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Projet de loi no 17
Présentation de mémoires
(Dix heures douze minutes)
Le Président (M. Marcoux): A l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission permanente du travail et de la main-d'oeuvre est
réunie pour poursuivre l'audition des mémoires concernant le
projet de loi no 17, Loi sur la santé et la sécurité du
travail.
Les membres de la commission sont: M. Bellernare (Johnson)
remplacé par M. Brochu (Richmond); M. Bisaillon (Sainte-Marie), M.
Chevrette (Joliette-Montcalm); M. Gravel (Limoilou) remplacé par M.
Jolivet (Laviolette); M. Johnson (Anjou) remplacé par M. Marois
(Laporte); M. Lavigne (Beauharnois), M. Mailloux (Charlevoix), M. Pagé
(Portneuf), M. Vaillancourt (Jonquière).
Les intervenants sont: M. Forget (Saint-Laurent) remplacé par Mme
Lavoie-Roux (L'Acadie)...
M. Chevrette: Le député de Jonquière est
remplacé par le député de Saint-Jean.
Le Président (M. Marcoux): M. Vaillancourt
(Jonquière) est remplacé par M. Proulx (Saint-Jean).
Parmi les intervenants, également, M. Gosse-lin (Sherbrooke), M.
Laplante (Bourassa), M. Lefebvre (Viau), M. Paquette (Rosemont), M. Sprin-gate
(Westmount)...
M. Pagé: M. Springate est remplacé par M.
Vaillancourt (Orford).
Le Président (M. Marcoux): M. Vaillancourt (Orford)?
M. Pagé: Stanstead anciennement, au début des
années cinquante.
Le Président (M. Marcoux): M. Samson (Rouyn-Noranda).
Comme j'aperçois le député de Pointe-Claire, est-ce qu'on
accepte de l'ajouter à la liste immédiatement?
M. Chevrette: Comme intervenant. M. Pagé:
D'emblée.
Le Président (M. Marcoux): M. Shaw (Pointe-Claire) en
remplacement de M. Samson (Rouyn-Noranda) ou s'il est ajouté à la
liste?
M. Pagé: Oui, M. le Président. M. Chevrette:
Consentement.
Le Président (M. Marcoux): Vous voyez, c'est une belle
journée, aujourd'hui; on peut faire de l'humour.
La liste des mémoires que nous entendrons aujourd'hui: d'abord,
la Fédération des CLSC du
Québec, la Fédération des médecins
omnipraticiens du Québec, la Corporation professionnelle des
médecins du Québec, la Corporation professionnelle des
diététistes du Québec, la Corporation professionnelle des
optométristes du Québec, l'Association des infirmières et
infirmiers en santé du travail du Québec Inc., l'Equipe
santé au travail du CLSC centre-sud.
M. Jolivet: M. le Président, avant de débuter,
compte tenu que les gens avaient été convoqués, nous nous
sommes entendus pour essayer d'accélérer le mouvement en
demandant, si c'était possible, aux organismes d'être le plus
brefs possible dans leur présentation pour pouvoir ensuite se faire
poser les questions appropriées. Quant au reste de l'horaire, il y aura,
pour les journées à venir, un nouvel horaire
préparé pour permettre d'entendre convenablement l'ensemble des
intervenants. Aujourd'hui, pour éviter de faire retourner des gens qui
sont ici, on va essayer d'accélérer le mouvement de notre
côté. (10 h 15)
Le Président (M. Marcoux): Le souhait que vous venez
d'émettre à l'adresse de nos invités qui hier, je dois
l'avouer, n'ont pas eu beaucoup de temps, 20 ou 25 minutes pour la
présentation de leur mémoire, je présume qu'il est
transmis à vos collègues de toute part de la même
façon.
M. Chevrette: On a plus d'intervenants.
Le Président (M. Marcoux): La Fédération...
Quand j'ai dit collègues, je voulais dire collègues de toute part
de cette enceinte.
M. Jolivet: Intervenants aussi.
Le Président (M. Marcoux): La Fédération des
CLSC du Québec, M. Pierre Ouimet. Si vous voulez nous présenter
vos collègues et nous présenter votre mémoire.
Fédération des CLSC du
Québec
M. Ouimet (Pierre): D'abord je tiens à remercier la
commission de nous avoir fourni l'opportunité de présenter ce
mémoire. En ce qui concerne les délégués de la
fédération, à ma droite M. Maurice Charlebois qui est
directeur général de la Fédération des CLSC,
à ma gauche M. Michel Perreault qui est conseiller cadre à
la fédération, Mlle Sylvia Rolfe qui est infirmière en
santé au travail au CLSC SOC de Sherbrooke, et M. André Lemelin
qui est responsable du programme de santé au travail au CLSC
centre-ville, qui est psychologue de profession.
Je ne crois pas que ça devrait prendre plus qu'une vingtaine de
minutes pour la présentation de notre mémoire. Je vais essayer de
faire une lecture assez rapide.
Le Président (M. Marcoux): Je l'ai présenté,
c'est M. Pierre Ouimet. Cela va.
M. Ouimet: Les CLSC du Québec se sentent hautement
concernés par la mise en place de toute politique en santé
publique. La santé au travail constitue à cet égard un
champ d'interventions dans lequel nous souhaitons avoir une action
significative. D'ailleurs, une trentaine de CLSC sont déjà
impliqués à un degré ou à un autre, dans ce secteur
de la santé, tant dans les secteurs primaires, secondaires que
tertiaires de l'économie et ce, dans les milieux ruraux comme urbains,
auprès d'entreprises syndiquées comme non syndiquées.
Sans avoir de rôle clairement explicité par les lois en
vigueur jusqu'à maintenant, plusieurs CLSC ont aussi
développé une approche en santé du travail qui est de plus
en plus reconnue par les différents intervenants dans ce domaine. C'est
à partir de ces considérations que la Fédération
des centres locaux de services communautaires exprime aujourd'hui son point de
vue sur le projet de loi 17, loi sur la santé et la
sécurité du travail.
La Fédération des CLSC a déjà fait
connaître ses opinions et ses attentes sur la plupart des dimensions
touchées par l'ensemble de ce projet de loi, dans un mémoire
qu'elle a présenté publiquement avant la sortie du lire blanc sur
la santé et sécurité du travail. Nous désirons,
dans le présent mémoire, concentrer nos interventions, d'une
part, sur la conception, et d'autre part, sur l'organisation des services de
santé au travail.
Ainsi, nous nous limiterons, pour l'essentiel, à une analyse du
chapitre VIII du projet de loi, lequel établit les conditions de
l'éventuelle contribution des CLSC à cette réforme. Voici
donc les cinq points que nous désirons discuter; le premier, la
conception et l'approche, en santé au travail; le deuxième, la
responsabilité de la conception et de l'implantation des programmes en
santé au travail; le troisième, le contenu minimal de ces
programmes, ensuite le choix de la qualité du responsable des services
de santé au travail et, finalement, le rôle et les obligations du
responsable des services de santé au travail.
En discutant ces cinq points, nous démontrerons que les moyens
suggérés par le projet de loi ne correspondent pas à
l'esprit de la réforme annoncée dans le livre blanc et ne
composent qu'à moitié avec le réseau public, malgré
des affirmations à l'effet contraire. Au-delà de ces cinq points
majeurs, nous introduirons aussi une série d'interrogations sur
l'article 115, paragraphes 19 et 20.
Donc, notre premier point, la conception et l'approche en santé
au travail. Dans le livre blanc sur la santé et la
sécurité du travail, le gouvernement annonçait clairement
ses objectifs en santé au travail en faisant siens les objectifs
exprimés par l'Organisation mondiale de la santé et aussi par le
Bureau international du travail. On réfère à la page 238
du livre blanc, où on cite la définition donnée par ce
bureau international et par l'OMS: "La santé au travail a pour but de
promouvoir et de maintenir le plus haut degré de bien-être
physique, mental, social du travailleur dans toutes les professions, de
prévenir tout dommage causé à la santé de ceux-ci
par les conditions de travail, de les protéger dans leur emploi contre
les risques résultant de la présence d'agents
préjudiciables à leur santé, de placer et de maintenir le
travailleur dans un emploi convenant à ses aptitudes physiologiques, en
sommes d'adapter le travail à l'homme et chaque homme à sa
tâche."
Une telle déclaration d'intention clarifie ce qu'on doit entendre
par la santé au travail et fixe des balises à toutes les
interventions en ce domaine. Elle démontre que la santé constitue
bien davantage qu'une absence de maladie compensable et que
l'intégrité physique des travailleurs n'est pas le seul objectif
à atteindre ou à protéger: On vise aussi le maintien et
l'épanouissement de l'intégrité tant mentale que sociale
et physique des travailleurs.
Ce passage du livre blanc était alors concordant avec d'autres
prises de position antérieures du gouvernement concernant la
santé.
Dans le projet de loi actuellement à l'étude, l'intention
gouvernementale qui devait conditionner toute la loi n'est pas clairement
affirmée et cela nous semble une lacune majeure. En effet, on met en
place toute une série de mesures législatives, sans jamais
préciser clairement et définitivement les objectifs à
atteindre. A ce moment, toutes les conceptions et approches de la santé
demeurent possibles et le danger de voir triompher des conceptions tout
à fait réductrices de la santé devient alors
réel.
En conséquence, nous demandons au gouvernement de donner tout son
sens à cette loi en incluant la définition de la santé et
sécurité au travail de l'OMS et du Bureau international du
travail au chapitre I du projet de loi et, en corollaire, afin que le texte de
loi respecte en tous points cette définition. Tous les articles qui font
mention de l'intégrité physique des travailleurs devraient aussi
mentionner l'intégrité mentale et sociale des travailleurs.
Une telle définition indique que l'on vise une approche globale,
donc une approche multidisciplinaire de la santé, qui ne dissocie pas
les aspects psychosociaux des aspects physiques et constitue le
véritable fondement d'une approche de santé physique, qui est
à l'opposé d'une approche strictement individuelle des
problèmes, approche que rejette le gouvernement, à de multiples
reprises, dans son livre blanc.
Le deuxième point concerne la responsabilité de la
conception et de l'implantation des programmes de santé au travail.
Cette conception globale de la santé avec les approches qu'elle implique
n'est pas nouvelle au Québec. L'esprit de la réforme des services
de santé et des services sociaux repose, d'ailleurs, sur une telle
conception. La création des CLSC, il y a sept ans, en a
représenté la consécration. Enfin, l'essentiel du discours
gouvernemental en matière de développement social s'inscrit aussi
dans cette perspective.
Une telle approche appliquée au domaine de la santé au
travail signifierait que l'organisation des services de santé
s'articulerait autour d'équi-
pes polyvalentes capables de prendre en considération plusieurs
aspects des problèmes vécus par les travailleurs. Des
stratégies d'interventions cohérentes se développeraient
dans ce que nous appelons des programmes. De tels programmes seraient
administrés nécessairement par des institutions qui auraient des
équipes multidisciplinaires. Il ne saurait être question de s'en
remettre à une seule profession telle la médecine comme le fait
le projet de loi.
Il en est ainsi actuellement dans la mise en oeuvre des programmes de
santé publique où le gouvernement compte sur un réseau
intégré d'institutions dont les CLSC. On pourrait donner comme
exemple une action complémentaire des différentes institutions du
réseau qui s'exerce actuellement dans les programmes de maintien
à domicile, de périnatalité, d'hygiène maternelle
et infantile. Les CH-DSC exercent une responsabilité de planification et
d'évaluation en regard de ces programmes au niveau sous-régional,
alors que les CLSC ont une nette mission d'exécution, de
réalisation au niveau local, les CH-DSC assurant la suppléance
dans les endroits où il n'y a pas encore de CLSC. Dans un champ nouveau
comme la santé au travail, nous pensons que ce mode de fonctionnement se
développe déjà en maints endroits et nous comprenons mal
pourquoi le gouvernement le contourne.
En effet, d'abord, au niveau du développement des programmes et
du financement, le projet de loi actuel confie les responsabilités
normalement dévolues au ministère des Affaires sociales à
une nouvelle Commission de la santé et de la sécurité du
travail. Celle-ci, dans ses fonctions, doit élaborer et rédiger
des programmes-cadres et des contrats types qu'elle signe directement avec les
CH-DSC, contrats qui allouent des enveloppes budgétaires. Le projet de
loi retire donc, en ce domaine, au ministère des Affaires sociales la
mission que lui a confiée le gouvernement de réaliser une
approche globale de la santé.
Cette mission avait été confiée à un seul
ministère pour mettre fin à l'imbroglio qui existait depuis
toujours, plusieurs ministères se partageant jusqu'à la
création des Affaires sociales la responsabilité dans divers
domaines de la santé. Ceci est d'ailleurs reconnu par certains passages
du livre blanc. Les CH-DSC conservent dans ce cadre la responsabilité
habituelle au niveau sous-régional. Enfin, au niveau local, la loi remet
la mise en oeuvre des services à une profession, la médecine,
puisque les CH-DSC signent un contrat avec un médecin responsable, tel
que stipulé à l'article 87 du projet de loi.
Au niveau sous-régional, le fait que la loi s'appuie sur une
institution du réseau, le CH-DSC ne saurait nous satisfaire comme
fédération des CLSC. Il nous apparaît inacceptable qu'un
seul établissement du réseau des Affaires sociales, à
savoir les CH-DSC, échappe tout à coup à la dynamique de
ce réseau et relève d'une commission qui n'a aucune prise sur ce
réseau. D'ailleurs, le réseau a été conçu en
fonction d'une complémentarité entre les établissements
qui vise à donner une réponse à tous les types de besoins.
Ce mode d'organisation nous apparaît éminemment contestable
à plus d'un titre. D'abord, le gouvernement, en misant sur une seule
profession médicale pour assurer au niveau local les programmes de
santé au travail, nous semble abandonner toute approche de santé
publique qui suppose, selon toutes les expériences en ce domaine, une
approche multidisciplinaire où l'on intervient autant sur les aspects
psycho-sociaux que physiologiques, et où la prise en charge par les
usagers de leur propre santé est déterminante. Une telle
décision ne peut, en effet, que surprendre. Le gouvernement forcera
ainsi les CLSC qui ont le mandat de réaliser avec des équipes
multidisciplinaires une approche globale et intégrée de la
santé, à subordonner leurs interventions dans le domaine de la
santé au travail aux dispositions de contrats intervenus entre un ou
plusieurs de leurs employés, les médecins en l'occurrence, avec
une autre institution du réseau. C'est une conception vraiment
très nouvelle et surprenante de la santé publique.
Du même coup, on ignore toute la dynamique d'un réseau que
l'on bâtit depuis des années, réseau qui possède des
mécanismes pour répondre à tout l'éventail des
besoins en santé et on crée un réseau parallèle de
médecins. Ce réseau parallèle deviendra-t-il subitement un
réseau de santé publique du simple fait que ses acteurs
individuels sont liés par contrat avec une institution de santé
publique, à savoir les CH-DSC? (10 h 30)
Ce réseau médical développe-t-il, par magie, une
approche globale de la santé ou n'y a-t-il pas lieu de craindre, au
contraire, une emprise de plus en plus forte de la médecine sur tout ce
secteur?
Pour ces considérations, nous demandons tout simplement au
gouvernement de respecter les choix déjà faits au niveau de
l'organisation des services de santé et des services sociaux au
Québec et d'utiliser les institutions qu'il a créées et
qu'il continue d'appuyer pour justement améliorer la santé,
incluant, nous semble-t-il, la santé au travail.
En conséquence, nous recommandons que la loi confie la
responsabilité de la conception et de l'implantation des programmes et
services en santé au travail au ministère des Affaires sociales,
lequel partagerait cette responsabilité de la façon habituelle
avec son réseau.
Pourquoi confier cela à une nouvelle structure bureaucratique qui
devra développer une expertise existant déjà ailleurs,
ainsi que des mécanismes légaux et administratifs que des
années de travail ont mis en place? La Commission de la santé et
de la sécurité au travail pourrait collaborer avec le
ministère des Affaires sociales à la conception des
programmes-cadres à partir des priorités qu'elle se donnera,
laissant au ministère et à son réseau la
responsabilité d'implanter, aux niveaux régional,
sous-régional et local les programmes vraiment adaptés aux
besoins.
Notre troisième point concerne le contenu minimal des programmes,
d'abord, concernant les programmes-cadres et ensuite le programme
spécifique.
Concernant les programmes-cadres, le projet de loi ne donne pas
suffisamment de précisions, selon nous, sur le contenu minimal des
programmes-cadres. Or, ces programmes conditionneront largement toute
l'approche en santé au travail. Ces programmes-cadres, qu'ils soient des
programmes généraux de dépistage ou des programmes
particuliers d'interventions, peuvent avoir de multiples orientations. Ils
pourraient, par exemple, ne viser qu'une surveillance médicale des
examens et des tests, ce qui ne changerait pas grand chose aux causes
mêmes des problèmes de santé. C'est pourquoi nous
souhaitons que l'article 81 de la loi définisse des orientations claires
pour ces programmes-cadres, et, conformément à l'approche globale
et intégrée qui est proposée, nous suggérons
qu'à l'article 81, il soit clairement spécifié: 1)Que les
programmes-cadres visent non seulement la santé et la
sécurité des travailleurs, mais aussi la salubrité de
l'environnement du travail afin d'éliminer les problèmes à
la source; 2)Que les programmes-cadres couvrent toutes les dimensions d'une
approche globale de la santé, à savoir prévention,
dépistage, surveillance, traitement et réadaptation; 3)Que les
programmes-cadres tiennent compte de l'intégrité tant mentale et
sociale que physique des travailleurs.
En ce qui concerne les programmes spécifiques, nous croyons que
ces programmes devraient tenir compte de la spécificité de chaque
environnement de travail. Le livre blanc insistait avec beaucoup
d'à-propos, croyons-nous, sur la responsabilité des
établissements à cet égard. Je cite le livre blanc,
à la page 243, qui dit: "C'est à ces établissements,
cependant qu'incombera la responsabilité de décider des
modalités concrètes d'application de ces programmes-cadres et de
les compléter en fonction de leurs besoins particuliers. Ils devront
donc voir à élaborer leur propre programme de santé au
travail."
Un peu plus loin, on ajoute: "II appartiendra au comité paritaire
de définir ce programme spécifique à
l'établissement."
Or, on ne retrouve pas une telle explication dans le projet de loi. Le
seul critère d'un programme spécifique de santé d'un
établissement n'est-il pas d'être conforme aux exigences du
programme-cadre de santé et du contrat intervenu entre la commission et
le centre hospitalier, tel que le stipule l'article 94 du projet de loi? Des
enveloppes budgétaires seront données aux CH-DSC,
conformément au contrat intervenu avec le centre hospitalier, à
l'article 84. Nous nous demandons quelle sera la latitude financière
pour réaliser des programmes vraiment spécifiques.
Le projet de loi n'est pas suffisamment explicite, à notre point
de vue. Il devrait être amendé de la façon suivante,
à l'article 94: Le programme de santé d'un établissement,
tout en étant conforme au programme-cadre, peut le compléter en
fonction des besoins particuliers de l'établissement. Le budget annuel
de la santé et sécurité au travail devrait en tenir
compte.
Le quatrième problème qu'on veut aborder concerne le choix
et la qualité du responsable des services de santé dans un
établissement. Dans le domaine de la santé et
sécurité du travail, on sait qu'une véritable
polémique existe autour du choix du médecin responsable des
services de santé dans un établissement. Les travailleurs, au nom
de la liberté de choix de leur médecin, réclament
collectivement ce pouvoir. Ce débat, quant à nous, déplace
le problème des programmes vers les intervenants. En ce qui nous
concerne, tout cela contribue à réduire la portée du
débat et à renforcer les dangers d'une plus grande
médicalisation de la santé au travail.
Il ne fait aucun doute, pour nous, que c'est dans la conception et
l'organisation des programmes que se situent les enjeux d'une véritable
réforme dans le domaine de la santé au travail. Tout le
débat actuel autour de cette question marque mal, d'ailleurs, que le
rattachement des médecins au réseau public, via un contrat avec
les DSC, est très fragile en termes de changements significatifs par
rapport à la situation antérieure. On semble craindre beaucoup le
contrôle des médecins par l'une ou l'autre partie. Tout ce
débat indique, selon nous, que la question majeure de la
crédibilité de la médecine au travail ne semble pas
résolue par ce projet de loi et continuera de susciter bien des
controverses, à notre point de vue, inutiles.
Miser sur la crédibilité des institutions publiques nous
semble, à notre point de vue, davantage prometteur que de miser sur une
seule profession, surtout si cela s'accompagne d'une véritable
implication des travailleurs en leur accordant des pouvoirs réels au
niveau des comités paritaires sur l'élaboration et la mise en
application du programme spécifique de santé.
Qu'advient-il, d'ailleurs, du pouvoir décisionnel accordé
par le livre blanc au comité paritaire concernant "la
détermination du programme de services de santé spécifique
à l'établissement" (page 211 du livre blanc)? Est-ce que cela est
véritablement transcrit dans l'article 63, alinéa 5, qui donne
comme fonction au comité de santé et de sécurité
"de coopérer avec le médecin à l'élaboration des
modalités d'application du programme de santé dans
l'établissement" ou encore à l'article 93 où on dit que
"le médecin responsable doit élaborer, en consultation avec
l'employeur et le comité de santé et de sécurité,
un programme de santé spécifique à l'établissement
et voir à sa mise en application"?
Nous regrettons vivement que le projet de loi ne garantisse pas dans sa
forme actuelle une véritable implication du milieu de travail. Tout le
discours entourant cette réforme ne reposait-il pas sur le dynamisme des
milieux mêmes de travail?
Quant à la qualité du responsable du programme de
santé au travail, les institutions des affaires sociales, si le
gouvernement consentait
évidemment à les utiliser pleinement dans l'application de
la loi, ne choisiraient pas nécessairement des médecins. Ceux-ci
ont un rôle important à jouer et cela, la fédération
ne veut en aucune façon le contester. Ils ont un rôle important
à jouer à l'intérieur d'un programme de santé au
travail, mais ce que nous ajoutons, c'est que d'autres professionnels
possèdent également une compétence pour être
responsables, par exemple des hygiénistes du travail, des
ingénieurs, des infirmiers et infirmières du travail. Comme nous
l'avons déjà mentionné, la possibilité de faire
appel à différentes professions offre des garanties d'une
approche réellement multidisciplinaire et diminue les risques d'une
médicalisation de tout ce domaine de la santé. Ceci serait,
d'ailleurs, conforme à ce qui existe déjà dans les faits,
puisque plusieurs responsables des services ou programmes de santé au
travail, tant dans les CH-DSC que dans les CLSC, ne sont pas médecins et
les résultats n'en sont pas moins excellents.
En conséquence, nous recommandons que le projet de loi soit
amendé afin de remplacer la notion du médecin responsable par
responsable du programme. Le projet de loi actuel renferme, d'ailleurs,
beaucoup d'imprécisions. Le projet de loi, à l'article 87,
précise que le médecin responsable doit être
agréé par le CH-DSC avant d'être choisi, et je cite
l'article 87: "Un médecin ne peut être nommé responsable
des services de santé d'un établissement que s'il a
été agréé aux fins de la médecine du travail
par le centre hospitalier dont le département de santé
communautaire fournit ces services. Il doit en outre avoir conclu avec ce
centre hospitalier un contrat de service dont le contenu est conforme au
règlement."
On se demande pourquoi on attache tant d'importance à la
qualification des médecins. Voudrait-on faire de la médecine au
travail une nouvelle spécialité? Pourquoi ne pas exiger que les
infirmières et autres intervenants soient eux aussi
agréés? De plus, nous n'avons rien trouvé dans les lois
propres ou connexes aux affaires sociales qui précise le mot
"agréé". Cela signifie-t-il qu'un médecin doit remplir les
critères en vigueur actuellement pour être membre du conseil des
médecins et dentistes d'un CH-DSC et doit, par exemple, assurer une
garde au CH-DSC et y exercer un droit d'hospitalisation? Est-ce que les
médecins qui oeuvreront sous les ordres du médecin responsable
doivent être eux aussi agréés, et comment? Voilà
autant de questions que nous nous posons.
Pour nous, chaque corporation devrait surveiller la qualité des
pratiques de la profession selon la loi actuelle et effectuer les pressions
nécessaires pour que les institutions d'enseignement assurent une
formation de qualité. Nous recommandons d'abandonner dans la loi toute
cette procédure d'agrément et de laisser aux institutions qui
offriront ces programmes la liberté de recruter des intervenants
qu'elles jugeront compétents.
Enfin, notre dernier point concerne le rôle et les obligations du
responsable. Si nos proposi- tions étaient retenues, le texte de la
section IV du chapitre VIII devrait être repris pour être
concordant, à savoir que l'évaluation des ressources
professionnelles, techniques et financières se ferait d'institution
à institution, de CLSC à CH-DSC, selon les mécanismes
déjà en vigueur dans le réseau des affaires sociales, soit
par ensemble ou par contrat de service.
Notre souci majeur face au rôle du responsable consiste à
bien indiquer, dans la loi, certaines obligations pour les intervenants du
domaine de la santé afin que les parties puissent compter sur un travail
de qualité et aient des recours, si cela s'avère
nécessaire.
En conséquence, selon nous, le responsable et, s'il y a lieu, les
intervenants faisant partie de son équipe, premièrement, doivent
prendre connaissance de tous les procédés de travail
utilisés dans le milieu de travail; deuxièmement, ils doivent
tracer un portrait de santé le plus complet possible de l'environnement
du travail, en identifiant les risques pour la santé et la
sécurité associés à chaque poste de travail et le
remettre au comité de santé-sécurité aux
travailleurs et/ou à leurs associations représentatives, ainsi
qu'à l'employeur; troisièmement, ils devraient informer
adéquatement les travailleurs sur leur état de santé;
quatrièmement, ils devraient s'assurer que les travailleurs sont
adéquatement informés sur les risques inhérents à
leur travail; cinquièmement, ils doivent prendre connaissance des
rapports d'accidents, de maladie, d'inspection ainsi que des
procès-verbaux des réunions du comité de
santé-sécurité; sixièmement, ils sont à la
disposition du comité de santé-sécurité pour
répondre à toute demande d'information; septièmement, ils
accompagnent l'inspecteur quand ils visitent le lieu de travail. (10 h 45)
Même si ce n'est pas spécifiquement dans notre
mémoire, je le souligne, un huitièmement pourrait s'ajouter, qui
pourrait se libeller comme suit: "Participer activement comme
personnes-ressources à l'élaboration et à la mise en
application des programmes de prévention, notamment en regard de la
formation et de l'information." Afin que le responsable et, s'il y a lieu, son
équipe, puissent accomplir leur travail, l'article 40 devrait obliger
l'employeur à donner au responsable et, s'il y a lieu, à son
équipe, accès partout et en tout temps au lieu de travail, afin
qu'ils puissent y effectuer les études, mesures et
prélèvements appropriés.
Voilà pour l'essentiel des cinq points que nous voulions toucher.
Maintenant, de façon marginale ou accidentelle, quoique ce soit
important, en quelques minutes, on ne voudrait finalement pas passer sous
silence les interrogations que soulève un article qui ne fait pas partie
du chapitre VIII, mais qui peut être lourd d'implications pour les
services de santé. Il s'agit de l'article 185 qui dit que "la commission
peut faire des règlements pour: 1. déterminer les cas ou
circonstances dans lesquelles un employeur doit faire subir un exa-
men médical de préembauche ou des examens
périodiques en cours d'emploi, de même que le contenu de ces
examens et la fréquence des examens périodiques; 2. indiquer les
cas ou circonstances dans lesquelles une personne doit être
considérée comme n'ayant pas la capacité physique
d'exécuter un travail particulier;
Ici, on se pose une série de questions: Est-ce que les cas ou
circonstances en question sont les seuls où les services de santé
doivent intervenir? A qui les services de santé transmettent-ils les
résultats? Que prévoit la loi, si un intervenant constate qu'un
travailleur détériorerait sa santé en continuant d'occuper
un poste de travail? Y a-t-il des mesures pour protéger les droits et
privilèges des travailleurs lors du changement de poste?
Nous croyons que la loi devrait apporter, dès maintenant, des
réponses à ces questions, afin d'assurer une protection
réelle aux travailleurs.
En conclusion: En résumé, nous partagions les objectifs
poursuivis par le gouvernement, dans le livre blanc, mais de crainte qu'ils ne
puissent s'actualiser vraiment et concrètement, nous souhaitons que le
projet de loi 17 soit amendé de la façon suivante suivent
six recommandations ou projets d'amendements: 1. que la définition de la
santé et sécurité au travail de l'Organisation mondiale de
la santé et du Bureau international du travail soit inscrite dans la loi
même; 2. que le gouvernement accorde au ministère des Affaires
sociales et à son réseau l'entière responsabilité
d'implanter les programmes et services en santé au travail, à
partir des programmes-cadres conçus en collaboration avec la commission;
3. que ces programmes-cadres aient des orientations définies dans la
loi; 4. que des programmes spécifiques puissent se développer
selon le dynamisme des milieux de travail; 5. que la responsabilité
locale des programmes et des services ne soit pas confiée à une
seule profession, la médecine, mais relève des institutions de
santé publique, comme il va de soi dans tout programme de santé
publique; 6. que le responsable et les divers intervenants du domaine de la
santé aient des obligations inscrites dans la loi.
Nous craignons, en effet, que, par différentes dispositions, le
gouvernement, qui désirait développer une approche progressive de
la santé, face à un secteur qui en a grandement besoin, en
arrive, dans les faits, à réaliser une approche plutôt
conservatrice en favorisant une plus grande médicalisation de la
santé au travail.
M. le Président et MM. les membres de la commission, je vous
remercie de votre attention et je voudrais, en terminant, vous dire que les
membres de la délégation des CLSC sont à votre disposition
pour répondre aux questions que vous voudrez bien nous adresser.
Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie. M. le
ministre.
M. Marois: M. le Président, j'ai pris attentivement
connaissance du mémoire de la Fédération des CLSC et je
tiens à en remercier les représentants. Au fond, je comprends
qu'un bon nombre des recommandations et des commentaires de votre
mémoire visent essentiellement, par toute une série de
suggestions, le cas échéant, et une argumentation étoffant
ces suggestions ou ces recommandations, à vous assurer que, par des
amendements qui pourraient être apportés au projet de. loi,
ce qui est loin d'être exclu d'ailleurs le projet de loi traduise,
le plus fidèlement possible et le mieux possible, les intentions qui
étaient exprimées dans le livre blanc. En ce sens, je tiens
à vous dire tout de suite que vous pouvez être assurés que
toutes et chacune de vos recommandations vont être examinées
très attentivement.
Etant donné le temps qui file, je me contenterai simplement pour
l'instant, de formuler deux commentaires. Il y a peut-être un bout
à l'intérieur qui serait une forme de commentaire-question en
même temps sur lequel, peut-être, j'aimerais que les membres de la
délégation réagissent, nous fassent part de leurs
commentaires concernant les recommandations en tout cas sur le
résumé, les conclusions les recommandations 1, 3 qui se
recoupent dans une certaine mesure, ou se complètent, et la
deuxième recommandation. En ce qui concerne les recommandations 1 et 3,
apparaissant à la page 18 j'ai pris note, d'ailleurs, de celles
que vous avez ajoutées concernant l'article 185, on va regarder cela
aussi, en passant, très attentivement l'intention, si je
comprends bien, de vos recommandations, c'est de vous assurer que les contenus
des programmes de santé correspondent le plus pleinement possible
à la définition de la médecine du travail et du concept
santé de l'Organisation mondiale de la santé du Bureau
international du travail, tel qu'on l'avait indiqué dans le livre
blanc.
On a eu l'occasion de longuement discuter hier, par divers biais, de
cette question qui a été évoquée tout au long de la
journée. Je me contenterai simplement de dire ou de redire aujourd'hui,
là-dessus, c'est que soyez assurés que le texte de loi
précisera, s'il le faut, après examen, les éléments
que doit comporter un programme de santé au travail, les
éléments tels qu'ils apparaissaient au livre blanc et qui
correspondent à la définition: Médecine du travail et de
l'Organisation mondiale de la santé et du Bureau international du
travail. A ce sujet, il y a un problème qui se pose et qui n'est pas
facile à résoudre, en tout cas, pour une application qui est
concrète et qui n'est pas encore là une espèce de faux
espoir pour les hommes et les femmes, pour qui, après tout, le projet de
loi est conçu. C'est le problème de la mention de
l'intégrité mentale et sociale. La transposition peut se faire
sans poser trop de difficultés, quand on l'aborde par le biais d'une
dimension et d'une approche collective, je crois enfin, je m'interroge,
mais je crois cela n'est pas, par ailleurs, sans poser un certain nombre
de difficultés d'application dans les cas individuels. Pensez, par
exemple, à l'exercice et comment s'articule-
rait, à ce moment, l'exercice d'un droit de refus individuel qui
serait relié à l'organisation même du travail. J'avoue en
toute honnêteté que je n'ai pas la réponse à cette
question. Il y a des choses sur lesquelles j'aimerais vous entendre
réagir. Je vais prendre bonne note de vos commentaires à ce
sujet.
Deuxièmement, en ce qui concerne la deuxième
recommandation, vous nous suggérez d'accorder au ministère des
Affaires sociales et au réseau l'entière responsabilité
d'implanter le programme et services de santé du travail à partir
des programmes-cadres conçus en collaboration avec la commission.
Là aussi, on a eu longuement l'occasion d'en discuter et je ne vous
cacherai pas aussi qu'on a eu longuement l'occasion d'en discuter mes
collègues du Conseil des ministres et moi pour voir comment on pouvait
arriver à ce que ce soit quand même quelque chose
d'opérationnel et que cela respecte quand même fondamentalement
les responsabilités qui sont dévolues au ministère des
Affaires sociales dans le domaine général de la santé
publique. En ce sens, le projet de loi, tel qu'il est rédigé, en
tout cas, dans notre esprit, vise au fond à concilier deux objectifs qui
sont aussi importants l'un que l'autre. Le premier, c'est d'assurer la
coordination de toutes les interventions dans le domaine de la
prévention en s'assu-rant que tous les programmes aussi bien de
formation, d'information, de recherche, d'inspection, de santé et que de
santé au sens très large, très englobant on a
évoqué hier la double dimension, vous y revenez aujourd'hui
la salubrité du milieu, l'hygiène industrielle que la
surveillance médicale comme telle, que toutes les interventions pour
assurer la coordination, soient élaborées au sein d'un même
organisme, c'est-à-dire, en l'occurrence, si on va au plus haut niveau,
la Commission québécoise de la santé et de la
sécurité du travail.
C'est un objectif qui nous paraît important et qu'il faut
concilier avec le deuxième, qui est le suivant et qui est, à
notre point de vue là-dessus, je pense qu'on rejoint une de vos
préoccupations d'éviter de créer un réseau
parallèle au réseau actuel pour l'implantation des programmes de
santé au travail et cela, en confiant aux CH-DSC la
responsabilité de cette implantation, conformément aux contrats
qui vont intervenir entre la Commission québécoise de la
santé et de la sécurité du travail et les centres
hospitaliers où existe un département de santé
communautaire.
La formule qui est proposée dans le projet de loi nous semble
permettre de concilier le mieux possible ces deux objectifs. En plus de cela,
afin de s'assurer que les programmes-cadres et les contrats entre la commission
et les centres hospitaliers soient cohérents avec les politiques du
ministère des Affaires sociales je vais rejoindre directement
votre préoccupation notamment à l'égard des centres
hospitaliers et, plus globalement, avec les responsabilités de ce
ministère dans le domaine de la santé publique, le projet de loi
je me permets de le rappeler prévoit, d'une part, que le
ministre des Affaires sociales sera représenté au sein de la
commission et, d'autre part, que les programmes-cadres et les contrats types
qui seront élaborés par la commission seront obligatoirement
soumis au ministre des Affaires sociales avant d'être soumis au
gouvernement pour approbation. C'est à partir de la
nécessité, nous semblait-il, de concilier ce double objectif,
tout en préservant la responsabilité de fond du ministère
des Affaires sociales, qu'on a transposé ses objectifs dans le projet de
loi dans les termes que je viens d'évoquer.
Voilà les deux commentaires que je voulais faire. En même
temps, je vous ai posé en cours de route, une question concernant la
dimension de la mention de l'intégrité mentale et sociale et
votre perception quant à l'application sur le plan individuel. Je pense,
entre autres, toujours à l'exercice du droit de refus. Je voudrais dire,
en terminant, que vous pouvez être assurés que toutes et chacune
des recommandations de votre mémoire vont être scrutées
à la loupe, parce que ce n'est certainement pas notre intention d'avoir
un projet de loi qui décroche des perspectives, des orientations qui
étaient définies dans le livre blanc.
Bien sûr, à la suite de consultations je l'ai dit en
introduction, à l'ouverture des travaux de cette commission on a
procédé à des ajustements, on a procédé
aussi à des additions. Il y a des choses qui sont dans le projet de loi
qui n'apparaissaient pas dans le livre blanc. C'est normal si on veut
être conséquent avec le processus d'une consultation qui fait
ressortir un certain nombre de problèmes qui, pour toutes sortes de
raisons, avaient pu nous échapper ou d'une consultation qui nous permet
d'en venir à la conclusion que notre évaluation était plus
ou moins valable et qu'il faut la réajuster en cours de route, mais,
enfin, c'est autre chose.
Le Président (M. Marcoux): Est-ce que vous voulez
commenter?
M. Charlebois (Maurice): Peut-être par rapport à
votre première question sur le problème du droit de refus dans le
cas de difficultés avec l'intégrité mentale ou sociale.
Sur toute la question du droit de refus, il reste quand même à
l'intérieur de cet article une zone un peu grise. Le droit de refus peut
s'exercer quand il y a un danger imminent, "si l'exécution de ce travail
l'expose à un danger pour sa santé et son intégrité
ou peut avoir l'effet d'exposer une autre personne à un
semblable..."
M. Marois: Vous faites allusion au livre blanc.
M. Charlebois: Je fais allusion au livre blanc, je m'excuse. De
toute façon, il va y avoir un problème d'interprétation
dans la loi. Evidemment, le texte de la loi ne reprend pas la question du
danger imminent. Le texte de la loi, par ailleurs, laisse d'abord au
travailleur un premier préjugé, à savoir qu'il peut cesser
de travailler, sauf qu'en bout de ligne, s'il est démontré qu'il
a agi de mauvaise foi, il peut y avoir une démonstration de
cela. En bout de ligne, il y a une question d'interprétation
là-dedans. (11 heures)
De toute façon, il va y avoir une question
d'interprétation dans cela. Il est assez évident qu'un danger
pour la sécurité est pas mal plus palpable et plus manifeste. Un
danger relatif à l'intégrité physique va peut-être
être plus ou moins palpable. Un danger relatif à la santé
va être encore là, je crois, plus ou moins palpable ou
relativement moins palpable qu'un danger relatif à la
sécurité ou à l'intégrité physique comme
telle. Je pense, finalement, que, par rapport à l'intégration
mentale et sociale entre autres, il va y avoir simplement une gradation. Tous
les dangers ne se présentent pas avec la même intensité et
la même gravité et, dans le cas de droit de refus, qui
apparaît, de toute façon, comme une mesure extrême, une
mesure d'urgence, un danger relatif à la santé mentale ou
sociale, il y a une gradation qui va devoir se faire, dans
l'interprétation du moins.
M. Marois: Au fond, si je comprends bien ce que vous venez de
dire, c'est que vous convenez du fait que l'intégration de la notion
d'intégrité mentale et sociale, comme telle, n'est pas sans poser
un bon nombre de difficultés d'application. Normalement, on prend comme
exemple l'exercice du droit de refus et, probablement encore plus que
l'exercice d'un droit de refus, par exemple, pour des problèmes de
santé strictement.
M. Charlebois: Avec le droit de refus, on prend un cas
extrême. Il est assez évident que se référer
à une notion globale de la santé n'entraîne pas une
série de mesures évidentes. Pourquoi tout le système de
santé entre autres s'est surtout développé en fonction
d'une conception non nécessairement très élargie de la
santé? Je pense qu'il y a quand même une force des choses,
là, qui montre que ça prend des efforts et que ça prend
une certaine continuité, un certain support, au fond, pour
déborder et poursuivre finalement cette approche globale et aller sur
tous les terrains.
Pourquoi toute la science médicale, pourquoi toutes les
institutions publiques n'ont-elles pas tout naturellement
développé cette espèce d'approche globale, pris en compte
l'environnement, pris en compte toutes les dimensions de la santé? C'est
un effort qui s'est imposé à un moment donné et auquel il
faut travailler.
Lorsque vous dites qu'il y a des difficultés de mise en oeuvre de
ça, je pense qu'il y a des difficultés certainement dans la
santé au travail, mais il va y en avoir dans tous les autres domaines.
Cela ne se réalise pas facilement dans la société
actuellement, cette approche. Cela se réalise, par contre... Il y a des
pas qui sont franchis. C'est un objectif qu'on a et il faut le poursuivre. Je
pense que c'est important de se donner une perspective. Ce n'est pas acquis, ce
n'est pas évident. Ce n'est pas demain matin, et tout le réseau,
toutes les institutions, toutes les professions ne sont pas tombés
là-dedans du jour au lendemain, et ça veut dire qu'il y a des
efforts à faire pour y parvenir. Il reste qu'il y a une philosophie
derrière ça.
Le Président (M. Marcoux): Est-ce que vous pouvez vous
identifier pour faciliter le travail du journal des Débats?
M. Lemelin (André): D'accord. André Lemelin, CLSC
centre-ville.
Le Président (M. Marcoux): Approchez-vous du micro aussi,
s'il vous plaît!
M. Lemelin: C'est un commentaire au sujet... Est-ce qu'il est
ouvert?
C'est simplement pour répondre à l'interrogation que vous
avez concernant le refus...
Le Président (M. Marcoux): Là, ça
fonctionne, je pense. Cela devrait...
M. Lemelin: Cela fonctionne, là? D'accord, concernant le
refus pour des risques à l'intégrité mentale ou
sociale...
Le Président (M. Marcoux): Passez-lui donc le micro, parce
que...
M. Lemelin: II ne fonctionne pas? Est-ce que celui-ci fonctionne?
Oui.
Le Président (M. Marcoux): Oui.
M. Lemelin: Je vais reprendre. C'est en réponse à
votre interrogation concernant le refus pour des risques à
l'intégrité mentale et sociale. Je vous répondrais... J'ai
un certain nombre d'éléments qui pourraient fournir des
réponses. Je n'ai pas de réponse comme telle. J'ai un certain
nombre d'éléments.
Je répondrais d'abord par une boutade. Je me dis que c'est clair
que si on accordait un droit de refus pour des risques à
l'intégrité sociale ou mentale, si on se fie aux articles de
Lysiane Gagnon, il n'y aurait peut-être plus beaucoup de ministres et de
députés.
Je pense que le deuxième élément, c'est que je
crois que dans le projet de loi, tel qu'il est actuellement, il y a
déjà un certain nombre de choses qui prévoient, pour des
aspects psychosociaux, la possibilité de refus de travailler, notamment
dans les articles 32 et suivants en ce qui concerne le retrait préventif
de la travailleuse enceinte. On dit que, lorsque son travail comporte des
dangers physiques pour elle-même ou pour l'enfant, il est possible, pour
la travailleuse, de demander d'être affectée à des
tâches différentes, dans le fond de refuser le travail qu'elle
exécutait avant sa condition de femme enceinte.
A la limite, on pourrait dire, pour donner un exemple, que des
travailleuses enceintes pourraient refuser de travailler dans certaines
conditions de travail, par exemple, des équipes de nuit. C'est un
exemple d'élément psychosocial où on
peut dire que le refus de travailler peut être
appliqué.
Par ailleurs, l'autre élément de réponse que
j'aimerais fournir, c'est que c'est clair qu'il est difficile d'articuler, sur
le plan de l'intégrité mentale ou sociale, un droit de refus. Les
lois qui ont été faites un peu partout, particulièrement
en Norvège et en Suède, tout en identifiant un certain nombre de
risques sur le plan social et mental, ne partent pas de refus dans ces
conditions. En même temps, je déplore énormément que
le projet de loi élimine ou, à la limite, ne mentionne pas la
possibilité de traiter des problèmes sociaux, affectifs ou
mentaux sous prétexte que c'est difficile d'articuler un droit de refus
là-dessus.
C'est, grosso modo, les éléments de réponse que je
voulais fournir.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Portneuf.
M. Pagé: Merci, M. le Président. Je voudrais
remercier M. Ouimet et son groupe pour le mémoire qu'ils nous
présentent ce matin. J'aurais un bref commentaire et deux questions par
la suite; je vais les formuler tout de suite et vous pourrez prendre tout le
temps nécessaire pour y répondre.
Tout d'abord, je constate qu'il y a plusieurs points pour
reprendre une expression qui est chère au ministre qui sont
convergents entre ce que vous demandez dans le document que vous déposez
ce matin et ce que nous avons exprimé comme réserve ou comme mise
en garde, hier, lors de la déclaration d'ouverture. Je note, entre
autres, qu'à la page 4 de votre mémoire vous dites: "On met en
place toute une série de mesures légales sans jamais
préciser clairement et définitivement les objectifs à
atteindre." C'est un des éléments sur lesquels on s'est permis
d'insister hier parce que la réforme dans le projet de loi no 17, tel
qu'on le perçoit nous apparaît comme étant davantage une
réforme de structure. C'est dans ce sens, je crois, que les
références que vous faites au livre blanc, et que nous avons
faites nous-mêmes hier, c'est un élément convergent, quant
à moi. Somme toute, on demande au gouvernement...
Le reproche qu'on adresse à l'égard du projet de loi no
17, c'est de ne pas avoir su traduire, dans le libellé du texte, les
objectifs à atteindre en termes de santé et de se limiter, dans
un premier temps tout au moins, c'est ce qu'on semble percevoir
à une réforme de la structure, comme telle.
A la page 6 de votre mémoire, vous indiquez qu'il vous
apparaît inacceptable qu'un seul établissement du réseau
des affaires sociales, le CH-DSC, échappe tout à coup à la
dynamique de ce réseau et relève d'une commission qui n'a aucune
prise sur ce réseau. D'ailleurs, le réseau a été
conçu en fonction d'une complémentarité entre les
établissements qui vise à donner une réponse à tous
les types de besoins.
Je dois vous dire que c'est un élément qui a beaucoup
d'importance dans le débat. Vous avez très bien su l'exposer, ce
matin. Lorsque nous avons pris connaissance de votre mémoire, cela a
impliqué des questions, des réflexions. Il va de soi que
l'échange que nous avons eu hier avec les départements de
santé communautaire, l'échange que nous avons ce matin avec vous
et celui que nous aurons avec les autres groupes nous amèneront à
réfléchir à tout cela, à discuter de tout cela avec
les intervenants et à prendre des positions qu'on sera en mesure de
faire valoir tant lors de l'étude du projet de loi en deuxième
lecture que lors de l'étude du projet de loi article par article, et ce
aussi compte tenu des modifications ou des précisions du ministre.
Là-dessus, je dois exprimer mon appréciation, je suis heureux de
voir que le ministre a déjà accepté, à certains
égards, de préciser des éléments du projet de
loi.
Vous dites, à la page 8 de votre mémoire: "La Commission
de la santé et de la sécurité du travail pourrait
collaborer avec le ministère des Affaires sociales à la
conception des programmes-cadres à partir des priorités qu'elle
se donnera, laissant au ministère et à son réseau la
responsabilité d'implanter aux niveaux régional,
sous-régional et local des programmes vraiment adaptés aux
besoins."
Il va de soi que ce critère d'application de programmes sur une
base régionale ou sous-régionale, compte tenu des besoins, compte
tenu des priorités d'interventions, parce que c'est un
élément important d'agir selon les priorités
d'interventions cela a d'ailleurs été mis en relief hier
par l'intervention des gens des départements de santé
communautaire que c'était bien d'avoir un programme-cadre avec une norme
minimale pour le Québec, mais qu'on se devait de traduire ces normes,
compte tenu des objectifs prioritaires à atteindre, selon les besoins
dans certaines régionsil va de soi, dis-je, que les besoins entre
autres de la région de Québec ne sont pas nécessairement
les mêmes que les besoins ou les objectifs à atteindre dans une
région comme Montréal qui est beaucoup plus fortement
industrialisée.
A la page 11 de votre mémoire il y a un élément que
je trouve assez intéressant, c'est que le programme de santé d'un
établissement, tout en étant conforme au programme-cadre, peut le
compléter en fonction des besoins particuliers de
l'établissement. C'est la crainte qu'on a, quant à nous, et je
suis heureux de constater que vous ayez des propositions dans ce
sens-là. Ce que l'on craint, c'est que la commission de santé et
de sécurité au travail, dans les programmes-cadres de
santé qu'elle adoptera, s'en réfère strictement et
uniquement et se limite à des normes minimales dans les entreprises,
parce qu'on a quand même des entreprises au Québec qui sont
allées loin dans la prévention et la sécurité. On
ne peut pas en dire autant de toutes les entreprises, on ne peut pas en dire
autant de certaines catégories d'entreprises, mais on aura l'occasion
d'en discuter avec d'autres intervenants où ils auront quand même
à en rendre compte à certains membres de la
commission, entre autres aux membres de l'Opposition.
La requête que vous formulez j'espère que le
ministre et que les membres de la majorité ministérielle en
prendront bonne note a trait à l'obligation qu'ils ont de
permettre, de faire en sorte de rédiger, de libeller, dans le projet de
loi, la possibilité de traduire sur une base spécifique, compte
tenu des besoins de certains secteurs de l'industrie, de préciser ces
programmes-cadres.
La première question est la suivante: Ne croyez-vous pas que le
gouvernement, avec le projet de loi, aurait pu agir dans un premier temps en
établissant des objectifs à atteindre d'où se
dégagera un ordre de priorités selon certains types d'industries
et selon certaines régions, sans modifier pour autant toute la
structure, comme il le fait dans le moment? Parce que c'est une modification
presque intégrale de la structure avec laquelle on aura à vivre
selon le projet de loi 17, et je pense que vous le mettez très bien en
relief. Est-ce que vous êtes d'accord avec cette interrogation qu'on se
pose?
La deuxième, c'est que dans votre mémoire vous nous dites:
"Sans définition propre, plusieurs CLSC ont développé une
approche en santé au travail." Comme premier élément de
question j'aimerais que vous me disiez ce qui s'est fait au Québec de la
part des CLSC à ce chapitre, jusqu'à maintenant.
Le deuxième volet de la question de cette deuxième
question j'aimerais connaître l'état, la nature de la
relation que vous avez avec les départements de santé
communautaire dans le moment.
Je me permettrai un commentaire en terminant. Je dois vous exprimer ma
satisfaction, quant à moi, parce que vous savez que les CLSC ont
souventefois été l'objet de critiques, parfois justifiées,
je pense, de la part des gens qui formaient le précédent
gouvernement, de la part de la formation politique que je représente,
mais je dois vous dire cependant que, quant à moi, je considère
que dans plusieurs cas, entre autres dans mon comté, le travail qui a
été fait par le CLSC de ma région et de mon comté
est tout à fait concluant. Je conviens cependant que s'il y avait eu des
ressources financières additionnelles, il aurait pu faire davantage et
il aurait peut-être pu faire mieux. J'ai été à
même de voir le volet de santé publique, le travail positif qui se
faisait par le CLSC. Il m'apparaît que la relation du CLSC de mon
comté avec le département de santé communautaire
correspondant est bonne. Mais on me dit que ce n'est peut-être pas
partout pareil et on me dit qu'il y a peut-être des secteurs où la
relation entre le CLSC sur les orientations à prendre, le mode d'action
à donner, la concertation sur les types d'interventions, n'est pas
toujours concluante et, somme toute, que vous ne seriez pas toujours sur la
même longueur d'onde.
C'est ce qu'on me dit et j'aimerais que ce matin vous me fassiez
état, d'une part, de votre expérience en terme de santé et
de sécurité au travail, dans le milieu, ce que vous avez fait et,
deuxième élément, votre expérience avec le
département de santé communautaire. Est-ce que ça va pour
le mieux dans le meilleur des mondes, oui ou non?
M. Ouimet: A ce moment-ci, comme nous avons à la table de
gens représentant le CLSC de Sherbrooke et celui du centre-ville, ils
pourront nous parler en connaissance de cause des expériences
vécues par les CLSC dans ce domaine-là et on va peut-être
commencer par aborder cette dimension-là. On pourra parler par la suite
des relations avec les DSC. (11 h 15)
M. Perreault: Pour répondre à votre question
à savoir ce que les CLSC ont fait, comme on le disait, on a à peu
près une trentaine de CLSC qui se sont impliqués récemment
et nous sommes en train de compiler une analyse descriptive de dix programmes
que nous avons choisis parmi les CLSC. Malheureusement, ce n'est pas encore
complété. On peut peut-être résumer rapidement. Au
niveau de la région de Québec, il y a deux CLSC, trois maintenant
avec le CLSC Laurentien qui vient d'ouvrir ses portes, qui travaillent depuis
déjà plusieurs années en collaboration étroite avec
le département de santé communautaire du Centre hospitalier de
l'Université Laval.
Ils ont eu vraiment des actions significatives sur le terrain, il y a
déjà eu des ententes signées entre, d'une part, le CLSC et
l'employeur et le syndicat, d'autre part, afin d'améliorer les
conditions de travail. Je sais que c'est concentré
particulièrement au niveau des problèmes des fonderies et de la
surdité. Au niveau du CLSC SOC, je laisserai Sylvia expliquer rapidement
plus tard les grands enjeux de leur programme qui est là depuis pas loin
de cinq ans. Quant au CLSC centre-sud, son équipe devrait venir vous
présenter un mémoire cet après-midi. Alors, ils pourront
exposer cela plus rapidement. Ils ont déjà une action depuis
trois ou quatre ans dans toutes sortes de secteurs, syndiqués comme non
syndiqués, particulièrement au niveau des entreprises du
centre-sud de Montréal où il y a beaucoup de travailleurs
immigrants, où il y a très peu de protection syndicale.
Au niveau du CLSC Katéri, je pense que vous avez sûrement
entendu parler des difficultés. La fermeture occasionnée à
l'usine de la Ballast, je pense que c'est principalement grâce au travail
qui a été accompli par le CLSC Katéri en collaboration
étroite avec le département de santé communautaire de
l'hôpital Charles-LeMoyne. C'est le CLSC qui a assuré tous les
programmes de dépistage et de surveillance à ce
moment-là.
Au niveau du CLSC Le Moulin, il y a une action qui est assez
significative aussi, assez ponctuelle, mais le CLSC a maintenant un programme
englobant au niveau de tous les travailleurs ce qui a été fait au
niveau des problèmes de surdité dans une usine de pâtes et
papiers, de Gatineau.
Je pense que ce serait assez long de tout énumérer, mais
ce serait peut-être bon que deux
personnes, rapidement, vous disent comment elles fonctionnent sur le
terrain depuis plusieurs années. Sylvia.
Mme Rolfe (Sylvia): Je vais vous décrire brièvement
le programme...
Le Président (M. Jolivet): Votre nom, s'il vous
plaît, pour le journal des Débats.
Mme Rolfe (Sylvia): Sylvia Rolfe, infirmière, CLSC SOC,
Sherbrooke.
Le programme de santé au travail au CLSC SOC de Sherbrooke, pour
cette année, comporte trois volets principaux: le premier, c'est le
volet exploration qui consiste à faire le portrait de notre territoire
en termes de milieu de travail, nombre de travailleurs, syndiqués ou
non, leurs conditions de travail; un portrait non détaillé, mais
qui nous permettrait de fixer des priorités. Dans un deuxième
volet, l'objectif qu'on s'est fixé, c'est de réussir à
travailler avec deux milieux assez importants en termes de nombre de
travailleurs, mais en collaboration avec des travailleurs pour faire avec eux
un programme de santé global, une approche globale où les
travailleurs s'impliquent, où ce sont eux qui, avec l'équipe de
techniciens, avec tout le support qu'on peut leur donner, vont
déterminer ce qu'ils souhaitent avoir dans leur milieu comme
amélioration pour la santé. Cela veut dire rencontre avec le
comité de santé et de sécurité qui a
déjà fait des démarches parce qu'il connaît notre
programme, parce qu'il sait qu'on s'intéresse à la santé
au travail, qu'on a des ressources à ce niveau. Identification des
problèmes de ce milieu; on dresse un portrait de l'usine par
département, par poste de travail. Ensuite, les travailleurs
s'impliquent là-dedans pour nous aider à faire le portrait,
à identifier les produits toxiques, à identifier tous les dangers
qui sont inhérents à leur travail.
Cela implique aussi des examens physiques, des examens de santé,
des questionnaires de santé et, finalement, des recommandations qu'on
leur formule pour leur permettre de négocier avec l'employeur des
changements dans leur milieu de santé. Jusqu'à maintenant, on
travaille avec un milieu d'à peu près 300 travailleurs qui sont
très impliqués, qui veulent de l'information, qui demandent
beaucoup de renseignements, qui s'intéressent et qui collaborent
très bien.
On est en train de travailler avec un deuxième milieu, mais c'est
encore à l'état de négociation; c'est un milieu où
le DSC est impliqué aussi et que je pourrai peut-être
éclaircir tout à l'heure, à la deuxième question
que vous avez posée.
Le troisième volet, c'est finalement des services qu'on a
annoncés pour nous faire connaître et pour nous aider dans
l'exploration; c'est-à-dire qu'on offre aux travailleurs des services de
santé, de consultation, une clinique spéciale où ils
peuvent venir pour des expertises, pour des examens médicaux. On offre
aussi des services d'expertise, sans nécessairement faire tout un
programme pour des milieux qui sont moins impliqués, mais qui veulent de
l'information sur les risques à leur santé. Par exemple, on a un
groupe de travailleurs d'une chaîne d'alimentation qui font la livraison
de commandes à l'auto dans un souterrain et qui nous ont demandé
d'examiner avec eux les risques à leur santé; ça a
été des expertises sur le monoxyde de carbone. Ailleurs,
ça peut être une buanderie qui va nous demander de l'aider
à identifier les risques inhérents aux solvants qu'elle utilise,
etc. Ce sont des expertises isolées, mais qui nous permettent de
connaître les milieux et de créer des liens avec les
travailleurs.
Au niveau des milieux non syndiqués, le travail qu'on fait est
beaucoup plus individuel, parce que c'est très rare qu'il y ait des
comités de santé dans les milieux non syndiqués, il n'y en
a pas, on n'en connaît pas. On travaille plus avec des individus lors de
consultations, et on essaie de les amener à se regrouper et d'essayer
d'avoir une certaine force, mais, ça, c'est très difficile, on
n'a pas encore trouvé de solution pour les milieux qui ne sont pas
syndiqués; ils ont peur de perdre leur emploi s'ils font des
démarches trop compromettantes.
C'est, en gros, le concret de notre travail.
Le Président (M. Marcoux): M. Lemelin.
M. Lemelin: Rapidement, pour vous décrire un peu ce qu'on
fait, nous, au centre-ville de Montréal, je vais vous dresser,
sommairement, le portrait du centre-ville. C'est un territoire de quatre milles
carrés, c'est le plus petit territoire. Par ailleurs, sur ce territoire,
on retrouve entre 125 000 et 150 000 travailleurs; c'est la raison pour
laquelle, comme établissement voué aux problèmes locaux de
santé, on a mis sur pied un programme de santé au travail et la
réalité du territoire, compte tenu du plan de travail, c'est que
ce sont surtout des gens qui travaillent dans des bureaux, dans des commerces,
dans le fond, ce sont des cols blancs. C'est la raison pour laquelle, il y a
deux ans, on a mis sur pied un programme spécifique qui s'adressait
exclusivement aux gens de ces secteurs: commerces et bureaux. On a mis sur pied
une équipe et on est intervenu auprès d'une cinquantaine de
milieux de travail et auprès d'individus en offrant divers services de
consultation, d'information et de sensibilisation sur les risques
inhérents à ces milieux. Il y a des risques à la
santé physique, il y a des risques aussi sur le plan psychosocial, en
particulier. Le plan psychosocial, c'est la grosse caractéristique de
ces milieux; il y a énormément de tension, de pression, de stress
qui causent un certain nombre de maladies psychosomatiques ou encore de la
maladie mentale, à partir de l'anxiété, de l'insomnie,
mais qui peuvent déboucher carrément sur des problèmes
physiologiques comme des problèmes digestifs ou des problèmes
cardiovasculaires. Cela nous a permis, pendant deux ans, de commencer à
élaborer un portrait qu'on qualifie d'assez sérieux sur le plan
psychosocial, on était seul, à ce moment.
J'aborde la deuxième partie de la question, c'est la question du
DSC. Le DSC, n'ayant pas de
coordonnateur à la santé au travail, il n'y avait pas de
relation, en santé au travail, entre le DSC et le CLSC; maintenant, il y
a un coordonnateur en santé au travail. Par ailleurs, on a fait un bout
de chemin maintenant qu'on est plus familier avec le secteur tertiaire, avec
les problèmes qui sont liés à ces secteurs et qu'on
retrouve dans ces secteurs. On a commencé à aborder des
problèmes, parce qu'il y a aussi des industries du secteur secondaire.
Il y a, particulièrement, des imprimeries et des industries textiles
dans le centre-ville, ce ne sont pas des grosses industries, elles ne sont pas
comparables, en terme de nombre, aux autres, c'est l'équivalent
d'à peu près 8000 à 9000 travailleurs, mais on a
commencé à mettre sur pied un programme d'imprimerie, en
collaboration avec le DSC. On est à l'étape d'élaborer un
protocole qui va déboucher sur une espèce de contrat de service
CLSC-DSC. Grosso modo, ça résume ce qu'on a fait chez nous.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Pointe-Claire.
M. Pagé: M. le Président, il y avait un autre volet
à la première question.
M. Ouimet: Concernant les relations avec les DSC?
M. Pagé: Les relations avec les DSC. Je vous demandais
aussi s'il n'aurait pas été plus opportun d'agir de façon
complémentaire dans un premier temps avec les mécanismes et les
structures déjà en place. C'est la première question que
je vous ai formulée et j'aimerais bien que vous me répondiez, M.
Ouimet.
M. Ouimet: Concernant les relations avec les DSC, pas seulement
les relations concernant le champ de la santé au travail, mais
concernant aussi d'autres champs, on peut dire que, si on se reporte à
quelques années en arrière, et les CLSC et les DSC, comme les
représentants de l'Association des DSC l'ont mentionné hier,
étaient tous les deux des organismes jeunes et, évidemment, il y
a eu une période de tâtonnement dans les mécanismes de
collaboration à établir. Par la suite, disons, les collaborations
ont porté sur des sujets et des champs précis comme, par exemple,
la santé maternelle et infantile, la périnatalité, la
santé scolaire. On peut dire que, dans l'ensemble, les relations, les
collaborations concrètes avec les DSC sont excellentes. Il y a
évidemment des ombres au tableau comme partout où il y a des
collaborations entre différents organismes. On peut dire aussi que
l'expérience de décentralisation, via les commissions
administratives dans les conseils régionaux, ont sûrement
aidé les établissements, en particulier les DSC et les CLSC
puisqu'il y a des CLSC et des DSC qui siègent à ces commissions,
à trouver des moyens de forcer des collaborations entre les
établissements.
C'est, je crois, un gain appréciable. En ce qui concerne la
collaboration des CLSC avec les DSC en santé au travail, je vais laisser
à mon collègue, M. Charlebois, le soin de préciser
cela.
M. Charlebois: Très rapidement, justement parce que les
CLSC et les DSC, depuis quelques années, ont eu à travailler
ensemble à différents dossiers, le dossier de la santé au
travail, c'est un dossier qui est relativement neuf un peu partout dans les DSC
comme dans les CLSC. Il y a quelques CLSC qui ont une expérience de
plusieurs années. Aujourd'hui, il y en a une trentaine qui oeuvrent dans
cela, et ce n'est pas tous les CLSC avec tous les DSC qui ont eu une
collaboration sans aucune ombre au tableau, dès le départ.
Cependant, simplement pour illustrer les réflexes qu'on a
développés, dès le départ, les expériences
heureuses comme entre autres la région de Québec, il y en
a eu dans d'autres régions, soit la région de Montréal,
par exemple ont servi à la Fédération des CLSC et
aussi aux DSC. Les chefs de DSC, on se rencontre, on se parle et on veut, en
partant de ces expériences, développer des mécanismes de
collaboration entre DSC et CLSC, et c'est en marche. C'est-à-dire que
les organismes représentatifs de ces différentes institutions
travaillent étroitement ensemble pour éventuellement
développer les meilleurs mécanismes de collaboration qu'ils ont
déjà dans d'autres dossiers. Je pense que ce qui est important de
retenir, c'est qu'il y a un mûrissement dans le réseau et c'est un
peu pour cela qu'on insiste, dans le fond, dans notre mémoire pour
utiliser ce réseau. Il s'est habitué à travailler, ce
réseau. Il y a une dynamique dedans et il y a des collaborations qui se
sont construites.
Par rapport à votre première question, si je comprends,
s'il n'y aurait pas eu lieu d'y aller par étapes plutôt que d'y
aller d'un seul coup, notre mémoire, on le fait porter sur la question
des services de santé. Il reste que, comme fédération, on
avait déjà fait, avant même la sortie du livre blanc
d'ailleurs, on s'y réfère dans notre mémoire des
représentations par lesquelles on avait émis un point de vue par
rapport à tout le dossier de la santé et sécurité
au travail par lequel on appuyait la nécessité d'une
réforme en profondeur. Aujourd'hui, on ne se prononce pas sur tous les
aspects de la loi, mais par contre on pense que cette réforme s'impose
et qu'il y avait lieu de procéder.
M. Pagé: Merci.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Pointe-Claire.
M. Shaw: M. le Président...
Le Président (M. Marcoux): Voulez-vous approcher votre
micro, s'il vous plaît? (11 h 30)
M. Shaw: Nous avons vu, hier, la nouvelle politique des DSC et
des CLSC. Comment savoir qu'il y a peut-être un morceau du gâteau
dont nous voulons prendre soin pour élargir sa fonction
dans la société, dans son milieu? Est-ce que c'est
à l'avantage des travailleurs? Est-ce que c'est à l'avantage du
but de ce projet de loi qui est d'améliorer les conditions de travail
pour les travailleurs? Est-ce que vous avez l'expertise parmi vous, sans une
grosse dépense d'argent de l'Etat, pour avoir le nombre de personnes
dont vous avez besoin? Vous venez parler d'une petite entreprise dans les
Cantons de l'Est et de petites études ici et ailleurs. Vous n'avez pas
l'expertise parmi vous pour faire l'ouvrage qui est impliqué dans ce
projet de loi. Je trouve que vous êtes en train d'insister pour que le
gouvernement vous donne encore. On parlait hier des DSC. Je vais vous poser une
question simple. Est-ce que vous avez un seul expert dans ce domaine qui est
déjà dans un autre domaine, disons un médecin du travail?
Parmi vous, en avez-vous un?
M. Ouimet: En ce qui concerne l'expertise, je crois si
j'ai bien compris hier les interventions de nos prédécesseurs,
l'Association des hôpitaux qu'on mentionnait que même au
niveau des DSC on n'avait pas suffisamment de ressources. On avait des agents
de recherche et quelques autres postes, mais c'est à peu près
tout. Ils n'ont pas plus que nous l'expertise voulue. Ils auront besoin eux
aussi de ressources supplémentaires, ce qui est d'ailleurs prévu
dans le projet de loi, où la commission doit allouer des ressources
financières. Que ce soient les DSC, que ce soient les CLSC ou que ce
soit une autre institution, ces gens auront besoin de ressources
supplémentaires. Dans ces ressources, il est possible d'engager des
experts. Par ailleurs, en ce qui concerne votre question très
précise: Avons-nous certains experts? Il faudrait s'entendre sur la
notion d'expert. Je crois que les témoignages qu'on vient de donner en
mentionnant un certain nombre de CLSC qui ont déjà une
expérience ou une expertise dans ce domaine viennent répondre en
partie à votre question.
En ce qui concerne la partie du gâteau, vous nous dites qu'on
voudrait avoir une partie du gâteau, si j'ai bien compris. Je ne vois pas
le mal qu'il y a à vouloir une partie du gâteau, en ce sens que la
politique du gouvernement concernant la santé, globalement et la
santé publique a prévu une réforme dans laquelle devrait
se développer un réseau de CLSC; il y en a maintenant 80 et on en
prévoyait au-delà de 200. On croit sûrement que c'est un
accident de parcours et que la volonté du gouvernement de
développer le reste du réseau ne nous manquera pas et que le
réseau va se développer. A ce niveau, on a le droit de
réclamer cette partie du gâteau à laquelle vous faites
référence, parce que c'est dans la vocation et les fonctions des
CLSC, comme c'est dans la fonction des DSC aussi de promouvoir la santé
et la prévention.
M. Shaw: Dans cette même ligne de pensée, vous avez
commencé à fournir des soins médicaux de médecins
dans vos CLSC. Tout le monde sait que le coût qui est impliqué,
quand c'est fait par un CLSC, est de dix à quinze fois plus
élevé que pour les soins qui sont donnés dans les cabinets
privés des médecins.
Une Voix: Sur quoi vous appuyez-vous pour dire cela?
M. Ouimet: A quelle étude faites-vous
référence? En tout cas, il y a eu une étude qui est parue
sur la qualité des soins médicaux dans les CLSC, il y a un an, je
crois, et qui affirmait que les soins médicaux donnés dans les
CLSC étaient supérieurs à ceux donnés dans les
cliniques privées. Je me serais abstenu de faire référence
à cette étude, mais puisque vous nous en parlez...
M. Shaw: Vous n'avez pas parlé du coût de... Nous
avons fait une étude du coût d'une visite à domicile faite
par un médecin d'un CLSC en comparaison avec une visite à
domicile par un médecin privé. C'est quinze fois plus cher. C'est
évident que votre efficacité n'est pas démontrée,
même dans les lieux que vous avez déjà pris. Vous voulez
entrer dans d'autres lieux, et on prévoit des coûts
extraordinaires, parce que votre efficacité, votre expérience ne
sont pas encore reconnues. Vous voulez prendre un autre morceau du gâteau
et vous n'avez pas encore démontré que ces morceaux que vous avez
déjà sont assez bien développés.
M. Ouimet: M. le député de Pointe-Claire,
j'aimerais prendre connaissance de l'étude à laquelle vous vous
référez et on pourra se préparer en conséquence et
répondre de façon très précise à votre
question.
M. Shaw: Une dernière question, s'il vous plaît, M.
le Président. Vous dites, à la page 14 de votre mémoire:
Voudrait-on faire de la médecine du travail une nouvelle
spécialité? Est-ce que ce n'est pas déjà une
spécialité?
M. Perreault: Acutellement, ce n'est pas considéré
comme une spécialité. Il n'y a pas de département clinique
à ce niveau. Est-ce qu'on m'entend bien?
M. Shaw: Alors...
M. Perreault: D'accord. Ce n'est pas une
spécialité. Je pense qu'il y a des médecins en pratique
générale qui prennent une orientation à temps plein ou
à temps partiel au niveau de la santé au travail.
M. Shaw: Mais, vous n'avez pas entendu parler hier les
médecins qui sont dans cette...
M. Perreault: II y en a peut-être qui peuvent
réclamer que ça devienne une spécialité, mais, pour
l'instant, en tout cas, ce n'est pas considéré à ce
niveau-là, et on demande justement si ce n'est pas certain qu'ils
voudraient l'être.
Moi, je reviendrais à une question que vous posiez tout à
l'heure à savoir si nous avons les
experts? Evidemment, nous n'avons pas toute la batterie d'experts qui,
d'ailleurs, ne devraient pas nécessairement aller chez nous puisque nous
allons à un niveau local. Il devrait y avoir des gens qu'on pourrait
consulter qui seraient au niveau des DSC justement.
En ce qui concerne nos intervenants, la plupart, sinon tous, ont suivi
une formation à la fois sur le terrain et dans ce qui se donne de mieux
au Québec et plusieurs de nos intervenants participent actuellement
à la formation d'autres intervenants à l'intérieur des
programmes universitaires dans les différentes facultés de
médecine, au niveau des programmes du ministère des Affaires
sociales et sont appelés à former d'autres intervenants
actuellement.
Le Président (M. Marcoux): Mme le député de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je voudrais
revenir sur un point que mon collègue de Portneuf a soulevé et
auquel, pour ma part, je ne crois pas avoir obtenu une réponse
satisfaisante. C'est sur le nombre d'intervenants qui va résulter de
l'adoption de cette éventuelle loi, même s'il y a des
amendements.
Il vous a demandé: Ne semble-t-il pas exister des ressources
considérables et ne devrait-on pas les utiliser peut-être avant
d'ajouter une nouvelle structure, etc.? Vous avez répondu: On est pour
la réforme et la réforme s'imposait. Je pense que
là-dessus tout le monde dans cette salle est d'accord. Il y avait lieu
de procéder à une réforme et de se préoccuper des
problèmes de santé et de sécurité au travail. Mais,
vous avez signalé vous-mêmes, dans votre mémoire, que vous
avez l'impression que vous êtes peut-être mis un peu de
côté, et je pourrais même lire ce que vous avez dit
je ne l'ai pas directement que ça vous étonne que seuls
les CH-DSC échappent au réseau et vous vous inquiétez du
fait qu'on n'ait pas confié toute cette responsabilité
peut-être pas de coordination ou d'un chapeau sur toute la coordination
de ces services, au réseau des Affaires sociales.
Est-ce que, dans ce sens-là, vous ne croyez pas qu'on ait
ajouté un cadre juridique dont les responsabilités sont
très grandes? Quand on regarde les responsabilités de la
commission, c'est considérable. Est-ce qu'on ne complique pas, d'abord,
la coordination de tous les services? Qui va être responsable de qui et
de quoi? Est-ce que, à votre point de vue, on s'achemine vers une
utilisation vraiment rationnelle des ressources déjà
existantes?
Que vous soyez d'accord, on est tous d'accord, mais je pense que la
question était plus précise que ça et c'est pour ça
que j'y reviens.
M. Charlebois: Dans la mesure où on demande que la loi
prévoie une utilisation, au fond, optimale du réseau,
évidemment, il y a, sous-ja-cente à ça, une
inquiétude à savoir que, possiblement, il n'y aura pas une
utilisation absolument rationnelle des ressources.
D'ailleurs, dans notre mémoire, ce qu'on craint, c'est que se
développe un autre réseau, un réseau parallèle. Je
pense que vous avez là des éléments de réponse aux
questions que vous posez, à savoir si, quant à nous, il y a des
craintes ou non de voir une utilisation rationnelle ou non du réseau. On
se dit: Le réseau est en place et composons avec, misons dessus,
plutôt que de laisser se construire un autre réseau.
Peut-être en complément à une question qui a
été posée tantôt, on demande: Est-ce qu'il y a des
experts dans les CLSC? Est-ce qu'il y a des experts ailleurs? Il y a des
médecins qui travaillent déjà au niveau de la santé
du travail dans les usines. Mais il ne faut pas oublier qu'il s'agit, à
notre point de vue, du développement fantastique d'un programme dans la
mesure où on essaie de couvrir toutes les usines; il y a bien des
secteurs qui n'étaient pas couverts. Il y a nécessairement un
développement important, il y a nécessairement des gens qui vont
être obligés d'apprendre le métier, il y a des gens qui
vont être obligés de s'impliquer; un peu partout au Québec,
la demande va aller grandissante. On parle d'une situation où seulement
quelques entreprises ou une bonne partie d'entreprises, mais quand même
pas toutes les entreprises, avaient des services ou se préoccupaient de
cette question dans une situation où il va y avoir une stratégie
gouvernementale pour que tous les travailleurs puissent être couverts.
Nécessairement, il va y avoir une augmentation fantastique de la
demande.
Mme Lavoie-Roux: Est-ce que vous avez vous l'avez
certainement fait examiné le rôle de la commission ou les
fonctions qui lui sont dévolues? Peut-être que, quand vous avez lu
votre mémoire, cela m'a échappé, mais est-ce qu'il y a des
pouvoirs qui vous sont accordés qui vous paraissent présenter des
difficultés quant à la meilleure utilisation des ressources
existantes?
M. Charlebois: Essentiellement, c'est au niveau des programmes de
santé. On souhaite que ce soit remis au ministère des Affaires
sociales et à son réseau plutôt qu'à la commission;
c'est le seul élément sur lequel on s'est penché en regard
des pouvoirs de la commission comme tels.
Mme Lavoie-Roux: Bon. Une autre question. Hier, cela m'a
frappé, également, avec le groupe des DSC et des centres
hospitaliers. Je voudrais vous référer à la page 13 de
votre mémoire, au paragraphe 2: "Nous regrettons vivement que le projet
de loi ne garantisse pas dans sa forme actuelle une véritable
implication du milieu de travail. Tout le discours entourant cette
réforme ne repose-t-il pas sur le dynamisme des milieux mêmes de
travail?" J'ai l'impression, en vous entendant et en lisant ceci et en me
référant à ce que j'ai entendu hier, qu'au niveau du
discours tout le monde dit: La santé au travail, ça doit
être pris par le milieu lui-même, ça doit être
à l'intérieur du milieu de travail. J'ai l'impression que tous
les agents de santé, à quelque niveau, dans quelque
domaine que ce soit, s'apprêtent à prendre le leadership et
peut-être à se substituer au milieu lui-même. Je regarde les
fonctions que vous décrivez, en page 15, et tout à l'heure, quand
le monsieur a exposé ce qui se passait dans Montréal-Centre, il a
dit: Nous, on fournit l'équipement, on fournit les ressources et on
demande aux ouvriers de donner leur point de vue. Peut-être que je ne
traduis pas exactement ce que vous avez dit, mais c'est ce qui m'est
resté. Je ne suis pas convaincue que c'est vraiment le milieu du travail
lui-même ce que vous souhaitez au moins au niveau des principes
qui va finalement surnager dans toute cette aventure, si on peut
dire.
M. Charlebois: Vous soulevez, dans le fond, les
difficultés assez importantes de la participation des usagers,
éventuellement, dans la définition des services qu'ils doivent
avoir. Quant à nous, il y a une voie qui est privilégiée,
une voie à travers laquelle on travaille, c'est autour des programmes de
santé. Si vous lisez attentivement les recommandations qu'on fait, on
désire que le milieu de travail, le comité paritaire, entre
autres, puisse avoir une prise réelle sur la définition du
programme de santé spécifique; c'est que ça parte de
là. C'est une voie pour que, éventuellement, les usagers puissent
moduler, d'une certaine manière, les services qui vont leur être
offerts.
Jusqu'à quel point, par ailleurs, on va être capable
d'éliminer complètement l'ascendant des professionnels,
éventuellement, sur la définition des programmes? Poser la
question, c'est poser le problème. Il s'agit là des approches
qu'il faut développer dans les interventions; ce problème se
retrouve à tous les niveaux.
Mme Lavoie-Roux: C'est un commentaire que je fais. On a vu dans
d'autres domaines, et dans le domaine de la santé également, les
professionnels, remplis de bonnes intentions, se substituer au milieu qui
disait vouloir se prendre en charge. C'est quand même nouveau tout cela,
même pour vous, les CLSC qui sont impliqués ou les DSC, et il
faudrait quand même, je pense, être extrêmement prudent pour
ne pas être trop envahissant. Enfin, je le fais comme commentaire. (11 h
45)
Je voudrais souligner la recommandation c'est peut-être la
sixième au bas de la page 18, que les responsables et divers
intervenants du domaine de la santé aient des obligations inscrites dans
la loi. Cela me semble une recommandation intéressante. Je ne sais pas
si au plan juridique c'est facile de les inscrire dans la loi, mais je pense
que tout le monde peut se déclarer responsable ou être reconnu
comme étant responsable de la santé dans le milieu du travail,
mais qu'on inscrive leurs obligations dans la loi, je pense que ce
serait...
M. Charlebois: On réfère là à des
obligations bien précises que vous retrouviez dans le document
précédemment.
Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie.
Le Président (M. Marcoux): Je remercie la
Fédération des CLSC du Québec pour la présentation
de son mémoire.
Fédération des médecins
omnipraticiens
J'inviterais maintenant la Fédération des médecins
omnipraticiens du Québec à venir nous présenter son
mémoire... Pour reprendre à 15 heures. Nous aurons, je pense, je
le souhaite, le temps de compléter l'audition de ce mémoire.
M. Hamel, si vous voulez nous présenter vos collègues,
votre mémoire...
M. Hamel (Gérard): La fédération, M. le
Président, est aussi représentée...
Le Président (M. Marcoux): Je sais que vous êtes un
habitué des commissions parlementaires.
M. Hamel: Elles sont plus ou moins heureuses. Nous
espérons aujourd'hui qu'elle sera très fructueuse.
Représentent aussi la fédération, dans l'ordre habituel,
depuis l'extrême gauche, Dr Louis Samson, Dr Daniel Drolet, Dr
Clément Richer, Me Raymond Lachapelle, Dr Gilles Desrosiers, Dr Richard
Gosselin et Dr Claude Clément.
M. le Président, la Fédération des médecins
omnipraticiens du Québec n'a pas l'intention devant cette commission de
lire le mot à mot du mémoire qu'elle a déposé. Si
elle obtient l'assurance que le contenu de son mémoire sera
publié intégralement dans le journal des Débats.
Le Président (M. Marcoux): On va faire cette
procédure tout de suite. Est-ce que les membres de la commission
consentent à ce que ce mémoire... Oui? Alors votre mémoire
sera inscrit intégralement dans le journal des Débats. (Voir
annexe A). Continuez la présentation du résumé de votre
mémoire.
M. Hamel: Merci, M. le Président. Nous
préférons donc résumer à ce moment-ci l'essentiel
de notre position en l'assortissant, à l'occasion, de commentaires
appropriés. La fédération est l'organisme
représentatif officiel de tous les médecins omnipraticiens du
Québec. Elle représente les intérêts
socio-économiques et professionnels de tous ces médecins
omnipraticiens, y compris ceux qui oeuvrent dans le domaine du travail. La plus
exhaustive, la plus récente enquête faite au Québec, sur
les conditions d'exercice des médecins omnipraticiens par la firme
Mathematica de l'Université de Princetown avec la collaboration de notre
fédération et financée par une agence du gouvernement
américain, démontre que trois médecins omnipraticiens sur
dix peuvent se réclamer de quelque compétence en médecine
du travail depuis le médecin qui consacre exclusivement à cette
activité jusqu'au médecin qui, occasionnellement fait subir
à des travailleurs les examens que requièrent deux diverses lois,
sans compter les médecins traitants qui, par leurs interventions
préventives ou curatives auprès des travailleurs qui sont
également leurs patients, agissent dans le domaine du travail.
Ce champ d'activité mobilise presque autant de médecins
omnipraticiens que l'obstétrique qui occupe à temps partiel,
évidemment, quatre médecins omnipraticiens sur dix. Pour nous, la
médecine du travail est un champ d'activité aussi prioritaire que
l'obstétrique, l'urgence dans les centres hospitaliers ou les soins aux
personnes âgées dans les centres d'accueil ou les centres de soins
prolongés.
La fédération représente tous les omnipraticiens,
quel que soit le niveau de soins où ils exercent, centres hospitaliers,
centres hospitaliers DSC, CLSC, centres d'accueil, centres hospitaliers de
soins prolongés, cabinets privés, polycliniques, etc. Elle
représente ceux qui se consacrent à la santé publique
comme ceux qui veillent à la santé individuelle, ceux qui
prodiguent des soins préventifs comme ceux qui dispensent des soins
cu-ratifs. Cette représentation vaste et variée de la
fédération lui dicte la seule politique objective qu'elle doit
adopter envers ses membres et envers la société: promouvoir les
intérêts socio-économiques et professionnels de ses
membres, sans distinction de niveau de soins, ni d'activités auxquelles
se livrent les médecins, sans distinction entre les divers groupes de
médecins dans une complète harmonisation avec les
intérêts de la société.
La fédération rappelle à ce sujet qu'elle
n'entretient aucune forme de discrimination vis-à-vis de l'exercice,
soit dans un cabinet privé, soit dans un centre hospitalier ou un centre
local de services communautaires ou un centre d'accueil. La dernière
entente que nous avons signée avec le ministre des Affaires sociales en
septembre 1976 en est le témoignage le plus éloquent, et d'autres
instances subséquentes que nous avons signées avec le ministre
des Affaires sociales actuel, relativement aux territoires et aux
établissements accessibles aux boursiers, en sont des témoignages
additionnels.
En effet, tous les médecins omnipraticiens exercent dans un
même régime public, et la seule différence qui distingue un
médecin de cabinet de son confrère d'un centre hospitalier ou
d'un autre de même nature, c'est que le premier est seul
propriétaire de son instrument de travail et seul responsable des frais
d'administration du centre de soins. C'est pourquoi la fédération
a toujours obtenu que l'Etat accorde au médecin de cabinet une
rémunération qui tienne compte des dépenses
d'opérations qu'il encourt et c'est pour la même raison que la
FMOQ et le ministère des Affaires sociales poursuivent, dans leurs
négociations et leurs ententes, une politique d'équivalence
actuarielle entre les modes et les niveaux de rémunération
applicables aux différents niveaux de soins.
C'est donc sans crainte d'être déclarée
biaisée ou intéressée que la fédération
aborde la question centrale de l'organisation des services de santé au
travail dans le cadre du projet de loi. Au départ, la
fédération trouve ambiguë l'appellation de services de
santé que le projet de loi attribue aux services médicaux que les
médecins sont appelés à fournir. Dans un sens large,
l'expression services de santé regroupe tous les services
destinés à identifier les agents agresseurs, à
prémunir les travailleurs contre les effets de ces agents, à
protéger et à maintenir la santé des travailleurs. Il
s'agit manifestement des services multidisciplinaires que devront fournir des
professionnels qualifiés comme ingénieurs, chimistes,
hygiénistes, techniciens ou recherchistes, en plus des
médecins.
Dans un sens strict, l'expression services de santé
désigne les services médicaux que peuvent rendre les
médecins. C'est dans ce sens que la fédération a
utilisé l'expression dans son mémoire. La
fédération insiste toutefois sur le fait que la médecine
du travail n'est qu'un aspect d'un service global de santé au travail et
que l'apport multidis-ciplinaire des autres services particuliers est
indispensable à l'élaboration et à la mise en oeuvre d'une
véritable médecine du travail.
Qu'en est-il alors de l'organisation des services de santé au
travail pris au sens strict? La fédération souligne dans son
mémoire, page 4, article 102, que c'est une erreur sérieuse que
commet le projet de loi en reléguant au niveau de la situation
d'exception le cabinet privé du médecin.
Si elle insiste sur ce niveau de soins qu'est le cabinet, c'est que le
projet de loi le néglige sciemment, alors qu'il accorde une
prédominance aux autres niveaux.
Sans doute la fédération est-elle satisfaite du rôle
dévolu à ces derniers, sauf pour la quasi-exclusivité qui
leur est conférée. Elle répète que c'est une erreur
que de mettre ainsi à l'écart le cabinet privé du
médecin ou de lui imposer des balises. Que représente un cabinet
privé? A la fois un médecin, qui est un dispensateur de services
de santé et un lieu de dispensation de ces mêmes services.
Considérons d'abord le médecin; il est impensable qu'un
régime de santé et de sécurité du travail puisse
fonctionner sans la contribution de ce médecin. Le nombre même des
médecins destinés à être impliqués dans le
régime pour desservir éventuellement toutes les entreprises du
Québec, dans tous les programmes spécifiques de santé au
travail, que préconise le projet de loi, milite contre cette exclusion.
Ce médecin possède déjà de l'expérience dans
le domaine du travail ou aspire à l'acquérir. Il peut devenir
médecin responsable d'un service de santé d'un
établissement ou médecin qui, sous l'autorité de ce
dernier, fournit des services dans rétablissement. Il peut fournir
d'autres services dans le cadre d'un programme de santé sous
l'autorité d'un chef de département de santé
communautaire.
En un mot, il est le médecin qui oeuvre dans le régime,
sans exercer spécifiquement, à l'intérieur d'un CH-DSC ou
CLSC, il exerce au besoin, soit à l'intérieur, soit à
l'extérieur de son cabinet.
Considérons maintenant le cabinet privé comme lieu de
dispensation de services de santé. Le cabinet privé est alors
appelé à remplir un double rôle. Avant de définir ce
rôle, déterminons les paramètres de l'activité du
cabinet privé. C'est dans l'optique des travailleurs de près de
85% des quelque 125 000 établissements au Québec, qui regroupent
chacun 15 travailleurs ou moins, que
la fédération situe l'action principale du cabinet. Non
pas que la fédération désire négliger la grande
entreprise, mais celle-ci sera généralement bien desservie par un
service de santé de l'établissement ou par un service de
santé interétablissements. Bien que la Société
d'énergie de la baie James, par exemple, trouvera sans doute avantage
à continuer à faire appel à des cabinets pour certains
services de santé. Par exemple, les examens d'embauche de cette
société sont faits par un ensemble de médecins, en
cabinet, distribués sur tout le territoire québécois.
Montréal: Clinique Domus-Medica; Val d'Or, Centre médical de
Val-d'Or; Chicoutimi, Clinique médicale familiale de Chicoutimi-Nord;
Chandler, Cabinet du Dr Czitrom; Rimouski, Clinique de médecine
familiale; Rivière-du-Loup, Clinique médicale Cacouna;
Thetford-Mines, Clinique du Dr Veilleux; Québec, Clinique Montmorency.
La fédération concentre son attention sur les petites et les
moyennes entreprises, pour la bonne raison que celles-ci ne pourront
vraisemblablement pas s'offrir l'avantage d'un service de santé
autonome.
Dans ce contexte, le rôle premier du cabinet apparaît comme
complémentaire ou supplémentaire aux services de santé
d'un établissement. Ce rôle du cabinet privé est rendu
opportun et même nécessaire pour toutes les raisons que la
fédération met de l'avant dans son mémoire; en
particulier, pour des raisons d'accessibilité.
Nous soulignons que le nombre de cabinets privés, répartis
sur le territoire, est plus élevé que celui de tous les autres
centres de services réunis. Le temps d'attente au cabinet est nettement
plus court que celui du centre hospitalier, dans la mesure, où il est
souhaitable de limiter les pertes de temps qu'engendrent les distances et les
attentes. On doit considérer le cabinet comme le point de dispensation
de services de santé le plus accessible.
Le rôle du cabinet s'exerce sous l'égide du chef du
département de santé communautaire ou sous l'autorité
déléguée du médecin responsable. Il comprend la
dispensation en cabinet de tous les services, dans le cadre d'un programme de
santé que le chef du DSC ou le médecin responsable
décidera de lui attribuer. (12 heures)
Le choix du cabinet privé en question se fera sans doute en
fonction de l'expérience acquise par le ou les médecins du
cabinet en médecine du travail, des ressources matérielles et
humaines et de la localisation du cabinet privé. Le deuxième
rôle du cabinet est plus qu'un simple corollaire du premier. Il s'appuie
sur la tendance profonde et humaine du travailleur de s'adresser au
médecin de son choix. D'autres sauront mieux que la
fédération défendre les droits des travailleurs, mais la
fédération les considère ici comme des patients qui
s'adressent au médecin de leur choix pour subir un ou des examens
prédéterminés. Dans ces cas, le rôle du cabinet
privé doit être précisé. Il ne s'exerce qu'en
matière de surveillance de l'état de santé des
travailleurs et à la demande de ces derniers. Les examens faits le sont
en conformité des règlements et les résultats
médicaux sont communiqués au chef du département de
santé communautaire pour fins de contrôle et de
corrélation. Le cabinet offre en définitive trois moyens de
participation au régime. Je résume.
Premièrement, par la contribution de son médecin à
la fourniture des services de santé dans un établissement ou
ailleurs, dans le cadre d'un programme de santé. Deuxièmement,
par la fonction complémentaire ou supplémentaire du cabinet pour
assister un service de santé dans l'établissement.
Troisièmement, par la fonction ordinaire du cabinet pour fournir
à la demande de travailleurs des services relatifs à la
surveillance de leur état de santé. Chacun de ces moyens est
relié à des degrés divers au régime de santé
et de sécurité au travail. Chacun d'eux s'articule parfaitement
avec les CH-DSC et les services de santé d'établissements que
désigne le projet de loi. Il en résulte par l'adjonction du
cabinet une organisation souple et efficace des services de santé au
travail. Nous considérons l'hypothèse des contrats entre cabinet
et DSC comme une mesure bureaucratique très lourde à laquelle
l'entente n'aura aucune difficulté à procurer comme alternative
une solution plus imaginative et moins contraignante.
Ici, j'aimerais ajouter que nous avons eu la fantaisie, à un
moment donné, de faire une étude, de vérifier les
coûts d'opération dans les CH et dans les cabinets privés.
Cela était très facile, parce que l'entente prévoit que le
coût d'opération des cabinets privés est couvert par la
composante technique de la rémunération qui est une
différence entre le taux du cabinet et le taux d'établissement.
Ce coût varie entre $3.25 et $5.50 pour 98% des examens faits en cabinet,
alors que pour les coûts dans les CH nous n'avons qu'à
référer aux directives du ministère des Affaires sociales
aux établissements pour connaître quels sont les taux de
facturation aux personnes qui ne sont pas bénéficiaires du
régime d'assurance-hospitalisation. Dans les soins d'urgence et
consultations externes des hôpitaux, la directive impose un taux de $28
pour la première visite, de $16 pour les autres visites habituelles.
Beaucoup d'établissements au Québec exigent des frais d'au moins
$37, je pense à Val d'Or, Cabrini, $36.40, Charles-Lemoyne $30. On a un
ordre de grandeur des coûts dans le CH et dans le cabinet privé
qui correspond aux frais d'opération. Nous ne croyons pas,
évidemment, qu'il y ait un fondement économique à une
discrimination entre les différents niveaux d'établissements.
Dans un autre ordre d'idées, la fédération est
d'avis que le concept de service de médecine du travail d'un CH-DSC doit
être élargi pour assurer la participation et la concertation de
tous les médecins de la région dont les services ont
été retenus par le chef du département de santé
communautaire dans le cadre des programmes de santé du travail. Ces
médecins peuvent fournir un apport précieux au service de
médecine du travail, mais il faut prendre garde de rendre leur
tâche impossible par l'imposition d'obligations professionnelles
et administratives trop lourdes. Un médecin oeuvrant en
santé du travail à Chandler doit pouvoir être
associé au service de médecine du travail du DSC et du CH de
Gaspé sans être obligé de détenir une nomination de
ce CH, ni de supporter les obligations imposées à un membre du
Conseil des médecins et dentistes.
Un médecin exerçant au CH Santa Cabrini doit pouvoir
s'associer au service de médecine du travail du CH Maisonneuve-Rosemont
sans s'exposer à voir doubler ses obligations administratives ou
professionnelles. Que dire des médecins oeuvrant aux
Iles-de-la-Madeleine, à Fort-George, à Fort-Chimo, à
Blanc-Sablon, à La Sarre, etc? Il est peut-être important ici de
préciser, de donner des exemples d'obligations ou de contraintes
professionnelles et administratives qui sont imposées par la Loi sur les
services de santé et les services sociaux. Par exemple, tout membre d'un
CMD, d'un conseil des médecins et dentistes, doit assister à
quatre assemblées obligatoires par année du Conseil des
médecins et dentistes. Il doit assister, en plus, à six
assemblées réglementaires de son département. Il doit, en
plus, assister à un certain nombre de réunions scientifiques. De
plus, il doit faire partie de comités obligatoires, tels que les
comités de séjour, les comités de pharmacologie, d'examen
des titres, d'évaluation médicale et dentaire, avec des
sous-comités de mortiatalité ou des sous-comités des
dossiers qui regroupent habituellement une dizaine de médecins.
Ces charges administratives et professionnelles sont très
lourdes. On ne peut pas penser les doubler aux médecins qui oeuvrent
habituellement en dehors des CH désignés. Ici, il faut souligner
qu'une fraction minime des médecins omnipraticiens au Québec
oeuvrent dans les centres hospitaliers désignés; la plupart
oeuvrent en dehors de ces centres hospitaliers, dans d'autres centres
hospitaliers régionaux. Donc, il faut permettre à ces
médecins d'être associés au service de médecine du
travail d'un département de santé communautaire sans leur imposer
des contraintes et des obligations supplémentaires. Pour que ces
médecins puissent donc participer de plein droit au service de
médecine du travail sans détenir de nomination, ni être
membres du Conseil des médecins et dentistes, le projet de loi doit
déroger pour autant à la Loi sur les services de santé et
les services sociaux.
C'est pourquoi la fédération recommande que le projet de
loi soit modifié comme suit: recommandation 7, page 10: Les
médecins responsables, ainsi que les autres médecins dont les
services ont été retenus par le chef du département de
santé communautaire, dans le cadre de programmes de santé au
travail, participent de plein droit au service de médecine du travail de
département de santé communautaire. Deuxième
recommandation pertinente; c'est la définition d'agrément, notion
nouvelle qui correspond à une réalité nouvelle. Nous
l'apprécions, mais nous aimons la préciser dans nos
recommandations. Pour nous, cet agrément doit être une
autorisation d'agir comme médecin responsable dans un ou plusieurs
établissements d'une région, conférée sur demande
à un médecin par le chef de département de santé
communautaire. Cette autorisation se substitue à une nomination en vertu
de la Loi sur les services de santé et les services sociaux et elle
dispense le médecin agréé d'appartenir au Conseil des
médecins et dentistes du centre hospitalier désigné et
d'assumer les obligations qui peuvent résulter de cette
appartenance.
Finalement, un mot sur l'intégrité de l'entente. Le projet
deloi prescrit qu'une entente conclue en vertu de l'article 15 de la Loi de
l'assurance-maladie s'applique au régime de santé et de
sécurité au travail. D'ailleurs, les services fournis dans le
cadre du nouveau régime seront considérés comme
assurés en vertu de la Loi de l'assurance-maladie. Une telle entente qui
intervient entre le ministre des Affaires sociales et la
fédération en vertu de la Loi de l'assurance-maladie lie tous les
médecins, ainsi que les établissements, les CH, les CH-DSC, les
CLSC, les CA, etc., qui y sont désignés. Elle a pour objet la
participation des médecins au régime, les normes
afférentes à la rémunération des médecins
ainsi que les conditions d'exercice de leur profession dans le cadre de ces
régimes.
D'autre part, l'entente présentement en vigueur fixe les modes de
rémunération des médecins selon les divers niveaux de
soins, y compris celui de la santé communautaire. C'est
déjà compris dans l'entente actuelle. Il devient superflu et
même nuisible de maintenir dans le projet de loi une disposition voulant
qu'un médecin qui oeuvre dans un établissement sera
rémunéré selon le mode de salariat ou de la vacation.
L'entente prévoit non seulement les niveaux de
rémunération, mais aussi les modes de rémunération.
La fédération ne peut accepter qu'un processus de
législation se substitue au régime de négociation, surtout
quand il s'agit d'objets auxquels l'entente peut amplement et facilement
pourvoir.
Cet article du projet de loi, en plus de constituer un accroc au droit
de la négociation, que n'accepterait aucune catégorie de
travailleurs au Québec, dispose de façon prématurée
de questions qui font actuellement l'objet d'étude par des commissions
du ministère des Affaires sociales ainsi que par la
fédération.
D'ailleurs, les négociations qui doivent être
entamées entre le ministère et notre fédération
sont, d'une certaine façon, retardées, aux dires du
ministère, parce qu'il n'a pas encore reçu les rapports de ces
commissions.
En conclusion, qui aurait pu être aussi bien une introduction
à notre mémoire, le contenu de notre mémoire et de nos
commentaires, M. le Président, n'a rien d'idéologique ou de
philosophique. Nous n'avons mis en cause ni les objectifs poursuivis par le
projet de loi, ni les différentes approches choisies, telles que
l'approche multidisciplinaire, l'approche épidémiologique et
préventive, ni non plus la coordination par les DSC.
Nos recommandations sont concrètes et visent essentiellement
à éliminer du projet de loi les défaillances et les
lacunes qui compromettraient, sans aucun doute, le bon fonctionnement d'un
régime de santé et de sécurité au travail avec
lequel, poutant, tous les médecins que nous représentons
sont prêts à coopérer pleinement.
Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie beaucoup, Dr
Hamel. M. le ministre.
M. Marois: M. le Président, je voudrais tout d'abord
remercier la Fédération des médecins omnipraticiens du
Québec de son mémoire que j'ai lu, bien sûr, très
attentivement. Je dois dire que je crois qu'il s'agit d'un mémoire qui
est très étoffé et qui va certainement contribuer à
cerner beaucoup mieux une réalité qui est au fond, je
pense qu'on va tous l'admettre, dans l'état actuel des choses
quand même, passablement complexe, de l'organisation actuelle des
services de santé au Québec.
Je pense aussi, en toute honnêteté, que votre
mémoire peut nous aider à améliorer le projet de loi.
Bien sûr, vous comprendrez que je n'ai pas le temps de reprendre
toutes et chacunes des recommandations ou commenter chacun des aspects, chacune
des dimensions contenus dans votre mémoire. Je m'attacherai à un
certain nombre de commentaires et questions, si vous permettez que je vous
déboule ça en liasse sur le table, vous laissant le soin, par la
suite, de réagir.
Il y a d'abord les quatre premières recommandations de votre
mémoire qui concernent toute la question des cabinets privés,
aussi bien quant à la dimension de l'accessibilité physique que
la question de la compétence professionnelle, que cette question de
médecine globale entre autres. Là-dessus je crois que
c'est ce que vous évoquez dans votre mémoire s'il est
exact que le réseau des cabinets privés est réparti sur le
territoire au Québec, je pense bien qu'on conviendra que c'est surtout
vrai, j'entends, quant à ses concentrations, forcément, pour les
centres urbains et semi-urbains. Aussi, dans la réalité, dans les
faits, il est aussi exact je crois qu'on l'admettra tous de
rappeler ou de constater, à tout le moins, qu'il y a existence d'un
réseau hospitalier public, à travers le Québec, qui est
tout aussi accessible. Je comprends que vous ayez évoqué la
question des durées d'attente, ce qui est une dimension, bien qu'il
faille absolument ne pas perdre de vue et je pense que cela a
été évoqué, d'ailleurs, lors d'un débat,
hier cette idée d'assurer une présence dans le milieu, ce
qui implique forcément que, notamment non exclusivement
des professionnels de la santé soient présents sur les lieux
même du travail. (12 h 15)
Donc, le problème de l'attente, je crois que c'est une dimension
qui devient beaucoup plus relative dans cette perspective.
Je me permets également, tout en disant encore que chacune de vos
recommandations va certainement être examinée très
attentivement, de rappeler à nouveau que le projet de loi, notamment
à l'article 86, prévoit l'utilisation d'un cabinet privé,
à certaines conditions, avec certaines balises; c'est tout à fait
exact.
Quant à la question qui est extrêmement importante
elle a été évoquée hier, on a eu l'occasion d'en
discuter lors de la présentation du mémoire de l'AHPQ et des
départements de santé communautaire toute la question de
la compétence professionnelle, il existe un bassin de compétences
professionnelles, au Québec, dans ce domaine. Il va certainement falloir
amplifier je pense que cela a été largement
évoqué il va falloir faire un effort considérable,
important, de formation, en particulier dans le domaine de la santé au
travail. Cette compétence est aussi partagée, elle existe aussi
je pense que vous en conviendrez dans certains centres
universitaires, hospitaliers, qui ont aussi développé un bassin
de compétence, en particulier, quant à la dimension, comme on dit
dans le jargon, épidémiologique ou la dimension de santé
communautaire.
Egalement, je me permets de rappeler que non seulement l'article 85 mais
l'article 86 du projet de loi prévoient que les compétences,
même les compétences du réseau privé pourront
certainement être largement utilisées et mises à
contribution.
Quant à la notion de médecine globale c'est un peu
dans ce sens que je disais, au début, que votre mémoire peut
certainement contribuer à éclaircir un certain nombre de notions
qui peuvent apparaître complexes quand on regarde l'état actuel de
l'organisation des services de santé.
Quant à ce concept de médecine globale, il semble
important de souligner je ne sais pas si vous serez d'accord avec moi
quand même que la pratique de la médecine du travail
n'exclut aucunement en tout cas pas de la façon dont le projet de
loi 17 est conçu, je ne crois pas le service médical
individualisé de type familial; mais je pense qu'il faut absolument
distinguer deux choses: d'une part, ce qu'on pourrait appeler le cas par cas
qui est prédominant en cabinet privé et, d'autre part, le service
médical qui s'adresse à un individu en regard d'un environnement
et notamment d'un environnement de travail et qui peut aussi toucher en
même temps plusieurs autres citoyens et citoyennes qui sont dans le
même milieu de travail, ce qui est un des points de repère de
démarrage de ce qu'on appelle les opérations de dépistage
si on veut aller au coeur des problèmes. Mais il s'agit là quand
même de deux choses différentes dans les faits. Par exemple,
l'examen complet majeur pourrait devenir en soi strictement inutile si des
risques présents qui sont décelés exigent un protocole
précis de surveillance médicale. Par exemple, si on
décèle la présence du plomb ou du mercure dans
l'organisme, je pense qu'il faut aller plus loin que le cas par cas
traité sur une base purement et uniquement de type familial. Il y a
toute une dimension additionnelle qui vient de s'ouvrir et dans ce
sens-là, il faut donc une direction à l'action des
médecins et un encadrement, d'où l'utilisation des CH-DSC.
Vous l'évoquez d'ailleurs lorsque vous traitez et j'y
reviendrai un peu plus loin de la question du retrait préventif
dans le cas de la femme enceinte. Une des questions que je me pose et vous le
confirmez dans un certain sens, lorsque
vous abordez cette question-là dans votre mémoire, celle
du retrait préventif concernant la femme enceinte, où vous dites:
Nous, l'état de nos disponibilités pour être
présents sur les lieux, connaître les conditions de travail, etc.,
vous relativisez passablement cette disponibilité-là. Je pense
que tout le monde comprend parfaitement bien ça. Mais c'est fondamental
qu'on puisse s'assurer d'une disponibilité si on veut assurer une
présence dans le milieu de travail, l'étude, la
compréhension de l'environnement de travail, l'approche de santé
publique par rapport à l'approche de santé individuelle ou ce que
d'autres appellent la prévention collective par rapport à la
prévention individuelle qui me paraît être une dimension
extrêmement importante.
Maintenant vous abordez un certain nombre d'autres questions, en
particulier autour des recommandations 6 à 12 dans votre mémoire,
notamment sur la question de l'admission au Conseil des médecins et
dentistes. On a aussi eu l'occasion de discuter de ça hier avec l'AHPQ
en particulier. Il est certain qu'il faut que le projet de loi soit, dans sa
formulation, bien ajusté aux mécanismes actuels, et employer le
même vocabulaire. Alors, dans ce sens-là, on va regarder de
très très près la formulation du texte. J'imagine, et je
vous pose la question en cours de route, que vous serez d'accord; en tout cas
je vous pose la question: Ne croyez-vous pas qu'il est fondamental que soit
gardé un lien avec le Conseil des médecins et dentistes, sinon
toute l'économie médicale du monde hospitalier s'en trouverait
changée alors que ce conseil est censé, je crois qu'il l'est dans
bon nombre de cas, bien plus souvent qu'autrement, se porter garant de la
qualité des actes médicaux?
Quant aux appels c'est une autre chose que vous abordez, autour
d'un certain nombre de recommandations pour refus de nomination ou de
renouvellement de privilèges; je voudrais vous dire tout de suite deux
choses, je crois que de fait, d'une part, la loi actuelle sur les services de
santé et les services sociaux le prévoit, c'est l'article 92,
paragraphes a), b), c) et de fait, je crois qu'il va falloir qu'on regarde de
très près la formulation de l'article 91, deuxième
paragraphe du présent projet de loi pour s'assurer qu'il y a là
quelque chose qui se tient et qu'il n'y a pas de contradiction. J'en ai pris
bonne note et je peux vous dire tout de suite qu'on va regarder ça de
très près.
La deuxième chose, c'est est-ce qu'on doit c'est un peu ce
que j'ai compris que vous nous recommandez ajouter à l'article 92
du projet de loi no 17 la notion de cause juste et suffisante? C'est
sûrement l'esprit du projet de loi, ça va de soi, semble-t-il. Je
veux bien accepter d'en faire vérifier la nécessité ou
l'opportunité sur le plan juridique, de l'insérer. Mais il me
semble que la jurisprudence actuelle, à moins que je sois mal
informé des décisions rendues par la Commission des affaires
sociales, a eu une tendance à être plutôt favorable aux
médecins en ce sens et de fonder son analyse, l'examen des preuves, et
le reste, les témoignages, de tenir compte de cette notion de cause
juste et suffisante. Pourtant, le texte concer- nant la Commission des affaires
sociales ne parle pas de la cause juste et suffisante. Donc, c'est une question
de vérification sur le plan juridique et si vous avez une opinion
à nous glisser au passage, n'hésitez pas à le faire.
Il y a un autre point sur lequel je vais m'arrêter très
rapidement, ce sont vos recommandations 13 et 14, la question du licenciement
du médecin, en particulier l'article 57 du projet de loi no 17,
où on évoque le cas ou la possibilité qu'une demande
puisse être faite par quatre personnes.
J'ai compris que vous nous proposiez 35%; en d'autres termes, on
comprend et on convient avec vous que ça vaut la peine de le regarder de
très près. Je ne sais pas si ce sera 35%; je ne vous cacherai pas
que 35%, à première vue, ça me paraît vraiment
élevé; il y a peut-être lieu d'étudier une formule.
Honnêtement, j'improvise, je n'ai pas eu le temps d'y
réfléchir en profondeur, on pourrait peut-être cerner
ça autour d'une notion de 10% ou 15%, je ne sais pas encore, mais je
pense que vous mettez le doigt sur un problème réel et on va le
regarder de très près. Je crois aussi que, dans le cas où
il y a un comité qui existe, il faut garder la possibilité, pour
les représentants des travailleurs, de faire la demande en question,
surtout que le médecin c'est l'article 88 du projet de loi
peut être imposé par la commission. Dans cette perspective, je
pense qu'il faut laisser cette possibilité aux représentants des
travailleurs, de faire la demande.
Je conviens cependant que dans l'autre cas que j'ai évoqué
plus haut, il y a peut-être lieu de regarder les pourcentages de base
requis pour formuler la demande.
M. Shaw: Puis-je poser une courte question au ministre? Est-ce
que vous êtes au courant que le "bill" 103...
Le Président (M. Marcoux): Est-ce que le ministre le
permet?
M. Marois: Je vais écouter votre question, mais je
voudrais qu'on prenne le maximum de temps avec les groupes qui sont
là.
Le Président (M. Marcoux): Le plus brièvement
possible.
M. Marois: On aura le temps à l'étude article par
article en commission parlementaire.
M. Shaw: C'est pour clarifier une situation. Savez-vous que
l'année passée nous avons adopté la loi 103, qui a
donné le pouvoir au conseil d'un hôpital d'établir le plan
pour le Conseil des médecins et dentistes? Si on exige qu'un
médecin soit membre d'un tel conseil, est-ce que vous prévoyez de
changer la loi pour...
M. Marois: Je crois qu'on ne parle pas de la même chose. Il
s'agit du plan d'organisation médicale que vous évoquez; ici, il
s'agit d'une demande qui implique la destitution ou le licencie-
ment d'un médecin. Là, il s'agit d'une autre question.
M. Shaw: D'accord, mais ça exige que les membres...
M. Marois: Ceci étant dit, M. le Président, je
disais qu'il me semble qu'il y a des remarques pertinentes concernant le
licenciement du médecin et soyez assurés, encore une fois, qu'on
va regarder ça de très près.
Je l'ai évoqué et j'avais dit que j'y reviendrais,
concernant la question du certificat médical pour les fins de retrait
préventif de la femme enceinte ce sont les pages 21 et 22 de
votre mémoire. Je l'ai lu et je l'ai relu, pour être bien certain
que j'avais bien compris ce qui était en cause, le fondement de votre
recommandation et de votre suggestion.
Vous dites au point 602 de la page 21 je m'excuse, M. le
Président, si je prends un peu de temps, mais je pense que c'est
extrêmement important d'éclaircir cela. Je vais essayer quand
même de me restreindre au maximum. Vous dites en 602: Le médecin
traitant, connaît les conditions de travail de sa patiente par le rapport
que celle-ci lui en donne; en d'autres termes, pas par d'autres sources que
celle-là, pas par la visite du médecin dans les lieux de travail
ou par des rapports qu'il pourrait recevoir d'autres sources, mais par le
rapport que celle-ci lui en donne. Toutefois, le médecin ne peut pas
toujours se rendre compte des risques inhérents à l'emploi de sa
patiente sans les vérifier personnellement. Le projet de loi ne lui
fournit pas les moyens adéquats d'acquérir une connaissance
complète de ces risques.
Partant de là et je rattacherai cela tantôt, mais
c'est une question plus large, la question de la disponibilité
vous formulez une recommandation qui vise à remplacer le premier
alinéa de l'article 32 par le paragraphe suivant: "Une travailleuse
enceinte qui travaille dans un établissement et qui fournit à
l'employeur un certificat médical attestant que les conditions de
travail qui y sont décrites comportent des dangers physiques pour
l'enfant à naître", etc. (12 h 30)
En d'autres termes, contrairement au projet de loi tel qu'il est
libellé et qui suppose que l'information sur laquelle est
étoffé, est étayé, est fondé, est
basé le certificat médical n'est pas uniquement l'information
provenant de la patiente, mais l'ensemble de l'information disponible quant aux
conditions de travail dans un établissement X donné ou dans un
département précis de cet établissement, cela provient
d'un certain nombre de sources et, en conséquence, on disait qu'il n'y a
pas de problème. On ne va pas commencer à verser dans des
tatillonnages à n'en plus finir. Il s'agit au fond d'un acte fondamental
pour que cette personne, sans perdre aucun de ses droits et privilèges
acquis, puisse être mutée à un autre poste ou exercer son
droit de sortir de l'entreprise et être compensée en
conséquence.
Là, ce que vous nous proposez, cela n'est pas sans m'amener
à me poser une question très sérieuse. Je me demande si,
d'une part, il n'y a pas moyen, pour l'amour du bon Dieu, que le médecin
gynécologue, par exemple, parle au médecin affecté
à l'établissement en question. Le projet de loi comporte toute
une dimension d'ouverture des livres davantage, d'abord pour mieux faire en
sorte que les hommes et les femmes qui sont au travail soient plus pleinement
informés sur les conditions mêmes de leur environnement, que les
dossiers soient ouverts. Il ne s'agit pas de laisser sortir des choses qui sont
du domaine confidentiel. Le dossier de l'individu, c'est complètement
une autre chose, et le projet de loi cherche à assurer cette
confidentialité. Cela va de soi. Est-ce qu'il ne vous apparaît pas
possible, élémentaire que le médecin traitant parle, par
exemple, au médecin de l'établissement concerné, le
médecin affecté à la santé au travail et que
là, il y ait concertation entre les parties.
La question que je suis en train de me poser je ne tire pas de
conclusion, mais je vais y réfléchir c'est si on ne devra
pas dire: Le certificat médical devra être émis par le
médecin affecté à la santé au travail à cet
établissement, sinon tout de suite demain matin, cela va être
l'avalanche des certificats de complaisance, cela va être l'avalanche des
mécanismes de contrôle.
En d'autres termes, encore une fois, tout le fardeau bureaucratique
d'aller contrôler, vérifier, on va être encore pris dans une
nouvelle situation où tout va repartir d'en haut et descendre en bas.
Après en avoir parlé d'ailleurs je ne vous le cacherai pas
à des médecins, j'ai eu l'occasion d'en parler à
des gynécologues, j'ai eu l'occasion d'en parler à des gens qui
sont dans des départements de santé communautaire, j'ai eu
l'occasion d'en parler à des gens qui sont dans un certain nombre de
CLSC, qui ont fait un "job" pas mal remarquable dans le domaine du
dépistage, j'ai moi-même cité le nom d'une entreprise, hier
en commission parlementaire, qui est situé à Laprairie, il
semblait ressortir de tout cela que oui, c'était plus que possible, que
c'était simple et faisable et qu'il n'y avait pas lieu de tomber encore
une fois dans des patentes qui nous mènent à des contrôles
venant d'en haut et qui sont à l'opposé d'une approche qui vise
à permettre une "responsabilisation" des gens, des citoyens, à
leur faciliter l'exercice de leurs droits.
J'avoue que, en tout cas, ça me chicote beaucoup, ce passage de
votre mémoire. J'aimerais bien comprendre votre point de vue
là-dessus. Je crois qu'il ne faut pas, non plus, encore une fois, tomber
dans le panneau, s'ouvrir des portes à n'en plus finir sur la
possibilité de certificats de complaisance. Il est certain qu'il va
falloir qu'un effort colossal soit fait. Parlant à des femmes enceintes
travaillant en usine, en entreprise, je ne sais pas combien de fois on m'a fait
la remarque suivante... Je ne sais pas si ça reflète un
état réel et très large des problèmes ou si ce sont
des cas d'exception, mais, ayant visité pas loin de 66 entreprises, j'en
ai
rencontré, du monde, en deux ans. Bien sûr, certainement
pas comme un gynécologue qui reçoit c'est son
métier toujours des femmes. J'ai rencontré des femmes au
travail. Toujours, on m'a dit: C'est exceptionnel, par exemple, qu'un
gynécologue qui traite une femme enceinte lui demande, comme
première question: Est-ce que vous travaillez? Deuxièmement, si
vous travaillez, quelle sorte de travail faites-vous? Troisièmement,
à quel endroit travaillez-vous? Décrivez-moi donc un peu les
lieux, le genre de travail que vous faites, des choses de base. Les
réactions venant de ces femmes, je n'ai pas fait de sondage et je n'ai
pas fait d'enquête pour savoir si ça reflète un état
large. Je ne dispose pas d'une recherche systématique
là-dessus.
Si c'est vrai, je pense qu'il va falloir convenir ensemble qu'il y a
peut-être un effort à faire d'éveil, de sensibilisation si
on veut établir véritablement une jonction dans cette perspective
et permettre réellement aux femmes qui vivraient les problèmes
dont on a fait état de pouvoir exercer leurs droits, mais, encore une
fois, sans être pris dans une situation où il risque d'y avoir des
contrôles à n'en plus finir, parce qu'on va nous dire, cinq jours
après: II y a un paquet d'abus; ça n'a pas d'allure, etc. Vous
voyez un peu le problème, je pense. Voilà, M. le
Président, pour l'instant. Je pense que j'ai déjà pris
passablement de temps.
M. Hamel: M. le Président, plusieurs questions nous ont
été posées. Nous allons tenter, en premier lieu, de
disposer rapidement de celles qui ont un caractère plus technique. Je
vais demander à Me Lachapelle d'en disposer.
M. Lachapelle (Raymond): Bien, merci.
Le Président (M. Marcoux): Me Lachapelle.
M. Lachapelle: Je me permets, M. le ministre, de répondre
un peu à rebours, de commencer par la fin et de remonter. Ce sera plus
facile, je crois.
La première question soulevée était relative au
certificat médical quant au retrait préventif, article 32. Le
ministre a bien compris la préoccupation de la fédération
à cause du fardeau lourd que lui imposait la loi de connaître
objectivement, globalement et spécifiquement, toutes les conditions du
milieu. Or j'admets avec le ministre que tous les médecins ne seront pas
dans le milieu. Certains le seront. Ce sont des médecins du milieu et,
en temps et lieu, de Dr Hamel pourrra spécifier comment ils vont
accéder au milieu.
Il va sans dire que les médecins traitants,
généralement, ne sont pas dans le milieu. Cependant, dans le
milieu, il est vrai, comme le suppose le ministre, qu'il y aura un
médecin, le médecin responsable, les médecins qui
fournissent des services sous l'autorité du médecin responsable,
à titre d'exemple. D'une part, celui qui a connaissance des conditions
du milieu, c'est le médecin du milieu; celui qui a connaissance de
l'état de santé, c'est le médecin traitant qui, par
définition, ne serait pas le médecin du milieu, d'où la
difficulté.
Je ne pense pas qu'on se trouve à répondre à la
difficulté de la situation en disant que le médecin traitant qui
n'est pas du milieu assume toute la responsabilité seul. M. le ministre
suggère que peut-être il peut communiquer avec le médecin
du milieu pour obtenir certains renseignenents. Ce n'est pas une voie
impossible, au point de vue juridique, pourvu que la loi très
clairement, cependant, non seulement lui donne la permission, mais
établisse la balise pour que le médecin, se fondant sur un
rapport d'autrui, du médecin du milieu, se retrouve quand même
libéré de sa responsabilité. La responsabilité est
lourde, M. le ministre; elle est d'abord professionnelle, elle est ensuite une
responsabilité vis-à-vis de l'employeur, parce que le certificat
médical se trouve à enclencher des obligations que l'employeur
assume, elle est également une responsabilité vis-à-vis de
la commission parce qu'il y a une indemnité en cause.
Dans ces circonstances, le ministre comprendra que la
fédération est bien prête à recommander à ses
membres que, sous toute protection juridique que peut accorder l'article 32,
les membres remplissent à plein leurs fonctions vis-à-vis et de
la patiente, et de l'employeur, et de la commission. Cependant, je crois qu'il
est naturel que la loi, à ce moment-là, comporte les protections
qui sont nécessaires.
C'était sous cette réserve...
M. Marois: Je veux être certain que je comprends
parfaitement bien votre pensée. Au fond, si je lis le texte qui se
transpose, finalement, dans un texte de loi, vous recommandez d'ajouter quatre
mots; après "les conditions de travail", vous ajoutez les mots "qui y
sont décrites"; c'est ce que vous ajoutez. Par ailleurs, vous nous dites
bien j'apprécie votre franchise sur ce plan, cela nous permet
vraiment de faire un travail valable ensemble et d'essayer au maximum de
bonifier le projet de loi et de trouver des solutions aux problèmes
que vous connaissez les conditions de travail par le rapport que la
patiente en donne.
M. Lachapelle: C'est juste.
M. Marois: J'évoque ceci. Est-ce qu'il y a moyen
d'établir une jonction additionnelle permettant d'élargir la base
d'information à partir de laquelle le médecin, sur la base de sa
compétence professionnelle, sera amené à dire: Oui, je
signe le certificat en question. Vous semblez me dire, si je comprends bien:
Oui, il y a des possibilités très réelles; ce qui confirme
les informations qu'on m'avait données, d'une part.
D'autre part, je crois que c'est à peu près les mots que
vous avez utilisés, vous avez dit que c'est une responsabilité
qui n'est pas un détail, je pense que vous avez raison, vous avez dit: A
la condition qu'on lui donne la protection requise. Vous pensez à quoi
exactement?
M. Lachapelle: Je me limite au niveau technique, le Dr Hamel
ajoutera un commentaire au niveau politique ou au niveau médical. Mais,
du point de vue technique, à titre d'exemple, si le pro-
jet de loi qui vise les conditions du milieu, disait à peu
près ceci: Attestant que les conditions du travail ou de son travail
dont le médecin responsable l'informe...
M. Marois: En d'autres termes, vous voulez...
M. Lachapelle: ... comportent les dangers physiques, etc. A ce
moment-là, le lien est établi...
M. Marois: D'accord, on ne se chicanera sur les détails de
formulation, parce qu'il est difficile d'improviser. Je comprends ce que vous
dites, vous voulez qu'il y ait un "no fault" en quelque sorte, sans blaguer,
parce que le problème est sérieux, mais, en même temps, en
ce faisant, vous vous trouvez à déplacer la responsabilité
sur un autre. Mais, enfin, je vois le problème, je comprends le
problème que vous soulevez, on va le regarder.
M. Lachapelle: Chacun aura la responsabilité qui lui
revient. Le médecin traitant aura la responsabilité quant
à l'état de santé et le médecin du milieu quant
à la connaissance du milieu.
M. Hamel: Ou bien, M. le Président, on laisse au
médecin traitant l'occasion de vérifier les conditions du milieu,
ou bien on permet que le médecin porte un jugement sous réserve
des conditions du milieu. Par exemple, la femme enceinte travaillant dans une
fabrique de fluorescents ou une fonderie de plomb, peut, dans son poste
particulier de travail, n'être exposée à aucun toxique.
Cependant, il peut être pratiquement impossible pour le médecin en
cabinet privé de vérifier cet état de fait. Est-ce qu'elle
travaille au secrétariat, est-ce qu'elle travaille à un endroit
où il n'y a absolument aucun danger? Il faudrait être sur place
pour le vérifier. Cette vérification, le médecin doit
avoir le droit ou la possibilité d'aller la faire dans l'entreprise, et
on est bien prêt à prévoir des dispositions dans l'entente
à cet effet, l'ouverture du droit qui se fait. Ou bien, dans les cas
où c'est impossible de le faire il y a, par souci de rigueur
intellectuelle, cette disposition qu'on vous suggère qui permet à
chacun des médecins d'assumer ses responsabilités, mais de les
assumer pleinement.
Je ne voudrais pas passer le peu de temps qui nous reste sur cette
question. Je pense qu'elle peut être discutée entre techniciens,
à mon point de vue; cela me paraît plus un aspect technique que
médical. On va laisser... Pendant le peu de temps qui nous reste, je
voudrais revenir sur certains points que le ministre a rapidement
esquissés au début, en particulier le lien d'appartenance des
médecins à un CMD. Nous avons apporté ici à la
commission des exemples très concrets de contrainte administrative et
professionnelle qui sont indéniables.
Nous vous rappelons que nous faisons face à des
réalités nouvelles auxquelles il ne faut pas avoir peur d'adapter
un droit nouveau, d'autant plus que toutes les activités dont on parle
actuellement, la plupart de ces activités en médecine du travail
se passent à l'extérieur du centre hospitalier. Actuellement, les
activités du CMD ont toujours convergé ou exclusivement vers des
activités intrahospitalières. Il n'y a absolument aucune
indication que l'appartenance... faire appartenir un médecin de
Gaspé, comme je le disais tout à l'heure, un médecin de
Chandler qui appartiendrait au CH de Gaspé pour des activités qui
sont dispensées à l'extérieur du centre hospitalier de
Gaspé pour des activités dispensées à Chandler...
Comment voulez-vous que le Conseil des médecins de Gaspé puisse
exercer un contrôle sur des activités à Chandler? (12 h
45)
Le chef de département de santé communautaire, le chef de
médecine du travail devrait avoir la responsabilité. Alors, nous
préconisons dans notre mémoire des dispositions qui sont plus
réalistes face aux contraintes de cette nature.
Un autre sujet que j'aimerais discuter, c'est la question des examens
complets majeurs. Dans notre mémoire, on ne fait allusion, en aucune
façon, aux examens complets, majeurs; on ne sait pas où le
ministre a pu prendre cette question. Au contraire, partout, dans notre
mémoire, on parle constamment d'examens qui sont faits dans le cadre
d'un programme de santé communautaire, donc en fonction d'un protocole
spécifique; ce sera un protocole d'examens qui variera d'une industrie
à l'autre, donc, ce sont toujours des examens qui sont faits, même
ceux qui sont faits à la demande d'un travailleur. Un travailleur, dans
une industrie, aurait le droit de consulter son médecin traitant, mais
il devrait le faire avec un protocole particulier, suivant l'industrie, un
protocole qui lui sera fourni soit par le médecin responsable ou soit
par un responsable de l'industrie. Il n'est donc pas question d'autres examens
que ceux qui auront été déterminés, soit par le
chef du département de santé communautaire, ou soit par le
médecin responsable.
Alors, l'intégration du médecin, à quelque niveau
que ce soit, est parfaitement réalisée dans nos recommandations,
tout est prévu, même sur le plan des protocoles. Il n'est pas
question d'examens complets majeurs. Je ne sais pas où on a pris cette
notion, on n'a jamais discuté d'examens complets majeurs, c'est
très rare qu'on ait besoin de faire un examen complet majeur en
médecine du travail.
La disponibilité des médecins, en particulier des cabinets
privés, des médecins des CLSC ou des médecins des CH, est
en fonction de l'initiative qui doit être prise par le chef du
département de santé communautaire ou du médecin
responsable. Nous connaissons de nombreux médecins responsables, dans
les entreprises; il y en a qui sont assis à la table avec nous; nous
connaissons de nombreux chefs de département de santé
communautaire qui font appel aux médecins, et ce sont eux qui sont
responsables de l'initiative du choix des autres médecins qui doivent
oeuvrer dans des programmes spécifiques de médecine du
travail.
M. Lachapelle: Je me permets de revenir, M. le ministre, M. le
Président...
M. Hamel: Juste une seconde, on va laisser la chance à
l'Opposition de poser des questions.
Mais un dernier mot sur la répartition des cabinets
privés. La répartition des cabinets privés n'est pas
Seulement en milieu urbain ou semi-urbain. Ils sont repartis
uniformément dans toute la province.
Il est bien connu aussi de la corporation qu'il y a une
répartition qui est à peu près égale actuellement
de tous les médecins omnipraticiens dans toute la province. Là
encore, par rapport au fait que les cabinets privés seraient
concentrés dans les milieux urbains ou semi-urbains, c'est sûr
qu'il y a une concentration qui est proportionnelle à la population.
C'est bien clair. Mais il y a une répartition tout à fait
uniforme dans la province, par ailleurs, des cabinets privés.
Le Président (M. Marcoux): Mme la député de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je voudrais
d'abord remercier la Fédération des médecins
omnipraticiens du Québec pour son mémoire. Je pense que le
côté technique du plus grand nombre des amendements que vous
proposez a été déjà souligné ou
discuté par le ministre. Nous en prenons bonne note et je pense qu'il y
a des suggestions là-dedans qui sont intéressantes. Je voudrais
peut-être davantage vous poser une question et je me réfère
à la page 3 du mémoire plus officiel ou plus complet. Vous dites
que vous vous abstenez de vous exprimer, évidemment, sur les
matières d'intérêt non médical. Quant aux questions
relatives aux matières médicales, le projet de loi suscite chez
vous souvent plus de questions à poser que de réponses ou de
suggestions à apporter par le fait même que le texte du projet
renferme beaucoup d'ambiguïtés. Vous vous réservez la
possibilité de soulever ceci en commission parlementaire.
En lisant ceci, votre silence dans le mémoire au sujet de toutes
ces questions me semble très éloquent et je me demandais s'il y
avait certains points que vous pourriez soulever qui vous causent des
problèmes à ce moment-ci, soit au point de vue de leur absence ou
de l'imprécision du projet de loi. Quelles sont vos
préoccupations derrière cette phrase finalement qui, somme toute,
est assez importante?
M. Hamel: En fait, dans notre mémoire, par la suite, ainsi
que dans le texte que j'ai lu tout à l'heure, nous avons tenté
d'apporter des éléments de réponse. On parlait, par
exemple, de l'appartenance du médecin au CMD. C'est un cas où il
y avait beaucoup d'ambiguïtés. On ne tenait pas compte d'une
réalité où certains médecins exerçaient en
dehors des centres hospitaliers désignés. C'est un exemple. Il y
avait d'autres exemples aussi, selon les types d'examens qui sont faits dans le
cadre des programmes de médecine au travail.
Il y avait certainement des ambiguïtés qui ont
été exprimées ici à la commission. On pensait que
c'étaient des examens majeurs complets, alors qu'on a toujours
pensé que cela pouvait varier en fonction des milieux et des risques de
maladie ou d'accidents et que cela devait finalement donner lieu à des
protocoles d'examens déterminés par le chef du département
de santé communautaire ou du médecin responsable. Ce sont
évidemment des exemples d'ambiguïtés que nous avons
tenté de corriger dans notre mémoire.
Mme Lavoie-Roux: Ce sont des ambiguïtés de cet ordre
que vous soulignez. Je me permets d'exprimer quand même un regret, c'est
que vous êtes probablement la profession qui a eu le plus
d'expériences quant aux services de santé à prodiguer dans
le milieu du travail. Peut-être est-ce à cause d'un manque de
temps, enfin, peu importe les raisons, vous vous êtes abstenus de vous
prononcer sur les matières qui n'étaient pas d'un
intérêt immédiatement médical. Je pense que la
commission aurait pu en tirer profit. Vous êtes des gens qui avez des
ressources, vous avez eu une grande expérience, et probablement, comme
je dis vous êtes le plus au courant de problèmes de santé
dans le milieu du travail. C'est un regret que j'exprime, j'aurais
souhaité que vous profitiez de cette occasion pour nous en faire part.
Je pense que l'ensemble de votre mémoire, c'est vraiment pour
sensibiliser enfin, le message principal que je retiens la
commission à l'existence de ressources considérables au plan de
la santé, non seulement dans les services de santé publics, mais
également dans le réseau privé et que le gouvernement
devrait être très prudent avant d'éliminer, à toutes
fins utiles, et peut-être que là, je vais un peu trop loin, parce
que le ministre me rétorquera qu'à l'article 86, on
prévoit qu'on pourra accepter que les services soient fournis dans un
cabinet privé lorsque cela s'avère nécessaire à
cause de la non-disponibilité des autres locaux. C'est une balise
extrêmement serrée. D'ailleurs, je pense que le ministre
lui-même l'a reconnu hier. Là-dessus, c'est peut-être
davantage un commentaire que je voudrais faire au ministre qu'à la
fédération; il n'est pas obligé de me répondre,
comme il dit, on pourra le faire en discuter en commission parlementaire; selon
des contacts que j'ai eus ou des renseignements que nous avons à
l'occasion avec des patients qui ont subi des accidents de travail ou des
accidents d'automobiles, ne serait-ce que pour les soins de
physiothérapie, entre autres, les listes d'attente, dit-on, sont
très longues. Je n'ai pas fait la vérification au bout de la
ligne. La même chose existe, comme vous le mentionnez dans votre rapport,
pour avoir un examen médical. Je pense que, dans les cas de services de
santé aux travailleurs, ça ne peut pas toujours être sur
les listes d'attente.
Moi, j'inviterais au moins le gouvernement, par la voix du ministre,
à être très prudent en mettant une restriction aussi
serrée que celle qui est contenue à l'article 86. Je pense que
c'est une partie du message que la fédération vient nous porter.
Il faudrait que le ministre puisse nous
assurer que tout se fait dans les meilleurs délais quand il
s'agit d'obtenir un service de santé. Je pense qu'il faut être
extrêmement prudent.
Il y a une autre dimension qui a été soulevée
peut-être à l'inverse hier par le ministre, à savoir que,
à tort ou à raison, les travailleurs avaient souvent une mauvaise
perception du médecin qui était dans une entreprise parce qu'on
l'associait trop à l'employeur. Je pense que, s'il n'y a jamais d'autres
voies, non plus, que le service public, cette même perception, fausse ou
vraie, pourra aussi se faire sentir à l'égard des services de
santé ou d'examens médicaux qui seraient uniquement ou à
peu près uniquement confiés à des départements de
santé communautaire ou aux services publics de santé.
Je pense que dans tout ça il y a un équilibre à
rechercher, et les dangers qu'on veut éviter d'un côté, il
ne faudrait peut-être pas les recréer de l'autre
côté.
Ce sont les réflexions que je veux porter à l'attention du
ministre.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Pointe-Claire.
M. Shaw: Oui, je veux poser la même question que j'ai
posée au ministre avant. Nous savons, à cette commission
parlementaire... On a toujours dit qu'un article dans la loi 103 donne un
pouvoir à l'administration d'un hôpital de contrôler, de
véritablement fermer son "staff". Est-ce que ça peut vous causer,
comme médecins omnipraticiens, des problèmes dans vos
régions? Disons qu'à un moment donné un hôpital
décide d'avoir quatre médecins qui peuvent travailler dans le
domaine du travail, mais ça, c'est leur organigramme, c'est leur plan
administratif pour leur hôpital. Est-ce que ça peut travailler
contre vos membres?
M. Hamel: La loi 103 s'applique aux centres hospitaliers
universitaires seulement; elle vise d'ailleurs à limiter les effectifs.
Dans la mesure où elle vise à limiter les effectifs dans ces
centres hospitaliers, évidemment, cela pourrait avoir pour effet
d'exclure davantage les médecins qui exercent en dehors de
l'établissement. Dans ce sens, vous avez raison.
M. Shaw: Cela représente peut-être la moitié
des entreprises du Québec, c'est la région de
Montréal.
M. Hamel: Non, c'est surtout les centres hospitaliers
universitaires, à Montréal, à Québec et à
Sherbrooke.
M. Shaw: Deuxièmement, j'ai observé pendant deux
jours un effort visible d'une forme de contrôle par une forme
d'administration ou une autre, soit les DSC ou les CLSC, qui visent à
prendre plus de contrôle sur les médecins individuels, soit ceux
qui ont de l'expérience dans le domaine du travail, les médecins
omnipraticiens ou les spécialistes qui sont impliqués par les
exigences de ce projet de loi. Cela m'inquiète parce que ça peut
enlever le droit individuel du travailleur à un professionnel de son
choix. Voyez-vous une menace de cette forme?
M. Hamel: Les recommandations que nous avons faites dans notre
mémoire visent à atteindre un certain équilibre. Nous
reconnaissons, d'une part, le droit du DSC, du chef de département de
santé communautaire à coordonner les activités de
santé au travail. D'autre part, nous reconnaissons aussi au travailleur
le droit de consulter le médecin de son choix. Si vous lisez le
mémoire dans ses recommandations, partout nous avons tenté
d'atteindre un certain équilibre. (13 heures)
M. Shaw: C'est tout, M. le Président.
M. Hamel: M. le Président, est-ce que je pourrais faire
une dernière remarque?
M. Marois: M. le Président, est-ce qu'on me permettrait
je sais bien qu'il est 13 heures pile une question un peu dans le
sens de ce qu'évoquait le député de L'Acadie? Bien
sûr, vous disposez, par vos membres ou même comme association, de
l'accumulation d'une expérience, d'une connaissance, d'une
compétence qui est certainement indéniable. Il aurait
été intéressant, certes, de connaître votre point de
vue sur bon nombre d'autres aspects qui sont impliqués dans l'ensemble
du dossier de la santé et de la sécurité du travail.
Ma question est la suivante: Hier, et c'est d'ailleurs le seul groupe
à ma connaissance qui nous en a parlé depuis le début de
nos travaux et, à ma connaissance, c'est aussi le seul groupe qui
l'évoque dans son mémoire après avoir pris connaissance,
dans quelques cas rapides quand même, de l'ensemble des mémoires
qui vont venir par la suite. Ils nous ont proposé, vous le savez bien
sûr, et vous l'évoquez, et vous nous faites des recommandations,
et on en a parlé tantôt, on introduit dans la loi le principe du
retrait préventif avec une première forme d'application
concernant la femme enceinte au travail.
Un groupe nous a suggéré et nous a recommandé,
hier, d'élargir l'application de ce principe du retrait
préventif, en disant que c'est là vraisemblablement, avec le
droit de refus, une espèce de recours ultime, le retrait
préventif étant aussi fondamental dans la mesure où,
à partir du moment où il y a moyen de dépister, de
déceler les premiers signes avant-coureurs, les premiers signes
précoces d'altération de la santé d'un homme ou d'une
femme au travail, on pouvait s'attaquer immédiatement à ce
moment-là au problème, en ce qui concerne l'individu
lui-même ou les individus concernés, et, bien sûr, aussi
où on pouvait essayer de corriger à la source si c'est un
problème de bruit ou enfin peu importe. Donc, on nous a
suggéré d'élargir le retrait préventif.
Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de réfléchir
à cette question-là, je ne sais pas si vous pensez effectivement
que l'élargissement du re-
trait préventif est une chose qu'il faudrait regarder très
attentivement. J'ai dit hier aux membres de ce groupe-là que
j'étais personnellement extrêmement sensible à cette
question. Je sais que c'est une espèce de première
nord-américaine que d'introduire le retrait préventif.
Déjà pour la femme enceinte, ça n'existe, à ma
connaissance, nulle part ailleurs. Et je suis sensible parce que je suis
porté à penser qu'il faudrait élargir. Seulement on a
regardé les difficultés que ça peut poser parce qu'on
admet tous qu'il y a des cas, le cas de certains agents agresseurs, certains
toxiques où l'état actuel de la science ne nous permet pas de
connaître de façon certaine les premiers signes avant-coureurs,
mais dans d'autres cas, ce n'est pas vrai, dans d'autres cas on les
connaît. Que ce soit dans le cas du plomb, du mercure, par exemple, on
les connaît beaucoup mieux sur le plan scientifique. J'aimerais
connaître votre opinion sur cette recommandation, sachant pertinemment
que vous n'avez pas eu le temps de l'étudier pour prendre position
officiellement comme organisme là-dessus, mais, étant
donné que vous êtes là, avec la compétence que vous
avez, il serait intéressant, si vous le jugez pertinent, qu'on puisse
avoir de votre part, sans plus d'engagement que ça, une première
réaction à cette hypothèse-là.
M. Hamel: Jusqu'ici, le contenu de notre mémoire a
été soumis aux représentants des diverses associations
affiliées à la fédération. Nous avons fait de
multiples consultations avec les membres du conseil, les 80
délégués. Donc, nous avons été soucieux de
représenter réellement la volonté des membres. C'est pour
ça que nous nous sommes limités, parce qu'à certains
points de vue, c'est clair, comme dans la société, qu'il y a des
divergences d'opinions. Ces points, nous les évitons. Je pourrais donner
un exemple sur le référendum à venir. A la suite de la
question que vous venez de poser, c'est clair que nous avons des opinions
individuelles ici à la table. Surtout, nous avons un médecin qui
consacre plus de la moitié de son temps à la surveillance du
milieu, alors, il a des exemples où il a pris des initiatives dans cette
orientation, dans le sens d'un élargissement de ce droit. Sauf que, si
la question est posée aussi sérieusement que vous le faites, nous
la soumettrons à la prochaine réunion du conseil et nous
pourrions vous envoyer une lettre à cet effet, qui représenterait
réellement une consultation élargie auprès des
médecins qui sont intéressés à la médecine
du travail. Ce serait avant la fin du mois de septembre, sur cette
question.
M. Marois: Ecoutez, encore une fois, je ne me permettrais
certainement pas d'insister parce que je comprends parfaitement bien et je
pense que tous les collègues qui sont ici comprennent parfaitement bien
que vous avez un mandat bien précis. C'est sur la base de ce mandat, que
vous respectez, que vous faites vos représentations aujourd'hui. On le
comprend parfaitement bien.
M. Hamel: La réponse est positive.
M. Marois: Vous pourriez vous sentir parfaitement à l'aise
de le commenter; on le prendrait purement comme une opinion spontanée
individuelle, pour les fins du journal des Débats, qui n'engage
absolument pas l'association comme telle. Si cela vous était possible,
vous pourriez nous donner une première réaction, mais, encore une
fois, je n'insiste pas si vous préférez ne pas le faire,
même sous forme d'une première réaction, quoique je
l'apprécierais. Par ailleurs, j'apprécierais grandement
cependant, si cela vous était possible, que vous nous fassiez parvenir
une note de commentaires qu'on pourrait mettre à la disposition des
collègues membres de la commission.
M. Hamel: Nous le ferons à la fin du mois, après la
réunion statutaire du conseil.
Mais la réponse est positive sur le plan individuel. Nous avons
plusieurs individus ici à la table qui sont favorables à
l'élargissement de ce droit.
Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie, au nom de
tous les membres de la commission, de votre participation. La commission
suspend ses travaux jusqu'à 15 heures.
Suspension de la séance à 13 h 4
Reprise de la séance à 15 h 11
Le Président (M. Marcoux): A l'ordre, mesdames et
messieurs!
La commission permanente du travail et de la main-d'oeuvre poursuit
l'audition des mémoires concernant le projet de loi no 17, sur la
santé et sécurité du travail.
J'inviterais maintenant la Corporation professionnelle des
médecins du Québec à nous présenter son
mémoire. Dr Roy.
Corporation professionnelle des
médecins
M. Roy (Augustin): M. le Président, M. le ministre,
permettez-moi de vous présenter d'abord les membres qui
représentent la Corporation professionnelle des médecins à
votre commission parlementaire. A l'extrême gauche, Me Louis Payette,
notre conseiller juridique; le Dr André Lapierre, secrétaire
général adjoint et, moi-même, Dr Augustin Roy, qui est le
porte-parole officiel de la corporation. Tous trois pourrons répondre
aux questions que vous voudrez bien nous poser, après la
présentation de notre mémoire.
Sans plus tarder, je voulais d'abord dire que la corporation est
d'accord avec les grands objectifs que défend ce projet de loi no 17 sur
la santé et la sécurité au travail. Nous ne nous
attarderons pas en louanges sur le projet de loi, auprès du ministre,
qui a une approche sociale très développée; nous
profiterons du temps qui nous est laissé pour attirer l'attention, par
ailleurs, sur certaines lacu-
nes ou certains oublis ou certaines explications à demander sur
le projet de loi.
Ceci étant dit, nous devons vous dire que nous avons
rédigé, depuis plusieurs années, de nombreux
mémoires sur différents projets de loi. Le présent
mémoire nous est apparu le plus difficile à élaborer,
parce qu'il faut deviner sa portée, certaines composantes
nécessaires du système étant passées sous silence,
d'autres devant être établies par règlements une fois la
loi adoptée.
Dans ce mémoire, nous regroupons les commentaires sous sept
chapitres. Le premier concerne l'étendue du champ d'application de la
loi. Pour les membres de la commission, je vais suivre passablement notre
texte, en en passant quand même des bouts, pour raccourcir la
discussion.
M. Chevrette: On pourra le voir quand même au
procès-verbal de la commission.
M. Roy: D'accord, merci beaucoup.
Le Président (M. Marcoux): Votre mémoire sera
versé au procès-verbal de la commission et au journal des
Débats. Vous pouvez continuer. (Voir annexe B)
M. Roy: D'accord, merci. Alors, il y a premièrement, deux
inconnues du projet de loi, qui nous empêchent de mesurer la
portée exacte et d'apprécier d'une façon concrète
son impact à la distribution des services médicaux.
La première inconnue a trait aux milieux de travail auxquels la
loi devra s'appliquer, c'est-à-dire aux établissements.
La seconde inconnue a trait à l'étendue que doit prendre
l'expression "services de santé" dans le contexte du projet de loi.
Première inconnue: Les établissements visés. Nous
devons noter le choix peu heureux du mot "établissements". A titre
préliminaire, nous exprimons notre désaccord à propos de
l'emploi du mot "établissements".
Il y a huit ans, le législateur a forcé l'implantation du
mot "établissement" auprès de centaines de milliers de
travailleurs et des professionnels du domaine de la santé et
auprès de la population en général. Alors que les
secousses causées par ces efforts d'implantation ne sont pas encore
éteintes, voici que le projet de loi propose à nouveau ce
même mot pour désigner une réalité
complètement différente et infiniment plus étendue,
c'est-à-dire pour désigner à peu près tout le
milieu du travail. Nous n'avons aucun doute sur le pouvoir du
législateur de désigner les choses par les termes que sa
fantaisie lui fait choisir. Nous sommes certains toutefois qu'il n'exercera pas
sa puissance au mépris du bon sens et qu'il évitera de plonger
tout le monde dans l'imbroglio par l'emploi, dans deux lois connexes, d'une
même expression pour désigner deux réalités
différentes auxquelles il faut référer très
fréquemment. Nous suggérons qu'on emploie tout sim- plement les
mots "milieu de travail" au lieu du mot "établissement".
(15 h 15)
La définition d'établissement. Le projet de loi relie
l'existence d'un certain nombre de droits et d'obligations au fait qu'on se
trouve dans un établissement ou qu'on ne s'y trouve pas. Il est donc
bien important de savoir ce que l'on entend par établissement. La
définition du mot "établissement" au paragraphe 14 de l'article 1
réfère aux milieux organisés "en vue de la production de
biens ou de services". Ces mots ne nous semblent pas inclure les entreprises de
distribution des biens ou de services. Ils ne semblent référer
qu'à ce que dans la loi actuelle on désigne par
"établissement industriel" par opposition à "établissement
commercial". Ce paragraphe 14 de l'article 1 a-t-il pour effet d'exclure du
champ d'application de la loi toutes les entreprises de distribution ou de
créer une dichotomie auprès des entreprises mixtes de production
et de distribution? Nous ne comprendrions pas la logique de cette distinction,
si vraiment on a voulu le faire, car un très grand nombre de
dispositions du projet devraient s'appliquer aux établissements
commerciaux. Songeons, par exemple, aux obligations générales
faites aux employeurs et aux employés; aussi, croyons-nous qu'il s'agit
d'une inadvertance.
Pouvoirs réglementaires discrétionnaires ou
exagérés de la Commission de la santé et de la
sécurité du travail. Les définitions données aux
mots "travailleur", "employeur" et "établissement" sont tellement vastes
que la majorité des personnes qui travaillent sont visées par la
loi. Il est évident qu'il serait utopique et inutile d'imposer dans tous
les milieux de travail l'appareil de droits et d'obligations créé
par le projet de loi et d'y mettre en place l'ensemble des structures qu'il a
inventées. Personne ne verra très bien, par exemple, pourquoi un
agent d'assurance qui emploie une secrétaire serait obligé de
mettre en application un programme de prévention ou d'utiliser,
contrôler et éliminer les risques pouvant affecter la santé
et la sécurité de sa secrétaire, ni pourquoi un
"médecin responsable" serait nommé pour elle. Nous aurons
évidemment des exemples semblables dans beaucoup de domaines. Aussi,
comprenons-nous très bien qu'on a autorisé la commission à
limiter la portée de la loi par voie réglementaire par le biais
des paragraphes 9 et 35 de l'article 185. Il reste que la commission n'est pas
obligée de faire tel règlement quoiqu'il y ait ici
ambiguïté parce qu'en effet l'article 185 emploie l'expression
"peut", mais l'article 187 permet au gouvernement de forcer l'adoption du
règlement.
Malgré la connaissance des critères
énumérés de l'article 185, paragraphe 1, que la commission
devra respecter dans l'exercice de son pouvoir réglementaire, il est
difficile, voir impossible présentement de mesurer la portée
concrète du projet de loi en dehors des grandes entreprises
industrielles. Nous nous permettons de présumer que les grandes
entreprises seront à peu près sûrement soumises au projet
de loi.
L'article 185 crée en plus un autre problème ou une autre
difficulté d'interprétation. Cet article veut-il dire que la
commission pourra établir les catégories de maladies pour
lesquelles les services de santé doivent être fournis ou
plutôt qu'elle pourra décider à quelle catégorie de
travailleurs ils doivent être fournis. Il y aurait ici clarification
à apporter.
Il appartiendra donc à la commission de limiter par voie de
règlement la portée de la loi, c'est-à-dire de retirer
à certaines catégories de travailleurs les droits que le projet
de loi leur accorde dans un premier temps. Ce pouvoir, en plus de nous
empêcher de mesurer la portée concrète du projet de loi et
d'apprécier son impact sur la distribution des services médicaux
nous apparaît trop discrétionnaire. Il devient tellement abusif
qu'il en devient inacceptable. Même si on comprend que le projet de loi
doit être instauré par étapes, il reste que ce pouvoir
exagéré donné à la commission fait en sorte qu'elle
devient le législateur. La corporation est donc d'avis que le projet de
loi devrait contenir les limites de son application plutôt que de laisser
complètement le soin à la commission de tracer ses limites.
Seconde inconnue: La notion de services de santé. La corporation
a tout lieu de penser que les services de santé dont il est question
partout dans la loi sont ceux visés à l'article 9 paragraphe 2 du
projet de loi, c'est-à-dire les soins préventifs et curatifs
particuliers aux risques auxquels une catégorie de travailleurs est
exposée. Toutefois, hormis ce qui est dit à cet article, le
projet de loi n'articule pas ce que sont les services de santé qu'il
vise. Le projet parle souvent de services de santé sans les qualifier. A
l'article 85, par exemple, on réfère à des services de
santé rendus dans le cadre des programmes-cadres ou dans le cadre des
programmes spécifiques. A l'article 84, on parle de services de
santé au travail. Cette absence de précision pourrait donner lieu
à des interprétations discordantes et fâcheuses qui, la
corporation veut bien le croire, sont inexactes. L'article 86 emploie sans
qualification l'expression "services de santé". On pourrait donc penser
que tous les services de santé requis par un travailleur, aussi bien
ceux qui ont trait aux problèmes médicaux causés par son
travail que ceux qui y sont étrangers ne pourront à l'avenir
être dispensés qu'en milieu institutionnel, centres hospitaliers,
CLSC ou en milieu de travail, à moins que pour l'unique raison que des
locaux ne sont pas disponibles, le chef de département de santé
communautaire ne permette qu'ils soient dispensés en cabinet
privé. La loi ne viserait plus les problèmes de santé au
travail, mais l'ensemble des problèmes de santé de toute personne
qui est un travailleur.
Le critère de rattachement n'est plus le travail, mais le fait
d'être un travailleur. Le sens naturel des mots "services de
santé" employés seuls mène à cette conclusion. Il
va sans dire que la corporation s'opposerait carrément à cet
état de choses qui résulterait en un réseau
parallèle, ce que personne ne veut, de services de santé et en
une discrimination entre les travailleurs et les non-travailleurs, de
même qu'entre les travailleurs visés par la loi et ceux qui ne le
sont pas, sans compter tous les autres problèmes que cela pourra
soulever
L'article 86 aurait donc pour effet d'abolir presque entièrement
la pratique de la médecine en cabinet privé à
l'égard de tout travailleur, puisqu'il décrète que ces
services devront être fournis seulement dans les CH, les CLSC et les
établissements.
Il faudrait aussi comprendre que l'article 86 prive le travailleur du
libre choix du médecin ou du centre hospitalier duquel il désire
recevoir des services non seulement pour les services de santé
reliés à son travail, mais pour tous les services de
santé.
Il en résulterait enfin que le projet de loi, à l'article
209, vise à faire financer tous les services de santé requis par
cette partie de la population que constituent les travailleurs par les
employeurs et non plus par la contribution générale de tous.
La corporation est certaine que ces interprétations ne sont pas
correctes et qu'elles ne représentent pas les visées du
gouvernement. Elle croit essentiel, en conséquence, que soit
précisée et cernée davantage, en particulier au chapitre
VIII, la notion de services de santé. Il serait fort utile, à
cette fin, de retourner au livre blanc sur la santé et la
sécurité au travail et de s'en inspirer. Celui-ci se
référait aux services de santé au travail en leur
attribuant quatre fonctions extrêmement importantes et je cite: "1. La
surveillance de l'état de santé des travailleurs assurant le
dépistage précoce et la prévention de toute
altération à la santé provoquée ou aggravée
par le travail. 2. L'identification et l'évaluation des risques à
la santé physique et mentale causés par le milieu du travail. 3.
La mise sur pied et le bon fonctionnement d'un service adéquat de
premiers soins pour faire face aux urgences médicales et traumatiques et
pour faciliter la réadaptation au travail. 4. La connaissance des
caractéristiques individuelles des travailleurs afin de faciliter leur
affectation à des tâches non susceptibles de porter atteinte
à leur santé ou à leur sécurité."
La dimension psychosociale de la santé. Le projet de loi veut
reconnaître le droit du travailleur à la santé, à la
sécurité et à l'intégrité physique.
Même s'il met l'accent sur les agents agresseurs physiques et chimiques,
il appert que la santé mentale n'est pas exclue, de par la
définition même de la santé. Nous voulons savoir, par
ailleurs, d'une façon implicite, si le champ d'application du
présent projet de loi s'étend à la santé mentale,
avec les problèmes que cela peut amener.
Deuxième chapitre: Un réseau hybride. A l'heure actuelle,
les services de santé dispensés par les médecins le sont
soit dans les établissements au sens de la Loi sur les services de
santé et les services sociaux je vais appeler ça la loi
sur les SSSS soit en cabinet privé du médecin, que
celui-ci soit à son propre compte ou que ses services ait
été retenus par un employeur.
Le projet de loi prévoit une troisième voie. Cette
troisième voie est à la fois distincte des deux autres et
à la fois reliée en partie au réseau des
établissements gouvernés par la loi sur les SSSS. Cette
troisième structure hybride n'est pas articulée dans tous ses
détails par le projet de loi. Les composantes nécessaires sont
passées sous silence. Par ailleurs, certaines parties du système
mis de l'avant par le projet de loi semblent entrer en conflit ou passer outre
à différentes mesures que le législateur a cru
nécessaire d'adopter dans la loi sur les SSSS.
Nous soulignerons dans les paragraphes qui suivent certaines
difficultés créées par le projet de loi à cet
égard.
Le dossier médical. En milieu institutionnel, l'article 3.5.1 du
règlement édicté en vertu de la loi sur les SSSS oblige un
établissement à ouvrir un dossier médical pour chaque
bénéficiaire. L'article 7 de cette loi gouverne l'accès
à ce dossier médical.
Or, visiblement, le dossier médical dont traite le projet de loi
n'est pas le dossier médical dont parle la loi sur les SSSS et son
règlement. En effet, s'il s'agissait du même dossier, il est bien
sûr que l'article 7 de la loi sur les SSSS le régirait. Or, ce
n'est pas le cas puisque l'article 99 au second paragraphe prend la peine de
dire que le deuxième alinéa de l'article 7 s'y applique, laissant
évidemment voir que les autres alinéas de l'article 7 ne s'y
appliquent pas. Il est bien sûr aussi que les autres dispositions de la
loi sur les SSSS ou de son règlement, notamment les dispositions quant
à l'accès au dossier, quant à sa conservation,
s'appliqueraient. Or, encore ici, le dossier médical est régi
différemment. Le projet de loi en rend l'accès illimité au
travailleur et en prescrit une période de conservation de 20 à 40
ans plutôt que de dix.
En cabinet privé, l'article 85 paragraphe 4 du Code des
professions et le règlement applicable de notre corporation obligent un
médecin à ouvrir un dossier médical pour chacun de ses
patients et à en assurer la garde. Or, ce n'est plus ce dossier que vise
le projet de loi puisque celui-ci en confie la double garde au médecin
responsable, qui n'est pas nécessairement le médecin qui aura
dispensé les soins, et au chef de département de santé
communautaire. Il s'agirait donc d'un dossier médical qui n'est pas
celui du centre hospitalier, ni celui du médecin traitant.
Nulle part dans le projet de loi on n'indique qui doit ouvrir ce
dossier. Nulle part, non plus, on ne dit quel devra être le contenu de ce
dossier. La section 5 de la partie III du règlement édicté
en vertu de la loi sur les SSSS précise le contenu obligatoire du
dossier tenu par un centre hospitalier, mais les auteurs du projet de loi,
comme nous l'avons souligné tantôt, ne semblent pas penser que ce
règlement s'appliquera au dossier médical dont ils parlent. Le
règlement de la corporation prévoit de son côté le
contenu du dossier ouvert par le médecin traitant, mais ce
règlement ne s'appliquerait pas davantage puisque, encore une fois, le
projet de loi laisse penser que le dossier médical n'est pas celui
ouvert par le médecin traitant. Qu'en sera-t-il?
Il apparaît aussi que ce dossier médical et son contenu
échappent au pouvoir d'analyse du Comité d'évaluation
médicale et dentaire du centre hospitalier. En effet, ce comité
exerce ses fonctions d'évaluation en analysant les dossiers
médicaux du centre hospitalier. Nous doutons qu'il ait le pouvoir
d'enquêter dans des dossiers qui ne sont pas des dossiers du centre.
Est-ce à dire que le médecin responsable et les médecins
agissant sous son autorité échapperont au contrôle du
Conseil des médecins et dentistes? Nous ne voyons aucune raison pour
laquelle la pratique de ces médecins dans un CH ne serait pas soumise
vis-à-vis du Conseil des médecins et dentistes aux mêmes
règles que la pratique de toutes les autres disciplines
médicales.
La situation relative au dossier médical est d'autant plus
ambiguë que le projet de loi exige que les services de santé pour
les travailleurs soient dispensés dans les établissements ou dans
les centres hospitaliers ou les CLSC. Comme la loi et les règlements sur
les SSSS régissant les centres hospitaliers et les CLSC obligent la
création d'un dossier médical pour toute personne qui y
reçoit des services, devra-t-on assister à la création de
deux dossiers médicaux pour le même travailleur, l'un
constitué aux termes de la loi sur les SSSS et l'autre régi par
la Loi sur la santé et la sécurité du travail? Dans lequel
des deux dossiers versera-t-on les notes relatives à la consultation de
celui qui, s'étant présenté au centre comme travailleur,
s'y présente maintenant comme une simple personne? Comment arrivera-t-on
à dissocier la partie du dossier relative aux pathologies et aux
infirmités imputables au travail de celles dont le même individu
en tant que citoyen ordinaire, pourrait par ailleurs être affecté?
Où le dossier médical auquel le projet de loi s'adresse sera-t-il
conservé? Au centre hospitalier? A l'établissement au sens du
projet de loi? L'article 99 ne le dit pas.
Le même article 99 réfère à des
procédures établies par le département de santé
communautaire pour assurer la garde et le caractère confidentiel du
dossier. Cela nous semble une mauvaise politique que de laisser à chaque
département de santé communautaire le soin d'établir ses
propres procédures. Un minimum d'uniformité et de garantie de
l'aspect confidentiel des données devrait être assuré
à l'échelle de la province.
M. Lapierre (André): Responsabilité de la
distribution des services de santé et notion de médecin traitant.
En milieu institutionnel, le règlement édicté en vertu de
la Loi sur les services de santé et les services sociaux prévoit
que toute personne inscrite ou admise dans un centre hospitalier devient la
responsabilité du médecin du centre, qu'on nomme alors
médecin traitant. A ce médecin traitant échoit la charge
du malade, des responsabilités particulières quant au diagnostic
final et, à la fin, le sommaire du dossier médical. En cabinet
privé, même dans le cas d'une clinique regroupant plusieurs
médecins, il existe toujours, également, un médecin
traitant en vertu du contrat médical qui s'établit au moment de
la consultation, médecin traitant auquel le code de déon-
tologie de la corporation impose différentes obligations.
Où se situe le médecin traitant dans le projet de loi?
L'article 86 du projet de loi prévoit que les services de santé
pour les travailleurs d'un établissement sont fournis sous
l'autorité d'un médecin responsable dans un centre hospitalier,
un CLSC ou un établissement. Sera-ce le médecin responsable qui
aura autorité sur les soins dispensés et qui en assumera la
responsabilité? Suivant la Loi sur les services de santé et les
services sociaux, les services de santé sont dispensés sous
l'autorité du médecin traitant. Ici, il faut dire que selon le
projet de loi no 17, la médecine risque d'être exercée par
voie de directives venant du DSC au médecin responsable, plutôt
que par le jugement du médecin basé sur les données de la
science.
S'il s'agit d'un centre hospitalier, au nom de quel médecin
traitant le travailleur patient sera-t-il inscrit? Au nom du département
clinique du centre hospitalier où il a été dirigé?
Ce médecin relève de son chef de département, suivant la
Loi sur les services de santé et les services sociaux. Est-ce à
dire que le médecin traitant relèvera de l'autorité de
deux départements, le département clinique concerné et le
département de santé communautaire auquel le médecin
responsable est attaché?
Le médecin que le projet de loi appelle le médecin
responsable pourra être, mais ne sera pas toujours le médecin
traitant. Le médecin traitant est responsable de son malade. Le
médecin responsable est plutôt responsable de programmes-cadres et
de programmes spécifiques de santé. L'article 86 du projet de loi
crée donc une ambiguïté sérieuse en indiquant que les
services de santé sont fournis sous son autorité.
En somme, cet article du projet de loi ignore les mécanismes qui
entrent en jeu en vertu de la loi sur les SSS lorsqu'une personne est inscrite
ou admise dans un centre hospitalier.
La notion du médecin traitant étant absente du projet de
loi, on peut se demander comment les responsabilités assignées au
médecin traitant par le code de déontologie de la corporation
vont s'appliquer ou se partager. Ce médecin traitant, que l'on se fait
fort d'ignorer à tous les niveaux d'information, demeure pourtant le
seul capable d'une évaluation globale et d'une intervention
pondérée axée sur le bien-être individuel du
travailleur. La présence du médecin traitant collaborerait
à minimiser la dépersonnalisation tant décriée de
la médecine. Nous désirons souligner le danger que comporte
l'idée même de créer une structure santé au travail
qui soit étanche par rapport à la structure traditionnelle de
distribution de soins.
L'orientation prise de vouloir considérer le patient globalement,
le situant dans son environnement social et familial, se trouve menacée
par ce cloisonnement. En ce qui concerne l'agrément des médecins,
la procédure de nomination et les catégories de statut et de
privilèges font l'objet de plusieurs dispositions de la Loi sur les
services de santé et les services sociaux et de son règlement
avec lesquels le projet de loi à l'étude n'est pas en
harmonie.
(15 h 30)
L'article 87 du projet de loi parle d'agrément des
médecins, la Loi sur les services de santé et les services
sociaux parle d'acquisition de statut et de privilège. Veut-on
créer un mode spécial de nomination? Il nous apparaît ici
que la Loi sur les services de santé devrait avoir libre cours, celle-ci
n'exigeant qu'un médecin acquière un statut et des
privilèges que s'il exerce la médecine dans le centre
hospitalier.
Quant aux médecins responsables, leur rattachement au
département de santé communautaire nous porte à croire,
dans le contexte actuel du projet de loi, qu'il devrait faire l'objet de la
procédure ordinaire d'obtention d'un statut et de privilèges
quitte à ce qu'on dispense ces médecins de certaines obligations
afférentes aux membres du Conseil des médecins et dentistes dans
le cas où ces médecins responsables n'exercent pas dans le
centre.
En ce qui concerne le service ou le département de
santé... pour ceux qui suivent le mémoire, j'en suis à la
page 21. Dans la Loi sur les services de santé et services sociaux et
son règlement, les mots service et département
réfèrent à une entité organisée sous la
direction d'un chef dont le mode de nomination et les fonctions sont bien
précisées.
Dans le livre blanc sur la santé et la sécurité au
travail, on donne également au mot "services" ce sens d'une
entité organisée, regroupant du personnel affecté à
des tâches toutes particulières. En effet, le livre blanc en fait
une entité administrative. Pour ce, on peut se référer
à la page 241 du livre blanc.
Dans le projet de loi, l'expression "services de santé" est
fréquemment utilisée. On serait tenté parfois d'y voir
apparaître la notion de services cliniques, telle qu'on l'entend dans le
réseau hospitalier. Au contraire, il faut réaliser que le mot
"services" y est constamment utilisé au pluriel, dans un contexte
référant à des soins de santé, plutôt
qu'à une entité administrative. Il n'y est pas employé
dans le sens d'un service ou d'un département clinique au sens de la Loi
sur les services de santé et services sociaux ou selon le sens
indiqué dans le livre blanc. Nulle part, on n'indique qu'un service de
santé localisé doit être mis sur pied dans
l'établissement ou dans un centre hospitalier ou dans un CLSC et,
évidemment, encore moins dans un cabinet privé.
Pourtant et paradoxalement, la tâche et les responsabilités
du médecin responsable, selon le projet de loi, sont conçues,
à certains égards, comme s'il était le chef d'un
département structuré. A titre d'exemple, la durée de sa
nomination est celle d'un chef de département dans un centre
hospitalier. Le personnel professionnel et technique agit sous son
autorité. Le projet réfère au médecin responsable
comme étant le responsable des services de santé d'un
établissement, comme s'il s'agissait d'un département. Le projet
de loi oblige le médecin responsable à faire rapport de ses
activités.
II résulte de ceci une ambiguïté gênante; on
semble créer un département sans le dire. Le projet de loi
attribue aux services de santé, qui, dans les faits, n'existent pas, et
au médecin responsable, qui n'est pas un chef de service, des
obligations, sans leur fournir tous les moyens de s'acquitter de ces
obligations.
Je ne cite, ici, que deux des exemples qui sont inscrits au
mémoire. Lorsqu'un accident survient sur les lieux de travail,
l'employeur doit aviser l'inspecteur-chef régional, le comité de
santé et l'association accréditée. Seuls le service de
santé ou le médecin responsable ne sont pas avisés.
Le projet de loi n'oblige pas l'employeur à fournir des locaux
aux services de santé et il n'est pas certain que le projet de loi
oblige le centre hospitalier concerné à fournir de tels locaux,
en dehors de ses murs.
Le projet de loi est de toute clarté à l'égard des
locaux du comité de santé et de sécurité au
travail.
Enfin, le médecin responsable doit élaborer un programme
de santé spécifique, collaborer à sa mise en application
et assurer la garde et le caractère confidentiel des dossiers, sans
pouvoir compter sur une structure administrative formellement organisée,
dans un local assuré.
Les problèmes que nous venons d'énumérer sont dus
au fait qu'on crée une structure nouvelle de distribution de soins
médicaux, qu'on n'a pas voulu intégrer complètement au
réseau en place. Il eut peut-être mieux valu le faire, quitte
à affranchir les services proposés de certaines dispositions de
la loi ou des règlements sur les services de santé et services
sociaux. Ces problèmes revêtent d'autant plus d'importance que le
projet de loi, comme on l'a souligné, réfère à la
distribution de services de santé dans les milieux de travail, sans
distinction aucune, contrairement au livre blanc où il ressortait assez
clairement que les services de santé cliniques individuels seraient
laissés au réseau existant, la médecine sur place devant
se restreindre au dépistage, aux soins d'urgence, à la
prévention et à l'évaluation des risques et des
susceptibilités individuelles des travailleurs.
Parlons un peu du médecin responsable. Nous estimons que le
projet de loi devrait faire encore plus pour éviter, dans la mesure du
possible, la politisation de la médecine. Le projet propose des mesures
relatives à la nomination, à l'exercice et à la
destitution du médecin responsable qui s'écartent des
règles analogues qui régissent les médecins aux termes de
la loi et du règlement sur les services de santé et les services
sociaux. Nous formulons à ces trois niveaux des commentaires et les
recommandations qui suivent.
L'article 87 du projet de loi n'est guère explicite sur les
raisons qui justifient l'imposition d'un contrat de services entre le
médecin responsable et le centre hospitalier concerné. Il ne
précise rien non plus sur le contenu de ce contrat qui, cependant, devra
être conforme au règlement. Vu la position délicate dans
laquelle le médecin responsable risque d'être souvent
placé, la corpo- ration recommande que le contenu minimal des contrats
qui doivent intervenir en vertu de l'article 87 du projet de loi soit
déterminé conjointement par la commission et la Corporation des
médecins. A ce sujet, la corporation estime en plus que tout contrat de
services qu'un médecin pourrait conclure dans le cadre de la
médecine du travail devrait lui être soumis.
L'article 98, décidément, exagère sous tous les
rapports. Il nous semble tracassier, harassant, fondamentalement inutile
d'exiger que le médecin signale à tous les organismes et
personnes que l'article énumère toute déficience
susceptible de nécessiter une mesure de prévention. Nous estimons
que le résultat pratique escompté de ce texte serait atteint si
le médecin devait donner ses avis au comité de santé ou,
à défaut, au représentant de l'employeur et des
travailleurs et aussi, dans les cas plus importants, au chef de
département de santé communautaire.
Enfin, la dernière phrase de l'article transforme la commission,
l'employeur, chacun des travailleurs, l'association accréditée,
le comité de santé et de sécurité au travail et le
chef de département de santé communautaire en autant de patrons
à qui le médecin responsable doit faire rapport sur simple
demande et aussi souvent qu'il leur plaira bien de le lui demander. Jamais il
ne nous a été donné de voir une disposition
législative susceptible d'engendrer autant de rapports que celle-ci.
Pourquoi cette obligation? Non content de voir le médecin responsable
confronté entre travailleurs et employeurs, le législateur
multiplie les risques de pression et de chantage en l'obligeant à faire
des rapports à tout moment, sur n'importe quoi, à la demande de
n'importe qui. Nous ne voyons aucunement comment cette mesure puisse
améliorer le sort de qui que ce soit. Il n'y a évidemment aucune
objection à ce que le médecin responsable fasse rapport de ses
activités sous réserve de l'aspect confidentiel des
données en sa possession, mais il y aurait lieu de limiter la
portée de cette obligation et de mieux la cerner.
L'évaluation du travail professionnel du médecin
responsable, comme dans toutes les autres disciplines médicales, devrait
se faire par ses pairs, tel que le veulent le Code des professions, la Loi
médicale et la Loi sur les services de santé. Seules les
décisions administratives devraient pouvoir être remises en
question au sein du comité de santé et de sécurité
au travail. L'article 91 du projet de loi ne partage pas cette philosophie.
Encore ici, à peu près n'importe qui, par requête
fondée sur n'importe quel motif, peut saisir la Commission des affaires
sociales d'une demande de destitution. Au contraire, la Loi sur les services de
santé et services sociaux prévoit spécifiquement les
motifs pour lesquels un médecin peut perdre ses droits. Cet article du
projet de loi constitue nettement une aggravation des risques de pression et de
chantage sur le médecin responsable, sans compter qu'il offre aussi un
instrument de chantage et de pression sur les autres parties en cause, au
détriment du médecin.
La Commission des affaires sociales, dans le contexte législatif
actuel, joue un rôle de tribunal d'appel plutôt que de
première instance à l'égard des nominations et des
destitutions de médecins en milieu institutionnel. L'article 91 du
projet permet au contraire, sans même qu'une plainte ne soit
portée devant un chef de département de santé
communautaire ou le Conseil des médecins et dentistes ou la Corporation
des médecins, qu'on s'adresse directement à la commission. La
procédure prévue à cet article du projet de loi ne nous
paraît ni équitable, ni réaliste. Elle risque de
créer un climat d'insécurité qui, en fin de ligne, ne
servira sûrement ni la médecine, ni le travailleur, ni
l'employeur. Chaque médecin, dans toute la mesure du possible, doit
être à l'abri des pressions quelles qu'elles soient et d'où
qu'elles viennent. Le projet de loi devrait éviter la dépendance
disciplinaire du médecin à l'égard de l'employeur et de
l'employé et permettre qu'une plainte, s'il y a lieu, soit portée
devant ses pairs.
Parlons des contrats à intervenir entre la commission et les
centres hospitaliers, à la page 30. Il n'y a pas d'objection à ce
qu'intervienne un contrat entre la commission et les centres hospitaliers
où existe un département de santé communautaire aux fins
de la mise en application d'un programme-cadre. Cependant, la corporation
craint que, par le biais de cet article, la commission soit tentée de
généraliser une pratique à laquelle se livre actuellement
la Commission des accidents du travail et qui consiste en une entente entre
celle-ci et un centre hospitalier, entente par laquelle un certain nombre de
lits de ce centre hospitalier sont réservés aux accidentés
du travail. Cette pratique favorise l'accès privilégié de
certaines catégories de malades aux facilités
hospitalières en se basant sur des impératifs qui ne sont pas
toujours scientifiques ou médicaux.
L'article 81, paragraphe 2, pourrait permettre de
généraliser cette pratique de la Commission des accidents du
travail et pourrait avoir pour effet de consacrer l'existence de deux poids
deux mesures dans les critères d'admissibilité des patients
à l'hôpital. Il ne faudrait pas qu'on puisse dire qu'entre deux
cancers, celui qui est attribua-ble au travail doit être
privilégié. Nous croyons qu'il s'agirait là d'une erreur
que le législateur aurait intérêt à prévenir.
La corporation estime que le contenu du contrat type avec les centres
hospitaliers devrait être précisé dans la loi.
M. Roy: Le libre choix du médecin, chapitre III, à
la page 32: L'article 86 du projet de loi est rédigé sous la
forme impérative. Il décrète que les services de
santé pour les travailleurs seront à l'avenir dispensés
dans leur milieu de travail ou dans une institution publique régie par
la Loi sur les SSSS. Il exclut les cabinets privés, à moins que,
pour l'unique raison qu'aucun local n'est disponible, le chef de
département de santé communautaire permette qu'y soit
traité un travailleur. Cet article impératif d'une loi
décrétée d'ordre public par l'article 3 a donc pour effet
d'abolir le droit reconnu par l'article 6 de la Loi sur les services de
santé et les services sociaux, à toute personne de choisir le
professionnel ou l'établissement duquel elle désire recevoir des
services de santé.
En effet, ce ne sera plus qu'au centre lié par contrat que le
travailleur pourra se présenter et ce ne sera plus que par les
médecins responsables choisis par les comités de santé ou
par les médecins agissant sous son autorité et eux-mêmes
nommés par le chef de département de santé communautaire
du centre que ce même travailleur devra se faire soigner. (15 h 45)
II est vrai que l'article 7 du projet de loi préserve les droits
d'un travailleur acquis en vertu d'une loi, mais il n'est pas clair que cet
article ait pour effet de préserver son droit au libre choix de
l'établissement et du professionnel de la santé que proclame
l'article 6 de la Loi sur les SSSS et l'article 2 de la Loi de
l'assurance-rnaladie.
Les malades. Notre corporation s'oppose à l'adoption de tout
texte de loi qui érige en principe le fait que les services cliniques
individuels de santé, qu'il s'agisse de diagnostics, de traitements,
urgents ou non, ou de certains services de prévention, doivent
être dispensés dans des centres ou par des professionnels que le
travailleur ne peut pas choisir.
Section V, page 35. Le projet de loi laisse voir qu'un nombre
considérable de personnes une douzaine et d'organismes
auront accès à des informations d'ordre médical concernant
le travailleur. Il y en a une liste, dans le cas d'exercice du droit de refus
relié à un état de santé; il y a le
représentant à la prévention, le représentant de
l'association accréditée ou le travailleur. Il y a le
comité de santé, l'inspecteur, l'inspecteur-chef régional
de la commission; dans le cas d'accident, l'employeur, l'inspecteur-chef
régional, le comité de santé, l'association
accréditée. Il y a le comité de santé, en recevant
les avis d'accident et en enquêtant sur les maladies professionnelles, en
tenant des registres sur les accidents et, le cas échéant, les
comités de chantier. Il y a les médecins dispensant les soins, il
y a le médecin responsable, le chef de département de
santé communautaire, la commission et ses enquêteurs.
Nous savons que le médecin est tenu au secret par la Loi
médicale. Les autres personnes ne le sont pas toutes. L'article 99
confie la lourde tâche au médecin responsable d'assurer le
caractère confidentiel du dossier médical selon les
procédures en vigueur au département de santé
communautaire. L'article 123, de son côté, au deuxième
alinéa, tient au secret un enquêteur de la commission.
A notre sens, ces mesures sont nettement insuffisantes. Il existe
déjà plusieurs cas d'exception où le médecin est
tenu, de par la loi, à déclarer des informations confidentielles.
Il existe, de plus, de nombreuses banques de données dans
différents ministères, à la Régie de
l'assurance-maladie, à la Commission des accidents du travail, dans les
compagnies d'assurance, qui ont obtenu légalement leurs informations
à partir de dossiers
constitués en cabinet privé ou dans les centres
hospitaliers. Il n'existe, de plus, aucune loi-cadre qui protège
l'aspect confidentiel de ces informations une fois qu'elles seront
emmagasinées dans ces banques de données. D'ailleurs, une telle
loi-cadre nous a été promise depuis de nombreuses années,
tant par le gouvernement actuel que par le gouvernement précédent
lors d'autres commissions parlementaires. Nous attendons toujours une loi-cadre
sur la confidentialité des informations sur les citoyens qu'on retrouve
dans beaucoup d'organismes et qui deviennent pratiquement
éparpillées à gauche et à droite et sur lesquelles
on perd souvent le contrôle.
Ceci nous apparaît d'autant plus grave que le nouveau
régime de santé et de sécurité au travail
prévoit une importante cueillette d'information sur la santé du
travailleur. Il suffit de regarder le réseau de circulation de ces
informations décrit à la page 234 du livre blanc pour
réaliser l'importance de bien protéger l'aspect confidentiel de
ces informations. Les informations relatives à l'état de
santé du travailleur devraient être déclarées
confidentielles. D'une part, toutes les personnes qui ont accès à
ces informations devraient être tenues au secret. D'autre part, les
informations elles-mêmes devraient être déclarées
confidentielles, et notre mémoire contient, à la page 37 des
suggestions pour pallier à ce problème.
Enfin, compte tenu de certains problèmes qui ont
été portés à la connaissance de la corporation, la
loi devrait défendre aux employeurs et aux syndicats de se faire donner,
par convention collective et ça existe une autorisation
générale à avoir accès à certaines
informations confidentielles relatives à la santé des
travailleurs pour les fins de contrôle administratif. Toute information
de-crait être donnée de consentement personnel, privé, par
la personne dûment informée.
Chapitre VI. Il ressort des commentaires que nous avons formulés
jusqu'ici que le système de santé et de sécurité au
travail, tel que suggéré par le présent projet de loi,
risque de devenir un système parallèle, à celui que la
Commission d'enquête sur la santé et les services sociaux a
déjà dénoncé en 1970. Les éléments
suivants du système instauré par le projet de loi nous causent
cette appréhension.
Premièrement, exclusion, à toutes fins utiles, du
système privé, ce qui ne nous apparaît pas réaliste
et nous faisons appel au bon sens du ministre. Nous comprenons qu'il est soumis
à de très grandes pressions de toutes parts, mais nous croyons
évidemment qu'il serait absolument irréaliste et anormal de
soustraire, du revers de la main, par le coup d'une loi, tout le réseau
privé de dispensation des soins de la santé, ce qui aurait, en
fait, pour effet de rendre la loi pratiquement inapplicable.
Deuxièmement, le financement différent de celui du
système général de distribution des soins. Evidemment, je
ne peux pas développer chacun de ces points. Je le laisse pour
discussion ultérieure en commission parlementaire.
Troisièmement, le contrat à intervenir entre la commission
et les CH où existe un département de santé communautaire
et possibilité d'un système d'accès
privilégié des travailleurs aux ressources
hospitalières.
Quatrièmement, restriction du droit des travailleurs au libre
choix de leur médecin et du centre hospitalier où ils
désirent recevoir des soins orientant ainsi les travailleurs dans le
système public.
Cinquièmement, dossier médical du travailleur
différent de celui du bénéficiaire en vertu de la loi sur
les SSSS et de celui du médecin traitant en cabinet privé.
Sixièmement, aspect confidentiel du dossier: accès et
mesures de protection et de conservation différents de ce qui est
prévu à la loi sur les SSSS.
Septièmement, absence de la notion de médecin traitant et
risque de dépersonnalisation de la médecine du travail que tout
le monde, évidemment, déplore.
Huitièmement, agrément des médecins aux fins de la
médecine du travail différent du processus prévu par la
loi et les règlements sur les SSSS.
Neuvièmement, restriction de l'exercice de la médecine
selon qu'il s'agit d'un travailleur ou d'une autre personne et restriction
géographique de cet exercice.
Dixièmement, procédure de nomination ou de destitution des
médecins différente de celle prévue à la loi et aux
règlements sur les SSSS.
En terminant cette section, je me permets de rappeler une citation de M.
Thomas Boudreault dans un colloque, en mars 1978, lors duquel il parlait au nom
du ministre et où il disait à peu près ceci. Je cite
presque textuellement: Sur le plan de la structure ou de l'organisation de la
médecine du travail, le projet proposé à l'époque,
ou en gestation, rechercherait le groupement des forces de la médecine
du travail ainsi qu'une plus grande intégration de celles-ci aux cadres
organisation-nels de la médecine. Et ce n'est pas tout à fait ce
qu'on semble lire dans le projet de loi actuel, mais qu'on aimerait bien voir
de façon à rendre la loi applicable et réalisable le plus
rapidement possible.
Section VII, les commentaires divers. Représentativité des
services de santé ou des médecins responsables. L'article 106 du
projet de loi ne prévoit, au sein de la commission, aucune
représentation des services de santé ou des médecins
responsables qui constituent une partie importante du système.
Même si les employeurs et les travailleurs sont les deux
partenaires principaux et que l'objectif visé est la santé et la
sécurité au travail, il apparaîtrait logique que les
services de santé au travail soient représentés au sein de
la commission, tant pour faire valoir les problèmes vécus que
pour prendre part aux discussions qui porteront sur la santé des
travailleurs. D'autre part, il nous apparaîtrait important que le conseil
médical consultatif soit instauré pour assister la commission sur
toute question relative à l'aspect médical de l'administration de
la loi. Je me permets une analogie avec une commission juridique quelconque
sur
laquelle il n'y aurait aucun avocat, je suis persuadé qu'il y
aurait beaucoup d'objections de la part de plusieurs groupements et je suis
persuadé par ailleurs que le ministre en tant qu'avocat, membre de cette
honorée corporation qu'est le Barreau, comprendrait bien qu'un
système semblable ne pourrait pas fonctionner. Nous pensons qu'un
système qui est axé sur la médecine du travail et une
bonne médecine devrait au moins comprendre un ou deux médecins
pour faire le poids entre les employeurs et les syndicats et faire en sorte que
ce ne soit pas un rapport de force constant.
La travailleuse enceinte. L'article 32 prévoit l'intervention
d'un médecin pour délivrer un certificat attestant que les
conditions de travail pour une travailleuse enceinte comportent des dangers
physiques pour l'enfant à naître ou pour elle-même. Nous
désirons attirer l'attention du législateur sur les
difficultés qu'aura le médecin traitant il en a
été question ce matin à établir un tel
certificat, celui-ci ne connaissant pas ce milieu de travail que sur la foi des
renseignements que pourra lui fournir la travailleuse enceinte.
A moins que le médecin traitant de par ses fonctions dans
d'autres domaines ne connaisse très bien le milieu de travail en
question, il devra se limiter à établir un certificat
médical attestant de l'état de grossesse de la travailleuse et
laisser au médecin responsable le soin de déterminer, en
collaboration avec son médecin traitant, si les conditions de son
environnement de travail comportent un danger pour elle ou pour son enfant.
Retrait préventif. Ce n'est pas dans notre mémoire, mais
il en a été question ce matin et hier soir. Je dois ici dire que
ceci nous apparaît être un concept extrêmement
intéressant avec lequel je suis personnellement d'accord. Nous n'en
avons pas discuté en tant que corporation, mais il correspond à
l'ensemble des vues des médecins qui seraient d'accord avec le concept
fondamental du retrait préventif.
Par exemple, il est normal que le médecin, étant
responsable de la santé vis-à-vis d'un individu, lorsqu'il
détecte une altération de la santé d'une telle personne
qui pourrait être réversible ou qui pourrait être
arrêtée, il puisse tenter de trouver une solution pour ce patient.
Il serait alors bon, peut-être, d'inclure des dispositions dans la loi
qui permettraient l'application d'un tel concept qui, évidemment, n'est
pas facile.
Si l'on prend l'exemple il y en a plusieurs de la
plombémie, d'un excès de plomb chez un individu, on sait fort
bien qu'il s'agit là d'un problème réversible quand c'est
détecté au tout début. Il nous apparaîtrait
irresponsable de la part d'un médecin, sachant que quelqu'un souffre
d'une maladie, de le laisser dans les mêmes conditions. Il faudrait donc
trouver un mécanisme pour le soustraire, temporairement ou de
façon permanente, de ce milieu de travail et, évidemment,
accentuer la prévention par le biais de l'environnement. Il ne faut pas
attendre que l'individu soit malade pour agir. Je pense que le but primordial
visé par le projet de loi est la prévention de mala- dies, donc
de trouver des solutions pour prévenir ces problèmes et
soustraire le travailleur qui présente des signes personnels pour toutes
sortes de raisons, à cause d'une plus grande susceptibilité
personnelle, par exemple. Il doit trouver une solution au problème de
cette personne.
Nous sommes donc d'accord avec cette idée qui a été
énoncée hier par certains chefs de département de
santé communautaire et avec laquelle, j'en suis sûr,
d'après les propos du ministre, il est en profond accord.
Nous voulons aussi attirer l'attention sur un autre problème qui
est celui de l'alcoolisme et des narcomanies, et particulièrement de
l'alcoolisme chez les travailleurs. Tout le monde sait qu'il s'agit d'un
problème très répandu, qui coûte très cher.
Nous savons également qu'il existe très peu de ressources pour
traiter ces gens dont personne ne veut. Je pense qu'il y a là une
responsabilité au niveau du ministère des Affaires sociales pour
tenter de trouver des ressources pour traiter les alcooliques et les
narcomanes. Je suis sûr que vous-mêmes, les membres de la
commission parlementaire, vous devez avoir souvent des pressions de la part de
vos commettants pour trouver des endroits pour traiter ce genre de personnes;
j'en ai moi-même beaucoup et, malheureusement, on est souvent dans
l'incapacité de les diriger à quelque endroit que ce soit. Il
faudrait donc qu'il y ait une priorité au niveau du ministère des
Affaires sociales pour traiter ces personnes et peut-être, en ce qui
concerne l'alcoolisme chez les travailleurs, trouver un mécanisme, comme
dans le cas de la travailleuse enceinte, pour le retrait préventif de
l'alcoolique pour lui permettre de se faire traiter et de revenir au
travail.
En conclusion, il y a quelques recommandations sur lesquelles la
corporation insiste. Il serait préférable d'exclure de la loi
à venir sur la santé et la sécurité au travail ce
qui a trait à la distribution des soins curatifs, exception faite de la
mise sur pied d'un service adéquat de premiers soins pour faire face
à l'urgence médicale et traumatique et pour faciliter la
réadaptation au travail. La distribution des soins curatifs devrait
être laissée dans le réseau actuel régi par la Loi
médicale, le Code des professions et la Loi sur les services de
santé et les services sociaux.
Il serait souhaitable, également, en ce qui concerne les services
rendus aux travailleurs, que le projet de loi distingue l'approche clinique
individuelle (préventive et curative) de l'approche collective
(programmation, application, surveillance des programmes et évaluation
des résultats). L'approche clinique individuelle devrait être
régie par les lois qui régissent l'exercice de la médecine
et le système actuel de distribution des soins au Québec, y
compris le système privé, alors que l'approche collective devrait
être régie par la Loi sur la santé et la
sécurité du travail.
Cette distinction très importante étant faite, la
corporation serait d'accord avec l'autorité proposée par le
projet de loi du chef de département de santé communautaire sur
le médecin responsable. Le projet de loi devrait prévoir dans les
regroupe-
merits de milieu de travail, où le nombre d'employés et la
nature du travail le justifient, la création d'un service de
santé sous forme d'une véritable entité administrative
dirigée par un médecin chef ayant pour fonctions celles
qu'énumère le livre blanc sur la santé et la
sécurité au travail aux pages 239, 240 et reproduites aux pages
11 et 12 de ce mémoire. (16 heures)
Le projet de loi devrait prévoir l'établissement de liens
souples et bien définis entre la structure dont il recommande
l'application et la structure déjà établie par la Loi sur
les SSSS de façon à protéger davantage le libre choix du
médecin ou du centre hospitalier, à protéger davantage le
secret qui doit entourer les informations d'ordre confidentiel sur le
travailleur, à éviter de compartimenter un système de
distribution de soins et une médecine auxquels on reproche la
dépersonnalisation de l'être humain et à éviter que
trop de bureaucratie envahisse les services de santé aux travailleurs.
Evidemment, nous avons également tenu compte tout à l'heure des
représentations au sujet d'une meilleure représentation
médicale au niveau de la commission elle-même.
La corporation aussi a déjà recommandé au ministre,
que nous avons rencontré et qui nous a très bien reçus, de
créer dans certains centres hospitaliers désignés un
département clinique de médecine du travail afin de relier
celle-ci à l'organisation clinique de l'ensemble de la médecine.
Le département de médecine du travail permettrait le regroupement
des médecins nommés pour exercer la médecine du travail
dans un territoire donné, la mise en commun des connaissances et des
expériences, la discussion de projets, l'évaluation de l'exercice
professionnel dans ce domaine et la mise sur pied de programmes
d'éducation médicale continus correspondant aux
déficiences notées.
Pour maintenir cette recommandation et préciser ce que devrait
être ce département de médecine du travail, il faudrait
connaître les réponses aux nombreuses questions posées dans
le présent mémoire et, avant de terminer, je voudrais vous dire
que nous sommes d'accord avec le paragraphe 151 du mémoire de la
Fédération des travailleurs du Québec, que mon ami Emile
Bou-dreault m'a gentiment remis et dans lequel il propose et il doit
vous le proposer la semaine prochaine qu'au cours des travaux de votre
commission parlementaire, les représentants attitrés des
principaux intervenants sur le sujet de la santé au travail puisse se
réunir en table ronde, et exprimer leurs positions, et établir un
certain consensus de façon à pouvoir ensuite en arriver à
établir clairement ce que doit représenter un service de
santé dans le projet de loi.
Il semble évident, à la lecture de nombreux
mémoires que j'ai pu voir, qu'il y a de profondes divergences à
cause de l'incompréhension du sens des mots qui sont utilisés
dans le projet de loi.
En terminant, nous désirons rappeler un extrait du mémoire
de notre corporation au comité d'étude sur la salubrité
dans l'industrie de l'amiante en 1975, présidé par M. le juge
Beaudry qui était ici tout à l'heure, qui est peut-être
encore là sans que je le voie et dans lequel on citait textuellement:
"Ce serait en effet une tragédie qu'aucune action vraiment significative
ne soit entreprise après une enquête aussi exhaustive. La
population du Québec devra être vigilante et s'assurer que son
gouvernement protège les intérêts des travailleurs. Ceux-ci
ont le droit strict de travailler dans des conditions qui ne mettent ni leur
vie, ni leur santé en danger."
C'est parce qu'elle est soucieuse de la protection de la santé
publique que la Corporation des médecins a préparé ce
mémoire. Elle désire que ses membres apportent la plus grande
attention aux problèmes des travailleurs. Ce n'est que dans un climat de
confiance réciproque entre employeurs, employés et
médecins que l'on pourra enrayer un bon nombre d'accidents de travail et
de maladies industrielles. La corporation assure le législateur de sa
collaboration dans la poursuite d'objectifs visant à préserver et
à maintenir la santé et la sécurité des
travailleurs. Tous nos commentaires doivent être
interprétés dans cet esprit. Il n'y a évidemment pas
d'ultimatum dans notre mémoire. Nous avons essayé de garder un
ton serein, même si certains mots pouvaient avoir une portée assez
grande.
Nous faisons confiance aux employeurs, aux travailleurs et à
leurs représentants et nous leur demandons de bien comprendre le
rôle du médecin du travail que je vais résumer ainsi, au
total, dans une citation: "Le médecin du travail, au sein d'une
entreprise, doit savoir obtenir la confiance de tous et garder son
indépendance personnelle puisqu'il conserve toujours la
responsabilité de ses décisions. Le médecin du travail
n'est pas plus le médecin de l'employeur que celui des travailleurs et
toute pression exercée sur lui, d'où qu'elle vienne, employeur ou
salarié, a pour effet de diminuer son efficacité. Lorsqu'il
formule ses conclusions sur une étude de poste ou sur une nuisance ou
sur un risque, le médecin du travail fournit un document objectif qui
pourra servir de base à discussion à chacun des partenaires
sociaux de l'entreprise sans que pour autant le médecin ait à
intervenir dans ce qui peut être une polémique."
Vous avez noté hier l'insécurité des
médecins d'entreprise actuels qui ont été
dénigrés dans le passé. Je pense qu'il ne faut quand
même pas exagérer et garder en souvenir le travail excellent
qu'ont fait la très grande majorité de ces médecins
d'entreprise.
On a parlé beaucoup d'un climat de confiance et je pense que ce
n'est pas en changeant le système et en mettant tout dans le
système public qu'on va changer le climat de confiance. Il s'agit d'une
question d'individus. Je connais évidemment, je ne veux pas
entrer dans une assemblée contradictoire, je suis capable de le faire
énormément de cas où on a décrié
certains médecins d'entreprise qui avaient émis, par exemple, des
certificats de santé à des gens qui étaient malades. Je
connais personnellement des mi-
neurs, puisque je viens d'une région où il y a de
l'amiantose, East Broughton, près de Thetford, et j'ai travaillé
moi-même dans les mines d'amiante, je connais des individus qui m'ont dit
avoir pratiquement forcé le médecin à leur donner un
certificat de santé pour leur permettre de continuer à travailler
dans une usine, parce que les lois sociales de l'époque ne leur
permettaient pas de vivre s'ils ne travaillent pas.
M. Chartrand (Michel): II y en a 200 qui se meurent dans les
mines.
M. Roy: Je le reconnais, M. Chartrand, mais ça ne donne
rien de discuter avec vous.
M. Chartrand: Ne contez pas des sornettes comme ça!
M. Roy: Evidemment, le ministre sait que ce projet de loi est une
grosse commande...
Le Président (M. Marcoux): A l'ordre, s'il vous
plaît! Un instant, M. Roy. Je veux clarifier, pour tous ceux qui
assistent aux travaux de la commission, qu'il y a une règle qui est
connue depuis longtemps, c'est que nos invités ont le droit de parole et
je pense qu'il est élémentaire de respecter ce droit de parole.
Tous les groupes qui ont présenté un mémoire seront
entendus et pourront faire valoir leur point de vue. Je crois que cette
règle doit être respectée par tous ceux qui assistent ou
participent à nos travaux. M. Roy.
M. Roy: Je veux terminer en félicitant le ministre d'avoir
présenté ce projet de loi pour discussion. Il sait fort bien et
nous savons tous qu'il s'agit d'une très grosse commande, comme on dit.
Evidemment, il ne faudrait pas que le proverbe "qui trop embrasse mal
étreint" s'applique; il sait fort bien que ça ne se fera pas du
jour au lendemain. Il ne doit pas rêver en couleur et penser que, du jour
au lendemain, ces concepts de droit nouveau vont pouvoir s'appliquer
intégralement. Il va falloir faire ici de l'étapisme; on en fait
dans d'autres domaines, ce serait peut-être le bon moment d'en faire. Il
sait fort bien que l'application de cette loi va coûter très cher,
mais il peut compter sur la collaboration de tous et, en particulier,
évidemment, des médecins du travail. Je n'ai évidemment
pas le temps de répondre à toutes les choses qui ont
été dites ce matin, mais je pourrais peut-être souligner le
fait qu'on a posé une question sur la spécialité de la
médecine du travail qui n'a pas eu de réponse. Je voudrais vous
dire qu'il n'y a pas de spécialité de médecine du travail
comme telle, mais la médecine du travail entre dans la
spécialité de santé communautaire. Nous avions, autrefois,
la spécialité d'hygiène publique, qui devrait être
abolie incessamment, et nous l'avons remplacée par la santé
communautaire, qui inclut la médecine du travail.
J'en profite, parce que je suis dans une audience publique, avec un
ministre qui siège au Conseil des ministres, pour demander au ministre
d'Etat au développement social de faire pression sur ses
collègues pour que notre projet de règlement, qui a
été adopté par la corporation il y a déjà
plus d'un an, qui a été publié en deuxième lecture
il y a également plus d'un an, publié dans la Gazette officielle
il y a également plus d'un an, qui reçoit l'assentiment de tous
les milieux universitaires, comme corporation, ainsi que de l'Office des
professions, mais qui est toujours en suspens, parce qu'il n'a pas
été adopté définitivement dans la Gazette
officielle, alors qu'il y a des programmes de santé communautaire qui
marchent dans trois universités sur quatre et la quatrième a des
programmes en voie de préparation, il y a des médecins qui font
des études spécialisées à l'heure actuelle, j'en
profite pour lui demander de faire pression sur son collègue,
responsable du Code des professions, pour que le Conseil des ministres adopte
le plus rapidement possible notre règlement sur la santé
communautaire, qui décrète la spécialité de
santé communautaire, incluant la spécialité de
médecine du travail pour certains experts dans ce domaine.
Je termine en vous remerciant, M. le ministre et les membres de la
commission; nous sommes à votre disposition pour répondre
à toutes vos questions.
Le Président (M. Marcoux): M. le ministre.
M. Marois: M. le Président, je voudrais d'abord remercier
la Corporation professionnelle des médecins du Québec pour la
présentation de son mémoire. Evidemment, étant
donné l'heure, la corporation a choisi je pense que ça
peut se défendre aussi de faire valoir le plus pleinement
possible, en prenant le temps qu'elle jugeait pertinent, dans le délai,
l'espèce de banque de temps qu'on s'est donnée pour que chacun
des groupes puisse se faire entendre, d'en occuper une partie substantielle
pour faire valoir son point de vue.
Donc, je me limiterai, pour l'instant, à quelques brefs
commentaires. Je dois dire que je considère qu'une bonne partie des
recommandations je n'ai pas le temps de tout reprendre si j'ai
bien compris le mémoire et on va le scruter à la loupe, vise en
quelque sorte à rendre la lettre du projet de loi conforme à
l'esprit que vous semblez, dans certains cas, dégager du projet. Vous
proposez aussi certaines clarifications. Il y a des choses qui vous
apparaissent ambiguës dans ce sens, tout ce qui peut être
susceptible de clarifier les choses, je pense que cela fait partie d'une
contribution positive. J'ai pris bonne note, et je suis certain que les membres
de la commission parlementaire l'ont fait aussi, de votre opinion personnelle
sur cette idée qu'on a évoquée depuis hier d'un
élargissement du principe qui est introduit dans la loi, mais qui trouve
une première application pour les femmes enceintes de reconnaître
une extension, de regarder la possibilité sérieuse
d'élargir le droit au retrait préventif.
Très rapidement, je me demande si c'est fondé, mais enfin,
on va le regarder. Vous semblez
indiquer qu'il y aurait une confusion dans les termes quand on regarde
la Loi des services sociaux et des services de santé avec celle-ci quant
à l'utilisation dans la définition du mot "établissement".
On va le regarder. On est porté à penser le contraire, mais
enfin, on va le regarder de très près.
Je dois vous indiquer également que dans cette définition
qui apparaît au paragraphe 14 de l'article 1, pour répondre
à votre question, dans notre esprit, la notion de service telle qu'elle
est formulée comprend la notion de distribution de services. Cependant,
on en prend bonne note et on va le vérifier à nouveau pour
être sûr, parce que dans notre esprit, cela doit être inclus.
Cela est très clair.
Quant au champ d'application, il ne fait aucun doute, on l'a
évoqué au cours des remarques d'ouverture des travaux de cette
commission parlementaire, le député de Portneuf l'a fait aussi,
qu'il s'agit d'une loi-cadre, donc, partant d'une loi de portée
universelle dont le champ d'application est universel, donc qui couvre
l'ensemble, en proposant un plancher de base, bien sûr, sur lequel il est
possible d'ajouter des choses, des hommes et des femmes qui sont au
travail.
C'est le principe de base. Il est évident, et cela ressort de
l'article 185, en particulier, paragraphes 4 et 9, et de l'article 129,
paragraphe 9, que forcément, on voudrait, par la composition qui est
proposée du conseil d'administration même de la Commission de la
santé et de la sécurité du travail du Québec, que
les parties concernées soient directement impliquées dans
l'établissement des priorités. Par exemple, par quel secteur,
tout ne pourra pas être fait en même temps; il faut commencer par
l'établissement de services de santé et pousser beaucoup plus
loin, par l'établissement des comités prioritaires. Il faut que
les parties soient directement associées, qu'elles nous fassent leurs
recommandations en ce sens pour l'établissement d'un certain nombre de
priorités. Il est évident que les problèmes à la
grosse Caisse populaire de Saint-Alphonse-d'Youville, ne seront certainement
pas du même ordre et de la même ampleur que ceux qu'on retrouve
dans une fonderie, par exemple. Pour cela, il va falloir certainement
établir des priorités. Tout ne pourra pas être fait en
même temps.
J'aurais voulu intervenir plus longuement, mais on va continuer à
réfléchir sur votre mémoire, sur la confiance. J'ai eu
l'occasion de dire, hier, ce que j'avais entendu et je dois le dire comme je
l'ai entendu des hommes et des femmes qui sont au travail. Il n'y a pas, encore
une fois, une équation automatique entre ces commentaires et la
compétence même des médecins. Dans certains cas, s'il y a
des médecins qui sont incompétents, c'est une chose qui est bien
possible. Il y a des avocats qui sont incompétents; il y a des
députés qui sont incompétents. Il y a toute sorte de monde
incompétent partout. C'est vrai. Mais il n'y a pas une équation
automatique. Selon la perception des travailleurs à l'égard de ce
qu'on appelle les médecins de compagnie, celle que j'ai entendue
partout, a un problème de confiance. C'est fondamental. Si on ne
réussit pas, avec un projet de loi comme celui-là, à se
donner au moins, sans se prendre pour la vertu incarnée, je pense bien
que personne ne peut prétendre à cela, les premières
formules de base pour permettre de rétablir cette confiance, on passe
à côté d'une des clés du changement qui est
demandé de façon légitime par les hommes et les femmes qui
sont au travail.
Quant à la question, parce que vous l'évoquez en cours de
route, je le signale au passage, et je pense que je peux dire que je serais
plutôt porté à être d'accord, je vais le faire
regarder certainement, en tout cas, en principe, on est d'accord avec votre
corporation pour que l'article 91 soit modifié ou ajusté, s'il le
faut, de sorte que la Commission des affaires sociales continue son rôle
actuel de tribunal d'appel, et qu'en conséquence on porte plainte devant
le chef de département de santé communautaire ou le
président du Conseil des médecins et dentistes concerné
avant de porter la cause devant la Commission des affaires sociales. (16 h
15)
Je m'interroge, cependant, sérieusement sur les délais.
C'est certainement un élément que je vais regarder de très
près. Quant à la question, vous l'avez évoquée, du
libre choix du médecin, je pense qu'il faut faire attention. Il y a des
distinctions qui s'imposent. Vous l'avez évoqué, je pense bien.
Il y a des distinctions entre ce qu'on appelle le médecin de famille, le
médecin de l'individu qui le traite, qui est une chose. Je ne crois pas
que cela soit battu en brèche par le projet de loi. S'il y a des
ambiguïtés, des choses qui doivent être éclaircies, je
conviens de les regarder de très près, et ce qu'on appelle le
médecin du travail, d'autre part. Par ailleurs, je pense qu'il ne faut
pas non plus en faire un absolu du choix du médecin. Une citoyenne qui
se présente à l'urgence dans un hôpital, le libre choix,
elle peut toujours courir! Quand on est à l'urgence...! C'est la
même chose actuellement dans le cas des examens de pré-embauche
dans des entreprises. En d'autres termes, je pense qu'il y a des nuances
à apporter à cette dimension.
J'ai pris bonne note aussi vous l'aviez déjà
évoqué de la nécessité de regarder de
très près les articles qui concernent le caractère
confidentiel des dossiers individuels, des dossiers personnels. Voilà
les quelques premiers commentaires. Par ailleurs, je tiens de nouveau à
dire aux membres de la corporation que le mémoire va être
regardé de très près et très attentivement.
M. Roy: Merci, M. le ministre. Seulement deux petites secondes.
Il y a peut-être une question de sémantique qui devrait être
clarifiée je m'en rends compte à la lecture des
différents mémoires sur l'interprétation qu'on
donne aux termes "services de santé au travail". Dans le mémoire
de la FTQ, on parle d'hygiène du travail. C'est peut-être cela le
vrai sens qu'on devrait donner. C'est pour cela qu'il y a une confusion entre
le médecin traitant et le médecin responsable. Il faudrait
peut-
être faire cette distinction en disant: La médecine du
travail, c'est une question de sécurité au travail, de
salubrité, de prévention. Il faut éviter d'entrer le
curatif là-dedans sauf, comme le dit le livre blanc et qu'on a
mentionné, les cas de petites urgences et le soin qu'on doit donner
à l'usine ou dans l'entreprise. Si on pouvait faire cette distinction,
on éviterait bien des malentendus, parce qu'il y a une confusion dans
l'utilisation des termes. C'est pour cela que cette suggestion de la FTQ de
faire une espèce de rencontre de tous les gens et des intervenants
pourrait peut-être évidemment aider à clarifier les choses.
Du côté du ministère, je sais que vous avez des experts qui
pourraient peut-être se pencher aussi pour faire en sorte que la notion
de "santé au travail" soit bien cernée, parce qu'on est tous
d'accord sur la notion, on est tous fondamentalement d'accord sur les objectifs
du projet de loi, mais il suffit de les articuler pour le rendre
réalisable et applicable, parce que personne ne veut que ce soit un
projet de loi qui reste dans les tiroirs et qu'on ne puisse pas appliquer parce
qu'il y a de la confusion. On pourrait peut-être le cerner davantage. A
ce moment, il y a peut-être une question de sémantique sur
laquelle il faudrait faire en sorte qu'on sache exactement à quoi s'en
tenir sur la santé au travail et la médecine du travail,
l'hygiène du travail, de façon à faire en sorte que le
projet de loi soit appliqué.
Evidemment, j'ai dit un mot sur le médecin d'entreprise qui
amène certaines contradictions. Il faut éviter dans ce domaine de
généraliser. C'est sûr qu'il y a des gens qui ont fait des
erreurs. Il y a des médecins qui ont fait des erreurs, comme dans tous
les groupes de la société, il y a des personnes qui peuvent faire
des erreurs. Ce n'est pas parce que certains individus ont fait des erreurs,
bien qu'il faille se reporter dans le contexte dans lequel ils oeuvraient
à l'époque... Il faut éviter d'un coup sec de blâmer
toute une catégorie d'individus dont la très grande
majorité est extrêmement valable pour la société,
pour les travailleurs, et qu'il ne faudrait pas démotiver et perdre.
Evidemment, c'est tellement facile de faire de la démagogie.
Quand on prend les media, ils sont surtout intéressés aux
mauvaises nouvelles ou aux choses sensationnelles. On ne parle jamais des
bonnes choses, ce n'est pas de la nouvelle. Alors, je ne reproche jamais aux
media, aux journaux, à la radio, à la télévision de
sortir les cas d'erreurs, d'abus. C'est normal. On parle des mauvaises choses,
on parle des choses extraordinaires. On parle des avions qui tombent, on ne
parle pas des avions qui volent.
Que quelques médecins dans quelques industries aient fait des
erreurs, il ne faudrait pas généraliser parce qu'il y a un
très grand nombre d'endroits où cela fonctionne très bien.
Cela a été institué sans que personne ne soit forcé
de le faire, à leur corps défendant et en aussumant
complètement les coûts dans beaucoup d'usines. Je pense que cela a
amené de très bons résultats dans beaucoup de centres. Il
ne faudrait pas enlever une structure qui va bien et la remplacer par une autre
aléatoire. Il faudrait garder cette structure et l'améliorer.
C'est dans ce sens que j'ai dit: II faut quand même éviter
d'exagérer sur les médecins de compagnies, comme on l'a fait, de
les décrier et de parler évidemment du fameux climat de
confiance. Il y a un grand nombre d'endroits où ça existe
très bien, par contre, il y a eu d'autres endroits où il y a eu
des erreurs et des lacunes; on le confesse. Mais, évidemment, on ne
voudrait pas, à partir de là, calomnier, décrier tout un
groupe de personnes qui ont très bien travaillé pour leur
province et leurs concitoyens.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Portneuf? Mme le député de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président, je voudrais
également remercier la Corporation professionnelle des médecins
du Québec pour son mémoire qui, je pense, apporte de nombreuses
suggestions quant à la nécessité de clarifier les termes,
d'assurer une concordance entre les lois des services sociaux et des services
de santé et ce nouveau projet de loi. Je pense que le ministre s'est
montré ouvert là-dessus. Il les a reçues comme des
suggestions qu'il est prêt à examiner. De notre côté,
les points que vous nous avez signalés, on va certainement y accorder
une attention toute particulière.
Il y a une chose qui revient quand même un peu comme une
constante, quoique hier soir je n'étais pas ici pour entendre les
mémoires et le problème n'a peut-être pas été
soulevé, mais qui a été soulevé à la fois
par vous, par la Fédération des médecins et par les
départements de santé communautaire et les CLSC. C'est cette
crainte de la structure parallèle qui semble peut-être
s'ériger et je pense que c'est d'ailleurs une préoccupation
qu'aura également l'Ordre des infirmières et infirmiers du
Québec et peut-être d'autres dont je n'ai pas pris
connaissance.
En tous les cas, il m'apparaît important que ceci soit
examiné de près par le gouvernement, parce que les coûts de
tout ceci vont être très grands et je pense qu'on ne peut pas se
permettre une duplication de services, alors qu'on ne répondra
peut-être pas, avant un délai assez considérable, aux
besoins que l'on veut combler.
A la page 30 c'est une question plus précise vous
parlez de votre crainte que par le biais de l'article 81, on tente de
généraliser une pratique à laquelle se livre actuellement
la CAT, qui consiste en une entente avec un centre hospitalier, à savoir
de réserver un certain nombre de lits. J'imagine que c'est la même
chose, peut-être, avec la Régie de l'assurance automobile, je ne
le sais pas, qui relève aussi de la CAT. Là, on arriverait
peut-être avec un troisième groupe de lits réservés.
Vous semblez craindre cette pratique. Vous dites: Elle peut favoriser
l'accès privilégié de certaines catégories de
malades aux facilités hospitalières.
Dans la pratique, dans le concret, avez-vous non pas des données
statistiques, mais des exem-
ples démontrant comment cette réalité peut produire
et créer des problèmes pour le soin peut-être de malades
plus aigus, parce que, dans le fond, c'est ce que vous laissez entendre dans ce
paragraphe? Je ne suis pas certaine peut-être que le ministre
pourrait nous informer là-dessus mais il est fort probable qu'on
puisse prévoir le même mécanisme dans le cas de ce projet
de loi.
M. Lapierre (André): En fait, ça ne crée
sûrement pas de problème pour les travailleurs qui...
Mme Lavoie-Roux: Non, mais pour l'ensemble...
M. Lapierre: ... à la suite d'accidents de travail peuvent
être admis dans certains centres hospitaliers de façon
privilégiée, par rapport aux autres malades. Par contre, il reste
que, pour nous, l'admission dans un centre hospitalier doit se faire selon
certains critères qui sont le degré de gravité de la
maladie et le degré d'urgence et non pas à savoir s'il s'agit
d'un accident de travail ou s'il s'agit d'un autre type de maladie. Je pense
que plutôt que de se conformer à des normes qui ne sont ni
médicales, qui sont peut-être d'ordre pécuniaire
plutôt, la corporation est d'avis qu'on devrait, pour l'admission des
malades, se référer d'abord à des normes qui sont les
degrés de gravité de la maladie et les degrés
d'urgence.
Mme Lavoie-Roux: Je pense que cela est très clair dans
votre mémoire, mais, dans les faits, est-ce que c'est une plainte ou,
enfin, est-ce que c'est une observation qui vous a été faite par
les médecins ou par certains centres médicaux ou si c'est
simplement une appréhension que vous avez à ce moment-ci?
M. Lapierre: Non, c'est plus une appréhension. En fait, il
existe actuellement une situation par laquelle la CAT se lie avec un centre
hospitalier par contrat où il y a un certain nombre de lits de
réservés à la CAT. Bien sûr, dans ces
lits-là, les travailleurs ont priorité. Ce ne sont pas, en fait,
des plaintes que nous avons reçues, mais c'est une observation que nous
faisons pour éviter que le système se
généralise.
Mme Lavoie-Roux: Dans le fond, si cela se continuait dans la
même veine, cela pourrait éventuellement peut-être
créer certains problèmes.
M. Roy: C'est cela. Cela veut dire que c'est une constatation
d'une chose qui existe. Il y a eu des plaintes de certains médecins ou
d'hôpitaux qui ne sont pas liés par contrat et qui disent
évidemment: Les médecins et les hôpitaux liés ont
des privilèges que nous n'avons pas parce qu'ils peuvent traiter les
accidentés de travail plus rapidement ou ils peuvent le faire en plus
grand nombre que nous. Je ne blâme pas la CAT d'avoir fait cela parce que
cela a diminué le temps d'attente des travailleurs pour être
opérés, mais si c'est possible de le faire pour une
catégorie particulière de travailleurs et pour des questions
purement monétaires, je ne vois pas pourquoi on ne serait pas capable de
le faire pour tout le monde. Si on est capable de le faire parce qu'on paie un
peu plus cher et qu'on a des privilèges, je ne vois pas pourquoi l'autre
personne qui n'est pas un travailleur n'aurait pas les mêmes
privilèges et qu'on n'améliorerait pas le fonctionnement des
hôpitaux purement et simplement. Cela prouve que si on veut s'organiser,
on est capable d'opérer les gens plus rapidement. C'est une question
d'organisation et une question de paiement.
Si on a réussi dans certains centres à réserver un
certain nombre de lits, 10 ou 20 lits, pour les travailleurs, et si cela
fonctionne, je ne vois pas pourquoi on n'aurait pas pu le faire avant aux
mêmes conditions et on ne pourrait pas ouvrir plus de lits ou faire en
sorte que le roulement soit plus grand. Cela prouve que c'est possible, mais on
ne voudrait pas que ce soient les exceptions qui deviennent la règle et
que dans chaque hôpital il y ait un nombre de lits réservé
pour les accidentés d'automobile, un pour les travailleurs, un pour les
femmes au foyer. Cela deviendrait absurde. Je pense qu'il faut quand même
améliorer notre système de distribution des soins de santé
pour faire en sorte que les gens soient amenés le plus rapidement
possible dans les hôpitaux, et éviter les listes d'attente
interminables à certains endroits pour accélérer le
processus de traitement.
Mme Lavoie-Roux: II y a deux affirmations que vous avez faites.
Il y a au moins deux observations sur lesquelles j'aimerais revenir, la
première reliée au travail en cabinet privé ou à la
pratique privée de la médecine. Vous avez dit ou j'ai cru
comprendre en tout cas que si on devait les éliminer comme tels ou
à peu près, on ne pourrait pas répondre aux besoins tels
qu'ils existent dans le domaine de la santé et de la
sécurité au travail pour l'ensemble de la province. Est-ce
exact?
M. Roy: Oui. C'est une déduction qu'on peut faire à
prime abord parce que vous avez là une loi-cadre qui va normalement
astreindre tout le monde. Evidemment, on va probablement procéder par
élimination. Disons que pour le moment, il va y avoir des
catégories de gens qui ne seront pas inclus. Cette loi va astreindre
tout le monde. Or, il y a très peu de médecins à l'heure
actuelle et on l'a dit aujourd'hui et hier dans les CLSC et dans
les départements de santé communautaire qui s'occupent de
médecine du travail. Il faut donc compter sur les médecins en
cabinet privé qui sont très bien distribués dans la
province, particulièrement les omnipraticiens qu'on retrouve partout,
alors qu'on ne retrouve pas des CLSC et des DSC partout. Il faut donc compter
sur ces ressources parce que se priver de ces ressources, c'est
déjà handicaper profondément le système, même
dans des régions comme Montréal et
Québec. Je pense que les cabinets privés ne sont pas
à la veille de disparaître et ce serait d'ailleurs une catastrophe
parce que c'est plus économique pour l'Etat de fonctionner de cette
façon-là, mais aussi plus efficace. Evidemment, on pourrait
embarquer dans une très grande discussion idéologique, mais je
pense que ce serait une erreur fondamentale que d'exclure les services des
cabinets privés parce que, déjà, ils sont là. Ils
sont en place. Ils sont organisés. Ils peuvent donner des soins et des
soins de qualité et de compétence. Evidemment, je ne veux pas
entrer dans une bataille avec les CLSC...
Mme Lavoie-Roux: Non. Je ne posais pas la question au plan
idéologique, vraiment au...
M. Roy: ... en parlant de la qualité.
Mme Lavoie-Roux: ... plan pratique, il s'agit de...
M. Roy: Non, mais j'en profite pour...
Mme Lavoie-Roux:... répondre à des besoins.
M. Roy: C'est cela.
Mme Lavoie-Roux: Cela vous semble-t-il essentiel qu'une part leur
soit réservée?
M. Roy: J'en profite, parce que vous m'en donnez l'occasion, pour
corriger quelque chose qui a été dit par un groupe de
représentants des CLSC, ce matin ou hier, faisant allusion à une
enquête qui a été publiée l'année
dernière, à laquelle on n'a pas répondu parce qu'on ne
peut pas répondre à toutes les choses qui sont écrites.
Cela n'aurait pas de sens. On parlerait tous les jours et on aurait notre photo
dans le journal régulièrement. On a fait une enquête dans
les CLSC et avec une conclusion, dans un journal, qui est Le Devoir, où
le titre dépassait énormément le texte qui était
écrit, la pensée ou le texte lui-même de la
conférence. On a conclu que la qualité était meilleure
dans les CLSC que dans les cliniques privées, alors que ce
n'était pas du tout l'objet du travail qui portait seulement sur une
question de temps qu'on prenait pour examiner les malades. Je ne dis pas que la
qualité est mauvaise dans les CLSC. Non. Elle est bonne. Mais elle est
aussi bonne dans les cliniques privées. Cela me permet de corriger cela.
(16 h 30)
Je pourrais prendre une demi-heure pour en parler, mais je vous dis que
vous pouvez être assuré que les cliniques privées... c'est
aussi bon dans les CLSC. Evidemment, on prend peut-être un peu moins de
temps, mais souvent c'est parce que les médecins ont plus
d'expérience et quand on a plus d'expérience, parfois, ça
nous permet d'aller un peu plus vite. A part cela, il y a autre chose, c'est
que n'étant pas à salaire, évidemment, on a une certaine
incitation à rencontrer plus de monde et à travailler plus
fort.
Mme Lavoie-Roux: Je vais vous arrêter pour ne pas que vous
ayez d'autres contestations, M. Roy.
M. Roy: Vous me donnez la chance de passer des messages.
M. Lapierre: La loi, plutôt que d'opposer le système
privé au système public, devrait faire en sorte que les deux
travaillent ensemble.
M. Roy: C'est cela le but, en fait.
Mme Lavoie-Roux: Ma dernière question. Vous avez
également dit, compte tenu des coûts que ceci impliquerait, que
vous prévoyiez qu'il y aurait de l'étapisme dans ce
système me voilà empruntant le vocabulaire du
gouvernement... en fait, c'est le vôtre que j'ai emprunté.
M. Roy: C'est un beau mot.
Mme Lavoie-Roux: II reste que dans les remarques d'ouverture de
mon collègue de Portneuf, il avait justement souligné le fait
qu'il n'y avait pas d'objectif très précis, que c'était
une loi-cadre et qu'on manquait peut-être de lignes directrices dans tout
ce projet de loi quant à l'implantation, la façon dont on allait
procéder. Puisque vous avez parlé d'étapes, si vous deviez
établir des étapes ou des priorités, est-ce que vous avez
songé à ce que seraient ces étapes ou ces priorités
que vous établiriez?
M. Roy: Evidemment, je n'ai pas encore les désirs
avoués et avouables de me mettre de l'autre côté de la
table et d'être le ministre d'Etat au Développement social, mais,
évidemment, je pense qu'il est sûr qu'il faudra procéder
par étapes dans les grandes industries d'abord, et dans les petites
industries ensuite, les endroits où il y a le plus de risques pour les
travailleurs. C'est une inquiétude qu'on a, que la loi s'applique
à tout le monde, comme on donne l'exemple de l'agent d'assurance qui a
une secrétaire à son emploi. C'est comme l'avocat qui a, dans son
bureau, quatre ou cinq collègues à sept ou huit
secrétaires. La loi va s'appliquer à lui comme elle va
s'appliquer pour notre corporation. Il faut penser, à ce
moment-là, que c'est un changement radical et très important dans
notre système de distribution des soins et dans notre système de
santé au travail, tel que conçu traditionnellement. Il faut
penser à l'ampleur de cette loi. C'est pour cela qu'on a dit qu'on
pensait que dans la loi elle-même... on pourrait dire qu'elle va
s'appliquer à telle ou telle chose, non pas laisser ce pouvoir... J'ai
dit discrétionnaire évidemment, je ne veux pas qu'on me
donne... j'aime utiliser des mots comme "excessif", "discrétionnaire",
"arbitraire", je ne voudrais pas prêter de mauvaises intentions à
la commission on laisse un pouvoir énorme à la commission,
un pouvoir qui va en enlever au législateur, une fois la loi
adoptée, parce qu'elle pourra procéder par voie de
réglementation, et on le reproche souvent. On a
l'occasion de vivre avec beaucoup de lois où la plupart des
choses se font par voie de règlement. Je conçois qu'il y a des
choses où il faut que ce soit important parce qu'il faut se rendre
compte qu'on ne peut pas modifier des lois tous les ans, tous les deux ou trois
ans. Cela prend du temps à adopter une loi, il y a des étapes et
toutes les choses qui arrivent avec l'obstruction, à un moment
donné, le bon parlementarisme. Il faut procéder par voie
réglementaire dans certains cas, prévoir les changements dans le
système, les changements dans la distribution des soins, les changements
dans les besoins de la population, mais je pense qu'il faut, à un moment
donné, mettre des balises de façon que les industries ou les
organisations sachent à quoi s'en tenir.
On ne voit pas de nécessité, pour nous comme corporation,
par exemple, où on a 70 employés, d'avoir un service de
santé au travail. Il y a 70 personnes qui travaillent avec moi, on n'a
pas cela et nos personnes sont bien; on est capable de s'en occuper.
Evidemment, si la loi nous impose un système de service de santé
au travail, cela change notre organisation et, de plus, cela va nous
coûter des cents. Il faut quand même penser, évidemment...
je ne veux pas entrer dans des discussions d'ordre économique
j'aimerais cela si j'étais de l'autre côté de la Chambre
mais je suis contribuable et je commence à trouver que ça
coûte cher à la fin de la semaine, et quand je reçois mon
chèque de paie, les déductions qu'on me fait pour toutes sortes
de raisons... Je vois aussi le climat économique du Québec, je
lis les journaux, je parle aux gens; je pense qu'on est saturé de taxes
et tout le monde s'en rend compte. Alors, il va sûrement falloir
procéder par étapes, viser les endroits où il y a le plus
de danger ou de risques et commencer par les éliminer progressivement,
parce qu'on ne peut pas tout faire d'un seul coup, c'est certain.
J'ai l'impression qu'actuellement, les endroits qui sont les plus nocifs
pour la santé des travailleurs sont généralement les
endroits qui ne sont pas encore couverts; c'est pour cela que cela va demander
beaucoup d'argent et beaucoup d'énergie, c'est la moyenne et la petite
entreprise, et non pas la grosse parce que la grosse est
généralement relativement assez bien organisée. En plus de
cela, évidemment, il y a toutes les autres organisations, comme les
nôtres, les organisations de services qui sont incluses dans la loi et
qui n'ont absolument rien au niveau de la santé au travail.
Si on ajoute à ça l'approche psycho-sociale on en a
parlé rapidement, la Fédération des CLSC l'a abordé
ce matin imaginez-vous le nombre de personnes incluses là-dedans,
imaginez-vous comment on va être inondé de problèmes de
gens qui vont être incapables de travailler, parce qu'il y a trop de
bruit, trop de lumière, trop de soleil, ils sont fatigués, ils ne
dorment pas, les problèmes d'ordre émotif, d'ordre
psychosomatique, l'environnement n'est pas propice, alors imaginez-vous les
choses sur lesquelles ce n'est pas palpable. On ne voit pas les
problèmes comme tels avec lesquels on va être pris.
Il faut quand même être réaliste, c'est le
réalisme qui doit prévaloir. Il faut procéder par
étapes en tenant compte des capacités d'intégration de la
province et de nos citoyens.
Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie, au nom des
membres de la commission, de votre participation aux travaux de cette
commission. J'inviterais maintenant la Corporation professionnelle des
diététistes du Québec à venir nous présenter
son mémoire.
M. Jolivet: M. le Président, pendant qu'ils vont
s'attabler, j'aurais une proposition. Puisqu'il y a deux rapports qui sont
arrivés depuis hier après-midi, soit celui de l'Association des
pompiers de Montréal et celui de l'Association du personnel de
Montréal, je ferais une proposition pour que ces deux rapports soient
déposés à la commission, sans prendre de décision
à savoir si on les fait venir ou pas.
Le Président (M. Marcoux): Est-ce qu'il y a accord des
membres de la commission pour que ces deux rapports soient
déposés, même s'ils étaient hors délai,
qu'ils soient considérés comme étant dans les
délais?
M. Jolivet: Pour que le secrétariat des commissions puisse
les distribuer à chacun.
Le Président (M. Marcoux): Cela va? Des Voix:
D'accord.
Le Président (M. Marcoux): Mme Hélène
Tremblay, présidente, est-ce que vous pouvez nous présenter vos
collègues et votre mémoire?
Corporation professionnelle des
diététistes
Mme Tremblay (Hélène): A ma droite, je vous
présente Mme Andrée Adam, première vice-présidente
de la Corporation des diététistes.
M. Chartrand: On vient ici, on voudrait les entendre.
Le Président (M. Marcoux): Vous voudriez les entendre?
M. Chartrand: Je voudrais entendre les intervenants. Est-ce qu'on
pourrait entendre les invités? Qu'on comprenne, c'est une autre affaire,
mais qu'on entende...
M. Pagé: ... vous savez.
Le Président (M. Marcoux): On va prendre des mesures
à cet effet.
M. Chartrand: ...
Le Président (M. Marcoux): J'apprécie votre
remarque à cet effet, je vous prierais de parler proche du micro et de
parler fort.
Mme Tremblay: A ma droite, Mme Andrée Adam,
première vice-présidente de la Corporation des
diététistes et chef du service de diététique
à la Cité de la santé à Laval; à ma gauche,
Mme Gemma Pelletier, deuxième vice-présidente de la corporation,
conseillère en information aux consommateurs, Fédération
des magasins COOP.
La Corporation professionnelle des diététistes du
Québec regroupe 1000 diététiciens répartis dans
toutes les régions du Québec. Depuis plus de 20 ans, les
diététistes ont surtout rempli des fonctions traditionnelles du
traitement des malades et ont pris en main la direction des services
alimentaires des établissements de santé et d'autres milieux
institutionnels et commerciaux.
L'évolution des sciences de la santé et la réforme
amorcée à l'intérieur du réseau des affaires
sociales a permis la réorientation de l'action des professionnels de la
santé en général. Les différents rôles
joués par les diététistes dans les domaines curatif,
administratif et préventif permettent d'identifier des problèmes
nutritionnels particuliers qui peuvent influencer la santé des
travailleurs québécois. Il est étonnant de noter qu'il
n'existe à peu près pas d'études et de statistiques
récentes sur l'alimentation en milieu industriel.
Il semble que les grandes recherches sur ce sujet aient toutes
été exécutées lors de périodes de crises
alors que la main-d'oeuvre ou les aliments étaient rares. Avec la grande
période industrielle et au cours de la deuxième grande guerre,
des études ont été faites et des programmes de nutrition
ont été élaborés et mis en place, tant en
Amérique qu'en Europe, dans les grandes industries soucieuses
d'améliorer le bien-être et l'efficacité de la
main-d'oeuvre. Aux Etats-Unis, lors de la deuxième guerre mondiale, le
principal écueil à l'implantation de cafétérias
industrielles et de programmes de nutrition a été l'absence de
personnel administratif compétent, lequel a dû être
formé en toute urgence.
Malgré l'évolution du monde du travail depuis lors, le
domaine de l'alimentation en milieu industriel a été
laissé entre les mains de la libre entreprise et très peu de
recherches ont été effectuées sur les besoins alimentaires
spécifiques des divers groupes d'ouvriers.
La Corporation professionnelle des diététistes du
Québec souhaite participer à l'amélioration de la
santé des travailleurs du Québec à une époque
où, au Québec particulièrement, l'on reconnaît les
avantages de la saine alimentation, de la prévention des maladies et de
la qualité de l'environnement.
Nous souhaitons que les lieux de travail soient ouverts à des
spécialistes de différentes disciplines afin, qu'ensemble, ils
puissent jouer un rôle utile dans la solution des problèmes de
santé et de sécurité, non seulement à
l'extérieur, mais à l'intérieur des lieux de travail.
Il est aussi requis de diffuser l'information scientifique connue, afin
que tous les travailleurs, les contremaîtres et les cadres des
entreprises prennent conscience des risques et puissent les
contrôler.
Dans le domaine de la saine alimentation, nous n'insisterons jamais
assez sur l'importance de la prise en charge de l'individu par lui-même.
Seul, ou avec d'autres groupes intéressés, nous devons susciter
de nouvelles recherches et un enseignement plus pertinent dans les
universités, les collèges et autres centres de recherches. De
plus, les résultats de ces recherches en toxicologie, hygiène et
santé au travail, de même qu'en gestion et communication, doivent
être adaptés à des situations concrètes et des
normes doivent être définies et mises en application dans le
milieu québécois.
Il est évident qu'une telle action ne peut se réaliser
sans le support du gouvernement qui seul peut exiger, par législations
ou par règlements, que les entreprises établissent des programmes
de santé.
Les problèmes de santé qui caractérisent notre
population active sont nombreux, coûteux et ont un lien étroit
avec le régime alimentaire. Les indicateurs de santé montrent que
notre population adulte est plus vulnérable que la moyenne des Canadiens
à certaines maladies graves, causes de décès
prématurés, telles les maladies coronariennes.
L'investissement dans la prévention de ces maladies est un
investissement à long terme, mais sa rentabilité est
évidente quand il s'agit de prévenir les décès
survenant dans une population d'adultes encore jeunes et en pleine
activité.
Nous avons voulu souligner que l'état nutri-tionnel et les
habitudes alimentaires des travailleurs québécois affectent leur
santé et accroissent, dans certains cas, les risques d'accidents et la
sensibilité aux agents agresseurs.
L'âge moyen, chez l'homme québécois, est un
âge vulnérable et la surmortalité masculine, chez les
hommes de 40 à 64 ans, n'est pas un phénomène
récent. Au Québec, cette mortalité excessive dans ce
groupe résulte particulièrement des maladies coronariennes et des
cancers du poumon. De plus, il est reconnu que le taux de mortalité
résultant des maladies coronariennes est influencé par la
profession ou le type d'emploi.
A part les maladies coronariennes, il y a peu de doutes que d'autres
causes de morbidité et de mortalité reliées à des
facteurs de nutrition se retrouvent, tels le surpoids, l'obésité,
le diabète, l'hypertension, l'hyperlipidémie, certaines
anémies et les ulcères.
C'est surtout entre 40 et 64 ans que se manifestent concrètement
les maladies d'ordre nutritionnel. Les manifestations d'une pathologie
nutritionnelle apparaissent tôt dans la vie par des signes
précurseurs de maladie et ne se manifestent que plus tard, sous une
forme clinique. Ce fait reflète la nécessité d'identifier
tôt ces signes précurseurs, et d'apporter des modifications
nécessaires au régime de vie des individus pour
réduire le risque de morbidité prématurée et
de mortalité.
Les problèmes médicaux, dans la population adulte,
semblent reliés à des excès nutritionnels, plutôt
qu'à des déficiences en nutriments, par exemple,
protéines, gras, sucre, minéraux, vitamines et autres.
Quand on parle de maladies reliées à la nutrition, il
s'agit de maladies où intervient la nutrition à titre de facteur
étiologique et elles comptent parmi les principales causes de
décès. Parmi les facteurs que l'on peut prévenir, la
surcharge alimentaire et les mauvaises habitudes alimentaires sont les plus
connues. Le mode d'évolution de ces maladies est lent et insidieux; les
mesures préventives retardent leur développement.
L'obésité aggrave le pronostic de plusieurs maladies, dont
la maladie coronarienne, le diabète et l'hypertension; elle
abrège la vie. De plus, l'obésité accentue très
fortement les troubles respiratoires résultants des poussières
présentes dans l'air. En effet, alors que des travailleurs de poids
normal, exposés à des poussières d'aluminium, ne
démontraient aucun signe de pneumoconiose, plus de 50% des obèses
présentent un tableau spirographique de préemphysème.
Enfin, il faut ajouter que l'obésité prédispose aux
accidents et il apparaît que les individus obèses sont plus
portés à certains types d'accidents que les non-obèses.
L'obèse est plus souvent restreint dans ses gestes au travail,
d'où inaptitude partielle si le travail exige des déplacements
fréquents, de la vitesse d'exécution ou de l'agilité. Si,
à l'obésité, s'ajoute l'hypertension artérielle, il
faut limiter les efforts importants et prolongés. Chez l'obèse
survient aussi, surtout chez les sujets après la quarantaine, le
diabète de l'obèse. Au Québec, il y a 80 000
diabétiques potentiels dans les différents milieux de travail
chez les hommes et 20 000 diabétiques potentiels chez les femmes.
D'autres relations entre la nutrition et la santé au travail ont
été démontrées par des études
effectuées à l'étranger, entre autres, une étude
menée en Suède révèle que 25% des 700
employés d'âge mûr de plusieurs petites entreprises
souffrent d'hyperlipoprotéinémie, 21% des ouvriers du textile, en
Iran, souffrent d'hypertension, qui peut être provoquée par le
bruit. (16 h 45)
La fréquence d'hypertension est élevée chez les
travailleurs exposés au chlorure de vinyle chez les travailleurs de
nuit. Il est à noter qu'une proportion des hypertendus ignorent leur
condition. Une étude effectuée dans 76 industries a montré
que 59% des travailleurs étaient atteints de cette affection, à
leur insu. L'industrie jouit d'une position unique quant à la
détection des facteurs de risque étant donné son
accès facile aux travailleurs. Elle peut aussi, avec les efforts
relativement minimes, rejoindre une importante population à risque avec
un programme de prévention et d'éducation. Des apports
insuffisants de certains éléments nutritifs
accélèrent les intoxications aux métaux lourds et
aggravent leur manifestation. De même que certaines conditions de travail
influencent l'état nutritionnel, par exemple, le bruit et les horaires
de travail.
Les habitudes alimentaires de la population de 20 à 64 ans. Dans
ce groupe d'âge, l'apport alimentaire moyen dépasse chez les
jeunes adultes les recommandations pour presque tous les éléments
nutritifs. Chez les femmes, les apports moyens sont à peine suffisants
en fer, calcium, thiamine. Ceci est un effet d'habitudes alimentaires
déséquilibrées. Lorsque les jeunes entrent dans le monde
du travail, ils mangent dans des cantines, des cafétérias qui
regorgent d'aliments frits ou très sucrés et où les fruits
et légumes frais sont absents ou offerts à des prix qui en
découragent la consommation. Il importe pour ce groupe de population
d'attacher une importance spéciale à une
rééducation nutritionnelle, mais surtout de permettre à la
travailleuse enceinte d'avoir accès dans son milieu de travail à
une alimentation adaptée aux besoins nutritionnels accrus de la
grossesse.
Pour la population d'âge mûr, l'apport alimentaire pour les
deux sexes dépasse presque toutes les recommandations en ce qui concerne
les éléments nutritifs, sauf chez les femmes où l'apport
alimentaire en calcium est inférieur à l'apport recommandé
probablement parce qu'elle consomme peu de lait ou autres produits
laitiers.
Les personnes qui ne déjeunent pas sont portées, vers 10
heures de la matinée... ici on parle du problème du petit
déjeuner, parce que l'absence d'un petit déjeuner a des effets
assez importants sur le comportement du travailleur pendant la matinée.
Trop souvent, on remplace le petit déjeuner par une collation qui est
constituée surtout d'aliments camelotes ou à calories vides. Une
étude québécoise sur les habitudes alimentaires montre que
les aliments consommés entre les repas sont moins concentrés en
aliments nutritifs que ceux pris aux repas.
La consommation excessive d'alcool représente une menace pour la
santé des travailleurs. En plus d'augmenter le risque d'accidents
considérablement, il diminue également le rendement au travail.
L'alcool rend les mouvements plus lents et incohérents, diminue la
capacité à l'effort et allonge le temps des réactions.
Nous savons que l'incidence de l'alcoolisme augmente à un rythme de 5%
par année au Canada et au Québec. Le coût en dollars des
maladies nutritionnelles les plus courantes représente un investissement
important en termes d'hospitalisation, de soins médicaux, de
médicaments, de jours de travail perdus et de vies humaines.
Même si l'aspect préventif demeure prioritaire, compte tenu
des problèmes de santé et de nutrition que l'on retrouve chez la
population active en ce moment, compte tenu aussi du fait que les mesures
préventives sont peu utilisées, l'aspect diététique
curatif devient un moyen d'aider le travailleur à retrouver, à
court terme, son état de santé ou encore de maintenir ou retarder
les effets
de la maladie à travers un régime diététique
correctement administré.
Après avoir exposé les effets des mauvaises habitudes
alimentaires sur le rendement au travail, nous traçons un portrait de
ces habitudes alimentaires. Les travailleurs prennent
régulièrement leur repas principal sur les lieux du travail et
ils constituent une clientèle captive pour le service alimentaire local.
Souvent le petit déjeuner est supprimé ou remplacé par la
pause-café du matin afin de respecter les contraintes des transports et
des horaires de travail. Les employés qui travaillent
régulièrement ou occasionnellement la nuit connaissent un rythme
de vie particulier et leurs repas sont consommés de manière
hétéroclite. De même, l'horaire de travail de certains
employés ne permet pas toujours à l'individu d'avoir une
répartition logique de ses repas. Au Québec, les travailleurs
oeuvrent généralement dans des services publics, l'industrie et
le commerce, particulièrement, les petites et moyennes entreprises. Les
conditions dans lesquelles ces ouvriers prennent leurs repas et
pauses-café au travail peuvent donc varier à l'infini. Du service
alimentaire institutionnalisé jusqu'à la simple boîte
à lunch apportée sur les lieux mêmes du travail. On
reconnaît actuellement un éventail de formules: distributeur
automatique, cantine mobile, casse-croûte, comptoir lunch, brasserie,
cafétéria et restaurant qui se partagent les faveurs de la masse
ouvrière. Dans la plupart des unités de travail, l'employeur
n'offre pas de service à son personnel. Lorsque les groupes de
travailleurs sont nombreux ou isolés, des ententes peuvent intervenir
avec des concessionnaires privés afin qu'ils assurent un service.
Parfois, l'employeur administre lui-même des
cafétérias, restaurants ou distributeurs automatiques, surtout
dans les grandes institutions, comme les banques, ou les services publics.
Les conditions dans lesquelles les repas sont pris ne correspondent pas
toujours aux exigences les plus élémentaires d'hygiène.
L'employé n'a aucun moyen mis à sa disposition pour entreposer
convenablement sa boîte à lunch, et souvent, il prend son repas
sur sa table de travail ou dans un coin de l'atelier. L'équipement et la
salle à manger utilisés pour les services des repas ne sont pas
convenablement entretenus et la disposition des déchets alimentaires
n'est pas organisée. La durée allouée à la
pause-repas est parfois mal adaptée aux contraintes spécifiques
de l'environnement de travail et ne permet pas à l'employé de
manger calmement son repas en tenant compte du temps requis pour les
déplacements, l'attente d'une place libre aux tables et les besoins
d'hygiène personnelle.
Dans le mémoire, nous avons effectué une évaluation
des différents services possibles pour les travailleurs. La situation
actuelle, telle que nous l'avons exposée, démontre clairement le
peu d'intérêt porté jusqu'à maintenant à
l'alimentation des travailleurs québécois. Le contenu du projet
de loi est en ce sens décevant, puisqu'au lieu d'être à
l'avant-garde, il ne fait que cristalliser la situation actuelle. S'il est vrai
que le vide qui existe au niveau des recherches et des développements de
programmes, concernant le domaine précis de l'alimentation du
travailleur, excuse d'une certaine manière le peu d'intérêt
manifesté, autant par l'individu que par ses représentants ou
dirigeants, nous possédons, à partir de la science de la
nutrition, suffisamment d'éléments pour amorcer
immédiatement une action corrective.
La Corporation professionnelle des diététistes du
Québec, en présentant un mémoire à cette commission
parlementaire de santé et sécurité au travail, veut
susciter l'intérêt de tous les intervenants possibles et les
rendre conscients qu'une intervention dans la solution des problèmes de
santé et de sécurité au travail, tant sur le plan curatif
que préventif, est souhaitable et réalisable.
Dans le cadre des ressources déjà existantes et des
mécanismes qui sont créés par l'adoption de cette loi et
de ses règlements, nous proposons à cette commission
parlementaire les recommandations qui suivent: 1-Qu'une programmation en
nutrition préventive soit considérée prioritaire pour
réduire les problèmes de santé des travailleurs. 2- Que
l'application de la loi et de ses règlements soit faite selon une
approche multidis-ciplinaire, incluant les diététistes pour le
domaine de la nutrition, plutôt que de réserver la tâche
à un ou deux types de professionnels seulement. 3-Que des études
et recherches sur la nutrition en relation avec les différents milieux
de travail soient entreprises par la Commission de santé et de
sécurité au travail. 4- Que des comités de nutrition
soient créés dans les milieux de travail. Ces comités
auraient pour rôle d'éduquer l'employé en matière de
nutrition, de l'inciter à se prendre en charge, de sensibiliser le
travailleur, l'employeur et le syndicat aux problèmes nutritionnels
inhérents au milieu de travail, et de voir à ce que des
contrôles administratifs d'hygiène et de qualité soient
effectués. 5-Que soit institué dans le milieu de travail un
programme de dépistage des hyperlipidémies et des autres facteurs
de risque de l'arthérosclérose ainsi qu'un programme
d'intervention selon la recette diète-exercice à l'intention des
individus prédisposés aux accidents coronariens et
cérébro-vasculaires de façon à prévenir la
surmortalité chez les hommes de 35 à 64 ans. 6- Que les
employeurs et les syndicats prennent les moyens pour que les travailleurs
handicapés par les maladies nutritionnelles (obésité,
maladies circulatoires, diabète, hypertension, etc.) aient accès
aux services professionnels requis afin de diminuer les risques d'accidents au
travail reliés à leur état particulier, et que les frais
de consultation diététique soient couverts par
l'as-surance-maladie complémentaire. 7- Que le personnel administratif
des services alimentaires en milieu de travail reçoive une formation
adaptée à ce secteur, bien différent de l'hôtellerie
et du milieu curatif. 8- Que les règlements d'hygiène pour les
services alimentaires soient révisés et adaptés à
la
situation actuelle et qu'un programme d'inspection soit suivi
rigoureusement dans les milieux de travail. 9- Que la politique en
matière de nutrition mise de l'avant par le gouvernement du
Québec soit appliquée pour tous les travailleurs,
particulièrement ceux oeuvrant dans les secteurs public et
parapublic.
Nous remercions cette commission de nous avoir entendus. Nous sommes
à votre disposition pour des questions.
M. Jolivet: ... le document qu'on nous a résumé au
journal des Débats.
Le Président (M. Marcoux): Oui, ce sera accepté.
Votre mémoire sera versé au journal des Débats
intégralement. M. le ministre, (voir annexe C)
M. Marois: M. le Président, je voudrais tout d'abord
remercier la Corporation professionnelle des diététistes du
Québec d'avoir bien voulu non seulement préparer un
mémoire, mais d'avoir fait la démarche de venir devant la
commission parlementaire nous rencontrer. Un des éléments
particulièrement intéressants de votre mémoire et de votre
point de vue, c'est certainement de contribuer à mettre en relief ici et
attirer notre attention à nous, non seulement les membres du
gouvernement mais l'ensemble des membres de la commission parlementaire, sur
l'importance, d'une part, de la nutrition dans le domaine du travail, mais
aussi, si je comprends bien, à l'opposé, l'impact des conditions
de travail et de l'environnement du travail, les conséquences et les
répercussions que cela aurait sur la nutrition et, en conséquence
aussi, les répercussions un troisième niveau de
conséquences, si je puis m'exprimer de cette façon sur la
santé des hommes et des femmes au travail. Je pense que vous avez
probablement raison de le dramatiser.
J'ai cru comprendre, tout au long de votre mémoire que j'ai lu
très attentivement, qu'au fond se recoupent constamment trois ordres
bien sûr, qu'ils sont inter-reliés bien distincts de
problèmes: d'une part, des problèmes de nutrition qui peuvent
être engendrés par le travail lui-même; deuxièmement,
des problèmes de nutrition qui sont dus à la mauvaise
qualité des lieux où se consomme la nourriture ou à la
pauvreté de l'alimentation qui est fournie; troisièmement, des
problèmes de nutrition qui ne sont pas directement reliés au
travail, mais qui pourraient être abordés et éventuellement
traités en milieu de travail en raison de facilités
engendrées par un regroupement naturel de clientèle.
Les recommandations, si ma mémoire est bonne, 1, 5 et 9
concernent surtout le troisième type de problèmes que je viens
d'évoquer. Je voudrais m'arrêter je ne peux pas, dans le
temps qui est mis à notre disposition, reprendre en détail toutes
et chacune des recommandations très rapidement en particulier sur
les recommandations 7 et 8 qui, elles, s'adressent au deuxième type de
problèmes, si j'ai bien saisi ce que vous avez dit, c'est-à-dire
à des problèmes de nutrition dus à la mauvaise
qualité des lieux où se consomme la nourriture ou à la
pauvreté de l'alimentation qui est fournie.
Dans cette perspective j'aimerais avoir vos commentaires
là-dessus bien sûr, ces recommandations sont plus
qu'intéressantes et je puis vous assurer que je vais regarder ça
très attentivement. Mais j'étais porté à penser que
le paragraphe 23 de l'article 185 permettait d'ouvrir des possibilités
d'intervention dans ce domaine, d'une part, bien que je doive convenir, en
toute honnêteté, que cet article, qui permet à la
commission de prescrire des normes relatives aux locaux, par exemple, ne lui
donne pas nécessairement et automatiquement les pouvoirs pour
régir la qualité de l'alimentation qui est offerte.
Deuxièmement, en ce qui concerne la recommandation 2 je
m'excuse de revenir en arrière concernant ce que vous appelez
l'approche multidisciplinaire je pense que vous avez raison de
révoquer il ne me semble pas, à première vue
si vous êtes d'opinion contraire, on est, bien sûr,
intéressé à connaître cette opinion qu'il y
ait quoi que ce soit dans le projet de loi actuellement qui s'oppose à
cette approche multidisciplinaire particulièrement ou notamment, je
dirais, en raison de la présence, si ma mémoire est bonne, je ne
sais pas si c'est dans tout, mais certainement dans un bon nombre de DSC, dans
un grand nombre de CLSC, si ce n'est pas la majorité, de
nutritionnistes. Je pense que l'aspect de l'alimentation des programmes de
santé au travail ne risque pas d'êtes oublié si, là,
l'économie générale de la loi et la lettre de la loi sont
respectés dans cette perspective.
Je voudrais savoir si, de votre point de vue, ce qui est prévu
est suffisant ou ne l'est pas, sur une base de ce que je viens
d'évoquer.
Très rapidement, vous évoquez, en recommandation 3, qu'il
y ait des études et des recherches. Je pense que, si on regarde les
pouvoirs qui sont octroyés, prévus pour la Commission
québécoise de la santé et de la sécurité du
travail, il n'y a rien, bien au contraire, qui empêche de telles
études, recherches et aussi la détermination des
priorités, les ressources requises pour les faire. Il n'y a rien, me
semble-t-il, qui, dans un projet de loi actuellement, empêche une chose
comme celle-là. Bien au contraire, ce serait sûrement souhaitable.
Evidemment, tout ne peut pas être fait en même temps sur tous les
fronts. On viendra nous parler tout à l'heure des abus des drogues et de
l'impact que cela a. Il y a des domaines dans lesquels, pour toutes sortes de
raisons, comme société, on a plus ou moins assumé nos
responsabilités et il est plus que temps qu'on les assume. Quand on a du
rattrapage à faire, c'est une "job" et, évidemment, il faut
cerner un certain nombre de priorités. (17 heures)
Quant aux recommandations 5 et 6 qui, elles, touchent des programmes de
dépistage et demandent qu'on prenne les moyens requis pour que les
travailleurs handicapés par des maladies
nutritionnelles aient accès aux services professionnels, je ne
vois pas, là non plus, sous réserve de le regarder très
attentivement, par exemple, ce qui dans le projet de loi pourrait faire en
sorte que de telles dimensions ne soient pas incluses dans un programme-cadre
de santé ou dans un programme spécifique de santé
appliqué à un établissement.
Voilà, M. le Président, les quelques commentaires,
remarques, questions en même temps que je voulais formuler sans abuser du
temps. Je voudrais, encore une fois, vous remercier infiniment de votre
mémoire et vous dire à nouveau que vous pouvez être
assurées qu'on va regarder à la loupe toute et chacune des
recommandations contenues dans votre mémoire.
Mme Tremblay: Pour répondre à la première
question qui concerne l'article 185, troisième paragraphe, en fin de
compte, tout notre mémoire a été travaillé dans le
même sens. On a trouvé que l'aspect de la nutrition n'avait pas
été une préoccupation, je pense, même au moment de
la préparation du livre blanc. On a senti que l'aspect nutrition dans
tout cela avait été probablement oublié. Quand on parle
des normes d'hygiène, entre autres, évidemment, il y a moyen d'en
déterminer à l'intérieur de votre article 185,
troisième paragraphe.
M. Marois: Si vous me le permettez, quand vous dites
"oublié", vous admettrez au moins il y a quand même les
mots qui sont là qu'à l'article 185 paragraphe 23 on dit
"les locaux pour prendre les repas". Si je voulais blaguer je vous
écoutais tantôt parler du petit déjeuner je ne sais
pas si la journaliste de La Presse, Lysiane Gagnon est encore présente
dans la salle les commentaires que vous avez faits, les remarques, les
informations que vous avez communiquées, cela pourrait peut-être
lui inspirer une prolongation de sa série sur le stress chez les
députés, notamment.
Mme Tremblay: Quand on parle des travailleurs en
général, il y a différents niveaux de
réglementation en ce qui concerne l'hygiène dans les services
alimentaires et on voit qu'actuellement ce qui se passe, c'est que ce sont les
communautés urbaines et le ministère de l'Agriculture qui
régissent les normes d'hygiène dans les services alimentaires.
Pourquoi on s'est penché sur la question de l'hygiène plus
particulièrement? C'est qu'on se rend compte que les inspections ne sont
pas faites convenablement dans ces milieux. On a voulu insister sur le
problème de l'hygiène parce qu'on a beau vérifier les
menus que, par exemple, le ministère des Travaux publics du
Québec exige que les concessionnaires à qui il donne une
concession aient un menu qui est vérifié par une
diététiste, cela ne veut absolument rien dire ce n'est pas
une garantie que ce qui est servi dans l'assiette du travailleur est
convenable. L'hygiène dans les cafétérias...
M. Marois: En passant, si vous me le permettez, je prends note de
cette remarque parce que cela a été évoqué par nous
et par l'Opposition et je pense qu'avec beaucoup de justesse vous
évoquez aussi les problèmes d'inspection. Vous citez le cas des
Travaux publics. Je ne veux pas prendre en particulier ce coin de
l'administration publique, mais, effectivement, l'administration
gouvernementale, le gouvernement comme tel ne tombant pas sous la coupe des
lois actuelles, alors que le projet de loi propose qu'il tombe sous la coupe
des lois, il est évident qu'il était strictement impossible
même de faire intervenir des services d'inspection pour faire en sorte
que les normes de base d'hygiène les plus élémentaires, le
minimum décent pour les gens soient respectées. Mais ce que vous
dites m'apparaît tout à fait exact.
Mme Tremblay: Au sujet de la question des DSC et des CLSC, les
budgets qui sont octroyés actuellement aux départements de
santé communautaire sont nettement insuffisants pour que l'aspect
nutrition ou la recherche qui doit être faite dans le secteur de la
nutrition et de la santé au travail soit effectuée dans les
départements de santé communautaire. Actuellement, il y a
peut-être dans la province un DSC où la nutritionniste est
impliquée en santé au travail. Ensuite, il faut aussi qu'au
niveau d'un département de santé communautaire ou d'un centre
local de services communautaires ce soit une priorité établie et
ce n'est pas le cas partout. Ensuite, la troisième question,
c'était... Qu'est-ce que c'était, votre troisième
question?
M. Marois: J'en ai tellement posé que...
Mme Tremblay: L'approche multidisciplinaire. C'est que nous, on
insiste sur l'éducation et l'information de l'individu parce qu'on pense
qu'en matière de nutrition, si l'individu est sensibilisé, il ne
se laissera pas influencer autant par différentes tendances qui vont
essayer de l'accaparer pour gagner de la crédibilité.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Portneuf.
M. Pagé: Merci, M. le Président. Mesdames, je vous
remercie de la présentation de votre mémoire qui est non
seulement intéressant, mais qui est très important, selon moi.
Encore une fois, aujourd'hui, on constate non seulement comme parlementaires,
mais aussi comme Québécois que les gens du Québec, notre
collectivité, notre communauté a beaucoup à apprendre sur
l'aspect de la nutrition, sur l'aspect alimentaire. C'est malheureux qu'on ait,
au Québec, des données comme celles que vous évoquez dans
votre document, qui sont peut-être comparables aux données
d'autres provinces ou d'autres pays, mais il y a certainement des objectifs
à atteindre, il y a certainement des conditions à
améliorer. C'est inadmissible, je pense, que, comme collectivité,
on ac-
cepte qu'il y ait autant d'alcool qui se consomme, autant de sucre qui
se consomme, autant de matières grasses qui se consomment avec toutes
les implications que ça peut comporter.
Je pense qu'au fur et à mesure que des occasions comme
celle-là sont données d'en discuter, d'en prendre conscience
davantage, tout le monde en est un peu plus conscient, mais il reste à
dégager les façons d'atteindre les objectifs de correctifs tout
à fait évidents et palpables.
Vous recommandez aujourd'hui plusieurs éléments, vous
formulez plusieurs propositions. Pour plusieurs, cela paraît possible;
pour d'autres, cela paraît idéal, vous savez. C'était tout
à fait justifié de souhaiter ou de demander au législateur
de s'assurer que, dans la boîte à lunch du travailleur, il y ait
des aliments tout à fait adéquats qui pourront
privilégier, éventuellement, un état de santé ou,
tout au moins, ne pas créer de problèmes chez lui, ne pas
impliquer de fatigue à 2 heures l'après-midi et pas trop de
stress à 4 heures, ce qui peut engendrer des accidents,
éventuellement.
Il faut quand même constater qu'avant de pouvoir aller
réglementer ce qu'il y a dans la boîte à lunch il faudra
peut-être réglementer les lieux de travail et il faudra
réglementer d'autres éléments qui sont plus externes et
moins reliés directement au contenu nutritif comme tel, mais qui ont
aussi leur impact. En cela, je voudrais que ma remarque ne soit pas
perçue comme visant à diminuer ou à porter atteinte de
quelque façon que ce soit aux objectifs que vous évoquez et aux
obligations, somme toute, qu'on a comme collectivité.
Tout cela dit, je pense qu'on doit intervenir. Je crois que le
gouvernement ne peut mettre de côté un aspect aussi important que
celui que vous portez à notre attention aujourd'hui, mais il reste
à savoir comment le traduire. Est-ce que cela s'inscrit dans le cadre
des éléments de prévention? Est-ce que cela s'inscrit dans
le cadre de démarches qui devront être faites une fois le projet
de loi adopté, mais à quel niveau? Encore là, je me le
demande. J'aimerais bien vous entendre là-dessus. Vous n'êtes pas
sans savoir que ce projet de loi impliquera l'implantation d'une toute nouvelle
structure. On aura à vivre, j'en suis persuadé, pendant quelques
années avant de voir si les résultats tangibles sont concluants,
les résultats de l'expérience de vie avec le projet de loi no
17.
Quant à vous, que proposeriez-vous comme intervention
première? Est-ce que le gouvernement se devra d'agir au niveau des
normes, avec des normes plus sévères de la part des
ministères concernés, soit celui des Affaires sociales ou le
ministère de l'Agriculture, peu importe? Est-ce que le gouvernement ne
doit pas plutôt privilégier une politique de formation ou
d'information là aussi, parce que c'est important? Si on
répète souvent à quelqu'un que ce qu'il mange n'est pas
bon, qu'il aura un taux de cholestérol trop élevé dans X
temps et qu'on lui dit: Cher concitoyen, tu es dans l'âge dangereux entre
40 et 50 ans, ça a peut-être des chances de percer davantage et
d'avoir plus d'effet.
Selon vous, à la lumière de l'expérience que vous
avez, parce que vous êtes en contact avec les gens du milieu, quel est le
mode d'intervention que devrait privilégier le gouvernement dans un
premier temps? Encore là, il faudra, selon moi, intervenir par
étapes dans les objectifs que vous recherchez; on n'a pas le choix. Il
faudra sensibiliser davantage la population. Il faudra que le gouvernement
intervienne de son côté. J'aimerais savoir ce que vous
favoriseriez dans un premier temps.
Mme Tremblay: D'abord, j'aimerais vous mentionner que notre
objectif n'a pas été de demander au gouvernement d'intervenir sur
la fabrication ou le contenu de la boîte à lunch du travailleur.
On veut, en parlant de la boîte à lunch, que le travailleur puisse
manger son lunch, quel qu'il soit, dans un lieu hygiénique, propre et
calme, d'abord! C'est ça qu'on a mentionné en parlant de la
boîte à lunch et ensuite, il y a l'information...
M. Pagé: Je m'excuse, c'est un commentaire à moi,
la boîte à lunch.
Mme Tremblay: C'est une parenthèse pour votre commentaire,
à vous.
M. Pagé: Selon moi, c'est inquiétant ce qu'il y a
dans la boîte à lunch.
Mme Tremblay: Peut-être, mais après... Maintenant,
je vais vous parler des priorités qui sont de trois ordres. Il y a la
recherche qu'on doit faire pour connaître exactement l'implication du
milieu, comment certains milieux de travail peuvent influencer l'état
nutritionnel de notre population, de nos travailleurs. Il faut aussi qu'on
voie, dans les groupes cibles bien identifiés de population à
risque, les gens hypertendus, les gens qui ont des maladies coronariennes
on reconnaît que dans certains milieux et dans certains groupes
d'âge, ce sont des groupes à risque qu'on informe ces gens,
qu'on fasse le dépistage et je pense qu'il y a déjà des
ressources qui sont actuellement présentes dans le milieu qui peuvent
être utilisées, sans que ça demande une structure et des
années à mettre en place.
Evidemment, selon les budgets qui seront consacrés à la
mise en marche de ces programmes, une des principales préoccupations,
c'est la recherche et les études. Qu'on identifie les problèmes
particuliers à certains milieux de travail particulier; c'est une
priorité. On veut aussi faire de l'information.
M. Pagé: Sur cet aspect de la recherche, est-ce que selon
vous la Commission de santé et de sécurité au travail
aurait un mandat spécifique à remplir?
Mme Tremblay: C'est à ce niveau que la recherche devrait
être faite.
M. Pagé: D'accord. Il y avait un autre aspect, l'aspect
information.
Mme Tremblay: II y a l'aspect de l'information qui peut
être faite en milieu de travail, en même
temps, parce que justement, c'est un milieu qui est captif, qui regroupe
des gens qui sont dans une situation analogue et qu'on peut rejoindre en leur
expliquant quelles sont les particularités du milieu, comment ce milieu
peut influencer leur état de santé et de quelle façon ils
peuvent y remédier d'une façon, en ce qui regarde
l'alimentation.
M. Pagé: Ce qui se fait actuellement de la part du
gouvernement, en termes de formation et d'information, est-ce que c'est
adéquat, selon vous? Il y a quand même de l'information qui se
fait, peut-être un peu éparse, les affaires sociales...
Mme Tremblay: C'est fait pour la population en
général, ce n'est pas adapté à des milieux
précis. On sait que de l'éducation, quand c'est donné
d'une façon générale, on a un impact. Cette information a
un impact considérable, mais on n'arrive pas à sensibiliser des
gens à des problèmes particuliers dans un milieu
donné.
M. Pagé: J'espère que vos remarques, qui sont pour
le moins tout à fait justifiées, seront bien retenues par le
ministre et seront traduites, soit dans la loi, soit dans les projets mis de
l'avant par la commission.
Le Président (M. Marcoux): Faire un menu spécial
pour les députés.
M. Pagé: Cela, vous savez, on pourrait en parler. On
pourrait parler du contrôle de l'environnement pour nous avec les
péquistes à côté, mais ça.
M. Marois: Ne commencez pas là-dessus, faites
attention.
Quand on crache en l'air...
M. Pagé: M. le Président...
Le Président (M. Marcoux): Mme le député de
L'Acadie.
M. Pagé: Merci mesdames.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, c'était
simplement un commentaire. Je veux remercier les diététistes
d'être venues présenter leurs préoccupations au sujet de ce
projet de loi. Vous vous étonnez qu'il ne semble pas y avoir beaucoup de
place pour les problèmes de nutrition qui sont certainement très
importants. J'ai constaté et peut-être ceci valait-il pour le
gouvernement qui a précédé comme pour celui qui est
là je ne peux que parler de celui qui est là, je n'y
étais pas avant que la nutrition n'est pas une
préoccupation du gouvernement. J'aimerais que les remarques que vous
avez faites, que vous aurez l'occasion de pouvoir les faire au moment d'une
commission parlementaire en éducation. Le gouvernement n'a même
pas de politique de nutrition pour toutes les écoles du Québec.
Si vous voulez que votre bonhomme ou que la madame mette les bonnes choses dans
la boîte à lunch, il faudrait commencer par donner des habitudes
alimentaires saines aux jeunes.
A ce moment-ci, la politique de nutrition, ça me dépasse;
c'est défini par le ministère de l'Agriculture qui veut faire
vendre beaucoup de lait par les cultivateurs. C'est peut-être un bon
motif politique, c'est qu'on n'a pas de politique de nutrition, même au
niveau scolaire et, là où des initiatives ont été
prises, elles l'ont été à l'extérieur du
gouvernement, elles ont été prises à Montréal. (17
h 15)
Je pense que c'est bien que vous soyez venues ici et on va tenter de se
le rappeler, au moment de l'étude, mais c'est un problème de plus
grande envergure encore je sais que vous le savez fort bien que
celui que vous avez tenté de démontrer à la commission cet
après-midi; je vous trouve presque des missionnaires, de venir devant
cette commission parlementaire, pour parler de nutrition, parce que ce n'est
certainement pas une priorité, ni dans ce projet de loi, ni
ailleurs.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Richmond.
M. Brochu: J'aimerais simplement faire un bref commentaire. J'ai
suivi avec beaucoup d'intérêt la présentation du
mémoire de l'Association des diététistes. J'aimerais les
en remercier sincèrement et les remercier aussi d'avoir comparu devant
cette commission parlementaire avec les données qu'elles nous ont
fournies.
D'accord, on n'a pas fait le tour de tout le problème; je pense
que c'est simplement la pointe de l'iceberg qu'on a vu dans le domaine de la
nutrition et de l'hygiène, lorsqu'on pense au monde du travail ou au
monde de l'éducation, comme vient de le souligner Mme le
député de L'Acadie. Mais je pense que, sans entrer dans les
détails de votre mémoire, ce qui est important c'est de bien
démontrer aux membres de la commission parlementaire, à ceux qui
ont à travailler dans ce domaine pour établir un cadre
législatif, que la santé et la sécurité au travail,
ce n'est pas uniquement défini en fonction d'un danger inhérent
à la fonction de l'invividu dans le milieu du travail, mais
qu'également sa nutrition et son hygiène personnels, son
environnement, son milieu de vie sont très importants. Lorsqu'on veut se
donner la qualité de prévenir, en tant que législateurs,
je pense que vous prenez toute la part qui doit vous revenir en tant que
domaine qui se situe au niveau de la prévention. On a beaucoup de
corrections à faire à ce niveau, d'accord; au niveau de la
nutrition, au Québec, on pèche peut-être par abondance, on
est toujours allé dans les voies de la facilité, on vit dans une
société où on n'a pas fait attention à tout ce
qu'on a. Vous avez un rôle important à jouer, mais je pense que,
dans l'approche globale qu'on doit avoir, au niveau de la santé et de la
sécurité, l'intervention que vous faites aujourd'hui est tout
à fait particulière et, en
ce qui me concerne, j'en prends bonne note et en tiendrai compte.
J'aurais peut-être une question à adresser à Mlle
Tremblay ou à celle qui l'accompagne, en terminant. Actuellement, on
sait que la place que vous occupez doit être élargie
éventuellement, à cause des problèmes de santé que
notre population rencontre dans le moment. Est-ce que le gouvernement fait
souvent appel aux diététistes, même dans ses propres
secteurs d'activité? Est-ce que ça se fait sur une grande base,
ou très peu, ou pas? Pourriez-vous nous donner votre opinion
là-dessus, pour qu'on voit de quelle façon et jusqu'à quel
point le gouvernement est conscient du problème?
Mme Tremblay: En fin de compte, vous nous demandez... Evidemment,
c'est que le gouvernement, actuellement, c'est l'employeur de peut-être
65% de nos effectifs. Alors on ne peut pas dire qu'il ne fait pas appel aux
diététistes dans certains milieux, sauf qu'il pourrait
peut-être aller plus de l'avant. Ce qu'on reproche à ce projet de
loi, c'est de laisser un groupe de professionnels jouer un rôle
traditionnel qui est insuffisant, et de donner à ce groupe la
possibilité de remplir sa fonction, fonction qu'il est capable de
remplir vis-à-vis de la population dans la prévention et le
traitement de certains problèmes de nutrition.
M. Brochu: II y aurait là une occasion rêvée
pour permettre aux diététistes de jouer un rôle beaucoup
plus marqué, dès maintenant, dans l'approche de la nouvelle
loi-cadre.
Mme Tremblay: On dit que notre groupe est en mesure de donner des
services et que nous sommes prêts à les donner, sauf qu'il s'agit
de donner l'importance qu'il faut à la nutrition dans ce domaine.
M. Brochu: Je vous remercie, c'est intéressant.
Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie de la
présentation de votre mémoire. J'inviterais maintenant la
Corporation professionnelle des optométristes du Québec, qui va
nous aider à voir plus clair sur ce sujet, à s'approcher et
à nous présenter son mémoire.
Corporation professionnelle des optométristes
du Québec
M. Denault: M. le Président...
Le Président (M. Marcoux): M. Michel Denault, si vous
voulez nous présenter vos collègues.
M. Denault (Michel): Avec plaisir, M. le Président,
j'allais le faire. M. le ministre, distingués membres de cette
commission, vous me permettrez de vous présenter les membres de la
délégation de l'Ordre des optométristes. A ma droite, le
Dr Claude Gareau, qui est secrétaire et directeur général
de la corporation. A ma gauche immédiate, Me Daniel Lavoie, qui est
conseiller juridique de notre corporation. M. le Président, comme je ne
ferai pas une lecture textuelle du mémoire que nous vous avons soumis,
je vous demande la permission que ce texte intégral soit
déposé au procès-verbal de cette commission.
Le Président (M. Marcoux): Je présume du
consentement de la commission.
M. Denault: L'Ordre des optométristes du Québec
souscrit en principe à la réforme préconisée en
matière de santé et de sécurité au travail,
principalement en raison de l'approche globale qui touche la formation,
l'information, la prévention, l'indemnisation, la réadaptation,
la recherche, le conseil et les programmes de santé au travail. L'Ordre
des optométristes croit que les objectifs généraux
poursuivis par la politique globale de santé et de
sécurité au travail sont louables et s'inscrivent, pour la
plupart, au niveau des préoccupations sociales actuelles. Aussi, l'Ordre
des optométristes, conscient des responsabilités qui lui sont
confiées par le législateur, ne peut qu'endosser toute mesure qui
tend à améliorer la protection du public. L'Ordre des
optométristes est d'accord pour que tous les services de
dépistage des problèmes de fonctionnement actuels et des
problèmes d'apprentissage, y compris les défauts oculaires, ainsi
que tous les services d'éducation préventive soient
considérés comme des services d'hygiène publique, car ils
impliquent l'idée de santé, de bien-être visuel, de
protection contre le milieu et de prévention générale de
problèmes spécifiques.
L'Ordre des optométristes estime que l'optométrie doit
participer activement, au profit de la collectivité
québécoise, à la réorganisation des conditions de
santé et de sécurité au travail. L'optométrie joue
un rôle de première importance dans le domaine de la santé
publique et ressent la nécessité d'une plus grande
solidarité entre les couches sociales, puis d'une participation positive
à l'effort social commun. L'effort social doit, toutefois, être
défini et poursuivi sur des bases scientifiques et la présence de
l'optométrie est essentielle à la recherche d'une politique
sociale d'ensemble à vues lointaines, ceci sans faire de jeu de
mots.
La volonté de participation de l'optométrie à la
planification, à l'organisation et à la définition des
services de santé au travail repose sur les raisons suivantes:
premièrement, le fait que l'op-tométriste soit le professionnel
du domaine de la vision, qu'il agisse comme porte d'entrée du
système de distribution des soins oculo-visuels et qu'il joue un
rôle de professionnel de la santé à part entière;
deuxièmement, l'évidence qu'une approche multidisciplinaire et la
perspective d'un nouveau système intégré seraient de
nature à assurer une meilleure coordination des services de santé
et de sécurité au traval; troisièmement, la
nécessité d'assurer aux nouvelles structures sociales une plus
grande efficacité; quatrièmement,
la certitude que la qualité et la disponibilité des
services visuels ne peuvent s'améliorer ou même se maintenir que
dans la mesure de l'entière participation des optométristes;
cinquièmement, la conviction que la formation académique et
l'expérience clinique de l'optométriste lui permettent de
répondre plus adéquatement à la majorité des
besoins visuels de la population.
Il importe de rappeler, M. le Président, que la santé est
autre chose que la stricte absence de maladie. Une bonne vision n'est pas
seulement la capacité de voir clairement au loin et l'utilisation
simultanée des deux yeux. Les problèmes résultant d'une
atteinte moins manifeste des processus visuels demeurent souvent
insoupçonnés et sont une proie facile pour une
détérioration plus profonde.
Je vous rappelle l'article 17 de la Loi sur l'optométrie:
"L'optométriste peut, dans l'exercice de sa profession, donner des
conseils permettant de prévenir des troubles visuels et promouvoir les
moyens favorisant une bonne vision".
Le programme de services de santé au travail ne touchera pas son
but de préserver ou d'améliorer l'état de santé de
la population ou de réduire l'importance des conséquences de la
maladie s'il ne comprend pas les services visuels; et ces derniers ne sauraient
être dispensés sans le concours de l'optométrie.
Sans le programme d'éducation massive sur la prévention
des problèmes visuels, la société québécoise
doit s'attendre à une détérioration progressive des
capacités visuelles de la population. Les exigences visuelles de notre
civilisation imposent un fardeau de plus en plus lourd à des
mécanismes visuels moins aptes qu'auparavant à répondre
à cette situation.
L'optométrie enseigne tous les éléments de
l'orthoapprentissage de la vision et s'intéresse au conditionnement de
l'environnement physique. L'optométrie s'occupe de prévention des
accidents dans l'industrie et cette activité appartient à
l'hygiène visuelle.
L'Ordre des optométristes déplore que le projet de loi no
17 affiche une orientation avant tout médicale, alors que chacun sait
que le succès de ce vaste programme ne saurait se réaliser
qu'avec la collaboration de tous les praticiens oeuvrant dans le domaine de la
santé. Aussi apparaît-il indispensable à notre ordre
professionnel que la volonté du gouvernement de développer une
véritable politique de concertation s'exprime de façon plus
convaincante et plus réaliste.
Enfin, l'Ordre des optométristes affirme qu'il est illusoire de
croire que l'on puisse procéder à une réorientation du
système si les travailleurs de la santé qui sont en partie
responsables de son fonctionnement ne sont pas tous intégrés
à ces processus de changement et n'y puisent pas la motivation
scientifique et sociale nécessaire à la qualité des
services qu'ils dispensent.
Quant à la participation de l'optométrie au réseau
public de distribution des soins, les commentaires qui suivent portent sur le
chapitre VIII, intitulé "Les services de santé au travail",
comprenant les sections suivantes:
Section I: Les programmes-cadres et les contrats types;
Section II: Dans les établissements;
Section III: Le programme de santé au travail;
Section IV: Rôle du médecin responsable;
Section V: Le chef du département de santé
communautaire.
L'Ordre des optométristes croit que l'intégration
harmonieuse de l'optométrie au réseau public de distribution des
soins de santé exige au départ que l'on respecte l'autonomie
professionnelle et que l'on assure la liberté thérapeutique de
l'optométriste.
Une étape importante à franchir en vue de
l'intégration de la profession consiste à établir des
centres intégrés de dispensation de soins.
L'Ordre des optométristes pense que la conception des groupes
intégrés doit être confiée à des organismes
ou à des personnes dont la préoccupation majeure consiste en la
protection de la santé publique ainsi qu'en l'amélioration de la
qualité des soins.
L'Ordre des optométristes pense que les normes de travail
d'équipe et les modes de participation des professionnels ne doivent pas
être élaborés unilatéralement par un seul membre de
l'équipe multidisciplinaire mais bien par l'ensemble des personnes
intéressées pour assurer le regroupement des professionnels et la
formation professionnelle, pour faire progresser les connaissances mutuelles et
pour favoriser la recherche.
Dans un centre intégré, l'optométriste doit oeuvrer
comme praticien de première ligne et constituer la porte d'entrée
du système de distribution de soins.
Plusieurs raisons expliquent pourquoi il est plus rationnel que les
optométristes agissent comme praticiens de première ligne: a)
l'incidence des déficiences visuelles est beaucoup plus
élevée que l'incidence des pathologies oculaires;
b)l'optométriste est en mesure d'apporter une solution immédiate
aux problèmes visuels de la très grande majorité des
citoyens; c)à l'instar du médecin omnipraticien,
l'optométriste, dans les cas où il ne peut résoudre
lui-même le problème de son patient, l'oriente vers une
catégorie de professionnels spécialisés.
Pour ceux qui ont en main notre mémoire, je passe maintenant
à la page 14. En ce qui concerne l'érosion en faveur du ministre
des Affaires sociales des pouvoirs de contrôle de l'optométrie
l'Ordre des optométristes s'oppose vivement à l'article 253 du
projet de loi qui contient une nouvelle définition du mot "laboratoire"
amendant ainsi la Loi de la protection de la santé publique. (17 h
30)
Le texte suggéré par cet article se lit donc comme suit:
"Laboratoire: désigne un lieu aménagé hors d'un
établissement pour fabriquer ou réparer des orthèses ou
prothèses, pour faire des examens de biologie médicale, notamment
dans
les domaines de la biochimie, de l'hématologie, de la
bactériologie, de l'immunologie, de l'histopa-thologie et de la
virologie, pour faire des examens radio-isotopes ou en radiologie à des
fins de prévention, de diagnostic, de traitement de la maladie
humaine"... C'est ici que s'ajoute cet amendement important: "... ou pour faire
des examens dans les domaines de la toxicologie, de l'audiologie, de
l'optométrie et de la physiologie respiratoire".
On pourrait donc nommer ici trois corporations professionnelles dont
deux sont à titre réservé et une est à exercice
exclusif, l'optométrie.
En vertu de cette nouvelle définition, il faut se rendre compte
que, désormais, c'est l'exercice professionnel de tous les
optométristes qui tomberait sous l'application de la Loi de la
protection de la santé publique. En effet, autant la
généralité des termes utilisés dans cet amendement,
que la réalité optométrique actuelle, conduisent
inévitablement à interpréter cet amendement comme
assujettissant l'exercice privé de l'optométrie aux
contrôles directs du ministre des Affaires sociales.
L'Ordre des optométristes s'interroge donc profondément
sur les raisons qui justifient les concepteurs de ce projet de loi à
substituer au régime actuel du contrôle de la qualité des
actes professionnels, tel que prévu dans nos lois professionnelles, un
système bureaucratique fondé sur des caractéristiques qui,
par nature, sont complètement étrangères à un
véritable contrôle d'actes professionnels. Cet amendement ne fait
rien de moins que d'ébrécher les principes
d'autoréglementation et d'autodiscipline sur lesquels sont bâties
toutes les corporations professionnelles.
L'Ordre des optométristes s'interroge tout aussi
sérieusement sur les raisons qui font que seule l'optométrie se
retrouve comprise dans cet amendement, en plus des deux autres corporations,
alors que l'exercice professionnel des médecins ophtalmologistes couvre,
dans une mesure importante près de 60%, selon nos informations en
provenance de la régie les mêmes actes que les
optométristes.
Pour bien illustrer les motifs qui fondent l'Ordre des
optométristes à contester la pertinence de cet amendement, qu'il
suffise de rappeler les principales dispositions de la Loi de la protection de
la santé publique et du règlement général qui s'y
greffe autour des cinq constatations suivantes: Duplication en faveur du
ministre des Affaires sociales des responsabilités concernant la
distribution et la surveillance des services optométri-ques
dispensés dans l'intérêt public.
En effet, alors que l'Ordre des optométristes s'est vu confier,
par le législateur, la responsabilité d'assurer la protection du
public, le paragraphe a) de l'article 2 de la Loi de la protection de la
santé publique prévoit que le ministre des Affaires sociales a
pour fonction: "... de coordonner les mesures de protection de la santé
publique, ainsi que la distribution et la surveillance des services relatifs
à cette protection".
Duplication en faveur du ministre des Affaires sociales des pouvoirs de
contrôle visant à limiter la liberté d'exercice et
l'autonomie professionnelle des optométristes. Les articles 25 à
35 de la Loi de la protection de la santé publique prévoient une
procédure d'émission de permis annuel obligatoire pour toute
personne qui exploite un laboratoire.
Le ministre des Affaires sociales accorde ce permis si le
requérant remplit toutes les conditions prévues aux
règlements.
Les articles 28 et 30 donneraient même au ministre des Affaires
sociales le pouvoir de limiter la liberté d'exercice des
optométristes en répartis-sant géographiquement leur lieu
d'exercice. Ainsi, à l'article 28: "Une personne qui sollicite un permis
de laboratoire doit de plus indiquer dans sa demande le lieu où doit
être situé ce laboratoire".
A l'article 30: "Nonobstant le premier alinéa, le ministre peut
refuser toute demande de permis de laboration, s'il estime que les besoins de
la région où doit être situé ce laboratoire ne le
justifient pas.
Quant au contenu actuel du deuxième alinéa de l'article
30, il permettrait seulement aux optométristes qui pratiquaient à
la date d'entrée en vigueur de cette loi, à savoir le 17 avril
1974, de bénéficier automatiquement d'un premier permis
d'opération, laissant ainsi pour compte les optométristes qui ont
commencé à pratiquer après cette date. L'article 7.008 du
règlement obligerait tout optométriste à se
prémunir d'une assurance-responsabilité personnelle d'au moins $1
million, alors que cette obligation est de $500 000 en vertu des dispositions
propres à la Corporation professionnelle des optométristes.
En incluant l'optométrie tout entière dans la
définition du mot "laboratoire", le gouvernement juxtapose et, dans
certains cas, contredit les dispositions réglementaires de l'Ordre des
optométristes adoptées en vertu des pouvoirs que lui
reconnaît la loi 250, intitulée Code des professions, en
matière de tenue de bureau, de délivrance de permis,
d'assurance-responsabilité obligatoire aux paragraphes b), i) et I) de
l'article 92.
Enfin, face aux conditions rattachées à l'émission
d'un permis d'exercice dans le régime des lois professionnelles
actuelles, il faut souligner la distorsion qui s'établirait par l'effet
de cet amendement selon que l'on ait à considérer chez le
même optométriste le permis d'exercice professionnel et le permis
prévu à la Loi de la protection de la santé publique.
Alors que le premier permet un exercice professionnel extensif que seuls des
contrôles disciplinaires ou d'inspection peuvent limiter de façon
quasi judiciaire, le second n'autoriserait que certaines activités, ne
serait émis que pour douze mois et resterait à la merci d'un
processus purement administratif.
Il y aurait duplication en faveur du ministre des Affaires sociales des
pouvoirs de contrôle de la qualité optométrique. L'article
33 de la Loi de la protection de la santé publique soumet tout
détenteur de permis à des obligations spécifiques
concernant la tenue de ses livres de comptabilité, alors que l'article
8.002 du règlement prescrit l'obligation d'inclure dans le dossier du
bénéficiai-
re certains renseignements obligatoires. L'Ordre des
optométristes rappelle que son bureau a déjà adopté
un règlement concernant la tenue de dossiers en vertu des pouvoirs que
lui reconnaît le Code des professions.
Quant aux pouvoirs d'enquête que possède le ministre des
Affaires sociales en vertu des articles 46 à 49 de la Loi sur la
protection de la santé publique et qui l'autorisent "à
enquêter sur toute matière de sa compétence," ils
viendraient directement en opposition avec ceux qui sont reconnus aux
corporations professionnelles dans le régime des lois actuelles et qui
justifient ces dernières à soumettre leurs membres à
l'inspection et à la discipline professionnelles.
Il y aurait duplication en faveur du ministre des Affaires sociales des
pouvoirs de réglementer l'exercice de l'optométrie. En plus du
très vaste pouvoir résiduaire laissé au ministre des
Affaires sociales et qui lui permet par règlement, "de prescrire toute
mesure utile à la mise en application de la présente loi," tel
que prévu au paragraphe t) de l'article 50 de la Loi de la protection de
la santé publique, ce dernier a aussi, en vertu du paragraphe a), le
pouvoir de déterminer, entre autres choses, les normes concernant le
fonctionnement d'un laboratoire. Et l'article 50, paragraphe a) se lit:
"déterminer, après consultation du Bureau provincial de
médecine, les normes d'équipement, de fonctionnement technique et
de salubrité de tout laboratoire et de la qualité du personnel y
employé, pour fins de la sécurité de la personne humaine."
On aura saisi l'absurdité créée ici par l'amendement
suggéré conduisant à faire de la Corporation
professionnelle des médecins le consultant privilégié du
ministre quand il s'agira de déterminer les normes d'équipement,
de fonctionnement, de salubrité, ainsi que la qualité du
personnel d'un bureau privé d'optométristes.
Le paragraphe i) qui prévoit que la Corporation professionnelle
des médecins doit être consultée par le ministre des
Affaires sociales dans le but de lui permettre de fixer "les normes
d'opération et de contrôle des appareils émetteurs de
rayons utilisés dans tous les lieux où sont exercées des
opérations ou activités pour lesquelles un permis est
exigé," soulève ici le même commentaire.
Enfin, l'Ordre des optométristes attire l'attention sur le fait
que le paragraphe c) permet au ministre de "déterminer les conditions
que doit remplir toute personne qui sollicite un permis, "y compris, dans le
cadre de l'amendement suggéré, un optométriste, alors que
sont exclues expressément les personnes exploitant "un laboratoire pour
examens en radio-isotopes ou en radiologie à des fins sanitaires."
Il y aurait duplication en faveur du ministre des Affaires sociales des
pouvoirs de contrôle de la publicité faite par un
optométriste.
Le premier alinéa de l'article 8.001 du règlement
prévoit que: "Une liste des types d'examens et analyses faits dans un
laboratoire, ainsi que du prix exigé au moment de la demande de permis
pour chaque type d'examen ou analyse non assuré par la Loi de
l'assurance-automobile, 1970, chapitre 37, doit accompagner toute demande
originelle ou de renouvellement de permis."
L'Ordre des optométristes rappelle qu'il a le devoir et qu'il a
effectivement adopté un règlement concernant la publicité
que peuvent faire ses membres.
L'article 90: "Le bureau doit déterminer en vertu du Code
des professions par règlement, les éléments qu'un
professionnel peut mentionner au public dans sa publicité et les
conditions suivant lesquelles il peut faire cette publicité."
M. le Président, voilà les commentaires que soulève
cet article 253, en particulier, paragraphe b) et l'amendement fondamental qui
est suggéré. Nous osons croire qu'il s'agit là d'une
erreur qui autrement, ne s'expliquerait pas, où nous n'avons pas
réussi, à ce jour, à obtenir de réponse quant
à l'inclusion des examens d'optométrie au niveau de la
définition d'un laboratoire.
Le Président (M. Marcoux): M. le ministre.
M. Marois: M. le Président, je voudrais remercier la
Corporation professionnelle des optométristes du Québec de son
mémoire. Je prends acte, bien sûr au fond, vous
l'évoquez dans votre mémoire de votre accord fondamental
avec, non seulement les objectifs, l'approche, mais l'essentiel de la
réforme qui est proposée, et aussi de cette volonté, que
vous nous affirmez, d'y contribuer le plus efficacement possible.
M'accrochant essentiellement à cela, sans reprendre tous les
éléments, peut-être en touchant au moins à deux des
points clé de votre mémoire, et en étant très
clair, je pense, d'une part, que les modifications que vous demandez
pour vous permettre de contribuer le plus efficacement possible à la
réforme en question au règlement de la Loi sur les
services de santé et les services sociaux, cela concerne en partie la
réforme, mais vous conviendrez avec moi que cela concerne aussi un bon
nombre d'autres dimensions. Je ne suis pas certain, mais je vais l'examiner au
mérite: que le projet de loi no 17 soit le lieu indiqué pour
faire ce genre de modification, ce qui n'exclut pas que soient acheminés
à la place où doivent l'être les éléments
contenus dans votre mémoire. De toute manière, ce sera
regardé très attentivement.
Pour ce qui est de la place des optométristes au sein des
services de santé au travail, dans le cadre de l'approche et du concept
global de santé publique dont on a parlé depuis hier matin, vous
pourrez certainement être appelé à y jouer un rôle,
et je peux vous dire tout de suite qu'en ce qui me concerne j'ai bien
l'intention de demander qu'on apporte les modifications en conséquence
à l'article 85. En d'autres termes, l'article 85, médecin
responsable, il va falloir y introduire probablement je ne sais pas
comment, c'est simplement une question de jargon juridique cohérent, par
ailleurs il faudra l'élargir à l'ensemble des
professionnels dans le domaine de la santé. Je peux vous dire tout de
suite que je vais demander à l'équipe qui travaille avec moi
là-dessus de préparer l'amendement requis.
Deuxièmement, en ce qui concerne l'article 253, j'avais eu
l'occasion de lire votre mémoire et je dois vous dire que, d'une part,
on amende l'article 1 de la Loi de la protection de la santé publique en
y ajoutant, au fond, les deux dernières lignes: Ou pour faire des
examens dans les domaines de la toxicologie, de l'audiologie, de
l'optométrie et de la physiologie respiratoire. Ce qui ouvre, comme on
le sait, en vertu de la Loi de la protection de la santé publique, un
pouvoir d'inspection, notamment.
Je peux vous dire tout de suite que j'ai lu votre mémoire
très attentivement, parce qu'il y a une argumentation très
étoffée sur la position que vous avez défendue
aujourd'hui, encore de façon très étoffée et
très sérieuse. J'avais demandé qu'on fouille cette
affaire-là pour me faire rapport. Il n'était certainement pas
question d'accorder des pouvoirs accrus au ministère des Affaires
sociales pour contrôler l'optométrie, pas du tout, certainement
pas. (17 h 45)
Mais je ne suis pas sûr que la meilleure voie a été
choisie, je suis même convaincu que c'est la mauvaise qui a
été prise, pour être très clair. C'est simplement,
comme le ministre des Affaires sociales l'a fait, c'est sa
responsabilité, en accord avec les règles qui régissent le
fonctionnement de toutes les professions, pour être en mesure de
répondre aux recommandations que la Commission québécoise
de la santé et de la sécurité du travail pourrait lui
faire en vertu de l'article 129, paragraphe 12, qui précise que le
ministre des Affaires sociales, comme il l'a fait pour les radiologistes,
s'assure de la qualité du personnel employé, de
l'équipement, des locaux utilisés aux fins des services de
santé du travail.
Je me rends parfaitement compte comme vous que ça signifie
l'introduction, tel que formulé là, de la visite, de l'inspection
dans vos laboratoires privés. Je vais demander qu'on le regarde de
très près; je suis enclin à penser que vous avez raison et
je suis enclin à penser, sous réserve d'une dernière
vérification, que l'expression "de l'optométrie" doit être
biffée de ce bout de l'article.
Cependant, il n'en va pas de même je vais être
très clair là-dessus pour les domaines de la toxicologie,
de l'audiologie. Dans le cas de l'audiologie, vous savez probablement comme moi
qu'il circule maintenant au Québec des roulottes mobiles dont on nous
dit, après vérification, que dans certains cas il suffit
qu'il y ait certains cas, c'est déjà de trop les cabines
sont mal insonorisées, l'équipement, l'appareillage
utilisé est inadéquat, non conforme aux règles
élémentaires de l'éthique normale de la profession,. Sans
compter que, quelquefois, le personnel n'a pas les qualifications requises. Les
citoyens sont en droit, hommes et femmes qui sont au travail, d'être
protégés.
Il est hors de question de retirer l'audiologie, il est hors de question
de retirer les domaines de la toxicologie, parce que, là aussi, il y a
une kyrielle d'entreprises privées qui se développent dans ce
domaine où se posent, analogiquement, les problèmes que j'ai
évoqués pour l'audiologie.
Dans le cas de l'optométrie, le problème ne se pose pas du
tout en ces termes et je pense que vous avez parfaitement raison de faire
valoir ce point. Soyez assurés que, non seulement j'en ai pris bonne
note, je pense que ça n'a pas sa place là, mais, par ailleurs, je
pense que vous comprenez avec moi qu'il faut cependant aussi on verra
comment ça peut être fait de façon normale que le
ministre des Affaires sociales puisse assumer les responsabilités et les
commandes qui pourraient lui venir de la commission en vertu du paragraphe 12
de l'article 129.
Voilà, M. le Président, les commentaires que je voulais
faire. Je remercie la Corporation professionnelle des optométristes du
Québec d'avoir attiré notre attention là-dessus et je
pense que c'est une excellente chose, parce que ça permet de... Il y a
assez de problèmes à corriger, sans faire exprès pour s'en
créer des additionnels, quand ils n'existent pas surtout.
Le Président (M. Marcoux): Est-ce que vous avez des
commentaires, M. Denault?
M. Denault: M. le Président, je voudrais bien que, s'il y
a une reformulation, dans laquelle l'optométrie serait impliquée,
que ce soit d'abord un mécanisme de consultation
élémentaire de base qui pourrait vous aider positivement à
chercher une solution à la situation qui est déplorée
actuellement.
Vous avez parlé, M. le ministre, de laboratoires privés,
tantôt; vous avez dit qu'en ce qui concerne les laboratoires
privés, il y aurait, semble-t-il, à moins que j'aie mal compris,
des normes d'inspection qui seraient inhérentes à ces
laboratoires. A moins que vous n'ayez confondu un bureau d'optométriste
avec un laboratoire...
M. Marois: Je m'excuse, je ne parlais pas de l'optométrie.
Quand j'ai fait état de ça, je parlais de l'audiologie, je
parlais du domaine de la toxicologie.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Portneuf.
M. Pagé: M. le Président, très
brièvement, je me limiterai à remercier la Corporation
professionnelle des optométristes du Québec pour la
présentation de son mémoire. Elle a eu l'occasion, ainsi, de
porter à l'attention, et du gouvernement et de la commission
parlementaire, des aspects particuliers des implications de nos lois,
particulièrement ce que pouvait comporter le projet de loi no 17 et des
inquiétudes que ça pouvait susciter chez vous. Il va de soi que
nous sommes convaincus que vous vous devez d'être associés, comme
professionnels, à toute démarche visant à améliorer
la condition de santé et de sécurité au travail.
Plusieurs des points spécifiques que vous avez mis en relief nous
ont intéressés particuliè-
rement et nous aurons l'occasion vous pourrez le constater
de porter ces faits particuliers à l'attention de la commission, lors de
l'étude du projet de loi article par article, compte tenu des
amendements et des modifications qui seront apportés, par le
gouvernement, entre-temps, dans le projet de loi et dans tout ce que ça
peut impliquer. Merci de votre présentation.
M. Denault: Si je puis faire un dernier commentaire, M. le
Président. Je veux bien souligner je pense que les membres de la
commission et M. le ministre en ont pris note que l'optométrie,
étant absente du réseau de distribution des services de
santé et des services sociaux, tel que prévu actuellement dans le
projet de loi no 17, est complètement en dehors du circuit permettant
à l'optométrie d'oeuvrer dans le domaine de la
sécurité au travail.
M. Marois: C'est pour ça, si vous permettez, que j'ai dit
que si on voulait faciliter cette implication, cette participation, il faudrait
probablement retravailler c'est une hypothèse la
formulation de l'article 85, rouvrir cette formulation. C'est une
hypothèse, mais je pense que vous avez bien fait valoir votre point de
vue et soyez assurés qu'on va regarder ça très
attentivement.
Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie au nom de tous
les membres de la commission. J'inviterais maintenant...
M. Denault: Moi aussi, M. le Président, je remercie tous
les membres de la commission.
Association des infirmières et infirmiers en
santé du travail du Québec
Le Président (M. Marcoux): J'inviterais maintenant les
membres de l'Association des infirmières et infirmiers en santé
du travail du Québec à venir nous présenter son
mémoire. Mme Germaine Painchaud, si vous voulez nous présenter
vos collègues.
Mme Painchaud (Germaine): A l'extrême gauche, Mme Francine
Barbeau. Mme Mariette Gemme et, à ma droite, Mme Louise Thibault. Mme
Thibault va vous donner le texte.
Mme Thibault (Louise): M. le ministre, j'espère qu'on
m'entend bien. M'approcher encore un peu, cela va?
Le Président (M. Marcoux): Cela va.
Mme Thibault: Encore, cela va? M. le ministre, M. le
Président, messieurs. Le gouvernement a décidé d'agir dans
le domaine de la santé et de la sécurité au travail, et
nous en sommes heureuses. Cette intervention s'imposait depuis longtemps. Nous
sommes d'accord avec les grands principes qui ont présidé
à l'élaboration d'une politique visant à éliminer
les causes d'accidents de travail et les maladies professionnelles. La
sensibilisation des employeurs et des employés à protéger
et à conserver leur santé et la création de
mécanismes de participation et de contrôle nous apparaissent une
formule adéquate. Toutefois, nous regrettons de constater à
nouveau que le rôle et les fonctions de l'infirmière, et plus
particulièrement de l'infirmière oeuvrant en santé du
travail, soient méconnus et donc passés sous silence. Même
si les infirmières sont présentes dans ce milieu de travail
depuis de nombreuses années, y exerçant leur profession à
part entière, les responsables chargés de la préparation
de ce projet de loi n'ont en aucun moment pensé à les consulter.
Dans les circonstances, il nous paraît essentiel de définir notre
rôle et nos fonctions afin d'apporter une contribution réaliste
à ce projet de loi qui prône la promotion de la santé et
qui en oublie les principaux artisans et, par le fait même, crée
une injustice envers les pionnières et toutes les infirmières
oeuvrant en santé du travail.
L'Association des infimières et infirmiers en santé du
travail du Québec a l'intention de poursuivre des démarches tant
et aussi longtemps que ses membres n'obtiendront pas justice pour elles tout
autant que pour le travailleur impliqué.
L'Association des infirmières et infirmiers en santé du
travail du Québec Incorporée est un organisme regroupant la
majorité des 502 infirmières et infirmiers oeuvrant en
santé du travail au Québec. Le nombre semble peu, mais leur
impact est très grand, malgré le peu d'intérêt,
voire même la dévalorisation envers ce secteur de la
santé.
Les services de santé où ces infirmières et
infirmiers oeuvrent desservent des centaines de milliers de travailleurs dans
les industries, commerces, collèges, universités et centres
hospitaliers. Fréquemment, ces infirmières et infirmiers
travaillent isolés de leurs collègues et souvent sont les seuls
professionnels de la santé sur place. Quelque diversifié et
individualiste que soit leur lieu de travail, ces professionnels de la
santé ont des intérêts communs en ce qui concerne la
santé au travail.
Dispersés aux quatre coins du Québec, les membres de notre
association ont reconnu le bien-fondé de se regrouper afin de
créer un lien entre eux, de promouvoir et de maintenir la qualité
des services professionnels dispensés aux travailleurs, de
définir leurs besoins, de favoriser l'élaboration de normes
éducatives et de programmes de santé en milieu de travail et
aussi de sensibiliser les universités aux besoins de formation plus
poussée des infirmières et infirmiers oeuvrant en santé du
travail.
Dans un programme de santé au travail, l'infirmière et
l'infirmier ont des fonctions très spécifiques. Ces derniers
assurent la continuité, l'accessibilité, l'acceptabilité
et l'efficacité des services tant au niveau de la promotion de la
santé, de la prévention de la maladie, du traitement que de la
réadaptation.
Les services de santé ont pour but de promouvoir, de conserver et
d'améliorer la santé des travailleurs dans leur milieu de
travail.
L'acte infirmier, tel que défini à l'article 36 (chapitre
48 des Lois de 1973) de la Loi des infirmières et infirmiers du
Québec, ont dit ceci: "Constitue l'exercice de la profession
d'infirmière et d'infirmier tout acte qui a pour objet d'identifier les
besoins de santé des personnes, de contribuer aux méthodes de
diagnostic, de prodiguer et contrôler les soins infirmiers que requiert
la promotion de la santé, la prévention de la maladie, le
traitement et la réadaptation, ainsi que le fait de prodiguer des soins
selon une ordonnance médicale".
On peut donc définir le nursing en santé du travail comme
suit: Le nursing en santé du travail est l'application des principes de
nursing dans le maintien de la santé des travailleurs de toute
nomination. Il implique donc la prévention, la reconnaissance et le
traitement de la maladie et des blessures et la réadaptation. Il
requiert des aptitudes et des connaissances dans tes secteurs de la
santé, de l'éducation, du "counselling", des relations humaines,
ainsi que de l'hygiène des milieux.
L'infirmière est la personne clé du système de
santé au travail. Ses responsabilités sont influencées par
les modalités courantes des services de santé, de la
législation, des facteurs économiques et sociaux.
L'infirmière ou l'infirmier n'est redevable au médecin que pour
la fonction de prodiguer des soins selon une ordonnance médicale, telle
que décrite à l'exercice infirmier, et à la direction en
ce qui concerne l'administration. (18 heures)
L'objectif de l'infirmière travaillant en tant que membre de
l'équipe de santé au travail est la promotion et le maintien de
la santé physique et mentale du travailleur, la prévention de la
maladie et la réhabilitation du malade ou du blessé. Eh bien!
afin de réaliser cet objectif, l'infirmière en santé du
travail doit composer aussi bien avec les conditions du milieu de travail
qu'avec les exigences physiques et mentales des tâches
particulières à chaque individu.
L'accent est mis sur la prévention, l'éducation et le
"counselling", qui sont implicites à cette approche.
Le nursing en santé du travail demande des connaissances et des
aptitudes du pratiquement toutes les spécialités, en tenant
compte de l'entité biopsychosociale de la personne, soit en maladies
cardio-vasculaires, respiratoires, rénales, en nutrition, soit en
premiers soins aux blessés, aussi en diabète, en psychopathie, et
on pourrait en nommer tant d'autres. Ces connaissances et ces aptitudes seront
de divers degrés selon les responsabilités du poste qu'occupe
l'infirmière et selon la complexité de l'entreprise.
Tel que déjà mentionné, l'infirmière est
membre de l'équipe de santé au travail. Elle travaille en
étroite collaboration avec le médecin, l'hygiéniste, le
conseiller en prévention, les travailleurs et les responsables de
l'administration de l'entreprise, équipe de base normalement
constituée. Bien que l'infirmière soit la personne
prédominante des services de santé, en santé du travail,
les méde- cins, les hygiénistes, les spécialistes en
sécurité, ergonomistes, toxicologues et autres
spécialistes ont aussi des fonctions spécifiques et un rôle
particulier dans l'équipe. En résumé, de par sa formation,
l'infirmière estime pouvoir assumer pleinement son rôle en tant
que professionnelle de la santé, étant la personne ressource
déterminante pour identifier et évaluer les besoins de l'individu
dans son entité bio-psychosociale. En collaboration avec les
travailleurs de l'équipe de santé du milieu, l'infirmière
planifie des rencontres éducatives de groupe ou individuelles sur des
sujets de santé et de sécurité au travail, telles les
intoxications industrielles, les maladies professionnelles, l'alcoolisme, la
nutrition etc. Elle planifie des services de distribution de soins mineurs
d'urgence et détermine la continuité des soins infirmiers. Elle
est aussi appelée à favoriser l'expression des besoins et des
attentes des employeurs, des employés et de la famille concernant la
santé au travail, à encourager la participation de
l'employé aux activités éducatives et
récréatives offertes dans le milieu de travail. De plus, elle est
appelée à informer l'employeur et les employés des
problèmes de santé occasionnés par le milieu de travail et
à se préoccuper des conditions d'hygiène du milieu. Donc,
l'infirmière étant la personne clé pour identifier les
besoins de santé du travailleur, ceci relié à la
continuité des services qu'elle rend et étant également au
centre où convergent les diverses données reliées à
la santé et au bien-être du travailleur, nous recommandons qu'elle
puisse participer aux réunions du comité de santé et de
sécurité à titre de consultante. Nous souhaitons voir
apparaître dans le texte du projet de loi, ce qui suit. Chapitre IV,
article 60: "Le comité de santé et de sécurité peut
s'adjoindre les personnes compétentes jugées nécessaires
à la réalisation de son mandat."
Nous souhaitons aussi voir apparaître dans le texte ce qui suit.
Chapitre IV, article 93: "L'infirmière doit élaborer, en
consultation avec l'employeur, le comité de santé et de
sécurité, les autres professionnels de la santé comme
personnes-ressources, un programme de santé spécifique à
l'établissement, et voir à sa mise en application. Selon le
projet de loi, le rôle du département de santé
communautaire est de voir à la mise en application des programmes de
santé, chapitre VIII, article 100. De plus, il prône la prise en
charge par le CH-DSC, du personnel professionnel, technique et de bureau. Le
champ d'action du département de santé communautaire va de la
périnatalité à la gériatrie. La santé au
travail en est donc un secteur parmi tant d'autres.
Nous sommes en désaccord avec l'article 84, paragraphe 2, pour
les raisons suivantes. Premièrement, le fait d'être
rémunéré par un CH-DSC implique que l'infirmière en
santé du travail devienne partie intégrante du même CH-DSC
et donc soumise aux contraintes syndicales, aux contraintes d'ancienneté
et aux autres contraintes d'équipe volante et à plusieurs autres.
Cette politique est impensable en santé du travail puisque le rôle
primordial de l'infirmière est d'assurer la continui-
té des soins au sein de l'entreprise, de la mise en application
des programmes, du contrôle et de la relance.
Deuxièmement, l'infirmière en santé du travail se
doit de créer un climat de confiance et de crédibilité.
Pour cela, il importe d'établir des contacts permanents avec les
personnes avec lesquelles elle travaille. Si on exige d'elle la
mobilité, comment l'infirmière pourra-t-elle connaître
adéquatement le fonctionnement de l'entreprise, le milieu de travail,
les agents agresseurs ainsi que les besoins individuels des
employés?
Donc, cette confiance et cette crédibilité, elle peut les
obtenir plus facilement et plus concrètement en tant que membre du
personnel de l'entreprise au même titre que tous les employés,
plutôt que comme membre du CH-DSC. Dans ce dernier cas, elle sera
considérée comme une étrangère par les autres
membres de l'entreprise.
En troisième lieu, l'infirmière n'est pas limitée
à donner les premiers soins. L'essentiel de son travail est
orienté vers l'éducation, le "counselling " et la
prévention. Préparer des programmes, c'est facile, mais encore
faut-il pouvoir les appliquer en respectant aussi diverses situations et
contraintes du milieu telles que les horaires de travail, la
disponibilité du personnel, etc., d'où l'importance de la
collaboration de tous les services de l'entreprise. Il est donc très
important qu'elle ne soit pas sortie du contexte du milieu de travail.
Quatrièmement, un autre facteur aussi très important
impliquant la collaboration des membres de l'entreprise consiste dans la
relation d'aide que l'infirmière doit apporter à l'employé
concernant divers besoins psychosociaux reliés soit à la mutation
de tâches à cause d'une maladie personnelle ou professionnelle,
soit à divers problèmes familiaux, soit aux toxicomanies et
à plusieurs autres raisons, d'où l'importance de sa permanence
aux soins de cette entreprise.
En cinquième lieu, il y a les difficultés accrues de
communication avec le DSC à cause de l'éloi-gnement de ce dernier
dans plusieurs régions de la province par exemple, le chantier
LG-2 relève du DSC de l'hôpital du Sacré-Coeur de
Cartierville, Hâvre Saint-Pierre, du DSC de Haute-Rive.
Sixièmement, il y a la perte de droits acquis et la perte de
postes par mutation à cause des contraintes syndicales qui assurent les
droits d'ancienneté du personnel hospitalier, le DSC étant partie
intégrante d'un centre hospitalier, par exemple, affichage de postes
à l'hôpital impliquant la mutation d'infirmières en
santé du travail déjà en poste vers un autre secteur du
CH-DSC.
En somme, pour toutes ces raisons, l'infirmière ou l'infirmier en
santé du travail doit demeurer membre à part entière de
l'équipe de santé au travail et doit avoir l'autonomie
nécessaire pour être en mesure d'élaborer des programmes
d'éducation-santé ou de prévention et avoir des budgets
suffisants pour les réaliser. L'Association des infirmières et
infirmiers en santé du travail souhaite que le département de
santé communautaire soit un organisme de ressources
complémentaire pour les infirmières et les infirmiers oeuvrant
dans le milieu de la santé au travail. En conséquence, nous
proposons ce qui suit: que l'infirmière ou l'infirmier demeure autonome
dans son milieu de travail, qu'il ou qu'elle demeure partie intégrante
de l'entreprise, que son travail soit évalué par ses pairs, qu'il
ou qu'elle soit responsable à part entière de l'exercice
infirmier dans son milieu.
Pour ce qui est du ratio infirmière/employés,
l'Association des infirmières et infirmiers en santé du travail
du Québec trouve irréaliste le ratio qui avait été
proposé dans le livre blanc sur la santé et
sécurité au travail qui disait ceci: Compte tenu des
disponibilités en main-d'oeuvre spécialisée, de la
structure de dispensation des services de santé au Québec et de
l'accent que le gouvernement veut mettre sur l'implication du milieu, il semble
réaliste de proposer un rapport d'un médecin pour 4000
travailleurs et d'une infirmière pour 1000 travailleurs.
Nos voisins du sud, les Etats-Unis, proposent un rapport d'une
infirmière par 300 employés, deux infirmières ou plus
jusqu'à 600 employés et trois infirmières ou plus
jusqu'à 1000 employés, une infirmière pour chaque 1000
employés additionnels, jusqu'à 5000. Le nombre
d'infirmières doit être en fonction du genre d'entreprises et du
nombre de travailleurs. L'Association des infirmières et infirmiers en
santé du travail du Québec propose que le rapport
infirmière/employés soit déterminé selon les
besoins et les risques spécifiques des entreprises et selon le
territoire que doit desservir l'infirmière.
Industrie primaire: une infirmière pour 250 employés,
industrie secondaire: une infirmière pour 350 employés, industrie
tertiaire: une infirmière pour 550 employés. Une
infirmière additionnelle par nombre doublé. Des
infirmières supplémentaires peuvent être requises pour
desservir les équipes du soir et de nuit dans certaines industries
à risque et selon l'étendue du territoire à desservir et
des disponibilités des services hospitaliers, par exemple, le
règlement 33, article 4, de la Commission des accidents du travail.
Nous croyons être réalistes en proposant ce rapport qui
nous permettra de continuer à donner les services auxquels la population
des travailleurs a droit.
Voici nos recommandations: l'Association des infirmières et
infirmiers en santé du travail du Québec Inc, recommande,
premièrement, que l'infirmière ou l'infirmier en santé du
travail conserve son autonomie et demeure intégré à
l'entreprise pour laquelle il ou elle travaille.
Deuxièmement, que l'infirmière ou l'infirmier soit membre
à part entière de l'équipe de santé du travail et
participe toujours, comme tel, à l'élaboration des programmes de
santé et à leur mise en application.
Troisièmement, que l'infirmière ou l'infirmier participe
aux réunions du comité de santé et de
sécurité à titre de consultant.
Quatrièmement, que le ministère tienne compte de notre
proposition concernant le rapport infirmiers-employés.
Cinquièmement, que le rôle du département de
santé communautaire en soit un d'application, de surveillance, de
contrôle et de support dans la mise en application des programmes. De
plus, qu'il soit l'organisme des ressources complémentaires pour les
infirmières et infirmiers.
Sixièmement, que les infirmières et infirmiers
actuellement en service dans les industries, commerces et autres entreprises
conservent leur poste actuel et leurs droits acquis.
En terminant, M. le ministre, M. le Président, Messieurs,
l'Association des infirmières et infirmiers en santé du travail
du Québec vous remercie de l'avoir entendue. Elle espère que des
actions seront prises et tient à vous assurer de son entière
collaboration.
Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie beaucoup. M.
le ministre. (18 h 15)
M. Marois: M. le Président, nous devons remercier
l'Association des infirmières et infirmiers du Québec de son
mémoire. Je voudrais dire à ses représentants que toutes
et chacune des recommandations du mémoire seront examinées
très attentivement. Etant donné l'heure, forcément, vous
avez soulevé un certain nombre de questions sur lesquelles j'aurais
aimé intervenir peut-être un peu plus longuement que je vais me le
permettre. Je vais essayer de me discipliner pour donner le maximum de chances
aussi à mes collègues de faire des commentaires et poser des
questions.
Vous me permettrez, d'abord, de faire une première remarque qui
concerne une de vos recommandations, je crois que c'est la première
recommandation qui concerne la possibilité que le Comité de
santé et de sécurité puisse s'adjoindre des personnes
compétentes, qu'on ouvre cette possibilité pour que les
infirmiers et les infirmières du Québec puissent être
pleinement associés. Je pense que j'ai déjà eu l'occasion
d'évoquer au cours des discussions, depuis le début de nos
travaux, que si le texte actuel de la loi, bien que nous on croyait que sur le
plan juridique, c'était la seule interprétation qui était
possible de lui donner, que cela allait de soi. Mais des fois, ce qui va de
soi, il vaut mieux le préciser. Donc, on va regarder cette
possibilité, mais dans notre esprit il est déjà
très clair que le texte tel qu'il est libellé présentement
permet cette possibilité. Si à l'analyse, il faut revoir le
texte, apporter un amendement pour que le texte ne puisse pas prêter
à une autre interprétation que celle-là, on va le faire
très volontiers.
Ceci étant dit, il y a une série de recommandations qui
concernent le problème de l'intégration des infirmiers et
infirmières en santé au travail aux CH-DSC. Vous avez fait un
certain nombre d'affirmations que vous reprenez dans votre mémoire
aujourd'hui. Je ne veux pas m'étendre longuement, encore une fois, mais
je me demande sur quoi vous les fondez. J'ai essayé honnêtement de
lire attentivement le mémoire, comprendre votre approche, mais j'avoue
en toute honnêteté que je ne réussis pas vraiment à
cerner les raisons fondamentales qui vous amènent à soutenir des
affirmations dans le genre: les infirmiers et infirmières vont
être sortis du milieu de travail; les infirmiers et infirmières
vont devenir en quelque sorte des étrangers. Je pense que vous utilisez
l'expression "étrangère". Je ne vois pas en quoi le fait d'une
relation salariale différente, administrative différente de celle
qui existe présentement, en quoi il y a une équation automatique
entre cela et une affirmation qui tendrait... On a reçu des commentaires
analogues de médecins, par exemple, dans le cas de ce qu'on appelle les
médecins de compagnies. Il est hors de question, dans notre esprit, mais
hors de question de rayer de la carte les infirmiers et infirmières dans
le domaine de la santé au travail. Bien au contraire. Il est hors de
question de sortir du milieu de travail les infirmiers et infirmières.
Bien au contraire.
Vous avez cité le livre blanc. Vous auriez pu aussi prendre un
autre passage du livre blanc dans lequel on disait, sur la base
d'évaluation et de chiffres qui étaient à notre
disposition, qu'on évaluait à peu près à 600 le
nombre d'infirmières qui oeuvraient à plein temps dans le domaine
de la santé au travail et que, selon nous, il fallait, dans le cadre de
certaines hypothèses, il fallait aller vers quelque chose comme
un ordre de grandeur l'équivalent à temps plein de 1140.
Ce qui ne veut pas dire 1140 à temps plein. C'est forcément un
peu moins, mais c'est déjà quand même beaucoup plus. En
d'autres termes, il faut non seulement réduire, il faut augmenter. Il
faut assurer une meilleure présence encore dans les milieux de travail.
Donc, je ne vois pas qu'il y ait là équation automatique entre
des affirmations comme celle-là et l'intégration aux CH-DSC.
D'autre part, vous me permettrez, sans abuser, M. le Président,
du temps, de rappeler l'expérience de l'intégration des
infirmières en santé scolaire qui, initialement, étaient
à l'emploi des commissions scolaires et qui ont été
intégrées aux CH-DSC du territoire sans pour autant, que je
sache, que leur lieu de travail aujourd'hui ne soit plus l'école.
Ces infirmières sont toujours dans le milieu scolaire, sans pour
autant réduire le nombre. Bien au contraire. Je crois que vous savez
comme moi qu'effectivement le nombre d'infirmières dans le domaine
scolaire, depuis l'intégration au CH-DSC, a augmenté.
L'intégration s'est faite vous le savez suivant des
protocoles bien définis et acceptés par toutes les parties en
présence et qui respectaient une des choses que vous demandez et
je crois que c'est fondé l'autonomie professionnelle et les
droits acquis. Donc, j'aimerais vous entendre commenter de façon
additionnelle peut-être et essayer de me démontrer... Je veux bien
être très ouvert, mais j'avoue honnêtement je dois
dire franchement les choses comme je les perçois qu'après
analyse je ne suis pas convaincu de la démonstration que vous faites sur
ce plan.
Quant à l'encadrement professionnel, vous recommandez que le
travail ne soit évalué que par
les pairs et que vous soyez responsables à part entière de
l'exercice infirmier dans le milieu. Encore là, il me semble que rien,
dans le système hospitalier actuel, ne s'oppose à ces
recommandations. La direction des soins infirmiers d'un centre hospitalier
désigné pour accueillir un département de santé
communautaire demeure toujours responsable de l'évaluation de l'acte
infirmier, qu'il soit posé à l'intérieur des limites
géographiques du centre hospitalier ou dans un de ses points de service,
que je sache. Ni l'économie générale du projet de loi 17
ni la lettre ne viennent modifier cela. Il se peut cependant que cela suppose,
et on va le regarder de très près, certains ajustements on
l'a évoqué en cours de route à l'article 90
notamment; s'il le fallait, soyez assurés qu'on va le faire.
Voilà, M. le Président, les quelques commentaires et
questions que je voulais faire au point de départ.
Le Président (M. Marcoux): Y a-t-il des commentaires? Oui,
oui, allez-y.
Mme Painchaud: J'aimerais reprendre un peu les commentaires de M.
le ministre au sujet, par exemple, de l'incompréhension ou les
affirmations, peut-être, qu'on a apportées vis-à-vis de
l'aspect de l'intégration. En fait, nous avons fait des rencontres avec
pratiquement la très grande majorité des infirmières au
Québec à ce sujet. Enfin, c'est ce qui ressort de l'opinion de la
majorité des infirmières. Il est bien sûr qu'il y a un
changement qui s'amène. Il est bien sûr qu'il y a une
résistance qui peut se faire au changement, mais, derrière cela,
il y a aussi des raisons qui peuvent être très valables. Quand on
dit que l'infirmier ou l'infirmière est isolé, seul, il va
peut-être se rapprocher, mais il n'en demeure pas moins qu'à
l'intérieur du milieu où il ou elle travaille il n'y a pas
toujours un collègue à côté de lui. Il n'y a pas
toujours les personnes-ressources présentes. Cela a créé
cet aspect difficile quand on parle d'un CH-DSC qui est à des centaines
de milles. Cela crée cette espèce de besoin de s'accrocher
quelque part à quelque chose.
M. Marois: Je m'excuse de vous interrompre. Me permettriez-vous
une simple question? Je ne sais pas si vous avez le chiffre en main. Savez-vous
exactement combien il y a d'infirmières présentement dans des
entreprises? Savez-vous exactement le nombre présentement...
Mme Painchaud: D'infirmières... Oui. Dans les
entreprises.
M. Marois: ... d'infirmières qui sont dans des
entreprises, salariées d'entreprises?
Mme Painchaud: Salariées d'entreprises. On a un chiffre.
Selon le chiffre qu'on nous donne, 502 infirmières travailleraient dans
les entreprises, à la suite du rapport annuel de l'Ordre des
infirmières.
M. Marois: Mais cela ne veut pas nécessairement
dire...
Mme Painchaud: Ce chiffre nous a été
donné.
M. Marois: ... 502 qui sont en permanence dans les
entreprises.
Mme Painchaud: Actuellement, c'est ce qui est. En fait, cela peut
être aussi à temps partiel, mais est-ce à temps partiel
régulier ou à demi-temps? Non. Je ne peux pas préciser
là-dessus, mais la très grande majorité sont dans le
milieu, qu'on sache.
Qui va rémunérer l'infirmière? Je pense que
là n'est pas tellement le problème parmi le groupe. Ce n'est pas
une question de se faire payer par un ou par l'autre, ce n'est pas le
problème majeur; on en entend assez parler. L'infirmière voudrait
quand même être capable de faire le travail pour lequel elle est
habilitée, elle voudrait être en mesure de le faire et de le
remplir pleinement. Je pense que c'est l'aspect qui inquiète le plus les
infirmiers et les infirmières dans ce milieu. Je ne sais pas si je
réponds à... Cet aspect autonomie, évidemment, entre en
ligne de compte.
Je ne sais pas si un de mes collègues a quelque chose à
ajouter sur ce point.
Une Voix: Est-ce qu'il va fonctionner?
Le Président (M. Marcoux): II va fonctionner. Prenez le
voisin, à ce moment-là.
Mme Barbeau (Francine): J'aimerais répondre autant que
possible à la question posée, de par mon expérience. J'ai
déjà travaillé dans une usine où il y avait 100
employés. Je dois vous dire que j'étais pleinement
occupée. Pour répondre un peu aux soucis qu'ont les
infirmières, parce qu'il y en a plusieurs qui sont présentement
dans ces usines où il y a à peu près 100, 150
employés; on ne parle pas de la grosse entreprise, on va vous parler de
la moyenne entreprise. Selon ce qui est évoqué dans le projet de
loi, on pense que si vous voulez avoir 1140 infirmières avec le nombre
d'industries qui existent présentement, si vous voulez les toucher
toutes, on pense que nous qui sommes dans des industries de 650
employés, on sera sûrement appelés, à un moment
donné, de par notre expérience accrue parce qu'on en a
beaucoup, ici on relie, à nous quatre 60 années
d'expérience, ce n'est pas deux ans, c'est un ensemble vécu,
appris difficilement, pas dans les universités, mais dans le milieu de
travail...
Si cette mobilité que je voudrais essayer de vous expliquer,
c'est cela, si, par exemple, il y en a 1140 et qu'il y a on va mettre un
chiffre fictif parce que je ne sais pas combien il y a d'industries dans
mon département de santé communautaire Maisonneuve-Rosemont, il y
en a à peu près 1200, je suis appelée à être
déplacée, je suis appelée à aller dans une autre
industrie pour que ce soit couvert et qu'il y ait au moins le strict
minimum. Donc, je vais diminuer, dans mon milieu de travail où je
travaille depuis trois ans, où j'ai travaillé d'arrache-pied pour
qu'ils se prennent en main, pour qu'ils apprennent ce qu'est la santé du
travail... Qu'est-ce que c'est la santé, au départ? On a toujours
parlé de maladie, il est temps qu'on leur dise avant de leur
mettre leur santé entre les mains ce qu'est la santé, et
il faut être sur place pour cela, et il faut y rester même si le
ratio est bas.
Est-ce que vous avez les moyens? Est-ce que le ministère a les
moyens d'avoir des infirmières, beaucoup plus de 1140° J'aurais
pensé que vous auriez dit un chiffre comme 5000 ou à peu
près. Si ce n'est pas cela, on va être nécessairement
mobilisé dans différentes industries si on veut les couvrir
toutes. C'est la question que je vous pose. Je vous retourne donc la question.
Pourquoi 1140 infirmières? Pourquoi me dites-vous que je vais rester
dans mon milieu de travail s'il y a seulement 1140 infirmières en
santé du travail?
M. Marois: Vous le savez fort bien, vous avez sûrement pris
connaissance du livre blanc. L'hypothèse de l'équivalent à
temps plein de 1140 infirmières est fondée sur le fait que, bien
sûr, personne n'est le département des miracles, on ne l'est pas
non plus comme société, vous ne l'êtes pas plus. Vous
faites votre travail le plus convenablement possible, avec les moyens et les
conditions dont vous disposez. On ne peut pas arriver à changer toutes
les choses en deux jours, c'est certain; il y a un manque, de ce
côté-là, en nombre de personnes-ressources. Il est certain
qu'on ne passera pas de 600 à 1000 ou 1140 ou plus en deux jours, ni en
deux mois, ni en six mois, il faut mettre le temps et l'effort pour y arriver.
Il va falloir et c'était cela l'hypothèse retenue par le
livre blanc déterminer un certain nombre de secteurs
prioritaires. (18 h 30)
C'est évident, encore une fois, pour reprendre mon exemple, qu'on
ne va pas d'abord s'occuper de la grosse caisse populaire Saint-Alphonse
d'Youville de Montréal. Il y a des fonderies et il y a d'autres coins
où ça paraît plus prioritaire. C'est sur la base d'un
certain nombre d'hypothèses de priorités qui devront
éventuellement être examinées par la Commission
québécoise de la santé et sécurité au
travail qu'était venue l'hypothèse du 1140. Mais quelles que
soient les priorités établies, en d'autres termes, tout ne
pouvant pas être fait en même temps, quel que soit l'ordre des
priorités et étant entendu et compris ce que vous évoquez
quant à la question de mobilité, je veux bien, cela me
paraît une dimension qu'il ne faut pas négliger, vous avez
parfaitement raison de l'évoquer, quel est le lien direct ou
l'équation automatique entre ça? Je comprends parfaitement bien
le problème de l'intégration au CH-DSC.
Mme Gemme (Mariette): Vous me posez la question parce que vous ne
comprenez pas l'équation que nous avons faite. On a fait une
équation, parce qu'il n'était pas fait mention de nous nulle
part, à la base. Ce qui nous arrivait, cela importait peu. C'est une
équation qu'on a faite automatiquement, c'est certain. Mais d'un autre
côté, ce que je ne comprends pas, de vous, c'est pourquoi
voulez-vous nous sortir d'un milieu qui, présentement, fonctionne
très bien, où il y a des entreprises qui sont en avance de
plusieurs années sur n'importe quel projet de loi qui va sortir demain
matin, où on a quand même des possibilités accrues à
cause de...
Dans les multinationales, on a sûrement plus de
possibilités que dans les petites entreprises. Mais il reste que dans
les petites et moyennes entreprises qui n'ont absolument rien, où il y a
tout un système de soins à organiser à la base, je ne vois
pas pourquoi vous désirez venir démobiliser ou vous approprier,
je dirais, les services qui sont déjà établis et qui
fonctionnent bien. Nous n'avons rien contre les départements de
santé communautaire au point qu'ils sont essentiels dans le sens qu'on a
besoin de la planification, on a besoin du contrôle. Il y a
assurément des entreprises qui ont des services qui ne fonctionnent pas
bien et qui ne rendent pas les services qu'ils devraient rendre à leurs
employés, c'est-à-dire qu'il y a sûrement des lacunes,
c'est définitif.
Mais avec un système de planification et de contrôle, c'est
moins difficile de surveiller quelque chose qui est en marche et qui fonctionne
bien que de tout le restructurer à la base, parce que les bases sont
bien établies.
M. Marois: Au fond, si je comprends bien, votre inquiétude
majeure, c'est que vous pensez que le fait de l'intégration ou du
rattachement au CH-DSC aurait pour conséquence automatique, que ce soit
vous ou une autre, de vous sortir du lieu de travail où vous êtes
présentement pour vous voir affectées ailleurs ou vous voir
affectées à un certain nombre d'entreprises et le reste. Au fond,
c'est votre préoccupation.
Mme Gemme: Pas nécessairement.
M. Marois: C'est certainement un des éléments que
vous venez d'évoquer.
Mme Gemme: C'est aussi ça, mais ce n'est pas
nécessairement ça, dans le sens qu'on peut très bien
demeurer à l'intérieur d'une entreprise et être payé
par Pierre, Jean, Jacques. Ce n'est pas grave, ça, mais c'est dans le
sens où on entre dans une autre superstructure gouvernementale. Il ne
faut pas se cacher qu'il ne fonctionne pas, il ne fonctionne pas
présentement dans les hôpitaux, je ne peux pas le cacher, c'est
vrai. On a des problèmes, on a des coupures budgétaires au niveau
du MAS pour les infirmières qui ont des problèmes, il y a des
problèmes de services de base qui ne sont pas rendus. On a des
employés qui attendent pour recevoir des cures de réhabilitation
en alcoolisme. Les hôpitaux, présentement, font de la
désintoxication trois jours, n'importe quel médecin est capable
de désintoxiquer un patient pour trois jours. Mais la
réhabilita-
tion, ça prend des semaines. On a trois centres au Québec
présentement, avec le MAS.
En physiothérapie, c'est la même chose, on a des
problèmes dans le moment avec les services de base. Je considère
qu'il y a une amélioration importante à apporter à la
distribution des soins.
Le Président (M. Marcoux): Est-ce que vous voulez ajouter
quelque chose?
M. le député de Portneuf. (18 h 30)
M. Pagé: Merci, M. le Président. Je tiens à
vous remercier de la présentation de votre document. Vous constituez un
groupe qui avez une solide expérience dans le domaine de la santé
au travail. En quelque sorte, vous avez fait oeuvre, dans certains cas ou
encore dans certains secteurs de l'industrie et dans certaines entreprises, de
pionniers. Je comprends les inquiétudes que vous pouvez manifester
aujourd'hui à la commission parlementaire et particulièrement la
sensibilisation que vous voulez faire du ministre qui présente le projet
de loi. Je voudrais vous dire dès le départ qu'hier matin,
lorsque j'ai formulé, au nom de mon parti politique, au nom de
l'Opposition officielle, la déclaration sur nos considérations
à l'égard du projet de loi, nous avons affirmé que, quant
à nous, l'initiative dans l'action devait demeurer le plus possible au
sein de l'entreprise. C'est, entre autres, en s'appuyant sur des
éléments comme ceux de l'expérience que les travailleurs
du Québec ou qu'un certain nombre de travailleurs du Québec ont
pu bénéficier, dans les quelques établissements, parce que
malheureusement, ils ne sont pas nombreux, ils sont quand même
limités les établissements où il y avait les
départements, des secteurs ou des services de santé bien
organisés avec les médecins, les infirmières et tout
cela.
Vous êtes affectés par la réforme, par la loi 17. Ce
que je perçois, et là vous pourrez me corriger, c'est que, somme
toute, vous demandez au gouvernement de pouvoir continuer à intervenir
dans vos milieux de travail respectifs. Je vous comprends. Ici je voudrais
sensibiliser le ministre aux problèmes que vous pouvez rencontrer et je
voudrais le faire en dehors de tout aspect politique de la question, mais
strictement comme parlementaire. J'ai été à même de
constater personnellement le travail effectué par certains des membres
de votre association dans les entreprises de mon comté. Et je vais vous
dire, M. le ministre, que quand je vous disais tout à l'heure que ce
sont des membres de cette association qui ont fait oeuvre de pionniers, il faut
quand même constater que dans plusieurs établissements, plusieurs
industries du Québec, le premier contact entre le travailleur et un
service de santé, c'est l'infirmière de l'entreprise. Il s'est
dégagé par les années entre l'infirmière d'une
entreprise donnée et les travailleurs un contact tel et un suivi tel sur
l'état de santé de ces travailleurs et de leurs dossiers que bien
souvent l'infirmière est peut-être la personne la plus
qualifiée ou la plus en mesure de donner un conseil ou une constatation
sur non seulement l'état de santé d'un patient, mais aussi sur
les conditions psychosociales dans lesquelles il évolue et les
problèmes que ce bonhomme peut rencontrer et les dangers auxquels il
peut être soumis, etc.
J'ai la conviction profonde, par l'expérience que j'en ai eue,
que ces femmes, parce que ce sont en majorité des femmes, ont fait un
travail positif, ont fait un travail concluant. Je serais curieux de poser la
question à savoir jusqu'où cela peut déborder le cadre du
travail, parce que moi j'ai vu des infirmières de l'industrie rendre
service non seulement aux travailleurs, mais à la famille aussi parce
que, bien souvent, le gars se permettait d'aller voir son infirmière le
matin pour dire: Le "boy" chez nous faisait 100° de fièvre hier,
etc., quand par surcroît il n'était pas capable de rejoindre un
médecin. Le problème que vous rencontrez et la mise en garde que
vous faites, vous dites: Peu importe par qui on sera payé, on veut
demeurer au sein de l'entreprise. J'en conviens. Quant à moi, je suis
d'accord avec vous. J'espère que le ministre pourra tout au moins
réétudier tout cela, compte tenu du nombre d'infirmières
qui pourront être éventuellement embauchées.
La crainte que vous avez de l'intégration dans les
départements de santé communautaire, je crois, moi, qu'elle est
fondée. Je peux me tromper. Je crois qu'elle est fondée. Le
ministre a donné l'exemple de l'intégration des
infirmières en milieu scolaire. Tant mieux s'il n'y a pas eu de
problème là-bas. Mais qu'on regarde l'intégration des
professionnels des unités sanitaires avec les départements de
santé communautaire, il y a des secteurs où il y a eu des
problèmes. Si je comprends bien ce que vous craignez, c'est que
l'intégration au département de santé communautaire pourra
impliquer, dans un ordre bien particulier qui vous touche, les questions de
statuts, d'expérience, les questions d'intégration par rapport
à des droits acquis, par rapport à d'autres infirmières
dans le CH du département de santé communautaire.
Il y aura des problèmes d'ajustement. Il y aura des gens qui
perdront. Il y aura des gens qui bénéficieront, mais il y aura
certainement des gens qui perdront strictement sur les conditions de travail.
Il y a aussi un tout autre aspect. Ce que je semble percevoir des craintes que
vous manifestez, c'est que vous n'aurez pas la certitude... même si
l'infirmière de l'entreprise X dans le comté de Portneuf est
intégrée au département de santé communautaire du
CHUL à Laval, moi je n'ai pas l'impression que le département de
santé communautaire pourra garantir à cette infirmière,
qui a quand même une expérience de 15 ans dans l'entreprise type,
le secteur des pâtes et papiers, par exemple, à la Building
Products à Pont-Rouge, qu'elle pourra y rester. Elle pourra être
membre d'une équipe volante qui pourra faire le tour dans la
région de Québec en contact avec des travailleurs qui
évoluent dans un secteur pour lequel elle n'a pas nécessairement
le bagage de connaissances et les 15 années qu'elle a passées
dans
l'entreprise et le contact ne sera certainement pas aussi
immédiat par un travail dans une telle équipe volante qui passera
peut-être deux jours dans une entreprise et un après-midi dans une
autre entreprise, etc., que cela pouvait l'être
antérieurement.
Hier matin, j'ai insisté et, hier soir, j'ai bien dit et je suis
convaincu qu'il y a des choses positives qui ont été faites dans
le domaine de la santé, de la sécurité et de la
prévention au Québec. Il y a des problèmes. On en
convient. S'il n'y avait pas de problèmes, on ne serait pas ici pour en
discuter. Tous sont unanimes à constater qu'il y a 200 morts par
année, 208 000 accidents, 6500 nouveaux dossiers ouverts à la
Commission des accidents du travail. Cela n'a pas d'allure. Cela n'a pas de bon
sens et on a l'obligation comme collectivité, comme le gouvernement a
l'obligation comme gouvernement, de s'asseoir autour de la table et tenter de
régler le problème. Mais il ne faut pas pour cela repousser du
revers de la main, mettre de côté tout ce qui s'est fait dans le
passé, tout le capital humain qui a été investi pendant de
nombreuses années avec des objectifs et des priorités bien
établies.
Je conclus là-dessus. Je suis heureux de votre mémoire. Je
suis satisfait des requêtes que vous formulez aujourd'hui, des demandes
de considération sur certains aspects que vous adressez au
ministère, au gouvernement particulièrement. Je m'associe aux
représentations que vous formulez et je demande au ministre de tenter de
regarder cet aspect, de regarder vos requêtes pas seulement en termes
d'une structure. Vous savez, c'est toujours l'idéal, la structure et
cela va toujours bien sur papier, cela va toujours bien lorsqu'on est assis
ici, comme cela va toujours bien au dixième étage du bureau du
ministère des Affaires sociales.
Ce sera la même chose à la Commission de la santé et
de la sécurité du travail. Il y aura des gens qui y
évolueront avec des programmes et de beaux organigrammes. Tout va aller
pour le mieux dans le meilleur des mondes. Mais on constate c'est un des
avantages en politique bien souvent que les organigrammes
préparés par nos fonctionnaires bourrés de bonnes
intentions, de bonnes expériences et tout cela, que cela ne se
matérialise pas, que cela ne se concrétise pas toujours par des
résultats positifs dans le milieu. Je vous dis bien respectueusement, M.
le ministre, qu'il y avait du bon travail qui se faisait dans les entreprises.
Entre autres, l'association des infirmières qui comparaît
aujourd'hui a eu l'occasion d'être intimement liée à ce bon
travail. Elle l'a démontré. J'ose croire que vous prendrez en
considération la requête qu'elle vous a formulée
aujourd'hui. Merci.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Beauharnois.
M. Lavigne: M. le Président, tout d'abord, il me fait
plaisir d'accueillir ici à la commission parlementaire une personne de
mon comté, Mlle
Louise Thibault, qui a su rendre vivante la lecture du mémoire,
mémoire qui, à mon avis, est étoffé, a
été pensé par vous qui vivez le problème de la
réforme qu'amène la loi 17. C'est bien humain d'essayer
d'évaluer ou de considérer une situation à partir du poste
qu'on occupe au moment d'une réforme. C'est tout à fait normal
que vous ayez écrit ce mémoire, que vous manifestiez des
inquiétudes. Nous, comme membres d'un gouvernement qui constate
finalement qu'il y a une lacune au niveau de la santé et de la
sécurité dans le monde de l'industrie au Québec, on se
fait un devoir... parce que je pense qu'on est consciencieux comme
parlementaires. (18 h 45)
Si on avait laissé la situation telle qu'elle était sans
apporter de changements, je pense qu'on n'aurait pas bien fait notre travail.
Donc, on se devait d'apporter des changements au niveau de la santé et
de la sécurité au travail à l'ensemble des usines du
Québec, tout en sachant qu'au moment où on prépare ce
projet de loi il y a du travail qui a été fait dans certaines
usines, du travail que vous avez fait, d'ailleurs. Je suis prêt à
reconnaître ce que M. le député de Portneuf disait,
à savoir que tout ce que vous avez fait, on ne le rejette pas du revers
de la main. Ce n'est pas parce qu'on s'en vient avec un nouveau projet de loi,
le projet de loi no 17, que cela neutralise, que cela vous fait croire qu'on ne
considère pas le travail que vous avez fait et le rôle important
que vous avez joué dans certaines industries, dans certaines usines.
Mais c'est encore trop peu quand on regarde l'ensemble des usines du
Québec; il y a trop peu d'usines organisées. On essaie, par le
projet de loi qu'on étudie présentement, d'organiser un plus
grand nombre d'usines au Québec de façon plus
adéquate.
Bien sûr, on va essayer de viser la perfection, mais on sait
d'avance qu'on ne l'atteindra pas. Je pense que le projet de loi qu'on
étudie présentement va nécessiter des spécialistes
de tout ordre dans le monde du travail, au niveau des médecins, au
niveau des techniciens, au niveau des diététiciennes, au niveau
du service de "nursing". Je pense que votre travail n'est pas en péril;
au contraire, on va avoir besoin de la banque déjà existante de
personnes spécialisées et je suis sûr que cette banque est
trop minime, à mon avis. On aura même besoin de faire en sorte que
d'autres personnes aillent se spécialiser et je pense que
l'expérience que vous avez, ayant vécu dans le monde de
l'industrie, est une expérience qui est chère pour les gens du
gouvernement et qu'on aura besoin d'aller se ressourcer chez vous à un
moment donné.
Je ne pense pas qu'il faille voir cela j'essaie de me mettre dans
votre peau d'une façon négative, mais il faut voir cela
d'une façon positive et rassurante pour vous. J'ai l'impression qu'on va
vous arracher, à un moment donné, parce qu'on aura besoin de vos
services. Comme vous le disiez vous-mêmes, que vous soyez payées
par l'entreprise privée ou par le gouvernement, je pense que
cela importe peu. L'important, c'est qu'on reconnaisse le travail que
vous ferez et qu'on puisse être en mesure de vous donner un salaire qui
conviendra au travail effectué.
Les personnes qui désireront rester dans l'entreprise
privée, demeurer à l'emploi d'un patron, qui, lui, voudra bien
payer les services d'une infirmière, le projet de loi n'enlève
pas cela. C'est exactement ce que je disais hier aux médecins qui
travaillent déjà dans des usines. Le projet de loi
n'empêche pas les propriétaires d'usine de se payer les services
d'un médecin, de se payer les services d'un avocat, d'un notaire ou d'un
comptable, pas plus que cela n'empêche de se payer les services d'une
infirmière. Par contre, on veut structurer un service global pour
l'ensemble de la province et c'est dans ce sens que le projet de loi no 17
travaille.
J'ai bien senti l'inquiétude que vous manifestez à travers
votre mémoire, mais je pense qu'il ne faut s'inquiéter au point
où vous le mentionnez. Je ne vois pas pour quelle raison on mettrait de
côté un personnel qualifié, un personnel
d'expérience et qu'on vous rejetterait du revers de la main ou qu'on
vous oublierait dans l'organisation de ce nouveau service que mettra de l'avant
le projet de loi 17.
Ce sont les quelques remarques que j'avais à faire.
J'espère que cela pourra vous rassurer. Dans tout l'imbroglio qu'on
connaît dans la mise en oeuvre par un service public d'un service comme
celui-là, j'espère que ce ne sera pas trop lourd d'administration
et que les chattes n'y perdront pas leurs petits, comme on est porté
à le croire assez souvent. J'espère qu'on aura assez d'ordre dans
notre paperasse pour que tout le monde y trouve sa part, son travail, son
salaire, puisse établir des contacts et donner les informations
pertinentes au moment opportun. C'étaient les quelques mots que je
voulais mentionner, M. le Président.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Laviolette.
M. Jolivet: Suite à l'intervention du député
de...
Le Président (M. Marcoux): Pardon! Vous voulez ajouter un
commentaire?
Mme Gemme: Je remercie le député de nous avoir
rassurées et d'avoir fait en sorte que nous nous sentions aussi
désirées, mais j'aimerais bien vous faire comprendre que nous ne
sommes pas inquiètes pour les postes que nous occupons. J'aimerais, par
contre, vous poser une question: Qu'est-ce qui vous inquiète, vous, que
nous demeurions, nous, où nous sommes? A ce moment-là, si on
intègre une partie de l'équipe de santé au travail, on
devrait peut-être aussi commencer à considérer
l'intégration des agents de sécurité, peut-être
aussi les hygiénistes, le recrutement au personnel, parce qu'en fait ils
font partie de l'équipe de santé au travail.
Depuis que j'assiste à cette commission, tout le monde parle de
la santé au travail et de l'équipe multidisciplinaire. J'aimerais
bien qu'on s'entende, qu'une équipe de santé au travail,
ça se fait dans le milieu du travail, avec les travailleurs, avec les
surveillants, les contremaîtres, avec les agents de
sécurité, les hygiénistes. C'est avec eux que nous
travaillons. Je pense que l'étroite collaboration que nous avons
présentement, c'est parce que nous faisons partie intégrante de
cette équipe, nous sommes tous au même titre. Que vous
décidiez demain matin qu'on soit payée la moitié par le
syndicat, la moitié par le gouvernement ou par quelqu'un d'autre, ce
n'est pas important. On aura plus de salaire, 1/3, 1/3, 1/3; ce n'est pas grave
la rémunération. Mais la crédibilité et la
confiance qui nous sont accordées, autant du côté des
employeurs, c'est bien important à comprendre ici, parce que les dessous
de la couverture, souvent, ce ne sont pas les inspecteurs. Les inspecteurs vont
venir inspecter, on le sait trois mois à l'avance qu'ils vont venir
inspecter, tout est beau chez nous. Mais les dessous de la couverture, quand
les problèmes se posent, c'est nous qui le savons, parce que nous sommes
informées directement, parce que nous pouvons nous rendre
immédiatement sur les lieux.
Si nous sommes, je m'aime pas employer le terme, peut-être un peu
considérées comme des étrangères ou même des
rapporteurs officiels, c'est quand même une crainte qui peut être
vue des employeurs. On a à travailler avec ces bon-hommes aussi, comme
on a à travailler avec les syndiqués. A ce moment-là,
comment pensez-vous qu'on va pouvoir recevoir toute l'information que nous
avons présentement et qui nous aide à avancer
énormément dans notre travail?
Moi, quand j'ai des protocoles à établir ou des
problèmes, un réservoir à déverser, des choses
comme ça, j'ai des tests à prendre immédiatement, c'est
certain qu'au CRT, ils vont trouver quelque chose sur mes employés, des
augmentations de benzène, tout ce que vous voudrez. Je vais leur envoyer
les résultats et ils vont me dire: Vous aviez un problème
effectivement, on va le corriger. Mais à ce moment-là, ce qui
peut très bien arriver, parce qu'en fin de compte, il faut le savoir, il
faut faire les analyses et il faut être au courant, que quand ça
se produit, il faut être là pour faire les examens, il faut voir
quelle est l'exposition des employés.
Tous les dessous de cette couverture, on est au courant, parce que nous
sommes près d'eux. Quand il y a un problème de mutation avec un
employeur, il faut penser que le projet... je perd mes mots, comme pour
la femme enceinte de retrait préventif, le retrait
préventif est pratiqué, je ne dirais pas dans plusieurs mais dans
certaines entreprises depuis un bon nombre d'années, assurément,
non pas seulement au point de vue des maladies professionnelles, c'est ce que
j'aimerais vous faire comprendre, mais au point de vue des maladies
personnelles. Un cardiaque qui est opéré pour un pontage et qui
doit revenir à des chiffres de 12 heures ne pourra pas reprendre son
travail.
On va faire tout notre possible pour le muter à un poste connexe
et il pourra continuer à gagner sa vie raisonnablement, avec le moins de
baisse de salaire possible.
Les baisses de salaire sont selon les politiques des compagnies. Si le
gouvernement désire légiférer à ce sujet, ça
va être bienvenu pour les infirmières, parce qu'on va avoir moins
de problèmes dans les mutations de poste. Il reste que c'est du travail
étroit que l'on fait avec les gérants de service, à savoir
est-ce qu'on a un travail temporaire pour tel employé ou si on a du
travail à faire faire à un moment donné, et ils disent:
Sur la liste de tes employés, est-ce que tu penses qu'on pourrait avoir
un employé pour faire telle chose. Justement, un tel revient, il est en
réhabilitation, on va le placer là pour une période de six
mois, pour faire sa réhabilitation.
Il faut penser que les entreprises, si vous légiférez sur
la santé et la sécurité au travail, pour les maladies
professionnelles, les accidents de travail, c'est bien beau ça. Nous, on
est bien conscientes de l'autre entité qui comprend les maladies
personnelles, les problèmes biopsycho-sociaux... A ce moment-là
en fait, on a besoin de l'appui de l'entreprise parce que c'est beau de
légiférer sur la femme enceinte, sur les bonshommes qui souffrent
de saturnisme, de benzénis-rne, etc., mais il reste qu'il y a d'autres
handicaps qui ne sont pas reliés directement au travail, dans le cadre
de la Loi des accidents du travail anciennement, ou qui demandent une
étroite collaboration de l'entreprise.
A ce moment, je ne veux pas parler pour les employeurs parce que d'un
autre côté je ne suis pas ici pour les défendre, mais je
sais très bien que lorsqu'on fait des lois qui impliquent
énormément de sous, je ne vois pas pourquoi, ni vous ni moi, je
pense, irions en mettre encore plus que ce que la loi demande. Vous allez me
dire: Pourquoi? Ils n'en mettront sûrement pas moins.
Définitivement pas; mais je crois, par exemple, que tout ce qui reste
stable a des chances de devenir stagnant. C'est une dimension qu'il est
important de réaliser parce qu'il reste qu'un employeur qui embauche un
employé de 18 ans, demande qu'il soit en santé. Je pense que ce
sont les obligations des employeurs de le conserver en santé
jusqu'à la retraite. Vous serez d'accord avec moi.
A ce moment, pourquoi est-ce qu'il ne serait pas directement
impliqué avec les coûts que l'entreprise..., avec les risques
inhérents à l'entreprise dans le sens que les risques pour une
entreprise pétrochimique sont probablement plus importants que pour une
entreprise de boîtes de carton. Ce sera à eux de défrayer
tout ce qui peut être connexe aux maladies, aux accidents industriels
autant au point de vue des maladies psychiatriques, alcoolisme, drogue, etc.
Ceux qui pensent qu'on y perdrait et je ne vois pas pourquoi le gouvernement...
Vous pensez que nous avons peut d'être intégrés, mais
pourquoi est-ce que vous avez peur de nous laisser où nous sommes? C'est
une question que je me pose.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Laviolette.
M. Jolivet: C'est à mon tour de prendre la parole. J'ai
essayé de m'insérer dans la discussion amorcée par mon
collègue. En tenant compte de tout ce que vous venez de dire, je me
demande si on a vu à la lecture la même chose dans le projet de
loi. Peut-être que je me trompe. Peut-être que j'ai une impression
qui n'est pas la vôtre, mais je vous donne un exemple qui est dans le
préemploi. Il n'y a rien qui empêcherait l'équipe de
déterminer des critères qui font qu'une personne ne peut pas,
même avant d'être employée, occuper tel emploi parce
qu'à cause de sa propre santé, cela serait dangereux pour elle
à cause de sa santé. Donc, à ce niveau, je pense qu'il y a
énormément à faire. D'un autre côté, quand
vous dites que le fait d'être intégré aux CH-DSC vous
enlèverait ce que vous faites actuellement comme travail. Je dois vous
dire que j'ai vécu comme responsable syndical pas mal de protocoles
d'intégration. Il y a des choses dont vous faites mention qui pourraient
peut-être être négociables et discutables dans le sens
où on dit: II y a des gens qui ont travaillé dans le passé
dans le milieu du travail. Il y a des possibilités et je pense
qu'à ce niveau le ministre pourra peut-être y ajouter, mais on est
assez large d'esprit qu'on puisse avoir des protocoles où on
examinerait de quelle façon là où déjà,
parce que nous on ne pense pas seulement à ce qui est en place, mais
à ce qui devrait être en place...
Si on regarde ce qui est en place, bravo! Je pense qu'il n'y a personne
qui va dire qu'il n'y a pas quelque chose de fait qui a été
positif. Mais d'un autre côté, il y a énormément
à faire, aussi, ailleurs et c'est de trouver le juste milieu entre le
travail que vous faites et le travail qu'on devrait au niveau des entreprises
où il n'y a rien actuellement en termes de services, au niveau des
entreprises où déjà il y a une amorce et au niveau des
entreprises où il y a déjà plus qu'une amorce. Dans ce
contexte, il n'y a rien qui empêcherait, parce qu'on a dit que la
commission serait amenée à faire progressivement l'application de
la loi d'abord dans des grosses industries, deuxièmement, même
dans des petites et moyennes industries où déjà les
risques sont inhérents au travail et sont connus comme étant des
choses qu'il faut corriger au plus vite, il reste qu'il y a possibilité,
je pense, de protéger ce que vous dites en termes de santé au
milieu du travail et ce que l'on devra ajouter.
Mais ce pourquoi je voulais intervenir, c'était justement sur une
de vos interventions de tout à l'heure lorsque vous disiez qu'avec la
MAS on a des problèmes dans des milieux qui s'appellent les centres de
désintoxication et les centres de réhabilitation parce qu'il y a
un manque de personnel, il y a un manque de ressources, il y a un manque de ci.
C'est évident, il en manquera toujours. (19 heures)
Mais une chose est certaine, et c'est la question que je voudrais vous
relancer, si le MAS n'avait pas permis l'établissement d'au moins ceux
qui sont là, qui l'aurait fait? Probablement personne. Je ne pense pas
que les compagnies auraient fait des centres de réhabilitation pour les
gens qui en ont besoin. Je ne pense pas que les compagnies auraient fait des
centres de désintoxication pour les gens qui étaient en boisson,
drogués ou des choses semblables. Je ne pense pas qu'on se serait
préoccupé de cela. C'étaient quand même des sous
à mettre et c'est l'ensemble de la population, par les impôts, qui
l'a fait. C'est sûr qu'il manquera toujours, dans des milieux comme
ceux-là, des gens, du personnel, mais s'il n'y en avait pas, qu'est-ce
qu'on aurait? On n'aurait probablement rien, et entre le pire et le moins pire,
on va essayer de chercher ce qui est encore un peu mieux.
Le Président (M. Marcoux): Oui, allez-y.
Mme Painchaud: Je veux simplement vous dire que les choses
s'améliorent beaucoup; il y a de petits bijoux de programmes sur les
toxicomanies, alcoolisme, dans certaines industries, dont l'initiative est due
à des infirmières, et qui ont mis des employés en charge
avec la direction. Il y a des choses merveilleuses qui se font actuellement
à l'intérieur d'entreprises, comme d'autres programmes...
M. Jolivet: Cependant, je vous parlerai de personnes...
Mme Painchaud: Par contre, on comprend très bien que ce
n'est pas partout et tout cela, mais on est entièrement d'accord avec ce
que vous dites. C'est sûr. On dit qu'il y a des besoins et il faut se
dépêcher de combler ces besoins. C'est sûr.
M. Jolivet: On vous donnera nous aussi des exemples de gens qui
sont venus à notre bureau et qui ont été
congédiés par un employeur parce que le seul moyen que
l'employeur a trouvé pour se débarrasser de quelqu'un qui avait
des problèmes d'alcool, c'est de le mettre à la porte. C'est une
personne de 54 ans. On a des exemples comme cela. Nous, ce qu'on essaie de
faire, comme gouvernement, c'est d'amener peut-être l'ensemble de la
population à se sensibiliser, les départements de santé
communautaire à faire un travail pour lequel ils sont habilités,
mais à l'avancer davantage dans le milieu du travail. Pour ce que vous
avez fait, bravo, mais il faut aller encore plus loin.
Le Président (M. Marcoux): Y a-t-il quelque chose à
ajouter?
Mme Gemme: De toute façon, j'attends encore la
réponse à ma question qui est l'inverse de ce que vous me
proposez, mais il reste que pour ce que vous disiez tout à l'heure,
j'aimerais vous répondre sur l'accessibilité aux soins de base.
On sait qu'il y a un problème. En créer d'autres serait aussi une
solution très valable. Ce que je pourrais vous dire, c'est qu'il y a
plusieurs entreprises qui ont présentement forcé les compagnies
d'assurances à couvrir les frais de désintoxication en clinique
privée et qui fonctionnent à merveille également. Ce sont
les entreprises toujours qui vont payer des six semaines de temps de maladie
pour faire désintoxiquer ou réhabiliter, je dirais, parce que le
terme est plus juste, ces employés dans ce sens-là. Ce qui se
fait à la base est quand même bien important, mais il reste que
les besoins de base ne sont toujours pas là. Ils devraient aussi
être élargis.
M. Jolivet: II y a une petite affaire que je voudrais accrocher.
Vous dites que les compagnies paient des six semaines de congé de
maladie à l'intérieur des assurances. Il ne faut pas oublier que
comme employés, c'est une partie de notre salaire, ces avantages
sociaux. Si je l'ai en avantages sociaux, je ne l'ai pas en salaire.
Mme Gemme: Je suis bien d'accord.
M. Jolivet: Ce que je veux dire, c'est cela. Il ne faut pas dire
qu'à ce niveau-là c'est quelque chose que la compagnie paie,
parce que si elle ne le payait pas là, elle le paierait en salaires.
Mme Gemme: Oui, d'accord.
M. Lavigne: Si vous me le permettez, cela va être
très court. Pour répondre à votre question... Vous semblez
insatisfaite du fait que vous n'avez pas eu la réponse. Actuellement,
bien sûr, il y a des entreprises qui se paient un service de
médecin ou de "nursing". Ces entreprises sont, comparativement à
d'autres qui ne s'en paient pas, favorisées. A partir du moment
où le gouvernement veut donner ou étendre ce service à
l'ensemble des usines du Québec à partir des fonds publics, on ne
peut pas permettre à certaines usines d'être bien
organisées, de se promener en Cadillac sur le plan des services
médicaux pendant que d'autres usines vont se promener à pied.
Donc, c'est cela, l'intégration des services comme les vôtres au
réseau public. On n'aura pas le droit, à partir du moment
où cela se paie avec l'ensemble des deniers de la population, de donner
plus à certains qu'à d'autres, mais on veut étendre au
moins à un minimum de services parce que là, vous vivez une
expérience là où vous travaillez. Là où vous
travaillez, c'est bien sûr que vous avez des cas concrets à nous
donner comme quoi c'est fantastique.
On me parlait d'un bijou de programme. On me parlait du travail que vous
aviez fait. Je vous le concède et je suis sûr que dans ces
entreprises, probablement que vous avez fait un travail fantastique. Nous,
là où on pense, là où on veut apporter un
correctif, on sait qu'il y a beaucoup d'usines, beaucoup trop où ils ne
l'ont pas du tout le service. On veut leur en donner au moins un
minimum. D'année en année, par des budgets accrus, on
essaiera d'augmenter et, avec l'expérience d'un personnel, avec des
programmes encore mieux travaillés, encore mieux planifiés,
d'année en année, on arrivera à avoir un service de
santé et de sécurité au travail dans l'ensemble des usines
au Québec ou dans l'ensemble des milieux du travail au Québec.
Mais cela prend quelque chose pour amorcer cela et c'est pourquoi on a le
projet de loi no 17. On veut au moins amorcer quelque chose dans ce sens, parce
que si toutes les usines du Québec avaient le service que vous avez, que
vous donnez vous autres dans vos usines, on n'aurait pas pensé à
instaurer le projet de loi no 17. C'est parce qu'on connaît trop d'usines
où il n'y a aucun service, où il y a des lacunes sur le plan de
la détection des maladies au niveau du service médical à
l'intérieur de l'usine et on veut en donner au moins un minimum, avec
des budgets qu'on votera au Conseil du trésor, au Conseil des
ministres.
Il faut partir avec quelque chose. C'est difficile à
répondre.
Mme Gemme: II y a des entreprises qui n'en ont pas de services,
je suis d'accord qu'il faut leur en fournir. D'un autre côté, si
vous légiférez dans le sens que la moyenne entreprise on
va dire un chiffre approximatif, 150 à 200 employés doit
se doter d'un service de santé sur place qui soit défrayé
par l'entreprise en tout cas, vous en déciderez, mais, à
ce moment, vous augmentez automatiquement, il faut que ce soit payé par
l'entreprise parce que c'est sa responsabilité. Que cela soit toujours
surveillé, contrôlé par les départements de
santé communautaire, qu'on fasse de beaux grands rapports et qu'on fasse
enquête et tout cela, les portes sont toujours grandes ouvertes, mais que
vous vous attardiez où il n'y a vraiment pas de possibilités
c'est certain que les stations de "pompage" et les gens dans
l'agriculture, etc., ils n'en auront jamais de budgets pour avoir un service de
santé. Il faudrait qu'ils se regroupent, ce serait exorbitant, mais que
ce soit centralisé, je suis tout à fait d'accord. Nous sommes
tout à fait d'accord. C'est essentiel.
Je trouve qu'il serait aussi bien que les moyennes entreprises se dotent
et qu'elles défraient les services de santé. A ce moment, le
trésor public cela lui coûterait pas mal moins cher. Ce sont eux
qui sont responsables de la santé de leurs employés. Pourquoi ne
paieraient-ils pas pour les services à leur donner? Je parle des
infirmières. Je voudrais être bien comprise. Je ne défends
la position de personne. Je parle des infirmières.
M. Marois: Je voudrais, au nom de tous mes collègues
membres de cette commission, vous remercier infiniment d'être venus ici.
Je pense bien que vous avez dû vous rendre compte c'est rare, parce
qu'on a convenu ensemble d'une banque de temps qu'on essaie de respecter autant
que possible avec chacun des groupes par le temps largement
débordé sur ce qui était conve- nu, qu'il y a là un
intérêt plus que réel. Bien sûr, votre mémoire
contenait plusieurs recommandations. J'ai eu l'occasion d'en commenter
quelques-unes, vous indiquer que certaines d'entre elles, on allait les
regarder très attentivement. Je voudrais aussi vous remercier en
particulier sur un point. Je dois vous dire qu'en échangeant des
commentaires très rapidement autour de la table, vous défendez
drôlement bien votre point de vue. Vous devez comprendre, et je pense que
vous le comprenez fort bien, que les questions très serrées qu'on
vous a posées, je pense qu'on vous a poussée jusqu'au bout de
votre logique. L'objectif, en tout cas, en ce qui me concerne, je pense que
c'était aussi l'objectif que se donnaient mes collègues, c'est
qu'on voulait vraiment aller au fond du baril avec vous autres pour être
certains qu'on comprenait parfaitement bien notre point de vue.
Il y a un certain nombre de choses qui ressortent, me semble-t-il, de
votre point de vue clairement, que vous mettez sur la table et soyez
assurées qu'on va regarder cela de très près. En
particulier, j'ai cru comprendre la crainte d'un nivellement pour
élargir et s'assurer qu'il y ait un service de base minimum dans des
coins où il n'y en a même pas, en sachant très bien que
tout ne se fera pas en deux jours. C'est sûr. Pour ceux qui n'en ont pas
et qui auraient droit, vous craignez le nivellement par le bas et cela, ce
n'est certainement pas un objectif qu'on peut se donner, d'une part.
Deuxièmement, je comprends aussi que vous craignez d'être
sortis individuellement du milieu où vous vous trouvez
présentement, où vous faites un travail qui est valable, pour
être mis sur des équipes et être ballotés d'un coin
à l'autre. J'ai compris que le problème ne se pose pas, de votre
point de vue, en termes de savoir par qui vous serez payés, fonds
privés ou fonds publics, il y a toujours moyen d'arriver à mettre
quelque chose au point qui soit convenable. Si j'utilisais un bon mot du jargon
québécois, ce n'est certainement pas notre intention de
"dérinecher" ce qui fonctionne comme du monde, certainement pas.
Par ailleurs, il n'en reste pas moins qu'il y a des choses qui doivent
changer. On a comme société une responsabilité et un
effort colossal à faire, du rattrapage à faire. Forcément,
cela implique des changements et des ajustements. Soyez assurés que moi,
en tout cas et je suis certain que c'est le cas aussi de mes
collègues il y a des fois où cela arrive, en politique,
qu'on réussisse, Dieu merci, à se situer à un autre niveau
que celui uniquement de petite partisanerie, à être capable de
fouiller les problèmes à fond ensemble, à travailler pour
essayer de trouver les formules qui soient les meilleures possibles.
Soyez assurés qu'on va y réfléchir très
attentivement, parce que vous nous avez mis sur la table beaucoup de
matière à réflexion. Merci.
Le Président (M. Marcoux): Pour le mot de la fin.
M. Painchaud: J'aimerais remercier M. le ministre. Notre
première intervention étant qu'on
n'a pas été consultés, est-ce qu'on doit comprendre
qu'on pourrait être consultés dans l'avenir? Je parle au niveau du
gouvernement.
M. Marois: Je pense que c'est déjà un bon
amendement aujourd'hui, vous en conviendrez avec moi.
Mme Painchaud: C'est déjà un bon consentement. De
toute façon, je peux vous laisser savoir que, même si nous sommes
avec des organismes privés, il y a des sociétés d'Etat,
actuellement, qui nous consultent pour les aider à organiser les
services. Cela nous fait grandement plaisir de le faire, même si on est
payé par notre employeur.
Le Président (M. Marcoux): Vous avez vraiment le mot de la
fin et vous ne cessez pas d'enfoncer le clou, comme on pourrait dire, alors je
vous remercie au nom de tous les membres de la commission. Bien entendu, vous
avez constaté que vous aviez suscité un très grand
intérêt.
La commission ajourne ses travaux à demain, 10 heures.
Fin de la séance à 19 h 13
ANNEXE A
Mémoire présenté à la
Commission parlementaire
du travail et de la main-d'oeuvre
relativement au projet de loi 17
(Loi sur la santé et la sécurité
du travail)
Fédération des médecins
omnipraticiens du Québec
Septembre 1979 Introduction
Le projet de loi instaure un régime de santé et de
sécurité au travail fondé sur la participation active et
volontaire du milieu de travail avec la collaboration d'agents de soutien et
autres intervenants.
La Fédération des médecins omnipraticiens du
Québec est consciente de l'opportunité et de l'importance de ce
projet de loi pour promouvoir, protéger et maintenir la santé
physique et mentale de l'homme et de la femme au travail.
Elle est aussi consciente du rôle important qu'exerce
l'omnipraticien pour préserver et maintenir la santé des
travailleurs.
En tant que médecin personnel d'un individu, il doit non
seulement lui prodiguer les soins que requiert son état, mais surtout en
surveiller la santé en tenant compte des antécédents
héréditaires et personnels, du milieu social, familial et de
travail.
De plus, sa formation médicale, maintenue à jour et
adaptée aux différentes nouveautés médicales et aux
propriétés sociales, par ses activités en formation
continue, le rend apte à participer activement à
l'élaboration, à l'application, à la surveillance et
à l'évaluation des programmes de santé destinés
à des groupes de travailleurs.
C'est en tenant compte de cette fonction de l'omnipraticien en
médecine du travail et du double rôle qu'il peut y exercer en tant
que responsable de la surveillance de l'état de santé d'un
individu et collaborateur essentiel à la réalisation du programme
de santé, que la F.M.O.Q. organise, depuis quelques années, des
programmes de formation continue sur la santé au travail.
La médecine du travail se préoccupe de la surveillance de
l'état de santé du travailleur, de l'identification et de
l'évaluation des risques pour la santé physique et mentale que
suscite le milieu de travail, et de la connaissance des potentialités
individuelles en fonction de l'exigence des tâches à
accomplir.
Où cette réalité de la médecine du travail
se retrouve-t-elle dans le projet de loi? Dans les quelques
éléments que reproduit le projet et surtout, la
Fédération ose l'espérer, dans le contenu des programmes
cadres et dans les programmes spécifiques de santé au travail que
le projet de loi confie aux services de santé.
La médecine du travail a un objet spécifique, certes, mais
non pas un objet distinct de celui de la médecine
générale. Elle n'est qu'un aspect particulier de la
médecine préventive et curative. Elle est, par rapport à
la médecine générale, ce qu'est la qualité de
travailleur par rapport à celle de citoyen à part
entière.
Aussi le régime de la santé au travail ne saurait-il
être étranger au régime de soins généraux ni
constituer un régime parallèle. Le projet de loi l'a compris,
puisqu'il considère les services rendus en
vertu du projet comme des services assurés au sens de la Loi de
l'assurance-maladie et qu'il permet qu'une entente conclue en vertu de cette
dernière loi puisse régir les relations entre les médecins
et le gouvernement. Mais l'a-t-il assez bien compris, lui qui
privilégie, par contre, certains niveaux de soins et qui fixe
d'autorité le mode de rémunération des médecins qui
oeuvrent dans l'entreprise? Nous étudierons plus loin les
défaillances du projet de loi à ce chapitre.
La Fédération exprime sa satisfaction quant à
l'à-propos du projet de loi. Elle formule toutefois des réserves
quant à son contenu. D'une part, elle s'abstient d'exprimer quelque
opinion que ce soit sur les matières d'intérêt non
médical qui en font l'objet, ne marquant par là ni son
approbation ni sa désapprobation quant aux positions prises par le
projet de loi. D'autre part, relativement aux matières médicales,
elle a souvent plus de questions à poser que de réponses ou de
suggestions à apporter, par le fait même que le texte du projet
renferme beaucoup d'ambiguïtés. La Fédération se
réserve la possibilité de soulever, en commission parlementaire,
les questions appropriées afin de décider, en connaissance de
cause, de l'attitude qu'elle doit adopter.
Finalement, en ce qui concerne les matières médicales que
le projet de loi décrit avec plus de précision, la
Fédération soumet, dans le présent mémoire, les
modifications qu'elle estime nécessaires à son
amélioration.
1.00
Le cabinet privé: un autre centre
local de dispensation des services de santé
1.01 Le projet de loi prévoit que les services de santé
destinés aux travailleurs sont fournis dans un centre hospitalier
(C.H.), un centre local de services communautaires (C.L.S.C), un centre
autonome d'entreprise ou centre interentreprise (article 86, premier
alinéa). Exceptionnellement, un cabinet privé peut devenir un
centre de dispensation de services "lorsque cela s'avère
nécessaire à cause de la non-disponibilité des autres
locaux" (article 86, second alinéa). 1.02 C'est une erreur
sérieuse que commet le projet de loi en reléguant au niveau de la
situation d'exception le cabinet privé du médecin. Il faut
éviter, comme le soulignait le projet du Livre blanc d'avril 1978, de
mettre sur pied des "services de santé parallèles" qui ne
tiennent pas compte de "l'organisation actuelle des services de santé du
Québec". 1.03 La Fédération invoque ici quelques-unes des
raisons qui militent en faveur de l'utilisation du cabinet privé comme
lieu de dispensation des services de santé au travail: a)
L'accessibilité physique: le nombre de cabinets privés
répartis sur le territoire est plus élevé que celui de
tous les autres centres de services réunis. D'une manière
générale, il est souhaitable de limiter les pertes de temps
qu'engendrent les distances et les attentes. Pour ces raisons, le cabinet
privé est le plus accessible des points de dispensation de services de
santé. b) La compétence professionnelle: de nombreux
médecins exerçant en cabinet privé ont
développé une très haute compétence en
médecine industrielle ou occupationnelle, bref, en médecine du
travail. Ces médecins sont aptes à remplir un rôle
d'envergure dans leurs cabinets privés ou les polycliniques. Ce serait
gaspiller des ressources matérielles et humaines disponibles que de
passer outre aux services que ces cabinets ou polycliniques peuvent offrir. c)
L'intégrité professionnelle: dans les cas où un
médecin traitant exerçant en cabinet privé peut se doubler
d'un médecin du travail, l'intégration professionnelle de ses
connaissances de l'état de santé général de son
patient avec celles, plus spécifiques, des exigences de santé au
travail pour son patient, sera bénéfique et au patient et au
travailleur. Cette intégration permet de réaliser la
médecine globale, celle qui fait la synthèse de la personne. d)
Le cabinet privé est déjà le centre
privilégié de la dispensation de soins préventifs
personnalisés. L'offre de services de santé au travail, dans un
tel centre, sera une adjonction naturelle enrichie de l'expérience
acquise dans le domaine de la prévention. e) La médecine du
travail ne peut se dissocier véritablement de la médecine en
général. La première complète la seconde. En
conséquence, la structure des services de santé au travail ne
doit pas être disjointe de la structure des services de soins. f) Le
cabinet privé est doté d'une structure administrative souple et
efficace que n'alourdit pas la bureaucratie. Une telle structure favorise la
communication entre le médecin et le travailleur. 1.04 Pour ces motifs,
la Fédération propose que le cabinet privé soit
considéré comme un autre centre de dispensation de services de
santé au travail, à l'égal d'un C.H., d'un C.L.S.C.
ou d'un service d'établissement.
Le cabinet privé est appelé à remplir ce rôle
à la demande du chef du département de santé communautaire
ou d'un médecin responsable ou d'un travailleur. Dans ce dernier cas, le
cabinet privé fournirait les services relatifs à la surveillance
de l'état de santé du travailleur, en conformité avec les
exigences d'un programme de santé au travail. Toutes les données
médicales pertinentes seraient transmises au chef du département
de santé communautaire. 1.05 Pour donner effet à ces objectifs,
la Fédération recommande que le projet de loi soit modifié
de la manière suivante:
RECOMMANDATION 1.CHAPITRE III, Section I Droits généraux
AJOUTER L'ARTICLE SUIVANT:
Le travailleur a droit de s'adresser au médecin de son choix pour
obtenir des services relatifs à la surveillance de son état de
santé, y compris l'examen médical d'embauche et les examens
périodiques prescrits par règlement, dans le cadre des programmes
de santé au travail.
RECOMMANDATION 2.CHAPITRE VIII, Section II
REMPLACER L'ARTICLE 86 PAR LE SUIVANT:
Les services de santé pour les travailleurs d'un
établissement sont fournis dans un centre hospitalier, un centre local
de services communautaires, un cabinet privé, au sens de la Loi sur les
services de santé et les services sociaux, ou dans rétablissement
lui-même.
RECOMMANDATION 3.CHAPITRE VIII. Section V
REMPLACER LE PARAGRAPHE 1 DE L'ARTICLE 100 PAR LE SUIVANT: 1. Voir
à l'application, dans la région, des programmes cadres et des
programmes spécifiques de santé au travail, en collaboration avec
les médecins responsables. A ces fins, retenir les services des
médecins responsables et des autres médecins, à
l'exception de ceux qui choisissent de fournir dans leurs cabinets
privés des services relatifs à la surveillance de l'état
de santé des travailleurs, à leur seule demande, dans le cadre de
programmes de santé au travail.
RECOMMANDATION 4.CHAPrTRE VIII. Section V
AJOUTER, APRES L'ARTICLE 101, L'ARTICLE SUIVANT: Un médecin qui
fournit dans un cabinet privé, à la demande d'un travailleur, des
services relatifs à la surveillance de l'état de santé de
ce dernier, dans le cadre de programmes de santé au travail, doit
transmettre au chef du département de santé communautaire, au
moyen d'un formulaire approprié, les données médicales qui
en résultent.
2.00
Organisation régionale et locale
des services de santé au travail
2.01 NIVEAU REGIONAL: le C.H.-D.S.C.
Au niveau régional, le projet de loi confie les services de
santé au C.H.-D.S.C. (département de santé communautaire).
A cette fin, le projet de loi permet de désigner des C.H.-D.S.C. en
supplément de ceux que prévoit déjà la Loi sur les
services de santé et les services sociaux. Ainsi, le plan d'organisation
d'un centre hospitalier désigné en vertu du projet de loi devra
inclure un département de santé communautaire (article 252). La
Fédération est d'accord avec ces objectifs. 2.02 Le lien
fonctionnel des médecins qui oeuvrent dans les services de santé
au travail d'une région s'établit avec le service de santé
au travail du C.H.-D.S.C. de cette région. Le projet de loi admet
implicitement cette proposition. Ce qui apparaît moins clairement dans le
projet de loi, ce sont les articulations de ce lien fonctionnel avec les divers
services de santé au travail. 2.03 De l'avis de la
Fédération, un service de médecine du travail, faisant
partie du département de santé communautaire, doit être
prévu au niveau d'un C.H.-D.S.C.
A cette fin, la Fédération recommande que le projet de loi
soit modifié comme suit:
RECOMMANDATION 5.CHAPrTRE XVI
MODIFIER L'ARTICLE 252 EN AJOUTANT LE SECOND ALINEA SUIVANT: Un
département de santé communautaire doit comprendre un service de
médecine du travail.
2.04 Ce service de médecine du travail réunira
manifestement tous les médecins qui exercent en médecine du
travail au C.H.-D.S.C.
A cette fin, la Loi sur les services de santé et les services
sociaux doit subir une dérogation qui permette au chef du
département de santé communautaire de collaborer avec le conseil
des médecins et dentistes du C.H-D.S.C. pour l'étude de la
candidature de ces médecins et l'attribution de leurs privilèges.
Aussi, la Fédération recommande-t-elle que le projet de loi soit
modifié comme suit:
RECOMMANDATION 6.CHAPITRE VIII. Section V
REMPLACER LE PARAGRAPHE 2 DE L'ARTICLE 100 PAR LE SUIVANT: Collaborer
avec le comité d'examen des titres du conseil des médecins et
dentistes et avec le conseil d'administration du centre hospitalier
désigné... pour l'étude des candidatures des
médecins désirant exercer la médecine du travail dans le
service de médecine du travail du département de santé
communautaire, conformément à la présente loi et ses
règlements, et à la Loi sur les services de santé et les
services sociaux. 2.05 Toutefois, la Fédération est d'avis que le
concept de service de médecine du travail d'un C.H.-D.S.C. doit
être élargi pour assurer la participation et la concertation de
tous les médecins de la région dont les services ont
été retenus par le chef du département de santé
communautaire, dans le cadre des programmes de santé au travail.
Pour que ces médecins puissent fournir une participation valide
au service de médecine du travail, sans détenir de nomination ni
être membres du conseil des médecins et dentistes, le projet de
loi doit déroger pour autant à la Loi sur les services de
santé et les services sociaux. C'est pourquoi la
Fédération recommande que le projet de loi soit modifié
comme suit:
RECOMMANDATION 7. CHAPITRE VIII. Section V
AJOUTER, APRÈS L'ARTICLE 101, L'ARTICLE SUIVANT: Les
médecins responsables ainsi que les autres médecins dont les
services ont été retenus par le chef du département de
santé communautaire, dans le cadre de programmes de santé au
travail, participent de plein droit au service de médecine du travail du
département de santé communautaire. 2.06 Au niveau local, doit
circuler l'information que diffusera le chef du département de
santé communautaire en rapport avec les médecins en exercice.
Ainsi, les syndicats, les travailleurs, les employeurs et les comités de
santé et de sécurité doivent savoir quels médecins
sont en mesure d'être choisis comme médecins responsables et quels
sont les médecins responsables qui oeuvrent dans la région.
La Fédération recommande que le projet de loi soit
modifié comme suit:
RECOMMANDATION 8. CHAPITRE VIII. Section V
MODIFIER L'ARTICLE 101, EN REMPLAÇANT DANS LA CINQUIÈME
LIGNE, LES MOTS QUI SE TROUVENT APRÈS LE MOT "TERRITOIRE", PAR LES MOTS
SUIVANTS: ... les résultats des activités au niveau des services
de santé ainsi qu'une liste maintenue à jour des médecins
agréés et des médecins responsables.
3.00
L'agrément au médecin
responsable
3.01 Le projet de loi dispose explicitement qu'un médecin "ne
peut être nommé responsable des services de santé au
travail d'un établissement (entreprise) que s'il a été
agréé aux fins de la médecine du travail par le centre
hospitalier dont le département de santé communautaire fournit
ces services" (article 87). 3.02 Le projet de loi introduit une nouvelle
notion, soit celle de l'"agrément" donné au médecin
responsable. La Fédération est d'avis que le projet de loi
devrait préciser cette notion et clarifier ses implications.
A cette fin, la Fédération recommande que le projet de loi
soit modifié comme suit:
RECOMMANDATION 9. CHAPITRE I. DÉFINITIONS
AJOUTER LE PARAGRAPHE SUIVANT: "agrément": autorisation d'agir
comme médecin responsable dans un ou plusieurs établissements
d'une région, conférée sur demande à un
médecin, par le chef du département de santé
communautaire. Cette autorisation se substitue à une nomination en vertu
de la Loi sur les services de santé et les services sociaux, et elle
dispense le médecin agréé d'appartenir au conseil des
médecins et dentistes du centre hospitalier désigné et
d'assumer les obligations qui peuvent résulter de cette appartenance.
3.03 L'agrément en effet, permet une souplesse que n'offre pas la
nomination. Les obligations professionnelles et administratives qui
découlent de cette dernière sont incompatibles avec les exigences
inhérentes au domaine du travail. Toutefois, la Fédération
est d'avis que l'agrément doit correspondre à des normes
professionnelles pré-établies. A cette fin, elle recommande que
le projet de loi soit modifié comme suit:
RECOMMANDATION 10. CHAPITRE VIII. Section V
REMPLACER LE PARAGRAPHE 2 DE L'ARTICLE 100 PAR LE PARAGRAPHE SUIVANT: 2.
Collaborer avec le comité d'examen des titres du conseil des
médecins et dentistes et avec le conseil d'administration du centre
hospitalier désigné pour l'établissement des normes
professionnelles applicables à l'agrément donné à
un médecin responsable et pour l'étude des candidatures des
médecins désirant exercer la médecine du travail dans le
service de médecine du travail du département de santé
communautaire, conformément à la présente loi et ses
règlements, et à la Loi sur les services de santé et les
services sociaux. 3.04 La Fédération a déjà
laissé entendre que le médecin responsable participait de plein
droit au service de médecine du travail du département de
santé communautaire. Ainsi sera-t-il adéquatement encadré
sur le plan administratif. 3.05 L'agrément, une fois
conféré, a un durée indéfinie. Mais il peut
être révoqué par le chef du département de
santé communautaire.
Le projet de loi protège, par un appel, un médecin qui a
fait l'objet d'un refus d'agrément. De façon inexplicable, il est
silencieux quand il s'agit de protéger un médecin pour qui
l'agrément est révoqué.
La Fédération est d'avis qu'une même protection doit
être accordée au médecin, qu'il s'agisse d'un refus ou
d'une révocation d'agrément.
Aussi, recommande-t-elle que le projet de loi soit modifié comme
suit:
RECOMMANDATION 11. CHAPITRE VIII. Section II
REMPLACER LE SECOND ALINÉA DE L'ARTICLE 91 PAR LE SUIVANT: De
même, un médecin qui n'a pas été agréé
ou pour qui l'agrément a été révoqué par le
chef du département de santé communautaire, peut interjeter appel
de la décision devant la Commission des affaires sociales. 3.06 Quelles
normes de protection s'appliquent en appel?
L'article 92 du projet de loi suggère certains critères
d'appréciation qui sont, en somme laissés à la
discrétion de la Commission.
La Fédération estime cette protection inadéquate.
Aussi recommande-t-elle que le projet de loi soit modifie comme suit:
RECOMMANDATION 12. CHAPITRE VIII. Section II
REMPLACER LE SECOND ALINÉA DE L'ARTICLE 92 PAR LE SUIVANT: La
Commission des affaires sociales ne se prononce contre le médecin que
pour une cause juste et suffisante, compte tenu, selon le cas, de la
qualification du médecin, de sa compétence scientifique, de son
comportement, de son observance des règlements et, plus
particulièrement, de son expérience pertinente dans le domaine de
la médecine du travail.
4.00
Le licenciement du médecin
d'établissement (entreprise)
4.01 L'article 91 du projet de loi dispose que les personnes suivantes
sont habilitées à demander qu'un médecin responsable soit
démis de ses fonctions:
A) Les représentants des travailleurs au comité de
santé et de sécurité.
B) Les représentants de l'employeur au comité de
santé et de sécurité.
C) Le comité de santé et de sécurité, ou,
s'il n'y a pas de comité:
A) L'association accréditée.
B) L'employeur. ou, s'il n'y a pas d'association
accréditée:
A) Un travailleur.
B) L'employeur. 4.02 La Fédération est d'avis que,
lorsqu'un comité de santé et de sécurité existe,
seul le comité qui a choisi le médecin peut
être habilité à demander sa destitution. De la sorte, la
Fédération veut éviter que le médecin soit la
victime de cabale ou de conflit intérieur. Pour exercer ses fonctions de
façon impartiale, le médecin a besoin d'une garantie de relative
stabilité. 4.03 S'il n'y a pas de comité de santé et de
sécurité, mais s'il existe une association
accréditée, la Fédération est d'accord pour que
l'association accréditée ou l'employeur puisse exercer le recours
en destitution. 4.04. S'il n'y a ni comité de santé et de
sécurité, ni association accréditée, au moins
trente-cinq pour cent (35%) des travailleurs de rétablissement doivent
se regrouper pour demander la destitution du médecin responsable.
L'employeur peut aussi en faire la demande. 4.05 La Fédération
recommande donc que le projet de loi soit modifié comme suit:
RECOMMANDATION 13. CHAPITRE VIII. Section II
REMPLACER LE PREMIER ALINÉA DE L'ARTICLE 91 PAR LE SUIVANT: Le
comité de santé et de sécurité ou, s'il n'y a pas
de comité, l'association accréditée ou l'employeur, ou,
s'il n'y a pas d'association accréditée, au moins trente-cinq
pour cent (35%) des travailleurs de l'établissement ou l'employeur,
peuvent adresser une requête à la Commission des affaires sociales
aux fins de démettre de ses fonctions auprès d'un
établissement le médecin qui y est responsable des services de
santé. 4.06 Quelles normes de protection s'appliquent à la
requête en destitution? La Fédération est d'avis qu'une
cause juste et suffisante constitue le seul critère adéquat.
Aussi, recomrnande-t-elle que le second alinéa de l'article 92 du projet
de loi soit modifié en conséquence, comme elle l'a
déjà suggéré au paragraphe 3.06 du présent
mémoire.
RECOMMANDATION 14. CHAPITRE VIII. Section II
REMPLACER LE SECOND ALINÉA DE L'ARTICLE 92 PAR LE SUIVANT: La
Commission des affaires sociales ne se prononce contre le médecin que
pour une cause juste et suffisante, compte tenu, selon le cas, de la
qualification du médecin, de sa compétence scientifique, de son
comportement scientifique, de son comportement, de son observance des
règlements et, plus particulièrement, de son expérience
pertinente dans le domaine de la médecine du travail.
5.00
L'intégrité de l'entente
5.01 Le projet de loi prescrit qu'une entente conclue en vertu de
l'article 15 de la Loi de l'assurance-maladie s'applique au régime de
santé et de sécurité du travail. D'ailleurs, les services
fournis dans le cadre du nouveau régime seront considérés
comme assurés en vertu de la Loi de l'assurance-maladie (articles 85 et
251). 5.02 Une telle entente qui intervient entre le ministre des Affaires
sociales et la Fédération, en vertu de la Loi de
l'assurance-maladie, lie tous les médecins ainsi que les
établissements (C.H., C.H.-D.S.C, C.L.S.C., etc.) qui y sont
désignés. Elle a pour objets la participation des médecins
aux régimes, les normes afférentes à la
rémunération des médecins ainsi que les conditions
d'exercice de leur profession dans le cadre de ces régimes. L'entente
présentement en vigueur dispose que: "Aucune entente individuelle
portant sur l'un des objets de l'entente ne peut intervenir entre un
médecin et soit le Ministre, la Régie ou un établissement.
Une telle entente individuelle est nulle de plein droit."
D'autre part, l'entente présentement en vigueur fixe les modes de
rémunération des médecins selon les divers niveaux de
soins, y compris celui de la santé communautaire.
5.03 Le projet de loi prévoit, par ailleurs, qu'un médecin
responsable doit conclure avec un centre hospitalier "un contrat de service
dont le contenu est conforme au règlement" (article 87). Cette
disposition du projet de loi n'est pas nécessaire puisqu'une entente
conclue en vertu de l'article 15 de la Loi de l'assurance-maladie lie à
la fois le médecin et l'établissement. De plus, cette disposition
déjà superflue est nuisible parce qu'elle va à l'encontre
de l'entente, laquelle proscrit expressément "toute entente
individuelle".
La Fédération propose donc que la dernière phrase
de l'article 87 du projet soit enlevée. L'entente en vertu de la Loi de
l'assurance-maladie pourvoira aux relations qui doivent exister entre le
médecin responsable et le centre hospitalier. 5.04 Le projet de loi
dispose aussi qu'un médecin qui oeuvre dans un établissement
(entreprise) sera rémunéré selon le mode du salariat ou de
la vacation (article 85). La rémunération proviendra de la
Régie de l'assurance-maladie.
Or, une entente conclue en vertu de l'article 15de la Loi de
l'assurance-maladie lie à la fois tout médecin et la
Régie. Elle a également pour objet d'établir le mode de
rémunération des médecins. Il devient également
superflu et même nuisible de maintenir cette disposition dans le projet
de loi. L'entente y pourvoira adéquatement. 5.05, Si le projet de loi
maintenait ces dispositions des articles 85 et 87, l'intégrité de
l'entente en vertu de la Loi de l'assurance-maladie serait sérieusement
menacée. La Fédération ne peut tolérer, en effet,
que cette entente puisse être tronquée par le gouvernement et
qu'un processus de législation se substitue au régime de
négociation. Surtout quand il s'agit d'objets auxquels l'entente peut
amplement et facilement pourvoir. La Fédération recommande donc
que le projet de loi soit modifié comme suit:
RECOMMANDATION 15.CHAPITRE VIII. Section I
REMPLACER L'ARTICLE 85 PAR LE SUIVANT:
Le médecin responsable des services de santé dans un
établissement, de même que les autres médecins qui
fournissent des services dans le cadre des programmes de santé au
travail, sont rémunérés par la Régie de
l'assurance-maladie du Québec, conformément aux ententes conclues
en vertu de l'article 15 de la Loi de l'assurance-maladie. La
Fédération recommande que le projet de loi soit modifié
comme suit:
RECOMMANDATION 16.CHAPITRE VIII. Section II
REMPLACER L'ARTICLE 87 PAR LE SUIVANT:
Un médecin ne peut être choisi ou désigné
comme responsable des services de santé d'un établissement que
s'il a été agréé aux fins de la médecine du
travail par le chef du département de santé communautaire duquel
relève cet établissement.
6.00
Le certificat médical relatif au
retrait préventif de la travailleuse enceinte
6.01 L'article 32 du projet de loi prévoit qu'une travailleuse
enceinte peut demander une affectation à d'autres tâches. A
défaut de l'obtenir, elle peut quitter préventivement son
travail. L'article dispose qu'à l'appui de sa demande, la travailleuse
enceinte doit produire un certificat médical "attestant que les
conditions de son travail comportent des dangers physiques pour l'enfant
à naître ou, à cause de son état de grossesse, pour
elle-même..." 6.02 Le médecin traitant connaît les
conditions de travail de sa patiente par le rapport que celle-ci lui en donne.
Toutefois, le médecin ne peut pas toujours se rendre compte des risques
inhérents à l'emploi de sa patiente sans les vérifier
personnellement. Or, le projet de loi ne lui fournit pas les moyens
adéquats d'acquérir une connaissance complète de ces
risques. 6.03 La Fédération est d'avis que le projet de loi
présume trop de la connaissance qu'a le médecin de toutes les
conditions de travail de la travailleuse enceinte. Elle propose que le
médecin décrive dans le certificat les conditions de travail dont
sa patiente l'informe.
C'est pourquoi, la Fédération recommande que le projet de
loi soit modifié comme suit:
RECOMMANDATION 17. CHAPITRE III. Section I
REMPLACER LE PREMIER ALINÉA DE L'ARTICLE 32 PAR LE SUIVANT: Une
travailleuse enceinte qui travaille dans un établissement et qui fournit
à l'employeur un certificat médical attestant que les conditions
de travail qui y
sont décrites comportent des dangers physiques pour l'enfant
à naître ou, à cause de son état de grossesse, pour
elle-même, peut demander d'être affectée à des
tâches ne comportant pas de tels dangers jusqu'au moment de
bénéficier d'un congé de maternité en vertu de la
Loi sur les normes de travail.
ANNEXE B
Mémoire présenté à la
commission parlementaire de la main d'oeuvre et du travail
sur le projet de loi sur la snté et la
sécurité au travail par la Corporation professionnelle des
médecins du Québec
Augustin Roy, M.D. Président-Secrétaire
général
Montréal, Août 1979
Introduction
La Corporation professionnelle des médecins du Québec a
rédigé depuis ces dernières années de nombreux
mémoires sur différents projets de loi. Le présent
mémoire sur le projet de loi sur la santé et la
sécurité au travail nous est apparu le plus difficile à
élaborer parce qu'il faut deviner sa portée, certaines
composantes nécessaires du système étant passées
sous silence, d'autres devant être établies par règlement
une fois la loi adoptée.
Nous aurions voulu faire une critique positive et constructive du projet
de loi; nous avons dû nous limiter à poser les questions
auxquelles le projet de loi ne répond pas.
Même si la santé et la sécurité au travail
relèvent très souvent d'une équipe composée de
différents professionnels, nous nous limiterons dans ce mémoire
aux aspects qui concernent la médecine et le médecin.
La C.P.M.Q. * a déjà fait au ministre d'Etat au
développement social, après la publication de son Livre blanc sur
la santé et la sécurité au travail, des recommandations
concernant les services de santé au travail qui se résument comme
suit:
Pour éviter que la médecine du travail devienne une
médecine parallèle; Pour assurer l'autonomie et
l'indépendance du médecin et des autres professionnels et de
façon générale du service de santé au travail;
Pour assurer que la médecine du travail soit dépendante de
ses pairs;
Pour permettre une plus grande intégration de la médecine
du travail à l'ensemble de la pratique médicale, il est
suggéré: 1. de créer l'obligation pour tout milieu de
travail où il y a plus de 10 employés de recourir à un
service de santé au travail. 2. d'introduire dans la loi une section sur
le service de santé et sécurité au travail et que cette
section: a) comprenne une définition du service de santé et
sécurité au travail telle qu'elle apparaît dans le Livre
blanc; b) décrive l'organisation clinique des services de santé
et sécurité au travail et amende la loi sur les services de
santé et les services sociaux de façon à créer
l'obligation d'établir dans certains hôpitaux un
département clinique de médecine du travail et ainsi relier la
médecine du travail à l'organisation clinique de l'ensemble de la
médecine; c) contienne des dispositions de façon à rendre
confidentiels les dossiers des services de santé et
sécurité au travail; d) contienne des dispositions relatives aux
droits et obligations du service de santé à l'égard de
l'employé, l'employeur et le syndicat; e) contienne des dispositions
relatives aux droits et obligations de l'employé à l'égard
du service de santé; f) contienne des dispositions relatives aux droits
et obligations de l'employeur à l'égard du service de
santé; *C.P.M.Q.: Corporation professionnelle des médecins du
Québec
g) contienne des dispositions relatives aux droits et obligations du
syndicat à l'égard du service de santé, et qu'ainsi, par
ces diverses dispositions on cerne l'autonomie du médecin et du service
de santé au travail. 3. de nommer au sein de la Commission de
santé et sécurité au travail un médecin
représentant les services de santé et sécurité des
milieux de travail, ou d'établir un Conseil consultatif médical,
ou tout au moins d'établir un mécanisme de coordination entre la
Commission de santé et sécurité au travail, les
professionnels de la santé et des autres organismes de santé.
La C.P.M.Q. a reconnu dans le projet de loi certaines de ses
recommandations et apprécie que les concepteurs du projet de loi les
aient retenues. Nous croyons que les autres recommandations devraient aussi
être retenues pour améliorer les services de santé
proposés.
Cette position de la C.P.M.Q. démontre son intérêt
et son appui à toute législation bien structurée sur la
santé et la sécurité des travailleurs.
Dans ce mémoire, nous regroupons nos commentaires sous sept
chapitres.
Nous exprimons en premier lieu notre réticence quant au fait que
la loi ne précise guère son champ d'application et laisse
plusieurs inconnues au pouvoir réglementaire.
Nous nous interrogeons dans le deuxième chapitre sur
l'utilité et la nécessité qu'il y a de créer une
structure de distribution de services de santé en marge de celle
existante et sans, au surplus, introduire entre ces deux structures des liens
qui assurent l'application efficace de ce qui est proposé.
Dans les trois chapitres qui suivent, nous nous interrogeons sur
certaines dispositions du projet de loi qui affectent le libre choix du
médecin, qui restreignent l'exercice de la médecine et qui
n'assurent pas le caractère confidentiel des informations
médicales.
Dans un autre chapitre, la C.P.M.Q. énumère les
différents éléments du système de santé et
sécurité au travail que le projet de loi veut mettre en place et
qui permettent à la C.P.M.Q. d'appréhender l'établissement
d'un réseau parallèle de distribution de soins.
Suit un chapitre de commentaires divers.
A titre de conclusion, nous recommandons que le projet de loi se
rapproche davantage du Livre blanc sur la santé et la
sécurité au travail en ce qui concerne la définition des
services de santé au travail.
1. Etendue du champ l'application de la loi A.
Deux inconnues du projet de loi
Deux inconnues nous empêchent de mesurer la portée exacte
du projet de loi et d'apprécier d'une façon concrète son
impact sur la distribution des services médicaux.
La première inconnue a trait aux milieux de travail auxquels la
loi devra s'appliquer, c'est-à-dire aux "établissements".
La seconde inconnue a trait à l'étendue que doit prendre
l'expression "services de santé" dans le contexte du projet de loi. 1.
Première inconnue: Les "établissements" visés a) Le choix
peu heureux du mot "établissement"
A titre préliminaire nous exprimons notre complet
désaccord à propos de l'emploi du mot "établissement".
Nous sommes conscients que la Loi des établissements industriels
et commerciaux, remplacée par le présent projet de loi (art.
219), utilise le terme "établissement" depuis longtemps; cependant elle
l'utilise en le qualifiant des adjectifs "industriel" ou "commercial".
Il y a huit ans le législateur a forcé l'implantation du
mot "établissement" auprès de centaines de milliers de
travailleurs et de professionnels du domaine de la santé et
auprès de la population en général.
Alors que les secousses causées par ces efforts d'implantation ne
sont pas encore éteintes, voici que le projet de loi propose à
nouveau ce même mot pour désigner une réalité
complètement différente et infiniment plus étendue,
c'est-à-dire pour désigner à peu près tout milieu
de travail. Nous n'avons aucun doute sur le pouvoir du législateur de
désigner les choses par les termes que sa fantaisie lui fait choisir.
Nous sommes certains toutefois qu'il n'exercera pas sa puissance au
mépris du bon sens et qu'il évitera de plonger tout le monde dans
l'imbroglio par l'emploi dans deux lois connexes d'une même expression
pour désigner deux réalités différentes auxquelles
il faut référer très fréquemment. Nous
suggérons qu'on emploie tout simplement les mots "milieu de travail" au
lieu du mot "établissement".
b) La définition d"'établissement"
Le projet relie l'existence d'un certain nombre de droits et
d'obligations au fait qu'on se trouve dans un "établissement" ou qu'on
ne s'y trouve pas. Il est donc bien important de savoir ce que l'on entend par
"établissement".
La définition du mot "établissement", au paragraphe 14 de
l'article 1, réfère aux milieux organisés "en vue de la
production de biens ou de services". Ces mots ne nous semblent pas inclure les
entreprises de distribution de biens ou de services. Ils ne semblent
référer qu'à ce que, dans la loi actuelle (L.Q. 1964 c.
150), on désigne par "établissement industriel" par opposition
à "établissement commercial". Ce paragraphe 14 de l'article 1
a-t-il pour effet d'exclure du champ d'application de la loi toutes les
entreprises de distribution? Ou de créer une dichotomie auprès
des entreprises mixtes de production et de distribution? Nous ne comprendrions
pas la logique de cette distinction, si vraiment on a voulu la faire car un tes
grand nombre de dispositions du projet devraient s'appliquer aux
établissements commerciaux: songeons par exemple aux obligations
générales faites aux employeurs et aux employés (art. 38
et 40). Aussi, croyons-nous qu'il s'agit d'une inadvertance. c) Pouvoirs
réglementaires discrétionnaires de la Commission de la
santé et de la sécurité au travail.
Les définitions données aux mots "travailleur",
"employeur", "établissement" son tellement vastes (sous réserve
du commentaire ci-dessus) que la majorité des personnes qui travaillent
sont visées par la loi. Or il est évident qu'il serait utopique
et inutile d'imposer dans tous les milieux de travail l'appareil de droits et
d'obligations créé par le projet de loi et d'y mettre en place
l'ensemble des structures qu'il a inventées. Personne ne verra
très bien par exemple pourquoi un agent d'assurance qui emploi une
secrétaire serait obligé de mettre en application un programme de
prévention (art. 47) ou, d'utiliser, contrôler et éliminer
les risques pouvant affecter la santé et la sécurité de sa
secrétaire (art. 40 par. 6°), ni pourquoi un "médecin
responsable" serait nommé pour elle (art. 88). Aussi comprenons-nous
très bien qu'on ait autorisé la Commission à limiter la
portée de la loi par voie réglementaire. En effet, d'après
l'article 185, la Commission peut: "9° déterminer, en fonction des
catégories d'établissements les cas où des services de
santé doivent être fournis aux travailleurs..."; "35° exempter
de l'application de la présente loi, ou de certaines de ses
dispositions, des catégories de personnes, de travailleurs,
d'employeurs, de lieux de travail, d'établissements ou de chantiers de
construction". Reste que la Commission n'est pas obligée de faire tel
règlement, (quoiqu'il y ait ici ambiguïté: en effet,
l'article 185 emploie l'expression "peut" mais l'article 187 permet au
Gouvernement de forcer l'adoption d'un tel règlement).
Malgré la connaissance des critères
énumérés à l'article 185, par. 1°
(activités exercées, nombre d'employés ou fréquence
et gravité d'accidents ou de maladies), que la Commission devra
respecter dans l'exercice de son pouvoir réglementaire, il est
difficile, voire impossible, présentement de mesurer la portée
concrète du projet de loi en dehors des grandes entreprises
industrielles. Nous nous permettons de présumer que les grandes
entreprises seront à peu près sûrement soumises au projet
de loi. Le paragraphe 9 de l'article 185 crée en plus un autre
problème ou une autre difficulté d'interprétation. Cet
article veut-il dire que la Commission pourra établir les
catégories de maladies pour lesquelles des services de santé
doivent être fournis, ou plutôt, qu'elle pourra décider
à quelles catégories de travailleurs ils doivent être
fournis? Il appartiendra donc à la Commission de limiter par voie de
règlement la portée de la loi c'est-à-dire de retirer
à certaines catégories de travailleurs les droits que le projet
de loi leur accorde dans un premier temps. Ce pouvoir, en plus de nous
empêcher de mesurer la portée concrète du projet de loi et
d'apprécier son impact sur la distribution des services médicaux,
nous paraît trop discrétionnaire.
La C.P.M.Q. est d'avis que le projet de loi devrait contenir les limites
de son application plutôt que de laisser complètement le soin
à la Commission de tracer ces limites. 2. Seconde inconnue: La notion de
service de santé
La Corporation a tout lieu de penser que les services de santé
dont il est question partout dans la loi sont ceux visés à
l'article 9 par. 2° du projet de loi c'est-à-dire les soins
préventifs et curatifs particuliers aux risques auxquels une
catégorie de travailleurs est exposée. Toutefois, hormis ce qui
est dit à cet article, le projet de loi n'articule pas ce que sont les
"services de santé" sans les qualifier (articles 86, 87, 97); à
l'article 85, on réfère à des "services de santé"
rendus dans le cadre des programmes cadres ou dans le cadre des programmes
spécifiques; à l'article 84, on parle de "services de
santé au travail".
Cette absence de précision pourrait donner lieu à des
interprétations discordantes et fâcheuses, qui, la Corporation
veut bien le croire, sont inexactes. a) L'article 86 emploie sans qualification
l'expression "services de santé". On pourrait donc penser que tous les
services de santé requis par un travailleur, aussi bien ceux qui ont
trait aux problèmes médicaux causés par son travail que
ceux qui y sont étrangers, ne pourront, à l'avenir, être
dispensés qu'en milieu institutionnel (centre hospitalier, centre local
de services communautaires) ou en milieu de travail, à moins que, pour
l'unique raison que des locaux ne sont pas disponibles, le chef de
département de santé communautaire ne permette qu'ils soient
dispensés en cabinet privé. La loi ne viserait plus alors les
problèmes de santé au travail, mais l'ensemble des
problèmes de santé de toute personne qui est un "travailleur". Le
critère de rattachement n'est plus le travail, mais le fait d'être
travailleur.
Le sens naturel des mots "services de santé" employés
seuls mène à cette conclusion. Il va sans dire que la Corporation
s'opposerait carrément à cet état de chose qui
résulterait en un réseau parallèle de services de
santé et en une discrimination entre les travailleurs et les
non-travailleurs, de même qu'entre les travailleurs visés par la
loi et ceux qui ne le sont pas. Sans compter tous les autres problèmes
que cela pourrait soulever. b) L'article 86 aurait donc pour effet d'abolir
presqu'entièrement la pratique de la médecine en cabinet
privé à l'égard de tout travailleur, puisqu'il
décrète que ces services devront être fournis seulement
dans les centres hospitaliers, les C.L.S.C. et les "établissements". c)
II faudrait aussi comprendre que l'article 86 prive le travailleur du libre
choix du médecin ou du centre hospitalier duquel il désire
recevoir des services, non seulement pour les services de santé
reliés à son travail, mais pour tous les services de
santé. d) II en résulterait enfin que le projet de loi (art. 209)
vise à faire financer tous les services de santé requis par cette
partie de la population que constituent les travailleurs, par les employeurs et
non plus par la contribution générale de tous.
La Corporation est certaine que ces interprétations ne sont pas
correctes et qu'elles ne représentent pas les visées du
Gouvernement. Elle croit essentiel, en conséquence, que soit
précisée et cernée davantage, en particulier au chapitre
VIII, la notion de "services de santé". Il serait fort utile à
cette fin de retourner au Livre blanc sur la santé et la
sécurité au travail et de s'en inspirer; celui-ci
référait aux services de santé au travail en leur
attribuant quatre fonctions; "La surveillance de l'état de santé
des travailleurs assurant le dépistage précoce et la
prévention de toute altération à la santé
provoquée ou aggravée par le travail." "L'identification et
l'évaluation des risques à la santé physique et mentale
causés par le milieu de travail". "La mise sur pied et le bon
fonctionnement d'un service adéquat de premiers soins pour faire face
aux urgences médicales et traumatiques et pour faciliter la
réadaptation au travail". "La connaissance des caractéristiques
individuelles des travailleurs, afin de faciliter leurs affectations à
des tâches non susceptibles de porter atteinte à leur santé
ou à leur sécurité" (pp. 239-240).
B.
La dimension psycho-sociale de la
santé
Le projet de loi veut reconnaître le droit du travailleur à
la santé, à la sécurité et à
l'intégrité physique. Même s'il met l'emphase sur les
agresseurs physiques et chimiques, il appert que la santé mentale n'est
pas exclue. La santé mentale est un élément de la
santé contenu dans la définition de l'Organisation mondiale de la
santé à laquelle le Livre blanc réfère (p.
238).
Le champ d'application du présent projet de loi s'étend-il
à la santé mentale?
II. Un réseau hybride
A l'heure actuelle les services de santé dispensés par les
médecins le sont soit dans les établissements au sens de la Loi
sur les S.S.S.S.*, soit en cabinet privé du médecin (que celui-ci
soit à son propre compte, ou que ses services aient été
retenus par un employeur).
Le projet de loi prévoit une troisième voie. Cette
troisième voie est à la fois distincte des deux autres et
à la fois reliée, en partie, au réseau des
établissements gouvernés par la Loi sur les S.S.S.S..
Cette troisième structure, hybride, n'est pas articulée
dans tous ses détails par le projet de loi. Des composantes
nécessaires sont passées sous silence. Par ailleurs, certaines
parties du système mis de l'avant par le projet de loi semblent entrer
en conflit ou passer outre à différentes mesures que le
législateur a cru nécessaire d'adopter dans la loi sur les
S.S.S.S. * Loi sur les S.S.S.S.: Loi sur les services de santé et les
services sociaux.
Nous soulignerons dans les paragraphes qui suivent certaines
difficultés créées par le projet de loi à cet
égard.
A.
Le dossier médical
En milieu institutionnel, l'article 3.5.1 du règlement
édicté en vertu de la Loi sur les S.S.S.S. oblige un
établissement à ouvrir un dossier médical pour chaque
bénéficiaire. L'article 7 de cette loi gouverne l'accès
à ce dossier médical.
Or visiblement, le dossier médical dont traite le projet de loi
n'est pas le dossier médical dont parlent la Loi sur les S.S.S.S. et son
règlement. En effet, s'il s'agissait du même dossier, il est bien
sûr que l'article 7 de la Loi sur les S.S.S.S. le régirait. Or ce
n'est pas le cas, puisque l'article 99 au second paragraphe prend la peine de
dire que le deuxième alinéa de l'article 7 s'y applique, laissant
évidemment voir que les autres alinéas de l'article 7 ne s'y
appliquent pas. Il est bien sûr aussi que les autres dispositions de la
Loi sur les S.S.S.S. ou de son règlement, notamment les dispositions
quant à l'accès au dossier (article 7) quant à sa
conservation (art. 3.5.7, 4.4.11 du règlement) s'appliqueraient; or,
encore ici, le dossier médical est régi différemment: le
projet de loi en rend l'accès illimité au travailleur, et en
prescrit une période de conservation de 20 à 40 ans plutôt
que de 10.
En cabinet privé, l'article 85 (par. 4°) du Code des
professions et le règlement applicable de notre corporation obligent un
médecin à ouvrir un dossier médical pour chacun de ses
patients et à en assurer la garde.
Or, ce n'est pas non plus ce dossier que vise le projet de loi puisque
celui-ci en confie la double garde au "médecin responsable" (article 99)
qui n'est pas nécessairement le médecin qui aura
dispensé les soins et au chef de département de
santé communautaire (article 100 par. 6°).
Il s'agirait donc d'un dossier médical qui n'est pas celui du
centre hospitalier ni celui du médecin traitant.
Nulle part dans le projet de loi on indique qui doit ouvrir ce dossier.
Nulle part non plus on ne dit quel devra être le contenu de ce dossier.
La section 5 de la partie III du règlement édicté en vertu
de la Loi sur les S.S.S.S. précise le contenu obligatoire du dossier
tenu par un centre hospitalier; mais les auteurs du projet de loi, comme nous
l'avons souligné tantôt, ne semblent pas penser que ce
règlement s'appliquera au dossier médical dont ils parlent (voir
art. 99. 2e al.). Le règlement de la corporation prévoit de son
côté le contenu du dossier ouvert par le médecin traitant;
mais ce règlement ne s'appliquerait pas davantage puisque, encore une
fois, le projet de loi laisse penser que le dossier médical n'est pas
celui ouvert par le médecin traitant. Qu'en sera-t-il?
Il apparaît aussi que ce dossier médical et son contenu
échappent aux pouvoirs d'analyse du Comité d'évaluation
médicale et dentaire du centre hospitalier (article 5.3.2.21
règlement de la Loi sur les S.S.S.S.). En effet ce comité exerce
ses fonctions d'évaluation en analysant les dossiers médicaux du
centre hospitalier. Nous doutons qu'il ait le pouvoir d'enquêter dans des
dossiers qui ne sont pas des dossiers du centre. Est-ce à dire que le
"médecin responsable" et les médecins agissant sous son
autorité, échapperont au contrôle du conseil des
médecins et dentistes? Nous ne voyons aucune raison pour laquelle la
pratique de ces médecins dans un centre hospitalier ne serait pas
soumise vis-à-vis du conseil des médecins et dentistes aux
mêmes règles que la pratique de toutes les autres disciplines
médicales.
La situation relative au dossier médical est d'autant plus
ambiguë que le projet de loi exige que les "services de santé pour
les travailleurs soient dispensés dans les "établissements" ou
dans les centres hospitaliers ou les C.L.S.C. Comme la loi et les
règlements sur les S.S.S.S. régissant les centres hospitaliers et
les C.L.S.C. obligent la création d'un dossier médical pour toute
personne qui y reçoit des services, devra-t-on assister à la
création de deux dossiers médicaux pour le même
travailleur? L'un constitué aux termes de la Loi sur les S.S.S.S. et
l'autre régi par la Loi sur la santé et la sécurité
au travail? Dans lequel des deux dossiers versera-t-on les notes relatives
à la consultation de celui qui, s'étant déjà
présenté au centre comme travailleur, s'y présente
maintenant comme une simple personne?
Comment arrivera-t-on à dissocier la partie du dossier relative
aux pathologies et aux infirmités imputables au travail de celles dont
le même individu en tant que citoyen ordinaire, pourrait par ailleurs
être affectées?
Où le dossier médical auquel le projet de loi s'adresse
sera-t-il conservé? Au centre hospitalier? A I"'établissement" au
sens du projet de loi? L'article 99 du projet de loi ne le dit pas.
Ce même article 99 réfère à des
procédures établies par le département de santé
communautaire pour assurer la garde et le caractère confidentiel du
dossier. Ce nous semble une mauvaise politique que de laisser à chaque
département de santé communautaire le soin d'établir ses
propres procédures. Un minimum d'uniformité et de garantie de
l'aspect confidentiel des données devrait être assuré
à l'échelle de la province.
B.
Responsabilité de la distribution des
services de santé et notion de médecin traitant
En milieu institutionnel, l'article 3.2.1.10 du règlement
édicté en vertu de la Loi sur les S.S.S.S. prévoit que
toute personne inscrite ou admise dans un centre hospitalier devient la
responsabilité d'un
médecin du centre, qu'on nomme alors le médecin traitant.
A ce médecin traitant échoie la charge du malade, des
responsabilités particulières quant au diagnostic final et
à la feuille sommaire du dossier médical.
En cabinet privé, même dans le cas d'une clinique
regroupant plusieurs médecins, il existe toujours également un
médecin traitant en vertu du contrat médical qui s'établit
au moment de la consultation, médecin traitant auquel le Code de
déontologie de la C.P.M.Q. impose différentes obligations.
Où se situe le médecin traitant dans le projet de loi?
L'article 86 du projet de loi prévoit que les services de
santé pour les travailleurs d'un "établissement" sont fournis
sous l'autorité "d'un médecin responsable" dans un centre
hospitalier, un C.L.S.C. ou un "établissement". Sera-ce donc "le
médecin responsable" qui aura autorité sur les soins
dispensés et qui en assumera la responsabilité? Suivant la Loi
sur les S.S.S.S., les services de santé sont dispensés sous
l'autorité du médecin traitant.
S'il s'agit d'un centre hospitalier, au nom de quel médecin
traitant le travailleur patient sera-t-il inscrit? Au nom du médecin du
département clinique du centre hospitalier où il y aura
été dirigé? Ce médecin relève de son chef de
département suivant la Loi et les règlements sur les S.S.S.S.
(art. 4.5.1.5). Est-ce à dire que ce médecin traitant
relèvera de l'autorité de deux départements (le
département clinique concerné et le département de
santé communautaire auquel le "médecin responsable" est
attaché)?
Le médecin que le projet de loi appelle le "médecin
responsable" pourra être, mais ne sera pas toujours, le médecin
traitant. Le médecin traitant est responsable de son malade. Le
"médecin responsable" est plutôt responsable de programmes cadres
et de programmes spécifiques de santé. L'article 86 du projet de
loi crée donc une ambiguïté sérieuse en indiquant que
les services de santé sont fournis sous son autorité.
En somme, cet article du projet de loi ignore les mécanismes qui
entrent en jeu en vertu de la Loi sur les S.S.S.S. lorsqu'une personne est
inscrite ou admise dans un centre hospitalier.
La pensée du médecin traitant étantabsente de la
conception de ceuxqui ont rédigé le projet de loi, on peut se
demander comment les responsabilités assignées par le Code de
déontologie au médecin traitant vont s'appliquer ou se
partager.
Ce médecin traitant, que l'on se fait fort d'ignorer à
tous les niveaux d'intervention, demeure pourtant le seul capable d'une
évaluation globale et d'une intervention pondérée
axée sur le bien-être individuel du travailleur. La
présence du médecin traitant collaborerait à minimiser la
dépersonnalisation tant décriée de la médecine.
Il peut arriver en effet qu'une maladie ou une complication
psychologique ou physique qui survient au travail relève
d'antécédents personnels ou familiaux qui, au départ,
n'ont pas été causés par le milieu de travail. Il peut
arriver également que des complications originant du milieu de travail
aient des répercussions sur d'autres pathologies existantes. La maladie,
qu'elle soit due à des facteurs liés au travail ou à
d'autres facteurs qui ne le sont pas, n'est pas divisible. Dans ce cens,
rappelons que le Code de déontologie de la C.P.M.Q. oblige, d'une part,
le médecin traitant à collaborer avec toute personne dans
l'intérêt légitime du malade et oblige, d'autre part, le
médecin d'entreprise ou le médecin contrôleur à
communiquer au médecin traitant du malade qu'il examine tout
détail qu'il juge important quant au traitement de celui-ci et avec son
autorisation.
Nous désirons souligner le danger que comporte l'idée
même de créer une structure "santé au travail" qui soit
étanche par rapport à la stucture traditionnelle de distribution
de soins. L'orientation prise de vouloir considérer le patient
globalement, le situant dans son environnement social et familial, se trouve
menacée par ce cloisonnement.
C'est une chose que de vouloir faire l'épidémiologie des
maladies du travail; c'en est une autre que d'éliminer, dans les faits,
le médecin traitant de toute intervention préventive,
diagnostique ou thérapeutique pour tout ce qui a trait à
l'univers du travail.
C.
Agrément des médecins
Suivant la Loi sur les S.S.S.S., aucun médecin ne peut exercer sa
profession en milieu hospitalier s'il n'y a acquis un statut et des
privilèges.
La procédure de nomination et les catégories de statuts et
de privilèges font l'objet de plusieurs dispositions de la Loi sur les
S.S.S.S. et de son règlement avec lesquelles le projet de loi sous
étude n'est pas en harmonie.
L'article 87 du projet de loi parle d'agrément. La Loi sur les
S.S.S.S. parle d'acquisition de statut et de privilèges. Veut-on
créer un mode spécial de nomination? Veut-on passer outre
à la Loi sur les S.S.S.S.?
L'article 92 du projet de loi mentionne «l'expérience
pertinente dans le domaine de la médecine du travail» comme
critère de nomination; l'article 92a de la Loi sur les S.S.S.S. ne
réfère pas à des critères d'expérience. Il y
aurait avantage à utiliser la même terminologie dans les deux
lois.
Dans un autre ordre d'idée, l'article 100 par. 2° du projet
de loi réfère à la «candidature des médecins
désirant oeuvrer dans le domaine de la médecine du
travail». Vise-t-on ici les candidats aux
postes de «médecin responsable» de même que
tous les médecins qui fourniront des services sous son autorité
(art. 86) ou les premiers seulement?
Il nous apparaît, à l'égard des points qui
précèdent, que la Loi sur les S.S.S.S. devrait avoir libre cours;
celle-ci n'exigeant qu'un médecin acquiert un statut et des
privilèges que s'il exerce la médecine dans le centre
hospitalier. Quant aux "médecins responsables", leur rattachement au
département de santé communautaire nous porte à croire,
dans le contexte actuel du projet de loi, qu'ils devraient faire l'objet de la
procédure ordinaire d'obtention d'un statut et de privilèges,
quitte à ce qu'on dispense ces médecins de certaines obligations
afférant aux membres du conseil des médecins et dentistes, dans
le cas où ces médecins responsables n'exercent pas de fait dans
le centre.
Notons aussi deux autres points accessoires. L'article 100 par. 2°
dit que le chef du département de santé communautaire "collabore"
avec le comité d'examen des titres et le conseil d'administration du
centre hospitalier pour l'étude des candidatures des médecins. Le
chef de département de santé communautaire devient-il à la
fois conseiller et juge?
L'article 89 du projet de loi fait durer quatre ans la nomination d'un
"médecin responsable"; le règlement édicté en vertu
de la Loi sur les S.S.S.S. fait durer un an les nominations (qui toutefois
peuvent être renouvelées annuellement). Qu'adviendra-t-il si ce
"médecin responsable" perd son statut ou ses privilèges en vertu
de la Loi sur les S.S.S.S.?
D.
Service ou département de
santé
Dans la Loi sur les S.S.S.S. et son règlement, le mot "service"
réfère souvent à une entité organisée d'un
milieu hospitalier à qui échoient des tâches
spécifiques (v.g. services hospitaliers, services de pharmacie, de
diététique, etc., art. 4.4.3). Dans ce même
règlement, le mot "département" réfère à une
entité organisée sous la direction d'un chef dont le mode de
nomination et les fonctions sont bien précisés.
Dans le Livre blanc sur la santé et la sécurité au
travail on donne également au mot "service" ce sens d'une entité
organisée regroupant du personnel affecté à des
tâches particulières. En effet, ce Livre blanc indique à
propos des "services de santé au niveau local" ce qui suit: "Pour chaque
entreprise ou regroupement d'entreprises, selon les ressources disponibles et
compte tenu de la fréquence et de la gravité des risques
présents dans le milieu, existera un service de santé au travail.
Ce service ne sera plus placé sous la responsabilité
financière et administrative directe de l'employeur. Il pourra
être intégré administrativement à un centre
hospitalier, à un centre local de services communautaires ou même
à un cabinet privé." (p. 241).
Dans le projet de loi, l'expression "services de santé" est
fréquemment utilisée. On serait tenté parfois d'y voir
apparaître la notion de service clinique tel qu'on l'entend dans le
réseau hospitalier. Au contraire, il faut réaliser que le mot
"service" y est constamment utilisé au pluriel, dans un contexte
référant à des soins de santé plutôt
qu'à une entité administrative (v.g. articles 9.2, 85, 86, 87).
Il n'y est pas employé dans le sens d'un "service" ou
"département clinique" au sens de la Loi sur les S.S.S.S. ou selon le
sens indiqué au Livre blanc. Nulle part on n'indique qu'un "service" de
santé localisé doit être mis sur pied dans
('"établissement" ou dans un centre hospitalier ou dans un C.L.S.C. et
évidemment encore moins dans un cabinet privé.
Pourtant, et paradoxalement, la tâche et les
responsabilités du médecin responsable, selon le projet1
de loi, sont conçues à certains égards comme s'il
était le chef d'un département structuré. La durée
desa nomination (art. 89 du projet de loi) est celle d'un chef de
département dans un centre hospitalier (art. 4.5.1.6 du règlement
de la Loi sur les S.S.S.S.). Le personnel professionnel et technique agit sous
son autorité (art. 86 et 90). Le projet réfère au
"médecin responsable" comme étant responsable des services de
santé d'un établissement (art. 87 et 97), comme s'il s'agissait
d'un département. L'article 98 l'oblige à faire rapport de ses
activités.
Il résulte de ceci une ambiguïté gênante. On
semble créer un département de santé sans le dire, un
département désincarné d'ailleurs. Le projet de loi
attribue aux services de santé qui, dans les faits, n'existent pas, et
au "médecin responsable" qui n'est pas un chef de service, des
obligations sans leur fournir tous les moyens de s'acquitter de ces
obligations.
Ainsi, le médecin responsable peut participer à toutes les
réunions du comité de santé et sécurité au
travail, mais le projet de loi n'oblige pas le comité à toujours
l'y inviter.
Le projet de loi oblige l'employeur à communiquer à tous
les partenaires du système certaines informations telle la liste des
contaminants (art. 40, par. 8o); le projet oublie cependant le "médecin
responsable".
Le projet de loi oblige à afficher ou mettre à la
disposition des travailleurs les informations transmises par la Commission ou
le département de santé communautaire (art. 40, par. 10o); il
oublie de créer cette même obligation à l'égard des
informations transmises par le service de santé ou le "médecin
responsable".
Lorsqu'un accident survient sur les lieux du travail, l'employeur doit
aviser l'inspecteur chef régional, le comité de santé et
de sécurité et l'association accréditée (art. 51).
Seul le service de santé ou le "médecin responsable" n'est pas
avisé!
Le projet de loi n'oblige pas l'employeur à fournir des locaux au
service de santé et il n'est pas certain qu'il oblige le centre
hospitalier concerné à fournir de tels locaux en dehors de ses
murs (art. 84, 3o alinéa). Le projet de loi est de toute clarté
à l'égard des locaux du comité de santé et de
sécurité (art. 40, par. 15o).
Le financement du service de santé au travail est beaucoup plus
flou que ne l'est le financement du comité de santé et de
sécurité. Ce dernier est de toute évidence à la
charge de l'employeur. Le service de santé risque d'avoir à se
débattre entre deux sources de financement (budget du centre hospitalier
venant du ministère des Affaires sociales et budget du centre
hospitalier venant de la Commission) qui pourront se renvoyer la balle, la
notion de services de santé au travail n'étant pas
définie.
Enfin, le "médecin responsable" doit élaborer un programme
de santé spécifique, collaborer à sa mise en application
(art. 93) et assurer la garde et le caractère confidentiel des dossiers
médicaux (art. 99) sans pouvoir compter sur une structure administrative
formellement organisée dans un local assuré.
Dans ces circonstances il est très difficile de formuler des
commentaires sur le fonctionnement concret anticipé de cette structure
dont le projet de loi ne fournit qu'une moitié d'esquisse et de laquelle
le Livre blanc sur la santé et la sécurité au travail
parlait avec plus de précisions (pp. 239, 240).
La solution de ces problèmes est-elle abandonnée aux
programmes cadres de la santé et aux programmes spécifiques
à chaque établissement et, surtout, au pouvoir
réglementaire de la commission en vertu des paragraphes 1,9 et 35 de
l'article 185 du projet?
Les problèmes que nous venons d'énumérer sont dus
au fait qu'on crée une structure nouvelle de distribution de soins
médicaux qu'on n'a pas voulu intégrer complètement au
réseau en place. Il eut peut-être mieux valu le faire, quitte
à affranchir les services proposés de certaines dispositions de
la loi ou des règlements sur les S.S.S.S.. Ces problèmes
revêtent d'autant plus d'importance que le projet de loi, comme on l'a
souligné ci-dessus, réfère à la distribution de
services de santé dans les milieux de travail sans distinction aucune,
contrairement au Livre blanc où il ressortait assez clairement que les
services de santé cliniques individuels seraient laissés au
réseau existant (pp. 238, 239), la médecine sur place devant se
restreindre au dépistage, aux soins d'urgence, à la
prévention, et à l'évaluation des risques et des
susceptibilités individuelles des travailleurs (pp. 239, 240).
E.
Le médecin responsable
Le médecin responsable, par la nature même des
circonstances dans lesquelles son exercice professionnel le situera, risque
d'être souvent placé au milieu d'un désaccord entre
travailleurs et employeurs, de voir deux parties s'opposer sur ses
recommandations ou décisions d'ordre médical, de voir son
exercice professionnel débattu périodiquement au sein du
comité de santé et sécurité au travail.
Nous estimons que le projet de loi devrait faire encore plus pour
éviter, dans toute la mesure du possible, cette politisation de la
médecine. Le projet propose des mesures relatives à la
nomination, à l'exercice et à la destitution du médecin
responsable qui s'écartent des règles analogues qui
régissent les médecins aux termes de la Loi et du
règlement sur les S.S.S.S.. Nous formulons à ces trois niveaux
les commentaires et les recommandations qui suivent: 1. Nomination
article 87
L'article 87 du projet n'est guère explicite sur les raisons qui
justifient l'imposition d'un contrat de service entre le médecin
responsable et le centre hospitalier concerné; il ne précise rien
non plus sur le contenu de ce contrat qui, cependant, devra être conforme
au règlement.
Vu la position délicate dans laquelle le médecin
responsable risque d'être souvent placé, la Corporation recommande
que le contenu minimum des contrats qui doivent intervenir en vertu de
l'article 87 du projet de loi soit déterminé conjointement par la
Commission et la C.P.M.Q. (article 185, par. 9°). A ce sujet, la C.P.M.Q.
estime, en plus, que tout contrat de service, qu'un médecin pourrait
conclure dans le cadre de la médecine du travail, devrait lui être
soumis. 2. Rapports et avis exigés du médecin article
98
L'article 98, décidément, exagère sous tous les
rapports. Il nous semble tracassier, harassant et fondamentalement inutile
d'exiger que le médecin signale à tous les organismes et
personnes que l'article énumère (entre autres, à tous et
à chacun des travailleurs) toute déficience susceptible de
nécessiter une mesure de prévention. Nous estimons que le
résultat pratique escompté de ce texte serait atteint, si le
médecin devait donner ces avis au comité de santé, ou
à défaut, au représentant de l'employeur et des
travailleurs, et aussi dans les cas plus importants, au chef du
département de santé communautaire.
Enfin, la dernière phrase de cet article transforme la
Commission, l'employeur, chacun des travailleurs, l'association
accréditée, le comité de santé et de
sécurité et le chef de département de
santé communautaire en autant de patrons à qui le
médecin responsable doit faire rapport sur simple demande et aussi
souvent qu'il leur plaira bien de lui demander. Jamais il ne nous a
été donné de voir une disposition législative
susceptible d'engendrer autant de rapports que celle-ci. Pourquoi cette
obligation? Non content de voir le "médecin responsable"
confronté entre travailleurs et employeurs, le législateur
multiplie les risques de pression et de chantage en l'obligeant à faire
des rapports à tout moment sur n'importe quoi à la demande de
n'importe qui. Nous ne voyons aucunement comment cette mesure puisse
améliorer le sort de qui que ce soit.
Il n'y a évidemment aucune objection à ce que le
"médecin responsable" fasse rapport de ses activités, sous
réserve de l'aspect confidentiel des données en sa possession.
Mais, il y aurait lieu de limiter la portée de cette obligation et de
mieux la cerner. 3. Contrôle et destitution du médecin
article 91
L'évaluation du travail professionnel du médecin
responsable, comme dans toutes les autres disciplines médicales, devrait
se faire par ses pairs, tel que le veulent le Code des professions, la Loi
médicale, et la Loi sur les S.S.S.S.. Seules les décisions
administratives devraient pouvoir être remises en question au sein du
Comité de santé et de sécurité au travail.
L'article 91 du projet de loi ne partage pas cette philosophie. Encore ici,
à peu près n'importe qui, par requête fondée sur
n'importe quel motif, peut saisir la Commission des affaires sociales d'une
demande de destitution. Cet article constitue nettement une autre aggravation
des risques de pression et de chantage sur le médecin responsable, sans
compter qu'il offre aussi un instrument de chantage et de pression sur les
autres parties en cause, au détriment du médecin. La Commission
des affaires sociales, dans le contexte législatif actuel joue un
rôle de tribunal d'appel plutôt que de première instance,
à l'égard des nominations ou destitutions de médecins en
milieu institutionnel. L'article 91 permet au contraire, sans même qu'une
plainte ne soit portée devant le chef de département de
santé communautaire ou le conseil des médecins et dentistes
concerné ou la Corporation professionnelle des médecins, qu'on
s'adresse directement à la Commission.
La procédure prévue à l'article 91 du projet de loi
ne nous apparaît ni équitable ni réaliste. Elle risque de
créer un climat d'insécurité qui, en fin de ligne, ne
servira sûrement ni la médecine, ni l'employé, ni
l'employeur.
Chaque médecin doit dans toute la mesure du possible être
à l'abri des pressions quelles qu'elles soient et d'où qu'elles
viennent. Le projet de loi devrait éviter la dépendance
disciplinaire du médecin à l'égard de l'employeur et de
l'employé et permettre qu'une plainte, s'il y a lieu, soit portée
devant ses pairs.
F.
Personnel professionnel et technique
L'article 100 par. 3° énonce laconiquement que le chef du
département de santé communautaire "fournit" le personnel
professionnel et technique requis pour la mise sur pied et le fonctionnement
des programmes de santé spécifiques.
Où prendra-t-il ce personnel? Dans le centre hospitalier? A
l'extérieur? Cette "fourniture" de personnel n'entre-t-elle pas en
conflit avec les devoirs de gestion et de coordination que la Loi sur les
S.S.S.S. (art. 70) ou son règlement (art. 4.3.1.1) accorde au directeur
général ou au chef du personnel?
Est-ce le chef du département de santé communautaire qui
assignera au personnel du centre hospitalier, qui ne relève pas de son
département, des tâches dans le but d'assurer des services
prévus dans le programme de santé?
Est-ce le chef du département de santé communautaire d'un
centre hospitalier qui engagera, par-dessus l'épaule de l'administration
d'un C.L.S.C, le personnel requis pour y dispenser les services et soins requis
par les programmes de santé?
L'article 86 dit que les services de santé sont fournis dans un
centre hospitalier. S'agit-il de n'importe quel centre hospitalier ou de celui
de qui relève le département de santé communautaire auquel
le médecin responsable est attaché? S'il s'agit de tout centre
hospitalier, comme le texte le laisse entendre, doit-on comprendre qu'en vertu
de l'article 100 par. 3° du projet de loi, le chef de département de
santé communautaire d'un centre hospitalier a la responsabilité
de "fournir" à tout autre centre hospitalier le personnel professionnel
et technique requis? Si au contraire, il ne s'agit que du centre de qui
relève ce chef de département de santé communautaire, il
en résulte que seuls les hôpitaux de la province dotés d'un
tel département, soit présentement 32 seulement, pourront offrir
des services au monde du travail. Ceci soulève un autre problème
qui sera abordé plus loin.
G.
Contrat à intervenir entre la
Commission et les centres hospitaliers
II n'y a pas objection à ce qu'intervienne un contrat entre la
Commission et les centres hospitaliers où existe un département
de santé communautaire aux fins de la mise en application d'un programme
cadre (art. 81, par. 2° et 83).
Cependant, la C.P.M.Q. craint que par le biais de cet article, la
Commission soit tentée de généraliser une pratique
à laquelle se livre actuellement la Commission des accidents du travail
et qui consiste en une entente entre celle-ci et un centre hospitalier par
laquelle un certain nombre de lits de ce centre hospitalier sont
réservés aux accidentés du travail. Cette pratique
favorise l'accès privilégié de certaines catégories
de malades aux facilités hospitalières en se basant sur des
impératifs qui ne sont pas toujours scientifiques ou
médicaux.
L'article 81, par. 2° pourrait permettre de
généraliser cette pratique de la Commission des accidents du
travail et pourrait avoir pour effet de consacrer l'existence de deux poids
deux mesures dans les critères d'admissibilité des patients
à l'hôpital. Il ne faudrait pas qu'on puisse dire qu'entre deux
cancers, celui qui est attribuable au travail doit être
privilégié. Nous croyons qu'il s'agirait là d'une erreur
que le législateur aurait intérêt à
prévenir.
La Corporation estime que le contenu du contrat type avec les centres
hospitaliers devrait être précisé dans la loi ou les
règlements.
H.
Equilibre des ressources financières
disponibles
A l'article 83, nous nous inquiétons déjà de voir
le centre hospitalier lié par contrat de service à la Commission
et partagé entre des choix difficiles dans l'allocation de
ressources.
Le législateur peut-il décider d'alimenter deux
systèmes par des sources différentes de revenus sans risquer de
voir apparaître un déséquilibre dans le réseau.
III. Libre choix du médecin
L'article 86 du projet de loi est rédigé sous la forme
impérative. Il décrète que les services de santé
pour les travailleurs seront à l'avenir dispensés dans leur
milieu de travail ou dans une institution publique régie par la Loi sur
les S.S.S.S.. Il exclut les cabinets privés, à moins que, pour
l'unique raison qu'aucun local n'est disponible, le chef de département
de santé communautaire ne permette qu'y soit traité le
travailleur. Cet article impératif, d'une loi
décrétée d'ordre public (art. 3), a donc pour effet
d'abolir le droit reconnu par l'article 6 de la Loi sur les S.S.S.S. à
toute personne de choisir le professionnel ou l'établissement duquel
elle désire recevoir des services de santé. En effet, ce ne sera
plus qu'aux centres liés par contrat (art. 83) que le travailleur pourra
se présenter, et ce ne sera plus que par les «médecins
responsables» choisis par les comités de santé (art. 85) ou
par les médecins agissant sous son autorité et eux-mêmes
nommés par le chef de département de santé communautaire
du centre (art. 100, par 3°) que ce même travailleur devra se faire
soigner.
Il est vrai que l'article 7 du projet de loi préserve "les droits
d'un travailleur acquis en vertu d'une loi..." mais il n'est pas clair que cet
article ait pour effet de préserver son droit au libre choix de
l'établissement et du professionnel de la santé que proclament
l'article 6 de la Loi sur les S.S.S.S. (L.Q. 1971, c. 48) et l'article 2 de la
Loi de l'assurance-maladie (L.Q. 1970, c. 37).
Le malade qui se présente dans un centre hospitalier n'a
évidemment pas un choix absolu quant au médecin; il doit choisir
un médecin qui possède déjà un statut et des
privilèges dans ce centre. Si cette liberté est restreinte, il
n'en demeure pas moins que le malade peut, s'il le désire, se diriger
vers un autre centre hospitalier ou consulter un médecin de son choix
à l'extérieur du centre. Le travailleur malade n'a pas ce choix
dans le cadre du présent projet de loi.
Comme on l'a déjà souligné, les textes du projet de
loi sont tels que le critère de rattachement n'est plus le travail mais
le fait d'être travailleur, et qu'on peut les interpréter comme
obligeant le travailleur pour tous les services de santé dont il peut
avoir besoin, qu'ils soient ou non reliés à son travail, à
s'en tenir aux services de santé de l'établissement d'un centre
hospitalier ou d'un C.L.S.C. excluant tout le secteur privé. Le
travailleur se voit donc, par ce projet de loi, privé du libre choix du
centre hospitalier ou de son médecin non seulement pour les maladies
reliées à son travail, mais possiblement pour tous les autres
problèmes médicaux qui pourraient être étrangers
à son travail.
Notre corporation s'oppose à l'adoption de tout texte de loi qui
érige en principe le fait que les services cliniques individuels de
santé, qu'il s'agisse de diagnostic, de traitements, urgents ou non, ou
de certains services de prévention, doivent être dispensés
dans des centres ou par des professionnels que le travailleur ne peut pas
choisir.
Le législateur aurait intérêt à respecter le
droit individuel à l'identité personnelle et à laisser le
travailleur choisir avec qui il préfère entrer en relation
d'aide, nonobstant le fait qu'il doit être adéquatement
informé des risques spécifiques auxquels il peut être
exposé dans l'exécution de ses tâches.
IV. Restrictions à l'exercice de la
médecine
Les articles (art. 85, 86, 88,100 par 2°, par. 3°)
soulèvent dans leur formulation actuelle une autre difficulté.
Comportent-ils que seuls les médecins «fournis» par le chef
de département de santé communautaire (art. 100, par. 3°)
seront habilités à dispenser les soins prévus dans un
programme spécifique? Dans l'hypothèse où l'article 100
paragraphe 3° ne s'adresse pas seulement aux «médecins
responsables», doit-on penser que les médecins qui
fournissent des soins dans le cadre d'un programme cadre ou spécifique
dans un «établissement» (art. 85) devront détenir un
statut et des privilèges hospitaliers? L'article 86 comporte-t-il qu'un
médecin ne peut plus traiter un maladie causée par le travail ou
par un accident de travail en cabinet privé? Plus
généralement cet article 86 comporte-t-il qu'un travailleur ne
peut plus être traité en cabinet privé?
Tantôt le sens littéral de ces articles, tantôt les
interprétations auxquelles ils prêtent, peuvent mener à une
réponse affirmative à toutes ces questions.
Nous comprenons que le législateur veuille s'assurer de la
compétence des médecins qui auront à oeuvrer dans la cadre
de la loi sur la santé et la sécurité au travail et exige
d'eux un minimum de qualifications. Nous croyons cependant que le Code des
professions et la Loi médicale ont prévu les mécanismes
requis pour le contrôle de cette compétence. D'ailleurs, la
C.P.M.Q. a déjà mis sur pied un service d'inspection
professionnelle qui couvre tous les milieux où s'exerce la
médecine incluant les milieux de travail. La limitation de l'exercice de
la médecine par le projet de loi devrait se restreindre à
l'exigence de qualifications dans le cas des «médecins
responsables».
V. Caractère confidentiel des informations
d'ordre médical
Le projet de loi laisse voir qu'un nombre considérable de
personnes et d'organismes auront accès à des informations d'ordre
médical concernant un travailleur. En voici une liste: 1. Dans le cas
d'exercice du droit de refus relié à un état de
santé: le représentant à la prévention ou le
représentant de l'association accréditée ou le travailleur
indiqué par celui qui exerce le refus (art. 14 et 15) (ou le
délégué de chantier ou le représentant du syndicat
art. 163) le comité de santé (art. 16)
l'inspecteur (art. 20 et 165) l'inspecteur chef régional (art.
23) la Commission (art. 24) 2. Dans le cas d'accident:
l'employeur (art. 51) l'inspecteur chef régional (art. 51)
le comité de santé (art. 63, par. 8°) l'association
accréditée (art. 51) 3. Le comité de santé, en
recevant les avis d'accident et en enquêtant sur les maladies
professionnelles (art. 63, par. 8°), en tenant des registres des accidents
de travail et des maladies professionnelles (art. 63, par. 12°), et le cas
échéant les comités de chantiers (art. 168). Cette
obligation pour le comité de santé et de sécurité
au travail de tenir un registre des accidents de travail et des maladies
professionnelles constitue une façon de créer un dossier
médical parallèle, totalement accessible à des partenaires
sociaux dont les intérêts sont, au mieux,' divergents. Le
travailleur perd, de ce fait, son droit à l'intimité et nulle
garantie ne lui est offerte que les maladies et infirmités dont il
pourrait souffrir ne seront pas diffusées à travers l'entreprise.
4. Les médecins dispensant les soins 5. Le médecin responsable
(art. 99) 6. Le chef du département de santé communautaire (art.
100, par. 6°) 7. La Commission et ses enquêteurs (art. 123, 127 et
133)
Le médecin est tenu au secret par la Loi médicale. Les
autres personnes ne le sont pas toutes. L'article 99 confie la lourde
tâche au "médecin responsable" d'assurer le caractère
confidentiel du dossier médical selon les procédures en vigueur
au département de santé communautaire. L'article 123 de son
côté, au deuxième alinéa, tient au secret un
enquêteur de la Commission. A notre sens ces mesures sont nettement
insuffisantes.
Il existe déjà plusieurs cas d'exception où le
médecin est tenu de par la loi à déclarer des informations
confidentielles. Il existe de plus de nombreuses banques de données dans
différents ministères, à la Régie de
l'assurance-maladie du Québec, à la Commission des accidents du
travail, dans les compagnies d'assurances, etc., qui ont obtenu
légalement leurs informations à partir des dossiers
constitués en cabinets privés ou dans les centres hospitaliers.
Il n'existe, de plus, aucune loi cadre qui protège l'aspect confidentiel
de ces informations, une fois qu'elles sont emmagasinées dans ces
banques de données. Ceci nous apparaît d'autant plus grave que le
nouveau régime de santé et sécurité
au travail prévoit une importante cueillette d'informations sur
la santé du travailleur. Il suffit de regarder le réseau de
circulation de ces informations décrit à la page 234 du Livre
blanc sur la santé et la sécurité au travail pour
réaliser l'importance de bien protéger l'aspect confidentiel de
ces informations.
Les informations relatives à l'état de santé du
travailleur devraient être déclarées confidentielles. D'une
part, toutes les personnes qui ont accès à ces informations
devraient être tenues au secret; d'autre part, ces informations
elles-mêmes devraient être déclarées
confidentielles.
Nous suggérons donc que soient introduites dans la loi des
dispositions analogues à celles de la section VI de la Loi sur
l'assurance-maladie (L.Q. 1970, c. 37) afin qu'on rende un peu plus
vraisemblable et possible l'application de l'article 6 de la Charte des droits
et libertés de la personne (L.Q. 1975 c. 6) qui proclame le droit au
respect du secret professionnel. Le travailleur doit, comme n'importe quel
autre bénéficiaire de services médicaux, avoir la garantie
que la connaissance de ses maladies et infirmités ne sera pas
diffusée dans son milieu de travail et au-delà.
Nous recommandons également, qu'à l'instar de l'article 7
de la Loi sur les S.S.S.S., il soit édicté non seulement que nul
ne peut donner accès aux informations du dossier médical mais que
nul ne puisse en prendre communication sans autorisation émanant du
patient, du tribunal, ou de la loi. Il importe en effet que le caractère
confidentiel soit attaché à l'information même et qu'il
soit clair que celui qui y accède sans autorisation commet un
délit, indépendant de la faute ou de l'absence de faute de celui
qui a la garde du dossier.
Enfin, compte tenu de certains problèmes qui ont
été portés à la connaissance de la Corporation, la
loi devrait défendre aux employeurs et aux syndicats de se faire donner,
par convention collective, une autorisation générale à
avoir accès à certaines informations confidentielles relatives
à la santé des travailleurs pour des fins de contrôle
administratif.
VI.
Un système parallèle
II ressort des commentaires que nous avons formulés jusqu'ici que
le système de santé et de sécurité au travail, tel
que suggéré par le présent projet de loi, risque de
devenir un système parallèle que la Commission d'enquête
sur la santé et les services sociaux (1970), a déjà
dénoncé.
Les éléments suivants du système instauré
par le projet de loi nous causent cette appréhension. 1. Exclusion
à toute fin pratique du système privé; 2. Financement
différent de celui du système général de
distribution de soins; 3. Contrat à intervenir entre la Commission et
les centres hospitaliers où existe un département de santé
communautaire et possibilité d'un système d'accès
privilégié des travailleurs aux ressources hospitalières;
4. Restriction du droit des travailleurs au libre choix de leur médecin
et du centre hospitalier où ils désirent recevoir des soins
orientant ainsi les travailleurs dans le système public; 5. Dossier
médical du travailleur différent de celui du
bénéficiaire en vertu de la Loi sur les S.S.S.S. et de celui du
médecin traitant en cabinet privé; 6. Aspect confidentiel du
dossier: Accès et mesures de protection et de conservation
différents de ce qui est prévu à la Loi sur les S.S.S.S.;
7. Absence de la notion de médecin traitant et risque de
dépersonnalisation de la médecine du travail; 8. Agrément
des médecins aux fins de la médecine du travail différent
du processus prévu par la loi et les règlements sur les S.S.S.S.;
9. Restriction de l'exercice de la médecine selon qu'il s'agit d'un
travailleur ou d'une autre personne et restriction géographique de cet
exercice; 10. Procédures de nomination et de destitution des
médecins différentes de celles prévues à la loi et
aux règlements sur les S.S.S.S..
VII.
Commentaires divers
A. Le droit
à l'information
Le projet de loi mentionne que le travailleur a droit d'être
informé sur les dangers reliés à son travail et à
son milieu de travail, que l'employeur a droit à des services
d'information en matière de santé
et sécurité au travail et qu'un échange
d'information entre les divers partenaires du système (employeur,
travailleur, Commission, D.S.C., médecin responsable) devra se faire
couramment.
Le projet (art. 40, par. 7°) fait état de l'obligation de
l'employeur d'indiquer au travailleur les actes qui peuvent être
dangereux pour sa santé et sa sécurité.
L'article 9, par. 1° fait état du droit du travailleur
d'être informé sur ces dangers et l'article 38 lui crée
l'obligation générale de prendre les mesures nécessaires
pour protéger sa santé.
Il est important pour la protection du travailleur lui-même qu'on
puisse sanctionner le comportement de celui qui est insouciant et qui,
malgré l'assistance ou l'entraînement qu'on a pu lui fournir, n'a
pas acquis les connaissances ou la maîtrise des techniques minimales pour
se prémunir contre ces risques et dangers.
L'article 38 devrait être précisé et prévoir
que le travailleur peut avoir l'obligation de se soumettre à des
évaluations périodiques en ce sens.
Ce qui se fait dans le secteur de l'énergie nucléaire
pourrait être cité en exemple à cet égard, puisque
les travailleurs sont obligés de se soumettre à des examens
périodiques, théoriques et pratiques. Dans ces conditions,
l'obligation dans laquelle on place le travailleur de participer à
l'identification et à l'élimination des risques acquiert plus de
signification.
B.
Représentativité des "services
de santé" ou des "médecins responsables"
L'article 106 du projet de loi ne prévoit, au sein de la
commission, aucune représentation des "services de santé" ou des
"médecins responsables" qui constituent une partie importante du
système.
Même si les employeurs et les travailleurs sont les deux
partenaires principaux du système et que l'objectif visé est la
santé et la sécurité au travail, il nous
apparaîtrait logique que les "services de santé" au travail soient
représentés au sein de la Commission, tant pour faire valoir les
problèmes vécus que pour prendre part aux discussions qui
porteront sur la santé des travailleurs. D'autre part, il nous
apparaîtrait important qu'un conseil médical consultatif soit
instauré pour assister la Commission sur toute question relative
à l'aspect médical de l'administration de la loi.
C.
La travailleuse enceinte
L'article 32 prévoit l'intervention d'un médecin pour
délivrer un certificat attestant que les conditions de travail pour une
travailleuse enceinte comportent des dangers physiques pour l'enfant à
naître ou pour elle-même. Nous désirons attirer l'attention
du législateur sur les difficultés qu'aura le médecin
traitant à établir un tel certificat, celui-ci ne connaissant ce
milieu de travail que sur la foi des renseignements que pourra lui fournir la
travailleuse enceinte.
A moins que le médecin traitant de par ses fonctions dans
d'autres domaines, ne connaisse très bien le milieu de travail en
question, il devra se limiter à établir un certificat
médical attestant de l'état de grossesse de la travailleuse et
laisser au "médecin responsable" le soin de déterminer, en
collaboration avec son médecin traitant, si les conditions de son
environnement de travail comportent un danger pour elle ou pour l'enfant
à naître.
D.
L'examen pré-embauche
L'examen pré-embauche est l'objet d'une controverse, certaines
études portant sur son efficience concluant à sa piètre
utilité. Il faudra donc déterminer, en plus des cas et des
circonstances dans lesquels un examen pré-embauche doit être fait,
des modalités visant à définir les éléments
pertinents à rechercher en rapport avec les caractéristiques de
l'emploi (art. 185, par. 19°).
E.
La surveillance prospective
Les examens périodiques font aussi l'objet d'une controverse. Il
faut ici définir à l'avance les critères précis
d'évaluation afin d'éviter le "monitoring" continu, inutile et
coûteux de paramètres qui ne sont pas pertinents à l'emploi
(art. 185, par. 19°).
F.
Rayonnement
Les termes "lors du passage à travers la matière"
devraient être remplacés par les termes: "lors de son interaction
avec la matière" (art. 1, par. 21°).
G.
La recherche en santé et
sécurité au travail
L'article 129, par. 9° et 10°, permet à la Commission de
s'introduire dans le domaine de la recherche en matière de santé
et de sécurité au travail. Il serait souhaitable que la loi
réfère au Conseil de la recherche en santé au
Québec afin d'assurer une saine coordination des ressources dans ce
domaine.
L'article 130 permet au ministère des Affaires sociales
d'intervenir dans l'octroi d'un contrat de recherche et cette pratique nous
apparaît être un précédent dangereux.
Conclusion
Ce mémoire pose beaucoup de questions et met en doute certaines
politiques mises de l'avant dans le projet de loi. Personne ne doit y avoir un
désaccord avec les buts de promotion de la santé et de la
sécurité des travailleurs que poursuit le projet de loi. Notre
mémoire souligne plusieurs choix implicites dans le projet de loi
à l'étude, choix qui n'ont peut-être pas tous
été voulus mais qui sont réels, de même que les
conséquences qu'ils entraînent. De cette façon, la
Corporation a voulu attirer l'attention du législateur sur les
déficiences qu'elle croit voir dans le projet de loi, dans l'espoir que
des correctifs y soient apportés pour rendre la loi éventuelle
réaliste et applicable.
La loi esquissée est une loi cadre. On a peut-être voulu
éviter de figer les structures définitives qui devront prendre
naissance dans les différents milieux de travail pour assurer
l'exécution de certaines fonctions que prévoit la loi. On peut
prétendre que cette façon de procéder présente
certains avantages de souplesse. Cependant, tout en évitant
d'établir une structure rigide, le projet de loi crée
involontairement une structure hybride en marge du régime actuel de
distribution des soins, structure dont les éléments sont inconnus
ou insuffisamment précisés causant ainsi une lourdeur indue. Nous
avons souligné que cette structure hybride était la cause de
plusieurs incertitudes embarrassantes concernant les "services de santé"
et sécurité au travail, les dossiers médicaux, le
personnel professionnel et technique affecté à ces services, la
distribution des soins aux travailleurs, la liberté du travailleur de
choisir le médecin ou le centre hospitalier. Ce sont autant
d'éléments qui ne sont pas régis, selon le projet de loi
à l'étude, par les règles qui prévalent dans la Loi
sur les S.S.S.S., ce qui ajoute à l'incertitude et à
l'ambiguïté.
L'imprécision, quant à la nature des "services de
santé", a des répercussions sur bien des aspects du projet de loi
dont la portée, de ce fait, devient difficile à saisir.
Il est quelques recommandations sur lesquelles la Corporation insiste:
Il serait préférable d'exclure de la loi à venir
sur la santé et la sécurité au travail ce qui a trait
à la distribution des soins curatifs, exception faite de la mise sur
pied d'un service adéquat de premiers soins pour faire face à
l'urgence médicale et traumatique et pour faciliter la
réadaptation au travail. La distribution des soins curatifs devrait
être laissée dans le réseau actuel régi par la Loi
médicale, le Code des professions et la Loi sur les S.S.S.S.. Il
serait souhaitable, en ce qui concerne les services rendus aux travailleurs,
que le projet de loi distingue l'approche clinique individuelle
(prévention et curative) de l'approche collective (programmation,
application, surveillance des programmes et évaluation des
résultats). L'approche clinique individuelle devrait être
régie par les lois qui régissent l'exercice de la médecine
et le système actuel de distribution des soins dans la province de
Québec, y compris le système privé, alors que l'approche
collective devrait être régie par la loi sur la santé et la
sécurité au travail. Cette distinction étant faite, la
Corporation serait d'accord avec l'autorité proposée par le
projet de loi du chef de département de santé communautaire sur
le "médecin responsable". Le projet de loi devrait prévoir
dans les milieux de travail (ou regroupements de milieux de travail) où
le nombre d'employés et la nature du travail le justifient, la
création d'un "service de santé" sous forme de véritable
entité administrative dirigée par un médecin chef ayant
pour fonctions celles qu'énumère le Livre blanc sur la
santé et la sécurité au travail que nous nous permettons
de reproduire: "la surveillance de l'état de santé des
travailleurs assurant le dépistage précoce et la
prévention de toute altération à la santé
provoquée ou aggravée par le travail; l'identification et
l'évaluation des risques à la santé physique et mentale
causés par le milieu de travail; la mise sur pied et le bon
fonctionnement d'un service adéquat de premiers soins pour faire face
aux urgences médicales et traumatiques et pour faciliter la
réadaptation au travail; la connaissance des
caractéristiques individuelles des travailleurs, afin de faciliter leur
affectation à des tâches non susceptibles de porter atteinte
à leur santé ou à leur sécurité." Le
projet de loi devrait prévoir l'établissement de liens souples et
bien définis entre la structure dont il recommande l'application et la
structure déjà établie par la Loi sur les S.S.S.S. de
façon à protéger davantage le libre choix du
médecin ou du centre hospitalier, à protéger davantage le
secret qui doit entourer les informations d'ordre confidentiel sur le
travailleur, à éviter de compartimenter un système de
distribution de soins et une médecine auxquels on reproche la
dépersonnalisation de l'être humain, et à éviter que
trop de bureaucratie envahisse les services de santé aux travailleurs.
La Corporation a déjà recommandé au ministre de
créer, dans certains centres hospitaliers désignés, un
département clinique de médecine du travail, afin de relier
celle-ci à l'organisation clinique de l'ensemble de la médecine.
Ce département de médecine du travail permettrait le
regroupement des médecins nommés pour exercer la
médecine du travail dans un territoire donné, la mise en commun
des connaissances et des expériences, la discussion de projets,
l'évaluation de l'exercice professionnel dans ce domaine et la mise sur
pied de programmes d'éducation médicale continue correspondant
aux déficiences notées. Pour maintenir cette recommandation et
préciser ce que devrait être ce département de
médecine du travail, il faudrait connaître les réponses aux
nombreuses questions posées dans le présent mémoire. En
terminant, nous désirons rappeler un extrait du mémoire que la
Corporation professionnelle des médecins du Québec soumettait au
Comité d'étude sur la salubrité dans l'industrie de
l'amiante en 1975. "Ce serait en effet une tragédie qu'aucune action
vraiment significative ne soit entreprise après une enquête aussi
exhaustive. La population du Québec devra être vigilante et
s'assurer que son gouvernement protège les intérêts des
travailleurs. Ceux-ci ont le droit strict de travailler dans des conditions qui
ne mettent ni leur vie, ni leur santé en danger".
C'est parce qu'elle est soucieuse de la protection de la santé
publique que la Corporation professionnelle des médecins du
Québec a préparé ce mémoire. Elle désire que
ses membres apportent la plus grande attention aux problèmes des
travailleurs. Ce n'est que dans un climat de confiance réciproque entre
employeurs, employés et médecins que l'on pourra enrayer un bon
nombre d'accidents de travail et de maladies industrielles.
La Corporation assure le législateur de sa collaboration dans la
poursuite d'objectifs visant à préserver et à maintenir la
santé et la sécurité des travailleurs. Tous nos
commentaires doivent être interprétés dans cet esprit.
La Corporation professionnelle des médecins du Québec
Augustin Roy, M.D. Président-Secrétaire
général
Le 17 août 1979
ANNEXE C
Mémoire de la Corporation professionnelle des
diététistes du Québec
à la commission parlementaire de santé
et sécurité au travail
Août 1979
II est étonnant de noter qu'il n'existe à peu près
pas d'études et de statistiques récentes sur l'alimentation en
milieu industriel. Il semble que les grandes recherches sur ce sujet aient
toutes été exécutées lors de périodes de
crise alors que la main-d'oeuvre ou les aliments étaient rares.
Avec la grande période industrielle et au cours de la
deuxième grande guerre, des études ont été faites
et des programmes de nutrition ont été élaborés et
mis en place, tant en Amérique qu'en Europe, dans les grandes industries
soucieuses d'améliorer le bien-être et l'efficacité de la
main-d'oeuvre. Aux Etats-Unis, lors de la deuxième guerre mondiale, le
principal écueil à l'implantation de cafétérias
industrielles et de programmes de nutrition a été l'absence de
personnel administratif compétent, lequel a dû être
formé en toute urgence.
Malgré l'évolution du monde du travail depuis lors, le
domaine de l'alimentation en milieu industriel a été
laissé entre les mains de la libre entreprise et très peu de
recherches ont été effectuées sur les besoins alimentaires
spécifiques des divers groupements d'ouvriers.
La Corporation professionnelle des diététistes du
Québec souhaite participer à l'amélioration de la
santé des travailleurs du Québec à une époque
où, au Québec particulièrement, l'on reconnaît les
avantages de la saine alimentation, de la prévention des maladies et de
la qualité de l'environnement.
Nous souhaitons que les lieux de travail soient ouverts à des
spécialistes de différentes disciplines afin qu'ensemble ils
puissent jouer un rôle utile dans la solution des problèmes de
santé et sécurité, non seulement à
l'extérieur, mais à l'intérieur des lieux de travail.
Il est aussi requis de diffuser l'information scientifique connue afin
que tous les travailleurs contremaîtres et cadres des entreprises
prennent conscience des risques et puissent les contrôler. Dans le
domaine de la saine alimentation, nous n'insisterons jamais assez sur
l'importance de la prise en charge de l'individu par lui-même.
Seul ou avec d'autres groupes intéressés, nous devons
susciter de nouvelles recherches et un enseignement plus pertinent dans les
universités, les collèges ou autres centres de recherches. De
plus, les résultats de ces recherches en toxicologie, hygiène et
santé au travail, de même qu'en gestion et communications, doivent
être adaptés à des situations concrètes et des
normes doivent être définies et mises en application dans le
milieu québécois.
II est évident qu'une telle action ne peut se réaliser
sans le support du gouvernement qui seul, peut exiger par législation ou
par règlements que les entreprises établissent des programmes de
santé.
Tel que décrit dans le livre blanc "Santé et
Sécurité au Travail": "Un programme de santé se
caractérise globalement par un ensemble cohérent et
intégré d'activités et de services, en vue
d'améliorer l'état de santé d'une population
donnée. Un tel programme ne se limite donc pas à une simple
dispensation d'examens médicaux aux travailleurs, mais doit
également comporter des activités d'éducation sanitaire,
d'information et d'animation, de même que des analyses des exigences de
certains postes de travail. Il appartiendra à la Commission de la
Santé et de la Sécurité au Travail, pour l'ensemble du
Québec, et aux CH-DSC pour les territoires dont ils ont la
responsabilité, d'établir des programmes-cadres minima que
devront respecter tous les établissements. C'est à ces
établissements, cependant, qu'incombera la responsabilité de
décider des modalités concrètes d'application de ces
programmes-cadres et de les compléter en fonction de leurs besoins
particuliers. Ils devront donc voir à élaborer leur propre
programme de santé au travail qui pourra comporter, par exemple, des
services de promotion générale de santé prévoyant,
entre autres, des activités de dépistage et d'éducation
sanitaire pour la prévention de certaines maladies non
nécessairement reliées au travail, comme l'hypertension
artérielle, le tabagisme, etc., et pour lesquelles il peut être
avantageux de mettre à profit l'approche de groupe facilement utilisable
sur des lieux de travail" (1).
Portrait de santé du travailleur
québécois
Les problèmes de santé qui caractérisent notre
population active sont nombreux et coûteux, et ont un lien étroit
avec le régime alimentaire. Les indicateurs de santé montrent que
notre population adulte est plus vulnérable que la moyenne des Canadiens
à certaines maladies graves, causes de décès
prématurés telles les maladies coronariennes. L'investissement
dans la prévention de ces maladies est un investissement à long
terme, mais sa rentabilité est évidente, quand il s'agit de
prévenir les décès survenant dans une population d'adultes
encore jeunes et en pleine activité (2).
La population active au Québec est de 2 945 000 travailleurs pour
les groupes d'âges de 15 à 65 ans. Le tableau suivant nous indique
le nombre d'emplois disponibles et le rapport emplois/population pour les
hommes et les femmes (3).
A part les maladies coronariennes, II y a peu de doute que d'autres
causes de morbidité et de mortalité reliées à des
facteurs de nutrition se retrouvent tels: le sur-poids,
l'obésité, le diabète, l'hypertension,
l'hyperlipidémie, certaines anémies, et les ulcères. C'est
surtout vers l'âge de 40 à 64 ans, que se manifestent
concrètement les maladies d'ordre nutritionnel.
Les manifestations d'une pathologie nutritionnelle apparaissent
tôt dans la vie par des signes précurseurs de maladies et ne se
manifestent que plus tard, sous une forme clinique. Ce fait reflète la
nécessité d'identifier tôt ces signes précurseurs,
et d'apporter des modifications nécessaires au régime de vie des
individus pour réduire le risque de morbidité
prématurée et de mortalité (4).
Les problèmes médicaux dans la population adulte semblent
reliés à des excès nutritionnels plutôt qu'à
des déficiences en nutriments (protéines, gras, sucres,
minéraux, vitamines, eau).
Quand on parle de maladies reliées à la nutrition: il
s'agit de maladies où intervient la nutrition à titre de facteur
étiologique et elles comptent parmi les principales causes de
décès. Parmi certains des facteurs indirectement causals connus,
que l'on peut prévenir, la surcharge alimentaire et les mauvaises
habitudes alimentaires sont les plus connues. Le mode d'évolution de ces
maladies est lent et insidieux; les mesures préventives retardent leur
développement (5).
L'obésité et le diabète
L'obésité franche, dont le rôle est reconnu comme
facteur de risque pour un grand nombre de maladies, est donc plus
fréquente au Québec chez les adultes de 20 à 65 ans qu'au
Canada dans son ensemble et particulièrement chez les hommes. Cette
constatation est inquiétante, car on sait que l'obésité
aggrave le pronostic de plusieurs maladies, dont la maladie coronarienne, le
diabète et l'hypertension et qu'elle abrège la vie. Le tableau
suivant nous montre la relation qui existe entre l'obésité et
certaines affections diagnostiquées chez les travailleurs.
De plus, l'obésité accentue très fortement les
troubles respiratoires résultant des poussières présentes
dans l'air. En effet, alors que des travailleurs de poids normal exposés
à des poussières d'aluminium ne démontraient aucun signe
de pneumoconiose, plus de 50% des obèses présentaient un tableau
spirographique de pré-emphysème (6).
Enfin, il faut ajouter que l'obésité prédispose aux
accidents et il apparaît que les individus obèses sont plus
portés à certains types d'accidents que les non obèses
(7).
Chez l'obèse survient aussi, surtout chez les sujets après
la quarantaine, le diabète de l'obèse. Au Québec, il y a
80 000 diabétiques potentiels dans les différents milieux de
travail chez les hommes et 20 000 diabétiques potentiels chez les
femmes.
Autres relations entre la nutrition et la santé
au travail
1 Maladies nutritionnelles: a) Une étude menée en
Suède révèle que 25% des 700 employés d'âge
mûr (40-67 ans) de plusieurs petites entreprises souffrent
d'hyperlipidémie (8). b) 21% des ouvriers du textile en Iran souffrent
d'hypertension (9). c) La fréquence d'hypertension est
élevée chez les travailleurs exposés au chlorure de vinyle
(10) et chez les travailleurs de nuit (11).
Il est à noter qu'une grande proportion des hypertendus ignorent
leur condition. Une étude effectuée dans 76 industries a
montré que 59% des travailleurs étaient atteints de cette
affection à leur insu (12). L'industrie jouit d'une position unique pour
rejoindre une importante population "à risque". 2 Intoxication par
les métaux:
Des apports insuffisants en certains éléments nutritifs
accélèrent les intoxications aux métaux lourds et
aggravent leurs manifestations. Ainsi une alimentation pauvre en calcium et en
vitamine D favorisent les intoxications par le plomb et par le cadmium (13).
3 Influence des conditions de travail sur l'état nutritionnel: a)
Le bruit: le bruit possède une nocivité particulière, il
exerce une modification de la glycémie, une augmentation du
métabolisme basai et de la retention de sel et d'eau (14).
Les habitudes alimentaires de la population de 20
64 ans
Population jeunes adultes (20 39 ans)
Dans ce groupe d'âge, l'apport alimentaire moyen dépasse
les recommandations pour tous les éléments nutritifs à
l'exception du folate chez les sujets des deux sexes. Chez les femmes les
apports moyens sont à peine suffisants en fer, calcium, thiamine. Ceci
est un reflet d'habitudes alimentaires déséquilibrées.
Lorsque les jeunes entrent dans le monde du travail, ils mangent dans
des cantines et cafétérias qui regorgent d'aliments frits ou
très sucrés et où les fruits et légumes frais sont
absents, offerts à des prix qui en découragent la
consommation.
Il importe pour ce groupe de population d'attacher une importance
spéciale à une rééducation nutritionnelle, mais
surtout de permettre à la travailleuse enceinte d'avoir accès
dans son milieu de travail à une alimentation adaptée aux besoins
nutritionnels accrus de la grossesse. Ceci a une influence .directe sur la
santé du bébé, de la mère, et permet à toute
la famille de prendre conscience de la nécessité d'une bonne
alimentation.
(6) Genet, J., Eveillard, M.F., Dumortier, L, Ligot, J., Gaucher, P., et
Dechergnes, E. Retentissement de la surcharge pondérale sur les
possibilités ventilatoires du sujet bien portant. Arch. Mal. Prof. 35:
316, 1974
(7) Nutritional Assessment of Adults, A.S.P.H. Supplement, vol. 63, nov.
1973.
(8) Hôglund, D. et Gustafson, A. Prospective study among male
employees in industry. Prevalence of hyperlipoproteinemia. Acta. Med.
Scand-198, 5, 1975
(9) Porvizpoor, D. Noise exposure and prevalence of high blood pressure
among weavers in Iran. J. Occup. Med. 18: 730, 1976
(10) Smith, P.M., Crossley, I.R. et Williams, D.M.J. Portal hypertension
in vinyl-chloride production workers. Lancet 2: 602, 1976
(11) Chevrolle, J. Hypertension artérielle et horaire de travail
chez les employés de l'Assistance publique. Arch. Mal Prof. 26: 146,
1965
(12) Schoenherg, J.A. Stamler, J. Shekelle, R.B., et Shekelle S. Current
status of hypertension control in an industrial population. J.A.M.A. 222:559,
1972
(13) Metallic Contaminant of Human Health. Forgarty International Center
Proceedings, no. 9 Lee, D.H.K. éd. New York Academic Press, 1972
(14) Leçons d'ergonomie industrielles, une approche globale,
Cazamian Pierre, 1974
Population d'âge mur (40 64 ans)
L'apport alimentaire pour les deux sexes dépasse toutes les
rations recommandées en ce qui concerne les éléments
nutritifs à l'exception de la thiamine et du folate. En outre, chez les
femmes, l'apport alimentaire en calcium est inférieur à l'apport
recommandé, probablement parce qu'elles consomment peu de lait et
produits laitiers, sources principales de calcium.
Les habitudes alimentaires et le rendement des
travailleurs
Les personnes qui ne déjeunent pas sont portées, vers dix
heures de l'avant-midi, à être léthargiques, avoir plus de
difficulté à se concentrer et être distraits et ont une
performance médiocre. Une enquête industrielle (15)
démontre que les ouvriers qui ne déjeunent pas, ont un rendement
de travail moindre que ceux qui déjeunent adéquatement. Le
compromis auquel on a recours en prenant un goûter de l'avant-midi ne
compense qu'à 50% de récupération. Trop souvent, la
plupart des goûters sont composés d'aliments "camelote" ou
à calories vides. D'ailleurs, une étude québécoise
sur les habitudes alimentaires montre que les aliments consommés entre
les repas sont moins concentrés en éléments nutritifs que
ceux pris aux repas (16).
Ceci pourrait être relié au rôle direct que joue
l'alimentation sur la disponibilité de certains neurotransmetteurs
(sérotonine et acétyl choline) au système nerveux central
(17).
La consommation excessive d'alcool représente une menace pour la
santé des travailleurs. En plus d'augmenter le risque d'accidents
considérablement, il diminue également le rendement au travail.
L'alcool rend les mouvements plus lents et incohérents, diminue la
capacité à l'effort et allonge le temps des réactions.
Nous savons que l'incidence d'alcoolisme augmente à un rythme de
5% par année au Canada et au Québec.
Le coût en dollars des maladies nutritionnelles les plus courantes
représente un investissement important en terme d'hospitalisation, de
soins médicaux, de médicaments, de jours de travail perdus et de
vies humaines.
Et même si l'aspect préventif demeure prioritaire, compte
tenu des problèmes de santé-nutrition que l'on retrouve chez la
population active en ce moment, compte tenu aussi du fait que des mesures
préventives sont peu utilisées: l'aspect diététique
curatif devient un moyen d'aider le travailleur à retrouver, à
court terme, son état de santé, ou encore, de maintenir ou
retarder les effets de sa maladie à travers un régime
diététique correctement administré.
Situation actuelle des services alimentaires en milieu
de travail
Au cours du 20e siècle, les habitudes alimentaires des
travailleurs québécois ont évolué,
influencées par les changements dans le rythme de vie tel que nous le
connaissons en Amérique du Nord actuellement.
Habitudes alimentaires des travailleurs:
L'urbanisation, les moyens modernes de communications, la scolarisation
et le travail féminin à l'extérieur du foyer ont surtout
marqué nos habitudes alimentaires. Nous dépensons de plus en plus
pour la consommation de repas à l'extérieur du foyer en
proportion des dépenses alimentaires totales. Les travailleurs prennent
régulièrement leur repas principal sur les lieux du travail et
ils constituent une
(15) Le Journal A.D.A. Vol. 37, 1960 "Capacités de travail sans
déjeuner et le fait de prendre un goûter de l'avant-midi".
(16) Description d'une enquête sur le comportement alimentaire de
la population de la ville de Québec. Revue Can. de Santé
publique, 68: 395 à 402, 1977
(17) Fernstrom, J.D. Food and brain function. The Prof. Nutritionist,
P6, Summer 1979
clientèle captive pour le service alimentaire local. Souvent le
petit déjeuner est supprimé ou remplacé par la
pause-café du matin afin de respecter les contraintes des transports et
des horaires de travail. Les employés qui travaillent
régulièrement ou occasionnellement la nuit connaissent un rythme
de vie particulier et leurs repas sont consommés de manière
hétéroclite. De même l'horaire de travail de certains
employés ne permet pas toujours à l'individu d'avoir une
répartition logique de repas. Avec la société de loisirs,
on a aussi noté une plus grande popularité de lunchs et soupers
pris au restaurant entre amis. L'individu n'a malheureusement pas toujours
réussi à équilibrer son alimentation en fonction de ces
transformations.
Services alimentaires à la portée des
travailleurs
Au Québec, les travailleurs oeuvrent généralement
dans les services publics, l'industrie et le commerce particulièrement
les P.M.E. Les conditions dans lesquelles ces ouvriers prennent leurs repas et
pause-café au travail peuvent donc varier à l'infini, du service
alimentaire institutionalise jusqu'à la simple boîte à
lunch prise sur les lieux même du travail. On connaît actuellement
un éventail de formules: appareils distributeurs, cantine mobile,
casse-croûte, comptoir lunch, taverne, brasserie,
cafétéria, restaurants... qui se partagent les faveurs de la
masse ouvrière. Dans la plupart des unités de travail,
l'employeur n'offre pas de service à son personnel. Lorsque les groupes
de travailleurs sont nombreux ou isolés, des ententes peuvent intervenir
avec des concessionnaires privés afin qu'ils assurent un service.
Parfois, l'employeur administre lui-même des cafétérias,
restaurants ou appareils distributeurs surtout dans les grandes institutions,
les banques ou les services publics. Par contre, depuis quelques années,
on assiste au Québec à la multiplication des parcs industriels
dans lesquels on retrouve généralement de petites entreprises et
la fonction alimentaire est laissée entre les mains de la libre
entreprise.
Conditions dans lesquelles les repas sont pris
Les conditions dans lesquelles les repas sont pris ne correspondent pas
toujours aux exigences les plus élémentaires d'hygiène.
L'employé n'a aucun moyen mis à sa disposition pour entreposer
convenablement sa boîte à lunch et souvent il prend son repas sur
sa table de travail ou dans un coin de l'atelier. L'équipement et la
salle à manger utilisés pour le service des repas ne sont pas
convenablement entretenus et la disposition des déchets alimentaires
n'est pas organisée. La durée allouée à la
pause-repas est parfois mal adaptée aux contraintes spécifiques
de l'environnement de travail et ne permet pas à l'employé de
manger calmement son repas en tenant compte du temps requis pour les
déplacements, l'attente d'une place libre aux tables et les besoins
d'hygiène personnelle.
Le tableau suivant illustre les divers types de services alimentaires
desservant la population active et résume la qualité du service
offert à partir de critères de performance précis soient:
-Type d'entreprise:
Dans quel milieu de travail retrouve-t-on les divers types de services
alimentaires? -Qualité de l'alimentation:
Le menu offert est-il conforme à la politique en matière
de nutrition au Québec? Tous les groupes d'aliments sont-ils offerts? La
grosseur des portions est-elle normale? - Hygiène:
L'employé a-t-il accès à des locaux pour son
hygiène personnelle? La température de conservation des aliments
est-elle bien contrôlée? L'entretien et le nettoyage des lieux et
de l'équipement sont-ils acceptables? La disposition des déchets
est-elle effectuée de façon convenable? -Atmosphère du
repas:
L'employé peut-il prendre son repas dans un climat de
détente? Le service offert est-il agréable? Le déplacement
requis pour se rendre et l'attente sont-ils convenables? Le temps alloué
pour le repas est-il adéquat? -Compétence de
l'administration:
Le personnel administratif connaît-il les besoins réels de
sa clientèle et les caractéristiques d'une saine alimentation?
Est-ce que le personnel est soucieux de l'hygiène? L'administration
est-elle orientée vers la satisfaction du client plutôt que le
profit exclusivement? -Prix demandé au client:
Le prix demandé est-il conforme avec la qualité des
produits alimentaires et du service offert? Le prix d'un repas
équilibré est-il raisonnable?
La situation actuelle telle que nous l'avons exposée
démontre clairement le peu d'intérêt porté
jusqu'à maintenant à l'alimentation des travailleurs
québécois et le contenu du projet de loi est en ce sens,
décevant puisqu'au lieu d'être à l'avant-garde, il ne fait
que cristalliser la situation actuelle.
S'il est vrai que le vide qui existe au niveau des recherches et des
développements de programmes concernant le domaine précis de
l'alimentation du travailleur excuse d'une certaine manière, le peu
d'intérêt manifesté autant par l'individu que par ses
représentants ou dirigeants, nous possédons à partir de la
science de la nutrition, suffisamment d'éléments pour initier
immédiatement une action corrective.
La Corporation professionnelle des diététistes du
Québec en présentant un mémoire à cette Commission
parlementaire de "Santé et Sécurité au Travail" veut
susciter l'intérêt de tous les intervenants possibles et les
rendre conscients qu'une intervention dans la solution des problèmes de
santé et sécurité au travail, tant sur le plan curatif que
préventif est souhaitable et réalisable.
Dans le cadre des ressources déjà existantes et des
mécanismes qui seront créés par l'adoption de cette loi et
de ses règlements, nous proposons à cette Commission
parlementaire les recommandations qui suivent.
Au nom des membres de la Corporation professionnelle des
diététistes du Québec, nous vous remercions de l'attention
que vous porterez à nos recommandations dans le plus grand
intérêt de la santé des travailleurs
québécois.
Recommandations
Nous recommandons que: 0.1 Une programmation en nutrition
préventive soit considérée prioritaire, pour
réduire les problèmes de santé des travailleurs; 0.2
L'application de la loi et de ses règlements soit faite selon une
approche multidisciplinaire, incluant les diététistes pour le
domaine de la nutrition, plutôt que de réserver la tâche
à un ou deux professionnels; 0.3 Des études et recherches sur la
nutrition en relation avec les différents milieux de travail soient
invitées par la Commission de santé et sécurité au
travail; 0.4 Des comités de nutrition soient créés dans
les milieux de travail. Ces comités auraient pour rôle
d'éduquer l'employé en matière de nutrition, de l'inciter
à se prendre en charge, de sensibiliser le travailleur, l'employeur et
le syndicat aux problèmes nutritionnels inhérents au milieu de
travail, et de voir à ce que des contrôles administratifs
d'hygiène et de qualité soient effectués; 0.5 Soit
institué dans le milieu de travail, un programme de dépistage des
hyperlipidémies et des autres facteurs de risque de
l'athérosclérose ainsi qu'un programme d'intervention selon la
recette diète-exercice à l'intention des individus
prédisposés aux accidents coronariens et
cérébro-vasculaires de façon à prévenir la
surmortalité chez les hommes de 35 à 64 ans;* 0.6 Les employeurs
et les syndicats prennent les moyens pour que les travailleurs
handicapés par les maladies nutritionnelles (obésité,
maladies circulatoires, diabète, hypertension, etc.) aient accès
aux services professionnels requis afin de diminuer les risques d'accidents au
travail reliés à leur état particulier et que les frais de
consultation diététique soient couverts par l'assurance-maladie
complémentaire; 0.7 Le personnel administratif des services alimentaires
en milieu de travail reçoive une formation adaptée à ce
secteur, bien différent de l'hôtellerie et du milieu curatif; 0.8
Les règlements d'hygiène pour les services alimentaires soient
revisés et adaptés à la situation actuelle et qu'un
programme d'inspection soit suivi rigoureusement dans les milieux de travail;
0.9 La politique en matière de nutrition mise de l'avant par le
gouvernement du Québec soit appliquée pour tous les travailleurs
particulièrement ceux oeuvrant dans les secteurs publics et
para-publics. *Référence: "Pour une politique en matière
de nutrition" Service des études épidémiologiques, M.A.S.,
Mars 1977
Bibliographie
International Labour Office Nutrition in Industry, 1976
Le ministre d'Etat au développement social Projet de loi no 17,
Loi sur la santé et la sécurité au travail, 1979
Meloche Jean et Coll. 1 - Le travail, point de vue sur notre
réalité. Le sommet économique du Québec, mai
1977
Ministère de la Santé nationale et du Bien-être
Nutrition Canada, Québec, 1975 social
Ministère des Affaires Sociales Une politique
québécoise en matière de nutri- tion, 1977
National Industrial Conference Board Inc. Compagny Food Services,
1950
Ouellet, Florian La santé et la sécurité au
travail. Pour une ac- tion sur les lieux de travail, 1977
Stokes, John W. Food Service in Industry and Institutions, 1973
Ont travaillé à la préparation de ce
mémoire:
ADAM, Andrée Diététiste, M.B.A.
Directrice du service de diététique
Cité de la Santé, Laval MACLEOD, Elizabeth
Diététiste-conseil
Secrétaire de l'Association des diététistes
autonomes du Québec NADEAU, Michèle Docteur en nutrition
Professeur agrégé
Département de nutrition, Université de Montréal
PAQUETTE, Lorraine Diététiste-nutritionniste
Département de Santé communautaire, Lakeshore TREMBLAY,
Hélène Diététiste-conseil Présidente de
la
Corporation professionnelle des diététistes du
Québec