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Version finale

31st Legislature, 4th Session
(March 6, 1979 au June 18, 1980)

Thursday, September 6, 1979 - Vol. 21 N° 175

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Auditions concernant le projet de loi no 17 - Loi sur la santé et la sécurité au travail


Journal des débats

 

Projet de loi no 17 Présentation de mémoires

(Dix heures dix minutes)

Le Président (M. Marcoux): A l'ordre! La commission du travail et de la main-d'oeuvre est réunie pour poursuivre l'audition des mémoires concernant le projet de loi no 17, Loi sur la santé et la sécurité du travail.

Les membres de la commission sont: M. Belle-mare (Johnson), remplacé par M. Brochu (Richmond); MM. Bisaillon (Sainte-Marie), Chevrette (Joliette-Montcalm), Gravel (Limoilou); Johnson (Anjou) remplacé par M. Marois (Laporte); MM. Lavigne (Beauharnois), Mailloux (Charlevoix), Pagé (Portneuf); M. Vaillancourt (Jonquière) remplacé par M. Proulx (Saint-Jean); M. Forget (Saint-Laurent) remplacé par Mme Lavoie-Roux (L'Acadie)...

M. Pagé: Remplacé par M. Rivest, député de Jean-Talon depuis le mois d'avril dernier.

Le Président (M. Marcoux): M. Rivest (Jean-Talon), M. Gosselin (Sherbrooke); M. Jolivet (Laviolette) remplace M. Gravel (Limoilou). Intervenants: MM. Laplante (Bourassa), Lefebvre (Viau), Paquet-te (Rosemont); M. Springate (Westmount) remplacé par M. Vaillancourt (Orford); M. Samson (Rouyn-Noranda).

Aujourd'hui nous entendrons les mémoires de l'Association des mines de métaux du Québec, de l'Association des mines d'amiante du Québec, de l'Institut canadien de textiles, du Conseil québécois du commerce de détail, de la ville de Montréal, de l'Association des contremaîtres municipaux et du syndicat des fonctionnaires municipaux de Montréal.

J'inviterais d'abord l'Association des mines de métaux du Québec à venir nous présenter son mémoire. M. Langlois...

Association des mines de métaux du Québec

M. Langlois (Gonzague): C'est ça.

Le Président (M. Marcoux): Si vous voulez nous présenter vos collègues.

M. Langlois: D'accord! Mon nom est Gonzague Langlois, je suis directeur général de l'Association des mines de métaux du Québec. A mes côtés, le Dr Claude Drouin, qui est à ma gauche immédiate, qui est le directeur des services techniques; M. Jean Aubertin, qui est directeur des mines Orchan; M. Dave Griffiths, qui est directeur adjoint de la mine Horne, et M. John White, qui est directeur général de quelques opérations minières pour le groupe Noranda au Québec.

J'aimerais d'abord vous remercier de nous fournir l'occasion de présenter notre point de vue sur le projet de loi no 17. Dans le but d'une meilleure compréhension, nous avons cru reprendre les principaux points de notre mémoire dans un ordre quelque peu différent et de façon plus abrégée et, à ce sujet, nous avons quelques copies du nouveau texte. Si vous êtes intéressés, on peut le faire distribuer tout de suite.

Le Président (M. Marcoux): On va le faire distribuer. Est-ce que vous souhaitez que votre premier mémoire soit versé intégralement au journal des Débats?

M. Langlois: Ce serait plus facile de suivre...

Le Président (M. Marcoux): Est-ce que vous souhaitez que votre premier mémoire soit versé intégralement au journal des Débats?

M. Langlois: Ce serait assez facile de suivre les discussions.

Le Président (M. Marcoux): Est-ce que vous souhaitez que votre premier mémoire soit versé intégralement au journal des Débats?

M. Langlois: Oui, oui.

Le Président (M. Marcoux): Ce sera fait. Le secrétaire va distribuer le résumé de votre mémoire. Vous pouvez procéder.

M. Langlois: M. le Président, je crois que je préférerais verser le deuxième texte au journal des Débats.

Le Président (M. Marcoux): Est-ce qu'il y a consentement des membres de la commission pour qu'on verse le nouveau texte au journal des Débats? Vous considérez, si je comprends bien, que c'est votre deuxième texte qui constitue votre mémoire définitif?

M. Langlois: Oui.

M. Chevrette: Là, vous les voulez tous les deux.

Le Président (M. Marcoux): Non, c'est clair, là.

M. Langlois: Vous pouvez considérer le premier mémoire comme une annexe, si vous voulez, comme référence.

Le Président (M. Marcoux): Comme une introduction. En tout cas, ce sera le deuxième mémoire qui sera au journal des Débats.

M. Langlois: On reprend les mêmes points dans un ordre différent.

Le Président (M. Marcoux): D'accord.

M. Langlois: L'Association des mines de métaux représente toutes les opérations minières

québécoises à l'exclusion des mines d'amiante. Cette association a été fondée en 1936 et a d'abord regroupé des opérations souterraines du Nord-Ouest québécois, c'est-à-dire les mines d'or, de cuivre et de zinc. L'une de ses premières préoccupations a été la prévention de la silicose chez les mineurs. C'est pourquoi, dès 1939, par des représentations auprès du gouvernement et de la CAT, elle obtenait l'examen pulmonaire annuel obligatoire pour tous les mineurs. Ce n'est cependant qu'après onze années, soit en 1950, que ce règlement était mis en vigueur. En même temps, elle orientait son action pour augmenter l'apport d'air pur dans les chantiers souterrains. (10 h 15)

A cet effet, elle requérait d'abord du ministre des Mines d'alors d'ajouter un inspecteur en ventilation et, quelques années plus tard, en 1956, elle structurait son propre service de ventilation de sorte que, dans les quelques années qui ont suivi, l'apport d'air pur dans les chantiers souterrains a quadruplé. A la même époque, en collaboration avec la CAT, elle s'assurait les services d'un pneumologue pour centraliser l'information et travailler en collaboration avec notre ingénieur en ventilation. Par un contrôle médical adéquat et des transferts planifiés au sein des entreprises, il a été possible de prévenir la silicose chez ceux qui avaient une prédisposition à la maladie et ainsi de réduire au minimum les effets de la silicose chez nos mineurs jusqu'à l'adoption de la Loi sur l'indemnisation des victimes de silicose ou d'amiantose en 1975.

Cette dernière loi, en prévoyant le retrait du travail des individus dont le diagnostic pour silicose est positif et en rendant impossible, au sein de l'entreprise, le transfert du travailleur prédisposé à la maladie est venu détruire le programme que nous avions élaboré au cours d'une période de 20 ans.

Le présent projet de loi no 17 vient brouiller les cartes davantage en faisant sauter les mots "diagnostic positif", par l'article 279, de sorte que, sans permettre le rétablissement des transferts au sein des entreprises qui sont les seuls moyens de prévention possibles pour les prédisposés à la silicose, il ouvre la porte à de nombreux abus en rendant possible le retrait du travailleur qui montre des signes de silicose sans souffrir de la maladie, au coût, pour l'employeur, de 90% du salaire net.

Au domaine de la surdité, les activités de prévention ont débuté graduellement avant les années soixante par le port de protecteurs. Au cours des dernières années, cependant, nous avons établi, avec l'aide d'un otologiste industriel renommé, un programme médical complet de conservation de l'ouïe et nous multiplions les efforts pour éliminer le bruit à la source.

Les activités de prévention des accidents, au niveau de l'association, ont débuté sérieusement en 1947, alors que l'on a obtenu les services d'un directeur de sécurité de grande réputation et, en quelques années, cela a permis à nos mines membres de diminuer la fréquence de leurs accidents de 80%. Cette performance s'est maintenue, malgré les changements de périodes d'attente après un accident.

Cet effort en prévention a été accompli dans un secteur industriel particulièrement difficile, celui des mines, à une époque où la santé et la sécurité occupaient une bien modeste place dans les priorités des gouvernements et des unions ouvrières.

Les directeurs de mines étaient alors fort sensibilisés par le coût énorme, direct et indirect, que représentent les accidents du travail et les maladies professionnelles, coût que l'entreprise doit elle-même absorder, puisqu'il lui est impossible de les additionner au prix de vente de ses produits, lesquels sont fixés par le marché international.

Permettez-nous d'énumérer les principes généraux à partir desquels nos actions en prévention ont été entreprises au cours des 40 dernières années. Tout d'abord, nous sommes convaincus que pour accomplir du bon travail en prévention, il est absolument nécessaire que la haute direction de l'entreprise soit la première intéressée. C'est pourquoi le secteur minier a commencé à obtenir du succès en prévention lorsque ses dirigeants ont décidé d'agir et l'un des premiers gestes effectués à la fin des années quarante a été, pour chaque directeur de mine, de suivre des cours de sécurité.

En deuxième lieu, nous sommes convaincus que la prévention des accidents est une partie intégrante de l'opération et doit aller de pair avec la production.

Troisièmement, cette approche intégrée qui réunit l'action sécurité et l'action productivité rend nécessaire la formation de tous les échelons de supervision, plus particulièrement les contremaîtres de première ligne parce que journellement ils peuvent sensibiliser leurs travailleurs à l'égard de la prévention.

Quatrièmement, certains autres services connexes sont aussi nécessaires pour obtenir du succès en prévention, tels une bonne information statistique sur les accidents et leurs causes, un service médical bien adapté et un service d'inspection spécialisé. Sur ce dernier point, nous devons mentionner que les services d'inspection du ministère des Richesses naturelles nous ont beaucoup aidés dans notre travail tant à cause de leur compétence que des nombreux échanges que nous avons eus avec eux.

Cinquièmement, enfin, nous sommes convaincus que la collaboration des travailleurs aux activités de prévention est nécessaire, mais à titre consultatif seulement. C'est justement l'aspect volontaire et consultatif de la collaboration qui détermine la bonne foi de la relation et en assure la continuité.

Ce sont ces cinq principales approches qui nous ont apporté du succès en prévention.

Or, la loi 17 vient complètement remettre en question la totalité du système que nous avons élaboré au cours de cette période.

Nous ne nions pas que certains autres secteurs industriels, moins structurés au niveau de la prévention, puissent trouver certains avantages

dans le nouveau projet de loi; c'est pourquoi nos remarques ne valent que pour le secteur minier.

Tout d'abord, la loi 17 vient détruire l'intérêt de l'employeur minier à l'égard de la prévention. En effet, elle enlève à l'employeur toute l'initiative à l'égard de la santé et de la sécurité des travailleurs pour la confier au comité paritaire, au délégué à la prévention, aux services d'inspection, aux directeurs des DSC et, enfin, à une commission toujours toute puissante.

Nous comprenons que les temps changent et qu'il est nécessaire pour les employeurs de baser leurs actions de plus en plus sur la participation des travailleurs. D'ailleurs, depuis plusieurs années, notre secteur a beaucoup évolué dans ce sens et il s'avère même un pionnier parmi les autres secteurs industriels. Mais, au nom de ce principe, il n'est pas nécessaire, comme le veut le projet de loi, d'enlever toute initiative à l'employeur pour la confier à des organismes extérieurs à l'entreprise et dont la preuve de compétence est encore à faire.

Par exemple, dans le cas du refus de travail, l'employeur ne peut même pas régler le différend au premier stade.

Dans ce cas, comme dans la plupart des autres, l'employeur ne pourra agir, selon la loi, que comme intermédiaire avec le comité paritaire et les organismes institués. Pourtant, il est toujours entièrement responsable des coûts et, selon les quinze paragraphes de l'article 40, de la sécurité de ses travailleurs.

La philosophie générale qui ressort de la loi 17 donne l'impression qu'on peut éliminer les accidents par l'établissement de structures, de surveillance et de règlements et que la motivation de l'employeur en vue de conserver chez ses travailleurs un haut niveau d'intérêt à l'égard de la sécurité n'est plus nécessaire.

Dans un tel contexte, comment l'employeur pourra-t-il garder l'intérêt nécessaire à l'égard d'activités de prévention dont la loi lui enlève le contrôle? Cet intérêt est pourtant la première condition du succès en prévention.

La loi 17 consacre la séparation entre la prévention et la production. Nous avons toujours été convaincus que ces activités allaient de pair et que travailler de façon sécuritaire n'était qu'une façon plus efficace de produire. En déléguant à des organismes extérieurs et à des représentants des travailleurs la majorité des activités de prévention, la loi 17 enlève à l'employeur la possibilité d'adapter ces programmes de prévention à ces activités industrielles. Elle empiète sur ses droits de diriger son entreprise et elle pourra l'amener à faire des dépenses qui dépassent les limites de la rentabilité de son exploitation, sans pour autant augmenter le niveau de sécurité de ses installations. Autrement dit, elle dissocie complètement les activités de prévention et de production, ce que nous ne pouvons admettre.

Les conséquences d'un tel divorce ne manqueront pas de se faire sentir, quels que soient les objectifs de coopération exprimés dans le livre blanc et la loi 17, puisque les activités de préven- tion découlant d'un rapport de force et d'une contrainte extérieure ne peuvent faire autrement que de s'effectuer dans une atmosphère de conflit et de contestation continuelle entre l'employeur et les autres agents.

Dans la loi, on retrouve aussi ce parallélisme entre les activités de prévention et de production dans le fait qu'on offre de faire financer par la commission, donc par les employeurs, trois sortes d'associations; les patronales, les syndicales et les paritaires. Si, comme l'affirme le livre blanc et comme nous en sommes convaincus, la coopération patronale-syndicale est nécessaire pour obtenir du succès en prévention, seules les associations paritaires doivent être subventionnées.

Le financement des associations syndicales empêchera la formation d'associations paritaires et consacrera davantage le parallélisme entre la prévention et la production, non seulement au niveau de l'entreprise, mais aussi au niveau du secteur industriel lui-même. Les expériences entreprises par le secteur minier au cours des dernières années pour faire fonctionner un organisme paritaire de prévention au niveau du secteur ont été pratiquement sabordées lorsque la partie syndicale a trouvé le moyen de faire financer par la CAT son cours de base en santé et sécurité.

Ce serait un cauchemar de conduire une voiture avec deux volants indépendants. C'est pourtant ce que fait le projet de loi no 17 en divorçant les activités de prévention des activités de production. Une seule approche est efficace en prévention, c'est l'approche intégrée. Or, comme l'entreprise doit diriger les activités de production, c'est encore elle qui doit diriger les activités de prévention. Tous les autres intervenants doivent être strictement des "aviseurs". C'est pourquoi nous sommes toujours convaincus que la seule collaboration possible entre employeurs et travailleurs dans le domaine de la prévention ne peut être que sur une base volontaire et consultative.

De plus, le projet de loi no 17 consacre l'approche légaliste versus l'approche intégrée. On retrouve cette approche légaliste dans le pouvoir de réglementation prévu à l'article 185 du projet de loi.

Le projet de loi ferme les yeux sur la réalité de la prépondérance des facteurs humains comme cause d'accidents et celle des prédispositions personnelles et des habitudes personnelles comme facteurs de premier ordre dans le développement des maladies professionnelles. On s'obstine à voir les conditions de travail et l'état des lieux comme cause majeure de tous les maux et, ainsi, on est motivé à prôner la réglementation comme palliatif. La conséquence de cette attitude est un coût énorme croissant pour les entreprises avec des résultats plus que modestes. Les expériences françaises et américaines à ce sujet sont éloquentes.

L'information adéquate demeurera toujours l'une des conditions essentielles à un travail efficace en prévention d'accidents et de maladies professionnelles. Or, présentement, la Commission des accidents du travail refuse de fournir à

notre classe d'employeurs les informations nécessaires pour vérifier ses responsabilités vis-à-vis d'elle en s'appuyant sur le principe de la confidentialité. Les articles 98, 99 et 133 du projet de loi no 17 viennent renforcer cette attitude de l'actuelle commission.

Nous croyons qu'il n'y a aucune violation du principe de confidentialité à dévoiler à la classe qui représente les employeurs le nom d'un accidenté ou d'un malade pour qui ils doivent payer les frais, les dates de l'accident ou de la réclamation pour maladie, la nature du mal pour lequel il y a réclamation, les montants versés en frais médicaux, compensations et indemnités pour déficit anatomo-physiologique et le nom ou le numéro de l'employeur concerné. De telles données permettent de vérifier les statistiques et de juger de la pertinence des programmes à mettre en place dans une classe d'employeurs, car le principe de base en prévention est la connaissance des faits.

De telles informations permettent de faire les rectifications quand il y a erreur, de faire des enquêtes lorsque certains réclamants abusent du système et de faire des statistiques précises.

Dans le cas du secteur minier, plusieurs catégories d'accidents sont chargées directement à la classe qui les représente. C'est le cas, par exemple, de la silicose et de toutes les compensations accordées pour accidents et maladies industrielles qui sont survenus dans les opérations minières qui, depuis, ont fermé leurs portes. Ainsi, les cotisations imposées aux employeurs de la classe 500, ces dernières années — la classe 500 représente les mines de métaux de base et les mines d'or, c'est-à-dire environ 6000 travailleurs — sont de 65% supérieures au coût réel de leurs accidents. Non seulement la loi 17 ne confirme pas aux employeurs, comme groupe, le droit normal de savoir pourquoi ils paient, mais l'article 238 du projet de loi fait disparaître l'article 111 de l'actuelle Loi sur les accidents du travail, seul article qui donnait à la classe le droit de surveiller les intérêts de ses membres.

Nous recommandons avec insistance, et au nom de la justice, que l'article 111 soit maintenu et que le projet de loi prévoie la possibilité pour une classe d'employeurs de connaître avec exactitude la liste complète, détaillée et personnalisée des individus pour qui ils défraient la note.

Le secteur minier ne peut que regretter la centralisation des services d'inspection que la loi met en force. Actuellement, ce secteur est le seul à profiter d'un service d'inspection spécialisé rattaché au ministère des Richesses naturelles, service qui, à notre avis, est sûrement le plus efficace de tous les services d'inspection au Québec.

Dans les mémoires que nous avons présentés au gouvernement sur la santé et la sécurité au cours des dernières années, nous avons toujours insisté pour que les services d'inspection des mines demeurent rattachés au ministère des Richesses naturelles afin d'en tirer le plus grand avantage possible. L'inspecteur de mines n'évalue pas les conditions de travail par la simple vérification de la conformité d'une condition à un texte réglemen- taire. Au contraire, il doit juger les lieux à la lumière de ses connaissances scientifiques et de son expérience et il doit décider lui-même de la qualité des lieux. C'est un problème de spécialiste qui ne saurait être délégué à un généraliste. Entre parenthèses, les inspecteurs de mines doivent être ingénieurs de mines et avoir cinq ans d'expérience dans l'exploitation des mines. (10 h 30)

Non seulement l'inspection doit être faite par des spécialistes, mais l'autorité de qui relève cette inspection doit aussi être compétente en matière de mines. Si le service d'inspection des mines tombe sous une autorité qui n'est pas spécialisée en mines, les décisions majeures seront alors prises par des personnes incompétentes et c'est l'industrie et les travailleurs miniers eux-mêmes qui en souffriront.

La loi 17 vient abolir le système d'inspection minière en centralisant tous les services d'inspection sous une seule autorité. Par la suite, la loi prévoit la nomination d'inspecteurs chefs régionaux, ce qui est une confirmation de nos appréhensions. Nous sommes toujours convaincus que pour accomplir un travail d'inspection efficace, il faut être spécialisé dans le secteur inspecté.

Encore une fois, le secteur minier est celui qui aura le plus à souffrir de la centralisation de l'inspection puisqu'il est le mieux organisé sous ce rapport. Puisque la construction conserve son système particulier d'inspection à cause de ses caractères particuliers, pourquoi le secteur minier ne conserverait-il pas lui aussi son service spécialisé pour la même raison? Il est toujours possible d'améliorer un service, y compris celui de l'inspection minière, mais on ne gagnera certainement rien à le détruire, surtout quand il est déjà efficace.

La structure envisagée par la loi no 17 prend une nouvelle dimension quand on s'arrête au chapitre 8 relatif aux services de santé. Y a-t-il présentement un personnel expérimenté assez nombreux en service de santé au Québec? Comment faudra-t-il organiser la supervision de tous les services de santé dans les établissements industriels? Le secteur minier a obtenu de grands succès dans sa lutte contre la silicose grâce au contrôle médical assuré par des pneumologues compétents qui ont travaillé en collaboration étroite avec nos services de ventilation.

Pour combattre la surdité industrielle, notre secteur s'est aussi assuré les services d'un éminent otologiste industriel qui a établi lui-même son propre programme de prévention, sans aucune interférence de la part des employeurs.

Le transfert de la médecine du travail au DSC nous affectera d'autant plus qu'il n'est plus question pour l'entreprise, dans le projet de loi, de se doter d'un médecin-conseil comme c'était prévu au livre blanc.

La nationalisation de la médecine du travail et sa centralisation au DSC priveront le secteur minier d'une quantité extraordinaire de moyens pour mieux diriger ses opérations. Dans ce domai-

ne en particulier, il est impossible de mesurer tout l'impact de la loi, sans connaîre les règlements qui suivront. L'Ontario l'a reconnu puisque l'application de la loi 70 sur la santé et la sécurité au travail a été retardée pour permettre la préparation des règlements afin de pouvoir mesurer l'importance réelle de la loi.

D'autre part, nous avons toujours été d'accord avec une plus grande collaboration des travailleurs aux activités de prévention. D'ailleurs, depuis quinze ans, la grande majorité des opérations minières possèdent leur propre comité paritaire de prévention. Cependant, pour être efficace, le comité paritaire doit être consultatif. Il est illogique, selon nous, de vouloir faire prendre des décisions importantes par un comité, surtout sur des points où la partie syndicale peut difficilement être d'accord avec la partie patronale, à cause de la poursuite d'objectifs différents, comme dans le cas du refus de travail et du choix du médecin.

Le délégué à la prévention, personnage dont il n'a pas été question dans le livre blanc, aura lui aussi une attitude fort différente de celle de l'employeur. Pour le premier, le respect littéral des règlements sera primordial, tandis que pour le second, une approche adaptée aux opérations et faisant appel à des mesures complémentaires et plus flexibles sera favorisée, sans pour autant sacrifier la santé et la sécurité des travailleurs.

Le représentant à la prévention aura la tâche facile de critiquer et chercher les problèmes, tandis que l'employeur et ses représentants auront l'odieux de trouver les réponses. Il sera un trouble-fête malgré lui.

La philosophie générale derrière la loi no 17 est qu'il faut éliminer les problèmes à la source et alors on veut croire que le problème est réglé. Or, ceci n'est pas exact. Il y a au moins 50% des accidents sérieux et moins sérieux qui trouvent leur origine strictement dans les attitudes et les comportements. La prévention veut bien se donner comme objectif l'élimination des risques, mais la réalité est qu'on ne réussit qu'à minimiser les risques.

L'expérience nous démontre quotidiennement qu'il est illusoire de prétendre qu'il n'y aura pas d'accidents dans un milieu où toutes les conditions sont sécuritaires. D'autre part, l'employeur minier n'est pas contre le refus de travail si le mineur y voit un danger spécial. D'ailleurs, ce droit est reconnu dans la grande majorité des conventions collectives des exploitations minières. Cependant, nous croyons que la loi prend un caractère fortement abusif lorsqu'elle force l'employeur à fermer des endroits de travail sur la décision d'un seul travailleur de refuser le travail, décision qui, dans bien des cas, ne peut être fondée que sur un jugement subjectif ne correspondant pas nécessairement à une réalité technique. En temps de négociations collectives, quelques employés pourraient facilement s'entendre pour refuser le travail en même temps et provoquer ainsi la fermeture des opérations sans perte de salaire pour les travailleurs.

La loi 17 établit une structure technocratique énorme. Parce que la loi enlève à l'employeur toute initiative au niveau de la santé et de la sécurité des travailleurs, il a fallu la remplacer par une structure extrêmement lourde, coûteuse, dispersée, ignorante des réalités de l'entreprise et, par conséquent, susceptible d'engendrer des programmes irréalistes. Pourtant, dans la préface du livre blanc, le ministre responsable avait dit: "II n'est aucunement besoin de faire surgir quelque supermachine bureaucratique investie du pouvoir tout-puissant de décider à la place des gens." D'ailleurs, la préface du livre blanc est selon nous un document remarquable, tant par ses objectifs que par les moyens avancés pour les réaliser et nous ne pouvons qu'être entièrement d'accord avec ces énoncés. Malheureusement, pour le secteur minier, le projet de loi 17 ne semble pas être l'outil pour la réalisation de tels objectifs.

En effet, ce projet de loi crée cette supermachine bureaucratique et les chapitres antérieurs le prouvent amplement. Une telle structure sera extrêmement lourde et inefficace. Par exemple, l'une des responsabilités de la nouvelle commission sera d'approuver tous les plans des nouvelles exploitations.

Dans le secteur minier, alors que des études se prolongent parfois sur plusieurs années pour déterminer les méthodes d'exploitation les plus efficaces, tant au niveau des coûts qu'à celui de la protection des travailleurs, par quelle magie la commission pourra-t-elle s'avérer assez compétente pour approuver ou désapprouver de tels plans? L'investisseur qui veut se lancer dans l'aventure de faire l'exploitation d'un gîte minéral au Québec devra donc dorénavant soumettre ses plans d'exploitation non seulement au ministère des Richesses naturelles et aux Services de protection de l'environnement, mais aussi, en vertu du projet de loi 17, à la Commission de santé et de sécurité. Une telle bureaucratie entraînera des délais interminables et découragera les futurs investisseurs.

L'un des problèmes les plus importants à résoudre pour les entreprises minières — plus que pour certains autres secteurs industriels — ce sont les coûts de production, puisque le secteur minier est essentiellement une industrie d'exportation et qu'il n'a, à vrai dire, aucun contrôle sur le prix de vente de ses produits. Dans certains secteurs industriels, la construction par exemple, l'augmentation des coûts est transférée automatiquement aux consommateurs, mais dans les mines, les coûts doivent être absorbés par le producteur.

Ces dernières années, les coûts d'exploitation du secteur minier ont été lourdement affectés par les cotisations à la CAT qui augmentent de 30% par année pour défrayer le coût d'un système de compensation toujours plus libéral avec les années. On peut lire dans le dernier rapport annuel de la CAT que la cotisation pour tous les employeurs québécois se chiffrait à $427 300 000 en 1978, comparativement à $335 300 000 en 1977, soit une augmentation de 30%. En 1978, par exemple, pour un bon nombre d'opérations minières souterraines en particulier, les cotisations à la CAT ont représenté au-delà de $2000 par employé, donc plus de 8% du coût total d'opération.

La notion du coût du système proposé à être défrayé par les employeurs ne semble pas avoir effleuré le législateur. L'employé doit partout défrayer le plein salaire du travailleur en toute circonstance. Dans 25 articles différents, la loi 17 mentionne que l'employeur devra défrayer les coûts des différentes activités du nouveau système. Il serait aussi irréaliste de croire que les pensions aux accidentés et victimes des maladies industrielles seront diminuées, puisque la loi 114 prévoit une révision annuelle des indemnités de compensation et que la présente loi met tout en place pour empêcher l'employeur de pouvoir contrôler les coûts du système.

Quant à la structure de la nouvelle commission de santé et de sécurité, elle exigera un effectif très important en personnel si elle veut remplir toutes les tâches que la loi lui confie. Présentement la CAT emploie 2000 personnes. Toutes ces nouvelles charges confiées à la nouvelle commission pourraient bien avoir comme conséquence de doubler l'effectif actuel. On peut facilement évaluer que les employeurs du Québec, qui défraient présentement une masse salariale d'au-delà de $40 millions — a-t-on évalué — pour les employés de l'actuelle CAT, pourraient voir doubler ce montant lorsque la nouvelle commission sera en pleine activité.

Etant donné l'ampleur du budget de la nouvelle commission, nous recommandons que ce budget soit présenté annuellement à l'Assemblée nationale et discuté en commission parlementaire où les parties syndicales et patronales pourront se faire entendre.

La loi 17 provoquera une augmentation de la fréquence des accidents dans le secteur minier. Le système de prévention des accidents mis de l'avant par l'Association des mines de métaux a donné des résultats remarquables jusque vers les années 1965. La courbe en annexe II parle par elle-même. Je parle de la courbe qui était à l'ancien mémoire.

Depuis 1965, alors que les droits de gérance ont sérieusement commencé à être l'objet de revendications de la part de la partie syndicale et que les méthodes patronales de prévention ont été contestées, il est devenu de plus en plus difficile de garder les taux de fréquence au niveau des années antérieures.

D'autre part, les politiques plus libérales de compensation pour accidents du travail et surtout pour maladies industrielles ont fait augmenter le nombre des réclamations tout en faisant disparaître l'incitation pécuniaire à la prévention pour les employeurs. Aujourd'hui, les taux élevés d'indemnisation ainsi que le climat social sont tels que les absences au travail causées par accidents et incidents bénins augmentent de façon alarmante.

Par l'adaptation de nos méthodes de prévention, il a tout de même été possible de garder la situation sous contrôle puisque, depuis les quatre dernières années, le taux d'accidents mortels dans le secteur minier est au plus bas de son histoire et que la fréquence d'accidents compensables se maintient aux environs de 20 par million d'heures-homme, soit trois fois moins que celle de la construction. Le seul moyen, selon nous, de continuer à progresser dans le domaine de la prévention est de parfaire nos méthodes par une évolution lente, mais sûre.

La loi 17, telle que rédigée, remet en cause complètement l'approche du secteur minier à l'égard de la prévention. La seule conclusion que nous puissions tirer d'une telle remise en cause est qu'il faudra une période d'au moins cinq à dix ans pour se réadapter à la nouvelle structure et qu'au cours de cette période la fréquence des accidents dans les mines ne peut qu'augmenter sensiblement.

En résumé, nous sommes convaincus que le secteur minier aura d'autant plus à souffrir de l'application d'un tel projet de loi qu'il a, au cours d'une longue période, élaboré un système de prévention des accidents et maladies industrielles qui, jusqu'à maintenant, a produit d'excellents résultats. Ceux qui auront le plus à souffrir de la nouvelle structure sont donc ceux qui, par des moyens différents, ont fait le plus pour la santé et la sécurité de leurs travailleurs.

Quant à ceux qui se sont peu ou pas préoccupés de ces importantes activités, surtout lorsque les coûts additionnels peuvent être transférés sur le prix de vente de leurs produits, ils ont tout à gagner puisqu'ils continueront à ne pas être directement impliqués dans les activités de prévention et qu'ils pourront continuer le transfert des coûts additionnels à la population. A notre avis, le projet de loi, tel que rédigé, aura un effet contraire à ce qu'a sûrement visé le législateur.

Les mines de métaux souhaitent ardemment que la loi leur permette de continuer à progresser en prévention et, à cette fin, elles recommandent:

Que la loi laisse à l'employeur l'initiative des activités de prévention afin de favoriser une approche intégrée de supervision;

Que les comités de sécurité aient un rôle strictement consultatif;

Que le service d'inspection des mines soit maintenu;

Que l'employeur ait le droit de s'équiper des services médicaux adéquats;

Que, dans le cas du refus de travail, l'employeur ait au moins la possibilité de régler le différend au premier stade;

Que l'exercice du droit de refus pour un travailleur ne puisse automatiquement suspendre les activités du chantier;

Que les classes d'employeurs aient une information suffisante pour surveiller l'évolution des coûts et établir des statistiques adéquates;

Que l'article 111 de l'actuelle Loi des accidents du travail soit rétabli;

Que le budget de la future commission soit discuté à l'Assemblée nationale;

Enfin, que la loi s'applique par étapes en commençant dans les milieux où on obtient peu de succès en prévention.

Les employeurs miniers pourront continuer leur travail de prévention avec succès si les

législations nouvelles permettent de faire évoluer le système qu'elles ont mis en place et les aide à atteindre une collaboration volontaire plus poussée avec leurs travailleurs.

Le Président (M. Marcoux): M. le ministre. (10 h 45)

M. Marois: M. le Président, je voudrais d'abord remercier l'Association des mines de métaux du Québec d'avoir présenté son mémoire, d'être venue nous faire connaître son point de vue. C'est un point de vue, et c'est un mémoire qui contient beaucoup de choses. Bien sûr, dans le temps qui est mis à notre disposition, on ne pourra pas passer en revue, énumérer tous et chacun des éléments du mémoire. J'avais déjà lu, vous le pensez bien, très attentivement le mémoire qu'on avait reçu. J'ai écouté ce matin la lecture de votre document, qu'on a. Evidemment, on va les confronter. Vous nous dites que pour l'essentiel cela reprend les mêmes éléments de façon un peu plus ramassée, résumée, je présume, présenté dans un ordre différent. Donc, et c'est la première remarque que je voudrais faire, les quelques commentaires que je ferai au point de départ sont forcément fondés sur le document qu'on avait reçu. De toute façon, soyez assuré que le texte comme tel et les recommandations vont être scrutés à la loupe.

Egalement, je pense que, dans une société démocratique, il y a un principe de fond, c'est que chacun a le droit de faire valoir pleinement son point de vue. Je pense aussi qu'il est du rôle des parlementaires d'amener les intervenants à une commission parlementaire, quand cela ne ressort pas clairement, leur semble-t-il, dans un texte, à étayer au maximum les positions qu'ils peuvent soutenir devant une commission parlementaire. Je pense que c'est aussi le rôle du gouvernement d'aller, comme on dit, autant que faire se peut humainement — forcément cela implique toujours des erreurs en cours de route, — au fond du baril, surtout quand il s'agit de problèmes de l'ordre de ceux dont on parle à cette commission. Je ne vous cacherai pas qu'il y a un certain nombre d'affirmations, de commentaires qui m'étonnent un peu et sur lesquels j'aimerais qu'on s'arrête, encore une fois en essayant au maximum — comme j'en ai pris l'engagement — de me discipliner et de ne pas abuser du temps de la commission, pour laisser à mes collègues la possibilité d'intervenir.

D'une part, il me semble ressortir de votre mémoire une chose, c'est que vous remettez à nouveau sur la table — et cela sert un peu de toile de fond, d'approche — le fait qu'à votre point de vue les causes d'accidents, de maladies sont accrochées principalement à une prépondérance du facteur humain. On sait fort bien, on l'a évoqué dans le livre blanc, en particulier à la page 7, l'évolution des théories à ce sujet. Il y a la théorie classique qui est celle de la prépondérance du facteur humain, et je pense qu'on prendra ma façon de le dire simplement pour ce qu'elle est avec les nuances que cela suppose d'avance: Si les hommes et les femmes qui sont au travail faisaient attention et s'ils étaient informés, bon nombre de nos problèmes seraient tellement vite réglés. On sait aussi que la recherche plus moderne, la science plus moderne a commencé à gratter cela un peu, a analysé les facteurs, les agents toxiques, les contaminants, les produits dangereux; elle a découvert un certain nombre de choses. Notamment, on se rappelle, je pense bien, qu'au Québec cela a été comme notre premier choc collectif, la découverte du phénomène lorsque des dossiers sont sortis. Je me suis donné la peine de retourner au témoignage qui a été enregistré devant la commission d'enquête qui disposait de tous les pouvoirs d'une commission d'enquête. La commission Beaudry n'a pas été sans faire découvrir un certain nombre de dossiers et d'éléments de fond qui, sûrement, n'avaient pas été cachés. Sûrement pas. Ils n'étaient pas connus. En tout cas, certainement pas publiquement.

Vous savez fort bien qu'aujourd'hui, la prépondérance dans les analyses des tendances amène les scientifiques, à travers le monde, d'ailleurs, à conclure que la prépondérance quant aux causes d'accidents et de maladies n'est pas d'abord dû au facteur humain, mais à l'opposé; la tendance maintenant, le courant plus moderne va dans le sens qui vise à admettre que le facteur principal est d'ordre organisationnel plutôt qu'humain, ce qui n'exclut pas le facteur humain, mais ce qui le "relativise" drôlement. C'était ma première remarque. Je pense que c'est un élément de fond.

Deuxièmement, le plus rapidement possible, je vais certainement toucher un certain nombre de points plus spécifiques. Vous avez fait allusion au service d'inspection. Je comprends que vous vous opposez à la proposition contenue dans le projet de loi qui vise à regrouper les services d'inspection qui sont émiettés. Cela m'étonne un peu et cela m'étonne même beaucoup parce que, dans les témoignages, les commentaires, les remarques qui ont été faits dans la foulée du fameux blitz qui avait été mené à l'époque dans le secteur de l'amiante, il ressortait entre autres des commentaires d'inspecteurs que l'intervention serait de meilleure qualité si elle était mieux coordonnée et mieux articulée avec les autres services d'inspection du Quéec. Vous n'êtes pas sans savoir d'ailleurs qu'un autre groupe qui viendra ultérieurement, qui a déjà déposé son mémoire à la commission parlementaire, qui est le Conseil du patronat du Québec, endosse notre proposition qui vise à regrouper en une seule direction, en un seul lieu des services d'inspection qui sont émiettés, ce qui ne veut pas dire du tout — ce n'est nullement notre intention — qu'il y aura une présence moins grande dans le milieu, bien au contraire, puisque dans notre esprit — j'ai eu l'occasion de le dire — on veut, au contraire, amplifier, après un regroupement des troupes émiéttées, régionaliser, assurer une présence plus permanente en région et dans le milieu, et ce qui, bien sûr, n'exclut pas — cela va de soi, là-dessus, vous avez raison d'insister, cela va de soi dans notre esprit et c'est bien dans ce sens qu'on entend le faire — qu'à

l'intérieur d'un service regroupé, il y ait des branches spécialisées.

Ce que vous dites dans le cas du secteur minier est tout à fait exact. Cela ne veut donc pas dire un nivellement des services quant aux compétences requises sur le plan sectoriel, ce qui est notamment vrai pour les mines.

Vous faites état — je ne reviendrai pas longuement, puisqu'on y a fait allusion, on en a discuté déjà dans les deux journées précédentes — de ce qu'on appelle la nationalisation des services de médecine des entreprises actuellement. Encore une fois, je trouve le mot un peu excessif, mais enfin, chacun a droit à ses expressions. Je pense qu'il s'agit d'une opération de normalisation, je pense que tout le monde sait que 97% des médecins du Québec présentement tirent leur revenu d'un organisme qui est public, qui s'appelle la Régie d'assurance-maladie du Québec, sans qu'on puisse parler pour autant d'une nationalisation de la médecine au Québec. Les activités des médecins dans les hôpitaux du Québec sont réglementées depuis plusieurs années par une série de mesures législatives, de règlements sans que l'automonie professionnelle — cela est fondamental — des médecins ne s'en soit trouvée diminuée.

Il y a un commentaire très rapide sur ce qui vient dans les mesures transitoires, c'est l'article 279, où on propose de biffer le mot "positif", en ce qui concerne le diagnostic médical. Bien sûr, vous avez droit à votre point de vue, je le respecte, mais je vous dirai tout de suite que je ne le partage pas. Après avoir fouillé, après avoir gratté, vous savez que l'article 2.1 de la loi 52 qui se trouve amendé dit que l'ouvrier atteint d'une incapacité permanente résultant de la silicose ou de l'amiantose établie médicalement par un diagnostic positif — c'est le mot qu'on biffe — a droit. Si c'est établi médicalement par un diagnostic, l'addition du mot "positif" n'a eu pour effet, quant à l'interprétation qui a pu en être donnée, qui a fait l'objet de discussions et de divergences de vues, c'est que le bénéfice du doute, on l'accordait à l'entreprise, plutôt que d'en faire bénéficier les travailleurs. Il arrive des zones grises. Les choses ne sont pas des absolus dans ce domaine. Il y a des zones grises. On croit que dans le cas de bénéfice de doute, on ne voit pas pourquoi on ne le ferait pas bénéficier aux travailleurs.

Il y a une affirmation — je la relève parce que vraiment, elle m'estomaque un peu — disant que la loi va accroître le nombre d'accidents. Je pense que je n'ai pas besoin de vous rappeler les chiffres qui apparaissaient à la page 271 du livre blanc, qui établissaient la liste des secteurs économiques et industriels que nous considérions comme prioritaires. Bien sûr, je pense qu'en toute honnêteté on doit admettre qu'il y a des efforts qui ont été faits dans le secteur minier, ce qui n'exclut pas que des efforts additionnels doivent être faits. Je pense que, là-dessus, on va se comprendre et on va s'entendre très rapidement. Il reste encore un taux anormalement élevé, de telle sorte que — vous le savez, c'était dans le livre blanc — compte tenu des fréquences à 16,2% à l'époque et compte tenu des données dont on disposait à ce moment-là, ça ne peut pas être considéré autrement que comme un secteur prioritaire.

Je ne vois pas en quoi le fait d'associer d'une façon ou d'une autre et de se donner les moyens de viser ensemble de façon concertée... Sans s'imaginer, encore une fois, qu'on va arriver — je ne sais pas si Le Corbusier avait pensé aux usines vertes, s'il avait pensé aux mines vertes — à des choses comme celles-là en deux jours, il y a place à une amélioration substantielle et c'est drôle parce que nous ne sommes pas les premiers au monde à faire une réforme comme celle-là. Bon nombre de provinces canadiennes l'ont faite et vous n'êtes pas sans savoir que la Saskatchewan, qui a cinq ans d'ancienneté, l'Allemagne, qui a cinq ans d'ancienneté, après des périodes de quatre ou cinq ans, avec des approches analogues à celles qui sont proposées, adaptées à leur réalité socio-économique, ont vu les taux d'accidents baisser. On me parle d'une courbe de cassure en particulier en Allemagne qui serait — je donne le pourcentage sous réserve, cependant; je n'ai pas vu les données par écrit; on me les a communiquées verbalement — de l'ordre de 15% à 20% sur une période de quatre ou cinq ans.

Il y a une chose: Moi, je vous demanderais d'y réfléchir, parce que j'avoue que... Les témoignages qu'on a eus hier de la Fédération des médecins omnipraticiens, de la corporation professionnelle aussi s'opposent — nous, on croit avec raison — à une chose que vous demandez, qui concerne l'information médicale, à la page 7 de votre mémoire et ça revient dans vos recommandations. Cela paraît à la page 7 et à la page 8. Vous demandez que la loi prévoie la possibilité pour une classe d'employeurs de connaître avec exactitude la liste complète, détaillée et personnalisée des individus pour qui ils défrayent la note, etc.

On sait fort bien qu'un employeur — ce n'est pas la classe d'employeurs — connaît forcément ces données. Mais là, vous le demandez pour la classe. A toutes fins utiles, ça veut dire vraiment ouvrir à un groupe d'employeurs, à un secteur industriel, économique d'employeurs, les dossiers et les informations personnalisées et confidentielles. J'avoue que, vraiment, je suis plutôt porté à retenir ce qui est déjà dans le projet de loi no 17. S'il y a quelque chose à resserrer, je suis plutôt porté à regarder les recommandations qui nous sont venues de la... Parce que, vraiment, je ne vois pas comment et je ne comprends pas, d'ailleurs, pourquoi... J'aimerais bien que vous m'expliquiez pourquoi et qu'est-ce que la classe d'employeurs... — Pourquoi, d'abord, voulez-vous ça? C'est une de mes questions précises et non pas un commentaire. Pourquoi voulez-vous ça, la classe d'employeurs? Cela voudrait dire, par exemple, l'Association des mines de métaux? Pourquoi avez-vous besoin de ça? Qu'est-ce que vous voulez faire avec ça, etc?

Deux derniers commentaires, M. le Président, très rapidement. Je m'excuse d'avoir déjà abusé

de temps. Quant au représentant à la prévention, vous vous opposez à ce qu'on l'introduise. Par ailleurs, d'autres groupes nous parlent du droit de refus. Ils nous réfèrent souvent à la loi ontarienne. Vous n'êtes pas sans savoir que ça existe dans la loi ontarienne. Cela existe dans la loi de la Saskatchewan. Cela existe en Colombie-Britannique. Cela existe en Alberta. Cela existe dans certaines conventions collectives au Québec — un petit nombre — et ça se développe. Pourquoi les travailleurs n'auraient-ils pas droit à un minimum de permanence de libération pour être capables de suivre aussi quelque chose, au fond, qui les concerne au premier chef? Après tout, de quoi parle-t-on? De leur santé et de leur sécurité au travail.

En passant, je vous signale qu'un groupe qui doit témoigner devant nous aujourd'hui — je pense qu'ils le diront eux-mêmes, c'est dans leur mémoire — l'Association des mines d'amiante, reconnaît la légitimité de ce représentant-là. Bien sûr, en toute honnêteté, elle désire en limiter le nombre, si j'ai bien compris. On aura l'occasion d'en discuter tantôt. Là, il y a donc des points de vue divergents. Je prends acte et j'avoue que pour ce qui me concerne ce n'était pas dans le livre blanc, mais après de nombreuses consultations, je me suis rendu à l'évidence de la nécessité de reconnaître une chose comme celle-là. (11 heures)

Quant aux coûts, on aura sûrement l'occasion d'en parler un peu plus longuement, je ne veux pas m'étendre, mais vous savez fort bien que sur la base uniquement des chiffres connus — j'ai toujours dit que les chiffres que j'avais en main étaient modérés — en particulier quand on évalue l'impact des coûts économiques indirects, on s'est payé, en 1978, au Québec — pour l'essentiel, c'est vous, les employeurs, qui l'avez assumé — tout près de $500 millions. Les experts disent que quand on veut connaître les coûts économiques indirects, on applique un multiplicateur qui varie de 4 à 7. J'ai pris le plus raisonnable, 4, je l'applique, ce qui fait $2 milliards, pour un total de coûts économiques directs et indirects de $2 500 000 000. Les experts m'avaient dit que, dans le cas du Québec, pour ne pas être trop modéré et ne pas tomber dans un excès, j'aurais dû appliquer un multiplicateur de 6, et ce, toujours sur la base des chiffres connus des accidents et maladies déclarés.

Une société qui est rendue à se payer annuellement... vous savez comme moi que ça ne diminue pas, ces chiffres augmentent; au moment de la rédaction du livre blanc, c'était $2 milliards, $2 500 000 000 en 1978 à payer des pots cassés, et dans certains cas, quand il s'agit des humains, il y a des choses qui ne se réparent pas, de toute manière. Je pense que, comme société, il vaut la peine qu'on fasse l'effort normal de faire en sorte qu'on vise à corriger ensemble, sans s'imaginer... ensemble, cela veut dire qu'il faut aller au-delà d'une approche qui soit uniquement et purement consultative, que ceux qui sont les premiers concernés soient parties prenantes, en tout cas pour certains des éléments clés qui les concernent, des aspects qui sont du domaine décisionnel.

Voilà, M. le Président, mes quelques commentaires et remarques. Il y a une question que j'ai posée en cours de route et à laquelle j'aimerais bien avoir une réponse, si c'est possible. Elle a trait à la confidentialité des dossiers des individus. Là, vraiment, j'avoue que je ne comprends pas.

M. Langlois: Au niveau de la confidentialité, je dois avouer que la classe 500, celle qui représente l'industrie minière, est peut-être un peu différente des autres secteurs industriels, parce que les mines, fatalement, ouvrent et ferment. Donc, dans le Nord-Ouest québécois, par exemple, pour les mines d'or et les métaux de base, pour 26 mines qui existent présentement, il y en a eu, à un moment donné, 150 qui ont fermé. Dans ces mines se sont produits des accidents, c'est évident. Il y a des réclamations qui ont été faites, il y en a encore qui sont faites, 25 ans ou 30 ans après la fermeture des mines, et ce n'est pas l'employeur actuel, c'est lui qui défraie ces accidents parce que la classe est responsable, mais ces accidents sont imputés directement à la classe. Donc, il n'y a aucun moyen, si on se fie seulement à l'information que les employeurs reçoivent, pour se renseigner sur les accidents dont les mines déjà fermées sont responsables. Il y a certains accidents qui sont imputés directement à la classe. Je vous le disais tout à l'heure, tous les cas de silicose sont imputés directement à la classe; ils ne sont pas imputés à un employeur en particulier, mais ils sont répartis sur tous les employeurs à travers le taux mutuel.

La cotisation est formée de deux taux: le taux de mérite, qui est le coût à l'intérieur d'un minimum et d'un maximum réel des accidents plus les coûts d'administration, et, ce qu'on appelle le taux mutuel qui, présentement, est le double du taux de mérite qui contient tous les autres facteurs comme, par exemple, les maladies industrielles, dans le cas de la silicose, et dans le cas de beaucoup d'autres accidents qui sont survenus dans des mines fermées qui sont imputés directement à la classe et, par la suite, répartis sur chacun des employeurs.

Deuxième question. L'Association des mines de métaux, depuis une quarantaine d'années, a structuré sa prévention à travers une association pour ses membres. A travers ses membres, on a un bureau qui est assez important, on a des inspecteurs, des officiers qui visitent les mines, des ingénieurs en ventilation, et il est entendu depuis au moins 1947 que les membres se soumettent aux directives de l'association, bénévolement si on veut, mais se soumettent aux directives.

Donc, la manière principale d'agir pour la prévention des accidents et des maladies professionnelles, c'est vraiment l'association et si on n'a pas l'information, si la classe ne peut pas recevoir d'information — quand on parle de la classe on parle de l'association parce que les membres regroupent cette classe-là, ils sont inclus dans cette classe-là — de la commission, on perd un

instrument extrêmement important. On a travaillé pour sortir — parce qu'on en a de l'information nous aussi, on a été obligés de la faire nous-mêmes, on a été obligé de faire la police — les dossiers qui sont là, on a travaillé pendant six mois pour sortir des dossiers, pour essayer de trouver ce qui se passait au niveau de la Commission des accidents du travail, puisque ce sont des dossiers apparemment confidentiels. C'est un handicap énorme. Si on n'a pas d'information, on nous coupe les jambes pour faire du travail important en prévention. C'est notre objectif de base.

M. Marois: Mais, si vous me permettez, je ne suis pas certain que ça réponde à ma question. Pour faire du travail important en prévention ça vous coupe d'une information... Il est bien certain qu'une mine soit ouverte ou fermée, un travailleur qui, en vertu des lois qui existent présentement, a droit à une indemnisation qui prend la forme d'une rente et qui peut s'échelonner sur une période de trente ans, mine ouverte ou mine fermée, il y a droit, il y a droit. Cela vous mène où? Qu'est-ce que vous feriez avec... Qu'est-ce que ça vous donnerait de savoir que je suis un accidenté de la mine X Machin du Nord-Ouest, qui est une mine d'or qui a fermé ses portes, qu'on m'a reconnu un taux d'incapacité X et que j'ai droit à une indemnité sur une période de X années? Quel problème cela règle-t-il?

M. Drouin (Claude): M. le ministre, je crois que je vais vous donner une réponse qui devrait vous dire pourquoi. Il y a trois raisons pour lesquelles on veut savoir. Premièrement on veut avoir une connaissance exacte des faits. Par exemple, tout à l'heure vous avez parlé des statistiques. Vous avez dit: d'après le livre blanc, vous nous avez classé dans une certaine classe du secteur minier, et le livre blanc, d'une certaine façon, est loin de donner une bonne image avec la fréquence des accidents dans les mines.

Mais ce qui s'appelle mines dans le livre blanc, c'est tout l'ensemble de l'industrie minière et pour une raison ou pour une autre, vous trouvez 45 000 personnes là-dedans. Alors on veut savoir ce qui se passe là-dedans. La première chose c'est de savoir ce qu'il y a là-dedans. En 1978 on a fait l'expérience pour savoir ce qui s'y passait. On a demandé à la Commission des accidents du travail de nous dire, d'après elle, combien, dans la classe 500, nous avions d'accidents dans les dossiers pour 1978. L'information qu'on a eue du service des statistiques était de 540 accidents dans notre secteur. Dans nos dossiers on en trouvait 267. Alors ce qu'on a fait... La seule information qu'on a de la commission, ce sont des feuilles de coûts pour les trois dernières années seulement. Ces coûts représentent un montant de $4 173 483.27 pour chez nous, pourtant, la facture qu'on reçoit est de $12 400 000. Alors on se demande un peu où est la différence.

Premièrement on veut savoir d'où viennent ces coûts-là. On sait qu'il y a des coûts qui sont transportés à la classe, qui s'en vont un peu par- tout, mais, pour qui paie-t-on? Pourquoi paie-ton? Le renseignement qu'on demande ce n'est pas de savoir si le gars a la troisième côte ou la cinquième côte de brisée, on veut savoir qui a eu l'accident, en vertu de quel accident, en vertu de quelle maladie, pourquoi il réclame; c'est tout ce qu'on demande. On veut aussi être capable de retracer le cas parce que la Commission des accidents du travail c'est quand même une grosse machine. Il arrive souvent qu'un dossier prenne un mauvais chemin. On a trouvé une quantité de cas, à travers la poursuite de ces dossiers-là, des cas de $25 000, $30 000 qui nous étaient chargés, mais qui appartenaient à d'autres employeurs. Ne serait-ce que pour ça, c'est déjà important.

Le deuxième facteur, c'est qu'il y a tout de même des gens qui abusent du système. C'est normal d'être capable de suivre ces gens-là aussi. On est prêt à payer pour ce qu'il faut payer, pour toutes nos responsabilités, mais on veut payer exclusivement pour nos responsabilités, pas pour tous les maux de la société. C'est tout de même important.

L'autre point, c'est qu'on se sert des statistiques pour comparer les causes d'accidents. On a des rapports d'accidents, mais avec ce qu'on récupère de la CAT, de temps en temps, on est aussi capable de marier ça ensemble pour se faire un programme qui a de l'allure. Par exemple, on avait trouvé, dans le domaine des maux de dos, en 1971-1972, une incidence; on a réussi, à travers l'analyse des dossiers qu'on avait de disponibles à la CAT, qu'on établissait chez nous, à établir des programmes qui avaient de l'allure avec ça. Mais aujourd'hui, depuis trois ans, on est obligé d'y aller au pifomètre, parce qu'on manque d'information là-dedans. Suivre des dossiers, c'est tout de même important, dans tous les domaines, pour savoir où on s'en va!

Cette année, on nous demande 540 accidents, on est crédité pour ça, on en trouve 267 d'après nos dossiers, et dans toute la classe, d'après ceux de la CAT, alentour de 322. Où sont les 220 autres accidents qui nous sont crédités? Je crois que respecter notre image, protéger notre identité vis-à-vis du public, c'est tout de même un facteur important aussi, de se faire montrer sous notre vrai jour.

M. Marois: Juste un dernier commentaire, M. le Président. Que, par secteur, il soit nécessaire qu'il y ait des données dépersonnalisées sur l'état de la situation, c'est une chose tout à fait acceptable, je pense que ça va de soi. D'ailleurs, c'est un des éléments qui peut être impliqué dans la perspective des associations sectorielles, c'est une chose. D'autre part, en plus, vous savez que dans les propositions à l'administration de la nouvelle commission pour la santé et la sécurité du travailleur au Québec, nous proposons que le conseil d'administration aussi soit paritaire et que les représentants des employeurs comme les représentants des travailleurs y siègent, de telle sorte que les données dépersonnalisées puissent être disponibles pour permettre d'établir les plans déterminés.

Si vous avez un problème d'écart de chiffres, cela se discute avec la Commission des accidents du travail pour l'instant; éventuellement, avec la mise en place de la nouvelle commission, que les données- dépersonnalisées soient là. Je prends note de vos remarques et de vos commentaires pour le surplus.

M. Drouin: Nos commentaires, M. le ministre, est-ce que c'est normal que quelqu'un accepte de payer une facture sans qu'il y ait un nom sur la facture? C'est ça qu'on a actuellement, une facture de $12 millions avec $4 millions identifiés et $8 millions non identifiés, c'est surtout ce qu'on demande, une compréhension de la facture.

M. Langlois: Des statistiques dépersonnalisées ne donnent absolument rien. Il faut se fier, autrement dit, aux statistiques qui nous sont fournies par la commission. Autrement, on ne peut rien retracer.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Merci, M. le Président. M. Langlois, messieurs, bienvenue aux travaux de cette commission. On a pris connaissance de votre mémoire, du résumé que vous nous avez exposé ce matin avec beaucoup d'attention, beaucoup d'intérêt. Vous évoquez des points qui sont certainement intéressants sur lesquels nous sommes d'accord, avec d'autres, nous sommes plus ou moins d'accord. Je suis convaincu quand même que votre présence aux travaux de la commission sera non seulement utile, mais nécessaire pour apporter un débat éclairé et ça contribue à sensibiliser tous les parlementaires, de quelque formation politique qu'ils soient, et les guider dans leur action et leur analyse du projet de loi, tant en deuxième qu'en troisième lecture.

Vous représentez un secteur d'industrie qui a eu sa part de problèmes, où il y a eu une part importante d'accidents, de maladies professionnelles..Il y a eu des efforts particuliers qui ont été déployés par votre secteur de l'industrie dans le domaine de la santé et de la sécurité, dans certains cas, avec des résultats concluants, dans d'autres cas avec des résultats plus ou moins concluants.

Je n'ai pas l'intention de vous adresser de blâmes sévères, mais on se doit quand même de constater que le secteur dans lequel vous évoluez est un secteur qui a engendré des coûts, en termes de capital humain, très appréciables dans le passé, en termes d'accidents et en termes de maladies. (11 h 15)

II faut faire quelque chose et je crois qu'il faut que tout le monde en convienne. Il n'y a personne qui puisse demeurer muet, ou absent, ou non intéressé devant la préoccupation qu'on est obligé d'avoir, et qu'un gouvernement se doit d'avoir, c'est-à-dire modifier ou rechercher des améliora- tions palpables et dans les délais les plus brefs. Comme collectivité, je ne crois pas qu'on puisse accepter les 300 000 dossiers d'accidents qui sont rapportés chaque année et les 200 décès qu'on a chaque année.

Vous avez fait des choses positives. La crainte que vous exposez au ministre aujourd'hui, c'est que tout ça soit mis de côté, qu'on assiste à la création d'une structure qui sera plus ou moins fonctionnelle, plus ou moins concluante, tout au moins pour les premières années. Vous exprimez des réserves et des doutes à l'égard de votre participation et de votre implication à l'intérieur de ce processus, ce qui, dans une certaine mesure, me paraît justifié, parce que je crois qu'on ne peut pas mettre de côté, du revers de la main, ce qui s'est fait dans le passé et, plutôt que de tourner la page complètement, on se doit d'intervenir, comme on l'a exposé. Au risque de me répéter — parce que je vais le dire et on va le redire, quant à nous, de façon à sensibiliser le ministre — le gouvernement se devrait, dans un premier temps, d'agir et d'intervenir dans des secteurs prioritaires, avec des objectifs tout à fait particuliers à atteindre, et composer avec les éléments positifs qui ont été concluants dans le milieu.

Première question — ce matin, le ministre me permettra peut-être de prendre du temps, je n'ai pas abusé jusqu'à maintenant — c'est dans le domaine de la recherche. Ma crainte, c'est que les normes ou le programme de santé qui sera établi et adopté par la commission de la santé et de la sécurité du travail du Québec, deviennent strictement des normes minimales, auxquelles les entreprises devront se soumettre; c'est le danger. Le danger, c'est que ces normes aillent en deçà de ce qui se faisait déjà ou de ce qui était déjà atteint dans certains secteurs d'industries, dans certaines entreprises de ces industries; ça, c'est une crainte. J'aimerais avoir vos commentaires là-dessus.

La recherche comme telle, les entreprises, quoi qu'en disent ceux qui blâment les entreprises, parce que, selon moi, vous avez une partie du blâme, et l'entreprise en général au Québec a une partie du blâme à recevoir, mais ça ne veut pas nécessairement dire que vous avez tout le blâme à recevoir. Il y a des secteurs particuliers où il s'est fait des choses positives en recherche.

Le livre blanc parle plus ou moins de la recherche. Le livre blanc nous dit que des subventions pourront être données par la commission pour des dossiers particuliers, avec des objectifs particuliers. J'ai une crainte et je n'en ai pas; je me dis: Est-ce que les entreprises vont continuer à déployer des efforts, consacrer des budgets dans le domaine de la recherche ou si elles vont attendre les programmes mis de l'avant par la commission, ou si elles vont attendre qu'un règlement X de la commission de santé leur tombe sur la tête et les oblige à atteindre telle norme ou tel objectif dans tel délai?

Vous avez évoqué, tantôt, vos efforts concernant le problème des ventilateurs, le problème de la ventilation dans les mines, que l'association

avait contribué, que des spécialistes avaient été embauchés et que cela avait eu des résultats plus que probants.

Croyez-vous que le domaine de la recherche sur les équipements techniques, sur la façon de manier certains produits, la façon de lutter contre des produits toxiques, des gaz, etc., croyez-vous que le leadership, dans le domaine de la recherche, devrait rester au sein des entreprises? J'ajouterai ceci: Ne croyez-vous pas que le gouvernement devrait mettre davantage l'accent, dans son projet, devrait donner la possibilité aux entreprises, plutôt que de se rabattre à leurs associations — vous autres, l'Association des mines, on aura peut-être l'Association des producteurs de pâtes et papiers — ne croyez-vous pas que l'effort devrait être fait en collaboration plus étroite entre un organisme paragouvernemental ou gouvernemental, sur ce qui pourrait être un centre de recherche industrielle? J'ai l'impression que la recherche se fait un peu à gauche et à droite et que le dénominateur commun n'est pas toujours adéquat. De la recherche, il s'en fait en milieu universitaire, il s'en fait dans certaines industries, dans certaines entreprises qui ont la taille, qui ont la volonté, l'argent pour en faire. La recherche se fait aussi dans vos associations et elle se fait aussi dans des centres de recherche industrielle. Ne croyez-vous pas qu'il devrait y avoir une meilleure coordination des efforts qui sont déployés dans ce sens? Quelle devrait être, selon vous, votre place et quelle devrait être la place du gouvernement et de la nouvelle commission qu'on va créer? C'est la première question. J'en aurai quatre ou cinq autres.

M. Langlois: Vous voulez que je réponde au niveau de la recherche?

M. Pagé: Oui.

M. Langlois: Je pense que j'y ai partiellement répondu dans le premier chapitre de mon mémoire quand j'ai dit que l'initiative était enlevée aux employeurs. C'est sûr que les employeurs vont continuer à faire de la recherche, il n'y a aucun doute là-dessus. Mais si l'initiative, au niveau de la prévention pour la santé et la sécurité, leur est enlevée, si ce contrôle leur est enlevé, leur intérêt à l'endroit de la recherche ou de l'amélioration de la santé et de la sécurité ne peut faire autrement que diminuer. Il n'y a aucun doute là-dessus. Si on vous enlève l'initiative de faire quelque chose, c'est évident que l'intérêt est moindre, surtout si on est obligé d'appliquer toute une série de lois.

La deuxième partie de la question sur la recherche, c'est entendu qu'on favorise énormément la collaboration patronale, gouvernementale au niveau de la recherche. On a recommandé à maintes reprises, par exemple, que le Centre de recherche minérale au Québec ait un conseil d'administration où les employeurs, les universitaires et le gouvernement seraient représentés. Vous savez que le Centre de recherche minérale pourrait faire aussi bien de la recherche pour la santé et la sécurité que pour n'importe quel autre pro- blème technique. En fait, cela reste de la recherche. On est absolument favorable à cette collaboration.

M. Pagé: Toujours dans le domaine de la recherche, je me permettrais un commentaire au ministre, qu'il soit sensible à cet aspect du problème pour faire en sorte que ses collaborateurs puissent l'étudier avec tous les impacts. Je vais vous donner un exemple très bénin, bien spécifique. Normalement, selon moi, cela aurait dû être fait avant et cela devrait se faire. Ce n'est peut-être pas un exemple qui vous concerne, mais je me permets de le donner au ministre parce qu'on est sur le sujet. A chaque année, la Commission des accidents du travail recevait des demandes de prestations soit pour des incapacités totales temporaires ou partielles permanentes pour des maux de dos des camionneurs, par exemple. Et cela, il y en a. Un citoyen qui conduit un fardier, un véhicule lourd pendant 25 ans ou 30 ans, comme on le voit dans nos bureaux de député, fréquemment, à 45 ou 50 ans, le gars a des problèmes. Si on avait véritablement une action intégrée entre la fonction de cause à effet, la fonction curative, la fonction indemnisation et aussi la fonction recherche, et si on avait eu un organisme comme celui-là habilité à recevoir les commandes de la Commission des accidents du travail ou qui serait éventuellement habilité à recevoir les commandes de la commission de la santé et de la sécurité du travail, il y aurait peut-être depuis longtemps au Québec des recherches de faites sur la façon d'améliorer les véhicules, la façon d'améliorer les sièges, etc. Cela aurait pu servir aux entreprises et il y aurait peut-être certaines normes minimales qui auraient été obligatoires pour les entreprises. Ma crainte, c'est cela. C'est que des choses aussi bénignes, aussi simples que cela ne puissent se faire compte tenu de la structure et tout ce que cela pourrait impliquer.

Une autre question. Vous avez parlé des antécédents en négociation et cela est un élément qu'on considère comme important, la négociation de la part des représentants syndicaux, l'aspect santé et sécurité dans les conventions collectives. Vous avez eu certainement une expérience dans ce domaine et j'aimerais savoir ce qui s'est traduit, ce qui s'est fait, quel a été le résultat de la libre négociation des parties jusqu'à maintenant. Vous avez évoqué qu'il y a 20 ou 25 ans ou peut-être une trentaine d'années, la santé et la sécurité, ce n'était peut-être ni la préoccupation des travailleurs, ni celle des employeurs dans leurs négociations, dans leurs rapports. Je pense qu'aujourd'hui, cela l'est et je voudrais savoir, dans votre secteur d'entreprise, qu'est-ce que cela représente? Cela a représenté quoi, depuis quelques années, la négociation?

M. Langlois: Au niveau des entreprises minières, j'en ai parlé tout à l'heure, depuis une quinzaine d'années, on a des comités paritaires de sécurité au sein des entreprises, dans la majorité des entreprises. Au début, la plupart de ces

comités n'étaient pas négociés et, par la suite, la majorité ont été négociés à l'intérieur des entreprises dans les conventions collectives. J'ai mentionné aussi dans le mémoire que le droit de refus était négocié dans les entreprises. J'aimerais vous rappeler — je n'en ai pas parlé dans ce mémoire-ci, mais on l'avait mentionné dans le mémoire qu'on avait fait parvenir au sujet du livre blanc — que nous étions d'accord avec l'approche de la négociation au niveau des conditions de la santé et de la sécurité et cela devrait primer la loi.

M. Pagé: Vous avez parlé longuement sur l'aspect de l'inspection. Ce que vous dites, somme toute, c'est que notre secteur est un secteur spécialisé. L'inspecteur dans les mines ne peut pas être généraliste. Le projet de loi vise une intégration des services d'inspection. Nous avons, dans notre déclaration préliminaire, souscrit au principe de l'intégration des actions en inspection. Vous mettez en relief un aspect de la difficulté d'une telle intégration par le caractère hautement spécifique de votre secteur. Même si nous sommes d'accord avec l'intégration, je voudrais ici porter à l'attention du ministre que cela ne sera pas facile. C'est très bien, encore une fois, lorsqu'on analyse la structure, lorsqu'on est derrière un bureau ou en commission parlementaire, de dire qu'il est souhaitable que tout ce beau monde soit ensemble, les gens qui actuellement travaillent à l'environnement, aux richesses naturelles, à l'OCQ dans le secteur de la construction, travaillent au ministère du Travail, etc. Je pense que sur papier, c'est peut-être plus facile que dans les faits.

J'aimerais demander au ministre, si on me le permet, dans quel délai il croit que cela pourra véritablement être intégré et être fonctionnel surtout, parce qu'il y a quand même des aspects particuliers à tout cela. Ce sera difficile. Je vous donne un exemple qui est beaucoup moins contentieux que celui-là, savoir une demande que j'avais formulée, il y a peut-être trois ans lors de l'avènement du nouveau gouvernement. J'avais demandé au gouvernement d'intégrer tous les services d'inspection relatifs à l'hôtellerie. Je crois que le député de Joliette-Montcalm était là. Au service de l'hôtellerie, dans le moment, il y a des gens du ministère du Travail qui y ont affaire, des gens du ministère du Tourisme, des gens de la Commission de contrôle des permis d'alcool, des gens de l'environnement, des gens de la santé, tout ce beau monde. Le ministre du Tourisme m'avait dit à l'époque: C'est faisable, c'est un objectif qu'on recherche. Finalement, on s'est fait dire lors de l'étude des derniers crédits, que c'était pas mal plus compliqué qu'on pensait. C'était un secteur beaucoup moins contentieux, beaucoup moins spécialisé que celui dont on traite ce matin.

Il y aura des problèmes d'intégration, il y aura des problèmes aussi strictement d'application de convention collective auxquels on aura à faire face. Quant à moi, même si on doit rechercher l'objectif, même si cela doit se faire, il y a un élément qu'on doit quand même garder à l'esprit, c'est la difficulté qu'on aura et aussi le délai, et le fait qu'on se devra de respecter tout au moins ce qui se faisait auparavant. Je pense que leur témoignage est très éloquent ce matin. Le domaine des mines, il va de soi que cela prend des gars qui connaissent cela. La condition à savoir que l'inspecteur se doit d'être ingénieur minier — c'est ce que vous avez dit — et qu'il ait une certaine expérience, devra continuer. A l'application de la loi, avec la possibilité d'un inspecteur régional dans certains secteurs du Québec où il y a des mines, je ne suis pas convaincu que l'inspecteur régional aura toutes les compétences pour résoudre un problème de mines une journée, et un autre de pâtes et papiers le lendemain. J'aimerais demander au ministre comment, selon lui, cela va se faire.

M. Marois: Sans entrer dans tous les détails, on aura l'occasion d'en reparler, d'en recauser plus longuement à d'autres étapes de nos travaux. J'ai eu l'occasion d'ailleurs d'indiquer tantôt qu'il va de soi que le regroupement autour d'une seule direction... j'ai pris bonne note, d'ailleurs, de la déclaration d'ouverture du député de Portneuf, cette idée même de la nécessité d'un rattachement, selon lui, dudit nouveau service regroupé d'inspection à la nouvelle commission de la santé et de la sécurité du travail. Il va de soi que cette opération de regroupement, de régionalisation, d'une présence d'un inspecteur chef n'est absolument pas irréconciliable, loin de là, avec la nécessité de s'assurer que les services d'inspection, en ce qui concerne le secteur minier, que je sache, il n'y a pas beaucoup de mines dans la ville de Montréal et dans la ville de Québec... En d'autres termes il y a des coins du Québec où c'est particulièrement localisé. Il va de soi — il faut s'assurer de maintenir cela, de respecter cela, de l'amplifier — que pour des secteurs bien spécifiques, les gens qui seront appelés à faire les inspections, comme c'est le cas actuellement soient des gens hautement qualifiés, qui ont les compétences requises. (11 h 30)

Quant à la première partie de la question du député de Portneuf, vous me permettrez simplement de rappeler ce que j'ai eu l'occasion d'évoquer publiquement, c'est-à-dire que j'ai le mandat du Conseil des ministres de préparer un projet de réorganisation des services d'inspection visant notamment le regroupement, la régionalisation, la façon dont on peut articuler et maintenir les secteurs de spécialisation concernant notamment le secteur minier. Je dis bien "notamment", mais pas exclusivement. Il y a un problème analogue qui peut se poser dans le domaine de la construction, par exemple, pour mentionner un autre cas. J'ai le mandat de voir les ressources humaines et financières additionnelles, le cas échéant, qui pourraient être requises, les étapes et l'échéancier aussi, le cas échéant, pour arriver à réaliser une opération comme celle-là. Donc, le député comprendra que, pour l'instant, je vais m'en tenir à ça.

Je compte faire rapport au Conseil des ministres dans les plus brefs délais, parce qu'il me semble qu'il faut absolument s'assurer qu'après

l'adoption de la loi, lors de l'entrée en vigueur de la loi, on a les mécanismes requis et, donc, notamment, les services d'inspection, en somme, que cette réorganisation a été faite et qu'on peut régler les problèmes auxquels on pourrait avoir à faire face. Je pense qu'il faut admettre en toute honnêteté que dire que c'est une opération qui est sans problème, ce n'est pas exact. Il va y avoir sûrement des problèmes; on est en train de les évaluer. Je veux m'assurer que les évaluations les plus serrées ont été faites pour que, lors de l'entrée en vigueur de la loi, tout ça soit pleinement rodé, mis en place et pleinement opérationnel, ce qui n'exclut pas, loin de là, pour y arriver — c'est, d'ailleurs, l'approche de fond qu'on a essayé de maintenir, je crois, en toute honnêteté, dans le processus même d'élaboration du présent projet de loi, si on remonte à ce qui a même précédé le livre blanc, à tous les travaux de consultation — les consultations requises, le cas échéant, avec les parties concernées pour avoir leur point de vue, parce que, parfois, ça met en relief le concret vécu par les uns. C'est important d'en tenir compte et de le mettre dans la balance avec les dossiers qui sont préparés par des équipes de fonctionnaires aussi compétents soient-ils.

M. Pagé: M. le Président, si vous me permettez une dernière question. Vous avez parlé assez longuement de la question des cotisations. Vous avez relaté le problème que ça pouvait créer dans votre secteur par rapport à la double tarification pour en arriver à une cotisation par entreprise, c'est-à-dire le taux spécifique à l'entreprise et le taux de la classe. Croyez-vous que les industries membres de votre association accepteraient que la cotisation soit fondée seulement sur une base de tarification, c'est-à-dire un coût pour l'entreprise elle-même compte tenu des accidents, abstraction faite de la mutuelle qu'implique la catégorie?

M. Drouin: M. le Président, je crois qu'à partir du moment où vous imposez une cotisation uniforme pour une classe d'employeurs, vous venez de faire disparaître une incitation économique importante à la prévention. A l'heure actuelle, cette cotisation a deux volets qui est le taux mutualité et cotisation au mérite. Il reste que les industries qui font des efforts importants en prévention ont la chance, à l'heure actuelle, de voir leur cotisation dépasser, par exemple... Je crois que, cette année, c'était de $0.60 à $7; le minimum $0.60 et le maximum $7.

Tout le monde paie la même mutualité, plus un taux minimal de $0.60 dans le mérite et on continue jusqu'à $7 dans le mérite. Or, une industrie qui a un programme de prévention efficace et qui réussit bien a des chances de voir sa cotisation baisser tout de même d'un facteur de presque 50%. C'est une motivation économique qui n'a peut-être pas de valeur sociale aux dimensions épouvantables, mais il reste que c'est une motivation extrêmement importante au niveau de la supervision.

Vous n'êtes pas sans savoir que le contremaître sur un chantier de travail, c'est un homme qui a la double fonction de prévenir les accidents et de voir à la productivité. Or, si pour lui, la prévention n'est qu'un fardeau qui n'a aucune espèce d'incitation économique... Quand on est pris devant la contrainte de faire un choix, par exemple, entre une méthode plus ou moins sécuritaire et une méthode sécuritaire, comme disait M. le ministre tout à l'heure, la prévention, cela devient rentable lorsqu'on est capable de la palper du jour au lendemain, cette prévention. L'incitation au mérite, si vous faites disparaître cela... C'est avec cela, d'ailleurs, qu'on a réussi à motiver les gérants, au cours des 30 dernières années, dans notre secteur, à cause de la motivation au mérite; c'est un facteur. Aujourd'hui, la cotisation au mérite perd une importance assez grande à cause du fait, justement, que la mutualité représente la grosse majorité des coûts, tandis que le mérite représente une petite partie des coûts; c'est une fraction.

J'espère que jamais vous ne penserez à uniformiser cela. Là, vous mettez tous les gens sur le même pied. Les bons vont payer pour les mauvais et, finalement, les bons vont prendre le statut des mauvais plutôt que le statut des bons.

M. Marois: Si le député me permet juste une remarque d'information, je pense que c'est important de le souligner. Je pense qu'on reconnaîtra ceci. Je ne me souviens plus, de mémoire, quand on mettra en place cette recommandation, qui, d'ailleurs, était — si ma mémoire est bonne, encore là — endossée aussi bien par le monde syndical que par le monde patronal. Elle entrera en vigueur — encore là, de mémoire, si je me souviens bien — dès l'an prochain. C'est une formule nouvelle d'évaluation des taux de cotisation, dans laquelle formule est introduit le principe en quelque sorte de points de mérite et de démérite accrochés beaucoup plus au coût réel et à la performance réelle de l'entreprise. En d'autres termes, une entreprise qui a une bonne performance se trouvera — si ma mémoire est bonne, c'est à partir de l'an prochain — à accumuler des points de mérite et une cotisation en conséquence; si sa performance est mauvaise, elle va avoir des points de démérite et une cotisation en conséquence, aussi. Je pense que cela recoupe l'idée de l'incitation, en tout cas quant à l'aspect économique accroché au taux de cotisation.

M. Pagé: M. le Président, avant de terminer, je tiens à remercier le ministre de la possibilité qu'il vient d'évoquer; d'ailleurs, il avait été question, hier, que d'ici un an il y aurait certainement une loi ou une mesure qui suivrait le projet de loi no 17, laquelle sera spécifique à toute la question des indemnisations et des cotisations. Je prends acte du témoignage que vous faites ce matin en disant, somme toute, que plus la cotisation sera basée sur le record — si on utilise le terme — de l'entreprise, plus cela aura d'implications. Je tiens à porter à

l'attention du ministre que tout cela devra être étudié et, quant à moi, j'espère que cela pourra l'être en commission parlementaire.

Suite à la nouvelle classification qui a été faite en vertu de la loi 114, Loi sur les accidents du travail, qui a été adoptée en décembre 1978, avec une nouvelle structure de tarification applicable au 1er janvier, il y a quand même eu des effets, et on peut constater des cas dans des dossiers où cela n'a pas d'allure, M. le ministre.

J'ai d'ailleurs donné un exemple — je termine là-dessus — au ministre du Travail, il n'y a pas longtemps. Une entreprise du Québec qui a 700 employés, à l'égard de laquelle la Commission des accidents du travail a déboursé $600 en accidents et indemnités depuis trois ans, cette entreprise de 700 employés voit sa cotisation augmenter, cette année, de $80 000. Cela a quand même des impacts. Vous allez me dire que ce n'est peut-être pas le cas de tous les dossiers, mais on voit des cas comme ceux-là qui sont particulièrement troublants et qui ne sont certainement pas incita-teurs, en tout cas.

On attend cette réforme et, s'il peut y avoir une commission parlementaire, on interviendra. Merci, M. le Président, merci, messieurs.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Richmond.

M. Brochu: Merci, M. le Président. J'aimerais également remercier M. Langlois et ses collaborateurs du mémoire qu'ils nous ont présenté ce matin. On se situe carrément dans une tout autre optique que celle dans laquelle on a travaillé hier, puisqu'on oeuvrait dans un autre champ d'intérêts par rapport à la santé et la sécurité au travail. C'est important d'avoir les différents éclairages, et je pense que celui-là en est un qui mérite d'être regardé.

Je commencerai mon intervention sur un sujet qui m'est peut-être un peu cher de façon particulière, étant originaire d'une région où on exploite des mines d'amiante. Je sais que ce n'est pas directement votre secteur, mais vous avez à vivre avec les applications de la loi 52. D'ailleurs, les toutes premières pages de votre mémoire ont trait à l'application de cette loi 52 et aux modifications qui s'y rattachent, maintenant, avec l'approche que prend le gouvernement dans le projet de loi no 17.

Avant la mise en vigueur de la loi 52, vous agissiez d'une certaine façon en faisant appel vous-mêmes à des experts en pneumologie et dans ces domaines. L'arrivée de la loi 52 et l'apparition du diagnostic dit positif ne vous permettaient plus, si j'ai bien compris, le transfert à l'intérieur de l'entreprise d'une personne soupçonnée d'être atteinte d'une maladie industrielle, de silicose ou d'amiantose. Donc, d'après vos interprétations, ça changeait passablement les règles du jeu que vous aviez établies.

Il apparaît maintenant qu'on revient avec la loi 17 un peu en arrière, en enlevant la question de positif dans l'aspect du diagnostic, donc, en ouvrant plus largement le champ possible d'appli- cation de certaines lois. J'aimerais entendre de vous quelles ont été les implications pour vous, comment vous avez eu à vivre cela depuis le début. Qu'est-ce que c'était avant la loi 52? C'était quoi sous la loi 52 et ça sera quoi maintenant?

M. Drouin: M. le Président, M. le ministre, j'aimerais qu'on soit très clair dans ce que je vais dire là-dedans. Ce que j'ai dit ne s'applique strictement qu'à la silicose. On ne parlera pas d'amiantose, on parle de silicose parce que ce n'est pas la même chose dans les deux cas. Au point de vue médical, il y a une évolution différente.

On a commencé à s'intéresser au problème de la silicose dans les années 1939 — je n'étais pas dans l'association dans ce temps-là, c'est clair — parce que justement on a remarqué que les gens, les mineurs qui étaient atteints de silicose dans ce temps-là, étaient surtout des gens qui avaient travaillé dans les pays européens, qui avaient travaillé dans des mines de charbon, qui avaient un passé un peu boiteux, disons. Pendant onze ans, l'association s'est battue avec les gouvernements et la Commission des accidents de travail du temps pour rendre l'examen médical obligatoire. Vous pourriez peut-être dire: Vous n'aviez qu'à le faire... Mais justement, dans tous les groupes d'employeurs, il y avait des employeurs qui étaient prêts à faire l'examen médical et d'autres qui n'étaient pas prêts à le faire. Alors, on a fait passer un premier arrêté en conseil, en 1946, qui est demeuré sur les tablettes pendant quatre ans avant d'être publié dans la Gazette officielle en 1950, pour rendre l'examen médical obligatoire.

C'était strictement l'examen d'embauche et l'examen annuel. Avec le temps, on s'est aperçu, quand on regarde les dossiers, que, justement, le nombre de réclamation pour silicose a augmenté de façon... Cela a commencé dans les années 1946, cela a pris un pallier assez important dans les années 1958-1959 et dans ce temps-là on ne retirait du travail que les individus qui étaient atteints de silicose. C'était réellement une forme de diagnostic positive.

Les médecins du temps nous ont avertis que, dans le cas de la silicose, par exemple, on peut faire mieux que d'attendre que le gars soit malade, en plus de faire de la ventilation dans nos mines. On faisait de la ventilation dans nos mines, mais il reste qu'il y a toujours des gens plus susceptibles que d'autres de développer la silicose. Vous allez mettre un groupe de gens dans un milieu de travail et il y en a un là-dedans, par exemple, qui, au bout de deux ans va commencer à montrer une espèce d'empoussièrement des poumons, l'autre va peut-être prendre dix ans à montrer le même empoussièrement, l'autre 20 ans et il n'y aura pas grand-chose.

Il est évident que l'individu qui commence à montrer un degré d'empoussièrement après deux ou trois ans d'exposition, si vous le laissez dix ans là-dedans, ça fait un silicotique à court terme.

Des négociations ont eu lieu dans le milieu des années 1950 pour finalement prendre une espèce d'entente avec la Commission des acci-

dents du travail pour installer le règlement no 9 qui prévoyait ce que le ministre Marois disait hier avec satisfaction, une forme de retrait préventif des travailleurs, non pas affectés par la silicose, mais des travailleurs qui montrent des signes de prédisposition à la silicose.

Avant ces gens-là étaient retirés du milieu du travail, pendant qu'on leur reconnaissait une radiographie anormale, mais non pas une incapacité physique. Ils étaient retirés du milieu et ces gens-là étaient simplement transférés à un autre poste de travail sur la propriété où les chances d'empoussièrement était inférieures à celles du travail qu'il occupait dans le passé.

On a commencé à faire ce retrait préventif dans les années 1957-1958 d'après les dossiers que j'ai ici, et le règlement no 9 est venu seulement dans le milieu des années 1960. Avant cela le retrait préventif, le règlement no 9 disait que tous ces gens qu'on retirait du milieu, retireraient une incapacité équivalente à 10% d'incapacité physique, sans tenir compte de l'incapacité physique réelle. C'était une espèce de montant forfaitaire qui était payé pour reconnaître un dommage à l'intégrité physique des individus. C'était le point là-dedans. (11 h 45)

Tous ces gens ont été retirés, de telle sorte qu'avec les années, quand on regarde les gens qui ont été retirés pour silicose, en 1970, par exemple, on avait 21 cas qui se sont retirés du milieu du travail, reconnus comme silicotiques, en 1971, 31 cas, en 1972, 27 cas, en 1973, 21 cas, pour 1974-1975, on n'a pas les informations. La loi 52 est arrivée plus tard, en octobre 1975. Cette loi prévoyait le retrait des individus s'il y avait un diagnostic positif. Cela veut dire que tous les gens qui avaient une image radiographique anormale, à qui on retirait le certificat de mineur, dans ce temps-là, ne pouvaient pas être retirés, parce qu'ils ne répondaient pas à tous les critères complets de silicose. Ils étaient retirés sous une forme de bénéfice du doute et surtout dans un programme de retrait préventif.

C'est dans ce cadre qu'ils étaient retirés. La loi 76 dit strictement que le retrait de diagnostic est positif. Comme résultat, en 1976, dans notre groupe, nous avons 4 cas réclamés seulement pour silicose; en 1978, nous en avons 6; en 1979, nous en avons 3. Cela veut dire qu'actuellement, au travail, dans nos mines, nous avons des gens qui, selon l'ancien cadre, d'après la loi 52, seraient retirés du milieu de travail et ne développeraient pas une silicose quelconque, puisqu'on serait capable de les affecter à des postes où ils ne développeraient pas de silicose. La loi dit diagnostic positif. Aujourd'hui, d'après l'article 276 — je ne me souviens pas exactement quel article — la loi veut faire sauter le mot diagnostic positif, on se demande pourquoi, parce que c'est un diagnostic médical, mais ça veut dire quoi, diagnostic médical?

Si on retire un individu qui est prédisposé à la silicose, après deux ou trois ans, qui répond à une forme de diagnostic médical de silicose précoce, quelque chose dans ce genre, — je ne sais pas comment le médecin appellerait ça — on est en train de partir dans un programme de gaspillage qui n'a pas d'allure. On va prendre des gens qui ne sont pas malades, on va les compenser à 90% de compensation leur vie durant, à moins d'être capable de les réintégrer dans un poste. Mais si on ne change pas l'article 1 de la loi 52, nous ne pouvons pas les faire travailler sur nos chantiers. Il faut les mettre ailleurs. Quelle sorte de contrôle avons-nous de ces individus?

Prenez l'exemple d'un homme de 25 ans qu'on retire, mettez-lui une compensation de l'ordre de $15 000 par année jusqu'à l'âge de 65 ans, multipliez 40 par $15 000, ça fait $600 000 par homme. Cela devient un gaspillage monumental. Mais si on ne fait pas ce gaspillage monumental, cet individu, on le laisse à son travail et éventuellement, on va en faire un vrai silicotique. Ce qu'on veut faire, c'est le retrait préventif, comme M. Marois en parlait hier avec d'autres personnes. On l'a pratiqué pendant 20 ans, on veut continuer, mais la loi 52 ne le permet pas. Ce que vous mettez dans la loi aujourd'hui ne le permet pas de faire davantage, à moins qu'elle ouvre la porte à un gaspillage formidable.

M. Brochu: Vous l'aviez déjà.

M. Langlois: Ce qu'on veut dire, c'est un retrait préventif à l'intérieur de l'entreprise. On voudrait faire réintroduire le transfert d'un ouvrier de son site, s'il y a vraiment empoussièrement à l'endroit où il travaille dans un endroit où... c'est ça qu'on veut dire. C'est le transfert à l'intérieur de l'entreprise, comme on l'a pratiqué pendant 20 ans.

M. Brochu: Où il serait moins exposé à des poussières de silice, et où son état pathologique pourrait rester le même.

M. Langlois: II est arrivé des choses assez ridicules. Par exemple, à Québec Cartier, on a voulu faire transférer un supposé silicotique ou un prédisposé à la silicose qui n'était pas réellement malade, mais qui avait une prédisposition, dans une salle d'ordinateurs. Mais on a refusé parce que la loi disait non. S'il y a des poussières dans une salle d'ordinateurs, il s'agit de voir où il n'y en a pas.

M. Brochu: Vous soulevez là un problème assez délicat et assez large, parce que cela a beaucoup d'implications du côté des entreprises et du côté des travailleurs. Je pense que ça cause pas mal de maux de tête à la Commission des accidents du travail également. Il y a peut-être des choses qu'il faudrait redéfinir plus clairement là-dedans pour que tous sachent dans quel fauteuil ils sont assis. Autant de votre côté, vous dites, on est exposé à des coûts qu'on ne connaît pas et à certains abus de ce côté ou à payer des frais pour des choses qui ne sont pas réelles, pour des maladies qui ne sont pas réelles, autant de l'autre

côté, les travailleurs sont aux prises avec la loi 52, sont transportés de Caïphe à Pilate depuis deux ou trois ans et ils ne savent pas ce qui va leur arriver.

Dans ce sens, les mots étant ce qu'ils sont, embêtants, les hommes également, diagnostic positif ou non positif, ce à quoi j'ai fait référence au début des travaux de la commission parlementaire, c'est qu'il y avait quand même un comité d'experts qui s'était prononcé dans le cas d'un certain nombre d'amiantosés, je reviens à la question de principe, par la suite, cela a été reconfirmé par un comité de pneumoconiose de la Commission des accidents du travail en 1977 et que, maintenant, c'est infirmé comme n'étant plus vrai, au moment où la loi était en application, avec un diagnostic positif.

Cela veut donc dire que, là, on assiste à quoi? Quelle est au juste la vérité et qu'est-ce qui se passe dans tout ça? Je ne vous pose pas la question à vous, je réfléchis tout haut. Si vous avez des commentaires, je les apprécierais, mais c'est la situation que ces gens ont à vivre actuellement. Il y a eu un diagnostic positif formel de posé, qui a été reconfirmé par la suite et maintenant, on dit: Non, ce n'est plus ça, ce n'était plus un diagnostic positif, non seulement n'était-ce pas un diagnostic positif, mais il n'y a plus aucune trace d'amiantose ou de silicose. C'est assez sérieux quand même!

C'est pour ça que je dis qu'il faudra se pencher sérieusement sur toute cette question, qui peut être une épine dans votre pied, une épine pour la Commission des accidents du travail, mais aussi une drôle d'épine pour le travailleur.

M. Drouin: Ce qu'il est important de remarquer, M. le Président, c'est que, à mesure qu'on étudie ces dossiers en regard de la définition de ce qu'on appelle silicose, au moment de chacune des interventions médicales, une définition de silicose, en vertu du règlement no 9, en fonction du bénéfice du doute, en fonction de la première loi 52, en fonction des comités de révision aussi, il y a eu une évolution de la définition tout au long du parcours.

M. Brochu: Oui et j'avoue que la situation s'est compliquée au long du parcours auquel vous faites allusion.

Vous êtes médecin, j'aimerais...

M. Drouin: Non, je suis hygiéniste industriel.

M. Brochu: Bon, d'accord. Je reviendrai alors sous un autre angle.

Il y aurait un autre point que j'aimerais toucher; cette fois-ci je m'adresserai au ministre. J'aimerais revenir sur la recommandation qui est faite à la page 14 par l'association. On insiste sur le fait qu'une classe d'employeurs puisse connaître avec exactitude la liste complète, détaillée et personnalisée des individus pour lesquels ils défraient la note. J'aimerais savoir dans quel contexte de discussion on se situe actuellement et dans quelle foulée le ministre a l'intention d'approcher cette question. Sous quel principe, étant donné les éclairages qui nous ont été apportés, pourrait-on dire: Même si vous payez la note en tant qu'association pour des mines qui ont été fermées, pour des travailleurs sortis de ces mines, vous ne pourrez pas vérifier si le compte est exact de ce qu'on exige de donner?

Je pense que la commission parlementaire est ici pour être informée; des exemples ont été donnés, lorsqu'on parle d'un coût de $12 millions, dont environ $8 millions ne sont pas justifiés, c'est-à-dire où il n'y a pas une évidence formelle de prouvée de la part de la commission, je pense que ça vaut peut-être la peine qu'on s'y arrête. J'aimerais avoir des informations du ministre, à savoir sur quel principe il s'appuie pour initier la position qu'il semble vouloir prendre dans ce domaine.

M. Marois: Là-dessus, je reviendrai très rapidement, en faisant référence à ce que je disais tantôt. Je pense qu'il y a deux choses fondamentales. La première, c'est celle qu'on a discutée hier, c'est la question de la confidentialité d'un dossier médical. Je trouve que ce qui est mentionné à la page 7, qu'on dévoile à la classe d'employeurs — ce n'est pas l'employeur, c'est la classe d'employeurs et on s'est bien compris — notamment l'Association des mines de métaux du Québec, le nom d'un accidenté ou d'un malade, la date de l'accident ou de la réclamation pour maladie, la nature du mal, les montants versés en frais médicaux, etc., le nom et le numéro de l'employeur concerné, c'est fondamentalement toute la question de la confidentialité du dossier médical d'un individu qui est en cause.

Vous avez entendu les témoignages hier, aussi bien de la Corporation professionnelle des médecins que la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec qui ont, me semble-t-il, fait avec un certain nombre de propositions, même d'ajustement, qui visent à resserrer davantage, mais qui pourraient, si elles vont dans le sens du projet de loi no 17, assurer cette confidentialité, tout en permettant cependant l'accès du travailleur à son dossier, ça, il y a droit.

Comment réconcilier une chose comme celle-là, qui, quant à moi, rn'apparaît fondamentale — j'avoue honnêtement que je n'ai pas eu une démonstration de la nécessité d'ouvrir les dossiers — et il faut la respecter? Comment concilier ça avec le problème qui est mis sur la table ce matin, c'est-à-dire que le payeur a le droit d'avoir des informations sur la facture? Je ne peux pas infirmer ou confirmer les chiffres que l'association avance ce matin, je n'ai quand même pas dans ma poche de veste ou dans ma poche de fesse les chiffres de chaque secteur ou de chaque classe, selon les classifications de la Commission des accidents du travail du Québec. Je sais, cependant, qu'il y a des mécanismes et qu'il y a des recours. Chacun de nous sait, comme député, que quand des entreprises se présentent avec une facture, en vertu notamment de la nouvelle tarifi-

cation — ça m'est arrivé dans mon propre comté, comme député, de pouvoir en discuter avec la commission et dans certains cas, on a obtenu des corrections. Des erreurs, c'est humain, cela arrive. Cela peut arriver.

En plus, la perspective qui s'ouvre par le projet de loi no 17, contrairement à la situation actuelle, encore une fois, c'est que l'administration de la nouvelle commission va disposer, bien sûr, des données et des données qui doivent, à mon avis, rester confidentielles, des données personnalisées, oui. Rien n'empêche qu'à partir du moment surtout où, pour l'essentiel, le conseil d'administration est composé de représentants du monde patronal et du monde syndical, je pense qu'ils n'auront jamais eu plus que cela dans leur vie axé de très près sur des données dépersonnalisées. Je pense qu'il faut assurer la confidentialité parce que c'est un droit légitime que de faire vérifier sa facture et de savoir ce qu'on paie. On pourrait reprendre des exemples d'une mine qui a pu être fermée à un moment donné, d'un gars qui a des droits, en vertu d'une loi qui existe, d'un régime d'indemnisation qui existe, qu'il faut réexaminer d'ailleurs, qui a besoin d'être renippé mais qui est là. Mais sortir ces données pour remettre cela à une classe, j'avoue que là il y a une marge entre les deux.

Il y a le droit des uns et des autres et il faut trouver les formules qui permettent de faire en sorte que cela puisse être respecté. Si le député me permet, cela a été soulevé et je n'ai pas caché mon intérêt depuis le début, je prends acte de la déclaration certainement de l'Association des mines de métaux du Québec. J'apprécie leur témoignage sur ce plan, sur le fait que vous vous dites en accord avec l'idée de regarder la possibilité, parce qu'il va falloir l'étudier très sérieusement, le principe du retrait présenté. C'est déjà dans la loi. On l'a introduit, dans un premier point, pour les femmes enceintes. On a réussi à mettre au point, je crois, une formule qui se défend sur tous les plans: social et économique. Ce n'est pas si simple dans le cas d'un élargissement du retrait préventif chez l'ensemble des hommes et des femmes qui sont au travail. Sur le plan strictement scientifique, autant actuellement on dispose de connaissances scientifiques permettant de déceler certains agents toxiques et certaines toxiques ou agents agresseurs, les premiers signes sur une base scientifique, les premiers signes avant-coureurs ou la précocité d'une maladie — c'est vrai, par exemple, pour le cuivre, le plomb, je crois que c'est vrai maintenant pour la silicose, l'amiantose — il n'en va pas de même pour d'autres coins où l'état de la science ne le permet pas. Donc, il faut évaluer cela de façon très serrée. Je prends acte de cela. J'ai déjà affirmé encore une fois mon intérêt.

Vous avez dit que vous l'aviez pratiqué pendant 20 ans. La question que je voudrais vous poser, c'est la suivante: Vous l'avez pratiqué pendant 20 ans, le retrait préventif, dites-vous. Lorsqu'un travailleur était muté à un autre poste où là il se trouvait dans une situation où il ne se trouvait plus exposé à l'agent agresseur ou toxique, est-ce que, comme le prévoit le projet de loi no 17 pour la femme enceinte qui introduit le retrait préventif, il se trouvait à conserver tous ses droits et privilèges attachés à son poste régulier? Est-ce qu'il conservait son salaire, ses droits acquis? Un. Deuxièmement, dans le cas où, pour une raison ou pour une autre, il pourrait arriver, à partir du moment où on songe à un élargissement, comme d'ailleurs c'est prévu dans le cas de la femme enceinte, qu'il n'est pas possible de replacer la personne — il y a des entreprises de plus grande taille, il y en a de plus petite taille et il y en a de très petite taille — de la replacer ou de la muter pour une période X de temps permettant à son état de santé de se rétablir. Et deuxièmement, partant de là, ayant dépisté un problème, d'essayer de le corriger à la source pour que le problème vécu par l'un ne devienne pas le problème vécu par le reste des autres qui sont là parce que tous ces morceaux doivent pouvoir se tenir.

C'est cela la perspective. Dans le cas de la femme enceinte, vous savez que dans le cas où il n'est pas possible de la muter à un autre poste, en lui conservant tous ses droits et privilèges, je voudrais savoir si vous le faisiez à l'époque, conserver tous les droits et privilèges, est-ce que vous voyez s'appliquer une formule comme celle qui est proposée dans le cas de la femme enceinte où elle se verrait compensée sur une base de 90% de son salaire net pour toute la période allant, dans le cas de la femme enceinte, jusqu'à son congé de maternité? Ce sont mes deux questions très précises. (12 heures)

M. Langlois: Sur la première question, je crois que dans la grande majorité des cas il n'y avait pas de changement de salaire. Je ne peux pas affirmer que c'était dans la totalité des cas, mais en général il n'y avait pas de changement de salaire. Deuxièmement, au début des années soixante, c'est là qu'arrive le règlement...

M. Marois: Est-ce que je comprends que cela veut dire que, si on ouvrait le retrait préventif, en l'étudiant, vous seriez d'accord qu'on maintienne une formule comme celle-là qui prévoit que cela se fait sans perte des droits et privilèges?

M. Langlois: Pas nécessairement, mais ce serait sûrement négocié dans les conventions collectives. J'ai l'impression que les unions ouvrières en prendraient soin. Deuxièmement, ce que je veux dire, c'est que la Commission des accidents du travail en 1960, on a négocié...

M. Marois: C'est parce qu'il ne faut pas perdre de vue qu'il y a des coins où il n'y a pas de syndicat aussi. Cela existe.

M. Langlois: On avait négocié dans ce temps-là, et je pense que cela pourrait se faire aussi, que dans le cas de la silicose, lorsqu'il y avait transfert — on appelait cela en anglais "for the...", c'est-à-dire quand il y avait une prédisposition à cause de

la perte de la qualité de la vie ou quoi que ce soit — la commission accordait à ces personnes qui étaient transférées à l'intérieur de l'entreprise l'équivalent de 10% de leur compensation. C'est ce qu'on voit apparaître dans les fameux 22 cas. C'étaient vraiment des gens qui auraient été couverts par l'ancienne loi par le règlement no 9, c'est-à-dire l'équivalent; pour le fait qu'ils avaient été transférés à l'intérieur de l'entreprise, on leur accordait 10%. Cela avait été négocié avec la Commission des accidents du travail d'alors et c'était acquis. La loi 52, évidemment, est venue enlever le règlement no 9. C'est la première question. La deuxième question était... Quelle était votre deuxième question, en fait?

M. Marois: Dans les cas où ce n'est pas possible de muter à l'intérieur...

M. Langlois: Dans le cas de la femme enceinte, d'accord.

M. Marois: Pas seulement la femme enceinte, puisque vous ouvrez une perspective, que je trouve drôlement intéressante, d'ailleurs.

M. Langlois: Evidemment, je ne peux pas parler pour l'industrie présentement, mais je pense que, s'il n'y a pas moyen de transférer à l'intérieur de l'entreprise et que la personne est agressée par les agents à l'intérieur de l'entreprise, ce serait pensable de la compenser à 90% du salaire net. Mais dans le cas de la femme enceinte, à notre point de vue, cela ne s'applique pas parce que ce sont des conditions extérieures. C'est le ministère des Affaires sociales qui devrait s'en occuper si vraiment la femme enceinte doit sortir de son emploi. Je suis absolument d'accord qu'elle pourrait être transférée à l'intérieur de l'entreprise.

M. Marois: J'ai bien compris que vous seriez d'accord, dans la perspective de l'ouverture d'un retrait préventif plus large, sur l'idée que, dans le cas où il est impossible de muter, la personne, dans cette hypothèse, soit compensée sur la base du 90% du salaire net?

M. Langlois: Prenons le cas de la silicose, qui est un cas plus près de nous. Si, par exemple, on ne peut pas transférer quelqu'un qui a une prédisposition à la silicose, si on ne peut pas le transférer à l'intérieur de l'entreprise et que finalement il perd son emploi, je pense qu'il pourrait être compensé à 90% jusqu'à ce qu'on lui trouve un autre emploi.

M. Marois: Ou que son état de santé se rétablisse et que le problème décelé dans l'entreprise...

M. Langlois: Se rétablisse, mais, dans le cas de la silicose, on ne lui redonnera pas le même emploi, parce que ce ne serait pas intéressant pour la santé du bonhomme.

M. Marois: D'accord. Cela stabilise au moins sa situation. Cela évite de la détériorer, surtout si on l'accroche aux signes avant-coureurs, aux premiers signes précoces et surtout qu'en même temps on fasse en sorte de corriger à la source, dans l'entreprise qui cause le problème.

M. Langlois: Oui, mais on peut rêver en couleur si on veut et essayer d'éliminer complètement toutes les poussières de quartz qu'il y a dans une mine souterraine quand on fore dans une veine de quartz, mais il reste qu'on ne pourra pas l'éliminer complètement. Jusqu'à maintenant, on a augmenté quatre ou cinq fois la ventilation des chantiers souterrains. Même si on l'augmentait dix fois, il va toujours rester de la poussière. L'élimination complète des causes à la source, c'est l'infini.

Le Président (M. Marcoux): Le député de Richmond voulait poser une autre question?

M. Brochu: Oui. Je vous rappelle simplement que le ministre est parti dans la foulée de la brève question que je lui ai posée.

Le Président (M. Marcoux): Complétez votre question.

M. Brochu: Oui. Brièvement, sans vouloir torturer le ministre, je voudrais revenir sur le premier point que j'ai soulevé tout à l'heure.

Le Président (M. Marcoux): Le retrait préventif?

M. Brochu: II faut bien se comprendre, et je pense que les éléments qui sont apportés ce matin méritent d'être retenus pour analyse, dans le sens que lorsqu'on fait appel à la classe, si j'ai bien compris — on me corrigera, de la part de l'association ou de la part du ministre — des employeurs, dans le sens qui est cité devant nous actuellement, c'est en tant que fonds commun de dédommagement pour l'ensemble des travailleurs atteints d'accidents ou de maladies industrielles. C'est simplement à ce titre, à titre de payeurs pour des entreprises qui, elles, en cours de fonctionnement, ont fermé. A ce moment-là, il ne s'agit pas qu'un club d'employeurs en opération vérifie les dossiers de part et d'autre, mais que les payeurs, unis ensemble pour dédommager ces gens-là, puissent savoir ce qu'ils paient et de quelle façon et si vraiment ils ont à défrayer ces coûts. Moi, je suis bien d'accord pour qu'ils paient, mais, quand je paie quelque chose, j'aime savoir un peu ce que je paie et si c'est vraiment le coût auquel j'ai à faire face.

C'est dans ce sens-là que je dis qu'on doit tenir compte de ce qui nous a été présenté comme nuance, ce matin. Il ne s'agit pas simplement qu'une association ait accès à toutes les données, mais il y a des raisons.

M. Marois: Oui, c'est bien pour cette raison que je disais que je ne pouvais pas acheter... et

surtout, compte tenu, en plus, des témoignages qu'on a eus hier de la Corporation professionnelle des médecins, de la Fédération des omnipraticiens, et vous imaginez un peu — je pense que vous avez suivi les débats et la position des médecins, sur les hypothèses d'amendement au Code de la route, vous n'êtes pas sans savoir qu'il y a là un problème plus que réel. Je pense que sur la confidentialité, ça doit être rassurant, sans ça, je ne peux pas partager l'idée que l'essentiel des données personnalisées soit... En d'autres mots, je ne crois pas et je ne dis pas que le problème n'est pas réel et, dans la perspective d'un réexamen de l'ensemble de la question des régimes d'indemnisation, je pense qu'il faudra regarder très sérieusement cette question.

Ce que je dis simplement — je ne dis donc pas que le problème n'est pas réel, je ne dis donc pas qu'il ne faut pas le regarder de très près, l'étudier très sérieusement — c'est que je ne crois pas que la solution réside dans la piste qu'on nous propose, qui est celle de prendre les dossiers des individus et de les mettre, par exemple, sur la table de l'Association des mines et métaux du Québec. C'est simplement ça que je dis. Mais je prends bonne note du problème qui est évoqué.

Le Président (M. Marcoux): Oui... M. Brochu: M. le Président...

Le Président (M. Marcoux): Oui, mais monsieur veut faire un commentaire.

M. Brochu: Oui.

M. Langlois: M. le Président, ça me ferait plaisir de présenter au ministre Marois et à d'autres l'exemple d'information qu'on cherche ici. Tout ce qu'on cherche, le numéro. Par exemple, vous avez ici tel numéro, M. Morel, un accident le 28 novembre 1978. Il a eu une compensation, pas d'incapacité, douleurs au dos. Est-ce que ceci, réellement, est une insulte au dossier quant à la confidentialité? C'est tout ce qu'on veut savoir. J'aimerais le déposer pour montrer qu'on ne veut pas autre chose que ça.

Le Président (M. Marcoux): Le secrétaire va aller le chercher pour le...

M. Marois: Cela me fera plaisir d'en prendre connaissance très attentivement, mais je ne sais pas si vous étiez là hier, encore une fois, quand on a discuté ça avec les médecins.

L'idée, c'est la personnalisation. C'est ça qui est en cause, et c'est ça qu'il faut regarder de près, j'avoue.

M. Brochu: M. le Président, si vous permettez, compte tenu de l'heure, je vais quand même abréger les questions, mais il y aurait quand même deux questions que j'aimerais adresser, l'une à l'organisme qui est devant nous et l'autre, je vais courir le risque de l'adresser au ministre une autre fois.

J'aimerais avoir certains éclaircissements ici sur un point qui a été soulevé à la page 25 de votre mémoire, sur lequel on est revenu, mais très rapidement. Lorsque vous faites la déclaration à savoir si le projet de loi no 17 est adopté tel qu'il est libellé actuellement, il y aura une fréquence des accidents du travail beaucoup plus élevée, qui va augmenter sensiblement, j'aimerais savoir, dans la pratique, comment pouvez-vous prévoir cette augmentation.

M. Langlois: Je peux vous donner une explication très simple. Au cours des 30 dernières années, on a élaboré un programme, on a élaboré des approches qui sont complètement différentes de ce que le projet de loi nous propose. Donc, si le projet de loi no 17 nous impose de mettre de côté le système qu'on a élaboré, c'est évident que pour se réadapter, ça va prendre de cinq à dix ans, et, dans la période intermédiaire, c'est sûr que nos accidents vont augmenter, avant qu'on soit... Après ça, on ne le sait pas. Après dix ans, quand on sera bien réadapté à la nouvelle formule, on ne sait pas ce qui arrivera. Mais, pour la période intermédiaire, c'est sûr que notre fréquence va augmenter.

M. Brochu: J'aimerais m'adresser au ministre pour revenir sur la question du système d'inspection. J'aimerais savoir quelle distinction fait le ministre entre le système d'inspection de la construction qui fonctionne de la façon qu'on connaît, et celui qu'on veut établir ici pour l'association des mines, dans le domaine de la santé et sécurité. Quelle distinction faites-vous pour que l'un reste autonome, d'une certaine façon, dans le domaine de la construction, et que l'autre soit chapeauté?

M. Marois: Je ne crois pas avoir évoqué l'idée que l'un reste autonome et que l'autre soit intégré. Au contraire, j'ai plutôt confirmé l'hypothèse que retenait le député de Portneuf de l'intégration de l'ensemble des services d'inspection. Il s'agira de voir comment on peut y arriver dans le temps: Est-ce que tout doit se faire en même temps, et le reste? Surtout, l'idée fondamentale était — et là-dessus, je suis pleinement en accord avec ce que les gens de l'Association des mines nous ont dit ce matin — qu'il est extrêmement important que les gens qui font l'inspection dans le secteur des mines soient des gens qualifiés pour ce faire et j'ai ajouté: De la même façon que les gens qui foot l'inspection dans le domaine de la construction — c'est un autre genre de bébé — soient des gens qui aient les qualifications requises pour ce faire. En d'autres termes, le regroupement des services ne signifiait pas l'abandon de points spécialisés pour des secteurs spécifiques qui supposent des qualifications particulières.

M. Brochu: Cette notion est quand même importante.

M. Marois: C'est fondamental. M. Brochu: Merci.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Joliette-Montcalm.

M. Chevrette: M. le Président, j'ai d'abord une question et ensuite j'aurai un commentaire. A la page 27 du deuxième mémoire déposé ce matin, à la recommandation 5, vous dites: Dans le cas du droit de refus, que l'employeur ait au moins la possibilité de régler le différend au premier stage. J'aimerais que vous me disiez en vertu de quels articles de la loi il ne vous est pas permis de le faire, si vous lisez le projet de loi.

Le deuxième volet, j'aimerais que vous me fassiez connaître, si telle est votre interprétation, comment cela devrait se régler au premier stade si la loi ne dit pas que vous pouvez le faire.

M. Drouin: M. le Président, je crois que c'est en vertu de l'article 14. On dit que dès qu'il est avisé, le supérieur immédiat ou, le cas échéant, l'employeur ou son agent convoque, pour procéder sans délai à l'examen de la situation, le représentant à la prévention ou, si ce dernier n'est pas disponible, s'il n'y a pas de représentant à la prévention, un représentant de l'association accréditée ou, s'il n'y en a pas ou si aucun n'est disponible, tout autre travailleur désigné par celui qui refuse d'exécuter son travail.

Il semble que tout ce qu'il manque là-dedans, il manque une ligne, tout simplement. Je veux dire qu'à partir du moment où quelqu'un nous dit: Moi, je ne travaille pas dans ce trou, je ne marche pas là-dedans, il me semble qu'avant d'aller chercher le syndicat, le contremaître devrait dire: On va appeler le surintendant et on va regarder cela ensemble et si on ne s'entend pas, on appellera... Tout ce qu'on demande, c'est d'avoir une révision du premier stade pour avoir le droit de régler nos problèmes nous-mêmes.

M. Chevrette: Vous vous référez à l'article 14. M. Drouin: L'article 14, oui.

M. Chevrette: II faudrait peut-être que vous lisiez l'article 13...

M. Drouin: D'accord.

M. Chevrette:... qui dit: "Lorsqu'un travailleur refuse d'exécuter un travail, il doit aussitôt en aviser son supérieur immédiat." Vous ne croyez pas, à ce moment-là, que l'individu qui va aller voir son contremaître pour dire: Moi, je ne peux pas travailler là, regarde, la "strappe" est fendue et elle tape au plafond. C'est comme rien, à un moment donné, vous... En Saskatchewan, à ce qu'on me dit, d'après les statistiques que j'ai eues, si ma mémoire est fidèle, il y a 90% des cas qui se règlent en première instance, justement.

M. Langlois: II avise son supérieur, mais l'article 14 l'oblige à aller avertir. En fait, le contremaître va avertir les autres, il agit comme conseiller, il n'agit pas comme...

M. Chevrette: Concrètement, que suggé-reriez-vous?

M. Drouin: Ce serait peut-être de discuter du problème avec le supérieur pour essayer de trouver une entente. S'il y a désaccord, alors là on tombe à l'article 14. C'est simplement ça. On a déjà vu ce jeu là, c'est peut-être ça qui est signifié, mais quand on joue au mot à mot, quand on fait une interprétation littérale, il avise, je suis avisé, donc, j'avise.

M. Chevrette: Vous aimeriez qu'on clarifie l'article 14...

M. Drouin: Exactement. Pour qu'on ait le droit de relier le problème.

Une Voix: Pour avoir une chance de relier le problème en premier.

M. Chevrette: ... pour lui faire dire qu'il y a une possibilité de règlement en première instance. (12 h 15)

M. Drouin: C'est ça.

Une Voix: Et si ça ne marche pas, on va à l'autre.

M. Chevrette: Mais soyez assuré que c'est l'esprit, en tout cas. J'ai toujours compris que si on pouvait régler tous les cas au premier stade, c'est tant mieux.

M. Drouin: Si c'est l'esprit tant mieux. Sur ça on est d'accord.'

M. Chevrette: II me semblait que c'était clair. Ce que je trouve surprenant dans votre mémoire — j'ai lu la première version, je n'étais pas ici quand vous avez présenté votre deuxième, mais je me base sur la première version que vous avez déposée — j'ai pratiquement vu là un plaidoyer assez fantastique pour le maintien du statu quo. C'est l'interprétation que j'en ai faite. Mais ma surprise est encore plus grande quand je constate que vous voulez que la prévention soit l'apanage exclusif de l'employeur. Il me semble que dans un processus de participation, pour éviter des accidents, on met les gens dans le coup. On dit aux travailleurs: la prévention, ça vous regarde autant que nous autres, c'est ensemble qu'on va bâtir quelque chose. Il me semble que c'est un phénomène beaucoup plus normal que celui que vous semblez préconiser dans votre mémoire et j'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Langlois: J'aimerais rectifier. On n'a pas l'impression d'avoir prôné strictement le statu quo. Si on a prôné une certaine approche depuis 30 ans, cette approche-là a évolué et on le dit à la fin de notre mémoire. Ce qu'on veut, c'est simplement que notre approche ne soit pas détruite complètement et qu'on puisse continuer à évoluer et faire entrer la participation des travailleurs. Je

vous ai dit dans le mémoire que depuis quinze ans on avait des comités paritaires. Je pense qu'on est un des secteurs qui s'en est le plus préoccupé. On a formé, il y a trois ou quatre ans, au niveau du secteur, au niveau industriel, un organisme paritaire, qui n'est pas ratifié par aucun projet de loi ou quoi que ce soit, avec les métallos et avec la CSN aussi, sur une base volontaire et sur lequel on s'est entendu sur beaucoup de points. Je suis d'accord aujourd'hui qu'on a accompli beaucoup de choses depuis qu'on a formé ce comité-là qu'on appelle le comité technique.

Malheureusement, la loi va venir remettre en question toutes ces choses-là. Mais ce qu'on dit, par exemple, c'est que la participation doit être volontaire, autrement si on est forcé, de part et d'autre, c'est les bâtons qui sortent et ce n'est pas bon pour la prévention.

M. Chevrette: Mais vous ne trouvez pas que l'expérience que vous avez vécue avec vos comités paritaires précisément, qui visaient à embarquer les travailleurs avec vous autres pour trouver des solutions, ne fait qu'être confirmée par la loi? La manière dont vous le présentez, c'est comme si vous nous disiez: La loi vient nous mettre des barrières additionnelles. Dans votre argumentation, vous nous dites: Chez nous, on a une expérience heureuse, ça fait quinze ans qu'on fait participer les travailleurs. La loi vise à faire participer les travailleurs. Je ne comprends vraiment pas votre plaidoyer.

M. Orouin: Si vous voulez, on va parler, par exemple, du représentant de la prévention. Le représentant, c'est un homme qui est tout à coup parachuté et qui tombe en parallèle avec les pré-ventionnistes des entreprises. On n'est pas contre le principe du représentant de la prévention. Je me rappelle le cas d'une mine, pour ne pas la nommer, dans la région de Chibougamau. J'étais là pour diriger un programme de comité conjoint au niveau d'une entreprise et la partie syndicale allait très bien, la partie patronale allait bien aussi. Finalement, on a fait une proposition à cette mine. On dit: Nommez-vous donc un représentant qui deviendrait une espèce d'interlocuteur en prévention pour agir en même temps que l'autre. La seule différence qu'il y a, dans un cas, c'est le mariage d'amour et, dans l'autre cas, c'est le mariage imposé.

C'est bien dommage, le mariage imposé, on ne vit pas avec n'importe quelle personne, on vit avec la personne qu'on choisit. C'est tout ce qu'on demande là-dedans. On est d'accord sur la participation. On est en train de remettre à jour aujourd'hui une nouvelle formule de supervision qui est un reflet de la supervision intégrée, dans laquelle il y a une phase d'inspection dans l'acte de supervision qui est participative, il y a une phase de planification qui est participative. La seule phase qui est unilatérale pour l'employeur, c'est la phase de décision, et la phase de l'exécution est aussi participative. On y croit à la participation, on y croit et on y tient.

On a proposé un programme de formation des comités conjoints qu'on a donné dans trois régions et cela a eu un succès relatif; c'est une ouverture d'esprit. On est prêt à embarquer mais on dit qu'il faut que les deux parties marchent volontairement. Vous entendez les métallos dire, à la conférence de l'Institut canadien des mines en métallurgie, en Ontario, cette année, dans la région de Sudbury: La prévention, on est intéressé, mais il faut y aller graduellement, il faut atteindre un certain degré de maturité. Je crois qu'il faut évoluer pour ça. On a fait de bons bouts de chemin là-dedans; tous les principes de la loi, on est d'accord avec ça. La seule différence, on dit: Laissez-nous la chance d'être volontaires et donnez-nous la chance de travailler et on va continuer à fonctionner.

M. Chevrette: Oui, mais vous comprendrez que c'est quand même une loi-cadre. Peut-être que, dans votre secteur, ça fonctionne bien. Il y a d'autres secteurs qui fonctionnent bien. Je suis allé à Valleyfield durant les consultations, et l'employeur est venu à la réunion d'information avec son responsable de la prévention, qui représentait les employés. On se parlait très bien, là aussi, ça allait bien. Mais prenez une usine, il y a toujours des lacunes dans toutes les associations, ce ne sont pas tous des membres parfaits que vous avez. Si la loi ne prévoit pas la possibilité pour un groupe de travailleurs de se marier avec amour, comme vous disiez, permettez-vous au moins d'avoir quelqu'un pour représenter adéquatement les salariés?

M. Langlois: Ecoutez, dans la principale recommandation, je pense que c'est la dixième, on dit que la loi devrait s'appliquer par étapes, à commencer par les secteurs qui en ont le plus besoin.

M. Marois: C'est exactement l'économie générale du livre blanc et même du projet de loi. Il est certain qu'on ne pourra pas avoir, la loi étant entrée en vigueur, le lendemain matin ou dans les mois qui viennent, des services de santé partout à travers le Québec, des comités paritaires installés partout, des associations sectorielles. En passant, je tiens à le signaler parce que vous êtes un des premiers coins qui ont réalisé une expérience d'association sectorielle, sinon le premier, si ma mémoire est bonne, le premier coin. Je pense que ça donne des résultats heureux. On n'est pas allé prendre ça à un troisième niveau d'abstraction ou dans quelque théorie, quelque part je ne sais pas où.

On a regardé précisément l'expérience de chez vous en se disant: C'est valable, pourquoi est-ce qu'on ne permettrait pas aux autres de l'ouvrir? Vous savez qu'il y en a d'autres qui sont... On aura l'occasion cet après-midi — la ville de Montréal vient témoigner — d'en parler probablement.

Mais vous savez qu'il y en a d'autres qui sont en voie, où c'est accepté par l'essentiel des deux par-

ties, mais il y en a une qui bloque tout le processus actuellement. Une personnalité juridique bloque tout le processus accepté par deux parties qui représentent des membres en nombre important, aussi bien de travailleurs que d'employeurs. Si on n'ouvre pas cette possibilité, elle est bloquée. On l'a notamment puisée dans votre propre expérience. Alors, c'est ça la perspective, et il est certain qu'il va falloir choisir des coins prioritaires. Il y aura le pouvoir réglementaire de la commission, mais dans le livre blanc à la page 271 ou 272 si ma mémoire est bonne, on dit: Voici des hypothèses de priorités, mais, pour respecter l'économie générale de l'approche qu'on suggère, on ne veut pas que ce soit imposé d'en haut; par exemple, le gouvernement, Dieu le Père, s'en vient tout régler pour tout le monde. Ce qu'on préconise comme approche, c'est que les parties s'assoient et en parlent ensemble, à l'intérieur du conseil d'administration de la Commission québécoise de la santé et de la sécurité du travail, à l'intérieur des associations sectorielles; que les parties s'en parlent et nous fassent leurs recommandations, quant à la façon d'établir les priorités, quant aux choix retenus. Si les parties s'entendent, le gouvernement va endosser l'entente; si les parties ne s'entendent pas sur tout, s'il reste quelques coins où il faut trancher, il faudra le faire, c'est notre responsabilité, on l'assumera, mais, là-dessus, c'est fondamentalement notre approche.

Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie, au nom de tous les membres de la commission, de votre participation aux travaux de cette commission. Nous allons suspendre les travaux de la commission jusqu'à 14 h 30.

Suspension de la séance à 12 h 24

Reprise de la séance à 14 h 46

Le Président (M. Marcoux): A l'ordre, s'il vous plaît.

La commission du travail et de la main-d'oeuvre se réunit pour poursuivre l'audition des mémoires concernant la Loi sur la santé et la sécurité du travail.

M. Pagé: M. le Président, on ne demande pas le quorum, on demande le ministre.

Le Président (M. Marcoux): Je vous assure qu'il sera ici bientôt. Je l'ai à vue et à l'oeil. J'inviterais maintenant l'Association des mines d'amiante du Québec à venir nous présenter son mémoire.

Association des mines d'amiante du Québec

M. Filteau (Paul): M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de la commission. Permettez-moi de me présenter. Mon nom est Paul

Filteau, ingénieur des mines et industriel, vice-président exécutif de l'Association des mines d'amiante du Québec. Je suis accompagné de Me Jean Dupéré, adjoint exécutif du président de Lac d'amiante du Québec Ltée et président du comité de santé, de sécurité et de compensation de notre association.

Je voudrais tout d'abord vous transmettre les excuses du président de notre association, M. Marcel Dorais, qui est malheureusement dans l'impossibilité d'assister aujourd'hui à cette réunion, le délai de convocation ne lui ayant pas permis de se libérer d'engagements qu'il avait à l'extérieur.

L'Association des mines d'amiante du Québec est heureuse de pouvoir vous soumettre ses vues et quelques commentaires en marge du projet de loi no 17 sur la santé et la sécurité au travail. Comme vous le savez, l'Association des mines d'amiante du Québec groupe quatre sociétés dont les exploitations minières sont toutes situées dans les Cantons de l'Est de la province. Lors de la présentation du livre blanc sur la santé et la sécurité au travail, l'association avait souscrit de façon générale aux objectifs énoncés dans le document, sous réserve que la loi et les règlements qui en découleraient soient viables et réalistes, définissent équitablement les responsabilités et les obligations ainsi que les droits de toutes les parties.

Or, il faut bien le constater, la loi qui a été déposée le 22 juin dernier ne correspond pas dans toutes ses parties au livre blanc. Bien plus, il y a du nouveau dans la loi qui n'existait pas dans le livre blanc. C'est pourquoi, après discussion, le comité a décidé qu'un mémoire de l'Association des mines d'amiante soit présenté à la commission parlementaire à l'occasion de ces séances au début de septembre. M. Dupéré fera part du point de vue de notre association et nous serons tous deux à votre disposition pour toute question que vous aimeriez poser plus tard. Nous vous savons gré et vous remercions bien sincèrement de nous avoir fourni l'occasion de vous faire valoir notre point de vue à ce moment-ci de vos travaux. Je cède la parole maintenant à M. Dupéré.

M. Dupéré (Jean): M. le Président, l'Association des mines d'amiante du Québec, qui a souscrit aux objectifs énoncés dans le livre blanc sur la santé et la sécurité au travail, reconnaît d'emblée la justification d'une loi-cadre dans cette matière ainsi que la pertinence d'une réforme visant à substituer la multiplicité actuelle des lois et règlements ainsi que la fragmentation des responsabilités administratives par un régime plus cohérent et une unification des normes.

D'ailleurs, les compagnies membres de notre association ont d'autant plus facilement agréé l'orientation générale de la politique exprimée dans le livre blanc qu'elles ont toutes des programmes d'action qui, pour l'essentiel, poursuivent les objectifs que l'on retrouve dans le livre blanc. Ainsi, les programmes de l'association portent tout à la fois sur la recherche médicale et scientifique, une médecine du travail en prise

directe avec le milieu, le développement d'une technologie de pointe ayant un impact sur la prévention des risques et la salubrité du milieu de travail, la modernisation des installations et des équipements destinés à l'assainissement de l'air et à l'amélioration de l'environnement et de la qualité de la vie.

D'importantes ressources humaines et matérielles sont consacrées à ces programmes: Un Institut de médecine du travail et de l'environnement entièrement financé par l'industrie et qui met à contribution les plus grands spécialistes du monde entier, des cliniques de santé à Thetford Mines et à Asbestos avec médecins et professionnels de la santé attitrés et un équipement de premier ordre, médecins-conseils, experts-conseils en environnement, comités permanents très actifs de l'environnement, de la santé et de l'hygiène au travail, de la sécurité et de la prévention des accidents de travail.

C'est donc à la lumière de cette expérience que nous intervenons dans le présent débat sur le projet de loi 17. Celui-ci contient, croyons-nous, des éléments qui, s'ils sont maintenus, sont de nature à empêcher dans les faits la réalisation de l'objectif fondamental du projet, soit la santé et la sécurité des travailleurs. Notre intervention a pour but d'indiquer les éléments qui, à notre avis, doivent de toute nécessité faire l'objet d'une révision et portera donc sur les sujets suivants: les cliniques et services de santé, les comités de santé et de sécurité, l'inspection, l'exercice du droit de refus, ainsi que le diagnostic médical.

Au chapitre des services de santé au travail, nous ne nous expliquons pas que les auteurs du projet de loi aient choisi une voie aussi rigide et étroite qui compromet plus qu'elle ne le consacre, en privilégiant une bureaucratisation et une fonc-tionnarisation abusive de l'organisation structurelle et du fonctionnement des services de santé, le principe de la prise en charge par le milieu, qui constituait pourtant une donnée fondamentale de l'orientation du livre blanc.

Outre le fait que nous estimons que la prestation des services de santé aux travailleurs fait partie des responsabilités qui incombent à la gestion d'une entreprise et que nous trouverions inadmissible que le législateur prenne prétexte de la promotion de la santé et de la sécurité au travail pour retirer insidieusement des droits qui sont inhérents au droit de gérance dans le système économique et politique dans lequel nous vivons, nous pensons qu'au chapitre des services de santé le projet de loi est déraisonnablement restrictif et contraignant.

Il est évident qu'il n'a pas été tenu compte des programmes et des services existants et il semble aussi, malheureusement, que les auteurs aient confondu la désignation d'un médecin avec celle d'un arbitre ou d'un conciliateur.

Du point de vue de la compétence des professionnels qui y sont affectés, de la qualité des services et de l'équipement, les cliniques de médecine du travail d'Asbestos et de Thetford Mines, par exemple, ne le cèdent en rien à ce qui existe dans ce domaine dans les établissements publics, parapublics ou communautaires. Au contraire, leur connaissance profonde du milieu minier sous tous ses aspects leur permet de beaucoup mieux servir les travailleurs que ne pourraient le faire des établissements et des professionnels étrangers au milieu de travail de l'amiante et n'ayant aucune expérience pratique des problèmes et solutions qui lui sont propres.

De ce point de vue, l'exclusion des cliniques de santé constituées dans le réseau privé confine à l'irresponsabilité, parce que faisant inutilement et gratuitement table rase, dans le cas des cliniques de médecine du travail, d'une très précieuse expérience accumulée et d'une non moins précieuse compétence, ainsi que de services qui font la preuve de leur professionnalisme et de leur efficacité.

Compte tenu de l'objectif qu'elle vise, la loi devrait, au contraire, encourager le maintien et le développement de telles cliniques et susciter ainsi, entre le réseau public et le réseau privé, une saine et stimulante émulation qui ne peut être que bénéfique aux travailleurs et favorable à l'implantation, au Québec, d'une bonne médecine du travail.

Quant à l'élaboration des programmes de santé et de sécurité, de manière générale, les entreprises peuvent le mieux déterminer les besoins qui leur sont propres pour ce qui concerne les examens médicaux et le genre de services requis pour obtenir la meilleure performance possible dans la prévention et la solution des problèmes de santé et de sécurité. Encore ici, nous constatons que les auteurs du projet de loi ont choisi une voie étroite, rigide et contraignante, au lieu de privilégier une politique d'ouverture favorisant le développement, de concert avec les organismes publics appropriés, des meilleurs programmes possible, conçus et structurés en fonction des besoins propres à chaque industrie.

Dans le cas des programmes de santé et de sécurité de l'industrie de l'amiante, il serait déplorable que le législateur en freine la portée, en soumettant cette industrie à un nivellement général qui décourage toute initiative.

Quant au choix du médecin du travail dans l'entreprise, nous pensons que les seuls critères d'embauche d'un médecin du travail doivent être sa compétence professionnelle et son aptitude à remplir au mieux les tâches à accomplir. Le recrutement doit se faire selon des normes rigoureuses pour obtenir un haut niveau de professionnalisme. Dans l'exercice de sa profession, médicale, le médecin du travail dans une entreprise ne saurait être soumis ni à l'autorité de l'Etat, ni à celle de l'employeur, ni à celle des travailleurs, mais à la seule autorité de sa corporation professionnelle. Cela n'empêche nullement que des mécanismes puissent être mis au point pour que les médecins, tout comme les infirmières, les hygiénistes, les toxicologues ainsi que les épidémiologues travaillent en étroite collaboration avec les comités de santé et de sécurité et les représentants des travailleurs.

De même que nous agréons aux mécanismes de surveillance des services de santé prévus par le projet de loi, nous sommes favorables à ce que l'indépendance et l'intégrité des médecins du travail et de tous les professionnels de la santé soient garanties par rétablissement de normes reconnues par les corporations professionnelles ou encore par la Commission de la santé et de la sécurité du travail.

Cependant, nous jugeons complètement inacceptable que le choix d'un médecin soit soumis au ballottage d'un comité paritaire où les sympathies syndicales ou patronales, affichées ou présumées, sont susceptibles de peser plus lourd que la compétence professionnelle. Nous croyons, au contraire, que la désignation d'un médecin du travail dans une entreprise doit logiquement relever de l'employeur qui engage sa responsabilité quant à la santé des travailleurs à son emploi ainsi qu'à la bonne gestion de son entreprise, y compris des services de santé, étant entendu, naturellement, que l'indépendance professionnelle, l'intégrité et la compétence du médecin désigné doivent être conformes aux normes établies.

Nous demandons donc que le projet de loi soit révisé à ce chapitre pour tenir compte des impératifs inhérents à la prestation des services de santé dans une industrie comme la nôtre et pour permettre le libre choix dans l'embauche des professionnels de la santé. Qu'il s'agisse de médecins du travail attitrés ou de médecins-conseils, nous croyons être fondés à réclamer le droit de faire appel aux meilleurs éléments de la profession sans égard à leur appartenance au réseau public ou au réseau privé.

Quelques commentaires sur les comités de santé et de sécurité. S'il est un domaine où, plus que tout autre, pour être utile et efficace, la coopération employés-employeurs doit être librement agréée par les parties et dépouillée de la notion de rapport de forces, c'est bien celui de la santé et de la sécurité. Or, tel que définis présentement dans le projet de loi, les comités de santé et de sécurité, dont il est prévu qu'ils peuvent même être imposés d'autorité, sont très vite susceptibles de se transformer en lieux de confrontation et d'affrontements, rendant ainsi impraticable l'objet même des comités.

Dé tels comités risquent à coup sûr de dévier de leur objectif premier s'ils ne sont pas véritablement l'expression de la volonté des travailleurs et des employeurs de coopérer à la solution des problèmes de santé et de sécurité. Le projet de loi, à ce chapitre, ouvre d'avance toutes grandes les portes de la confrontation, voire du marchandage au détriment des objectifs de santé et de sécurité. Dans la mesure où le législateur est avant tout désireux que cette nécessaire coopération soit viable, il devra consentir à repenser la constitution et la définition de ces comités en les rendant volontaires et consultatifs, en redéfinissant plus équitablement les responsabilités de chacun et, surtout, en évitant qu'ils soient le prolongement des luttes patronales-syndicales sur les droits et les obligations respectives des travailleurs et des employeurs.

L'inspection. Sur un autre plan, l'Association des mines d'amiante du Québec s'interroge sur la pertinence d'unifier tous les services d'inspection de santé et de sécurité comme le propose le projet de loi. De nouveau, les auteurs nous paraissent avoir donné libre cours à une généralisation où les spécificités d'une industrie comme l'industrie minière de l'amiante sont laissées pour compte.

En effet, le secteur minier revêt un caractère qui lui est propre en raison des particularités et de la complexité des activités minières. L'inspecteur chargé de veiller au respect des normes de sécurité et, de manière générale, de s'assurer que l'application des lois et des règlements soit faite convenablement ne pourra le faire s'il n'a pas la formation appropriée et s'il n'est pas en tout point familier avec les tenants et aboutissants de l'activité minière, que ce soit au puits ou à l'usine de traitement.

Il ne fait aucun doute dans notre esprit que la surveillance des conditions de santé et de sécurité des travailleurs miniers en général et des travailleurs miniers de l'amiante en particulier peuvent être plus efficacement assurées par des spécialistes relevant d'un ministère en prise directe avec l'activité minière. A cet égard, le service de l'inspection des mines qui veille à l'application de la Loi des mines nous paraît tout désigné pour s'occuper de l'inspection dans toutes les installations minières, même sous le nouveau régime. En tout état de cause, même si l'inspection des mines devait relever d'une autre autorité que celle du ministère des Richesses naturelles — ce qui nous paraîtrait pour le moins curieux — il faudra nécessairement s'assurer que la tâche en est confiée à des professionnels aguerris aux activités minières pour d'évidentes raisons d'efficacité et de bon fonctionnement de l'inspectorat. (15 heures)

Le droit de refus. Au chapitre des droits et obligations du travailleur, nous reconnaissons le droit d'un travailleur de refuser d'exécuter un travail s'il a des motifs raisonnables de croire que l'exécution de ce travail l'expose à un danger pour sa santé, sa sécurité ou son intégrité physique ou peut avoir l'effet d'exposer une autre personne à un semblable danger.

La notion de bonne ou mauvaise foi à laquelle il est fait référence à ce chapitre du projet de loi est génératrice d'abus, de malentendus et d'inutiles litiges et n'a pas sa place dans les articles relatifs aux droits du travailleur de refuser d'exécuter un travail.

Nous estimons donc que la notion de motifs raisonnables, d'ailleurs inscrite également dans le projet de loi, doit seule être retenue parce qu'elle assure le plus efficacement le respect objectif des droits de l'employé et de l'employeur.

Enfin, le diagnostic médical. Au chapitre des dispositions transitoires, et plus précisément à l'article 279, nous constatons une omission extrêmement importante. La modification proposée vise à remplacer un sous-paragraphe de la loi 52 de 1975 par un nouveau texte qui a pour effet d'éliminer la notion de diagnostic positif dans les cas d'incapacité résultant de la silicose ou de

l'amiantose en ne parlant maintenant que de la silicose et de l'amiantose établies médicalement par diagnostic.

L'Association des mines d'amiante s'inscrit en faux contre ce changement qui aurait pour effet de remettre en cause le concept du diagnostic positif. Nous avons eu l'occasion, lors de l'étude du projet de loi 52 il y a quelques années, de démontrer l'inadéquation du terme "diagnostic médical" sans autre précision et les aberrantes interprétations auxquelles cela donnait lieu. Nous avions alors établi, à la satisfaction du législateur, la nécessité d'introduire la notion de diagnostic positif, seul moyen de s'assurer que les diagnostics sont fondés sur des données médicales et scientifiques à l'abri de toute partialité. Notre requête n'a d'autre objet que d'empêcher un retour au règne de l'arbitraire et de la subjectivité en matière de diagnostic médical, compromettant ainsi, sur un point médical, la juste et équitable application d'une loi sur la santé et la sécurité au travail.

Ce sont là les points principaux que nous voulions soulever. Merci.

Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie. M. le ministre.

M. Marois: M. le Président, je voudrais d'abord remercier le porte-parole de l'Association des mines d'amiante du Québec. Je pense que, dans le mémoire qui nous est présenté, il y a, d'une part, des éléments, des suggestions, des recommandations, des commentaires qui recoupent, en partie en tout cas, quant aux problèmes qui sont soulevés, pas nécessairement toujours quant aux suggestions, certains des problèmes qui ont été évoqués ce matin avec l'Association des mines de métaux. Donc, je vais limiter davantage mes commentaires.

D'autre part, il y a par ailleurs des choses qui attirent particulièrement mon attention dans votre mémoire, et je tiens à vous assurer qu'on va l'examiner très attentivement.

Ceci étant dit, je ne voudrais pas tout reprendre, mais simplement m'arrêter sur quelques points, en tout cas, comme entrée en matière, quitte à revenir, en cours de route, s'il y a des questions qui me sont posées par l'un ou l'autre des parlementaires.

Vous évoquez la disparition ou la crainte que vous avez d'une espèce de disparition possible des cliniques de médecine du travail de Thetford Mines et d'Asbestos. J'aimerais — vous l'avez sûrement fait — que vous regardiez à nouveau très attentivement les articles 88 et 85 du projet de loi no 17, lesquels articles visent à mettre à contribution à la fois les ressources physiques et les ressources humaines existantes, avec, bien sûr, des balises dans certaines circonstances.

En partant de là, je ne pense pas qu'on puisse conclure à une disparition. Si vous aviez des suggestions, des recommandations; en d'autres termes, je vais être très franc, une affirmation de disparition ne me convainc pas; si vous avez des suggestions très précises quant à la façon de mieux mettre à contribution les ressources physiques, humaines que vous considérez comme compétentes, j'aimerais les entendre.

J'en profite aussi pour faire une remarque d'ordre un peu général, parce que c'est une expression qui est revenue à deux ou trois reprises depuis le début de nos travaux; il me semble pertinent de faire une mise au point à ce sujet. Il semble y avoir, chez certains — Dieu merci, ça semble être loin, pour ceux qui ont comparu devant nous, de l'opinion de la majorité, bien au contraire — une crainte que tout ça mène à une espèce de nivellement par le bas, un peu sur tous les fronts. S'il y a des ambiguïtés dans le projet de loi, encore une fois, comme je l'ai indiqué au début, je suis entièrement disposé à accueillir toute suggestion susceptible de bonifier le projet de loi.

Ce n'est absolument pas notre intention, il est hors de question dans notre esprit de faire en sorte qu'on en arrive à un nivellement par le bas. Le problème a une telle ampleur présentement au Québec que ce n'est pas l'objectif qu'on doit se donner. Cela serait un objectif irresponsable, je crois. S'il y a des coins où on peut me faire la démonstration concrète de cela, je suis prêt à regarder de très près ce qu'on m'indiquera. Encore une fois, je suis très réceptif sur ce plan, à condition, toujours — je comprends que c'est aussi la position de fond que vous défendez au point de départ — que je sente un accord sur l'objectif ultime et sur les principes clés du projet. Partant de là, sur les modalités, il reste que je suis très réceptif. Ce n'est pas notre objectif de niveler par le bas.

Notre objectif vise à assurer une base, comme une espèce de plancher de base minimal pour l'ensemble des hommes et des femmes qui sont au travail. C'est vrai qu'il y a des choses extraordinaires dans certains coins qui ont été faites. Ce n'est pas parce qu'il y a des choses extraordinaires qui ont été faites dans certains coins que c'est vrai à l'échelle du Québec. Ce n'est pas vrai. Il n'y a pas de raison que les autres ne bénéficient pas au moins du minimum qu'on leur doit comme société civilisée, compte tenu des limites, des ressources disponibles, de l'état de la situation et que tout ne peut pas être fait en même temps. Je pense que les citoyens et les citoyennes québécoises sont assez responsables pour comprendre que tout ne peut pas être fait en même temps et que forcément il va falloir y aller par morceaux au fur et à mesure et à condition qu'on sente une volonté au-delà des divergences d'intérêts. Quand il s'agit de choses aussi fondamentales que celles-là, on doit être capable d'y arriver, et je crois qu'on peut y arriver. Il y a déjà des coins dans le Québec où l'expérience concrète montre que c'est possible d'y arriver.

Donc, d'assurer cette base. Deuxièmement, de préserver ce qu'ont ceux qui ont plus, de l'acquis en plus, ce qui n'exclut pas que, concernant cet acquis en plus, le cas échéant certains ajustements s'imposent. Donc, c'est notre approche.

J'ai promis de ne pas m'étendre longuement. Je voudrais juste ajouter une autre chose avant d'enchaîner sur deux ou trois points très précis. Les comités paritaires, vous indiquez que vous craignez qu'ils deviennent un lieu de confrontation. Vous me permettrez de vous rappeler l'article 57 du projet de loi. Vous savez sûrement comme moi que les provinces qui ont fait des réformes comme celle-là ont introduit des comités paritaires dans leurs lois, et ce sont des comités paritaires obligatoires. Vous savez fort bien que notre proposition n'est pas celle-là. Vous savez fort bien que notre proposition à l'article 57 permet la mise en place de comités paritaires sur la base de l'initiative. Donc, cela suppose une responsabilité, une volonté d'y arriver de l'une ou de l'autre des parties. L'initiative de la mise en marche et de sa demande pour la mise en place d'un comité paritaire, c'est l'article 57, c'est l'économie générale de l'article 57. C'est, en d'autres termes, du volontaire qui devient obligatoire; à partir du moment où la démarche est commencée, cependant, là il n'y a pas de raison que cela n'aboutisse pas. C'est exact que la commission se réserve, cependant, si elle le juge opportun, le pouvoir de faire en sorte, dans des coins où c'est particulièrement détérioré et où cela s'impose, qu'il y en ait un.

Vous me permettrez de vous rappeler l'arrêté en conseil 3787 qui existe déjà. Que je sache, il n'est pas volontaire, il est obligatoire. Seulement, vous savez comment il est patenté. Il est tellement tout croche et accroché à une notion de taux d'accidents. Je ne vais pas entrer dans les détails techniques, vous connaissez cela aussi bien que moi. On en connaît les résultats aujourd'hui. Un des éléments, c'est la base purement consultative de ces comités qui émergeaient de l'arrêté en conseil 3787 de la Loi des établissements industriels et commerciaux.

Vous ne pensez pas qu'au fond, pour beaucoup, au-delà de tous les papiers qu'on s'écrira là-dessus, toutes les lois et tous les règlements qu'on se fera, ou alors il y a une volonté ou il n'y en a pas. Il y a une volonté fondée sur une bonne foi de base. Une bonne foi de base, cela ne veut pas dire quelque chose qui est guenille et qui plie devant tout. Une bonne foi de base, cela n'exclut pas la fermeté normale de positions qui sont défendues par les uns et par les autres. Entre cela et une équation automatique avec la confrontation, la réalité des expériences vécues, je ne crois pas qu'elle nous amène à conclure à une chose comme celle-là. Je ne vois pas pourquoi on peut penser deux secondes... Ah! des "flyés" dans une société, aux extrêmes, que ce soit à gauche ou à droite, il y en a. Il y en a chez les employeurs et il y en a dans le monde syndical. On n'a pas besoin de se faire des dessins. Des décrochés de tous bords, il y en a. Dieu merci, c'est une minorité! Je crois que la majorité des citoyens, des hommes et des femmes qui sont au travail, leur objectif ultime, ce n'est pas de s'organiser pour foutre en l'air les entreprises, ce n'est pas vrai. Je ne vois pas en quoi les Québécois... Je ne crois pas que comme société, les hommes et les femmes qui sont au travail au Québec, on soit plus irresponsable que nous voisins de l'Ontario, nos voisins de la Saskatchewan ou de BC ou d'ailleurs, à condition qu'il y ait bonne foi à la base et une volonté d'y arriver. Je crois que cela tient pour beaucoup aux attitudes des hommes et des femmes qu'on choisit de part et d'autre pour siéger à ces comités.

Quant à l'inspection, je ne veux pas y revenir longtemps, on en a parlé ce matin. Il me semble cependant important de dire ceci. Je comprends votre préoccupation parfaitement bien, on l'a évoqué ce matin, vous ne voulez pas et vous craignez que le regroupement, l'unification, et même la régionalisation, mènent à des résultats dans le genre que des gens iraient faire de l'inspection dans le secteur minier sans avoir la formation de base, la compétence requise pour le faire. Ce n'est pas du tout notre intention. On ne va pas partir en prenant cela dans les nuages. On va partir avec les hommes qui sont là et les femmes qui sont là. Je pense que vous admettez vous le reconnaissez dans votre témoignage, et je suis d'accord avec vous — qu'il y a là une équipe, en particulier concernant le secteur minier, qui est qualifiée et compétente. Notre intention, ce n'est pas dans le genre de faire exprès pour foutre la pagaille, de faire en sorte que ces gens spécialisés dans le secteur minier, il leur faut un "pitch" pour aller vérifier les pâtes et papiers, ou encore surveiller le gouvernement du Québec parce que, dorénavant, nous autres aussi on va tomber sous l'empire de la loi. Il est plus que temps. Comme gouvernement dans son prolongement public et parapublic, on va tomber aussi sous la coupe de la loi. Dorénavant, les inspecteurs vont pouvoir venir chez nous. Il était temps. Ce n'est pas du tout notre intention. Le regroupement est pour assurer une direction; il ne faut pas faire une équation automatique. Il ne faut pas tenir pour acquis que cela veut dire que les gens qui seront là vont partir avec d'autres et que ceux qui vont arriver vont être des gens qui n'auront pas la formation requise. (15 h 15)

Là-dessus, je peux vous assurer tout de suite et vous dire que tant et aussi longtemps que j'aurai un mot là-dedans, on va toujours y aller de façon réaliste en partant avec ceux qu'on a et qui sont qualifiés dans des secteurs précis. Je tiens, en passant, à vous dire, parce que je crois que c'est très franc de votre part, que j'apprécie le fait que vous vous dites d'accord, je crois, sur le principe au moins de l'idée que les travailleurs aient leurs représentants à la prévention. Vous formulez un certain nombre de remarques cependant quant au nombre, quant au temps de libération, etc. Cela, soyez assurés qu'on va le regarder de très près.

Je ne reviendrai pas sur la loi 52. J'ai eu l'occasion de commenter, ce matin, le petit article et le petit mot qui n'est pas un détail, qui disparaît: le mot "positif" qui suivait l'expression "diagnostic".

Voilà, M. le Président, les quelques commentaires et remarques que je voulais faire au point de départ. Je m'excuse d'en avoir profité en

même temps. Je pense bien que les représentants de l'Association des mines d'amiante auront bien compris qu'un certain nombre de mes remarques débordait largement le cadre uniquement de votre mémoire, mais je pensais qu'un certain nombre, peut-être, non pas de mises au point, mais d'éclaircissements s'imposait de ma part pour que ne se créent pas des inquiétudes ou des craintes qui nous amèneraient à biaiser nos travaux afin que vraiment on s'attache à l'essentiel et qu'on regarde au maximum toute suggestion vraiment positive et constructive et qu'on l'examine au mérite. Encore une fois, je suis plus qu'ouvert pour regarder ça de très près. Merci.

M. Dupéré: Si vous permettez, M. le Président, seulement quelques points, M. le ministre, que j'aimerais voir clarifiés.

Vous nous avez référés aux articles 85 et 86 relativement aux cliniques. Je veux simplement vous souligner, par exemple... Vous nous avez donné une indication que ces articles permettaient de se servir des infrastructures déjà en place et de les améliorer, comme vous l'avez suggéré.

Je dois vous souligner, par exemple, que l'article 86, si on le regarde, empêche les cliniques privées de donner certains services comme elles le font présentement, d'une part et, d'autre part, j'aimerais soulever votre attention sur l'article 96 qui interdit à tout employeur de mettre en application un programme de santé additionnel à celui prévu par la loi.

Dans notre mémoire, vous avez remarqué que nous n'avons aucune objection et sommes d'accord avec l'établissement de programmes de santé pour les travailleurs par la nouvelle commission de la santé et de la sécurité. Mais nous trouvons malheureux qu'après avoir amélioré et investi temps, personnes et argent, on doive renoncer à tout ce qui se fait alors que je pense que le meilleur organisme pour y répondre, soit peut-être la Commission des accidents du travail n'est pas ici pour vous assurer du genre de travail qui se fait dans ces cliniques et de la qualité et du professionnalisme ainsi que de l'intégrité des gens. C'est le point qu'on voulait vous souligner, à savoir que, présentement, tel que libellé, le texte du projet de loi ne permet pas...

Je vous ai déjà entendu nous dire également que vous vouliez vous servir des infrastructures en place. J'ai également entendu le président de la Commission des accidents du travail le dire. Mais, malheureusement — on avait vu ça dans le livre blanc — le projet de loi, tel que libellé, ne permet pas l'utilisation de ce qui est en place.

M. Marois: J'ai bien dit: Avec le cas échéant, des ajustements qui s'imposent quant à l'acquis qui est là.

Quand vous citez l'article 96, "l'employeur ne peut mettre en application un programme de santé additionnel à celui que prévoit la présente loi...", vous vous êtes arrêté là. Evidemment, ça modifie un peu la portée de l'article. Ce qu'on dit, c'est que ça doit être fait après discussion avec les représentants des travailleurs, en consultation avec eux, pour qu'ensemble vous en arriviez à une décision, qu'il y ait assentiment sur ce plan.

Ce que vous me dites, c'est que, d'après vous, vous craignez en d'autres termes ne pas pouvoir obtenir cet assentiment, et en d'autres termes des programmes additionnels, que vous estimez valables, fondés, seraient, à votre point de vue — j'essaie simplement de bien comprendre votre point de vue — bloqués et vous ne pourriez plus les réaliser. C'est ça?

M. Dupéré: Exactement. Et c'est un problème majeur pour nous.

Quant à l'autre point, M. le ministre — le dernier, je vais être bref — relativement au comité paritaire, je reconnais que la majorité de la population québécoise ne veut pas renverser le système, mais il y a un petit groupe qui peut y penser. Tenant pour acquis que la majorité est raisonnable, c'est autant de raisons de plus de le mettre volontaire parce que, d'une part, ces gens raisonnables — je sais que vous pouvez présenter l'argument contraire, mais peu importe — peuvent s'entendre et, d'autre part, vous avez votre commission qui peut arbitrer les différends qui peuvent se présenter. Surtout s'il arrive un problème majeur au niveau, par exemple, de la sécurité pour un ou certains individus et que le comité paritaire demande que telle situation soit corrigée, l'employeur aura le choix: S'il ne la corrige pas, alors les dispositions sur le refus au travail pourront s'appliquer, mais la décision lui appartiendra.

En d'autres mots, s'il ne veut pas agir sur la recommandation de son comité, son entreprise ne pourra plus fonctionner, d'autant plus, également, que la commission peut y voir, si on parle de majorité raisonnable. C'est à la lumière de cette approche qu'on a soulevé le point. On pense que le décisionnel pourrait présenter beaucoup plus de problèmes et devenir une table de négociations perpétuelle par opposition à servir réellement les objets pour lesquels on présume que ces comités sont en place.

Un dernier mot sur le diagnostic positif; on est les personnes les plus impliquées. M. le ministre, depuis trois ans, il y a une véritable guérilla judiciaire, à laquelle j'ai participé quand je pratiquais, entre la Commission des accidents du travail et les différentes compagnies. C'est allé en Cour d'appel. Il y a eu beaucoup d'auditions et de temps passé à tenter de régler le problème. On commence à voir clair; après quatre ans d'application de la loi, les parties commencent à vivre avec cette loi de façon civilisée et sans se lancer des procédures à la tête. Le jour où le mot "positif" va être retiré et qu'on enlèvera l'aspect scientifique et médical des diagnostics, ou qu'on légiférera pour que le médecin adopte certains diagnostics, je pense, malheureusement, que l'imbroglio dans lequel nous vivons reviendra immédiatement à la surface.

Je ne pense pas qu'il y aille de l'intérêt ni des entreprises, ni des travailleurs d'enlever le mot

"positif", d'autant plus que ce sont plutôt les arrêtés en conseil qui empêchent présentement le recyclage, ainsi de suite, qui devraient être corrigés.

M. Marois: Sur ce dernier point — et je termine là-dessus, M. le Président — dès qu'un texte de loi — si les mots veulent bien dire ce qu'ils doivent dire, normalement, selon les définitions généralement acceptées, sans prendre personne d'entre nous pour le Larousse incarné... Un diagnostic médical, c'est un diagnostic médical. Je pense que vous savez fort bien que, dans ce domaine en particulier, il y a des zones grises. En d'autres termes, le fait d'ajouter le mot "positif" introduisait, sur le plan juridique, la notion de "hors de tout doute". Le fait de le retirer fait que dans le cas de doute — parce qu'il y a des zones grises, cela arrive parfois, vous le savez comme moi — celui-ci est à l'avantage du travailleur. Un diagnostic médical, c'est un diagnostic médical et, s'il conclut qu'il y a amiantose, il conclut qu'il y a amiantose, à part les cas — et ce n'est pas toujours facile — où... D'après les analyses du texte que j'ai fait faire sur le plan juridique par quelques conseillers juridiques, le fait que le mot "positif" ne soit pas là n'empêche absolument pas un travailleur, ni un employeur de demander les meilleures preuves scientifiques possible. Vous savez que dans certains cas, en particulier en matière d'amiantose et de silicose, la meilleure preuve possible, il arrive parfois que c'est la biopsie. C'est par la biopsie qu'on peut y arriver. Ce n'est pas le fait d'enlever le mot positif qui réduit la possibilité d'avoir, le cas échéant, si nécessaire, la meilleure preuve possible. C'est simplement ce que je voulais dire.

M. Filteau: ... cela ne change rien. Pourquoi l'enlever...

M. Dupéré: Pourquoi l'enlever?

M. Marois: Je n'ai pas dit que cela ne changeait rien. J'ai dit que cela déplaçait le bénéfice du doute dans les cas où il y en avait.

M. Dupéré: Vous réalisez également, M. le ministre, que cela peut causer de sérieux abus. Par exemple, la Commission des accidents du travail, après avoir passé de mauvais diagnostics en 1975 ou en 1976, revient à la charge pour dire à certaines personnes: Non, vous n'étiez pas malade. Tout le long, c'était su et, là, pour corriger leur erreur, on enlève... Et on va leur donner le bénéfice du doute.

M. Marois: Vous savez fort bien là-dessus, parce qu'au fond cela recoupe aussi une des choses que mentionnait le député de Richmond, que les comités d'experts qui ont siégé sur les cas auxquels vous faites allusion et qui ont été évoqués ici — j'ai demandé qu'on procède à une vérification et j'ai découvert, ce que je ne savais pas en toute honnêteté — que les comités d'experts qui ont procédé aux révisions qui étaient prévues, contrairement à ce qui se faisait par le passé, ce ne sont pas des médecins de la CAT; vous le savez comme moi. C'est un comité d'experts médicaux dont notamment un expert a été choisi par la partie patronale, un expert par la partie syndicale et trois experts choisis par la commission. Il y a eu une première révision. Il y a eu une deuxième révision de ces cas sur cette base et vous savez aussi que les procédés, les méthodes, les techniques, la science même dans ce domaine ont évolué passablement depuis trois ou quatre ans et que les procédés sont beaucoup plus raffinés et permettent aujourd'hui de réduire beaucoup plus que par le passé les zones grises, d'être beaucoup plus précis. Il en reste encore, mais ces zones ont été passablement réduites. Je ne veux pas m'embarquer dans une discussion à n'en plus finir. On aura l'occasion de revenir là-dessus plus longuement quand on abordera dans une autre phase ultérieure ce qu'on examine maintenant, toute la question d'une révision des régimes actuels d'indemnisation. Il y a, entre autres, accrochée à cela, la question des expertises médicales. Je conviens avec vous d'une chose. Ce n'est pas un genre de dossier facile et simple qu'on règle comme cela sur un coin de table, en deux minutes.

M. Dupéré: Je veux seulement souligner un point, M. le ministre. La partie patronale n'a jamais participé soit à la nomination, soit à quelque chose que ce soit pour la nomination de ce comité spécial. C'est à l'instigation de la Commission des accidents du travail elle-même. On n'a jamais participé à cela.

M. Brochu: A chaque moment où il a été question d'expertises dans le domaine de pneu-mocologie, cela a été l'initiative de la Commission des accidents du travail.

M. Dupéré: C'est le comité spécial dont le ministre parlait.

M. Brochu: Oui, oui.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Portneuf.

M. Pagé: M. le Président, je me limiterai à remercier les intervenants. Compte tenu des questions qu'on a eu à échanger ce matin avec l'Association des mines de métaux, je me limiterai à vous remercier.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Richmond.

M. Brochu: Oui, M. le Président. J'aimerais revenir, à moins que le ministre ait un mot à ajouter. Le ministre avait-il un mot à ajouter avant que j'enchaîne?

M. Marois: Non. Je vais attendre.

M. Brochu: D'accord. Je veux revenir sur... M. Marois: Je reviendrai après.

M. Brochu: Je voudrais revenir sur la question de la loi 52 justement parce que je suis encore convaincu — et on ne m'a pas prouvé le contraire — de ce que j'ai avancé ce matin, à savoir que pour les entreprises et peut-être pour la Commission des accidents du travail et aussi pour les travailleurs, on joue à la chaise musicale actuellement avec cette question, et cela fait déjà passablement d'années. Je pense que tout le monde en souffre. Vous avez à payer une partie de la facture et il y a des travailleurs aussi —je pense que vous les connaissez aussi bien que moi — qui se demandent ce qui va leur arriver du jour au lendemain. La situation n'est vraiment pas rase. Vous savez qu'actuellement — vous pouvez même me confirmer les chiffres là-dessus — il y a des gens qui sont atteints d'amiantose reconnue, du moins si le diagnostic positif veut encore dire quelque chose et qui sont reconnus "amiantosés". Ils sont encore sur le marché du travail et ils se demandent s'ils doivent sortir ou non. La loi va-t-elle changer ou non? Il y avait eu des formes d'engagements électoraux même qui avaient été pris dans ce sens autour des années 1976. (15 h 30)

Ces gens viennent à nos bureaux, peut-être aussi aux bureaux des représentants des entreprises, pour dire: Est-ce que je dois sortir du marché du travail ou est-ce que je dois rester? Est-ce que la loi 52 va demeurer ou est-ce qu'elle va être retirée? Est-ce que je suis assuré que je peux vraiment prendre acte de ce qui existe comme loi ou si, demain matin, on va tout reformuler et je vais me retrouver devant rien? C'est ce qu'on vit actuellement; au moment où on se parle, il y a des travailleurs qui sont reconnus, avec des diagnostics positifs, atteints d'un degré d'amiantose de plus de 10%, qui pourraient donc quitter le marché du travail en vertu de la loi 52; ils sont encore dans des usines, ils se demandent ce qui va arriver.

Entre-temps — je resouligne ça parce que ça fait partie de l'anormalité de l'ensemble de la situation — parmi ceux qui étaient déjà sortis, on a commencé ce que j'ai dénoncé l'année dernière comme étant la chasse aux travailleurs de la loi 52. Ceux qui étaient suffisamment atteints étaient reconnus comme invalides au sens du Régime de rentes invalidité. Or le gouvernement a commencé à soustraire de la loi 52 les rentes d'invalidité qui étaient payées à tous les travailleurs du Québec, à côté. Cela donne encore à ces gens une insécurité à l'intérieur de laquelle ils ont à vivre actuellement. Parce que ce n'est pas clair et on n'a jamais statué.

Je comprends que le problème est complexe et je crois qu'au point de départ — vous pourrez me corriger là-dessus dans vos remarques en réponse à ça aussi — lorsqu'on a adopté la loi 75, on a peut-être agi en pompier un peu et on a peut-être été trop vite; ce n'était peut-être pas suffi- samment préparé, ce n'était peut-être pas suffisamment analysé. En tout cas, je ne cherche pas les coupables, je cherche plutôt à trouver des solutions. Le fait est qu'on vit avec un cadre législatif qui n'a pas de bon sens et qui risque de perdurer, ce qui va amener une autre question au ministre tout à l'heure à ce sujet.

Quoiqu'il en soit, c'est que maintenant — vous aviez raison, c'était là le sens des premiers propos que j'ai tenus à cette commission parlementaire — deux ou trois ans après qu'un diagnostic positif a été établi par — ce n'est pas moi qui le dit, c'est le président de la Commission des accidents du travail et c'est le ministre — des experts médicaux reconnaissant par diagnostic positif un degré d'amiantose suffisant pour que ces gens se voient retirer leur permis de travail et être exclus du marché du travail, maintenant, on dit que ce n'est plus vrai. Il y a plusieurs experts qui se sont prononcés, il n'y en a pas seulement un. C'est pour ça que le terme "positif", qu'il soit là ou qu'il ne soit pas là, je me demande ce qu'il va vouloir dire, parce que ce n'est même plus vrai actuellement.

Comment se fait-il que dans plusieurs cas, au même moment, on trouve que, non seulement il n'y a pas diminution de 1% ou 2% d'amiantose, mais qu'il n'y en a plus du tout? C'est la grande question. On peut peut-être commencer là-dessus et on continuera plus loin.

M. Dupéré: Je vais soulever un point. Naturellement, je ne voulais pas en parlant — je sais que je m'exposais, après avoir écouté ce matin, je suis un homme bien averti — ouvrir le débat de façon exhaustive, parce que, comme le ministre le soulignait, c'est un dossier épineux pour tout le monde, pour plusieurs raisons. Naturellement, je vais tenter de confiner mes remarques à un point qui va faire toute la différence, qui va confirmer ce que j'ai demandé pour le mot "positif".

Les cas impliqués de gens à qui on a remis le certificat de retour au travail sont des gens à qui on l'avait retiré par suite d'examens médicaux passés avant le 27 juin 1975, c'est-à-dire l'adoption de la loi 52, et ce sont des gens auxquels la commission a systématiquement retiré sans autre examen leur certificat. En d'autres mots, aucun de ces cas n'a fait l'objet, en 1975 ou 1976, d'un diagnostic positif. La première fois qu'il y en a eu, c'est quand la commission a convoqué ce comité spécial. Ce qui s'était produit est ce qui suit: En 1974, il y avait eu une utilisation abusive du bénéfice du doute. Les compagnies ne disaient pas un mot, c'était 10%, mais la loi 52 est arrivée en 1975 et huit mois après, quand rien ne se faisait, la commission a pris la décision de retirer tous les certificats, sans repasser d'autres examens.

Alors, les gens qui ont passé de nouveaux examens cette année sont les gens impliqués qui avaient eu peut-être le bénéfice du doute en 1974, non fondé et non contesté, c'était mineur, mais, une fois qu'ils leur ont enlevé leurs certificats, ils

ne pouvaient plus travailler. C'était beaucoup plus sérieux.

M. Brochu: Vous me permettrez une parenthèse, c'est que j'ai eu l'information que ces personnes auxquelles vous faites référence ont quand même subi l'examen de 1977, supervisé par la Commission des accidents du travail.

M. Dupéré: C'est ça, c'est qu'on leur a remis leur certificat.

M. Brochu: Non, après 1978 seulement. En 1977 ils ont été reconnus. Ils ont deux diagnostics positifs à leur crédit, dans leur dossier. Par la suite, il y a eu un premier diagnostic qui disait: Vous n'en avez plus en 1978. Là, le ministre a convoqué d'autres experts pour vérifier cette variation et la deuxième commission a dit: Oui, on confirme le fait qu'il n'y en avait pas. Là on arrive à deux diagnostics positifs disant: II y a de l'amiantose à 15%, 16% ou 20%.

M. Dupéré: La seule chose que je vais ajouter, je vais vous dire honnêtement, c'est que la commission, toutes les parties impliquées, le gouvernement font des efforts marqués pour régler le problème et je suis convaincu que la solution du problème que vous soulevez va être réglée dans, au plus tard, trois semaines ou un mois. Je pense que la commission, dont le président est saisi de ce problème, va régler ce problème très bientôt.

Ce que je veux dire, c'est que, si le mot "positif" est enlevé, on va revenir à la même situation de fouillis indescriptible qu'on a connue au cours des trois dernières années. Je ne pense pas que ce soit plus de l'intérêt des entreprises, que de celui de la commission, du gouvernement ou des travailleurs, parce qu'il y a un autre problème social, c'est que, quand on retire un travailleur, quand on n'est pas sûr s'il est malade ou pas et que, trois ans après, on lui dit: Mon gars, tu peux retourner, il ne faut pas oublier qu'il y en a peut-être 500 autres qu'on doit déplacer, il y a les conventions collectives et il y a tout le tralala. C'est pour ça que donner une incapacité de 5% ou 10% à une personne et lui dire de retourner travailler dans un endroit où sa santé ne serait pas mise en danger, où il ne sera pas exposé, est une chose, mais de dire à un homme: Monsieur, on vous retire votre droit de travailler, si on se trompe, au point de vue psychologique, ça marque quelqu'un et, d'autre part, quand il revient, trois ans après, tout le monde a des problèmes; ce n'est plus seulement la question de l'entreprise. C'est la raison pour laquelle on doit tant insister.

M. le ministre, j'ai beaucoup de respect pour vos vues, mais je dois vous dire que le mot "positif" est primordial. Je vous souligne que j'ai déjà eu le même échange avec votre collègue, M. Johnson; je pensais que cette affaire était réglée.

M. Brochu: Vous avez tout à fait raison et le but que je poursuis, en faisant autant de brassage avec cette question, c'est justement que, une fois pour toutes, on fasse le plein éclairage sur la question et qu'on essaie de trouver une façon vivable de régler le problème pour tous ceux qui sont impliqués; pour qu'il y ait aussi le moins possible de préjudices, parce que, lorsque vous avez abordé la dernière question, vous aviez raison. Imaginez le cas d'un père de famille, à Asbestos ou à Thetford, qui a 59 ou 60 ans, à qui on a retiré il y a deux ou trois ans, son permis de travail, qui a peut-être organisé sa vie financièrement en fonction de ça et à qui on dit: Maintenant, vous revenez au travail.

Mon autre question, à la suite de ça, c'est, vous autres, en tant qu'association des mines, êtes-vous prêts, le cas échéant, si jamais c'est prouvé —j'aimerais bien qu'il y ait une enquête là-dessus, qu'on soit assuré de ça — qu'il y a vraiment eu une erreur de la part de plusieurs experts, au même moment, dans le cas d'un grand nombre de dossiers, non pas de 1% ou 2%, mais d'une amiantose reconnue par un diagnostic positif à pas du tout, et qu'on nous fournit des rapports d'enquêtes valables, à reprendre ces gens dans le milieu du travail, aux conditions équivalentes maintenant? C'est la deuxième partie de la question.

M. Dupéré: C'est une question à laquelle, d'une part, je ne peux pas répondre, parce que je ne peux pas engager toutes les entreprises. L'entreprise, pour laquelle je travaille, n'ayant pas de cas d'amiantose, je n'ai jamais été saisi de ce cas. Je n'ai pas le mandat pour répondre à ça.

Même si une personne représentant une de ces entreprises était ici aujourd'hui, je pense que le problème implique des discussions avec les syndicats, avec l'entreprise ainsi qu'avec la Commission des accidents du travail. Malheureusement, je ne pense pas qu'on puisse le régler ici; mais ça me fera plaisir de vous donner toute l'information requise à ce sujet.

M. Filteau: Vous aimeriez savoir si les entreprises seraient prêtes à reprendre...

M. Brochu: Le cas échéant, parce que, là, il va y avoir un ressac de ces travailleurs, supposant que tout cela soit vrai.

M. Filteau: Question très délicate et il devra être laissé à chaque entreprise de décider ça.

M. Dupéré: S'il le faut, on va parler de normalité, de majorité. Je ne pense pas que personne ait l'intention de laisser ces gens sur le pavé...

M. Brochu: Oui, mais là-dessus, il va falloir être très vigilant.

M. Dupéré: La solution finale ne peut pas être prise par une entreprise seule, il va falloir que ce soit avec son syndicat et dire: Voici, tel monsieur, si on le reprend, qu'est-ce qui va arriver? Est-ce qu'on va faire 240 griefs, parce que vous avez déplacé tout le monde. Mais la solution, au problè-

me que vous avez soulevé, est imminente; je pense que ça va être réglé bientôt.

M. Brochu: J'aimerais maintenant me tourner vers le ministre qui aurait peut-être des indications à nous donner là-dessus pour l'information justement de ces gens qui sont concernés, autant ceux qui sont encore sur le marché du travail qui pourraient peut-être sortir que ceux qui sont sortis et qui se demandent s'ils vont être obligés de rentrer. Est-ce qu'il est dans l'intention du législateur de remodifier à un moment donné la question de la loi 52 comme telle? Là on touche à l'aspect du diagnostic positif, mais la loi 52 comme telle est-ce qu'elle va demeurer dans votre optique, dans votre philosophie de gouvernement, est-ce qu'elle va demeurer ou si on va, à un moment donné, la mettre de côté pour essayer de remplacer cela par autre chose et tempérer la situation en ramenant tout le monde sur le marché du travail?

M. Marois: En toute honnêteté, ce que je peux vous répondre aujourd'hui, j'ai eu l'occasion de l'évoquer et je vais m'en tenir à cela. J'ai demandé qu'on procède à un réexamen complet de l'ensemble des régimes d'indemnisation, donc, aussi bien celui de la loi 52 que celui du régime général d'accidents du travail et, dans ce réexamen, toute la question des expertises médicales. Dès que j'aurai en main des recommandations précises, des hypothèses, à ce moment, je serai à même de répondre de façon beaucoup plus précise à votre question. Je n'exclus, partant de là, aucune possibilité.

M. Brochu: Donc, ce qui voudrait dire pour le bien de ces gens, actuellement, qu'on peut leur conseiller en toute bonne foi de ne pas bouger pour le moment tout simplement.

M. Marois: Non, je ne pense pas qu'on puisse tirer une conclusion du genre parce qu'il y a des choses qui sont en discussion entre les gens qui sont impliqués et des entreprises. La Commission des accidents du travail jusqu'à maintenant... Je pense que le porte-parole de l'association vient de l'évoquer, je pense qu'il faut faire extrêmement attention. Il y a des choses qui sont en marche en ce qui concerne un certain nombre de cas en particulier, donc, je crois qu'il faudrait surtout y aller avec beaucoup de délicatesse dans la mesure où des humains sont concernés. Il y a des choses qui sont en marche et je suis porté à croire d'après les renseignements que j'ai et d'après, vous verrez, la réponse — vous l'avez reçue normalement, je présume, ou elle est sur le bord d'arriver, elle doit être arrivée — que vous a adressée le président de la Commission des accidents du travail du Québec en date du 5 septembre, que vous avez là pour votre information personnelle et celle de vos commettants les renseignements pertinents à la suite des questions que vous avez posées. Je pense que pour l'instant, il faudrait y aller avec beaucoup de délicatesse dans la mesure où il s'agit de cas précis et je pense qu'on n'est pas dans le cadre de l'examen général du projet de loi no 17, et je serais porté à nous suggérer à tous de ne pas aller plus loin pour l'instant. Je pense qu'on a cerné, je pense qu'il est plus important... Je ne dis pas que ces cas ne sont pas importants......vous êtes intervenus, je pense que les employeurs aussi sont intervenus, les représentants syndicaux sont intervenus aussi. La Commission des accidents du travail fait le travail le plus colossal qu'elle peut dans ce dossier pour faire en sorte que tout puisse se régler à la satisfaction générale des parties.

Reste cependant l'autre volet, le réexamen, l'ensemble des régimes, ce que j'ai évoqué. Evidemment, cela ne se fait pas en deux jours parce que ce ne sont pas des morceaux simples, cela non plus, et je pense que partant de là, on peut revenir. J'ai pris bonne note de vos commentaires sur l'amendement.

M. Brochu: Simplement, avant que le ministre continue sur ce même point pour clore là-dessus, j'ai effectivement une réponse du président de la Commission des accidents du travail qui donne une partie de la réponse, mais où il reste quand même une zone grise sur la démarche qui va maintenant être suivie. On fait tout simplement confirmer sans donner réponse à un examen plus approfondi qu'il y a eu dans un certain nombre de cas passablement élevés quand même des diagnostics positifs à zéro. C'est un fait.

M. Marois: Si le député me permet, si pour une raison ou pour une autre le député considère que la réponse que j'ai lue, je l'ai eue en main aujourd'hui, qui me paraît à première vue passablement étoffée, lui semble incomplète, je suis certain que le président de la Commission des accidents du travail du Québec va se faire un plaisir de fournir au député tout renseignement additionnel, toute information complémentaire qui vous semblerait pertinente d'avoir en main à ce sujet, concernant les cas en question. Je le tiens de lui.

M. Brochu: Ce que je voulais avoir de la Commission des accidents du travail et du ministre et du gouvernement, ce sont des positions beaucoup plus précises aussi à un moment donné, parce qu'on laisse la porte ouverte dans la réponse du président de la Commission des accidents du travail au fait que maintenant ceux qui pourraient le désirer pourraient être immédiatement réintégrés. C'est maintenant le patient qui décide de son diagnostic.

M. Marois: Je pense que le député de Richmond après trois ans commence à me connaître suffisamment bien pour savoir que j'aime bien donner les réponses quand je suis certain que je peux répondre en toute connaissance de cause et de ne pas dire n'importe quoi, n'importe comment. (15 h 45)

M. Brochu: C'est pour cela que je vais attendre. C'est pour cela que je vous dis que je suis satisfait de la première partie de la réponse, mais je vais attendre la deuxième.

M. Marois: Vous pouvez compter, en tout cas, sur mon entier appui pour vous aider à obtenir, le cas échéant... Je sais que M. Sauvé est très réceptif. Si vous sentez utile que je vous donne un coup de main, ne vous gênez pas, je vais le faire avec plaisir.

M. Grégoire: M. le Président, est-ce que je pourrais demander...

Le Président (M. Marcoux): Si je comprends bien, le député de Frontenac solliciterait le consentement des membres de la commission pour participer aux travaux de la commission.

M. Grégoire: Etant donné que c'est moi qui ai suggéré au ministre, depuis déjà un an et demi, de faire enlever ce mot "positif" de la loi 52, est-ce que je pourrais solliciter...

M. Pagé: Est-ce que vous êtes au niveau de la demande de consentement ou de l'encensement individuel?

M. Grégoire: Au niveau de la demande de consentement.

M. Pagé: Autrement dit, vous voulez demander de parler. C'est cela?

M. Grégoire: Oui.

M. Pagé: On va le donner, à la condition que ce soit bref et sérieux.

M. Grégoire: M. Dupéré, j'ai vu que vous vous opposiez à ce qu'on retranche de la loi 52 le mot "positif". Ce terme, "diagnostic médical positif" voulait dire ni plus ni moins, dans l'esprit de ceux qui étaient appelés à juger en dernier ressort d'un cas d'amiantose, un diagnostic hors de tout doute, où le travailleur n'avait pas du tout le bénéfice du doute. Or, on sait que la médecine n'est pas encore une science exacte, comme les mathématiques, par exemple; en mathématiques, on sait que deux et deux font quatre, alors que la médecine n'est pas encore une science exacte. Des spécialistes aussi compétents les uns que les autres, membres de cliniques médicales spécialisées en pneumologie, peuvent rendre des verdicts différents, et ces cas sont une bonne moyenne sans être la majorité. Je me demande pourquoi l'Association des mines d'amiante ou la mine que vous représentez ou les autres mines seraient contre le fait de donner le bénéfice du doute au travailleur lorsque, déjà, une clinique médicale formée de spécialistes, de pneumologues déclare un mineur atteint d'amiantose, même si la Commission des accidents du travail, elle, qui a aussi ses spécialistes, dit non.

Je vais vous citer un exemple pour vous aider, une réponse de l'association des mines. Il y a un cas que j'ai vu où le type a été déclaré amiantosé par la clinique et les pneumologues de l'Université de Sherbrooke. Or, la Commission des accidents du travail a dit: Non, il n'est pas amiantosé. Les deux cliniques s'entendent ensemble pour l'envoyer subir un examen médical dans une clinique spécialisée à New York. A New York, on dit: Oui, c'est un cas d'amiantose. La Commission des accidents du travail, malgré tout, refuse le diagnostic de la clinique de New York et veut l'envoyer dans une quatrième clinique, à Winnipeg. C'est un cas de dernier ressort, comme on dit en droit criminel, hors de tout doute; le diagnostic n'est peut-être pas positif, puisque devant les tribunaux des bons avocats peuvent interroger et contre-interroger et laisser planer le doute. Trouvez-vous que, dans un tel cas, le mot "positif" s'impose toujours?

M. Dupéré, je voudrais continuer ma question, un seul cas. Vous savez qu'aujourd'hui, pour en arriver à un diagnostic positif hors de tout doute, il faut une biopsie. Une biopsie, cela veut dire faire subir une opération chirurgicale à l'individu, aller prélever une partie du poumon, souvent chez un gars qui est très affecté, et le gars reste après cela trois semaines ou un mois à l'hôpital. Ce sont des souffrances assez fortes qui affectent le gars par la suite. C'est le seul moyen qu'il y a de déterminer un diagnostic positif dans le cas de l'amiantose. Trouvez-vous que cela a du bon sens?

M. Dupéré: Avez-vous fini? Je peux répondre? M. Grégoire: Oui.

M. Dupéré: D'abord, je veux seulement soulever le commentaire suivant: "Positif" n'implique pas hors de tout doute, au même titre qu'une preuve au criminel. Disons que c'est une "balance" de probabilités, mais on n'entrera pas là-dedans. Je n'ai non plus aucune objection, comme l'article 59 de la Loi des accidents du travail le dit dans le moment, à accorder, quand il y a une zone grise, le doute au travailleur. Ce à quoi on s'oppose, c'est à un usage abusif, comme il y a eu dans les années 1973-1974, où, sous le couvert du bénéfice du doute, tout passait.

Dans ce temps-là, ce n'était pas grave; 5%, et la personne était retournée au travail. Aujourd'hui, on ne parle plus de la même chose. Je ne pense pas que ça veuille dire hors de tout doute, au même titre qu'une preuve au criminel. Sans ça, ce serait illogique. Vous avez raison, deux médecins peuvent avoir des opinions divergentes. L'autre point... Là, vous parlez de la Commission des accidents du travail, mais, généralement, ils font de l'excellent travail et ils ont des excellents spécialistes qui les conseillent. Cela me surprend qu'on fasse voyager la personne, comme vous le dites, d'une place à l'autre.

Mais, le bénéfice du doute, autant c'est normal en zone grise, autant il ne doit pas devenir une couverture pour le laisser-aller ou la négli-

gence. On traite de choses très sérieuses et je ne veux pas le mettre d'une façon telle que ça va empêcher, par exemple, un réclamant de toucher une indemnité à laquelle il a droit. Ce n'est pas notre intention, mais, au moins, qu'il y ait tout de même une présomption qu'il soit malade, et ça, ce n'est pas "hors de tout doute".

M. Grégoire: M. Dupéré, je voudrais terminer là-dessus. Vous admettrez tout de même avec moi qu'au début les compagnies se sont servi un peu du mot "positif" pour indiquer que c'était "hors de tout doute". Mais, dans les propositions qui sont faites à l'heure actuelle, un diagnostic médical indique tout de même non pas un diagnostic fait par n'importe qui, par un agent d'affaires de syndicat ou par un médecin de médecine générale, mais un diagnostic fait au moins par des spécialistes en pneumologie. Comme on sait que différentes cliniques peuvent avoir des critères différents pour apprécier l'évaluation d'un cas d'amiantose, alors, que le bénéfice du doute soit donné au travailleur, que le mot "positif" soit enlevé de la loi, quitte aux compagnies ou à ceux qui ont des intérêts en jeu à discuter des méthodes des cliniques de pneumologues pour évaluer les cas d'amiantose. Parfait! Mais, en enlevant le mot "positif", on enlève aux compagnies le privilège dont elles se sont servies abondamment d'avoir le "hors de tout doute" que vous mentionnez présentement.

M. Dupéré: Jamais on ne s'est fondé sur un principe semblable. Je regrette, M. Grégoire, mais ce n'est pas...

M. Grégoire: C'est ce qui a toujours été...

M. Dupéré:... l'intention des compagnies... On ne vit plus en 1930. Une minute!

M. Grégoire: C'est ce qui a toujours été le principal handicap.

M. Dupéré: On a charrié pas mal sur notre dos jusqu'en 1975, mais il y a eu des changements. Quand je dis: bénéfice du doute, je pense quand il y a une zone grise où deux spécialistes disent: Je ne suis pas sûr, mais peut-être. Dans ce cas-là, il n'y a pas de problème. Mais, quand on se limite à un examen banal et qu'on se sert de doute pour accorder toutes sortes de réclamations, il y a une marge différente.

Vous parliez de procédures. Je vais me limiter, parce que ça ne sert à rien, on va continuer. C'est justement pour éviter, comme vous dites, notre droit d'aller poser des questions et discuter des techniques de cliniques. Ce sera une guérilla à n'en plus finir.

M. Grégoire: Je pense que je me suis expliqué, M. Dupéré, surtout après les nombreux appels devant les tribunaux que vous avez faits en 1976.

M. Filteau: Oui, mais on n'a jamais rien obtenu!

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Portneuf.

M. Pagé: M. le Président, j'aurais simplement un commentaire très bref, à l'attention du ministre surtout. Evidemment, l'article 279, dans les mesures transitoires du projet de loi no 17, ne nous avait pas échappé, nous non plus. On n'a pas voulu intervenir sur cette question aujourd'hui, compte tenu des nombreuses implications que ça peut comporter, c'est-à-dire l'amendement à la loi 52. On a commencé à en discuter.

Evidemment, c'est une notion qui mérite certainement d'être bien considérée avant d'être adoptée comme telle, qui impliquera peut-être, de la part du gouvernement et du ministre, le fait d'être réévaluée avant l'étude article par article du projet de loi — en termes d'implications — parce qu'on déplace, par le nouveau libellé, le bénéfice du doute. Dans certains cas, ça ne peut qu'être juste et équitable à l'endroit d'un travailleur, mais ça implique, de la part du gouvernement, une attitude tout à fait nouvelle à l'égard d'un droit qui s'acquiert chez un contribuable, chez un individu. Je serais porté à demander au ministre si l'approche du gouvernement est de dire, dans les cas de silicose et d'amiantose: Lorsqu'on aura un doute sur le degré de la maladie, sur la maladie ou non, sur l'affectation ou non, le bénéfice ira au profit du travailleur.

En quoi le gouvernement et en quoi le travailleur québécois, lui, ne serait-il pas justifié de demander la même position dans les décisions rendues, par exemple, par la Régie des rentes du Québec où un travailleur peut demander à la Régie des rentes du Québec une rente d'invalidité, où il y a un contrôle médical qui se fait et où une décision est rendue par des spécialistes de la régie? Cela pourra aller loin et cela pourra comporter beaucoup. Je demande au ministre, tout simplement, de regarder cela sous tous ses aspects avant de prendre une position définitive.

M. Marois: M. le Président, peut-être en même temps, en tirant le mot de la fin, je prends bonne note des commentaires du député de Portneuf. D'ailleurs, j'ai dit, depuis le début des travaux de cette commission que nous allions regarder de très près les recommandations qui ont été faites, les problèmes qui sont soulevés. Je n'ai pas une attitude figée, sauf pour un certain nombre de choses que j'ai déjà eu l'occasion d'indiquer au point de départ. Notre intérêt et notre préoccupation réelle c'est qu'ensemble on profite de ces auditions et du travail qu'on pourra faire comme équipe parlementaire, au sens très large, pour en arriver à se donner le meilleur projet de loi possible, compte tenu de l'état où on est rendu dans l'évolution comme société, bien sûr.

Je prends note des commentaires du député, mais je lui signale simplement, en passant, qu'il pourrait avoir en partie raison si on retrouvait dans le texte de loi, en ce qui concerne les rentes, l'équivalent de ce qu'on trouve dans le texte de la loi 52, c'est-à-dire l'expression "diagnostic médical positif", ce qui, de mémoire — je vais le

vérifier, cependant— n'apparaît pas dans la loi, ce qui ouvre cependant des mécanismes d'appel. Néanmoins, j'ai pris bonne note des commentaires du député et je vais certainement regarder cela de très près, aussi bien les commentaires que le député de Portneuf a faits que les commentaires que le groupe ici présent a faits.

Je voudrais aussi très rapidement, en terminant, dire — et je ne veux absolument pas que ce soit interprété par qui que ce soit comme mettant votre parole ou vos affirmations en doute; il y a des dossiers qu'on ne connaît pas toujours à fond — comme j'ai eu l'occasion de vous l'indiquer, en cours de route, dans les cas qui ont été évoqués, que dans les comités d'experts médicaux, aussi bien, d'ailleurs, que dans les comités qui ont procédé aux révisions — si ma mémoire est bonne, il y a eu deux séries de comités de révision — dans chacun des cas, il y avait un expert médical choisi, recommandé par chacune des parties, la partie patronale et la partie syndicale, et il se peut, pour toutes sortes de raisons... Encore une fois, je ne veux pas en faire une chicane... je vous inviterais simplement à vérifier dans vos dossiers, en rentrant; vous allez probablement retrouver une lettre du 9 mai 1975 adressée par la Commission des accidents de travail du Québec vous invitant à nommer un expert, et probablement que vous retrouverez le nom de l'expert médical qui avait été recommandé pour la partie patronale aussi bien, d'ailleurs, que le nom de l'expert médical recommandé pour la partie syndicale. Ceci étant dit, je pense que cela clôt, en ce qui me concerne, la discussion sur ce point. Il y a des choses qui datent déjà de 1975, cela a évolué, il s'est passé quatre années. Je comprends que vous n'avez pas que ces dossiers en main, tous les jours, il y a bon nombre d'autres choses sur lesquelles...

Par ailleurs, en terminant, encore une fois, je vous remercie infiniment. Soyez assurés qu'on va regarder de très près les problèmes que vous avez évoqués. Je pense qu'on a eu l'occasion de vous indiquer, mes collègues et moi, autour de cette table, un certain nombre de points sur lesquels, en particulier, on avait l'intention de travailler et sur lesquels on trouvait particulièrement intéressant votre mémoire, votre présentation et les discussions qu'on a pu avoir ici cet après-midi.

Merci.

M. Dupéré: M. le ministre, je voulais vous laisser avec une... Je vais vérifier ma lettre et j'espère que je ne me suis pas trompé, mais je vous dis honnêtement que je ne pense pas encore qu'on n'ait jamais... mais je vais revérifier; ce n'est pas grave.

Je veux seulement vous laisser avec une dernière réflexion, pour revenir au bénéfice du doute, au positif et à tout ce que vous voulez, je vous demanderais d'avoir la bonne grâce de voir vos collaborateurs, médecins et avocats et de leur demander la distinction entre le doute légal et le doute médical. Je ne veux pas faire de débat, mais il y a une grosse différence.

Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie pour la présentation de votre mémoire. (16 heures)

Institut canadien des textiles

J'inviterais maintenant l'Institut canadien des textiles à venir nous présenter son mémoire. M. Robertson.

M. Robertson (Jim): Oui, je passe à M. Chate-lois, notre droit de parole.

Le Président (M. Marcoux): Pardon?

M. Robertson: Je passe à M. Chatelois, notre droit de parole.

Le Président (M. Marcoux): M. Chatelois. M. Chatelois: Oui.

Le Président (M. Marcoux): Si vous voulez bien identifier vos collègues...

M. Chatelois: Sûrement.

Le Président (M. Marcoux): ... et parler très fort près du micro.

M. Chatelois (Hubert): Oui. Merci. A ma gauche, M. Paul Semco, directeur de la sécurité et de la prévention de Celanese Canada Inc., M. Jim Robertson, directeur adjoint, Institut canadien des textiles, à ma droite, M. Armand Lussier, directeur de la fabrication, DuPont Canada Inc., M. Etienne Dubreuil, adjoint au secrétaire et conseiller juridique, Dominion Textile. Mon nom est Hubert Chatelois. Je suis vice-président à la division des services généraux de la Dominion Textile.

M. le Président, l'Institut canadien des textiles a pris connaissance du projet de loi no 17 sur la santé et la sécurité au travail avec grand intérêt et nous vous remercions de votre invitation à cette commission parlementaire. Notre exposé ce matin est le résultat de nos pensées et de nos recommandations, le sommaire, devrais-je dire, le résumé de nos pensées et de nos recommandations.

Avant de pocéder à l'expression de ces pensées et recommandations, j'aimerais vous faire remarquer que je m'exprime à partir d'une formation personnelle de base technologique plutôt que juridique. En fait, la même chose s'applique à MM. Simco et Lussier et nous trois comptons chacun environ 30 ans d'expérience dans l'industrie du textile, c'est-à-dire dans la fabrication même. Ayant franchi les échelons à partir d'ouvrier, de contremaître, de surintendant, nous avons les postes d'aujourd'hui. Si je me donne moi-même en exemple, j'ai été surintendant à l'usine de Sherbrooke, surintendant à l'usine The Merchants' à Montréal, directeur de l'usine Galt à Valleyfield, directeur de l'usine de Montmorency tout près d'ici, vice-président à la fabrication, responsable de quinze usines de la Dominion Textile situées en Ontario surtout au Québec et en Nouvelle-Ecosse.

Or, nous sommes tout à fait au courant puisque nous partons du milieu du travailleur. Nous sommes tout à fait au courant des problèmes de fabrication et des problèmes de prévention des accidents. C'est dans cette optique que nous discutons.

Le projet de loi, croyons-nous, représente sans doute une somme de travail considérable et ses objectifs sont louables. Cependant, certains moyens d'application nous apparaissent lourds. Nous nous permettons donc de vous faire part, à la demande de nos membres, de quelques commentaires constructifs. L'Institut canadien des textiles représente environ 85% de la production du textile au Québec. La valeur de nos expéditions, en 1978, s'élevait à $4 300 000 000. L'institut est composé de grandes, moyennes et petites entreprises. Dans le passé, nous avons été en mesure de participer activement aux différents projets de loi qui ont traité du bien-être des travailleurs et c'est dans cette optique que nous vous présentons aujourd'hui les commentaires suivants.

L'industrie du textile, à partir des principaux indicateurs économiques, tels l'emploi, l'investissement, les avantages sociaux, les salaires et autres, jouent un rôle des plus importants dans l'économie du Québec. Il s'agit d'une industrie complexe, moderne, efficace au plan technologique et qui exige un taux d'investissement élevé. Par exemple, la création d'un emploi en textile primaire nécessite un investissement moyen de $150 000. En plus, l'industrie approprie annuellement des capitaux pour rénover, moderniser, améliorer la productivité de ses installations.

Je me sers d'un exemple de Dominion Textiles, parce que ces exemples me sont bien familiers. Nous avons dépensé $25 millions l'année dernière simplement pour la modernisation et la rénovation. Cette année, nous dépenserons $30 millions. Dans chacun de ces projets de rénovation et de modernisation, nous accordons environ — c'est typique de l'industrie, généralement — 25% de ces montants à l'amélioration des installations pour le bien-être des employés, soit la ventilation, facilités aux cantines, réfrigération, assainissement de l'air, ainsi de suite.

Environ 100 000 travailleurs sont employés par l'industrie primaire au Canada dont 65 000 au Québec, ce qui représente un emploi sur quatre dans le secteur manufacturier du Québec. Les usines de l'industrie textile primaire sont pour la plupart affectées à la production ou au traitement des fibres artificielles et naturelles que l'on transforme en fils ou filés, en tissus ou produits tissés, tricotés et aiguillotés, feutrés, tressés, en comparaison avec l'industrie textile secondaire que nous ne représentons pas qui, elle, ne s'occupe que de la confection des vêtements.

En partie, nos produits sont vendus directement aux consommateurs. Cependant, la majorité des tissus sont vendus à des manufacturiers de vêtements et d'autres industries de transformation. L'industrie textile est un fournisseur de première importance pour l'industrie du vêtement et, de plus, elle dessert les industries des automo- biles, de l'électricité, des mines, du papier et pratiquement toutes les autres industries d'une façon ou d'une autre. Si on regarde autour ici, nous sommes littéralement entourés de textiles.

Le Conseil du patronat du Québec et l'Association des manufacturiers canadiens ont déjà soumis leur mémoire exposant clairement le point de vue de leurs membres respectifs. Quant aux questions de fond soulevées par le projet de loi no 17, nous avons pris connaissance et endossons les recommandations proposées par ces organisations. Il ne nous semble pas approprié d'élaborer davantage sur les détails des mémoires des membres et de ces organisations. C'est pour cette raison que nous limiterons nos commentaires pour ne traiter que de quelques points particulièrement importants à notre industrie.

Commentaire général. Il est difficile d'offrir des commentaires de nature générale concernant l'impact du projet de loi sur les activités de nos membres. D'une part, l'ambiguïté du langage n'est guère rassurante, d'autre part, comme il s'agit d'une loi-cadre, il faudra attendre la réglementation afin de pouvoir offrir une évaluation plus poussée. Nous croyons que l'objet d'une telle loi mérite une attention particulière de la part du législateur et non pas une délégation de pouvoirs considérables aux organismes qui sont chargés de son application.

L'industrie textile primaire est donc, à titre d'employeur d'une importance certaine, préoccupée par cette dimension du projet de loi et nous recommandons qu'aucune disposition du projet, une fois devenu loi, ne soit mise en vigueur avant que la réglementation pertinente n'ait été divulguée et commentée.

Le droit de refus: Nous endossons les commentaires faits par le Conseil du patronat du Québec tels qu'ils nous ont été communiqués. Nous devons aussi ajouter que l'industrie du textile peut être grandement affectée par le droit de refus d'exécution d'un travail, tel qu'accordé par le projet de loi. En effet, le projet de loi n'établit aucun paramètre objectif quant à l'exercice du droit de refus.

Or, dans notre industrie, il existe des procédés de fabrication ainsi que des modes d'opération intimement liés et le droit de refus, tel que proposé, pourrait avoir pour effet de paralyser, sans cause, l'ensemble des opérations d'un établissement. Ainsi, la ligne de production comprend certains procédés où il n'y a qu'un seul travailleur et ce seul travailleur, dans une usine moyenne de 500 employés, par exemple, pourrait arrêter l'usine totalement. Je parle d'un exemple dans une usine de tissage, il y a des exemples de l'industrie primaire, dans la fabrication des filaments et M. Lussier peut vous donner un autre exemple à cet effet.

M. Lussier (Armand): Par exemple, chez nous, celui qui travaille pour le contrôle peut arrêter une réaction chimique par le seul fait de sa propre décision et, par le fait même, causer un danger plus grand, par son action, si le droit de refus était accordé tel que spécifié, tel qu'on l'entend.

M. Chatelois: En d'autres mots, quoique le climat ouvrier-patronal dans notre industrie soit sain, nous craignons des abus possibles lorsque les relations ouvrières-patronales deviennent tendues à l'occasion. Il serait préférable de circonscrire le droit de refus afin qu'il puisse seulement s'exercer en cas de danger grave, évident et imminent, pourvu que ce ne soit pas inhérent aux fonctions exercées.

Le représentant à la prévention: L'Institut canadien des textiles s'en remet à la position adoptée et aux commentaires faits par le Conseil du patronat du Québec. Cette fonction, dont la tâche est décrite au projet de loi, relève du droit de gestion de l'entreprise, droit réservé à l'employeur, et n'a pas sa place dans le projet de loi no 17.

Les responsabilités ultimes de la santé et de la sécurité dans le travail incombant à l'employeur, c'est à ce dernier de voir à mettre en place les mécanismes par lesquels il pourra y arriver. Nous nous opposons à l'imposition d'un tel mécanisme par voie législative ou réglementaire.

Associations sectorielles: L'institut est favorable à ce genre d'associations. Un comité syndical-patronal a été formé au sein de l'industrie textile primaire depuis déjà douze ans. Ce comité, présidé par M. l'abbé Gérard Dion, de l'Université Laval, regroupe des représentants de la haute direction des entreprises ainsi que des représentants de la haute direction des associations syndicales représentatives.

A notre connaissance, il s'agit d'un organisme exceptionnel dans l'industrie manufacturière. Il se réunit d'une façon régulière pour discuter et prendre position sur les problèmes d'intérêt commun et ce comité n'a aucun droit d'intervention au niveau des négociations des conventions collectives.

Nous croyons qu'il est permis d'envisager la formation d'une telle association sectorielle paritaire pour le secteur du textile après consultation et en collaboration avec le comité syndical-patronal de l'industrie canadienne des textiles.

Inspection: Le mémoire du Conseil du patronat et les remarques de l'Association des manufacturiers canadiens sont assez clairs à ce sujet. Cependant, nous croyons qu'il est nécessaire de mentionner notre objection aux pouvoirs extraordinaires dont jouissent les inspecteurs selon le projet de loi.

Le projet de loi accorde aux inspecteurs des pouvoirs qui relèvent de la nature de pouvoirs d'enquêtes, sans référence au processus judiciaire. De plus, ces pouvoirs extraordinaires relèvent, selon nous, d'un domaine de compétence qui n'est pas l'objet du projet de loi à ce niveau. Le droit d'accès n'est soumis à aucun contrôle; nous recommandons qu'il le soit. De même, nous nous opposons à l'accès aux dossiers techniques confidentiels de l'employeur et à la prise de photographies des installations techniques confidentielles de l'employeur. (16 h 15)

M. le Président, c'était notre exposé. Je vous remercie à nouveau et nous sommes disposés à répondre à vos questions.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Marois: M. le Président, je voudrais d'abord remercier bien sûr l'Institut canadien des textiles, ses porte-parole, du mémoire qu'ils nous ont fait parvenir et d'avoir bien voulu accepter de venir témoigner devant cette commission. On a pris connaissance attentivement du mémoire et on va regarder très attentivement toutes et chacune des recommandations contenues dans le mémoire. Cependant, la lecture de votre mémoire m'amène à vous poser un certain nombre de questions très précises, d'autant plus que comme institut canadien — vous l'avez évoqué — vous représentez les entreprises qui produisent non seulement au Québec, mais bien sûr dans d'autres provinces canadiennes. En conséquence, vous êtes bien au fait des lois qui existent dans d'autres provinces, en matière de sécurité au travail et de santé. Mes questions seront donc très précises. En ce qui concerne le droit de refus, je ne suis pas certain que rassortent clairement, de votre mémoire ni des premiers commentaires qui ont été faits un peu comme en ajout à votre mémoire, les embêtements que vous craignez à la suite d'une pratique du droit de refus tel que proposé dans le projet de loi no 17.

Je n'ai pas compris, que vous vous objectiez au principe du droit de refus. C'est une de mes questions, ce n'est pas sûr ce que j'ai cru comprendre. Certaines des entreprises de textiles que vous représentez qui sont membres de l'institut font affaires bien sûr aussi en Ontario, notamment. Vous savez que le droit de refus existe dans la loi ontarienne. J'aimerais que vous nous précisiez le plus concrètement possible les embêtements ou les problèmes que vous appréhendez à partir du libellé de la proposition de l'exercice du droit de refus dans le projet de loi no 17. C'est ma première question.

En ce qui concerne le représentant à la prévention, là j'avoue que ce que vous évoquez dans votre mémoire m'amène à me poser une question et à vous la poser en même temps parce que je ne suis pas certain que je comprends très bien. En quelque sorte, si je comprends bien, vous endossez la position du Conseil du patronat du Québec, en tout cas, à tout le moins, celle formulée dans le mémoire qui nous est soumis. Ils viendront témoigner bientôt devant cette commission. Vous voyez ce représentant à la prévention comme une atteinte au droit de gérance de l'entreprise. J'ai bien compris votre position. Et en quelque sorte, vous êtes portés à nous recommander de ne pas inclure la reconnaissance d'un représentant à la prévention dans un projet de loi.

Si mon interprétation est exacte, si ce que je viens de dire est exact et réflète bien de façon très schématique, parce que c'est plus élaboré que cela ce aue vous avez dit, j'aimerais que vous

m'expliquiez comment des entreprises de textiles faisant affaires en Ontario, membres de votre institut, peuvent vivre présentement avec une loi ontarienne qui reconnaît le droit à un représentant à la prévention pour les travailleurs et qu'au Québec, pour d'autres entreprises des textiles dans une autre province, membres de votre même institut, cela deviendrait quelque chose de pas vivable et une atteinte au droit de gérance quand il s'agit du Québec. J'avoue que je ne suis pas certain que j'aie saisi. Il y a sûrement des éléments qui m'échappent.

Je voudrais au passage, c'est mon troisième point, ce n'est pas une question, je voudrais vous remercier du témoignage concret parce que je crois que vous le visez réellement dans le cas du Québec, vous remercier de l'appui que vous donnez en quelque sorte par votre mémoire à la mise en place et au développement au fond d'associations sectorielles.

Je pense qu'il serait intéressant que vous commentiez un peu, de façon concrète, les réalisations jusqu'à maintenant de cette association sectorielle, au fond, cette espèce de comité conjoint paritaire, si je comprends bien, présidé par l'abbé Dion, et ses modes de fonctionnement. Je pense que ce serait intéressant pour les membres de cette commission d'entendre votre témoignage là-dessus, parce qu'il s'agit d'une proposition contenue dans le projet de loi. On serait certainement intéressé à voir comment cela fonctionne chez vous, et le genre de réalisations que cela a donné. Voilà les questions que j'avais à poser, et mes premiers commentaires.

Quand je fais allusion à la loi de l'Ontario et aux lois des autres provinces, Saskatchewan, BC, que je sache, dans d'autres coins aussi où on reconnaît l'existence de représentants en prévention...

M. Chatelois: II n'y a pas d'usine en Saskatchewan.

M. Marois: Ah bon! On s'en tiendra à l'Ontario.

M. Chatelois: En Ontario et en Nouvelle-Ecosse, au Canada. Non, en principe, nous ne nous opposons pas au refus. Nous appréhendons les abus, tel qu'il est indiqué dans notre mémoire, lors de périodes tendues, lors de conflits ouvriers. Nous n'avons pas de conflit ouvrier présentement. Nous n'avons vécu que très peu de conflits depuis dix ans. Comme je l'ai mentionné, la situation est très saine. Cependant, si on remonte à dix ans, à ce moment on se trouvait toutes sortes d'excuses pour ralentir le travail. Lorsque la loi permet d'une façon bien précise à l'employé de déclarer un danger qui n'est pas qualifié, cela devient une excuse facile pour entreprendre les activités qui sont néfastes à la production et néfastes aussi à la bonne marche des relations, soit des négociations, soit la bonne marche des relations ouvrières-patronales.

En Ontario, M. Semco pourrait peut-être en parler, nous avons des usines, la nouvelle loi doit s'implanter bientôt. Dans ces usines, il existe, comme au Québec, des comités de sécurité qui se réunissent chaque mois où nous rédigeons un procès-verbal, où le nombre de représentants syndicaux est égal à celui des représentants patronaux. A ce moment, nous avons déjà un mécanisme qui fonctionne très bien. Enlever le pouvoir décisionnel à l'entreprise, à notre point de vue, serait une faute. Cela rendrait peut-être la situation un peu décousue. Aujourd'hui, cela fonctionne très bien. Nous coopérons. Il y a de la collaboration. Nous voulons que ce processus continue. Maintenant, en Ontario, M. Semco, est-ce qu'il y aurait des détails que vous avez vécus dans votre usine?

M. Semco (Paul): Les usines de Celanese, en Ontario...

M. Marois: Le micro ne fonctionne pas. Je vous suggérerais peut-être de changer de micro.

Le Président (M. Marcoux): Prenez donc le micro de votre collègue.

M. Semco: Nos usines de Celanese, en Ontario, fonctionnent avec des comités, comme on en connaît ici, paritaires. Le représentant est tout simplement un membre du comité qui fait le travail de représentant seulement comme membre. Il n'a pas la responsabilité d'entreprendre ou d'élaborer un programme. Il travaille en conjonction avec tous les autres membres. Je ne connais pas d'usines qui ont de représentants syndicaux comme représentants simples dans leur usine en Ontario.

M. Marois: Bien sûr, la nouvelle loi, celle qui est venue amender la loi de 1976 de l'Ontario, en ce qui concerne les représentants de la prévention, va entrer en vigueur. Cependant, effectivement, comme vous le reconnaissez, ce phénomène existe déjà. La question que je me posais, aussi bien en regard de la loi qui va entrer en vigueur incessamment en Ontario qu'en regard de l'expérience concrète de l'existence — peu importe l'expression qu'ils utilisent pour le qualifier — de représentant à la prévention, je ne voyais pas en quoi tellement, à première vue, sous réserve d'écouter vos commentaires, qu'il y avait une différence substantielle par rapport à ce qu'on propose. Le représentant à la prévention, c'est une permanence de libération pour faire en sorte que les hommes et les femmes qui travaillent aient aussi un minimum de permanence permettant de les informer, d'accompagner les inspecteurs et de participer aux discussions avec l'entreprise aux comités paritaires. Je ne vois pas en quoi c'est très différent. Mais, à ce moment-là, je vous poserais une autre question.

Reprenant ce que vous avez dit concernant le droit de refus, vous appréhendez les abus. En Ontario, bien que la loi ait été amendée et que

l'amendement va entrer en vigueur, amendement qui inclut maintenant les représentants à la prévention, la loi ontarienne de 1976, elle, contenait déjà le droit de refus. La question très concrète que je voudrais vous poser, sur la base des expériences que vous avez vécues dans vos entreprises, dans les usines de textiles en Ontario, est-ce que vous en venez à la conclusion... J'ai eu l'occasion de rencontrer le ministre ontarien du Travail, qui m'a communiqué le rapport et les chiffres très précis des résultats des premières années de mise en application de cette loi et notamment des données très précises sur l'exercice du droit de refus.

Partant de là, dans le concret, dans la pratique des usines de textiles en Ontario, est-ce que vous considérez qu'il y a eu beaucoup de cas d'abus? Un peu, beaucoup, passionnément, pas du tout? Si vous en arriviez à la conclusion, sur la base de votre expérience, que c'est marginal, sinon pas du tout, les cas d'abus, j'aimerais que vous m'expliquiez à partir de quoi vous croyez et vous appréhendez que lorsqu'on sort de l'Ontario et qu'on vient au Québec dans les usines de textile, là, on peut appréhender beaucoup d'abus?

M. Chatelois: En Ontario, M. le ministre, il n'y a pas eu d'abus.

M. Marois: II n'y a pas eu d'abus. M. Chatelois: II n'y en a pas eu.

M. Marois: Cela confirme les chiffres et les données que j'avais en main.

M. Chatelois: Oui. A notre connaissance, non. Cependant, les règlements de l'Ontario diffèrent de ceux qui sont contenus dans le projet de loi. Ici, le projet de loi indique un mécanisme qui semble assez lourd, qui peut causer des délais à trouver un remplaçant pour une personne qui déclare qu'un tel travail est dangereux. C'est ce mécanisme que nous voudrions éviter afin qu'il n'y ait pas d'arrêt de production dans nos usines.

Lorsqu'il y a eu, en de très rares occasions, en Ontario, un refus de travailler, il n'y a pas eu, d'aucune façon, de perte de fabrication.

M. Marois: Est-ce qu'il ne serait pas exact de dire que, dans les cas d'exercice du droit de refus, sur la base des expériences d'autres provinces, d'ailleurs, qui confirment les bases d'expériences des autres pays où existe le droit de refus, dans un pourcentage extrêmement élevé, possiblement plus de 90% des cas, les problèmes se sont réglés très rapidement et à la base, sans même l'intervention de tiers, de l'extérieur, je veux dire notamment sans même de contrôle d'inspecteurs?

M. Chatelois: Oui, ... dans certains cas, dès qu'on souligne un danger, nous le faisons, même s'il n'existe pas de droit de refus; nous procédons immédiatement à la correction d'un problème qui n'existait pas, par exemple, que nous n'avons pas vu. C'est dans notre intérêt; c'est dans l'intérêt du travailleur. Les choses se règlent souvent à l'amiable. Nous appréhendons simplement des situations où il n'est pas possible de transiger, quelles que soient nos bonnes intentions.

Si on donne aux travailleurs toute cette latitude sans qualifier le mot "danger", à ce moment-là, je crois que nous sommes vulnérables et nos intentions ne changent pas. Nous voulons poursuivre la correction des dispositifs qui pourraient être dangereux. (16 h 30)

M. Marois: Je ne veux pas prolonger la discussion, mais je pense que votre témoignage est particulièrement intéressant dans la mesure où, encore une fois, je pense que vous êtes le premier groupe qui, dans ce sens, se présente devant nous, et qui a pu vivre, par ses membres, des expériences dans d'autres provinces. A ce point de vue, c'est intéressant; c'est très éclairant pour les membres de cette commission.

Vous appréhendez, en d'autres termes, pas tellement les abus quant à l'exercice du droit de refus, vous avez des craintes qu'il devienne difficile de transiger pour régler les problèmes. Sur quoi fondez-vous une telle affirmation? Il vous a été possible, jusqu'à maintenant, de transiger avec les syndicats qui sont dans vos entreprises pour régler les problèmes; la même chose s'est présentée en Ontario, il n'y a pas eu de cas d'abus, selon votre témoignage. Sur quoi fondez-vous une appréhension qui vous amènera à conclure que dans le cas du Québec cela pourrait être très difficile de transiger?

Remarquez que cela ne met pas en cause la nécessité, si c'est votre point de vue, d'examiner les modalités, l'articulation de l'exercice du droit de refus; cela, c'est une autre chose. Encore une fois, comme je l'ai évoqué, on est bien prêt à regarder les modalités, les articulations. En quoi appréhendez-vous que ce sera plus difficile, alors que ça ne l'est pas présentement, nous dites-vous, dans vos entreprises au Québec, alors que ça ne l'a pas été en Ontario depuis l'entrée en vigueur de la loi qui introduit le droit de refus. En quoi appréhendez-vous que maintenant, avec l'introduction dans un cadre légal du droit de refus au Québec, cela devienne tout d'un coup beaucoup plus difficile de transiger rapidement pour régler les problèmes?

M. Chatelois: Peut-être que je devrais simplement mentionner qu'au Québec nous avons déjà vécu des expériences où on s'est servi d'excuses pour provoquer un ralentissement de travail. En voici une de plus. En Ontario, nous n'avons pas vécu ces expériences. Il y a d'autres raisons, et M. Lussier peut ajouter quelque chose à ce que je viens de dire.

M. Lussier: Si vous me permettez, M. le Président, je me permets de dire que nous ne sommes pas contre le droit de refus; ce droit

existe. Tout ce que nous demandons, c'est que le mot "danger", comme il existe aussi en Ontario, soit qualifié. Dans le projet de loi no 17, le mot "danger" n'est pas qualifié et nous sommes à la recherche des qualificatifs qui seraient semblables à ceux de l'Ontario. M. le ministre a fait référence aux mécanismes où les problèmes, dans la majorité des cas, sont réglés à la base, en Ontario. Je ferai remarquer au ministre que le mécanisme ontarien est complètement différent du mécanisme qui est proposé dans votre loi.

M. Marois: Différent, je l'admettrais volontiers; complètement, cela m'apparaît peut-être un peu fort, mais je veux bien, à nouveau, regarder de plus près.

M. Lussier: Différent.

M. Marois: Différent, oui, bien sûr.

M. Lussier: On s'entend sur le mot "différent". Si les mêmes mécanismes existaient, probablement que nous serions pleinement d'accord sur le projet tel que soumis, et si le mot "danger" était qualifié. Merci.

M. Chatelois: M. le ministre, pour répondre à la question, vous nous avez demandé de commenter les accomplissements du comité syndical-patronal qui existe depuis douze ans, ce comité a été créé à la suite d'un conflit ouvrier, c'est un des conflits ouvriers majeurs dans l'industrie du textile — il y en a eu très peu — afin d'échanger des idées au niveau de l'administration, de la convention collective. Aussi, il y a eu une coopération bien étroite comme les syndicats et le patronat pour faire des représentations auprès du gouvernement fédéral en ce qui regarde la protection tarifaire des produits du textile.

Un des gestes peut-être unique qui s'est présenté, c'est qu'il y a eu un mémoire conjoint du patronat et des syndicats qui a été soumis au gouvernement fédéral et qui a produit des résultats qui se sont avérés très avantageux pour l'industrie. Ces temps-ci, la productivité est un sujet qui est à l'ordre du jour. On cherche des moyens — sans affecter le bien-être des employés, leur mode de vie — d'augmenter la productivité de nos usines de façon à maintenir la rentabilité dont nous jouissons ces temps-ci.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Portneuf.

M. Pagé: M. le Président, très brièvement, je voudrais remercier M. Chatelois et son groupe de leur témoignage aujourd'hui. Généralement, lorsqu'une association comme la vôtre vient déposer ici en commission parlementaire — je ne vous en fais pas un reproche — elle nous donne un portrait de ce qui s'est fait dans son secteur d'industrie dans le domaine de la sécurité et des démarches ont été faites en prévention, etc. J'aimerais vous entendre un peu là-dessus. J'aimerais aussi que vous puissiez me dire quelle a été la part de cette relation employé/employeur dans les négociations dans les comités paritaires, s'il y en a, pour améliorer la situation ou les problèmes qui pouvaient exister chez vous et de là, on pourrait voir aussi si la situation a évolué de façon positive en termes d'accidents du travail, en termes de sécurité depuis un certain nombre d'années et depuis le renouvellement de certaines conventions collectives.

M. Chatelois: La part du comité syndical patronal ne peut pas se mesurer au niveau de la négociation des conventions collectives. Ils n'interviennent pas. Ils interviennent en ce qui regarde généralement l'état de l'industrie, sa rentabilité, l'état des employés, leurs gains et leur bien-être. Il n'y a pas de recommandation précise en ce qui regarde la santé et la sécurité. Cependant, il y a des politiques générales qui sont exprimées. Il appartient aux directeurs ou aux chefs de fabrication de voir à ce que des comités de sécurité soient formés dans chaque usine et nous avons des mécanismes, des manuels écrits pour régir les actions et les agissements de ces comités. Toute usine a son comité de sécurité qui se réunit tous les mois. Il y a un nombre égal de représentants syndicaux comme patronaux. Les recommandations des membres du syndicat sont bien reçues et dans la mesure du possible, des corrections immédiates sont apportées à leur suggestion.

M. Pagé: Sur les 65 000 travailleurs au Québec dans ce secteur, quel est le pourcentage des employés syndiqués chez vous?

M. Chatelois: Le nombre, le pourcentage d'employés syndiqués?

M. Pagé: Le pourcentage d'employés syndiqués.

M. Chatelois: Je dirais que ce serait près de 75%.

M. Pagé:75%? M. Chatelois: Oui.

M. Pagé: J'aurais un dernier commentaire et surtout une question à poser au ministre à la lumière d'un argument que vous avez invoqué et d'une réserve que vous avez exprimée relative au pouvoir réglementaire. Vous craignez comme beaucoup d'autres intervenants le pouvoir réglementaire et le nombre assez appréciable de règlements qui seront adoptés en vertu de cette loi parce que la loi — comme vous l'avez indiqué — est une ossature et la chair devra y être greffée.

Tout cela sera fait par règlement. Les règlements, comme vous le savez, sont adoptés par le lieutenant-gouverneur en conseil. Ils sont adoptés dans certains cas du projet de loi no 17 par la commission de la santé et de la sécurité du travail. Le ministre ne croit-il pas parce que cette question est importante, fondamentale, la question de la santé et de la sécurité dans notre société — le ministre a semblé jusqu'à maintenant mettre de l'avant un processus de participation et de consultation par des auditions et par le dépôt d'un livre blanc, par un projet de loi déposé, commission parlementaire et auditions avant la deuxième lecture — peut-on espérer et escompter qu'au lendemain de l'adoption de la loi, M. le ministre, on pourra avoir une commission parlementaire comme celle-là, peut-être en février ou mars prochain, une fois la loi adoptée, pour étudier et discuter ensemble la teneur des règlements?

Ce serait peut-être le moyen le plus adéquat pour faire en sorte que des projets de loi comme le projet de loi 198, si ma mémoire est fidèle, présenté par mon collègue, le député de Saint-Laurent, prévoient un mécanisme bien particulier pour que les députés, les parlementaires puissent avoir voix au chapitre et échanger sur les règlements adoptés par le Conseil des ministres. Dans ce cas-ci, ça pourrait faire l'objet d'une première et ce serait certainement très intéressant.

M. Marois: Je ne déteste pas, quand c'est nécessaire, fondé et que ça s'impose, le cas échéant, faire les premières, quand ça doit être fait. Je ne suis pas non plus un maniaque de faire des premières pour le plaisir de faire des premières. Cela étant dit, sans blague, plus sérieusement, à partir du moment où la loi 17 en vigueur, ce serait l'économie générale de la loi 17 et la lettre qui s'appliqueraient en ce qui concerne le pouvoir réglementaire.

Essentiellement, comme vous le savez, ce que le projet de loi prévoit, c'était un engagement pris à l'occasion du premier sommet économique de la Malbaie, et là-dessus, il y avait un consensus, si ma mémoire est bonne, c'était un consensus qui ressortait, solide, aussi bien du monde patronal que du monde syndical, qui demandait d'être associé intimement non seulement à une discussion sur les projets de règlements, mais d'être associé à l'élaboration des projets de règlements. Donc, ça va encore plus loin que la proposition, la suggestion que vous faites, M. le député de Portneuf.

C'est d'ailleurs ce qui est retenu dans le projet de loi 17 puisque c'est la commission, dont le conseil d'administration est composé des représentants du monde patronal et des représentants du monde syndical, qui va élaborer les projets de règlement et, forcément, qui va le faire s'il s'agit de règlements susceptibles de toucher particulièrement le secteur des mines, consulter les agents concernés et impliqués. Cela va être d'autant plus facilité dans les cas où il existe des associations sectorielles, on pense au cas du textile, par exemple, pour, par la suite, les soumettre au gouvernement du Québec.

Si ma mémoire est bonne aussi, le projet de loi 17 prévoit, en plus, la prépublication de ces règlements. Donc, on a retenu la formule qui nous avait été suggérée en essayant de trouver une façon de l'articuler dans le concret, à l'occasion du sommet économique, par le monde patronal et le monde syndical.

Le Président (M. Marcoux): Le député de Beauharnois.

M. Lavigne: M. le Président, ça me fait plaisir de poser quelques questions aux gens devant nous qui sont dans le domaine du textile, parce que vous n'êtes pas sans savoir que je suis le représentant à l'Assemblée nationale du comté de Beauharnois et que la Dominion Textile possède des usines assez importantes à Beauharnois. Vous devez sans doute les connaître.

Dans le tableau 8 du livre blanc, à la page 32, on parle du nombre d'accidents du travail et de maladies professionnelles par 100 travailleurs, selon les secteurs d'activité économique. On voit dans le domaine du textile, en 1977, que les maladies et les accidents sont de 7,58% par rapport à une moyenne de 7,41%.

J'aimerais poser une première question. Dans ces 7,58% qu'on retrouve dans le tableau, on pourrait décomposer ces maladies et ces accidents à peu près dans quel ordre? On sait qu'il y a différentes maladies qui découlent du textile, comme la Byssinose qui est une maladie que le travailleur est susceptible d'avoir quand il est exposé aux poussières de coton particulièrement. Il y a aussi la surdité pour les gens qui travaillent aux métiers et à la filature, il y a la teinture et les allergies. (16 h 45)

Advenant la mise en vigueur du projet de loi 17, dans le comté de Beauharnois, plus particulièrement, si on arrivait à éliminer ces maladies ou à améliorer la situation, est-ce que ça entraînerait des coûts fabuleux pour la compagnie, pour le réaménagement, pour les appareils, pour la ventilation, pour l'outillage, dans le but de diminuer, d'une façon très sensible, les maladies qu'on retrouve dans ces usines?

M. Chatelois: C'est une très bonne question. Si je peux répondre par sorte de maladie?

M. Lavigne: D'accord.

M. Chatelois: Commençons par la byssinose, celle que vous avez soulevée la première. La byssinose est une affection des poumons dont les effets se manifestent après 20 ou 25 ans d'exposition à la poussière très fine contenue dans le coton, une poussière de sept microns ou moins. La norme du gouvernement provincial, pour le contenu de poussière dans l'air d'une usine de coton et polyester, est de un millgramme par mètre cube. Dans les usines de Valleyfield, nous rencontrons ces normes, parce que, dès que la byssinose s'est manifestée et qu'on a commencé à

la connaître, nous avons dépensé des sommes d'argent pour assainir l'atmosphère de nos usines.

Il reste encore des petits endroits, ici et là, et, comme je l'ai mentionné tantôt, dès que nous entreprenons un programme d'amélioration, de rénovation, nous ne négligeons jamais d'accorder une partie des capitaux à l'amélioration du bien-être des employés.

Donc, la byssinose, où on avait, en nombre, environ — là je réfère à notre compagnie — 25 à 30 réclamations par année, cette année jusqu'à maintenant, nous en avons eu quatre. Il reste quelques endroits où nous avons encore un peu de travail à faire, mais j'estime que ce travail est complété peut-être dans une mesure de 90% ou 85%; c'est une estimation.

Nous avons aussi adopté, il y a quelques années, un programme de dépistage, afin de s'assurer qu'une personne ne devienne malade après 25 ans. Nous avons acheté les équipements nécessaires, c'est-à-dire des équipements de spirométrie. Chaque usine est équipée et nous faisons subir des examens à nos nouveaux employés, dès qu'ils entrent, pour s'assurer qu'ils ne sont pas déjà affectés ou n'ont pas des poumons allergiques, et aussi à nos employés réguliers. Dès qu'il y a quelque chose que nous soupçonnons, nous avons réservé les services de deux médecins du Royal Victoria pour analyser les résultats et donner suite dans le cas des personnes qui pourraient être affectées.

Nous avons donc posé des gestes bien positifs à ce sujet.

En ce qui regarde la surdité; vous avez mentionné l'usine de Beauharnois, l'usine de finition; ce n'est pas un problème. La norme du gouvernement est de 90 décibels et l'usine de finition est nettement inférieure à ce niveau de bruit.

Cependant, dans les usines de tissage, de toutes les compagnies, il ne se produit pas, malheureusement, de machines qui peuvent opérer à un niveau de bruit inférieur à 90 décibels; elles ne sont pas disponibles. Le Canada n'est pas un pays manufacturier de machines de textile. Nous devons nous procurer ces machines aux Etats-Unis surtout, en Allemagne, en Belgique, en Suisse, et la technologie n'a pas été développée dans les procédés clefs, à un point où il existe des machines qui fonctionnent à un niveau de bruit inférieur à 90 décibels.

Dans ce domaine aussi, nous avons équipé chacune de nos usines avec des instruments, des appareils pour vérifier l'ouïe de nos employés; nous fournissons, tel que le suggère la Loi des établissements commerciaux et industriels, des appareils auriculaires à nos employés; c'est disponible en tout temps. Malheureusement, ici, la loi ne semble pas claire, elle n'oblige pas, à notre avis, l'employeur à forcer l'employé à porter ces appareils.

Nous souhaiterions vous présenter ici l'occasion de le mentionner, nous souhaiterions, dans toute l'industrie, que le droit soit plus spécifique à ce sujet et que cela devienne obligatoire, pour tout employé dans des circonstances comme celle-là, de porter des appareils auriculaires.

Quant aux allergies je n'en connais pas, je regrette.

M. Lavigne: Cela va, mais je voulais juste ajouter que dans le projet de loi no 17, vous avez un paragraphe qui oblige l'employé à porter son appareil, l'employeur à s'assurer...

M. Chatelois: Parce que les syndicats nous disent: si le gouvernement ne l'impose pas, de quel droit pouvez-vous, vous l'industrie, l'imposer?

M. Marois: C'est l'article 40, paragraphe 12. Les trois dernières lignes.

M. Chatelois: "Mettre à la disposition du travailleur — ce que nous faisons — tous les moyens et équipements de protection... — ce que nous faisons — et s'assurer que le travailleur, à l'occasion de son travail, utilise ces moyens et équipements." Et s'il refuse? Ce n'est pas clair ici. Les syndicats nous disent que nous n'avons pas le droit de prendre de mesures disciplinaires. Et nous faisons cela pour leur bien! Nous essayons. Remarquez bien que dans plusieurs des usines de l'industrie, les employés portent, dans une mesure de 90%, les appareils auriculaires, mais il semble que dans certains centres, on s'obstine à ne pas les porter. Je pourrais en nommer ici, dans la province de Québec où, tout près d'ici, il y a 25% des employés qui en portent, et à 60 milles d'ici, on a 90% des employés qui en portent. Donc, il est souhaitable, de notre point de vue, que le port des appareils auriculaires soit bien précisé.

M. Lavigne: Merci pour toutes ces réponses.

Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie au nom de tous les membres de la commission. J'inviterais... Vous avez quelque chose à ajouter. Allez-y.

M. Dubreuil (Etienne): Oui, M. le Président, s'il vous plaît, pour surenchérir sur ce que M. Chatelois disait tantôt, la question des obligations du travailleur à porter l'équipement de sécurité. On note que dans les obligations du travailleur, à l'article 38 et suivants, aucune mention spécifique à savoir que le travailleur doit respecter le programme, c'est-à-dire qu'il doit en prendre connaissance, mais il n'est pas mentionné qu'il doit le respecter. Il serait peut-être, à ce moment, un peu plus clair et je pense que cela nous aiderait quant à nous, le fait d'inscrire qu'il soit obligé de le respecter sinon on risque de se retrouver dans le même bateau qu'on a été avant. Vous allez me dire: C'est peut-être implicite, mais si c'est implicite, ce serait peut-être bon que ce soit explicite.

M. Bisaillon: Est-ce que vous me permettriez de poser une question, monsieur? Ne pensez-vous pas que le port d'appareils, évidemment il y a un élément de protection au port d'appareils, cela a des effets aussi qui sont "négatifs" dans le sens que cela nous empêche d'aller plus loin et d'enlever la cause même. Autrement dit, on porte un

appareil auditif, mais pendant le temps qu'on fait porter l'appareil auditif, on ne dépense pas les énergies, on ne fait pas faire l'expertise, on ne fait pas faire la recherche pour éviter ou pour annuler la cause même, c'est-à-dire le bruit. C'est mitigé, cette question. Bien sûr, tant et aussi longtemps qu'on n'a pas trouvé le moyen d'enlever le bruit, le port de l'appareil est essentiel, sauf que si on se limite uniquement au port des appareils ou qu'on garde dans une loi uniquement cela comme solution, cela peut avoir comme effet d'empêcher la recherche de se faire pour éviter ou pour enlever, pour faire disparaître les causes.

M. Chateiois: Remarquez bien que nous reconnaissons qu'il est souhaitable d'enlever la cause, premièrement. Le port de l'appareil n'est qu'un palliatif, quoi! Les fabricants de machinerie textile que j'ai mentionnés tantôt, aux Etats-Unis, eux aussi ont des règlements à observer. Aux Etats-Unis, OSHA, un organisme gouvernemental, impose ses règlements.

Les Américains, comme les Européens, développent des machines où le niveau de bruit est moindre. Un métier à tisser, par exemple, qui produisait 105 décibels est maintenant réduit à 93 décibels. Remarquez qu'au-delà de 90, l'intensité du bruit ou l'effet du bruit est proportionnel à la racine cubique, c'est-à-dire de monter de 90 à 91 décibels, c'est une augmentation de trois fois le nombre absolu exprimé. C'est déjà un accomplissement majeur de partir de 105 décibels à 93, mais on n'a pas encore passé le seuil de 90. Nous savons, et nous l'avons observé, que les fabricants s'efforcent de nous fournir des machines plus perfectionnées. Un jour, cela se réalisera, mais ce n'est pas pour demain, je regrette.

Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie beaucoup de la présentation de votre mémoire. J'inviterais maintenant le Conseil québécois du commerce de détail à venir nous présenter son exposé. M. Ponton?

Conseil québécois du commerce de détail

M. Ponton (Gérard): M. le Président, je voudrais tout d'abord vous remercier de cette invitation et, en premier lieu, vous présenter mes collègues. A ma gauche, M. Gérald Harbec, directeur du personnel de la maison Simpsons; à mon extrême gauche, M. Adrien Fortier, directeur de la prévention à la compagnie les Supermarchés Dominion Ltée; à ma droite, M. François Legault, directeur adjoint du personnel de la maison T. Eaton; à mon extrême droite, M. Paul Hogue, directeur des services de la prévention de la maison Steinberg.

Avec votre permission, compte tenu que certains des arguments ont déjà été entendus ce matin, je voudrais limiter l'essentiel de mes propos à la première partie de notre mémoire, ainsi qu'à six aspects principaux de nos commentaires, article par article. En conséquence, j'aimerais obtenir votre permission de verser notre mémoire intégralement au journal des Débats.

Le Président (M. Marcoux): Avec plaisir. (Voir annexe A).

M. Ponton: Merci, M. le Président. Le Conseil québécois est une association incorporée en vertu de la troisième partie de la Loi des compagnies du Québec. Nous regroupons au Québec des membres dont le volume d'affaires représente approximativement 50% des ventes au détail annuelles en magasin. Nous regroupons également plusieurs associations affiliées et membres associés intéressés au commerce de détail. Trop peu souvent est-il fait mention de l'importance des détaillants comme pourvoyeurs des biens et services de notre société. En 1976, le commerce de détail comptait 48 204 points de vente pour un volume d'affaires total de $14 600 000 000. Le commerce de détail a contribué, en 1976, pour $2 600 000 000 à la valeur ajoutée, représentant 7,4% du produit intérieur brut du Québec. Avec 7,5% de la masse salariale totale en 1976, le commerce de détail emploie 308 000 travailleurs, correspondant à 12,4% de l'emploi total. En annexe I de notre mémoire, ces statistiques sont tirées du récent rapport du CEFECQ déposé en mars 1979.

Nous vous soumettons, dans le présent mémoire, les recommandations et suggestions de notre organisme sur le projet de loi 17, Loi sur la santé et la sécurité du travail. Le présent mémoire n'est pas une appréciation de tous et chacun des articles du projet de loi, mais seulement de certains aspects du projet de loi qui préoccupent plus particulièrement les détaillants, considérant le secteur d'activité dans lequel ils sont engagés. Vous reconnaîtrez également des passages ou des arguments qui seront repris dans d'autres mémoires d'associations patronales, et ceci pour la simple raison que, compte tenu de l'importance que nos membres attachaient à cette argumentation, nous avons cru bon de les reprendre à notre compte. Je pense, entre autres, au mémoire du Conseil du patronat du Québec.

Le Conseil québécois appuie le principe d'une loi visant à améliorer la santé et la sécurité du travail et vous témoigne aujourd'hui de son désir de coopérer et d'apporter son appui à ce genre de loi. Cependant, compte tenu de l'expérience d'accidents dans notre secteur d'activité, nous estimons qu'il n'y a pas de relation entre les coûts qui résulteront de cette réforme et son application dans notre secteur d'activités commerciales. Il s'agit, dans notre cas, sans aucun doute, d'une mesure disproportionnée aux résultats recherchés, soit d'assurer la santé et la sécurité de nos employés. (17 heures)

En effet, le secteur commerce est un des secteurs d'activités économiques ayant fait l'objet d'une désignation dans le cadre de la nouvelle classification des employeurs à la Commission des accidents du travail du Québec, et les taux de cotisation du secteur 6 varient de $0.10 des $100 de salaire à $8.10 des $100 de salaire.

Il est bon de mentionner que le taux moyen de cotisation des employeurs à la CAT sera de $1.79

en 1980, en baisse de $0.02 par rapport à 1979, alors que le taux moyen était de $1.81.

La grande majorité, pour ne pas dire la totalité des employeurs membres du Conseil québécois du commerce de détail ont un taux de cotisation inférieur à cette moyenne des contributions des employeurs avec un maximum de $1.19 des $100 de salaire dans le cas des supermarchés. Ce taux était de $1.23 en 1979.

Les magasins à rayons, pour leur part, paieront $0.61 des $100 de salaire, en baisse de $0.02 par rapport à 1979.

Les établissements de vente de vêtements étaient, pour leur part, cotisés à $0.23 des $100 de salaire.

Ceci nous permet de conclure que la sécurité ou, si vous aimez mieux, la prévention des accidents du travail, en plus d'être une préoccupation chez nous, et le commerce de détail, font bon ménage.

Nous aimerions, M. le Président, aborder, en premier lieu, ce qu'il nous apparaît, nous, comme étant certaines restrictions au droit de gérance de nos entreprises.

Nous soumettons que le projet de loi no 17 empêche, selon nous, l'entreprise d'assumer ses responsabilités en matière de santé et de sécurité du travail, en imposant un comité d'entreprise qui exercera un pouvoir décisionnel dans les domaines sur lesquels ce comité a juridiction en vertu de l'article 63.

Nous croyons que les questions de santé et de sécurité du travail, de la prévention des accidents font parties des responsabilités de l'entreprise en collaboration avec les employés.

Le projet de loi attribue l'obligation financière et juridique à l'employeur, sans lui permettre d'exercer pleinement ses pouvoirs de gérance sur cette question.

Le projet de loi confère au comité d'établissement les pouvoirs de l'entreprise, sans y rattacher une responsabilité financière.

Finalement, nous estimons que le projet de loi consacre une restriction au droit de gérance en assujettissant au consentement du comité tout programme de santé et de sécurité additionnel à celui qui aurait été établi et, ceci, en vertu de l'article 96.

Nous estimons qu'au lieu de mettre l'accent sur la collaboration qui doit exister entre les employeurs et les employés pour rechercher l'objectif commun, on établit, au premier chef, une instance décisionnelle dans l'entreprise. On rétorquera et fera état du caractère volontaire de la formation de ces comités. Cependant, l'article 57.2 permet d'y passer outre et l'article 280 d'institutionnaliser les comités établis par suite de la négociation d'une convention collective et de leur conférer l'autorité et les pouvoirs élaborés à l'article 63.

Le gouvernement, M. le Président, a fait adopter plusieurs lois dont, notamment, une loi amendant substantiellement la Loi sur les accidents du travail pour les employeurs et les indemnités furent accrues. Un programme de mérite-démérite est actuellement prévu pour entrer en vigueur en 1981 ou 1982. Toutes ces mesures mettent l'accent sur la prévention en vue de réduire la fréquence et la gravité des accidents et auront comme effet de forcer la prévention. Nous partageons cet objectif.

Nous croyons cependant que le projet de loi no 17 saute une étape en ne permettant pas à l'entreprise d'exercer pleinement ses responsabilités dans ce domaine. En conséquence, nous vous recommandons de modifier le projet de loi de façon à permettre au comité d'établissement d'exercer un rôle consultatif en matière de santé et de sécurité du travail.

En ce qui a trait aux coûts, M. le Président, les coûts de la réforme envisagée seront importants et nous appuyons la recommandation du livre blanc qui veut que le choix des établissements où s'appliquera d'abord la procédure de création d'un comité paritaire sera effectué en fonction de la fréquence et de la gravité des accidents du travail et des maladies professionnelles.

Le projet de loi, cependant, n'introduit nulle part cette réserve et nous croyons opportun de recommander que la commission puisse exiger la formation d'un comité en vertu de l'article 57.2 dans les cas où la cotisation de l'employeur est supérieure à la moyenne des contributions annuelles des employeurs auprès de la Commission des accidents du travail.

Notre troisième remarque, M. le Président, porte sur les comités de santé et de sécurité. Nous favorisons la mise sur pied volontaire d'un comité consultatif de santé et sécurité. Nous recommandons, outre l'amendement suggéré à l'article 57, à savoir que la commission peut exiger la constitution d'un comité de santé et sécurité pour toutes les entreprises payant un taux de cotisation supérieur au taux moyen annuel des cotisations des entreprises à la Commission des accidents du travail, que l'article 280 soit amendé de façon à éviter que les comités établis en vertu d'une convention collective soient institutionnalisés en vertu d'une loi. Ces recommandations auront pour effet d'assurer une juste proportion, selon nous, entre les bénéfices en résultant pour les employés de ce secteur et les coûts additionnels pour l'entreprise engendrés par la mise en oeuvre de la réforme.

Dans la très grande majorité des 34 000 employeurs du secteur 6, il n'y aurait pas lieu de procéder à la formation de ces comités, compte tenu que le taux de cotisation illustre la faible fréquence et la faible gravité des accidents pouvant survenir dans le secteur du commerce de détail.

En ce qui a trait aux représentants à la prévention, M. le Président, encore une fois, nous estimons que l'entreprise est responsable au premier chef de la santé et de la sécurité des employés, et la nomination d'un représentant à la prévention ne fera que diluer encore, selon nous, cette responsabilité. Les fonctions que confère au représentant à la prévention l'article 69 font, selon nous, partie du pouvoir de gérance et, à ce titre, devraient être exercées par l'entreprise. Nous

croyons qu'il faut éviter de favoriser la confusion entre relations de travail et santé et sécurité du travail. L'article 78 du projet est pertinent lorsqu'il propose que l'association sectorielle n'ait aucun droit d'intervention, ni de consultation au niveau des relations du travail.

Quant au droit de refus de travailler, nous appuyons le principe du droit, pour l'employé, de refuser de travailler lorsqu'une situation dangereuse pour sa santé et sa sécurité se produit. Cependant, nous estimons que ce droit ne devrait pas être exercé de façon à nuire au droit des autres travailleurs et de l'entreprise de fonctionner. Nous estimons qu'il est important de permettre à l'entreprise d'assumer ses responsabilités et d'apporter, dans un premier temps, les correctifs qui s'imposent de façon à permettre le règlement de la plainte dans les meilleurs délais. Ce n'est que lorsque les correctifs apportés ne permettent pas à l'employé de reprendre le travail que le mécanisme d'inspection devrait être mis en oeuvre. De plus, l'employeur devrait, selon nous, pouvoir remplacer l'employé qui refuse d'exécuter le travail à la condition que le deuxième employé soit informé du refus de l'employé et des raisons de ce dernier.

Sur le mot "danger", nous estimons important qu'il soit qualifié de façon qu'il permette à l'entreprise, en accord avec l'employé et le comité de santé et sécurité, le cas échéant, de procéder au règlement de la plainte. Nous recommandons que le mot "danger" soit qualifié de "danger immédiat et grave". Dans sa rédaction actuelle, le mot "danger" nous paraît trop large. Un mauvais fonctionnement des systèmes d'air conditionné ou de chauffage constitue-t-il un danger pour la santé? S'agit-il d'un danger immédiat et grave? La réponse à l'une ou l'autre de ces questions peut varier selon qu'on utilise le mot "danger" ou les mots "danger immédiat et grave".

Au niveau des services de santé au travail, nos objections portent principalement sur la question du médecin de l'entreprise et sur le fait que le projet de loi semble ignorer presque complètement les services de santé au travail du secteur privé mis en place par les employeurs pour les besoins des employés. Sur le médecin de l'entreprise, le projet de loi no 17 confie au comité de l'établissement le soin de choisir le médecin de l'entreprise à même une liste dressée à cet effet par le centre hospitalier de la région.

Nous acceptons qu'un contrôle de l'expérience du médecin et de ses qualifications dans le domaine de la médecine du travail puisse être exercé, mais nous soumettons qu'il appartient à l'entreprise de procéder à l'engagement du médecin. Le médecin constitue pour l'entreprise la pierre angulaire de tout son système de prévention. Il agit à titre de personne ressource pour tout ce qui concerne la santé des employés. En fonction de l'entreprise et de son activité commerciale, il détermine les examens médicaux requis, la fréquence des examens médicaux, les administre, étudie les antécédents médicaux au moment de l'embauche. Dans notre secteur, les maux de dos et ceux qui concernent la structure des colonnes vertébrales représentent des facteurs importants d'évaluation de la santé de nos employés et de leur affectation.

Le médecin est indispensable au bon fonctionnement de l'entreprise. Etre médecin d'entreprise, c'est connaître à fond les rouages de l'entreprise et les contraintes et exigences qu'ils posent à la santé et à la sécurité des employés. Quant à leur compétence, l'entreprise n'en est pas le juge. Il appartient à la Corporation professionnelle des médecins de se prononcer sur cette question et nous laisserons aux associations concernées le soin de l'élaborer.

Quant aux services de santé du secteur privé, le médecin de l'entreprise peut compter actuellement sur des services de soutien techniques nécessaires à la bonne marche de l'entreprise dont la santé et la sécurité des employés est un élément majeur. Un personnel qualifié voit au bon déroulement et fonctionnement des programmes de santé dans nos entreprises. Ces personnes ont également une connaissance intime du fonctionnement de l'entreprise pour élaborer les programmes dont l'entreprise a besoin.

Nous croyons que le projet de loi devrait permettre aux entreprises de continuer à fonctionner et développer les services techniques dont elles se sont dotées tout en laissant le choix aux entreprises d'opter pour les services du réseau public si elles le désirent, le DSC assumant un rôle de supervision sur l'implantation des programmes-cadres de santé et de sécurité.

Advenant le cas où notre recommandation ne serait pas acceptée, il faudrait, je pense, M. le Président, prévoir une forme de dédommagement pour les entreprises qui possèdent présentement des équipements et facilités utilisés à des fins de santé.

Sur nos commentaires article par article, nous aimerions simplement retenir six points particuliers, entre autres, l'article 1, paragraphe 14 sur la définition du mot "établissement". Cette définition, M. le Président, pose des contraintes importantes dans le secteur d'activité. Le mot "établissement", tel que défini, nous incite à croire qu'il serait nécessaire, le cas échéant, de mettre sur pied un comité de santé et de sécurité dans chacun des magasins appartenant à une même entreprise, compte tenu qu'il s'agit d'un ensemble d'installations physiquement groupées et organisées sous l'autorité d'une même personne, le directeur de magasin. Or, si ce mécanisme peut être valable pour certains secteurs, on ne peut en dire autant pour le secteur du commerce de détail. Si une entreprise possède 200 magasins au Québec, est-il raisonnable d'envisager la formation de 200 comités de santé et de sécurité au travail sous réserve, comme nous l'avons mentionné antérieurement, de la gravité et du taux de fréquence qui pourraient justifier la formation de ces comités.

Exception faite des cas où l'entreprise et les employés négocieraient l'organisation d'un comité par magasin, il y aurait lieu, selon nous, de préciser que la commission pourrait demander la

formation d'un comité par entreprise dans le cas de l'article 57, deuxième paragraphe, ou encore lorsque l'entreprise et les employés en conviennent ainsi. Il s'agirait d'un assouplissement du projet de loi qui serait important pour le commerce, considérant le grand nombre d'établissements dont peut être propriétaire une entreprise.

Le deuxième commentaire que nous aimerions formuler, M. le Président, porte sur les articles 32 à 37 sur la question du retrait préventif de la travailleuse enceinte. Comme employeurs ayant à leur emploi beaucoup de personnes de la gent féminine, il nous apparaît important de vous mentionner qu'en vertu de la Loi sur les normes du travail, une ordonnance sur les congés de maternité a été adoptée et nous croyons que toute cette question relative aux congés de maternité devrait faire l'objet d'inclusion dans cette ordonnance. En ce qui concerne plus particulièrement le retrait préventif de la travailleuse enceinte, ce sujet y est également considéré et nous ne croyons pas opportun que le projet de loi en traite également.

Compte tenu que toute indemnité qui serait versée à la travailleuse enceinte se rattache davantage, selon nous, à une politique de bien-être et de sécurité sociale, nous croyons qu'il n'appartient pas à la Commission des accidents du travail de verser des indemnités afférentes à la travailleuse enceinte, bien qu'il soit bien entendu et clair que nous sommes d'accord pour qu'une indemnité lui soit versée, comme le prévoient d'ailleurs les programmes existants.

Le commentaire suivant, M. le Président, porte sur l'article 38 où, dans les faits, aucune obligation n'est faite au travailleur d'utiliser les moyens et les équipements de protection qui seront mis à sa disposition en vertu de l'article 40. Plusieurs de nos entreprises, il est vrai, éprouvent de la difficulté à convaincre les travailleurs de porter un tablier de protection, par exemple, dans les boucheries, pour éviter les coupures au ventre lors du débita-ge des pièces de viande. Nous recommandons d'ajouter un paragraphe à l'article 38 pour obliger le travaîlleur à utiliser les moyens et les équipements de protection individuels et collectifs mis à sa disposition conformément à l'article 40.

Sur les articles 56 à 66, M. le Président, nous avons formulé nos recommandations dans la troisième partie du mémoire en vous faisant valoir l'absence de relation entre les avantages en résultant et les coûts occasionnés par la mise en place du régime, compte tenu du faible taux de fréquence et de gravité des accidents du travail dans notre secteur. Nous recommandons que le commerce ou, si vous aimez mieux, les points de vente soient exemptés de l'application des articles 56 à 66 sauf si, bien sûr, les parties en conviennent autrement par entente.

Un commentaire en terminant, M. le Président, sur l'article 147. Nous pensons qu'il serait important de modifier l'article 147 de façon à prévoir que la décision de l'inspecteur soit suspendue par l'appel de la décision devant la commission, sous réserve cependant du pouvoir de la commission de maintenir la décision de l'inspecteur jusqu'à ce qu'elle ait rendu sa propre décision. M. le Président, je vous remercie. (17 h 15)

Le Président (M. Marcoux): M. le ministre.

M. Marois: M. le Président, je voudrais remercier le Conseil québécois du commerce de détail de son mémoire. C'est un mémoire qui est assez volumineux. Soyez assuré qu'on va regarder de très près chacun des éléments de problème que vous soulevez et l'examiner au mérite, surtout après les échanges qu'on va avoir ici à cette commission, et les différentes recommandations que vous formulez.

Je voudrais, parce que vous l'avez évoqué à bon nombre de points qui ont été soulevés depuis deux jours, m'en tenir simplement à quelques points très rapidement. La première des choses, c'est que je me demande si vos craintes concernant la définition d'établissement sont fondées. Il y a une règle qu'il ne faut jamais perdre de vue, bien sûr, je pense bien que vous le savez, quand on regarde les textes de loi, les articles s'interprètent les uns par rapport aux autres. Il faut faire toujours attention, quand on isole un article. L'article 1, qui concerne des définitions, entre autres "établissement", doit être lu en relation avec l'article 56. En d'autres termes, pour qu'il y ait comité paritaire, il faut qu'il y ait, selon l'article 56, 10 travailleurs.

Je pense, par exemple, à une chaîne de points de vente de souliers. Vous disiez qu'il n'y aurait pas lieu qu'il y ait un comité paritaire dans chaque entreprise. L'exemple que je viens de prendre, je ne connais pas beaucoup d'entreprises qui auraient 50, 75, 100 points de vente de souliers dans lesquels lieux de point de vente il y aurait 10 travailleurs et plus. C'est une des conditions pour qu'il y ait un comité paritaire. Deuxièmement, l'article 56 dit bien aussi qu'en plus il doit s'agir d'un établissement qui appartient à une catégorie identifiée à cette fin par règlement.

Premièrement, vos craintes, de ce point de vue, ne me paraissent pas fondées. Mais peut-être que vous voudrez revenir là-dessus. Deuxièmement, ça recoupe aussi une autre de vos préoccupations et là-dessus, on est parfaitement d'accord avec vous. Vous avez repris le livre blanc en disant que vous étiez en accord avec l'idée qui était évoquée dans le livre blanc d'établir des priorités, des secteurs. En tenant compte, en particulier, des taux de fréquence d'accidents, on ne pourra pas tout faire en même temps, c'est bien certain. Si j'ai bien compris, vous vous disiez en accord avec l'hypothèse de priorité suggérée dans le livre blanc.

Cela n'est pas exclu par le projet de loi 17, bien au contraire; j'attire votre attention sur, encore une fois, l'article 56 qui implique qu'il y aura des priorités établies. L'article 185, paragraphes 1, 4, 9, prévoit justement que la Commission québécoise de santé et sécurité du travail va devoir établir des priorités. Comme vous le savez,

à cette commission siégeront les représentants du monde patronal, les représentants du monde syndical, pour définir ces priorités, en sachant très bien que tout ne pourra pas être fait en même temps.

Il y a aussi l'article 129, paragraphe 9 qui concerne encore les priorités. Ce que nous avons fait, c'est de formuler une première hypothèse de priorité qui apparaît dans le livre blanc, que nous continuons à regarder et que nous entendons soumettre à la commission. Mais nous voulons aussi respecter cette autre idée qui avait été évoquée à l'occasion du sommet économique qui était la suivante: on demande, aux parties patronales et syndicales, d'être impliquées dans le processus de détermination des priorités, sachant que tout ne peut pas être fait en même temps. C'est ce que prévoit précisément le projet de loi, par les articles que je viens d'évoquer.

Troisièmement, si ma mémoire est bonne, — j'avoue que, là, je le donne sous réserve — la loi ontarienne de 1976, amendée, et dont les amendements vont entrer en vigueur incessamment, mais la loi 76 étant toujours en vigueur, les amendements concernant notamment les représentants à la prévention, couvre aussi le commerce. Il se peut que je me trompe. Si ce n'est pas le cas... Ce n'est pas le cas?

M. Ponton: M. le Président, j'ai ici une copie du projet de loi 70, 27 Elizabeth II, 78...

M. Marois: Excusez-moi, je parle de la loi de 1976; ce que vous me citez là, c'est le projet de loi qui, depuis, a subi des modifications. Ce que vous avez en main a été modifié et c'est devenu, depuis, une loi adoptée en Ontario et qui va entrer en vigueur incessamment. Mais la loi de 1976, si ma mémoire est bonne, couvrait aussi le secteur du commerce, mais il se peut que je me trompe.

M. Ponton: Ce que je sais, par expérience, et après en avoir parlé avec les membres des entreprises, entre autres, en Ontario, c'est que l'article 8, paragraphe b), sous-paragraphe ii) crée une exemption pour ce qu'on appelle "shop where goods and services are sold". Il apparaîtrait que les points de vente sont exclus de l'application du projet de loi 70, en Ontario, sauf la transformation. Alors, la question du représentant à la prévention n'aurait pas non plus d'application pour le secteur du commerce ou le secteur des points de vente.

M. Marois: On ne s'étendra pas là-dessus, je vérifierai de mon côté. Ce que vous avez en main, c'est le projet de loi de 1978, ce n'est pas la loi de 1976. Si ma mémoire est bonne, la loi de 1976 incluait le commerce.

Deuxièmement, étant donné que vous avez en main le projet de loi, vous n'avez pas en main la loi qui a été adoptée en Ontario amendant la loi de 1976 et qui va entrer en vigueur. Enfin, passons, nous vérifierons de notre côté.

Le troisième élément sur lequel j'aimerais intervenir est le suivant: J'aimerais vous entendre commenter beaucoup plus amplement une affirmation que vous faites dans votre mémoire, à l'effet que le simple fait d'introduire un représentant à la prévention vient diluer — je pense que l'expression que vous utilisez est encore moins nuancée que celle que j'utilise là — à tout le moins, sinon enlever le droit de gérance. Cela m'apparaît gros comme affirmation. Quand on regarde l'article 69 du projet de loi no 17, on dit que les fonctions du représentant à la prévention sont "de faire l'inspection des lieux de travail pour s'assurer que les règlements et les dispositions du programme de prévention sont respectés; de prendre connaissance des événements qui ont causé un accident grave ou mortel; d'identifier les situations qui peuvent être source de danger pour les travailleurs; de faire au comité de santé et de sécurité — qui est un comité paritaire — les recommandations qu'il juge opportunes; d'assister les travailleurs dans l'exercice des droits qui leur sont reconnus par la loi; d'accompagner l'inspecteur — pour une fois que les travailleurs pourraient aussi avoir quelqu'un qui accompagne les inspecteurs lorsqu'ils se présentent dans les entreprises — à l'occasion des visites d'inspection". En quoi cela dilue-t-il, si ça n'élimine pas les droits de gérance? J'avoue que je ne comprends pas.

M. Ponton: Sur le premier point, M. le Président, la définition du mot "établissements", nous sommes très au fait de l'application de l'article 56, mais comme il s'agit d'une loi-cadre qui va prendre sa forme finale lorsque les règlements seront connus, on voulait quand même faire valoir que, à notre avis, il n'y avait pas vraiment de proportion entre les coûts et les avantages pour le commerce, compte tenu de notre faible taux d'accidents.

Ceci dit, un peu par comparaison avec ce qui s'est passé en Ontario — je n'ai pas le texte de loi que le ministre a mentionné tantôt, mais j'ai vérifié hier et on m'a encore une fois affirmé que les points de vente étaient exclus de l'application du projet de loi de 1976, comme le ministre dit. Je vais également le vérifier. Le point de vente est, comme tel, une exclusion dans le projet de loi et ce n'est pas une exclusion qui sera déterminée par règlement ou qui peut probablement ne pas faire l'objet de priorité, comme le ministre l'a mentionné tantôt. C'est la première des choses.

En ce qui a trait au rôle du représentant à la prévention, on peut peut-être parler de responsabilité patronale partagée ou responsabilité de l'entreprise parce que nos membres estiment que les fonctions qui sont dévolues sous l'article 63 font partie des responsabilités de leurs directeurs de la prévention des accidents. Il y a deux de ces messieurs qui sont ici aujourd'hui et ils pourront compléter ma réponse. Mais la préoccupation principale au niveau du représentant à la prévention — en plus de cet aspect, on pourrait peut-être parler de responsabilité partagée — c'est d'essayer d'éviter du mieux possible qu'il y ait confusion entre relations de travail et prévention des accidents du travail.

Dans nos consultations, c'était principalement à ce niveau que les commentaires ont été mentionnés parce qu'on pense qu'être en situation de conflit ou mêler les deux, prévention des accidents et relations de travail, on risque souvent d'envenimer les choses et de ne pas vraiment obtenir les résultats que l'on recherche.

M. Marois: Oui, si vous permettez, cela confirme bien ce que je pensais. Ce que vous avez mentionné concernant l'exclusion des points de vente, c'est uniquement pour les comités, la mise en place de comités. La loi ontarienne exclut les points de vente dans le cas de la mise en place des comités.

M. Ponton: Je suis d'accord, M. le ministre.

M. Marois: Cela n'exclut pas l'ensemble du secteur commerce de l'ensemble de l'application des droits et des obligations de la loi comme telle et notamment de l'application du droit de refus.

M. Ponton: Je suis d'accord avec vous.

M. Marois: Notamment, du représentant à la prévention qui existe à partir de très bientôt en Ontario en vertu de la nouvelle loi qui est adoptée. J'aimerais que vous m'expliquiez. C'est exactement la question que j'ai posée tantôt et ce sera ma dernière question. Bien sûr, j'imagine que vous reviendrez en plus sur les autres points que j'ai mentionnés sur les questions soulevées. Certains de vos membres, que ce soit Dominion, que ce soit certaines des chaînes de distribution de vêtements, ont aussi des points de vente en Ontario. Pourquoi est-il possible de vivre avec cela en Ontario, mais qu'il ne serait pas possible de vivre avec cela au Québec?

M. Ponton: Je peux le demander à M. Hogue, M. le Président.

M. Marois: Quoique tantôt, vous étiez là, je présume, un témoin antérieur est venu nous dire qu'à leur connaissance, dans leur secteur — il s'agissait du textile — ils ne connaissaient pas de cas d'abus dans le cas du textile.

M. Ponton: M. Hogue pourra confirmer, M. le Président, mais ma propre compréhension — et je vais vérifier, quitte à recommuniquer avec M. le ministre, s'il le faut, subséquemment — c'est que là où il n'y a pas de comité, sauf peut-être dans le secteur de la construction où on parle de projet, avec l'article 7, là où il n'y a pas de comité, dans notre cas, chez nos membres on m'a informé qu'il n'y avait pas non plus de représentant à la prévention. C'est un phénomène que les points de vente n'ont pas vécu dans la province ontarienne au niveau de leurs opérations. C'est ma compréhension du projet de loi de 76, quitte à le revérifier.

M. Marois: Cependant, vos membres, en

Ontario, ont vécu avec le droit de refus et ont vécu avec un droit de refus qui n'est pas qualifié.

M. Ponton: M. le ministre, le droit de refus, en Ontario...

M. Marois: Contient des exclusions.

M. Ponton: Contient des exclusions lorsqu'on décrit des situations dans lesquelles il n'y a pas danger pour la santé et la sécurité, soit dans l'environnement dans lequel l'employé exécute son travail ou, encore, au niveau des équipements et des conditions physiques de son environnement. Dans un article du projet de loi, je crois qu'il y a quatre ou cinq paragraphes qui donnent des exclusions de situations qui ne constituent pas un danger, alors que dans la loi québécoise, nous avons le mot "danger". Notre interprétation était que si on le qualifiait, ce n'était pas seulement pour le restreindre, mais pour vraiment donner l'application du droit de refus là où il doit s'exercer. C'est uniquement l'objectif que l'on poursuit. (17 h 30)

L'exemple que je vous donnais tantôt, ce sont les systèmes de climatisation et de chauffage. Si, à un moment donné, ils sont défectueux, il peut y avoir danger, mais est-ce que c'est un danger immédiat grave? Je pense que toute la discussion... En tout cas, pour nous qui avons des établissements de vente et où les portes ouvrent souvent, c'est un problème important, toujours dans l'esprit non pas de restreindre le droit de refus, mais bien de le qualifier pour permettre la meilleure solution. D'ailleurs, nous ne contestons pas l'exercice de ce droit.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Portneuf.

M. Hogue (Paul): Seulement pour compléter ce qu'on a dit au sujet des comités; en Ontario, les points de vente sont exempts. A l'article 8 de la page 11, on dit que les membres du comité qui représentent les travailleurs devraient désigner quelqu'un, mais il faut commencer par avoir un comité, en Ontario. Où il y aurait l'obligation d'avoir un comité, c'est lorsque, dans le département de la viande d'un magasin, il y a 20 employés et plus. A ce moment, il y aurait un comité pour le département de la viande seulement, mais il n'y a rien dans le "sales area" en français.

Au point de vue des comités, je dois vous avouer qu'on a décidé, de même que les supermarchés Dominion, d'avoir des comités de santé et de sécurité dans chacun de nos magasins. Je dois avoir 160 comités de sécurité qui travaillent chez moi. Cela fonctionne très bien jusqu'au point où ils ne veulent pas participer. C'est un autre problème. Quand les employés nous disent: J'ai mon voyage...

M. Marois: Je ne suis pas sûr d'avoir suivi toute la logique.

M. Hogue: Quand on demande aux employés de participer, parfois ils nous disent: Ecoutez, je fais mon ouvrage, ne nous achale pas avec cela, on n'a pas de "trouble" ici, tout va bien. On a assez de difficulté, mais cela s'en vient tranquillement. Nous avons formé ces comités parce que, dans les supermarchés, nous avons des dangers qui n'existent pas dans les commerces Eaton, etc., — je peux les nommer — nous avons des couteaux. Un brillant employé du ministère du Travail nous a dit que ce n'était pas nécessaire d'avoir des tabliers de bouchers; il a dit: Vous n'avez qu'à enlever vos couteaux. C'est bien intelligent, mais je ne l'ai pas trouvé drôle. Partant de là, nous avons cette coopération. Nous avons un programme très bien organisé de prévention des accidents. En tout temps, j'ai des ordres de mes patrons, c'est la participation des ouvriers sur tous les points, mais sur une base de conseillers, sur une base de suggestion. Cela va très bien. Ils ne se gênent pas du tout. Ils font leur réunion. Ce n'est pas un délégué qui fait l'inspection. Ce sont deux des membres qui font le tour pour faire l'inspection. On veut la participation de tout le monde pour un point, mais ce sont des suggestions qu'il faut. La différence qu'il y aurait entre décisionnel et faire des suggestions serait peut-être ceci: Les membres du comité — il peut y en avoir jusqu'à quatre employés payés à l'heure — et les membres de la gérance sont dans la même union, le même groupe. Ils font partie d'une même chose. C'est un côté de la médaille. Par contre, lorsqu'ils font des suggestions, on fait plus que notre possible pour les appliquer. On tient à garder nos employés chez nous en tout temps. Il y a des dangers qui existent chez nous: Des planchers glissants, des déchargements, des appareils de levage, etc., qui n'existent pas dans d'autres magasins. C'est pour cela que nous avons décidé, Dominion et nous, d'aller réellement d'avant là-dedans. Il n'y a pas d'inconvénient. On a des programmes de formation, on a tout pour aider de ce côté. On a même inclus dans le dernier contrat qu'on ne veut pas que toutes les chaînes de magasins qui n'ont pas nos problèmes ou nos besoins soient, par le fait même, obligées de suivre ces choses. On peut dire que, sur une base volontaire, on a une très bonne réponse en ce qui concerne les comités. Ce qu'on ne veut pas, c'est décisionnel. Là, cela devient une autre chose. Tasse-moi le mur de six pouces, parce que cela nous fatigue quand on passe. On ne veut pas cela. C'est dans cette optique. Toutes les suggestions raisonnables sont... Cela va très bien de ce côté.

Par contre, ajouter l'article d'être obligé de porter l'équipement protecteur, on y tient beaucoup. Fournir de l'équipement protecteur, comme on l'a dit tantôt, les tabliers de boucher et les faire porter, c'est un autre problème. C'est pour cela qu'on a bien avisé d'inclure dans nos demandes d'ajouter un article sur les responsabilités de l'employé de voir à porter l'équipement protecteur, que la gérance soit obligée de le faire porter.

M. Marois: Excusez-moi, je ne suis pas certain d'avoir très bien saisi la dernière partie de votre intervention.

M. Hogue: Dans les responsabilités de l'employé, article 38, on voudrait ajouter un article: Que l'équipement protecteur jugé nécessaire pour le travail soit obligatoirement porté.

M. Marois: A défaut de quoi?

M. Hogue: Nous avons des procédures de pénalité en vigueur en ce moment; il y a un premier avis, deuxième avis, etc., toujours dans le but de sauver ces gentilshommes, parce que je dois vous informer que c'est très froid, recevoir une lame de douze pouces dans le ventre.

M. Marois: Bien sûr! Ne pensez-vous pas que, justement, dans la mesure où — aujourd'hui en particulier, et je présume encore pour une bonne partie de la journée, on va parler du droit de gérance — d'une part, on nous dit: Vous nous grignotez nos droits de gérance, vous rayez nos droits de gérance, vous nous enlevez des droits de gérance, on prend bonne note, on va regarder tout ça de très près. Mais, en ce qui concerne les équipements de sécurité, y aurait-il moyen de faire porter l'obligation sur le dos des travailleurs? En d'autres termes, voulez-vous manger le gâteau au complet ou...

M. Hogue: Non, M. le ministre...

M. Marois: C'est parce que... Non, je ne blague pas. C'est très sérieux, cette question.

M. Hogue: Oui, mais...

M. Marois: C'est très sérieux, d'une part, parce que, ou vous voulez les droits de gérance et vous voulez les assumer pleinement. L'article du projet de loi qui dit "s'assurer que les travailleurs portent les équipements... pas n'importe quelle sorte de patente d'équipements. On en a vu de tous les genres dans certains coins, vous le savez comme moi, où c'est une farce. Pas n'importe quoi et non pas accroché à n'importe quelle sorte d'approche, non plus, en s'imaginant que parce qu'on a fourni un équipement de sécurité, le problème est réglé. On sait fort bien que dans certains cas, si on s'attaquait à la racine même du mal, certains équipements de sécurité pourraient devenir inutiles, ce qui serait d'ailleurs beaucoup mieux. La preuve a été faite dans certaines entreprises que pour certains types de problèmes, c'était possible.

Il n'y a pas deux poids, deux mesures dans l'ensemble de tout ça. Ou alors, vous voulez partager les choses, ce qui est une hypothèse qu'on formule, ou alors vous voulez conserver l'ensemble des droits de gérance. Alors, conservez-les pleinement. Quand on dit "s'assurer que", ça veut dire que vous assumez vos droits de gérance normaux.

M. Hogue: C'est que dans le paragraphe 2.1 de l'article 3787 actuel, on dit que la responsabilité de la santé et de la sécurité au travail est la responsabilité de la gérance. Bonjour! Deuxième

élément, vous devez porter — l'article 14.1, si je ne me trompe — l'employé doit porter tout équipement protecteur qui lui est fourni, suivant les nécessités du travail. Il y a peut-être quelques employés qui sont comme des "Mickey Mouse", comme vous dites, équipés de toutes sortes de choses, mais il y a certains équipements majeurs, comme le port du gant, le port des tabliers que, chez les bouchers chez nous — je peux parler pour moi — c'est obligatoire. Le gant, cela a passé. Cela allait assez bien. Côté tablier? On a eu certains problèmes. C'est pour ça que je disais tantôt que... C'est l'orgueil, l'esprit rébarbatif... Tout équipement protecteur, c'est un peu un inconvénient, nous sommes assurés de ça, mais il y a des inconvénients qui valent la peine. Alors quand c'est jugé par le comité de santé et de sécurité ou par la gérance qu'on doit porter un certain équipement parce qu'on connaît les dangers, autant pour laver un barbecue, on donne un protecteur facial parce que le savon leur brûle la peau... Il y a certains points critiques comme ceux-là après étude. On ne tient pas à dépenser $100 000 en équipement pour rien, mais quand on le fournit, c'est nécessaire. A ce moment-là, il devrait y avoir une obligation de le porter, comme il y avait avant à l'article 3787. Sans ça, ils vont dire... Pour quelques négatifs, c'est malheureux, ce n'est pas toujours ceux-là qui ont des accidents. C'est ce point qu'on voudrait faire valoir chez nous.

C'était pour ajouter à votre réponse tantôt lorsque les personnes qui sont venues avant ont demandé pourquoi? On dit: Chez nous, c'est...

M. Ponton: M. le Président, si vous permettez...

Le Président (M. Marcoux): Oui.

M. Ponton: Je pense qu'il ne faut pas voir, dans ces propos, une contradiction, M. le ministre, parce que...

M. Marois: Je veux bien.

M. Ponton: II n'y en a pas. Il est vrai que s'assurer que les équipements de sécurité sont portés par les employés, si l'employé ne veut pas le porter, il y a des mesures disciplinaires qui peuvent entrer en ligne de compte, une fois, deux fois, et des choses comme ça. Si, dans un texte de loi, comme participation de l'employé à sa propre santé et sécurité, l'article 38 faisait mention de l'obligation de porter les équipements de sécurité mis à sa disposition, j'ai l'impression que l'on arriverait beaucoup plus facilement à atteindre les résultats que l'on recherche.

En d'autres termes, cela semble ridicule à dire, mais le simple fait d'avoir une inscription dans un texte de loi disant que les employés doivent porter l'équipement de sécurité qui leur est fourni va faciliter les choses et inciter davantage, délicatement, les employés à dire: Oui, c'est vrai, c'est écrit dans la loi, il faut que je le porte. C'est vrai qu'il y a des recours punitifs qui exis- tent, mais on aimerait ne pas avoir à recourir à ces mécanismes. Comme le livre blanc mentionnait que la responsabilité de la santé et la sécurité, c'est aussi l'affaire des employés, il faut que l'employé se sente impliqué et un peu obligé de contribuer à sa propre santé et sécurité. C'est dans ce sens que d'ajouter un paragraphe à l'article 38 aurait des résultats très positifs, compte tenu d'expériences antérieures vécues qui sont réelles.

M. Hogue: Je voudrais ajouter juste un mot. Enlevez l'obligation d'arrêter à un feu rouge demain matin, vous allez voir; il en passe déjà 80 tous les matins au coin de rue où je passe, vous allez voir comment ça passe.

M. Marois: C'est dans quelle municipalité?

M. Hogue: Montréal.

Une Voix: Les policiers s'en viennent.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Portneuf.

M. Pagé: M. le Président, je remercie M. Ponton et messieurs du Conseil québécois du commerce de détail pour la présentation de leur mémoire qui est assez bien étoffé. Vous mettez en relief plusieurs éléments bien particuliers qui vous affectent, plusieurs articles, et même vous êtes allés jusqu'à plusieurs formulations d'amendements possibles. Il va de soi qu'on va non seulement prendre bonne note de tout cela, on l'a d'ailleurs lu, mais on va étudier l'impact des amendements que vous proposez avec beaucoup d'attention et cela saura certainement guider nos interventions, surtout lors de l'étude du projet de loi article par article.

J'ai une question pour vous et une question pour M. le ministre. Vous représentez un secteur de commerce de détail qui est quand même assez diversifié. Vous avez les entreprises qu'on pourrait qualifier de moyennes et vous avez beaucoup de petites entreprises. La loi à ce chapitre est peut-être plus ou moins claire, dans le sens qu'un comité et toute la mécanique de la loi 17 peuvent s'appliquer dans une entreprise de plus de dix employés qui fait partie de la nomenclature établie par la commission de la santé et de la sécurité.

Dans certains secteurs de votre association, des interventions particulières seront nécessaires, des comités de santé et de sécurité seront peut-être plus utiles. Le monsieur qui comparaît devant nous faisait état d'un secteur important de votre association, le secteur alimentaire et, encore là, je crois qu'il y a bien des nuances à l'intérieur de ce secteur. Ce n'est pas nécessairement dans les entreprises de plus de dix employés que la férule de la commission ou la férule des règlements devra davantage intervenir. Il peut y avoir des problèmes aigus dans le secteur alimentaire dans plusieurs petites entreprises de moins de dix employés, alors que le coût de férule risque de tomber sur les entreprises qui ont plus de dix employés et qui — on l'a vu ici, ce n'est un secret pour personne,

dans bien des cas au Québec, plus l'entreprise est grosse, plus elle a les moyens de consacrer des sommes pour se sensibiliser à des questions comme celle de la santé et de la sécurité, aidée en cela, dans plusieurs cas, par un milieu syndical, des représentants syndicaux ou des syndicats qui étaient plus vigilants.

La question que je voudrais vous poser est la suivante: Dans l'association que vous représentez, M. Ponton, quel est le degré des efforts qui ont été déployés jusqu'à maintenant, selon les secteurs, selon les catégories d'entreprises, au chapitre de la sécurité, par l'implantation de comités, par des démarches comme celle-là...

M. Ponton: Si vous me le permettez, M. le Président...

M. Pagé: ... dans le secteur alimentaire?

M. Ponton: ... une simple remarque préliminaire avant de demander peut-être à mes collègues de compléter ma réponse là-dessus. Vous avez parlé du nombre d'employés. J'aimerais simplement faire remarquer à M. le ministre que, dans la définition d'un employé dans son projet de loi, on inclut automatiquement les employés occasionnels, les surnuméraires. Ils sont nombreux les établissements commerciaux qui ont 10 employés. Je ne dirais pas que c'est le cas du propriétaire d'un seul magasin parce que dix employés, c'est beaucoup, mais ceux qui ont peut-être quatre ou cinq magasins sont très nombreux au Québec et il n'est pas rare qu'ils aient plus de dix employés. (17 h 45)

S'il s'avérait que le secteur — je ne le crois pas, mais hypothétiquement — du commerce soit visé dans les priorités, toutes ces petites entreprises à quatre ou cinq magasins, qui font partie, je pense, de la petite et moyenne entreprise, à cause de l'inclusion des employés occasionnels dans le chiffre dix, seraient également couvertes par le projet de loi. D'ailleurs, dans nos commentaires article par article, on recommande un peu sur la base du modèle ontarien de porter le nombre d'employés à 20 parce que, dans la législation ontarienne, la législation de 1976, à moins qu'il n'y ait eu des changements dernièrement, le nombre d'employés retenu est de 20.

Pour revenir aux efforts déployés en matière de prévention des accidents du travail, bien que le taux de tarification de nos entreprises soit faible et en deçà du taux moyen des cotisations des employeurs qui est basé sur la fréquence et la gravité des accidents, je pense que c'est la première attestation que la prévention des accidents dans le commerce du détail se porte bien, mais il y a également le fait qu'on est un secteur qui prête peut-être un peu moins à des accidents. A ma connaissance, toutes les entreprises en alimentation et toutes les entreprises qu'on peut qualifier d'importantes dans le secteur des marchandises sèches ont des programmes de prévention. Chez M. Hogue, ils en ont. Chez M. Fortier, la même chose. Chez Hudon et Deaudelin, ils ont aussi un directeur à la prévention, de même que chez une autre compagnie qui est Provigo et chez Eaton et Simpsons on a des équipements médicaux. On administre des tests pour déterminer la santé des employés pour éviter, par exemple, que ceux qui manoeuvrent des réfrigérateurs et des articles pesants ne s'infligent des blessures. Je pense que c'est une préoccupation constante et cela va continuer de l'être.

M. Pagé: Je prends acte de la réponse que vous me donnez. Cependant, le fait que le taux de cotisation dans certains cas soit $0.23 du $100, cela n'implique pas nécessairement qu'il y a beaucoup de prévention. Cela implique tout simplement qu'il n'y a pas d'accident.

M. Ponton: Je suis d'accord avec vous, mais l'aspect prévention, quand même, chez les entreprises qui ont le plus les moyens financiers et humains de se le permettre, c'est une préoccupation constante. Pour la petite entreprise qui a 10 ou 12 employés, qui a quatre ou cinq magasins, c'est à déplorer, mais ce n'est pas une préoccupation. Mais on espère qu'avec l'aide des plus grandes entreprises on pourra faire bénéficier les plus petites entreprises des programmes de prévention qui seront élaborés en fonction des plus grands détaillants et, à ce moment-là, diffuser cette information pour que les plus petites entreprises en bénéficient également. Personne n'est intéressé à tolérer des accidents même s'ils sont très peu nombreux.

M. Pagé: Merci. Un dernier commentaire au ministre. Cet aspect du projet de loi, nous avons eu envie d'en discuter dans notre déclaration d'ouverture, mais on a plutôt réservé nos commentaires au moment de l'étude du projet de loi en deuxième lecture. Cela va quand même impliquer du discernement de la part de ceux qui auront à établir la liste des entreprises ou des secteurs économiques du Québec qui seront touchés par la loi. Je conviens que, dans certains cas, dans une entreprise de dix employés, il faille absolument y avoir un règlement qui s'applique, des normes, un programme de santé, un comité de santé, etc. Il y a un paquet d'entreprises au Québec où il y a plus de dix employés et où, selon moi, ce n'est pas du tout nécessaire.

Je ne crois pas qu'il soit opportun, par ce projet de loi, je vais donner un exemple, je pourrais en donner plusieurs, d'aller achaler le courtier d'assurances qui a quinze employés dans son bureau. En tout cas, j'espère tout au moins que la norme de dix employés sera jugée avec discernement, même si, encore là, c'est une norme et une fameuse norme; ça fait plaisir et ça peut créer autant de problèmes que ça peut en régler. Vous pouvez avoir, dans des entreprises du Québec, l'obligation, selon moi, d'intervenir dans certains secteurs d'entreprises où il y a moins de dix employés, alors que possiblement vous ne le ferez pas à cause de la fameuse norme de dix employés.

M. Marois: Pour les fins de l'implantation d'un comité paritaire, ce qui n'exclut pas cependant...

M. Pagé: Oui. L'application universelle...

M. Marois: La commission se réserve le pouvoir, le cas échéant, de juger qu'il doit y avoir un comité paritaire. En plus, ça n'exclut pas l'ensemble des autres pouvoirs d'intervention. Je pense que vous avez parfaitement raison de dire que ça suppose un minimum de sens de discernement. Pour reprendre mon exemple que j'utilise souvent, vous venez d'en citer un, c'est évident que les problèmes de la grosse caisse populaire Saint-AI-phonse-d'Youville à Montréal ou de votre ancien bureau d'avocats ou de mon ancien bureau d'avocats, c'est sans commune mesure avec les problèmes d'un coin que vous évoquiez tantôt, qu'un des intervenants évoquait, qui concerne la boucherie, par exemple. Ce n'est pas du tout la même chose.

Dans ce sens, je retiens une chose, vous êtes les premiers à attirer mon attention là-dessus, j'en prends bonne note. On va regarder ça de très près. C'est vrai, effectivement, vous avez raison, la définition d'employé, au fond, c'est la notion de travailleur qui intervient dans le projet de loi et c'est tout à fait exact; tel que c'est formulé, ça se trouve à inclure les occasionnels. Ce n'est pas mauvais, en soi; cependant, à partir du moment où une entreprise, prenons un exemple très concret, aurait cinq employés permanents autour de la période de Noël, ventes plus intensives, cinq employés additionnels, il peut fort bien se créer une espèce de présomption. Enfin, je réfléchis tout haut plutôt qu'autre chose. Je n'ai pas une opinion arrêtée.

Il peut se créer une espèce de présomption de base, qu'il s'agisse d'un établissement, d'une entreprise où il y a effectivement dix employés. Cela peut possiblement déclencher l'ensemble des autres mécanismes. Je prends note de ça et soyez assurés que je vais regarder ça de très près. Je pense que vous avez mis le doigt sur quelque chose qui n'est peut-être pas au point dans le sens d'une approche qui implique quand même, bien sûr, la fermeté qu'il faut, parce qu'il faut viser à se donner les moyens d'éliminer, à la source, les problèmes qui sont causés, en le faisant ensemble. Mais il ne faut pas non plus faire exprès pour s'établir des normes qui deviennent des espèces d'absolus à travers lesquels il n'y a plus moyen d'avoir, pour reprendre l'expression du député de Portneuf, je pense que c'est celle-là qui est pertinente, le minimum de sens de discernement. C'est noté, je vous en remercie; vous êtes les premiers à attirer notre attention sur ce point.

Le Président (M. Marcoux): Oui, M. Hogue.

M. Hogue: Pour vous aider, on peut vous donner quelques indications, M. le ministre. Nous avons de 50% à 60% de notre personnel qui est à temps partiel, ce sont des étudiants d'un peu partout et le roulement de ces employés est de 110% par année. Cela peut vous donner une idée.

M. Marois: Je voudrais bien être compris; je ne veux pas dire que les employés — loin de là — qu'ils soient occasionnels ou à temps partiel, n'ont pas à être protégés.

M. Hogue: On ne parle pas de ça non plus.

M. Marois: Je pense que vous êtes bien d'accord avec moi là-dessus.

M. Hogue: Non, mais les jeunes étudiants qui travaillent le jeudi soir et le vendredi soir.

M. Marois: II faudrait peut-être — en tout cas, vous m'incitez à y réfléchir, par vos commentaires — faire attention que le fait qu'il y ait, à un moment donné, dix, ne déclenche pas tout un mécanisme qui, à cause d'un manque de discernement ou par l'application sans nuance d'une norme, crée plus de problèmes que d'apporter des solutions aux problèmes réels qu'on cherche à résoudre; mais c'est noté.

M. Ponton: M. le Président, pourriez-vous, si M. le ministre le permet, retenir une forme de moyenne annuelle qui, je pense, rencontrerait les objectifs, parce que, si, au temps des Fêtes, le nombre d'employés double, en janvier, il baisse d'à peu près 90%, des nouveaux arrivants qui ont travaillé au cours d'octobre, novembre et décembre; c'est un problème particulier au temps des Fêtes, dans le commerce de détail.

Il y a également la suggestion, au niveau de la définition d'établissements, où, dans certains cas, il serait plus souple et plus pratique de penser à avoir, au lieu d'un comité par magasin, un comité par entreprise. Ce ne sont pas des usines et ils ne sont pas rares les détaillants ou les entreprises commerciales qui ont, au Québec, dix magasins ou cinq magasins et plus, de petites chaînes. A ce moment, au niveau de la supervision, pour ces entreprises, dix ou quinze comités ou même cinq comités, cela implique énormément de ressources financières qu'ils n'ont peut-être pas les moyens de s'accorder, alors qu'un comité central, un peu sur la même base que le comité, par exemple — je l'ai à l'esprit — de francisation, en vertu de la Loi sur la charte de la langue française, vous avez un comité par entreprise. C'est vrai que c'est différent comme préoccupation, mais je m'en sers uniquement comme modèle ou comme possibilité qu'on pourrait examiner, c'est-à-dire d'avoir, dans certains cas, un comité par entreprise, au lieu d'avoir un comité par magasin.

M. Marois: Oui, encore là, je pense que vous admettrez qu'il faudra, si on continue avec la même expression de discernement, faire attention de ne pas tomber à l'opposé, dans une norme qui fait qu'à peu près tout échappe.

Vous conviendrez avec moi, à partir de vos propres exemples, qu'une petite entreprise qui a quatre ou cinq points de vente, où il y a un ou deux employés par point de vente, il n'y a certainement pas lieu d'avoir un comité paritaire par

point de vente. Cela paraîtrait absurde. Par ailleurs, pour ce qui concerne la chaîne Dominion, les magasins Miracle Mart ou je ne sais pas quoi, il y a en général un petit peu plus que dix employés par point de vente. En d'autres termes, là aussi je pense qu'il y a des discernements qui s'imposent, sans compter, comme vous l'avez vous autres mêmes évoqué avec raison, je pense, à l'intérieur d'un même point de vente, selon le secteur commercial où on se trouve, les problèmes peuvent être bien différents. Si je suis dans un Steinberg ou un Dominion, si je suis dans la zone où sont les bouchers ou si je suis appelé à travailler aux caisses, là, il faudra voir. Je prends note de cela, on va regarder. Je vous remercie d'avoir attiré notre attention sur cet aspect.

Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie de votre participation aux travaux de cette commission. J'inviterais maintenant la ville de Montréal. Je m'excuse, je pense qu'on va attendre à 20 heures. La commission va suspendre ses travaux jusqu'à 20 heures.

Suspension de la séance à 17 h 57

Reprise de la séance à 20 h 10

Le Président (M. Marcoux): La commission permanente du travail et de la main-d'oeuvre poursuit l'audition des mémoires, concernant le projet de loi no 17, Loi sur la santé et la sécurité du travail. J'invite la ville de Montréal à venir nous présenter son mémoire. M. Neuville Lacroix?

Ville de Montréal

M. Lorange (Pierre): Pierre Lorange, vice-président du comité exécutif.

Le Président (M. Marcoux): Si vous voulez nous présenter vos collègues.

M. Lorange: M. le Président, je vous remercie de l'occasion que vous nous donnez de présenter avec grand intérêt les collaborateurs municipaux qui ont travaillé à l'étude et à la présentation du mémoire de la ville de Montréal, que nous déposerons officiellement sur la table de cette commission.

A ma gauche immédiate, Me Neuville Lacroix, directeur adjoint du contentieux de la ville de Montréal, spécialisé dans les relations de travail; à ma droite immédiate, M. Pierre Girard, directeur adjoint du service du personnel de la ville, duquel service relèvent l'administration et l'application de nos 16 conventions collectives de travail; à la droite de M. Girard, M. Raymond Denis, directeur adjoint du service des travaux publics, un des services importants de la ville, puisqu'il regroupe 3500 employés sur 16 000, M. Denis étant affecté principalement au secteur administratif du service, il peut parler avec expérience de la pratique quotidienne qu'il vit dans son service.

M. le Président, M. le ministre, MM. les membres, à titre d'un des employeurs les plus importants au Québec qui regroupe une diversité imposante de tâches et de fonctions, et qui a à son emploi environ 13 500 employés permanents et 2500 employés auxiliaires, la ville de Montréal ne peut se montrer indifférente au projet de loi présenté par le gouvernement. Elle désire rappeler également au gouvernement que ses 16 000 employés sont représentés par 16 associations accréditées, régies par diverses conventions collectives qui contiennent déjà des dispositions concernant la santé et la sécurité des travailleurs et dont certaines prévoient même l'existence d'un comité de santé et de sécurité du travail.

Dans ces circonstances, la ville partage l'objectif général poursuivi par le gouvernement et elle désirerait souligner qu'elle est d'accord sur les principes suivants:

Premièrement, le droit pour le travailleur de cesser un travail lorsqu'il juge de bonne foi qu'il peut être dangereux. Cependant, l'exercice de ce droit devrait, à notre avis, être précisé davantage et soumis à des mécanismes qui devraient éviter des abus.

Deuxièmement, la création d'un comité de santé et de sécurité comme moyen de prévention. Ce comité devrait être paritaire, sans pouvoir de décision, en lieu et place de l'employeur.

Troisièmement, l'établissement en remplacement de l'actuel CATQ, d'une commission de la santé et de la sécurité du travail, responsable de la prévention des accidents du travail, de la réparation du préjudice subi et de la réadaptation.

Quatrièmement, la création d'un conseil d'administration paritaire responsable de la commission de la santé et de la sécurité du travail.

Cinquièmement, l'obligation faite à l'employeur de prendre les mesures pour protéger la santé et la sécurité du travailleur.

Sixièmement, l'obligation pour le travailleur de prendre les mesures nécessaires pour protéger sa santé et sa sécurité.

Septièmement, le droit de l'employeur de participer à l'élaboration des normes, règlements et programmes de recherche sur la santé et la sécurité du travail.

Toutefois, l'accord de principe de la ville sur les objectifs ci-haut énoncés et poursuivis par le législateur ne signifie aucunement que la ville partage et accepte les mécanismes et les moyens suggérés par le législateur.

Il convient de rappeler que le projet de loi et plus particulièrement les notes explicatives nous indiquent que le projet de loi a pour objet d'établir les mécanismes de participation des travailleurs et des employeurs en vue de l'élimination des causes d'accidents du travail et des maladies professionnelles.

Cela nous semble le but que voulait viser le législateur et particulièrement le gouvernement en présentant un tel projet de loi. Cependant, à la lecture du projet de loi, les mécanismes mis en

oeuvre pour assurer l'accomplissement de la loi nous portent davantage à penser que l'on a oublié, en cours de route, l'objectif de participation, plus particulièrement de la part de l'employeur.

A l'exception d'une participation financière, à laquelle on semble vouloir tenir de la part de l'employeur, on assiste plutôt à la mise en place d'une structure étatique et omniprésente qui a pour effet de diluer les pouvoirs de gérance de l'employeur et même d'astreindre l'autorité légalement constituée et démocratiquement élue à des décisions d'organismes non élus. (20 h 15)

D'autre part, il y a lieu de souligner que non seulement dans plusieurs cas ces mécanismes lui apparaissent inadéquats, mais encore ils ne tiennent aucunement compte de la réalité quotidienne. Les principales critiques que la ville a à formuler à l'égard de ce projet de loi portent sur les questions suivantes: Premièrement, sur le droit pour le travailleur de refuser d'exécuter un travail, à propos duquel elle recommande qu'il soit assorti de balises suffisantes, de telle sorte qu'il ne soit pas utilisé à des fins de négociation et ne devienne pas un moyen de chantage à l'égard de l'employeur.

Aussi, elle demande que la notion de danger soit qualifiée davantage. Elle suggère l'utilisation des expressions "danger immédiat" ou "danger grave", puisque le législateur prévoit que ce danger doit en être un qui n'est pas inhérent à la fonction exercée.

Elle ajoute, d'autre part, qu'il y aurait lieu de suivre la législation ontarienne dans ce domaine, de telle sorte qu'un employeur peut en tout temps remplacer un travailleur qui exerce son droit au refus de travail par un autre travailleur, à condition qu'il soit avisé du fait qu'un autre travailleur a exercé ce droit de refus et qu'il est consentant à effectuer le travail.

Deuxièmement, sur les comités de santé et de sécurité à propos desquels elle recommande qu'ils soient paritaires, la ville souligne que sans aucun doute il était de l'intention du gouvernement que ces comités soient paritaires. Malheureusement, le projet de loi, dans sa forme actuelle, permet qu'ils soient composés en majorité de représentants désignés par les employés. De plus, elle souligne qu'elle ne peut admettre que lesdits comités détiennent des pouvoirs décisionnels. Il est inadmissible, selon elle, qu'on confie à des tiers qui ne sont pas élus des pouvoirs de décision. Cela va à l'encontre de l'économie du droit qui nous régit et des principes énoncés dans la charte de la ville de Montréal.

Troisièmement, sur le rôle du représentant à la prévention, lequel empiète sur les tâches qui sont dévolues à l'employeur et dont certaines recoupent des fonctions qui doivent relever, selon le même projet de loi, du comité de la santé et de la sécurité, la ville souligne que, si un employeur désire, sur une base volontaire, créer une telle fonction, rien ne l'empêche de le faire, mais il nous apparaît qu'il devrait appartenir à l'employeur de décider si une telle fonction doit être créée.

Quatrièmement, sur le rôle du médecin responsable de la santé et des services de santé au travail qui vient faire disparaître, à toutes fins utiles, le ou les médecins spécialisés en médecine industrielle qui travaillent pour le compte des employeurs, elle soutient en outre que le rôle de ce nouveau médecin au sein de l'entreprse risque fort d'être éphémère, parce que, tout en recevant ses directives d'une autorité externe à l'entreprise, soit le DSC ou le CLSC, il devra, pour conserver son poste, obtenir l'assentiment tant de la partie patronale que de la partie syndicale. Elle ajoute finalement sur ce sujet que la gestion de la santé au travail fait partie du droit de gérance de l'employeur. Dépendant de la nature de l'entreprise ou de l'établissement, l'employeur est assurément le plus en mesure de connaître les exigences médicales rattachées à un poste ou à une fonction et il peut déterminer la qualité et la fréquence des examens médicaux requis.

Cinquièmement, sur le fonctionnement et les pouvoirs de la Commission de la santé et de la sécurité du travail, la ville soumet que les pouvoirs de réglementation qui sont accordés à la Commission de la santé et de la sécurité du travail apparaissent presque exorbitants.

Il est impossible, dans de telles situations, de connaître à l'avance les règles du jeu. Ce pouvoir de réglementation nous apparaît d'autant plus dangereux que le législateur ne se contente pas seulement d'énumérer à l'article 185 les pouvoirs de réglementation, mais il se permet, au paragraphe 36, d'indiquer que la commission peut faire des règlements pour prescrire tout autre mesure utile à la mise en application de la présente loi. Il suffirait, selon nous, de remanier quelque peu la rédaction et la phraséologie de ce paragraphe 36 pour en fait donner carte blanche à la commission et lui permettre de faire la pluie et le beau temps dans le domaine de la santé et de la sécurité au travail sans que qui que ce soit, employeur ou employé, n'ait quelque mot à dire. Cette tendance, malheureusement trop fréquente, de procéder par le biais de lois-cadres et de pouvoirs de réglementation qui restent à mettre en oeuvre invite peut-être malgré lui le législateur à prévoir dans les moindres détails toute situation et à tout réglementer. Il suffit d'examiner quelques paragraphes de cet article 185 pour se rendre compte à quel point ils ne correspondent pas à la réalité quotidienne. Nous escomptons d'ailleurs revenir sur ce point au cours de la discussion que nous aurons devant cette commission.

De plus, l'on ne peut être d'accord sur le fait que la commission exerce des compétences qui sont, d'une façon générale, exercées par les municipalités. Nous soumettons qu'il y a là un danger pour l'autonomie des corporations municipales, que ce soit en matière de sécurité contre l'incendie, que ce soit en matière de construction, de démolition, d'aménagement et d'entretien. Les municipalités, plus particulièrement la ville de Montréal, ont déjà une réglementation dans ce domaine qui tient compte du caractère, des endroits, des activités et des occupations qui y sont exercées, des populations qui fréquentent ces

lieux. Nous ne voyons pas pourquoi la commission devrait intervenir dans un domaine qui est aussi en définitive réglementé par l'autorité provinciale si l'on songe, par exemple, au Code de la construction provinciale dans ce domaine. Aussi, à la lecture de ces pouvoirs de réglementation qui sont accordés à la commission, on est porté à conclure que l'Etat semble vouloir tout imposer, tout fixer, tout déterminer et que l'on semble oublier l'objectif que l'on s'était fixé, soit de déterminer les mécanismes de participation des travailleurs et des employeurs à l'élimination des causes des accidents du travail. Ce que l'on peut reprocher surtout à ce projet de loi, c'est un manque de souplesse au niveau des mécanismes qui ont été créés.

Par ailleurs, cela nous amène à soulever une sixième question qui est celle concernant les imprécisions et les ambiguïtés que l'on retrouve dans le projet de loi.

La ville soutient qu'il est essentiel de clarifier certaines dispositions afin de connaître d'une façon précise les règles du jeu. Ainsi, il est loin d'être clair dans le projet de loi que la définition du mot "établissement" permette de conclure que la ville de Montréal, comme entité, puisse constituer un établissement. Divers services de la ville peuvent-ils constituer un établissement ou encore des divisions d'une même service peuvent-elles constituer des établissements distincts?

On voit immédiatement la conséquence que cela peut signifier au niveau de la formation de comités de santé et de sécurité, au niveau du nombre de médecins responsables qui pourraient être nommés en vertu du projet de loi. De plus, il est loin d'être évident, à la lecture du projet de loi, que l'on puisse avoir plusieurs comités de santé et de sécurité. Il nous semble que cela devrait être l'interprétation qui se dégage du texte de loi. Nous aimerions avoir l'assurance du ministre sur cette question, de même que sur la question du mot "établissement".

Si plusieurs comités de santé et de sécurité peuvent exister à l'intérieur d'un établissement, il faudrait sûrement prévoir des mécanismes souples pour permettre de regrouper certaines catégories de travailleurs dans un même comité de santé et de sécurité.

Enfin, la dernière observation que nous désirions faire à la commission porte sur la diminution des droits de gérance en matière de prévention des accidents du travail. Le projet de loi ne craint pas d'imposer des obligations à l'employeur, à rendre l'administrateur, le dirigeant ou l'officier de la corporation passible de la même peine que la corporation, à assumer les responsabilités financières de la santé et de la sécurité au travail. On semble, par le fait même, lui enlever les outils nécessaires pour qu'il assume cette responsabilité.

C'est dans le but d'apporter une collaboration franche et utile, M. le ministre, et à la lumière de son expérience acquise que la ville de Montréal vous soumet ces divers commentaires relatifs au projet de loi sur la santé et la sécurité du travail.

La santé et la sécurité au travail doivent être vécus à l'intérieur de l'entreprise par l'employeur et le travailleur. Il est essentiel, à notre point de vue, de tenir compte de l'expérience acquise et de ne pas balayer du revers de la main le résultat de longues discussions et de négociations réalisées au cours des ans entre la ville et les syndicats et qui ont amené la création de comités de santé et de sécurité au travail.

Il ne faut pas non plus oublier les efforts considérables entrepris par la ville de Montréal pour rationaliser et rentabiliser ses activités. Il ne faudrait pas, du même coup, annihiler tous ces efforts en créant des structures qui, à toutes fins utiles, peuvent provoquer la paralysie de l'entreprise.

Nous espérons que le gouvernement tiendra compte des remarques contenues dans notre mémoire afin d'assouplir les mécanismes prévus dans la loi et de permettre, tant à l'employeur qu'aux travailleurs, d'assurer une sécurité décente et convenable à chaque groupe de personnes devant travailler dans une entreprise ou un établissement.

Le Président (M. Marcoux): Merci. M. le ministre.

M. Marois: M. le Président, je voudrais d'abord, bien sûr, remercier la ville de Montréal et ses porte-parole d'avoir présenté son mémoire à la commission parlementaire. Je voudrais tout de suite leur indiquer bien clairement que certainement — c'est un mémoire qui est passablement volumineux — toutes et chacune des recommandations du mémoire seront attentivement examinées.

Ceci étant dit, avant de poser quelques questions et de formuler un certain nombre de commentaires, j'aimerais demander à la ville de Montréal si elle désire — parce que ce qu'on vient de nous présenter, c'était un résumé — que son mémoire soit versé intégralement au journal des Débats.

M. Lorange: Oui, s'il vous plaît! M. Marois: D'accord.

Le Président (M. Marcoux): Ce sera fait. (Voir annexe B)

M. Marois: Merci. Ceci étant dit, comme je l'ai évoqué, j'ai déjà fait une première lecture de votre mémoire. Il y a un certain nombre de points qui m'ont particulièrement frappé et que j'ai relus attentivement et, à la suite des discussions de ce soir, je vais certainement procéder à un examen additionnel des recommandations.

Vous dites, en guise d'introduction générale — et cela revient dans votre mémoire — que vous acceptez, pour l'essentiel, l'objectif général qui est recherché, qui fondamentalement vise à éliminer à la source les causes mêmes, autant que faire se peut, d'accidents et de maladies professionnelles,

ce qui suppose que soit fait un effort le plus colossal possible, à la limite des ressources humaines, financières disponibles; tout ne peut pas être fait en même temps, je pense que tout le monde comprend ça.

Vous nous dites aussi que vous acceptez les principes essentiels ou les approches essentielles pour y arriver, c'est-à-dire essentiellement quelque chose qui soit fondé sur la concertation des parties et le dialogue, ce qui est une approche, dans certains coins, déjà expérimentée au Québec; dans d'autres coins, c'est une approche qu'il va falloir apprendre à développer, avec laquelle il va falloir apprendre à vivre si on veut vraiment arriver ensemble à changer des choses face à un problème qui méritait une attention depuis tellement longtemps qu'il est plus que temps qu'on se mette à la tâche sérieusement.

Cela dit, j'ai eu un peu l'impression, en lisant votre mémoire et les recommandations que, partant d'une acceptation de l'objectif général et des principes clés, les approches essentielles du projet, bon nombre de vos recommandations nous amenaient presque à conclure que vous recommandiez soit d'éliminer certains des mécanismes qui sont proposés ou de restreindre la portée de l'application de certains des instruments et même de certains des droits qui sont proposés. Je me demande et j'aimerais avoir votre appréciation de cette première réaction qui n'est pas autre chose qu'une première réaction très spontanée et très franche. J'ai eu un peu l'impression, en tout cas, cela nous amenait certainement à nous poser légitimement la question de savoir si finalement cela ne nous ramenait pas à une situation de statu quo.

J'ai aussi pris connaissance, et j'espère qu'on aura le temps ce soir de pouvoir les entendre, des mémoires de l'Association des contremaîtres de la ville de Montréal et du syndicat des fonctionnaires municipaux. Je ne sais pas si vous avez pu prendre connaissance de ces mémoires. On peut, à tout le moins, dire qu'il y a un certain nombre de divergences de vues.

M. Lorange: C'est normal.

M. Marois: Oui, bien sûr. Seulement... Pardon?

M. Pagé: ... normal et efficace.

M. Lorange: C'est dans ce sens que je l'ai dit.

M. Marois: Justement. Il y a des divergences de vues qui sont telles, quand on examine l'ensemble des mémoires, que je suis porté à me demander si — et en même temps vous poser comme deuxième question — vous ne pensez pas que, partant de là, cela réflète une réalité, ce qui semble ressortir en tout cas des documents, à tout le moins, il n'y a pas lieu précisément de s'interroger sur la nécessité d'ouvrir des avenues nouvelles. Les avenues nouvelles qui nous sortent d'une situation qui pourrait être une situation qui tendrait plus à perpétuer ou à développer — encore là je ne veux pas porter de jugement du tout — une attitude de monologue, à ouvrir des avenues qui permettraient de déboucher sur une approche favorisant davantage le dialogue, d'une part, et surtout, deuxièmement, à mener à des actions concrètes de changement qui permettraient de donner des résultats tangibles qui commenceraient à être visibles à partir d'un moment donné. (20 h 30)

Je ne veux absolument pas, je ne connais pas suffisamment bien le dossier et l'état de santé et de sécurité de l'ensemble de la ville de Montréal pour porter un jugement de valeur. Ce n'est pas du tout un jugement de valeur. Ce n'est surtout pas un jugement de valeur sur ce qui a pu être fait ou pas fait. Vous admettrez avec nous que partant des documents qui sont devant nous, il est légitime à tout le moins qu'on se pose ces questions.

Ceci étant dit, je voudrais, par ailleurs, vous dire tout de suite — je n'ai certainement pas l'intention de les reprendre en détail — qu'une des parties de votre mémoire qui correspond à une espèce d'étude article par article du projet de loi, semble déceler un certain nombre de lacunes et contenir bon nombre de suggestions. Je peux vous dire que cela sera scruté à la loupe. J'en ai fait une première lecture rapidement, et il se peut fort bien qu'effectivement, vous ayez mis le doigt sur un certain nombre de lacunes ou d'ambiguïtés, et si tel était le cas, soyez assurés que cela sera pris en considération très attentivement.

M. Lorange: II s'agit d'observations, M. le ministre, d'ordre purement technique, ou de phraséologie, dans certains cas.

M. Marois: Parfois, dans la partie technique, une fois que la loi est faite, il y a l'intention du législateur, mais s'il y a des ambiguïtés ou si les textes ne sont pas clairs, l'intention du législateur quand cela arrive devant un tribunal, ce n'est pas sur cette base qu'on est porté à rendre un jugement et ce n'est pas sur cette base qu'on rend un jugement. On a un jugement et on l'interprète sur la base du texte de loi tel qu'il est. Ceci étant dit, je vous ai déjà formulé deux questions qui sont d'ordre beaucoup plus général. Je vous ai déjà indiqué mon intention et la façon dont j'avais l'intention d'aborder les recommandations très précises que vous faites. Je voudrais, cependant, relever très rapidement, quelques commentaires qui sont faits dans votre mémoire. D'abord, un commentaire qui porte sur — c'est d'ailleurs l'expression que vous utilisez — l'omnipuissance de l'organisme chapeau, de l'atteinte aux droits de gérance, les risques de perte d'autonomie de la ville, et le reste. Je ne veux pas reprendre les débats qu'on a eus depuis deux jours et qu'on va continuer à avoir. Je ne veux pas revenir en détail là-dessus. Je suis porté à penser qu'il arrive parfois, quand on est pris dans un dossier depuis deux ans, qu'on est collé dedans de façon constante et qu'on débouche sur un projet de loi, il arrive parfois, il se peut que les uns et les autres, on ne fasse pas la même lecture. C'est dans ce

sens que des échanges qu'on peut avoir en commission parlementaire comme celle-ci peuvent être utiles pour bonifier un projet de loi. Il n'est certainement pas dans notre intention de faire exprès pour foutre la pagaille, ennuyer les gens, ennuyer les groupes, ennuyer les administrations, pas du tout. Il y a là un problème qui est très réel. Notre intention, c'est de faire en sorte que partant de la meilleure lecture possible de la réalité, et en mettant à contribution les éléments qui sont là, les ressources humaines qui sont là, les ressources financières disponibles, on puisse ensemble faire un travail réel de changement d'une situation qui nous apparaît inacceptable.

Quant à cette omnipuissance, l'atteinte aux droits de gérance, j'ai déjà eu l'occasion d'intervenir là-dessus. Ce n'est pas tellement la lecture que nous faisons nous-même comme gouvernement, puisque pour la première fois, le gouvernement du Québec lui-même, en vertu de la loi va être soumis à la loi. Vous pensez bien que si l'un ou l'autre des membres du gouvernement du Québec, je ne suis pas le seul membre du Conseil des ministres; il y en a plus de 20 et il y a un premier ministre... Vous avez eu l'impression que ça risquait de chambarder et de vous enlever les droits de gérance, que c'était... On aurait examiné ça de façon très étroite, ce qui a été fait, d'ailleurs, je vous prie de me croire, sur une période de deux ans de travail et de longues discussions au Conseil des ministres; le gouvernement du Québec lui-même va se soumettre au projet de loi une fois qu'il sera devenu loi.

Deuxièmement, je me demande s'il n'y a pas des interprétations du projet de loi qui, peut-être, tiennent à une mauvaise lecture ou peut-être à des ambiguïtés. Je voudrais prendre un exemple de ça pour illustrer ce que je veux dire.

Vous parlez de l'article 58 du projet de loi. Vous semblez l'interpréter comme étant un texte qui ne conduit pas à la parité. Je pense que ce texte de l'article 58 doit être lu forcément en tenant compte des dispositions qui suivent et, notamment, de l'article 59. L'article 59 précise bien que chaque partie a un droit de vote. C'est fondamentalement la notion de parité. Donc, je veux bien examiner... Comme je vous l'ai dit depuis le début, j'ai l'intention d'adopter une attitude extrêmement ouverte, mais cependant, à moins vraiment que je ne fasse une mauvaise lecture moi-même du projet de loi, il y a une règle de base que je connais: c'est que les articles doivent s'interpréter les uns par rapport aux autres. En d'autres termes, je crois que la préoccupation de parité est là. Si on veut interpréter l'article 58, je pense qu'il faut tenir compte aussi de l'article 59.

Vous semblez aussi — ce sera ma dernière remarque, mais, en même temps, une question — interpréter les articles du projet de loi qui concernent le représentant à la prévention, vous semblez indiquer que vous voyez là une duplication de tâches. Là-dessus, j'aimerais, si c'est possible, le plus concrètement possible, que vous nous expliquiez en quoi, de quelle façon il vous semble, il vous apparaît que l'introduction de ces articles, tels qu'ils sont formulés, apporte, de votre point de vue, une duplication de tâches. Je pense que ça pourrait éclairer les membres de cette commission.

Voilà, M. le Président, les quelques remarques, commentaires et questions que j'avais au point de départ.

M. Lorange: Si vous le permettez, M. le Président, je demanderais à M. Pierre Girard, qui est spécialiste des questions de relations de travail et qui est dans ce champ d'application quotidiennement, de répondre aux premières questions du ministre et, pour les dernières questions, je demanderai à Me Lacroix d'y répondre, puisqu'elles relèvent, en pratique, de sa compétence.

M. Girard (Pierre): En ce qui concerne la première question, les réactions de la ville qui, dans un premier temps, semblent positives, mais, dans un deuxième temps, pourraient vouloir signifier que nous mettons en doute un certain nombre de mécanismes et qu'on proposerait essentiellement le statu quo, là-dessus, nous ne sommes pas d'accord pour les raisons qui suivent. Ce que nous disons, c'est que le mécanisme essentiel proposé par la loi, à savoir que les travailleurs, par l'intermédiaire de leur syndicat, et l'employeur s'assoient pour tenter de régler ensemble les problèmes de santé et de sécurité, nous les partageons tout à fait, ces objectifs. Cependant, il nous semble, particulièrement dans une administration municipale où il y a des élus, qu'il est grave de confier à un comité paritaire de santé et de sécurité le pouvoir de prendre des décisions en matière de santé et de sécurité qui peuvent entraîner des dépenses considérables pour une administration municipale comme la ville de Montréal, connaissant très bien les problèmes que nous avons à la ville, certains édifices vétustes, etc., tout le monde en est bien conscient, il faut les changer, mais ça ne peut pas se faire du jour au lendemain. Il y a des restrictions budgétaires, il y a des problèmes financiers.

Une fois que le comité de santé et de sécurité aurait pris la décision de fournir des équipements à des employés, de modifier des lieux de travail, d'améliorer la ventilation dans certains lieux de travail, etc., cela pourrait entraîner des dépenses de l'ordre de plusieurs millions; il ne faut pas oublier que la ville de Montréal est un employeur très considérable; c'est un des plus gros employeurs au Québec. Lorsqu'on parle de problèmes de relations de travail et de problèmes de santé et de sécurité, il faut tenir compte de cette situation particulière. Nous avons seize syndicats accrédités, et si j'additionne les syndicats qui relèvent de l'AMARC, l'Association montréalaise d'action récréative et culturelle qui administre Terre des hommes, nous en avons quatre autres. Nous avons 20 syndicats. Si je fais une lecture correcte du projet de loi, je me rends compte qu'on pourrait se retrouver avec 20 comités de santé et de sécurité qui auraient le droit de prendre des décisions, 20 comités de santé et de

sécurité qui nommeraient un médecin, 20 représentants à la prévention; vous vous imaginez les coûts.

Il ne faut pas oublier, d'autre part, que la ville, au niveau de son service du personnel, a une section de travail qui s'occupe de santé et de sécurité, que nous avons l'intention, d'ailleurs, de développer davantage. Si, à côté de la structure patronale qui est déjà en place, on met une structure qui serait paritaire en ce qui concerne le comité de santé et de sécurité et essentiellement syndicale en ce qui concerne la question du représentant à la prévention, puisque c'est un représentant syndical, à ce moment-là, il y a un dédoublement de fonctions. Cela nous apparaît un des problèmes que le projet de loi soulève. Un coor-donnateur de la prévention de la sécurité patronale, cela fait sensiblement la même chose que votre représentant à la prévention, si on regarde son autorité et les fonctions qui lui sont assignées par le projet de loi. Cela se ressemble beaucoup.

M. Marois: Si vous me permettez, j'avoue honnêtement que je ne vous suis vraiment plus. Le représentant à la prévention, le représentant des travailleurs, c'est l'article 69 du projet de loi qui précise ses fonctions de base. Je ne vois absolument pas en quoi cela vient faire duplication par rapport au travail de prévention qu'assume normalement un employeur. Au fond, l'idée c'est comme dans des législationsqui existent ailleurs, celaexiste en Ontario, aussi. Vous savez qu'il y a une loi de 1976 qui a été amendée et qui va entrer incessamment en vigueur; ses amendements contiennent notamment des dispositions analogues ajustées à leurs réalités sociales et économiques de représentants à la prévention. Cela est fondamentalement cette idée de faire en sorte de reconnaître que les hommes et les femmes qui sont au travail, ceux qui sont organisés via leur syndicat aient le droit eux aussi d'avoir un minimum de permanence de libération, par exemple, parmi les fonctions, le droit d'assister les travailleurs dans l'exercice des droits qui leur sont reconnus par les lois et les règlements, d'identifier les situations qui peuvent être considérées comme source de danger pour les travailleurs, de faire au comité de santé et de sécurité les recommandations qu'ils jugent opportunes, de prendre connaissance des événements qui ont causé un accident grave ou mortel, de faire l'inspection des lieux de travail, d'accompagner l'inspecteur. Je ne vois pas en quoi cela fait duplication. Pourquoi un représentant des travailleurs ne pourrait-il pas accompagner les inspecteurs quand ils se présentent dans les établissements? En quoi est-ce que cela fait duplication?

M. Girard: Là-dessus, M. le ministre, nous n'avons évidemment pas d'objection à ce qu'un représentant des travailleurs accompagne un inspecteur lorsqu'il fait des inspections. Je dis cependant que de prendre connaissance des événements qui ont causé un accident grave ou mortel, c'est le rôle, précisément, des comités de sécurité. On a des comités de sécurité dans presque chaque lieu de travail, particulièrement au niveau de nos employés manuels, évidemment, parce que les problèmes de sécurité sont plus aigus à ce niveau qu'à d'autres. Je me dis, à ce moment-là, que le préposé va faire ce que les comités de sécurité qui se réunissent en moyenne une fois par mois font. Identifier les situations qui peuvent être sources de danger pour les travailleurs c'est le rôle du comité local de sécurité. Faire au comité de santé et de sécurité les recommandations qu'il juge opportunes, nous avons déjà un comité central de sécurité au niveau des employés manuels qui, soit dit en passant, sont environ 8000, et qui a pour rôle de coordonner le travail de chacun des comités locaux de sécurité au niveau des sections de travail. Assister les travailleurs dans l'exercice des droits qui leur sont reconnus par la présente loi et les règlements, les représentants syndicaux, ils sont nombreux et il y en a déjà plusieurs qui sont libérés, ils ne font que cela. Quand il y a des problèmes de sécurité, présentement, comme quand il y a d'autres problèmes dans l'entreprise, les représentants syndicaux, les conseillers techniques qui viennent de la centrale, ou encore les représentants syndicaux qui sont libérés en vertu de clauses le prévoyant à la convention collective, font cela. (20 h 45)

Accompagner l'inspecteur à l'occasion des visites d'inspection; il y en a des représentants syndicaux qui le font à l'occasion. Il y a des inspecteurs qui sont venus présentement et il y a des représentants syndicaux qui ont accompagné l'inspecteur. Je me dis que, là, il y a effectivement duplication. Ce sont déjà des choses qui se font et c'est aussi le rôle du coordonnateur patronal de faire ces choses, d'en faire d'autres aussi, mais de faire cela. La dimension sur laquelle je me permets d'insister, c'est particulièrement le nombre de syndicats qui existent à la ville de Montréal et le coût que cela peut représenter pour nous s'il y a un représentant par unité de négociation accréditée, par syndicat accrédité. Cela va en faire. Egalement, chaque comité paritaire de santé et de sécurité nomme un médecin. Cela aussi nous ferait un paquet de médecins qui s'occuperaient de santé et de sécurité, qui élaboreraient chacun un programme en collaboration avec chacun des comités de santé et de sécurité. Ce sont des questions pratiques finalement qu'on pose.

M. Marois: Si je comprends bien ce que vous dites, si déjà tout cela existe, je ne vois pas en quoi alors il y a duplication si cela existe. Il y a aussi d'autres articles du projet de loi qui disent bien, qui stipulent que ce qui est acquis et qui pourrait même être acquis en plus est conservé. Il ne s'agit pas de recommencer à côté et de refaire tout le même cheminement. Si c'est déjà acquis chez vous, tant mieux, mais alors quels problèmes de duplication additionnelle, si ce n'est, comme vous avez semblé l'évoquer, la duplication, dites-vous, avec les responsabilités et les tâches patronales?

M. Girard: Déjà, cela se fait du côté patronal au niveau du coordonnateur. Ce que vous exigez de plus de la partie patronale, c'est qu'on paie tout ce monde. C'est vrai qu'on a une section...

M. Marois: Mais les travailleurs qui sont libérés en vertu de conventions déjà, comme vous nous l'avez expliqué chez vous, qui les paie?

M. Girard: Cela dépend. Dans certains cas, c'est aux frais du syndicat et, dans d'autres cas, c'est aux frais de la ville.

M. Marois: Je veux bien, bien sûr. Vous me parlez de l'ensemble de la convention collective, mais vous me dites que cela existe déjà pour des fins de santé et de sécurité. Quand il y a de la libération pour ces fins, qui paie?

M. Girard: Les travailleurs qui sont libérés pour ces fins sont payés par le syndicat. Ils ont droit à une libération en vertu de la convention collective, mais c'est aux frais du syndicat, tandis que là, ce serait aux frais de l'employeur. En plus, on a une division de contrôle médical. Il y a déjà des médecins qui sont en place là. Nous avons toute une équipe médicale. Faudra-t-il avoir un médecin par comité de santé et de sécurité? C'est ce que la loi dans sa forme actuelle dit.

M. Marois: Non. Je ne le crois pas.

M. Girard: On dit que chaque comité paritaire...

M. Marois: Je ne le crois pas, honnêtement.

M. Girard: ... de santé et de sécurité désigne un médecin.

M. Marois: Non, non. Je crois que l'économie générale de la loi et le texte... Si c'est ce que le texte dit, — il faudrait le regarder et j'en prends note, mais vous savez fort bien que ce n'est pas l'économie générale de la loi et je ne crois pas qu'on puisse soutenir une chose comme celle-là même à l'examen du texte de loi strictement, un examen très strict et très serré du texte. Ce qu'on dit, c'est que...

M. Girard: Vous nous rassurez beaucoup.

M. Marois: ... c'est aussi le droit des travailleurs de participer au choix des médecins qui travaillent dans le domaine de la médecine du travail.

M. Girard: Bon! Vous nous rassurez beaucoup quand vous nous dites qu'il ne faudrait pas multiplier.

M. Marois: Je ne sais pas si c'est rassurant ou pas, mais...

M. Girard: C'est rassurant en termes de coûts parce qu'on a un problème de coûts énorme. Donc, si on n'est pas obligé de multiplier les préposés à la prévention, mais qu'il pourrait y en avoir un pour plusieurs groupes, déjà il y a une diminution de coûts. S'il y a un médecin qui est désigné pour l'ensemble de l'entreprise, il y a une diminution de coûts encore. Mais si vous regardez la loi, je pense qu'elle a été bâtie en pensant beaucoup plus au genre d'entreprise qu'on retrouve de façon générale où il y a peut-être un ou deux syndicats, mais très peu en pensant à une situation très particulière comme celle de la ville de Montréal où vous avez une multitude d'unités de négociation, des syndicats très gros qui ont aussi des moyens de s'occuper de santé et de sécurité qui sont fort différents de ce qu'on peut retrouver dans une petite entreprise. Je pense que toute la loi est bâtie en fonction d'une entreprise moyenne par rapport à ce que la ville de Montréal peut constituer comme très gros employeur. Il y a ce problème.

Il y a aussi le problème du médecin désigné par le ou les comités paritaires. Il s'agirait de préciser combien cela en prendrait, des comités paritaires. En a-t-on un par unité de négociation ou y en a-t-il un pour l'ensemble de l'entreprise? Je pense que je ne fais pas une mauvaise lecture de la loi. Dans une des dispositions à la fin du projet de loi, on dit bien que tous les comités de santé et de sécurité déjà prévus dans les conventions collectives constituent ipso facto des comités au sens de la loi, lorsqu'elle sera adoptée.

Je vous dis qu'on en a déjà un avec l'Association des contremaîtres, on en a déjà un avec les fonctionnaires, on en a déjà un avec les pompiers, on en a déjà un avec les cols bleus, on se retrouve avec au moins quatre. On en a un avec les ingénieurs, on est rendu à cinq, on en a un avec tous les syndicats de professionnels. J'additionne, on est rendu à douze ou treize comités de santé et de sécurité qui auront tous les mêmes prérogatives et ils auront chacun le droit de désigner un médecin.

Ce sont les problèmes que nous avons, ce sont des problèmes d'ordre pratique. Je pense que ce n'était absolument pas le but du législateur de nous embêter, mais je vous dis que, dans l'état actuel du projet de loi, nous sommes embêtés. Quand je vous dis que vous nous rassurez en disant que ce n'est pas ce que vous visez, je vous crois bien. C'est en ce sens que nous sommes rassurés, mais je pense qu'il faudrait modifier le projet de loi pour tenir compte de ces situations.

M. Lacroix (Neuville): Si vous le permettez, M. le Président, pour ajouter aux commentaires de mon collègue, lorsque vous avez souligné au début que vous aviez l'impression que l'on désirait garder le statu quo, je pense qu'il est important pour les membres de la commission de réaliser justement que les mécanismes qui sont mis en place par le projet de loi — mon collègue l'a rappelé — sont des mécanismes peut-être pour une entreprise d'envergure moyenne, qui généralement aussi, c'est important de le noter, a un lieu

de travail fixe et déterminé, où les travailleurs sont généralement regroupés à un même endroit.

Or, les activités que doit exercer la ville de Montréal, vous les retrouvez dans de multiples lieux de travail, à peu près partout dans la ville de Montréal, ce qui fait qu'au niveau de l'application ou des mécanismes qu'on désire créer, vous arriverez à des situations excessivement difficiles à régler. Dans notre mémoire, je vous ai soumis un exemple assez facile, qui est l'exemple de la tempête de neige. On peut prendre le même exemple dans le cas d'un incendie. Lorsqu'un incendie se produit, qu'arrive-t-il si, en cours d'incendie, un désaccord se produit sur la façon de procéder pour combattre le feu, parce qu'un pompier considère que cette façon de procéder est dangereuse pour lui? Est-ce qu'il faut attendre la venue de l'inspecteur pendant six heures, mettre en place tous les mécanismes et laisser l'incendie continuer?

Ce sont des situations et des exemples qui peuvent être multipliés à l'infini, de cas que l'on peut rencontrer...

M. Marois: Me Lacroix, je m'excuse de vous interrompre, c'est vraiment l'évaluation que vous faites de réactions possibles des hommes et des femmes qui travaillent. Vous me donnez le cas du service d'incendie, en cours de route, alors que présentement, les choses fonctionnent en général, comme ça, parce qu'il y aurait maintenant une loi, en d'autres termes, on verserait dans des abus absolument innommables et les gens qui sont au travail, leurs représentants utiliseraient un droit comme celui-là, qui est du domaine des droits fondamentaux, pour aboutir aux situations concrètes que vous êtes en train de donner? Il y a un cas que je connais, si on regarde les expériences d'autres personnes, qui s'est produit, si ma mémoire est bonne, en Saskatchewan où effectivement dans le cas de pompiers en particulier, ils s'étaient rendus compte que les pivots d'échelle étaient vieux et que par grand vent, il y avait danger, rendu en haut des échelles, d'être projetés en bas. Dans ce cas, la solution n'est évidemment pas d'attacher le pompier à l'échelle; ça ne règle rien.

Le résultat net, si cela s'était oroduit, c'était quelqu'un qui pouvait y laisser sa vie. Cela avait été discuté au comité, les parties ne s'étaient pas entendues et, effectivement, à l'occasion d'une pratique, les pompiers ont exercé leur droit de refus, le problème s'est réglé, c'est drôle, cette fois-là, très rapidement. Cela avait pris des mois, des mois et des mois, mais là, il s'est réglé. Cela n'a pas été considéré comme un abus dans l'exercice du droit.

L'interprétation que vous donnez du texte et l'exemple dont vous vous servez pour l'illustrer semblent indiquer que vous craignez des abus.

M. Lacroix: Je pense qu'il ne faut pas se fermer les yeux, M. le Président et M. le ministre, sur le fait que c'est quand même relié au domaine du travail. Il ne faut pas se cacher qu'en période de négociation, des moyens peuvent être utilisés par tout le monde pour arriver à des fins.

Si vous cherchez un exemple, n'oubliez pas 1974, le week-end rouge. Vous croyez peut-être que ce sont des exemples qui sont poussés à l'extrême, mais je dis que les mécanismes qui sont mis en place... nous avons, dans la ville de Montréal, trop d'activités qui existent, pour que l'on pense à conserver ce genre de mécanismes. Ce que je soumets et ce qu'on a soumis dans le mémoire et ce sur quoi on a insisté, ça n'a peut-être pas été perçu de cette façon, c'est une certaine souplesse dans les mécanismes. Il peut arriver que des situations se produisent, sans que ce soit nécessairement les travailleurs qui provoquent ces situations.

Vous avez, dans la loi, un autre exemple; vous pouvez déterminer le nombre d'heures qu'un ouvrier ou qu'un travailleur peut faire par règlement. Je suis bien d'accord qu'on puisse le déterminer, sauf que la loi crée des infractions et oblige l'employeur à respecter ce nombre d'heures. Or, il arrive fréquemment des situations... Je pense, par exemple, à ce qui peut arriver assez souvent lorsqu'il y a des bris de conduites d'aqueduc en plein hiver; les employés vont sur les lieux, ça peut être en fin de semaine, ça peut être durant la nuit et là, parce que le nombre d'heures est atteint, il faut attendre que d'autres personnes puissent venir sur les lieux pour remédier à la situation.

Ce que je souligne et ce qu'on essaie de vous expliquer, c'est qu'il faut prévoir des mécanismes de souplesse, parce que l'on ne peut pas prévoir toutes les situations, mais on en a vécu plusieurs situations difficiles et on a envie fréquemment, à cause du grand nombre d'activités qui sont exercées, et c'est ça qu'on essaie d'indiquer à la commission, que les mécanismes de mettre un nombre de personnes aussi important... Lorsque vous avez des personnes qui travaillent dans un lieu fixe, où certains problèmes peuvent se régler et se discuter sur place, ça va bien; mais lorsque vous avez des gens qui travaillent à l'extérieur et où le travail se fait 24 heures par jour, je pense qu'il faut repenser les mécanismes de la loi.

Je comprends qu'on est peut-être dans une situation particulière et je soumets que le gouvernement va peut-être être aussi dans des situations particulières, puisque vous allez être soumis aussi à ce même genre de loi, mais je pense qu'il faut penser justement à ces situations qui sont vécues quotidiennement et fréquemment par tout le monde. Si on veut que la santé et la sécurité du travail aient un sens, ce ne sont pas des mécanismes — en multipliant le nombre de personnes qui doivent intervenir — qui vont régler les problèmes. Il faut créer des mécanismes qui puissent, à l'occasion, s'adapter aux circonstances et prévoir, si nécessaire, des cas d'urgence, parce qu'il va sûrement se produire des cas d'urgence à plusieurs reprises. C'est l'esprit qui se dégage, quant à nous, de l'intention de la ville, relativement au projet de loi.

Nous n'en avons pas aux principes énoncés et même aux mécanismes mis en place, ce que l'on essaie de vous souligner, c'est que ce ne sont peut-être pas les véritables ou les seuls mécanismes qui doivent exister.

Pour répondre à la question sur les articles 58 et 59, je ne veux pas m'engager dans un débat juridique ici, j'ai voulu attirer l'attention de la commission sur cette question, parce que je suis convaincu que ce n'est pas dans l'intention du gouvernement que les comités ne soient pas paritaires. Cependant, si vous lisez le deuxième alinéa de l'article 58, on dit bien que l'association accréditée, lorsqu'il y en a une, nomme la moitié des membres du comité. Ce sont les membres du comité. Les autres sont nommés par l'employeur. (21 heures)

Donc, elle peut bien nommer 90% des membres du comité ou 95% ou 99%. C'est peut-être la phraséologie même du texte qui ne reflète pas tout à fait la situation. Quand vous parlez du droit de vote, les membres du comité, s'ils ont presque tous été nommés par l'association accréditée, le droit de vote qui va exister, je soumets respectueusement que ce seront les représentants de l'association accréditée qui vont décider du droit de vote de l'employeur.

Enfin, je veux attirer votre attention là-dessus. Je ne veux pas me lancer dans un débat juridique. Peut-être que les termes n'ont pas été... ou c'est nous qui comprenons mal le texte. Mais comme on n'utilise pas les mêmes mots dans les deux articles, il faut peut-être faire attention dans l'interprétation qu'on peut en donner pour éviter des conflits.

M. Denis (Raymond): M. le Président, le Service des travaux publics a comme fonction, entre autres, de produire l'eau potable pour les citoyens de la ville de Montréal et même les citoyens des villes environnantes. La production de l'eau potable et la distribution de l'eau potable, je pense que c'est considéré comme un service essentiel. Il y a une loi qui, d'une part, oblige les travailleurs à fournir les services essentiels en cas de grève et, par ailleurs, en vertu de la présente loi, j'interprète qu'éventuellement, s'il y a un danger de sécurité, un employeur pourrait laisser son poste dans l'usine de production d'eau potable, par exemple. Ou encore, si on a établi que le nombre maximal d'heures de travail d'un employé est de huit heures et qu'on a des employés dans des usines de pompage qui travaillent en rotation, si le type qui fait la relève n'entre pas, il faut absolument que l'autre reste en place. C'est un genre de problème.

Un autre genre de problème qu'on relève à la cité de Montréal, c'est qu'au niveau des employés manuels, on a différentes catégories d'employés, on a des employés permanents, on a des employés auxiliaires. Or, avec des statistiques qu'on a recueillies dans une seule division chez nous, on s'est aperçu que pour la distribution des bottines de sécurité, avec des employés permanents, on doit fournir environ une paire de bottines à tous les deux ans. Avec des employés auxiliaires, donc qui n'ont pas de statut de permanence et qui ont un droit de rappel à l'intérieur de la division, on fournit une paire de bottines par année. A cause d'un phénomène de "pool" à l'intérieur de notre convention collective, au niveau des employés ti- tulaires ou auxiliaires qui font partie du "pool" et qui viennent occuper temporairement un poste au sein de la division, on doit, pour le même nombre de jours ouvrables par année, fournir six paires de bottines. C'est un autre point à signaler.

Il y avait le cas des chantiers aussi. La façon dont nous travaillons à la ville de Montréal, évidemment, ce n'est pas le même genre d'occupation qu'un autre employeur, de sorte que je peux avoir deux hommes qui creusent un trou pour réparer un tuyau de service d'eau dans une rue et deux autres hommes... Notre personnel est dispersé de cette façon. Si on prend comme définition celle qui est donnée à chantier, on va avoir une multiplicité de chantiers à la ville de Montréal. Par contre, au niveau de la division des édifices municipaux, qui fait partie des travaux publics, on exécute en régie des travaux qui sont l'équivalent de travaux qu'on confie à l'entrepreneur en construction. Il arrive de temps à autre, et même assez souvent, qu'on en confie à l'entreprise, de sorte que ces gens seraient considérés dans la partie construction, devraient avoir des comités de chantier.

Par ailleurs, quand on exécute des travaux en régie à la ville de Montréal, est-ce qu'il faudrait, d'une part, avoir notre organisation permanente de comités de sécurité, et en plus, parce qu'on exécute des travaux en régie qui sont considérés comme des travaux de construction, avoir nos comités de chantier? C'est un exemple du genre de problèmes auxquels on aurait à faire face éventuellement, si on ne clarifie pas certains points du projet de loi.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Merci, M. le Président. Messieurs de la ville de Montréal, on a pris connaissance de votre mémoire. Je ne veux pas revenir sur les nombreux points que vous avez détaillés parce que, d'une part, il est tard et, d'autre part, j'ai eu l'occasion lors d'échanges avec d'autres intervenants de faire part de certains points sur lesquels j'étais d'accord. Il y a des points dans le projet de loi sur lesquels je ne suis pas d'accord. Il y a, par contre, des points auxquels nous souscrivons. Il y a quand même un élément de votre mémoire qui m'a un peu surpris. C'est sur l'aspect du droit de refus pour lequel vous êtes intervenus. Vous avez beaucoup insisté, vous avez donné des exemples et tout cela.

Je suis surpris qu'un organisme, une corporation comme la ville de Montréal exprime autant de réticence, ait autant de craintes à l'endroit de l'exercice d'un tel droit. Vous semblez — en tout cas, c'est l'interprétation que j'y donne, peut-être que vous pourrez revenir là-dessus — croire que c'est un droit qui sera terriblement exercé, qui sera exercé souvent, que c'est un droit qui peut ouvrir la porte à l'anarchie dans vos activités. Il faut établir certaines choses, c'est un droit qui a toujours existé, parce qu'il n'y a pas un droit qui est plus fondamental, plus naturel pour un travailleur et pour un citoyen, qu'il travaille pour Jos.

Bleau ou pour la ville de Montréal ou pour Pierre X, que de protéger sa santé et de protéger sa vie lorsqu'il y a un danger. C'est un droit que les tribunaux ont reconnu.

Vous demandez au gouvernement, au législateur de modifier le texte du projet de loi pour le préciser et le ramener, en termes d'application, à une définition de danger immédiat et grave. J'aimerais bien, quant à moi, que vous puissiez me donner une définition juridique du terme "danger grave". C'est une question d'appréciation, la gravité ou non d'un danger. Le fait de dire dans une loi — je suis convaincu que vos avocats abonderont dans le même sens que moi — pour que le droit soit exercé, que le danger doit être grave, cela impliquera toute une définition, cela impliquera toute une jurisprudence, et, somme toute, cela pourra risquer de remettre en cause un principe aussi fondamental que le droit naturel de refuser de travailler quand le danger est là. Cela peut aller aussi loin, une définition comme celle-là, que de légaliser une chose qui va contre le droit naturel d'un individu. Je vous le dis bien franchement, bien ouvertement, je ne m'explique pas votre attitude à cet égard, d'autant plus qu'il y a quand même des éléments, il y a des pouvoirs qui sont donnés à l'employeur dans les cas où ce droit est exercé de mauvaise foi. Il est peut-être explicable dans des entreprises où les relations de travail ne sont pas des plus sereines — je ne sais pas comment cela va chez vous — qu'on craigne des abus dans ce sens, au moment des négociations et des renouvellements de conventions collectives. Si l'employeur est capable de démontrer que le droit qu'a invoqué l'employé n'est en aucune façon relié à un danger quelconque et que cela a été fait de mauvaise foi, il y a quand même des recours, des suspensions, des congédiements, etc.

Dernier élément de tout cela, c'est qu'en Ontario cela a été fait. Que je sache, la maturité patronale et la maturité syndicale en Ontario et au Québec, cela doit être pas mal pareil, selon moi. Cela n'a pas été utilisé à outrance, ce droit. Officiellement, selon les renseignements que j'ai — je vous le dis sous toute réserve, on n'a pas de chiffre en date du 6 septembre 1979 — cela aurait été utilisé une centaine de fois. Dans une vingtaine de cas, cela aurait été jugé fondé; dans d'autres, non fondé, mais quand même pas de mauvaise foi. Les renseignements que j'ai, c'est que, depuis le début de l'application de la loi, il y aurait eu deux fois seulement où cela aurait été fait de mauvaise foi. C'est la question que je me pose et je vous la pose en même temps. J'aimerais bien que vos juristes me donnent une définition d'un "danger grave".

M. Denis: M. le Président, vous avez vous-même mentionné que la question de définir un danger est une question d'appréciation. Cela devient donc très subjectif. Or, il me semble que, lorsqu'on est en face d'une situation comme celle-là, il faut donner des balises pour permettre aux gens de se guider dans les décisions à prendre et qui sont fortement influencées par des situations émotionnelles, par exemple. C'est ce que je voulais dire dans ce sens-là.

Maintenant, quand on veut parler de "danger grave" ou "imminent", ça ne veut pas dire qu'on laisse pourrir des situations où le danger est moins grave et moins imminent, mais il peut y avoir d'autres sortes de recours, d'autres sortes d'actions plutôt que l'arrêt de travail. C'est dans ce sens-là que se fait notre intervention.

M. Pagé: Les comités de santé et de sécurité vont être là pour ces aspects. En tout cas, je n'ai pas à défendre la loi, ce n'est pas moi qui la présente. Ecoutez, j'aurais pu ne rien ajouter, mais je me permets de vous dire que je suis surpris des réserves et des commentaires que vous formulez à l'égard de cet aspect du projet et j'aurais peut-être une autre question aussi. Est-ce que le droit de refus est utilisé souvent chez vous?

M. Girard: C'est arrivé rarement et c'est ça qui est important, je pense. Vous soulevez effectivement la bonne question. Vous avez dit que le droit de refuser, c'est un droit inaliénable et vous avez parfaitement raison. Il s'agit cependant d'avoir des balises, comme le disait M. Denis, suffisamment fortes pour éviter qu'il ne soit utilisé à tout propos. C'est précisément parce que la jurisprudence présentement est assez claire qu'il n'y a pas d'abus. D'abord, l'employé qui le fait a à prouver qu'il avait raison de faire une telle chose. Il peut être suspendu par l'employeur immédiatement et il lui appartient, à l'arbitrage, après, de prouver qu'il a exercé un droit de refus en toute bonne foi et qu'il avait raison de le faire. S'il n'est pas capable de le faire, la décision de l'employeur est maintenue. Là, on renverse la situation.

M. Pagé: Le fardeau de la preuve est de l'autre côté.

M. Girard: On renverse la situation. Alors, c'est très différent. Quand vous dites que nous avons des craintes, c'est vrai que nous en avons, mais c'est parce que nous avons vécu des expériences. Cela fait douze ans que je négocie des conventions collectives pour le compte de la ville de Montréal et j'en ai vu de toutes les sortes. Je peux vous dire que, très régulièrement, chaque fois que j'ai négocié, on a utilisé, à des fins de négociation, des arguments de sécurité. Je dis que le projet de loi, dans l'état où il est présentement, connaissant les relations de travail à la ville de Montréal, on va l'utiliser à des fins de négociation. Je m'excuse de rappeler un événement triste, mais le "week-end rouge" en 1974, c'était une situation terrible. Ce n'est pas l'actuel gouvernement qui a eu à la régler, c'était le gouvernement précédent, mais si on se réfère...

M. Pagé: Je me le rappelle, j'étais là.

M. Girard: Oui, bon! Si on se réfère au ministre du Travail de l'époque et au premier ministre de l'époque, je vous prie de me croire que c'était une situation très délicate et, encore une fois, en 1974, on a utilisé des arguments de sécurité pour paralyser un paquet d'opérations au

niveau du service d'incendie. Ce ne sont pas des chimères. Quand on nous dit: Pensez-vous que les travailleurs vont faire ça? Non seulement nous le pensons; ils l'ont déjà fait. Je ne vous dis pas qu'ils font ça en temps de paix industrielle, absolument pas, mais, en situation de crise, ça s'est déjà fait. Ce n'étaient pas des chimères.

M. Pagé: En tout cas, j'aurais bien aimé avoir... Quant à moi, je ne crois pas, et ça, peu importe le côté de la table où on puisse être, qu'on puisse définir un critère aussi subjectif que la gravité. Ce doit être laissé à l'appréciation de gens qui sont là, du travailleur, de la personne qui sera appelée, dans la première étape, à aller constater si le refus est fondé ou non. Je conviens avec vous — d'ailleurs, j'en ai fait part — que le mécanisme est trop lourd, avec les quatre étapes, l'inspecteur-chef régional et tout ça. Je conviens que, dans certains cas, le délai de six heures, ça va causer des torts, mais c'est le prix qu'il faut payer, jusque dans une certaine mesure, pour tenter de sauver les 200 vies qu'on perd au Québec chaque année. Il y a des éléments que vous invoquez qui sont bien fondés et il y en a d'autres, à l'égard desquels je me permets de ne pas être d'accord.

M. Denis: Est-ce que je pourrais poser une question, M. le Président? Je m'excuse, peut-être que...

Le Président (M. Marcoux): Le plus brièvement possible, parce qu'il reste deux autres groupes à entendre ce soir, théoriquement, en tout cas. (21 h 15)

M. Denis: Je voulais seulement donner un exemple. Supposons qu'un groupe d'électriciens, habitués à travailler avec une sorte de gants sur des lignes de transmission, l'ont fait depuis des jours avec des gants considérés comme valables et qu'un bon matin, ces gens arrivent à l'atelier et décident que les gants ne sont pas bons pour travailler. Est-ce que c'est un danger immédiat? Est-ce que c'est un danger qui justifierait l'arrêt de travail? C'est la question qu'on se pose.

M. Pagé: Je ne veux pas continuer jusqu'à 22 heures. Je me permets quelque chose peut-être un peu brutal, mais si j'étais à cette place, placé dans une telle conjoncture, je ne m'interrogerais pas sur les gants, je m'interrogerais sur le climat de relations de travail que j'ai. Il y a peut-être autant de blâme de l'autre côté, de la part du gars qui refuse les gants, mais je m'interrogerais sur la relation qu'il y a entre les deux.

Merci.

Le Président (M. Marcoux): Le plus brièvement possible.

M. Lacroix: Lors de l'autre intervention, M. le ministre, on a fait état, je pense, des employés auxiliaires. Brièvement, dans notre résumé, nous avons attiré l'attention du ministre sur cette question. Quant à nous, étant donné la nature des fonctions exercées où, par exemple, des gens vont travailler pendant une période assez limitée, si par exemple un travail est donné pour une période bien définie et que dans les conventions collectives on prévoit qu'un employé peut être remercié dans un délai de X temps, il faudrait peut-être prévoir un mécanisme dans la loi à cet effet, de façon qu'on ne soit pas pris, non plus, à continuer de payer des employés auxiliaires ou à avoir des conflits sur des interprétations de texte devant des arbitres relativement à des auxiliaires qui doivent travailler pendant un temps assez limité.

Je pense que c'est assez important de faire cette remarque puisqu'elle a déjà été faite. Je pense, en terminant, qu'il y a lieu, aussi, d'indiquer au ministre qu'il est peut-être important de revoir — si vous le jugez à propos, évidemment — la notion d'établissement. Il y a, comme je vous dis, des caractères, des fonctions...

M. Marois: J'ai pris bonne note de vos commentaires là-dessus et on va regarder cela de très près.

M. Lacroix: Quant aux chantiers de construction qui sont reliés, peut-être, en même temps, il faudrait prévoir un mécanisme

Le Président (M. Marcoux): Je remercie les représentants de la ville de Montréal.

M. Lorange: Vous me permettez, M. le Président, de vous remercier, ainsi que le ministre Marois et aussi les membres de cette commission pour la très grande indulgence et la patience que vous avez manifestées à l'endroit de la délégation de la ville de Montréal. Aussi, je profite de l'occasion pour vous offrir, au nom de l'administration, cette collaboration de nos fonctionnaires si vous jugez que, dans une phase ultérieure, ils seraient utiles.

Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie beaucoup.

J'inviterais maintenant l'Association des contremaîtres municipaux à venir présenter son mémoire.

M. Claude Jutras, si vous voulez nous présenter votre collègue.

Association des contremaîtres de la ville de Montréal

M. Jutras (Claude): A ma droite, M. Bernard Boucher, vice-président de l'Association des contremaîtres de la ville de Montréal.

M. le ministre, M. le Président, messieurs de la commission, permettez-moi de vous remercier au nom de 470 contremaîtres de la ville de Montréal pour la possibilité que vous nous fournissez de nous présenter et de nous faire entendre sur le projet de loi no 17. Nous espérons que les quelques suggestions que nous vous proposons seront retenues.

A la lecture du livre blanc et du projet de loi no 17, trois questions se posent. Première ques-

tion: Qui, M. le ministre, dans le projet de loi actuel, doit transmettre directement et équitablement aux travailleurs l'esprit du législateur?

Deuxième question: Qui, M. le ministre, dans le projet de loi, au niveau des associations sectorielles, mieux qu'un contremaître, peut aider équi-tablement à la formation et au fonctionnement des comités de santé ou des comités de chantier?

Troisième question: Qui, M. le ministre, doit avoir le plus proche, les plus fréquents et les plus justes contacts avec les travailleurs?

Ce mémoire, M. le ministre, tentera d'apporter quelques réponses, mais surtout il tentera de sensibiliser le législateur sur le personnage qui est la pierre angulaire de tout programme de santé et de sécurité au travail pour les travailleurs et qui semble avoir été oublié dans le projet de loi.

Le contremaître, M. le ministre, est un agent catalyseur qui doit avoir dans le projet de loi no 17 un statut particulier dans les chapitres 4, 6, 9 et aussi dans la réglementation. Voici donc quelques suggestions.

La première suggestion au chapitre 4 concernant les comités de santé et de sécurité au travail, à l'article 58, deuxième alinéa: Un contremaître devrait être obligatoirement nommé par l'employeur à ce comité avec l'approbation de l'association des contremaîtres.

La deuxième suggestion, toujours au chapitre 4, à l'article 66: Le contremaître devrait être inclus dans cet article pour lui permettre de remplir pleinement son rôle essentiel dans ce comité.

Troisième suggestion, au chapitre 6, concernant les associations sectorielles paritaires sur la santé et la sécurité au travail, à l'article 73: Dans le conseil d'administration, un des représentants nommés par le ou les employeurs devrait être un contremaître nommé par la ou les associations de contremaîtres après entente avec la ou les associations d'employeurs. A défaut d'entente, la commission de la santé et de la sécurité au travail fait le choix du contremaître à l'aide d'une liste fournie par chaque partie.

Quatrième suggestion, au chapitre 9, concernant la commission de la santé et de la sécurité au travail, à l'article 106, deuxième alinéa: On devrait y inclure un contremaître choisi par les associations de contremaîtres après entente avec les associations d'employeurs.

Cinquième suggestion, au chapitre 12 concernant la réglementation, à l'alinéa 11: Obliger la formation d'associations sectorielles pour les employeurs ayant 5000 travailleurs ou plus.

M. le ministre, ces modestes suggestions étudiées et fignolées par vos experts aideront, j'en suis sûr, à solidifier l'esprit du législateur dans le but recherché par ce projet de loi. Par la même occasion, le statut particulier des contremaîtres, déjà reconnu par le législateur dans le Code du travail à l'article 20, serait continué dans le projet de loi no 17 et permettrait aux contremaîtres d'accomplir pleinement leur rôle important dans la vie québécoise.

Une dernière question. Qui, M. le ministre, reçoit le plus haut pourcentage de blâmes lors d'accidents du travail? M. le ministre, M. le Président, messieurs de la commission parlementaire, je demeure à votre entière disposition. Merci.

Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie. M. le ministre.

M. Marois: M. le Président, je voudrais remercier l'Association des contremaîtres municipaux de la ville de Montréal de son mémoire qui attire notre attention sur un aspect très particulier. Effectivement, il y a à ma connaissance une espèce de statut particulier dans le cas des contremaîtres de la ville de Montréal et c'est vrai aussi dans le cas de l'Hydro-Québec, où il y a des associations reconnues comme telles. Vous demandez en quelque sorte que ce statut qui vous est acquis soit conservé et protégé en conséquence par le projet de loi 17 et que vous puissiez aussi bénéficier en conséquence de l'ensemble des avantages de la loi et d'être aussi, forcément, impliqués dans les divers mécanismes prévus.

J'aurais deux questions à vous poser pour voir la portée, parce qu'au fond, ce que vous demandez, c'est dans votre cas à vous. Si c'est dans votre cas à vous, il y a aussi le cas — parmi ceux que je connais — de l'Hydro-Québec.

Est-ce qu'il existe, à votre connaissance, d'autres associations de contremaîtres, à part le cas de la ville de Montréal et de l'Hydro-Québec? Deuxièmement, est-ce que vous avez des relations avec elles? Si oui, s'il y en a d'autres, est-ce que vous voyez vos recommandations s'appliquant uniquement dans le prolongement du statut particulier que vous avez déjà et qu'ont déjà aussi les contremaîtres de l'Hydro-Québec ou si vous le voyez englober l'ensemble des autres associations de contremaîtres, s'il en existe?

M. Jutras: Pour la première question, à savoir s'il y a d'autres associations de contremaîtres, je crois qu'il y en a dans la ville de Québec, mais je le dis sous toute réserve. C'est tout ce qu'on peut dire là-dessus. On a souvent des appels de contremaîtres de différents endroits, même d'entreprises privées qui demandent de l'information, mais le statut particulier ou, si vous voulez, la place du contremaître dans n'importe quelle entreprise, qu'elle soit privée ou gouvernementale, est toujours critique.

Elles s'informent, mais de là à affirmer qu'il y a de nombreuses associations, à part Québec, j'en ai vaguement connaissance. Cela répond à la première question.

Les relations. En fait, la deuxième question, j'y ai répondu dans ma première réponse. Je crois que l'action que nous avançons aujourd'hui, on aimerait qu'elle se répercute à la grandeur de la province au niveau des contremaîtres. C'est un personnage qui est placé dans une situation ambiguë; dans n'importe quelle entreprise et en cas d'accidents du travail, il est toujours le premier impliqué dans la responsabilité. Alors, si la loi 17 favorisait ou ouvrait une voie dans les associations de contremaîtres, cela pourrait être un objectif

que nous visons, pour la protection des contremaîtres qui, si on regarde le nombre de travailleurs dans la province de Québec, doit certainement se situer à 5000 ou plus.

M. Marois: Si vous me permettez une question additionnelle, parmi vos suggestions, vous recommandez qu'au chapitre 4, concernant les comités de santé et de sécurité à l'article 58, deuxième alinéa, un contremaître devrait être obligatoirement nommé par l'employeur. Est-ce que je suis dans l'erreur d'interpréter cette demande, de la façon dont elle est formulée, de la façon suivante — je vous le pose sous forme de question — est-ce que vous vous considéreriez au comité comme un des représentants de l'employeur?

En même temps, je veux simplement bien comprendre ce que vous demandez, parce que si vous demandez, par l'extension, sous la coupe du projet de loi 17, de bénéficier de l'ensemble des avantages, je pense qu'il est bien important qu'on voie bien, que les parlementaires voient bien la façon dont vous percevez le problème. Est-ce que vous désirez avoir la protection comme travailleurs? C'est un peu ce que ça laisse entendre, tel que c'est formulé, ce n'est peut-être pas votre intention, je n'en sais rien. Dans le cas de la recommandation concernant l'article 58, vous suggérez qu'un contremaître devrait être obligatoirement nommé par l'employeur; est-ce que vous considérez que le contremaître en question serait un des représentants de l'employeur? (21 h 30)

M. Jutras: Je répondrais, franchement et honnêtement, oui à votre question voulant que nous soyons du côté de l'employeur. Maintenant, la raison qui nous force à être impliqués dans chacun des mécanismes du projet de loi no 17, c'est que toutes les journées de travail des contremaîtres sont régulièrement prises par des problèmes de danger, de sécurité. Si dans la formation des contremaîtres personne ne peut servir en étant du côté patronal et que la formation revient à la partie patronale, si personne n'est là pour vérifier la formation des contremaîtres... Disons que, du côté syndical, ils ont leurs mécanismes; du côté patronal, le contremaître qui est en plein champ d'action dans la sécurité doit avoir quelqu'un... En fait, notre but, c'est d'avoir quelqu'un pour aider à bien former les contremaîtres, à leur donner suffisamment de champ d'action concernant la sécurité pour être capables de mener à bien leur travail de contremaîtres. A l'intérieur de la Sûreté du Québec, vous avez un comité qui s'occupe de surveiller la Sûreté du Québec, les agents; c'est peut-être un peu, dans un sens, le but que nous visons, d'avoir un contremaître au niveau de la loi 17 pour être capable de s'assurer que tous les contremaîtres, dans quelque entreprise que ce soit, soient bien informés, qu'ils ne soient pas seulement le bout de la queue de la chèvre qui se promène de gauche à droite sans possibilité d'intervenir.

M. Marois: Je terminerai là-dessus, sur la dimension de l'information; est-ce que vous ne trou- vez pas la réponse à votre question à l'article 9 du projet de loi?

M. Jutras: Oui, à l'article 9, nous jouissons de la même protection pour un contremaître qui est accidenté; c'est le sens que je donne à l'article 9.

M. Marois: Oui, l'article 9, qui doit être lu, évidemment, en relation avec l'article 10.

M. Jutras: On jouit des mêmes droits comme contremaîtres. Je prends donc l'article 10; si un contremaître se fait blesser, il jouit de tous les avantages de la loi, mais, comme quelqu'un qui prend une décision, quelqu'un qui doit être sur le chantier pour surveiller au nom de l'employeur, effectivement, à ce moment, le contremaître n'a pas d'autorité pour voir à ce que chaque personne qui agit comme contremaître soit informée, instruite sur ce qu'elle doit vérifier concernant les dangers d'accidents. C'est à l'égard des subordonnés, qui ne comptent pas, d'après moi, dans l'article 10, mais qui comptent au niveau de chacun des comités de sécurité; c'est dans ce sens qu'on regarde la loi 17.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Simplement pour remercier les représentants de l'Association des contremaîtres municipaux d'être venus nous rencontrer et nous faire part de leurs commentaires. Vous relancez, somme toute, tout le débat qui se pose depuis l'adoption, en 1970, par le gouvernement d'alors, d'une loi présentée par M. Pierre Laporte, la loi 36, qui permettait un régime particulier pour les contremaîtres de la ville de Montréal et les contremaîtres de l'Hydro-Québec. Cet aspect s'inscrit dans le débat de la syndicalisation des cadres et ce que ça peut impliquer. Est-ce que le cadre syndiqué, est-ce que le contremaître syndiqué est davantage un mandataire de l'employeur ou davantage un syndiqué comme tel? C'est tout ce débat que ça implique, c'est ce que ça comporte.

Dans le cadre du projet de loi no 17, cela peut avoir des implications sur la composition ou encore votre représentation au sein des comités de sécurité. Est-ce que vous y serez comme employés ou encore comme mandataires de l'employeur? C'est tout le débat que vous lancez ce soir. Quant à nous de l'Opposition officielle, on prend connaissance de votre mémoire. On va le regarder et on fera les représentations en conséquence lors de l'étude du projet de loi article par article ou encore au débat de deuxième lecture. Merci, messieurs.

M. Jutras: M. le Président, mon vice-président aurait quelques commentaires à passer.

M. Pagé: Le parlement vous appartient.

M. Boucher (Bernard): M. le Président, M. le ministre, MM. les députés, au sujet d'une remar-

que, d'une question que M. le ministre a posée tout à l'heure qui parlait d'association de contremaîtres, s'il en existait, s'il y avait des relations propres, s'il y avait eu des rencontres entre ces associations, j'aurais quand même à formuler certaines choses. C'est que les membres de l'Association des contremaîtres de la ville de Montréal et ceux de l'Hydro-Québec sont syndiqués en vertu d'une loi spéciale qui les reconnaît parce qu'ils existaient avant que la loi soit amendée à ce moment. Ce sont les deux seuls syndicats qui étaient formés. C'est pourquoi ils ont été accrédités en vertu de la loi spéciale. Cela ne veut pas dire qu'il n'existe pas d'autres associations de contremaîtres. Par exemple, on me dit qu'à Arvida, il y aurait une association de contremaîtres à la compagnie d'aluminium qui comprendrait une trentaine de contremaîtres. Par contre, ils ne sont pas reconnus officiellement parce que la loi les en empêche, parce que dans la loi on dit que les contremaîtres faisant partie des cadres, ils ne sont pas syndicables.

Il y a aussi eu des rencontres faites avec les contremaîtres de la ville de Québec. A chaque fois qu'on est venu ici à Québec, on les a rencontrés, excepté aujourd'hui. Ils nous ont demandé certaines choses en vue de faire des revendications auprès de leur employeur au sujet de nos échelles salariales, etc. Mais eux aussi sont pris par la loi. Ils ne sont pas syndicables et ils ne sont pas reconnus. C'est ce que j'avais à ajouter.

Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie beaucoup au nom de tous les membres de la commission. J'inviterais maintenant le Syndicat des fonctionnaires municipaux de Montréal à venir nous présenter son mémoire.

Syndicat des fonctionnaires municipaux de Montréal

M. Racicot (Gilles): M. le Président, si vous me permettez, contrairement à ce qui est indiqué à l'agenda, je serai le porte-parole de la délégation du syndicat des fonctionnaires. Mon nom est Gilles Racicot. Je suis président du syndicat. Si vous me le permettez, je vais présenter mes collègues. En commençant d'abord à la gauche: Gilles des Groseillers, membre du comité ad hoc qui a étudié le livre blanc et le projet de loi comme tel au nom du syndicat, Gilles Martin, aussi membre de ce comité et coordonnateur des comités d'hygiène et de sécurité au sens des conventions collectives à la ville de Montréal, Me Denis Desjardins qui est représentant du Syndicat canadien de la fonction publique, particulièrement attaché au Syndicat des fonctionnaires municipaux de Montréal. A ma droite, Jean-Guy Richer, vice-présient du syndicat, René Fréchette, membre du comité ad hoc sur le livre blanc et le projet de loi, Françoise Geoffroy également membre de ce comité ad hoc et Christian Chapdelaine, secrétaire du syndicat.

Compte tenu de l'heure tardive et des nombreuses discussions qu'on a eues déjà, M. le Pré- sident, si vous le permettez, je vous éviterai la lecture fastidieuse des modifications qu'on suggérait humblement à chacun des articles du projet de loi et je me contenterai, si vous voulez, de lire le préambule et peut-être en ajoutant quelques commentaires.

Je vous dis immédiatement que nous n'avons pu prendre connaissance du projet final du mémoire de la FTQ. Depuis, nous avons pu en prendre connaissance et, à la lumière de discussions, cela nous amène à apporter certaines modifications à notre mémoire comme tel, notamment certaines modifications sur les textes de loi. Si vous acceptiez, je vous indiquerais peut-être les grandes lignes des modifications qu'on voudrait apporter, et, dans les jours qui suivront, nous vous ferions parvenir un document écrit qui viendrait en quelque sorte dire: Ne tenez pas compte de notre recommandation à tel article, puisque, maintenant, nous avons changé d'opinion.

Le Président (M. Marcoux): La procédure la plus simple serait à ce moment de le transmettre au secrétariat des commissions qui va le transmettre à chacun des députés membres de la commission. Est-ce que vous désirez que votre mémoire actuel soit versé au journal des Débats?

M. Racicot: S'il vous plaît. En tenant compte des amendements auxquels on vient de faire allusion.

Le Président (M. Marcoux): D'accord...

M. Pagé: Pour autant que les amendements soient donnés avant l'ajournement sine die de notre commission, c'est-à-dire avant le 21 septembre. A ce moment, le président pourra, par une requête aux parlementaires qui sera certainement acceptée, faire inscrire cela au journal des Débats.

M. Racicot: On vous remercie bien. On va faire en sorte que ce soit fait. M. le Président, MM. les ministres, MM. les députés membres de la commission permanente du travail et de la main-d'oeuvre, le Syndicat des fonctionnaires municipaux de Montréal, section locale 429 du Syndicat canadien de la fonction publique et représentant plus de 6000 membres, est heureux de présenter son mémoire sur le projet de loi no 17, Loi sur la santé et la sécurité du travail. Notre syndicat avait créé un comité syndical ad hoc sur la santé et la sécurité au travail, qui produisait un premier rapport sur le livre blanc et la santé et la sécurité au travail. Nous avions donc présenté notre mémoire au colloque de la FTQ les 20 et 21 novembre 1978. D'autre part, puisque nous y sommes volontairement affiliés, nous endossons les prises de position de la FTQ quant à l'esprit qui se dégage du mémoire de la FTQ. Nous voulons immédiatement attirer votre attention sur certaines modifications que nous suggérons, notamment au niveau des articles qui touchent le nombre de membres de la commission comme telle. Nous apportons certains amendements, sauf que nous

endossons un mémoire de la FTQ qui vous sera présenté et qui suggère plutôt douze membres que six membres. Il faudrait tenir compte de nos remarques en tenant compte que cela devrait être douze membres plutôt que six. Nos remarques s'appliquent quand même à ce moment. Une des principales raisons pour lesquelles en endosse cette politique de la FTQ, c'est que, dans son mémoire, la FTQ, avec douze, nous permettrait d'avoir un représentant du secteur administration comme tel, alors qu'à cinq ou six représentants il y aurait peut-être des chances que l'administration publique — je dis peut-être, je ne connais pas les intentions — compte tenu qu'on admet, de façon générale, que ce n'est peut-être pas là où il y a les dangers les plus imminents au niveau de la santé et de la sécurité, autant de maladies industrielles que d'accidents industriels ou professionnels, même si, encore là, au niveau des municipalités, on peut comprendre par exemple, notamment chez les cols bleus, il y a une fréquence assez élevée, notamment à la ville de Montréal. Alors, ce serait une façon pour nous de nous assurer qu'on ait quelqu'un qui connaisse bien les problèmes du milieu qui siège à cette commission.

Notre syndicat a cru toutefois devoir présenter son propre mémoire afin de bien exprimer les préoccupations particulières de ses membres sur le sujet. On comprendra d'autant plus l'intérêt de notre syndicat de s'exprimer sur ledit sujet par la dualité du problème posé chez nous. D'une part, nous avons des fonctionnaires municipaux cols blancs qui exécutent des travaux dits intellectuels, tandis que d'autres sont particulièrement affectés à des travaux dits physiques ou encore à des travaux d'inspection sur des chantiers de construction et autres. (21 h 45)

D'autre part, nos fonctionnaires municipaux cols blancs sont conscients de problèmes spécifiques à leurs conditions de travail, particulièrement à la suite de l'étude que nous avons fait exécuter par le Bureau des psychologues industriels Pierre Dubois et associés sur la qualité de la vie au travail et également sur le fait que nous avons un certain nombre de fonctionnaires municipaux cols blancs qui sont exposés à des dangers particuliers., tels ceux qui vont sur les chantiers, dans les tunnels, etc.

Nous avons donc rédigé ce mémoire en pensant particulièrement à ces deux catégories de fonctionnaires municipaux, mais également à tous ceux qui se situeraient dans une zone intermédiaire. Ce mémoire est donc la somme de ces réflexions et représente ainsi la pensée de notre syndicat au sujet du projet de loi no 17, Loi sur la santé et la sécurité du travail, présentement devant nous.

Le syndicat vous remercie donc, messieurs les ministres, les députés et les membres de la commission permanente du travail et de la main-d'oeuvre de bien vouloir prendre connaissance de son mémoire et de l'entendre sur ce sujet.

Nous avons constaté que ledit projet de loi contient plusieurs des recommandations faites dans notre mémoire sur le livre blanc. Malgré ce fait, le projet de loi nécessite des changements majeurs pour pouvoir vraiment protéger la santé et la sécurité des travailleurs.

L'étude de ce projet de loi nous a démontré le désir du gouvernement de corriger une situation inacceptable en ce qui a trait à la santé et à la sécurité du travail. Tous comprendront que nous nous référons à la quantité astronomique d'accidents du travail et de maladies professionnelles au Québec depuis moult années.

Nous avons pu constater une tendance très nette à minimiser les pouvoirs et même la présence de la partie représentant les travailleurs au niveau de la structure de la Commission de la santé et de la sécurité du travail. Etant donné les pouvoirs décisionnels très grands que le projet de loi accorde à cet organisme, nous croyons qu'il est d'une importance capitale, pour assurer la santé et la sécurité des travailleurs, d'obtenir une parité complète à tous les niveaux de cet organisme.

Afin de protéger convenablement les travailleurs, nous sommes convaincus que la parité devrait être exigée par la loi en ce qui concerne l'établissement du quorum de la commission.

En ce qui a trait au droit de refuser d'exécuter un travail dangereux, le projet de loi individualise le danger et permet à l'employeur de remplacer le travailleur qui exerce son droit de refus. Le droit collectif, pourtant si nécessaire pour atteindre l'objectif visé, est, pour ainsi dire, éliminé.

Pour ce qui est du choix du médecin, le projet de loi ne nous accorde pas plus que le livre blanc ne l'avait fait. Nous trouvons cet état de fait déplorable, étant donné que les travailleurs ont toujours eu à se plaindre du parti pris des médecins d'entreprises et que la loi vise à les retirer du pouvoir de l'entreprise pour les mettre au service de l'Etat, mais en les laissant en place. Il serait logique de conclure qu'un médecin qui reçoit sa solde depuis quize ou vingt ans d'une entreprise continuera de protéger celle-ci, même quand il sera rétribué par l'Etat et ce, souvent aux dépens de la santé et de la sécurité des travailleurs.

La commission se réserve le droit d'exclure certains travailleurs, domaines ou secteurs de travail du présent projet de loi. Nous désirons exprimer nos craintes, étant donné le manque de parité dans la structure proposée. Ses particularités seront déterminées par un arrêté en conseil ou des règlements qui suivront l'adoption du projet de loi.

A propos de la réglementation à venir, nos possibilités d'intervenir pour modifier ces règlements seront, à toutes fins utiles, inexistantes. Nous accusons un évident recul en ce qui a trait à la responsabilité actuelle de l'employeur qui doit s'assurer que le milieu de travail qu'il contrôle soit sécuritaire pour les travailleurs à son emploi et, de plus, s'assurer que le travailleur exécute son travail de manière sécuritaire. Ce projet de loi diminue les responsabilités de l'employeur en projetant d'imposer des amendes et même de l'emprisonnement au travailleur qui ne travaillerait pas conformément à tout règlement, ce qui constitue, selon nous, une contradiction avec l'article 7 dudit

projet de loi qui dit: "Rien dans la présente loi ou les règlements ne doit être interprété comme diminuant les droits d'un travailleur en vertu d'une convention collective, d'une loi, d'un règlement, d'un décret, d'un arrêté en conseil ou d'une ordonnance en vigueur." Si on se réfère au règlement 3787 où la responsabilité était, au moment où on se parle, la responsabilité entière de l'employeur, pour nous cela représente un recul de faire passer une partie de ces responsabilités aux travailleurs.

Il y a un autre point qui n'est pas indiqué comme tel dans le mémoire et duquel nous ferons mention, sauf qu'à la lecture des amendements on pouvait évidemment s'en rendre compte, c'est que, de plus, on retrouvera dans les modifications proposées par le SFMM que, partout où on retrouve référence à l'intégrité physique, on y ajoute que l'intégrité mentale soit protégée. Notamment, je pense à l'allusion qu'on faisait à l'étude des psychologues industriels qui sont venus faire une étude sur les éléments "stressogènes" du travail de col blanc; je pense que messieurs les députés savent de quoi on parle quand on parle de stress. Pour nous, la santé mentale de nos membres est tout aussi importante que la santé physique.

C'est l'essence des modifications que contient le restant du mémoire aux différents articles du projet de loi. Nous vous remercions.

M. Marois: M. le Président, je voudrais remercier le Syndicat des fonctionnaires municipaux de Montréal non seulement de la présentation de son mémoire, mais de sa patience, aussi. Vous avez attendu passablement longtemps, aujourd'hui, avant de pouvoir comparaître et être entendus. Je voudrais vous dire tout de suite que, bien sûr, on prendra connaissance, dès qu'ils arriveront, de vos ajustements, mais soyez assurés que chacune des recommandations que vous avez formulées dans votre mémoire va être examinée très attentivement.

Fondamentalement, l'approche que vous adoptez m'apparaît passablement positive. Je tiens à le signaler, je tiens à vous en remercier, aussi. Par ailleurs, vous formulez un certain nombre de recommandations qui, à votre point de vue, raffermiraient davantage un certain nombre de pouvoirs ou de droits, peut-être pas tellement du côté des acquis puisque, comme vous le savez, le projet de loi prévoit que ce qui peut être acquis en plus est préservé et qu'on peut ajouter par-dessus. Vous voulez préserver des possibilités additionnelles par rapport à ce qui est déjà prévu dans le projet de loi. Donc, on va examiner attentivement chacune des recommandations.

Je voudrais simplement, pour l'instant, vous poser une question concernant la parité, lorsque vous évoquez et formulez une demande avec des recommandations pour faire en sorte que la parité soit la plus complète possible, comme vous dites. Je voudrais aussi commenter brièvement le passage de votre mémoire qui concerne l'article 185, paragraphe 35, l'exclusion de certains travailleurs.

En ce qui concerne la parité, j'aimerais vous entendre commenter et expliquer davantage les fondements de votre position à partir du projet de loi, les raisons que vous amènent à penser que tel que c'est présentement formulé, indépendamment du nombre de membres qui siégeraient éventuellement au niveau de la commission québécoise de la santé et de la sécurité du travail... Je comprends que ce que vous évoquez comme concept de parité, vous le voyez à chaque niveau, que ce soit à la base, au niveau des comités dans les établissements. Je ne sais pas si vous faites aussi allusion aux associations sectorielles. Vous faites bien sûr allusion à la commission. J'aimerais que vous précisiez davantage les inquiétudes que vous pouvez avoir à ce sujet, à la lecture du projet de loi tel qu'il est formulé, les raisons qui vous amènent à conclure dans ce sens et à formuler des recommandations et si possible, nous donner des illustrations concrètes de ce que vous avez en tête. Je pense que cela pourrait nous être extrêmement utile.

Deuxièmement, en ce qui concerne le paragraphe 35 de l'article 185 qui prévoit la possibilité que par règlement soient exemptées de l'application de la présente loi ou de certaines de ses dispositions des catégories de personnes, et le reste. La formulation prête peut-être à ambiguïté. Elle n'est peut-être pas claire. Notre intention est essentiellement la suivante. Dans notre esprit, la loi doit avoir un caractère universel. Elle doit pouvoir couvrir et être ouverte à tous les hommes et à toutes les femmes au travail. C'est l'approche de fond. Cependant, il nous semble que les faits, les possibilités et la réalité nous amènent à conclure qu'il faut établir des priorités, en d'autres termes que, compte tenu de l'état et des instruments avec lesquels on part comme société, tout ne pourra pas être fait en deux jours partout dans tous les secteurs en même temps. Je pense, par exemple, aux services de santé dans les entreprises conçues sur une base et une approche complètement différentes de l'approche traditionnelle des médecins de compagnie, par exemple.

C'est évident qu'on ne pourra pas, d'un coup, couvrir l'ensemble du Québec et tous les secteurs. Il est évident aussi qu'il ne sera pas possible de voir à donner un coup de main pour la mise en place de comités paritaires dans tous les secteurs, dans tous les coins en même temps, de front. En d'autres termes, comme on l'évoquait dans le livre blanc, il va falloir établir des priorités, donc établir une espèce de calendrier, d'échéancier dans le temps, en partant évidemment avec les coins où les taux de fréquence d'accidents et de maladies nous indiquent qu'il y a une plus grande urgence d'agir que dans d'autres coins.

J'ai souvent donné cet exemple, il me vient à l'esprit; il est bien certain que les problèmes qui sont vécus à la grosse caisse populaire Saint-Alphonse d'Youville, c'est sans commune mesure avec les problèmes qui sont vécus dans des fonderies ou dans le secteur de la construction. En d'autres termes, il va falloir établir des priorités

dans la mesure où tout ne pourra pas être fait en même temps. On a formulé dans le livre blanc — je pense que c'est à la page 271 ou 272, quelque part par là — une hypothèse de priorités. C'est la commission qui, finalement, prendra la décision d'arrêter les priorités, par quoi on commence. Donc, forcément, la façon juridique qu'on nous a suggérée pour la formuler dans le texte de loi, cette possibilité d'établir des priorités, c'est par le biais du paragraphe 35 de l'article 185.

Evidemment, comme vous le savez, bien sûr, la commission sera composée de représentants du monde patronal et du monde syndical et elle fera, en conséquence, des recommandations de priorités, donc, forcément, pour un certain temps et une certaine période, d'exemption de l'application d'un certain nombre de choses pour aller vers les coins les plus urgents et tranquillement, par extension, pour ouvrir puisque la loi a un caractère universel de base.

Je ne sais pas si ces explications répondent à l'argumentation que vous évoquez dans votre mémoire concernant cette question de l'exclusion, mais je tenais à le signaler. Si le texte de loi semble prêter à ambiguïté ou n'est pas clair dans ce sens, je serais intéressé à connaître votre opinion à ce sujet et on va prendre note de vos commentaires.

Voilà, M. le Président, la question que j'avais concernant la parité et les commentaires que je voulais faire concernant le paragraphe 35 de l'article 185.

M. Racicot: M. le Président, si vous me le permettez, concernant la parité, nos craintes sont particulièrement rattachées au rôle que vont être appelés à jouer les adjoints au président de la commission.

Il nous semble que le projet de loi soit plutôt évasif quant au rôle qu'ils vont jouer et quant à savoir si ces adjoints vont être membres du comité. J'admets, parce que je vous ai entendu...

M. Marois: Excusez, c'est que je veux être sûr de bien saisir. Si ces adjoints vont être...

M. Racicot: Membres comme tels de la commission et, pouvant prendre part aux décisions.

M. Marois: Non, c'est dans la loi.

M. Racicot: Bon, d'accord. On avait cru déceler l'intention du législateur — parce que je pense qu'il y a un premier article qui dit que la commission est composée de tant de membres, donc on dit, effectivement, ces membres sont les membres — sauf que, dans les articles suivants, qui définissent le rôle des adjoints comme tels, il nous a semblé y avoir, à tout le moins, un manque d'explication sur le rôle qu'ils auraient et qu'ils seraient appelés à jouer et peut-être qu'on pouvait interpréter, à la lumière du document, que ces adjoints pouvaient être membres de la commission et peut-être prendre part à une décision, ce qui aurait faussé la parité de la commission. C'étaient là les craintes que nous nourrissions à l'égard de la parité.

M. Marois: Je puis vous dire tout de suite, là-dessus, d'être sans crainte, je prends note de vos commentaires et on va certainement regarder le texte à nouveau; vous avez d'ailleurs cité l'article en question et il est bien clair que les adjoints ne sont pas membres de la commission dans le sens qu'ils y siègent avec droit de vote; c'est non.

Evidemment, si la commission juge pertinent d'avoir sur place, à l'occasion d'une discussion sur tel ou tel problème ou tel ou tel programme, l'un ou l'autre des adjoints, elle sera bien libre de les faire venir pour qu'ils participent à la rencontre, de la même façon qu'elle sera libre de mettre à contribution des conseillers de l'extérieur, des consultants de l'extérieur, etc., mais ça ne fait pas, pour autant, de ces gens des membres, au sens strict du mot, de la commission, c'est-à-dire ayant non seulement droit de parole, mais droit de vote; ça, c'est très clair. Je prends note de vos commentaires. (22 heures)

M. Racicot: Concernant nos remarques sur l'article 185, paragraphe 35, compte tenu du nombre de membres de la commission, nous avions une première crainte, à savoir il n'y aurait pas de membre de la commission — comme je le disais tantôt — provenant de notre secteur d'activité d'administration publique. Je pense que si on décidait de donner suite aux recommandations à cet effet du mémoire de la FTQ, ça viendrait peut-être corriger cette situation, d'une part. D'autre part, je pense qu'après avoir entendu — peut-être ne devrais-je pas y faire référence, mais c'est malgré moi, je l'ai entendu—le mémoire que la ville de Montréal vient de déposer devant vous et les commentaires que vous avez apportés, M. le ministre, ainsi que M. Pagé, cela nous a semblé aussi — et l'expérience passée semblait le démontrer — qu'on nourrissait des craintes à savoir que la ville de Montréal pourrait être tentée d'être parmi ces exclusions.

On sait que la ville de Montréal a joui au cours des années de trop de lois d'exception. Je ne voudrais même pas citer d'exemple. Vous en connaissez autant que moi et certaines qui touchent beaucoup de millions. Je suis bien touché par l'intérêt que portent les administrateurs de la ville sur les sommes astronomiques que cela représenterait d'être obligé d'avoir des comités de sécurité et de santé pour préserver la vie et la santé des travailleurs. Cela coûterait cher, à comparer à autre chose. On n'explicitera pas davantage. C'était surtout cela notre crainte et on voulait justement que la loi soit spécifique et que l'on dise qui serait exclu. A ce chapitre-ci, c'est peut-être la crainte que nous nourrissions, particulièrement en ce qui nous concerne, nous autres, les syndicats de la ville.

M. Marois: Je vous interromps. Je comprends très bien ce que vous évoquez. Je crois que vous comprenez aussi très bien et je pense que vous en convenez aussi que tout ne peut pas être fait en même temps. En d'autres termes, il faut établir des

priorités. La façon de le formuler, c'est de donner le pouvoir à la commission d'exempter. On pourrait le dire autrement, mais vous comprenez aussi également qu'on ne peut pas, dans le cadre d'une loi-cadre — on pourrait toujours, mais on ne peut pas compte tenu de la philosophie générale qui est derrière — dire dans la loi: Pour la première année d'application de la loi, les secteurs X, Y, Z tomberont sous la coupe de la loi pour telles et telles fins; pour la deuxième année d'application... D'abord, ce n'est pas possible. Deuxièmement, ce serait complètement contraire à une des choses qui avaient été demandées en particulier lors du premier sommet économique de La Malbaie et, si ma mémoire est bonne, cela venait également de la partie syndicale et de la partie patronale, cette idée que soient associées le plus pleinement possible les parties, non seulement en consultation sur l'élaboration de priorités de ce genre et aussi des règlements, mais que les parties et leurs représentants soient directement impliqués au moment même où s'initie le travail d'élaboration et des règlements et des priorités. C'est cette économie générale ou cette philosophie qu'on a retenue dans la foulée du sommet et conformément aux engagements qu'on a pris en conséquence. Il y a un consensus là-dessus. On s'entend. On va retenir cette approche.

Je comprends encore mieux pourquoi — on va l'examiner au mérite, ce n'est pas si simple que cela cependant — vous demandez l'élargissement du nombre de membres des deux parties siégeant à la commission. J'imagine fort bien, comme siégeront là des représentants syndicaux, s'il devait s'élaborer ou commencer à s'élaborer ou une des parties suggérait ou mettait sur la table l'hypothèse qu'à tel moment donné de l'application de la loi, il faut exclure de l'application la ville de Montréal, vos représentants syndicaux à la commission, j'imagine, vous en glisseraient un mot. C'est pour cela d'ailleurs que c'est conçu de cette façon, que l'information circule et que les décisions soient prises en connaissance de cause et que finalement, le cas échéant, s'il le faut, le gouvernement intervienne pour trancher et vite, bien sûr, plus que très vite, vous seriez avisés par vos propres représentants à la commission. En conséquence, j'imagine que vos représentants recevraient un mandat de prendre une position qui n'irait pas tout à fait dans ce sens, si j'ai bien compris d'ailleurs vos commentaires de tout à l'heure.

M. Racicot: Si vous me permettez, M. le ministre, vous avez certainement raison de dire qu'il y aurait des représentants de la partie syndicale qui siégeraient à la commission, nonobstant le nombre de membres sur lequel on s'arrêtera, sauf que vous avez aussi compris, parce que vous l'avez souligné assez clairement, qu'un chat échaudé craint l'eau froide. C'étaient là nos craintes. On voulait vraiment les exprimer de façon que vous en soyez bien conscient, dans notre mémoire. D'autre part, je pense que vous êtes conscient aussi par les modifications qu'on veut suggérer, les autres textes qu'on n'a pas touché et que le préambule de notre mémoire indique clairement, que dans l'ensemble on est satisfait d'une foule de choses, notamment de la participation des travailleurs à certaines instances comme celles-là.

Cependant, une autre de nos craintes que nous nourrissions à l'égard de cette décision de la commission, d'établir par étapes, quoique je comprenne qu'il y a une logique dans cela d'établir par étapes les comités paritaires selon les secteurs les plus prioritaires, je dois m'en référer justement à l'économie du livre blanc, particulièrement à un tableau que l'on pouvait retrouver dans le livre blanc et les quantum minimaux qu'on devait retenir pour établir quels secteurs allaient être prioritaires. Par exemple, comme quantum, on disait là où la fréquence annuelle moyenne des accidents et des maladies est égale ou supérieure à six par cent travailleurs et où le nombre moyen annuel de jours perdus par accident est égal ou supérieur à quarante.

Si on se réfère au tableau de statistiques apparaissant dans le livre blanc, on se rend compte qu'en administration publique, on retrouve un pourcentage d'accidents et de maladies de 10,79%, donc supérieur aux six mentionnés tantôt. Cependant, on se rendait compte qu'il y avait une perte de 31,75%, ce qui est inférieur aux 40 jours mentionnés dans le projet de loi. Or, il faut se rendre compte que là, ça vise l'administration publique en général. Comme syndicat oeuvrant particulièrement dans un secteur municipal — nous le soulignions tantôt — nous avons parmi nos collègues les cols bleus. Si nous nous attardions uniquement aux statistiques concernant les cols bleus travaillant à la ville de Montréal et dans les autres secteurs des municipalités, on se rendrait compte qu'autant la fréquence des accidents que le nombre d'heures ou de jours perdus augmenteraient de beaucoup. Alors, voilà une de nos préoccupations sur lesquelles nous voulions attirer votre attention particulièrement parce que, évidemment, si on se fie uniquement aux chiffres qui sont présentés sur ces tableaux, l'administration publique n'y serait pas, mais nous, dans le secteur municipal, on est particulièrement préoccupé, parce que ces statistiques sont une moyenne, je le comprends, mais ne nous rendent pas justice.

M. Marois: Je comprends très bien votre préoccupation. On avait tenté de formuler dans le livre blanc — c'est ce qu'on a fait, c'est le tableau comme tel, le tableau 36 de la page 271 — une liste de secteurs d'activités où s'appliquerait la procédure d'établissement des comités paritaires selon l'hypothèse envisagée et indépendamment du commentaire additionnel des éléments de taux ou de l'addition de deux facteurs, peu importe comment on combine les données, le constat de la réalité ne pouvait pas faire autrement que de nous amener à conclure qu'il y a des coins de l'administration publique, municipaux et gouvernementaux, d'ailleurs — je veux dire du gouvernement du Québec, en particulier — qui ne pouvaient pas faire autrement que de tomber, à notre avis, dans les secteurs d'activités prioritaires.

Bien sûr, partant de là, c'est une hypothèse — une parmi d'autres — qui pourrait être envisagée et qui serait soumise à la commission pour fins de décision, notamment par les parties qui y seraient représentées. Je crois que vous avez raison d'insister sur cet aspect.

M. Racicot: Merci. M. le Président, si vous me permettez un commentaire sur une des choses que M. le ministre a dites tantôt, sur les acquis et les choses qui sont préservées, selon le projet de loi, j'insisterai là-dessus particulièrement, parce que dans le projet de loi, dans nos projets de modification que nous vous suggérons, nous voulons faire en sorte que les comités paritaires existant déjà entre les syndicats et l'employeur-ville de Montréal aient les mêmes droits, les mêmes obligations, surtout les mêmes droits, que ceux prévus pour les autres comités prévus par la loi.

Je n'ai pas encore pu me boucher les oreilles pour ne pas entendre ce qui a été dit tantôt, mais si on veut avoir ces droits, c'est parce qu'on ne les a pas présentement. Les comités sont là pour faire des recommandations et la décision du directeur est finale. Evidemment, je pourrais vous citer des exemples d'un immeuble abritant le Service des affaires sociales de la ville de Montréal, une autre exception de la ville de Montréal, mais celle-là, on en est fier, cependant.

M. Pagé: J'en prends note!

M. Racicot: L'immeuble abritant ce service a été condamné par les inspecteurs du gouvernement et la ville de Montréal est en train de faire des études pour voir s'il n'y aurait pas un autre local propice; cela fait à peu près deux ans qu'elle étudie s'il n'y aurait pas un local plus propice pour loger les employés qui y travaillent. Evidemment, cela coûterait de l'argent pour construire un autre édifice. Voilà la préoccupation de la ville de Montréal qui disait tantôt que cela impliquerait beaucoup d'argent. Donc, on préfère qu'on fasse des recommandations au directeur et que le comité exécutif tarde à prendre des décisions. Sauf que nous, on pense que l'esprit de la loi qui veut obliger les employeurs à prendre des mesures qui deviennent obligatoires, nonobstant que cela implique des coûts, évidemment — parce que toute mesure pour prévenir les maladies et les accidents industriels ou professionnels comme tels, cela va impliquer des déboursés d'argent — la ville de Montréal n'est pas étrangère à cela, et ça va coûter de l'argent à elle aussi.

On pense que l'esprit du projet de loi doit s'appliquer pour les comités existants comme tels.

M. Marois: De toute façon, comme j'ai eu souvent l'occasion de le dire, quand on est rendu, comme société, à se payer le luxe, si on peut appeler cela un luxe — je pense que c'est tout autre chose que cela — impliquant des coûts économiques directs et indirects qui défoncent maintenant quelque chose de l'ordre de $2 500 000 000, on a certainement les moyens de commencer à déplacer simplement une fraction des $2 500 000 000 pour s'attaquer à la racine des maux. Je pense que vous avez raison là-dessus.

En ce qui concerne la préoccupation que vous mentionnez concernant les comités existants, à savoir que vous voulez être certains que ces comités existants vont pouvoir, en quelque sorte, aller à la hausse quant à leurs pouvoirs et leurs fonctions, en d'autres termes, bénéficier des avantages prévus par la loi, je vous indique, d'une part, que bien sûr il y a l'article 7 qui prévoit que dans le cas où des groupes de travailleurs auraient dans leur convention collective des acquis en plus, rien dans la présente loi — c'est le texte — ou les règlements ne doit être interprété comme diminuant les droits d'un travailleur en vertu d'une convention collective, d'une loi, d'un règlement, d'un décret, d'un arrêté en conseil et le reste. En d'autres termes, l'acquis, il est là.

A l'opposé, si vous regardez l'article 280, vous retrouverez, à l'autre bout et à l'envers ce que les Anglais appellent le "gross up", le rattrapage à la hausse de ce qui serait en dessous et en particulier le dernier paragraphe de l'article 280, puisque l'article 280 concerne les comités paritaires qui ont été constitués en vertu du fameux arrêté en conseil 3787 de la Loi des établissements industriels et commerciaux ou ce qui aurait été constitué en vertu d'une convention collective. Donc, on tombe spécifiquement sur le cas que vous évoquez. Au dernier paragraphe, il est bien dit qu'un tel comité jouit dès lors des droits et est assujetti aux mêmes obligations qu'un comité de santé et de sécurité constitué en vertu de la présente loi, en outre de tout pouvoir ou obligation conciliable que lui reconnaît la convention collective. C'est par cet article que se fait le rattrapage à la hausse de ce qui serait en bas.

Ceci dit, je me permettrais, sans abuser, j'espère, du temps et sans prolonger indûment les débats de vous poser une question. Votre évaluation comme syndicat des comités que vous avez présentement, des pouvoirs qu'ont ces comités, du rôle qu'il leur est possible de jouer, est-ce que je comprends bien que vous concluez que le projet de loi, tel qu'il est formulé présentement — et que vous suggérez d'améliorer encore, de bonifier par un certain nombre d'amendements — permettrait d'améliorer à la hausse ce que vous avez déjà obtenu par négociation, puisque je comprends que votre préoccupation est de vous assurer que la loi s'applique pour ces comités? (22 h 15)

M. Racicot: Assurément, M. le ministre, particulièrement, je pense, à toutes les attributions qu'on donne aux comités paritaires de santé qui existeraient en raison du projet de loi, comparativement à ce que nous avons dans nos conventions, qu'il y ait des comités de dialogue, qui n'ont aucune autorité et qui ne peuvent rien faire. On ne peut en appeler de rien. Le refus de travailler à la ville de Montréal, c'est vrai que ce n'est pas souvent que cela arrive. On pourrait dire que c'est jamais. Il se trouve toujours...

M. Marois: Y a-t-il, indicemment, une clause de droit de refus dans vos conventions collectives?

M. Racicot: Non. Il y a des comités paritaires et, soit dit en passant, je me permets de dire que dans notre convention collective, l'article 1502 prévoit qu'effectivement, les employés représentant les syndicats siégeant aux comités paritaires sont libérés aux frais de la ville de Montréal. L'article le spécifie clairement, noir sur blanc. Donc, à ce niveau, cela n'engendrerait pas de coûts additionnels pour la ville de Montréal, pour autant que le Syndicat des fonctionnaires municipaux de Montréal est concerné.

Quant à votre première question, on dit que ce serait nettement une amélioration — compte tenu des avantages qu'on pourrait obtenir, même pour les comités en place — d'avoir autre chose que la possibilité de dialoguer, mais de pouvoir arriver à des conclusions, d'une part. D'autre part, je pense qu'il est important qu'on le dise, même comme syndicat, il ne faut pas oublier que la sensibilisation à prendre tous les moyens nécessaires, autant par les membres qu'on représente qui sont les travailleurs, pour s'assurer d'avoir cette sécurité au travail. Si, entre autres, par certaines modifications dont on fait état dans le mémoire du Syndicat des fonctionnaires municipaux de Montréal, nous pourrions obtenir une part raisonnable des subventions que la Commission des accidents du travail a données pour l'éducation et tous les mécanismes prévus dans le projet de loi qui nous permettraient de faire une meilleure information et une meilleure sensibilisation auprès des membres, tout ça, pour nous, représente une amélioration nette comparativement à ce que nous avons présentement dans la convention collective.

M. Marois: Incidemment, vous me faites penser à un aspect extrêmement important et ça recoupe — si ma mémoire est bonne, je vous le donne sous toute réserve, il est 22 h 15 pour tout le monde, pour moi aussi — je crois que c'est l'article 79 de la loi, mais enfin, il y a un article très précis. Vous vous souvenez sans doute qu'il y a un article dans la loi actuelle de la Commission des accidents du travail qui peut prêter à interprétation. Le président de la Commission des accidents du travail avait décidé de l'interpréter et de prendre l'initiative de verser des sommes d'argent à des associations syndicales pour permettre de soutenir une action de formation et d'information syndicale.

Vous savez certainement que cela a fait l'objet de contestations devant les tribunaux et le reste. Nous, on a décidé de régler le problème définitivement, indépendamment de ce qui pourrait être quant à la loi qui se trouve en conséquence amendée, on a décidé de le régler dans ce projet de loi-ci. Il y a un article très précis, dans l'actuel projet de loi — je pense que c'est l'article 79, je vous le donne sous réserve — en vertu duquel il sera très clair et non contestable devant les tribunaux, que la commission aura le pouvoir de mettre à la dis- position, notamment des associations syndicales, des sommes d'argent leur permettant de développer leurs propres programmes de formation et d'information auprès de leurs membres, sans compter les programmes cadres qui pourront être convenus entre les parties, à l'échelle nationale, quant à l'ensemble du Québec ou des programmes cadres de formation ou d'information qui pourraient être convenus entre les parties au niveau sectoriel pour la plus grande et la meilleure information.

Effectivement, on verra, en bout de ligne, lors de l'entrée en vigueur, mais si ma mémoire est bonne, dans le livre blanc on disait que notamment ce n'est pas la seule dimension mais que c'était certainement un aspect important et je crois qu'on proposait de multiplier presque par quatre, sinon à tout le moins pas trois, les sommes d'argent affectées à des fins de formation et d'information. Ce n'est pas le seul élément de solution au problème de santé et de sécurité. La solution ultime réside dans les corrections à la source des problèmes qui sont vécus. Cependant, il est extrêmement important que les citoyens, les hommes et les femmes qui sont au travail, soient pleinement informés des dangers qui existent. A partir du moment surtout où on développe une politique de livre ouvert, qu'on sache quels sont les dangers, qu'on sache quels sont les agents de contamination, les produits toxiques utilisés dans les procédés de fabrication, que les choses soient connues, que les rapports d'inspection soient disponibles, tombent sur la table, et que l'association accréditée, le syndicat, le représentant à la prévention aient droit d'avoir les rapports d'inspecteurs, que ce soit quelque chose d'automatique, qu'on ne soit pas obligé de courir après, une politique de livre ouvert, que tranquillement se développe une sensibilisation, une prise de conscience permettant à des gens d'être à même d'exercer des droits normaux et, en particulier, des droits qui sont fondamentaux, que ce soit, le cas échéant, le droit de refus. Il y a un article très précis — je m'excuse d'avoir été aussi long — concernant l'aspect de formation et de soutien financier.

M. Racicot: Si vous me permettez un bref commentaire, M. le Président, sur l'amélioration sensible qu'on peut retrouver à l'intérieur du projet de loi, c'est que selon nous, le Syndicat des fonctionnaires municipaux de Montréal, en raison de certains pouvoirs qui seraient donnés à ces comités, peut-être qu'on ne serait pas appelés ou appelés moins souvent à tout le moins à négocier sur la santé des travailleurs. Malheureusement, j'ai entendu des représentants d'employeurs qui l'ont mentionné aujourd'hui, mais ça se fait dans les deux sens et je pense que vous en êtes conscient, parfois on a dit: D'accord, on va vous accorder ça sur la santé, mais par contre vous allez nous donner un droit de gérance qu'on va aller récupérer et qu'on avait déjà perdu à quelque part. Malheureusement, à cause du manque de sensibilisation ou d'information, à cause du manque financier des syndicats, auquel on faisait allusion tantôt, sou-

vent peut-être, trop souvent les syndicats ont-ils accepté de négocier des gains dans ce sens, en perdant autre chose, au sens de la convention collective, pour aller acquérir un petit gain au niveau de la santé et de la sécurité.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Portneuf.

M. Pagé: M. le Président, très brièvement, déjà 22 h 20. Monsieur, merci de la présentation de votre mémoire. Vous avez des éléments particuliers que vous avez mis en relief, d'autres aspects qui se recoupent sous le même vocable ou les mêmes représentations que celles qui sont déposées dans un mémoire ici et qu'on aura l'occasion d'entendre de la part de la Fédération des travailleurs du Québec, la semaine prochaine. Certains de ces éléments, entre autres, que nous aurons plus l'avantage, le loisir d'aborder avec eux compte tenu de l'heure entre autres: la question du droit collectif par rapport au droit individuel, la question de refus que je me propose d'aborder avec eux évidemment.

Seulement, un commentaire que je voudrais faire: Vous semblez espérer beaucoup des comités paritaires. Je ne suis pas convaincu, je ne donne pas aux articles relatifs au comité de santé et de sécurité, c'est-à-dire, de 56 à 66, je ne donne pas la même interprétation que le ministre lui donne. Vous semblez croire ou le ministre a évoqué ce soir que les parties, les travailleurs pourraient aller chercher beaucoup à l'intérieur des comités paritaires, des comités de santé et de sécurité, et qu'un comité de santé et de sécurité, les travailleurs dans une usine pourraient aller chercher à ce comité ce qu'ils n'ont pas réussi à obtenir antérieurement dans les négocations.

Si on prend l'article 64 du projet de loi: En cas de désaccord au sein du comité relativement aux décisions que celui-ci doit prendre conformément aux paragraphes 1 et 2 de l'article 63, les représentants des travailleurs adressent par écrit leurs recommandations aux représentants, etc. C'est la procédure d'enclenchement du processus d'appel somme toute à la commission. Premier et deuxième articles de 63, cela dit quoi? Les fonctions du comité de santé et de sécurité sont de choisir les moyens et équipements de protection individuels qui, tout en étant conformes au règlement, sont les mieux adaptés aux besoins des travailleurs et de rétablissement. Ce sont les moyens de protection, les lunettes, etc., les bottines. On a entendu parler des bottines, ce soir. Deuxièmement, d'établir au sein du programme de prévention les programmes de formation et d'information en matière de santé et de sécurité. Cela se limite à cela tout simplement, le droit d'appel à la commission. Je me dis: Je ne suis pas convaincu que les comités de santé et de sécurité, que les travailleurs à l'intérieur de ces comités pourront aller en chercher tellement. C'est quand même limitatif et c'est limité expressément aux alinéas 1 et 2 de l'article 63. C'est la réserve que je voulais exprimer à la suite des commentaires du ministre. Je diverge d'opinion là-dessus. J'aurais eu d'autres questions, mais comme je vous l'ai dit, j'en ferai part et je les soumettrai la semaine prochaine lors de la présentation d'autres mémoires auxquels vous souscrivez. Merci beaucoup.

M. Marois: M. le Président, en terminant, je veux remercier les porte-parole du syndicat. On aura l'occasion, le député de Portneuf et moi, de pousser un petit peu plus loin parce que vous avez mentionné deux articles. J'ai effectivement fait référence à ces articles, mais il y en a aussi d'autres dans la loi, notamment, mais non exclusivement, concernant les mécanismes de recours dans le cas du choix du médecin, les programmes de santé, les programmes de prévention et le reste. Enfin, on aura l'occasion de pousser cela, d'aller au fond du baril.

M. Racicot: Parfait. Nous remercions également les membres de la commission de nous avoir entendus.

Le Président (M. Marcoux): Je remercie le Syndicat des employés municipaux de la ville de Montréal de sa participation aux travaux de cette commission. La commission ajourne ses travaux à mardi, 10 heures.

Fin de la séance à 22 h 26

ANNEXE A

MÉMOIRE DU CONSEIL QUÉBÉCOIS DU COMMERCE DE DÉTAIL

présenté à la COMMISSION PARLEMENTAIRE PERMANENTE DU TRAVAIL ET DE LA MAIN D'OEUVRE

relativement au PROJET DE LOI NO 17 — LOI SUR LA SANTÉ ET LA SÉCURITÉ DU TRAVAIL

Monsieur le Président

Monsieur le ministre d'Etat au développement social

Membres de la commission parlementaire du travail et de la main d'oeuvre

I- LIMINAIRE

Le Conseil Québécois du Commerce de Détail est une association incorporée en vertu de la troisième partie de la loi des compagnies du Québec. Nous regroupons au Québec des membres dont le volume d'affaires représente approximativement 50% des ventes au détail annuelles en magasins. Nous regroupons également plusieurs associations affiliées et membres associés intéressés au commerce de détail.

Le commerce de détail est un secteur d'activités économiques important au Québec et trop peu souvent est-il fait mention de l'importance des détaillants comme pourvoyeurs des biens et services de notre société. En 1976, le commerce de détail comptait 48 204 points de vente pour un volume d'affaires total de $14 613 milliards. Le commerce de détail a contribué en 1976 pour $2 671 milliards à la valeur ajoutée, représentant 7.4% du produit intérieur brut du Québec. Avec 7.5% de la masse salariale totale en 1976, le commerce de détail emploie 308 000 travailleurs, correspondant à 12.4% de l'emploi total (Annexe 1).

Nous vous soumettons, dans le présent mémoire, les recommandations et suggestions de notre organisme sur le projet de loi no 17, Loi sur la santé et la sécurité du travail. Le présent mémoire n'est pas une appréciation de tous et chacun des articles du projet de loi, mais seulement de certains aspects du projet de loi qui préoccupent plus particulièrement les détaillants, considérant le secteur d'activités dans lequel ils sont engagés.

II- INTRODUCTION

Le secteur commerce est un des secteurs d'activités économiques ayant fait l'objet d'une désignation dans le cadre de la nouvelle classification des employeurs à la Commission des Accidents du Travail du Québec.

Ce secteur regroupe des unités où les employeurs sont regroupés en fonction de leur expérience antérieure d'accidents. L'ensemble de cette expérience et des coûts des accidents s'y rapportant donne lieu à l'établissement d'un taux de cotisation. A titre d'exemple, nous joignons, en annexe II, un extrait d'un document de la Commission des Accidents du Travail du Québec portant sur la tarification 1980, principalement pour le secteur 6, secteur du commerce. Vous noterez que les unités sont regroupées en classes, en fonction du taux de cotisation. Une lecture de cette annexe II nous permet de conclure que le taux minimum imposé pour le secteur 6 est de 10c du $100 de salaire, dans le cas des unités 69-711 et 69-964, pour atteindre un maximum de $8,10 dans le cas de l'unité 62-793, portant sur la démolition de véhicules moteurs. Le taux moyen des cotisations des employeurs pour l'année 1979, à la Commission des Accidents du Travail du Québec, s'établissait à $1,81 du $100 de salaire, et pour 1980, ce taux moyen diminuera à $1.79 du $100 de salaire.

Le Conseil Québécois appuie le principe d'une législation visant à améliorer la santé et la sécurité du travail et vous témoigne, aujourd'hui, de son désir de coopérer et d'apporter son appui à ce genre de législation. Cependant, compte tenu de l'expérience d'accidents de notre secteur d'activités, nous estimons qu'il n'y a pas de relation entre les coûts qui résulteront de cette réforme et son application dans notre secteur d'activités commerciales. Il s'agit, dans notre cas, sans aucun doute, d'une mesure disproportionnée aux résultats recherchés, soit assurer la santé et la sécurité de nos employés.

La grande majorité pour ne pas dire la totalité des employeurs, membres du Conseil Québécois du Commerce de Détail, ont un taux de cotisation inférieur à cette moyenne des contributions des employeurs avec un maximum de $1,19/$100 de salaire dans le cas des supermarchés ($1,23 en 79). Les magasins à rayons pour leur part paieront $0,61/$100 de salaire en baisse de .02 par rapport à 1979. Les établissements de vente de vêtements étaient, pour leur part, cotisés à 0,23/$100 de salaire. Ceci nous

permet de conclure que la sécurité ou, si vous aimez mieux, la prévention des accidents du travail et le commerce de détail font bon ménage.

Ill - COMMENTAIRES GÉNÉRAUX

1- RESTRICTIONS AU DROIT DE GÉRANCE

Nous soumettons que le projet de loi no 17 empêche T'entreprise d'assumer ses responsabilités en matière de santé et sécurité du travail en imposant un comité d'entreprise qui exercera un pouvoir décisionnel dans les domaines sur lesquels ce comité a juridiction en vertu de l'art. 63.

Nous croyons que les questions de santé et sécurité du travail, prévention des accidents font partie des responsabilités de l'entreprise en collaboration avec les employés. Le projet de loi attribue une obligation financière et juridique à l'employeur sans lui permettre d'exercer pleinement ses pouvoirs de gérance sur cette question. Ce projet de loi confère au comité d'établissement des pouvoirs de l'entreprise, sans y rattacher de responsabilité financière. Le projet de loi consacre, de plus, cette restriction du droit de gérance en assujettissant au consentement du comité tout programme de santé sécurité additionnel à celui qui aura été établi (art. 96).

Au lieu de mettre l'accent sur la collaboration qui doit exister entre les employeurs et les employés pour rechercher l'objectif commun, on établit au premier chef une instance décisionnelle dans l'entreprise. On rétorquera et fera état du caractère volontaire de la formation de ces comités. Cependant l'art. 57 (2) permet d'y passer outre et l'art. 280 d'institutionaliser les comités établis par suite de la négociation d'une convention collective et leur conférer l'autorité et les pouvoirs élaborés à l'art. 63.

Le ministre du Travail et de la Main d'Oeuvre a fait adopter plusieurs lois dont notamment une législation amendant substantiellement la Loi sur les accidents de travail. Un nouveau système de classification fut élaboré et les indemnités accrues. Un programme de mérite-démérite est actuellement prévu pour entrer en vigueur en 1982.

Toutes ces mesures mettent l'accent sur la prévention pour réduire la fréquence et la gravité des accidents et auront comme effet de forcer la prévention. Nous partageons cet objectif.

Nous croyons, cependant que le projet de loi 17 saute une étape en ne permettant pas à l'entreprise d'exercer pleinement ses responsabilités dans ce domaine.

Nous vous recommandons de modifier le projet de loi de façon à permettre au comité d'établissement d'exercer un rôle consultatif en matière de santé et sécurité du travail.

2- COÛTS DU RÉGIME ET FINANCEMENT

A) Coûts du régime

Les coûts de la réforme envisagée seront importants et nous appuyons la recommandation du Livre blanc à l'effet que le choix des établissements où s'appliquera d'abord la procédure de création d'un comité paritaire sera effectué en fonction de la fréquence et de la gravité des accidents du travail et des maladies professionnelles.

Le projet de loi, cependant n'introduit nulle part cette réserve et nous croyons opportun de recommander que la commission puisse exiger la formation d'un comité en vertu de l'art. 57 (2) dans les cas où la cotisation de l'employeur est supérieure à la moyenne des contributions annuelles des employeurs auprès de la Commission des Accidents du Travail.

B) Financement

Dans les secteurs comme les associations sectorielles paritaires de prévention, le financement devrait être assuré dans une proportion égale par les employés et les employeurs. Dans d'autres secteurs, comme les programmes de santé qui dépassent le cadre de l'entreprise, on peut même s'interroger sur l'opportunité de faire partager, à parts égales avec les employés, le coût global de la réforme envisagée dans le projet de loi 17.

Les bénéficiaires des programmes de santé et sécurité du travail qui seront mis sur pied seront les employés et les entreprises et il nous apparaît logique de recommander la répartition des coûts.

3- COMITÉ DE SANTÉ ET SÉCURITÉ

Nous favorisons la mise sur pied volontaire de comités consultatifs de santé et sécurité.

Nous recommandons de prévoir, au deuxième paragraphe de l'article 57 que la Commission peut exiger la constitution d'un comité de santé et sécurité pour toutes les entreprises payant un taux de cotisation supérieur au taux moyen annuel des cotisations des entreprises à la Commission des Accidents du Travail. De plus l'art. 280 devrait être amendé de façon à éviter que les comités établis en vertu d'une convention collective soient institutionnalisés en vertu d'une loi. Ces recommandations auront pour effet d'assurer une juste proportion entre les bénéfices en résultant pour les employés de ce secteur et les coûts additionnels pour l'entreprise engendrés par la mise en oeuvre de la réforme.

Dans la très grande majorité des trente-quatre mille employeurs de la classe 5, il n'y aurait pas lieu de procéder à la formation de ces comités, compte tenu que le taux de cotisation illustre la faible fréquence et gravité des accidents pouvant survenir dans le secteur "commerce de détail".

4 - REPRÉSENTANT À LA PRÉVENTION

Le projet de loi prévoit déjà la composition des membres du comité santé et sécurité.

Nous soumettons que l'entreprise est responsable de la santé et sécurité des employés et la nomination d'un représentant à la prévention ne fera que diluer encore davantage cette responsabilité.

Les fonctions que confère au représentant à la prévention l'article 69 font partie du pouvoir de gérance et à ce titre doivent être exercées par l'entreprise.

Il faut éviter de favoriser la confusion entre "relations de travail" et "santé et sécurité du travail". L'art. 78 du projet est pertinent lorsqu'il propose que l'association sectorielle n'ait aucun droit d'intervention ni de consultation au niveau des relations de travail.

5 - DROIT AU REFUS DE TRAVAILLER

Nous appuyons le principe du droit pour l'employé de refuser de travailler lorsqu'une situation dangereuse pour sa santé et sa sécurité se produit. Cependant, ce droit ne devrait pas être exercé de façon à nuire aux droits des autres travailleurs et de l'entreprise d'opérer.

Nous estimons qu'il est important de permettre à l'entreprise d'assumer ses responsabilités et d'apporter dans un premier temps les correctifs qui s'imposent de façon à permettre le règlement de la plainte dans les meilleurs délais. Ce n'est que lorsque les correctifs apportés ne permettent pas à l'employé de reprendre le travail que le mécanisme d'inspection devrait être mis en oeuvre. De plus l'employeur doit pouvoir remplacer l'employé qui refuse d'exécuter le travail à la condition que le deuxième employé soit informé du refus de l'employé et des raisons de ce dernier.

Nous estimons de plus que le mot "danger" doit être qualifié de façon à permettre à l'entreprise en accord avec l'employé et le comité santé et sécurité le cas échéant, de procéder au règlement de la plainte. Nous recommandons que le mot "danger" soit qualifié de danger "immédiat et grave".

Dans sa rédaction actuelle, le mot danger nous apparaît trop large. Un mauvais fonctionnement des systèmes d'air conditionné ou de chauffage constitue-t-il un danger pour la santé?

S'agit-il d'un danger immédiat et grave? La réponse à l'une ou l'autre de ces questions peut varier selon que l'on utilise le mot "danger" ou les mots "danger immédiat et grave".

6- SERVICES DE SANTÉ AU TRAVAIL

A ce chapitre, nos objections portent sur le médecin de l'entreprise et sur le fait que le projet de loi semble ignorer presque complètement les services de santé au travail du secteur privé, mis en place par les employeurs pour les besoins des employés.

A) Le médecin de l'entreprise

Le projet de loi no 17 confie au comité d'établissement le soin de choisir le médecin de l'entreprise à même une liste dressée à cet effet par le Centre hospitalier de la région.

Nous acceptons qu'un contrôle de l'expérience du médecin et de ses qualifications dans le domaine de la médecine du travail puisse être exercé mais nous soumettons qu'il appartient à l'entreprise de procéder à l'engagement du médecin.

Le médecin constitue pour l'entreprise la pierre angulaire de tout son système de prévention. Il agit à titre de personne ressource pour tout ce qui concerne la santé des employés. En fonction de l'entreprise, de son activité commerciale, il détermine les examens médicaux requis, la fréquence des examens médicaux, les administre et étudie les antécédents médicaux au moment de l'embauche. Dans notre secteur, les maux de dos et la structure des colonnes vertébrales représentent des facteurs importants d'évaluation de la santé de nos employés et de leur affectation.

Le médecin est indispensable au bon fonctionnement de l'entreprise. Etre médecin d'entreprise c'est connaître à fond les rouages de l'entreprise et les contraintes et exigences qu'ils posent à la santé et à la sécurité des employés.

Quant à leur compétence, l'entreprise n'en est pas le juge. Il appartient à la Corporation Professionnelle des Médecins de se prononcer sur cette question et nous laisserons aux associations concernées le soin de l'élaborer.

B) Services de santé du secteur privé

Le médecin de l'entreprise peut compter actuellement sur des services de soutien techniques nécessaires à la bonne marche de l'entreprise dont la santé et la sécurité des employés est un élément

majeur. Un personnel qualifié voit au bon déroulement et fonctionnement des programmes de santé dans nos entreprises. Ces personnes ont également une connaissance intime du fonctionnement de l'entreprise pour élaborer les programmes dont l'entreprise a besoin.

Pourquoi vouloir écarter tous ces services de l'entreprise ou de cliniques privées pour les intégrer dans un réseau public? Comment l'entreprise est-elle assurée de compter sur les mêmes disponibilités et connaissance du milieu pour assurer les meilleurs résultats de ses programmes de santé et sécurité?

Nous croyons que le projet de loi devrait permettre aux entreprises de continuer à opérer et développer les services techniques dont elle s'est dotée tout en laissant le choix à l'entreprise d'opter pour les services du réseau public si elle le désire, le D.S.C. assumant un rôle de supervision sur l'implantation des programmes cadres de santé et sécurité.

Advenant le cas où notre recommandation ne serait pas acceptée, il faudrait prévoir un dédommagement pour les entreprises qui possèdent présentement des équipements et facilités utilisés à des fins de santé.

IV - COMMENTAIRES ARTICLE PAR ARTICLE

Nos commentaires article par article sont formulés sous réserve des commentaires contenus à la Section III de notre mémoire.

Article 1, par. 14

La définition du mot "établissement" pose des contraintes importantes pour notre secteur d'activités. Le mot "établissement", tel que défini nous incite à croire qu'il serait nécessaire, le cas échéant, de mettre sur pied un comité de santé et sécurité dans chacun des magasins appartenant à une même entreprise, compte tenu qu'il s'agit d'un ensemble d'installations physiquement groupées et organisées sous l'autorité d'une même personne, le directeur de magasin. Or, si ce mécanisme peut être valable pour certains secteurs on ne peut en dire autant pour le secteur du commerce de détail. Si une entreprise possède 200 magasins au Québec, est-il raisonnable d'envisager la formation de 200 comités de santé et sécurité au travail, sous réserve, comme nous l'avons mentionné antérieurement, de la gravité et du taux de fréquence qui pourrait justifier la formation de ces comités.

Exception faite des cas où l'entreprise et les employés négocieraient l'organisation d'un comité par magasin, il y aurait lieu de préciser que la Commission pourrait demander la formation d'un comité par entreprise dans les cas de l'art. 57 par. 2 ou encore lorsque l'entreprise et les employés en conviennent ainsi.

Il s'agirait d'un assouplissement du projet de loi qui serait important pour le commerce, considérant le grand nombre d'établissements dont peut être propriétaire une entreprise.

Nous recommandons que la définition du mot "établissement" soit modifiée de façon à permettre la formation d'un comité par entreprise.

Les mots "ou de loisirs" confèrent au projet une juridiction qui nous apparaît trop vague et trop large.

Nous recommandons d'omettre les mots "ou de loisirs" de la définition du mot "établissement".

Article 1, par. 16

Nous recommandons de modifier l'expression "moyen de transport" de façon à ce que cette expression ne comprenne pas le transport du salarié de son domicile à son lieu de travail et vice-versa.

Article 1, par. 23

Nous recommandons d'omettre ce paragraphe considérant nos commentaires dans la troisième partie de notre mémoire.

Article 1, par. 24

Nous recommandons de substituer au mot "travailleur", le mot "salarié" pour motif de concordance avec le Code du travail.

Article 9, par. 1

Le salarié, après sa période de formation et d'entraînement est responsable de l'accomplissement adéquat et sécuritaire de son travail. Le degré de supervision est une attribution de l'employeur et doit demeurer sa responsabilité.

Nous recommandons d'omettre l'expression "supervision appropriée" de ce premier paragraphe.

Article II

Nous recommandons, pour les raisons mentionnées antérieurement, que le mot "danger" soit qualifié "d'immédiat et grave".

Article 13

Le travailleur doit, à notre avis, donner les raisons de son refus d'exécuter un travail afin d'assurer une bonne connaissance des faits sur lesquels le refus est basé. Ce droit du travailleur peut avoir des conséquences sérieuses et est susceptible de déclencher la mise en oeuvre des mécanismes prévus au projet de loi. Idéalement le travailleur devrait avoir l'obligation de consigner les raisons de son refus par écrit dès que possible.

Nous recommandons que le travailleur consigne par écrit dès que possible les raisons de son refus d'exécuter un travail.

Article 14

Nous estimons que la sécurité fait partie des attributions de l'employeur et ce dernier doit avoir l'opportunité d'apporter des mesures correctives, s'il y a lieu, de façon à lui permettre de satisfaire la plainte du travailleur.

Nous recommandons de remplacer l'article 14 de façon à permettre à l'employeur d'apporter des mesures correctives s'il y a lieu.

Article 15

Nous estimons que l'article 15 doit être amendé pour donner effet à notre recommandation en vertu de l'art. 14.

Nous sommes favorables à ce que le travailleur puisse participer à l'examen de la situation sans perte de salaire.

Article 19

Nous croyons que l'employeur doit avoir le droit en tout temps de remplacer un travailleur qui exerce son droit au refus de travailler, par un autre travailleur à la condition que cet autre travailleur soit informé du refus et des raisons du travailleur qui exerce son droit de refus et que cet autre travailleur soit consentant à exécuter le travail.

Nous recommandons que l'article 19 soit amendé de façon à permettre à l'employeur de remplacer un travailleur qui exerce son droit de refus aux conditions ci-haut indiquées.

Article 21, par. 2

II y aurait lieu d'amender le 2ième paragraphe de l'art. 21 pour donner effet à la recommandation en vertu de l'art. 19.

Article 22

Nous croyons que la décision de l'inspecteur doit être suspendue au cas de demande de révision ou de révocation avec la possibilité que la Commission puisse remettre en force la décision de l'inspecteur comme nous le recommanderons sous l'article 147.

Nous recommandons de remplacer les mots "malgré une demande de révision ou de révocation" par les mots "sous réserve de l'article 147".

Article 23

Nous recommandons d'ajouter le mot "ouvrable" après le mot "jour" à la deuxième ligne du premier paragraphe de l'article 23.

Article 26

Suite aux recommandations faites sur l'article 19, il y aurait lieu d'omettre de cet article les mots "l'employeur" à la troisième ligne de ce paragraphe jusqu'au mot "de l'établissement" à la sixième ligne dudit paragraphe.

Article 28

Nous recommandons que l'inspecteur soit présent dans tous les cas six heures après que son intervention a été requise.

Article 30

Nous soumettons que les répercussions possibles de l'application de cet article peuvent avoir des conséquences très importantes pour l'entreprise peu importe sa taille. Comment l'entreprise peut-elle se prémunir contre l'effet de cet article au cas d'abus du droit conféré au travailleur.

Nous recommandons de rayer l'article 30 du projet de loi.

Article 31

Nous recommandons de modifier le 2ième paragraphe de l'art. 31 de façon à remplacer le critère de "mauvaise foi" par celui "de motifs non raisonnables".

Ce dernier critère repose davantage sur des faits et nous apparaît plus objectif que le critère retenu dans le projet de loi.

Articles 32 à 37

En vertu de la loi sur les normes du travail, une ordonnance sur les congés de maternité a été adoptée et nous croyons que toute question relative aux congés de maternité devrait faire l'objet d'inclusion dans cette ordonnance. En ce qui concerne plus particulièrement le retrait préventif de la travailleuse enceinte, ce sujet y est également considéré et nous ne croyons par opportun que le projet de loi no 17 en traite également.

Compte tenu que toute indemnité qui serait versée à la travailleuse enceinte se rattache davantage à une politique de bien être et de sécurité sociale, nous croyons qu'il n'appartient pas à la Commission des Accidents du Travail de verser des indemnités afférentes à la travailleuse enceinte, bien que nous soyons d'accord pour qu'une indemnité lui soit versée, comme le prévoient d'ailleurs les programmes existants.

Nous recommandons que les articles 32 à 37 soient omis du projet de loi.

Article 38

Aucune obligation n'est faite au travailleur d'utiliser les moyens et les équipements de protection qui seront mis à sa disposition en vertu de l'art. 40.

Plusieurs de nos entreprises éprouvent de la difficulté à convaincre les travailleurs de porter un tablier de protection, par exemple dans les boucheries, pour éviter les coupures au ventre lors du débitage des pièges de viande.

Nous recommandons d'ajouter un paragraphe à l'art. 38 pour obliger le travailleur à utiliser les moyens et les équipements de protection individuels et collectifs, mis à sa disposition conformément à l'article 40.

Article 39

Le livre blanc acceptait le droit de l'employeur à l'organisation et à l'aménagement des lieux de travail en tant que propriétaire et gestionnaire de son entreprise. Le projet de loi no 17 demeure muet à ce sujet et nous recommandons que l'article 39 soit amendé de façon à inclure ce droit de l'employeur.

Nous recommandons également d'ajouter à l'article 39 le droit de l'employeur de "prendre les mesures nécessaires pour assurer la santé la sécurité et l'intégrité physique des salariés et de ses clients".

Nous recommandons également d'ajouter à l'article 39 le droit de l'employeur de "faire subir des examens médicaux à ses employés par un médecin de son choix".

Article 40, par. 5

Nous recommandons d'omettre le mot "organisation du travail" et les mots "pour l'accomplir" audit paragraphe.

Article 40, par. 6

Nous recommandons d'ajouter le mot "reconnues" après les mots "méthodes et techniques" à la première ligne dudit paragraphe.

Article 40, par. 8

Nous recommandons d'omettre les mots "association accréditée" à la deuxième ligne dudit paragraphe.

Article 40, par. 12

Nous recommandons de remplacer le mot "choisis" à la deuxième ligne du paragraphe par le mot "suggérés" et d'ajouter après le mot "de sécurité" à la troisième ligne dudit paragraphe, les mots "et approuvés par l'employeur" et d'omettre à la troisième ligne de ce paragraphe les mots "conformément au par. 1 de l'art. 63".

Article 41

Nous soumettons que cet article aura pour conséquence d'imposer une contrainte additionnelle aux entreprises de notre secteur qui ne nous apparaît pas justifiée compte tenu de notre bonne expérience de prévention des accidents du travail et également de la nature de nos activités. De plus il ne nous apparaît pas que cette exigence améliorera la santé et la sécurité si ce n'est de faire assumer par les entreprises, les responsabilités de la Commission Santé et Sécurité du Travail.

Nous soumettons que la Commission obtienne ces informations lorsqu'il y a lieu et n'impose pas à toutes les entreprises l'assujetissement à cette exigence.

Nous recommandons d'omettre l'article 41 du projet de loi.

Article 42

Nous soumettons que le premier paragraphe de l'art. 42 fait double emploi avec les dispositions de la Loi sur les normes du travail notamment les articles 39 par. 12 et 53 de cette loi. Il en est de même

du deuxième paragraphe qui, en plus, nous apparaît comme restreignant le droit de gérance de l'employeur quant à l'organisation du travail.

Nous recommandons d'omettre l'article 42 du projet de loi.

Article 47

Nous recommandons de remplacer à la troisième ligne du paragraphe les mots "compte tenu des responsabilités" par les mots "après consultation".

Article 48, par. 3

Nous recommandons, selon nos remarques en vertu de l'art. 39, de rayer les mots "l'organisation du travail" à la troisième ligne de ce paragraphe.

Article 48, par. 4

Nous recommandons, considérant nos remarques en vertu de l'art. 9 par. 1, que les mots "de surveillance" soient rayés de ce paragaphe.

Article 48, par. 6

Nous recommandons d'amender le deuxième paragraphe en omettant les mots "par le", à la deuxième ligne dudit paragraphe et de les remplacer par les mots "par l'employeur après consultation du".

Article 50

Nous recommandons de remplacer l'article 50 par le suivant: "L'employeur informe le travailleur du programme de prévention qui lui est applicable. Il en informe de même le comité de santé et sécurité".

Article 51

Nous recommandons de préciser les mots "blessures graves" en utilisant les mots "perte de membres" à la place de "blessures graves".

Articles 52 à 55

Ces articles nous apparaissent comme faisant double emploi avec plusieurs législations en vigueur, notamment l'article 350 d) de la Loi sur la protection du consommateur (Loi no 72), la Loi sur les aliments et les drogues et la Loi sur les produits dangereux. Nous ne croyons pas qu'il devrait exister deux lois ou deux règlements qui portent sur le même sujet.

Nous recommandons de rayer les articles 52 à 55 du projet de loi.

Articles 56 à 66

Nous vous avons formulé nos recommandations dans la troisième partie du mémoire sur le comité de santé et sécurité et son application au commerce de détail, en vous faisant valoir l'absence de relation entre les avantages en résultant et les coûts occasionnés par la mise en place de ce régime, compte tenu du faible taux de fréquence et de la gravité des accidents du travail dans notre secteur.

Nous recommandons que le commerce soit exempté de l'application des articles 56 à 66 sauf bien sûr si les parties en conviennent autrement par entente.

Article 56

Le mot "établissement" comme nous l'avons indiqué antérieurement s'applique à chaque magasin d'une entreprise. Pour le secteur "commerce" le mot "établissement" devrait inclure l'entreprise dans son ensemble de façon à autoriser éventuellement la formation d'un comité santé et sécurité par entreprise. Cet assouplissement serait d'importance majeure pour une entreprise groupant de multiples établissements.

Le nombre de 10 travailleurs nous apparaît trop bas et nous croyons que le nombre de 20 travailleurs est plus justifié considérant que les employés surnuméraires sont inclus dans la définition de "travailleur".

Nous recommandons que le mot "établissement" soit redéfini pour inclure également l'entreprise dans son ensemble et non pas uniquement chaque établissement. Nous recommandons également que le nombre de dix travailleurs soit porté à 20 travailleurs.

Article 57

II peut se présenter une situation ou l'association accréditée ne représente que quelques travailleurs et en conséquence il nous apparaît important que l'association accréditée représente cinquante pour cent (50%) des travailleurs d'un établissement.

Nous recommandons que les mots "représentant cinquante pour cent (50%) des travailleurs d'un établissement" soient ajoutés après les mots "association accréditée" à la deuxième ligne du paragraphe I de l'article 57.

Article 59

Nous croyons que les comités de santé et de sécurité doivent avoir un rôle consultatif en matière de santé et sécurité du travail.

Nous vous recommandons de rayer l'article 59 Ju projet de loi.

Article 63

Considérant notre argumentation, nous recommandons que l'article 63 soit amendé: a) en remplaçant dans le premier paragraphe le mot "choisir" par le mot "suggérer"; b) en remplaçant dans le deuxième paragraphe le mot "établir" par le mot "suggérer"; c) en rayant dans le troisième paragraphe les mots "l'organisation du travail"; d) en rayant le paragraphe 5; e) en remplaçant le paragraphe 7 par le suivant: "de faire des recommandations à l'employeur concernant les techniques d'hygiène industrielle, l'entretien préventif et les normes d'hygiène et de sécurité spécifiques à l'établissement"; f) en remplaçant au paragraphe 9, le mot "plainte" par le mot "suggestion"; g) en rayant le paragraphe 12;

Article 64

Nous recommandons, compte tenu de notre argumentation, de rayer l'article 64.

Articles 67 à 72

Nous recommandons de rayer ces articles du projet de loi compte tenu des motifs invoqués dans la section III du mémoire.

Article 73

Nous recommandons que l'article 73 fasse référence à une association d'employeurs représentative de même qu'à une association syndicale représentative. La norme de cinquante pour cent (50%) des employeurs ou des syndicats d'un secteur donné devrait être utilisée pour juger du caractère représentatif de l'une ou l'autre association.

Articles 81 à 101

Nous recommandons que ces articles soient modifiés de façon à permettre à l'entreprise de procéder à l'engagement du médecin de son choix, d'appliquer elle-même les programmes de santé et de fournir les services de santé, à partir également d'une clinique privée.

Article 106

Nous recommandons de modifier l'article 106 de façon à prévoir la nomination de deux médecins par le Collège des Médecins considérant les incidences importantes du projet de loi sur le plan médical. Des personnes ayant une connaissance approfondie seront fort utiles à la Commission à ce chapitre.

Article 135

Nous recommandons de remplacer les mots "à toute heure" par les mots "pendant les heures normales d'ouverture".

Nous recommandons de modifier le deuxième paragraphe en ajoutant après le mot "dossiers", les mots "prévus par cette loi, sauf les dossiers médicaux".

Article 143

Nous soumettons que les conséquences pour l'entreprise peuvent être très importantes. Le recours aux pénalités nous apparaît le remède approprié. Le texte de l'art 143 nous semble beaucoup trop sévère.

Nous recommandons d'omettre cet article du projet de loi.

Article 144

Nous nous interrogeons sur la façon de faire effectuer les réparations pour remédier à la situation si aucune personne n'est admise sur un lieu de travail fermé.

Nous recommandons que l'art. 144 soit amendé de façon à permettre à l'employeur de faire effectuer les réparations pour remédier à la situation.

Article 147

Nous recommandons de modifier l'article 147 de façon à prévoir que la décision de l'inspecteur soit suspendue par l'appel de la décision devant la Commission, sous réserve du pouvoir de la Commission de maintenir la décision de l'inspecteur jusqu'à ce qu'elle ait rendu sa décision.

Article 149

Nous croyons que l'inspection devrait relever du Ministère du Travail. La Commission ne peut être à la fois poursuivant, juge et partie. La prévention et la réparation relèvent de la Commission Santé et Sécurité du Travail. L'inspection devrait être confiée au Ministère du Travail.

Nous recommandons que l'inspection soit confiée au Ministère du Travail.

Article 185

Nous recommandons que l'article 185 soit amendé: a) en rayant le paragraphe 10; b) en ajoutant aux paragraphes 14 et 15 le mot "minimum" après les mots "équipements" et "mesures de sécurité"; c) en rayant les paragraphes 17 et 18 compte tenu de notre argumentation en vertu de l'article 42; d) en remplaçant le paragraphe 19 par le suivant; "déterminer les cas ou circonstances où un employeur doit faire subir des examens médicaux, de même que le contenu minimum de ces examens et la fréquence minimum de ces examens.

Articles 198 à 203

La preuve d'intention devrait être requise pour amener une condamnation en vertu de l'art. 198 et de l'art. 203.

Nous recommandons d'ajouter le mot "sciemment" dans le texte de chacun de ces articles.

Article 238

Nous recommandons de maintenir en vigueur l'art. 111 de la loi des accidents du travail.

Article 280

Nous ne concevons pas que le projet de loi puisse se substituer à la volonté des parties et conférer des pouvoirs décisionnels à un comité que les parties n'ont pas convenu de lui conférer. Nous recommandons de rayer de l'article 280.

Article 286

Nous réitérons notre recommandation de conférer au Ministère du Travail l'inspectorat en vertu du projet de loi no 17 sans qu'il soit besoin de procéder à la formation d'un ministère de l'inspectorat.

Le tout respectueusement soumis

Le Conseil Québécois du Commerce de Détail

Le 11 août 1979.

SECTEUR 6 Commerce

Classe Unité Titre de l'unité Taux

Numéro 2 ................................................................................... 0.10 69711 Tabagie 69964 Vente ou location d'instruments ou d'accessoires de musique 3 ................................................................................... 0.23 62311 Vente en gros d'équipement médical ou scientifique 62381 Vente en gros de pièces ou de matériel de transport 62932 Vente en gros de produits chimiques 62961 Vente en gros d'articles de bijouterie 66391 Vente de chaussures, de sacs à main, de valises ou autres articles en cuir et imitation de cuir 66991 Vente de vêtements 69401 Bijouterie 69943 Opticien d'ordonnances; audioprothésiste 69951 Vente d'équipement photographique 69965 Vente de disques, de cassettes et de rubans magnétiques 4 ................................................................................... 0.40 61601 Vente en gros de produits de toilette, de pharmacie ou de nettoyage 61710 Vente en gros de produits d'habillement, de mercerie ou de cuir 61810 Vente en gros d'ameublement de maison, de bureau ou d'appareils électroménagers 61993 Vente au détail de pièces et d'accessoires neufs pour véhicule automobile 62344 Vente en gros d'ameublement, de machines ou d'équipement à usage commercial, de machines distributrices 64241 Entrepôt de distribution directe aux consommateurs 68111 Pharmacie 69131 Librairie 69931 Vente d'objets d'art, de piété, de jouets, de souvenirs ou d'articles d'importation 69935 Vente de marchandises aux enchères 69941 Vente ou location d'appareils orthopédiques 5 ................................................................................... 0.63 60211 Vente en gros d'arbres, d'arbustes ornementaux et de fleurs 61501 Vente en gros de produits du tabac 61991 Vente en gros de pièces et d'accessoires neufs pour véhicule automobile 61992 Vente en gros et au détail de pièces et d'accessoires neufs ou d'occasion pour véhicule automobile 62192 Vente en gros de pièces composantes électroniques 62331 Vente ou location avec réparation d'équipement de bureau 62365 Vente ou location, sans réparation, d'engins lourds 62434 Vente en gros d'articles de quincaillerie, de plomberie, de chauffage ou d'électricité 62921 Vente en gros de jeux, de jouets, d'articles de sport ou de matériel de photographie 62993 Agent de vente 63121 Vente du chocolat, de friandises ou de biscuits 63291 Vente de spécialités importées, d'aliments diététiques, de charcuterie, de pâtisserie ou de produits de la mer 64251 Magasin à rayons 65492 Vente d'essence (libre-service) 65497 Vente d'essence avec service 67301 Vente au détail d'articles de quincaillerie

67631 Vente ou location avec réparation de machines à coudre 67634 Vente d'appareils d'éclairage et d'accessoires électriques 67815 Vente, location, installation, y compris la réparation ou l'entretien d'appareils électroniques, d'instruments de musique et d'équipement photographique 69201 Fleuriste 69933 Vente de papier peint, de peinture ou de matériel pour les artistes peintres 69992 Vente de produits de beauté, de perruques, de toupets 6 ................................................................................... 0.90 61101 Vente en gros de papier ou d'articles en papier 61811 Vente en gros de vaisselle, de poterie, de verrerie ou autres articles du même genre 62364 Vente ou location avec installation ou réparation de machinerie industrielle ou manufacturière 62971 Vente en gros de journaux, de revues ou de livres 62995 Vente en gros ou au détail de bois de chauffage, du charbon, de blocs de glace naturelle; fabrication et livraison de glace artificielle 64271 Magasin général 67621 Vente de draperies ou de revêtements de sol 67811 Réparation d'appareils électroniques et d'instruments de musique 67812 Vente, installation et réparation de chaînes stéréophoniques ou d'appareils de communication propres à l'automobile, de taximètres, d'installations d'air climatisé et de chaufferettes pour automobile 69923 Vente d'articles de sport; location et réparation d'équipements de sport 69991 Magasin de lainage, de produits de tricot, de tissu ou d'articles de couture 69997 Vente de boissons 7 ................................................................................... 1.23 62991 Vente aux enchères d'animaux; écurie de louage; centre d'équitation; exploitation de véhicules à traction animale 62994 Empaquetage et mise en marché 63151 Epicerie 63161 Epicerie-boucherie 63281 "Supermarché" à succursales 65494 Vente d'essence (libre-service) avec lave-autos automatique 67633 Vente de meubles, d'appareils électroménagers ou d'appareils de stéréophonie 67891 Vente ou location, avec réparation, d'appareils électroménagers ou d'appareils de soudure 67892 Réparation d'appareils électroménagers 69712 "Dépanneur" 69925 Vente, installation et nettoyage de piscines 69995 Vente d'accessoires de jardinage; boutique d'animaux domestiques 8 ................................................................................... 1.60 60805 Vente et distribution de produits pétroliers avec entretien ou installation d'équipements connexes 61431 Vente et distribution de produits laitiers 61471 Vente et distribution de boissons gazeuses ou d'eaux minérales 61472 Vente en gros de produits alimentaires 62362 Vente, location ou installation avec réparation d'équipement de manutention 62992 Vente en gros de nourriture pour animaux et de fertilisants 63131 Marchand de fruits et légumes 65611 Vente de véhicules automobiles neufs ou d'occasion, y com- pris la réparation

65841 Réparation du système électrique des véhicules automobiles ou de machines industrielles 69881 Vente, location et service de maisons mobiles, de tentes- roulottes et de roulottes motorisées 69994 Vente en gros et au détail d'armoires de cuisine, de fenêtres ou de portes 9................................................................................... 2.03 60802 Vente et distribution de produits pétroliers sans l'entretien ou l'installation d'équipements connexes 61411 Vente et distribution de produits de boulangerie ou de pâtisserie 61451 Vente en gros de produits de boucherie 61492 Vente et distribution de la bière 62683 Commerce en gros du bois ou de matériaux de construction 63171 Boucherie 65851 Vente et installation de silencieux sur véhicule automobile 65891 Vente et installation de vitres sur véhicule automobile 69911 Vente ou location avec réparation de motoneiges, de motocyclettes, de tondeuses, de scies mécaniques ou autre équipement similaire 10 ................................................................................... 2.50 61461 Vente en gros de fruits, de légumes et de poissons 61931 Vente et réparation de pneus, y compris la pose 61932 Vulcanisation, vente et réparation de pneus 62203 Vente ou location avec réparation d'instruments aratoires ou d'équipement agricole 62682 Commerce du bois et de matériaux de construction avec quincaillerie 65491 Station-service 65831 Réparation de carrosseries de véhicules automobiles 65881 Réparation et installation de boîtes de vitesses sur véhicule automobile 11 ................................................................................... 3.03 62502 Commerce de métaux ou d'alliages avec manutention 62712 Récupération de pièces de véhicule automobile 65893 Garage sans la vente d'essence; réparation de moteurs diésels; service de remorquage; réfection et pose de freins 13 ................................................................................... 4.23 62681 Commerce du bois et de matériaux de construction 14 ................................................................................... 4.90 62731 Commerce de rebuts de papier ou de carton 65896 Vente et réparation de véhicules automobiles d'occasion 15 ................................................................................... 5.63 62201 Réparation d'engins lourds 16 ................................................................................... 6.40 62931 Vente et réparation d'extincteurs chimiques, d'appareils de nettoyage sanitaire ou de toilettes chimiques portatives 17 ................................................................................... 7.23 62792 Commerce de rebuts de métal 65871 Réparation et installation des pièces de la suspension des véhicules à moteur 18 ................................................................................... 8.10 62793 Démolition de véhicules à moteur

ANNEXE B

Ville de Montréal

Mémoire préparé à l'intention de la commission parlementaire sur lavant-projet du Code de la route

1979-08-03

Aux membres de l'Assemblée Nationale du Québec et aux membres de la Commission Parlementaire chargée de l'étude de l'avant-projet du Code de la route proposé par le Ministre des Transports du Québec.

Mesdames et Messieurs,

La Ville de Montréal se réjouit de l'occasion qui lui est offerte de présenter ses commentaires sur la proposition de réforme du Code de la route.

La Ville de Montréal accueille favorablement l'avant-projet présenté par le Ministre des Transports qui vise à moderniser la législation dans ce domaine afin de l'adapter aux réalités de la circulation routière au Québec.

Il va sans dire que la ville de Montréal, comme toutes les grandes agglomérations urbaines, connaît de sérieux problèmes de circulation et qu'en raison du nombre important de véhicules circulant sur son territoire, de voies de circulation de types différents et d'aménagements variés, elle est désireuse de faire part de ses commentaires sur les règles devant régir la circulation au Québec, en fonction de son expérience acquise dans ce domaine.

Le volume également important des contraventions au Code de la route ou aux règlements de la Ville en matière de circulation dont s'occupe annuellement le greffe de la Cour municipale de la Ville de Montréal et les difficultés rencontrées dans l'administration des procédures relatives à ces infractions ont aussi incité la Ville de Montréal à formuler certains commentaires concernant l'immatriculation des véhicules, les permis de conduire, les pouvoirs des agents de la paix et la procédure à l'égard des contrevenants.

Détenant divers pouvoirs en matière de circulation routière suivant les dispositions de sa charte ou celles du Code de la route actuel, la Ville de Montréal constate que cet avant-projet ne tient pas suffisamment compte des particularités propres à Montréal.

En conséquence, le présent mémoire comporte plusieurs commentaires qui visent particulièrement à améliorer l'avant-projet, à y apporter plus de précisions, à faire état de la nécessité de regrouper sous un même chapitre certains pouvoirs qui sont accordés aux autorités gouvernementales, à proposer des définitions additionnelles et à établir la nécessité de donner les pouvoirs nécessaires aux autorités locales et à tenir compte des particularités propres à Montréal.

Les thèmes principaux que nous entendons développer au cours de ce mémoire peuvent se regrouper ainsi: 1. La nécessité pour les autorités gouvernementales de tenir compte des pouvoirs qui ont été conférés à la Ville de Montréal de par sa charte et plus particulièrement par l'article 1139 qui permet au Conseil, par règlement, d'attribuer au directeur du Service de la circulation, ou à tout autre officier ou employé désigné par ce dernier, l'exercice de tous les pouvoirs et devoirs que cet article attribue à l'agent de la paix en matière de circulation.

Actuellement, les préposés au Service de la circulation exercent les pouvoirs mentionnés à l'article 1139 de la charte en matière de stationnement, mais il est possible que l'administration municipale juge opportun de confier des responsabilités additionnelles à ces officiers, plus particulièrement en ce qui concerne le contrôle de la vitesse des véhicules. Il nous est donc apparu essentiel d'insister pour que l'autorité gouvernementale conserve les pouvoirs accordés à la Ville en ces matières et qu'elle confère les pouvoirs nécessaires à l'officier de l'autorité locale chargé de l'application de la réglementation locale ou de l'application de la loi provinciale.

Nous avons en conséquence proposé une définition d'un officier d'une autorité locale et proposé des pouvoirs accessoires à ce dernier en soumettant une définition de l'agent de la paix et en faisant état de la nécessité de lui donner les instruments requis pour exécuter ses fonctions en considérant, entre autres, que son véhicule puisse être associé à un véhicule d'urgence, qu'il puisse être muni de feux de police et que l'officier soit exempt du port de la ceinture de sécurité.

D'autre part, étant donné l'importance de la circulation à Montréal, nous avons cru utile de demander une exemption du paiement des droits que pourrait exiger le Directeur général pour les renseignements demandés par l'autorité locale. Nous vous soulignons également qu'en matière de procédure et de preuve, il nous apparaît

nécessaire de tenir compte des dispositions de la charte relatives à l'émission des billets de contravention, des billets d'assignation, des avis préliminaires ainsi qu'au paiement libératoire (art. 1139, 1140 et 1140b de la charte), qui sont d'une façon générale semblables à celles contenues aux articles 380 à 390 de l'avant-projet. Afin d'éviter des coûts inutiles et pour des motifs d'ordre pratique, il nous apparaît préférable que les poursuites intentées devant la Cour municipale continuent d'être régies par les articles de la charte.

Enfin, le Chapitre XI de l'avant-projet qui accorde des pouvoirs à l'autorité locale précise que ses pouvoirs doivent être exercés par règlement. Or, plusieurs articles de la charte prévoient que le Comité exécutif peut, par résolution, exercer certains pouvoirs. Nous avons donc jugé à propos de faire plusieurs commentaires sur ce Chapitre XI et nous estimons que la Ville devrait conserver les pouvoirs qui lui ont été dévolus de par sa charte. 2. La nécessité pour les autorités gouvernementales de reconsidérer les dispositions du 2ième alinéa du paragraphe 1 de l'article 283 de l'avant-projet qui visent à permettre le virage à droite sur un feu rouge, à moins qu'une signalisation ne l'interdise ou qu'un feu de piétons n'accorde le droit de passage aux piétons.

Nous estimons qu'étant donné l'indiscipline caractérisée, tant des conducteurs que des piétons, une telle disposition ne fera qu'accroître le nombre d'accidents et n'apportera aucun bénéfice tangible à la population. Les campagnes récentes de publicité menées par la Régie de l'Assurance Automobile pour sensibiliser les citoyens du Québec aux conséquences désastreuses des nombreux accidents d'automobile ne nous permettent pas d'envisager dans les circonstances de mettre de côté le principe énoncé par la Régie de l'Assurance Automobile, soit "LA PERSONNE AVANT TOUTE CHOSE".

Nous croyons que si le gouvernement désire insister pour autoriser le virage à droite sur un feu rouge, qu'il le fasse sur une base expérimentale et qu'il laisse le soin aux autorités locales de déterminer les endroits où une telle expérience peut être tentée sans danger pour les piétons et les automobilistes. 3. La nécessité d'améliorer sous plusieurs aspects l'avant-projet, de compléter certaines dispositions, d'y apporter les précisions nécessaires, de tenir compte de certaines lois, en particulier celle sur les personnes handicapées et de faire part aux autorités gouvernementales des difficultés que peut représenter l'application de la Loi sur la protection de la jeunesse et enfin, la possibilité d'envisager d'accorder certains pouvoirs d'arrestation sans mandat à l'agent de la paix et de prévoir certaines peines d'emprisonnement pour des infractions graves.

C'est dans le but d'apporter une collaboration franche et utile et à la lumière de son expérience acquise, que la Ville de Montréal vous soumet ses divers commentaires relativement à l'avant-projet du Code de la route, afin que ce dernier devienne un outil utile et efficace, tant pour les autorités locales que gouvernementales, de contrôle de la circulation routière et qui visera, nous l'espérons, à permettre aux citoyens du Québec de circuler et d'utiliser la chaussée et les chemins publics de la façon la plus sécuritaire possible.

MONTRÉAL, le 3 août 1979.

PELOQUIN, BADEAUX, ALLARD ET LACROIX, Avocats de la Ville de Montréal.

INTRODUCTION

Malgré les divers amendements qui ont été apportés au cours des années au Code de la route actuellement en vigueur, afin de l'adapter aux nouvelles réalités de la circulation routière au Québec, à l'évolution des véhicules automobiles et à l'apparition de nouveaux types de véhicules routiers, il devenait de plus en plus nécessaire de moderniser la législation dans ce domaine.

La Ville de Montréal accueille donc favorablement l'avant-projet du Code de la route que le ministre des Transports du Québec propose.

Saisissant l'opportunité offerte aux personnes ou groupes intéressés à se faire entendre sur cette proposition de réforme du Code de la route, la Ville de Montréal désire toutefois formuler devant cette Commission les commentaires et les critiques contenus dans le présent mémoire relativement à certaines dispositions de l'avant-projet.

Il va sans dire que la Ville de Montréal, comme toutes les grandes agglomérations urbaines, connaît de sérieux problèmes de circulation et qu'en raison du nombre important de véhicules circulant sur son territoire, de voies de circulation de types différents et d'aménagements variés, elle est désireuse de faire part de ses commentaires sur les règles devant régir la circulation au Québec, en fonction de son expérience acquise dans ce domaine.

Le volume également important des contraventions au Code de la route ou aux règlements de la ville en matière de circulation dont s'occupe annuellement le greffe de la Cour municipale de la Ville de Montréal et les difficultés rencontrées dans l'administration des procédures relatives à ces infractions ont aussi incité la Ville de Montréal à formuler certains commentaires concernant l'immatriculation des véhicules, les permis de conduire, les pouvoirs des agents de la paix et la procédure à l'égard des contrevenants.

En tant que corporation municipale détenant différents pouvoirs en matière de circulation routière suivant les dispositions de sa charte ou celles du Code de la route actuel, le présent mémoire contient de nombreux commentaires ou critiques relativement aux pouvoirs accordés à l'autorité locale en vertu de l'avant-projet, afin que la réforme du Code de la route tienne compte des particularités propres à la Ville de Montréal ou communes à toutes les corporations municipales, tout en reconnaissant la nécessité d'une certaine uniformité dans le domaine routier à travers le Québec.

De plus, la charte de la Ville de Montréal prévoit au paragraphe 6 de l'article 1139 que dans tous les cas prévus à cet article, le Conseil peut, par règlement, attribuer au directeur du service de la Circulation ou à tout autre officier ou employé désigné par ce dernier, l'exercice de tous les pouvoirs et devoirs que cet article attribue à l'agent de la paix.

L'article 1139 de la charte se lit comme suit: 1139. 1° Dans le cas d'une infraction à une disposition d'un règlement de la ville relative à la circulation, à la sécurité publique ou à l'usage d'un véhicule automobile ou d'un accessoire d'un tel véhicule: a) l'agent de la paix qui constate une contravention peut remplir sur les lieux un billet de contravention qui en indique la nature; il en remet une copie au conducteur ou la dépose dans un endroit apparent du véhicule et rapporte l'original au service de police; b) l'agent de la paix peut également, s'il ne s'agit pas d'une infraction de stationnement, remplir sur les lieux un billet d'assignation; il en remet une copie au conducteur du véhicule, ce qui en constitue une signification légale.

Une autre copie doit en être remise au greffier de la Cour municipale dans les quarante-huit heures qui suivent.

Le jour fixé pour la comparution, à moins qu'un paiement libératoire n'ait été effectué, le greffier ouvre un dossier et y dépose ce document, qui constitue une sommation dûment autorisée et signifiée, au sens de la Loi des poursuites sommaires, et rapportable à la date fixée. 2° Les dispositions du présent article n'empêchent pas l'agent de la paix de porter une plainte ou de faire émettre une sommation contre un contrevenant, en la manière ordinaire, s'il le juge à propos. 3° L'agent ne peut remettre un billet d'assignation à un contrevenant impliqué dans un accident; dans ce cas, une sommation doit être signifiée. 4° Tout agent de la paix ou tout agent spécial, nommé en vertu de l'article 1142, est autorisé à déplacer ou à faire déplacer, au moyen d'un véhicule de service ou remorque, tout véhicule stationné en contravention d'une ordonnance ou d'un règlement de circulation. 5° Le billet de contravention, le billet d'assignation ou la sommation doit faire mention de ce déplacement et la ville perçoit de celui qui se présente à tout endroit désigné sur le billet pour payer l'amende tel que prévu au présent article, ou qui plaide coupable ou est trouvé coupable sur la plainte portée contre lui en vertu du présent article, une somme additionnelle à être fixée par règlement mais ne dépassant pas vingt-cinq dollars. 6° Dans tous les cas prévus au présent article, le conseil peut, par règlement, attribuer au directeur du service de la circulation ou à tout autre officier ou employé désigné par ce dernier, l'exercice de tous les pouvoirs et devoirs attribués par le présent article à l'agent de la paix ou à l'agent spécial.

Le Conseil municipal s'est prévalu du paragraphe 6 de cet article et a adopté le 2° alinéa de l'article 7 du règlement 2244 de la Ville de Montréal créant le service de la Circulation qui prévoit ce qui suit: "II (le directeur du service de la Circulation) a l'exercice de tous les pouvoirs et devoirs attribués à l'agent de la paix ou à l'agent spécial par l'article 1139 de la charte de la ville et il peut les attribuer à tout officier ou employé de son service qu'il désigne à cette fin".

Actuellement, des préposés au service de la Circulation exercent les pouvoirs mentionnés à l'article 1139 de la charte à l'égard de la réglementation de la ville en matière de stationnement. Eventuellement, il est possible que l'administration municipale juge opportun de confier des responsabilités additionnelles à ces officiers telles que le contrôle de la vitesse des véhicules routiers sur les chemins publics dont l'entretien est à la charge de la ville.

Cette caractéristique propre à Montréal est ignorée par l'avant-projet du Code de la route et appelle des modifications à ses dispositions.

D'autre part, l'avant-projet propose de permettre le virage à droite sur un feu rouge, à moins qu'une signalisation ne l'interdise ou qu'un feu de piétons n'accorde le droit de passage aux piétons (art. 283, par. 1, alinéa 2).

La Ville de Montréal ne peut être d'accord avec une telle mesure. Il faut réaliser qu'au Québec, et particulièrement à Montréal, ni les conducteurs, ni les piétons n'ont la discipline et le sens des responsabilités aussi développés que ceux que l'on retrouve dans les autres provinces du Canada ou dans divers états américains. Nous détenons malheureusement la triste réputation de battre les records d'accidents d'autos impliquant à la fois des véhicules et des piétons. Les statistiques à ce sujet sont assez éloquentes et la publicité faite par la Régie de l'Assurance Automobile à la radio et à la télévision au cours des derniers mois démontre la nécessité de faire prendre conscience aux citoyens du Québec de leurs responsabilités.

Nous ne sommes pas convaincus que les économies de temps et d'énergie que peut représenter une telle mesure sont suffisantes pour compenser les pertes humaines accrues qu'elle engendrera.

Bien au contraire, en nous basant sur les statistiques de 1977, on peut établir que les accidents de piétons, à la suite d'un virage à droite sur un feu rouge, augmenteront de 0.9 à 4% et que le nombre de piétons impliqués variera de 20 à 90; on peut prévoir une augmentation d'accidents aux intersections de 0.7 à 3%, soit en nombre, de 90 à 380 accidents additionnels par année.

Ce nombre d'accidents à prévoir, si la mesure proposée est adoptée, entraînera nécessairement des coûts que devront assumer la Régie de l'Assurance Automobile et le Ministère des Affaires Sociales. Ce ne sont pas, à notre avis, les quelques centaines de milliers de dollars épargnés en temps et en énergie qui peuvent justifier un accroissement prévisible du nombre d'accidents provoquant des blessures injustifiées aux piétons, surtout si l'on veut que le slogan "LA PERSONNE AVANT TOUTE CHOSE" ait un sens quelconque. Nous devrions peut-être le compléter en disant: "LA PERSONNE AVANT TOUTE CHOSE, MEME AVANT L'ENERGIE".

Dans les circonstances actuelles, connaissant l'indiscipline caractérisée des piétons et des automobilistes québécois, nous sommes d'avis que si le gouvernement insiste pour imposer une telle mesure, il le fasse à titre expérimental en laissant le soin aux autorités locales, et plus particulièrement à la Ville de Montréal, de déterminer les endroits où l'on peut autoriser un virage à droit sur un feu rouge, sans entraîner de risques accrus pour les piétons et les automobilistes.

D'ailleurs, à notre connaissance, une telle mesure n'a pas été imposée du jour au lendemain dans les états américains et dans les autres provinces, mais, bien au contraire, elle s'est faite graduellement.

Tout en réitérant qu'elle accueille favorablement la réforme du Code de la route proposée par le ministre des Transports du Québec, la Ville de Montréal souhaite cependant que le projet de loi. qui sera éventuellement déposé à l'Assemblée Nationale tienne compte des commentaires et des propositions contenus au présent mémoire.

COMMENTAIRES GENERAUX

Un code étant un instrument de législation où sont regroupées toutes les régies relatives à un domaine particulier, afin d'en faciliter la référence et la consultation à toutes les personnes susceptibles de les appliquer ou d'y être assujetties, il importe que le législateur apporte une attention particulière à la présentation des différentes dispositions qu'il contient.

Cette importance s'en trouve d'autant plus accrue dans le présent cas que le nouveau Code de la route, comme le Code actuel, sera utilisé ou mis en oeuvre par une foule d'organismes et de personnes, à l'égard d'une multitude de citoyens pour qui l'automobile est une réalité quotidienne.

En premier lieu, nous estimons qu'à l'instar du Code actuel, l'avant-projet du Code de la route est difficile à consulter en raison d'une insuffisance dans la division de ses différentes dispositions. Certaines sections des chapitres auraient avantage à être elles-mêmes divisées, notamment la section I du chapitre VII relatif à la suspension et la révocation et la section I du chapitre IX relatif à la circulation, cette dernière section comportant 83 articles.

Deuxièmement, les différents pouvoirs accordés au gouvernement, au ministre, à l'autorité locale, à l'agent de la paix ou à l'officier du ministère devraient tous être regroupés dans un même chapitre, chacune de ces autorités faisant l'objet d'une section. Tel que présenté actuellement, l'avant-projet prévoit une série de pouvoirs éparpillés aux différentes sections des chapitres, au lieu d'être tous regroupés au chapitre XI intitulé "Les pouvoirs". S'il y a lieu, lorsqu'un article édicte une règle quelconque à l'effet qu'une autorité compétente peut la compléter, la modifier ou encore exercer un pouvoir particulier pour en assurer l'application, il demeure toujours possible d'indiquer que cette autorité peut exercer cette compétence en faisant référence à l'une ou l'autre des dispositions du chapitre traitant des pouvoirs conférés aux organismes ou personnes énumérés ci-dessus.

COMMENTAIRES PARTICULIERS

Après ces considérations d'ordre général, voici les différents commentaires que nous estimons opportuns de formuler devant cette Commission à l'égard de certains aspects particuliers dont traite l'avant-projet.

L'ordre de présentation de ces commentaires suit celui des chapitres que contient l'avant-projet.

CHAPITRE I

Définitions

L'officier d'une autorité locale

Comme nous l'avons mentionné précédemment dans l'introduction au présent mémoire, le directeur du service de la Circulation et les employés ou officiers qu'il désigne à cette fin peuvent exercer les pouvoirs que l'article 1139 de la charte de la Ville de Montréal attribue à l'agent de la paix. Nous avons également signalé qu'actuellement les officiers ainsi désignés n'exercent ces pouvoirs qu'en matière de stationnement mais qu'il est possible que l'administration de la ville étende leur juridiction à toutes les autres matières visées par cet article.

Comme le présent mémoire comporte des demandes de modification de plusieurs articles de l'avant-projet pour tenir compte de cette réalité à Montréal, il y aurait lieu d'ajouter aux mots et expressions prévus au chapitre I de l'avant-projet, une expression qui identifierait ces personnes qui, à Montréal et éventuellement ailleurs dans les autres municipalités, assurent le respect des règlements de l'autorité locale traitant d'une matière visée par le présent code. Nous proposons l'expression "officier d'une autorité locale" qui pourrait être définie comme suit: "une personne, autre qu'un agent de la paix, désignée par l'autorité locale en vertu de la loi qui la régit pour exercer les pouvoirs que cette loi ou le présent code confère à l'agent de la paix relativement à une matière visée par le présent code."

Véhicule d'urgence

A Montréal, les officiers susdits exercent leurs fonctions à l'aide d'un véhicule automobile. Ces fonctions, actuelles ou éventuelles, sont de nature para-policières et dans les faits, elles étaient auparavant exercées exclusivement par les policiers de la Communauté Urbaine de Montréal et, ailleurs, demeurent encore la responsabilité exclusive des corps de police. Dans l'accomplissement de ces fonctions, l'officier de l'autorité locale est susceptible d'utiliser son véhicule dans des circonstances identiques à celles que peut connaître un policier.

Pour cette raison, la Ville de Montréal demande que la définition de "véhicule d'urgence" soit élargie de façon à y inclure les véhicules utilisés par ses officiers, afin qu'ils bénéficient des exceptions prévues à l'avant-projet à l'égard des véhicules d'urgence.

Le texte de la définition de l'expression "véhicule d'urgence" pourrait donc se lire ainsi: "un véhicule automobile autorisé à être utilisé comme véhicule de police par la Commission de police du Québec, comme ambulance par le ministère des Affaires sociales ou comme véhicule de service d'incendie par le Commissariat aux incendies du Québec, ainsi qu'un véhicule utilisé par un officier d'une autorité locale dans l'exercice de ses fonctions."

L'agent de la paix

Le chapitre des définitions devrait également comprendre une définition de l'expression "agent de la paix" de façon à ce que les pouvoirs de l'avant-projet accorde à l'agent de la paix puissent être également exercés par les officiers d'une autorité locale dans l'accomplissement de leurs fonctions. D'ailleurs, l'avant-projet accorde la majorité de ces pouvoirs aux officiers du ministère des Transports chargés de l'application du Code de la route.

La Ville de Montréal demande donc que le chapitre I définisse l'expression "agent de la paix", et ce, de la manière suivante: "agent de la paix": un agent de la paix ou un officier d'une autorité locale."

CHAPITRE II Administration

SECTION I

Le Bureau des véhicules automobiles -Art. 12

Le 3° alinéa de cet article qui prévoit que le directeur général doit percevoir les droits prévus par règlement du gouvernement pour la communication d'un renseignement sur une matière de la compétence du Bureau, comporte une exception à l'égard des corps publics de police et des ministères pour fins gouvernementales.

Pour l'accomplissement de leurs fonctions, les officiers d'une autorité locale ont besoin des renseignements que détient le Bureau des véhicules automobiles, dans la même mesure que les corps de police qui appliquent les règlements d'une autorité locale relatifs à une matière visée au présent code, même ceux relatifs au stationnement.

D'ailleurs, la Ville de Montréal effectue actuellement des démarches auprès des autorités compétentes pour que le service de la Circulation soit branché sur l'ordinateur du Bureau des véhicules automobiles, comme le service de la Police de la C.U.M.

En conséquence, la ville demande qu'une exception soit ajoutée au 3° alinéa de l'article 12, afin de prévoir que le directeur ne doit pas percevoir de droits dans le cas de renseignements fournis aux officiers d'une autorité locale.

Le texte de ce 3° alinéa pourrait donc se lire comme suit: "Sauf dans le cas de renseignements fournis à un corps public de police pour des fins de sécurité publique, aux officiers d'une autorité locale dans l'exercice de leurs fonctions ou à un autre ministère pour des fins gouvernementales, le directeur général doit percevoir les droits prévus par règlement du gouvernement."

CHAPITRE III

L'immatriculation

SECTION I

La demande

Actuellement, il existe des véhicules immatriculés au Québec et dont le propriétaire ne possède pas d'adresse dans la province. Nous avons même eu connaissance d'un cas où le propriétaire avait son adresse à Hong-Kong.

Une telle situation entraîne de sérieux problèmes au niveau de la signification des procédures au cas de poursuites contre le propriétaire du véhicule.

Afin de solutionner ce problème, le nouveau Code de la route devrait prévoir une disposition qui stipulerait ce qui suit: "Aucune immatriculation d'un véhicule routier ne peut être effectuée à moins que le propriétaire du véhicule ne fournisse au directeur général l'adresse de son domicile, sa résidence, sa place ou son bureau d'affaires ou son siège social situé au Québec." De plus, aux fins de cette disposition, une boîte postale ne pourrait constituer une adresse. - Art. 27

Relativement à une demande d'immatriculation par une corporation, certaines dispositions particulières devraient être prévues dans le Code de la route lui-même ou dans les règlements adoptés par le gouvernement, afin d'éviter autant que possible que des personnes utilisent le voile corporatif pour se soustraire à l'autorité de la loi ou aux poursuites intentées contre elles.

A la cour municipale de la ville de Montréal, environ 1000 cas se présentent chaque année où la signification des procédures et l'exécution des jugements connaissent toutes sortes de difficultés et sont même impossibles. Dans certains cas, il s'agit d'une corporation qui n'a jamais été existante, qui a cessé de l'être ou encore qui est inopérante, dans d'autres, la corporation ne possède qu'une adresse fictive ou n'a aucun actif autre que le véhicule immatriculé et même dans ce cas, le véhicule est demeuré la propriété d'un créancier; autant de situations qui entraînent une perte d'énergie et d'argent de la part des autorités chargées de l'application du Code de la route ou des règlements municipaux et qui permettent à des individus malhonnêtes d'enfreindre la loi sans qu'il soit possible de sévir contre eux.

En conséquence, la ville de Montréal propose que les mesures suivantes soient adoptées: 1. Seuls les administrateurs d'une corporation devraient pouvoir faire une demande d'immatricu- lation.

2. Parmi les renseignements qui devraient être exigés lors d'une demande d'immatriculation par une corporation, devraient être le numéro des lettres patentes et la date de celles-ci ainsi que le nom de tous les administrateurs de la corporation et leur adresse personnelle. 3. Le Bureau des véhicules automobiles ne devrait effectuer l'immatriculation d'un véhicule au nom d'une corporation qu'après avoir vérifié l'exactitude des renseignements demandés auprès des services compétents du ministère des Institutions financières, Compagnies et Coopératives du Québec ou du ministère de la Consommation et des Corporations du Canada. 4. A cette fin, l'immatriculation d'un véhicule au nom d'une corporation ne devrait être effectuée qu'aux endroits munis des moyens de communication adéquats avec ces services. 5. Au cas d'impossibilité d'exécuter un jugement rendu contre une corporation suite à une poursuite intentée en vertu du Code de la route ou d'un règlement municipal relatif à une matière visée par le Code, les administrateurs devraient être réputés avoir commis eux-mêmes l'infraction dont la corporation a été trouvée coupable.

Dans un tel cas, le jugement deviendrait ainsi exécutoire contre les administrateurs personnellement.

SECTION III

Le certificat et la plaque d'immatriculation -Art. 43

Suivant cet article, un agent de la paix ou un officier du ministère peut requérir du conducteur d'un véhicule routier le nettoyage immédiat de la plaque d'immatriculation dont est muni son véhicule.

Toutefois, l'avant-projet ne prévoit pas d'infraction pour le défaut de se conformer à un ordre à cet effet. Il y aurait donc lieu d'ajouter une disposition en ce sens à la section VI relative aux infractions aux articles du chapitre III.

SECTION VI

Infractions et peines -Art. 58

Sans que la présente remarque soit considérée comme étant une objection à ce que cette disposition demeure telle quelle, il y a lieu de faire remarquer que la peine qui y est prévue pour une infraction au deuxième alinéa de l'article 25 ne comporte pas de maximum. Sauf celle prévue à l'article 93 pour une infraction au premier alinéa de l'article 77 et auquel la même remarque s'applique, toutes les peines prévues à l'avant-projet comportent un minimum et un maximum, et ce, même à l'égard d'infractions beaucoup plus graves. A moins que cela n'ait été voulu ainsi, il y aurait lieu de rendre ces deux articles 58 et 93 conformes à la règle générale suivie lors de la rédaction de l'avant-projet. -Art. 62

Contrairement à la preuve exigée de la poursuite dans l'application du paragraphe a) de l'article 64 du Code actuel, l'utilisation nouvelle du mot "sciemment" à l'article 62 aura pour effet d'obliger la poursuite à faire la preuve que l'accusé savait que le renseignement ou l'information était faux ou trompeur.

Il va sans dire que cela entraînera de sérieuses difficultés de preuve à la poursuite. Il y aurait lieu de reformuler le texte de cette disposition de manière à ce que la poursuite ne soit pas astreinte à faire cette preuve tout en permettant à l'accusé de se défendre en plaidant qu'il ignorait que le renseignement ou l'information était faux.

Différentes techniques peuvent être utilisées à cette fin. Le texte qui suit en propose une: "Quiconque, lors d'une demande d'immatriculation d'un véhicule routier donne, sans excuse légitime dont la preuve lui incombe, une information ou un renseignement faux ou trompeur, commet une infraction et est passible, en outre des frais, d'une amende d'au moins deux cent dollars et d'au plus cinq cents dollars." Pour les mêmes raisons, l'article 95 devrait être reformulé en ce sens.

CHAPITRE VI

L'enseignement de la conduite d'un véhicule routier

SECTION I Dispositions générales -Art. 116

Afin d'éviter qu'un fonctionnaire du ministère des Transports se soustraie de l'application de cet article et détienne des intérêts dans une école de conduite en utilisant d'autres personnes que son conjoint ou son enfant mineur comme prête-nom, il y aurait lieu de reformuler le texte de cette disposition ainsi: "Un fonctionnaire du ministère des Transports ne peut, sous peine de destitution, avoir des intérêts directs ou indirects dans une école de conduite mettant en conflit son intérêt personnel et les devoirs de sa fonction."

De plus, afin de faciliter l'application de cet article, un pouvoir devrait être accordé au ministre des Transports de déterminer quelles sont les fonctions à son ministère qui sont susceptibles de mettre ceux qui les exercent en conflit d'intérêts.

A cet effet, l'alinéa suivant devrait être ajouté: "L'alinéa précédent ne s'applique que dans le cas d'une fonction désignée par le ministre des

Transports aux fins du présent article."

CHAPITRE VII La suspension et la révocation

SECTION I Dispositions générales -Art. 138

En raison de la gravité des infractions aux articles 246 (dépassement par la voie en sens inverse) et 312 (devoirs du conducteur en cas d'accident) de l'avant-projet, ces articles devraient être ajoutés à ceux qui sont énumérés à l'article 138 tout comme l'article 91 du Code actuel tient compte des infractions aux dispositions semblables qu'il contient.

Une modification de concordance devrait cependant être effectuée à l'article 142 de l'avant-projet, afin de prévoir que si une personne est condamnée pour une infraction aux articles 312 de l'avant-projet et 233(2) du Code criminel, une seule suspension de trois mois devra être imposée. -Art. 139

Afin que le texte du premier alinéa de cet article traduise sans ambiguïté l'intention recherchée, l'expression "pour l'exécution du principal travail dont elle tire sa subsistance" devrait être précisée en y ajoutant ce qui suit: "autrement que pour aller et revenir du lieu de ce travail."

De plus, afin d'assurer une certaine coordination entre les greffes des tribunaux, il y aurait lieu d'insérer l'alinéa suivant entre les deuxième et troisième alinéas de cet article: "Lorsqu'une demande en vertu de l'alinéa précédent est adressée dans un autre district, le greffier du tribunal qui s'est prononcé sur cette demande doit en faire rapport au greffe du tribunal qui a prononcé la déclaration de culpabilité ou la sentence." -Art. 154

La section III du chapitre VII relatif à la suspension et la révocation ne prévoit pas d'infraction pour le défaut de remettre le certificat et la plaque d'immatriculation ou le permis de conduire à l'agent de la paix ou à l'officier du ministère investi du pouvoir de les confisquer en vertu de cet article.

Il y aurait donc lieu de prévoir une disposition à cet effet.

CHAPITRE VIII Les accessoires, équipements et normes de construction

SECTION I Les phares, feux et réflecteurs -Art. 184

Toujours en relation avec la nature même des fonctions para-policières des officiers d'une autorité locale, la ville demande que les véhicules de ces officiers puissent être munis de feux comme un véhicule de police.

A cette fin, nous proposons que le texte du premier alinéa de l'article 184 soit modifié de la manière suivante: "Un véhicule d'urgence de police ou d'un officier d'une autorité locale peut être muni de feux rouges et bleus ou rouges ou bleus; ..." -Art. 185

En vertu du deuxième alinéa de cet article, un agent de la paix ou un officier du ministère est autorisé à confisquer un feu installé contrairement aux dispositions du Code.

Il y aurait lieu toutefois d'assurer le respect de l'autorité de l'agent de la paix ou de l'officier du ministère à cet égard en prévoyant une infraction à la section XI du chapitre VII pour le défaut de se conformer à un ordre donné en vertu de cet alinéa.

L'omission de respecter un ordre d'un agent de la paix ou d'un officier du ministère, émis en vertu des dispositions prévues à l'article 187, au paragraphe 4° de l'article 191, au troisième alinéa de l'article 192, à l'article 195, au troisième alinéa de l'article 196 ainsi qu'à l'article 223, devrait également constituer une infraction suivant le Code de la route.

SECTION II Les roues -Art. 190

Le mot "remplacer" à l'article 190 nous semble inadéquat et le mot "installer" devrait lui être substitué.

Le même commentaire s'applique à l'article 197.

SECTION III Les avertissements sonores -Art. 191.3°

Cette disposition nous apparaît inadéquate en raison du fait que lors du déneigement des rues comme c'est le cas à Montréal, il est fait emploi d'une sirène pour avertir les automobilistes de déplacer leurs véhicules avant qu'ils ne soient remorqués, afin que le déneigement puisse s'effectuer. Cette sirène est employée par les policiers, les officiers de la ville ainsi que par d'autres employés de la ville ou retenus par elle aux fins du déneigement de chemins publics dont l'entretien est à sa charge.

Il y aurait donc lieu de modifier cette disposition pour tenir compte que d'autres véhicules sont munis d'une sirène pour des fins de déneigement et que les véhicules d'urgence de police ou d'un officier d'une autorité locale l'emploie pour ces mêmes fins sans que ce soit une situation d'urgence. Nous proposons donc que le paragraphe 3° de l'article 191 soit remplacé par le suivant: "Un véhicule d'urgence peut être muni d'une sirène ou d'un appareil produisant un son similaire et son usage doit être limité à des fins d'urgence ou, dans le cas d'un véhicule de police ou d'un officier d'une autorité locale, aux fins d'avertissement lors du déneigement des chemins publics si des véhicules routiers sont susceptibles de nuire aux opérations. Tout autre véhicule automobile utilisé par une autorité locale ou une personne retenue par elle aux fins de déneigement des chemins publics dont elle a l'entretien peut être muni d'une sirène ou d'un tel appareil mais ne doit être utilisé qu'aux fins d'avertissement dans les mêmes circonstances." De plus, un alinéa devrait être ajouté à ce paragraphe afin qu'une autorité locale puisse permettre l'utilisation d'une sirène ou d'un appareil produisant un son similaire aux fins d'avertissement lorsque des véhicules stationnés sont susceptibles de nuire lors d'événements autorisés à avoir lieu sur la voie publique, tels que parades ou compétitions diverses, ou lors de circonstances urgentes. Le texte de cet alinéa se lirait ainsi: "Une autorité locale peut permettre qu'une sirène ou un appareil produisant un son similaire,

dont est muni un véhicule d'urgence de police ou d'un officier d'une autorité locale ou un véhicule de service, soit utilisé aux fins d'avertissement lorsque des véhicules stationnés sont susceptibles de nuire lors d'événements autorisés à avoir lieu sur le chemin public ou lors de circonstances urgentes."

SECTION VIII La ceinture de sécurité -Art. 217

En raison des activités d'un officier d'une autorité locale qui utilise un véhicule automobile dans l'exercice de ses fonctions, et plus particulièrement en raison du fait qu'il doit constamment entrer et sortir de son véhicule pour émettre des billets de contravention au stationnement, la Ville de Montréal considère que ces officiers ne devraient pas être soumis à l'obligation de porter la ceinture de sécurité.

D'ailleurs, les chauffeurs de taxi, même s'ils n'ont pas à sortir de leur véhicule aussi constamment, ne sont pas tenus de porter la ceinture de sécurité en raison de la définition même de l'expression "véhicule de promenade" contenue au Code actuel ou à l'avant-projet.

En conséquence, la Ville de Montréal demande à ce qu'une exception soit ajoutée à celle que prévoit l'article 217 pour exempter les officiers d'une autorité locale du port obligatoire de la ceinture de sécurité, sauf lorsqu'ils conduisent leur véhicule pour aller ou revenir de leur lieu de travail.

Ledit article 217 pourrait se lire ainsi: "La présente section ne s'applique pas à un véhicule de promenade à l'usage des membres d'un corps public de police et pouvant être utilisé pour le transport de personnes en état d'arrestation, de même qu'à un véhicule à l'usage d'un officier d'une autorité locale sauf lorsqu'il utilise le véhicule pour aller et revenir de son lieu de travail."

SECTION IX Les changements faits au véhicule automobile -Art. 220

Le mot "convenir" le genre au premier alinéa de cet article est erroné et l'intention recherchée par les dispositions de ce genre alinéa laisse croire que le mot "convertir" doit être le mot exact. -Art. 223

Suite à une erreur de typographie, le mot "chargement" a été écrit au lieu du mot "changement".

SECTION XI Infractions et peines -Art. 227

Suivant cette disposition, le propriétaire dont le véhicule n'est pas conforme aux exigences des articles qui y sont énumérés commet une infraction.

Par erreur, l'article 195 a été prévu dans cette énumération alors qu'il ne contient aucune exigence à laquelle un véhicule doit être conforme. Par contre, l'article 196 qui, lui, prévoit certaines exigences, a été omis. Il y aurait donc lieu de substituer l'article 196 à l'article 195 dans ladite énumération.

CHAPITRE IX La Circulation

SECTION I Dispositions générales -Art. 230. 2°

Nous nous permettons de mettre en doute la nécessité de cette disposition. En effet, un bon nombre d'intersections mineures peuvent être utilisées suivant la règle de la priorité à droite prévue à l'article 40.14 du Code actuel ainsi qu'à l'article 269 de l'avant-projet et l'obligation d'installer à toute intersection une signalisation appropriée entraînerait des dépenses publiques dont la justification n'est pas évidente.

De plus, cette disposition aurait pour effet de créer une obligation légale qui, suivant le Code civil, serait susceptible d'impliquer la responsabilité civile du gouvernement et de l'autorité locale au cas de défaut de leur part de respecter cette obligation.

Si le paragraphe 2° de l'article 230 devait être maintenu, il y aurait lieu de prévoir une clause de non-responsabilité à cet effet.

L'expression "signalisation appropriée" étant pour le moins ambiguë non seulement à l'égard du genre de signalisation, mais aussi à l'égard de l'objet de celle-ci, notamment les piétons, il y aurait également lieu de préciser ce que cette expression vise. -Art. 231.1°

Dans certains cas, l'autorité provinciale ou locale réserve certaines voies de circulation à certaines manoeuvres telles que le virage à gauche.

Il y aurait donc lieu de modifier cette disposition comme suit: "1° Le ministre des Transports ou l'autorité locale peut, par une signalisation, réserver sur un chemin public dont il a l'entretien des voies de circulation à l'usage exclusif de certaines catégories de véhicules routiers ou à l'exécution exclusive de certaines manoeuvres." -Art. 234

Cet article devrait être reformulé de manière à ce que le Code de la route interdise lui-même les virages en U dans certains cas où une telle manoeuvre est manifestement dangereuse, comme il interdit lui-même le dépassement dans certaines circonstances.

La Ville de Montréal suggère donc de remplacer le texte de l'article 234 par le suivant: "Les virages en U sont interdits aux endroits suivants: a) à une intersection réglementée par des feux de circulation; b) à une intersection où un agent de la paix dirige la circulation; c) sur une distance de trente mètres avant: i) une intersection réglementée par des feux de circulation,

H) un passage à niveau, ni à l'intérieur de celui-ci, iii) un viaduc ou un tunnel, ni à l'intérieur de ceux-ci, iv) une traverse de piétons dûment identifiée, v) un panneau indiquant que des travaux sont en cours, d) en approchant du sommet et au sommet d'une élévation ou dans une courbe lorsque la vue du conducteur est obstruée sur une distance qui l'empêche de voir les véhicules qui pourraient venir en sens inverse.

Sur les chemins dont il a l'entretien, le ministre des Transports ou l'autorité locale peut interdire les virages en U à tout endroit ou déterminer ceux où ils peuvent être exécutés ailleurs qu'aux endroits mentionnés à l'alinéa précédent." -Art. 238

Cet article nous apparaît inadéquat, car il ne tient pas compte des chaussées à deux voies ou plus de circulation dans les deux sens qui appellent la même réglementation que celle prévue aux dispositions de cet article.

Le texte de l'article 238 devrait donc être reformulé de la façon suivante: "Sur une chaussée à deux voies ou plus de circulation dans un même sens ou dans les deux sens, un véhicule routier doit être conduit à l'intérieur d'une seule voie et son conducteur doit s'abstenir de pénétrer dans une autre voie du même sens avant de s'être assuré que la manoeuvre peut se faire sans risque et après avoir signalé son intention.

Sur une chaussée à deux ou plusieurs voies de circulation dans un même sens ou dans les deux sens, le fait que les véhicules routiers circulent plus rapidement sur une voie que sur une autre dans le même sens ne peut être considéré comme un dépassement." -Art. 239

Pour tenir compte des chaussées à circulation dans les deux sens et divisées en trois voies de circulation mais dont une seule des voies est dans le sens contraire aux autres, il y aurait lieu d'ajouter l'alinéa suivant à l'article 239: "L'alinéa précédent ne s'applique pas à une chaussée à circulation dans les deux sens et divisée en trois voies de circulation, mais dont une seule voie est dans le sens contraire aux autres." -Art. 240

Comme c'est le cas à l'article 238, l'article 240 doit être modifié pour tenir compte des chaussées à deux ou plusieurs voies dans les deux sens.

De plus, il faudrait aussi prévoir une autre exception à la règle dans le cas où le conducteur s'apprête à stationner ou effectuer un arrêt sur le côté gauche de la chaussée à plusieurs voies de circulation dans un même sens.

Le texte de cet article devrait donc se lire ainsi: "Le conducteur d'un véhicule routier qui circule à une vitesse inférieure à celle de l'allure de la circulation doit, sur une chaussée à deux voies ou plus dans un même sens ou dans les deux sens, conduire sur la voie d'extrême droite, à moins qu'il ne s'apprête à tourner à gauche ou, dans le cas de chaussée à deux voies ou plus de circulation dans un même sens, à stationner ou effectuer un arrêt sur le côté gauche de la chaussée, et qu'il en ait signalé son intention." -Art. 241

Nous considérons qu'il n'y a aucune raison pour laquelle le premier alinéa de cet article devrait être limité aux chaussées à circulation dans les deux sens. Au contraire, ce premier alinéa édicté une règle à caractère général.

Il y aurait donc lieu de reformuler le texte du premier alinéa de l'article 241 de la façon suivante: "Le conducteur d'un véhicule routier qui en dépasse un autre circulant dans le même sens doit signaler son intention au moyen des feux indicateurs de changement de direction et peut, en outre pendant la nuit, signaler au moyen d'appels de phares." -Art. 245

Encore une fois, le deuxième paragraphe devrait être complété en tenant compte des chaussées à deux ou plusieurs voies de circulation dans les deux sens. Le texte que nous proposons serait le suivant: "Doit être considéré comme des manoeuvres de louvoiement au sens du présent article, le fait pour le conducteur d'un véhicule routier d'effectuer, sur une chaussée à deux ou plusieurs voies de circulation dans un même sens ou dans les deux sens, au moyen de deux changements de voie ou plus successifs, le dépassement de deux véhicules routiers ou plus circulant dans des voies de circulation distincts dans le même sens." -Art. 246

Cet article prévoit les cas où les dépassements sont interdits. Nous suggérons cependant d'ajouter les cas suivants: à l'approche d'une traverse de piétons ou d'un panneau indiquant que des travaux sont en cours.

Le texte proposé se lirait comme suit: "Nul ne peut, en empruntant la voie réservée à la circulation en sens inverse, effectuer un dépassement: a) en approchant du sommet et au sommet d'une élévation ou dans une courbe lorsque la vue du conducteur est obstruée sur une distance qui l'empêche de voir les véhicules qui pourraient venir en sens inverse; b) sur une distance de trente mètres avant: i) une intersection ou un passage à niveau, ni à l'intérieur de ceux-ci, ii) un viaduc ou un tunnel, ni à l'intérieur de ceux-ci, iii) une traverse de piétons dûment identifiée, iv) un panneau indiquant que des travaux sont en cours. -Art. 247

Nous ne voyons aucune raison pour laquelle le dépassement par la droite devrait être limité aux chaussées à circulation dans les deux sens. Il devrait aussi être autorisé sur les chaussées à deux ou plusieurs voies de circulation dans les deux sens ou dans le même sens. De plus, il y aurait lieu d'étendre la possibilité d'effectuer un dépassement par la droite lorsque le véhicule dépassé effectue ou est sur le point de stationner ou d'effectuer un arrêt sur le côté gauche de la chaussée dans le cas de sens unique.

En conséquence, l'article 247 devrait être remplacé par le suivant: "Le conducteur d'un véhicule routier peut en dépasser un autre par la droite, après en avoir signalé son intention et s'être assuré que la manoeuvre peut se faire sans risque, quand le véhicule dépassé effectue ou est sur le point d'effectuer un virage à gauche ou, dans le cas d'une chaussée à deux voies ou plus dans le même sens, un stationnement ou un arrêt sur le côté gauche de la chaussée." -Art. 264 à 268

Afin de tenir compte de la signalisation permettant, et même obligeant, d'effectuer un virage à gauche à partir d'une autre voie que celle qui se trouve à l'extrême gauche ou un virage à droite à partir d'une autre voie que celle qui se trouve à l'extrême droite, dans le cas de chaussées à plusieurs voies de circulation, il y aurait lieu de prévoir un autre article qui prescrirait la manière d'effectuer un virage dans ces cas.

-Art. 280 à 281

Ces articles ne font pas la distinction que le ministère des Transports fait lui-même entre piste cyclable et bande cyclable.

Dans son document publié en mars 1978 et intitulé "Les aménagements cyclables, leurs normes, leur conception", le ministère établit la distinction entre piste et bande cyclable à l'aide des définitions suivantes:

Piste cyclable "La piste cyclable est un chemin tracé, réservé et aménagé spécialement en fonction de la circulation cycliste. Elle est exclusivement destinée aux cyclistes et séparée de tout autre mode de déplacement".

Bande cyclable "II s'agit d'une voie cyclable aménagée en bordure directe de la chaussée automobile,..."

Puisqu'une voie cyclable aménagée à même la chaussée est désignée sous l'appellation de "bande cyclable" par le ministère des Transports, le mot "pistes" au troisième alinéa de l'article 280 est inapproprié et le mot "bandes" devrait lui être substitué.

En regard de l'article 281 non seulement le mot "pistes" doit être remplacé par le mot "bandes", mais tout l'article doit être reformulé pour tenir compte de cette double réalité. L'article 281 devrait se lire ainsi: "Lorsque la chaussée comporte des bandes cyclables ou lorsqu'il existe une piste cyclable adjacente à la chaussée, les conducteurs de bicyclettes doivent les emprunter."

De plus, des définitions des expressions "bande cyclable" et "piste cyclable" devraient être ajoutées au chapitre I de l'avant-projet en s'inspirant de celles contenues au document susdit. -Art. 283

Quant au paragraphe 1, alinéa 2, nous vous référons aux commentaires que nous avons élaborés au début de notre mémoire et il y aurait lieu d'abroger ce deuxième alinéa, ou encore de laisser aux autorités locales le soin de déterminer les endroits où le virage à droite sur un feu rouge peut être autorisé.

D'autre part, un autre paragraphe devrait être ajouté à cet article relativement aux flèches jaunes qui pourrait se lire ainsi: "En face d'une flèche jaune, ralentir la vitesse de son véhicule et après s'être assuré qu'il peut le faire sans risque, continuer sa route dans le sens indiqué par la flèche." -Art. 284

II y aurait avantage de reformuler cet article en fonction de tous les feux en général au lieu de se limiter au feu vert.

Le texte proposé serait le suivant: "Quand des feux de voies sont installés au-dessus d'une ou plusieurs voies de circulation, la circulation de véhicules routiers se fait conformément à ce que prescrivent ces feux." -Art. 285

Dans la situation visée par cet article, il nous semble qu'une certaine gradation devrait être suivie et cette disposition devrait prescrire un arrêt obligatoire au lieu de la règle prévue à l'article 269 qui stipule qu'"aux intersections ou croisements non réglementés par une signalisation, un conducteur de véhicule doit céder le passage à tout véhicule qui vient à sa droite." -Art. 287

Le premier alinéa de cet article interdit aux véhicules routiers munis d'antidérapants susceptibles d'endommager les chemins publics d'y être conduit.

Le deuxième alinéa permet au Ministre d'apporter des exceptions à cette règle générale.

Malgré cette compétence accordée au Ministre, nous considérons qu'en raison de l'évidence du motif pour lequel une dérogation devrait être apportée au principe général contenu au premier alinéa, l'article 287 lui-même devrait prévoir une exception à l'égard de tous les véhicules d'urgence, y compris les véhicules des officiers d'une autorité locale suivant les représentations qui ont été faites précédemment, ainsi qu'à l'égard des véhicules de service et des véhicules utilisés aux fins de déneigement des chemins publics. Suivant l'article 287 même, ces véhicules devraient pouvoir être munis de crampons ou même de chaînes.

Quant à tout autre véhicule routier, le Ministre aurait le pouvoir d'autoriser l'utilisation de certains types d'antidérapants aux conditions qu'il déterminerait.

En ce qui concerne la formulation même du deuxième alinéa de l'article 287, elle aurait avantage à être modifiée afin que l'intention recherchée soit exprimée avec plus de clarté.

Suite à ces différentes considérations, la Ville de Montréal propose que cet article soit modifié dans le sens suivant: "Aucun véhicule routier dont un ou plusieurs des pneus sont munis d'antidérapants sous forme de griffes ou de tous autres appareils susceptibles d'endommager le chemin public, ne doit y être conduit.

Malgré le premier alinéa, les pneus des véhicules routiers suivants peuvent être munis de griffes ou de chaînes durant la période comprise entre le 15 octobre d'une année et le 1er mai de l'année suivante, ou avant le 15 octobre ou après le 1er mai lorsque les circonstances l'exigent: a) les véhicules d'urgence; b) les véhicules de service; c) les véhicules utilisés aux fins de déneigement de chemins publics.

Malgré le premier alinéa, le ministre des transports peut autoriser, à l'égard des véhicules et aux conditions qu'il détermine, l'utilisation de certains types d'antidérapants." -Art. 292 à 293

Encore une fois, une infraction devrait être prévue à la section IX du chapitre IX pour le défaut de se conformer à un ordre qui pourrait être donné par l'agent de la paix ou l'officier du ministère en vertu de ces articles. -Art. 296

Contrairement à l'article 288 relatif aux autorisations nécessaires pour qu'un véhicule routier, un bâtiment ou un objet susceptible de détériorer le chemin public puisse y circuler ou y être transporté, l'article 296 ne prévoit pas la nécessité d'obtenir l'autorisation de l'autorité locale lorsqu'un objet de dimensions non conformes à ses dispositions est transporté dans son territoire comme c'est d'ailleurs le cas à Montréal en vertu de l'article 69 du règlement municipal 1319 qui stipule que: "Le transport à travers les rues d'objets de gros volume ou de bâtiments qui pourraient entraver la circulation est défendu à moins d'un permis spécial du directeur du service de la Police qui devra désigner l'heure où tel transport pourra se faire."

Comme c'est le cas en regard des objets susceptibles de détériorer le chemin public, afin de protéger les chemins situés dans son territoire, l'autorité locale doit détenir une certaine autorité relativement au transport d'objets de grandes dimensions en raison de ses responsabilités à l'égard de la circulation sur ses chemins.

En conséquence, la Ville de Montréal demande à ce que l'alinéa suivant soit ajouté à l'article 296: "Lorsqu'un chargement excède les limites imposées par le présent article et est transporté, en tout ou en partie, dans le territoire d'une autorité locale, celle-ci doit également fournir son autorisation." -Art. 307

II y aurait avantage à reformuler le premier alinéa de cet article, afin de le rendre plus précis à l'égard de certains objets susceptibles d'être utilisés sur la chaussée autant que les patins ou les skis, entre autres.

Cet alinéa devrait se lire ainsi: "Nul ne peut faire usage, sur la chaussée, d'un véhicule-jouet, d'un rouli-roulant, de patins, de skis, de raquettes, d'un toboggan ou d'un autre véhicule ou objet semblable."

Toutefois, il y aurait lieu d'ajouter un alinéa à la suite de celui-ci qui accorderait à l'autorité locale le pouvoir de permettre l'utilisation, sur les chemins publics dont elle a l'entretien, de tout véhicule ou objet visés au premier alinéa lors d'événements particuliers. Cet alinéa pourrait se lire ainsi: "L'autorité locale peut, sur les chemins publics dont elle a l'entretien, permettre aux conditions qu'elle impose, l'utilisation des véhicules ou objets visés au premier alinéa lors d'événements particuliers qu'elle détermine." Par concordance, la fin du deuxième alinéa du texte actuel de l'article 307 devrait être rédigé comme suit: "en possession du véhicule ou objet utilisé lors de la commission de l'infraction."

Enfin, il y aurait lieu d'ajouter à la section IX concernant les infractions au chapitre IX, l'article suivant qui, avec le pouvoir de confiscation accordé à l'agent de la paix, assurerait un meilleur respect de l'interdiction contenue à l'article 307: "Le titulaire de l'autorité parentale ou la personne qui assume de fait la garde d'un mineur qui contrevient au premier alinéa de l'article 307, commet une infraction et est passible, en outre des frais, d'une amende d'au moins cinquante dollars et d'au plus cent dollars." -Art. 308

Le premier alinéa de cet article devrait également viser l'abandon d'un véhicule routier sur une propriété d'une autorité locale puisqu'à l'instar de la Couronne, une autorité locale telle une corporation municipale peut être propriétaire de terrain autre qu'un chemin public.

La Ville de Montréal demande donc que l'article 308 soit modifié en remplaçant le premier paragraphe par le suivant: "Sauf en cas de nécessité, nul ne peut abandonner un véhicule routier sur un chemin public ou sur une propriété de la Couronne ou d'une autorité locale."

-Art. 312

Le deuxième alinéa de cette disposition devrait être précisé en insérant après le mot "rendre" à la fin du texte l'expression suivante: "dès que possible". Comme l'utilisation du mot "immédiatement" au début du premier alinéa, cette insertion traduirait plus adéquatement l'intention recherchée.

SECTION II Le stationnement sur un chemin public

Cette section ne distingue pas entre le stationnement et l'arrêt, alors qu'une telle distinction est souvent faite par l'autorité locale et que le ministre des Transports la reconnaît lui-même dans le manuel intitulé "Instructions générales sur la signalisation routière du Québec".

A Montréal, le règlement 1319 relatif à la circulation définit le stationnement de la façon suivante: "arrêt pendant trois minutes ou plus, d'un véhicule sur la voie publique".

Sur de nombreuses rues de la ville, le stationnement est interdit mais l'arrêt y est permis, sauf aux endroits où le stationnement est prohibé durant les heures d'affluence. Autrement dit, mis à part ce dernier cas, le conducteur d'un véhicule peut y arrêter son véhicule pendant moins de trois minutes mais si le véhicule est arrêté plus longtemps cela constitue un stationnement prohibé. Par contre, aux endroits où l'arrêt est défendu, il est également interdit d'y stationner.

A Montréal enfin, une contravention pour un arrêt interdit entraîne une amende plus élevée qu'une infraction ou stationnement.

Cette section, y compris l'intitulé, devrait donc être reformulée pour tenir compte de la différence entre le stationnement et l'arrêt.

En conséquence, une définition du mot "stationnement" s'imposerait de façon à établir la distinction susdite. A cette fin, nous proposons une définition qui s'inspire de celle que l'on retrouve au règlement 1319 de la Ville de Montréal et qui pourrait se lire ainsi: "l'arrêt d'un véhicule routier pendant trois minutes ou plus."

Une disposition de la section II devrait prévoir l'interdiction d'arrêter un véhicule routier sur le côté gauche d'une chaussée, sauf dans le cas d'un sens unique.

L'article 315 devrait être modifié de manière à interdire, en plus du stationnement, l'arrêt d'un véhicule routier sur une autoroute.

L'arrêt devrait également être interdit aux endroits mentionnés à l'article 317.

Enfin, l'article 321 devrait, en plus du stationnement, permettre au Ministre et à l'autorité locale de prohiber, restreindre ou autrement régir l'arrêt des véhicules routiers.

En plus, de ces considérations relatives à la notion d'arrêt par opposition à celle de stationnement, voici quelques commentaires relatifs aux dispositions mentionnées ci-après et faisant partie de la section II du chapitre traitant de la circulation. -Art. 313

Cet article interdit le stationnement de manière à entraver l'accès d'une propriété privée. Cette interdiction ne pourra donc pas s'appliquer dans le cas d'une propriété publique.

A l'instar du paragraphe a) de l'article 41 du Code actuel, il y aurait lieu de prohiber le stationnement de manière à entraver l'accès d'une propriété sans spécifier qu'il s'agit d'une propriété privée. -Art. 314

Le premier alinéa de ce paragraphe n'indique pas que le stationnement doit s'effectuer du côté droit de la chaussée. Sauf dans le cas où un véhicule routier est stationné sur un sens unique, il y aurait lieu de préciser cet alinéa dans ce sens.

A cette fin, nous proposons le texte suivant: "Sauf indication contraire du ministre des Transports ou de l'autorité locale, un conducteur qui stationne son véhicule sur une chaussée doit l'immobiliser sur le côté droit de celle-ci, à moins d'une chaussée à circulation dans un seul sens, et l'orienter dans le sens de la circulation, les roues près de l'accotement ou du trottoir." -Art. 317

Le paragraphe h) de cet article devrait se lire "dans une intersection de chaussées ni à moins de cinq mètres de celle-ci" au lieu de "à une intersection de chaussées ni à moins de cinq mètres de celle-ci;"

L'article 317 ne tient pas compte des rampes de trottoirs spécialement aménagés pour les personnes handicapées suivant l'obligation imposée aux corporations municipales suite à l'entrée en vigueur de la Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées.

En conséquence, le paragraphe suivant devrait être ajouté: "a) devant une rampe de trottoir aménagée spécialement pour les personnes handicapées."

SECTION V Les piétons et les passagers -Art. 332

Pour plus de clarté, il y aurait avantage à préciser l'expression "traverse de piétons dûment identifiée" en faisant référence au pouvoir du gouvernement, mentionné au paragraphe 2 de l'article 232, de prescrire les normes de la signalisation routière installée par le Ministre ou l'autorité locale.

A cet effet, nous suggérons de remplacer l'expression susdite par la suivante: "traverse de piétons identifiée au moyen d'une signalisation conforme aux normes prescrites par règlement du gouvernement".

De même, le texte de l'article 337 devrait être remplacé par le suivant: "Le ministre des Transports ou l'autorité locale peut, sur les chemins publics dont il a l'entretien, délimiter des traverses de piétons aux endroits qu'il juge appropriés et qu'il doit clairement identifier au moyen d'une signalisation conforme aux normes prescrites par règlement du gouvernement." -Art. 333

Comme c'est le cas à Montréal, il arrive qu'à certains endroits d'une intersection, une signalisation interdise aux piétons de traverser, et ce, malgré la présence de feux de circulation. Il y aurait donc lieu de prévoir cette possibilité à l'article 333 dont le texte pourrait se lire: "Sous réserve de l'article 335 et à moins d'une signalisation contraire, aux intersections réglementées par des feux de circulation, un piéton faisant face à un feu vert peut traverser la chaussée prioritairement à un véhicule qui circule sur le chemin public." -Art. 336.1°

Alors que l'article 334 renvoie aux dispositions de l'article 336 concernant les règles que le piéton doit suivre lorsqu'il traverse une intersection non réglementée par des feux de circulation mais où se trouve une traverse de piétons, l'article 336 précise que ces règles s'appliquent dans le cas d'une traverse "non située à une intersection".

Le contexte des articles 333 et suivants indique que l'on entendait préciser le domaine d'application de l'article 336 en spécifiant que les traverses de piétons visées sont celles qui sont situées ailleurs qu'à une intersection réglementée par des feux de circulation en raison des dispositions de l'article 339. Toutefois, il y aurait lieu de corriger cette incohérence entre les articles 334 et 336.1° en ajoutant après les mots "non situé à une intersection" les mots suivants: "réglementée par des feux de circulation".

La traversée d'un chemin public par un piéton

Malgré qu'il soit possible de dégager l'intention recherchée par les articles 333 et suivants, nous suggérerions de reformuler ces articles de façon plus ordonnée et de manière à bien faire ressortir les principes généraux des règles que doivent respecter les piétons qui traversent la chaussée à l'intérieur des cités, villes et villages et qui semblent être les suivants: "1° Aux intersections où il y a des feux de piétons, ceux-ci doivent s'y conformer. 2° Lorsqu'il n'y a pas de feux de piétons à une intersection, ceux-ci doivent se conformer aux feux de circulation. 3° Lorsque l'intersection n'est pas réglementée par des feux de piétons ou des feux de circulation, mais qu'il y a une traverse de piétons, ceux-ci doivent respecter les règles prévues. 4° Lorsqu'il n'y a ni feux de piétons, ni feux de circulation et ni traverse de piétons à une intersection, le piéton ne peut traverser la chaussée qu'après avoir cédé la priorité de passage aux véhicules qui circulent sur le chemin public et s'être assuré qu'il peut le faire sans risque."

Enfin, nous estimons qu'il serait nécessaire d'ajouter un article, afin de prévoir le comportement des automobilistes aux intersections où un piéton y est déjà engagé. Dans une telle situation, la priorité devrait être accordée au piéton.

Cet article pourrait se lire ainsi: "Lorsqu'un véhicule routier arrive à une intersection où il n'y a pas de traverse réglementée par les dispositions de l'article 336, ou qu'il s'apprête à s'y engager, le véhicule doit céder la priorité aux piétons qui traversent."

Pouvoirs de l'agent de la paix à l'égard des piétons

En pratique, les règles du Code de la route ou des règlements municipaux concernant les piétons ne peuvent être appliqués par les agents de la paix vu l'absence d'obligation de la part du piéton de s'identifier auprès du policier qui, ainsi, ne peut efficacement lui émettre de billet d'assignation.

A l'instar de l'article 310 qui permet à un agent de la paix d'arrêter sans mandat une personne qui consomme des boissons alcooliques sur un chemin public et qui ne peut s'identifier d'une façon satisfaisante, il y aurait lieu d'ajouter au Code de la route un article autorisant un agent de la paix d'arrêter sans mandat un piéton qui contrevient à l'une des dispositions de la section V du chapitre relatif à la circulation et qui ne peut s'identifier d'une façon satisfaisante.

Un pouvoir semblable devrait aussi être prévu à l'égard des conducteurs de bicyclettes ou de cyclomoteurs qui commettent une infraction au Code et qui ne peuvent également s'identifier d'une façon satisfaisante auprès de l'agent de la paix.

Brigadiers scolaires

Malgré que depuis longtemps des brigadiers scolaires veillent, dans le voisinage des écoles, à la sécurité des enfants qui doivent traverser la rue pour se rendre en classe ou s'en retourner chez-eux, l'avant-projet de Code de la route ne contient aucune disposition à leur égard et les ignore totalement.

Nous estimons que des dispositions devraient être ajoutées au nouveau Code de la route afin de leur conférer une autorité semblable à celle dont est investi l'agent de la paix qui dirige la circulation suivant le sous-paragraphe b) du paragraphe 1° de l'article 230. Le nouveau Code devrait également prévoir une infraction semblable à celle que crée l'article 373 en référence à l'article 230 (1°) à l'égard de toute personne qui contrevient aux ordres ou signaux d'un brigadier scolaire. - Art. 342

Cet article interdit à un endroit particulier de la chaussée une façon précise de traverser, soit de traverser à une intersection en diagonale. Au contraire, l'article devrait prévoir la manière suivant laquelle un piéton doit traverser, que ce soit à une intersection ou à une traverse de piétons située ailleurs qu'à une intersection.

Le texte que nous proposons serait le suivant: "Un piéton doit traverser en ligne droite et du côté droit de la traverse ou dans le cas d'une intersection où il n'y a pas de traverse, de la partie de la chaussée comprise entre le prolongement de la ligne limite de la chaussée et celui de la ligne des propriétés."

CHAPITRE X Procédure et preuve

SECTIONS I et II Le billet d'infraction, l'avis préalable et l'avis sommaire

La charte de la ville de Montréal contient aux articles 1139, 1140 et 1140b. des règles de procédure relatives à l'émission des billets de contravention (billets d'infraction), des billets d'assignation (avis sommaires) et des avis préliminaires (avis préalables) ainsi qu'aux paiements libératoires, dans le cas d'une infraction au Code de la route ou aux règlements de la ville en matière de circulation.

Ces dispositions se lisent ainsi: 1139. 1° Dans le cas d'une infraction à une disposition d'un règlement de la ville relative à la circulation, à la sécurité publique ou à l'usage d'un véhicule automobile ou d'un accessoire d'un tel véhicule: a) l'agent de la paix qui constate une contravention peut remplir sur les lieux un billet de contravention qui en indique la nature; il en remet une copie au conducteur ou la dépose dans un endroit apparent du véhicule et rapporte l'original au service de police; b) l'agent de la paix peut également, s'il ne s'agit pas d'une infraction de stationnement, remplir sur les lieux un billet d'assignation; il en remet une copie au conducteur du véhicule, ce qui en constitue une signification légale.

Une autre copie doit en être remise au greffier de la Cour municipale dans les quarante-huit heures qui suivent.

Le jour fixé pour la comparution, à moins qu'un paiement libératoire n'ait été effectué, le greffier ouvre un dossier et y dépose ce document, qui constitue une sommation dûment autorisée et signifiée, au sens de la loi des poursuites sommaires, et rapportable à la date fixée. 2° Les dispositions du présent article n'empêchent pas l'agent de la paix de porter une plainte ou de faire émettre une sommation contre un contrevenant, en la manière ordinaire, s'il le juge à propos. 3° L'agent ne peut remettre un billet d'assignation à un contrevenant impliqué dans un accident; dans ce cas, une sommation doit être signifiée.

4° Tout agent de la paix ou tout agent spécial, nommé en vertu de l'article 1142, est autorisé à déplacer ou à faire déplacer, au moyen d'un véhicule de service ou remorque, tout véhicule stationné en contravention d'une ordonnance ou d'un règlement de circulation. 5° Le billet de contravention, le billet d'assignation ou la sommation doit faire mention de ce déplacement et la ville perçoit de celui qui se présente à tout endroit désigné sur le billet pour payer l'amende tel que prévu au présent article, ou qui plaide coupable ou est trouvé coupable sur la plainte portée contre lui en vertu du présent article, une somme additionnelle à être fixée par règlement mais ne dépassant pas vingt-cinq dollars. 6° Dans tous les cas prévus au présent article, le conseil peut, par règlement, attribuer au directeur du service de la circulation ou à tout autre officier ou employé désigné par ce dernier, l'exercice de tous les pouvoirs et devoirs attribués par le présent article à l'agent de la paix ou à l'agent spécial. 1140. Toute personne à qui un avis ou billet de contravention, un billet d'assignation ou une sommation a été envoyé ou signifié pour une infraction à une disposition d'une loi ou d'un règlement relative à la circulation, à la sécurité publique ou à l'usage d'un véhicule automobile ou d'un accessoire d'un tel véhicule, peut se libérer de toute peine se rapportant à cette infraction en payant, à titre d'amende et de frais, à l'endroit et dans le délai prescrits par le comité exécutif, la somme fixée par le conseil et indiquée sur le document qui lui est remis. Ce paiement n'est toutefois libératoire que pour une première infraction dans une période de douze mois, sauf dans les cas relatifs au stationnement.

Si la somme indiquée sur un billet de contravention n'est pas payée dans le délai stipulé, la ville peut envoyer par la poste à l'adresse donnée par le contrevenant lors de la commission de l'infraction, ou à l'adresse donnée par lui au Bureau des véhicules automobiles, un avis préliminaire de poursuite, qui lui permet de se libérer par le paiement, dans le délai imparti, du montant de l'amende et d'une somme pour les frais de deux dollars ou d'un autre montant que le conseil peut déterminer.

Après le paiement dont il est question au premier alinéa ou au deuxième alinéa, le contrevenant doit être considéré comme ayant été trouvé coupable de l'infraction.

Pour l'émission d'un bref de sommation pour une infraction à une disposition d'une loi ou d'un règlement relative à la circulation, à la sécurité publique ou à l'usage d'un véhicule automobile ou d'un accessoire d'un tel véhicule, le dépôt d'une plainte n'est pas requis et le bref peut être émis sur information transmise de la manière déterminée par l'avocat en chef et approuvée par le comité exécutif.

Si le contrevenant qui a reçu un billet d'assignation ou une sommation ne se prévaut pas des dispositions de paiement libératoire, les procédures sont continuées et il doit comparaître à la cour, à la date indiquée. S'il ne le fait pas, il peut être condamné par le juge ou par le greffier sous l'autorité du juge en chef pour l'infraction décrite au billet d'assignation ou à la sommation, sans qu'il soit nécessaire de faire preuve de l'infraction, de la signature de l'agent ou de sa nomination.

Au cas de récidive, le paiement d'un billet d'assignation ou d'une sommation portant le même nom de contrevenant et le même numéro d'immatriculation du véhicule fait preuve prima facie de la condamnation antérieure de l'inculpé, sans qu'il soit nécessaire d'en établir l'identité. Le contrevenant poursuivi par voie de sommation ne peut, en aucun cas, invoquer qu'il n'a pas reçu un billet de contravention ou un avis préliminaire de poursuite. 1140b. Nonobstant toute loi générale ou spéciale à ce contraire, lorsqu'un agent de la paix constate une infraction au Code de la route, il peut remplir sur les lieux un billet de contravention ou un billet d'assignation et en remettre copie au conducteur du véhicule.

Ce billet de contravention ou ce billet d'assignation tient lieu d'avis préalable suivant ledit Code pourvu qu'il contienne une description de l'infraction, spécifie l'amende minimum et indique l'endroit où il peut être payé, avec, en outre, deux dollars pour les frais, dans les dix jours suivants.

Ce billet de contravention ou ce billet d'assignation a, pour le surplus, la même force et le même effet et doit être traité de la même façon que le billet de contravention ou le billet d'assignation prévu dans le cas d'une infraction à une disposition d'un règlement de la ville relative à la circulation, à la sécurité publique ou à l'usage d'un véhicule automobile ou d'un accessoire d'un tel véhicule.

Comme les règles de la procédure prévue à ces dispositions sont, d'une façon générale, semblables à celles qui sont contenues aux articles 380 à 390 de lavant-projet, il serait préférable, pour des motifs d'ordre pratique, que les poursuites instituées devant la Cour municipale de Montréal continuent d'être régies par les articles de la charte.

Une disposition devrait donc être prévue en ce sens et à l'égard des règlements de la ville, l'article 400 devrait être modifié à cet effet.

Toutefois, si l'on devait ne pas tenir compte de cette remarque, il y aurait lieu d'apporter les modifications suivantes aux articles 380 à 390.

-Art. 380

Suivant cet article, l'agent de la paix aura l'obligation d'inscrire sur le billet d'infraction le nombre de points de démérite qu'entraîne une condamnation.

A notre avis, une telle obligation ne devrait pas être imposée à l'agent de la paix. Advenant une erreur de la part du policier, celle-ci est susceptible d'entraîner toutes sortes de contestations relativement au paiement libératoire ou aux procédures insituées contre le contrevenant dans le cas où le nombre de points de démérite inscrit sur le billet d'infraction serait inférieur à celui prévu par règlement et que le directeur du Bureau des véhicules automobiles voudrait appliquer.

La détermination du nombre de points de démérite ne doit avoir lieu qu'à la suite d'une condamnation ou d'un paiement libératoire.

De plus,, pour tenir compte du fait que le règlement 1319 de la ville de Montréal ne prévoit pas de minimum d'amende pour infraction à l'une ou l'autre de ces dispositions mais que suivant le premier alinéa de l'article 1140 de la charte, le conseil municipal fixe le montant des paiements libératoires suite à l'émission d'un billet de contravention ou d'un billet d'assignation, le premier alinéa devrait être modifié en ajoutant après les mots "le montant de l'amende minimum" les mots suivants: "ou à défaut, dans le cas d'une infraction à un règlement d'une autorité locale relatif à une matière visée au présent code, le montant qu'elle établit à titre d'amende."

Aussi à l'instar du premier alinéa de l'article 1140 de la charte de la ville de Montréal, l'article 380 devrait prévoir une disposition semblable à celle-ci: "Ce paiement n'est toutefois libératoire que pour une première infraction dans une période de douze mois, sauf dans les cas relatifs au stationnement."

D'ailleurs, l'article 73 du Code actuel contient une disposition de ce genre.

Enfin, pour tenir compte du fait que dans la majorité des cas de contraventions au stationnement, le conducteur est absent du lieu de l'infraction et qu'ainsi l'agent de la paix ne peut remettre le billet à personne, il y aurait lieu de prévoir, comme c'est le cas au sous-paragraphe a) du paragraphe 1° de l'article 1139 de la Charte, que l'agent de la paix peut également déposer le billet "dans un endroit apparent du véhicule."

La première partie du premier alinéa de l'article 380 devrait donc se lire ainsi: "Lorsqu'une personne commet une infraction au présent code, l'agent de la paix lui remet un billet d'infraction ou le dépose dans un endroit apparent du véhicule;" -Art. 381

Compte tenu des adaptations requises, les remarques que nous avons formulées relativement à l'article précédent s'appliquent à l'article 381.

Premièrement, l'avis sommaire ne devrait pas indiquer le nombre de points de démérite qu'une condamnation entraîne.

Deuxièmement, pour tenir compte du deuxième alinéa de l'article 1140 qui permet au conseil municipal de fixer le montant des frais payables lors d'un paiement libératoire subséquent à un avis préliminaire, le premier alinéa de l'article 381 devrait être modifié en conséquence en ajoutant après les mots "par règlement du gouvernement" les mots suivants: "ou de l'autorité locale dans le cas d'une infraction à un règlement adopté par celle-ci."

Enfin, l'article 381 ne devrait pas non plus s'appliquer dans le cas de récidive sauf en matière de stationnement. -Art. 386

Cet article prévoit que le gouvernement prescrit par règlement la forme de l'avis sommaire. Par ailleurs, le paragraphe c) de l'article 411 stipule qu'en plus de l'avis sommaire, le gouvernement peut, par règlement, prescrire la forme et la teneur du billet d'infraction, de l'avis préalable et de la sommation pour l'application des dispositions du Code de la route relatives à la procédure et à la preuve.

Afin que la forme et la teneur de ces documents tiennent compte des particularités des règlements de la Ville de Montréal ou de toute autre autorité locale ou de celles des Cours municipales, l'autorité locale devrait pouvoir adopter les normes ou les formules présentées par le gouvernement en exigeant, s'il le faut, que les modifications apportées par l'autorité locale compétente soient approuvées par le ministre de la Justice.

D'ailleurs, l'article 1135 de la charte de la Ville de Montréal et l'article 675 de la Loi des cités et villes prévoient que les formules contenues à la Loi des poursuites sommaires peuvent être modifiées.

Enfin, le paragraphe c) de l'article 386 ne devrait pas exiger de l'agent de la paix qu'il inscrive sur l'avis sommaire le nombre de points de démérite prévus pour l'infraction reprochée.

SECTION III Les poursuites et les règles de preuve -Art. 393

Les articles suivants ne devraient pas être compris dans l'énumération prévue au deuxième alinéa de l'article 393 qui fait exception à la règle générale prévue au premier alinéa à l'effet que le

propriétaire d'un véhicule est responsable de toute infraction commise avec ce véhicule à moins qu'il ne prouve que, lors de l'infraction, ce véhicule était, sans son consentement, en la possession d'un tiers: 304, 310, 344, 345, 346, 347, 348, 349 et 350.

Dans le cas d'une contravention à l'un ou l'autre de ces articles, le propriétaire devrait être tenu responsable s'il se trouvait dans le véhicule au moment de l'infraction.

Un troisième alinéa devrait donc être ajouté à cet article 393: "Dans le cas d'une infraction à l'un des articles 304, 310, 344, 345, 346, 347, 348, 349, 350 ou à une disposition d'un règlement municipal au même effet, le propriétaire n'est responsable que s'il se trouvait dans le véhicule lors de l'infraction."

SECTION IV Les poursuites par une autorité locale - Art. 401

En raison de l'endroit où se trouve cet article, c'est-à-dire dans la section concernant les poursuites par une autorité locale, cette disposition est susceptible d'être interprétée comme s'appliquant uniquement dans le cas de poursuites intentées par l'autorité locale.

Il y aurait donc lieu de prévoir cet article à la Section III plutôt qu'à la Section IV.

Le paragraphe a) de cette disposition devrait être étendu au permis d'apprenti-conducteur, à l'immatriculation et au privilège d'obtenir un permis de conduire ou l'immatriculation d'un véhicule afin de prévoir les situations où le seul pouvoir de suspension du permis de conduire serait inutile ou inadéquat. Ainsi dans le cas d'infractions commises par une corporation, le pouvoir du juge ou du tribunal de suspendre le permis de conduire serait inutile.

Il serait même préférable d'imposer au directeur général du Bureau des véhicules automobiles l'obligation de suspendre tout permis de conduire, permis d'apprenti-conducteur, toute immatriculation de véhicule routier ou le privilège de les obtenir lorsqu'un défendeur omet de payer dans les délais fixés l'amende qui lui fut imposée. Un tel pouvoir est d'ailleurs prévu à l'article 149 à l'égard d'une condamnation pour dommages-intérêts.

Les personnes qui omettent de s'acquitter des amendes qui leur ont été imposées sont souvent des conducteurs ou des propriétaires d'automobiles peu soucieux des lois et des règlements et sont donc susceptibles de constituer un danger sur les chemins publics; d'où l'opportunité de sévir contre elles en suspendant leur permis de conduire ou les autres privilèges mentionnés précédemment.

L'exécution de cette obligation par le directeur général serait assurée par une disposition qui obligerait les greffiers des tribunaux à aviser le directeur des cas de défaut de payer l'amende dans les délais fixés.

CHAPITRE XI Les pouvoirs

SECTION II Les règlements de l'autorité locale -Art. 415

Cet article prévoit que l'autorité locale peut exercer les pouvoirs qui y sont énumérés en précisant toutefois qu'elle peut les exercer par règlement.

L'article 557 de la charte de la Ville de Montréal prévoit que le Comité exécutif peut, par résolution, décréter la circulation dans un seul sens dans ses rues et ruelles et interdire aux camions l'usage des rues et ruelles ou de toute partie des rues et ruelles de la ville.

Comme ces derniers pouvoirs sont relatifs à des matières visées aux paragraphes e) et h) de l'article 415, nous considérons qu'il serait souhaitable que cette dernière disposition ne précise pas la manière suivant laquelle peuvent être exercés les pouvoirs qui y sont énumérés.

A l'instar des autres pouvoirs attribués à l'autorité locale en vertu des autres articles de l'avant-projet qui n'indiquent pas la manière de les exercer, l'autorité locale pourrait régir les matières visées à l'article 415 par l'adoption d'un règlement ou d'une résolution suivant les dispositions de la loi qui la régit.

D'ailleurs, en droit municipal, il existe un principe à l'effet qu'en dehors du domaine des actes d'administration et des cas spécifiquement régis par la loi, une corporation municipale doit agir par règlement. -Art. 416

Cet article stipule ce qui suit: "Une disposition d'un règlement, adoptée par une autorité locale et relative à une matière visée au présent code, est sans effet à moins d'avoir été adoptée en vertu du présent code."

L'adoption de cet article aurait pour effet de rendre inopérantes les dispositions de la charte de la Ville de Montréal qui lui confèrent un pouvoir de réglementation relatif "à une matière visée" au Code de la route et la ville ne pourra réglementer une telle matière qu'à la condition que le Code accorde un pouvoir à cet effet à l'autorité locale.

Nous avons procédé à une analyse comparative des dispositions pertinentes de la charte et de celles de l'avant-projet qui accordent un pouvoir à l'autorité locale. Suite à cette analyse, nous avons constaté que la Ville de Montréal ne pourrait plus réglementer les matières dont traitent les dispositions suivantes de la charte parce qu'elles seraient des matières visées au Code de la route mais sans que celui-ci confère à l'autorité locale le pouvoir de les régir: "a. 520 Sans préjudice des articles 516, 517, 518 et 519 et sous réserve des dispositions des articles 529 à 538, le conseil peut, par règlement: 76° Réglementer ou prohiber l'usage de cloches et de sifflets de locomotives et de bateaux à vapeur, l'échappement de la vapeur, de la fumée, des escarbilles et des étincelles de ces locomotives et bateaux, et généralement l'usage de cloches, carillons, sifflets et autres installations ou appareils bruyants, ainsi que la circulation de voitures tapageuses dans les rues et autres voies publiques; nonobstant toute législation contraire, et avec l'approbation du ministre des transports, contraindre tout conducteur ou propriétaire d'un véhicule à soumettre ce dernier à un examen tenu en un lieu donné et le contraindre à rendre, dans un délai imparti, son véhicule conforme aux normes du bruit déterminées par ce règlement." "a. 522 Sans préjudice des articles 516, 517, 518 et 519 et sous réserve des dispositions des articles 544 à 560, le conseil peut, par règlement: 26° Régler l'allure, la vitesse et le stationnement des chevaux des véhicules hippomobiles; distinguer différents types de véhicules hippomobiles, ... et établir des normes obligatoires de sécurité et d'hygiène relativement aux véhicules, à leur équipement et aux chevaux; 28° Régler la largeur des bandes de roues des voitures circulant dans la ville et le poids maximum des charges transportées dans ses rues; limiter à certaines rues, ruelles et places publiques la circulation des voitures lourdement chargées; 29° ... régler la vitesse des camions automobiles transportant des effets, marchandises ou matériaux dans les rues de la ville; 30°... fixer la pesanteur maximum de la charge qu'un camion automobile peut transporter dans les rues de la ville; prohiber l'usage de chaînes ou autres appareils antidérapants non approuvés par le directeur du service des Travaux publics; 32° ... aux fins de la circulation sur les pistes cyclables, édicter, sujet à l'approbation du ministre des transports, des règles particulières aux cyclistes et aux bicyclettes par dérogation aux dispositions du Code de la route (Statuts refondus, 1964, chapitre 231) sur le virage aux intersections;" a.1139.6° (Cité précédemment — Voir introduction)

Malgré que des règlements ont pu être adoptés en vertu de ces dispositions et que ces règlements pourraient demeurer en vigueur en raison de l'article 417 de l'avant-projet, la Ville de Montréal désire conserver ces pouvoirs de réglementation que la législature lui a accordés.

En regard de l'article 557 de la Charte dont nous avons déjà traité, l'article 416 pourrait également être interprété comme obligeant la Ville de Montréal à apposer des panneaux de signalisation conformément au paragraphe e) de l'article 415, suite à l'adoption par le Comité exécutif d'une résolution en vertu du dernier alinéa de l'article 557 qui stipule que: "Nonobstant toute disposition législative inconciliable, la ville peut, par résolution du comité exécutif, interdire aux camions l'usage des rues et des ruelles ou de toute partie des rues et des ruelles de la ville, et, pour chaque violation de cette résolution, le conseil peut imposer la peine prévue à l'article 462."

En plus de priver la ville du droit de régir les matières susdites, l'adoption de l'article 416 est susceptible d'affecter les pouvoirs du Conseil municipal ou du Comité exécutif relativement à la détermination de la peine pour une infraction aux règles qui pourrait être adoptée concernant une matière visée au Code de la route. En effet, indépendamment de l'article 415 auquel l'article 419 s'applique, l'avant-projet confère une série de pouvoirs à l'autorité locale et ces pouvoirs sont prévus dans le cadre des dispositions pour lesquelles l'avant-projet édicte lui-même une peine au cas d'infraction. C'est ainsi que suivant cette interprétation que l'article 416 est susceptible de recevoir, la peine minimum d'amende pour une infraction à la réglementation de la ville en matière de stationnement serait $25 en raison de l'article 372 qui s'applique à l'article 321 lequel permet à l'autorité locale de régir le stationnement. Actuellement, le montant des amendes dans ce domaine à Montréal varie entre $10 et $20.

En plus de ces incidences sur les pouvoirs de la ville qui ont pu être décelées dans le cadre de la préparation du présent mémoire, l'aspect radical du texte de l'article 416 est susceptible d'avoir d'autres effets qui, quoique imprévisibles pour le moment, pourraient être une source de contestation de la réglementation locale.

Nous ne croyons pas qu'il soit nécessaire que le nouveau Code de la route contienne les dispositions qui se trouvent à l'article 416 de l'avant-projet.

Même pour assurer la prépondérance du Code de la route sur la réglementation locale ou pour uniformiser la législation dans le domaine de la circulation routière, il suffirait de la traditionnelle disposition, d'ailleurs inutile vu les principes généraux du droit public, qui stipule que l'autorité déléguée peut adopter des règlements pourvus que ceux-ci ne soient pas inconciliables avec les dispositions de la loi.

Cela suffirait d'autant plus que les articles 417 et 418 de l'avant-projet exigeront que toute disposition d'un règlement d'une autorité locale relative à une matière visée par le Code de la route soit approuvée par le ministre des Transports pour être maintenue ou entrer en vigueur suivant qu'il s'agira d'un règlement existant ou d'un règlement adopté après l'entrée en vigueur du nouveau Code de la route.

Nous demandons donc que l'article 416 soit éliminé vu qu'il n'aurait pour seul effet que d'alimenter les contestations juridiques de toutes sortes. -Art. 419

Cet article précise qu'une amende pour une contravention à une disposition d'un règlement local adopté en vertu des paragraphes d), e) et h) de l'article 415 (et non pas 420) ne peut être ni supérieure ni inférieure à celle édictée pour une infraction prévue au Code pour la même matière.

Ainsi, le minimum d'amende pour une contravention à une limite de vitesse édictée par la ville de Montréal deviendrait $50 en raison de l'article 373 de l'avant-projet, alors qu'actuellement l'article 154 du règlement municipal 1319, qui prévoit la sanction pour une infraction à l'une quelconque de ses dispositions, ne contient pas de minimum.

Encore une fois, il serait préférable que le Code de la route n'impose pas lui-même de limite aux peines que l'autorité locale peut édicter pour une contravention à ses règlements et qu'il s'en remette aux limites prévues par ailleurs dans la loi qui régit ladite autorité.

AUTRES COMMENTAIRES PARTICULIERS

Les pouvoirs d'arrestation de l'agent de la paix

Sauf le deuxième alinéa de l'article 310 qui permet à un agent de la paix d'arrêter sans mandat une personne qui consomme des boissons alcooliques dans un véhicule routier ou en quelques endroits, sur un chemin public, l'avant-projet ne prévoit aucun pouvoir d'arrestation sans mandat contrairement au Code de la route actuel dont les dispositions des paragraphes 1 à 4 de l'article 74 qui se lisent comme suit: "74. 1. Un agent de la paix peut arrêter sans mandat tout conducteur de véhicule qui a commis une infraction à la présente loi, a) s'il ne peut s'identifier d'une façon satisfaisante; b) s'il n'a pas de permis de conduire; c) s'il a un comportement équivoque ou s'il transporte des passagers ou marchandises suspects; d) si l'agent a des raisons sérieuses de croire que le conducteur peut se soustraire à la justice.

L'agent peut en outre retenir sans mandat le véhicule jusqu'à ce qu'il ait été adjugé sur les procédures pénales ou qu'un tribunal compétent en autorise la libération, avec ou sans cautionnement. 1a) Un agent de la paix peut aussi arrêter sans mandat, toute personne qui assiste un apprenti-conducteur qui a commis une infraction à la présente loi: a) si elle ne peut s'identifier d'une façon satisfaisante; b) si elle n'a pas de permis de conduire; c) si elle a commis une infraction à la présente loi et si l'agent a des raisons sérieuses de croire qu'elle peut se soustraire à la justice. 2. Un agent de la paix peut arrêter sans mandat, pour infraction à la présente loi, le conducteur de tout véhicule étranger qui n'est pas domicilié dans cette province et qui est impliqué dans un accident de la circulation; il peut aussi l'arrêter sans mandat s'il a raison de croire qu'il ne respectera pas un engagement écrit et un avis sommaire de comparaître ultérieurement devant le tribunal compétent, ou s'il refuse de signer tel engagement. 3. Un agent de la paix peut détenir sans mandat, pour infraction à la présente loi, tout inculpé qui exige d'être traduit immédiatement devant un magistrat ou qui refuse de signer un engagement de comparaître plus tard devant le tribunal compétent. 4. Sous réserve des exceptions prévues aux paragraphes précédents, si une personne interceptée par un agent de la paix pour l'infraction à la présente loi n'exige pas d'être traduite immédiatement devant un magistrat, ou qu'il n'y en ait pas de disponible, et si

elle souscrit un engagement de comparaître devant le tribunal compétent dans un délai qui doit être d'au moins sept jours mais d'au plus quarante-huit heures dans le cas d'un conducteur étranger visé au paragraphe 2, elle doit être autorisée à poursuivre sa route après remise d'un avis sommaire par l'agent de la paix."

Nous sommes d'opinion que dans les cas décrits à ces dispositions, il importe que l'agent de la paix conserve son pouvoir d'arrestation sans mandat.

Afin d'assurer le respect de la loi, l'agent de la paix doit être muni des instruments nécessaires et le pouvoir d'arrestation sans mandat en est un dans ces circonstances, comme les pouvoirs de confiscation ou de rétention le sont dans d'autres.

Les peines d'emprisonnement

Sauf le pouvoir accordé au juge ou au tribunal en vertu du paragraphe c) de l'article 401 qui lui permet d'ordonner l'incarcération du défendeur pour une période n'excédant pas trois mois à défaut du paiement, dans les délais fixés, de l'amende imposée suivant le code, l'avant-projet ne prévoit aucune peine d'emprisonnement en sus des peines d'amendes.

Encore une fois, il importe que le nouveau Code de la route donne à ceux qui seront responsables de son application, les moyens de sévir dans certaines circonstances où la seule peine d'amende serait insuffisante ou inadéquate.

Nous proposons donc qu'en sus de la peine d'amende, une peine d'emprisonnement soit prévue dans le cas des infractions les plus graves telles que celles prévues aux articles 312 (devoirs du conducteur en cas d'accident) et 377 (conduite sans prudence), ou qu'une disposition générale accorde au juge ou au tribunal le pouvoir de prononcer une sentence d'emprisonnement pour une période maximum déterminée.

Les personnes de moins de dix-huit ans

En vertu du Code de la route actuel et de l'avant-projet présentement à l'étude, une personne âgée d'au moins seize ans peut obtenir un permis de conduire qui l'autorise à circuler sur les chemins publics au même titre qu'une personne de plus de dix-huit ans.

Par contre, en raison des dispositions de la Loi sur la protection de la jeunesse, un conducteur de moins de dix-huit ans qui commet une infraction au Code de la route ou à un règlement municipal relatif à la circulation ne peut être poursuivi suivant la procédure et devant les tribunaux ordinaires, mais doit faire l'objet d'un rapport au directeur de la protection de la jeunesse qui, conjointement avec la personne désignée par le ministre de la Justice, décide de saisir le tribunal de la jeunesse du cas de cette personne.

En vertu du Code de la route d'une part, l'Etat considère qu'une personne de moins de dix-huit ans est assez responsable pour avoir le droit de conduire un véhicule routier sur les chemins publics et suivant la Loi sur la protection de la jeunesse d'autre part, l'Etat soustrait ces mêmes personnes au régime appliqué aux conducteurs de plus de dix-huit ans.

Ce traitement particulier dont jouissent les conducteurs de moins de dix-huit ans entraîne de sérieux inconvénients administratifs aux greffes des cours de justice, comme le greffe de la Cour municipale de Montréal. Après avoir éré décelés sur informatique, mille cas de contravention par une personne de moins de dix-huit ans ayant omis d'effectuer le paiement libératoire suite à l'émission d'un billet, d'une sommation ou d'un avis préliminaire, ont été référés par le greffier de la Cour municipale au directeur de la protection de la jeunesse lors de la première année d'application de la loi. Sans compter les problèmes administratifs que le directeur rencontre lui-même avec ces cas, il va sans dire que cette situation nécessite de la part du greffier une multitude d'opérations afin d'annuler les dossiers de ces contraventions à la Cour municipale et effectuer leur transfert au directeur de la protection de la jeunesse.

Mais les effets les plus sérieux de l'application des dispositions de la Loi sur la protection de la jeunesse aux infractions commises au Code de la route ou aux règlements municipaux relatifs à la circulation sont dus aux mesures de déjudiciarisation contenues dans cette loi. En effet, ces mesures rendent pratiquement inopérante l'application du système de points de démérite ou de suspension des permis de conduire aux contrevenants de moins de dix-huit ans qui ont omis d'effectuer le paiement libératoire et dont le cas a ainsi été soumis au régime de la Loi sur la protection de la jeunesse.

Si les personnes âgées entre seize et dix-huit ans sont considérées par la loi assez responsables pour conduire un véhicule sur les chemins publics, la loi devrait les considérer également assez responsables pour faire face aux conséquences de leurs faits et gestes à titre de conducteur.

Pour ces motifs, il y aurait lieu de prévoir dans le Code de la route ou dans la Loi sur la protection de la jeunesse une disposition ayant pour effet de soustraire les infractions au Code de la route ou aux règlements d'une autorité locale relatifs à une matière visée par le Code de l'application de cette loi.

MONTREAL, le 3 août 1979.

PELOQUIN, BADEAUX, ALLARD ET LACROIX, Avocats de la Ville de Montréal.

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