnson: Si on prévoyait les finissants dans la loi, en plus des étudiants, ça règle votre problème d'une année et je présume qu'une année après avoir...

M. Maisonneuve: Le statut d'étudiant.

M. Johnson: Oui, mais une année après avoir terminé ses études, un plein douze mois après la fin de son secondaire ou de son CEGEP, selon le cas...

M. Maisonneuve: Oui.

M. Johnson: ... je pense qu'il devient un travailleur sur le marché du travail. Il faut être conscient de ça. Ce n'est plus un étudiant et, en ce sens-là, il doit être traité et considéré et protégé par les lois comme n'importe quel travailleur dans notre société.

Le Président (M. Marcoux): En tant qu'ancien moniteur aux Grèves...

M. Maisonneuve: ...

Le Président (M. Marcoux): Ancien moniteur à une colonie de vacances proche de Valleyfield aussi...

M. Johnson: ... ce soir...

Le Président (M. Marcoux): ... je vous remercie de la présentation de votre mémoire. Vous voulez avoir le mot de la fin vraiment? D'accord.

M. Grenier: Oui, pour vous dire une chose. On a écouté d'autres mémoires déjà, mais ce n'était pas avec le même ministre. Lui, je pense qu'on peut s'y fier pas mal. Ce qu'on vous a dit là, je pense que ça peut faire votre affaire pleinement. Mais, s'il y avait des choses qui accrochaient... On a vu des "rebounds" assez importants parfois. Les gens qui présentaient le mémoire partaient contents et, quand le règlement arrivait, oh! ça retroussait, des bouts! Laissez-nous-le savoir. Vous avez nos adresses.

M. Bisaillon:... commerciale de l'Union Nationale, on va y mettre...

Le Président (M. Marcoux): La commission ajourne ses travaux à demain, 9 h 30, pour pouvoir terminer à midi. Si vous voulez avertir vos collègues, à 9 h 30, pour les mémoires 21, 23 et 24.

Fin de la séance à 22 h 40

ANNEXE A

CONSEIL DU PATRONAT DU QUÉBEC

Mémoire à la commission parlementaire du travail et de la main-d'oeuvre

sur le projet de loi no 126, "Loi sur les normes du travail"

Montréal, 1er mars 1979 PREMIERE PARTIE

Considérations générales

1. Accord sur le principe et les buts généraux d'une "Loi sur les normes du travail".

C'est le rôle propre et normal du gouvernement, premièrement, de fixer les normes générales régissant l'ensemble des activités sociales; deuxièmement, de choisir les moyens pour assurer le respect de ces normes par tous, de déléguer à qui de droit des pouvoirs suffisants pour rendre effectives ces normes et d'établir les règles s'appliquant à l'exercice de ces pouvoirs. Le principe d'une loi fixant les normes générales du travail est manifestement conforme à une telle conception du rôle du gouvernement, et le Conseil du Patronat l'appuie sans réserve.

A propos des normes du travail, l'accord est d'autant plus facile à donner que ce domaine est déjà couvert en bonne partie par les lois existantes. La "Loi du salaire minimum" en effet, depuis 1940, a pour objet de fixer les normes les plus importantes du travail, notamment la rémunération de base, la durée normale de la semaine de travail, le paiement du temps supplémentaire, les vacances annuelles et, récemment, le congé de maternité. Il s'agit de moderniser et de compléter ces lois.

2. Nos présupposés

Le législateur, dans la conception des lois générales devant régir l'ensemble des activités des citoyens dans un domaine défini, doit chercher à donner aux lois les qualités suivantes: 1) UNIVERSALITÉ: idéalement, la loi s'applique à tous les citoyens et à tous les organismes, selon ce principe que la loi est l'autorité suprême dans une démocratie et que nul n'est au-dessus de la loi; en pratique, à cause de la diversité sociale, il n'y a guère de loi générale qui ne doive comporter des exceptions; le Législateur doit quand même rechercher la règle s'appliquant dans la plupart des cas; si la multiplication des exceptions rend la loi inextricable, il manque à la loi la clarté, ou son application imposera des moyens de contrôle disproportionnés; 2) CLARTE: la clarté, c'est aussi la simplicité; ces qualités sont nécessaires pour rendre la loi compréhensible et applicable, pour permettre une interprétation juste et cohérente, pour ne pas placer les tribunaux dans l'obligation d'avoir à décider de l'orientation fondamentale de la loi en donnant un sens à des formules ambiguës; 3) RÉALISME: les normes fixées par la loi ne sont pas déduites de quelque théorie abstraite, mais sont une sorte de codification des us et coutumes d'une société; c'est l'analyse des données sur la vie sociale qui explique et justifie une loi donnée à un moment historique donné; 4) STABILITÉ: en codifiant les us et coutumes d'une société, la loi les rationalise et contribue à créer plus de cohésion sociale; les lois générales, fixant les normes de l'action sociale, ne pourraient jouer ce rôle si elles changeaient souvent; la loi est en fait tout le contraire d'une décision administrative révisable au gré du pouvoir exécutif; 5) ECONOMIE DES MOYENS: une loi doit être applicable compte tenu des attitudes connues des citoyens et compte tenu des moyens existants; en plus, les moyens nécessaires à l'application d'une loi ne doivent pas représenter des coûts plus élevés que la valeur des avantages espérés; enfin, les effets secondaires de l'application d'une loi ne doivent pas contredire les effets désirés.

C'est à la lumière de ces critères généraux que nous essaierons d'évaluer le projet de loi no 126 dans sa forme actuelle. Cependant, la discussion sur la forme actuelle du projet de loi ne remet nullement en cause le principe de l'existence d'une loi générale sur les normes du travail.

3. Une loi générale, trop générale

La loi sur les normes du travail doit être, par définition même, une loi générale. Ce ne sont pas les normes particulières s'appliquant à tel ou tel secteur d'activités, dans telles ou telles circonstances particulières, qui sont ici en cause, mais les normes fondamentales s'appliquant à toute la société. Nous ne nous attendions donc pas à ce que la loi no 126 établisse des normes variant selon les secteurs et les circonstances.

Pourtant, la loi no 126 nous paraît quand même trop vague, trop imprécise, à propos de certains sujets sur lesquels elle aurait dû constituer, comme son nom l'indique, une norme. Regardons en effet le tableau suivant:

Référer à la version PDF page B-920

Sur des points majeurs, donc, le projet ne fixe pas les normes, mais autorise tout simplement le Conseil des ministres à fixer des normes par règlement. — DURÉE DU TRAVAIL, VACANCES ANNUELLES, AUTRES CONGÉS, PRÉAVIS — Sur ces sujets, la loi est claire et la réglementation consistera uniquement — comme il convient — à déterminer les règles d'application de la loi, sans lui donner son contenu. De plus, les normes fixées dans les sections en cause correspondent généralement à des habitudes déjà acquises dans notre société, de même qu'aux normes existant dans les principales régions avec lesquelles le Québec entretient des relations commerciales continues. Ainsi, dans l'ensemble, les sections II, IV, V et VI ne soulèvent pas d'objections fondamentales. Nous étudierons cependant, dans une autre partie de ce mémoire, certains aspects économiques propres au Québec, dont on devra tenir compte dans la promulgation et l'application de ces normes. — SALAIRE: Les lois antérieures ont déjà fait une règle de laisser au Conseil des ministres la responsabilité de fixer le salaire minimum. On pourrait fort utilement — puisqu'il s'agit de moderniser une loi — s'interroger sur le bien-fondé d'une telle procédure par laquelle le Législateur délègue à l'Exécutif le pouvoir de fixer le contenu significatif d'une loi. Nous ne croyons pas utile, cependant, dans le contexte présent de soulever un débat théorique à ce sujet, et nous acceptons la solution proposée par le projet de loi no 126 à propos du salaire minimum, à condition toutefois que le pouvoir exécutif respecte des règles rigoureuses permettant la discussion publique de ses projets de règlements avant qu'ils ne soient adoptés. Nous traiterons de cette question plus loin. — CONGÉS PAYÉS: La loi en nomme deux: le premier jour de l'An et la Noël. Par la "Loi sur la fête nationale", il y en a un troisième, le 24 juin. Il y en aura d'autres par règlement. En somme, la loi ne fixe pas la norme.

Le nombre de congés payés imposés à tous pourrait pourtant être fixé par la loi, et il n'y a pas de raison que la loi soit vague à ce sujet, ni que ce nombre varie souvent. La loi pourrait donc être claire à ce sujet, sans laisser d'ouverture à des changements fréquents. Comme le choix de "ces congés pour toute la société" est un jugement sur les us et coutumes de cette société, il appartient assez naturellement à l'Assemblée nationale elle-même de l'exprimer. — AUTRES NORMES: Par la section intitulée "autres normes", normes qui seraient toutes définies par règlement, la loi no 126 laisse la porte ouverte à n'importe quoi. Elle devient alors tout le contraire d'une loi fixant les normes. Cette section est en fait un fourre-tout inutile. S'il y a des normes générales à fixer à propos de primes, indemnités, allocations diverses, outils, douches, vestiaires, "lieux de repos", la loi devrait les indiquer, mais tel n'est pas le cas.

Les primes, indemnités, allocations diverses, font partie de la rémunération des salariés. Il faudrait donc reporter ces questions à la section I, sur le salaire, qui serait justement désignée sous le titre "la rémunération". Quant aux installations sanitaires diverses, il existe déjà une vaste réglementation dépendant des lois sur l'hygiène et la santé publiques ou sur l'hygiène et la santé au travail. L'intention du Législateur n'est sûrement pas de ramener sous l'autorité de la loi 126 toutes les

normes, toutes les mesures de contrôle et tous les systèmes de surveillance existant déjà ou promis par le Livre blanc sur la santé et la sécurité. Dans ce cas, une réglementation supplémentaire sur les mêmes sujets, sous le titre "normes générales de travail", ferait double emploi ou compliquerait inutilement la réglementation. Ainsi donc, la section fourre-tout des "autres normes" n'a pas sa place dans une loi qui doit fixer des normes, et non pas seulement se contenter d'affirmer qu'il pourrait y avoir des normes... — CONGÉ DE MATERNITÉ: Le congé de maternité n'apparaît pas dans l'une des sections du chapitre IV intitulé: "Les normes du travail", ce qui est une incohérence. De fait, ce "congé" — qui pourrait, par règlement, devenir un "congé payé" — aurait dû faire l'objet d'une section spéciale du chapitre IV (ou, tout au moins, de quelques articles de la section V, "autres congés") et la loi devrait contenir en clair les normes de base qui s'y appliquent, la réglementation portant alors seulement sur les règles d'application. La rédaction d'une telle section aurait été d'autant plus facile que son contenu est déjà fixé dans une ordonnance récente de la Commission du salaire minimum. Selon le projet actuel, le congé de maternité serait défini exclusivement par les règlements de la commission, et la commission pourrait aussi définir par règlement "l'indemnité afférente à ce congé". En somme, comme dans le cas précédent, la loi sur les normes ne fixe pas les normes, mais affirme seulement qu'il pourrait y avoir des normes fixées par règlement de la commission. Le Législateur a donc ici manqué au devoir qu'il se reconnaît lui-même de fixer les normes générales s'appliquant à l'ensemble des citoyens.

4. L'instrument pour l'application des normes: la Commission des normes du travail

La création d'une "Commission des normes du travail", les pouvoirs qu'on lui attribue, le mode de financement et de gestion qu'on propose de lui appliquer, sont de l'ordre des moyens. Notre accord entier sur les buts poursuivis par le projet de loi no 126 n'implique pas ipso facto l'acceptation des moyens proposés par le même projet de loi.

Nous chercherons à évaluer les moyens que propose le projet de loi 126 à la lumière de l'expérience passée et des règles élémentaires de la gestion des affaires publiques dans une démocratie.

a) Les raisons qui militent en faveur de la création d'une "commission des normes"

La "Commission des normes du travail" prendrait la relève de la "Commission du salaire minimum". Auparavant, en prenant en considération la philosophie qui inspirait la "Loi du salaire minimum", nous avons souhaité que la "Commission du salaire minimum" soit revalorisée (voir notre mémoire au ministre du Travail, septembre 1974). C'est dire que nous ne rejetons pas en principe l'idée d'une telle commission.

La "Commission du salaire minimum" devrait être un arbitre impartial réglant des différends à partir de sa connaissance des intérêts des parties et en consultation avec elles. Le modèle théorique qui permet de comprendre le rôle d'une telle commission, c'est celui de la "convention collective de travail": le salaire minimum et les autres normes minimums constitueraient une "convention collective de base", définie par une sorte de négociation entre des personnes parlant au nom des employés ou connaissant leurs intérêts et d'autres personnes dans une situation analogue vis-à-vis des employeurs. De là, l'idée qu'une "commission" indépendante et impartiale puisse jouer le rôle d'arbitre, de conciliateur ou, au besoin, de juge. De là aussi, l'idée qu'il doive exister, au-dessus de cet arbitre, un pouvoir auprès duquel s'exercerait un droit d'appel ou une autre forme de recours extraordinaire, ce pouvoir étant le Législateur lui-même ou, par délégation, le Conseil des ministres. Dans cette perspective, les qualités de la commission devraient être notamment son autonomie vis-à-vis du pouvoir politique, sa capacité de connaître les données concrètes par ses propres études et par ses propres consultations, et l'indépendance de ses recommandations ou décisions. De même, la possibilité pour les parties de se faire entendre par la commission avant que les décisions qui les touchent ne soient prises serait une règle essentielle. Enfin, il ne serait pas moins essentiel que l'arbitrage final par le pouvoir exécutif soit tout à fait exceptionnel et toujours publiquement expliqué.

Dans cette perspective, et dans cette perspective seulement, le principe d'une "commission" nous paraît valable. Il reste à évaluer maintenant si ces principes ont été mis en application par le passé et si la loi 126 donne quelques garanties qu'ils le seront dans l'avenir.

b) L'expérience de la Commission du salaire minimum

L'expérience de la Commission du salaire minimum n'a pas confirmé son autonomie et ne lui a pas donné une autorité propre. C'est tout le contraire qui s'est produit, quel que soit le parti politique au pouvoir. Les recommandations de la commission, quand elles ne confirmaient pas les positions du Conseil des ministres n'étaient tout simplement pas rendues publiques. Ces façons de faire ont empêché que la commission n'impose son autorité en tant qu'arbitre impartial. Le gouvernement actuel, pour des raisons pratiques probablement acceptables, a choisi d'utiliser la

Commission du salaire minimum de la même façon que les gouvernements précédents. Ainsi, ce ne sont pas les études de la commissionn qui ont servi de fondement à la décision d'indexer automatiquement le salaire minimum et la commission n'a pas été autorisée à exprimer un point de vue indépendant à ce sujet. Par ailleurs, conformément à la tradition, le nouveau gouvernement remplaçait le président qui avait été nommé par le gouvernement précédent. Voilà pour le passé. A l'analyse, il apparaît clairement que le projet de loi 126 a choisi la même voie pour l'avenir.

c) Une commission devenue inutile et inutilement coûteuse

Si la commission ne joue pas un rôle d'arbitre indépendant, elle perd sa principale raison d'être. Si la commission n'est pas un lieu de rencontre non-politique des représentants des employeurs et des employés pour établir les normes générales par la consultation et la négociation, l'ensemble de ces normes perd son caractère de "convention collective de base". Si la commission n'est pas un instrument de recherches objectives capables de formuler publiquement ses propres recommandations, indépendamment de toutes décisions politiques et avant de telles décisions, le gouvernement reste l'arbitre unique et perd son rôle de "recours exceptionnel et final" en cas de différend grave. Ainsi, à moins de revaloriser la commission dans le sens que nous avons dit, ladite commission devient inutile.

En dehors de cette conception qui ferait de la commission un arbitre indépendant et un lieu non-politique de conciliation, la commission devient exclusivement un service de surveillance et de contrôle des normes du travail. Mais rien ne justifie que ce service de surveillance et de contrôle soit confié à une "Commission administrative autonome" au lieu d'être tout simplement et tout naturellement un service du ministère du Travail.

La formule d'une "Commission administrative autonome" est trop coûteuse en regard des services rendus. L'autonomie de la commission suppose qu'elle maintient ses propres fichiers sur les entreprises, qu'elle exige de la part de chaque employeur des rapports qui s'ajoutent à ceux exigés par les autres services gouvernementaux, qu'elle entretient son propre service de perception, qu'elle a son propre programme d'informatique, de publicité et de relations publiques, etc.. Le ministère du Travail a déjà des tas d'inspecteurs sur la route et il en aura d'autres pour appliquer les nouvelles normes dont parle le Livre blanc sur la santé et la sécurité. L'Etat a déjà, par la C.A.T., par exemple, ou par le système fiscal, cent entrées différentes dans chaque entreprise. Pourquoi ne pas rechercher une formule administrative exploitant des canaux existants déjà, plutôt que de mettre en place une machine qui multipliera la paperasserie?

Chaque employeur doit dépenser chaque année, pour les gouvernements, beaucoup de temps à remplir des formulaires, à préparer des rapports, à répondre à des enquêteurs. Le temps non-productif exigé par l'Etat à l'ensemble des entreprises représente un poids de dizaines de millions de dollars par année. La prise de conscience de ce phénomène, dans tous les Etats modernes, a fait naître une volonté de réduire la paparasserie, les contrôles et les systèmes d'inspection. Cette volonté nouvelle des Etats modernes pourrait inutilement nous inspirer dans ce cas-ci. L'utilisation de moyens coûteux n'est justifiée que si ces moyens permettent d'atteindre des objectifs que l'on ne pourrait pas atteindre autrement. La règle de "l'économie des moyens" nous oblige donc à remettre en cause l'idée de créer la "commission des normes du travail".

d) Un mode de financement injustifiable

L'existence d'une "Commission autonome" justifierait le recours à un mode de financement autonome du service de surveillance des normes. Mais, moins encore que l'existence de la commission, le mode de financement retenu par le projet de loi no 126 ne peut être justifié en saine logique.

Historiquement, on peut comprendre que l'on ait créé, en 1940, la Commission du salaire minimum, dont la "Commission des normes du travail" prendrait la relève aujourd'hui. Le Législateur, en 1940, a dû considérer que la fonction publique québécoise n'avait ni les ressources humaines ni les ressources techniques pour assumer une tâche efficace de surveillance. Il a alors utilisé le modèle de la Commission des accidents du travail (créée en 1931), prévoyant pour la Commission du salaire minimum un mode de financement analogue.

Mais la comparaison entre la Commission des accidents du travail et la Commission des normes du travail n'est que de pure forme. Dans le cas des accidents du travail, les employeurs ont une responsabilité réelle, qu'ils reconnaissent sans hésitation. Pour assumer cette responsabilité, les employeurs auraient de toute façon recours à un système quelconque d'assurance. La CAT. assume donc une responsabilité propre des employeurs et les employeurs doivent partager les frais ainsi encourus.

Mais la Commission des normes du travail ne "vend" pas un service aux employeurs et n'assume pas en leur nom une responsabilité. Les normes générales du travail protègent l'ensemble des citoyens. Elles représentent l'une des formes de la responsabilité que l'Etat assume vis-à-vis de l'ensemble des citoyens. La "surveillance des normes" n'est pas un service aux employeurs, mais un

service aux salariés. On ne peut donc pas prétendre que c'est pour des raisons de justice que le coût de ce "service" doit être acquitté par les employeurs.

La loi no 126 donnerait à la commission un pouvoir direct de taxation sur les entreprises privées (la plupart des organisations publiques faisant l'objet d'une exception en leur faveur). Ce pouvoir de taxation n'est pas soumis au contrôle normal de l'Assemblée nationale. Une augmentation de cette taxe (par l'élévation du taux de la taxe ou par l'élévation de la masse imposable) est une simple affaire de règlement de la commission, approuvé par le Conseil des ministres. En démocratie, un gouvernement ne peut pas dépenser un sou sans l'autorisation du Parlement; surtout, il ne peut pas prélever une taxe sans l'autorisation expresse du Parlement. Au nom de quel principe la loi 126 concéderait-elle un pouvoir autonome de taxation à une commission administrative? Et encore, la règle fondamentale définissant la responsabilité en démocratie, "No taxation without representation", imposerait que les employeurs aient un contrôle réel sur les décisions de la Commission des normes du travail. Idéalement, la direction de la commission devrait être vis-à-vis des employeurs qui lui paient une taxe dans la même position qu'un Conseil municipal vis-à-vis des contribuables de la municipalité. Mais cet idéal est probablement irréalisable à cause de la complexité du monde économique, et, de toute façon, le projet de loi 126 ne va nullement en ce sens.

Le projet 126 accorde à la commission un pouvoir de taxation pouvant atteindre 1% d'une certaine masse salariale déterminée par règlement de la commission. Sur la base de la masse salariale définie par la C.A.T., cela pourrait donner des revenus de près de $200 millions actuellement à la commission. Or, les besoins financiers de la Commission du salaire minimum en 1977-1978 n'étaient que de $10 millions, incluant dans ces $10 millions $2.6 millions perçus pour des services du ministère du Travail. La limite de 1% n'est donc pas à proprement parler une limite, et, par rapport à ses besoins, la commission jouit en quelque sorte d'un pouvoir illimité de taxation. Mais, si l'on accorde un pouvoir de taxation à un organisme autonome, il est naïf de croire qu'un tel pouvoir restera inutilisé. C'est l'intérêt des fonctionnaires d'un organisme de l'Etat de dépenser le plus possible, puisque leur importance dépend de l'importance de leur budget. Nous ouvrons donc la porte à des dépenses faites pour elles-mêmes, sans aucune finalité sociale ou économique. Dépenser pour dépenser. Grossir le budget de la commission pour grossir l'importance de ses fonctionnaires et les salaires de ses hauts-fonctionnaires. C'est une mécanique connue et infernale qui a rongé à pure perte les budgets attribués à l'Etat par le passé et contre laquelle le gouvernement actuel ne possède pas de protection particulière. Mieux vaut alors ne pas s'engager sur une telle voie.

Les années qui viennent obligeront tous les gouvernements à rendre des comptes plus rigoureux à leurs contribuables. L'analyse de la pensée politique contemporaine et l'orientation des nouvelles recherches scientifiques le prouvent abondamment. Cette analyse et ces recherches scientifiques pourraient ici nous servir de guides et nous éviter de nous engager dans un programme gouvernemental qui, par sa structure même, a toutes les apparences d'un panier percé. Au contraire, un programme de "surveillance des normes du travail" confié à un ministère avec un budget spécifique, réanalysé chaque année en regard de ses objectifs propres et de son efficacité, puis adapté selon les besoins réels, pourrait présenter un mode d'administration publique plus responsable et plus sain. Enfin, la surveillance des normes du travail étant un service de l'Etat s'adressant à l'ensemble des citoyens, rien ne peut justifier que ce service soit payé autrement que par les revenus généraux de l'Etat, conformément à des budgets approuvés par l'Assemblée nationale.

e) L'expérience des autres

Dans aucune autre province canadienne, il n'existe telle chose qu'une taxe spéciale payée uniquement par les entreprises pour la surveillance des normes du travail et du salaire minimum, ni telle chose qu'une commission autonome ayant le pouvoir de lever une telle taxe. Le financement du service de surveillance des normes du travail émarge, dans tous les cas, au budget régulier de l'Etat et est soumis au contrôle normal du Parlement. De même, quoique le nom des organismes change d'une province à l'autre et que les structures de consultation soient plus ou moins complexes, l'organisme chargé de la surveillance des normes fait partie de ce qui est à peu près l'équivalent d'un ministère du Travail.

Le cas du Manitoba est particulièrement significatif. Les normes du travail sont la responsabilité d'un service du ministère du Travail auquel est adjoint un "Labor Board". En particulier, à propos du salaire minimum, s'il appartient au lieutenant-gouverneur en Conseil d'en fixer le taux, il existe par ailleurs non pas un, mais des "Minimum Wage Boards", sortes de "conseils consultatifs sectoriels et paritaires" ayant un mandat de recherche et de recommandation.

f) Notre proposition — Que le service de surveillance des normes du travail soit un service du ministère du Travail. — Que le budget de ce service soit intégré au budget régulier du ministère du Travail et soumis au contrôle normal de l'Assemblée nationale.

5- Les règles de la consultation

La consultation préalable à l'adoption d'un règlement est assurée par les mécanismes prévus dans les articles 32 à 35: publication préalable du projet de règlement dans la Gazette officielle, période de 60 jours pour la formulation des objections, enquêtes et études par le ministère sur ces objections, approbation et publication définitive par la suite. Dans le contexte où la portée réelle de la loi est déterminée par les règlements, une telle procédure apparaît comme une protection minimum absolument nécessaire contre l'arbitraire et l'improvisation. Cette procédure permettrait, entre autres choses, à l'Assemblée nationale de reprendre en partie son autorité législative par le recours à une Commission parlementaire sur les sujets les plus importants.

Nous appuyons donc tout à fait l'esprit et la lettre des articles 32 à 35 inclusivement. Mais les articles 36 et 37 détruisent la portée de ce qui précède. Nous demandons que ces deux articles soient biffés tout simplement.

a) L'article 36

En effet, l'article 36 autorise le gouvernement à approuver les règlements de la commission, et ses propres règlements édictés en vertu des articles 86 à 90, "sans publication préalable si l'urgence de la situation ou l'intérêt public" l'impose.

Mais, qu'est-ce que signifie "urgence" quand on parle des "normes générales" qui, par définition, doivent être relativement stables et qui ne doivent être changées qu'en considération d'une réalité ne changeant pas elle-même par soubresauts brusques et imprévisibles? La seule forme d'"urgence" que l'on puisse imaginer dans ce contexte serait le fait d'un retard administratif malgré des promesses antérieures. Simplifier alors la procédure, ce serait récompenser la mauvaise administration.

Par contre, l'article 36 devient une porte de sortie trop facile quand les procédures de consultation peuvent être embarrassantes. Par exemple, la commission doit trouver quelques millions de plus pour boucler son budget, ayant été trop prodigue ou les "services rendus au ministère du Travail", pour lesquels la commission paie sans exercer de conrôle, ayant dépassé les prévisions. En conséquence, il faut, par règlement, changer la masse salariale imposable. Il est alors tentant de déclarer "urgent" un tel changement, puisque l'on évite de cette façon un débat public.

Il s'agit d'une nouvelle loi. Le terrain est, si l'on peut dire, encore propre. Ne pourrait-on pas espérer que le gouvernement impose à la "nouvelle" commission et s'impose à lui-même dans le cadre de cette nouvelle loi une éthique plus élevée?

b) L'article 37

Comme si l'article 36, qui permet sous le prétexte de "l'urgence" de passer outre à la consultation, ne suffisait pas, le projet de loi ajoute encore l'article 37 qui dit simplement que, avec ou sans raison, le gouvernement et la commission peuvent toujours passer outre aux règles de la publication préalable contenues dans les articles 32 à 35. Aussi bien dire que le gouvernement et la commission appliqueront les articles 32 à 35 quand bon leur semblera.

L'article 37 frise la provocation si on le compare aux exigences que le gouvernement a envers les simples citoyens. Un citoyen qui doit se soumettre à une série de démarches pour obtenir une autorisation sait que la loi lui imposant de telles démarches se termine par des "pénalités" pour le contrevenant. S'il ne suit pas correctement la procédure, non seulement le citoyen n'est pas traité comme s'il l'avait suivie, mais encore il risque fort de payer l'amende.

Mais quand c'est le gouvernement et ses organismes qui sont en cause, non seulement le défaut de respecter les règles ne leur coûte rien, mais encore tout se passe comme si les règles avaient été respectées.

c) Conclusion

Que le gouvernement fasse à ce sujet un choix clair. Ou bien il doit effacer les articles 36 et 37, faisant alors des préavis et des consultations une règle stricte qu'il s'impose de respecter comme il l'impose aux autres. C'est notre proposition.

Ou bien, il doit effacer tous les articles sur la fausse consultation, à savoir les articles 32 à 37. La loi aura alors le mérite de dire clairement ce qu'elle veut dire: "Les règlements sont édictés selon le bon plaisir du prince."

6. Les coûts inhérents à l'application des nouvelles normes

La plupart des normes fixées par la loi 126 sont déjà entrées dans les moeurs, d'abord par l'évolution normale de la vie économique, ensuite par la formulation, les unes après les autres, de diverses ordonnances sous l'autorité de la "Loi du salaire minimum". Mais, en même temps, le projet de loi élève des normes anciennes et en propose de nouvelles. A propos de ces normes nouvelles, nous avons déjà dit qu'elles étaient, prises une à une, acceptables. Il reste à étudier la question de savoir s'il est opportun de les promulguer toutes en même temps.

L'application de chaque norme de travail implique un certain coût pour l'ensemble de l'économie. Une analyse rigoureuse de la "capacité de payer" de notre économie devrait normalement permettre au gouvernement d'évaluer l'opportunité de promulguer en même temps plusieurs normes nouvelles. A notre connaissance, une telle analyse n'existe pas.

Il faut considérer en particulier, à ce propos, le fait que le taux du salaire minimum est exceptionnellement élevé au Québec. Pour justifier les élévations récentes du salaire minimum, d'ailleurs, le gouvernement rappelait, en particulier, que les autres normes de travail représentaient un poids économique moins lourd au Québec qu'ailleurs au Canada. En suivant ce même raisonnement, le gouvernement devrait être amené aujourd'hui à ne changer ces autres normes que graduellement, et dans la mesure seulement où le taux du salaire minimum ailleurs au Canada aura rejoint celui en vigueur au Québec.

Les normes nouvelles qui représenteront des coûts non-productifs supplémentaires pour les entreprises du Québec sont les suivantes: — La semaine normale de travail est réduite de 45 à 44 heures. En ce faisant, le Québec s'ajuste à la bonne moyenne canadienne, et en particulier, à la norme appliquée en Ontario. La norme est sûrement réaliste. Elle est quand même l'un des facteurs à considérer dans le calcul des nouveaux coûts imposés aux entreprises. — Le temps supplémentaire devrait être payé auparavant à un taux une fois et demie supérieur au salaire minimum. A l'avenir, il serait payé une fois et demie le taux du salaire effectif. C'est là, en réalité, la règle la plus courante chez les principaux partenaires économiques du Québec Mais en considérant le niveau élevé du salaire minimum, le même calcul n'a pas les mêmes conséquences au Québec. Le coût de cette nouvelle norme, à lui seul, serait très élevé et doit faire l'objet d'une étude attentive. — Le temps d'attente d'un salarié disponible pour un travail à la demande de son employeur, mais ne travaillant pas, devait être payé auparavant sur la base du salaire minimum. A l'avenir, c'est le salaire normal du salarié en cause qui s'appliquerait. A ce sujet, on doit faire la même remarque que pour le cas précédent. — Les jours chômés et payés seront au moins au nombre de trois, selon le projet 126 et la Loi sur la fête nationale, alors qu'il n'y en avait aucun avant 1977 et un seulement depuis cette date. La règle la plus répandue au Canada fixe le nombre de congés payés et chômés à au moins six. Sur ce point, le Québec aura donc encore un retard à combler, retard qui sera comblé par simple règlement. Le fait d'ajouter des congés payés alors que le salaire minimum est plus élevé qu'ailleurs, d'une part, l'incertitude quant au nombre de congés payés dans un proche avenir, d'autre part, ne sont pas des facteurs favorables tout au moins pour les petites entreprises. Il aurait mieux valu: premièrement, que la loi elle-même fixe les congés correspondant aux coutumes établies (ils seraient au nombre de six: le jour de l'An, le vendredi-saint, la St-Jean, la fête du Canada, la fête du travail et la Noël); deuxièmement, que les "dispositions transitoires" répartissent l'entrée en vigueur de cette disposition sur un certain nombre d'années (par exemple, en ajoutant un congé par an pendant cinq ans). — Les vacances annuelles de trois semaines après dix années de service ne sont pas une norme très répandue chez nos principaux partenaires économiques. La règle de base en Ontario est celle qui existe déjà au Québec: deux semaines pour tous avec une indemnité correspondant à 4% du salaire annuel. Les trois semaines après dix ans sont, en principe, une règle fort raisonnable. La question pratique est de savoir combien d'entreprises seront touchées, quels déboursés supplémentaires cela représentera dès la première année, et comment ce facteur affectera l'équilibre des entreprises marginales. Il y aurait sûrement lieu, tout au moins, de penser ici à une entrée en vigueur graduelle d'une telle mesure, allongeant les vacances annuelles d'une journée à la fois et non pas d'une semaine d'un même coup. — D'autres mesures plus particulières représenteront de nouveaux coûts pour les entreprises. Par exemple, la période de repas rémunérée dans certaines conditions ou les congés payés dans le cas du décès d'un proche.

Aucune des normes contenues dans le projet de loi 126 ne nous paraît en elle-même inacceptable. Notre propos est seulement, ici, de demander au gouvernement de ne pas traiter chacune de ces normes comme un cas isolé, mais au contraire d'analyser l'ensemble des facteurs représentant des coûts non-productifs pour les entreprises d'ici et de comparer cet ensemble à ce qui est supporté par les entreprises des autres régions. Une telle étude conduirait probablement à étaler dans le temps la mise en vigueur des nouvelles normes de façon à minimiser leur impact économique. Sans une telle étude, nous avançons au hasard.

7. La place des négociations collectives

Notre dernier commentaire général portera sur le sens des articles 91 et 92 qui rendent les normes du travail "d'ordre public" (art. 91) et qui rendent nulle et sans effet une convention librement négociée qui changerait l'une ou l'autre de ces normes (art. 92).

Nous croyons que les normes portant sur le salaire minimum, sur les vacances annuelles, sur les congés payés et sur le congé de maternité doivent être d'ordre public, mais non pas les autres normes.

En effet, la négociation, en tenant compte du contexte particulier à une entreprise et à un groupe de salariés, pourrait conduire à une sorte d'échange entre un avantage proposé par les normes générales du travail et un avantage désiré par les personnes en cause. Par exemple, le paiement du temps supplémentaire, parce qu'il est en grande partie rongé par les impôts, peut fort bien être moins désirable qu'un congé supplémentaire, ou qu'une plus grande flexibilité des horaires de travail. Sur les chantiers éloignés, les salaires élevés tiennent compte d'une semaine de travail plus longue, et les longues périodes de congé à tous les deux ou trois mois sont préférées aux congés hebdomadaires. Les différentes formes de travaux saisonniers commanderont aussi des règles particulières.

On n'imagine pas que la réglementation puisse prévoir, en multipliant les exceptions, tous les cas particuliers. Si telle était l'ambition de la réglementation, elle deviendrait en fait inextricable et inadministrable. Au contraire, les conventions collectives négociées, par leur nature même, s'adaptent aux situations les plus diverses, sans que le règlement qui convient à un chantier exceptionnel ne soit appliqué à d'autres groupes.

Il reste entendu par ailleurs qu'en l'absence d'une convention collective signée conformément à toutes les exigences du Code du travail ou de la loi 290, l'ensemble des normes générales du travail s'appliquerait.

DEUXIÈME PARTIE

Analyse de quelques articles du projet de loi Les définitions

— Article 1

Les définitions proposées dans l'article 1 ne sont pas toutes satisfaisantes et ne permettront pas de régler certains problèmes d'interprétation.

Ainsi, le mot "convention" s'appliquerait maintenant à un contrat individuel de travail, ce qui n'est pas conforme au sens que le mot "convention" a généralement dans les lois du travail. Pour éviter une confusion inutile, il suffirait que le texte même de la loi utilise au besoin les deux expressions: "contrat individuel de travail" et "convention collective de travail". Par contre, au paragraphe j), la "convention" est devenue un "contrat de travail".

La définition du mot salarié est manifestement trop large. Le tondeur de gazon, le livreur de journaux, le "baby-sitter", le pelleteur de neige, le jardinier d'occasion seraient-ils maintenant des salariés au sens de la loi 126?

Par ailleurs, des mots clés dans certaines parties de la loi n'ont pas de définition précise. En particulier, une définition claire des mots CADRE, DOMESTIQUE et ENTREPRISE serait nécessaire à l'intelligence de la loi.

Le domestique

— Article 3

Le domestique qui réside chez son employeur ou qui travaille plus de 30 heures pour un même employeur serait maintenant couvert par la loi. C'est une règle en principe tout à fait acceptable. Cependant, il faut se demander si elle est vraiment applicable, si les moyens de contrôle nécessaires pour l'appliquer efficacement ne seraient pas exagérément coûteux, si encore ces moyens de contrôle ne représenteraient pas une intrusion excessive de l'Etat dans la vie des foyers?

Si le domestique est un salarié au sens de la nouvelle loi, le foyer qui l'emploie est un "employeur" au sens de la même loi. Cela signifie que ce foyer devrait connaître et appliquer, entre autres, les règlements édictés en vertu de l'article 29d) à 29g), et ceux de l'article 45. Est-il assuré que ces "nouveaux employeurs" pourront devenir facilement des "employeurs professionnels" au goût du fonctionnarisme?

Il y a enfin des questions à poser sur les conséquences qu'aurait cette loi sur l'offre et la demande de travail dans ce domaine. L'application de cette nouvelle règle affecterait probablement le marché du travail de deux façons: 1) elle diminuerait la disponibilité de certaines personnes ayant une compétence professionnelle reconnue, utiles sur le marché du travail, mais retenues à la maison par des travaux domestiques; 2) elle diminuerait l'offre de travail pour un personnel capable d'accomplir correctement des travaux domestiques, mais non qualifié pour être intégré au marché du travail.

Nous croyons que le gouvernement, avant de pousser plus avant cet aspect de son projet, devrait faire une étude précise de ses diverses conséquences. Peut-être serait-il conduit alors à une solution plus souple.

La commission

Nos considérations générales qui forment la première partie de ce mémoire justifient largement notre proposition de remettre entièrement en cause le principe même d'une commission autonome des normes du travail. Si, par contre, l'idée d'une telle commission devait quand même être retenue, les commentaires suivants devraient être pris en considération. — Article 5

Parmi les fonctions de la commission, pour être cohérent avec l'article 103, il faut prévoir la fonction d'enquête. — Articles 22 et 23

Les articles 22 et 23 accordent aux membres de la commission une forme d'immunité qui s'inspire de cette idée fort détestable que les règles qui s'appliquent à tous ne s'appliquent quand même pas au gouvernement et à ses organismes. Dans la présentation qu'elle fait d'elle-même dans son rapport annuel 1977-1978, la Commission du salaire minimum dit, en interprétant sa loi constitutive: "Elle est une corporation ayant les pouvoirs, droits et privilèges d'une corporation civile ordinaire". Cette définition est bonne et c'est pourquoi toutes les règles ordinaires du Code de procédure civile doivent s'appliquer dans son cas comme pour toutes "les corporations civiles ordinaires".

L'immunité est, de toute façon, un mauvais principe de gestion. Des dirigeants trop bien protégés sont sûrement moins attentifs à la qualité de leur gestion. Les règles de la responsabilité doivent s'appliquer dans la fonction publique aussi bien qu'ailleurs.

Par ailleurs, le projet de loi 126 ne prévoit aucun droit d'appel des décisions de la commission. Ainsi, nous avons des dirigeants qui ne portent pas la responsabilité de leurs décisions, d'une part, et ces décisions sont sans recours, d'autre part. Ces deux éléments ne vont pas ensemble, si l'on veut protéger les citoyens contre l'arbitraire.

Nous demandons de biffer les articles 22 et 23, d'une part; de prévoir dans un article nouveau un droit d'appel des décisions de la commission, d'autre part. — Article 29

L'article 29 donne un pouvoir de réglementation à la commission sur des sujets de nature très diverse, et sans faire les distinctions qui s'imposent. Cet article devrait en fait être scindé en trois de façon à distinguer et à soumettre à des règles différentes trois genres de règlements: a) les règlements de régie interne (paragraphes a, b et c), qui ne posent aucune difficulté particulière; b) les règlements applicables aux entreprises (paragraphes d, e, f et g), à propos desquels une procédure de consultation auprès des entreprises doit être suivie de façon très stricte; c) enfin, le règlement par lequel la commission lève un impôt sur les entreprises (paragraphe h), un tel règlement devant être soumis à un contrôle direct de l'Assemblée nationale.

A propos de ce paragraphe h), nous voulons en particulier insister sur le fait qu'il attribue à une commission autonome un pouvoir de taxation. Nous répétons notre proposition principale à ce sujet, à savoir que la commission ne doit pas avoir le pouvoir de prélever une taxe sur des entreprises auxquelles ladite commission ne vend pas de services directs. Si, cependant, la commission devait continuer à percevoir une telle taxe, le moins que l'on puisse demander, c'est que le règlement sur le "prélèvement" soit soumis à l'approbation de l'Assemblée nationale, après analyse des budgets de la commission eu égard à ses objectifs et à son rendement.

A propos de ce paragraphe h) encore, il y aurait lieu de prévoir que soient exemptés du "prélèvement" les employeurs qui contribuent à un comité paritaire en vertu de la loi des décrets de convention collective et ceux qui sont assujettis à la loi sur l'industrie de la construction. Pour ces employeurs, en effet, le prélèvement de la commission constituerait une double taxation. — Articles 36 et 37

Biffer ces articles. Voir nos commentaires à ce sujet dans la première partie. — Article 38b)

On donne à la commission le pouvoir d'"établir le salaire payé à un salarié". Il s'agit probablement de constater et de vérifier les faits, mais la formule utilisée est ambiguë. — Article 38i)

Biffer l'expression "malgré toute loi à ce contraire". Voir à ce sujet nos commentaires sur l'immunité des organismes de l'Etat et, en général, sur cette mauvaise conception du rôle d'un gouvernement qui ne s'impose pas de respecter les règles qu'il impose aux autres.

Le salaire — Article 39

Nous sommes d'accord pour que le taux du salaire minimum soit fixé par règlement du gouvernement, à condition toutefois que les articles 36 et 37 soient biffés. Le fait d'enlever ces articles permettra d'établir une procédure de consultation acceptable et évitera l'improvisation. — Article 43 "une enveloppe scellée"...

Une précaution inutile. Les moeurs ordinaires laissent place à plus de confiance entre les citoyens et il serait quand même triste que la loi force l'évolution sociale vers plus de méfiance et plus de standardisation, quand ce n'est pas absolument nécessaire. — Article 45c)

Au lieu de "emploi occupé par le salarié", il faut écrire: "identification de la fonction du salarié". En effet, avec l'utilisation des ordinateurs, les descriptions sont souvent remplacées par des codes. L'identification par un code devrait suffire dans ce cas-ci. — Article 49

La rédaction de cet article doit être telle qu'elle ne rende pas illégale la formation d'un "pool", comme c'est la coutume dans les restaurants dont le service "à la française" est complexe et suit les règles de la cuisine internationale.

De plus, l'expression "frais de service ajoutés à la note du client" est trop vague. Les frais de service ajoutés à la note du client de l'Hydro-Québec, par exemple, ne sont pas ici en cause. Il faudrait préciser que l'on parle d'une note d'hôtel et de l'addition au restaurant.

La durée du travail — Article 54

L'effet de cet article est de remplacer le "salaire minimum" par le "salaire horaire effectif" pour le calcul du salaire dû pour le temps supplémentaire. Cela impliquera des coûts nouveaux pour bon nombre d'entreprises. Il est alors important de faire précéder la mise en vigueur d'une telle décision par une analyse sérieuse de l'ensemble des coûts impliqués par les nouvelles normes, comme nous l'avons dit dans la première partie de notre mémoire.

D'autre part, il faut prévoir la possibilité que le temps supplémentaire soit remis à un employé en congés payés plutôt qu'en salaire supplémentaire.

Les jours fériés — Article 59

La loi devrait être explicite sur ces congés fériés, et non pas laisser le nombre et le choix des congés fériés au pouvoir de réglementation de l'Exécutif.

Les six congés payés généralement admis au Canada pourraient dès maintenant être fixés par la loi. Par contre, les "dispositions transitoires" de la loi devraient prévoir l'étalement dans le temps de leur entrée en vigueur, de façon à attendre le moment où l'ensemble des normes du travail, y compris le taux du salaire minimum, ait atteint un point d'équilibre entre le Québec et les autres régions avec lesquelles nous entretenons des relations commerciales et industrielles suivies. — Article 64

L'article 64 doit prévoir le cas des travaux saisonniers pour lesquels un salarié peut avoir été engagé pour une dizaine de jours et plus dans les trente jours précédant un jour férié. Il suffirait d'appliquer à ce cas l'esprit de l'article 81.

Les congés divers —

Ajouter intégralement les conditions contenues à l'article 64. — Article 81

La règle du préavis d'une semaine, la première année d'emploi, et de deux semaines par la suite, place le Québec à peu près au même niveau que les autres provinces canadiennes. Cependant, dans aucun cas autre que le projet de loi 126, le préavis n'est obligatoire dès la première journée d'un engagement. La règle la plus commune est de rendre obligatoire le préavis après trois mois de travail. La fin du premier paragraphe de l'article 81 devrait donc se lire: "le salarié qui justifie de moins de douze mois et de plus de trois mois de service continu".

— Article 83

Le sens de cet article ne doit pas interdire à un employeur de décrire la qualité du travail ou la conduite d'un salarié, surtout si cela est favorable à ce dernier. La rédaction de l'article doit dire clairement que le salarié peut obliger un employeur à lui donner un certificat réduit aux éléments proposés, et ne peut l'obliger à rien d'autre. Par contre, la loi ne doit pas interdire un certificat plus complet, ni non plus en faire une obligation. Il faudrait donc rayer la dernière phrase de l'article.

Autres normes

— Article 85

Comme nous l'avons montré plus haut, cet article fourre-tout, qui laisse au pouvoir de réglementation un champ ouvert, est inutile. Les "primes, indemnités et allocations diverses" font partie de la rémunération et ce sujet peut être introduit à l'article 87a), parlant des règlements sur le salaire minimum. Pour ce qui est des autres sujets contenus dans cet article, ils relèvent tous déjà d'autres lois et règlements.

Les règlements — Article 87a), g) et h)

Lire au paragraphe a): "Salaire minimum, de même que les primes, indemnités et allocations qui en font partie en certains cas". Biffer les paragraphes g) et h). Voir à ce propos nos commentaires sur l'article 85. — Article 90

Ecrire: "les articles 32 à 35", et non pas: "les articles 32 à 37", puisque les articles 36 et 37 annulent l'effet des articles 32 à 35. Voir nos commentaires dans la première partie.

L'effet des normes

— Article 92

L'article 92 ne devrait s'appliquer que dans le cas du salaire minimum, des vacances annuelles, des jours fériés et du congé de maternité. Une convention collective signée conformément au Code du travail devrait pouvoir statuer librement à propos des autres normes.

Les recours

— Article 108a)

Compléter ce paragraphe par les mots: "se rapportant à l'application de la présente loi ou d'un règlement".

— Article 115

Pourquoi placer l'application de cet article sous l'autorité du Code du travail et d'un "commissaire du travail"? La commission a ses propres enquêteurs. C'est la commission qui est compétente pour juger des matières auxquelles se réfère l'article 114.

La faillite — Articles 123, 124 et 125

Le problème du paiement des salaires dus en cas de faillite a fait déjà l'objet de nombreuses discussions et recherches, sans que personne n'ait encore proposé une solution tout à fait satisfaisante. La loi 126 ne contient pas de solution, mais elle règle quand même la question en deux temps trois mouvements: les fonds de la commission et ses règlements. C'est une façon d'échapper à une question qui mérite plus d'attention.

La loi à propos des faillites doit être précise: l'engagement des créanciers hypothécaires, entre autres choses, en dépend, et donc une bonne part du financement des entreprises, en particulier la disponibilité du capital de risque. La concordance entre les lois fédérales et provinciales sur le sujet est essentielle. Nous ne sommes manifestement pas dans un domaine où le Législateur peut déléguer un pouvoir de faire des règlements en lieu et place des lois.

La commission indemnisant les salariés en cas de faillite devra-t-elle ensuite refiler la note au failli? Deviendra-t-elle un créancier privilégié? Si elle absorbe la note sans recours contre le failli, qu'est-ce qu'il en coûtera aux contribuables de la commission? Dans quelle limite pourra agir la commission? Comme nous avons démontré que la commission a un pouvoir de taxation tout à fait disproportionné par rapport à ses besoins, on peut imaginer facilement que la commission pourrait être indéfiniment généreuse.

Pour l'instant, le gouvernement doit considérer la question des faillites comme un sujet d'étude. Quand des études sérieuses lui permettront de faire des propositions concrètes et complètes sur ce sujet à l'Assemblée nationale, il ajoutera alors, à la "Loi sur les normes du travail" ou dans un autre cadre juridique, selon les résultats des recherches, la pièce législative manquante.

Nous proposons donc que le chapitre IV soit renvoyé au ministère du Travail pour plus amples études.

C.P.Q. Mars 1979

ANNEXE B

Mémoire sur le projet de loi no 126

présenté par la coalition des normes minimales du travail

à la Commission parlementaire du travail

de l'Assemblée nationale du Québec

Mars 1979

Avant-propos: La réalité vécue des salarié(es) minimum

Bien que la grande majorité des travailleurs québécois soit couverte par la Loi du salaire minimum, elle s'applique, en pratique, aux non-syndiqués, soit près de 1,800,000 personnes. On évalue à environ 300,000 le nombre de ces travailleurs qui sont au bas de l'échelle, gagnant à peine le salaire minimum. De plus, 75% des salariés minimum au Québec sont des femmes, souvent immigrantes.

Cette catégorie de travailleurs (62% environ) est inorganisée et donc sans voix pour s'exprimer publiquement et sans organisme représentatif pour se défendre face à l'arbitraire patronal. Couverts par une loi du salaire minimum désuète — elle a plus que 40 ans, pleine de trous, peu appliquée et peu connue — sans protection réelle d'aucune sorte et isolés, ces travailleurs sont souvent les plus exploités et les laissés pour compte des réformes législatives dans le domaine du travail, et ce malgré leur très grand nombre. De plus, même avec les récents amendements apportés au Code du travail par la loi no 45, les obstacles à la syndicalisation restent énormes, parfois même insurmontables, pour un bon nombre de salariés minimum, comme les travailleurs temporaires et à temps partiel et ceux qui se trouvent dans des unités de travail très réduites (1 ou 2 employés), comme des serveurs(seuses), vendeurs(euses), employés(es) domestiques et agricoles, par exemple. C'est d'ailleurs dans ces secteurs d'activité économique qu'on retrouve le plus haut pourcentage de salariés minimum et d'infractions patronales directes et indirectes à la loi du salaire minimum.

En 1977, la Commission du salaire minimum, organisme chargé d'appliquer la loi, reçut et examina 3,780 plaintes déposées par des individus et des groupes d'employés. Grâce aux plaintes logées auprès de la commission au cours des dernières années, environ 30,000 personnes ont reçu annuellement des salaires rétroactifs qui leur étaient dus. Cependant, il semble que ces plaintes ne représentent que la pointe de l'iceberg, et qu'un nombre beaucoup plus important de travailleurs reçoivent moins que le salaire minimum ou ne sont pas payés en temps supplémentaire, etc. Par peur ou par ignorance, ces travailleurs ne portent pas plainte et subissent en silence ces illégalités.

Même si le Québec affirme posséder un salaire minimum plus élevé que les autres provinces, d'autres facteurs, tels que le manque de congés statutaires, le paiement des heures supplémentaires, etc., replacent cet avantage dans un plus juste contexte.

De plus, le Québec ayant toujours été la province du "cheap labor", on y retrouve proportionnellement plus de salariés minimum qu'ailleurs au Canada, sans oublier le fait que le Québec est la seule province à permettre un taux minimum de salaire horaire inférieur pour les employés recevant habituellement des pourboires, en omettant cependant de rendre ces pourboires obligatoires.

Les objectifs de la Loi sur le salaire minimum, selon la Commission Castonguay, sont: — protéger les travailleurs contre l'exploitation et la pauvreté; — réduire la pauvreté et l'insuffisance des revenus; — permettre aux travailleurs de participer à l'amélioration de la qualité de la vie qui devrait normalement accompagner le progrès économique.

De fait, la loi contribue grandement à perpétuer cette pauvreté et cette exploitation qu'elle voudrait soulager. Le rapport Castonguay lui-même, un document pourtant conservateur, émet cette critique: "La loi sur le salaire minimum au Québec est incomplète et arriérée si on la compare aux dispositions contenues dans les ententes collectives".

Nous pourrions ajouter à ce constat du rapport Castonguay un autre constat tout aussi juste. Non seulement cette loi est arriérée, mais elle est également violée chaque jour par des employeurs, contre lesquels on prend bien peu de mesures correctives et punitives vraiment efficaces, susceptibles de

freiner définitivement tout abus et toute illégalité. De plus, des milliers de travailleurs et travailleuses du Québec en sont exclus, comme les employés(es) domestiques et agricoles, par exemple. Nous voulons bien croire que certains genres d'emploi nécessitent des aménagements particuliers, mais de là à exclure totalement des catégories entières de travailleurs de la protection d'une loi minimale, rappelons-le, il y a une marge que l'on pourrait assimiler à une forme de discrimination ou de cécité volontaire pour des raisons de facilité, de mépris ou d'exploitation économique pure et simple.

Avant de passer à l'analyse du projet no 126, nous voudrions faire remarquer à l'Honorable Ministre du Travail, M. Pierre-Marc Johnson, que le délai dévolu à la population du Québec et aux divers organismes et regroupements qu'elle s'est donnée pour prendre la parole publiquement, nous paraît bien court face à l'importance d'un tel projet de loi. Il est vrai que nous l'attendions depuis longtemps.

Ceci n'est pas sans nous rappeler la parution, en plein été, du projet d'ordonnance sur le congé de maternité, alors que toutes les activités sociales et politiques, y compris celles de l'Assemblée nationale, fonctionnent au ralenti.

Néanmoins, nous vous présentons ce mémoire, en espérant que vous prendrez sérieusement en considération son contenu et que vous agirez le plus vite possible à ce propos, afin de mieux servir les intérêts de tous les travailleurs et travailleuses du Québec.

Chapitre I: Définitions

Nous ne recommandons aucun amendement particulier à ce chapitre.

Chapitre II: Le champ d'application

Nous nous sommes souvent exprimés au sujet des exclusions de la loi du salaire minimum. Vous avez d'ailleurs déjà pris connaissance de notre point de vue là-dessus, à la fin de l'avant-propos de ce mémoire. Nous sommes conscients que certains aménagements particuliers, telle la question de la pension (frais de logement, de repas) par rapport au taux minimal de salaire horaire, sont nécessaires en ce qui concerne le personnel domestique et agricole. Cependant, il nous semble discriminatoire et injuste socialement d'exclure totalement certains de ces travailleurs de la protection, des recours et des conditions minimales assurés par une loi, qui doit s'appliquer à tous, dans une optique démocratique et d'égalité des droits. C'est pourquoi, nous réclamons une fois de plus, que l'on abolisse toute exclusion au chapitre de l'application des normes minimales, afin de protéger tout le monde et de mettre un frein à l'exploitation et au chantage subis par ces travailleurs(euses), qui sont souvent des employés saisonniers ou des immigrants(es) sur permis de travail, donc inorganisés, vulnérables, et sans autre recours que ceux accordés par une loi générale.

Chapitre III: La Commission

A ce chapitre, nous recommandons que partout où l'on emploie le verbe "pouvoir" pour définir ce qui, d'après-nous, a trait aux devoirs de la commission, c'est-à-dire sa raison d'être et son rôle, on remplace ce verbe "pouvoir" par le verbe "devoir", afin de bien marquer une véritable volonté de faire appliquer la nouvelle loi des normes minimales, (ex.: articles 29 (d), (e), (h) et 123).

En ce qui concerne les membres de la commission, nous demandons que les six autres postes, à part celui de président nommé par le gouvernement, soient répartis également entre le monde patronal et le monde ouvrier (ex.: représentants d'associations d'employeurs et de salariés), ceci afin d'assurer une meilleure représentativité de la commission face à ces deux milieux directement impliqués dans le domaine du travail.

Nous demandons qu'on ajoute, à l'article 11, la mention "suivant les règlements établis à cet effet", règlements qui, d'après nous, doivent s'appliquer à tout organisme relevant du gouvernement. Nous réclamons qu'on supprime l'article 17, pour des raisons de démocratie élémentaire, surtout dans un organisme comme la commission.

A l'article 24, nous demandons qu'une décision, prise par un membre de la commission en conflit d'intérêts, puisse être annulée et que des poursuites puissent être intentées contre le contrevenant.

L'article 29 (h) établit les sources de revenu de la commission donc son budget de fonctionnement. A ce sujet, nous insistons pour qu'on augmente le budget de la commission, afin de pouvoir engager plus d'inspecteurs pour être en mesure d'effectuer un meilleur contrôle sur l'application effective de la loi, par des enquêtes de routine plus nombreuses, par exemple. En effet, il y a près de 95 000 entreprises couvertes par la Loi du salaire minimum au Québec et, il n'y a que 135 inspecteurs pour couvrir tout cela. Nous trouvons cette situation inacceptable, lorsqu'on a à coeur de prendre tous les moyens possibles pour faire respecter une loi.

Un budget accru permettrait aussi à la commission de faire plus de publicité sur les normes minimales et sur les recours offerts aux salariés pour défendre leurs droits. En effet, une des grandes causes du non-respect des conditions minimales est l'ignorance de leurs droits et recours où se trouvent les travailleurs concernés. Toujours dans un but d'information, nous recommandons que tout employeur soit tenu de remettre à tout salarié une copie vulgarisée de la nouvelle loi des normes minimales, ou

encore d'afficher cette copie dans un endroit visible et accessible, sur les lieux de travail. De plus, la commission devrait publier deux fois par an, dans les journaux, les noms des employeurs ayant contrevenu à la loi, ainsi que le nombre d'offenses.

Nous demandons également qu'on supprime les articles 36 et 37, parce qu'ils contredisent l'article 32 et qu'ils portent atteinte au droit du public à l'information et à l'expression. Aucun "intérêt public" réel ne saurait être supérieur au droit fondamental à l'information sur les droits légaux individuels et collectifs.

Nous demandons la suppression des paragraphes (I) et (m) de l'article 38. En effet, c'est là donner à la commission un pouvoir discrétionnaire qui entre en totale contradiction avec le fait même de légiférer dans le but d'établir et de faire respecter de nouveaux droits sociaux. A quoi sert-il d'accorder et de définir des normes minimales de travail par voie législative, si l'on permet'à une corporation d'autoriser des pratiques qui pourraient contredire, voire rendre invalides, certaines dispositions prévues par la loi?

Chapitre IV: Les normes du travail

Section I: Le salaire

Au chapitre du paiement du salaire, nous souhaitons que le virement bancaire, prévu à l'article 41, soit fait à la banque, caisse populaire ou société de fiducie choisie par le salarié et, que celui-ci reçoive toujours un bulletin de paye dans ce cas. Cette mesure vise à assurer au salarié un meilleur contrôle sur sa paye, qui lui appartient.

A l'article 48, deuxième paragraphe, il faut ajouter les retenues syndicales aux déductions qu'un salarié ne peut révoquer sur le montant de sa paye. Cet amendement vise à empêcher toute équivoque, confusion ou contradiction au niveau du droit d'association et de la protection syndicale qu'une majorité de travailleurs décident de se donner dans une entreprise, un atelier, un département ou un corps de métier précis. Cet amendement complèterait également les récentes dispositions de la loi no 45.

Pour l'article 49, nous faisons à nouveau remarquer que le Québec est la seule province qui permet un taux minimum de salaire horaire inférieur pour les salariés à pourboires, sans toutefois rendre ce pourboire obligatoire. De plus, les employeurs de la restauration — hôtellerie abusent souvent de l'élément pourboire en rétribuant mal ou en ne payant aucun salaire à leurs employés. Parfois, les employés doivent travailler seulement pour les pourboires ou doivent partager leurs pourboires avec les autres membres du personnel ou avec l'employeur. C'est dans ce secteur de travail que se produit le plus grand nombre d'infractions à la loi, déclarées ou non. Les faits sont éloquents à ce sujet.

Afin de leur assurer un revenu minimum stable et de freiner l'arbitraire patronal dans ce secteur, nous réclamons que le taux du salaire minimum soit le même pour les salariés à pourboires que pour les autres salariés, et que le pourboire soit remis intégralement à l'employé lorsqu'il est perçu par l'employeur.

Toujours au sujet du taux minimum de salaire, nous demandons que la limite d'âge de 18 ans, en-dessous de laquelle le salaire minimum est plus bas, soit portée à 16 ans, puisque le droit officiel au travail est reconnu à partir de cet âge, par rapport à l'âge minimum de scolarisation obligatoire. En cette Année internationale de l'enfant, nous demandons que cette incohérence, qui permet de moins payer un mineur pour un même travail qu'un majeur, cesse définitivement. Ce taux inférieur de salaire pour les mineurs ne saurait être une incitation aux études puisque: 1. La différence entre les deux taux est trop mince pour encourager un jeune à étudier plutôt qu'à travailler. 2. La grande cause de l'abandon des études avant le niveau collégial est le "manque à gagner" familial ou individuel, créé par une combinaison de facteurs socio-économiques divers, qu'entraîne une longue période de scolarisation à temps plein. Accorder un salaire minimum moindre, dans ce contexte, n'aide sûrement pas le jeune travailleur à assumer les frais de la poursuite ou de la reprise de ses études.

Nous recommandons aussi l'établissement de primes dites "d'inconvénients" pour les salariés qui doivent travailler de soir et de nuit, comme cela existe à plusieurs endroits.

Section II: La durée du travail

Au Québec, on calcule le temps supplémentaire d'après le nombre total d'heures travaillées dans une semaine (45 heures). Les travailleurs devant travailler sur deux quarts dans la même journée et seulement 3 heures le jour suivant, jusqu'à un maximum de 45 heures, ne reçoivent aucune compensation pour le temps supplémentaire travaillé. Ceci est susceptible de nuire à la santé du travailleur et à l'harmonie de ses relations familiales, de même qu'à son équilibre.

Une semaine de travail de 45 heures telle qu'exigée par la loi, représente environ 10 heures de plus que ce que la majorité des conventions collectives et des compagnies demandent.

Selon la loi, tous les travailleurs n'ont droit, en temps supplémentaire, qu'au salaire minimum plus 50%, même s'ils gagnent davantage d'habitude, plutôt que leur salaire régulier plus 50%.

La Loi sur le salaire minimum dans les autres provinces, à l'exception de la Nouvelle-Ecosse et du Québec et la plupart des conventions collectives exige le calcul des heures supplémentaires sur une base quotidienne après 8 heures. De plus, dès le début du 20e siècle, les travailleurs obtenaient la reconnaissance légale de la journée de travail normale de 9 heures et, quelque temps après, de celle de 8 heures. S'il faut en croire l'article 51 tel que formulé, le Québec a l'intention de demeurer ancré dans le passé encore quelque temps. En conséquence, nous trouvons l'article 51 tel que formulé, ridiculement arriéré et parfaitement injuste. Nous réclamons donc que le nombre maximum d'heures régulières de travail pour un employé à plein temps soit de 8 heures par jour et, de 40 heures par semaine. Le temps supplémentaire serait basé sur le salaire régulier plus 50% (et non sur le taux minimal), et devrait être calculé sur une base quotidienne après 8 heures.

A l'article 53, nous remarquons qu'on continue à priver le conjont(e) et les enfants d'un employeur d'une protection et de conditions minimales. Nous comprenons que, là également, certains aménagements particuliers sont nécessaires, mais ils ne devraient pas entraîner des conditions de travail inférieures pour ces employés d'une entreprise dite "familiale". En effet, le point de vue actuel qui veut que les employés ayant un lien de parenté direct avec leur employeur soient, en quelque sorte, ses associés et bénéficient des profits réalisés par cet employeur, profits qui se réalisent sous la forme du revenu familial, ce point de vue a souvent pour effet de priver ces employés de certains avantages sociaux (comme l'assurance-chômage, régime de rentes) et de conditions de travail égales à celles des autres travailleurs. De plus, ces employés ne sont souvent pas les véritables associés de l'employeur, ce qui ne leur donne aucun droit réel sur les bénéfices de l'entreprise.

Au sujet des étudiants employés dans une colonie de vacances, les heures de travail trop longues et les temps de repos insuffisants ont souvent des effets néfastes sur leur santé, ce qui est préjudiciable, en définitive, au bien-être des enfants confiés à leur attention. Cette affirmation est facilement verifiable auprès des étudiants en question.

Tout salarié, qu'il travaille aux récoltes, à un poste de cadre ou ailleurs, a droit à une semaine et à une journée de travail normale, du point de vue du progrès social général à ce chapitre et, aussi au niveau de sa santé et de son équilibre personnel et familial. C'est pourquoi, nous demandons que l'on supprime l'article 53 tel que formulé, en ce qui concerne la durée de travail normale aux fins de calcul du temps supplémentaire.

Nous sommes conscients que certains travaux doivent s'effectuer dans des délais étroits et précis, nécessitant donc des aménagements un peu différents. Mais, nous insistons pour qu'on reconnaisse le droit d'un salarié au temps supplémentaire librement consenti. Ce temps supplémentaire devrait être exercé à tour de rôle par les employés d'une même entreprise ou département et, ce en accordant la priorité par ordre d'ancienneté. D'ailleurs, il serait souhaitable, à ce chapitre, qu'on règlemente les heures de fermeture, en particulier celles des commerces, ce qui aurait aussi l'avantage de freiner la concurrence déloyale.

A l'article 58, pour des raisons de meilleur rendement et de santé-sécurité au travail, nous demandons une pause-café obligatoire payée de 15 minutes après chaque 2 heures de travail consécutives, qui se prendra durant l'heure qui suit les 2 heures de travail en question. Cette pause est indispensable à cause de l'état de tension et de fatigue qu'entraîne une trop longue période de travail ininterrompue. Pour illustrer cela, nous pouvons citer les cas des serveuses et vendeuses qui doivent rester longtemps debout, des ouvriers forcés de suivre le rythme d'une machine ou de rencontrer des quota de production.

Section III: Les jours fériés, chômés et payés

A l'article 59, nous recommandons un minimum de 10 jours fériés, chômés et payés (y compris le 24 juin). Lorsqu'un salarié doit travailler durant une de ces journées, l'employeur devrait le rémunérer à temps double, ou lui accorder un congé compensatoire d'une journée dans les 2 semaines avant ou après le jour en question et, ce au choix de l'employé. Cette journée compensatoire devrait être accordée également lorsque le congé férié et payé survient un jour non-ouvrable, à cause du caractère particulier de ces jours fériés, qui donnent souvent lieu à des réunions familiales et qui sont généralement respectés en Amérique du Nord (ex.: Noël, Jour de l'An, Fête du travail etc.). De plus, certaines provinces canadiennes accordent déjà 10 congés fériés et payés.

Section IV: Les congés annuels payés

A l'article 65, nous recommandons que l'année de référence pour un salarié débute à son 1er jour de travail pour un employeur et se termine exactement à la même date, mais un an plus tard. Cette méthode de calcul nous paraît beaucoup plus réaliste que celle qu'on propose.

Nous sommes très heureux qu'on rende enfin obligatoires les vacances annuelles, calculées sur la base du temps, et qu'il ne suffise plus à un employeur de remettre au salarié un 4% sur le salaire reçu pour remplacer cette période de repos annuel. Cette mesure tient enfin compte de l'importance d'un repos annuel pour la santé et le rendement d'un travailleur.

A l'article 68, nous trouvons ridiculement insuffisant qu'on accorde 3 semaines de vacances qu'après 10 ans de service continu chez un même employeur, surtout lorsqu'on constate le fort taux de roulement dans les secteurs d'activité économique à haut pourcentage de salariés minimum, comme la restauration, l'hôtellerie et le commerce de détail. De plus, ces secteurs ont tendance à favoriser l'engagement de travailleurs temporaires et à temps partiel, ce qui exagère encore le taux de roulement du personnel et l'installabilité des conditions de travail.

Faut-il alors en conclure que l'écrasante majorité de salariés couverts par les normes minimales ne pourrait jamais jouir de 3 semaines de vacances? Il semble bien que oui.

Nous considérons qu'une vendeuse, une serveuse, un concierge, un ouvrier(ère) non-syndiqué(e), qui possèdent 3 ans d'ancienneté chez un même employeur, méritent amplement d'obtenir une juste reconnaissance de leur travail, sous la forme d'un congé annuel payé suffisamment long pour constituer un véritable repos.

Nous faisons également remarquer que certains pays européens, comme la France et la Suède, accordent déjà un mois de vacances payées au bout d'un an de travail, et ce depuis des années. Certaines conventions collectives au Québec contiennent également des dispositions dans ce sens.

En conséquence, nous réclamons qu'un salarié justifiant 1 an de travail pour un même employeur, ait droit à 4 semaines de vacances payées (8%), soit 1 2/3 journée par mois. Tout salarié justifiant moins d'un an de service aurait donc droit à autant de journée et deux-tiers de vacances que de mois travaillés. Toute période de vacances ne pourra être fractionnée de façon à ce que l'une des unités soit plus petite qu'une semaine, ce qui permet au travailleur d'obtenir une période ininterrompue de congé annuel assez longue pour se reposer vraiment.

A l'article 71, nous demandons qu'un salarié ait droit de savoir un (1) mois à l'avance la période de son congé annuel, afin qu'il puisse vraiment avoir le temps de prendre les dispositions nécessaires à l'organisation de ce congé, et ce pour des raisons de stabilité et de bien-être individuel et familial. De plus, un employeur peut facilement planifier les périodes de vacances car il connaît son entreprise.

En ce qui concerne l'article 76, nous constatons que l'on exclut encore une fois certaines catégories de travailleurs d'une protection minimale au chapitre des vacances annuelles. Quitte à agir par règlements lorsque certaines situations d'emploi particulières l'exigent, le gouvernement du Québec devrait néanmoins proclamer le droit de tous les travailleurs(euses) à avoir des vacances! Ceci nous paraît élémentaire et fondamental, lorsqu'on affirme soutenir l'égalité des droits, viser le mieux-être des citoyens et avoir à coeur la santé des travailleurs.

L'article 76, tel que formulé, nous semble donc inacceptable s'il n'est pas réécrit dans le sens de la reconnaissance d'un droit élémentaire tel que nous l'avons exposé plus haut.

Section V: Les repos et congés divers

II est maintenant reconnu, à travers les pays industriellement développés du monde, que le nombre normal de jours de repos hebdomadaire est d'un minimum de deux. Or, à l'article 77, on n'accorde qu'une seule période de 24 heures de repos hebdomadaire, ce qui nous ramène 50 ans en arrière dans l'histoire, où les employés travaillaient jusqu'à 2 heures ou 4 heures le samedi après-midi et ne se reposaient qu'une seule journée, celle du Seigneur. Ici également, nous pouvons constater le peu de cas que le Québec semble faire de l'évolution historique générale et du progrès social, dans le cas des repos hebdomadaires, surtout lorsqu'on commence à parler de la semaine de 4 jours.

Nous réclamons donc que l'article 77 soit amendé de façon à accorder 2 repos hebdomadaires d'une durée minimale de 24 heures consécutives chacun.

En ce qui concerne la période de repas, nous constatons que l'on accorde 30 minutes payées de repas, à un salarié. Ceci est un pas en avant, dont le Québec pourra être fier. Cependant, nous ne voyons pas pourquoi ces 30 minutes ne seraient pas payées lorsque la période de repas compte 60 minutes. C'est pourquoi, nous demandons que 30 minutes soient également payées sur une période de repas de 60 minutes.

Pour les articles 79 et 80, nous demandons qu'on considère les beaux-parents et les grands-parents au même titre de parenté que le conjoint, père, mère, etc. En effet, il nous semble déplacer qu'un(e) salarié(e) ne puisse assister son(sa) conjoint(e) lors du décès d'un de ses parents, et ne puisse également assister son père et sa mère lors du décès des parents de ces derniers.

Il est rare que le décès d'un proche n'entraîne qu'une seule journée de perturbations dans une famille. Or, les salariés minimum n'ont certainement pas les moyens, dans le contexte économique actuel, de s'abstenter plusieurs jours de leur travail à leurs frais. C'est pourquoi, nous demandons que l'article 79 soit reformulé comme suit: 1. Décès d'un(e) conjoint(e) ou d'un enfant: 5 jours (3 payés, 2 sans solde). 2. Décès d'un père, d'une mère, d'un frère ou d'une soeur: 5 jours (2 payés, 3 ans solde). 3. Décès d'un grand-parent ou d'un beau-parent: 3 jours (1 payé, 2 sans solde).

Nous trouvons étrange qu'un salarié ait droit à un jour d'absence pour le mariage d'un de ses enfants, sans rien obtenir pour son propre mariage. De plus, il nous semble illogique d'accorder une journée d'absence payée pour un décès, tout en ne payant pas cette même journée d'absence pour un mariage. Nous demandons donc qu'à l'article 80, on donne 3 jours d'absence payés à un salarié pour

son propre mariage et, qu'on rémunère la journée pour le mariage d'un enfant. Cependant, quand ces absences autorisées se produisent lors d'un jour chômé, il n'est pas nécessaire de les rémunérer.

C'est à l'article 80 qu'on introduit un début de congé de paternité. Nous en sommes heureux. Cependant, ces 2 jours nous paraissent insuffisants et, de plus, ils sont sans solde. Cela nous semble une bien timide initiation faite aux pères pour que ceux-ci soient enfin encouragés à s'occuper avec leur femme de leur enfant commun. Nous vous rappelons, à ce propos, le mémoire du Front commun sur le congé de maternité, qui regroupait près de 40 organismes très diversifiés, visant à répondre au projet d'ordonnance du congé de maternité qui est maintenant l'ordonnance 17 de la Loi du salaire minimum. Dans ce mémoire, on demandait un congé de paternité de 10 jours ouvrables payés. Cette revendication fut d'ailleurs reprise par la Commission des droits de la personne, dans un document à ce sujet. Nous présentons à nouveau cette demande, à l'article 80 de ce projet de loi.

Il manque un article au chapitre des congés divers. C'est celui des journées de maladie. Actuellement, il n'existe aucune disposition permettant à un travailleur couvert par la Loi du salaire minimum d'être rémunéré pour de courtes maladies, même si ce dernier est tout aussi susceptible de tomber malade qu'un travailleur qui dispose de congés de maladie. Tout employé, à un moment ou l'autre, sera victime de maladie temporaire l'obligeant à s'abstenter de son travail.

Faute de journées de maladies rémunérées, les employés doivent soit perdre une journée de salaire en s'exposant à perdre leur emploi, soit courir le risque de devenir plus gravement malade. Etant donné que les travailleurs au salaire minimum ne peuvent se permettre de perdre leur salaire ou leur emploi dans le contexte de chômage et d'inflation que nous connaissons, ils sont forcés d'aller travailler, courant le risque énorme de contaminer leurs collègues et le public. Faut-il ici vous rappeler certaines préoccupations sociales exprimées depuis peu au niveau du droit à la santé au travail?

Nous recommandons donc que l'on accorde des congés payés pour des maladies de courte durée et qu'on assure la sécurité d'emploi dans les cas de maladie.

Nous suggérons également la mise sur pied d'assurances-salaire obligatoires pour les cas de maladie, pour toutes les entreprises québécoises. Ceci protégerait le revenu des salariés en cas de maladie et, leur assurerait un minimum de sécurité à ce chapitre.

Section VI: Le préavis et le certificat de travail

Le préavis de licenciement et de congédiement est enfin intégré aux normes minimales. C'est sûrement sur ce point précis des conditions de travail que l'arbitraire patronal joue le plus fortement. C'est là également que les travailleurs ont le plus de difficulté à faire respecter ce droit minimal de savoir s'ils auront toujours un emploi le lendemain, droit qui touche à la sécurité d'emploi. Nous pourrions citer plusieurs exemples de salariés congédiés du jour au lendemain, sans avis et pour des raisons futiles, voire discriminatoires et, parfois même pour de faux motifs ou sans motif du tout. Le seul recours de ces salariés reste actuellement le préavis, puisqu'aucune autre disposition légale n'existe pour le moment au niveau de la sécurité d'emploi pour les non-syndiqués. Nous recommandons d'ailleurs au gouvernement d'établir des dispositions plus strictes à cet effet, car le peu que nous avons actuellement est bien mal respecté.

Au chapitre du préavis, nous demandons que, malgré son intégration aux normes minimales, les recours prévus à cet effet par le Code civil puissent être quand même exercés par un salarié, devant les instances judiciaires concernées.

Pour les raisons expliquées plus haut, nous recommandons qu'on modifie l'article 81 selon ce qui suit:

Préavis pour moins d'un an de service continu: 1 jour par mois, avec une limite minimale de 5 jours. Préavis pour 3 ans de service continu: 4 semaines Préavis pour 10 ans de service continu et plus: 8 semaines

Nous demandons de plus la reconnaissance officielle du droit d'ancienneté, en ce qui concerne le licenciement et le congédiement, ainsi que la suppression des mesures d'exclusion des cadres des normes prévues à l'article 81. L'article 83 nous semble une nette amélioration par rapport à la situation actuelle (certificat de travail).

Section VII: Les autres normes de travail

A l'article 84, nous recommandons qu'on biffe le mot "minimum" qui vient après le mot "salaire", et qu'on ajoute, après les mots "aucune déduction" la mention "directe ou indirecte". Ces amendements visent à assurer qu'un employeur ne pourra faire payer un uniforme par un salarié selon une autre méthode que la déduction directe sur le salaire. De plus, nous ne voyons pas pourquoi un salarié devrait assumer les frais d'un uniforme exigé par l'employeur. Nous vous rappelons, à ce chapitre, les pratiques de certains employeurs, visant à faire assumer par les salariés le coût d'instruments directement reliés à l'accomplissement d'un travail (comme des ustensiles de luxe dans la restauration) ou le déficit d'une caisse enregistreuse, par exemple (commerces et banques). Nous suggérons la mise sur pied de plans d'assurances pour couvrir ce genre de situations. Il nous semble logique d'ajouter, à ce chapitre, que l'employeur doit également fournir, entretenir et remplacer tout équipement de sécurité imposé par des

normes publiques pour un genre de travail précis et ce, sans déduction directe ou indirecte sur le salaire. Ceci vise à appliquer concrètement certains principes du Livre blanc sur la santé-sécurité au travail.

Section VIII: Les règlements

En ce qui concerne l'article 86 et les suivants, nous réclamons deux choses: 1. Que les normes minimales fixées par règlements, pour certaines catégories de travailleurs, ne puissent être inférieures à celles prévues pour les autres salariés. De plus, le taux minimum de salaire doit être le même pour tous les travailleurs et ce, pour des raisons déjà expliquées plus avant dans ce mémoire. 2. Que ces règlements soient affichés publiquement pour être discutés avant leur adoption. Ceci est demandé dans un but d'information du public.

A l'article 87(a), nous réclamons qu'on biffe la mention (ou au rendement ou sur une autre base". En effet, il est grand temps qu'on abolisse le travail au rendement (à la pièce) pour des raisons élémentaires de santé-sécurité au travail et de respect de la valeur humaine des travailleurs, qui ne sont pas des machines. Combien d'accidents de travail se produisent parce que le rendement imposé à un salarié est trop élevé par rapport à la moyenne des possibilités humaines à ce niveau?

A l'article 87(d), nous demandons qu'on ajoute les mots "et la journée normale" après la mention "la semaine normale", afin de faire la concordance avec les amendements demandés à la durée du travail aux fins de calcul du temps supplémentaire (chapitre IV, section II).

A l'article 87(f), nous vous rappelons le contenu du mémoire du Front commun sur le congé de maternité, dont nous avons déjà fait mention au chapitre du congé de paternité. Nous résumons ici les principales recommandations de ce mémoire. Pour plus de détails, vous pouvez toujours vous référer au mémoire en question dont nous avons des copies disponibles. Nous demandons d'ailleurs, qu'à défaut de loi particulière à ce sujet, on rédige un article spécifique pour le congé de maternité dans la présente loi. 1. Un congé de maternité flexible de 20 semaines payées à 100%. 2. Le financement de ces congés administré par l'Etat. 3. Un congé sans solde pouvant aller jusqu'à 24 mois, débutant après le congé de maternité et applicable à l'un ou l'autre des conjoints. 4. Une loi garantissant à toutes celles et ceux qui jouiront soit d'un congé de maternité, de paternité ou d'un congé parental, leur droit à l'emploi et à tous les avantages qui s'y rattachent. 5. Des avantages analogues dans le cas d'adoption ou de prise en charge d'enfants. 6. Aucune exclusion au niveau des congés de maternité et de paternité. 7. Que le délai de 15 jours, prévu par l'ordonnance no. 17 (congé de maternité) en ce qui concerne le temps accordé à une salariée mise à pied pour grossesse, pour porter plainte par écrit selon la procédure prévue à l'article 115 de la présente loi, que ce délai soit porté à 30 jours ouvrables. En effet, un délai de 15 jours seulement est irréalistement court pour des salariées isolées et souvent mal informées, comme les travailleuses non-syndiquées.

A l'article 87(h), nous demandons qu'on ajoute la mention "et les équipements de sécurité", pour faire la concordance avec nos précédents amendements.

A l'article 88, nous voulons dénoncer l'exploitation honteuse qu'on fait subir à des handicapés physiques et mentaux et aux détenus travaillant dans les ateliers des prisons. Certains ne sont payés que $0.15 de l'heure pour un même travail que d'autres salariés. Une société qui permet de telles iniquités sur les plus démunis de ses citoyens ne peut prétendre être reconnue comme juste et avancée socialement. Nous réclamons donc que l'on se base sur ce principe de non-exclusion et d'égalité des droits de tous les travailleurs face à une loi minimale et, qu'en conséquence, on supprime l'article 88.

Section IX: L'effet des normes de travail

Nous ne recommandons aucun amendement particulier à cette section du chapitre IV.

Chapitre V: Les recours

En ce qui concerne l'article 97, il est incroyable qu'un salarié doive payer de sa poche et accomplir seul de multiples démarches légales dont il n'a pas l'expérience, tout cela pour récupérer une somme d'argent qu'il a déjà gagnée par son travail, si on considère que les conditions d'embauche faites à un salarié par un employeur consiste en un contrat verval, moral ou même parfois écrit, conditions qui lui accordent souvent un salaire horaire un peu supérieur au taux minimal. Nous voudrions qu'on étende les pouvoirs de la commission et, donc son budget, de façon à ce qu'elle puisse réclamer à l'employeur, au nom du salarié, tout montant d'argent dû sur la base du salaire intégral, et non du seul salaire minimum, comme c'est le cas à l'article 98, au sujet des autres avantages pécuniaires prévus légalement. Nous recommandons donc qu'on amende l'article 97 en conséquence, ainsi que tout autre article pareillement rédigé.

En ce qui concerne la sécurité d'emploi d'un salarié qui porte plainte auprès de la commission alors qu'il travaille toujours chez l'employeur visé par la plainte, on devrait accorder, en plus de l'anonymat, le droit à tout organisme voué à la défense des normes minimales ou au bien-être d'un groupe de personnes, qui a raison de croire que s'est commise une atteinte à un droit reconnu par la présente loi ou par un règlement, de faire une demande d'enquête au nom d'autrui, pourvu que cette personne y consente par écrit. Cette mesure protégerait sûrement mieux un salarié isolé et vulnérable que le simple anonymat. Elle est d'ailleurs déjà reconnue par la Charte des droits de la personne (article 70).

En ce qui concerne l'article 114, nous recommandons qu'on ajoute au paragraphe (a) les mots "directement, et indirectement" après la mention "d'un droit qui résulte", ceci afin d'éviter une interprétation trop étroite et restrictive de la présente loi et d'un règlement.

Une remarque concernant l'actuel Code du travail s'impose à l'article 115. Nous réclamons que le fardeau de la preuve du bien fondé d'une mesure disciplinaire pour les raisons mentionnées à l'article 114, repose sur l'employeur. Ceci veut dire qu'un employeur ne pourrait suspendre, congédier ou déplacer un salarié, sans qu'il ait d'abord prouvé qu'il le fait pour d'autres motifs que ceux de l'article 114. Nous savons tous que les procédures d'appel devant un commissaire du travail et devant le Tribunal du travail peuvent être très longues. C'est le salarié qui, pendant ce temps, fait tous les frais des délais causés par ces procédures. De plus, comment peut-on permettre que quelqu'un soit pénalisé pour une cause où sa culpabilité n'est pas encore prouvée? Nous demandons aussi que le salarié conserve les recours judiciaires autres que le recours selon le Code du travail, pour l'application de l'article 114.

A l'article 108, nous demandons qu'on remplace la mention "heure raisonnable" par "toute heure". Nous voulons ainsi qu'on cesse de limiter les pouvoirs d'enquête de la commission et son efficacité, puisque ces pouvoirs d'enquête sont l'une des meilleures garanties de la bonne application de la loi.

Au sujet de la durée de prescription visant à établir jusqu'à quel point un salarié, à partir du moment du dépôt d'une plainte devant la commission, peut retourner en arrière dans le temps pour réclamer le paiement de sommes qu'il estime lui être dues, nous recommandons qu'on prévoit des mécanismes visant à prolonger cette prescription dans certains cas afin de couvrir rétroactivement une période d'emploi plus réaliste. En effet, il nous semble injuste qu'un salarié, ayant été privé durant plusieurs années d'avantages reconnus par la loi, ne puisse réclamer leur paiement que pour une période rétroactive d'un an.

Ce prolongement de prescription devient, d'après-nous, nécessaire dans le cas où un salarié est manifestement ignorant des dispositions de la loi à ce sujet, ce qui arrive souvent à cause du peu de publicité que l'on fait sur cette loi. Nous pensons ici surtout aux immigrants et aux Néo-Québécois, surtout lorsque ces derniers maîtrisent mal le français, ainsi qu'aux femmes, en particulier au chapitre du congé de maternité, car l'ordonnance 17 est assez complexe. Nous pensons également au cas d'un salarié effrayé par de possibles représailles de son employeur et qui, à cause de cette crainte, hésite et attend trop longtemps pour déposer une plainte. Et, croyez bien que ce dernier problème est monnaie courante, car les non-syndiqués n'ont aucune sécurité d'emploi.

Chapitre VI: La faillite

Le fait de couvrir, par la loi des normes minimales, les salariés en cas de faillite de leur employeur, nous semble une excellente initiative et un vrai pas en avant. Cette nouvelle disposition sera extrêmement utile, dans le contexte économique que nous connaissons.

Nous ne passerons qu'une remarque à ce chapitre. Nous souhaiterions qu'on amende la Loi sur la faillite, actuellement de juridiction fédérale, afin que le travailleur soit reconnu comme premier créancier de l'entreprise en faillite sur tout ce qui concerne le salaire et les autres avantages pécuniaires reliés à son emploi. Ceci n'est qu'une remarque, car nous sommes conscients qu'un tel changement ne peut se faire au niveau de la présente loi.

Chapitre VII: Les infractions et les peines

II nous paraît essentiel que la commission applique des sanctions sévères pour prévenir les infractions et leurs récidives. Les peines imposées dans la présente loi ne nous semblent pas suffisamment significatives pour mettre un frein à des infractions multiples, surtout dans le cas de conditions de travail inférieures à la loi (article 128). On devrait faire en sorte de rendre impossible à un employeur, de quelque importance que ce soit, de se soustraire à la loi, ce qui est actuellement la pratique courante.

L'amende qu'encoure actuellement un employeur pour une première offense peut aller de $10.00 à $100.00. Cette amende est si ridiculement minime qu'elle ne peut, en aucun cas, constituer une mesure dissuasive et punitive vraiment efficace, qui ferait en sorte qu'un employeur soit réellement découragé de violer sciemment la loi. De plus, cette amende est peu imposée en pratique, car son administration coûterait plus de $10.00 à la commission.

C'est pourquoi nous recommandons, qu'aux articles 126, 127 et 128 de la présente loi, on établisse les amendes comme suit:

Première offense: de $500.00 à $1500.00.

Deuxième offense: de $1500.00 à $3000.00.

Troisième offense: amende minimale de $3000.00, plus une somme d'argent supplémentaire représentant 2% de la masse salariale totale déboursée par un employeur dans l'entreprise où s'est commise l'offense.

Ceci a pour but de tenir compte, au chapitre des peines, des possibilités de paiement d'un employeur professionnel. En effet, si $3000.00 sont plus pour un petit employeur, ils sont bien peu pour un plus gros employeur qui, à cause de sa capacité de production supérieure, aura eu l'opportunité de réaliser des profits supplémentaires significatifs, en partie grâce aux infractions commises à la présente loi.

Chapitre VIII: Les dispositions diverses, transitoires et finales

Nous demandons qu'on supprime totalement l'article 146, parce qu'il contredit l'article 92 de la présente loi et que, d'après-nous, nul ne devrait être autorisé à permettre le maintien, dans un contrat de travail, de conditions de travail inférieures à celles assurées par une loi minimale et générale. Prenons ici l'exemple d'un contrat de travail signé un mois avant l'entrée en vigueur de la présente loi, et qui contiendrait des normes de travail inférieures à celles de cette loi. Cette signature aurait pour effet, selon l'article 146, de priver les salariés concernés des avantages prévus par une loi minimale et ce, pour deux ou trois ans.

A l'article 147, nous répétons notre opposition à toute exclusion de catégories de salariés au chapitre de la protection, avantages et recours assurés par une loi minimale.

En ce qui concerne l'article 153(a), nous demandons que l'amende imposée à un employeur qui omet de respecter le jour férié, chômé et payé du 24 juin (Fête nationale), soit basée sur les mêmes taux que ceux recommandés pour les infractions prévues aux articles 126, 127 et 128 de la présente loi.

Conclusion: Pour une politique d'ensemble dans le domaine du travail.

Nous attendons cette loi depuis longtemps. Maintenant que nous l'avons enfin sous les yeux, nous constatons que certaines des réformes proposées constituent un réel avancement pour les travailleuses et travailleurs du Québec, surtout pour les non-syndiqué(es). Nous savons que pour les associations patronales, par exemple, le peu qu'on nous accorde, par ce projet de loi, est déjà trop et que ces groupes feront tout ce qui sera en leur pouvoir pour obtenir qu'on amende ce texte, non dans le sens du progrès social et de l'égalité des droits, mais dans celui du "statu quo", c'est-à-dire du recul. En effet, lorsque la situation générale d'une société progresse, ceux d'entre ces citoyens qui ne peuvent participer à cette évolution, occupent une position de recul effectif par rapport à la moyenne. En conséquence, nous demandons au Gouvernement du Québec de ne céder en rien sur ce qui est actuellement inscrit dans ce projet de loi, afin que le Québec devienne une société où règne un peu plus d'égalité.

Pour conclure ce mémoire, nous voudrions répéter, en quelques lignes, nos principales recommandations. 1. Aucune exclusion de catégories de travailleurs(euses) au chapitre des normes minimales, de la protection et des recours prévus par la présente loi. 2. La mise sur pied de dispositions pour assurer la sécurité d'emploi (comme un préavis plus long, la plainte anonyme et par délégation, les jours de maladie, etc.) et la reconnaissance du droit d'ancienneté, en ce qui concerne le temps supplémentaire et le congédiement, par exemple, 3. La journée de travail normale de 8 heures et la semaine de 40 heures, aux fins de calcul du temps supplémentaire. 4. La pause-café obligatoire et payée. 5. Un plus grand nombre de congés statutaires et divers payés et une période de vacances payée plus longue. 6. Une application plus stricte de la loi, grâce aux mesures suivantes: a) Des amendes plus élevées et rigoureusement appliquées. b) De meilleurs pouvoirs d'enquête pour la Commission. c) Un nombre accru d'inspecteurs. d) L'établissement d'enquêtes de routine. e) Des mécanismes visant à prolonger la durée de prescription dans certains cas. f) La possibilité pour un organisme de déposer une plainte, au nom d'un salarié, devant la Commission. g) La publication des noms des employeurs ayant contrevenu à la loi, ainsi que le nombre d'offenses.

7. Une meilleure Information du grand public à propos de la nouvelle loi des normes minimales, grâce aux mesures suivantes: a) Une campagne générale de publicité de la Commission sur tout ce qui concerne la nouvelle loi. b) La rédaction d'exemplaires vulgarisés de cette loi et l'obligation pour les employeurs d'en remettre une copie à chaque salarié ou encore de l'afficher. c) La publication d'avis officiels et l'établissement de mécanismes de consultation, avant l'adoption de règlements et d'ordonnances reliés à la présente loi. 8. L'application concrète des principes reconnus dans le Livre blanc sur la santé-sécurité au travail (équipements de sécurité aux frais de l'employeur et abolition du travail au rendement). 9. La possibilité, pour la Commission, de recouvrer le salaire et tous les autres avantages pécuniaires reliés à un emploi au taux intégral de salaire d'un employé, et non au seul taux minimal.

Avant de clore ce mémoire, nous voudrions faire une remarque d'ordre général.

L'un des aspects les plus intéressants du Livre blanc sur la santé-sécurité au travail est certainement celui qui recommande le regroupement, en un tout cohérent, des divers textes de loi, des règlements et des autres dispositions légales dans ce domaine, ainsi que l'unification des compétences et des responsabilités au chapitre de leur application. Nous faisons ici remarquer que la santé-sécurité est une facette des conditions générales de travail. Il y en a d'autres, comme la question des relations patronales-ouvrières (Code du travail) et celle des normes minimales (Loi du salaire minimum, Code civil, etc.), par exemple.

Toutes ces composantes forment donc un tout. Mais l'éparpillement et le chevauchement actuels des règlementations et des compétences nous empêchent de saisir globalement cette situation, ce qui rend vraiment difficile la liaison des problèmes entre eux et l'établissement de véritables solutions.

A quand une "politique d'ensemble" dans le domaine du travail au Québec?

LISTE DES SIGNATURES

Les groupes et organismes, dont les signatures suivent, sont membres de la Coalition des normes minimales de travail, regroupement qui vous a présenté ce mémoire. Cette Coalition rassemble des groupements féminins, syndicaux, de citoyens, d'immigrants et de Néo-Québécois.

Cette liste de signatures n'est pas close. En effet, la Coalition la laisse ouverte pour permettre à d'autres organismes de donner leur soutien à son mémoire. —Au Bas de l'Echelle. —Association du Personnel Domestique —Ligue des Droits et Libertés —Mouvement Action-Chômage —Ligue des Femmes du Québec —Action-Travail des femmes —Comité d'action féministe du YWCA de Montréal —Office des Droits des Détenus —Service d'aide aux consommateurs du Centre communautaire St-Urbain —Centre communautaire "Pilote A" —Centre communautaire Notre-Dame-de-Grâce —Centre Me Donald House —Carrefour des Associations de familles monoparentales du Québec —Centre Social d'aide aux immigrants —Centre portugais d'information et de références —Service d'aide aux Néo-Québécois et immigrants —Association des Travailleurs Grecs de Montréal —Union des Travailleurs Immigrants du Québec —Carrefour International —ACEF de l'Estrie —Comité des travailleurs accidentés de l'Estrie —Opération-Chômage —Comité Laure Gaudreault de la C.E.Q. —Comité de la condition féminine de la C.S.N.

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