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Version finale

31st Legislature, 4th Session
(March 6, 1979 au June 18, 1980)

Wednesday, September 5, 1979 - Vol. 21 N° 173

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Auditions concernant le projet de loi no 17 - Loi sur la santé et la sécurité au travail


Journal des débats

 

Projet de loi no 17

Présentation de mémoires

(Dix heures douze minutes)

Le Président (M. Marcoux): A l'ordre, s'il vous plaît!

La commission permanente du travail et de la main-d'oeuvre est réunie pour poursuivre l'audition des mémoires concernant le projet de loi no 17, Loi sur la santé et la sécurité du travail.

Les membres de la commission sont: M. Bellernare (Johnson) remplacé par M. Brochu (Richmond); M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Chevrette (Joliette-Montcalm); M. Gravel (Limoilou) remplacé par M. Jolivet (Laviolette); M. Johnson (Anjou) remplacé par M. Marois (Laporte); M. Lavigne (Beauharnois), M. Mailloux (Charlevoix), M. Pagé (Portneuf), M. Vaillancourt (Jonquière).

Les intervenants sont: M. Forget (Saint-Laurent) remplacé par Mme Lavoie-Roux (L'Acadie)...

M. Chevrette: Le député de Jonquière est remplacé par le député de Saint-Jean.

Le Président (M. Marcoux): M. Vaillancourt (Jonquière) est remplacé par M. Proulx (Saint-Jean).

Parmi les intervenants, également, M. Gosse-lin (Sherbrooke), M. Laplante (Bourassa), M. Lefebvre (Viau), M. Paquette (Rosemont), M. Sprin-gate (Westmount)...

M. Pagé: M. Springate est remplacé par M. Vaillancourt (Orford).

Le Président (M. Marcoux): M. Vaillancourt (Orford)?

M. Pagé: Stanstead anciennement, au début des années cinquante.

Le Président (M. Marcoux): M. Samson (Rouyn-Noranda). Comme j'aperçois le député de Pointe-Claire, est-ce qu'on accepte de l'ajouter à la liste immédiatement?

M. Chevrette: Comme intervenant. M. Pagé: D'emblée.

Le Président (M. Marcoux): M. Shaw (Pointe-Claire) en remplacement de M. Samson (Rouyn-Noranda) ou s'il est ajouté à la liste?

M. Pagé: Oui, M. le Président. M. Chevrette: Consentement.

Le Président (M. Marcoux): Vous voyez, c'est une belle journée, aujourd'hui; on peut faire de l'humour.

La liste des mémoires que nous entendrons aujourd'hui: d'abord, la Fédération des CLSC du

Québec, la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec, la Corporation professionnelle des médecins du Québec, la Corporation professionnelle des diététistes du Québec, la Corporation professionnelle des optométristes du Québec, l'Association des infirmières et infirmiers en santé du travail du Québec Inc., l'Equipe santé au travail du CLSC centre-sud.

M. Jolivet: M. le Président, avant de débuter, compte tenu que les gens avaient été convoqués, nous nous sommes entendus pour essayer d'accélérer le mouvement en demandant, si c'était possible, aux organismes d'être le plus brefs possible dans leur présentation pour pouvoir ensuite se faire poser les questions appropriées. Quant au reste de l'horaire, il y aura, pour les journées à venir, un nouvel horaire préparé pour permettre d'entendre convenablement l'ensemble des intervenants. Aujourd'hui, pour éviter de faire retourner des gens qui sont ici, on va essayer d'accélérer le mouvement de notre côté. (10 h 15)

Le Président (M. Marcoux): Le souhait que vous venez d'émettre à l'adresse de nos invités qui hier, je dois l'avouer, n'ont pas eu beaucoup de temps, 20 ou 25 minutes pour la présentation de leur mémoire, je présume qu'il est transmis à vos collègues de toute part de la même façon.

M. Chevrette: On a plus d'intervenants.

Le Président (M. Marcoux): La Fédération... Quand j'ai dit collègues, je voulais dire collègues de toute part de cette enceinte.

M. Jolivet: Intervenants aussi.

Le Président (M. Marcoux): La Fédération des CLSC du Québec, M. Pierre Ouimet. Si vous voulez nous présenter vos collègues et nous présenter votre mémoire.

Fédération des CLSC du Québec

M. Ouimet (Pierre): D'abord je tiens à remercier la commission de nous avoir fourni l'opportunité de présenter ce mémoire. En ce qui concerne les délégués de la fédération, à ma droite M. Maurice Charlebois qui est directeur général de la Fédération des CLSC, à ma gauche M. Michel Perreault qui est conseiller — cadre à la fédération, Mlle Sylvia Rolfe qui est infirmière en santé au travail au CLSC SOC de Sherbrooke, et M. André Lemelin qui est responsable du programme de santé au travail au CLSC centre-ville, qui est psychologue de profession.

Je ne crois pas que ça devrait prendre plus qu'une vingtaine de minutes pour la présentation de notre mémoire. Je vais essayer de faire une lecture assez rapide.

Le Président (M. Marcoux): Je l'ai présenté, c'est M. Pierre Ouimet. Cela va.

M. Ouimet: Les CLSC du Québec se sentent hautement concernés par la mise en place de toute politique en santé publique. La santé au travail constitue à cet égard un champ d'interventions dans lequel nous souhaitons avoir une action significative. D'ailleurs, une trentaine de CLSC sont déjà impliqués à un degré ou à un autre, dans ce secteur de la santé, tant dans les secteurs primaires, secondaires que tertiaires de l'économie et ce, dans les milieux ruraux comme urbains, auprès d'entreprises syndiquées comme non syndiquées.

Sans avoir de rôle clairement explicité par les lois en vigueur jusqu'à maintenant, plusieurs CLSC ont aussi développé une approche en santé du travail qui est de plus en plus reconnue par les différents intervenants dans ce domaine. C'est à partir de ces considérations que la Fédération des centres locaux de services communautaires exprime aujourd'hui son point de vue sur le projet de loi 17, loi sur la santé et la sécurité du travail.

La Fédération des CLSC a déjà fait connaître ses opinions et ses attentes sur la plupart des dimensions touchées par l'ensemble de ce projet de loi, dans un mémoire qu'elle a présenté publiquement avant la sortie du lire blanc sur la santé et sécurité du travail. Nous désirons, dans le présent mémoire, concentrer nos interventions, d'une part, sur la conception, et d'autre part, sur l'organisation des services de santé au travail.

Ainsi, nous nous limiterons, pour l'essentiel, à une analyse du chapitre VIII du projet de loi, lequel établit les conditions de l'éventuelle contribution des CLSC à cette réforme. Voici donc les cinq points que nous désirons discuter; le premier, la conception et l'approche, en santé au travail; le deuxième, la responsabilité de la conception et de l'implantation des programmes en santé au travail; le troisième, le contenu minimal de ces programmes, ensuite le choix de la qualité du responsable des services de santé au travail et, finalement, le rôle et les obligations du responsable des services de santé au travail.

En discutant ces cinq points, nous démontrerons que les moyens suggérés par le projet de loi ne correspondent pas à l'esprit de la réforme annoncée dans le livre blanc et ne composent qu'à moitié avec le réseau public, malgré des affirmations à l'effet contraire. Au-delà de ces cinq points majeurs, nous introduirons aussi une série d'interrogations sur l'article 115, paragraphes 19 et 20.

Donc, notre premier point, la conception et l'approche en santé au travail. Dans le livre blanc sur la santé et la sécurité du travail, le gouvernement annonçait clairement ses objectifs en santé au travail en faisant siens les objectifs exprimés par l'Organisation mondiale de la santé et aussi par le Bureau international du travail. On réfère à la page 238 du livre blanc, où on cite la définition donnée par ce bureau international et par l'OMS: "La santé au travail a pour but de promouvoir et de maintenir le plus haut degré de bien-être physique, mental, social du travailleur dans toutes les professions, de prévenir tout dommage causé à la santé de ceux-ci par les conditions de travail, de les protéger dans leur emploi contre les risques résultant de la présence d'agents préjudiciables à leur santé, de placer et de maintenir le travailleur dans un emploi convenant à ses aptitudes physiologiques, en sommes d'adapter le travail à l'homme et chaque homme à sa tâche."

Une telle déclaration d'intention clarifie ce qu'on doit entendre par la santé au travail et fixe des balises à toutes les interventions en ce domaine. Elle démontre que la santé constitue bien davantage qu'une absence de maladie compensable et que l'intégrité physique des travailleurs n'est pas le seul objectif à atteindre ou à protéger: On vise aussi le maintien et l'épanouissement de l'intégrité tant mentale que sociale et physique des travailleurs.

Ce passage du livre blanc était alors concordant avec d'autres prises de position antérieures du gouvernement concernant la santé.

Dans le projet de loi actuellement à l'étude, l'intention gouvernementale qui devait conditionner toute la loi n'est pas clairement affirmée et cela nous semble une lacune majeure. En effet, on met en place toute une série de mesures législatives, sans jamais préciser clairement et définitivement les objectifs à atteindre. A ce moment, toutes les conceptions et approches de la santé demeurent possibles et le danger de voir triompher des conceptions tout à fait réductrices de la santé devient alors réel.

En conséquence, nous demandons au gouvernement de donner tout son sens à cette loi en incluant la définition de la santé et sécurité au travail de l'OMS et du Bureau international du travail au chapitre I du projet de loi et, en corollaire, afin que le texte de loi respecte en tous points cette définition. Tous les articles qui font mention de l'intégrité physique des travailleurs devraient aussi mentionner l'intégrité mentale et sociale des travailleurs.

Une telle définition indique que l'on vise une approche globale, donc une approche multidisciplinaire de la santé, qui ne dissocie pas les aspects psychosociaux des aspects physiques et constitue le véritable fondement d'une approche de santé physique, qui est à l'opposé d'une approche strictement individuelle des problèmes, approche que rejette le gouvernement, à de multiples reprises, dans son livre blanc.

Le deuxième point concerne la responsabilité de la conception et de l'implantation des programmes de santé au travail. Cette conception globale de la santé avec les approches qu'elle implique n'est pas nouvelle au Québec. L'esprit de la réforme des services de santé et des services sociaux repose, d'ailleurs, sur une telle conception. La création des CLSC, il y a sept ans, en a représenté la consécration. Enfin, l'essentiel du discours gouvernemental en matière de développement social s'inscrit aussi dans cette perspective.

Une telle approche appliquée au domaine de la santé au travail signifierait que l'organisation des services de santé s'articulerait autour d'équi-

pes polyvalentes capables de prendre en considération plusieurs aspects des problèmes vécus par les travailleurs. Des stratégies d'interventions cohérentes se développeraient dans ce que nous appelons des programmes. De tels programmes seraient administrés nécessairement par des institutions qui auraient des équipes multidisciplinaires. Il ne saurait être question de s'en remettre à une seule profession telle la médecine comme le fait le projet de loi.

Il en est ainsi actuellement dans la mise en oeuvre des programmes de santé publique où le gouvernement compte sur un réseau intégré d'institutions dont les CLSC. On pourrait donner comme exemple une action complémentaire des différentes institutions du réseau qui s'exerce actuellement dans les programmes de maintien à domicile, de périnatalité, d'hygiène maternelle et infantile. Les CH-DSC exercent une responsabilité de planification et d'évaluation en regard de ces programmes au niveau sous-régional, alors que les CLSC ont une nette mission d'exécution, de réalisation au niveau local, les CH-DSC assurant la suppléance dans les endroits où il n'y a pas encore de CLSC. Dans un champ nouveau comme la santé au travail, nous pensons que ce mode de fonctionnement se développe déjà en maints endroits et nous comprenons mal pourquoi le gouvernement le contourne.

En effet, d'abord, au niveau du développement des programmes et du financement, le projet de loi actuel confie les responsabilités normalement dévolues au ministère des Affaires sociales à une nouvelle Commission de la santé et de la sécurité du travail. Celle-ci, dans ses fonctions, doit élaborer et rédiger des programmes-cadres et des contrats types qu'elle signe directement avec les CH-DSC, contrats qui allouent des enveloppes budgétaires. Le projet de loi retire donc, en ce domaine, au ministère des Affaires sociales la mission que lui a confiée le gouvernement de réaliser une approche globale de la santé.

Cette mission avait été confiée à un seul ministère pour mettre fin à l'imbroglio qui existait depuis toujours, plusieurs ministères se partageant jusqu'à la création des Affaires sociales la responsabilité dans divers domaines de la santé. Ceci est d'ailleurs reconnu par certains passages du livre blanc. Les CH-DSC conservent dans ce cadre la responsabilité habituelle au niveau sous-régional. Enfin, au niveau local, la loi remet la mise en oeuvre des services à une profession, la médecine, puisque les CH-DSC signent un contrat avec un médecin responsable, tel que stipulé à l'article 87 du projet de loi.

Au niveau sous-régional, le fait que la loi s'appuie sur une institution du réseau, le CH-DSC ne saurait nous satisfaire comme fédération des CLSC. Il nous apparaît inacceptable qu'un seul établissement du réseau des Affaires sociales, à savoir les CH-DSC, échappe tout à coup à la dynamique de ce réseau et relève d'une commission qui n'a aucune prise sur ce réseau. D'ailleurs, le réseau a été conçu en fonction d'une complémentarité entre les établissements qui vise à donner une réponse à tous les types de besoins. Ce mode d'organisation nous apparaît éminemment contestable à plus d'un titre. D'abord, le gouvernement, en misant sur une seule profession médicale pour assurer au niveau local les programmes de santé au travail, nous semble abandonner toute approche de santé publique qui suppose, selon toutes les expériences en ce domaine, une approche multidisciplinaire où l'on intervient autant sur les aspects psycho-sociaux que physiologiques, et où la prise en charge par les usagers de leur propre santé est déterminante. Une telle décision ne peut, en effet, que surprendre. Le gouvernement forcera ainsi les CLSC qui ont le mandat de réaliser avec des équipes multidisciplinaires une approche globale et intégrée de la santé, à subordonner leurs interventions dans le domaine de la santé au travail aux dispositions de contrats intervenus entre un ou plusieurs de leurs employés, les médecins en l'occurrence, avec une autre institution du réseau. C'est une conception vraiment très nouvelle et surprenante de la santé publique.

Du même coup, on ignore toute la dynamique d'un réseau que l'on bâtit depuis des années, réseau qui possède des mécanismes pour répondre à tout l'éventail des besoins en santé et on crée un réseau parallèle de médecins. Ce réseau parallèle deviendra-t-il subitement un réseau de santé publique du simple fait que ses acteurs individuels sont liés par contrat avec une institution de santé publique, à savoir les CH-DSC? (10 h 30)

Ce réseau médical développe-t-il, par magie, une approche globale de la santé ou n'y a-t-il pas lieu de craindre, au contraire, une emprise de plus en plus forte de la médecine sur tout ce secteur?

Pour ces considérations, nous demandons tout simplement au gouvernement de respecter les choix déjà faits au niveau de l'organisation des services de santé et des services sociaux au Québec et d'utiliser les institutions qu'il a créées et qu'il continue d'appuyer pour justement améliorer la santé, incluant, nous semble-t-il, la santé au travail.

En conséquence, nous recommandons que la loi confie la responsabilité de la conception et de l'implantation des programmes et services en santé au travail au ministère des Affaires sociales, lequel partagerait cette responsabilité de la façon habituelle avec son réseau.

Pourquoi confier cela à une nouvelle structure bureaucratique qui devra développer une expertise existant déjà ailleurs, ainsi que des mécanismes légaux et administratifs que des années de travail ont mis en place? La Commission de la santé et de la sécurité au travail pourrait collaborer avec le ministère des Affaires sociales à la conception des programmes-cadres à partir des priorités qu'elle se donnera, laissant au ministère et à son réseau la responsabilité d'implanter, aux niveaux régional, sous-régional et local les programmes vraiment adaptés aux besoins.

Notre troisième point concerne le contenu minimal des programmes, d'abord, concernant les programmes-cadres et ensuite le programme spécifique.

Concernant les programmes-cadres, le projet de loi ne donne pas suffisamment de précisions, selon nous, sur le contenu minimal des programmes-cadres. Or, ces programmes conditionneront largement toute l'approche en santé au travail. Ces programmes-cadres, qu'ils soient des programmes généraux de dépistage ou des programmes particuliers d'interventions, peuvent avoir de multiples orientations. Ils pourraient, par exemple, ne viser qu'une surveillance médicale des examens et des tests, ce qui ne changerait pas grand chose aux causes mêmes des problèmes de santé. C'est pourquoi nous souhaitons que l'article 81 de la loi définisse des orientations claires pour ces programmes-cadres, et, conformément à l'approche globale et intégrée qui est proposée, nous suggérons qu'à l'article 81, il soit clairement spécifié: 1)Que les programmes-cadres visent non seulement la santé et la sécurité des travailleurs, mais aussi la salubrité de l'environnement du travail afin d'éliminer les problèmes à la source; 2)Que les programmes-cadres couvrent toutes les dimensions d'une approche globale de la santé, à savoir prévention, dépistage, surveillance, traitement et réadaptation; 3)Que les programmes-cadres tiennent compte de l'intégrité tant mentale et sociale que physique des travailleurs.

En ce qui concerne les programmes spécifiques, nous croyons que ces programmes devraient tenir compte de la spécificité de chaque environnement de travail. Le livre blanc insistait avec beaucoup d'à-propos, croyons-nous, sur la responsabilité des établissements à cet égard. Je cite le livre blanc, à la page 243, qui dit: "C'est à ces établissements, cependant qu'incombera la responsabilité de décider des modalités concrètes d'application de ces programmes-cadres et de les compléter en fonction de leurs besoins particuliers. Ils devront donc voir à élaborer leur propre programme de santé au travail."

Un peu plus loin, on ajoute: "II appartiendra au comité paritaire de définir ce programme spécifique à l'établissement."

Or, on ne retrouve pas une telle explication dans le projet de loi. Le seul critère d'un programme spécifique de santé d'un établissement n'est-il pas d'être conforme aux exigences du programme-cadre de santé et du contrat intervenu entre la commission et le centre hospitalier, tel que le stipule l'article 94 du projet de loi? Des enveloppes budgétaires seront données aux CH-DSC, conformément au contrat intervenu avec le centre hospitalier, à l'article 84. Nous nous demandons quelle sera la latitude financière pour réaliser des programmes vraiment spécifiques.

Le projet de loi n'est pas suffisamment explicite, à notre point de vue. Il devrait être amendé de la façon suivante, à l'article 94: Le programme de santé d'un établissement, tout en étant conforme au programme-cadre, peut le compléter en fonction des besoins particuliers de l'établissement. Le budget annuel de la santé et sécurité au travail devrait en tenir compte.

Le quatrième problème qu'on veut aborder concerne le choix et la qualité du responsable des services de santé dans un établissement. Dans le domaine de la santé et sécurité du travail, on sait qu'une véritable polémique existe autour du choix du médecin responsable des services de santé dans un établissement. Les travailleurs, au nom de la liberté de choix de leur médecin, réclament collectivement ce pouvoir. Ce débat, quant à nous, déplace le problème des programmes vers les intervenants. En ce qui nous concerne, tout cela contribue à réduire la portée du débat et à renforcer les dangers d'une plus grande médicalisation de la santé au travail.

Il ne fait aucun doute, pour nous, que c'est dans la conception et l'organisation des programmes que se situent les enjeux d'une véritable réforme dans le domaine de la santé au travail. Tout le débat actuel autour de cette question marque mal, d'ailleurs, que le rattachement des médecins au réseau public, via un contrat avec les DSC, est très fragile en termes de changements significatifs par rapport à la situation antérieure. On semble craindre beaucoup le contrôle des médecins par l'une ou l'autre partie. Tout ce débat indique, selon nous, que la question majeure de la crédibilité de la médecine au travail ne semble pas résolue par ce projet de loi et continuera de susciter bien des controverses, à notre point de vue, inutiles.

Miser sur la crédibilité des institutions publiques nous semble, à notre point de vue, davantage prometteur que de miser sur une seule profession, surtout si cela s'accompagne d'une véritable implication des travailleurs en leur accordant des pouvoirs réels au niveau des comités paritaires sur l'élaboration et la mise en application du programme spécifique de santé.

Qu'advient-il, d'ailleurs, du pouvoir décisionnel accordé par le livre blanc au comité paritaire concernant "la détermination du programme de services de santé spécifique à l'établissement" (page 211 du livre blanc)? Est-ce que cela est véritablement transcrit dans l'article 63, alinéa 5, qui donne comme fonction au comité de santé et de sécurité "de coopérer avec le médecin à l'élaboration des modalités d'application du programme de santé dans l'établissement" ou encore à l'article 93 où on dit que "le médecin responsable doit élaborer, en consultation avec l'employeur et le comité de santé et de sécurité, un programme de santé spécifique à l'établissement et voir à sa mise en application"?

Nous regrettons vivement que le projet de loi ne garantisse pas dans sa forme actuelle une véritable implication du milieu de travail. Tout le discours entourant cette réforme ne reposait-il pas sur le dynamisme des milieux mêmes de travail?

Quant à la qualité du responsable du programme de santé au travail, les institutions des affaires sociales, si le gouvernement consentait

évidemment à les utiliser pleinement dans l'application de la loi, ne choisiraient pas nécessairement des médecins. Ceux-ci ont un rôle important à jouer et cela, la fédération ne veut en aucune façon le contester. Ils ont un rôle important à jouer à l'intérieur d'un programme de santé au travail, mais ce que nous ajoutons, c'est que d'autres professionnels possèdent également une compétence pour être responsables, par exemple des hygiénistes du travail, des ingénieurs, des infirmiers et infirmières du travail. Comme nous l'avons déjà mentionné, la possibilité de faire appel à différentes professions offre des garanties d'une approche réellement multidisciplinaire et diminue les risques d'une médicalisation de tout ce domaine de la santé. Ceci serait, d'ailleurs, conforme à ce qui existe déjà dans les faits, puisque plusieurs responsables des services ou programmes de santé au travail, tant dans les CH-DSC que dans les CLSC, ne sont pas médecins et les résultats n'en sont pas moins excellents.

En conséquence, nous recommandons que le projet de loi soit amendé afin de remplacer la notion du médecin responsable par responsable du programme. Le projet de loi actuel renferme, d'ailleurs, beaucoup d'imprécisions. Le projet de loi, à l'article 87, précise que le médecin responsable doit être agréé par le CH-DSC avant d'être choisi, et je cite l'article 87: "Un médecin ne peut être nommé responsable des services de santé d'un établissement que s'il a été agréé aux fins de la médecine du travail par le centre hospitalier dont le département de santé communautaire fournit ces services. Il doit en outre avoir conclu avec ce centre hospitalier un contrat de service dont le contenu est conforme au règlement."

On se demande pourquoi on attache tant d'importance à la qualification des médecins. Voudrait-on faire de la médecine au travail une nouvelle spécialité? Pourquoi ne pas exiger que les infirmières et autres intervenants soient eux aussi agréés? De plus, nous n'avons rien trouvé dans les lois propres ou connexes aux affaires sociales qui précise le mot "agréé". Cela signifie-t-il qu'un médecin doit remplir les critères en vigueur actuellement pour être membre du conseil des médecins et dentistes d'un CH-DSC et doit, par exemple, assurer une garde au CH-DSC et y exercer un droit d'hospitalisation? Est-ce que les médecins qui oeuvreront sous les ordres du médecin responsable doivent être eux aussi agréés, et comment? Voilà autant de questions que nous nous posons.

Pour nous, chaque corporation devrait surveiller la qualité des pratiques de la profession selon la loi actuelle et effectuer les pressions nécessaires pour que les institutions d'enseignement assurent une formation de qualité. Nous recommandons d'abandonner dans la loi toute cette procédure d'agrément et de laisser aux institutions qui offriront ces programmes la liberté de recruter des intervenants qu'elles jugeront compétents.

Enfin, notre dernier point concerne le rôle et les obligations du responsable. Si nos proposi- tions étaient retenues, le texte de la section IV du chapitre VIII devrait être repris pour être concordant, à savoir que l'évaluation des ressources professionnelles, techniques et financières se ferait d'institution à institution, de CLSC à CH-DSC, selon les mécanismes déjà en vigueur dans le réseau des affaires sociales, soit par ensemble ou par contrat de service.

Notre souci majeur face au rôle du responsable consiste à bien indiquer, dans la loi, certaines obligations pour les intervenants du domaine de la santé afin que les parties puissent compter sur un travail de qualité et aient des recours, si cela s'avère nécessaire.

En conséquence, selon nous, le responsable et, s'il y a lieu, les intervenants faisant partie de son équipe, premièrement, doivent prendre connaissance de tous les procédés de travail utilisés dans le milieu de travail; deuxièmement, ils doivent tracer un portrait de santé le plus complet possible de l'environnement du travail, en identifiant les risques pour la santé et la sécurité associés à chaque poste de travail et le remettre au comité de santé-sécurité aux travailleurs et/ou à leurs associations représentatives, ainsi qu'à l'employeur; troisièmement, ils devraient informer adéquatement les travailleurs sur leur état de santé; quatrièmement, ils devraient s'assurer que les travailleurs sont adéquatement informés sur les risques inhérents à leur travail; cinquièmement, ils doivent prendre connaissance des rapports d'accidents, de maladie, d'inspection ainsi que des procès-verbaux des réunions du comité de santé-sécurité; sixièmement, ils sont à la disposition du comité de santé-sécurité pour répondre à toute demande d'information; septièmement, ils accompagnent l'inspecteur quand ils visitent le lieu de travail. (10 h 45)

Même si ce n'est pas spécifiquement dans notre mémoire, je le souligne, un huitièmement pourrait s'ajouter, qui pourrait se libeller comme suit: "Participer activement comme personnes-ressources à l'élaboration et à la mise en application des programmes de prévention, notamment en regard de la formation et de l'information." Afin que le responsable et, s'il y a lieu, son équipe, puissent accomplir leur travail, l'article 40 devrait obliger l'employeur à donner au responsable et, s'il y a lieu, à son équipe, accès partout et en tout temps au lieu de travail, afin qu'ils puissent y effectuer les études, mesures et prélèvements appropriés.

Voilà pour l'essentiel des cinq points que nous voulions toucher. Maintenant, de façon marginale ou accidentelle, quoique ce soit important, en quelques minutes, on ne voudrait finalement pas passer sous silence les interrogations que soulève un article qui ne fait pas partie du chapitre VIII, mais qui peut être lourd d'implications pour les services de santé. Il s'agit de l'article 185 qui dit que "la commission peut faire des règlements pour: 1. déterminer les cas ou circonstances dans lesquelles un employeur doit faire subir un exa-

men médical de préembauche ou des examens périodiques en cours d'emploi, de même que le contenu de ces examens et la fréquence des examens périodiques; 2. indiquer les cas ou circonstances dans lesquelles une personne doit être considérée comme n'ayant pas la capacité physique d'exécuter un travail particulier;

Ici, on se pose une série de questions: Est-ce que les cas ou circonstances en question sont les seuls où les services de santé doivent intervenir? A qui les services de santé transmettent-ils les résultats? Que prévoit la loi, si un intervenant constate qu'un travailleur détériorerait sa santé en continuant d'occuper un poste de travail? Y a-t-il des mesures pour protéger les droits et privilèges des travailleurs lors du changement de poste?

Nous croyons que la loi devrait apporter, dès maintenant, des réponses à ces questions, afin d'assurer une protection réelle aux travailleurs.

En conclusion: En résumé, nous partagions les objectifs poursuivis par le gouvernement, dans le livre blanc, mais de crainte qu'ils ne puissent s'actualiser vraiment et concrètement, nous souhaitons que le projet de loi 17 soit amendé de la façon suivante — suivent six recommandations ou projets d'amendements: 1. que la définition de la santé et sécurité au travail de l'Organisation mondiale de la santé et du Bureau international du travail soit inscrite dans la loi même; 2. que le gouvernement accorde au ministère des Affaires sociales et à son réseau l'entière responsabilité d'implanter les programmes et services en santé au travail, à partir des programmes-cadres conçus en collaboration avec la commission; 3. que ces programmes-cadres aient des orientations définies dans la loi; 4. que des programmes spécifiques puissent se développer selon le dynamisme des milieux de travail; 5. que la responsabilité locale des programmes et des services ne soit pas confiée à une seule profession, la médecine, mais relève des institutions de santé publique, comme il va de soi dans tout programme de santé publique; 6. que le responsable et les divers intervenants du domaine de la santé aient des obligations inscrites dans la loi.

Nous craignons, en effet, que, par différentes dispositions, le gouvernement, qui désirait développer une approche progressive de la santé, face à un secteur qui en a grandement besoin, en arrive, dans les faits, à réaliser une approche plutôt conservatrice en favorisant une plus grande médicalisation de la santé au travail.

M. le Président et MM. les membres de la commission, je vous remercie de votre attention et je voudrais, en terminant, vous dire que les membres de la délégation des CLSC sont à votre disposition pour répondre aux questions que vous voudrez bien nous adresser.

Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie. M. le ministre.

M. Marois: M. le Président, j'ai pris attentivement connaissance du mémoire de la Fédération des CLSC et je tiens à en remercier les représentants. Au fond, je comprends qu'un bon nombre des recommandations et des commentaires de votre mémoire visent essentiellement, par toute une série de suggestions, le cas échéant, et une argumentation étoffant ces suggestions ou ces recommandations, à vous assurer que, par des amendements qui pourraient être apportés au projet de. loi, — ce qui est loin d'être exclu d'ailleurs — le projet de loi traduise, le plus fidèlement possible et le mieux possible, les intentions qui étaient exprimées dans le livre blanc. En ce sens, je tiens à vous dire tout de suite que vous pouvez être assurés que toutes et chacune de vos recommandations vont être examinées très attentivement.

Etant donné le temps qui file, je me contenterai simplement pour l'instant, de formuler deux commentaires. Il y a peut-être un bout à l'intérieur qui serait une forme de commentaire-question en même temps sur lequel, peut-être, j'aimerais que les membres de la délégation réagissent, nous fassent part de leurs commentaires concernant les recommandations — en tout cas sur le résumé, les conclusions — les recommandations 1, 3 qui se recoupent dans une certaine mesure, ou se complètent, et la deuxième recommandation. En ce qui concerne les recommandations 1 et 3, apparaissant à la page 18 — j'ai pris note, d'ailleurs, de celles que vous avez ajoutées concernant l'article 185, on va regarder cela aussi, en passant, très attentivement — l'intention, si je comprends bien, de vos recommandations, c'est de vous assurer que les contenus des programmes de santé correspondent le plus pleinement possible à la définition de la médecine du travail et du concept santé de l'Organisation mondiale de la santé du Bureau international du travail, tel qu'on l'avait indiqué dans le livre blanc.

On a eu l'occasion de longuement discuter hier, par divers biais, de cette question qui a été évoquée tout au long de la journée. Je me contenterai simplement de dire ou de redire aujourd'hui, là-dessus, c'est que soyez assurés que le texte de loi précisera, s'il le faut, après examen, les éléments que doit comporter un programme de santé au travail, les éléments tels qu'ils apparaissaient au livre blanc et qui correspondent à la définition: Médecine du travail et de l'Organisation mondiale de la santé et du Bureau international du travail. A ce sujet, il y a un problème qui se pose et qui n'est pas facile à résoudre, en tout cas, pour une application qui est concrète et qui n'est pas encore là une espèce de faux espoir pour les hommes et les femmes, pour qui, après tout, le projet de loi est conçu. C'est le problème de la mention de l'intégrité mentale et sociale. La transposition peut se faire sans poser trop de difficultés, quand on l'aborde par le biais d'une dimension et d'une approche collective, je crois — enfin, je m'interroge, mais je crois — cela n'est pas, par ailleurs, sans poser un certain nombre de difficultés d'application dans les cas individuels. Pensez, par exemple, à l'exercice et comment s'articule-

rait, à ce moment, l'exercice d'un droit de refus individuel qui serait relié à l'organisation même du travail. J'avoue en toute honnêteté que je n'ai pas la réponse à cette question. Il y a des choses sur lesquelles j'aimerais vous entendre réagir. Je vais prendre bonne note de vos commentaires à ce sujet.

Deuxièmement, en ce qui concerne la deuxième recommandation, vous nous suggérez d'accorder au ministère des Affaires sociales et au réseau l'entière responsabilité d'implanter le programme et services de santé du travail à partir des programmes-cadres conçus en collaboration avec la commission. Là aussi, on a eu longuement l'occasion d'en discuter et je ne vous cacherai pas aussi qu'on a eu longuement l'occasion d'en discuter mes collègues du Conseil des ministres et moi pour voir comment on pouvait arriver à ce que ce soit quand même quelque chose d'opérationnel et que cela respecte quand même fondamentalement les responsabilités qui sont dévolues au ministère des Affaires sociales dans le domaine général de la santé publique. En ce sens, le projet de loi, tel qu'il est rédigé, en tout cas, dans notre esprit, vise au fond à concilier deux objectifs qui sont aussi importants l'un que l'autre. Le premier, c'est d'assurer la coordination de toutes les interventions dans le domaine de la prévention en s'assu-rant que tous les programmes aussi bien de formation, d'information, de recherche, d'inspection, de santé et que de santé au sens très large, très englobant — on a évoqué hier la double dimension, vous y revenez aujourd'hui — la salubrité du milieu, l'hygiène industrielle que la surveillance médicale comme telle, que toutes les interventions pour assurer la coordination, soient élaborées au sein d'un même organisme, c'est-à-dire, en l'occurrence, si on va au plus haut niveau, la Commission québécoise de la santé et de la sécurité du travail.

C'est un objectif qui nous paraît important et qu'il faut concilier avec le deuxième, qui est le suivant et qui est, à notre point de vue — là-dessus, je pense qu'on rejoint une de vos préoccupations — d'éviter de créer un réseau parallèle au réseau actuel pour l'implantation des programmes de santé au travail et cela, en confiant aux CH-DSC la responsabilité de cette implantation, conformément aux contrats qui vont intervenir entre la Commission québécoise de la santé et de la sécurité du travail et les centres hospitaliers où existe un département de santé communautaire.

La formule qui est proposée dans le projet de loi nous semble permettre de concilier le mieux possible ces deux objectifs. En plus de cela, afin de s'assurer que les programmes-cadres et les contrats entre la commission et les centres hospitaliers soient cohérents avec les politiques du ministère des Affaires sociales — je vais rejoindre directement votre préoccupation — notamment à l'égard des centres hospitaliers et, plus globalement, avec les responsabilités de ce ministère dans le domaine de la santé publique, le projet de loi — je me permets de le rappeler — prévoit, d'une part, que le ministre des Affaires sociales sera représenté au sein de la commission et, d'autre part, que les programmes-cadres et les contrats types qui seront élaborés par la commission seront obligatoirement soumis au ministre des Affaires sociales avant d'être soumis au gouvernement pour approbation. C'est à partir de la nécessité, nous semblait-il, de concilier ce double objectif, tout en préservant la responsabilité de fond du ministère des Affaires sociales, qu'on a transposé ses objectifs dans le projet de loi dans les termes que je viens d'évoquer.

Voilà les deux commentaires que je voulais faire. En même temps, je vous ai posé en cours de route, une question concernant la dimension de la mention de l'intégrité mentale et sociale et votre perception quant à l'application sur le plan individuel. Je pense, entre autres, toujours à l'exercice du droit de refus. Je voudrais dire, en terminant, que vous pouvez être assurés que toutes et chacune des recommandations de votre mémoire vont être scrutées à la loupe, parce que ce n'est certainement pas notre intention d'avoir un projet de loi qui décroche des perspectives, des orientations qui étaient définies dans le livre blanc.

Bien sûr, à la suite de consultations — je l'ai dit en introduction, à l'ouverture des travaux de cette commission — on a procédé à des ajustements, on a procédé aussi à des additions. Il y a des choses qui sont dans le projet de loi qui n'apparaissaient pas dans le livre blanc. C'est normal si on veut être conséquent avec le processus d'une consultation qui fait ressortir un certain nombre de problèmes qui, pour toutes sortes de raisons, avaient pu nous échapper ou d'une consultation qui nous permet d'en venir à la conclusion que notre évaluation était plus ou moins valable et qu'il faut la réajuster en cours de route, mais, enfin, c'est autre chose.

Le Président (M. Marcoux): Est-ce que vous voulez commenter?

M. Charlebois (Maurice): Peut-être par rapport à votre première question sur le problème du droit de refus dans le cas de difficultés avec l'intégrité mentale ou sociale. Sur toute la question du droit de refus, il reste quand même à l'intérieur de cet article une zone un peu grise. Le droit de refus peut s'exercer quand il y a un danger imminent, "si l'exécution de ce travail l'expose à un danger pour sa santé et son intégrité ou peut avoir l'effet d'exposer une autre personne à un semblable..."

M. Marois: Vous faites allusion au livre blanc.

M. Charlebois: Je fais allusion au livre blanc, je m'excuse. De toute façon, il va y avoir un problème d'interprétation dans la loi. Evidemment, le texte de la loi ne reprend pas la question du danger imminent. Le texte de la loi, par ailleurs, laisse d'abord au travailleur un premier préjugé, à savoir qu'il peut cesser de travailler, sauf qu'en bout de ligne, s'il est démontré qu'il a agi de mauvaise foi, il peut y avoir une démonstration de

cela. En bout de ligne, il y a une question d'interprétation là-dedans. (11 heures)

De toute façon, il va y avoir une question d'interprétation dans cela. Il est assez évident qu'un danger pour la sécurité est pas mal plus palpable et plus manifeste. Un danger relatif à l'intégrité physique va peut-être être plus ou moins palpable. Un danger relatif à la santé va être encore là, je crois, plus ou moins palpable ou relativement moins palpable qu'un danger relatif à la sécurité ou à l'intégrité physique comme telle. Je pense, finalement, que, par rapport à l'intégration mentale et sociale entre autres, il va y avoir simplement une gradation. Tous les dangers ne se présentent pas avec la même intensité et la même gravité et, dans le cas de droit de refus, qui apparaît, de toute façon, comme une mesure extrême, une mesure d'urgence, un danger relatif à la santé mentale ou sociale, il y a une gradation qui va devoir se faire, dans l'interprétation du moins.

M. Marois: Au fond, si je comprends bien ce que vous venez de dire, c'est que vous convenez du fait que l'intégration de la notion d'intégrité mentale et sociale, comme telle, n'est pas sans poser un bon nombre de difficultés d'application. Normalement, on prend comme exemple l'exercice du droit de refus et, probablement encore plus que l'exercice d'un droit de refus, par exemple, pour des problèmes de santé strictement.

M. Charlebois: Avec le droit de refus, on prend un cas extrême. Il est assez évident que se référer à une notion globale de la santé n'entraîne pas une série de mesures évidentes. Pourquoi tout le système de santé entre autres s'est surtout développé en fonction d'une conception non nécessairement très élargie de la santé? Je pense qu'il y a quand même une force des choses, là, qui montre que ça prend des efforts et que ça prend une certaine continuité, un certain support, au fond, pour déborder et poursuivre finalement cette approche globale et aller sur tous les terrains.

Pourquoi toute la science médicale, pourquoi toutes les institutions publiques n'ont-elles pas tout naturellement développé cette espèce d'approche globale, pris en compte l'environnement, pris en compte toutes les dimensions de la santé? C'est un effort qui s'est imposé à un moment donné et auquel il faut travailler.

Lorsque vous dites qu'il y a des difficultés de mise en oeuvre de ça, je pense qu'il y a des difficultés certainement dans la santé au travail, mais il va y en avoir dans tous les autres domaines. Cela ne se réalise pas facilement dans la société actuellement, cette approche. Cela se réalise, par contre... Il y a des pas qui sont franchis. C'est un objectif qu'on a et il faut le poursuivre. Je pense que c'est important de se donner une perspective. Ce n'est pas acquis, ce n'est pas évident. Ce n'est pas demain matin, et tout le réseau, toutes les institutions, toutes les professions ne sont pas tombés là-dedans du jour au lendemain, et ça veut dire qu'il y a des efforts à faire pour y parvenir. Il reste qu'il y a une philosophie derrière ça.

Le Président (M. Marcoux): Est-ce que vous pouvez vous identifier pour faciliter le travail du journal des Débats?

M. Lemelin (André): D'accord. André Lemelin, CLSC centre-ville.

Le Président (M. Marcoux): Approchez-vous du micro aussi, s'il vous plaît!

M. Lemelin: C'est un commentaire au sujet... Est-ce qu'il est ouvert?

C'est simplement pour répondre à l'interrogation que vous avez concernant le refus...

Le Président (M. Marcoux): Là, ça fonctionne, je pense. Cela devrait...

M. Lemelin: Cela fonctionne, là? D'accord, concernant le refus pour des risques à l'intégrité mentale ou sociale...

Le Président (M. Marcoux): Passez-lui donc le micro, parce que...

M. Lemelin: II ne fonctionne pas? Est-ce que celui-ci fonctionne? Oui.

Le Président (M. Marcoux): Oui.

M. Lemelin: Je vais reprendre. C'est en réponse à votre interrogation concernant le refus pour des risques à l'intégrité mentale et sociale. Je vous répondrais... J'ai un certain nombre d'éléments qui pourraient fournir des réponses. Je n'ai pas de réponse comme telle. J'ai un certain nombre d'éléments.

Je répondrais d'abord par une boutade. Je me dis que c'est clair que si on accordait un droit de refus pour des risques à l'intégrité sociale ou mentale, si on se fie aux articles de Lysiane Gagnon, il n'y aurait peut-être plus beaucoup de ministres et de députés.

Je pense que le deuxième élément, c'est que je crois que dans le projet de loi, tel qu'il est actuellement, il y a déjà un certain nombre de choses qui prévoient, pour des aspects psychosociaux, la possibilité de refus de travailler, notamment dans les articles 32 et suivants en ce qui concerne le retrait préventif de la travailleuse enceinte. On dit que, lorsque son travail comporte des dangers physiques pour elle-même ou pour l'enfant, il est possible, pour la travailleuse, de demander d'être affectée à des tâches différentes, dans le fond de refuser le travail qu'elle exécutait avant sa condition de femme enceinte.

A la limite, on pourrait dire, pour donner un exemple, que des travailleuses enceintes pourraient refuser de travailler dans certaines conditions de travail, par exemple, des équipes de nuit. C'est un exemple d'élément psychosocial où on

peut dire que le refus de travailler peut être appliqué.

Par ailleurs, l'autre élément de réponse que j'aimerais fournir, c'est que c'est clair qu'il est difficile d'articuler, sur le plan de l'intégrité mentale ou sociale, un droit de refus. Les lois qui ont été faites un peu partout, particulièrement en Norvège et en Suède, tout en identifiant un certain nombre de risques sur le plan social et mental, ne partent pas de refus dans ces conditions. En même temps, je déplore énormément que le projet de loi élimine ou, à la limite, ne mentionne pas la possibilité de traiter des problèmes sociaux, affectifs ou mentaux sous prétexte que c'est difficile d'articuler un droit de refus là-dessus.

C'est, grosso modo, les éléments de réponse que je voulais fournir.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Merci, M. le Président. Je voudrais remercier M. Ouimet et son groupe pour le mémoire qu'ils nous présentent ce matin. J'aurais un bref commentaire et deux questions par la suite; je vais les formuler tout de suite et vous pourrez prendre tout le temps nécessaire pour y répondre.

Tout d'abord, je constate qu'il y a plusieurs points — pour reprendre une expression qui est chère au ministre — qui sont convergents entre ce que vous demandez dans le document que vous déposez ce matin et ce que nous avons exprimé comme réserve ou comme mise en garde, hier, lors de la déclaration d'ouverture. Je note, entre autres, qu'à la page 4 de votre mémoire vous dites: "On met en place toute une série de mesures légales sans jamais préciser clairement et définitivement les objectifs à atteindre." C'est un des éléments sur lesquels on s'est permis d'insister hier parce que la réforme dans le projet de loi no 17, tel qu'on le perçoit nous apparaît comme étant davantage une réforme de structure. C'est dans ce sens, je crois, que les références que vous faites au livre blanc, et que nous avons faites nous-mêmes hier, c'est un élément convergent, quant à moi. Somme toute, on demande au gouvernement...

Le reproche qu'on adresse à l'égard du projet de loi no 17, c'est de ne pas avoir su traduire, dans le libellé du texte, les objectifs à atteindre en termes de santé et de se limiter, dans un premier temps — tout au moins, c'est ce qu'on semble percevoir — à une réforme de la structure, comme telle.

A la page 6 de votre mémoire, vous indiquez qu'il vous apparaît inacceptable qu'un seul établissement du réseau des affaires sociales, le CH-DSC, échappe tout à coup à la dynamique de ce réseau et relève d'une commission qui n'a aucune prise sur ce réseau. D'ailleurs, le réseau a été conçu en fonction d'une complémentarité entre les établissements qui vise à donner une réponse à tous les types de besoins.

Je dois vous dire que c'est un élément qui a beaucoup d'importance dans le débat. Vous avez très bien su l'exposer, ce matin. Lorsque nous avons pris connaissance de votre mémoire, cela a impliqué des questions, des réflexions. Il va de soi que l'échange que nous avons eu hier avec les départements de santé communautaire, l'échange que nous avons ce matin avec vous et celui que nous aurons avec les autres groupes nous amèneront à réfléchir à tout cela, à discuter de tout cela avec les intervenants et à prendre des positions qu'on sera en mesure de faire valoir tant lors de l'étude du projet de loi en deuxième lecture que lors de l'étude du projet de loi article par article, et ce aussi compte tenu des modifications ou des précisions du ministre. Là-dessus, je dois exprimer mon appréciation, je suis heureux de voir que le ministre a déjà accepté, à certains égards, de préciser des éléments du projet de loi.

Vous dites, à la page 8 de votre mémoire: "La Commission de la santé et de la sécurité du travail pourrait collaborer avec le ministère des Affaires sociales à la conception des programmes-cadres à partir des priorités qu'elle se donnera, laissant au ministère et à son réseau la responsabilité d'implanter aux niveaux régional, sous-régional et local des programmes vraiment adaptés aux besoins."

Il va de soi que ce critère d'application de programmes sur une base régionale ou sous-régionale, compte tenu des besoins, compte tenu des priorités d'interventions, parce que c'est un élément important d'agir selon les priorités d'interventions — cela a d'ailleurs été mis en relief hier par l'intervention des gens des départements de santé communautaire que c'était bien d'avoir un programme-cadre avec une norme minimale pour le Québec, mais qu'on se devait de traduire ces normes, compte tenu des objectifs prioritaires à atteindre, selon les besoins dans certaines régions—il va de soi, dis-je, que les besoins entre autres de la région de Québec ne sont pas nécessairement les mêmes que les besoins ou les objectifs à atteindre dans une région comme Montréal qui est beaucoup plus fortement industrialisée.

A la page 11 de votre mémoire il y a un élément que je trouve assez intéressant, c'est que le programme de santé d'un établissement, tout en étant conforme au programme-cadre, peut le compléter en fonction des besoins particuliers de l'établissement. C'est la crainte qu'on a, quant à nous, et je suis heureux de constater que vous ayez des propositions dans ce sens-là. Ce que l'on craint, c'est que la commission de santé et de sécurité au travail, dans les programmes-cadres de santé qu'elle adoptera, s'en réfère strictement et uniquement et se limite à des normes minimales dans les entreprises, parce qu'on a quand même des entreprises au Québec qui sont allées loin dans la prévention et la sécurité. On ne peut pas en dire autant de toutes les entreprises, on ne peut pas en dire autant de certaines catégories d'entreprises, mais on aura l'occasion d'en discuter avec d'autres intervenants où ils auront quand même à en rendre compte à certains membres de la

commission, entre autres aux membres de l'Opposition.

La requête que vous formulez — j'espère que le ministre et que les membres de la majorité ministérielle en prendront bonne note — a trait à l'obligation qu'ils ont de permettre, de faire en sorte de rédiger, de libeller, dans le projet de loi, la possibilité de traduire sur une base spécifique, compte tenu des besoins de certains secteurs de l'industrie, de préciser ces programmes-cadres.

La première question est la suivante: Ne croyez-vous pas que le gouvernement, avec le projet de loi, aurait pu agir dans un premier temps en établissant des objectifs à atteindre d'où se dégagera un ordre de priorités selon certains types d'industries et selon certaines régions, sans modifier pour autant toute la structure, comme il le fait dans le moment? Parce que c'est une modification presque intégrale de la structure avec laquelle on aura à vivre selon le projet de loi 17, et je pense que vous le mettez très bien en relief. Est-ce que vous êtes d'accord avec cette interrogation qu'on se pose?

La deuxième, c'est que dans votre mémoire vous nous dites: "Sans définition propre, plusieurs CLSC ont développé une approche en santé au travail." Comme premier élément de question j'aimerais que vous me disiez ce qui s'est fait au Québec de la part des CLSC à ce chapitre, jusqu'à maintenant.

Le deuxième volet de la question — de cette deuxième question — j'aimerais connaître l'état, la nature de la relation que vous avez avec les départements de santé communautaire dans le moment.

Je me permettrai un commentaire en terminant. Je dois vous exprimer ma satisfaction, quant à moi, parce que vous savez que les CLSC ont souventefois été l'objet de critiques, parfois justifiées, je pense, de la part des gens qui formaient le précédent gouvernement, de la part de la formation politique que je représente, mais je dois vous dire cependant que, quant à moi, je considère que dans plusieurs cas, entre autres dans mon comté, le travail qui a été fait par le CLSC de ma région et de mon comté est tout à fait concluant. Je conviens cependant que s'il y avait eu des ressources financières additionnelles, il aurait pu faire davantage et il aurait peut-être pu faire mieux. J'ai été à même de voir le volet de santé publique, le travail positif qui se faisait par le CLSC. Il m'apparaît que la relation du CLSC de mon comté avec le département de santé communautaire correspondant est bonne. Mais on me dit que ce n'est peut-être pas partout pareil et on me dit qu'il y a peut-être des secteurs où la relation entre le CLSC sur les orientations à prendre, le mode d'action à donner, la concertation sur les types d'interventions, n'est pas toujours concluante et, somme toute, que vous ne seriez pas toujours sur la même longueur d'onde.

C'est ce qu'on me dit et j'aimerais que ce matin vous me fassiez état, d'une part, de votre expérience en terme de santé et de sécurité au travail, dans le milieu, ce que vous avez fait et, deuxième élément, votre expérience avec le département de santé communautaire. Est-ce que ça va pour le mieux dans le meilleur des mondes, oui ou non?

M. Ouimet: A ce moment-ci, comme nous avons à la table de gens représentant le CLSC de Sherbrooke et celui du centre-ville, ils pourront nous parler en connaissance de cause des expériences vécues par les CLSC dans ce domaine-là et on va peut-être commencer par aborder cette dimension-là. On pourra parler par la suite des relations avec les DSC. (11 h 15)

M. Perreault: Pour répondre à votre question à savoir ce que les CLSC ont fait, comme on le disait, on a à peu près une trentaine de CLSC qui se sont impliqués récemment et nous sommes en train de compiler une analyse descriptive de dix programmes que nous avons choisis parmi les CLSC. Malheureusement, ce n'est pas encore complété. On peut peut-être résumer rapidement. Au niveau de la région de Québec, il y a deux CLSC, trois maintenant avec le CLSC Laurentien qui vient d'ouvrir ses portes, qui travaillent depuis déjà plusieurs années en collaboration étroite avec le département de santé communautaire du Centre hospitalier de l'Université Laval.

Ils ont eu vraiment des actions significatives sur le terrain, il y a déjà eu des ententes signées entre, d'une part, le CLSC et l'employeur et le syndicat, d'autre part, afin d'améliorer les conditions de travail. Je sais que c'est concentré particulièrement au niveau des problèmes des fonderies et de la surdité. Au niveau du CLSC SOC, je laisserai Sylvia expliquer rapidement plus tard les grands enjeux de leur programme qui est là depuis pas loin de cinq ans. Quant au CLSC centre-sud, son équipe devrait venir vous présenter un mémoire cet après-midi. Alors, ils pourront exposer cela plus rapidement. Ils ont déjà une action depuis trois ou quatre ans dans toutes sortes de secteurs, syndiqués comme non syndiqués, particulièrement au niveau des entreprises du centre-sud de Montréal où il y a beaucoup de travailleurs immigrants, où il y a très peu de protection syndicale.

Au niveau du CLSC Katéri, je pense que vous avez sûrement entendu parler des difficultés. La fermeture occasionnée à l'usine de la Ballast, je pense que c'est principalement grâce au travail qui a été accompli par le CLSC Katéri en collaboration étroite avec le département de santé communautaire de l'hôpital Charles-LeMoyne. C'est le CLSC qui a assuré tous les programmes de dépistage et de surveillance à ce moment-là.

Au niveau du CLSC Le Moulin, il y a une action qui est assez significative aussi, assez ponctuelle, mais le CLSC a maintenant un programme englobant au niveau de tous les travailleurs ce qui a été fait au niveau des problèmes de surdité dans une usine de pâtes et papiers, de Gatineau.

Je pense que ce serait assez long de tout énumérer, mais ce serait peut-être bon que deux

personnes, rapidement, vous disent comment elles fonctionnent sur le terrain depuis plusieurs années. Sylvia.

Mme Rolfe (Sylvia): Je vais vous décrire brièvement le programme...

Le Président (M. Jolivet): Votre nom, s'il vous plaît, pour le journal des Débats.

Mme Rolfe (Sylvia): Sylvia Rolfe, infirmière, CLSC SOC, Sherbrooke.

Le programme de santé au travail au CLSC SOC de Sherbrooke, pour cette année, comporte trois volets principaux: le premier, c'est le volet exploration qui consiste à faire le portrait de notre territoire en termes de milieu de travail, nombre de travailleurs, syndiqués ou non, leurs conditions de travail; un portrait non détaillé, mais qui nous permettrait de fixer des priorités. Dans un deuxième volet, l'objectif qu'on s'est fixé, c'est de réussir à travailler avec deux milieux assez importants en termes de nombre de travailleurs, mais en collaboration avec des travailleurs pour faire avec eux un programme de santé global, une approche globale où les travailleurs s'impliquent, où ce sont eux qui, avec l'équipe de techniciens, avec tout le support qu'on peut leur donner, vont déterminer ce qu'ils souhaitent avoir dans leur milieu comme amélioration pour la santé. Cela veut dire rencontre avec le comité de santé et de sécurité qui a déjà fait des démarches parce qu'il connaît notre programme, parce qu'il sait qu'on s'intéresse à la santé au travail, qu'on a des ressources à ce niveau. Identification des problèmes de ce milieu; on dresse un portrait de l'usine par département, par poste de travail. Ensuite, les travailleurs s'impliquent là-dedans pour nous aider à faire le portrait, à identifier les produits toxiques, à identifier tous les dangers qui sont inhérents à leur travail.

Cela implique aussi des examens physiques, des examens de santé, des questionnaires de santé et, finalement, des recommandations qu'on leur formule pour leur permettre de négocier avec l'employeur des changements dans leur milieu de santé. Jusqu'à maintenant, on travaille avec un milieu d'à peu près 300 travailleurs qui sont très impliqués, qui veulent de l'information, qui demandent beaucoup de renseignements, qui s'intéressent et qui collaborent très bien.

On est en train de travailler avec un deuxième milieu, mais c'est encore à l'état de négociation; c'est un milieu où le DSC est impliqué aussi et que je pourrai peut-être éclaircir tout à l'heure, à la deuxième question que vous avez posée.

Le troisième volet, c'est finalement des services qu'on a annoncés pour nous faire connaître et pour nous aider dans l'exploration; c'est-à-dire qu'on offre aux travailleurs des services de santé, de consultation, une clinique spéciale où ils peuvent venir pour des expertises, pour des examens médicaux. On offre aussi des services d'expertise, sans nécessairement faire tout un programme pour des milieux qui sont moins impliqués, mais qui veulent de l'information sur les risques à leur santé. Par exemple, on a un groupe de travailleurs d'une chaîne d'alimentation qui font la livraison de commandes à l'auto dans un souterrain et qui nous ont demandé d'examiner avec eux les risques à leur santé; ça a été des expertises sur le monoxyde de carbone. Ailleurs, ça peut être une buanderie qui va nous demander de l'aider à identifier les risques inhérents aux solvants qu'elle utilise, etc. Ce sont des expertises isolées, mais qui nous permettent de connaître les milieux et de créer des liens avec les travailleurs.

Au niveau des milieux non syndiqués, le travail qu'on fait est beaucoup plus individuel, parce que c'est très rare qu'il y ait des comités de santé dans les milieux non syndiqués, il n'y en a pas, on n'en connaît pas. On travaille plus avec des individus lors de consultations, et on essaie de les amener à se regrouper et d'essayer d'avoir une certaine force, mais, ça, c'est très difficile, on n'a pas encore trouvé de solution pour les milieux qui ne sont pas syndiqués; ils ont peur de perdre leur emploi s'ils font des démarches trop compromettantes.

C'est, en gros, le concret de notre travail.

Le Président (M. Marcoux): M. Lemelin.

M. Lemelin: Rapidement, pour vous décrire un peu ce qu'on fait, nous, au centre-ville de Montréal, je vais vous dresser, sommairement, le portrait du centre-ville. C'est un territoire de quatre milles carrés, c'est le plus petit territoire. Par ailleurs, sur ce territoire, on retrouve entre 125 000 et 150 000 travailleurs; c'est la raison pour laquelle, comme établissement voué aux problèmes locaux de santé, on a mis sur pied un programme de santé au travail et la réalité du territoire, compte tenu du plan de travail, c'est que ce sont surtout des gens qui travaillent dans des bureaux, dans des commerces, dans le fond, ce sont des cols blancs. C'est la raison pour laquelle, il y a deux ans, on a mis sur pied un programme spécifique qui s'adressait exclusivement aux gens de ces secteurs: commerces et bureaux. On a mis sur pied une équipe et on est intervenu auprès d'une cinquantaine de milieux de travail et auprès d'individus en offrant divers services de consultation, d'information et de sensibilisation sur les risques inhérents à ces milieux. Il y a des risques à la santé physique, il y a des risques aussi sur le plan psychosocial, en particulier. Le plan psychosocial, c'est la grosse caractéristique de ces milieux; il y a énormément de tension, de pression, de stress qui causent un certain nombre de maladies psychosomatiques ou encore de la maladie mentale, à partir de l'anxiété, de l'insomnie, mais qui peuvent déboucher carrément sur des problèmes physiologiques comme des problèmes digestifs ou des problèmes cardiovasculaires. Cela nous a permis, pendant deux ans, de commencer à élaborer un portrait qu'on qualifie d'assez sérieux sur le plan psychosocial, on était seul, à ce moment.

J'aborde la deuxième partie de la question, c'est la question du DSC. Le DSC, n'ayant pas de

coordonnateur à la santé au travail, il n'y avait pas de relation, en santé au travail, entre le DSC et le CLSC; maintenant, il y a un coordonnateur en santé au travail. Par ailleurs, on a fait un bout de chemin maintenant qu'on est plus familier avec le secteur tertiaire, avec les problèmes qui sont liés à ces secteurs et qu'on retrouve dans ces secteurs. On a commencé à aborder des problèmes, parce qu'il y a aussi des industries du secteur secondaire. Il y a, particulièrement, des imprimeries et des industries textiles dans le centre-ville, ce ne sont pas des grosses industries, elles ne sont pas comparables, en terme de nombre, aux autres, c'est l'équivalent d'à peu près 8000 à 9000 travailleurs, mais on a commencé à mettre sur pied un programme d'imprimerie, en collaboration avec le DSC. On est à l'étape d'élaborer un protocole qui va déboucher sur une espèce de contrat de service CLSC-DSC. Grosso modo, ça résume ce qu'on a fait chez nous.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Pointe-Claire.

M. Pagé: M. le Président, il y avait un autre volet à la première question.

M. Ouimet: Concernant les relations avec les DSC?

M. Pagé: Les relations avec les DSC. Je vous demandais aussi s'il n'aurait pas été plus opportun d'agir de façon complémentaire dans un premier temps avec les mécanismes et les structures déjà en place. C'est la première question que je vous ai formulée et j'aimerais bien que vous me répondiez, M. Ouimet.

M. Ouimet: Concernant les relations avec les DSC, pas seulement les relations concernant le champ de la santé au travail, mais concernant aussi d'autres champs, on peut dire que, si on se reporte à quelques années en arrière, et les CLSC et les DSC, comme les représentants de l'Association des DSC l'ont mentionné hier, étaient tous les deux des organismes jeunes et, évidemment, il y a eu une période de tâtonnement dans les mécanismes de collaboration à établir. Par la suite, disons, les collaborations ont porté sur des sujets et des champs précis comme, par exemple, la santé maternelle et infantile, la périnatalité, la santé scolaire. On peut dire que, dans l'ensemble, les relations, les collaborations concrètes avec les DSC sont excellentes. Il y a évidemment des ombres au tableau comme partout où il y a des collaborations entre différents organismes. On peut dire aussi que l'expérience de décentralisation, via les commissions administratives dans les conseils régionaux, ont sûrement aidé les établissements, en particulier les DSC et les CLSC puisqu'il y a des CLSC et des DSC qui siègent à ces commissions, à trouver des moyens de forcer des collaborations entre les établissements.

C'est, je crois, un gain appréciable. En ce qui concerne la collaboration des CLSC avec les DSC en santé au travail, je vais laisser à mon collègue, M. Charlebois, le soin de préciser cela.

M. Charlebois: Très rapidement, justement parce que les CLSC et les DSC, depuis quelques années, ont eu à travailler ensemble à différents dossiers, le dossier de la santé au travail, c'est un dossier qui est relativement neuf un peu partout dans les DSC comme dans les CLSC. Il y a quelques CLSC qui ont une expérience de plusieurs années. Aujourd'hui, il y en a une trentaine qui oeuvrent dans cela, et ce n'est pas tous les CLSC avec tous les DSC qui ont eu une collaboration sans aucune ombre au tableau, dès le départ. Cependant, simplement pour illustrer les réflexes qu'on a développés, dès le départ, les expériences heureuses — comme entre autres la région de Québec, il y en a eu dans d'autres régions, soit la région de Montréal, par exemple — ont servi à la Fédération des CLSC et aussi aux DSC. Les chefs de DSC, on se rencontre, on se parle et on veut, en partant de ces expériences, développer des mécanismes de collaboration entre DSC et CLSC, et c'est en marche. C'est-à-dire que les organismes représentatifs de ces différentes institutions travaillent étroitement ensemble pour éventuellement développer les meilleurs mécanismes de collaboration qu'ils ont déjà dans d'autres dossiers. Je pense que ce qui est important de retenir, c'est qu'il y a un mûrissement dans le réseau et c'est un peu pour cela qu'on insiste, dans le fond, dans notre mémoire pour utiliser ce réseau. Il s'est habitué à travailler, ce réseau. Il y a une dynamique dedans et il y a des collaborations qui se sont construites.

Par rapport à votre première question, si je comprends, s'il n'y aurait pas eu lieu d'y aller par étapes plutôt que d'y aller d'un seul coup, notre mémoire, on le fait porter sur la question des services de santé. Il reste que, comme fédération, on avait déjà fait, avant même la sortie du livre blanc — d'ailleurs, on s'y réfère dans notre mémoire — des représentations par lesquelles on avait émis un point de vue par rapport à tout le dossier de la santé et sécurité au travail par lequel on appuyait la nécessité d'une réforme en profondeur. Aujourd'hui, on ne se prononce pas sur tous les aspects de la loi, mais par contre on pense que cette réforme s'impose et qu'il y avait lieu de procéder.

M. Pagé: Merci.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Pointe-Claire.

M. Shaw: M. le Président...

Le Président (M. Marcoux): Voulez-vous approcher votre micro, s'il vous plaît? (11 h 30)

M. Shaw: Nous avons vu, hier, la nouvelle politique des DSC et des CLSC. Comment savoir qu'il y a peut-être un morceau du gâteau dont nous voulons prendre soin pour élargir sa fonction

dans la société, dans son milieu? Est-ce que c'est à l'avantage des travailleurs? Est-ce que c'est à l'avantage du but de ce projet de loi qui est d'améliorer les conditions de travail pour les travailleurs? Est-ce que vous avez l'expertise parmi vous, sans une grosse dépense d'argent de l'Etat, pour avoir le nombre de personnes dont vous avez besoin? Vous venez parler d'une petite entreprise dans les Cantons de l'Est et de petites études ici et ailleurs. Vous n'avez pas l'expertise parmi vous pour faire l'ouvrage qui est impliqué dans ce projet de loi. Je trouve que vous êtes en train d'insister pour que le gouvernement vous donne encore. On parlait hier des DSC. Je vais vous poser une question simple. Est-ce que vous avez un seul expert dans ce domaine qui est déjà dans un autre domaine, disons un médecin du travail? Parmi vous, en avez-vous un?

M. Ouimet: En ce qui concerne l'expertise, je crois — si j'ai bien compris hier les interventions de nos prédécesseurs, l'Association des hôpitaux — qu'on mentionnait que même au niveau des DSC on n'avait pas suffisamment de ressources. On avait des agents de recherche et quelques autres postes, mais c'est à peu près tout. Ils n'ont pas plus que nous l'expertise voulue. Ils auront besoin eux aussi de ressources supplémentaires, ce qui est d'ailleurs prévu dans le projet de loi, où la commission doit allouer des ressources financières. Que ce soient les DSC, que ce soient les CLSC ou que ce soit une autre institution, ces gens auront besoin de ressources supplémentaires. Dans ces ressources, il est possible d'engager des experts. Par ailleurs, en ce qui concerne votre question très précise: Avons-nous certains experts? Il faudrait s'entendre sur la notion d'expert. Je crois que les témoignages qu'on vient de donner en mentionnant un certain nombre de CLSC qui ont déjà une expérience ou une expertise dans ce domaine viennent répondre en partie à votre question.

En ce qui concerne la partie du gâteau, vous nous dites qu'on voudrait avoir une partie du gâteau, si j'ai bien compris. Je ne vois pas le mal qu'il y a à vouloir une partie du gâteau, en ce sens que la politique du gouvernement concernant la santé, globalement et la santé publique a prévu une réforme dans laquelle devrait se développer un réseau de CLSC; il y en a maintenant 80 et on en prévoyait au-delà de 200. On croit sûrement que c'est un accident de parcours et que la volonté du gouvernement de développer le reste du réseau ne nous manquera pas et que le réseau va se développer. A ce niveau, on a le droit de réclamer cette partie du gâteau à laquelle vous faites référence, parce que c'est dans la vocation et les fonctions des CLSC, comme c'est dans la fonction des DSC aussi de promouvoir la santé et la prévention.

M. Shaw: Dans cette même ligne de pensée, vous avez commencé à fournir des soins médicaux de médecins dans vos CLSC. Tout le monde sait que le coût qui est impliqué, quand c'est fait par un CLSC, est de dix à quinze fois plus élevé que pour les soins qui sont donnés dans les cabinets privés des médecins.

Une Voix: Sur quoi vous appuyez-vous pour dire cela?

M. Ouimet: A quelle étude faites-vous référence? En tout cas, il y a eu une étude qui est parue sur la qualité des soins médicaux dans les CLSC, il y a un an, je crois, et qui affirmait que les soins médicaux donnés dans les CLSC étaient supérieurs à ceux donnés dans les cliniques privées. Je me serais abstenu de faire référence à cette étude, mais puisque vous nous en parlez...

M. Shaw: Vous n'avez pas parlé du coût de... Nous avons fait une étude du coût d'une visite à domicile faite par un médecin d'un CLSC en comparaison avec une visite à domicile par un médecin privé. C'est quinze fois plus cher. C'est évident que votre efficacité n'est pas démontrée, même dans les lieux que vous avez déjà pris. Vous voulez entrer dans d'autres lieux, et on prévoit des coûts extraordinaires, parce que votre efficacité, votre expérience ne sont pas encore reconnues. Vous voulez prendre un autre morceau du gâteau et vous n'avez pas encore démontré que ces morceaux que vous avez déjà sont assez bien développés.

M. Ouimet: M. le député de Pointe-Claire, j'aimerais prendre connaissance de l'étude à laquelle vous vous référez et on pourra se préparer en conséquence et répondre de façon très précise à votre question.

M. Shaw: Une dernière question, s'il vous plaît, M. le Président. Vous dites, à la page 14 de votre mémoire: Voudrait-on faire de la médecine du travail une nouvelle spécialité? Est-ce que ce n'est pas déjà une spécialité?

M. Perreault: Acutellement, ce n'est pas considéré comme une spécialité. Il n'y a pas de département clinique à ce niveau. Est-ce qu'on m'entend bien?

M. Shaw: Alors...

M. Perreault: D'accord. Ce n'est pas une spécialité. Je pense qu'il y a des médecins en pratique générale qui prennent une orientation à temps plein ou à temps partiel au niveau de la santé au travail.

M. Shaw: Mais, vous n'avez pas entendu parler hier les médecins qui sont dans cette...

M. Perreault: II y en a peut-être qui peuvent réclamer que ça devienne une spécialité, mais, pour l'instant, en tout cas, ce n'est pas considéré à ce niveau-là, et on demande justement si ce n'est pas certain qu'ils voudraient l'être.

Moi, je reviendrais à une question que vous posiez tout à l'heure à savoir si nous avons les

experts? Evidemment, nous n'avons pas toute la batterie d'experts qui, d'ailleurs, ne devraient pas nécessairement aller chez nous puisque nous allons à un niveau local. Il devrait y avoir des gens qu'on pourrait consulter qui seraient au niveau des DSC justement.

En ce qui concerne nos intervenants, la plupart, sinon tous, ont suivi une formation à la fois sur le terrain et dans ce qui se donne de mieux au Québec et plusieurs de nos intervenants participent actuellement à la formation d'autres intervenants à l'intérieur des programmes universitaires dans les différentes facultés de médecine, au niveau des programmes du ministère des Affaires sociales et sont appelés à former d'autres intervenants actuellement.

Le Président (M. Marcoux): Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je voudrais revenir sur un point que mon collègue de Portneuf a soulevé et auquel, pour ma part, je ne crois pas avoir obtenu une réponse satisfaisante. C'est sur le nombre d'intervenants qui va résulter de l'adoption de cette éventuelle loi, même s'il y a des amendements.

Il vous a demandé: Ne semble-t-il pas exister des ressources considérables et ne devrait-on pas les utiliser peut-être avant d'ajouter une nouvelle structure, etc.? Vous avez répondu: On est pour la réforme et la réforme s'imposait. Je pense que là-dessus tout le monde dans cette salle est d'accord. Il y avait lieu de procéder à une réforme et de se préoccuper des problèmes de santé et de sécurité au travail. Mais, vous avez signalé vous-mêmes, dans votre mémoire, que vous avez l'impression que vous êtes peut-être mis un peu de côté, et je pourrais même lire ce que vous avez dit — je ne l'ai pas directement — que ça vous étonne que seuls les CH-DSC échappent au réseau et vous vous inquiétez du fait qu'on n'ait pas confié toute cette responsabilité peut-être pas de coordination ou d'un chapeau sur toute la coordination de ces services, au réseau des Affaires sociales.

Est-ce que, dans ce sens-là, vous ne croyez pas qu'on ait ajouté un cadre juridique dont les responsabilités sont très grandes? Quand on regarde les responsabilités de la commission, c'est considérable. Est-ce qu'on ne complique pas, d'abord, la coordination de tous les services? Qui va être responsable de qui et de quoi? Est-ce que, à votre point de vue, on s'achemine vers une utilisation vraiment rationnelle des ressources déjà existantes?

Que vous soyez d'accord, on est tous d'accord, mais je pense que la question était plus précise que ça et c'est pour ça que j'y reviens.

M. Charlebois: Dans la mesure où on demande que la loi prévoie une utilisation, au fond, optimale du réseau, évidemment, il y a, sous-ja-cente à ça, une inquiétude à savoir que, possiblement, il n'y aura pas une utilisation absolument rationnelle des ressources.

D'ailleurs, dans notre mémoire, ce qu'on craint, c'est que se développe un autre réseau, un réseau parallèle. Je pense que vous avez là des éléments de réponse aux questions que vous posez, à savoir si, quant à nous, il y a des craintes ou non de voir une utilisation rationnelle ou non du réseau. On se dit: Le réseau est en place et composons avec, misons dessus, plutôt que de laisser se construire un autre réseau.

Peut-être en complément à une question qui a été posée tantôt, on demande: Est-ce qu'il y a des experts dans les CLSC? Est-ce qu'il y a des experts ailleurs? Il y a des médecins qui travaillent déjà au niveau de la santé du travail dans les usines. Mais il ne faut pas oublier qu'il s'agit, à notre point de vue, du développement fantastique d'un programme dans la mesure où on essaie de couvrir toutes les usines; il y a bien des secteurs qui n'étaient pas couverts. Il y a nécessairement un développement important, il y a nécessairement des gens qui vont être obligés d'apprendre le métier, il y a des gens qui vont être obligés de s'impliquer; un peu partout au Québec, la demande va aller grandissante. On parle d'une situation où seulement quelques entreprises ou une bonne partie d'entreprises, mais quand même pas toutes les entreprises, avaient des services ou se préoccupaient de cette question dans une situation où il va y avoir une stratégie gouvernementale pour que tous les travailleurs puissent être couverts. Nécessairement, il va y avoir une augmentation fantastique de la demande.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce que vous avez — vous l'avez certainement fait — examiné le rôle de la commission ou les fonctions qui lui sont dévolues? Peut-être que, quand vous avez lu votre mémoire, cela m'a échappé, mais est-ce qu'il y a des pouvoirs qui vous sont accordés qui vous paraissent présenter des difficultés quant à la meilleure utilisation des ressources existantes?

M. Charlebois: Essentiellement, c'est au niveau des programmes de santé. On souhaite que ce soit remis au ministère des Affaires sociales et à son réseau plutôt qu'à la commission; c'est le seul élément sur lequel on s'est penché en regard des pouvoirs de la commission comme tels.

Mme Lavoie-Roux: Bon. Une autre question. Hier, cela m'a frappé, également, avec le groupe des DSC et des centres hospitaliers. Je voudrais vous référer à la page 13 de votre mémoire, au paragraphe 2: "Nous regrettons vivement que le projet de loi ne garantisse pas dans sa forme actuelle une véritable implication du milieu de travail. Tout le discours entourant cette réforme ne repose-t-il pas sur le dynamisme des milieux mêmes de travail?" J'ai l'impression, en vous entendant et en lisant ceci et en me référant à ce que j'ai entendu hier, qu'au niveau du discours tout le monde dit: La santé au travail, ça doit être pris par le milieu lui-même, ça doit être à l'intérieur du milieu de travail. J'ai l'impression que tous les agents de santé, à quelque niveau, dans quelque

domaine que ce soit, s'apprêtent à prendre le leadership et peut-être à se substituer au milieu lui-même. Je regarde les fonctions que vous décrivez, en page 15, et tout à l'heure, quand le monsieur a exposé ce qui se passait dans Montréal-Centre, il a dit: Nous, on fournit l'équipement, on fournit les ressources et on demande aux ouvriers de donner leur point de vue. Peut-être que je ne traduis pas exactement ce que vous avez dit, mais c'est ce qui m'est resté. Je ne suis pas convaincue que c'est vraiment le milieu du travail lui-même — ce que vous souhaitez au moins au niveau des principes — qui va finalement surnager dans toute cette aventure, si on peut dire.

M. Charlebois: Vous soulevez, dans le fond, les difficultés assez importantes de la participation des usagers, éventuellement, dans la définition des services qu'ils doivent avoir. Quant à nous, il y a une voie qui est privilégiée, une voie à travers laquelle on travaille, c'est autour des programmes de santé. Si vous lisez attentivement les recommandations qu'on fait, on désire que le milieu de travail, le comité paritaire, entre autres, puisse avoir une prise réelle sur la définition du programme de santé spécifique; c'est que ça parte de là. C'est une voie pour que, éventuellement, les usagers puissent moduler, d'une certaine manière, les services qui vont leur être offerts.

Jusqu'à quel point, par ailleurs, on va être capable d'éliminer complètement l'ascendant des professionnels, éventuellement, sur la définition des programmes? Poser la question, c'est poser le problème. Il s'agit là des approches qu'il faut développer dans les interventions; ce problème se retrouve à tous les niveaux.

Mme Lavoie-Roux: C'est un commentaire que je fais. On a vu dans d'autres domaines, et dans le domaine de la santé également, les professionnels, remplis de bonnes intentions, se substituer au milieu qui disait vouloir se prendre en charge. C'est quand même nouveau tout cela, même pour vous, les CLSC qui sont impliqués ou les DSC, et il faudrait quand même, je pense, être extrêmement prudent pour ne pas être trop envahissant. Enfin, je le fais comme commentaire. (11 h 45)

Je voudrais souligner la recommandation — c'est peut-être la sixième — au bas de la page 18, que les responsables et divers intervenants du domaine de la santé aient des obligations inscrites dans la loi. Cela me semble une recommandation intéressante. Je ne sais pas si au plan juridique c'est facile de les inscrire dans la loi, mais je pense que tout le monde peut se déclarer responsable ou être reconnu comme étant responsable de la santé dans le milieu du travail, mais qu'on inscrive leurs obligations dans la loi, je pense que ce serait...

M. Charlebois: On réfère là à des obligations bien précises que vous retrouviez dans le document précédemment.

Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie.

Le Président (M. Marcoux): Je remercie la Fédération des CLSC du Québec pour la présentation de son mémoire.

Fédération des médecins omnipraticiens

J'inviterais maintenant la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec à venir nous présenter son mémoire... Pour reprendre à 15 heures. Nous aurons, je pense, je le souhaite, le temps de compléter l'audition de ce mémoire.

M. Hamel, si vous voulez nous présenter vos collègues, votre mémoire...

M. Hamel (Gérard): La fédération, M. le Président, est aussi représentée...

Le Président (M. Marcoux): Je sais que vous êtes un habitué des commissions parlementaires.

M. Hamel: Elles sont plus ou moins heureuses. Nous espérons aujourd'hui qu'elle sera très fructueuse. Représentent aussi la fédération, dans l'ordre habituel, depuis l'extrême gauche, Dr Louis Samson, Dr Daniel Drolet, Dr Clément Richer, Me Raymond Lachapelle, Dr Gilles Desrosiers, Dr Richard Gosselin et Dr Claude Clément.

M. le Président, la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec n'a pas l'intention devant cette commission de lire le mot à mot du mémoire qu'elle a déposé. Si elle obtient l'assurance que le contenu de son mémoire sera publié intégralement dans le journal des Débats.

Le Président (M. Marcoux): On va faire cette procédure tout de suite. Est-ce que les membres de la commission consentent à ce que ce mémoire... Oui? Alors votre mémoire sera inscrit intégralement dans le journal des Débats. (Voir annexe A). Continuez la présentation du résumé de votre mémoire.

M. Hamel: Merci, M. le Président. Nous préférons donc résumer à ce moment-ci l'essentiel de notre position en l'assortissant, à l'occasion, de commentaires appropriés. La fédération est l'organisme représentatif officiel de tous les médecins omnipraticiens du Québec. Elle représente les intérêts socio-économiques et professionnels de tous ces médecins omnipraticiens, y compris ceux qui oeuvrent dans le domaine du travail. La plus exhaustive, la plus récente enquête faite au Québec, sur les conditions d'exercice des médecins omnipraticiens par la firme Mathematica de l'Université de Princetown avec la collaboration de notre fédération et financée par une agence du gouvernement américain, démontre que trois médecins omnipraticiens sur dix peuvent se réclamer de quelque compétence en médecine du travail depuis le médecin qui consacre exclusivement à cette activité jusqu'au médecin qui, occasionnellement fait subir à des travailleurs les examens que requièrent deux diverses lois, sans compter les médecins traitants qui, par leurs interventions préventives ou curatives auprès des travailleurs qui sont également leurs patients, agissent dans le domaine du travail.

Ce champ d'activité mobilise presque autant de médecins omnipraticiens que l'obstétrique qui occupe à temps partiel, évidemment, quatre médecins omnipraticiens sur dix. Pour nous, la médecine du travail est un champ d'activité aussi prioritaire que l'obstétrique, l'urgence dans les centres hospitaliers ou les soins aux personnes âgées dans les centres d'accueil ou les centres de soins prolongés.

La fédération représente tous les omnipraticiens, quel que soit le niveau de soins où ils exercent, centres hospitaliers, centres hospitaliers DSC, CLSC, centres d'accueil, centres hospitaliers de soins prolongés, cabinets privés, polycliniques, etc. Elle représente ceux qui se consacrent à la santé publique comme ceux qui veillent à la santé individuelle, ceux qui prodiguent des soins préventifs comme ceux qui dispensent des soins cu-ratifs. Cette représentation vaste et variée de la fédération lui dicte la seule politique objective qu'elle doit adopter envers ses membres et envers la société: promouvoir les intérêts socio-économiques et professionnels de ses membres, sans distinction de niveau de soins, ni d'activités auxquelles se livrent les médecins, sans distinction entre les divers groupes de médecins dans une complète harmonisation avec les intérêts de la société.

La fédération rappelle à ce sujet qu'elle n'entretient aucune forme de discrimination vis-à-vis de l'exercice, soit dans un cabinet privé, soit dans un centre hospitalier ou un centre local de services communautaires ou un centre d'accueil. La dernière entente que nous avons signée avec le ministre des Affaires sociales en septembre 1976 en est le témoignage le plus éloquent, et d'autres instances subséquentes que nous avons signées avec le ministre des Affaires sociales actuel, relativement aux territoires et aux établissements accessibles aux boursiers, en sont des témoignages additionnels.

En effet, tous les médecins omnipraticiens exercent dans un même régime public, et la seule différence qui distingue un médecin de cabinet de son confrère d'un centre hospitalier ou d'un autre de même nature, c'est que le premier est seul propriétaire de son instrument de travail et seul responsable des frais d'administration du centre de soins. C'est pourquoi la fédération a toujours obtenu que l'Etat accorde au médecin de cabinet une rémunération qui tienne compte des dépenses d'opérations qu'il encourt et c'est pour la même raison que la FMOQ et le ministère des Affaires sociales poursuivent, dans leurs négociations et leurs ententes, une politique d'équivalence actuarielle entre les modes et les niveaux de rémunération applicables aux différents niveaux de soins.

C'est donc sans crainte d'être déclarée biaisée ou intéressée que la fédération aborde la question centrale de l'organisation des services de santé au travail dans le cadre du projet de loi. Au départ, la fédération trouve ambiguë l'appellation de services de santé que le projet de loi attribue aux services médicaux que les médecins sont appelés à fournir. Dans un sens large, l'expression services de santé regroupe tous les services destinés à identifier les agents agresseurs, à prémunir les travailleurs contre les effets de ces agents, à protéger et à maintenir la santé des travailleurs. Il s'agit manifestement des services multidisciplinaires que devront fournir des professionnels qualifiés comme ingénieurs, chimistes, hygiénistes, techniciens ou recherchistes, en plus des médecins.

Dans un sens strict, l'expression services de santé désigne les services médicaux que peuvent rendre les médecins. C'est dans ce sens que la fédération a utilisé l'expression dans son mémoire. La fédération insiste toutefois sur le fait que la médecine du travail n'est qu'un aspect d'un service global de santé au travail et que l'apport multidis-ciplinaire des autres services particuliers est indispensable à l'élaboration et à la mise en oeuvre d'une véritable médecine du travail.

Qu'en est-il alors de l'organisation des services de santé au travail pris au sens strict? La fédération souligne dans son mémoire, page 4, article 102, que c'est une erreur sérieuse que commet le projet de loi en reléguant au niveau de la situation d'exception le cabinet privé du médecin.

Si elle insiste sur ce niveau de soins qu'est le cabinet, c'est que le projet de loi le néglige sciemment, alors qu'il accorde une prédominance aux autres niveaux.

Sans doute la fédération est-elle satisfaite du rôle dévolu à ces derniers, sauf pour la quasi-exclusivité qui leur est conférée. Elle répète que c'est une erreur que de mettre ainsi à l'écart le cabinet privé du médecin ou de lui imposer des balises. Que représente un cabinet privé? A la fois un médecin, qui est un dispensateur de services de santé et un lieu de dispensation de ces mêmes services.

Considérons d'abord le médecin; il est impensable qu'un régime de santé et de sécurité du travail puisse fonctionner sans la contribution de ce médecin. Le nombre même des médecins destinés à être impliqués dans le régime pour desservir éventuellement toutes les entreprises du Québec, dans tous les programmes spécifiques de santé au travail, que préconise le projet de loi, milite contre cette exclusion. Ce médecin possède déjà de l'expérience dans le domaine du travail ou aspire à l'acquérir. Il peut devenir médecin responsable d'un service de santé d'un établissement ou médecin qui, sous l'autorité de ce dernier, fournit des services dans rétablissement. Il peut fournir d'autres services dans le cadre d'un programme de santé sous l'autorité d'un chef de département de santé communautaire.

En un mot, il est le médecin qui oeuvre dans le régime, sans exercer spécifiquement, à l'intérieur d'un CH-DSC ou CLSC, il exerce au besoin, soit à l'intérieur, soit à l'extérieur de son cabinet.

Considérons maintenant le cabinet privé comme lieu de dispensation de services de santé. Le cabinet privé est alors appelé à remplir un double rôle. Avant de définir ce rôle, déterminons les paramètres de l'activité du cabinet privé. C'est dans l'optique des travailleurs de près de 85% des quelque 125 000 établissements au Québec, qui regroupent chacun 15 travailleurs ou moins, que

la fédération situe l'action principale du cabinet. Non pas que la fédération désire négliger la grande entreprise, mais celle-ci sera généralement bien desservie par un service de santé de l'établissement ou par un service de santé interétablissements. Bien que la Société d'énergie de la baie James, par exemple, trouvera sans doute avantage à continuer à faire appel à des cabinets pour certains services de santé. Par exemple, les examens d'embauche de cette société sont faits par un ensemble de médecins, en cabinet, distribués sur tout le territoire québécois. Montréal: Clinique Domus-Medica; Val d'Or, Centre médical de Val-d'Or; Chicoutimi, Clinique médicale familiale de Chicoutimi-Nord; Chandler, Cabinet du Dr Czitrom; Rimouski, Clinique de médecine familiale; Rivière-du-Loup, Clinique médicale Cacouna; Thetford-Mines, Clinique du Dr Veilleux; Québec, Clinique Montmorency. La fédération concentre son attention sur les petites et les moyennes entreprises, pour la bonne raison que celles-ci ne pourront vraisemblablement pas s'offrir l'avantage d'un service de santé autonome.

Dans ce contexte, le rôle premier du cabinet apparaît comme complémentaire ou supplémentaire aux services de santé d'un établissement. Ce rôle du cabinet privé est rendu opportun et même nécessaire pour toutes les raisons que la fédération met de l'avant dans son mémoire; en particulier, pour des raisons d'accessibilité.

Nous soulignons que le nombre de cabinets privés, répartis sur le territoire, est plus élevé que celui de tous les autres centres de services réunis. Le temps d'attente au cabinet est nettement plus court que celui du centre hospitalier, dans la mesure, où il est souhaitable de limiter les pertes de temps qu'engendrent les distances et les attentes. On doit considérer le cabinet comme le point de dispensation de services de santé le plus accessible.

Le rôle du cabinet s'exerce sous l'égide du chef du département de santé communautaire ou sous l'autorité déléguée du médecin responsable. Il comprend la dispensation en cabinet de tous les services, dans le cadre d'un programme de santé que le chef du DSC ou le médecin responsable décidera de lui attribuer. (12 heures)

Le choix du cabinet privé en question se fera sans doute en fonction de l'expérience acquise par le ou les médecins du cabinet en médecine du travail, des ressources matérielles et humaines et de la localisation du cabinet privé. Le deuxième rôle du cabinet est plus qu'un simple corollaire du premier. Il s'appuie sur la tendance profonde et humaine du travailleur de s'adresser au médecin de son choix. D'autres sauront mieux que la fédération défendre les droits des travailleurs, mais la fédération les considère ici comme des patients qui s'adressent au médecin de leur choix pour subir un ou des examens prédéterminés. Dans ces cas, le rôle du cabinet privé doit être précisé. Il ne s'exerce qu'en matière de surveillance de l'état de santé des travailleurs et à la demande de ces derniers. Les examens faits le sont en conformité des règlements et les résultats médicaux sont communiqués au chef du département de santé communautaire pour fins de contrôle et de corrélation. Le cabinet offre en définitive trois moyens de participation au régime. Je résume.

Premièrement, par la contribution de son médecin à la fourniture des services de santé dans un établissement ou ailleurs, dans le cadre d'un programme de santé. Deuxièmement, par la fonction complémentaire ou supplémentaire du cabinet pour assister un service de santé dans l'établissement. Troisièmement, par la fonction ordinaire du cabinet pour fournir à la demande de travailleurs des services relatifs à la surveillance de leur état de santé. Chacun de ces moyens est relié à des degrés divers au régime de santé et de sécurité au travail. Chacun d'eux s'articule parfaitement avec les CH-DSC et les services de santé d'établissements que désigne le projet de loi. Il en résulte par l'adjonction du cabinet une organisation souple et efficace des services de santé au travail. Nous considérons l'hypothèse des contrats entre cabinet et DSC comme une mesure bureaucratique très lourde à laquelle l'entente n'aura aucune difficulté à procurer comme alternative une solution plus imaginative et moins contraignante.

Ici, j'aimerais ajouter que nous avons eu la fantaisie, à un moment donné, de faire une étude, de vérifier les coûts d'opération dans les CH et dans les cabinets privés. Cela était très facile, parce que l'entente prévoit que le coût d'opération des cabinets privés est couvert par la composante technique de la rémunération qui est une différence entre le taux du cabinet et le taux d'établissement. Ce coût varie entre $3.25 et $5.50 pour 98% des examens faits en cabinet, alors que pour les coûts dans les CH nous n'avons qu'à référer aux directives du ministère des Affaires sociales aux établissements pour connaître quels sont les taux de facturation aux personnes qui ne sont pas bénéficiaires du régime d'assurance-hospitalisation. Dans les soins d'urgence et consultations externes des hôpitaux, la directive impose un taux de $28 pour la première visite, de $16 pour les autres visites habituelles. Beaucoup d'établissements au Québec exigent des frais d'au moins $37, je pense à Val d'Or, Cabrini, $36.40, Charles-Lemoyne $30. On a un ordre de grandeur des coûts dans le CH et dans le cabinet privé qui correspond aux frais d'opération. Nous ne croyons pas, évidemment, qu'il y ait un fondement économique à une discrimination entre les différents niveaux d'établissements.

Dans un autre ordre d'idées, la fédération est d'avis que le concept de service de médecine du travail d'un CH-DSC doit être élargi pour assurer la participation et la concertation de tous les médecins de la région dont les services ont été retenus par le chef du département de santé communautaire dans le cadre des programmes de santé du travail. Ces médecins peuvent fournir un apport précieux au service de médecine du travail, mais il faut prendre garde de rendre leur tâche impossible par l'imposition d'obligations professionnelles

et administratives trop lourdes. Un médecin oeuvrant en santé du travail à Chandler doit pouvoir être associé au service de médecine du travail du DSC et du CH de Gaspé sans être obligé de détenir une nomination de ce CH, ni de supporter les obligations imposées à un membre du Conseil des médecins et dentistes.

Un médecin exerçant au CH Santa Cabrini doit pouvoir s'associer au service de médecine du travail du CH Maisonneuve-Rosemont sans s'exposer à voir doubler ses obligations administratives ou professionnelles. Que dire des médecins oeuvrant aux Iles-de-la-Madeleine, à Fort-George, à Fort-Chimo, à Blanc-Sablon, à La Sarre, etc? Il est peut-être important ici de préciser, de donner des exemples d'obligations ou de contraintes professionnelles et administratives qui sont imposées par la Loi sur les services de santé et les services sociaux. Par exemple, tout membre d'un CMD, d'un conseil des médecins et dentistes, doit assister à quatre assemblées obligatoires par année du Conseil des médecins et dentistes. Il doit assister, en plus, à six assemblées réglementaires de son département. Il doit, en plus, assister à un certain nombre de réunions scientifiques. De plus, il doit faire partie de comités obligatoires, tels que les comités de séjour, les comités de pharmacologie, d'examen des titres, d'évaluation médicale et dentaire, avec des sous-comités de mortiatalité ou des sous-comités des dossiers qui regroupent habituellement une dizaine de médecins.

Ces charges administratives et professionnelles sont très lourdes. On ne peut pas penser les doubler aux médecins qui oeuvrent habituellement en dehors des CH désignés. Ici, il faut souligner qu'une fraction minime des médecins omnipraticiens au Québec oeuvrent dans les centres hospitaliers désignés; la plupart oeuvrent en dehors de ces centres hospitaliers, dans d'autres centres hospitaliers régionaux. Donc, il faut permettre à ces médecins d'être associés au service de médecine du travail d'un département de santé communautaire sans leur imposer des contraintes et des obligations supplémentaires. Pour que ces médecins puissent donc participer de plein droit au service de médecine du travail sans détenir de nomination, ni être membres du Conseil des médecins et dentistes, le projet de loi doit déroger pour autant à la Loi sur les services de santé et les services sociaux.

C'est pourquoi la fédération recommande que le projet de loi soit modifié comme suit: recommandation 7, page 10: Les médecins responsables, ainsi que les autres médecins dont les services ont été retenus par le chef du département de santé communautaire, dans le cadre de programmes de santé au travail, participent de plein droit au service de médecine du travail de département de santé communautaire. Deuxième recommandation pertinente; c'est la définition d'agrément, notion nouvelle qui correspond à une réalité nouvelle. Nous l'apprécions, mais nous aimons la préciser dans nos recommandations. Pour nous, cet agrément doit être une autorisation d'agir comme médecin responsable dans un ou plusieurs établissements d'une région, conférée sur demande à un médecin par le chef de département de santé communautaire. Cette autorisation se substitue à une nomination en vertu de la Loi sur les services de santé et les services sociaux et elle dispense le médecin agréé d'appartenir au Conseil des médecins et dentistes du centre hospitalier désigné et d'assumer les obligations qui peuvent résulter de cette appartenance.

Finalement, un mot sur l'intégrité de l'entente. Le projet deloi prescrit qu'une entente conclue en vertu de l'article 15 de la Loi de l'assurance-maladie s'applique au régime de santé et de sécurité au travail. D'ailleurs, les services fournis dans le cadre du nouveau régime seront considérés comme assurés en vertu de la Loi de l'assurance-maladie. Une telle entente qui intervient entre le ministre des Affaires sociales et la fédération en vertu de la Loi de l'assurance-maladie lie tous les médecins, ainsi que les établissements, les CH, les CH-DSC, les CLSC, les CA, etc., qui y sont désignés. Elle a pour objet la participation des médecins au régime, les normes afférentes à la rémunération des médecins ainsi que les conditions d'exercice de leur profession dans le cadre de ces régimes.

D'autre part, l'entente présentement en vigueur fixe les modes de rémunération des médecins selon les divers niveaux de soins, y compris celui de la santé communautaire. C'est déjà compris dans l'entente actuelle. Il devient superflu et même nuisible de maintenir dans le projet de loi une disposition voulant qu'un médecin qui oeuvre dans un établissement sera rémunéré selon le mode de salariat ou de la vacation. L'entente prévoit non seulement les niveaux de rémunération, mais aussi les modes de rémunération. La fédération ne peut accepter qu'un processus de législation se substitue au régime de négociation, surtout quand il s'agit d'objets auxquels l'entente peut amplement et facilement pourvoir.

Cet article du projet de loi, en plus de constituer un accroc au droit de la négociation, que n'accepterait aucune catégorie de travailleurs au Québec, dispose de façon prématurée de questions qui font actuellement l'objet d'étude par des commissions du ministère des Affaires sociales ainsi que par la fédération.

D'ailleurs, les négociations qui doivent être entamées entre le ministère et notre fédération sont, d'une certaine façon, retardées, aux dires du ministère, parce qu'il n'a pas encore reçu les rapports de ces commissions.

En conclusion, qui aurait pu être aussi bien une introduction à notre mémoire, le contenu de notre mémoire et de nos commentaires, M. le Président, n'a rien d'idéologique ou de philosophique. Nous n'avons mis en cause ni les objectifs poursuivis par le projet de loi, ni les différentes approches choisies, telles que l'approche multidisciplinaire, l'approche épidémiologique et préventive, ni non plus la coordination par les DSC.

Nos recommandations sont concrètes et visent essentiellement à éliminer du projet de loi les défaillances et les lacunes qui compromettraient, sans aucun doute, le bon fonctionnement d'un régime de santé et de sécurité au travail avec

lequel, poutant, tous les médecins que nous représentons sont prêts à coopérer pleinement.

Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie beaucoup, Dr Hamel. M. le ministre.

M. Marois: M. le Président, je voudrais tout d'abord remercier la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec de son mémoire que j'ai lu, bien sûr, très attentivement. Je dois dire que je crois qu'il s'agit d'un mémoire qui est très étoffé et qui va certainement contribuer à cerner beaucoup mieux une réalité qui est — au fond, je pense qu'on va tous l'admettre, dans l'état actuel des choses — quand même, passablement complexe, de l'organisation actuelle des services de santé au Québec.

Je pense aussi, en toute honnêteté, que votre mémoire peut nous aider à améliorer le projet de loi.

Bien sûr, vous comprendrez que je n'ai pas le temps de reprendre toutes et chacunes des recommandations ou commenter chacun des aspects, chacune des dimensions contenus dans votre mémoire. Je m'attacherai à un certain nombre de commentaires et questions, si vous permettez que je vous déboule ça en liasse sur le table, vous laissant le soin, par la suite, de réagir.

Il y a d'abord les quatre premières recommandations de votre mémoire qui concernent toute la question des cabinets privés, aussi bien quant à la dimension de l'accessibilité physique que la question de la compétence professionnelle, que cette question de médecine globale entre autres. Là-dessus — je crois que c'est ce que vous évoquez dans votre mémoire — s'il est exact que le réseau des cabinets privés est réparti sur le territoire au Québec, je pense bien qu'on conviendra que c'est surtout vrai, j'entends, quant à ses concentrations, forcément, pour les centres urbains et semi-urbains. Aussi, dans la réalité, dans les faits, il est aussi exact — je crois qu'on l'admettra tous — de rappeler ou de constater, à tout le moins, qu'il y a existence d'un réseau hospitalier public, à travers le Québec, qui est tout aussi accessible. Je comprends que vous ayez évoqué la question des durées d'attente, ce qui est une dimension, bien qu'il faille absolument ne pas perdre de vue — et je pense que cela a été évoqué, d'ailleurs, lors d'un débat, hier — cette idée d'assurer une présence dans le milieu, ce qui implique forcément que, notamment — non exclusivement — des professionnels de la santé soient présents sur les lieux même du travail. (12 h 15)

Donc, le problème de l'attente, je crois que c'est une dimension qui devient beaucoup plus relative dans cette perspective.

Je me permets également, tout en disant encore que chacune de vos recommandations va certainement être examinée très attentivement, de rappeler à nouveau que le projet de loi, notamment à l'article 86, prévoit l'utilisation d'un cabinet privé, à certaines conditions, avec certaines balises; c'est tout à fait exact.

Quant à la question qui est extrêmement importante — elle a été évoquée hier, on a eu l'occasion d'en discuter lors de la présentation du mémoire de l'AHPQ et des départements de santé communautaire — toute la question de la compétence professionnelle, il existe un bassin de compétences professionnelles, au Québec, dans ce domaine. Il va certainement falloir amplifier — je pense que cela a été largement évoqué — il va falloir faire un effort considérable, important, de formation, en particulier dans le domaine de la santé au travail. Cette compétence est aussi partagée, elle existe aussi — je pense que vous en conviendrez — dans certains centres universitaires, hospitaliers, qui ont aussi développé un bassin de compétence, en particulier, quant à la dimension, comme on dit dans le jargon, épidémiologique ou la dimension de santé communautaire.

Egalement, je me permets de rappeler que non seulement l'article 85 mais l'article 86 du projet de loi prévoient que les compétences, même les compétences du réseau privé pourront certainement être largement utilisées et mises à contribution.

Quant à la notion de médecine globale — c'est un peu dans ce sens que je disais, au début, que votre mémoire peut certainement contribuer à éclaircir un certain nombre de notions qui peuvent apparaître complexes quand on regarde l'état actuel de l'organisation des services de santé.

Quant à ce concept de médecine globale, il semble important de souligner — je ne sais pas si vous serez d'accord avec moi — quand même que la pratique de la médecine du travail n'exclut aucunement — en tout cas pas de la façon dont le projet de loi 17 est conçu, je ne crois pas — le service médical individualisé de type familial; mais je pense qu'il faut absolument distinguer deux choses: d'une part, ce qu'on pourrait appeler le cas par cas qui est prédominant en cabinet privé et, d'autre part, le service médical qui s'adresse à un individu en regard d'un environnement et notamment d'un environnement de travail et qui peut aussi toucher en même temps plusieurs autres citoyens et citoyennes qui sont dans le même milieu de travail, ce qui est un des points de repère de démarrage de ce qu'on appelle les opérations de dépistage si on veut aller au coeur des problèmes. Mais il s'agit là quand même de deux choses différentes dans les faits. Par exemple, l'examen complet majeur pourrait devenir en soi strictement inutile si des risques présents qui sont décelés exigent un protocole précis de surveillance médicale. Par exemple, si on décèle la présence du plomb ou du mercure dans l'organisme, je pense qu'il faut aller plus loin que le cas par cas traité sur une base purement et uniquement de type familial. Il y a toute une dimension additionnelle qui vient de s'ouvrir et dans ce sens-là, il faut donc une direction à l'action des médecins et un encadrement, d'où l'utilisation des CH-DSC.

Vous l'évoquez d'ailleurs lorsque vous traitez — et j'y reviendrai un peu plus loin — de la question du retrait préventif dans le cas de la femme enceinte. Une des questions que je me pose et vous le confirmez dans un certain sens, lorsque

vous abordez cette question-là dans votre mémoire, celle du retrait préventif concernant la femme enceinte, où vous dites: Nous, l'état de nos disponibilités pour être présents sur les lieux, connaître les conditions de travail, etc., vous relativisez passablement cette disponibilité-là. Je pense que tout le monde comprend parfaitement bien ça. Mais c'est fondamental qu'on puisse s'assurer d'une disponibilité si on veut assurer une présence dans le milieu de travail, l'étude, la compréhension de l'environnement de travail, l'approche de santé publique par rapport à l'approche de santé individuelle ou ce que d'autres appellent la prévention collective par rapport à la prévention individuelle qui me paraît être une dimension extrêmement importante.

Maintenant vous abordez un certain nombre d'autres questions, en particulier autour des recommandations 6 à 12 dans votre mémoire, notamment sur la question de l'admission au Conseil des médecins et dentistes. On a aussi eu l'occasion de discuter de ça hier avec l'AHPQ en particulier. Il est certain qu'il faut que le projet de loi soit, dans sa formulation, bien ajusté aux mécanismes actuels, et employer le même vocabulaire. Alors, dans ce sens-là, on va regarder de très très près la formulation du texte. J'imagine, et je vous pose la question en cours de route, que vous serez d'accord; en tout cas je vous pose la question: Ne croyez-vous pas qu'il est fondamental que soit gardé un lien avec le Conseil des médecins et dentistes, sinon toute l'économie médicale du monde hospitalier s'en trouverait changée alors que ce conseil est censé, je crois qu'il l'est dans bon nombre de cas, bien plus souvent qu'autrement, se porter garant de la qualité des actes médicaux?

Quant aux appels — c'est une autre chose que vous abordez, autour d'un certain nombre de recommandations — pour refus de nomination ou de renouvellement de privilèges; je voudrais vous dire tout de suite deux choses, je crois que de fait, d'une part, la loi actuelle sur les services de santé et les services sociaux le prévoit, c'est l'article 92, paragraphes a), b), c) et de fait, je crois qu'il va falloir qu'on regarde de très près la formulation de l'article 91, deuxième paragraphe du présent projet de loi pour s'assurer qu'il y a là quelque chose qui se tient et qu'il n'y a pas de contradiction. J'en ai pris bonne note et je peux vous dire tout de suite qu'on va regarder ça de très près.

La deuxième chose, c'est est-ce qu'on doit — c'est un peu ce que j'ai compris que vous nous recommandez — ajouter à l'article 92 du projet de loi no 17 la notion de cause juste et suffisante? C'est sûrement l'esprit du projet de loi, ça va de soi, semble-t-il. Je veux bien accepter d'en faire vérifier la nécessité ou l'opportunité sur le plan juridique, de l'insérer. Mais il me semble que la jurisprudence actuelle, à moins que je sois mal informé des décisions rendues par la Commission des affaires sociales, a eu une tendance à être plutôt favorable aux médecins en ce sens et de fonder son analyse, l'examen des preuves, et le reste, les témoignages, de tenir compte de cette notion de cause juste et suffisante. Pourtant, le texte concer- nant la Commission des affaires sociales ne parle pas de la cause juste et suffisante. Donc, c'est une question de vérification sur le plan juridique et si vous avez une opinion à nous glisser au passage, n'hésitez pas à le faire.

Il y a un autre point sur lequel je vais m'arrêter très rapidement, ce sont vos recommandations 13 et 14, la question du licenciement du médecin, en particulier l'article 57 du projet de loi no 17, où on évoque le cas ou la possibilité qu'une demande puisse être faite par quatre personnes.

J'ai compris que vous nous proposiez 35%; en d'autres termes, on comprend et on convient avec vous que ça vaut la peine de le regarder de très près. Je ne sais pas si ce sera 35%; je ne vous cacherai pas que 35%, à première vue, ça me paraît vraiment élevé; il y a peut-être lieu d'étudier une formule. Honnêtement, j'improvise, je n'ai pas eu le temps d'y réfléchir en profondeur, on pourrait peut-être cerner ça autour d'une notion de 10% ou 15%, je ne sais pas encore, mais je pense que vous mettez le doigt sur un problème réel et on va le regarder de très près. Je crois aussi que, dans le cas où il y a un comité qui existe, il faut garder la possibilité, pour les représentants des travailleurs, de faire la demande en question, surtout que le médecin — c'est l'article 88 du projet de loi — peut être imposé par la commission. Dans cette perspective, je pense qu'il faut laisser cette possibilité aux représentants des travailleurs, de faire la demande.

Je conviens cependant que dans l'autre cas que j'ai évoqué plus haut, il y a peut-être lieu de regarder les pourcentages de base requis pour formuler la demande.

M. Shaw: Puis-je poser une courte question au ministre? Est-ce que vous êtes au courant que le "bill" 103...

Le Président (M. Marcoux): Est-ce que le ministre le permet?

M. Marois: Je vais écouter votre question, mais je voudrais qu'on prenne le maximum de temps avec les groupes qui sont là.

Le Président (M. Marcoux): Le plus brièvement possible.

M. Marois: On aura le temps à l'étude article par article en commission parlementaire.

M. Shaw: C'est pour clarifier une situation. Savez-vous que l'année passée nous avons adopté la loi 103, qui a donné le pouvoir au conseil d'un hôpital d'établir le plan pour le Conseil des médecins et dentistes? Si on exige qu'un médecin soit membre d'un tel conseil, est-ce que vous prévoyez de changer la loi pour...

M. Marois: Je crois qu'on ne parle pas de la même chose. Il s'agit du plan d'organisation médicale que vous évoquez; ici, il s'agit d'une demande qui implique la destitution ou le licencie-

ment d'un médecin. Là, il s'agit d'une autre question.

M. Shaw: D'accord, mais ça exige que les membres...

M. Marois: Ceci étant dit, M. le Président, je disais qu'il me semble qu'il y a des remarques pertinentes concernant le licenciement du médecin et soyez assurés, encore une fois, qu'on va regarder ça de très près.

Je l'ai évoqué et j'avais dit que j'y reviendrais, concernant la question du certificat médical pour les fins de retrait préventif de la femme enceinte — ce sont les pages 21 et 22 de votre mémoire. Je l'ai lu et je l'ai relu, pour être bien certain que j'avais bien compris ce qui était en cause, le fondement de votre recommandation et de votre suggestion.

Vous dites au point 602 de la page 21 — je m'excuse, M. le Président, si je prends un peu de temps, mais je pense que c'est extrêmement important d'éclaircir cela. Je vais essayer quand même de me restreindre au maximum. Vous dites en 602: Le médecin traitant, connaît les conditions de travail de sa patiente par le rapport que celle-ci lui en donne; en d'autres termes, pas par d'autres sources que celle-là, pas par la visite du médecin dans les lieux de travail ou par des rapports qu'il pourrait recevoir d'autres sources, mais par le rapport que celle-ci lui en donne. Toutefois, le médecin ne peut pas toujours se rendre compte des risques inhérents à l'emploi de sa patiente sans les vérifier personnellement. Le projet de loi ne lui fournit pas les moyens adéquats d'acquérir une connaissance complète de ces risques.

Partant de là — et je rattacherai cela tantôt, mais c'est une question plus large, la question de la disponibilité — vous formulez une recommandation qui vise à remplacer le premier alinéa de l'article 32 par le paragraphe suivant: "Une travailleuse enceinte qui travaille dans un établissement et qui fournit à l'employeur un certificat médical attestant que les conditions de travail qui y sont décrites comportent des dangers physiques pour l'enfant à naître", etc. (12 h 30)

En d'autres termes, contrairement au projet de loi tel qu'il est libellé et qui suppose que l'information sur laquelle est étoffé, est étayé, est fondé, est basé le certificat médical n'est pas uniquement l'information provenant de la patiente, mais l'ensemble de l'information disponible quant aux conditions de travail dans un établissement X donné ou dans un département précis de cet établissement, cela provient d'un certain nombre de sources et, en conséquence, on disait qu'il n'y a pas de problème. On ne va pas commencer à verser dans des tatillonnages à n'en plus finir. Il s'agit au fond d'un acte fondamental pour que cette personne, sans perdre aucun de ses droits et privilèges acquis, puisse être mutée à un autre poste ou exercer son droit de sortir de l'entreprise et être compensée en conséquence.

Là, ce que vous nous proposez, cela n'est pas sans m'amener à me poser une question très sérieuse. Je me demande si, d'une part, il n'y a pas moyen, pour l'amour du bon Dieu, que le médecin gynécologue, par exemple, parle au médecin affecté à l'établissement en question. Le projet de loi comporte toute une dimension d'ouverture des livres davantage, d'abord pour mieux faire en sorte que les hommes et les femmes qui sont au travail soient plus pleinement informés sur les conditions mêmes de leur environnement, que les dossiers soient ouverts. Il ne s'agit pas de laisser sortir des choses qui sont du domaine confidentiel. Le dossier de l'individu, c'est complètement une autre chose, et le projet de loi cherche à assurer cette confidentialité. Cela va de soi. Est-ce qu'il ne vous apparaît pas possible, élémentaire que le médecin traitant parle, par exemple, au médecin de l'établissement concerné, le médecin affecté à la santé au travail et que là, il y ait concertation entre les parties.

La question que je suis en train de me poser — je ne tire pas de conclusion, mais je vais y réfléchir — c'est si on ne devra pas dire: Le certificat médical devra être émis par le médecin affecté à la santé au travail à cet établissement, sinon tout de suite demain matin, cela va être l'avalanche des certificats de complaisance, cela va être l'avalanche des mécanismes de contrôle.

En d'autres termes, encore une fois, tout le fardeau bureaucratique d'aller contrôler, vérifier, on va être encore pris dans une nouvelle situation où tout va repartir d'en haut et descendre en bas. Après en avoir parlé d'ailleurs — je ne vous le cacherai pas — à des médecins, j'ai eu l'occasion d'en parler à des gynécologues, j'ai eu l'occasion d'en parler à des gens qui sont dans des départements de santé communautaire, j'ai eu l'occasion d'en parler à des gens qui sont dans un certain nombre de CLSC, qui ont fait un "job" pas mal remarquable dans le domaine du dépistage, j'ai moi-même cité le nom d'une entreprise, hier en commission parlementaire, qui est situé à Laprairie, il semblait ressortir de tout cela que oui, c'était plus que possible, que c'était simple et faisable et qu'il n'y avait pas lieu de tomber encore une fois dans des patentes qui nous mènent à des contrôles venant d'en haut et qui sont à l'opposé d'une approche qui vise à permettre une "responsabilisation" des gens, des citoyens, à leur faciliter l'exercice de leurs droits.

J'avoue que, en tout cas, ça me chicote beaucoup, ce passage de votre mémoire. J'aimerais bien comprendre votre point de vue là-dessus. Je crois qu'il ne faut pas, non plus, encore une fois, tomber dans le panneau, s'ouvrir des portes à n'en plus finir sur la possibilité de certificats de complaisance. Il est certain qu'il va falloir qu'un effort colossal soit fait. Parlant à des femmes enceintes travaillant en usine, en entreprise, je ne sais pas combien de fois on m'a fait la remarque suivante... Je ne sais pas si ça reflète un état réel et très large des problèmes ou si ce sont des cas d'exception, mais, ayant visité pas loin de 66 entreprises, j'en ai

rencontré, du monde, en deux ans. Bien sûr, certainement pas comme un gynécologue qui reçoit — c'est son métier — toujours des femmes. J'ai rencontré des femmes au travail. Toujours, on m'a dit: C'est exceptionnel, par exemple, qu'un gynécologue qui traite une femme enceinte lui demande, comme première question: Est-ce que vous travaillez? Deuxièmement, si vous travaillez, quelle sorte de travail faites-vous? Troisièmement, à quel endroit travaillez-vous? Décrivez-moi donc un peu les lieux, le genre de travail que vous faites, des choses de base. Les réactions venant de ces femmes, je n'ai pas fait de sondage et je n'ai pas fait d'enquête pour savoir si ça reflète un état large. Je ne dispose pas d'une recherche systématique là-dessus.

Si c'est vrai, je pense qu'il va falloir convenir ensemble qu'il y a peut-être un effort à faire d'éveil, de sensibilisation si on veut établir véritablement une jonction dans cette perspective et permettre réellement aux femmes qui vivraient les problèmes dont on a fait état de pouvoir exercer leurs droits, mais, encore une fois, sans être pris dans une situation où il risque d'y avoir des contrôles à n'en plus finir, parce qu'on va nous dire, cinq jours après: II y a un paquet d'abus; ça n'a pas d'allure, etc. Vous voyez un peu le problème, je pense. Voilà, M. le Président, pour l'instant. Je pense que j'ai déjà pris passablement de temps.

M. Hamel: M. le Président, plusieurs questions nous ont été posées. Nous allons tenter, en premier lieu, de disposer rapidement de celles qui ont un caractère plus technique. Je vais demander à Me Lachapelle d'en disposer.

M. Lachapelle (Raymond): Bien, merci.

Le Président (M. Marcoux): Me Lachapelle.

M. Lachapelle: Je me permets, M. le ministre, de répondre un peu à rebours, de commencer par la fin et de remonter. Ce sera plus facile, je crois.

La première question soulevée était relative au certificat médical quant au retrait préventif, article 32. Le ministre a bien compris la préoccupation de la fédération à cause du fardeau lourd que lui imposait la loi de connaître objectivement, globalement et spécifiquement, toutes les conditions du milieu. Or j'admets avec le ministre que tous les médecins ne seront pas dans le milieu. Certains le seront. Ce sont des médecins du milieu et, en temps et lieu, de Dr Hamel pourrra spécifier comment ils vont accéder au milieu.

Il va sans dire que les médecins traitants, généralement, ne sont pas dans le milieu. Cependant, dans le milieu, il est vrai, comme le suppose le ministre, qu'il y aura un médecin, le médecin responsable, les médecins qui fournissent des services sous l'autorité du médecin responsable, à titre d'exemple. D'une part, celui qui a connaissance des conditions du milieu, c'est le médecin du milieu; celui qui a connaissance de l'état de santé, c'est le médecin traitant qui, par définition, ne serait pas le médecin du milieu, d'où la difficulté.

Je ne pense pas qu'on se trouve à répondre à la difficulté de la situation en disant que le médecin traitant qui n'est pas du milieu assume toute la responsabilité seul. M. le ministre suggère que peut-être il peut communiquer avec le médecin du milieu pour obtenir certains renseignenents. Ce n'est pas une voie impossible, au point de vue juridique, pourvu que la loi très clairement, cependant, non seulement lui donne la permission, mais établisse la balise pour que le médecin, se fondant sur un rapport d'autrui, du médecin du milieu, se retrouve quand même libéré de sa responsabilité. La responsabilité est lourde, M. le ministre; elle est d'abord professionnelle, elle est ensuite une responsabilité vis-à-vis de l'employeur, parce que le certificat médical se trouve à enclencher des obligations que l'employeur assume, elle est également une responsabilité vis-à-vis de la commission parce qu'il y a une indemnité en cause.

Dans ces circonstances, le ministre comprendra que la fédération est bien prête à recommander à ses membres que, sous toute protection juridique que peut accorder l'article 32, les membres remplissent à plein leurs fonctions vis-à-vis et de la patiente, et de l'employeur, et de la commission. Cependant, je crois qu'il est naturel que la loi, à ce moment-là, comporte les protections qui sont nécessaires.

C'était sous cette réserve...

M. Marois: Je veux être certain que je comprends parfaitement bien votre pensée. Au fond, si je lis le texte qui se transpose, finalement, dans un texte de loi, vous recommandez d'ajouter quatre mots; après "les conditions de travail", vous ajoutez les mots "qui y sont décrites"; c'est ce que vous ajoutez. Par ailleurs, vous nous dites bien — j'apprécie votre franchise sur ce plan, cela nous permet vraiment de faire un travail valable ensemble et d'essayer au maximum de bonifier le projet de loi et de trouver des solutions aux problèmes — que vous connaissez les conditions de travail par le rapport que la patiente en donne.

M. Lachapelle: C'est juste.

M. Marois: J'évoque ceci. Est-ce qu'il y a moyen d'établir une jonction additionnelle permettant d'élargir la base d'information à partir de laquelle le médecin, sur la base de sa compétence professionnelle, sera amené à dire: Oui, je signe le certificat en question. Vous semblez me dire, si je comprends bien: Oui, il y a des possibilités très réelles; ce qui confirme les informations qu'on m'avait données, d'une part.

D'autre part, je crois que c'est à peu près les mots que vous avez utilisés, vous avez dit que c'est une responsabilité qui n'est pas un détail, je pense que vous avez raison, vous avez dit: A la condition qu'on lui donne la protection requise. Vous pensez à quoi exactement?

M. Lachapelle: Je me limite au niveau technique, le Dr Hamel ajoutera un commentaire au niveau politique ou au niveau médical. Mais, du point de vue technique, à titre d'exemple, si le pro-

jet de loi qui vise les conditions du milieu, disait à peu près ceci: Attestant que les conditions du travail ou de son travail dont le médecin responsable l'informe...

M. Marois: En d'autres termes, vous voulez...

M. Lachapelle: ... comportent les dangers physiques, etc. A ce moment-là, le lien est établi...

M. Marois: D'accord, on ne se chicanera sur les détails de formulation, parce qu'il est difficile d'improviser. Je comprends ce que vous dites, vous voulez qu'il y ait un "no fault" en quelque sorte, sans blaguer, parce que le problème est sérieux, mais, en même temps, en ce faisant, vous vous trouvez à déplacer la responsabilité sur un autre. Mais, enfin, je vois le problème, je comprends le problème que vous soulevez, on va le regarder.

M. Lachapelle: Chacun aura la responsabilité qui lui revient. Le médecin traitant aura la responsabilité quant à l'état de santé et le médecin du milieu quant à la connaissance du milieu.

M. Hamel: Ou bien, M. le Président, on laisse au médecin traitant l'occasion de vérifier les conditions du milieu, ou bien on permet que le médecin porte un jugement sous réserve des conditions du milieu. Par exemple, la femme enceinte travaillant dans une fabrique de fluorescents ou une fonderie de plomb, peut, dans son poste particulier de travail, n'être exposée à aucun toxique. Cependant, il peut être pratiquement impossible pour le médecin en cabinet privé de vérifier cet état de fait. Est-ce qu'elle travaille au secrétariat, est-ce qu'elle travaille à un endroit où il n'y a absolument aucun danger? Il faudrait être sur place pour le vérifier. Cette vérification, le médecin doit avoir le droit ou la possibilité d'aller la faire dans l'entreprise, et on est bien prêt à prévoir des dispositions dans l'entente à cet effet, l'ouverture du droit qui se fait. Ou bien, dans les cas où c'est impossible de le faire il y a, par souci de rigueur intellectuelle, cette disposition qu'on vous suggère qui permet à chacun des médecins d'assumer ses responsabilités, mais de les assumer pleinement.

Je ne voudrais pas passer le peu de temps qui nous reste sur cette question. Je pense qu'elle peut être discutée entre techniciens, à mon point de vue; cela me paraît plus un aspect technique que médical. On va laisser... Pendant le peu de temps qui nous reste, je voudrais revenir sur certains points que le ministre a rapidement esquissés au début, en particulier le lien d'appartenance des médecins à un CMD. Nous avons apporté ici à la commission des exemples très concrets de contrainte administrative et professionnelle qui sont indéniables.

Nous vous rappelons que nous faisons face à des réalités nouvelles auxquelles il ne faut pas avoir peur d'adapter un droit nouveau, d'autant plus que toutes les activités dont on parle actuellement, la plupart de ces activités en médecine du travail se passent à l'extérieur du centre hospitalier. Actuellement, les activités du CMD ont toujours convergé ou exclusivement vers des activités intrahospitalières. Il n'y a absolument aucune indication que l'appartenance... faire appartenir un médecin de Gaspé, comme je le disais tout à l'heure, un médecin de Chandler qui appartiendrait au CH de Gaspé pour des activités qui sont dispensées à l'extérieur du centre hospitalier de Gaspé pour des activités dispensées à Chandler... Comment voulez-vous que le Conseil des médecins de Gaspé puisse exercer un contrôle sur des activités à Chandler? (12 h 45)

Le chef de département de santé communautaire, le chef de médecine du travail devrait avoir la responsabilité. Alors, nous préconisons dans notre mémoire des dispositions qui sont plus réalistes face aux contraintes de cette nature.

Un autre sujet que j'aimerais discuter, c'est la question des examens complets majeurs. Dans notre mémoire, on ne fait allusion, en aucune façon, aux examens complets, majeurs; on ne sait pas où le ministre a pu prendre cette question. Au contraire, partout, dans notre mémoire, on parle constamment d'examens qui sont faits dans le cadre d'un programme de santé communautaire, donc en fonction d'un protocole spécifique; ce sera un protocole d'examens qui variera d'une industrie à l'autre, donc, ce sont toujours des examens qui sont faits, même ceux qui sont faits à la demande d'un travailleur. Un travailleur, dans une industrie, aurait le droit de consulter son médecin traitant, mais il devrait le faire avec un protocole particulier, suivant l'industrie, un protocole qui lui sera fourni soit par le médecin responsable ou soit par un responsable de l'industrie. Il n'est donc pas question d'autres examens que ceux qui auront été déterminés, soit par le chef du département de santé communautaire, ou soit par le médecin responsable.

Alors, l'intégration du médecin, à quelque niveau que ce soit, est parfaitement réalisée dans nos recommandations, tout est prévu, même sur le plan des protocoles. Il n'est pas question d'examens complets majeurs. Je ne sais pas où on a pris cette notion, on n'a jamais discuté d'examens complets majeurs, c'est très rare qu'on ait besoin de faire un examen complet majeur en médecine du travail.

La disponibilité des médecins, en particulier des cabinets privés, des médecins des CLSC ou des médecins des CH, est en fonction de l'initiative qui doit être prise par le chef du département de santé communautaire ou du médecin responsable. Nous connaissons de nombreux médecins responsables, dans les entreprises; il y en a qui sont assis à la table avec nous; nous connaissons de nombreux chefs de département de santé communautaire qui font appel aux médecins, et ce sont eux qui sont responsables de l'initiative du choix des autres médecins qui doivent oeuvrer dans des programmes spécifiques de médecine du travail.

M. Lachapelle: Je me permets de revenir, M. le ministre, M. le Président...

M. Hamel: Juste une seconde, on va laisser la chance à l'Opposition de poser des questions.

Mais un dernier mot sur la répartition des cabinets privés. La répartition des cabinets privés n'est pas Seulement en milieu urbain ou semi-urbain. Ils sont repartis uniformément dans toute la province.

Il est bien connu aussi de la corporation qu'il y a une répartition qui est à peu près égale actuellement de tous les médecins omnipraticiens dans toute la province. Là encore, par rapport au fait que les cabinets privés seraient concentrés dans les milieux urbains ou semi-urbains, c'est sûr qu'il y a une concentration qui est proportionnelle à la population. C'est bien clair. Mais il y a une répartition tout à fait uniforme dans la province, par ailleurs, des cabinets privés.

Le Président (M. Marcoux): Mme la député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je voudrais d'abord remercier la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec pour son mémoire. Je pense que le côté technique du plus grand nombre des amendements que vous proposez a été déjà souligné ou discuté par le ministre. Nous en prenons bonne note et je pense qu'il y a des suggestions là-dedans qui sont intéressantes. Je voudrais peut-être davantage vous poser une question et je me réfère à la page 3 du mémoire plus officiel ou plus complet. Vous dites que vous vous abstenez de vous exprimer, évidemment, sur les matières d'intérêt non médical. Quant aux questions relatives aux matières médicales, le projet de loi suscite chez vous souvent plus de questions à poser que de réponses ou de suggestions à apporter par le fait même que le texte du projet renferme beaucoup d'ambiguïtés. Vous vous réservez la possibilité de soulever ceci en commission parlementaire.

En lisant ceci, votre silence dans le mémoire au sujet de toutes ces questions me semble très éloquent et je me demandais s'il y avait certains points que vous pourriez soulever qui vous causent des problèmes à ce moment-ci, soit au point de vue de leur absence ou de l'imprécision du projet de loi. Quelles sont vos préoccupations derrière cette phrase finalement qui, somme toute, est assez importante?

M. Hamel: En fait, dans notre mémoire, par la suite, ainsi que dans le texte que j'ai lu tout à l'heure, nous avons tenté d'apporter des éléments de réponse. On parlait, par exemple, de l'appartenance du médecin au CMD. C'est un cas où il y avait beaucoup d'ambiguïtés. On ne tenait pas compte d'une réalité où certains médecins exerçaient en dehors des centres hospitaliers désignés. C'est un exemple. Il y avait d'autres exemples aussi, selon les types d'examens qui sont faits dans le cadre des programmes de médecine au travail.

Il y avait certainement des ambiguïtés qui ont été exprimées ici à la commission. On pensait que c'étaient des examens majeurs complets, alors qu'on a toujours pensé que cela pouvait varier en fonction des milieux et des risques de maladie ou d'accidents et que cela devait finalement donner lieu à des protocoles d'examens déterminés par le chef du département de santé communautaire ou du médecin responsable. Ce sont évidemment des exemples d'ambiguïtés que nous avons tenté de corriger dans notre mémoire.

Mme Lavoie-Roux: Ce sont des ambiguïtés de cet ordre que vous soulignez. Je me permets d'exprimer quand même un regret, c'est que vous êtes probablement la profession qui a eu le plus d'expériences quant aux services de santé à prodiguer dans le milieu du travail. Peut-être est-ce à cause d'un manque de temps, enfin, peu importe les raisons, vous vous êtes abstenus de vous prononcer sur les matières qui n'étaient pas d'un intérêt immédiatement médical. Je pense que la commission aurait pu en tirer profit. Vous êtes des gens qui avez des ressources, vous avez eu une grande expérience, et probablement, comme je dis vous êtes le plus au courant de problèmes de santé dans le milieu du travail. C'est un regret que j'exprime, j'aurais souhaité que vous profitiez de cette occasion pour nous en faire part. Je pense que l'ensemble de votre mémoire, c'est vraiment pour sensibiliser — enfin, le message principal que je retiens — la commission à l'existence de ressources considérables au plan de la santé, non seulement dans les services de santé publics, mais également dans le réseau privé et que le gouvernement devrait être très prudent avant d'éliminer, à toutes fins utiles, et peut-être que là, je vais un peu trop loin, parce que le ministre me rétorquera qu'à l'article 86, on prévoit qu'on pourra accepter que les services soient fournis dans un cabinet privé lorsque cela s'avère nécessaire à cause de la non-disponibilité des autres locaux. C'est une balise extrêmement serrée. D'ailleurs, je pense que le ministre lui-même l'a reconnu hier. Là-dessus, c'est peut-être davantage un commentaire que je voudrais faire au ministre qu'à la fédération; il n'est pas obligé de me répondre, comme il dit, on pourra le faire en discuter en commission parlementaire; selon des contacts que j'ai eus ou des renseignements que nous avons à l'occasion avec des patients qui ont subi des accidents de travail ou des accidents d'automobiles, ne serait-ce que pour les soins de physiothérapie, entre autres, les listes d'attente, dit-on, sont très longues. Je n'ai pas fait la vérification au bout de la ligne. La même chose existe, comme vous le mentionnez dans votre rapport, pour avoir un examen médical. Je pense que, dans les cas de services de santé aux travailleurs, ça ne peut pas toujours être sur les listes d'attente.

Moi, j'inviterais au moins le gouvernement, par la voix du ministre, à être très prudent en mettant une restriction aussi serrée que celle qui est contenue à l'article 86. Je pense que c'est une partie du message que la fédération vient nous porter. Il faudrait que le ministre puisse nous

assurer que tout se fait dans les meilleurs délais quand il s'agit d'obtenir un service de santé. Je pense qu'il faut être extrêmement prudent.

Il y a une autre dimension qui a été soulevée peut-être à l'inverse hier par le ministre, à savoir que, à tort ou à raison, les travailleurs avaient souvent une mauvaise perception du médecin qui était dans une entreprise parce qu'on l'associait trop à l'employeur. Je pense que, s'il n'y a jamais d'autres voies, non plus, que le service public, cette même perception, fausse ou vraie, pourra aussi se faire sentir à l'égard des services de santé ou d'examens médicaux qui seraient uniquement ou à peu près uniquement confiés à des départements de santé communautaire ou aux services publics de santé.

Je pense que dans tout ça il y a un équilibre à rechercher, et les dangers qu'on veut éviter d'un côté, il ne faudrait peut-être pas les recréer de l'autre côté.

Ce sont les réflexions que je veux porter à l'attention du ministre.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Pointe-Claire.

M. Shaw: Oui, je veux poser la même question que j'ai posée au ministre avant. Nous savons, à cette commission parlementaire... On a toujours dit qu'un article dans la loi 103 donne un pouvoir à l'administration d'un hôpital de contrôler, de véritablement fermer son "staff". Est-ce que ça peut vous causer, comme médecins omnipraticiens, des problèmes dans vos régions? Disons qu'à un moment donné un hôpital décide d'avoir quatre médecins qui peuvent travailler dans le domaine du travail, mais ça, c'est leur organigramme, c'est leur plan administratif pour leur hôpital. Est-ce que ça peut travailler contre vos membres?

M. Hamel: La loi 103 s'applique aux centres hospitaliers universitaires seulement; elle vise d'ailleurs à limiter les effectifs. Dans la mesure où elle vise à limiter les effectifs dans ces centres hospitaliers, évidemment, cela pourrait avoir pour effet d'exclure davantage les médecins qui exercent en dehors de l'établissement. Dans ce sens, vous avez raison.

M. Shaw: Cela représente peut-être la moitié des entreprises du Québec, c'est la région de Montréal.

M. Hamel: Non, c'est surtout les centres hospitaliers universitaires, à Montréal, à Québec et à Sherbrooke.

M. Shaw: Deuxièmement, j'ai observé pendant deux jours un effort visible d'une forme de contrôle par une forme d'administration ou une autre, soit les DSC ou les CLSC, qui visent à prendre plus de contrôle sur les médecins individuels, soit ceux qui ont de l'expérience dans le domaine du travail, les médecins omnipraticiens ou les spécialistes qui sont impliqués par les exigences de ce projet de loi. Cela m'inquiète parce que ça peut enlever le droit individuel du travailleur à un professionnel de son choix. Voyez-vous une menace de cette forme?

M. Hamel: Les recommandations que nous avons faites dans notre mémoire visent à atteindre un certain équilibre. Nous reconnaissons, d'une part, le droit du DSC, du chef de département de santé communautaire à coordonner les activités de santé au travail. D'autre part, nous reconnaissons aussi au travailleur le droit de consulter le médecin de son choix. Si vous lisez le mémoire dans ses recommandations, partout nous avons tenté d'atteindre un certain équilibre. (13 heures)

M. Shaw: C'est tout, M. le Président.

M. Hamel: M. le Président, est-ce que je pourrais faire une dernière remarque?

M. Marois: M. le Président, est-ce qu'on me permettrait — je sais bien qu'il est 13 heures pile — une question un peu dans le sens de ce qu'évoquait le député de L'Acadie? Bien sûr, vous disposez, par vos membres ou même comme association, de l'accumulation d'une expérience, d'une connaissance, d'une compétence qui est certainement indéniable. Il aurait été intéressant, certes, de connaître votre point de vue sur bon nombre d'autres aspects qui sont impliqués dans l'ensemble du dossier de la santé et de la sécurité du travail.

Ma question est la suivante: Hier, et c'est d'ailleurs le seul groupe à ma connaissance qui nous en a parlé depuis le début de nos travaux et, à ma connaissance, c'est aussi le seul groupe qui l'évoque dans son mémoire après avoir pris connaissance, dans quelques cas rapides quand même, de l'ensemble des mémoires qui vont venir par la suite. Ils nous ont proposé, vous le savez bien sûr, et vous l'évoquez, et vous nous faites des recommandations, et on en a parlé tantôt, on introduit dans la loi le principe du retrait préventif avec une première forme d'application concernant la femme enceinte au travail.

Un groupe nous a suggéré et nous a recommandé, hier, d'élargir l'application de ce principe du retrait préventif, en disant que c'est là vraisemblablement, avec le droit de refus, une espèce de recours ultime, le retrait préventif étant aussi fondamental dans la mesure où, à partir du moment où il y a moyen de dépister, de déceler les premiers signes avant-coureurs, les premiers signes précoces d'altération de la santé d'un homme ou d'une femme au travail, on pouvait s'attaquer immédiatement à ce moment-là au problème, en ce qui concerne l'individu lui-même ou les individus concernés, et, bien sûr, aussi où on pouvait essayer de corriger à la source si c'est un problème de bruit ou enfin peu importe. Donc, on nous a suggéré d'élargir le retrait préventif.

Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de réfléchir à cette question-là, je ne sais pas si vous pensez effectivement que l'élargissement du re-

trait préventif est une chose qu'il faudrait regarder très attentivement. J'ai dit hier aux membres de ce groupe-là que j'étais personnellement extrêmement sensible à cette question. Je sais que c'est une espèce de première nord-américaine que d'introduire le retrait préventif. Déjà pour la femme enceinte, ça n'existe, à ma connaissance, nulle part ailleurs. Et je suis sensible parce que je suis porté à penser qu'il faudrait élargir. Seulement on a regardé les difficultés que ça peut poser parce qu'on admet tous qu'il y a des cas, le cas de certains agents agresseurs, certains toxiques où l'état actuel de la science ne nous permet pas de connaître de façon certaine les premiers signes avant-coureurs, mais dans d'autres cas, ce n'est pas vrai, dans d'autres cas on les connaît. Que ce soit dans le cas du plomb, du mercure, par exemple, on les connaît beaucoup mieux sur le plan scientifique. J'aimerais connaître votre opinion sur cette recommandation, sachant pertinemment que vous n'avez pas eu le temps de l'étudier pour prendre position officiellement comme organisme là-dessus, mais, étant donné que vous êtes là, avec la compétence que vous avez, il serait intéressant, si vous le jugez pertinent, qu'on puisse avoir de votre part, sans plus d'engagement que ça, une première réaction à cette hypothèse-là.

M. Hamel: Jusqu'ici, le contenu de notre mémoire a été soumis aux représentants des diverses associations affiliées à la fédération. Nous avons fait de multiples consultations avec les membres du conseil, les 80 délégués. Donc, nous avons été soucieux de représenter réellement la volonté des membres. C'est pour ça que nous nous sommes limités, parce qu'à certains points de vue, c'est clair, comme dans la société, qu'il y a des divergences d'opinions. Ces points, nous les évitons. Je pourrais donner un exemple sur le référendum à venir. A la suite de la question que vous venez de poser, c'est clair que nous avons des opinions individuelles ici à la table. Surtout, nous avons un médecin qui consacre plus de la moitié de son temps à la surveillance du milieu, alors, il a des exemples où il a pris des initiatives dans cette orientation, dans le sens d'un élargissement de ce droit. Sauf que, si la question est posée aussi sérieusement que vous le faites, nous la soumettrons à la prochaine réunion du conseil et nous pourrions vous envoyer une lettre à cet effet, qui représenterait réellement une consultation élargie auprès des médecins qui sont intéressés à la médecine du travail. Ce serait avant la fin du mois de septembre, sur cette question.

M. Marois: Ecoutez, encore une fois, je ne me permettrais certainement pas d'insister parce que je comprends parfaitement bien et je pense que tous les collègues qui sont ici comprennent parfaitement bien que vous avez un mandat bien précis. C'est sur la base de ce mandat, que vous respectez, que vous faites vos représentations aujourd'hui. On le comprend parfaitement bien.

M. Hamel: La réponse est positive.

M. Marois: Vous pourriez vous sentir parfaitement à l'aise de le commenter; on le prendrait purement comme une opinion spontanée individuelle, pour les fins du journal des Débats, qui n'engage absolument pas l'association comme telle. Si cela vous était possible, vous pourriez nous donner une première réaction, mais, encore une fois, je n'insiste pas si vous préférez ne pas le faire, même sous forme d'une première réaction, quoique je l'apprécierais. Par ailleurs, j'apprécierais grandement cependant, si cela vous était possible, que vous nous fassiez parvenir une note de commentaires qu'on pourrait mettre à la disposition des collègues membres de la commission.

M. Hamel: Nous le ferons à la fin du mois, après la réunion statutaire du conseil.

Mais la réponse est positive sur le plan individuel. Nous avons plusieurs individus ici à la table qui sont favorables à l'élargissement de ce droit.

Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie, au nom de tous les membres de la commission, de votre participation. La commission suspend ses travaux jusqu'à 15 heures.

Suspension de la séance à 13 h 4

Reprise de la séance à 15 h 11

Le Président (M. Marcoux): A l'ordre, mesdames et messieurs!

La commission permanente du travail et de la main-d'oeuvre poursuit l'audition des mémoires concernant le projet de loi no 17, sur la santé et sécurité du travail.

J'inviterais maintenant la Corporation professionnelle des médecins du Québec à nous présenter son mémoire. Dr Roy.

Corporation professionnelle des médecins

M. Roy (Augustin): M. le Président, M. le ministre, permettez-moi de vous présenter d'abord les membres qui représentent la Corporation professionnelle des médecins à votre commission parlementaire. A l'extrême gauche, Me Louis Payette, notre conseiller juridique; le Dr André Lapierre, secrétaire général adjoint et, moi-même, Dr Augustin Roy, qui est le porte-parole officiel de la corporation. Tous trois pourrons répondre aux questions que vous voudrez bien nous poser, après la présentation de notre mémoire.

Sans plus tarder, je voulais d'abord dire que la corporation est d'accord avec les grands objectifs que défend ce projet de loi no 17 sur la santé et la sécurité au travail. Nous ne nous attarderons pas en louanges sur le projet de loi, auprès du ministre, qui a une approche sociale très développée; nous profiterons du temps qui nous est laissé pour attirer l'attention, par ailleurs, sur certaines lacu-

nes ou certains oublis ou certaines explications à demander sur le projet de loi.

Ceci étant dit, nous devons vous dire que nous avons rédigé, depuis plusieurs années, de nombreux mémoires sur différents projets de loi. Le présent mémoire nous est apparu le plus difficile à élaborer, parce qu'il faut deviner sa portée, certaines composantes nécessaires du système étant passées sous silence, d'autres devant être établies par règlements une fois la loi adoptée.

Dans ce mémoire, nous regroupons les commentaires sous sept chapitres. Le premier concerne l'étendue du champ d'application de la loi. Pour les membres de la commission, je vais suivre passablement notre texte, en en passant quand même des bouts, pour raccourcir la discussion.

M. Chevrette: On pourra le voir quand même au procès-verbal de la commission.

M. Roy: D'accord, merci beaucoup.

Le Président (M. Marcoux): Votre mémoire sera versé au procès-verbal de la commission et au journal des Débats. Vous pouvez continuer. (Voir annexe B)

M. Roy: D'accord, merci. Alors, il y a premièrement, deux inconnues du projet de loi, qui nous empêchent de mesurer la portée exacte et d'apprécier d'une façon concrète son impact à la distribution des services médicaux.

La première inconnue a trait aux milieux de travail auxquels la loi devra s'appliquer, c'est-à-dire aux établissements.

La seconde inconnue a trait à l'étendue que doit prendre l'expression "services de santé" dans le contexte du projet de loi.

Première inconnue: Les établissements visés. Nous devons noter le choix peu heureux du mot "établissements". A titre préliminaire, nous exprimons notre désaccord à propos de l'emploi du mot "établissements".

Il y a huit ans, le législateur a forcé l'implantation du mot "établissement" auprès de centaines de milliers de travailleurs et des professionnels du domaine de la santé et auprès de la population en général. Alors que les secousses causées par ces efforts d'implantation ne sont pas encore éteintes, voici que le projet de loi propose à nouveau ce même mot pour désigner une réalité complètement différente et infiniment plus étendue, c'est-à-dire pour désigner à peu près tout le milieu du travail. Nous n'avons aucun doute sur le pouvoir du législateur de désigner les choses par les termes que sa fantaisie lui fait choisir. Nous sommes certains toutefois qu'il n'exercera pas sa puissance au mépris du bon sens et qu'il évitera de plonger tout le monde dans l'imbroglio par l'emploi, dans deux lois connexes, d'une même expression pour désigner deux réalités différentes auxquelles il faut référer très fréquemment. Nous suggérons qu'on emploie tout sim- plement les mots "milieu de travail" au lieu du mot "établissement".

(15 h 15)

La définition d'établissement. Le projet de loi relie l'existence d'un certain nombre de droits et d'obligations au fait qu'on se trouve dans un établissement ou qu'on ne s'y trouve pas. Il est donc bien important de savoir ce que l'on entend par établissement. La définition du mot "établissement" au paragraphe 14 de l'article 1 réfère aux milieux organisés "en vue de la production de biens ou de services". Ces mots ne nous semblent pas inclure les entreprises de distribution des biens ou de services. Ils ne semblent référer qu'à ce que dans la loi actuelle on désigne par "établissement industriel" par opposition à "établissement commercial". Ce paragraphe 14 de l'article 1 a-t-il pour effet d'exclure du champ d'application de la loi toutes les entreprises de distribution ou de créer une dichotomie auprès des entreprises mixtes de production et de distribution? Nous ne comprendrions pas la logique de cette distinction, si vraiment on a voulu le faire, car un très grand nombre de dispositions du projet devraient s'appliquer aux établissements commerciaux. Songeons, par exemple, aux obligations générales faites aux employeurs et aux employés; aussi, croyons-nous qu'il s'agit d'une inadvertance.

Pouvoirs réglementaires discrétionnaires ou exagérés de la Commission de la santé et de la sécurité du travail. Les définitions données aux mots "travailleur", "employeur" et "établissement" sont tellement vastes que la majorité des personnes qui travaillent sont visées par la loi. Il est évident qu'il serait utopique et inutile d'imposer dans tous les milieux de travail l'appareil de droits et d'obligations créé par le projet de loi et d'y mettre en place l'ensemble des structures qu'il a inventées. Personne ne verra très bien, par exemple, pourquoi un agent d'assurance qui emploie une secrétaire serait obligé de mettre en application un programme de prévention ou d'utiliser, contrôler et éliminer les risques pouvant affecter la santé et la sécurité de sa secrétaire, ni pourquoi un "médecin responsable" serait nommé pour elle. Nous aurons évidemment des exemples semblables dans beaucoup de domaines. Aussi, comprenons-nous très bien qu'on a autorisé la commission à limiter la portée de la loi par voie réglementaire par le biais des paragraphes 9 et 35 de l'article 185. Il reste que la commission n'est pas obligée de faire tel règlement quoiqu'il y ait ici ambiguïté parce qu'en effet l'article 185 emploie l'expression "peut", mais l'article 187 permet au gouvernement de forcer l'adoption du règlement.

Malgré la connaissance des critères énumérés de l'article 185, paragraphe 1, que la commission devra respecter dans l'exercice de son pouvoir réglementaire, il est difficile, voir impossible présentement de mesurer la portée concrète du projet de loi en dehors des grandes entreprises industrielles. Nous nous permettons de présumer que les grandes entreprises seront à peu près sûrement soumises au projet de loi.

L'article 185 crée en plus un autre problème ou une autre difficulté d'interprétation. Cet article veut-il dire que la commission pourra établir les catégories de maladies pour lesquelles les services de santé doivent être fournis ou plutôt qu'elle pourra décider à quelle catégorie de travailleurs ils doivent être fournis. Il y aurait ici clarification à apporter.

Il appartiendra donc à la commission de limiter par voie de règlement la portée de la loi, c'est-à-dire de retirer à certaines catégories de travailleurs les droits que le projet de loi leur accorde dans un premier temps. Ce pouvoir, en plus de nous empêcher de mesurer la portée concrète du projet de loi et d'apprécier son impact sur la distribution des services médicaux nous apparaît trop discrétionnaire. Il devient tellement abusif qu'il en devient inacceptable. Même si on comprend que le projet de loi doit être instauré par étapes, il reste que ce pouvoir exagéré donné à la commission fait en sorte qu'elle devient le législateur. La corporation est donc d'avis que le projet de loi devrait contenir les limites de son application plutôt que de laisser complètement le soin à la commission de tracer ses limites.

Seconde inconnue: La notion de services de santé. La corporation a tout lieu de penser que les services de santé dont il est question partout dans la loi sont ceux visés à l'article 9 paragraphe 2 du projet de loi, c'est-à-dire les soins préventifs et curatifs particuliers aux risques auxquels une catégorie de travailleurs est exposée. Toutefois, hormis ce qui est dit à cet article, le projet de loi n'articule pas ce que sont les services de santé qu'il vise. Le projet parle souvent de services de santé sans les qualifier. A l'article 85, par exemple, on réfère à des services de santé rendus dans le cadre des programmes-cadres ou dans le cadre des programmes spécifiques. A l'article 84, on parle de services de santé au travail. Cette absence de précision pourrait donner lieu à des interprétations discordantes et fâcheuses qui, la corporation veut bien le croire, sont inexactes. L'article 86 emploie sans qualification l'expression "services de santé". On pourrait donc penser que tous les services de santé requis par un travailleur, aussi bien ceux qui ont trait aux problèmes médicaux causés par son travail que ceux qui y sont étrangers ne pourront à l'avenir être dispensés qu'en milieu institutionnel, centres hospitaliers, CLSC ou en milieu de travail, à moins que pour l'unique raison que des locaux ne sont pas disponibles, le chef de département de santé communautaire ne permette qu'ils soient dispensés en cabinet privé. La loi ne viserait plus les problèmes de santé au travail, mais l'ensemble des problèmes de santé de toute personne qui est un travailleur.

Le critère de rattachement n'est plus le travail, mais le fait d'être un travailleur. Le sens naturel des mots "services de santé" employés seuls mène à cette conclusion. Il va sans dire que la corporation s'opposerait carrément à cet état de choses qui résulterait en un réseau parallèle, ce que personne ne veut, de services de santé et en une discrimination entre les travailleurs et les non-travailleurs, de même qu'entre les travailleurs visés par la loi et ceux qui ne le sont pas, sans compter tous les autres problèmes que cela pourra soulever

L'article 86 aurait donc pour effet d'abolir presque entièrement la pratique de la médecine en cabinet privé à l'égard de tout travailleur, puisqu'il décrète que ces services devront être fournis seulement dans les CH, les CLSC et les établissements.

Il faudrait aussi comprendre que l'article 86 prive le travailleur du libre choix du médecin ou du centre hospitalier duquel il désire recevoir des services non seulement pour les services de santé reliés à son travail, mais pour tous les services de santé.

Il en résulterait enfin que le projet de loi, à l'article 209, vise à faire financer tous les services de santé requis par cette partie de la population que constituent les travailleurs par les employeurs et non plus par la contribution générale de tous.

La corporation est certaine que ces interprétations ne sont pas correctes et qu'elles ne représentent pas les visées du gouvernement. Elle croit essentiel, en conséquence, que soit précisée et cernée davantage, en particulier au chapitre VIII, la notion de services de santé. Il serait fort utile, à cette fin, de retourner au livre blanc sur la santé et la sécurité au travail et de s'en inspirer. Celui-ci se référait aux services de santé au travail en leur attribuant quatre fonctions extrêmement importantes et je cite: "1. La surveillance de l'état de santé des travailleurs assurant le dépistage précoce et la prévention de toute altération à la santé provoquée ou aggravée par le travail. 2. L'identification et l'évaluation des risques à la santé physique et mentale causés par le milieu du travail. 3. La mise sur pied et le bon fonctionnement d'un service adéquat de premiers soins pour faire face aux urgences médicales et traumatiques et pour faciliter la réadaptation au travail. 4. La connaissance des caractéristiques individuelles des travailleurs afin de faciliter leur affectation à des tâches non susceptibles de porter atteinte à leur santé ou à leur sécurité."

La dimension psychosociale de la santé. Le projet de loi veut reconnaître le droit du travailleur à la santé, à la sécurité et à l'intégrité physique. Même s'il met l'accent sur les agents agresseurs physiques et chimiques, il appert que la santé mentale n'est pas exclue, de par la définition même de la santé. Nous voulons savoir, par ailleurs, d'une façon implicite, si le champ d'application du présent projet de loi s'étend à la santé mentale, avec les problèmes que cela peut amener.

Deuxième chapitre: Un réseau hybride. A l'heure actuelle, les services de santé dispensés par les médecins le sont soit dans les établissements au sens de la Loi sur les services de santé et les services sociaux — je vais appeler ça la loi sur les SSSS — soit en cabinet privé du médecin, que celui-ci soit à son propre compte ou que ses services ait été retenus par un employeur.

Le projet de loi prévoit une troisième voie. Cette troisième voie est à la fois distincte des deux autres et à la fois reliée en partie au réseau des

établissements gouvernés par la loi sur les SSSS. Cette troisième structure hybride n'est pas articulée dans tous ses détails par le projet de loi. Les composantes nécessaires sont passées sous silence. Par ailleurs, certaines parties du système mis de l'avant par le projet de loi semblent entrer en conflit ou passer outre à différentes mesures que le législateur a cru nécessaire d'adopter dans la loi sur les SSSS.

Nous soulignerons dans les paragraphes qui suivent certaines difficultés créées par le projet de loi à cet égard.

Le dossier médical. En milieu institutionnel, l'article 3.5.1 du règlement édicté en vertu de la loi sur les SSSS oblige un établissement à ouvrir un dossier médical pour chaque bénéficiaire. L'article 7 de cette loi gouverne l'accès à ce dossier médical.

Or, visiblement, le dossier médical dont traite le projet de loi n'est pas le dossier médical dont parle la loi sur les SSSS et son règlement. En effet, s'il s'agissait du même dossier, il est bien sûr que l'article 7 de la loi sur les SSSS le régirait. Or, ce n'est pas le cas puisque l'article 99 au second paragraphe prend la peine de dire que le deuxième alinéa de l'article 7 s'y applique, laissant évidemment voir que les autres alinéas de l'article 7 ne s'y appliquent pas. Il est bien sûr aussi que les autres dispositions de la loi sur les SSSS ou de son règlement, notamment les dispositions quant à l'accès au dossier, quant à sa conservation, s'appliqueraient. Or, encore ici, le dossier médical est régi différemment. Le projet de loi en rend l'accès illimité au travailleur et en prescrit une période de conservation de 20 à 40 ans plutôt que de dix.

En cabinet privé, l'article 85 paragraphe 4 du Code des professions et le règlement applicable de notre corporation obligent un médecin à ouvrir un dossier médical pour chacun de ses patients et à en assurer la garde. Or, ce n'est plus ce dossier que vise le projet de loi puisque celui-ci en confie la double garde au médecin responsable, qui n'est pas nécessairement le médecin qui aura dispensé les soins, et au chef de département de santé communautaire. Il s'agirait donc d'un dossier médical qui n'est pas celui du centre hospitalier, ni celui du médecin traitant.

Nulle part dans le projet de loi on n'indique qui doit ouvrir ce dossier. Nulle part, non plus, on ne dit quel devra être le contenu de ce dossier. La section 5 de la partie III du règlement édicté en vertu de la loi sur les SSSS précise le contenu obligatoire du dossier tenu par un centre hospitalier, mais les auteurs du projet de loi, comme nous l'avons souligné tantôt, ne semblent pas penser que ce règlement s'appliquera au dossier médical dont ils parlent. Le règlement de la corporation prévoit de son côté le contenu du dossier ouvert par le médecin traitant, mais ce règlement ne s'appliquerait pas davantage puisque, encore une fois, le projet de loi laisse penser que le dossier médical n'est pas celui ouvert par le médecin traitant. Qu'en sera-t-il?

Il apparaît aussi que ce dossier médical et son contenu échappent au pouvoir d'analyse du Comité d'évaluation médicale et dentaire du centre hospitalier. En effet, ce comité exerce ses fonctions d'évaluation en analysant les dossiers médicaux du centre hospitalier. Nous doutons qu'il ait le pouvoir d'enquêter dans des dossiers qui ne sont pas des dossiers du centre. Est-ce à dire que le médecin responsable et les médecins agissant sous son autorité échapperont au contrôle du Conseil des médecins et dentistes? Nous ne voyons aucune raison pour laquelle la pratique de ces médecins dans un CH ne serait pas soumise vis-à-vis du Conseil des médecins et dentistes aux mêmes règles que la pratique de toutes les autres disciplines médicales.

La situation relative au dossier médical est d'autant plus ambiguë que le projet de loi exige que les services de santé pour les travailleurs soient dispensés dans les établissements ou dans les centres hospitaliers ou les CLSC. Comme la loi et les règlements sur les SSSS régissant les centres hospitaliers et les CLSC obligent la création d'un dossier médical pour toute personne qui y reçoit des services, devra-t-on assister à la création de deux dossiers médicaux pour le même travailleur, l'un constitué aux termes de la loi sur les SSSS et l'autre régi par la Loi sur la santé et la sécurité du travail? Dans lequel des deux dossiers versera-t-on les notes relatives à la consultation de celui qui, s'étant présenté au centre comme travailleur, s'y présente maintenant comme une simple personne? Comment arrivera-t-on à dissocier la partie du dossier relative aux pathologies et aux infirmités imputables au travail de celles dont le même individu en tant que citoyen ordinaire, pourrait par ailleurs être affecté? Où le dossier médical auquel le projet de loi s'adresse sera-t-il conservé? Au centre hospitalier? A l'établissement au sens du projet de loi? L'article 99 ne le dit pas.

Le même article 99 réfère à des procédures établies par le département de santé communautaire pour assurer la garde et le caractère confidentiel du dossier. Cela nous semble une mauvaise politique que de laisser à chaque département de santé communautaire le soin d'établir ses propres procédures. Un minimum d'uniformité et de garantie de l'aspect confidentiel des données devrait être assuré à l'échelle de la province.

M. Lapierre (André): Responsabilité de la distribution des services de santé et notion de médecin traitant. En milieu institutionnel, le règlement édicté en vertu de la Loi sur les services de santé et les services sociaux prévoit que toute personne inscrite ou admise dans un centre hospitalier devient la responsabilité du médecin du centre, qu'on nomme alors médecin traitant. A ce médecin traitant échoit la charge du malade, des responsabilités particulières quant au diagnostic final et, à la fin, le sommaire du dossier médical. En cabinet privé, même dans le cas d'une clinique regroupant plusieurs médecins, il existe toujours, également, un médecin traitant en vertu du contrat médical qui s'établit au moment de la consultation, médecin traitant auquel le code de déon-

tologie de la corporation impose différentes obligations.

Où se situe le médecin traitant dans le projet de loi? L'article 86 du projet de loi prévoit que les services de santé pour les travailleurs d'un établissement sont fournis sous l'autorité d'un médecin responsable dans un centre hospitalier, un CLSC ou un établissement. Sera-ce le médecin responsable qui aura autorité sur les soins dispensés et qui en assumera la responsabilité? Suivant la Loi sur les services de santé et les services sociaux, les services de santé sont dispensés sous l'autorité du médecin traitant. Ici, il faut dire que selon le projet de loi no 17, la médecine risque d'être exercée par voie de directives venant du DSC au médecin responsable, plutôt que par le jugement du médecin basé sur les données de la science.

S'il s'agit d'un centre hospitalier, au nom de quel médecin traitant le travailleur patient sera-t-il inscrit? Au nom du département clinique du centre hospitalier où il a été dirigé? Ce médecin relève de son chef de département, suivant la Loi sur les services de santé et les services sociaux. Est-ce à dire que le médecin traitant relèvera de l'autorité de deux départements, le département clinique concerné et le département de santé communautaire auquel le médecin responsable est attaché?

Le médecin que le projet de loi appelle le médecin responsable pourra être, mais ne sera pas toujours le médecin traitant. Le médecin traitant est responsable de son malade. Le médecin responsable est plutôt responsable de programmes-cadres et de programmes spécifiques de santé. L'article 86 du projet de loi crée donc une ambiguïté sérieuse en indiquant que les services de santé sont fournis sous son autorité.

En somme, cet article du projet de loi ignore les mécanismes qui entrent en jeu en vertu de la loi sur les SSS lorsqu'une personne est inscrite ou admise dans un centre hospitalier.

La notion du médecin traitant étant absente du projet de loi, on peut se demander comment les responsabilités assignées au médecin traitant par le code de déontologie de la corporation vont s'appliquer ou se partager. Ce médecin traitant, que l'on se fait fort d'ignorer à tous les niveaux d'information, demeure pourtant le seul capable d'une évaluation globale et d'une intervention pondérée axée sur le bien-être individuel du travailleur. La présence du médecin traitant collaborerait à minimiser la dépersonnalisation tant décriée de la médecine. Nous désirons souligner le danger que comporte l'idée même de créer une structure santé au travail qui soit étanche par rapport à la structure traditionnelle de distribution de soins.

L'orientation prise de vouloir considérer le patient globalement, le situant dans son environnement social et familial, se trouve menacée par ce cloisonnement. En ce qui concerne l'agrément des médecins, la procédure de nomination et les catégories de statut et de privilèges font l'objet de plusieurs dispositions de la Loi sur les services de santé et les services sociaux et de son règlement avec lesquels le projet de loi à l'étude n'est pas en harmonie.

(15 h 30)

L'article 87 du projet de loi parle d'agrément des médecins, la Loi sur les services de santé et les services sociaux parle d'acquisition de statut et de privilège. Veut-on créer un mode spécial de nomination? Il nous apparaît ici que la Loi sur les services de santé devrait avoir libre cours, celle-ci n'exigeant qu'un médecin acquière un statut et des privilèges que s'il exerce la médecine dans le centre hospitalier.

Quant aux médecins responsables, leur rattachement au département de santé communautaire nous porte à croire, dans le contexte actuel du projet de loi, qu'il devrait faire l'objet de la procédure ordinaire d'obtention d'un statut et de privilèges quitte à ce qu'on dispense ces médecins de certaines obligations afférentes aux membres du Conseil des médecins et dentistes dans le cas où ces médecins responsables n'exercent pas dans le centre.

En ce qui concerne le service ou le département de santé... pour ceux qui suivent le mémoire, j'en suis à la page 21. Dans la Loi sur les services de santé et services sociaux et son règlement, les mots service et département réfèrent à une entité organisée sous la direction d'un chef dont le mode de nomination et les fonctions sont bien précisées.

Dans le livre blanc sur la santé et la sécurité au travail, on donne également au mot "services" ce sens d'une entité organisée, regroupant du personnel affecté à des tâches toutes particulières. En effet, le livre blanc en fait une entité administrative. Pour ce, on peut se référer à la page 241 du livre blanc.

Dans le projet de loi, l'expression "services de santé" est fréquemment utilisée. On serait tenté parfois d'y voir apparaître la notion de services cliniques, telle qu'on l'entend dans le réseau hospitalier. Au contraire, il faut réaliser que le mot "services" y est constamment utilisé au pluriel, dans un contexte référant à des soins de santé, plutôt qu'à une entité administrative. Il n'y est pas employé dans le sens d'un service ou d'un département clinique au sens de la Loi sur les services de santé et services sociaux ou selon le sens indiqué dans le livre blanc. Nulle part, on n'indique qu'un service de santé localisé doit être mis sur pied dans l'établissement ou dans un centre hospitalier ou dans un CLSC et, évidemment, encore moins dans un cabinet privé.

Pourtant et paradoxalement, la tâche et les responsabilités du médecin responsable, selon le projet de loi, sont conçues, à certains égards, comme s'il était le chef d'un département structuré. A titre d'exemple, la durée de sa nomination est celle d'un chef de département dans un centre hospitalier. Le personnel professionnel et technique agit sous son autorité. Le projet réfère au médecin responsable comme étant le responsable des services de santé d'un établissement, comme s'il s'agissait d'un département. Le projet de loi oblige le médecin responsable à faire rapport de ses activités.

II résulte de ceci une ambiguïté gênante; on semble créer un département sans le dire. Le projet de loi attribue aux services de santé, qui, dans les faits, n'existent pas, et au médecin responsable, qui n'est pas un chef de service, des obligations, sans leur fournir tous les moyens de s'acquitter de ces obligations.

Je ne cite, ici, que deux des exemples qui sont inscrits au mémoire. Lorsqu'un accident survient sur les lieux de travail, l'employeur doit aviser l'inspecteur-chef régional, le comité de santé et l'association accréditée. Seuls le service de santé ou le médecin responsable ne sont pas avisés.

Le projet de loi n'oblige pas l'employeur à fournir des locaux aux services de santé et il n'est pas certain que le projet de loi oblige le centre hospitalier concerné à fournir de tels locaux, en dehors de ses murs.

Le projet de loi est de toute clarté à l'égard des locaux du comité de santé et de sécurité au travail.

Enfin, le médecin responsable doit élaborer un programme de santé spécifique, collaborer à sa mise en application et assurer la garde et le caractère confidentiel des dossiers, sans pouvoir compter sur une structure administrative formellement organisée, dans un local assuré.

Les problèmes que nous venons d'énumérer sont dus au fait qu'on crée une structure nouvelle de distribution de soins médicaux, qu'on n'a pas voulu intégrer complètement au réseau en place. Il eut peut-être mieux valu le faire, quitte à affranchir les services proposés de certaines dispositions de la loi ou des règlements sur les services de santé et services sociaux. Ces problèmes revêtent d'autant plus d'importance que le projet de loi, comme on l'a souligné, réfère à la distribution de services de santé dans les milieux de travail, sans distinction aucune, contrairement au livre blanc où il ressortait assez clairement que les services de santé cliniques individuels seraient laissés au réseau existant, la médecine sur place devant se restreindre au dépistage, aux soins d'urgence, à la prévention et à l'évaluation des risques et des susceptibilités individuelles des travailleurs.

Parlons un peu du médecin responsable. Nous estimons que le projet de loi devrait faire encore plus pour éviter, dans la mesure du possible, la politisation de la médecine. Le projet propose des mesures relatives à la nomination, à l'exercice et à la destitution du médecin responsable qui s'écartent des règles analogues qui régissent les médecins aux termes de la loi et du règlement sur les services de santé et les services sociaux. Nous formulons à ces trois niveaux des commentaires et les recommandations qui suivent.

L'article 87 du projet de loi n'est guère explicite sur les raisons qui justifient l'imposition d'un contrat de services entre le médecin responsable et le centre hospitalier concerné. Il ne précise rien non plus sur le contenu de ce contrat qui, cependant, devra être conforme au règlement. Vu la position délicate dans laquelle le médecin responsable risque d'être souvent placé, la corpo- ration recommande que le contenu minimal des contrats qui doivent intervenir en vertu de l'article 87 du projet de loi soit déterminé conjointement par la commission et la Corporation des médecins. A ce sujet, la corporation estime en plus que tout contrat de services qu'un médecin pourrait conclure dans le cadre de la médecine du travail devrait lui être soumis.

L'article 98, décidément, exagère sous tous les rapports. Il nous semble tracassier, harassant, fondamentalement inutile d'exiger que le médecin signale à tous les organismes et personnes que l'article énumère toute déficience susceptible de nécessiter une mesure de prévention. Nous estimons que le résultat pratique escompté de ce texte serait atteint si le médecin devait donner ses avis au comité de santé ou, à défaut, au représentant de l'employeur et des travailleurs et aussi, dans les cas plus importants, au chef de département de santé communautaire.

Enfin, la dernière phrase de l'article transforme la commission, l'employeur, chacun des travailleurs, l'association accréditée, le comité de santé et de sécurité au travail et le chef de département de santé communautaire en autant de patrons à qui le médecin responsable doit faire rapport sur simple demande et aussi souvent qu'il leur plaira bien de le lui demander. Jamais il ne nous a été donné de voir une disposition législative susceptible d'engendrer autant de rapports que celle-ci. Pourquoi cette obligation? Non content de voir le médecin responsable confronté entre travailleurs et employeurs, le législateur multiplie les risques de pression et de chantage en l'obligeant à faire des rapports à tout moment, sur n'importe quoi, à la demande de n'importe qui. Nous ne voyons aucunement comment cette mesure puisse améliorer le sort de qui que ce soit. Il n'y a évidemment aucune objection à ce que le médecin responsable fasse rapport de ses activités sous réserve de l'aspect confidentiel des données en sa possession, mais il y aurait lieu de limiter la portée de cette obligation et de mieux la cerner.

L'évaluation du travail professionnel du médecin responsable, comme dans toutes les autres disciplines médicales, devrait se faire par ses pairs, tel que le veulent le Code des professions, la Loi médicale et la Loi sur les services de santé. Seules les décisions administratives devraient pouvoir être remises en question au sein du comité de santé et de sécurité au travail. L'article 91 du projet de loi ne partage pas cette philosophie. Encore ici, à peu près n'importe qui, par requête fondée sur n'importe quel motif, peut saisir la Commission des affaires sociales d'une demande de destitution. Au contraire, la Loi sur les services de santé et services sociaux prévoit spécifiquement les motifs pour lesquels un médecin peut perdre ses droits. Cet article du projet de loi constitue nettement une aggravation des risques de pression et de chantage sur le médecin responsable, sans compter qu'il offre aussi un instrument de chantage et de pression sur les autres parties en cause, au détriment du médecin.

La Commission des affaires sociales, dans le contexte législatif actuel, joue un rôle de tribunal d'appel plutôt que de première instance à l'égard des nominations et des destitutions de médecins en milieu institutionnel. L'article 91 du projet permet au contraire, sans même qu'une plainte ne soit portée devant un chef de département de santé communautaire ou le Conseil des médecins et dentistes ou la Corporation des médecins, qu'on s'adresse directement à la commission. La procédure prévue à cet article du projet de loi ne nous paraît ni équitable, ni réaliste. Elle risque de créer un climat d'insécurité qui, en fin de ligne, ne servira sûrement ni la médecine, ni le travailleur, ni l'employeur. Chaque médecin, dans toute la mesure du possible, doit être à l'abri des pressions quelles qu'elles soient et d'où qu'elles viennent. Le projet de loi devrait éviter la dépendance disciplinaire du médecin à l'égard de l'employeur et de l'employé et permettre qu'une plainte, s'il y a lieu, soit portée devant ses pairs.

Parlons des contrats à intervenir entre la commission et les centres hospitaliers, à la page 30. Il n'y a pas d'objection à ce qu'intervienne un contrat entre la commission et les centres hospitaliers où existe un département de santé communautaire aux fins de la mise en application d'un programme-cadre. Cependant, la corporation craint que, par le biais de cet article, la commission soit tentée de généraliser une pratique à laquelle se livre actuellement la Commission des accidents du travail et qui consiste en une entente entre celle-ci et un centre hospitalier, entente par laquelle un certain nombre de lits de ce centre hospitalier sont réservés aux accidentés du travail. Cette pratique favorise l'accès privilégié de certaines catégories de malades aux facilités hospitalières en se basant sur des impératifs qui ne sont pas toujours scientifiques ou médicaux.

L'article 81, paragraphe 2, pourrait permettre de généraliser cette pratique de la Commission des accidents du travail et pourrait avoir pour effet de consacrer l'existence de deux poids deux mesures dans les critères d'admissibilité des patients à l'hôpital. Il ne faudrait pas qu'on puisse dire qu'entre deux cancers, celui qui est attribua-ble au travail doit être privilégié. Nous croyons qu'il s'agirait là d'une erreur que le législateur aurait intérêt à prévenir. La corporation estime que le contenu du contrat type avec les centres hospitaliers devrait être précisé dans la loi.

M. Roy: Le libre choix du médecin, chapitre III, à la page 32: L'article 86 du projet de loi est rédigé sous la forme impérative. Il décrète que les services de santé pour les travailleurs seront à l'avenir dispensés dans leur milieu de travail ou dans une institution publique régie par la Loi sur les SSSS. Il exclut les cabinets privés, à moins que, pour l'unique raison qu'aucun local n'est disponible, le chef de département de santé communautaire permette qu'y soit traité un travailleur. Cet article impératif d'une loi décrétée d'ordre public par l'article 3 a donc pour effet d'abolir le droit reconnu par l'article 6 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux, à toute personne de choisir le professionnel ou l'établissement duquel elle désire recevoir des services de santé.

En effet, ce ne sera plus qu'au centre lié par contrat que le travailleur pourra se présenter et ce ne sera plus que par les médecins responsables choisis par les comités de santé ou par les médecins agissant sous son autorité et eux-mêmes nommés par le chef de département de santé communautaire du centre que ce même travailleur devra se faire soigner. (15 h 45)

II est vrai que l'article 7 du projet de loi préserve les droits d'un travailleur acquis en vertu d'une loi, mais il n'est pas clair que cet article ait pour effet de préserver son droit au libre choix de l'établissement et du professionnel de la santé que proclame l'article 6 de la Loi sur les SSSS et l'article 2 de la Loi de l'assurance-rnaladie.

Les malades. Notre corporation s'oppose à l'adoption de tout texte de loi qui érige en principe le fait que les services cliniques individuels de santé, qu'il s'agisse de diagnostics, de traitements, urgents ou non, ou de certains services de prévention, doivent être dispensés dans des centres ou par des professionnels que le travailleur ne peut pas choisir.

Section V, page 35. Le projet de loi laisse voir qu'un nombre considérable de personnes — une douzaine — et d'organismes auront accès à des informations d'ordre médical concernant le travailleur. Il y en a une liste, dans le cas d'exercice du droit de refus relié à un état de santé; il y a le représentant à la prévention, le représentant de l'association accréditée ou le travailleur. Il y a le comité de santé, l'inspecteur, l'inspecteur-chef régional de la commission; dans le cas d'accident, l'employeur, l'inspecteur-chef régional, le comité de santé, l'association accréditée. Il y a le comité de santé, en recevant les avis d'accident et en enquêtant sur les maladies professionnelles, en tenant des registres sur les accidents et, le cas échéant, les comités de chantier. Il y a les médecins dispensant les soins, il y a le médecin responsable, le chef de département de santé communautaire, la commission et ses enquêteurs.

Nous savons que le médecin est tenu au secret par la Loi médicale. Les autres personnes ne le sont pas toutes. L'article 99 confie la lourde tâche au médecin responsable d'assurer le caractère confidentiel du dossier médical selon les procédures en vigueur au département de santé communautaire. L'article 123, de son côté, au deuxième alinéa, tient au secret un enquêteur de la commission.

A notre sens, ces mesures sont nettement insuffisantes. Il existe déjà plusieurs cas d'exception où le médecin est tenu, de par la loi, à déclarer des informations confidentielles. Il existe, de plus, de nombreuses banques de données dans différents ministères, à la Régie de l'assurance-maladie, à la Commission des accidents du travail, dans les compagnies d'assurance, qui ont obtenu légalement leurs informations à partir de dossiers

constitués en cabinet privé ou dans les centres hospitaliers. Il n'existe, de plus, aucune loi-cadre qui protège l'aspect confidentiel de ces informations une fois qu'elles seront emmagasinées dans ces banques de données. D'ailleurs, une telle loi-cadre nous a été promise depuis de nombreuses années, tant par le gouvernement actuel que par le gouvernement précédent lors d'autres commissions parlementaires. Nous attendons toujours une loi-cadre sur la confidentialité des informations sur les citoyens qu'on retrouve dans beaucoup d'organismes et qui deviennent pratiquement éparpillées à gauche et à droite et sur lesquelles on perd souvent le contrôle.

Ceci nous apparaît d'autant plus grave que le nouveau régime de santé et de sécurité au travail prévoit une importante cueillette d'information sur la santé du travailleur. Il suffit de regarder le réseau de circulation de ces informations décrit à la page 234 du livre blanc pour réaliser l'importance de bien protéger l'aspect confidentiel de ces informations. Les informations relatives à l'état de santé du travailleur devraient être déclarées confidentielles. D'une part, toutes les personnes qui ont accès à ces informations devraient être tenues au secret. D'autre part, les informations elles-mêmes devraient être déclarées confidentielles, et notre mémoire contient, à la page 37 des suggestions pour pallier à ce problème.

Enfin, compte tenu de certains problèmes qui ont été portés à la connaissance de la corporation, la loi devrait défendre aux employeurs et aux syndicats de se faire donner, par convention collective — et ça existe — une autorisation générale à avoir accès à certaines informations confidentielles relatives à la santé des travailleurs pour les fins de contrôle administratif. Toute information de-crait être donnée de consentement personnel, privé, par la personne dûment informée.

Chapitre VI. Il ressort des commentaires que nous avons formulés jusqu'ici que le système de santé et de sécurité au travail, tel que suggéré par le présent projet de loi, risque de devenir un système parallèle, à celui que la Commission d'enquête sur la santé et les services sociaux a déjà dénoncé en 1970. Les éléments suivants du système instauré par le projet de loi nous causent cette appréhension.

Premièrement, exclusion, à toutes fins utiles, du système privé, ce qui ne nous apparaît pas réaliste et nous faisons appel au bon sens du ministre. Nous comprenons qu'il est soumis à de très grandes pressions de toutes parts, mais nous croyons évidemment qu'il serait absolument irréaliste et anormal de soustraire, du revers de la main, par le coup d'une loi, tout le réseau privé de dispensation des soins de la santé, ce qui aurait, en fait, pour effet de rendre la loi pratiquement inapplicable.

Deuxièmement, le financement différent de celui du système général de distribution des soins. Evidemment, je ne peux pas développer chacun de ces points. Je le laisse pour discussion ultérieure en commission parlementaire.

Troisièmement, le contrat à intervenir entre la commission et les CH où existe un département de santé communautaire et possibilité d'un système d'accès privilégié des travailleurs aux ressources hospitalières.

Quatrièmement, restriction du droit des travailleurs au libre choix de leur médecin et du centre hospitalier où ils désirent recevoir des soins orientant ainsi les travailleurs dans le système public.

Cinquièmement, dossier médical du travailleur différent de celui du bénéficiaire en vertu de la loi sur les SSSS et de celui du médecin traitant en cabinet privé.

Sixièmement, aspect confidentiel du dossier: accès et mesures de protection et de conservation différents de ce qui est prévu à la loi sur les SSSS.

Septièmement, absence de la notion de médecin traitant et risque de dépersonnalisation de la médecine du travail que tout le monde, évidemment, déplore.

Huitièmement, agrément des médecins aux fins de la médecine du travail différent du processus prévu par la loi et les règlements sur les SSSS.

Neuvièmement, restriction de l'exercice de la médecine selon qu'il s'agit d'un travailleur ou d'une autre personne et restriction géographique de cet exercice.

Dixièmement, procédure de nomination ou de destitution des médecins différente de celle prévue à la loi et aux règlements sur les SSSS.

En terminant cette section, je me permets de rappeler une citation de M. Thomas Boudreault dans un colloque, en mars 1978, lors duquel il parlait au nom du ministre et où il disait à peu près ceci. Je cite presque textuellement: Sur le plan de la structure ou de l'organisation de la médecine du travail, le projet proposé à l'époque, ou en gestation, rechercherait le groupement des forces de la médecine du travail ainsi qu'une plus grande intégration de celles-ci aux cadres organisation-nels de la médecine. Et ce n'est pas tout à fait ce qu'on semble lire dans le projet de loi actuel, mais qu'on aimerait bien voir de façon à rendre la loi applicable et réalisable le plus rapidement possible.

Section VII, les commentaires divers. Représentativité des services de santé ou des médecins responsables. L'article 106 du projet de loi ne prévoit, au sein de la commission, aucune représentation des services de santé ou des médecins responsables qui constituent une partie importante du système.

Même si les employeurs et les travailleurs sont les deux partenaires principaux et que l'objectif visé est la santé et la sécurité au travail, il apparaîtrait logique que les services de santé au travail soient représentés au sein de la commission, tant pour faire valoir les problèmes vécus que pour prendre part aux discussions qui porteront sur la santé des travailleurs. D'autre part, il nous apparaîtrait important que le conseil médical consultatif soit instauré pour assister la commission sur toute question relative à l'aspect médical de l'administration de la loi. Je me permets une analogie avec une commission juridique quelconque sur

laquelle il n'y aurait aucun avocat, je suis persuadé qu'il y aurait beaucoup d'objections de la part de plusieurs groupements et je suis persuadé par ailleurs que le ministre en tant qu'avocat, membre de cette honorée corporation qu'est le Barreau, comprendrait bien qu'un système semblable ne pourrait pas fonctionner. Nous pensons qu'un système qui est axé sur la médecine du travail et une bonne médecine devrait au moins comprendre un ou deux médecins pour faire le poids entre les employeurs et les syndicats et faire en sorte que ce ne soit pas un rapport de force constant.

La travailleuse enceinte. L'article 32 prévoit l'intervention d'un médecin pour délivrer un certificat attestant que les conditions de travail pour une travailleuse enceinte comportent des dangers physiques pour l'enfant à naître ou pour elle-même. Nous désirons attirer l'attention du législateur sur les difficultés qu'aura le médecin traitant — il en a été question ce matin — à établir un tel certificat, celui-ci ne connaissant pas ce milieu de travail que sur la foi des renseignements que pourra lui fournir la travailleuse enceinte.

A moins que le médecin traitant de par ses fonctions dans d'autres domaines ne connaisse très bien le milieu de travail en question, il devra se limiter à établir un certificat médical attestant de l'état de grossesse de la travailleuse et laisser au médecin responsable le soin de déterminer, en collaboration avec son médecin traitant, si les conditions de son environnement de travail comportent un danger pour elle ou pour son enfant.

Retrait préventif. Ce n'est pas dans notre mémoire, mais il en a été question ce matin et hier soir. Je dois ici dire que ceci nous apparaît être un concept extrêmement intéressant avec lequel je suis personnellement d'accord. Nous n'en avons pas discuté en tant que corporation, mais il correspond à l'ensemble des vues des médecins qui seraient d'accord avec le concept fondamental du retrait préventif.

Par exemple, il est normal que le médecin, étant responsable de la santé vis-à-vis d'un individu, lorsqu'il détecte une altération de la santé d'une telle personne qui pourrait être réversible ou qui pourrait être arrêtée, il puisse tenter de trouver une solution pour ce patient. Il serait alors bon, peut-être, d'inclure des dispositions dans la loi qui permettraient l'application d'un tel concept qui, évidemment, n'est pas facile.

Si l'on prend l'exemple— il y en a plusieurs — de la plombémie, d'un excès de plomb chez un individu, on sait fort bien qu'il s'agit là d'un problème réversible quand c'est détecté au tout début. Il nous apparaîtrait irresponsable de la part d'un médecin, sachant que quelqu'un souffre d'une maladie, de le laisser dans les mêmes conditions. Il faudrait donc trouver un mécanisme pour le soustraire, temporairement ou de façon permanente, de ce milieu de travail et, évidemment, accentuer la prévention par le biais de l'environnement. Il ne faut pas attendre que l'individu soit malade pour agir. Je pense que le but primordial visé par le projet de loi est la prévention de mala- dies, donc de trouver des solutions pour prévenir ces problèmes et soustraire le travailleur qui présente des signes personnels pour toutes sortes de raisons, à cause d'une plus grande susceptibilité personnelle, par exemple. Il doit trouver une solution au problème de cette personne.

Nous sommes donc d'accord avec cette idée qui a été énoncée hier par certains chefs de département de santé communautaire et avec laquelle, j'en suis sûr, d'après les propos du ministre, il est en profond accord.

Nous voulons aussi attirer l'attention sur un autre problème qui est celui de l'alcoolisme et des narcomanies, et particulièrement de l'alcoolisme chez les travailleurs. Tout le monde sait qu'il s'agit d'un problème très répandu, qui coûte très cher. Nous savons également qu'il existe très peu de ressources pour traiter ces gens dont personne ne veut. Je pense qu'il y a là une responsabilité au niveau du ministère des Affaires sociales pour tenter de trouver des ressources pour traiter les alcooliques et les narcomanes. Je suis sûr que vous-mêmes, les membres de la commission parlementaire, vous devez avoir souvent des pressions de la part de vos commettants pour trouver des endroits pour traiter ce genre de personnes; j'en ai moi-même beaucoup et, malheureusement, on est souvent dans l'incapacité de les diriger à quelque endroit que ce soit. Il faudrait donc qu'il y ait une priorité au niveau du ministère des Affaires sociales pour traiter ces personnes et peut-être, en ce qui concerne l'alcoolisme chez les travailleurs, trouver un mécanisme, comme dans le cas de la travailleuse enceinte, pour le retrait préventif de l'alcoolique pour lui permettre de se faire traiter et de revenir au travail.

En conclusion, il y a quelques recommandations sur lesquelles la corporation insiste. Il serait préférable d'exclure de la loi à venir sur la santé et la sécurité au travail ce qui a trait à la distribution des soins curatifs, exception faite de la mise sur pied d'un service adéquat de premiers soins pour faire face à l'urgence médicale et traumatique et pour faciliter la réadaptation au travail. La distribution des soins curatifs devrait être laissée dans le réseau actuel régi par la Loi médicale, le Code des professions et la Loi sur les services de santé et les services sociaux.

Il serait souhaitable, également, en ce qui concerne les services rendus aux travailleurs, que le projet de loi distingue l'approche clinique individuelle (préventive et curative) de l'approche collective (programmation, application, surveillance des programmes et évaluation des résultats). L'approche clinique individuelle devrait être régie par les lois qui régissent l'exercice de la médecine et le système actuel de distribution des soins au Québec, y compris le système privé, alors que l'approche collective devrait être régie par la Loi sur la santé et la sécurité du travail.

Cette distinction très importante étant faite, la corporation serait d'accord avec l'autorité proposée par le projet de loi du chef de département de santé communautaire sur le médecin responsable. Le projet de loi devrait prévoir dans les regroupe-

merits de milieu de travail, où le nombre d'employés et la nature du travail le justifient, la création d'un service de santé sous forme d'une véritable entité administrative dirigée par un médecin chef ayant pour fonctions celles qu'énumère le livre blanc sur la santé et la sécurité au travail aux pages 239, 240 et reproduites aux pages 11 et 12 de ce mémoire. (16 heures)

Le projet de loi devrait prévoir l'établissement de liens souples et bien définis entre la structure dont il recommande l'application et la structure déjà établie par la Loi sur les SSSS de façon à protéger davantage le libre choix du médecin ou du centre hospitalier, à protéger davantage le secret qui doit entourer les informations d'ordre confidentiel sur le travailleur, à éviter de compartimenter un système de distribution de soins et une médecine auxquels on reproche la dépersonnalisation de l'être humain et à éviter que trop de bureaucratie envahisse les services de santé aux travailleurs. Evidemment, nous avons également tenu compte tout à l'heure des représentations au sujet d'une meilleure représentation médicale au niveau de la commission elle-même.

La corporation aussi a déjà recommandé au ministre, que nous avons rencontré et qui nous a très bien reçus, de créer dans certains centres hospitaliers désignés un département clinique de médecine du travail afin de relier celle-ci à l'organisation clinique de l'ensemble de la médecine. Le département de médecine du travail permettrait le regroupement des médecins nommés pour exercer la médecine du travail dans un territoire donné, la mise en commun des connaissances et des expériences, la discussion de projets, l'évaluation de l'exercice professionnel dans ce domaine et la mise sur pied de programmes d'éducation médicale continus correspondant aux déficiences notées.

Pour maintenir cette recommandation et préciser ce que devrait être ce département de médecine du travail, il faudrait connaître les réponses aux nombreuses questions posées dans le présent mémoire et, avant de terminer, je voudrais vous dire que nous sommes d'accord avec le paragraphe 151 du mémoire de la Fédération des travailleurs du Québec, que mon ami Emile Bou-dreault m'a gentiment remis et dans lequel il propose — et il doit vous le proposer la semaine prochaine — qu'au cours des travaux de votre commission parlementaire, les représentants attitrés des principaux intervenants sur le sujet de la santé au travail puisse se réunir en table ronde, et exprimer leurs positions, et établir un certain consensus de façon à pouvoir ensuite en arriver à établir clairement ce que doit représenter un service de santé dans le projet de loi.

Il semble évident, à la lecture de nombreux mémoires que j'ai pu voir, qu'il y a de profondes divergences à cause de l'incompréhension du sens des mots qui sont utilisés dans le projet de loi.

En terminant, nous désirons rappeler un extrait du mémoire de notre corporation au comité d'étude sur la salubrité dans l'industrie de l'amiante en 1975, présidé par M. le juge Beaudry qui était ici tout à l'heure, qui est peut-être encore là sans que je le voie et dans lequel on citait textuellement: "Ce serait en effet une tragédie qu'aucune action vraiment significative ne soit entreprise après une enquête aussi exhaustive. La population du Québec devra être vigilante et s'assurer que son gouvernement protège les intérêts des travailleurs. Ceux-ci ont le droit strict de travailler dans des conditions qui ne mettent ni leur vie, ni leur santé en danger."

C'est parce qu'elle est soucieuse de la protection de la santé publique que la Corporation des médecins a préparé ce mémoire. Elle désire que ses membres apportent la plus grande attention aux problèmes des travailleurs. Ce n'est que dans un climat de confiance réciproque entre employeurs, employés et médecins que l'on pourra enrayer un bon nombre d'accidents de travail et de maladies industrielles. La corporation assure le législateur de sa collaboration dans la poursuite d'objectifs visant à préserver et à maintenir la santé et la sécurité des travailleurs. Tous nos commentaires doivent être interprétés dans cet esprit. Il n'y a évidemment pas d'ultimatum dans notre mémoire. Nous avons essayé de garder un ton serein, même si certains mots pouvaient avoir une portée assez grande.

Nous faisons confiance aux employeurs, aux travailleurs et à leurs représentants et nous leur demandons de bien comprendre le rôle du médecin du travail que je vais résumer ainsi, au total, dans une citation: "Le médecin du travail, au sein d'une entreprise, doit savoir obtenir la confiance de tous et garder son indépendance personnelle puisqu'il conserve toujours la responsabilité de ses décisions. Le médecin du travail n'est pas plus le médecin de l'employeur que celui des travailleurs et toute pression exercée sur lui, d'où qu'elle vienne, employeur ou salarié, a pour effet de diminuer son efficacité. Lorsqu'il formule ses conclusions sur une étude de poste ou sur une nuisance ou sur un risque, le médecin du travail fournit un document objectif qui pourra servir de base à discussion à chacun des partenaires sociaux de l'entreprise sans que pour autant le médecin ait à intervenir dans ce qui peut être une polémique."

Vous avez noté hier l'insécurité des médecins d'entreprise actuels qui ont été dénigrés dans le passé. Je pense qu'il ne faut quand même pas exagérer et garder en souvenir le travail excellent qu'ont fait la très grande majorité de ces médecins d'entreprise.

On a parlé beaucoup d'un climat de confiance et je pense que ce n'est pas en changeant le système et en mettant tout dans le système public qu'on va changer le climat de confiance. Il s'agit d'une question d'individus. Je connais — évidemment, je ne veux pas entrer dans une assemblée contradictoire, je suis capable de le faire — énormément de cas où on a décrié certains médecins d'entreprise qui avaient émis, par exemple, des certificats de santé à des gens qui étaient malades. Je connais personnellement des mi-

neurs, puisque je viens d'une région où il y a de l'amiantose, East Broughton, près de Thetford, et j'ai travaillé moi-même dans les mines d'amiante, je connais des individus qui m'ont dit avoir pratiquement forcé le médecin à leur donner un certificat de santé pour leur permettre de continuer à travailler dans une usine, parce que les lois sociales de l'époque ne leur permettaient pas de vivre s'ils ne travaillent pas.

M. Chartrand (Michel): II y en a 200 qui se meurent dans les mines.

M. Roy: Je le reconnais, M. Chartrand, mais ça ne donne rien de discuter avec vous.

M. Chartrand: Ne contez pas des sornettes comme ça!

M. Roy: Evidemment, le ministre sait que ce projet de loi est une grosse commande...

Le Président (M. Marcoux): A l'ordre, s'il vous plaît! Un instant, M. Roy. Je veux clarifier, pour tous ceux qui assistent aux travaux de la commission, qu'il y a une règle qui est connue depuis longtemps, c'est que nos invités ont le droit de parole et je pense qu'il est élémentaire de respecter ce droit de parole. Tous les groupes qui ont présenté un mémoire seront entendus et pourront faire valoir leur point de vue. Je crois que cette règle doit être respectée par tous ceux qui assistent ou participent à nos travaux. M. Roy.

M. Roy: Je veux terminer en félicitant le ministre d'avoir présenté ce projet de loi pour discussion. Il sait fort bien et nous savons tous qu'il s'agit d'une très grosse commande, comme on dit. Evidemment, il ne faudrait pas que le proverbe "qui trop embrasse mal étreint" s'applique; il sait fort bien que ça ne se fera pas du jour au lendemain. Il ne doit pas rêver en couleur et penser que, du jour au lendemain, ces concepts de droit nouveau vont pouvoir s'appliquer intégralement. Il va falloir faire ici de l'étapisme; on en fait dans d'autres domaines, ce serait peut-être le bon moment d'en faire. Il sait fort bien que l'application de cette loi va coûter très cher, mais il peut compter sur la collaboration de tous et, en particulier, évidemment, des médecins du travail. Je n'ai évidemment pas le temps de répondre à toutes les choses qui ont été dites ce matin, mais je pourrais peut-être souligner le fait qu'on a posé une question sur la spécialité de la médecine du travail qui n'a pas eu de réponse. Je voudrais vous dire qu'il n'y a pas de spécialité de médecine du travail comme telle, mais la médecine du travail entre dans la spécialité de santé communautaire. Nous avions, autrefois, la spécialité d'hygiène publique, qui devrait être abolie incessamment, et nous l'avons remplacée par la santé communautaire, qui inclut la médecine du travail.

J'en profite, parce que je suis dans une audience publique, avec un ministre qui siège au Conseil des ministres, pour demander au ministre d'Etat au développement social de faire pression sur ses collègues pour que notre projet de règlement, qui a été adopté par la corporation il y a déjà plus d'un an, qui a été publié en deuxième lecture il y a également plus d'un an, publié dans la Gazette officielle il y a également plus d'un an, qui reçoit l'assentiment de tous les milieux universitaires, comme corporation, ainsi que de l'Office des professions, mais qui est toujours en suspens, parce qu'il n'a pas été adopté définitivement dans la Gazette officielle, alors qu'il y a des programmes de santé communautaire qui marchent dans trois universités sur quatre et la quatrième a des programmes en voie de préparation, il y a des médecins qui font des études spécialisées à l'heure actuelle, j'en profite pour lui demander de faire pression sur son collègue, responsable du Code des professions, pour que le Conseil des ministres adopte le plus rapidement possible notre règlement sur la santé communautaire, qui décrète la spécialité de santé communautaire, incluant la spécialité de médecine du travail pour certains experts dans ce domaine.

Je termine en vous remerciant, M. le ministre et les membres de la commission; nous sommes à votre disposition pour répondre à toutes vos questions.

Le Président (M. Marcoux): M. le ministre.

M. Marois: M. le Président, je voudrais d'abord remercier la Corporation professionnelle des médecins du Québec pour la présentation de son mémoire. Evidemment, étant donné l'heure, la corporation a choisi — je pense que ça peut se défendre aussi — de faire valoir le plus pleinement possible, en prenant le temps qu'elle jugeait pertinent, dans le délai, l'espèce de banque de temps qu'on s'est donnée pour que chacun des groupes puisse se faire entendre, d'en occuper une partie substantielle pour faire valoir son point de vue.

Donc, je me limiterai, pour l'instant, à quelques brefs commentaires. Je dois dire que je considère qu'une bonne partie des recommandations — je n'ai pas le temps de tout reprendre — si j'ai bien compris le mémoire et on va le scruter à la loupe, vise en quelque sorte à rendre la lettre du projet de loi conforme à l'esprit que vous semblez, dans certains cas, dégager du projet. Vous proposez aussi certaines clarifications. Il y a des choses qui vous apparaissent ambiguës dans ce sens, tout ce qui peut être susceptible de clarifier les choses, je pense que cela fait partie d'une contribution positive. J'ai pris bonne note, et je suis certain que les membres de la commission parlementaire l'ont fait aussi, de votre opinion personnelle sur cette idée qu'on a évoquée depuis hier d'un élargissement du principe qui est introduit dans la loi, mais qui trouve une première application pour les femmes enceintes de reconnaître une extension, de regarder la possibilité sérieuse d'élargir le droit au retrait préventif.

Très rapidement, je me demande si c'est fondé, mais enfin, on va le regarder. Vous semblez

indiquer qu'il y aurait une confusion dans les termes quand on regarde la Loi des services sociaux et des services de santé avec celle-ci quant à l'utilisation dans la définition du mot "établissement". On va le regarder. On est porté à penser le contraire, mais enfin, on va le regarder de très près.

Je dois vous indiquer également que dans cette définition qui apparaît au paragraphe 14 de l'article 1, pour répondre à votre question, dans notre esprit, la notion de service telle qu'elle est formulée comprend la notion de distribution de services. Cependant, on en prend bonne note et on va le vérifier à nouveau pour être sûr, parce que dans notre esprit, cela doit être inclus. Cela est très clair.

Quant au champ d'application, il ne fait aucun doute, on l'a évoqué au cours des remarques d'ouverture des travaux de cette commission parlementaire, le député de Portneuf l'a fait aussi, qu'il s'agit d'une loi-cadre, donc, partant d'une loi de portée universelle dont le champ d'application est universel, donc qui couvre l'ensemble, en proposant un plancher de base, bien sûr, sur lequel il est possible d'ajouter des choses, des hommes et des femmes qui sont au travail.

C'est le principe de base. Il est évident, et cela ressort de l'article 185, en particulier, paragraphes 4 et 9, et de l'article 129, paragraphe 9, que forcément, on voudrait, par la composition qui est proposée du conseil d'administration même de la Commission de la santé et de la sécurité du travail du Québec, que les parties concernées soient directement impliquées dans l'établissement des priorités. Par exemple, par quel secteur, tout ne pourra pas être fait en même temps; il faut commencer par l'établissement de services de santé et pousser beaucoup plus loin, par l'établissement des comités prioritaires. Il faut que les parties soient directement associées, qu'elles nous fassent leurs recommandations en ce sens pour l'établissement d'un certain nombre de priorités. Il est évident que les problèmes à la grosse Caisse populaire de Saint-Alphonse-d'Youville, ne seront certainement pas du même ordre et de la même ampleur que ceux qu'on retrouve dans une fonderie, par exemple. Pour cela, il va falloir certainement établir des priorités. Tout ne pourra pas être fait en même temps.

J'aurais voulu intervenir plus longuement, mais on va continuer à réfléchir sur votre mémoire, sur la confiance. J'ai eu l'occasion de dire, hier, ce que j'avais entendu et je dois le dire comme je l'ai entendu des hommes et des femmes qui sont au travail. Il n'y a pas, encore une fois, une équation automatique entre ces commentaires et la compétence même des médecins. Dans certains cas, s'il y a des médecins qui sont incompétents, c'est une chose qui est bien possible. Il y a des avocats qui sont incompétents; il y a des députés qui sont incompétents. Il y a toute sorte de monde incompétent partout. C'est vrai. Mais il n'y a pas une équation automatique. Selon la perception des travailleurs à l'égard de ce qu'on appelle les médecins de compagnie, celle que j'ai entendue partout, a un problème de confiance. C'est fondamental. Si on ne réussit pas, avec un projet de loi comme celui-là, à se donner au moins, sans se prendre pour la vertu incarnée, je pense bien que personne ne peut prétendre à cela, les premières formules de base pour permettre de rétablir cette confiance, on passe à côté d'une des clés du changement qui est demandé de façon légitime par les hommes et les femmes qui sont au travail.

Quant à la question, parce que vous l'évoquez en cours de route, je le signale au passage, et je pense que je peux dire que je serais plutôt porté à être d'accord, je vais le faire regarder certainement, en tout cas, en principe, on est d'accord avec votre corporation pour que l'article 91 soit modifié ou ajusté, s'il le faut, de sorte que la Commission des affaires sociales continue son rôle actuel de tribunal d'appel, et qu'en conséquence on porte plainte devant le chef de département de santé communautaire ou le président du Conseil des médecins et dentistes concerné avant de porter la cause devant la Commission des affaires sociales. (16 h 15)

Je m'interroge, cependant, sérieusement sur les délais. C'est certainement un élément que je vais regarder de très près. Quant à la question, vous l'avez évoquée, du libre choix du médecin, je pense qu'il faut faire attention. Il y a des distinctions qui s'imposent. Vous l'avez évoqué, je pense bien. Il y a des distinctions entre ce qu'on appelle le médecin de famille, le médecin de l'individu qui le traite, qui est une chose. Je ne crois pas que cela soit battu en brèche par le projet de loi. S'il y a des ambiguïtés, des choses qui doivent être éclaircies, je conviens de les regarder de très près, et ce qu'on appelle le médecin du travail, d'autre part. Par ailleurs, je pense qu'il ne faut pas non plus en faire un absolu du choix du médecin. Une citoyenne qui se présente à l'urgence dans un hôpital, le libre choix, elle peut toujours courir! Quand on est à l'urgence...! C'est la même chose actuellement dans le cas des examens de pré-embauche dans des entreprises. En d'autres termes, je pense qu'il y a des nuances à apporter à cette dimension.

J'ai pris bonne note aussi — vous l'aviez déjà évoqué — de la nécessité de regarder de très près les articles qui concernent le caractère confidentiel des dossiers individuels, des dossiers personnels. Voilà les quelques premiers commentaires. Par ailleurs, je tiens de nouveau à dire aux membres de la corporation que le mémoire va être regardé de très près et très attentivement.

M. Roy: Merci, M. le ministre. Seulement deux petites secondes. Il y a peut-être une question de sémantique qui devrait être clarifiée — je m'en rends compte à la lecture des différents mémoires — sur l'interprétation qu'on donne aux termes "services de santé au travail". Dans le mémoire de la FTQ, on parle d'hygiène du travail. C'est peut-être cela le vrai sens qu'on devrait donner. C'est pour cela qu'il y a une confusion entre le médecin traitant et le médecin responsable. Il faudrait peut-

être faire cette distinction en disant: La médecine du travail, c'est une question de sécurité au travail, de salubrité, de prévention. Il faut éviter d'entrer le curatif là-dedans sauf, comme le dit le livre blanc et qu'on a mentionné, les cas de petites urgences et le soin qu'on doit donner à l'usine ou dans l'entreprise. Si on pouvait faire cette distinction, on éviterait bien des malentendus, parce qu'il y a une confusion dans l'utilisation des termes. C'est pour cela que cette suggestion de la FTQ de faire une espèce de rencontre de tous les gens et des intervenants pourrait peut-être évidemment aider à clarifier les choses. Du côté du ministère, je sais que vous avez des experts qui pourraient peut-être se pencher aussi pour faire en sorte que la notion de "santé au travail" soit bien cernée, parce qu'on est tous d'accord sur la notion, on est tous fondamentalement d'accord sur les objectifs du projet de loi, mais il suffit de les articuler pour le rendre réalisable et applicable, parce que personne ne veut que ce soit un projet de loi qui reste dans les tiroirs et qu'on ne puisse pas appliquer parce qu'il y a de la confusion. On pourrait peut-être le cerner davantage. A ce moment, il y a peut-être une question de sémantique sur laquelle il faudrait faire en sorte qu'on sache exactement à quoi s'en tenir sur la santé au travail et la médecine du travail, l'hygiène du travail, de façon à faire en sorte que le projet de loi soit appliqué.

Evidemment, j'ai dit un mot sur le médecin d'entreprise qui amène certaines contradictions. Il faut éviter dans ce domaine de généraliser. C'est sûr qu'il y a des gens qui ont fait des erreurs. Il y a des médecins qui ont fait des erreurs, comme dans tous les groupes de la société, il y a des personnes qui peuvent faire des erreurs. Ce n'est pas parce que certains individus ont fait des erreurs, bien qu'il faille se reporter dans le contexte dans lequel ils oeuvraient à l'époque... Il faut éviter d'un coup sec de blâmer toute une catégorie d'individus dont la très grande majorité est extrêmement valable pour la société, pour les travailleurs, et qu'il ne faudrait pas démotiver et perdre.

Evidemment, c'est tellement facile de faire de la démagogie. Quand on prend les media, ils sont surtout intéressés aux mauvaises nouvelles ou aux choses sensationnelles. On ne parle jamais des bonnes choses, ce n'est pas de la nouvelle. Alors, je ne reproche jamais aux media, aux journaux, à la radio, à la télévision de sortir les cas d'erreurs, d'abus. C'est normal. On parle des mauvaises choses, on parle des choses extraordinaires. On parle des avions qui tombent, on ne parle pas des avions qui volent.

Que quelques médecins dans quelques industries aient fait des erreurs, il ne faudrait pas généraliser parce qu'il y a un très grand nombre d'endroits où cela fonctionne très bien. Cela a été institué sans que personne ne soit forcé de le faire, à leur corps défendant et en aussumant complètement les coûts dans beaucoup d'usines. Je pense que cela a amené de très bons résultats dans beaucoup de centres. Il ne faudrait pas enlever une structure qui va bien et la remplacer par une autre aléatoire. Il faudrait garder cette structure et l'améliorer.

C'est dans ce sens que j'ai dit: II faut quand même éviter d'exagérer sur les médecins de compagnies, comme on l'a fait, de les décrier et de parler évidemment du fameux climat de confiance. Il y a un grand nombre d'endroits où ça existe très bien, par contre, il y a eu d'autres endroits où il y a eu des erreurs et des lacunes; on le confesse. Mais, évidemment, on ne voudrait pas, à partir de là, calomnier, décrier tout un groupe de personnes qui ont très bien travaillé pour leur province et leurs concitoyens.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Portneuf? Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président, je voudrais également remercier la Corporation professionnelle des médecins du Québec pour son mémoire qui, je pense, apporte de nombreuses suggestions quant à la nécessité de clarifier les termes, d'assurer une concordance entre les lois des services sociaux et des services de santé et ce nouveau projet de loi. Je pense que le ministre s'est montré ouvert là-dessus. Il les a reçues comme des suggestions qu'il est prêt à examiner. De notre côté, les points que vous nous avez signalés, on va certainement y accorder une attention toute particulière.

Il y a une chose qui revient quand même un peu comme une constante, quoique hier soir je n'étais pas ici pour entendre les mémoires et le problème n'a peut-être pas été soulevé, mais qui a été soulevé à la fois par vous, par la Fédération des médecins et par les départements de santé communautaire et les CLSC. C'est cette crainte de la structure parallèle qui semble peut-être s'ériger et je pense que c'est d'ailleurs une préoccupation qu'aura également l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec et peut-être d'autres dont je n'ai pas pris connaissance.

En tous les cas, il m'apparaît important que ceci soit examiné de près par le gouvernement, parce que les coûts de tout ceci vont être très grands et je pense qu'on ne peut pas se permettre une duplication de services, alors qu'on ne répondra peut-être pas, avant un délai assez considérable, aux besoins que l'on veut combler.

A la page 30 — c'est une question plus précise — vous parlez de votre crainte que par le biais de l'article 81, on tente de généraliser une pratique à laquelle se livre actuellement la CAT, qui consiste en une entente avec un centre hospitalier, à savoir de réserver un certain nombre de lits. J'imagine que c'est la même chose, peut-être, avec la Régie de l'assurance automobile, je ne le sais pas, qui relève aussi de la CAT. Là, on arriverait peut-être avec un troisième groupe de lits réservés. Vous semblez craindre cette pratique. Vous dites: Elle peut favoriser l'accès privilégié de certaines catégories de malades aux facilités hospitalières.

Dans la pratique, dans le concret, avez-vous non pas des données statistiques, mais des exem-

ples démontrant comment cette réalité peut produire et créer des problèmes pour le soin peut-être de malades plus aigus, parce que, dans le fond, c'est ce que vous laissez entendre dans ce paragraphe? Je ne suis pas certaine — peut-être que le ministre pourrait nous informer là-dessus — mais il est fort probable qu'on puisse prévoir le même mécanisme dans le cas de ce projet de loi.

M. Lapierre (André): En fait, ça ne crée sûrement pas de problème pour les travailleurs qui...

Mme Lavoie-Roux: Non, mais pour l'ensemble...

M. Lapierre: ... à la suite d'accidents de travail peuvent être admis dans certains centres hospitaliers de façon privilégiée, par rapport aux autres malades. Par contre, il reste que, pour nous, l'admission dans un centre hospitalier doit se faire selon certains critères qui sont le degré de gravité de la maladie et le degré d'urgence et non pas à savoir s'il s'agit d'un accident de travail ou s'il s'agit d'un autre type de maladie. Je pense que plutôt que de se conformer à des normes qui ne sont ni médicales, qui sont peut-être d'ordre pécuniaire plutôt, la corporation est d'avis qu'on devrait, pour l'admission des malades, se référer d'abord à des normes qui sont les degrés de gravité de la maladie et les degrés d'urgence.

Mme Lavoie-Roux: Je pense que cela est très clair dans votre mémoire, mais, dans les faits, est-ce que c'est une plainte ou, enfin, est-ce que c'est une observation qui vous a été faite par les médecins ou par certains centres médicaux ou si c'est simplement une appréhension que vous avez à ce moment-ci?

M. Lapierre: Non, c'est plus une appréhension. En fait, il existe actuellement une situation par laquelle la CAT se lie avec un centre hospitalier par contrat où il y a un certain nombre de lits de réservés à la CAT. Bien sûr, dans ces lits-là, les travailleurs ont priorité. Ce ne sont pas, en fait, des plaintes que nous avons reçues, mais c'est une observation que nous faisons pour éviter que le système se généralise.

Mme Lavoie-Roux: Dans le fond, si cela se continuait dans la même veine, cela pourrait éventuellement peut-être créer certains problèmes.

M. Roy: C'est cela. Cela veut dire que c'est une constatation d'une chose qui existe. Il y a eu des plaintes de certains médecins ou d'hôpitaux qui ne sont pas liés par contrat et qui disent évidemment: Les médecins et les hôpitaux liés ont des privilèges que nous n'avons pas parce qu'ils peuvent traiter les accidentés de travail plus rapidement ou ils peuvent le faire en plus grand nombre que nous. Je ne blâme pas la CAT d'avoir fait cela parce que cela a diminué le temps d'attente des travailleurs pour être opérés, mais si c'est possible de le faire pour une catégorie particulière de travailleurs et pour des questions purement monétaires, je ne vois pas pourquoi on ne serait pas capable de le faire pour tout le monde. Si on est capable de le faire parce qu'on paie un peu plus cher et qu'on a des privilèges, je ne vois pas pourquoi l'autre personne qui n'est pas un travailleur n'aurait pas les mêmes privilèges et qu'on n'améliorerait pas le fonctionnement des hôpitaux purement et simplement. Cela prouve que si on veut s'organiser, on est capable d'opérer les gens plus rapidement. C'est une question d'organisation et une question de paiement.

Si on a réussi dans certains centres à réserver un certain nombre de lits, 10 ou 20 lits, pour les travailleurs, et si cela fonctionne, je ne vois pas pourquoi on n'aurait pas pu le faire avant aux mêmes conditions et on ne pourrait pas ouvrir plus de lits ou faire en sorte que le roulement soit plus grand. Cela prouve que c'est possible, mais on ne voudrait pas que ce soient les exceptions qui deviennent la règle et que dans chaque hôpital il y ait un nombre de lits réservé pour les accidentés d'automobile, un pour les travailleurs, un pour les femmes au foyer. Cela deviendrait absurde. Je pense qu'il faut quand même améliorer notre système de distribution des soins de santé pour faire en sorte que les gens soient amenés le plus rapidement possible dans les hôpitaux, et éviter les listes d'attente interminables à certains endroits pour accélérer le processus de traitement.

Mme Lavoie-Roux: II y a deux affirmations que vous avez faites. Il y a au moins deux observations sur lesquelles j'aimerais revenir, la première reliée au travail en cabinet privé ou à la pratique privée de la médecine. Vous avez dit ou j'ai cru comprendre en tout cas que si on devait les éliminer comme tels ou à peu près, on ne pourrait pas répondre aux besoins tels qu'ils existent dans le domaine de la santé et de la sécurité au travail pour l'ensemble de la province. Est-ce exact?

M. Roy: Oui. C'est une déduction qu'on peut faire à prime abord parce que vous avez là une loi-cadre qui va normalement astreindre tout le monde. Evidemment, on va probablement procéder par élimination. Disons que pour le moment, il va y avoir des catégories de gens qui ne seront pas inclus. Cette loi va astreindre tout le monde. Or, il y a très peu de médecins à l'heure actuelle — et on l'a dit aujourd'hui et hier — dans les CLSC et dans les départements de santé communautaire qui s'occupent de médecine du travail. Il faut donc compter sur les médecins en cabinet privé qui sont très bien distribués dans la province, particulièrement les omnipraticiens qu'on retrouve partout, alors qu'on ne retrouve pas des CLSC et des DSC partout. Il faut donc compter sur ces ressources parce que se priver de ces ressources, c'est déjà handicaper profondément le système, même dans des régions comme Montréal et

Québec. Je pense que les cabinets privés ne sont pas à la veille de disparaître et ce serait d'ailleurs une catastrophe parce que c'est plus économique pour l'Etat de fonctionner de cette façon-là, mais aussi plus efficace. Evidemment, on pourrait embarquer dans une très grande discussion idéologique, mais je pense que ce serait une erreur fondamentale que d'exclure les services des cabinets privés parce que, déjà, ils sont là. Ils sont en place. Ils sont organisés. Ils peuvent donner des soins et des soins de qualité et de compétence. Evidemment, je ne veux pas entrer dans une bataille avec les CLSC...

Mme Lavoie-Roux: Non. Je ne posais pas la question au plan idéologique, vraiment au...

M. Roy: ... en parlant de la qualité.

Mme Lavoie-Roux: ... plan pratique, il s'agit de...

M. Roy: Non, mais j'en profite pour...

Mme Lavoie-Roux:... répondre à des besoins.

M. Roy: C'est cela.

Mme Lavoie-Roux: Cela vous semble-t-il essentiel qu'une part leur soit réservée?

M. Roy: J'en profite, parce que vous m'en donnez l'occasion, pour corriger quelque chose qui a été dit par un groupe de représentants des CLSC, ce matin ou hier, faisant allusion à une enquête qui a été publiée l'année dernière, à laquelle on n'a pas répondu parce qu'on ne peut pas répondre à toutes les choses qui sont écrites. Cela n'aurait pas de sens. On parlerait tous les jours et on aurait notre photo dans le journal régulièrement. On a fait une enquête dans les CLSC et avec une conclusion, dans un journal, qui est Le Devoir, où le titre dépassait énormément le texte qui était écrit, la pensée ou le texte lui-même de la conférence. On a conclu que la qualité était meilleure dans les CLSC que dans les cliniques privées, alors que ce n'était pas du tout l'objet du travail qui portait seulement sur une question de temps qu'on prenait pour examiner les malades. Je ne dis pas que la qualité est mauvaise dans les CLSC. Non. Elle est bonne. Mais elle est aussi bonne dans les cliniques privées. Cela me permet de corriger cela. (16 h 30)

Je pourrais prendre une demi-heure pour en parler, mais je vous dis que vous pouvez être assuré que les cliniques privées... c'est aussi bon dans les CLSC. Evidemment, on prend peut-être un peu moins de temps, mais souvent c'est parce que les médecins ont plus d'expérience et quand on a plus d'expérience, parfois, ça nous permet d'aller un peu plus vite. A part cela, il y a autre chose, c'est que n'étant pas à salaire, évidemment, on a une certaine incitation à rencontrer plus de monde et à travailler plus fort.

Mme Lavoie-Roux: Je vais vous arrêter pour ne pas que vous ayez d'autres contestations, M. Roy.

M. Roy: Vous me donnez la chance de passer des messages.

M. Lapierre: La loi, plutôt que d'opposer le système privé au système public, devrait faire en sorte que les deux travaillent ensemble.

M. Roy: C'est cela le but, en fait.

Mme Lavoie-Roux: Ma dernière question. Vous avez également dit, compte tenu des coûts que ceci impliquerait, que vous prévoyiez qu'il y aurait de l'étapisme dans ce système — me voilà empruntant le vocabulaire du gouvernement... en fait, c'est le vôtre que j'ai emprunté.

M. Roy: C'est un beau mot.

Mme Lavoie-Roux: II reste que dans les remarques d'ouverture de mon collègue de Portneuf, il avait justement souligné le fait qu'il n'y avait pas d'objectif très précis, que c'était une loi-cadre et qu'on manquait peut-être de lignes directrices dans tout ce projet de loi quant à l'implantation, la façon dont on allait procéder. Puisque vous avez parlé d'étapes, si vous deviez établir des étapes ou des priorités, est-ce que vous avez songé à ce que seraient ces étapes ou ces priorités que vous établiriez?

M. Roy: Evidemment, je n'ai pas encore les désirs avoués et avouables de me mettre de l'autre côté de la table et d'être le ministre d'Etat au Développement social, mais, évidemment, je pense qu'il est sûr qu'il faudra procéder par étapes dans les grandes industries d'abord, et dans les petites industries ensuite, les endroits où il y a le plus de risques pour les travailleurs. C'est une inquiétude qu'on a, que la loi s'applique à tout le monde, comme on donne l'exemple de l'agent d'assurance qui a une secrétaire à son emploi. C'est comme l'avocat qui a, dans son bureau, quatre ou cinq collègues à sept ou huit secrétaires. La loi va s'appliquer à lui comme elle va s'appliquer pour notre corporation. Il faut penser, à ce moment-là, que c'est un changement radical et très important dans notre système de distribution des soins et dans notre système de santé au travail, tel que conçu traditionnellement. Il faut penser à l'ampleur de cette loi. C'est pour cela qu'on a dit qu'on pensait que dans la loi elle-même... on pourrait dire qu'elle va s'appliquer à telle ou telle chose, non pas laisser ce pouvoir... J'ai dit discrétionnaire — évidemment, je ne veux pas qu'on me donne... j'aime utiliser des mots comme "excessif", "discrétionnaire", "arbitraire", je ne voudrais pas prêter de mauvaises intentions à la commission — on laisse un pouvoir énorme à la commission, un pouvoir qui va en enlever au législateur, une fois la loi adoptée, parce qu'elle pourra procéder par voie de réglementation, et on le reproche souvent. On a

l'occasion de vivre avec beaucoup de lois où la plupart des choses se font par voie de règlement. Je conçois qu'il y a des choses où il faut que ce soit important parce qu'il faut se rendre compte qu'on ne peut pas modifier des lois tous les ans, tous les deux ou trois ans. Cela prend du temps à adopter une loi, il y a des étapes et toutes les choses qui arrivent avec l'obstruction, à un moment donné, le bon parlementarisme. Il faut procéder par voie réglementaire dans certains cas, prévoir les changements dans le système, les changements dans la distribution des soins, les changements dans les besoins de la population, mais je pense qu'il faut, à un moment donné, mettre des balises de façon que les industries ou les organisations sachent à quoi s'en tenir.

On ne voit pas de nécessité, pour nous comme corporation, par exemple, où on a 70 employés, d'avoir un service de santé au travail. Il y a 70 personnes qui travaillent avec moi, on n'a pas cela et nos personnes sont bien; on est capable de s'en occuper. Evidemment, si la loi nous impose un système de service de santé au travail, cela change notre organisation et, de plus, cela va nous coûter des cents. Il faut quand même penser, évidemment... je ne veux pas entrer dans des discussions d'ordre économique — j'aimerais cela si j'étais de l'autre côté de la Chambre — mais je suis contribuable et je commence à trouver que ça coûte cher à la fin de la semaine, et quand je reçois mon chèque de paie, les déductions qu'on me fait pour toutes sortes de raisons... Je vois aussi le climat économique du Québec, je lis les journaux, je parle aux gens; je pense qu'on est saturé de taxes et tout le monde s'en rend compte. Alors, il va sûrement falloir procéder par étapes, viser les endroits où il y a le plus de danger ou de risques et commencer par les éliminer progressivement, parce qu'on ne peut pas tout faire d'un seul coup, c'est certain.

J'ai l'impression qu'actuellement, les endroits qui sont les plus nocifs pour la santé des travailleurs sont généralement les endroits qui ne sont pas encore couverts; c'est pour cela que cela va demander beaucoup d'argent et beaucoup d'énergie, c'est la moyenne et la petite entreprise, et non pas la grosse parce que la grosse est généralement relativement assez bien organisée. En plus de cela, évidemment, il y a toutes les autres organisations, comme les nôtres, les organisations de services qui sont incluses dans la loi et qui n'ont absolument rien au niveau de la santé au travail.

Si on ajoute à ça l'approche psycho-sociale — on en a parlé rapidement, la Fédération des CLSC l'a abordé ce matin — imaginez-vous le nombre de personnes incluses là-dedans, imaginez-vous comment on va être inondé de problèmes de gens qui vont être incapables de travailler, parce qu'il y a trop de bruit, trop de lumière, trop de soleil, ils sont fatigués, ils ne dorment pas, les problèmes d'ordre émotif, d'ordre psychosomatique, l'environnement n'est pas propice, alors imaginez-vous les choses sur lesquelles ce n'est pas palpable. On ne voit pas les problèmes comme tels avec lesquels on va être pris.

Il faut quand même être réaliste, c'est le réalisme qui doit prévaloir. Il faut procéder par étapes en tenant compte des capacités d'intégration de la province et de nos citoyens.

Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie, au nom des membres de la commission, de votre participation aux travaux de cette commission. J'inviterais maintenant la Corporation professionnelle des diététistes du Québec à venir nous présenter son mémoire.

M. Jolivet: M. le Président, pendant qu'ils vont s'attabler, j'aurais une proposition. Puisqu'il y a deux rapports qui sont arrivés depuis hier après-midi, soit celui de l'Association des pompiers de Montréal et celui de l'Association du personnel de Montréal, je ferais une proposition pour que ces deux rapports soient déposés à la commission, sans prendre de décision à savoir si on les fait venir ou pas.

Le Président (M. Marcoux): Est-ce qu'il y a accord des membres de la commission pour que ces deux rapports soient déposés, même s'ils étaient hors délai, qu'ils soient considérés comme étant dans les délais?

M. Jolivet: Pour que le secrétariat des commissions puisse les distribuer à chacun.

Le Président (M. Marcoux): Cela va? Des Voix: D'accord.

Le Président (M. Marcoux): Mme Hélène Tremblay, présidente, est-ce que vous pouvez nous présenter vos collègues et votre mémoire?

Corporation professionnelle des diététistes

Mme Tremblay (Hélène): A ma droite, je vous présente Mme Andrée Adam, première vice-présidente de la Corporation des diététistes.

M. Chartrand: On vient ici, on voudrait les entendre.

Le Président (M. Marcoux): Vous voudriez les entendre?

M. Chartrand: Je voudrais entendre les intervenants. Est-ce qu'on pourrait entendre les invités? Qu'on comprenne, c'est une autre affaire, mais qu'on entende...

M. Pagé: ... vous savez.

Le Président (M. Marcoux): On va prendre des mesures à cet effet.

M. Chartrand: ...

Le Président (M. Marcoux): J'apprécie votre remarque à cet effet, je vous prierais de parler proche du micro et de parler fort.

Mme Tremblay: A ma droite, Mme Andrée Adam, première vice-présidente de la Corporation des diététistes et chef du service de diététique à la Cité de la santé à Laval; à ma gauche, Mme Gemma Pelletier, deuxième vice-présidente de la corporation, conseillère en information aux consommateurs, Fédération des magasins COOP.

La Corporation professionnelle des diététistes du Québec regroupe 1000 diététiciens répartis dans toutes les régions du Québec. Depuis plus de 20 ans, les diététistes ont surtout rempli des fonctions traditionnelles du traitement des malades et ont pris en main la direction des services alimentaires des établissements de santé et d'autres milieux institutionnels et commerciaux.

L'évolution des sciences de la santé et la réforme amorcée à l'intérieur du réseau des affaires sociales a permis la réorientation de l'action des professionnels de la santé en général. Les différents rôles joués par les diététistes dans les domaines curatif, administratif et préventif permettent d'identifier des problèmes nutritionnels particuliers qui peuvent influencer la santé des travailleurs québécois. Il est étonnant de noter qu'il n'existe à peu près pas d'études et de statistiques récentes sur l'alimentation en milieu industriel.

Il semble que les grandes recherches sur ce sujet aient toutes été exécutées lors de périodes de crises alors que la main-d'oeuvre ou les aliments étaient rares. Avec la grande période industrielle et au cours de la deuxième grande guerre, des études ont été faites et des programmes de nutrition ont été élaborés et mis en place, tant en Amérique qu'en Europe, dans les grandes industries soucieuses d'améliorer le bien-être et l'efficacité de la main-d'oeuvre. Aux Etats-Unis, lors de la deuxième guerre mondiale, le principal écueil à l'implantation de cafétérias industrielles et de programmes de nutrition a été l'absence de personnel administratif compétent, lequel a dû être formé en toute urgence.

Malgré l'évolution du monde du travail depuis lors, le domaine de l'alimentation en milieu industriel a été laissé entre les mains de la libre entreprise et très peu de recherches ont été effectuées sur les besoins alimentaires spécifiques des divers groupes d'ouvriers.

La Corporation professionnelle des diététistes du Québec souhaite participer à l'amélioration de la santé des travailleurs du Québec à une époque où, au Québec particulièrement, l'on reconnaît les avantages de la saine alimentation, de la prévention des maladies et de la qualité de l'environnement.

Nous souhaitons que les lieux de travail soient ouverts à des spécialistes de différentes disciplines afin, qu'ensemble, ils puissent jouer un rôle utile dans la solution des problèmes de santé et de sécurité, non seulement à l'extérieur, mais à l'intérieur des lieux de travail.

Il est aussi requis de diffuser l'information scientifique connue, afin que tous les travailleurs, les contremaîtres et les cadres des entreprises prennent conscience des risques et puissent les contrôler.

Dans le domaine de la saine alimentation, nous n'insisterons jamais assez sur l'importance de la prise en charge de l'individu par lui-même. Seul, ou avec d'autres groupes intéressés, nous devons susciter de nouvelles recherches et un enseignement plus pertinent dans les universités, les collèges et autres centres de recherches. De plus, les résultats de ces recherches en toxicologie, hygiène et santé au travail, de même qu'en gestion et communication, doivent être adaptés à des situations concrètes et des normes doivent être définies et mises en application dans le milieu québécois.

Il est évident qu'une telle action ne peut se réaliser sans le support du gouvernement qui seul peut exiger, par législations ou par règlements, que les entreprises établissent des programmes de santé.

Les problèmes de santé qui caractérisent notre population active sont nombreux, coûteux et ont un lien étroit avec le régime alimentaire. Les indicateurs de santé montrent que notre population adulte est plus vulnérable que la moyenne des Canadiens à certaines maladies graves, causes de décès prématurés, telles les maladies coronariennes.

L'investissement dans la prévention de ces maladies est un investissement à long terme, mais sa rentabilité est évidente quand il s'agit de prévenir les décès survenant dans une population d'adultes encore jeunes et en pleine activité.

Nous avons voulu souligner que l'état nutri-tionnel et les habitudes alimentaires des travailleurs québécois affectent leur santé et accroissent, dans certains cas, les risques d'accidents et la sensibilité aux agents agresseurs.

L'âge moyen, chez l'homme québécois, est un âge vulnérable et la surmortalité masculine, chez les hommes de 40 à 64 ans, n'est pas un phénomène récent. Au Québec, cette mortalité excessive dans ce groupe résulte particulièrement des maladies coronariennes et des cancers du poumon. De plus, il est reconnu que le taux de mortalité résultant des maladies coronariennes est influencé par la profession ou le type d'emploi.

A part les maladies coronariennes, il y a peu de doutes que d'autres causes de morbidité et de mortalité reliées à des facteurs de nutrition se retrouvent, tels le surpoids, l'obésité, le diabète, l'hypertension, l'hyperlipidémie, certaines anémies et les ulcères.

C'est surtout entre 40 et 64 ans que se manifestent concrètement les maladies d'ordre nutritionnel. Les manifestations d'une pathologie nutritionnelle apparaissent tôt dans la vie par des signes précurseurs de maladie et ne se manifestent que plus tard, sous une forme clinique. Ce fait reflète la nécessité d'identifier tôt ces signes précurseurs, et d'apporter des modifications nécessaires au régime de vie des individus pour

réduire le risque de morbidité prématurée et de mortalité.

Les problèmes médicaux, dans la population adulte, semblent reliés à des excès nutritionnels, plutôt qu'à des déficiences en nutriments, par exemple, protéines, gras, sucre, minéraux, vitamines et autres.

Quand on parle de maladies reliées à la nutrition, il s'agit de maladies où intervient la nutrition à titre de facteur étiologique et elles comptent parmi les principales causes de décès. Parmi les facteurs que l'on peut prévenir, la surcharge alimentaire et les mauvaises habitudes alimentaires sont les plus connues. Le mode d'évolution de ces maladies est lent et insidieux; les mesures préventives retardent leur développement.

L'obésité aggrave le pronostic de plusieurs maladies, dont la maladie coronarienne, le diabète et l'hypertension; elle abrège la vie. De plus, l'obésité accentue très fortement les troubles respiratoires résultants des poussières présentes dans l'air. En effet, alors que des travailleurs de poids normal, exposés à des poussières d'aluminium, ne démontraient aucun signe de pneumoconiose, plus de 50% des obèses présentent un tableau spirographique de préemphysème.

Enfin, il faut ajouter que l'obésité prédispose aux accidents et il apparaît que les individus obèses sont plus portés à certains types d'accidents que les non-obèses. L'obèse est plus souvent restreint dans ses gestes au travail, d'où inaptitude partielle si le travail exige des déplacements fréquents, de la vitesse d'exécution ou de l'agilité. Si, à l'obésité, s'ajoute l'hypertension artérielle, il faut limiter les efforts importants et prolongés. Chez l'obèse survient aussi, surtout chez les sujets après la quarantaine, le diabète de l'obèse. Au Québec, il y a 80 000 diabétiques potentiels dans les différents milieux de travail chez les hommes et 20 000 diabétiques potentiels chez les femmes.

D'autres relations entre la nutrition et la santé au travail ont été démontrées par des études effectuées à l'étranger, entre autres, une étude menée en Suède révèle que 25% des 700 employés d'âge mûr de plusieurs petites entreprises souffrent d'hyperlipoprotéinémie, 21% des ouvriers du textile, en Iran, souffrent d'hypertension, qui peut être provoquée par le bruit. (16 h 45)

La fréquence d'hypertension est élevée chez les travailleurs exposés au chlorure de vinyle chez les travailleurs de nuit. Il est à noter qu'une proportion des hypertendus ignorent leur condition. Une étude effectuée dans 76 industries a montré que 59% des travailleurs étaient atteints de cette affection, à leur insu. L'industrie jouit d'une position unique quant à la détection des facteurs de risque étant donné son accès facile aux travailleurs. Elle peut aussi, avec les efforts relativement minimes, rejoindre une importante population à risque avec un programme de prévention et d'éducation. Des apports insuffisants de certains éléments nutritifs accélèrent les intoxications aux métaux lourds et aggravent leur manifestation. De même que certaines conditions de travail influencent l'état nutritionnel, par exemple, le bruit et les horaires de travail.

Les habitudes alimentaires de la population de 20 à 64 ans. Dans ce groupe d'âge, l'apport alimentaire moyen dépasse chez les jeunes adultes les recommandations pour presque tous les éléments nutritifs. Chez les femmes, les apports moyens sont à peine suffisants en fer, calcium, thiamine. Ceci est un effet d'habitudes alimentaires déséquilibrées. Lorsque les jeunes entrent dans le monde du travail, ils mangent dans des cantines, des cafétérias qui regorgent d'aliments frits ou très sucrés et où les fruits et légumes frais sont absents ou offerts à des prix qui en découragent la consommation. Il importe pour ce groupe de population d'attacher une importance spéciale à une rééducation nutritionnelle, mais surtout de permettre à la travailleuse enceinte d'avoir accès dans son milieu de travail à une alimentation adaptée aux besoins nutritionnels accrus de la grossesse.

Pour la population d'âge mûr, l'apport alimentaire pour les deux sexes dépasse presque toutes les recommandations en ce qui concerne les éléments nutritifs, sauf chez les femmes où l'apport alimentaire en calcium est inférieur à l'apport recommandé probablement parce qu'elle consomme peu de lait ou autres produits laitiers.

Les personnes qui ne déjeunent pas sont portées, vers 10 heures de la matinée... ici on parle du problème du petit déjeuner, parce que l'absence d'un petit déjeuner a des effets assez importants sur le comportement du travailleur pendant la matinée. Trop souvent, on remplace le petit déjeuner par une collation qui est constituée surtout d'aliments camelotes ou à calories vides. Une étude québécoise sur les habitudes alimentaires montre que les aliments consommés entre les repas sont moins concentrés en aliments nutritifs que ceux pris aux repas.

La consommation excessive d'alcool représente une menace pour la santé des travailleurs. En plus d'augmenter le risque d'accidents considérablement, il diminue également le rendement au travail. L'alcool rend les mouvements plus lents et incohérents, diminue la capacité à l'effort et allonge le temps des réactions. Nous savons que l'incidence de l'alcoolisme augmente à un rythme de 5% par année au Canada et au Québec. Le coût en dollars des maladies nutritionnelles les plus courantes représente un investissement important en termes d'hospitalisation, de soins médicaux, de médicaments, de jours de travail perdus et de vies humaines.

Même si l'aspect préventif demeure prioritaire, compte tenu des problèmes de santé et de nutrition que l'on retrouve chez la population active en ce moment, compte tenu aussi du fait que les mesures préventives sont peu utilisées, l'aspect diététique curatif devient un moyen d'aider le travailleur à retrouver, à court terme, son état de santé ou encore de maintenir ou retarder les effets

de la maladie à travers un régime diététique correctement administré.

Après avoir exposé les effets des mauvaises habitudes alimentaires sur le rendement au travail, nous traçons un portrait de ces habitudes alimentaires. Les travailleurs prennent régulièrement leur repas principal sur les lieux du travail et ils constituent une clientèle captive pour le service alimentaire local. Souvent le petit déjeuner est supprimé ou remplacé par la pause-café du matin afin de respecter les contraintes des transports et des horaires de travail. Les employés qui travaillent régulièrement ou occasionnellement la nuit connaissent un rythme de vie particulier et leurs repas sont consommés de manière hétéroclite. De même, l'horaire de travail de certains employés ne permet pas toujours à l'individu d'avoir une répartition logique de ses repas. Au Québec, les travailleurs oeuvrent généralement dans des services publics, l'industrie et le commerce, particulièrement, les petites et moyennes entreprises. Les conditions dans lesquelles ces ouvriers prennent leurs repas et pauses-café au travail peuvent donc varier à l'infini. Du service alimentaire institutionnalisé jusqu'à la simple boîte à lunch apportée sur les lieux mêmes du travail. On reconnaît actuellement un éventail de formules: distributeur automatique, cantine mobile, casse-croûte, comptoir lunch, brasserie, cafétéria et restaurant qui se partagent les faveurs de la masse ouvrière. Dans la plupart des unités de travail, l'employeur n'offre pas de service à son personnel. Lorsque les groupes de travailleurs sont nombreux ou isolés, des ententes peuvent intervenir avec des concessionnaires privés afin qu'ils assurent un service.

Parfois, l'employeur administre lui-même des cafétérias, restaurants ou distributeurs automatiques, surtout dans les grandes institutions, comme les banques, ou les services publics.

Les conditions dans lesquelles les repas sont pris ne correspondent pas toujours aux exigences les plus élémentaires d'hygiène. L'employé n'a aucun moyen mis à sa disposition pour entreposer convenablement sa boîte à lunch, et souvent, il prend son repas sur sa table de travail ou dans un coin de l'atelier. L'équipement et la salle à manger utilisés pour les services des repas ne sont pas convenablement entretenus et la disposition des déchets alimentaires n'est pas organisée. La durée allouée à la pause-repas est parfois mal adaptée aux contraintes spécifiques de l'environnement de travail et ne permet pas à l'employé de manger calmement son repas en tenant compte du temps requis pour les déplacements, l'attente d'une place libre aux tables et les besoins d'hygiène personnelle.

Dans le mémoire, nous avons effectué une évaluation des différents services possibles pour les travailleurs. La situation actuelle, telle que nous l'avons exposée, démontre clairement le peu d'intérêt porté jusqu'à maintenant à l'alimentation des travailleurs québécois. Le contenu du projet de loi est en ce sens décevant, puisqu'au lieu d'être à l'avant-garde, il ne fait que cristalliser la situation actuelle. S'il est vrai que le vide qui existe au niveau des recherches et des développements de programmes, concernant le domaine précis de l'alimentation du travailleur, excuse d'une certaine manière le peu d'intérêt manifesté, autant par l'individu que par ses représentants ou dirigeants, nous possédons, à partir de la science de la nutrition, suffisamment d'éléments pour amorcer immédiatement une action corrective.

La Corporation professionnelle des diététistes du Québec, en présentant un mémoire à cette commission parlementaire de santé et sécurité au travail, veut susciter l'intérêt de tous les intervenants possibles et les rendre conscients qu'une intervention dans la solution des problèmes de santé et de sécurité au travail, tant sur le plan curatif que préventif, est souhaitable et réalisable.

Dans le cadre des ressources déjà existantes et des mécanismes qui sont créés par l'adoption de cette loi et de ses règlements, nous proposons à cette commission parlementaire les recommandations qui suivent: 1-Qu'une programmation en nutrition préventive soit considérée prioritaire pour réduire les problèmes de santé des travailleurs. 2- Que l'application de la loi et de ses règlements soit faite selon une approche multidis-ciplinaire, incluant les diététistes pour le domaine de la nutrition, plutôt que de réserver la tâche à un ou deux types de professionnels seulement. 3-Que des études et recherches sur la nutrition en relation avec les différents milieux de travail soient entreprises par la Commission de santé et de sécurité au travail. 4- Que des comités de nutrition soient créés dans les milieux de travail. Ces comités auraient pour rôle d'éduquer l'employé en matière de nutrition, de l'inciter à se prendre en charge, de sensibiliser le travailleur, l'employeur et le syndicat aux problèmes nutritionnels inhérents au milieu de travail, et de voir à ce que des contrôles administratifs d'hygiène et de qualité soient effectués. 5-Que soit institué dans le milieu de travail un programme de dépistage des hyperlipidémies et des autres facteurs de risque de l'arthérosclérose ainsi qu'un programme d'intervention selon la recette diète-exercice à l'intention des individus prédisposés aux accidents coronariens et cérébro-vasculaires de façon à prévenir la surmortalité chez les hommes de 35 à 64 ans. 6- Que les employeurs et les syndicats prennent les moyens pour que les travailleurs handicapés par les maladies nutritionnelles (obésité, maladies circulatoires, diabète, hypertension, etc.) aient accès aux services professionnels requis afin de diminuer les risques d'accidents au travail reliés à leur état particulier, et que les frais de consultation diététique soient couverts par l'as-surance-maladie complémentaire. 7- Que le personnel administratif des services alimentaires en milieu de travail reçoive une formation adaptée à ce secteur, bien différent de l'hôtellerie et du milieu curatif. 8- Que les règlements d'hygiène pour les services alimentaires soient révisés et adaptés à la

situation actuelle et qu'un programme d'inspection soit suivi rigoureusement dans les milieux de travail. 9- Que la politique en matière de nutrition mise de l'avant par le gouvernement du Québec soit appliquée pour tous les travailleurs, particulièrement ceux oeuvrant dans les secteurs public et parapublic.

Nous remercions cette commission de nous avoir entendus. Nous sommes à votre disposition pour des questions.

M. Jolivet: ... le document qu'on nous a résumé au journal des Débats.

Le Président (M. Marcoux): Oui, ce sera accepté. Votre mémoire sera versé au journal des Débats intégralement. M. le ministre, (voir annexe C)

M. Marois: M. le Président, je voudrais tout d'abord remercier la Corporation professionnelle des diététistes du Québec d'avoir bien voulu non seulement préparer un mémoire, mais d'avoir fait la démarche de venir devant la commission parlementaire nous rencontrer. Un des éléments particulièrement intéressants de votre mémoire et de votre point de vue, c'est certainement de contribuer à mettre en relief ici et attirer notre attention à nous, non seulement les membres du gouvernement mais l'ensemble des membres de la commission parlementaire, sur l'importance, d'une part, de la nutrition dans le domaine du travail, mais aussi, si je comprends bien, à l'opposé, l'impact des conditions de travail et de l'environnement du travail, les conséquences et les répercussions que cela aurait sur la nutrition et, en conséquence aussi, les répercussions — un troisième niveau de conséquences, si je puis m'exprimer de cette façon — sur la santé des hommes et des femmes au travail. Je pense que vous avez probablement raison de le dramatiser.

J'ai cru comprendre, tout au long de votre mémoire que j'ai lu très attentivement, qu'au fond se recoupent constamment trois ordres — bien sûr, qu'ils sont inter-reliés — bien distincts de problèmes: d'une part, des problèmes de nutrition qui peuvent être engendrés par le travail lui-même; deuxièmement, des problèmes de nutrition qui sont dus à la mauvaise qualité des lieux où se consomme la nourriture ou à la pauvreté de l'alimentation qui est fournie; troisièmement, des problèmes de nutrition qui ne sont pas directement reliés au travail, mais qui pourraient être abordés et éventuellement traités en milieu de travail en raison de facilités engendrées par un regroupement naturel de clientèle.

Les recommandations, si ma mémoire est bonne, 1, 5 et 9 concernent surtout le troisième type de problèmes que je viens d'évoquer. Je voudrais m'arrêter — je ne peux pas, dans le temps qui est mis à notre disposition, reprendre en détail toutes et chacune des recommandations — très rapidement en particulier sur les recommandations 7 et 8 qui, elles, s'adressent au deuxième type de problèmes, si j'ai bien saisi ce que vous avez dit, c'est-à-dire à des problèmes de nutrition dus à la mauvaise qualité des lieux où se consomme la nourriture ou à la pauvreté de l'alimentation qui est fournie.

Dans cette perspective — j'aimerais avoir vos commentaires là-dessus — bien sûr, ces recommandations sont plus qu'intéressantes et je puis vous assurer que je vais regarder ça très attentivement. Mais j'étais porté à penser que le paragraphe 23 de l'article 185 permettait d'ouvrir des possibilités d'intervention dans ce domaine, d'une part, bien que je doive convenir, en toute honnêteté, que cet article, qui permet à la commission de prescrire des normes relatives aux locaux, par exemple, ne lui donne pas nécessairement et automatiquement les pouvoirs pour régir la qualité de l'alimentation qui est offerte.

Deuxièmement, en ce qui concerne la recommandation 2 — je m'excuse de revenir en arrière — concernant ce que vous appelez l'approche multidisciplinaire — je pense que vous avez raison de révoquer — il ne me semble pas, à première vue — si vous êtes d'opinion contraire, on est, bien sûr, intéressé à connaître cette opinion — qu'il y ait quoi que ce soit dans le projet de loi actuellement qui s'oppose à cette approche multidisciplinaire particulièrement ou notamment, je dirais, en raison de la présence, si ma mémoire est bonne, je ne sais pas si c'est dans tout, mais certainement dans un bon nombre de DSC, dans un grand nombre de CLSC, si ce n'est pas la majorité, de nutritionnistes. Je pense que l'aspect de l'alimentation des programmes de santé au travail ne risque pas d'êtes oublié si, là, l'économie générale de la loi et la lettre de la loi sont respectés dans cette perspective.

Je voudrais savoir si, de votre point de vue, ce qui est prévu est suffisant ou ne l'est pas, sur une base de ce que je viens d'évoquer.

Très rapidement, vous évoquez, en recommandation 3, qu'il y ait des études et des recherches. Je pense que, si on regarde les pouvoirs qui sont octroyés, prévus pour la Commission québécoise de la santé et de la sécurité du travail, il n'y a rien, bien au contraire, qui empêche de telles études, recherches et aussi la détermination des priorités, les ressources requises pour les faire. Il n'y a rien, me semble-t-il, qui, dans un projet de loi actuellement, empêche une chose comme celle-là. Bien au contraire, ce serait sûrement souhaitable. Evidemment, tout ne peut pas être fait en même temps sur tous les fronts. On viendra nous parler tout à l'heure des abus des drogues et de l'impact que cela a. Il y a des domaines dans lesquels, pour toutes sortes de raisons, comme société, on a plus ou moins assumé nos responsabilités et il est plus que temps qu'on les assume. Quand on a du rattrapage à faire, c'est une "job" et, évidemment, il faut cerner un certain nombre de priorités. (17 heures)

Quant aux recommandations 5 et 6 qui, elles, touchent des programmes de dépistage et demandent qu'on prenne les moyens requis pour que les travailleurs handicapés par des maladies

nutritionnelles aient accès aux services professionnels, je ne vois pas, là non plus, sous réserve de le regarder très attentivement, par exemple, ce qui dans le projet de loi pourrait faire en sorte que de telles dimensions ne soient pas incluses dans un programme-cadre de santé ou dans un programme spécifique de santé appliqué à un établissement.

Voilà, M. le Président, les quelques commentaires, remarques, questions en même temps que je voulais formuler sans abuser du temps. Je voudrais, encore une fois, vous remercier infiniment de votre mémoire et vous dire à nouveau que vous pouvez être assurées qu'on va regarder à la loupe toute et chacune des recommandations contenues dans votre mémoire.

Mme Tremblay: Pour répondre à la première question qui concerne l'article 185, troisième paragraphe, en fin de compte, tout notre mémoire a été travaillé dans le même sens. On a trouvé que l'aspect de la nutrition n'avait pas été une préoccupation, je pense, même au moment de la préparation du livre blanc. On a senti que l'aspect nutrition dans tout cela avait été probablement oublié. Quand on parle des normes d'hygiène, entre autres, évidemment, il y a moyen d'en déterminer à l'intérieur de votre article 185, troisième paragraphe.

M. Marois: Si vous me le permettez, quand vous dites "oublié", vous admettrez au moins — il y a quand même les mots qui sont là — qu'à l'article 185 paragraphe 23 on dit "les locaux pour prendre les repas". Si je voulais blaguer — je vous écoutais tantôt parler du petit déjeuner — je ne sais pas si la journaliste de La Presse, Lysiane Gagnon est encore présente dans la salle — les commentaires que vous avez faits, les remarques, les informations que vous avez communiquées, cela pourrait peut-être lui inspirer une prolongation de sa série sur le stress chez les députés, notamment.

Mme Tremblay: Quand on parle des travailleurs en général, il y a différents niveaux de réglementation en ce qui concerne l'hygiène dans les services alimentaires et on voit qu'actuellement ce qui se passe, c'est que ce sont les communautés urbaines et le ministère de l'Agriculture qui régissent les normes d'hygiène dans les services alimentaires. Pourquoi on s'est penché sur la question de l'hygiène plus particulièrement? C'est qu'on se rend compte que les inspections ne sont pas faites convenablement dans ces milieux. On a voulu insister sur le problème de l'hygiène parce qu'on a beau vérifier les menus — que, par exemple, le ministère des Travaux publics du Québec exige que les concessionnaires à qui il donne une concession aient un menu qui est vérifié par une diététiste, cela ne veut absolument rien dire — ce n'est pas une garantie que ce qui est servi dans l'assiette du travailleur est convenable. L'hygiène dans les cafétérias...

M. Marois: En passant, si vous me le permettez, je prends note de cette remarque parce que cela a été évoqué par nous et par l'Opposition et je pense qu'avec beaucoup de justesse vous évoquez aussi les problèmes d'inspection. Vous citez le cas des Travaux publics. Je ne veux pas prendre en particulier ce coin de l'administration publique, mais, effectivement, l'administration gouvernementale, le gouvernement comme tel ne tombant pas sous la coupe des lois actuelles, alors que le projet de loi propose qu'il tombe sous la coupe des lois, il est évident qu'il était strictement impossible même de faire intervenir des services d'inspection pour faire en sorte que les normes de base d'hygiène les plus élémentaires, le minimum décent pour les gens soient respectées. Mais ce que vous dites m'apparaît tout à fait exact.

Mme Tremblay: Au sujet de la question des DSC et des CLSC, les budgets qui sont octroyés actuellement aux départements de santé communautaire sont nettement insuffisants pour que l'aspect nutrition ou la recherche qui doit être faite dans le secteur de la nutrition et de la santé au travail soit effectuée dans les départements de santé communautaire. Actuellement, il y a peut-être dans la province un DSC où la nutritionniste est impliquée en santé au travail. Ensuite, il faut aussi qu'au niveau d'un département de santé communautaire ou d'un centre local de services communautaires ce soit une priorité établie et ce n'est pas le cas partout. Ensuite, la troisième question, c'était... Qu'est-ce que c'était, votre troisième question?

M. Marois: J'en ai tellement posé que...

Mme Tremblay: L'approche multidisciplinaire. C'est que nous, on insiste sur l'éducation et l'information de l'individu parce qu'on pense qu'en matière de nutrition, si l'individu est sensibilisé, il ne se laissera pas influencer autant par différentes tendances qui vont essayer de l'accaparer pour gagner de la crédibilité.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Merci, M. le Président. Mesdames, je vous remercie de la présentation de votre mémoire qui est non seulement intéressant, mais qui est très important, selon moi. Encore une fois, aujourd'hui, on constate non seulement comme parlementaires, mais aussi comme Québécois que les gens du Québec, notre collectivité, notre communauté a beaucoup à apprendre sur l'aspect de la nutrition, sur l'aspect alimentaire. C'est malheureux qu'on ait, au Québec, des données comme celles que vous évoquez dans votre document, qui sont peut-être comparables aux données d'autres provinces ou d'autres pays, mais il y a certainement des objectifs à atteindre, il y a certainement des conditions à améliorer. C'est inadmissible, je pense, que, comme collectivité, on ac-

cepte qu'il y ait autant d'alcool qui se consomme, autant de sucre qui se consomme, autant de matières grasses qui se consomment avec toutes les implications que ça peut comporter.

Je pense qu'au fur et à mesure que des occasions comme celle-là sont données d'en discuter, d'en prendre conscience davantage, tout le monde en est un peu plus conscient, mais il reste à dégager les façons d'atteindre les objectifs de correctifs tout à fait évidents et palpables.

Vous recommandez aujourd'hui plusieurs éléments, vous formulez plusieurs propositions. Pour plusieurs, cela paraît possible; pour d'autres, cela paraît idéal, vous savez. C'était tout à fait justifié de souhaiter ou de demander au législateur de s'assurer que, dans la boîte à lunch du travailleur, il y ait des aliments tout à fait adéquats qui pourront privilégier, éventuellement, un état de santé ou, tout au moins, ne pas créer de problèmes chez lui, ne pas impliquer de fatigue à 2 heures l'après-midi et pas trop de stress à 4 heures, ce qui peut engendrer des accidents, éventuellement.

Il faut quand même constater qu'avant de pouvoir aller réglementer ce qu'il y a dans la boîte à lunch il faudra peut-être réglementer les lieux de travail et il faudra réglementer d'autres éléments qui sont plus externes et moins reliés directement au contenu nutritif comme tel, mais qui ont aussi leur impact. En cela, je voudrais que ma remarque ne soit pas perçue comme visant à diminuer ou à porter atteinte de quelque façon que ce soit aux objectifs que vous évoquez et aux obligations, somme toute, qu'on a comme collectivité.

Tout cela dit, je pense qu'on doit intervenir. Je crois que le gouvernement ne peut mettre de côté un aspect aussi important que celui que vous portez à notre attention aujourd'hui, mais il reste à savoir comment le traduire. Est-ce que cela s'inscrit dans le cadre des éléments de prévention? Est-ce que cela s'inscrit dans le cadre de démarches qui devront être faites une fois le projet de loi adopté, mais à quel niveau? Encore là, je me le demande. J'aimerais bien vous entendre là-dessus. Vous n'êtes pas sans savoir que ce projet de loi impliquera l'implantation d'une toute nouvelle structure. On aura à vivre, j'en suis persuadé, pendant quelques années avant de voir si les résultats tangibles sont concluants, les résultats de l'expérience de vie avec le projet de loi no 17.

Quant à vous, que proposeriez-vous comme intervention première? Est-ce que le gouvernement se devra d'agir au niveau des normes, avec des normes plus sévères de la part des ministères concernés, soit celui des Affaires sociales ou le ministère de l'Agriculture, peu importe? Est-ce que le gouvernement ne doit pas plutôt privilégier une politique de formation ou d'information là aussi, parce que c'est important? Si on répète souvent à quelqu'un que ce qu'il mange n'est pas bon, qu'il aura un taux de cholestérol trop élevé dans X temps et qu'on lui dit: Cher concitoyen, tu es dans l'âge dangereux entre 40 et 50 ans, ça a peut-être des chances de percer davantage et d'avoir plus d'effet.

Selon vous, à la lumière de l'expérience que vous avez, parce que vous êtes en contact avec les gens du milieu, quel est le mode d'intervention que devrait privilégier le gouvernement dans un premier temps? Encore là, il faudra, selon moi, intervenir par étapes dans les objectifs que vous recherchez; on n'a pas le choix. Il faudra sensibiliser davantage la population. Il faudra que le gouvernement intervienne de son côté. J'aimerais savoir ce que vous favoriseriez dans un premier temps.

Mme Tremblay: D'abord, j'aimerais vous mentionner que notre objectif n'a pas été de demander au gouvernement d'intervenir sur la fabrication ou le contenu de la boîte à lunch du travailleur. On veut, en parlant de la boîte à lunch, que le travailleur puisse manger son lunch, quel qu'il soit, dans un lieu hygiénique, propre et calme, d'abord! C'est ça qu'on a mentionné en parlant de la boîte à lunch et ensuite, il y a l'information...

M. Pagé: Je m'excuse, c'est un commentaire à moi, la boîte à lunch.

Mme Tremblay: C'est une parenthèse pour votre commentaire, à vous.

M. Pagé: Selon moi, c'est inquiétant ce qu'il y a dans la boîte à lunch.

Mme Tremblay: Peut-être, mais après... Maintenant, je vais vous parler des priorités qui sont de trois ordres. Il y a la recherche qu'on doit faire pour connaître exactement l'implication du milieu, comment certains milieux de travail peuvent influencer l'état nutritionnel de notre population, de nos travailleurs. Il faut aussi qu'on voie, dans les groupes cibles bien identifiés de population à risque, les gens hypertendus, les gens qui ont des maladies coronariennes — on reconnaît que dans certains milieux et dans certains groupes d'âge, ce sont des groupes à risque — qu'on informe ces gens, qu'on fasse le dépistage et je pense qu'il y a déjà des ressources qui sont actuellement présentes dans le milieu qui peuvent être utilisées, sans que ça demande une structure et des années à mettre en place.

Evidemment, selon les budgets qui seront consacrés à la mise en marche de ces programmes, une des principales préoccupations, c'est la recherche et les études. Qu'on identifie les problèmes particuliers à certains milieux de travail particulier; c'est une priorité. On veut aussi faire de l'information.

M. Pagé: Sur cet aspect de la recherche, est-ce que selon vous la Commission de santé et de sécurité au travail aurait un mandat spécifique à remplir?

Mme Tremblay: C'est à ce niveau que la recherche devrait être faite.

M. Pagé: D'accord. Il y avait un autre aspect, l'aspect information.

Mme Tremblay: II y a l'aspect de l'information qui peut être faite en milieu de travail, en même

temps, parce que justement, c'est un milieu qui est captif, qui regroupe des gens qui sont dans une situation analogue et qu'on peut rejoindre en leur expliquant quelles sont les particularités du milieu, comment ce milieu peut influencer leur état de santé et de quelle façon ils peuvent y remédier d'une façon, en ce qui regarde l'alimentation.

M. Pagé: Ce qui se fait actuellement de la part du gouvernement, en termes de formation et d'information, est-ce que c'est adéquat, selon vous? Il y a quand même de l'information qui se fait, peut-être un peu éparse, les affaires sociales...

Mme Tremblay: C'est fait pour la population en général, ce n'est pas adapté à des milieux précis. On sait que de l'éducation, quand c'est donné d'une façon générale, on a un impact. Cette information a un impact considérable, mais on n'arrive pas à sensibiliser des gens à des problèmes particuliers dans un milieu donné.

M. Pagé: J'espère que vos remarques, qui sont pour le moins tout à fait justifiées, seront bien retenues par le ministre et seront traduites, soit dans la loi, soit dans les projets mis de l'avant par la commission.

Le Président (M. Marcoux): Faire un menu spécial pour les députés.

M. Pagé: Cela, vous savez, on pourrait en parler. On pourrait parler du contrôle de l'environnement pour nous avec les péquistes à côté, mais ça.

M. Marois: Ne commencez pas là-dessus, faites attention.

Quand on crache en l'air...

M. Pagé: M. le Président...

Le Président (M. Marcoux): Mme le député de L'Acadie.

M. Pagé: Merci mesdames.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, c'était simplement un commentaire. Je veux remercier les diététistes d'être venues présenter leurs préoccupations au sujet de ce projet de loi. Vous vous étonnez qu'il ne semble pas y avoir beaucoup de place pour les problèmes de nutrition qui sont certainement très importants. J'ai constaté et peut-être ceci valait-il pour le gouvernement qui a précédé comme pour celui qui est là — je ne peux que parler de celui qui est là, je n'y étais pas avant — que la nutrition n'est pas une préoccupation du gouvernement. J'aimerais que les remarques que vous avez faites, que vous aurez l'occasion de pouvoir les faire au moment d'une commission parlementaire en éducation. Le gouvernement n'a même pas de politique de nutrition pour toutes les écoles du Québec. Si vous voulez que votre bonhomme ou que la madame mette les bonnes choses dans la boîte à lunch, il faudrait commencer par donner des habitudes alimentaires saines aux jeunes.

A ce moment-ci, la politique de nutrition, ça me dépasse; c'est défini par le ministère de l'Agriculture qui veut faire vendre beaucoup de lait par les cultivateurs. C'est peut-être un bon motif politique, c'est qu'on n'a pas de politique de nutrition, même au niveau scolaire et, là où des initiatives ont été prises, elles l'ont été à l'extérieur du gouvernement, elles ont été prises à Montréal. (17 h 15)

Je pense que c'est bien que vous soyez venues ici et on va tenter de se le rappeler, au moment de l'étude, mais c'est un problème de plus grande envergure encore — je sais que vous le savez fort bien — que celui que vous avez tenté de démontrer à la commission cet après-midi; je vous trouve presque des missionnaires, de venir devant cette commission parlementaire, pour parler de nutrition, parce que ce n'est certainement pas une priorité, ni dans ce projet de loi, ni ailleurs.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Richmond.

M. Brochu: J'aimerais simplement faire un bref commentaire. J'ai suivi avec beaucoup d'intérêt la présentation du mémoire de l'Association des diététistes. J'aimerais les en remercier sincèrement et les remercier aussi d'avoir comparu devant cette commission parlementaire avec les données qu'elles nous ont fournies.

D'accord, on n'a pas fait le tour de tout le problème; je pense que c'est simplement la pointe de l'iceberg qu'on a vu dans le domaine de la nutrition et de l'hygiène, lorsqu'on pense au monde du travail ou au monde de l'éducation, comme vient de le souligner Mme le député de L'Acadie. Mais je pense que, sans entrer dans les détails de votre mémoire, ce qui est important c'est de bien démontrer aux membres de la commission parlementaire, à ceux qui ont à travailler dans ce domaine pour établir un cadre législatif, que la santé et la sécurité au travail, ce n'est pas uniquement défini en fonction d'un danger inhérent à la fonction de l'invividu dans le milieu du travail, mais qu'également sa nutrition et son hygiène personnels, son environnement, son milieu de vie sont très importants. Lorsqu'on veut se donner la qualité de prévenir, en tant que législateurs, je pense que vous prenez toute la part qui doit vous revenir en tant que domaine qui se situe au niveau de la prévention. On a beaucoup de corrections à faire à ce niveau, d'accord; au niveau de la nutrition, au Québec, on pèche peut-être par abondance, on est toujours allé dans les voies de la facilité, on vit dans une société où on n'a pas fait attention à tout ce qu'on a. Vous avez un rôle important à jouer, mais je pense que, dans l'approche globale qu'on doit avoir, au niveau de la santé et de la sécurité, l'intervention que vous faites aujourd'hui est tout à fait particulière et, en

ce qui me concerne, j'en prends bonne note et en tiendrai compte.

J'aurais peut-être une question à adresser à Mlle Tremblay ou à celle qui l'accompagne, en terminant. Actuellement, on sait que la place que vous occupez doit être élargie éventuellement, à cause des problèmes de santé que notre population rencontre dans le moment. Est-ce que le gouvernement fait souvent appel aux diététistes, même dans ses propres secteurs d'activité? Est-ce que ça se fait sur une grande base, ou très peu, ou pas? Pourriez-vous nous donner votre opinion là-dessus, pour qu'on voit de quelle façon et jusqu'à quel point le gouvernement est conscient du problème?

Mme Tremblay: En fin de compte, vous nous demandez... Evidemment, c'est que le gouvernement, actuellement, c'est l'employeur de peut-être 65% de nos effectifs. Alors on ne peut pas dire qu'il ne fait pas appel aux diététistes dans certains milieux, sauf qu'il pourrait peut-être aller plus de l'avant. Ce qu'on reproche à ce projet de loi, c'est de laisser un groupe de professionnels jouer un rôle traditionnel qui est insuffisant, et de donner à ce groupe la possibilité de remplir sa fonction, fonction qu'il est capable de remplir vis-à-vis de la population dans la prévention et le traitement de certains problèmes de nutrition.

M. Brochu: II y aurait là une occasion rêvée pour permettre aux diététistes de jouer un rôle beaucoup plus marqué, dès maintenant, dans l'approche de la nouvelle loi-cadre.

Mme Tremblay: On dit que notre groupe est en mesure de donner des services et que nous sommes prêts à les donner, sauf qu'il s'agit de donner l'importance qu'il faut à la nutrition dans ce domaine.

M. Brochu: Je vous remercie, c'est intéressant.

Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie de la présentation de votre mémoire. J'inviterais maintenant la Corporation professionnelle des optométristes du Québec, qui va nous aider à voir plus clair sur ce sujet, à s'approcher et à nous présenter son mémoire.

Corporation professionnelle des optométristes du Québec

M. Denault: M. le Président...

Le Président (M. Marcoux): M. Michel Denault, si vous voulez nous présenter vos collègues.

M. Denault (Michel): Avec plaisir, M. le Président, j'allais le faire. M. le ministre, distingués membres de cette commission, vous me permettrez de vous présenter les membres de la délégation de l'Ordre des optométristes. A ma droite, le Dr Claude Gareau, qui est secrétaire et directeur général de la corporation. A ma gauche immédiate, Me Daniel Lavoie, qui est conseiller juridique de notre corporation. M. le Président, comme je ne ferai pas une lecture textuelle du mémoire que nous vous avons soumis, je vous demande la permission que ce texte intégral soit déposé au procès-verbal de cette commission.

Le Président (M. Marcoux): Je présume du consentement de la commission.

M. Denault: L'Ordre des optométristes du Québec souscrit en principe à la réforme préconisée en matière de santé et de sécurité au travail, principalement en raison de l'approche globale qui touche la formation, l'information, la prévention, l'indemnisation, la réadaptation, la recherche, le conseil et les programmes de santé au travail. L'Ordre des optométristes croit que les objectifs généraux poursuivis par la politique globale de santé et de sécurité au travail sont louables et s'inscrivent, pour la plupart, au niveau des préoccupations sociales actuelles. Aussi, l'Ordre des optométristes, conscient des responsabilités qui lui sont confiées par le législateur, ne peut qu'endosser toute mesure qui tend à améliorer la protection du public. L'Ordre des optométristes est d'accord pour que tous les services de dépistage des problèmes de fonctionnement actuels et des problèmes d'apprentissage, y compris les défauts oculaires, ainsi que tous les services d'éducation préventive soient considérés comme des services d'hygiène publique, car ils impliquent l'idée de santé, de bien-être visuel, de protection contre le milieu et de prévention générale de problèmes spécifiques.

L'Ordre des optométristes estime que l'optométrie doit participer activement, au profit de la collectivité québécoise, à la réorganisation des conditions de santé et de sécurité au travail. L'optométrie joue un rôle de première importance dans le domaine de la santé publique et ressent la nécessité d'une plus grande solidarité entre les couches sociales, puis d'une participation positive à l'effort social commun. L'effort social doit, toutefois, être défini et poursuivi sur des bases scientifiques et la présence de l'optométrie est essentielle à la recherche d'une politique sociale d'ensemble à vues lointaines, ceci sans faire de jeu de mots.

La volonté de participation de l'optométrie à la planification, à l'organisation et à la définition des services de santé au travail repose sur les raisons suivantes: premièrement, le fait que l'op-tométriste soit le professionnel du domaine de la vision, qu'il agisse comme porte d'entrée du système de distribution des soins oculo-visuels et qu'il joue un rôle de professionnel de la santé à part entière; deuxièmement, l'évidence qu'une approche multidisciplinaire et la perspective d'un nouveau système intégré seraient de nature à assurer une meilleure coordination des services de santé et de sécurité au traval; troisièmement, la nécessité d'assurer aux nouvelles structures sociales une plus grande efficacité; quatrièmement,

la certitude que la qualité et la disponibilité des services visuels ne peuvent s'améliorer ou même se maintenir que dans la mesure de l'entière participation des optométristes; cinquièmement, la conviction que la formation académique et l'expérience clinique de l'optométriste lui permettent de répondre plus adéquatement à la majorité des besoins visuels de la population.

Il importe de rappeler, M. le Président, que la santé est autre chose que la stricte absence de maladie. Une bonne vision n'est pas seulement la capacité de voir clairement au loin et l'utilisation simultanée des deux yeux. Les problèmes résultant d'une atteinte moins manifeste des processus visuels demeurent souvent insoupçonnés et sont une proie facile pour une détérioration plus profonde.

Je vous rappelle l'article 17 de la Loi sur l'optométrie: "L'optométriste peut, dans l'exercice de sa profession, donner des conseils permettant de prévenir des troubles visuels et promouvoir les moyens favorisant une bonne vision".

Le programme de services de santé au travail ne touchera pas son but de préserver ou d'améliorer l'état de santé de la population ou de réduire l'importance des conséquences de la maladie s'il ne comprend pas les services visuels; et ces derniers ne sauraient être dispensés sans le concours de l'optométrie.

Sans le programme d'éducation massive sur la prévention des problèmes visuels, la société québécoise doit s'attendre à une détérioration progressive des capacités visuelles de la population. Les exigences visuelles de notre civilisation imposent un fardeau de plus en plus lourd à des mécanismes visuels moins aptes qu'auparavant à répondre à cette situation.

L'optométrie enseigne tous les éléments de l'orthoapprentissage de la vision et s'intéresse au conditionnement de l'environnement physique. L'optométrie s'occupe de prévention des accidents dans l'industrie et cette activité appartient à l'hygiène visuelle.

L'Ordre des optométristes déplore que le projet de loi no 17 affiche une orientation avant tout médicale, alors que chacun sait que le succès de ce vaste programme ne saurait se réaliser qu'avec la collaboration de tous les praticiens oeuvrant dans le domaine de la santé. Aussi apparaît-il indispensable à notre ordre professionnel que la volonté du gouvernement de développer une véritable politique de concertation s'exprime de façon plus convaincante et plus réaliste.

Enfin, l'Ordre des optométristes affirme qu'il est illusoire de croire que l'on puisse procéder à une réorientation du système si les travailleurs de la santé qui sont en partie responsables de son fonctionnement ne sont pas tous intégrés à ces processus de changement et n'y puisent pas la motivation scientifique et sociale nécessaire à la qualité des services qu'ils dispensent.

Quant à la participation de l'optométrie au réseau public de distribution des soins, les commentaires qui suivent portent sur le chapitre VIII, intitulé "Les services de santé au travail", comprenant les sections suivantes:

Section I: Les programmes-cadres et les contrats types;

Section II: Dans les établissements;

Section III: Le programme de santé au travail;

Section IV: Rôle du médecin responsable;

Section V: Le chef du département de santé communautaire.

L'Ordre des optométristes croit que l'intégration harmonieuse de l'optométrie au réseau public de distribution des soins de santé exige au départ que l'on respecte l'autonomie professionnelle et que l'on assure la liberté thérapeutique de l'optométriste.

Une étape importante à franchir en vue de l'intégration de la profession consiste à établir des centres intégrés de dispensation de soins.

L'Ordre des optométristes pense que la conception des groupes intégrés doit être confiée à des organismes ou à des personnes dont la préoccupation majeure consiste en la protection de la santé publique ainsi qu'en l'amélioration de la qualité des soins.

L'Ordre des optométristes pense que les normes de travail d'équipe et les modes de participation des professionnels ne doivent pas être élaborés unilatéralement par un seul membre de l'équipe multidisciplinaire mais bien par l'ensemble des personnes intéressées pour assurer le regroupement des professionnels et la formation professionnelle, pour faire progresser les connaissances mutuelles et pour favoriser la recherche.

Dans un centre intégré, l'optométriste doit oeuvrer comme praticien de première ligne et constituer la porte d'entrée du système de distribution de soins.

Plusieurs raisons expliquent pourquoi il est plus rationnel que les optométristes agissent comme praticiens de première ligne: a) l'incidence des déficiences visuelles est beaucoup plus élevée que l'incidence des pathologies oculaires; b)l'optométriste est en mesure d'apporter une solution immédiate aux problèmes visuels de la très grande majorité des citoyens; c)à l'instar du médecin omnipraticien, l'optométriste, dans les cas où il ne peut résoudre lui-même le problème de son patient, l'oriente vers une catégorie de professionnels spécialisés.

Pour ceux qui ont en main notre mémoire, je passe maintenant à la page 14. En ce qui concerne l'érosion en faveur du ministre des Affaires sociales des pouvoirs de contrôle de l'optométrie l'Ordre des optométristes s'oppose vivement à l'article 253 du projet de loi qui contient une nouvelle définition du mot "laboratoire" amendant ainsi la Loi de la protection de la santé publique. (17 h 30)

Le texte suggéré par cet article se lit donc comme suit: "Laboratoire: désigne un lieu aménagé hors d'un établissement pour fabriquer ou réparer des orthèses ou prothèses, pour faire des examens de biologie médicale, notamment dans

les domaines de la biochimie, de l'hématologie, de la bactériologie, de l'immunologie, de l'histopa-thologie et de la virologie, pour faire des examens radio-isotopes ou en radiologie à des fins de prévention, de diagnostic, de traitement de la maladie humaine"... C'est ici que s'ajoute cet amendement important: "... ou pour faire des examens dans les domaines de la toxicologie, de l'audiologie, de l'optométrie et de la physiologie respiratoire".

On pourrait donc nommer ici trois corporations professionnelles dont deux sont à titre réservé et une est à exercice exclusif, l'optométrie.

En vertu de cette nouvelle définition, il faut se rendre compte que, désormais, c'est l'exercice professionnel de tous les optométristes qui tomberait sous l'application de la Loi de la protection de la santé publique. En effet, autant la généralité des termes utilisés dans cet amendement, que la réalité optométrique actuelle, conduisent inévitablement à interpréter cet amendement comme assujettissant l'exercice privé de l'optométrie aux contrôles directs du ministre des Affaires sociales.

L'Ordre des optométristes s'interroge donc profondément sur les raisons qui justifient les concepteurs de ce projet de loi à substituer au régime actuel du contrôle de la qualité des actes professionnels, tel que prévu dans nos lois professionnelles, un système bureaucratique fondé sur des caractéristiques qui, par nature, sont complètement étrangères à un véritable contrôle d'actes professionnels. Cet amendement ne fait rien de moins que d'ébrécher les principes d'autoréglementation et d'autodiscipline sur lesquels sont bâties toutes les corporations professionnelles.

L'Ordre des optométristes s'interroge tout aussi sérieusement sur les raisons qui font que seule l'optométrie se retrouve comprise dans cet amendement, en plus des deux autres corporations, alors que l'exercice professionnel des médecins ophtalmologistes couvre, dans une mesure importante — près de 60%, selon nos informations en provenance de la régie — les mêmes actes que les optométristes.

Pour bien illustrer les motifs qui fondent l'Ordre des optométristes à contester la pertinence de cet amendement, qu'il suffise de rappeler les principales dispositions de la Loi de la protection de la santé publique et du règlement général qui s'y greffe autour des cinq constatations suivantes: Duplication en faveur du ministre des Affaires sociales des responsabilités concernant la distribution et la surveillance des services optométri-ques dispensés dans l'intérêt public.

En effet, alors que l'Ordre des optométristes s'est vu confier, par le législateur, la responsabilité d'assurer la protection du public, le paragraphe a) de l'article 2 de la Loi de la protection de la santé publique prévoit que le ministre des Affaires sociales a pour fonction: "... de coordonner les mesures de protection de la santé publique, ainsi que la distribution et la surveillance des services relatifs à cette protection".

Duplication en faveur du ministre des Affaires sociales des pouvoirs de contrôle visant à limiter la liberté d'exercice et l'autonomie professionnelle des optométristes. Les articles 25 à 35 de la Loi de la protection de la santé publique prévoient une procédure d'émission de permis annuel obligatoire pour toute personne qui exploite un laboratoire.

Le ministre des Affaires sociales accorde ce permis si le requérant remplit toutes les conditions prévues aux règlements.

Les articles 28 et 30 donneraient même au ministre des Affaires sociales le pouvoir de limiter la liberté d'exercice des optométristes en répartis-sant géographiquement leur lieu d'exercice. Ainsi, à l'article 28: "Une personne qui sollicite un permis de laboratoire doit de plus indiquer dans sa demande le lieu où doit être situé ce laboratoire".

A l'article 30: "Nonobstant le premier alinéa, le ministre peut refuser toute demande de permis de laboration, s'il estime que les besoins de la région où doit être situé ce laboratoire ne le justifient pas.

Quant au contenu actuel du deuxième alinéa de l'article 30, il permettrait seulement aux optométristes qui pratiquaient à la date d'entrée en vigueur de cette loi, à savoir le 17 avril 1974, de bénéficier automatiquement d'un premier permis d'opération, laissant ainsi pour compte les optométristes qui ont commencé à pratiquer après cette date. L'article 7.008 du règlement obligerait tout optométriste à se prémunir d'une assurance-responsabilité personnelle d'au moins $1 million, alors que cette obligation est de $500 000 en vertu des dispositions propres à la Corporation professionnelle des optométristes.

En incluant l'optométrie tout entière dans la définition du mot "laboratoire", le gouvernement juxtapose et, dans certains cas, contredit les dispositions réglementaires de l'Ordre des optométristes adoptées en vertu des pouvoirs que lui reconnaît la loi 250, intitulée Code des professions, en matière de tenue de bureau, de délivrance de permis, d'assurance-responsabilité obligatoire aux paragraphes b), i) et I) de l'article 92.

Enfin, face aux conditions rattachées à l'émission d'un permis d'exercice dans le régime des lois professionnelles actuelles, il faut souligner la distorsion qui s'établirait par l'effet de cet amendement selon que l'on ait à considérer chez le même optométriste le permis d'exercice professionnel et le permis prévu à la Loi de la protection de la santé publique. Alors que le premier permet un exercice professionnel extensif que seuls des contrôles disciplinaires ou d'inspection peuvent limiter de façon quasi judiciaire, le second n'autoriserait que certaines activités, ne serait émis que pour douze mois et resterait à la merci d'un processus purement administratif.

Il y aurait duplication en faveur du ministre des Affaires sociales des pouvoirs de contrôle de la qualité optométrique. L'article 33 de la Loi de la protection de la santé publique soumet tout détenteur de permis à des obligations spécifiques concernant la tenue de ses livres de comptabilité, alors que l'article 8.002 du règlement prescrit l'obligation d'inclure dans le dossier du bénéficiai-

re certains renseignements obligatoires. L'Ordre des optométristes rappelle que son bureau a déjà adopté un règlement concernant la tenue de dossiers en vertu des pouvoirs que lui reconnaît le Code des professions.

Quant aux pouvoirs d'enquête que possède le ministre des Affaires sociales en vertu des articles 46 à 49 de la Loi sur la protection de la santé publique et qui l'autorisent "à enquêter sur toute matière de sa compétence," ils viendraient directement en opposition avec ceux qui sont reconnus aux corporations professionnelles dans le régime des lois actuelles et qui justifient ces dernières à soumettre leurs membres à l'inspection et à la discipline professionnelles.

Il y aurait duplication en faveur du ministre des Affaires sociales des pouvoirs de réglementer l'exercice de l'optométrie. En plus du très vaste pouvoir résiduaire laissé au ministre des Affaires sociales et qui lui permet par règlement, "de prescrire toute mesure utile à la mise en application de la présente loi," tel que prévu au paragraphe t) de l'article 50 de la Loi de la protection de la santé publique, ce dernier a aussi, en vertu du paragraphe a), le pouvoir de déterminer, entre autres choses, les normes concernant le fonctionnement d'un laboratoire. Et l'article 50, paragraphe a) se lit: "déterminer, après consultation du Bureau provincial de médecine, les normes d'équipement, de fonctionnement technique et de salubrité de tout laboratoire et de la qualité du personnel y employé, pour fins de la sécurité de la personne humaine." On aura saisi l'absurdité créée ici par l'amendement suggéré conduisant à faire de la Corporation professionnelle des médecins le consultant privilégié du ministre quand il s'agira de déterminer les normes d'équipement, de fonctionnement, de salubrité, ainsi que la qualité du personnel d'un bureau privé d'optométristes.

Le paragraphe i) qui prévoit que la Corporation professionnelle des médecins doit être consultée par le ministre des Affaires sociales dans le but de lui permettre de fixer "les normes d'opération et de contrôle des appareils émetteurs de rayons utilisés dans tous les lieux où sont exercées des opérations ou activités pour lesquelles un permis est exigé," soulève ici le même commentaire.

Enfin, l'Ordre des optométristes attire l'attention sur le fait que le paragraphe c) permet au ministre de "déterminer les conditions que doit remplir toute personne qui sollicite un permis, "y compris, dans le cadre de l'amendement suggéré, un optométriste, alors que sont exclues expressément les personnes exploitant "un laboratoire pour examens en radio-isotopes ou en radiologie à des fins sanitaires."

Il y aurait duplication en faveur du ministre des Affaires sociales des pouvoirs de contrôle de la publicité faite par un optométriste.

Le premier alinéa de l'article 8.001 du règlement prévoit que: "Une liste des types d'examens et analyses faits dans un laboratoire, ainsi que du prix exigé au moment de la demande de permis pour chaque type d'examen ou analyse non assuré par la Loi de l'assurance-automobile, 1970, chapitre 37, doit accompagner toute demande originelle ou de renouvellement de permis."

L'Ordre des optométristes rappelle qu'il a le devoir et qu'il a effectivement adopté un règlement concernant la publicité que peuvent faire ses membres.

L'article 90: "Le bureau doit déterminer — en vertu du Code des professions — par règlement, les éléments qu'un professionnel peut mentionner au public dans sa publicité et les conditions suivant lesquelles il peut faire cette publicité."

M. le Président, voilà les commentaires que soulève cet article 253, en particulier, paragraphe b) et l'amendement fondamental qui est suggéré. Nous osons croire qu'il s'agit là d'une erreur qui autrement, ne s'expliquerait pas, où nous n'avons pas réussi, à ce jour, à obtenir de réponse quant à l'inclusion des examens d'optométrie au niveau de la définition d'un laboratoire.

Le Président (M. Marcoux): M. le ministre.

M. Marois: M. le Président, je voudrais remercier la Corporation professionnelle des optométristes du Québec de son mémoire. Je prends acte, bien sûr — au fond, vous l'évoquez dans votre mémoire — de votre accord fondamental avec, non seulement les objectifs, l'approche, mais l'essentiel de la réforme qui est proposée, et aussi de cette volonté, que vous nous affirmez, d'y contribuer le plus efficacement possible.

M'accrochant essentiellement à cela, sans reprendre tous les éléments, peut-être en touchant au moins à deux des points clé de votre mémoire, et en étant très clair, je pense, d'une part, que les modifications que vous demandez — pour vous permettre de contribuer le plus efficacement possible à la réforme en question — au règlement de la Loi sur les services de santé et les services sociaux, cela concerne en partie la réforme, mais vous conviendrez avec moi que cela concerne aussi un bon nombre d'autres dimensions. Je ne suis pas certain, mais je vais l'examiner au mérite: que le projet de loi no 17 soit le lieu indiqué pour faire ce genre de modification, ce qui n'exclut pas que soient acheminés à la place où doivent l'être les éléments contenus dans votre mémoire. De toute manière, ce sera regardé très attentivement.

Pour ce qui est de la place des optométristes au sein des services de santé au travail, dans le cadre de l'approche et du concept global de santé publique dont on a parlé depuis hier matin, vous pourrez certainement être appelé à y jouer un rôle, et je peux vous dire tout de suite qu'en ce qui me concerne j'ai bien l'intention de demander qu'on apporte les modifications en conséquence à l'article 85. En d'autres termes, l'article 85, médecin responsable, il va falloir y introduire probablement — je ne sais pas comment, c'est simplement une question de jargon juridique cohérent, par ailleurs — il faudra l'élargir à l'ensemble des professionnels dans le domaine de la santé. Je peux vous dire tout de suite que je vais demander à l'équipe qui travaille avec moi là-dessus de préparer l'amendement requis.

Deuxièmement, en ce qui concerne l'article 253, j'avais eu l'occasion de lire votre mémoire et je dois vous dire que, d'une part, on amende l'article 1 de la Loi de la protection de la santé publique en y ajoutant, au fond, les deux dernières lignes: Ou pour faire des examens dans les domaines de la toxicologie, de l'audiologie, de l'optométrie et de la physiologie respiratoire. Ce qui ouvre, comme on le sait, en vertu de la Loi de la protection de la santé publique, un pouvoir d'inspection, notamment.

Je peux vous dire tout de suite que j'ai lu votre mémoire très attentivement, parce qu'il y a une argumentation très étoffée sur la position que vous avez défendue aujourd'hui, encore de façon très étoffée et très sérieuse. J'avais demandé qu'on fouille cette affaire-là pour me faire rapport. Il n'était certainement pas question d'accorder des pouvoirs accrus au ministère des Affaires sociales pour contrôler l'optométrie, pas du tout, certainement pas. (17 h 45)

Mais je ne suis pas sûr que la meilleure voie a été choisie, je suis même convaincu que c'est la mauvaise qui a été prise, pour être très clair. C'est simplement, comme le ministre des Affaires sociales l'a fait, c'est sa responsabilité, en accord avec les règles qui régissent le fonctionnement de toutes les professions, pour être en mesure de répondre aux recommandations que la Commission québécoise de la santé et de la sécurité du travail pourrait lui faire en vertu de l'article 129, paragraphe 12, qui précise que le ministre des Affaires sociales, comme il l'a fait pour les radiologistes, s'assure de la qualité du personnel employé, de l'équipement, des locaux utilisés aux fins des services de santé du travail.

Je me rends parfaitement compte comme vous que ça signifie l'introduction, tel que formulé là, de la visite, de l'inspection dans vos laboratoires privés. Je vais demander qu'on le regarde de très près; je suis enclin à penser que vous avez raison et je suis enclin à penser, sous réserve d'une dernière vérification, que l'expression "de l'optométrie" doit être biffée de ce bout de l'article.

Cependant, il n'en va pas de même — je vais être très clair là-dessus — pour les domaines de la toxicologie, de l'audiologie. Dans le cas de l'audiologie, vous savez probablement comme moi qu'il circule maintenant au Québec des roulottes mobiles dont on nous dit, après vérification, que dans certains cas — il suffit qu'il y ait certains cas, c'est déjà de trop — les cabines sont mal insonorisées, l'équipement, l'appareillage utilisé est inadéquat, non conforme aux règles élémentaires de l'éthique normale de la profession,. Sans compter que, quelquefois, le personnel n'a pas les qualifications requises. Les citoyens sont en droit, hommes et femmes qui sont au travail, d'être protégés.

Il est hors de question de retirer l'audiologie, il est hors de question de retirer les domaines de la toxicologie, parce que, là aussi, il y a une kyrielle d'entreprises privées qui se développent dans ce domaine où se posent, analogiquement, les problèmes que j'ai évoqués pour l'audiologie.

Dans le cas de l'optométrie, le problème ne se pose pas du tout en ces termes et je pense que vous avez parfaitement raison de faire valoir ce point. Soyez assurés que, non seulement j'en ai pris bonne note, je pense que ça n'a pas sa place là, mais, par ailleurs, je pense que vous comprenez avec moi qu'il faut cependant aussi — on verra comment ça peut être fait de façon normale — que le ministre des Affaires sociales puisse assumer les responsabilités et les commandes qui pourraient lui venir de la commission en vertu du paragraphe 12 de l'article 129.

Voilà, M. le Président, les commentaires que je voulais faire. Je remercie la Corporation professionnelle des optométristes du Québec d'avoir attiré notre attention là-dessus et je pense que c'est une excellente chose, parce que ça permet de... Il y a assez de problèmes à corriger, sans faire exprès pour s'en créer des additionnels, quand ils n'existent pas surtout.

Le Président (M. Marcoux): Est-ce que vous avez des commentaires, M. Denault?

M. Denault: M. le Président, je voudrais bien que, s'il y a une reformulation, dans laquelle l'optométrie serait impliquée, que ce soit d'abord un mécanisme de consultation élémentaire de base qui pourrait vous aider positivement à chercher une solution à la situation qui est déplorée actuellement.

Vous avez parlé, M. le ministre, de laboratoires privés, tantôt; vous avez dit qu'en ce qui concerne les laboratoires privés, il y aurait, semble-t-il, à moins que j'aie mal compris, des normes d'inspection qui seraient inhérentes à ces laboratoires. A moins que vous n'ayez confondu un bureau d'optométriste avec un laboratoire...

M. Marois: Je m'excuse, je ne parlais pas de l'optométrie. Quand j'ai fait état de ça, je parlais de l'audiologie, je parlais du domaine de la toxicologie.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Portneuf.

M. Pagé: M. le Président, très brièvement, je me limiterai à remercier la Corporation professionnelle des optométristes du Québec pour la présentation de son mémoire. Elle a eu l'occasion, ainsi, de porter à l'attention, et du gouvernement et de la commission parlementaire, des aspects particuliers des implications de nos lois, particulièrement ce que pouvait comporter le projet de loi no 17 et des inquiétudes que ça pouvait susciter chez vous. Il va de soi que nous sommes convaincus que vous vous devez d'être associés, comme professionnels, à toute démarche visant à améliorer la condition de santé et de sécurité au travail.

Plusieurs des points spécifiques que vous avez mis en relief nous ont intéressés particuliè-

rement et nous aurons l'occasion — vous pourrez le constater — de porter ces faits particuliers à l'attention de la commission, lors de l'étude du projet de loi article par article, compte tenu des amendements et des modifications qui seront apportés, par le gouvernement, entre-temps, dans le projet de loi et dans tout ce que ça peut impliquer. Merci de votre présentation.

M. Denault: Si je puis faire un dernier commentaire, M. le Président. Je veux bien souligner — je pense que les membres de la commission et M. le ministre en ont pris note — que l'optométrie, étant absente du réseau de distribution des services de santé et des services sociaux, tel que prévu actuellement dans le projet de loi no 17, est complètement en dehors du circuit permettant à l'optométrie d'oeuvrer dans le domaine de la sécurité au travail.

M. Marois: C'est pour ça, si vous permettez, que j'ai dit que si on voulait faciliter cette implication, cette participation, il faudrait probablement retravailler — c'est une hypothèse — la formulation de l'article 85, rouvrir cette formulation. C'est une hypothèse, mais je pense que vous avez bien fait valoir votre point de vue et soyez assurés qu'on va regarder ça très attentivement.

Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie au nom de tous les membres de la commission. J'inviterais maintenant...

M. Denault: Moi aussi, M. le Président, je remercie tous les membres de la commission.

Association des infirmières et infirmiers en santé du travail du Québec

Le Président (M. Marcoux): J'inviterais maintenant les membres de l'Association des infirmières et infirmiers en santé du travail du Québec à venir nous présenter son mémoire. Mme Germaine Painchaud, si vous voulez nous présenter vos collègues.

Mme Painchaud (Germaine): A l'extrême gauche, Mme Francine Barbeau. Mme Mariette Gemme et, à ma droite, Mme Louise Thibault. Mme Thibault va vous donner le texte.

Mme Thibault (Louise): M. le ministre, j'espère qu'on m'entend bien. M'approcher encore un peu, cela va?

Le Président (M. Marcoux): Cela va.

Mme Thibault: Encore, cela va? M. le ministre, M. le Président, messieurs. Le gouvernement a décidé d'agir dans le domaine de la santé et de la sécurité au travail, et nous en sommes heureuses. Cette intervention s'imposait depuis longtemps. Nous sommes d'accord avec les grands principes qui ont présidé à l'élaboration d'une politique visant à éliminer les causes d'accidents de travail et les maladies professionnelles. La sensibilisation des employeurs et des employés à protéger et à conserver leur santé et la création de mécanismes de participation et de contrôle nous apparaissent une formule adéquate. Toutefois, nous regrettons de constater à nouveau que le rôle et les fonctions de l'infirmière, et plus particulièrement de l'infirmière oeuvrant en santé du travail, soient méconnus et donc passés sous silence. Même si les infirmières sont présentes dans ce milieu de travail depuis de nombreuses années, y exerçant leur profession à part entière, les responsables chargés de la préparation de ce projet de loi n'ont en aucun moment pensé à les consulter. Dans les circonstances, il nous paraît essentiel de définir notre rôle et nos fonctions afin d'apporter une contribution réaliste à ce projet de loi qui prône la promotion de la santé et qui en oublie les principaux artisans et, par le fait même, crée une injustice envers les pionnières et toutes les infirmières oeuvrant en santé du travail.

L'Association des infimières et infirmiers en santé du travail du Québec a l'intention de poursuivre des démarches tant et aussi longtemps que ses membres n'obtiendront pas justice pour elles tout autant que pour le travailleur impliqué.

L'Association des infirmières et infirmiers en santé du travail du Québec Incorporée est un organisme regroupant la majorité des 502 infirmières et infirmiers oeuvrant en santé du travail au Québec. Le nombre semble peu, mais leur impact est très grand, malgré le peu d'intérêt, voire même la dévalorisation envers ce secteur de la santé.

Les services de santé où ces infirmières et infirmiers oeuvrent desservent des centaines de milliers de travailleurs dans les industries, commerces, collèges, universités et centres hospitaliers. Fréquemment, ces infirmières et infirmiers travaillent isolés de leurs collègues et souvent sont les seuls professionnels de la santé sur place. Quelque diversifié et individualiste que soit leur lieu de travail, ces professionnels de la santé ont des intérêts communs en ce qui concerne la santé au travail.

Dispersés aux quatre coins du Québec, les membres de notre association ont reconnu le bien-fondé de se regrouper afin de créer un lien entre eux, de promouvoir et de maintenir la qualité des services professionnels dispensés aux travailleurs, de définir leurs besoins, de favoriser l'élaboration de normes éducatives et de programmes de santé en milieu de travail et aussi de sensibiliser les universités aux besoins de formation plus poussée des infirmières et infirmiers oeuvrant en santé du travail.

Dans un programme de santé au travail, l'infirmière et l'infirmier ont des fonctions très spécifiques. Ces derniers assurent la continuité, l'accessibilité, l'acceptabilité et l'efficacité des services tant au niveau de la promotion de la santé, de la prévention de la maladie, du traitement que de la réadaptation.

Les services de santé ont pour but de promouvoir, de conserver et d'améliorer la santé des travailleurs dans leur milieu de travail.

L'acte infirmier, tel que défini à l'article 36 (chapitre 48 des Lois de 1973) de la Loi des infirmières et infirmiers du Québec, ont dit ceci: "Constitue l'exercice de la profession d'infirmière et d'infirmier tout acte qui a pour objet d'identifier les besoins de santé des personnes, de contribuer aux méthodes de diagnostic, de prodiguer et contrôler les soins infirmiers que requiert la promotion de la santé, la prévention de la maladie, le traitement et la réadaptation, ainsi que le fait de prodiguer des soins selon une ordonnance médicale".

On peut donc définir le nursing en santé du travail comme suit: Le nursing en santé du travail est l'application des principes de nursing dans le maintien de la santé des travailleurs de toute nomination. Il implique donc la prévention, la reconnaissance et le traitement de la maladie et des blessures et la réadaptation. Il requiert des aptitudes et des connaissances dans tes secteurs de la santé, de l'éducation, du "counselling", des relations humaines, ainsi que de l'hygiène des milieux.

L'infirmière est la personne clé du système de santé au travail. Ses responsabilités sont influencées par les modalités courantes des services de santé, de la législation, des facteurs économiques et sociaux. L'infirmière ou l'infirmier n'est redevable au médecin que pour la fonction de prodiguer des soins selon une ordonnance médicale, telle que décrite à l'exercice infirmier, et à la direction en ce qui concerne l'administration. (18 heures)

L'objectif de l'infirmière travaillant en tant que membre de l'équipe de santé au travail est la promotion et le maintien de la santé physique et mentale du travailleur, la prévention de la maladie et la réhabilitation du malade ou du blessé. Eh bien! afin de réaliser cet objectif, l'infirmière en santé du travail doit composer aussi bien avec les conditions du milieu de travail qu'avec les exigences physiques et mentales des tâches particulières à chaque individu.

L'accent est mis sur la prévention, l'éducation et le "counselling", qui sont implicites à cette approche.

Le nursing en santé du travail demande des connaissances et des aptitudes du pratiquement toutes les spécialités, en tenant compte de l'entité biopsychosociale de la personne, soit en maladies cardio-vasculaires, respiratoires, rénales, en nutrition, soit en premiers soins aux blessés, aussi en diabète, en psychopathie, et on pourrait en nommer tant d'autres. Ces connaissances et ces aptitudes seront de divers degrés selon les responsabilités du poste qu'occupe l'infirmière et selon la complexité de l'entreprise.

Tel que déjà mentionné, l'infirmière est membre de l'équipe de santé au travail. Elle travaille en étroite collaboration avec le médecin, l'hygiéniste, le conseiller en prévention, les travailleurs et les responsables de l'administration de l'entreprise, équipe de base normalement constituée. Bien que l'infirmière soit la personne prédominante des services de santé, en santé du travail, les méde- cins, les hygiénistes, les spécialistes en sécurité, ergonomistes, toxicologues et autres spécialistes ont aussi des fonctions spécifiques et un rôle particulier dans l'équipe. En résumé, de par sa formation, l'infirmière estime pouvoir assumer pleinement son rôle en tant que professionnelle de la santé, étant la personne ressource déterminante pour identifier et évaluer les besoins de l'individu dans son entité bio-psychosociale. En collaboration avec les travailleurs de l'équipe de santé du milieu, l'infirmière planifie des rencontres éducatives de groupe ou individuelles sur des sujets de santé et de sécurité au travail, telles les intoxications industrielles, les maladies professionnelles, l'alcoolisme, la nutrition etc. Elle planifie des services de distribution de soins mineurs d'urgence et détermine la continuité des soins infirmiers. Elle est aussi appelée à favoriser l'expression des besoins et des attentes des employeurs, des employés et de la famille concernant la santé au travail, à encourager la participation de l'employé aux activités éducatives et récréatives offertes dans le milieu de travail. De plus, elle est appelée à informer l'employeur et les employés des problèmes de santé occasionnés par le milieu de travail et à se préoccuper des conditions d'hygiène du milieu. Donc, l'infirmière étant la personne clé pour identifier les besoins de santé du travailleur, ceci relié à la continuité des services qu'elle rend et étant également au centre où convergent les diverses données reliées à la santé et au bien-être du travailleur, nous recommandons qu'elle puisse participer aux réunions du comité de santé et de sécurité à titre de consultante. Nous souhaitons voir apparaître dans le texte du projet de loi, ce qui suit. Chapitre IV, article 60: "Le comité de santé et de sécurité peut s'adjoindre les personnes compétentes jugées nécessaires à la réalisation de son mandat."

Nous souhaitons aussi voir apparaître dans le texte ce qui suit. Chapitre IV, article 93: "L'infirmière doit élaborer, en consultation avec l'employeur, le comité de santé et de sécurité, les autres professionnels de la santé comme personnes-ressources, un programme de santé spécifique à l'établissement, et voir à sa mise en application. Selon le projet de loi, le rôle du département de santé communautaire est de voir à la mise en application des programmes de santé, chapitre VIII, article 100. De plus, il prône la prise en charge par le CH-DSC, du personnel professionnel, technique et de bureau. Le champ d'action du département de santé communautaire va de la périnatalité à la gériatrie. La santé au travail en est donc un secteur parmi tant d'autres.

Nous sommes en désaccord avec l'article 84, paragraphe 2, pour les raisons suivantes. Premièrement, le fait d'être rémunéré par un CH-DSC implique que l'infirmière en santé du travail devienne partie intégrante du même CH-DSC et donc soumise aux contraintes syndicales, aux contraintes d'ancienneté et aux autres contraintes d'équipe volante et à plusieurs autres. Cette politique est impensable en santé du travail puisque le rôle primordial de l'infirmière est d'assurer la continui-

té des soins au sein de l'entreprise, de la mise en application des programmes, du contrôle et de la relance.

Deuxièmement, l'infirmière en santé du travail se doit de créer un climat de confiance et de crédibilité. Pour cela, il importe d'établir des contacts permanents avec les personnes avec lesquelles elle travaille. Si on exige d'elle la mobilité, comment l'infirmière pourra-t-elle connaître adéquatement le fonctionnement de l'entreprise, le milieu de travail, les agents agresseurs ainsi que les besoins individuels des employés?

Donc, cette confiance et cette crédibilité, elle peut les obtenir plus facilement et plus concrètement en tant que membre du personnel de l'entreprise au même titre que tous les employés, plutôt que comme membre du CH-DSC. Dans ce dernier cas, elle sera considérée comme une étrangère par les autres membres de l'entreprise.

En troisième lieu, l'infirmière n'est pas limitée à donner les premiers soins. L'essentiel de son travail est orienté vers l'éducation, le "counselling " et la prévention. Préparer des programmes, c'est facile, mais encore faut-il pouvoir les appliquer en respectant aussi diverses situations et contraintes du milieu telles que les horaires de travail, la disponibilité du personnel, etc., d'où l'importance de la collaboration de tous les services de l'entreprise. Il est donc très important qu'elle ne soit pas sortie du contexte du milieu de travail.

Quatrièmement, un autre facteur aussi très important impliquant la collaboration des membres de l'entreprise consiste dans la relation d'aide que l'infirmière doit apporter à l'employé concernant divers besoins psychosociaux reliés soit à la mutation de tâches à cause d'une maladie personnelle ou professionnelle, soit à divers problèmes familiaux, soit aux toxicomanies et à plusieurs autres raisons, d'où l'importance de sa permanence aux soins de cette entreprise.

En cinquième lieu, il y a les difficultés accrues de communication avec le DSC à cause de l'éloi-gnement de ce dernier dans plusieurs régions de la province — par exemple, le chantier LG-2 relève du DSC de l'hôpital du Sacré-Coeur de Cartierville, Hâvre Saint-Pierre, du DSC de Haute-Rive.

Sixièmement, il y a la perte de droits acquis et la perte de postes par mutation à cause des contraintes syndicales qui assurent les droits d'ancienneté du personnel hospitalier, le DSC étant partie intégrante d'un centre hospitalier, par exemple, affichage de postes à l'hôpital impliquant la mutation d'infirmières en santé du travail déjà en poste vers un autre secteur du CH-DSC.

En somme, pour toutes ces raisons, l'infirmière ou l'infirmier en santé du travail doit demeurer membre à part entière de l'équipe de santé au travail et doit avoir l'autonomie nécessaire pour être en mesure d'élaborer des programmes d'éducation-santé ou de prévention et avoir des budgets suffisants pour les réaliser. L'Association des infirmières et infirmiers en santé du travail souhaite que le département de santé communautaire soit un organisme de ressources complémentaire pour les infirmières et les infirmiers oeuvrant dans le milieu de la santé au travail. En conséquence, nous proposons ce qui suit: que l'infirmière ou l'infirmier demeure autonome dans son milieu de travail, qu'il ou qu'elle demeure partie intégrante de l'entreprise, que son travail soit évalué par ses pairs, qu'il ou qu'elle soit responsable à part entière de l'exercice infirmier dans son milieu.

Pour ce qui est du ratio infirmière/employés, l'Association des infirmières et infirmiers en santé du travail du Québec trouve irréaliste le ratio qui avait été proposé dans le livre blanc sur la santé et sécurité au travail qui disait ceci: Compte tenu des disponibilités en main-d'oeuvre spécialisée, de la structure de dispensation des services de santé au Québec et de l'accent que le gouvernement veut mettre sur l'implication du milieu, il semble réaliste de proposer un rapport d'un médecin pour 4000 travailleurs et d'une infirmière pour 1000 travailleurs.

Nos voisins du sud, les Etats-Unis, proposent un rapport d'une infirmière par 300 employés, deux infirmières ou plus jusqu'à 600 employés et trois infirmières ou plus jusqu'à 1000 employés, une infirmière pour chaque 1000 employés additionnels, jusqu'à 5000. Le nombre d'infirmières doit être en fonction du genre d'entreprises et du nombre de travailleurs. L'Association des infirmières et infirmiers en santé du travail du Québec propose que le rapport infirmière/employés soit déterminé selon les besoins et les risques spécifiques des entreprises et selon le territoire que doit desservir l'infirmière.

Industrie primaire: une infirmière pour 250 employés, industrie secondaire: une infirmière pour 350 employés, industrie tertiaire: une infirmière pour 550 employés. Une infirmière additionnelle par nombre doublé. Des infirmières supplémentaires peuvent être requises pour desservir les équipes du soir et de nuit dans certaines industries à risque et selon l'étendue du territoire à desservir et des disponibilités des services hospitaliers, par exemple, le règlement 33, article 4, de la Commission des accidents du travail.

Nous croyons être réalistes en proposant ce rapport qui nous permettra de continuer à donner les services auxquels la population des travailleurs a droit.

Voici nos recommandations: l'Association des infirmières et infirmiers en santé du travail du Québec Inc, recommande, premièrement, que l'infirmière ou l'infirmier en santé du travail conserve son autonomie et demeure intégré à l'entreprise pour laquelle il ou elle travaille.

Deuxièmement, que l'infirmière ou l'infirmier soit membre à part entière de l'équipe de santé du travail et participe toujours, comme tel, à l'élaboration des programmes de santé et à leur mise en application.

Troisièmement, que l'infirmière ou l'infirmier participe aux réunions du comité de santé et de sécurité à titre de consultant.

Quatrièmement, que le ministère tienne compte de notre proposition concernant le rapport infirmiers-employés.

Cinquièmement, que le rôle du département de santé communautaire en soit un d'application, de surveillance, de contrôle et de support dans la mise en application des programmes. De plus, qu'il soit l'organisme des ressources complémentaires pour les infirmières et infirmiers.

Sixièmement, que les infirmières et infirmiers actuellement en service dans les industries, commerces et autres entreprises conservent leur poste actuel et leurs droits acquis.

En terminant, M. le ministre, M. le Président, Messieurs, l'Association des infirmières et infirmiers en santé du travail du Québec vous remercie de l'avoir entendue. Elle espère que des actions seront prises et tient à vous assurer de son entière collaboration.

Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie beaucoup. M. le ministre. (18 h 15)

M. Marois: M. le Président, nous devons remercier l'Association des infirmières et infirmiers du Québec de son mémoire. Je voudrais dire à ses représentants que toutes et chacune des recommandations du mémoire seront examinées très attentivement. Etant donné l'heure, forcément, vous avez soulevé un certain nombre de questions sur lesquelles j'aurais aimé intervenir peut-être un peu plus longuement que je vais me le permettre. Je vais essayer de me discipliner pour donner le maximum de chances aussi à mes collègues de faire des commentaires et poser des questions.

Vous me permettrez, d'abord, de faire une première remarque qui concerne une de vos recommandations, je crois que c'est la première recommandation qui concerne la possibilité que le Comité de santé et de sécurité puisse s'adjoindre des personnes compétentes, qu'on ouvre cette possibilité pour que les infirmiers et les infirmières du Québec puissent être pleinement associés. Je pense que j'ai déjà eu l'occasion d'évoquer au cours des discussions, depuis le début de nos travaux, que si le texte actuel de la loi, bien que nous on croyait que sur le plan juridique, c'était la seule interprétation qui était possible de lui donner, que cela allait de soi. Mais des fois, ce qui va de soi, il vaut mieux le préciser. Donc, on va regarder cette possibilité, mais dans notre esprit il est déjà très clair que le texte tel qu'il est libellé présentement permet cette possibilité. Si à l'analyse, il faut revoir le texte, apporter un amendement pour que le texte ne puisse pas prêter à une autre interprétation que celle-là, on va le faire très volontiers.

Ceci étant dit, il y a une série de recommandations qui concernent le problème de l'intégration des infirmiers et infirmières en santé au travail aux CH-DSC. Vous avez fait un certain nombre d'affirmations que vous reprenez dans votre mémoire aujourd'hui. Je ne veux pas m'étendre longuement, encore une fois, mais je me demande sur quoi vous les fondez. J'ai essayé honnêtement de lire attentivement le mémoire, comprendre votre approche, mais j'avoue en toute honnêteté que je ne réussis pas vraiment à cerner les raisons fondamentales qui vous amènent à soutenir des affirmations dans le genre: les infirmiers et infirmières vont être sortis du milieu de travail; les infirmiers et infirmières vont devenir en quelque sorte des étrangers. Je pense que vous utilisez l'expression "étrangère". Je ne vois pas en quoi le fait d'une relation salariale différente, administrative différente de celle qui existe présentement, en quoi il y a une équation automatique entre cela et une affirmation qui tendrait... On a reçu des commentaires analogues de médecins, par exemple, dans le cas de ce qu'on appelle les médecins de compagnies. Il est hors de question, dans notre esprit, mais hors de question de rayer de la carte les infirmiers et infirmières dans le domaine de la santé au travail. Bien au contraire. Il est hors de question de sortir du milieu de travail les infirmiers et infirmières. Bien au contraire.

Vous avez cité le livre blanc. Vous auriez pu aussi prendre un autre passage du livre blanc dans lequel on disait, sur la base d'évaluation et de chiffres qui étaient à notre disposition, qu'on évaluait à peu près à 600 le nombre d'infirmières qui oeuvraient à plein temps dans le domaine de la santé au travail et que, selon nous, il fallait, dans le cadre de certaines hypothèses, il fallait aller vers quelque chose comme — un ordre de grandeur — l'équivalent à temps plein de 1140. Ce qui ne veut pas dire 1140 à temps plein. C'est forcément un peu moins, mais c'est déjà quand même beaucoup plus. En d'autres termes, il faut non seulement réduire, il faut augmenter. Il faut assurer une meilleure présence encore dans les milieux de travail. Donc, je ne vois pas qu'il y ait là équation automatique entre des affirmations comme celle-là et l'intégration aux CH-DSC.

D'autre part, vous me permettrez, sans abuser, M. le Président, du temps, de rappeler l'expérience de l'intégration des infirmières en santé scolaire qui, initialement, étaient à l'emploi des commissions scolaires et qui ont été intégrées aux CH-DSC du territoire sans pour autant, que je sache, que leur lieu de travail aujourd'hui ne soit plus l'école.

Ces infirmières sont toujours dans le milieu scolaire, sans pour autant réduire le nombre. Bien au contraire. Je crois que vous savez comme moi qu'effectivement le nombre d'infirmières dans le domaine scolaire, depuis l'intégration au CH-DSC, a augmenté. L'intégration s'est faite — vous le savez — suivant des protocoles bien définis et acceptés par toutes les parties en présence et qui respectaient — une des choses que vous demandez et je crois que c'est fondé — l'autonomie professionnelle et les droits acquis. Donc, j'aimerais vous entendre commenter de façon additionnelle peut-être et essayer de me démontrer... Je veux bien être très ouvert, mais j'avoue honnêtement — je dois dire franchement les choses comme je les perçois — qu'après analyse je ne suis pas convaincu de la démonstration que vous faites sur ce plan.

Quant à l'encadrement professionnel, vous recommandez que le travail ne soit évalué que par

les pairs et que vous soyez responsables à part entière de l'exercice infirmier dans le milieu. Encore là, il me semble que rien, dans le système hospitalier actuel, ne s'oppose à ces recommandations. La direction des soins infirmiers d'un centre hospitalier désigné pour accueillir un département de santé communautaire demeure toujours responsable de l'évaluation de l'acte infirmier, qu'il soit posé à l'intérieur des limites géographiques du centre hospitalier ou dans un de ses points de service, que je sache. Ni l'économie générale du projet de loi 17 ni la lettre ne viennent modifier cela. Il se peut cependant que cela suppose, et on va le regarder de très près, certains ajustements — on l'a évoqué en cours de route — à l'article 90 notamment; s'il le fallait, soyez assurés qu'on va le faire.

Voilà, M. le Président, les quelques commentaires et questions que je voulais faire au point de départ.

Le Président (M. Marcoux): Y a-t-il des commentaires? Oui, oui, allez-y.

Mme Painchaud: J'aimerais reprendre un peu les commentaires de M. le ministre au sujet, par exemple, de l'incompréhension ou les affirmations, peut-être, qu'on a apportées vis-à-vis de l'aspect de l'intégration. En fait, nous avons fait des rencontres avec pratiquement la très grande majorité des infirmières au Québec à ce sujet. Enfin, c'est ce qui ressort de l'opinion de la majorité des infirmières. Il est bien sûr qu'il y a un changement qui s'amène. Il est bien sûr qu'il y a une résistance qui peut se faire au changement, mais, derrière cela, il y a aussi des raisons qui peuvent être très valables. Quand on dit que l'infirmier ou l'infirmière est isolé, seul, il va peut-être se rapprocher, mais il n'en demeure pas moins qu'à l'intérieur du milieu où il ou elle travaille il n'y a pas toujours un collègue à côté de lui. Il n'y a pas toujours les personnes-ressources présentes. Cela a créé cet aspect difficile quand on parle d'un CH-DSC qui est à des centaines de milles. Cela crée cette espèce de besoin de s'accrocher quelque part à quelque chose.

M. Marois: Je m'excuse de vous interrompre. Me permettriez-vous une simple question? Je ne sais pas si vous avez le chiffre en main. Savez-vous exactement combien il y a d'infirmières présentement dans des entreprises? Savez-vous exactement le nombre présentement...

Mme Painchaud: D'infirmières... Oui. Dans les entreprises.

M. Marois: ... d'infirmières qui sont dans des entreprises, salariées d'entreprises?

Mme Painchaud: Salariées d'entreprises. On a un chiffre. Selon le chiffre qu'on nous donne, 502 infirmières travailleraient dans les entreprises, à la suite du rapport annuel de l'Ordre des infirmières.

M. Marois: Mais cela ne veut pas nécessairement dire...

Mme Painchaud: Ce chiffre nous a été donné.

M. Marois: ... 502 qui sont en permanence dans les entreprises.

Mme Painchaud: Actuellement, c'est ce qui est. En fait, cela peut être aussi à temps partiel, mais est-ce à temps partiel régulier ou à demi-temps? Non. Je ne peux pas préciser là-dessus, mais la très grande majorité sont dans le milieu, qu'on sache.

Qui va rémunérer l'infirmière? Je pense que là n'est pas tellement le problème parmi le groupe. Ce n'est pas une question de se faire payer par un ou par l'autre, ce n'est pas le problème majeur; on en entend assez parler. L'infirmière voudrait quand même être capable de faire le travail pour lequel elle est habilitée, elle voudrait être en mesure de le faire et de le remplir pleinement. Je pense que c'est l'aspect qui inquiète le plus les infirmiers et les infirmières dans ce milieu. Je ne sais pas si je réponds à... Cet aspect autonomie, évidemment, entre en ligne de compte.

Je ne sais pas si un de mes collègues a quelque chose à ajouter sur ce point.

Une Voix: Est-ce qu'il va fonctionner?

Le Président (M. Marcoux): II va fonctionner. Prenez le voisin, à ce moment-là.

Mme Barbeau (Francine): J'aimerais répondre autant que possible à la question posée, de par mon expérience. J'ai déjà travaillé dans une usine où il y avait 100 employés. Je dois vous dire que j'étais pleinement occupée. Pour répondre un peu aux soucis qu'ont les infirmières, parce qu'il y en a plusieurs qui sont présentement dans ces usines où il y a à peu près 100, 150 employés; on ne parle pas de la grosse entreprise, on va vous parler de la moyenne entreprise. Selon ce qui est évoqué dans le projet de loi, on pense que si vous voulez avoir 1140 infirmières avec le nombre d'industries qui existent présentement, si vous voulez les toucher toutes, on pense que nous qui sommes dans des industries de 650 employés, on sera sûrement appelés, à un moment donné, de par notre expérience accrue — parce qu'on en a beaucoup, ici on relie, à nous quatre 60 années d'expérience, ce n'est pas deux ans, c'est un ensemble vécu, appris difficilement, pas dans les universités, mais dans le milieu de travail...

Si cette mobilité que je voudrais essayer de vous expliquer, c'est cela, si, par exemple, il y en a 1140 et qu'il y a — on va mettre un chiffre fictif parce que je ne sais pas combien il y a d'industries — dans mon département de santé communautaire Maisonneuve-Rosemont, il y en a à peu près 1200, je suis appelée à être déplacée, je suis appelée à aller dans une autre industrie pour que ce soit couvert et qu'il y ait au moins le strict

minimum. Donc, je vais diminuer, dans mon milieu de travail où je travaille depuis trois ans, où j'ai travaillé d'arrache-pied pour qu'ils se prennent en main, pour qu'ils apprennent ce qu'est la santé du travail... Qu'est-ce que c'est la santé, au départ? On a toujours parlé de maladie, il est temps qu'on leur dise — avant de leur mettre leur santé entre les mains — ce qu'est la santé, et il faut être sur place pour cela, et il faut y rester même si le ratio est bas.

Est-ce que vous avez les moyens? Est-ce que le ministère a les moyens d'avoir des infirmières, beaucoup plus de 1140° J'aurais pensé que vous auriez dit un chiffre comme 5000 ou à peu près. Si ce n'est pas cela, on va être nécessairement mobilisé dans différentes industries si on veut les couvrir toutes. C'est la question que je vous pose. Je vous retourne donc la question. Pourquoi 1140 infirmières? Pourquoi me dites-vous que je vais rester dans mon milieu de travail s'il y a seulement 1140 infirmières en santé du travail?

M. Marois: Vous le savez fort bien, vous avez sûrement pris connaissance du livre blanc. L'hypothèse de l'équivalent à temps plein de 1140 infirmières est fondée sur le fait que, bien sûr, personne n'est le département des miracles, on ne l'est pas non plus comme société, vous ne l'êtes pas plus. Vous faites votre travail le plus convenablement possible, avec les moyens et les conditions dont vous disposez. On ne peut pas arriver à changer toutes les choses en deux jours, c'est certain; il y a un manque, de ce côté-là, en nombre de personnes-ressources. Il est certain qu'on ne passera pas de 600 à 1000 ou 1140 ou plus en deux jours, ni en deux mois, ni en six mois, il faut mettre le temps et l'effort pour y arriver. Il va falloir — et c'était cela l'hypothèse retenue par le livre blanc — déterminer un certain nombre de secteurs prioritaires. (18 h 30)

C'est évident, encore une fois, pour reprendre mon exemple, qu'on ne va pas d'abord s'occuper de la grosse caisse populaire Saint-Alphonse d'Youville de Montréal. Il y a des fonderies et il y a d'autres coins où ça paraît plus prioritaire. C'est sur la base d'un certain nombre d'hypothèses de priorités qui devront éventuellement être examinées par la Commission québécoise de la santé et sécurité au travail qu'était venue l'hypothèse du 1140. Mais quelles que soient les priorités établies, en d'autres termes, tout ne pouvant pas être fait en même temps, quel que soit l'ordre des priorités et étant entendu et compris ce que vous évoquez quant à la question de mobilité, je veux bien, cela me paraît une dimension qu'il ne faut pas négliger, vous avez parfaitement raison de l'évoquer, quel est le lien direct ou l'équation automatique entre ça? Je comprends parfaitement bien le problème de l'intégration au CH-DSC.

Mme Gemme (Mariette): Vous me posez la question parce que vous ne comprenez pas l'équation que nous avons faite. On a fait une équation, parce qu'il n'était pas fait mention de nous nulle part, à la base. Ce qui nous arrivait, cela importait peu. C'est une équation qu'on a faite automatiquement, c'est certain. Mais d'un autre côté, ce que je ne comprends pas, de vous, c'est pourquoi voulez-vous nous sortir d'un milieu qui, présentement, fonctionne très bien, où il y a des entreprises qui sont en avance de plusieurs années sur n'importe quel projet de loi qui va sortir demain matin, où on a quand même des possibilités accrues à cause de...

Dans les multinationales, on a sûrement plus de possibilités que dans les petites entreprises. Mais il reste que dans les petites et moyennes entreprises qui n'ont absolument rien, où il y a tout un système de soins à organiser à la base, je ne vois pas pourquoi vous désirez venir démobiliser ou vous approprier, je dirais, les services qui sont déjà établis et qui fonctionnent bien. Nous n'avons rien contre les départements de santé communautaire au point qu'ils sont essentiels dans le sens qu'on a besoin de la planification, on a besoin du contrôle. Il y a assurément des entreprises qui ont des services qui ne fonctionnent pas bien et qui ne rendent pas les services qu'ils devraient rendre à leurs employés, c'est-à-dire qu'il y a sûrement des lacunes, c'est définitif.

Mais avec un système de planification et de contrôle, c'est moins difficile de surveiller quelque chose qui est en marche et qui fonctionne bien que de tout le restructurer à la base, parce que les bases sont bien établies.

M. Marois: Au fond, si je comprends bien, votre inquiétude majeure, c'est que vous pensez que le fait de l'intégration ou du rattachement au CH-DSC aurait pour conséquence automatique, que ce soit vous ou une autre, de vous sortir du lieu de travail où vous êtes présentement pour vous voir affectées ailleurs ou vous voir affectées à un certain nombre d'entreprises et le reste. Au fond, c'est votre préoccupation.

Mme Gemme: Pas nécessairement.

M. Marois: C'est certainement un des éléments que vous venez d'évoquer.

Mme Gemme: C'est aussi ça, mais ce n'est pas nécessairement ça, dans le sens qu'on peut très bien demeurer à l'intérieur d'une entreprise et être payé par Pierre, Jean, Jacques. Ce n'est pas grave, ça, mais c'est dans le sens où on entre dans une autre superstructure gouvernementale. Il ne faut pas se cacher qu'il ne fonctionne pas, il ne fonctionne pas présentement dans les hôpitaux, je ne peux pas le cacher, c'est vrai. On a des problèmes, on a des coupures budgétaires au niveau du MAS pour les infirmières qui ont des problèmes, il y a des problèmes de services de base qui ne sont pas rendus. On a des employés qui attendent pour recevoir des cures de réhabilitation en alcoolisme. Les hôpitaux, présentement, font de la désintoxication trois jours, n'importe quel médecin est capable de désintoxiquer un patient pour trois jours. Mais la réhabilita-

tion, ça prend des semaines. On a trois centres au Québec présentement, avec le MAS.

En physiothérapie, c'est la même chose, on a des problèmes dans le moment avec les services de base. Je considère qu'il y a une amélioration importante à apporter à la distribution des soins.

Le Président (M. Marcoux): Est-ce que vous voulez ajouter quelque chose?

M. le député de Portneuf. (18 h 30)

M. Pagé: Merci, M. le Président. Je tiens à vous remercier de la présentation de votre document. Vous constituez un groupe qui avez une solide expérience dans le domaine de la santé au travail. En quelque sorte, vous avez fait oeuvre, dans certains cas ou encore dans certains secteurs de l'industrie et dans certaines entreprises, de pionniers. Je comprends les inquiétudes que vous pouvez manifester aujourd'hui à la commission parlementaire et particulièrement la sensibilisation que vous voulez faire du ministre qui présente le projet de loi. Je voudrais vous dire dès le départ qu'hier matin, lorsque j'ai formulé, au nom de mon parti politique, au nom de l'Opposition officielle, la déclaration sur nos considérations à l'égard du projet de loi, nous avons affirmé que, quant à nous, l'initiative dans l'action devait demeurer le plus possible au sein de l'entreprise. C'est, entre autres, en s'appuyant sur des éléments comme ceux de l'expérience que les travailleurs du Québec ou qu'un certain nombre de travailleurs du Québec ont pu bénéficier, dans les quelques établissements, parce que malheureusement, ils ne sont pas nombreux, ils sont quand même limités les établissements où il y avait les départements, des secteurs ou des services de santé bien organisés avec les médecins, les infirmières et tout cela.

Vous êtes affectés par la réforme, par la loi 17. Ce que je perçois, et là vous pourrez me corriger, c'est que, somme toute, vous demandez au gouvernement de pouvoir continuer à intervenir dans vos milieux de travail respectifs. Je vous comprends. Ici je voudrais sensibiliser le ministre aux problèmes que vous pouvez rencontrer et je voudrais le faire en dehors de tout aspect politique de la question, mais strictement comme parlementaire. J'ai été à même de constater personnellement le travail effectué par certains des membres de votre association dans les entreprises de mon comté. Et je vais vous dire, M. le ministre, que quand je vous disais tout à l'heure que ce sont des membres de cette association qui ont fait oeuvre de pionniers, il faut quand même constater que dans plusieurs établissements, plusieurs industries du Québec, le premier contact entre le travailleur et un service de santé, c'est l'infirmière de l'entreprise. Il s'est dégagé par les années entre l'infirmière d'une entreprise donnée et les travailleurs un contact tel et un suivi tel sur l'état de santé de ces travailleurs et de leurs dossiers que bien souvent l'infirmière est peut-être la personne la plus qualifiée ou la plus en mesure de donner un conseil ou une constatation sur non seulement l'état de santé d'un patient, mais aussi sur les conditions psychosociales dans lesquelles il évolue et les problèmes que ce bonhomme peut rencontrer et les dangers auxquels il peut être soumis, etc.

J'ai la conviction profonde, par l'expérience que j'en ai eue, que ces femmes, parce que ce sont en majorité des femmes, ont fait un travail positif, ont fait un travail concluant. Je serais curieux de poser la question à savoir jusqu'où cela peut déborder le cadre du travail, parce que moi j'ai vu des infirmières de l'industrie rendre service non seulement aux travailleurs, mais à la famille aussi parce que, bien souvent, le gars se permettait d'aller voir son infirmière le matin pour dire: Le "boy" chez nous faisait 100° de fièvre hier, etc., quand par surcroît il n'était pas capable de rejoindre un médecin. Le problème que vous rencontrez et la mise en garde que vous faites, vous dites: Peu importe par qui on sera payé, on veut demeurer au sein de l'entreprise. J'en conviens. Quant à moi, je suis d'accord avec vous. J'espère que le ministre pourra tout au moins réétudier tout cela, compte tenu du nombre d'infirmières qui pourront être éventuellement embauchées.

La crainte que vous avez de l'intégration dans les départements de santé communautaire, je crois, moi, qu'elle est fondée. Je peux me tromper. Je crois qu'elle est fondée. Le ministre a donné l'exemple de l'intégration des infirmières en milieu scolaire. Tant mieux s'il n'y a pas eu de problème là-bas. Mais qu'on regarde l'intégration des professionnels des unités sanitaires avec les départements de santé communautaire, il y a des secteurs où il y a eu des problèmes. Si je comprends bien ce que vous craignez, c'est que l'intégration au département de santé communautaire pourra impliquer, dans un ordre bien particulier qui vous touche, les questions de statuts, d'expérience, les questions d'intégration par rapport à des droits acquis, par rapport à d'autres infirmières dans le CH du département de santé communautaire.

Il y aura des problèmes d'ajustement. Il y aura des gens qui perdront. Il y aura des gens qui bénéficieront, mais il y aura certainement des gens qui perdront strictement sur les conditions de travail. Il y a aussi un tout autre aspect. Ce que je semble percevoir des craintes que vous manifestez, c'est que vous n'aurez pas la certitude... même si l'infirmière de l'entreprise X dans le comté de Portneuf est intégrée au département de santé communautaire du CHUL à Laval, moi je n'ai pas l'impression que le département de santé communautaire pourra garantir à cette infirmière, qui a quand même une expérience de 15 ans dans l'entreprise type, le secteur des pâtes et papiers, par exemple, à la Building Products à Pont-Rouge, qu'elle pourra y rester. Elle pourra être membre d'une équipe volante qui pourra faire le tour dans la région de Québec en contact avec des travailleurs qui évoluent dans un secteur pour lequel elle n'a pas nécessairement le bagage de connaissances et les 15 années qu'elle a passées dans

l'entreprise et le contact ne sera certainement pas aussi immédiat par un travail dans une telle équipe volante qui passera peut-être deux jours dans une entreprise et un après-midi dans une autre entreprise, etc., que cela pouvait l'être antérieurement.

Hier matin, j'ai insisté et, hier soir, j'ai bien dit et je suis convaincu qu'il y a des choses positives qui ont été faites dans le domaine de la santé, de la sécurité et de la prévention au Québec. Il y a des problèmes. On en convient. S'il n'y avait pas de problèmes, on ne serait pas ici pour en discuter. Tous sont unanimes à constater qu'il y a 200 morts par année, 208 000 accidents, 6500 nouveaux dossiers ouverts à la Commission des accidents du travail. Cela n'a pas d'allure. Cela n'a pas de bon sens et on a l'obligation comme collectivité, comme le gouvernement a l'obligation comme gouvernement, de s'asseoir autour de la table et tenter de régler le problème. Mais il ne faut pas pour cela repousser du revers de la main, mettre de côté tout ce qui s'est fait dans le passé, tout le capital humain qui a été investi pendant de nombreuses années avec des objectifs et des priorités bien établies.

Je conclus là-dessus. Je suis heureux de votre mémoire. Je suis satisfait des requêtes que vous formulez aujourd'hui, des demandes de considération sur certains aspects que vous adressez au ministère, au gouvernement particulièrement. Je m'associe aux représentations que vous formulez et je demande au ministre de tenter de regarder cet aspect, de regarder vos requêtes pas seulement en termes d'une structure. Vous savez, c'est toujours l'idéal, la structure et cela va toujours bien sur papier, cela va toujours bien lorsqu'on est assis ici, comme cela va toujours bien au dixième étage du bureau du ministère des Affaires sociales.

Ce sera la même chose à la Commission de la santé et de la sécurité du travail. Il y aura des gens qui y évolueront avec des programmes et de beaux organigrammes. Tout va aller pour le mieux dans le meilleur des mondes. Mais on constate — c'est un des avantages en politique — bien souvent que les organigrammes préparés par nos fonctionnaires bourrés de bonnes intentions, de bonnes expériences et tout cela, que cela ne se matérialise pas, que cela ne se concrétise pas toujours par des résultats positifs dans le milieu. Je vous dis bien respectueusement, M. le ministre, qu'il y avait du bon travail qui se faisait dans les entreprises. Entre autres, l'association des infirmières qui comparaît aujourd'hui a eu l'occasion d'être intimement liée à ce bon travail. Elle l'a démontré. J'ose croire que vous prendrez en considération la requête qu'elle vous a formulée aujourd'hui. Merci.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Beauharnois.

M. Lavigne: M. le Président, tout d'abord, il me fait plaisir d'accueillir ici à la commission parlementaire une personne de mon comté, Mlle

Louise Thibault, qui a su rendre vivante la lecture du mémoire, mémoire qui, à mon avis, est étoffé, a été pensé par vous qui vivez le problème de la réforme qu'amène la loi 17. C'est bien humain d'essayer d'évaluer ou de considérer une situation à partir du poste qu'on occupe au moment d'une réforme. C'est tout à fait normal que vous ayez écrit ce mémoire, que vous manifestiez des inquiétudes. Nous, comme membres d'un gouvernement qui constate finalement qu'il y a une lacune au niveau de la santé et de la sécurité dans le monde de l'industrie au Québec, on se fait un devoir... parce que je pense qu'on est consciencieux comme parlementaires. (18 h 45)

Si on avait laissé la situation telle qu'elle était sans apporter de changements, je pense qu'on n'aurait pas bien fait notre travail. Donc, on se devait d'apporter des changements au niveau de la santé et de la sécurité au travail à l'ensemble des usines du Québec, tout en sachant qu'au moment où on prépare ce projet de loi il y a du travail qui a été fait dans certaines usines, du travail que vous avez fait, d'ailleurs. Je suis prêt à reconnaître ce que M. le député de Portneuf disait, à savoir que tout ce que vous avez fait, on ne le rejette pas du revers de la main. Ce n'est pas parce qu'on s'en vient avec un nouveau projet de loi, le projet de loi no 17, que cela neutralise, que cela vous fait croire qu'on ne considère pas le travail que vous avez fait et le rôle important que vous avez joué dans certaines industries, dans certaines usines. Mais c'est encore trop peu quand on regarde l'ensemble des usines du Québec; il y a trop peu d'usines organisées. On essaie, par le projet de loi qu'on étudie présentement, d'organiser un plus grand nombre d'usines au Québec de façon plus adéquate.

Bien sûr, on va essayer de viser la perfection, mais on sait d'avance qu'on ne l'atteindra pas. Je pense que le projet de loi qu'on étudie présentement va nécessiter des spécialistes de tout ordre dans le monde du travail, au niveau des médecins, au niveau des techniciens, au niveau des diététiciennes, au niveau du service de "nursing". Je pense que votre travail n'est pas en péril; au contraire, on va avoir besoin de la banque déjà existante de personnes spécialisées et je suis sûr que cette banque est trop minime, à mon avis. On aura même besoin de faire en sorte que d'autres personnes aillent se spécialiser et je pense que l'expérience que vous avez, ayant vécu dans le monde de l'industrie, est une expérience qui est chère pour les gens du gouvernement et qu'on aura besoin d'aller se ressourcer chez vous à un moment donné.

Je ne pense pas qu'il faille voir cela — j'essaie de me mettre dans votre peau — d'une façon négative, mais il faut voir cela d'une façon positive et rassurante pour vous. J'ai l'impression qu'on va vous arracher, à un moment donné, parce qu'on aura besoin de vos services. Comme vous le disiez vous-mêmes, que vous soyez payées par l'entreprise privée ou par le gouvernement, je pense que

cela importe peu. L'important, c'est qu'on reconnaisse le travail que vous ferez et qu'on puisse être en mesure de vous donner un salaire qui conviendra au travail effectué.

Les personnes qui désireront rester dans l'entreprise privée, demeurer à l'emploi d'un patron, qui, lui, voudra bien payer les services d'une infirmière, le projet de loi n'enlève pas cela. C'est exactement ce que je disais hier aux médecins qui travaillent déjà dans des usines. Le projet de loi n'empêche pas les propriétaires d'usine de se payer les services d'un médecin, de se payer les services d'un avocat, d'un notaire ou d'un comptable, pas plus que cela n'empêche de se payer les services d'une infirmière. Par contre, on veut structurer un service global pour l'ensemble de la province et c'est dans ce sens que le projet de loi no 17 travaille.

J'ai bien senti l'inquiétude que vous manifestez à travers votre mémoire, mais je pense qu'il ne faut s'inquiéter au point où vous le mentionnez. Je ne vois pas pour quelle raison on mettrait de côté un personnel qualifié, un personnel d'expérience et qu'on vous rejetterait du revers de la main ou qu'on vous oublierait dans l'organisation de ce nouveau service que mettra de l'avant le projet de loi 17.

Ce sont les quelques remarques que j'avais à faire. J'espère que cela pourra vous rassurer. Dans tout l'imbroglio qu'on connaît dans la mise en oeuvre par un service public d'un service comme celui-là, j'espère que ce ne sera pas trop lourd d'administration et que les chattes n'y perdront pas leurs petits, comme on est porté à le croire assez souvent. J'espère qu'on aura assez d'ordre dans notre paperasse pour que tout le monde y trouve sa part, son travail, son salaire, puisse établir des contacts et donner les informations pertinentes au moment opportun. C'étaient les quelques mots que je voulais mentionner, M. le Président.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: Suite à l'intervention du député de...

Le Président (M. Marcoux): Pardon! Vous voulez ajouter un commentaire?

Mme Gemme: Je remercie le député de nous avoir rassurées et d'avoir fait en sorte que nous nous sentions aussi désirées, mais j'aimerais bien vous faire comprendre que nous ne sommes pas inquiètes pour les postes que nous occupons. J'aimerais, par contre, vous poser une question: Qu'est-ce qui vous inquiète, vous, que nous demeurions, nous, où nous sommes? A ce moment-là, si on intègre une partie de l'équipe de santé au travail, on devrait peut-être aussi commencer à considérer l'intégration des agents de sécurité, peut-être aussi les hygiénistes, le recrutement au personnel, parce qu'en fait ils font partie de l'équipe de santé au travail.

Depuis que j'assiste à cette commission, tout le monde parle de la santé au travail et de l'équipe multidisciplinaire. J'aimerais bien qu'on s'entende, qu'une équipe de santé au travail, ça se fait dans le milieu du travail, avec les travailleurs, avec les surveillants, les contremaîtres, avec les agents de sécurité, les hygiénistes. C'est avec eux que nous travaillons. Je pense que l'étroite collaboration que nous avons présentement, c'est parce que nous faisons partie intégrante de cette équipe, nous sommes tous au même titre. Que vous décidiez demain matin qu'on soit payée la moitié par le syndicat, la moitié par le gouvernement ou par quelqu'un d'autre, ce n'est pas important. On aura plus de salaire, 1/3, 1/3, 1/3; ce n'est pas grave la rémunération. Mais la crédibilité et la confiance qui nous sont accordées, autant du côté des employeurs, c'est bien important à comprendre ici, parce que les dessous de la couverture, souvent, ce ne sont pas les inspecteurs. Les inspecteurs vont venir inspecter, on le sait trois mois à l'avance qu'ils vont venir inspecter, tout est beau chez nous. Mais les dessous de la couverture, quand les problèmes se posent, c'est nous qui le savons, parce que nous sommes informées directement, parce que nous pouvons nous rendre immédiatement sur les lieux.

Si nous sommes, je m'aime pas employer le terme, peut-être un peu considérées comme des étrangères ou même des rapporteurs officiels, c'est quand même une crainte qui peut être vue des employeurs. On a à travailler avec ces bon-hommes aussi, comme on a à travailler avec les syndiqués. A ce moment-là, comment pensez-vous qu'on va pouvoir recevoir toute l'information que nous avons présentement et qui nous aide à avancer énormément dans notre travail?

Moi, quand j'ai des protocoles à établir ou des problèmes, un réservoir à déverser, des choses comme ça, j'ai des tests à prendre immédiatement, c'est certain qu'au CRT, ils vont trouver quelque chose sur mes employés, des augmentations de benzène, tout ce que vous voudrez. Je vais leur envoyer les résultats et ils vont me dire: Vous aviez un problème effectivement, on va le corriger. Mais à ce moment-là, ce qui peut très bien arriver, parce qu'en fin de compte, il faut le savoir, il faut faire les analyses et il faut être au courant, que quand ça se produit, il faut être là pour faire les examens, il faut voir quelle est l'exposition des employés.

Tous les dessous de cette couverture, on est au courant, parce que nous sommes près d'eux. Quand il y a un problème de mutation avec un employeur, il faut penser que le projet... — je perd mes mots, comme pour la femme enceinte — de retrait préventif, le retrait préventif est pratiqué, je ne dirais pas dans plusieurs mais dans certaines entreprises depuis un bon nombre d'années, assurément, non pas seulement au point de vue des maladies professionnelles, c'est ce que j'aimerais vous faire comprendre, mais au point de vue des maladies personnelles. Un cardiaque qui est opéré pour un pontage et qui doit revenir à des chiffres de 12 heures ne pourra pas reprendre son travail.

On va faire tout notre possible pour le muter à un poste connexe et il pourra continuer à gagner sa vie raisonnablement, avec le moins de baisse de salaire possible.

Les baisses de salaire sont selon les politiques des compagnies. Si le gouvernement désire légiférer à ce sujet, ça va être bienvenu pour les infirmières, parce qu'on va avoir moins de problèmes dans les mutations de poste. Il reste que c'est du travail étroit que l'on fait avec les gérants de service, à savoir est-ce qu'on a un travail temporaire pour tel employé ou si on a du travail à faire faire à un moment donné, et ils disent: Sur la liste de tes employés, est-ce que tu penses qu'on pourrait avoir un employé pour faire telle chose. Justement, un tel revient, il est en réhabilitation, on va le placer là pour une période de six mois, pour faire sa réhabilitation.

Il faut penser que les entreprises, si vous légiférez sur la santé et la sécurité au travail, pour les maladies professionnelles, les accidents de travail, c'est bien beau ça. Nous, on est bien conscientes de l'autre entité qui comprend les maladies personnelles, les problèmes biopsycho-sociaux... A ce moment-là en fait, on a besoin de l'appui de l'entreprise parce que c'est beau de légiférer sur la femme enceinte, sur les bonshommes qui souffrent de saturnisme, de benzénis-rne, etc., mais il reste qu'il y a d'autres handicaps qui ne sont pas reliés directement au travail, dans le cadre de la Loi des accidents du travail anciennement, ou qui demandent une étroite collaboration de l'entreprise.

A ce moment, je ne veux pas parler pour les employeurs parce que d'un autre côté je ne suis pas ici pour les défendre, mais je sais très bien que lorsqu'on fait des lois qui impliquent énormément de sous, je ne vois pas pourquoi, ni vous ni moi, je pense, irions en mettre encore plus que ce que la loi demande. Vous allez me dire: Pourquoi? Ils n'en mettront sûrement pas moins. Définitivement pas; mais je crois, par exemple, que tout ce qui reste stable a des chances de devenir stagnant. C'est une dimension qu'il est important de réaliser parce qu'il reste qu'un employeur qui embauche un employé de 18 ans, demande qu'il soit en santé. Je pense que ce sont les obligations des employeurs de le conserver en santé jusqu'à la retraite. Vous serez d'accord avec moi.

A ce moment, pourquoi est-ce qu'il ne serait pas directement impliqué avec les coûts que l'entreprise..., avec les risques inhérents à l'entreprise dans le sens que les risques pour une entreprise pétrochimique sont probablement plus importants que pour une entreprise de boîtes de carton. Ce sera à eux de défrayer tout ce qui peut être connexe aux maladies, aux accidents industriels autant au point de vue des maladies psychiatriques, alcoolisme, drogue, etc. Ceux qui pensent qu'on y perdrait et je ne vois pas pourquoi le gouvernement... Vous pensez que nous avons peut d'être intégrés, mais pourquoi est-ce que vous avez peur de nous laisser où nous sommes? C'est une question que je me pose.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: C'est à mon tour de prendre la parole. J'ai essayé de m'insérer dans la discussion amorcée par mon collègue. En tenant compte de tout ce que vous venez de dire, je me demande si on a vu à la lecture la même chose dans le projet de loi. Peut-être que je me trompe. Peut-être que j'ai une impression qui n'est pas la vôtre, mais je vous donne un exemple qui est dans le préemploi. Il n'y a rien qui empêcherait l'équipe de déterminer des critères qui font qu'une personne ne peut pas, même avant d'être employée, occuper tel emploi parce qu'à cause de sa propre santé, cela serait dangereux pour elle à cause de sa santé. Donc, à ce niveau, je pense qu'il y a énormément à faire. D'un autre côté, quand vous dites que le fait d'être intégré aux CH-DSC vous enlèverait ce que vous faites actuellement comme travail. Je dois vous dire que j'ai vécu comme responsable syndical pas mal de protocoles d'intégration. Il y a des choses dont vous faites mention qui pourraient peut-être être négociables et discutables dans le sens où on dit: II y a des gens qui ont travaillé dans le passé dans le milieu du travail. Il y a des possibilités — et je pense qu'à ce niveau le ministre pourra peut-être y ajouter, mais on est assez large d'esprit — qu'on puisse avoir des protocoles où on examinerait de quelle façon là où déjà, parce que nous on ne pense pas seulement à ce qui est en place, mais à ce qui devrait être en place...

Si on regarde ce qui est en place, bravo! Je pense qu'il n'y a personne qui va dire qu'il n'y a pas quelque chose de fait qui a été positif. Mais d'un autre côté, il y a énormément à faire, aussi, ailleurs et c'est de trouver le juste milieu entre le travail que vous faites et le travail qu'on devrait au niveau des entreprises où il n'y a rien actuellement en termes de services, au niveau des entreprises où déjà il y a une amorce et au niveau des entreprises où il y a déjà plus qu'une amorce. Dans ce contexte, il n'y a rien qui empêcherait, parce qu'on a dit que la commission serait amenée à faire progressivement l'application de la loi d'abord dans des grosses industries, deuxièmement, même dans des petites et moyennes industries où déjà les risques sont inhérents au travail et sont connus comme étant des choses qu'il faut corriger au plus vite, il reste qu'il y a possibilité, je pense, de protéger ce que vous dites en termes de santé au milieu du travail et ce que l'on devra ajouter.

Mais ce pourquoi je voulais intervenir, c'était justement sur une de vos interventions de tout à l'heure lorsque vous disiez qu'avec la MAS on a des problèmes dans des milieux qui s'appellent les centres de désintoxication et les centres de réhabilitation parce qu'il y a un manque de personnel, il y a un manque de ressources, il y a un manque de ci. C'est évident, il en manquera toujours. (19 heures)

Mais une chose est certaine, et c'est la question que je voudrais vous relancer, si le MAS n'avait pas permis l'établissement d'au moins ceux qui sont là, qui l'aurait fait? Probablement personne. Je ne pense pas que les compagnies auraient fait des centres de réhabilitation pour les gens qui en ont besoin. Je ne pense pas que les compagnies auraient fait des centres de désintoxication pour les gens qui étaient en boisson, drogués ou des choses semblables. Je ne pense pas qu'on se serait préoccupé de cela. C'étaient quand même des sous à mettre et c'est l'ensemble de la population, par les impôts, qui l'a fait. C'est sûr qu'il manquera toujours, dans des milieux comme ceux-là, des gens, du personnel, mais s'il n'y en avait pas, qu'est-ce qu'on aurait? On n'aurait probablement rien, et entre le pire et le moins pire, on va essayer de chercher ce qui est encore un peu mieux.

Le Président (M. Marcoux): Oui, allez-y.

Mme Painchaud: Je veux simplement vous dire que les choses s'améliorent beaucoup; il y a de petits bijoux de programmes sur les toxicomanies, alcoolisme, dans certaines industries, dont l'initiative est due à des infirmières, et qui ont mis des employés en charge avec la direction. Il y a des choses merveilleuses qui se font actuellement à l'intérieur d'entreprises, comme d'autres programmes...

M. Jolivet: Cependant, je vous parlerai de personnes...

Mme Painchaud: Par contre, on comprend très bien que ce n'est pas partout et tout cela, mais on est entièrement d'accord avec ce que vous dites. C'est sûr. On dit qu'il y a des besoins et il faut se dépêcher de combler ces besoins. C'est sûr.

M. Jolivet: On vous donnera nous aussi des exemples de gens qui sont venus à notre bureau et qui ont été congédiés par un employeur parce que le seul moyen que l'employeur a trouvé pour se débarrasser de quelqu'un qui avait des problèmes d'alcool, c'est de le mettre à la porte. C'est une personne de 54 ans. On a des exemples comme cela. Nous, ce qu'on essaie de faire, comme gouvernement, c'est d'amener peut-être l'ensemble de la population à se sensibiliser, les départements de santé communautaire à faire un travail pour lequel ils sont habilités, mais à l'avancer davantage dans le milieu du travail. Pour ce que vous avez fait, bravo, mais il faut aller encore plus loin.

Le Président (M. Marcoux): Y a-t-il quelque chose à ajouter?

Mme Gemme: De toute façon, j'attends encore la réponse à ma question qui est l'inverse de ce que vous me proposez, mais il reste que pour ce que vous disiez tout à l'heure, j'aimerais vous répondre sur l'accessibilité aux soins de base. On sait qu'il y a un problème. En créer d'autres serait aussi une solution très valable. Ce que je pourrais vous dire, c'est qu'il y a plusieurs entreprises qui ont présentement forcé les compagnies d'assurances à couvrir les frais de désintoxication en clinique privée et qui fonctionnent à merveille également. Ce sont les entreprises toujours qui vont payer des six semaines de temps de maladie pour faire désintoxiquer ou réhabiliter, je dirais, parce que le terme est plus juste, ces employés dans ce sens-là. Ce qui se fait à la base est quand même bien important, mais il reste que les besoins de base ne sont toujours pas là. Ils devraient aussi être élargis.

M. Jolivet: II y a une petite affaire que je voudrais accrocher. Vous dites que les compagnies paient des six semaines de congé de maladie à l'intérieur des assurances. Il ne faut pas oublier que comme employés, c'est une partie de notre salaire, ces avantages sociaux. Si je l'ai en avantages sociaux, je ne l'ai pas en salaire.

Mme Gemme: Je suis bien d'accord.

M. Jolivet: Ce que je veux dire, c'est cela. Il ne faut pas dire qu'à ce niveau-là c'est quelque chose que la compagnie paie, parce que si elle ne le payait pas là, elle le paierait en salaires.

Mme Gemme: Oui, d'accord.

M. Lavigne: Si vous me le permettez, cela va être très court. Pour répondre à votre question... Vous semblez insatisfaite du fait que vous n'avez pas eu la réponse. Actuellement, bien sûr, il y a des entreprises qui se paient un service de médecin ou de "nursing". Ces entreprises sont, comparativement à d'autres qui ne s'en paient pas, favorisées. A partir du moment où le gouvernement veut donner ou étendre ce service à l'ensemble des usines du Québec à partir des fonds publics, on ne peut pas permettre à certaines usines d'être bien organisées, de se promener en Cadillac sur le plan des services médicaux pendant que d'autres usines vont se promener à pied. Donc, c'est cela, l'intégration des services comme les vôtres au réseau public. On n'aura pas le droit, à partir du moment où cela se paie avec l'ensemble des deniers de la population, de donner plus à certains qu'à d'autres, mais on veut étendre au moins à un minimum de services parce que là, vous vivez une expérience là où vous travaillez. Là où vous travaillez, c'est bien sûr que vous avez des cas concrets à nous donner comme quoi c'est fantastique.

On me parlait d'un bijou de programme. On me parlait du travail que vous aviez fait. Je vous le concède et je suis sûr que dans ces entreprises, probablement que vous avez fait un travail fantastique. Nous, là où on pense, là où on veut apporter un correctif, on sait qu'il y a beaucoup d'usines, beaucoup trop où ils ne l'ont pas du tout le service. On veut leur en donner au moins un

minimum. D'année en année, par des budgets accrus, on essaiera d'augmenter et, avec l'expérience d'un personnel, avec des programmes encore mieux travaillés, encore mieux planifiés, d'année en année, on arrivera à avoir un service de santé et de sécurité au travail dans l'ensemble des usines au Québec ou dans l'ensemble des milieux du travail au Québec. Mais cela prend quelque chose pour amorcer cela et c'est pourquoi on a le projet de loi no 17. On veut au moins amorcer quelque chose dans ce sens, parce que si toutes les usines du Québec avaient le service que vous avez, que vous donnez vous autres dans vos usines, on n'aurait pas pensé à instaurer le projet de loi no 17. C'est parce qu'on connaît trop d'usines où il n'y a aucun service, où il y a des lacunes sur le plan de la détection des maladies au niveau du service médical à l'intérieur de l'usine et on veut en donner au moins un minimum, avec des budgets qu'on votera au Conseil du trésor, au Conseil des ministres.

Il faut partir avec quelque chose. C'est difficile à répondre.

Mme Gemme: II y a des entreprises qui n'en ont pas de services, je suis d'accord qu'il faut leur en fournir. D'un autre côté, si vous légiférez dans le sens que la moyenne entreprise — on va dire un chiffre approximatif, 150 à 200 employés — doit se doter d'un service de santé sur place qui soit défrayé par l'entreprise — en tout cas, vous en déciderez, mais, à ce moment, vous augmentez automatiquement, il faut que ce soit payé par l'entreprise parce que c'est sa responsabilité. Que cela soit toujours surveillé, contrôlé par les départements de santé communautaire, qu'on fasse de beaux grands rapports et qu'on fasse enquête et tout cela, les portes sont toujours grandes ouvertes, mais que vous vous attardiez où il n'y a vraiment pas de possibilités — c'est certain que les stations de "pompage" et les gens dans l'agriculture, etc., ils n'en auront jamais de budgets pour avoir un service de santé. Il faudrait qu'ils se regroupent, ce serait exorbitant, mais que ce soit centralisé, je suis tout à fait d'accord. Nous sommes tout à fait d'accord. C'est essentiel.

Je trouve qu'il serait aussi bien que les moyennes entreprises se dotent et qu'elles défraient les services de santé. A ce moment, le trésor public cela lui coûterait pas mal moins cher. Ce sont eux qui sont responsables de la santé de leurs employés. Pourquoi ne paieraient-ils pas pour les services à leur donner? Je parle des infirmières. Je voudrais être bien comprise. Je ne défends la position de personne. Je parle des infirmières.

M. Marois: Je voudrais, au nom de tous mes collègues membres de cette commission, vous remercier infiniment d'être venus ici. Je pense bien que vous avez dû vous rendre compte— c'est rare, parce qu'on a convenu ensemble d'une banque de temps qu'on essaie de respecter autant que possible avec chacun des groupes — par le temps largement débordé sur ce qui était conve- nu, qu'il y a là un intérêt plus que réel. Bien sûr, votre mémoire contenait plusieurs recommandations. J'ai eu l'occasion d'en commenter quelques-unes, vous indiquer que certaines d'entre elles, on allait les regarder très attentivement. Je voudrais aussi vous remercier en particulier sur un point. Je dois vous dire qu'en échangeant des commentaires très rapidement autour de la table, vous défendez drôlement bien votre point de vue. Vous devez comprendre, et je pense que vous le comprenez fort bien, que les questions très serrées qu'on vous a posées, je pense qu'on vous a poussée jusqu'au bout de votre logique. L'objectif, en tout cas, en ce qui me concerne, je pense que c'était aussi l'objectif que se donnaient mes collègues, c'est qu'on voulait vraiment aller au fond du baril avec vous autres pour être certains qu'on comprenait parfaitement bien notre point de vue.

Il y a un certain nombre de choses qui ressortent, me semble-t-il, de votre point de vue clairement, que vous mettez sur la table et soyez assurées qu'on va regarder cela de très près. En particulier, j'ai cru comprendre la crainte d'un nivellement pour élargir et s'assurer qu'il y ait un service de base minimum dans des coins où il n'y en a même pas, en sachant très bien que tout ne se fera pas en deux jours. C'est sûr. Pour ceux qui n'en ont pas et qui auraient droit, vous craignez le nivellement par le bas et cela, ce n'est certainement pas un objectif qu'on peut se donner, d'une part.

Deuxièmement, je comprends aussi que vous craignez d'être sortis individuellement du milieu où vous vous trouvez présentement, où vous faites un travail qui est valable, pour être mis sur des équipes et être ballotés d'un coin à l'autre. J'ai compris que le problème ne se pose pas, de votre point de vue, en termes de savoir par qui vous serez payés, fonds privés ou fonds publics, il y a toujours moyen d'arriver à mettre quelque chose au point qui soit convenable. Si j'utilisais un bon mot du jargon québécois, ce n'est certainement pas notre intention de "dérinecher" ce qui fonctionne comme du monde, certainement pas.

Par ailleurs, il n'en reste pas moins qu'il y a des choses qui doivent changer. On a comme société une responsabilité et un effort colossal à faire, du rattrapage à faire. Forcément, cela implique des changements et des ajustements. Soyez assurés que moi, en tout cas — et je suis certain que c'est le cas aussi de mes collègues — il y a des fois où cela arrive, en politique, qu'on réussisse, Dieu merci, à se situer à un autre niveau que celui uniquement de petite partisanerie, à être capable de fouiller les problèmes à fond ensemble, à travailler pour essayer de trouver les formules qui soient les meilleures possibles.

Soyez assurés qu'on va y réfléchir très attentivement, parce que vous nous avez mis sur la table beaucoup de matière à réflexion. Merci.

Le Président (M. Marcoux): Pour le mot de la fin.

M. Painchaud: J'aimerais remercier M. le ministre. Notre première intervention étant qu'on

n'a pas été consultés, est-ce qu'on doit comprendre qu'on pourrait être consultés dans l'avenir? Je parle au niveau du gouvernement.

M. Marois: Je pense que c'est déjà un bon amendement aujourd'hui, vous en conviendrez avec moi.

Mme Painchaud: C'est déjà un bon consentement. De toute façon, je peux vous laisser savoir que, même si nous sommes avec des organismes privés, il y a des sociétés d'Etat, actuellement, qui nous consultent pour les aider à organiser les services. Cela nous fait grandement plaisir de le faire, même si on est payé par notre employeur.

Le Président (M. Marcoux): Vous avez vraiment le mot de la fin et vous ne cessez pas d'enfoncer le clou, comme on pourrait dire, alors je vous remercie au nom de tous les membres de la commission. Bien entendu, vous avez constaté que vous aviez suscité un très grand intérêt.

La commission ajourne ses travaux à demain, 10 heures.

Fin de la séance à 19 h 13

ANNEXE A

Mémoire présenté à la Commission parlementaire

du travail et de la main-d'oeuvre

relativement au projet de loi 17

(Loi sur la santé et la sécurité du travail)

Fédération des médecins omnipraticiens du Québec

Septembre 1979 Introduction

Le projet de loi instaure un régime de santé et de sécurité au travail fondé sur la participation active et volontaire du milieu de travail avec la collaboration d'agents de soutien et autres intervenants.

La Fédération des médecins omnipraticiens du Québec est consciente de l'opportunité et de l'importance de ce projet de loi pour promouvoir, protéger et maintenir la santé physique et mentale de l'homme et de la femme au travail.

Elle est aussi consciente du rôle important qu'exerce l'omnipraticien pour préserver et maintenir la santé des travailleurs.

En tant que médecin personnel d'un individu, il doit non seulement lui prodiguer les soins que requiert son état, mais surtout en surveiller la santé en tenant compte des antécédents héréditaires et personnels, du milieu social, familial et de travail.

De plus, sa formation médicale, maintenue à jour et adaptée aux différentes nouveautés médicales et aux propriétés sociales, par ses activités en formation continue, le rend apte à participer activement à l'élaboration, à l'application, à la surveillance et à l'évaluation des programmes de santé destinés à des groupes de travailleurs.

C'est en tenant compte de cette fonction de l'omnipraticien en médecine du travail et du double rôle qu'il peut y exercer en tant que responsable de la surveillance de l'état de santé d'un individu et collaborateur essentiel à la réalisation du programme de santé, que la F.M.O.Q. organise, depuis quelques années, des programmes de formation continue sur la santé au travail.

La médecine du travail se préoccupe de la surveillance de l'état de santé du travailleur, de l'identification et de l'évaluation des risques pour la santé physique et mentale que suscite le milieu de travail, et de la connaissance des potentialités individuelles en fonction de l'exigence des tâches à accomplir.

Où cette réalité de la médecine du travail se retrouve-t-elle dans le projet de loi? Dans les quelques éléments que reproduit le projet et surtout, la Fédération ose l'espérer, dans le contenu des programmes cadres et dans les programmes spécifiques de santé au travail que le projet de loi confie aux services de santé.

La médecine du travail a un objet spécifique, certes, mais non pas un objet distinct de celui de la médecine générale. Elle n'est qu'un aspect particulier de la médecine préventive et curative. Elle est, par rapport à la médecine générale, ce qu'est la qualité de travailleur par rapport à celle de citoyen à part entière.

Aussi le régime de la santé au travail ne saurait-il être étranger au régime de soins généraux ni constituer un régime parallèle. Le projet de loi l'a compris, puisqu'il considère les services rendus en

vertu du projet comme des services assurés au sens de la Loi de l'assurance-maladie et qu'il permet qu'une entente conclue en vertu de cette dernière loi puisse régir les relations entre les médecins et le gouvernement. Mais l'a-t-il assez bien compris, lui qui privilégie, par contre, certains niveaux de soins et qui fixe d'autorité le mode de rémunération des médecins qui oeuvrent dans l'entreprise? Nous étudierons plus loin les défaillances du projet de loi à ce chapitre.

La Fédération exprime sa satisfaction quant à l'à-propos du projet de loi. Elle formule toutefois des réserves quant à son contenu. D'une part, elle s'abstient d'exprimer quelque opinion que ce soit sur les matières d'intérêt non médical qui en font l'objet, ne marquant par là ni son approbation ni sa désapprobation quant aux positions prises par le projet de loi. D'autre part, relativement aux matières médicales, elle a souvent plus de questions à poser que de réponses ou de suggestions à apporter, par le fait même que le texte du projet renferme beaucoup d'ambiguïtés. La Fédération se réserve la possibilité de soulever, en commission parlementaire, les questions appropriées afin de décider, en connaissance de cause, de l'attitude qu'elle doit adopter.

Finalement, en ce qui concerne les matières médicales que le projet de loi décrit avec plus de précision, la Fédération soumet, dans le présent mémoire, les modifications qu'elle estime nécessaires à son amélioration.

1.00 Le cabinet privé: un autre centre local de dispensation des services de santé

1.01 Le projet de loi prévoit que les services de santé destinés aux travailleurs sont fournis dans un centre hospitalier (C.H.), un centre local de services communautaires (C.L.S.C), un centre autonome d'entreprise ou centre interentreprise (article 86, premier alinéa). Exceptionnellement, un cabinet privé peut devenir un centre de dispensation de services "lorsque cela s'avère nécessaire à cause de la non-disponibilité des autres locaux" (article 86, second alinéa). 1.02 C'est une erreur sérieuse que commet le projet de loi en reléguant au niveau de la situation d'exception le cabinet privé du médecin. Il faut éviter, comme le soulignait le projet du Livre blanc d'avril 1978, de mettre sur pied des "services de santé parallèles" qui ne tiennent pas compte de "l'organisation actuelle des services de santé du Québec". 1.03 La Fédération invoque ici quelques-unes des raisons qui militent en faveur de l'utilisation du cabinet privé comme lieu de dispensation des services de santé au travail: a) L'accessibilité physique: le nombre de cabinets privés répartis sur le territoire est plus élevé que celui de tous les autres centres de services réunis. D'une manière générale, il est souhaitable de limiter les pertes de temps qu'engendrent les distances et les attentes. Pour ces raisons, le cabinet privé est le plus accessible des points de dispensation de services de santé. b) La compétence professionnelle: de nombreux médecins exerçant en cabinet privé ont développé une très haute compétence en médecine industrielle ou occupationnelle, bref, en médecine du travail. Ces médecins sont aptes à remplir un rôle d'envergure dans leurs cabinets privés ou les polycliniques. Ce serait gaspiller des ressources matérielles et humaines disponibles que de passer outre aux services que ces cabinets ou polycliniques peuvent offrir. c) L'intégrité professionnelle: dans les cas où un médecin traitant exerçant en cabinet privé peut se doubler d'un médecin du travail, l'intégration professionnelle de ses connaissances de l'état de santé général de son patient avec celles, plus spécifiques, des exigences de santé au travail pour son patient, sera bénéfique et au patient et au travailleur. Cette intégration permet de réaliser la médecine globale, celle qui fait la synthèse de la personne. d) Le cabinet privé est déjà le centre privilégié de la dispensation de soins préventifs personnalisés. L'offre de services de santé au travail, dans un tel centre, sera une adjonction naturelle enrichie de l'expérience acquise dans le domaine de la prévention. e) La médecine du travail ne peut se dissocier véritablement de la médecine en général. La première complète la seconde. En conséquence, la structure des services de santé au travail ne doit pas être disjointe de la structure des services de soins. f) Le cabinet privé est doté d'une structure administrative souple et efficace que n'alourdit pas la bureaucratie. Une telle structure favorise la communication entre le médecin et le travailleur. 1.04 Pour ces motifs, la Fédération propose que le cabinet privé soit considéré comme un autre centre de dispensation de services de santé au travail, à l'égal d'un C.H., d'un C.L.S.C. ou d'un service d'établissement.

Le cabinet privé est appelé à remplir ce rôle à la demande du chef du département de santé communautaire ou d'un médecin responsable ou d'un travailleur. Dans ce dernier cas, le cabinet privé fournirait les services relatifs à la surveillance de l'état de santé du travailleur, en conformité avec les exigences d'un programme de santé au travail. Toutes les données médicales pertinentes seraient transmises au chef du département de santé communautaire. 1.05 Pour donner effet à ces objectifs, la Fédération recommande que le projet de loi soit modifié de la manière suivante:

RECOMMANDATION 1.CHAPITRE III, Section I Droits généraux AJOUTER L'ARTICLE SUIVANT:

Le travailleur a droit de s'adresser au médecin de son choix pour obtenir des services relatifs à la surveillance de son état de santé, y compris l'examen médical d'embauche et les examens périodiques prescrits par règlement, dans le cadre des programmes de santé au travail.

RECOMMANDATION 2.CHAPITRE VIII, Section II

REMPLACER L'ARTICLE 86 PAR LE SUIVANT:

Les services de santé pour les travailleurs d'un établissement sont fournis dans un centre hospitalier, un centre local de services communautaires, un cabinet privé, au sens de la Loi sur les services de santé et les services sociaux, ou dans rétablissement lui-même.

RECOMMANDATION 3.CHAPITRE VIII. Section V

REMPLACER LE PARAGRAPHE 1 DE L'ARTICLE 100 PAR LE SUIVANT: 1. Voir à l'application, dans la région, des programmes cadres et des programmes spécifiques de santé au travail, en collaboration avec les médecins responsables. A ces fins, retenir les services des médecins responsables et des autres médecins, à l'exception de ceux qui choisissent de fournir dans leurs cabinets privés des services relatifs à la surveillance de l'état de santé des travailleurs, à leur seule demande, dans le cadre de programmes de santé au travail.

RECOMMANDATION 4.CHAPrTRE VIII. Section V

AJOUTER, APRES L'ARTICLE 101, L'ARTICLE SUIVANT: Un médecin qui fournit dans un cabinet privé, à la demande d'un travailleur, des services relatifs à la surveillance de l'état de santé de ce dernier, dans le cadre de programmes de santé au travail, doit transmettre au chef du département de santé communautaire, au moyen d'un formulaire approprié, les données médicales qui en résultent.

2.00 Organisation régionale et locale des services de santé au travail

2.01 NIVEAU REGIONAL: le C.H.-D.S.C.

Au niveau régional, le projet de loi confie les services de santé au C.H.-D.S.C. (département de santé communautaire). A cette fin, le projet de loi permet de désigner des C.H.-D.S.C. en supplément de ceux que prévoit déjà la Loi sur les services de santé et les services sociaux. Ainsi, le plan d'organisation d'un centre hospitalier désigné en vertu du projet de loi devra inclure un département de santé communautaire (article 252). La Fédération est d'accord avec ces objectifs. 2.02 Le lien fonctionnel des médecins qui oeuvrent dans les services de santé au travail d'une région s'établit avec le service de santé au travail du C.H.-D.S.C. de cette région. Le projet de loi admet implicitement cette proposition. Ce qui apparaît moins clairement dans le projet de loi, ce sont les articulations de ce lien fonctionnel avec les divers services de santé au travail. 2.03 De l'avis de la Fédération, un service de médecine du travail, faisant partie du département de santé communautaire, doit être prévu au niveau d'un C.H.-D.S.C.

A cette fin, la Fédération recommande que le projet de loi soit modifié comme suit:

RECOMMANDATION 5.CHAPrTRE XVI

MODIFIER L'ARTICLE 252 EN AJOUTANT LE SECOND ALINEA SUIVANT: Un département de santé communautaire doit comprendre un service de médecine du travail.

2.04 Ce service de médecine du travail réunira manifestement tous les médecins qui exercent en médecine du travail au C.H.-D.S.C.

A cette fin, la Loi sur les services de santé et les services sociaux doit subir une dérogation qui permette au chef du département de santé communautaire de collaborer avec le conseil des médecins et dentistes du C.H-D.S.C. pour l'étude de la candidature de ces médecins et l'attribution de leurs privilèges. Aussi, la Fédération recommande-t-elle que le projet de loi soit modifié comme suit:

RECOMMANDATION 6.CHAPITRE VIII. Section V

REMPLACER LE PARAGRAPHE 2 DE L'ARTICLE 100 PAR LE SUIVANT: Collaborer avec le comité d'examen des titres du conseil des médecins et dentistes et avec le conseil d'administration du centre hospitalier désigné... pour l'étude des candidatures des médecins désirant exercer la médecine du travail dans le service de médecine du travail du département de santé communautaire, conformément à la présente loi et ses règlements, et à la Loi sur les services de santé et les services sociaux. 2.05 Toutefois, la Fédération est d'avis que le concept de service de médecine du travail d'un C.H.-D.S.C. doit être élargi pour assurer la participation et la concertation de tous les médecins de la région dont les services ont été retenus par le chef du département de santé communautaire, dans le cadre des programmes de santé au travail.

Pour que ces médecins puissent fournir une participation valide au service de médecine du travail, sans détenir de nomination ni être membres du conseil des médecins et dentistes, le projet de loi doit déroger pour autant à la Loi sur les services de santé et les services sociaux. C'est pourquoi la Fédération recommande que le projet de loi soit modifié comme suit:

RECOMMANDATION 7. CHAPITRE VIII. Section V

AJOUTER, APRÈS L'ARTICLE 101, L'ARTICLE SUIVANT: Les médecins responsables ainsi que les autres médecins dont les services ont été retenus par le chef du département de santé communautaire, dans le cadre de programmes de santé au travail, participent de plein droit au service de médecine du travail du département de santé communautaire. 2.06 Au niveau local, doit circuler l'information que diffusera le chef du département de santé communautaire en rapport avec les médecins en exercice. Ainsi, les syndicats, les travailleurs, les employeurs et les comités de santé et de sécurité doivent savoir quels médecins sont en mesure d'être choisis comme médecins responsables et quels sont les médecins responsables qui oeuvrent dans la région.

La Fédération recommande que le projet de loi soit modifié comme suit:

RECOMMANDATION 8. CHAPITRE VIII. Section V

MODIFIER L'ARTICLE 101, EN REMPLAÇANT DANS LA CINQUIÈME LIGNE, LES MOTS QUI SE TROUVENT APRÈS LE MOT "TERRITOIRE", PAR LES MOTS SUIVANTS: ... les résultats des activités au niveau des services de santé ainsi qu'une liste maintenue à jour des médecins agréés et des médecins responsables.

3.00 L'agrément au médecin responsable

3.01 Le projet de loi dispose explicitement qu'un médecin "ne peut être nommé responsable des services de santé au travail d'un établissement (entreprise) que s'il a été agréé aux fins de la médecine du travail par le centre hospitalier dont le département de santé communautaire fournit ces services" (article 87). 3.02 Le projet de loi introduit une nouvelle notion, soit celle de l'"agrément" donné au médecin responsable. La Fédération est d'avis que le projet de loi devrait préciser cette notion et clarifier ses implications.

A cette fin, la Fédération recommande que le projet de loi soit modifié comme suit:

RECOMMANDATION 9. CHAPITRE I. DÉFINITIONS

AJOUTER LE PARAGRAPHE SUIVANT: "agrément": autorisation d'agir comme médecin responsable dans un ou plusieurs établissements d'une région, conférée sur demande à un médecin, par le chef du département de santé communautaire. Cette autorisation se substitue à une nomination en vertu de la Loi sur les services de santé et les services sociaux, et elle dispense le médecin agréé d'appartenir au conseil des médecins et dentistes du centre hospitalier désigné et d'assumer les obligations qui peuvent résulter de cette appartenance. 3.03 L'agrément en effet, permet une souplesse que n'offre pas la nomination. Les obligations professionnelles et administratives qui découlent de cette dernière sont incompatibles avec les exigences inhérentes au domaine du travail. Toutefois, la Fédération est d'avis que l'agrément doit correspondre à des normes professionnelles pré-établies. A cette fin, elle recommande que le projet de loi soit modifié comme suit:

RECOMMANDATION 10. CHAPITRE VIII. Section V

REMPLACER LE PARAGRAPHE 2 DE L'ARTICLE 100 PAR LE PARAGRAPHE SUIVANT: 2. Collaborer avec le comité d'examen des titres du conseil des médecins et dentistes et avec le conseil d'administration du centre hospitalier désigné pour l'établissement des normes professionnelles applicables à l'agrément donné à un médecin responsable et pour l'étude des candidatures des médecins désirant exercer la médecine du travail dans le service de médecine du travail du département de santé communautaire, conformément à la présente loi et ses règlements, et à la Loi sur les services de santé et les services sociaux. 3.04 La Fédération a déjà laissé entendre que le médecin responsable participait de plein droit au service de médecine du travail du département de santé communautaire. Ainsi sera-t-il adéquatement encadré sur le plan administratif. 3.05 L'agrément, une fois conféré, a un durée indéfinie. Mais il peut être révoqué par le chef du département de santé communautaire.

Le projet de loi protège, par un appel, un médecin qui a fait l'objet d'un refus d'agrément. De façon inexplicable, il est silencieux quand il s'agit de protéger un médecin pour qui l'agrément est révoqué.

La Fédération est d'avis qu'une même protection doit être accordée au médecin, qu'il s'agisse d'un refus ou d'une révocation d'agrément.

Aussi, recommande-t-elle que le projet de loi soit modifié comme suit:

RECOMMANDATION 11. CHAPITRE VIII. Section II

REMPLACER LE SECOND ALINÉA DE L'ARTICLE 91 PAR LE SUIVANT: De même, un médecin qui n'a pas été agréé ou pour qui l'agrément a été révoqué par le chef du département de santé communautaire, peut interjeter appel de la décision devant la Commission des affaires sociales. 3.06 Quelles normes de protection s'appliquent en appel?

L'article 92 du projet de loi suggère certains critères d'appréciation qui sont, en somme laissés à la discrétion de la Commission.

La Fédération estime cette protection inadéquate. Aussi recommande-t-elle que le projet de loi soit modifie comme suit:

RECOMMANDATION 12. CHAPITRE VIII. Section II

REMPLACER LE SECOND ALINÉA DE L'ARTICLE 92 PAR LE SUIVANT: La Commission des affaires sociales ne se prononce contre le médecin que pour une cause juste et suffisante, compte tenu, selon le cas, de la qualification du médecin, de sa compétence scientifique, de son comportement, de son observance des règlements et, plus particulièrement, de son expérience pertinente dans le domaine de la médecine du travail.

4.00 Le licenciement du médecin d'établissement (entreprise)

4.01 L'article 91 du projet de loi dispose que les personnes suivantes sont habilitées à demander qu'un médecin responsable soit démis de ses fonctions:

A) Les représentants des travailleurs au comité de santé et de sécurité.

B) Les représentants de l'employeur au comité de santé et de sécurité.

C) Le comité de santé et de sécurité, ou, s'il n'y a pas de comité:

A) L'association accréditée.

B) L'employeur. ou, s'il n'y a pas d'association accréditée:

A) Un travailleur.

B) L'employeur. 4.02 La Fédération est d'avis que, lorsqu'un comité de santé et de sécurité existe, seul le comité — qui a choisi le médecin — peut être habilité à demander sa destitution. De la sorte, la Fédération veut éviter que le médecin soit la victime de cabale ou de conflit intérieur. Pour exercer ses fonctions de façon impartiale, le médecin a besoin d'une garantie de relative stabilité. 4.03 S'il n'y a pas de comité de santé et de sécurité, mais s'il existe une association accréditée, la Fédération est d'accord pour que l'association accréditée ou l'employeur puisse exercer le recours en destitution. 4.04. S'il n'y a ni comité de santé et de sécurité, ni association accréditée, au moins trente-cinq pour cent (35%) des travailleurs de rétablissement doivent se regrouper pour demander la destitution du médecin responsable. L'employeur peut aussi en faire la demande. 4.05 La Fédération recommande donc que le projet de loi soit modifié comme suit:

RECOMMANDATION 13. CHAPITRE VIII. Section II

REMPLACER LE PREMIER ALINÉA DE L'ARTICLE 91 PAR LE SUIVANT: Le comité de santé et de sécurité ou, s'il n'y a pas de comité, l'association accréditée ou l'employeur, ou, s'il n'y a pas d'association accréditée, au moins trente-cinq pour cent (35%) des travailleurs de l'établissement ou l'employeur, peuvent adresser une requête à la Commission des affaires sociales aux fins de démettre de ses fonctions auprès d'un établissement le médecin qui y est responsable des services de santé. 4.06 Quelles normes de protection s'appliquent à la requête en destitution? La Fédération est d'avis qu'une cause juste et suffisante constitue le seul critère adéquat. Aussi, recomrnande-t-elle que le second alinéa de l'article 92 du projet de loi soit modifié en conséquence, comme elle l'a déjà suggéré au paragraphe 3.06 du présent mémoire.

RECOMMANDATION 14. CHAPITRE VIII. Section II

REMPLACER LE SECOND ALINÉA DE L'ARTICLE 92 PAR LE SUIVANT: La Commission des affaires sociales ne se prononce contre le médecin que pour une cause juste et suffisante, compte tenu, selon le cas, de la qualification du médecin, de sa compétence scientifique, de son comportement scientifique, de son comportement, de son observance des règlements et, plus particulièrement, de son expérience pertinente dans le domaine de la médecine du travail.

5.00 L'intégrité de l'entente

5.01 Le projet de loi prescrit qu'une entente conclue en vertu de l'article 15 de la Loi de l'assurance-maladie s'applique au régime de santé et de sécurité du travail. D'ailleurs, les services fournis dans le cadre du nouveau régime seront considérés comme assurés en vertu de la Loi de l'assurance-maladie (articles 85 et 251). 5.02 Une telle entente qui intervient entre le ministre des Affaires sociales et la Fédération, en vertu de la Loi de l'assurance-maladie, lie tous les médecins ainsi que les établissements (C.H., C.H.-D.S.C, C.L.S.C., etc.) qui y sont désignés. Elle a pour objets la participation des médecins aux régimes, les normes afférentes à la rémunération des médecins ainsi que les conditions d'exercice de leur profession dans le cadre de ces régimes. L'entente présentement en vigueur dispose que: "Aucune entente individuelle portant sur l'un des objets de l'entente ne peut intervenir entre un médecin et soit le Ministre, la Régie ou un établissement. Une telle entente individuelle est nulle de plein droit."

D'autre part, l'entente présentement en vigueur fixe les modes de rémunération des médecins selon les divers niveaux de soins, y compris celui de la santé communautaire.

5.03 Le projet de loi prévoit, par ailleurs, qu'un médecin responsable doit conclure avec un centre hospitalier "un contrat de service dont le contenu est conforme au règlement" (article 87). Cette disposition du projet de loi n'est pas nécessaire puisqu'une entente conclue en vertu de l'article 15 de la Loi de l'assurance-maladie lie à la fois le médecin et l'établissement. De plus, cette disposition déjà superflue est nuisible parce qu'elle va à l'encontre de l'entente, laquelle proscrit expressément "toute entente individuelle".

La Fédération propose donc que la dernière phrase de l'article 87 du projet soit enlevée. L'entente en vertu de la Loi de l'assurance-maladie pourvoira aux relations qui doivent exister entre le médecin responsable et le centre hospitalier. 5.04 Le projet de loi dispose aussi qu'un médecin qui oeuvre dans un établissement (entreprise) sera rémunéré selon le mode du salariat ou de la vacation (article 85). La rémunération proviendra de la Régie de l'assurance-maladie.

Or, une entente conclue en vertu de l'article 15de la Loi de l'assurance-maladie lie à la fois tout médecin et la Régie. Elle a également pour objet d'établir le mode de rémunération des médecins. Il devient également superflu et même nuisible de maintenir cette disposition dans le projet de loi. L'entente y pourvoira adéquatement. 5.05, Si le projet de loi maintenait ces dispositions des articles 85 et 87, l'intégrité de l'entente en vertu de la Loi de l'assurance-maladie serait sérieusement menacée. La Fédération ne peut tolérer, en effet, que cette entente puisse être tronquée par le gouvernement et qu'un processus de législation se substitue au régime de négociation. Surtout quand il s'agit d'objets auxquels l'entente peut amplement et facilement pourvoir. La Fédération recommande donc que le projet de loi soit modifié comme suit:

RECOMMANDATION 15.CHAPITRE VIII. Section I

REMPLACER L'ARTICLE 85 PAR LE SUIVANT:

Le médecin responsable des services de santé dans un établissement, de même que les autres médecins qui fournissent des services dans le cadre des programmes de santé au travail, sont rémunérés par la Régie de l'assurance-maladie du Québec, conformément aux ententes conclues en vertu de l'article 15 de la Loi de l'assurance-maladie. La Fédération recommande que le projet de loi soit modifié comme suit:

RECOMMANDATION 16.CHAPITRE VIII. Section II

REMPLACER L'ARTICLE 87 PAR LE SUIVANT:

Un médecin ne peut être choisi ou désigné comme responsable des services de santé d'un établissement que s'il a été agréé aux fins de la médecine du travail par le chef du département de santé communautaire duquel relève cet établissement.

6.00 Le certificat médical relatif au retrait préventif de la travailleuse enceinte

6.01 L'article 32 du projet de loi prévoit qu'une travailleuse enceinte peut demander une affectation à d'autres tâches. A défaut de l'obtenir, elle peut quitter préventivement son travail. L'article dispose qu'à l'appui de sa demande, la travailleuse enceinte doit produire un certificat médical "attestant que les conditions de son travail comportent des dangers physiques pour l'enfant à naître ou, à cause de son état de grossesse, pour elle-même..." 6.02 Le médecin traitant connaît les conditions de travail de sa patiente par le rapport que celle-ci lui en donne. Toutefois, le médecin ne peut pas toujours se rendre compte des risques inhérents à l'emploi de sa patiente sans les vérifier personnellement. Or, le projet de loi ne lui fournit pas les moyens adéquats d'acquérir une connaissance complète de ces risques. 6.03 La Fédération est d'avis que le projet de loi présume trop de la connaissance qu'a le médecin de toutes les conditions de travail de la travailleuse enceinte. Elle propose que le médecin décrive dans le certificat les conditions de travail dont sa patiente l'informe.

C'est pourquoi, la Fédération recommande que le projet de loi soit modifié comme suit:

RECOMMANDATION 17. CHAPITRE III. Section I

REMPLACER LE PREMIER ALINÉA DE L'ARTICLE 32 PAR LE SUIVANT: Une travailleuse enceinte qui travaille dans un établissement et qui fournit à l'employeur un certificat médical attestant que les conditions de travail qui y

sont décrites comportent des dangers physiques pour l'enfant à naître ou, à cause de son état de grossesse, pour elle-même, peut demander d'être affectée à des tâches ne comportant pas de tels dangers jusqu'au moment de bénéficier d'un congé de maternité en vertu de la Loi sur les normes de travail.

ANNEXE B

Mémoire présenté à la commission parlementaire de la main d'oeuvre et du travail

sur le projet de loi sur la snté et la sécurité au travail par la Corporation professionnelle des médecins du Québec

Augustin Roy, M.D. Président-Secrétaire général

Montréal, Août 1979

Introduction

La Corporation professionnelle des médecins du Québec a rédigé depuis ces dernières années de nombreux mémoires sur différents projets de loi. Le présent mémoire sur le projet de loi sur la santé et la sécurité au travail nous est apparu le plus difficile à élaborer parce qu'il faut deviner sa portée, certaines composantes nécessaires du système étant passées sous silence, d'autres devant être établies par règlement une fois la loi adoptée.

Nous aurions voulu faire une critique positive et constructive du projet de loi; nous avons dû nous limiter à poser les questions auxquelles le projet de loi ne répond pas.

Même si la santé et la sécurité au travail relèvent très souvent d'une équipe composée de différents professionnels, nous nous limiterons dans ce mémoire aux aspects qui concernent la médecine et le médecin.

La C.P.M.Q. * a déjà fait au ministre d'Etat au développement social, après la publication de son Livre blanc sur la santé et la sécurité au travail, des recommandations concernant les services de santé au travail qui se résument comme suit:

Pour éviter que la médecine du travail devienne une médecine parallèle; Pour assurer l'autonomie et l'indépendance du médecin et des autres professionnels et de façon générale du service de santé au travail;

Pour assurer que la médecine du travail soit dépendante de ses pairs;

Pour permettre une plus grande intégration de la médecine du travail à l'ensemble de la pratique médicale, il est suggéré: 1. de créer l'obligation pour tout milieu de travail où il y a plus de 10 employés de recourir à un service de santé au travail. 2. d'introduire dans la loi une section sur le service de santé et sécurité au travail et que cette section: a) comprenne une définition du service de santé et sécurité au travail telle qu'elle apparaît dans le Livre blanc; b) décrive l'organisation clinique des services de santé et sécurité au travail et amende la loi sur les services de santé et les services sociaux de façon à créer l'obligation d'établir dans certains hôpitaux un département clinique de médecine du travail et ainsi relier la médecine du travail à l'organisation clinique de l'ensemble de la médecine; c) contienne des dispositions de façon à rendre confidentiels les dossiers des services de santé et sécurité au travail; d) contienne des dispositions relatives aux droits et obligations du service de santé à l'égard de l'employé, l'employeur et le syndicat; e) contienne des dispositions relatives aux droits et obligations de l'employé à l'égard du service de santé; f) contienne des dispositions relatives aux droits et obligations de l'employeur à l'égard du service de santé; *C.P.M.Q.: Corporation professionnelle des médecins du Québec

g) contienne des dispositions relatives aux droits et obligations du syndicat à l'égard du service de santé, et qu'ainsi, par ces diverses dispositions on cerne l'autonomie du médecin et du service de santé au travail. 3. de nommer au sein de la Commission de santé et sécurité au travail un médecin représentant les services de santé et sécurité des milieux de travail, ou d'établir un Conseil consultatif médical, ou tout au moins d'établir un mécanisme de coordination entre la Commission de santé et sécurité au travail, les professionnels de la santé et des autres organismes de santé.

La C.P.M.Q. a reconnu dans le projet de loi certaines de ses recommandations et apprécie que les concepteurs du projet de loi les aient retenues. Nous croyons que les autres recommandations devraient aussi être retenues pour améliorer les services de santé proposés.

Cette position de la C.P.M.Q. démontre son intérêt et son appui à toute législation bien structurée sur la santé et la sécurité des travailleurs.

Dans ce mémoire, nous regroupons nos commentaires sous sept chapitres.

Nous exprimons en premier lieu notre réticence quant au fait que la loi ne précise guère son champ d'application et laisse plusieurs inconnues au pouvoir réglementaire.

Nous nous interrogeons dans le deuxième chapitre sur l'utilité et la nécessité qu'il y a de créer une structure de distribution de services de santé en marge de celle existante et sans, au surplus, introduire entre ces deux structures des liens qui assurent l'application efficace de ce qui est proposé.

Dans les trois chapitres qui suivent, nous nous interrogeons sur certaines dispositions du projet de loi qui affectent le libre choix du médecin, qui restreignent l'exercice de la médecine et qui n'assurent pas le caractère confidentiel des informations médicales.

Dans un autre chapitre, la C.P.M.Q. énumère les différents éléments du système de santé et sécurité au travail que le projet de loi veut mettre en place et qui permettent à la C.P.M.Q. d'appréhender l'établissement d'un réseau parallèle de distribution de soins.

Suit un chapitre de commentaires divers.

A titre de conclusion, nous recommandons que le projet de loi se rapproche davantage du Livre blanc sur la santé et la sécurité au travail en ce qui concerne la définition des services de santé au travail.

1. Etendue du champ l'application de la loi A.

Deux inconnues du projet de loi

Deux inconnues nous empêchent de mesurer la portée exacte du projet de loi et d'apprécier d'une façon concrète son impact sur la distribution des services médicaux.

La première inconnue a trait aux milieux de travail auxquels la loi devra s'appliquer, c'est-à-dire aux "établissements".

La seconde inconnue a trait à l'étendue que doit prendre l'expression "services de santé" dans le contexte du projet de loi. 1. Première inconnue: Les "établissements" visés a) Le choix peu heureux du mot "établissement"

A titre préliminaire nous exprimons notre complet désaccord à propos de l'emploi du mot "établissement".

Nous sommes conscients que la Loi des établissements industriels et commerciaux, remplacée par le présent projet de loi (art. 219), utilise le terme "établissement" depuis longtemps; cependant elle l'utilise en le qualifiant des adjectifs "industriel" ou "commercial".

Il y a huit ans le législateur a forcé l'implantation du mot "établissement" auprès de centaines de milliers de travailleurs et de professionnels du domaine de la santé et auprès de la population en général.

Alors que les secousses causées par ces efforts d'implantation ne sont pas encore éteintes, voici que le projet de loi propose à nouveau ce même mot pour désigner une réalité complètement différente et infiniment plus étendue, c'est-à-dire pour désigner à peu près tout milieu de travail. Nous n'avons aucun doute sur le pouvoir du législateur de désigner les choses par les termes que sa fantaisie lui fait choisir. Nous sommes certains toutefois qu'il n'exercera pas sa puissance au mépris du bon sens et qu'il évitera de plonger tout le monde dans l'imbroglio par l'emploi dans deux lois connexes d'une même expression pour désigner deux réalités différentes auxquelles il faut référer très fréquemment. Nous suggérons qu'on emploie tout simplement les mots "milieu de travail" au lieu du mot "établissement".

b) La définition d"'établissement"

Le projet relie l'existence d'un certain nombre de droits et d'obligations au fait qu'on se trouve dans un "établissement" ou qu'on ne s'y trouve pas. Il est donc bien important de savoir ce que l'on entend par "établissement".

La définition du mot "établissement", au paragraphe 14 de l'article 1, réfère aux milieux organisés "en vue de la production de biens ou de services". Ces mots ne nous semblent pas inclure les entreprises de distribution de biens ou de services. Ils ne semblent référer qu'à ce que, dans la loi actuelle (L.Q. 1964 c. 150), on désigne par "établissement industriel" par opposition à "établissement commercial". Ce paragraphe 14 de l'article 1 a-t-il pour effet d'exclure du champ d'application de la loi toutes les entreprises de distribution? Ou de créer une dichotomie auprès des entreprises mixtes de production et de distribution? Nous ne comprendrions pas la logique de cette distinction, si vraiment on a voulu la faire car un tes grand nombre de dispositions du projet devraient s'appliquer aux établissements commerciaux: songeons par exemple aux obligations générales faites aux employeurs et aux employés (art. 38 et 40). Aussi, croyons-nous qu'il s'agit d'une inadvertance. c) Pouvoirs réglementaires discrétionnaires de la Commission de la santé et de la sécurité au travail.

Les définitions données aux mots "travailleur", "employeur", "établissement" son tellement vastes (sous réserve du commentaire ci-dessus) que la majorité des personnes qui travaillent sont visées par la loi. Or il est évident qu'il serait utopique et inutile d'imposer dans tous les milieux de travail l'appareil de droits et d'obligations créé par le projet de loi et d'y mettre en place l'ensemble des structures qu'il a inventées. Personne ne verra très bien par exemple pourquoi un agent d'assurance qui emploi une secrétaire serait obligé de mettre en application un programme de prévention (art. 47) ou, d'utiliser, contrôler et éliminer les risques pouvant affecter la santé et la sécurité de sa secrétaire (art. 40 par. 6°), ni pourquoi un "médecin responsable" serait nommé pour elle (art. 88). Aussi comprenons-nous très bien qu'on ait autorisé la Commission à limiter la portée de la loi par voie réglementaire. En effet, d'après l'article 185, la Commission peut: "9° déterminer, en fonction des catégories d'établissements les cas où des services de santé doivent être fournis aux travailleurs..."; "35° exempter de l'application de la présente loi, ou de certaines de ses dispositions, des catégories de personnes, de travailleurs, d'employeurs, de lieux de travail, d'établissements ou de chantiers de construction". Reste que la Commission n'est pas obligée de faire tel règlement, (quoiqu'il y ait ici ambiguïté: en effet, l'article 185 emploie l'expression "peut" mais l'article 187 permet au Gouvernement de forcer l'adoption d'un tel règlement).

Malgré la connaissance des critères énumérés à l'article 185, par. 1° (activités exercées, nombre d'employés ou fréquence et gravité d'accidents ou de maladies), que la Commission devra respecter dans l'exercice de son pouvoir réglementaire, il est difficile, voire impossible, présentement de mesurer la portée concrète du projet de loi en dehors des grandes entreprises industrielles. Nous nous permettons de présumer que les grandes entreprises seront à peu près sûrement soumises au projet de loi. Le paragraphe 9 de l'article 185 crée en plus un autre problème ou une autre difficulté d'interprétation. Cet article veut-il dire que la Commission pourra établir les catégories de maladies pour lesquelles des services de santé doivent être fournis, ou plutôt, qu'elle pourra décider à quelles catégories de travailleurs ils doivent être fournis? Il appartiendra donc à la Commission de limiter par voie de règlement la portée de la loi c'est-à-dire de retirer à certaines catégories de travailleurs les droits que le projet de loi leur accorde dans un premier temps. Ce pouvoir, en plus de nous empêcher de mesurer la portée concrète du projet de loi et d'apprécier son impact sur la distribution des services médicaux, nous paraît trop discrétionnaire.

La C.P.M.Q. est d'avis que le projet de loi devrait contenir les limites de son application plutôt que de laisser complètement le soin à la Commission de tracer ces limites. 2. Seconde inconnue: La notion de service de santé

La Corporation a tout lieu de penser que les services de santé dont il est question partout dans la loi sont ceux visés à l'article 9 par. 2° du projet de loi c'est-à-dire les soins préventifs et curatifs particuliers aux risques auxquels une catégorie de travailleurs est exposée. Toutefois, hormis ce qui est dit à cet article, le projet de loi n'articule pas ce que sont les "services de santé" sans les qualifier (articles 86, 87, 97); à l'article 85, on réfère à des "services de santé" rendus dans le cadre des programmes cadres ou dans le cadre des programmes spécifiques; à l'article 84, on parle de "services de santé au travail".

Cette absence de précision pourrait donner lieu à des interprétations discordantes et fâcheuses, qui, la Corporation veut bien le croire, sont inexactes. a) L'article 86 emploie sans qualification l'expression "services de santé". On pourrait donc penser que tous les services de santé requis par un travailleur, aussi bien ceux qui ont trait aux problèmes médicaux causés par son travail que ceux qui y sont étrangers, ne pourront, à l'avenir, être dispensés qu'en milieu institutionnel (centre hospitalier, centre local de services communautaires) ou en milieu de travail, à moins que, pour l'unique raison que des locaux ne sont pas disponibles, le chef de département de santé communautaire ne permette qu'ils soient dispensés en cabinet privé. La loi ne viserait plus alors les problèmes de santé au travail, mais l'ensemble des problèmes de santé de toute personne qui est un "travailleur". Le critère de rattachement n'est plus le travail, mais le fait d'être travailleur.

Le sens naturel des mots "services de santé" employés seuls mène à cette conclusion. Il va sans dire que la Corporation s'opposerait carrément à cet état de chose qui résulterait en un réseau parallèle de services de santé et en une discrimination entre les travailleurs et les non-travailleurs, de même qu'entre les travailleurs visés par la loi et ceux qui ne le sont pas. Sans compter tous les autres problèmes que cela pourrait soulever. b) L'article 86 aurait donc pour effet d'abolir presqu'entièrement la pratique de la médecine en cabinet privé à l'égard de tout travailleur, puisqu'il décrète que ces services devront être fournis seulement dans les centres hospitaliers, les C.L.S.C. et les "établissements". c) II faudrait aussi comprendre que l'article 86 prive le travailleur du libre choix du médecin ou du centre hospitalier duquel il désire recevoir des services, non seulement pour les services de santé reliés à son travail, mais pour tous les services de santé. d) II en résulterait enfin que le projet de loi (art. 209) vise à faire financer tous les services de santé requis par cette partie de la population que constituent les travailleurs, par les employeurs et non plus par la contribution générale de tous.

La Corporation est certaine que ces interprétations ne sont pas correctes et qu'elles ne représentent pas les visées du Gouvernement. Elle croit essentiel, en conséquence, que soit précisée et cernée davantage, en particulier au chapitre VIII, la notion de "services de santé". Il serait fort utile à cette fin de retourner au Livre blanc sur la santé et la sécurité au travail et de s'en inspirer; celui-ci référait aux services de santé au travail en leur attribuant quatre fonctions; "La surveillance de l'état de santé des travailleurs assurant le dépistage précoce et la prévention de toute altération à la santé provoquée ou aggravée par le travail." "L'identification et l'évaluation des risques à la santé physique et mentale causés par le milieu de travail". "La mise sur pied et le bon fonctionnement d'un service adéquat de premiers soins pour faire face aux urgences médicales et traumatiques et pour faciliter la réadaptation au travail". "La connaissance des caractéristiques individuelles des travailleurs, afin de faciliter leurs affectations à des tâches non susceptibles de porter atteinte à leur santé ou à leur sécurité" (pp. 239-240).

B. La dimension psycho-sociale de la santé

Le projet de loi veut reconnaître le droit du travailleur à la santé, à la sécurité et à l'intégrité physique. Même s'il met l'emphase sur les agresseurs physiques et chimiques, il appert que la santé mentale n'est pas exclue. La santé mentale est un élément de la santé contenu dans la définition de l'Organisation mondiale de la santé à laquelle le Livre blanc réfère (p. 238).

Le champ d'application du présent projet de loi s'étend-il à la santé mentale?

II. Un réseau hybride

A l'heure actuelle les services de santé dispensés par les médecins le sont soit dans les établissements au sens de la Loi sur les S.S.S.S.*, soit en cabinet privé du médecin (que celui-ci soit à son propre compte, ou que ses services aient été retenus par un employeur).

Le projet de loi prévoit une troisième voie. Cette troisième voie est à la fois distincte des deux autres et à la fois reliée, en partie, au réseau des établissements gouvernés par la Loi sur les S.S.S.S..

Cette troisième structure, hybride, n'est pas articulée dans tous ses détails par le projet de loi. Des composantes nécessaires sont passées sous silence. Par ailleurs, certaines parties du système mis de l'avant par le projet de loi semblent entrer en conflit ou passer outre à différentes mesures que le législateur a cru nécessaire d'adopter dans la loi sur les S.S.S.S. * Loi sur les S.S.S.S.: Loi sur les services de santé et les services sociaux.

Nous soulignerons dans les paragraphes qui suivent certaines difficultés créées par le projet de loi à cet égard.

A. Le dossier médical

En milieu institutionnel, l'article 3.5.1 du règlement édicté en vertu de la Loi sur les S.S.S.S. oblige un établissement à ouvrir un dossier médical pour chaque bénéficiaire. L'article 7 de cette loi gouverne l'accès à ce dossier médical.

Or visiblement, le dossier médical dont traite le projet de loi n'est pas le dossier médical dont parlent la Loi sur les S.S.S.S. et son règlement. En effet, s'il s'agissait du même dossier, il est bien sûr que l'article 7 de la Loi sur les S.S.S.S. le régirait. Or ce n'est pas le cas, puisque l'article 99 au second paragraphe prend la peine de dire que le deuxième alinéa de l'article 7 s'y applique, laissant évidemment voir que les autres alinéas de l'article 7 ne s'y appliquent pas. Il est bien sûr aussi que les autres dispositions de la Loi sur les S.S.S.S. ou de son règlement, notamment les dispositions quant à l'accès au dossier (article 7) quant à sa conservation (art. 3.5.7, 4.4.11 du règlement) s'appliqueraient; or, encore ici, le dossier médical est régi différemment: le projet de loi en rend l'accès illimité au travailleur, et en prescrit une période de conservation de 20 à 40 ans plutôt que de 10.

En cabinet privé, l'article 85 (par. 4°) du Code des professions et le règlement applicable de notre corporation obligent un médecin à ouvrir un dossier médical pour chacun de ses patients et à en assurer la garde.

Or, ce n'est pas non plus ce dossier que vise le projet de loi puisque celui-ci en confie la double garde au "médecin responsable" (article 99) — qui n'est pas nécessairement le médecin qui aura dispensé les soins — et au chef de département de santé communautaire (article 100 par. 6°).

Il s'agirait donc d'un dossier médical qui n'est pas celui du centre hospitalier ni celui du médecin traitant.

Nulle part dans le projet de loi on indique qui doit ouvrir ce dossier. Nulle part non plus on ne dit quel devra être le contenu de ce dossier. La section 5 de la partie III du règlement édicté en vertu de la Loi sur les S.S.S.S. précise le contenu obligatoire du dossier tenu par un centre hospitalier; mais les auteurs du projet de loi, comme nous l'avons souligné tantôt, ne semblent pas penser que ce règlement s'appliquera au dossier médical dont ils parlent (voir art. 99. 2e al.). Le règlement de la corporation prévoit de son côté le contenu du dossier ouvert par le médecin traitant; mais ce règlement ne s'appliquerait pas davantage puisque, encore une fois, le projet de loi laisse penser que le dossier médical n'est pas celui ouvert par le médecin traitant. Qu'en sera-t-il?

Il apparaît aussi que ce dossier médical et son contenu échappent aux pouvoirs d'analyse du Comité d'évaluation médicale et dentaire du centre hospitalier (article 5.3.2.21 règlement de la Loi sur les S.S.S.S.). En effet ce comité exerce ses fonctions d'évaluation en analysant les dossiers médicaux du centre hospitalier. Nous doutons qu'il ait le pouvoir d'enquêter dans des dossiers qui ne sont pas des dossiers du centre. Est-ce à dire que le "médecin responsable" et les médecins agissant sous son autorité, échapperont au contrôle du conseil des médecins et dentistes? Nous ne voyons aucune raison pour laquelle la pratique de ces médecins dans un centre hospitalier ne serait pas soumise vis-à-vis du conseil des médecins et dentistes aux mêmes règles que la pratique de toutes les autres disciplines médicales.

La situation relative au dossier médical est d'autant plus ambiguë que le projet de loi exige que les "services de santé pour les travailleurs soient dispensés dans les "établissements" ou dans les centres hospitaliers ou les C.L.S.C. Comme la loi et les règlements sur les S.S.S.S. régissant les centres hospitaliers et les C.L.S.C. obligent la création d'un dossier médical pour toute personne qui y reçoit des services, devra-t-on assister à la création de deux dossiers médicaux pour le même travailleur? L'un constitué aux termes de la Loi sur les S.S.S.S. et l'autre régi par la Loi sur la santé et la sécurité au travail? Dans lequel des deux dossiers versera-t-on les notes relatives à la consultation de celui qui, s'étant déjà présenté au centre comme travailleur, s'y présente maintenant comme une simple personne?

Comment arrivera-t-on à dissocier la partie du dossier relative aux pathologies et aux infirmités imputables au travail de celles dont le même individu en tant que citoyen ordinaire, pourrait par ailleurs être affectées?

Où le dossier médical auquel le projet de loi s'adresse sera-t-il conservé? Au centre hospitalier? A I"'établissement" au sens du projet de loi? L'article 99 du projet de loi ne le dit pas.

Ce même article 99 réfère à des procédures établies par le département de santé communautaire pour assurer la garde et le caractère confidentiel du dossier. Ce nous semble une mauvaise politique que de laisser à chaque département de santé communautaire le soin d'établir ses propres procédures. Un minimum d'uniformité et de garantie de l'aspect confidentiel des données devrait être assuré à l'échelle de la province.

B. Responsabilité de la distribution des services de santé et notion de médecin traitant

En milieu institutionnel, l'article 3.2.1.10 du règlement édicté en vertu de la Loi sur les S.S.S.S. prévoit que toute personne inscrite ou admise dans un centre hospitalier devient la responsabilité d'un

médecin du centre, qu'on nomme alors le médecin traitant. A ce médecin traitant échoie la charge du malade, des responsabilités particulières quant au diagnostic final et à la feuille sommaire du dossier médical.

En cabinet privé, même dans le cas d'une clinique regroupant plusieurs médecins, il existe toujours également un médecin traitant en vertu du contrat médical qui s'établit au moment de la consultation, médecin traitant auquel le Code de déontologie de la C.P.M.Q. impose différentes obligations.

Où se situe le médecin traitant dans le projet de loi?

L'article 86 du projet de loi prévoit que les services de santé pour les travailleurs d'un "établissement" sont fournis sous l'autorité "d'un médecin responsable" dans un centre hospitalier, un C.L.S.C. ou un "établissement". Sera-ce donc "le médecin responsable" qui aura autorité sur les soins dispensés et qui en assumera la responsabilité? Suivant la Loi sur les S.S.S.S., les services de santé sont dispensés sous l'autorité du médecin traitant.

S'il s'agit d'un centre hospitalier, au nom de quel médecin traitant le travailleur patient sera-t-il inscrit? Au nom du médecin du département clinique du centre hospitalier où il y aura été dirigé? Ce médecin relève de son chef de département suivant la Loi et les règlements sur les S.S.S.S. (art. 4.5.1.5). Est-ce à dire que ce médecin traitant relèvera de l'autorité de deux départements (le département clinique concerné et le département de santé communautaire auquel le "médecin responsable" est attaché)?

Le médecin que le projet de loi appelle le "médecin responsable" pourra être, mais ne sera pas toujours, le médecin traitant. Le médecin traitant est responsable de son malade. Le "médecin responsable" est plutôt responsable de programmes cadres et de programmes spécifiques de santé. L'article 86 du projet de loi crée donc une ambiguïté sérieuse en indiquant que les services de santé sont fournis sous son autorité.

En somme, cet article du projet de loi ignore les mécanismes qui entrent en jeu en vertu de la Loi sur les S.S.S.S. lorsqu'une personne est inscrite ou admise dans un centre hospitalier.

La pensée du médecin traitant étantabsente de la conception de ceuxqui ont rédigé le projet de loi, on peut se demander comment les responsabilités assignées par le Code de déontologie au médecin traitant vont s'appliquer ou se partager.

Ce médecin traitant, que l'on se fait fort d'ignorer à tous les niveaux d'intervention, demeure pourtant le seul capable d'une évaluation globale et d'une intervention pondérée axée sur le bien-être individuel du travailleur. La présence du médecin traitant collaborerait à minimiser la dépersonnalisation tant décriée de la médecine.

Il peut arriver en effet qu'une maladie ou une complication psychologique ou physique qui survient au travail relève d'antécédents personnels ou familiaux qui, au départ, n'ont pas été causés par le milieu de travail. Il peut arriver également que des complications originant du milieu de travail aient des répercussions sur d'autres pathologies existantes. La maladie, qu'elle soit due à des facteurs liés au travail ou à d'autres facteurs qui ne le sont pas, n'est pas divisible. Dans ce cens, rappelons que le Code de déontologie de la C.P.M.Q. oblige, d'une part, le médecin traitant à collaborer avec toute personne dans l'intérêt légitime du malade et oblige, d'autre part, le médecin d'entreprise ou le médecin contrôleur à communiquer au médecin traitant du malade qu'il examine tout détail qu'il juge important quant au traitement de celui-ci et avec son autorisation.

Nous désirons souligner le danger que comporte l'idée même de créer une structure "santé au travail" qui soit étanche par rapport à la stucture traditionnelle de distribution de soins. L'orientation prise de vouloir considérer le patient globalement, le situant dans son environnement social et familial, se trouve menacée par ce cloisonnement.

C'est une chose que de vouloir faire l'épidémiologie des maladies du travail; c'en est une autre que d'éliminer, dans les faits, le médecin traitant de toute intervention préventive, diagnostique ou thérapeutique pour tout ce qui a trait à l'univers du travail.

C. Agrément des médecins

Suivant la Loi sur les S.S.S.S., aucun médecin ne peut exercer sa profession en milieu hospitalier s'il n'y a acquis un statut et des privilèges.

La procédure de nomination et les catégories de statuts et de privilèges font l'objet de plusieurs dispositions de la Loi sur les S.S.S.S. et de son règlement avec lesquelles le projet de loi sous étude n'est pas en harmonie.

L'article 87 du projet de loi parle d'agrément. La Loi sur les S.S.S.S. parle d'acquisition de statut et de privilèges. Veut-on créer un mode spécial de nomination? Veut-on passer outre à la Loi sur les S.S.S.S.?

L'article 92 du projet de loi mentionne «l'expérience pertinente dans le domaine de la médecine du travail» comme critère de nomination; l'article 92a de la Loi sur les S.S.S.S. ne réfère pas à des critères d'expérience. Il y aurait avantage à utiliser la même terminologie dans les deux lois.

Dans un autre ordre d'idée, l'article 100 par. 2° du projet de loi réfère à la «candidature des médecins désirant oeuvrer dans le domaine de la médecine du travail». Vise-t-on ici les candidats aux

postes de «médecin responsable» de même que tous les médecins qui fourniront des services sous son autorité (art. 86) ou les premiers seulement?

Il nous apparaît, à l'égard des points qui précèdent, que la Loi sur les S.S.S.S. devrait avoir libre cours; celle-ci n'exigeant qu'un médecin acquiert un statut et des privilèges que s'il exerce la médecine dans le centre hospitalier. Quant aux "médecins responsables", leur rattachement au département de santé communautaire nous porte à croire, dans le contexte actuel du projet de loi, qu'ils devraient faire l'objet de la procédure ordinaire d'obtention d'un statut et de privilèges, quitte à ce qu'on dispense ces médecins de certaines obligations afférant aux membres du conseil des médecins et dentistes, dans le cas où ces médecins responsables n'exercent pas de fait dans le centre.

Notons aussi deux autres points accessoires. L'article 100 par. 2° dit que le chef du département de santé communautaire "collabore" avec le comité d'examen des titres et le conseil d'administration du centre hospitalier pour l'étude des candidatures des médecins. Le chef de département de santé communautaire devient-il à la fois conseiller et juge?

L'article 89 du projet de loi fait durer quatre ans la nomination d'un "médecin responsable"; le règlement édicté en vertu de la Loi sur les S.S.S.S. fait durer un an les nominations (qui toutefois peuvent être renouvelées annuellement). Qu'adviendra-t-il si ce "médecin responsable" perd son statut ou ses privilèges en vertu de la Loi sur les S.S.S.S.?

D. Service ou département de santé

Dans la Loi sur les S.S.S.S. et son règlement, le mot "service" réfère souvent à une entité organisée d'un milieu hospitalier à qui échoient des tâches spécifiques (v.g. services hospitaliers, services de pharmacie, de diététique, etc., art. 4.4.3). Dans ce même règlement, le mot "département" réfère à une entité organisée sous la direction d'un chef dont le mode de nomination et les fonctions sont bien précisés.

Dans le Livre blanc sur la santé et la sécurité au travail on donne également au mot "service" ce sens d'une entité organisée regroupant du personnel affecté à des tâches particulières. En effet, ce Livre blanc indique à propos des "services de santé au niveau local" ce qui suit: "Pour chaque entreprise ou regroupement d'entreprises, selon les ressources disponibles et compte tenu de la fréquence et de la gravité des risques présents dans le milieu, existera un service de santé au travail. Ce service ne sera plus placé sous la responsabilité financière et administrative directe de l'employeur. Il pourra être intégré administrativement à un centre hospitalier, à un centre local de services communautaires ou même à un cabinet privé." (p. 241).

Dans le projet de loi, l'expression "services de santé" est fréquemment utilisée. On serait tenté parfois d'y voir apparaître la notion de service clinique tel qu'on l'entend dans le réseau hospitalier. Au contraire, il faut réaliser que le mot "service" y est constamment utilisé au pluriel, dans un contexte référant à des soins de santé plutôt qu'à une entité administrative (v.g. articles 9.2, 85, 86, 87). Il n'y est pas employé dans le sens d'un "service" ou "département clinique" au sens de la Loi sur les S.S.S.S. ou selon le sens indiqué au Livre blanc. Nulle part on n'indique qu'un "service" de santé localisé doit être mis sur pied dans ('"établissement" ou dans un centre hospitalier ou dans un C.L.S.C. et évidemment encore moins dans un cabinet privé.

Pourtant, et paradoxalement, la tâche et les responsabilités du médecin responsable, selon le projet1 de loi, sont conçues à certains égards comme s'il était le chef d'un département structuré. La durée desa nomination (art. 89 du projet de loi) est celle d'un chef de département dans un centre hospitalier (art. 4.5.1.6 du règlement de la Loi sur les S.S.S.S.). Le personnel professionnel et technique agit sous son autorité (art. 86 et 90). Le projet réfère au "médecin responsable" comme étant responsable des services de santé d'un établissement (art. 87 et 97), comme s'il s'agissait d'un département. L'article 98 l'oblige à faire rapport de ses activités.

Il résulte de ceci une ambiguïté gênante. On semble créer un département de santé sans le dire, un département désincarné d'ailleurs. Le projet de loi attribue aux services de santé qui, dans les faits, n'existent pas, et au "médecin responsable" qui n'est pas un chef de service, des obligations sans leur fournir tous les moyens de s'acquitter de ces obligations.

Ainsi, le médecin responsable peut participer à toutes les réunions du comité de santé et sécurité au travail, mais le projet de loi n'oblige pas le comité à toujours l'y inviter.

Le projet de loi oblige l'employeur à communiquer à tous les partenaires du système certaines informations telle la liste des contaminants (art. 40, par. 8o); le projet oublie cependant le "médecin responsable".

Le projet de loi oblige à afficher ou mettre à la disposition des travailleurs les informations transmises par la Commission ou le département de santé communautaire (art. 40, par. 10o); il oublie de créer cette même obligation à l'égard des informations transmises par le service de santé ou le "médecin responsable".

Lorsqu'un accident survient sur les lieux du travail, l'employeur doit aviser l'inspecteur chef régional, le comité de santé et de sécurité et l'association accréditée (art. 51). Seul le service de santé ou le "médecin responsable" n'est pas avisé!

Le projet de loi n'oblige pas l'employeur à fournir des locaux au service de santé et il n'est pas certain qu'il oblige le centre hospitalier concerné à fournir de tels locaux en dehors de ses murs (art. 84, 3o alinéa). Le projet de loi est de toute clarté à l'égard des locaux du comité de santé et de sécurité (art. 40, par. 15o).

Le financement du service de santé au travail est beaucoup plus flou que ne l'est le financement du comité de santé et de sécurité. Ce dernier est de toute évidence à la charge de l'employeur. Le service de santé risque d'avoir à se débattre entre deux sources de financement (budget du centre hospitalier venant du ministère des Affaires sociales et budget du centre hospitalier venant de la Commission) qui pourront se renvoyer la balle, la notion de services de santé au travail n'étant pas définie.

Enfin, le "médecin responsable" doit élaborer un programme de santé spécifique, collaborer à sa mise en application (art. 93) et assurer la garde et le caractère confidentiel des dossiers médicaux (art. 99) sans pouvoir compter sur une structure administrative formellement organisée dans un local assuré.

Dans ces circonstances il est très difficile de formuler des commentaires sur le fonctionnement concret anticipé de cette structure dont le projet de loi ne fournit qu'une moitié d'esquisse et de laquelle le Livre blanc sur la santé et la sécurité au travail parlait avec plus de précisions (pp. 239, 240).

La solution de ces problèmes est-elle abandonnée aux programmes cadres de la santé et aux programmes spécifiques à chaque établissement et, surtout, au pouvoir réglementaire de la commission en vertu des paragraphes 1,9 et 35 de l'article 185 du projet?

Les problèmes que nous venons d'énumérer sont dus au fait qu'on crée une structure nouvelle de distribution de soins médicaux qu'on n'a pas voulu intégrer complètement au réseau en place. Il eut peut-être mieux valu le faire, quitte à affranchir les services proposés de certaines dispositions de la loi ou des règlements sur les S.S.S.S.. Ces problèmes revêtent d'autant plus d'importance que le projet de loi, comme on l'a souligné ci-dessus, réfère à la distribution de services de santé dans les milieux de travail sans distinction aucune, contrairement au Livre blanc où il ressortait assez clairement que les services de santé cliniques individuels seraient laissés au réseau existant (pp. 238, 239), la médecine sur place devant se restreindre au dépistage, aux soins d'urgence, à la prévention, et à l'évaluation des risques et des susceptibilités individuelles des travailleurs (pp. 239, 240).

E. Le médecin responsable

Le médecin responsable, par la nature même des circonstances dans lesquelles son exercice professionnel le situera, risque d'être souvent placé au milieu d'un désaccord entre travailleurs et employeurs, de voir deux parties s'opposer sur ses recommandations ou décisions d'ordre médical, de voir son exercice professionnel débattu périodiquement au sein du comité de santé et sécurité au travail.

Nous estimons que le projet de loi devrait faire encore plus pour éviter, dans toute la mesure du possible, cette politisation de la médecine. Le projet propose des mesures relatives à la nomination, à l'exercice et à la destitution du médecin responsable qui s'écartent des règles analogues qui régissent les médecins aux termes de la Loi et du règlement sur les S.S.S.S.. Nous formulons à ces trois niveaux les commentaires et les recommandations qui suivent: 1. Nomination — article 87

L'article 87 du projet n'est guère explicite sur les raisons qui justifient l'imposition d'un contrat de service entre le médecin responsable et le centre hospitalier concerné; il ne précise rien non plus sur le contenu de ce contrat qui, cependant, devra être conforme au règlement.

Vu la position délicate dans laquelle le médecin responsable risque d'être souvent placé, la Corporation recommande que le contenu minimum des contrats qui doivent intervenir en vertu de l'article 87 du projet de loi soit déterminé conjointement par la Commission et la C.P.M.Q. (article 185, par. 9°). A ce sujet, la C.P.M.Q. estime, en plus, que tout contrat de service, qu'un médecin pourrait conclure dans le cadre de la médecine du travail, devrait lui être soumis. 2. Rapports et avis exigés du médecin — article 98

L'article 98, décidément, exagère sous tous les rapports. Il nous semble tracassier, harassant et fondamentalement inutile d'exiger que le médecin signale à tous les organismes et personnes que l'article énumère (entre autres, à tous et à chacun des travailleurs) toute déficience susceptible de nécessiter une mesure de prévention. Nous estimons que le résultat pratique escompté de ce texte serait atteint, si le médecin devait donner ces avis au comité de santé, ou à défaut, au représentant de l'employeur et des travailleurs, et aussi dans les cas plus importants, au chef du département de santé communautaire.

Enfin, la dernière phrase de cet article transforme la Commission, l'employeur, chacun des travailleurs, l'association accréditée, le comité de santé et de sécurité et le chef de département de

santé communautaire en autant de patrons à qui le médecin responsable doit faire rapport sur simple demande et aussi souvent qu'il leur plaira bien de lui demander. Jamais il ne nous a été donné de voir une disposition législative susceptible d'engendrer autant de rapports que celle-ci. Pourquoi cette obligation? Non content de voir le "médecin responsable" confronté entre travailleurs et employeurs, le législateur multiplie les risques de pression et de chantage en l'obligeant à faire des rapports à tout moment sur n'importe quoi à la demande de n'importe qui. Nous ne voyons aucunement comment cette mesure puisse améliorer le sort de qui que ce soit.

Il n'y a évidemment aucune objection à ce que le "médecin responsable" fasse rapport de ses activités, sous réserve de l'aspect confidentiel des données en sa possession. Mais, il y aurait lieu de limiter la portée de cette obligation et de mieux la cerner. 3. Contrôle et destitution du médecin — article 91

L'évaluation du travail professionnel du médecin responsable, comme dans toutes les autres disciplines médicales, devrait se faire par ses pairs, tel que le veulent le Code des professions, la Loi médicale, et la Loi sur les S.S.S.S.. Seules les décisions administratives devraient pouvoir être remises en question au sein du Comité de santé et de sécurité au travail. L'article 91 du projet de loi ne partage pas cette philosophie. Encore ici, à peu près n'importe qui, par requête fondée sur n'importe quel motif, peut saisir la Commission des affaires sociales d'une demande de destitution. Cet article constitue nettement une autre aggravation des risques de pression et de chantage sur le médecin responsable, sans compter qu'il offre aussi un instrument de chantage et de pression sur les autres parties en cause, au détriment du médecin. La Commission des affaires sociales, dans le contexte législatif actuel joue un rôle de tribunal d'appel plutôt que de première instance, à l'égard des nominations ou destitutions de médecins en milieu institutionnel. L'article 91 permet au contraire, sans même qu'une plainte ne soit portée devant le chef de département de santé communautaire ou le conseil des médecins et dentistes concerné ou la Corporation professionnelle des médecins, qu'on s'adresse directement à la Commission.

La procédure prévue à l'article 91 du projet de loi ne nous apparaît ni équitable ni réaliste. Elle risque de créer un climat d'insécurité qui, en fin de ligne, ne servira sûrement ni la médecine, ni l'employé, ni l'employeur.

Chaque médecin doit dans toute la mesure du possible être à l'abri des pressions quelles qu'elles soient et d'où qu'elles viennent. Le projet de loi devrait éviter la dépendance disciplinaire du médecin à l'égard de l'employeur et de l'employé et permettre qu'une plainte, s'il y a lieu, soit portée devant ses pairs.

F. Personnel professionnel et technique

L'article 100 par. 3° énonce laconiquement que le chef du département de santé communautaire "fournit" le personnel professionnel et technique requis pour la mise sur pied et le fonctionnement des programmes de santé spécifiques.

Où prendra-t-il ce personnel? Dans le centre hospitalier? A l'extérieur? Cette "fourniture" de personnel n'entre-t-elle pas en conflit avec les devoirs de gestion et de coordination que la Loi sur les S.S.S.S. (art. 70) ou son règlement (art. 4.3.1.1) accorde au directeur général ou au chef du personnel?

Est-ce le chef du département de santé communautaire qui assignera au personnel du centre hospitalier, qui ne relève pas de son département, des tâches dans le but d'assurer des services prévus dans le programme de santé?

Est-ce le chef du département de santé communautaire d'un centre hospitalier qui engagera, par-dessus l'épaule de l'administration d'un C.L.S.C, le personnel requis pour y dispenser les services et soins requis par les programmes de santé?

L'article 86 dit que les services de santé sont fournis dans un centre hospitalier. S'agit-il de n'importe quel centre hospitalier ou de celui de qui relève le département de santé communautaire auquel le médecin responsable est attaché? S'il s'agit de tout centre hospitalier, comme le texte le laisse entendre, doit-on comprendre qu'en vertu de l'article 100 par. 3° du projet de loi, le chef de département de santé communautaire d'un centre hospitalier a la responsabilité de "fournir" à tout autre centre hospitalier le personnel professionnel et technique requis? Si au contraire, il ne s'agit que du centre de qui relève ce chef de département de santé communautaire, il en résulte que seuls les hôpitaux de la province dotés d'un tel département, soit présentement 32 seulement, pourront offrir des services au monde du travail. Ceci soulève un autre problème qui sera abordé plus loin.

G. Contrat à intervenir entre la Commission et les centres hospitaliers

II n'y a pas objection à ce qu'intervienne un contrat entre la Commission et les centres hospitaliers où existe un département de santé communautaire aux fins de la mise en application d'un programme cadre (art. 81, par. 2° et 83).

Cependant, la C.P.M.Q. craint que par le biais de cet article, la Commission soit tentée de généraliser une pratique à laquelle se livre actuellement la Commission des accidents du travail et qui consiste en une entente entre celle-ci et un centre hospitalier par laquelle un certain nombre de lits de ce centre hospitalier sont réservés aux accidentés du travail. Cette pratique favorise l'accès privilégié de certaines catégories de malades aux facilités hospitalières en se basant sur des impératifs qui ne sont pas toujours scientifiques ou médicaux.

L'article 81, par. 2° pourrait permettre de généraliser cette pratique de la Commission des accidents du travail et pourrait avoir pour effet de consacrer l'existence de deux poids deux mesures dans les critères d'admissibilité des patients à l'hôpital. Il ne faudrait pas qu'on puisse dire qu'entre deux cancers, celui qui est attribuable au travail doit être privilégié. Nous croyons qu'il s'agirait là d'une erreur que le législateur aurait intérêt à prévenir.

La Corporation estime que le contenu du contrat type avec les centres hospitaliers devrait être précisé dans la loi ou les règlements.

H. Equilibre des ressources financières disponibles

A l'article 83, nous nous inquiétons déjà de voir le centre hospitalier lié par contrat de service à la Commission et partagé entre des choix difficiles dans l'allocation de ressources.

Le législateur peut-il décider d'alimenter deux systèmes par des sources différentes de revenus sans risquer de voir apparaître un déséquilibre dans le réseau.

III. Libre choix du médecin

L'article 86 du projet de loi est rédigé sous la forme impérative. Il décrète que les services de santé pour les travailleurs seront à l'avenir dispensés dans leur milieu de travail ou dans une institution publique régie par la Loi sur les S.S.S.S.. Il exclut les cabinets privés, à moins que, pour l'unique raison qu'aucun local n'est disponible, le chef de département de santé communautaire ne permette qu'y soit traité le travailleur. Cet article impératif, d'une loi décrétée d'ordre public (art. 3), a donc pour effet d'abolir le droit reconnu par l'article 6 de la Loi sur les S.S.S.S. à toute personne de choisir le professionnel ou l'établissement duquel elle désire recevoir des services de santé. En effet, ce ne sera plus qu'aux centres liés par contrat (art. 83) que le travailleur pourra se présenter, et ce ne sera plus que par les «médecins responsables» choisis par les comités de santé (art. 85) ou par les médecins agissant sous son autorité et eux-mêmes nommés par le chef de département de santé communautaire du centre (art. 100, par 3°) que ce même travailleur devra se faire soigner.

Il est vrai que l'article 7 du projet de loi préserve "les droits d'un travailleur acquis en vertu d'une loi..." mais il n'est pas clair que cet article ait pour effet de préserver son droit au libre choix de l'établissement et du professionnel de la santé que proclament l'article 6 de la Loi sur les S.S.S.S. (L.Q. 1971, c. 48) et l'article 2 de la Loi de l'assurance-maladie (L.Q. 1970, c. 37).

Le malade qui se présente dans un centre hospitalier n'a évidemment pas un choix absolu quant au médecin; il doit choisir un médecin qui possède déjà un statut et des privilèges dans ce centre. Si cette liberté est restreinte, il n'en demeure pas moins que le malade peut, s'il le désire, se diriger vers un autre centre hospitalier ou consulter un médecin de son choix à l'extérieur du centre. Le travailleur malade n'a pas ce choix dans le cadre du présent projet de loi.

Comme on l'a déjà souligné, les textes du projet de loi sont tels que le critère de rattachement n'est plus le travail mais le fait d'être travailleur, et qu'on peut les interpréter comme obligeant le travailleur pour tous les services de santé dont il peut avoir besoin, qu'ils soient ou non reliés à son travail, à s'en tenir aux services de santé de l'établissement d'un centre hospitalier ou d'un C.L.S.C. excluant tout le secteur privé. Le travailleur se voit donc, par ce projet de loi, privé du libre choix du centre hospitalier ou de son médecin non seulement pour les maladies reliées à son travail, mais possiblement pour tous les autres problèmes médicaux qui pourraient être étrangers à son travail.

Notre corporation s'oppose à l'adoption de tout texte de loi qui érige en principe le fait que les services cliniques individuels de santé, qu'il s'agisse de diagnostic, de traitements, urgents ou non, ou de certains services de prévention, doivent être dispensés dans des centres ou par des professionnels que le travailleur ne peut pas choisir.

Le législateur aurait intérêt à respecter le droit individuel à l'identité personnelle et à laisser le travailleur choisir avec qui il préfère entrer en relation d'aide, nonobstant le fait qu'il doit être adéquatement informé des risques spécifiques auxquels il peut être exposé dans l'exécution de ses tâches.

IV. Restrictions à l'exercice de la médecine

Les articles (art. 85, 86, 88,100 par 2°, par. 3°) soulèvent dans leur formulation actuelle une autre difficulté. Comportent-ils que seuls les médecins «fournis» par le chef de département de santé communautaire (art. 100, par. 3°) seront habilités à dispenser les soins prévus dans un programme spécifique? Dans l'hypothèse où l'article 100 paragraphe 3° ne s'adresse pas seulement aux «médecins

responsables», doit-on penser que les médecins qui fournissent des soins dans le cadre d'un programme cadre ou spécifique dans un «établissement» (art. 85) devront détenir un statut et des privilèges hospitaliers? L'article 86 comporte-t-il qu'un médecin ne peut plus traiter un maladie causée par le travail ou par un accident de travail en cabinet privé? Plus généralement cet article 86 comporte-t-il qu'un travailleur ne peut plus être traité en cabinet privé?

Tantôt le sens littéral de ces articles, tantôt les interprétations auxquelles ils prêtent, peuvent mener à une réponse affirmative à toutes ces questions.

Nous comprenons que le législateur veuille s'assurer de la compétence des médecins qui auront à oeuvrer dans la cadre de la loi sur la santé et la sécurité au travail et exige d'eux un minimum de qualifications. Nous croyons cependant que le Code des professions et la Loi médicale ont prévu les mécanismes requis pour le contrôle de cette compétence. D'ailleurs, la C.P.M.Q. a déjà mis sur pied un service d'inspection professionnelle qui couvre tous les milieux où s'exerce la médecine incluant les milieux de travail. La limitation de l'exercice de la médecine par le projet de loi devrait se restreindre à l'exigence de qualifications dans le cas des «médecins responsables».

V. Caractère confidentiel des informations d'ordre médical

Le projet de loi laisse voir qu'un nombre considérable de personnes et d'organismes auront accès à des informations d'ordre médical concernant un travailleur. En voici une liste: 1. Dans le cas d'exercice du droit de refus relié à un état de santé: — le représentant à la prévention ou le représentant de l'association accréditée ou le travailleur indiqué par celui qui exerce le refus (art. 14 et 15) (ou le délégué de chantier ou le représentant du syndicat — art. 163) — le comité de santé (art. 16) — l'inspecteur (art. 20 et 165) — l'inspecteur chef régional (art. 23) — la Commission (art. 24) 2. Dans le cas d'accident: — l'employeur (art. 51) — l'inspecteur chef régional (art. 51) — le comité de santé (art. 63, par. 8°) — l'association accréditée (art. 51) 3. Le comité de santé, en recevant les avis d'accident et en enquêtant sur les maladies professionnelles (art. 63, par. 8°), en tenant des registres des accidents de travail et des maladies professionnelles (art. 63, par. 12°), et le cas échéant les comités de chantiers (art. 168). Cette obligation pour le comité de santé et de sécurité au travail de tenir un registre des accidents de travail et des maladies professionnelles constitue une façon de créer un dossier médical parallèle, totalement accessible à des partenaires sociaux dont les intérêts sont, au mieux,' divergents. Le travailleur perd, de ce fait, son droit à l'intimité et nulle garantie ne lui est offerte que les maladies et infirmités dont il pourrait souffrir ne seront pas diffusées à travers l'entreprise. 4. Les médecins dispensant les soins 5. Le médecin responsable (art. 99) 6. Le chef du département de santé communautaire (art. 100, par. 6°) 7. La Commission et ses enquêteurs (art. 123, 127 et 133)

Le médecin est tenu au secret par la Loi médicale. Les autres personnes ne le sont pas toutes. L'article 99 confie la lourde tâche au "médecin responsable" d'assurer le caractère confidentiel du dossier médical selon les procédures en vigueur au département de santé communautaire. L'article 123 de son côté, au deuxième alinéa, tient au secret un enquêteur de la Commission. A notre sens ces mesures sont nettement insuffisantes.

Il existe déjà plusieurs cas d'exception où le médecin est tenu de par la loi à déclarer des informations confidentielles. Il existe de plus de nombreuses banques de données dans différents ministères, à la Régie de l'assurance-maladie du Québec, à la Commission des accidents du travail, dans les compagnies d'assurances, etc., qui ont obtenu légalement leurs informations à partir des dossiers constitués en cabinets privés ou dans les centres hospitaliers. Il n'existe, de plus, aucune loi cadre qui protège l'aspect confidentiel de ces informations, une fois qu'elles sont emmagasinées dans ces banques de données. Ceci nous apparaît d'autant plus grave que le nouveau régime de santé et sécurité

au travail prévoit une importante cueillette d'informations sur la santé du travailleur. Il suffit de regarder le réseau de circulation de ces informations décrit à la page 234 du Livre blanc sur la santé et la sécurité au travail pour réaliser l'importance de bien protéger l'aspect confidentiel de ces informations.

Les informations relatives à l'état de santé du travailleur devraient être déclarées confidentielles. D'une part, toutes les personnes qui ont accès à ces informations devraient être tenues au secret; d'autre part, ces informations elles-mêmes devraient être déclarées confidentielles.

Nous suggérons donc que soient introduites dans la loi des dispositions analogues à celles de la section VI de la Loi sur l'assurance-maladie (L.Q. 1970, c. 37) afin qu'on rende un peu plus vraisemblable et possible l'application de l'article 6 de la Charte des droits et libertés de la personne (L.Q. 1975 c. 6) qui proclame le droit au respect du secret professionnel. Le travailleur doit, comme n'importe quel autre bénéficiaire de services médicaux, avoir la garantie que la connaissance de ses maladies et infirmités ne sera pas diffusée dans son milieu de travail et au-delà.

Nous recommandons également, qu'à l'instar de l'article 7 de la Loi sur les S.S.S.S., il soit édicté non seulement que nul ne peut donner accès aux informations du dossier médical mais que nul ne puisse en prendre communication sans autorisation émanant du patient, du tribunal, ou de la loi. Il importe en effet que le caractère confidentiel soit attaché à l'information même et qu'il soit clair que celui qui y accède sans autorisation commet un délit, indépendant de la faute ou de l'absence de faute de celui qui a la garde du dossier.

Enfin, compte tenu de certains problèmes qui ont été portés à la connaissance de la Corporation, la loi devrait défendre aux employeurs et aux syndicats de se faire donner, par convention collective, une autorisation générale à avoir accès à certaines informations confidentielles relatives à la santé des travailleurs pour des fins de contrôle administratif.

VI. Un système parallèle

II ressort des commentaires que nous avons formulés jusqu'ici que le système de santé et de sécurité au travail, tel que suggéré par le présent projet de loi, risque de devenir un système parallèle que la Commission d'enquête sur la santé et les services sociaux (1970), a déjà dénoncé.

Les éléments suivants du système instauré par le projet de loi nous causent cette appréhension. 1. Exclusion à toute fin pratique du système privé; 2. Financement différent de celui du système général de distribution de soins; 3. Contrat à intervenir entre la Commission et les centres hospitaliers où existe un département de santé communautaire et possibilité d'un système d'accès privilégié des travailleurs aux ressources hospitalières; 4. Restriction du droit des travailleurs au libre choix de leur médecin et du centre hospitalier où ils désirent recevoir des soins orientant ainsi les travailleurs dans le système public; 5. Dossier médical du travailleur différent de celui du bénéficiaire en vertu de la Loi sur les S.S.S.S. et de celui du médecin traitant en cabinet privé; 6. Aspect confidentiel du dossier: Accès et mesures de protection et de conservation différents de ce qui est prévu à la Loi sur les S.S.S.S.; 7. Absence de la notion de médecin traitant et risque de dépersonnalisation de la médecine du travail; 8. Agrément des médecins aux fins de la médecine du travail différent du processus prévu par la loi et les règlements sur les S.S.S.S.; 9. Restriction de l'exercice de la médecine selon qu'il s'agit d'un travailleur ou d'une autre personne et restriction géographique de cet exercice; 10. Procédures de nomination et de destitution des médecins différentes de celles prévues à la loi et aux règlements sur les S.S.S.S..

VII. Commentaires divers A. Le droit à l'information

Le projet de loi mentionne que le travailleur a droit d'être informé sur les dangers reliés à son travail et à son milieu de travail, que l'employeur a droit à des services d'information en matière de santé

et sécurité au travail et qu'un échange d'information entre les divers partenaires du système (employeur, travailleur, Commission, D.S.C., médecin responsable) devra se faire couramment.

Le projet (art. 40, par. 7°) fait état de l'obligation de l'employeur d'indiquer au travailleur les actes qui peuvent être dangereux pour sa santé et sa sécurité.

L'article 9, par. 1° fait état du droit du travailleur d'être informé sur ces dangers et l'article 38 lui crée l'obligation générale de prendre les mesures nécessaires pour protéger sa santé.

Il est important pour la protection du travailleur lui-même qu'on puisse sanctionner le comportement de celui qui est insouciant et qui, malgré l'assistance ou l'entraînement qu'on a pu lui fournir, n'a pas acquis les connaissances ou la maîtrise des techniques minimales pour se prémunir contre ces risques et dangers.

L'article 38 devrait être précisé et prévoir que le travailleur peut avoir l'obligation de se soumettre à des évaluations périodiques en ce sens.

Ce qui se fait dans le secteur de l'énergie nucléaire pourrait être cité en exemple à cet égard, puisque les travailleurs sont obligés de se soumettre à des examens périodiques, théoriques et pratiques. Dans ces conditions, l'obligation dans laquelle on place le travailleur de participer à l'identification et à l'élimination des risques acquiert plus de signification.

B. Représentativité des "services de santé" ou des "médecins responsables"

L'article 106 du projet de loi ne prévoit, au sein de la commission, aucune représentation des "services de santé" ou des "médecins responsables" qui constituent une partie importante du système.

Même si les employeurs et les travailleurs sont les deux partenaires principaux du système et que l'objectif visé est la santé et la sécurité au travail, il nous apparaîtrait logique que les "services de santé" au travail soient représentés au sein de la Commission, tant pour faire valoir les problèmes vécus que pour prendre part aux discussions qui porteront sur la santé des travailleurs. D'autre part, il nous apparaîtrait important qu'un conseil médical consultatif soit instauré pour assister la Commission sur toute question relative à l'aspect médical de l'administration de la loi.

C. La travailleuse enceinte

L'article 32 prévoit l'intervention d'un médecin pour délivrer un certificat attestant que les conditions de travail pour une travailleuse enceinte comportent des dangers physiques pour l'enfant à naître ou pour elle-même. Nous désirons attirer l'attention du législateur sur les difficultés qu'aura le médecin traitant à établir un tel certificat, celui-ci ne connaissant ce milieu de travail que sur la foi des renseignements que pourra lui fournir la travailleuse enceinte.

A moins que le médecin traitant de par ses fonctions dans d'autres domaines, ne connaisse très bien le milieu de travail en question, il devra se limiter à établir un certificat médical attestant de l'état de grossesse de la travailleuse et laisser au "médecin responsable" le soin de déterminer, en collaboration avec son médecin traitant, si les conditions de son environnement de travail comportent un danger pour elle ou pour l'enfant à naître.

D. L'examen pré-embauche

L'examen pré-embauche est l'objet d'une controverse, certaines études portant sur son efficience concluant à sa piètre utilité. Il faudra donc déterminer, en plus des cas et des circonstances dans lesquels un examen pré-embauche doit être fait, des modalités visant à définir les éléments pertinents à rechercher en rapport avec les caractéristiques de l'emploi (art. 185, par. 19°).

E. La surveillance prospective

Les examens périodiques font aussi l'objet d'une controverse. Il faut ici définir à l'avance les critères précis d'évaluation afin d'éviter le "monitoring" continu, inutile et coûteux de paramètres qui ne sont pas pertinents à l'emploi (art. 185, par. 19°).

F. Rayonnement

Les termes "lors du passage à travers la matière" devraient être remplacés par les termes: "lors de son interaction avec la matière" (art. 1, par. 21°).

G. La recherche en santé et sécurité au travail

L'article 129, par. 9° et 10°, permet à la Commission de s'introduire dans le domaine de la recherche en matière de santé et de sécurité au travail. Il serait souhaitable que la loi réfère au Conseil de la recherche en santé au Québec afin d'assurer une saine coordination des ressources dans ce domaine.

L'article 130 permet au ministère des Affaires sociales d'intervenir dans l'octroi d'un contrat de recherche et cette pratique nous apparaît être un précédent dangereux.

Conclusion

Ce mémoire pose beaucoup de questions et met en doute certaines politiques mises de l'avant dans le projet de loi. Personne ne doit y avoir un désaccord avec les buts de promotion de la santé et de la sécurité des travailleurs que poursuit le projet de loi. Notre mémoire souligne plusieurs choix implicites dans le projet de loi à l'étude, choix qui n'ont peut-être pas tous été voulus mais qui sont réels, de même que les conséquences qu'ils entraînent. De cette façon, la Corporation a voulu attirer l'attention du législateur sur les déficiences qu'elle croit voir dans le projet de loi, dans l'espoir que des correctifs y soient apportés pour rendre la loi éventuelle réaliste et applicable.

La loi esquissée est une loi cadre. On a peut-être voulu éviter de figer les structures définitives qui devront prendre naissance dans les différents milieux de travail pour assurer l'exécution de certaines fonctions que prévoit la loi. On peut prétendre que cette façon de procéder présente certains avantages de souplesse. Cependant, tout en évitant d'établir une structure rigide, le projet de loi crée involontairement une structure hybride en marge du régime actuel de distribution des soins, structure dont les éléments sont inconnus ou insuffisamment précisés causant ainsi une lourdeur indue. Nous avons souligné que cette structure hybride était la cause de plusieurs incertitudes embarrassantes concernant les "services de santé" et sécurité au travail, les dossiers médicaux, le personnel professionnel et technique affecté à ces services, la distribution des soins aux travailleurs, la liberté du travailleur de choisir le médecin ou le centre hospitalier. Ce sont autant d'éléments qui ne sont pas régis, selon le projet de loi à l'étude, par les règles qui prévalent dans la Loi sur les S.S.S.S., ce qui ajoute à l'incertitude et à l'ambiguïté.

L'imprécision, quant à la nature des "services de santé", a des répercussions sur bien des aspects du projet de loi dont la portée, de ce fait, devient difficile à saisir.

Il est quelques recommandations sur lesquelles la Corporation insiste: — Il serait préférable d'exclure de la loi à venir sur la santé et la sécurité au travail ce qui a trait à la distribution des soins curatifs, exception faite de la mise sur pied d'un service adéquat de premiers soins pour faire face à l'urgence médicale et traumatique et pour faciliter la réadaptation au travail. La distribution des soins curatifs devrait être laissée dans le réseau actuel régi par la Loi médicale, le Code des professions et la Loi sur les S.S.S.S.. — Il serait souhaitable, en ce qui concerne les services rendus aux travailleurs, que le projet de loi distingue l'approche clinique individuelle (prévention et curative) de l'approche collective (programmation, application, surveillance des programmes et évaluation des résultats). L'approche clinique individuelle devrait être régie par les lois qui régissent l'exercice de la médecine et le système actuel de distribution des soins dans la province de Québec, y compris le système privé, alors que l'approche collective devrait être régie par la loi sur la santé et la sécurité au travail. Cette distinction étant faite, la Corporation serait d'accord avec l'autorité proposée par le projet de loi du chef de département de santé communautaire sur le "médecin responsable". — Le projet de loi devrait prévoir dans les milieux de travail (ou regroupements de milieux de travail) où le nombre d'employés et la nature du travail le justifient, la création d'un "service de santé" sous forme de véritable entité administrative dirigée par un médecin chef ayant pour fonctions celles qu'énumère le Livre blanc sur la santé et la sécurité au travail que nous nous permettons de reproduire: — "la surveillance de l'état de santé des travailleurs assurant le dépistage précoce et la prévention de toute altération à la santé provoquée ou aggravée par le travail; — l'identification et l'évaluation des risques à la santé physique et mentale causés par le milieu de travail; — la mise sur pied et le bon fonctionnement d'un service adéquat de premiers soins pour faire face aux urgences médicales et traumatiques et pour faciliter la réadaptation au travail; — la connaissance des caractéristiques individuelles des travailleurs, afin de faciliter leur affectation à des tâches non susceptibles de porter atteinte à leur santé ou à leur sécurité." — Le projet de loi devrait prévoir l'établissement de liens souples et bien définis entre la structure dont il recommande l'application et la structure déjà établie par la Loi sur les S.S.S.S. de façon à protéger davantage le libre choix du médecin ou du centre hospitalier, à protéger davantage le secret qui doit entourer les informations d'ordre confidentiel sur le travailleur, à éviter de compartimenter un système de distribution de soins et une médecine auxquels on reproche la dépersonnalisation de l'être humain, et à éviter que trop de bureaucratie envahisse les services de santé aux travailleurs. — La Corporation a déjà recommandé au ministre de créer, dans certains centres hospitaliers désignés, un département clinique de médecine du travail, afin de relier celle-ci à l'organisation clinique de l'ensemble de la médecine. Ce département de médecine du travail permettrait le

regroupement des médecins nommés pour exercer la médecine du travail dans un territoire donné, la mise en commun des connaissances et des expériences, la discussion de projets, l'évaluation de l'exercice professionnel dans ce domaine et la mise sur pied de programmes d'éducation médicale continue correspondant aux déficiences notées. Pour maintenir cette recommandation et préciser ce que devrait être ce département de médecine du travail, il faudrait connaître les réponses aux nombreuses questions posées dans le présent mémoire. En terminant, nous désirons rappeler un extrait du mémoire que la Corporation professionnelle des médecins du Québec soumettait au Comité d'étude sur la salubrité dans l'industrie de l'amiante en 1975. "Ce serait en effet une tragédie qu'aucune action vraiment significative ne soit entreprise après une enquête aussi exhaustive. La population du Québec devra être vigilante et s'assurer que son gouvernement protège les intérêts des travailleurs. Ceux-ci ont le droit strict de travailler dans des conditions qui ne mettent ni leur vie, ni leur santé en danger".

C'est parce qu'elle est soucieuse de la protection de la santé publique que la Corporation professionnelle des médecins du Québec a préparé ce mémoire. Elle désire que ses membres apportent la plus grande attention aux problèmes des travailleurs. Ce n'est que dans un climat de confiance réciproque entre employeurs, employés et médecins que l'on pourra enrayer un bon nombre d'accidents de travail et de maladies industrielles.

La Corporation assure le législateur de sa collaboration dans la poursuite d'objectifs visant à préserver et à maintenir la santé et la sécurité des travailleurs. Tous nos commentaires doivent être interprétés dans cet esprit.

La Corporation professionnelle des médecins du Québec

Augustin Roy, M.D. Président-Secrétaire général

Le 17 août 1979

ANNEXE C

Mémoire de la Corporation professionnelle des diététistes du Québec

à la commission parlementaire de santé et sécurité au travail

Août 1979

II est étonnant de noter qu'il n'existe à peu près pas d'études et de statistiques récentes sur l'alimentation en milieu industriel. Il semble que les grandes recherches sur ce sujet aient toutes été exécutées lors de périodes de crise alors que la main-d'oeuvre ou les aliments étaient rares.

Avec la grande période industrielle et au cours de la deuxième grande guerre, des études ont été faites et des programmes de nutrition ont été élaborés et mis en place, tant en Amérique qu'en Europe, dans les grandes industries soucieuses d'améliorer le bien-être et l'efficacité de la main-d'oeuvre. Aux Etats-Unis, lors de la deuxième guerre mondiale, le principal écueil à l'implantation de cafétérias industrielles et de programmes de nutrition a été l'absence de personnel administratif compétent, lequel a dû être formé en toute urgence.

Malgré l'évolution du monde du travail depuis lors, le domaine de l'alimentation en milieu industriel a été laissé entre les mains de la libre entreprise et très peu de recherches ont été effectuées sur les besoins alimentaires spécifiques des divers groupements d'ouvriers.

La Corporation professionnelle des diététistes du Québec souhaite participer à l'amélioration de la santé des travailleurs du Québec à une époque où, au Québec particulièrement, l'on reconnaît les avantages de la saine alimentation, de la prévention des maladies et de la qualité de l'environnement.

Nous souhaitons que les lieux de travail soient ouverts à des spécialistes de différentes disciplines afin qu'ensemble ils puissent jouer un rôle utile dans la solution des problèmes de santé et sécurité, non seulement à l'extérieur, mais à l'intérieur des lieux de travail.

Il est aussi requis de diffuser l'information scientifique connue afin que tous les travailleurs contremaîtres et cadres des entreprises prennent conscience des risques et puissent les contrôler. Dans le domaine de la saine alimentation, nous n'insisterons jamais assez sur l'importance de la prise en charge de l'individu par lui-même.

Seul ou avec d'autres groupes intéressés, nous devons susciter de nouvelles recherches et un enseignement plus pertinent dans les universités, les collèges ou autres centres de recherches. De plus, les résultats de ces recherches en toxicologie, hygiène et santé au travail, de même qu'en gestion et communications, doivent être adaptés à des situations concrètes et des normes doivent être définies et mises en application dans le milieu québécois.

II est évident qu'une telle action ne peut se réaliser sans le support du gouvernement qui seul, peut exiger par législation ou par règlements que les entreprises établissent des programmes de santé.

Tel que décrit dans le livre blanc "Santé et Sécurité au Travail": "Un programme de santé se caractérise globalement par un ensemble cohérent et intégré d'activités et de services, en vue d'améliorer l'état de santé d'une population donnée. Un tel programme ne se limite donc pas à une simple dispensation d'examens médicaux aux travailleurs, mais doit également comporter des activités d'éducation sanitaire, d'information et d'animation, de même que des analyses des exigences de certains postes de travail. Il appartiendra à la Commission de la Santé et de la Sécurité au Travail, pour l'ensemble du Québec, et aux CH-DSC pour les territoires dont ils ont la responsabilité, d'établir des programmes-cadres minima que devront respecter tous les établissements. C'est à ces établissements, cependant, qu'incombera la responsabilité de décider des modalités concrètes d'application de ces programmes-cadres et de les compléter en fonction de leurs besoins particuliers. Ils devront donc voir à élaborer leur propre programme de santé au travail qui pourra comporter, par exemple, des services de promotion générale de santé prévoyant, entre autres, des activités de dépistage et d'éducation sanitaire pour la prévention de certaines maladies non nécessairement reliées au travail, comme l'hypertension artérielle, le tabagisme, etc., et pour lesquelles il peut être avantageux de mettre à profit l'approche de groupe facilement utilisable sur des lieux de travail" (1).

Portrait de santé du travailleur québécois

Les problèmes de santé qui caractérisent notre population active sont nombreux et coûteux, et ont un lien étroit avec le régime alimentaire. Les indicateurs de santé montrent que notre population adulte est plus vulnérable que la moyenne des Canadiens à certaines maladies graves, causes de décès prématurés telles les maladies coronariennes. L'investissement dans la prévention de ces maladies est un investissement à long terme, mais sa rentabilité est évidente, quand il s'agit de prévenir les décès survenant dans une population d'adultes encore jeunes et en pleine activité (2).

La population active au Québec est de 2 945 000 travailleurs pour les groupes d'âges de 15 à 65 ans. Le tableau suivant nous indique le nombre d'emplois disponibles et le rapport emplois/population pour les hommes et les femmes (3).

A part les maladies coronariennes, II y a peu de doute que d'autres causes de morbidité et de mortalité reliées à des facteurs de nutrition se retrouvent tels: le sur-poids, l'obésité, le diabète, l'hypertension, l'hyperlipidémie, certaines anémies, et les ulcères. C'est surtout vers l'âge de 40 à 64 ans, que se manifestent concrètement les maladies d'ordre nutritionnel.

Les manifestations d'une pathologie nutritionnelle apparaissent tôt dans la vie par des signes précurseurs de maladies et ne se manifestent que plus tard, sous une forme clinique. Ce fait reflète la nécessité d'identifier tôt ces signes précurseurs, et d'apporter des modifications nécessaires au régime de vie des individus pour réduire le risque de morbidité prématurée et de mortalité (4).

Les problèmes médicaux dans la population adulte semblent reliés à des excès nutritionnels plutôt qu'à des déficiences en nutriments (protéines, gras, sucres, minéraux, vitamines, eau).

Quand on parle de maladies reliées à la nutrition: il s'agit de maladies où intervient la nutrition à titre de facteur étiologique et elles comptent parmi les principales causes de décès. Parmi certains des facteurs indirectement causals connus, que l'on peut prévenir, la surcharge alimentaire et les mauvaises habitudes alimentaires sont les plus connues. Le mode d'évolution de ces maladies est lent et insidieux; les mesures préventives retardent leur développement (5).

L'obésité et le diabète

L'obésité franche, dont le rôle est reconnu comme facteur de risque pour un grand nombre de maladies, est donc plus fréquente au Québec chez les adultes de 20 à 65 ans qu'au Canada dans son ensemble et particulièrement chez les hommes. Cette constatation est inquiétante, car on sait que l'obésité aggrave le pronostic de plusieurs maladies, dont la maladie coronarienne, le diabète et l'hypertension et qu'elle abrège la vie. Le tableau suivant nous montre la relation qui existe entre l'obésité et certaines affections diagnostiquées chez les travailleurs.

De plus, l'obésité accentue très fortement les troubles respiratoires résultant des poussières présentes dans l'air. En effet, alors que des travailleurs de poids normal exposés à des poussières d'aluminium ne démontraient aucun signe de pneumoconiose, plus de 50% des obèses présentaient un tableau spirographique de pré-emphysème (6).

Enfin, il faut ajouter que l'obésité prédispose aux accidents et il apparaît que les individus obèses sont plus portés à certains types d'accidents que les non obèses (7).

Chez l'obèse survient aussi, surtout chez les sujets après la quarantaine, le diabète de l'obèse. Au Québec, il y a 80 000 diabétiques potentiels dans les différents milieux de travail chez les hommes et 20 000 diabétiques potentiels chez les femmes.

Autres relations entre la nutrition et la santé au travail

1— Maladies nutritionnelles: a) Une étude menée en Suède révèle que 25% des 700 employés d'âge mûr (40-67 ans) de plusieurs petites entreprises souffrent d'hyperlipidémie (8). b) 21% des ouvriers du textile en Iran souffrent d'hypertension (9). c) La fréquence d'hypertension est élevée chez les travailleurs exposés au chlorure de vinyle (10) et chez les travailleurs de nuit (11).

Il est à noter qu'une grande proportion des hypertendus ignorent leur condition. Une étude effectuée dans 76 industries a montré que 59% des travailleurs étaient atteints de cette affection à leur insu (12). L'industrie jouit d'une position unique pour rejoindre une importante population "à risque". 2— Intoxication par les métaux:

Des apports insuffisants en certains éléments nutritifs accélèrent les intoxications aux métaux lourds et aggravent leurs manifestations. Ainsi une alimentation pauvre en calcium et en vitamine D favorisent les intoxications par le plomb et par le cadmium (13). 3— Influence des conditions de travail sur l'état nutritionnel: a) Le bruit: le bruit possède une nocivité particulière, il exerce une modification de la glycémie, une augmentation du métabolisme basai et de la retention de sel et d'eau (14).

Les habitudes alimentaires de la population de 20 — 64 ans

Population jeunes adultes (20 — 39 ans)

Dans ce groupe d'âge, l'apport alimentaire moyen dépasse les recommandations pour tous les éléments nutritifs à l'exception du folate chez les sujets des deux sexes. Chez les femmes les apports moyens sont à peine suffisants en fer, calcium, thiamine. Ceci est un reflet d'habitudes alimentaires déséquilibrées.

Lorsque les jeunes entrent dans le monde du travail, ils mangent dans des cantines et cafétérias qui regorgent d'aliments frits ou très sucrés et où les fruits et légumes frais sont absents, offerts à des prix qui en découragent la consommation.

Il importe pour ce groupe de population d'attacher une importance spéciale à une rééducation nutritionnelle, mais surtout de permettre à la travailleuse enceinte d'avoir accès dans son milieu de travail à une alimentation adaptée aux besoins nutritionnels accrus de la grossesse. Ceci a une influence .directe sur la santé du bébé, de la mère, et permet à toute la famille de prendre conscience de la nécessité d'une bonne alimentation.

(6) Genet, J., Eveillard, M.F., Dumortier, L, Ligot, J., Gaucher, P., et Dechergnes, E. Retentissement de la surcharge pondérale sur les possibilités ventilatoires du sujet bien portant. Arch. Mal. Prof. 35: 316, 1974

(7) Nutritional Assessment of Adults, A.S.P.H. Supplement, vol. 63, nov. 1973.

(8) Hôglund, D. et Gustafson, A. Prospective study among male employees in industry. Prevalence of hyperlipoproteinemia. Acta. Med. Scand-198, 5, 1975

(9) Porvizpoor, D. Noise exposure and prevalence of high blood pressure among weavers in Iran. J. Occup. Med. 18: 730, 1976

(10) Smith, P.M., Crossley, I.R. et Williams, D.M.J. Portal hypertension in vinyl-chloride production workers. Lancet 2: 602, 1976

(11) Chevrolle, J. Hypertension artérielle et horaire de travail chez les employés de l'Assistance publique. Arch. Mal Prof. 26: 146, 1965

(12) Schoenherg, J.A. Stamler, J. Shekelle, R.B., et Shekelle S. Current status of hypertension control in an industrial population. J.A.M.A. 222:559, 1972

(13) Metallic Contaminant of Human Health. Forgarty International Center Proceedings, no. 9 Lee, D.H.K. éd. New York Academic Press, 1972

(14) Leçons d'ergonomie industrielles, une approche globale, Cazamian Pierre, 1974

Population d'âge mur (40 — 64 ans)

L'apport alimentaire pour les deux sexes dépasse toutes les rations recommandées en ce qui concerne les éléments nutritifs à l'exception de la thiamine et du folate. En outre, chez les femmes, l'apport alimentaire en calcium est inférieur à l'apport recommandé, probablement parce qu'elles consomment peu de lait et produits laitiers, sources principales de calcium.

Les habitudes alimentaires et le rendement des travailleurs

Les personnes qui ne déjeunent pas sont portées, vers dix heures de l'avant-midi, à être léthargiques, avoir plus de difficulté à se concentrer et être distraits et ont une performance médiocre. Une enquête industrielle (15) démontre que les ouvriers qui ne déjeunent pas, ont un rendement de travail moindre que ceux qui déjeunent adéquatement. Le compromis auquel on a recours en prenant un goûter de l'avant-midi ne compense qu'à 50% de récupération. Trop souvent, la plupart des goûters sont composés d'aliments "camelote" ou à calories vides. D'ailleurs, une étude québécoise sur les habitudes alimentaires montre que les aliments consommés entre les repas sont moins concentrés en éléments nutritifs que ceux pris aux repas (16).

Ceci pourrait être relié au rôle direct que joue l'alimentation sur la disponibilité de certains neurotransmetteurs (sérotonine et acétyl choline) au système nerveux central (17).

La consommation excessive d'alcool représente une menace pour la santé des travailleurs. En plus d'augmenter le risque d'accidents considérablement, il diminue également le rendement au travail. L'alcool rend les mouvements plus lents et incohérents, diminue la capacité à l'effort et allonge le temps des réactions.

Nous savons que l'incidence d'alcoolisme augmente à un rythme de 5% par année au Canada et au Québec.

Le coût en dollars des maladies nutritionnelles les plus courantes représente un investissement important en terme d'hospitalisation, de soins médicaux, de médicaments, de jours de travail perdus et de vies humaines.

Et même si l'aspect préventif demeure prioritaire, compte tenu des problèmes de santé-nutrition que l'on retrouve chez la population active en ce moment, compte tenu aussi du fait que des mesures préventives sont peu utilisées: l'aspect diététique curatif devient un moyen d'aider le travailleur à retrouver, à court terme, son état de santé, ou encore, de maintenir ou retarder les effets de sa maladie à travers un régime diététique correctement administré.

Situation actuelle des services alimentaires en milieu de travail

Au cours du 20e siècle, les habitudes alimentaires des travailleurs québécois ont évolué, influencées par les changements dans le rythme de vie tel que nous le connaissons en Amérique du Nord actuellement.

Habitudes alimentaires des travailleurs:

L'urbanisation, les moyens modernes de communications, la scolarisation et le travail féminin à l'extérieur du foyer ont surtout marqué nos habitudes alimentaires. Nous dépensons de plus en plus pour la consommation de repas à l'extérieur du foyer en proportion des dépenses alimentaires totales. Les travailleurs prennent régulièrement leur repas principal sur les lieux du travail et ils constituent une

(15) Le Journal A.D.A. Vol. 37, 1960 "Capacités de travail sans déjeuner et le fait de prendre un goûter de l'avant-midi".

(16) Description d'une enquête sur le comportement alimentaire de la population de la ville de Québec. Revue Can. de Santé publique, 68: 395 à 402, 1977

(17) Fernstrom, J.D. Food and brain function. The Prof. Nutritionist, P6, Summer 1979

clientèle captive pour le service alimentaire local. Souvent le petit déjeuner est supprimé ou remplacé par la pause-café du matin afin de respecter les contraintes des transports et des horaires de travail. Les employés qui travaillent régulièrement ou occasionnellement la nuit connaissent un rythme de vie particulier et leurs repas sont consommés de manière hétéroclite. De même l'horaire de travail de certains employés ne permet pas toujours à l'individu d'avoir une répartition logique de repas. Avec la société de loisirs, on a aussi noté une plus grande popularité de lunchs et soupers pris au restaurant entre amis. L'individu n'a malheureusement pas toujours réussi à équilibrer son alimentation en fonction de ces transformations.

Services alimentaires à la portée des travailleurs

Au Québec, les travailleurs oeuvrent généralement dans les services publics, l'industrie et le commerce particulièrement les P.M.E. Les conditions dans lesquelles ces ouvriers prennent leurs repas et pause-café au travail peuvent donc varier à l'infini, du service alimentaire institutionalise jusqu'à la simple boîte à lunch prise sur les lieux même du travail. On connaît actuellement un éventail de formules: appareils distributeurs, cantine mobile, casse-croûte, comptoir lunch, taverne, brasserie, cafétéria, restaurants... qui se partagent les faveurs de la masse ouvrière. Dans la plupart des unités de travail, l'employeur n'offre pas de service à son personnel. Lorsque les groupes de travailleurs sont nombreux ou isolés, des ententes peuvent intervenir avec des concessionnaires privés afin qu'ils assurent un service. Parfois, l'employeur administre lui-même des cafétérias, restaurants ou appareils distributeurs surtout dans les grandes institutions, les banques ou les services publics. Par contre, depuis quelques années, on assiste au Québec à la multiplication des parcs industriels dans lesquels on retrouve généralement de petites entreprises et la fonction alimentaire est laissée entre les mains de la libre entreprise.

Conditions dans lesquelles les repas sont pris

Les conditions dans lesquelles les repas sont pris ne correspondent pas toujours aux exigences les plus élémentaires d'hygiène. L'employé n'a aucun moyen mis à sa disposition pour entreposer convenablement sa boîte à lunch et souvent il prend son repas sur sa table de travail ou dans un coin de l'atelier. L'équipement et la salle à manger utilisés pour le service des repas ne sont pas convenablement entretenus et la disposition des déchets alimentaires n'est pas organisée. La durée allouée à la pause-repas est parfois mal adaptée aux contraintes spécifiques de l'environnement de travail et ne permet pas à l'employé de manger calmement son repas en tenant compte du temps requis pour les déplacements, l'attente d'une place libre aux tables et les besoins d'hygiène personnelle.

Le tableau suivant illustre les divers types de services alimentaires desservant la population active et résume la qualité du service offert à partir de critères de performance précis soient: -Type d'entreprise:

Dans quel milieu de travail retrouve-t-on les divers types de services alimentaires? -Qualité de l'alimentation:

Le menu offert est-il conforme à la politique en matière de nutrition au Québec? Tous les groupes d'aliments sont-ils offerts? La grosseur des portions est-elle normale? - Hygiène:

L'employé a-t-il accès à des locaux pour son hygiène personnelle? La température de conservation des aliments est-elle bien contrôlée? L'entretien et le nettoyage des lieux et de l'équipement sont-ils acceptables? La disposition des déchets est-elle effectuée de façon convenable? -Atmosphère du repas:

L'employé peut-il prendre son repas dans un climat de détente? Le service offert est-il agréable? Le déplacement requis pour se rendre et l'attente sont-ils convenables? Le temps alloué pour le repas est-il adéquat? -Compétence de l'administration:

Le personnel administratif connaît-il les besoins réels de sa clientèle et les caractéristiques d'une saine alimentation? Est-ce que le personnel est soucieux de l'hygiène? L'administration est-elle orientée vers la satisfaction du client plutôt que le profit exclusivement? -Prix demandé au client:

Le prix demandé est-il conforme avec la qualité des produits alimentaires et du service offert? Le prix d'un repas équilibré est-il raisonnable?

La situation actuelle telle que nous l'avons exposée démontre clairement le peu d'intérêt porté jusqu'à maintenant à l'alimentation des travailleurs québécois et le contenu du projet de loi est en ce sens, décevant puisqu'au lieu d'être à l'avant-garde, il ne fait que cristalliser la situation actuelle.

S'il est vrai que le vide qui existe au niveau des recherches et des développements de programmes concernant le domaine précis de l'alimentation du travailleur excuse d'une certaine manière, le peu d'intérêt manifesté autant par l'individu que par ses représentants ou dirigeants, nous possédons à partir de la science de la nutrition, suffisamment d'éléments pour initier immédiatement une action corrective.

La Corporation professionnelle des diététistes du Québec en présentant un mémoire à cette Commission parlementaire de "Santé et Sécurité au Travail" veut susciter l'intérêt de tous les intervenants possibles et les rendre conscients qu'une intervention dans la solution des problèmes de santé et sécurité au travail, tant sur le plan curatif que préventif est souhaitable et réalisable.

Dans le cadre des ressources déjà existantes et des mécanismes qui seront créés par l'adoption de cette loi et de ses règlements, nous proposons à cette Commission parlementaire les recommandations qui suivent.

Au nom des membres de la Corporation professionnelle des diététistes du Québec, nous vous remercions de l'attention que vous porterez à nos recommandations dans le plus grand intérêt de la santé des travailleurs québécois.

Recommandations

Nous recommandons que: 0.1 Une programmation en nutrition préventive soit considérée prioritaire, pour réduire les problèmes de santé des travailleurs; 0.2 L'application de la loi et de ses règlements soit faite selon une approche multidisciplinaire, incluant les diététistes pour le domaine de la nutrition, plutôt que de réserver la tâche à un ou deux professionnels; 0.3 Des études et recherches sur la nutrition en relation avec les différents milieux de travail soient invitées par la Commission de santé et sécurité au travail; 0.4 Des comités de nutrition soient créés dans les milieux de travail. Ces comités auraient pour rôle d'éduquer l'employé en matière de nutrition, de l'inciter à se prendre en charge, de sensibiliser le travailleur, l'employeur et le syndicat aux problèmes nutritionnels inhérents au milieu de travail, et de voir à ce que des contrôles administratifs d'hygiène et de qualité soient effectués; 0.5 Soit institué dans le milieu de travail, un programme de dépistage des hyperlipidémies et des autres facteurs de risque de l'athérosclérose ainsi qu'un programme d'intervention selon la recette diète-exercice à l'intention des individus prédisposés aux accidents coronariens et cérébro-vasculaires de façon à prévenir la surmortalité chez les hommes de 35 à 64 ans;* 0.6 Les employeurs et les syndicats prennent les moyens pour que les travailleurs handicapés par les maladies nutritionnelles (obésité, maladies circulatoires, diabète, hypertension, etc.) aient accès aux services professionnels requis afin de diminuer les risques d'accidents au travail reliés à leur état particulier et que les frais de consultation diététique soient couverts par l'assurance-maladie complémentaire; 0.7 Le personnel administratif des services alimentaires en milieu de travail reçoive une formation adaptée à ce secteur, bien différent de l'hôtellerie et du milieu curatif; 0.8 Les règlements d'hygiène pour les services alimentaires soient revisés et adaptés à la situation actuelle et qu'un programme d'inspection soit suivi rigoureusement dans les milieux de travail; 0.9 La politique en matière de nutrition mise de l'avant par le gouvernement du Québec soit appliquée pour tous les travailleurs particulièrement ceux oeuvrant dans les secteurs publics et para-publics. *Référence: "Pour une politique en matière de nutrition" Service des études épidémiologiques, M.A.S., Mars 1977

Bibliographie

International Labour Office Nutrition in Industry, 1976

Le ministre d'Etat au développement social Projet de loi no 17, Loi sur la santé et la sécurité au travail, 1979

Meloche Jean et Coll. 1 - Le travail, point de vue sur notre réalité. Le sommet économique du Québec, mai 1977

Ministère de la Santé nationale et du Bien-être Nutrition Canada, Québec, 1975 social

Ministère des Affaires Sociales Une politique québécoise en matière de nutri- tion, 1977

National Industrial Conference Board Inc. Compagny Food Services, 1950

Ouellet, Florian La santé et la sécurité au travail. Pour une ac- tion sur les lieux de travail, 1977

Stokes, John W. Food Service in Industry and Institutions, 1973

Ont travaillé à la préparation de ce mémoire:

ADAM, Andrée Diététiste, M.B.A.

Directrice du service de diététique

Cité de la Santé, Laval MACLEOD, Elizabeth Diététiste-conseil

Secrétaire de l'Association des diététistes autonomes du Québec NADEAU, Michèle Docteur en nutrition

Professeur agrégé

Département de nutrition, Université de Montréal PAQUETTE, Lorraine Diététiste-nutritionniste

Département de Santé communautaire, Lakeshore TREMBLAY, Hélène Diététiste-conseil Présidente de la

Corporation professionnelle des diététistes du Québec

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