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Version finale

31st Legislature, 4th Session
(March 6, 1979 au June 18, 1980)

Friday, October 5, 1979 - Vol. 21 N° 192

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Auditions concernant le projet de loi no 17 - Loi sur la santé et la sécurité au travail


Journal des débats

 

Projet de loi no 17 Présentation de mémoires

(Dix heures onze minutes)

Le Président (M. Dussault): À l'ordre, s'il vous plaît!

Mesdames, messieurs, nous allons commencer les travaux de la commission élue permanente du travail et de la main-d'oeuvre, dont le mandat est de faire l'audition des mémoires sur le projet de loi no 17, Loi sur la santé et la sécurité du travail.

Sont membres de cette commission M. Belle-mare (Johnson), M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Chevrette (Joliette-Montcalm), M. Jolivet (Laviolette), en remplacement de M. Gravel (Limoilou); M. Marois (Laporte), en remplacement de M. Johnson (Anjou); M. Lavigne (Beauharnois), M. Mailloux (Charlevoix), M. Pagé (Portneuf) et M. Lefebvre (Viau), en remplacement de M. Vaillancourt (Jonquière).

Pourraient aussi intervenir: M. Brochu (Richmond), M. Forget (Saint-Laurent), M. Alfred (Papineau), en remplacement de M. Gosselin (Sherbrooke); M. Laplante (Bourassa), M. Paquette (Rosemont), M. Springate (Westmount) et M. Samson (Rouyn-Noranda).

Nous devrions entendre aujourd'hui les groupes suivants, et je prierais les porte-parole de ces groupes de s'identifier au moment où je ferai lecture de la liste.

Je les nomme dans l'ordre de leur intervention. L'Association des manufacturiers canadiens? Présent. L'Association des travailleurs accidentés de la Gaspésie? Présent. Comité des travailleurs accidentés de l'Estrie Inc.? Présent. M. Jean Rochon? qui est absent. L'Ordre des infirmiers et des infirmières du Québec? Présent. Mémoire conjoint des six associations patronales de l'industrie de la construction? Présent. La Fraternité des policiers de la Communauté urbaine de Montréal? Présent. Le Conseil central de Montréal, CSN? Présent.

Oui, M. le député de Laviolette?

M. Jolivet: M. le Président, le ministre s'excuse du retard accusé et, de façon à ne pas trop retarder le début de la commission, comme il va être ici dans quelques minutes il demande de commencer avec le premier groupe à entendre ce matin.

Le Président (M. Dussault): Merci.

Sans plus tarder, j'invite le porte-parole de ce groupe à s'identifier et à nous présenter ses collègues.

Association des manufacturiers canadiens, division du Québec

M. Laurin (Guy): M. le Président, mon nom est Guy Laurin. Je suis le directeur de la Steel

Company of Canada Ltd pour l'est du pays et le président de l'Association des manufacturiers canadiens, division du Québec.

J'aimerais, M. le Président et messieurs de la commission, vous présenter deux des principaux permanents de l'AMC qui, quoique permanents, sont avec l'association depuis moins de douze mois. Il s'agit du directeur général, M. Maurice Massé, homme avisé et connu de plusieurs Québécois dans les milieux bancaire et des affaires, et de M. Sarto Paquin, notre spécialiste dans le domaine des relations industrielles et ouvrières, à ma gauche. (10 h 15)

De par sa nature et ses effectifs, la division du Québec de l'AMC a dû se doter de collaborateurs professionnels, spécialisés et compétents, à même ses membres et volontaires intéressés, pour préparer et soumettre un mémoire tel que celui que vous avez devant vous aujourd'hui. Aussi, j'aimerais souligner la présence de quelques-uns de ses collaborateurs en la personne de M. Roy Heenan, de la firme Johnson, Heenan & Blaikie, à ma droite, de M. Gilles Guèvremont, de la firme Geoffrion & Prud'homme, à sa droite, de M. Alain Bilodeau, de la firme Massicotte, Sullivan & Bilodeau, et de M. André Bourque, conseiller juridique, région de l'Est de IBM Canada Ltd.

Avec votre permission, M. le ministre, et l'indulgence des membres de la commission, vu que c'est du déjà vu et déjà entendu, j'aimerais simplement brosser un exposé sommaire de notre mémoire en moins de quinze minutes, et demander ensuite à M. Roy Heenan de coordonner les discussions en réponse à vos questions sur les points les plus pertinents de notre présentation. Si la formule vous convient, nous procéderons immédiatement avec diligence.

Le Président (M. Dussault): J'allais justement vous inviter à faire le brossage de votre mémoire, comme vous le disiez, en dedans de 20 minutes.

M. Chevrette: ... le procès-verbal de la commission, M. le Président.

Le Président (M. Dussault): Si vous souhaitez que votre mémoire paraisse intégralement au journal des Débats...

M. Laurin (Guy): On aimerait le déposer dans son intégrité, M. le Président.

Le Président (M. Dussault): La commission semble d'accord, alors ce sera fait. (Voir annexe A) On vous écoute, M. Laurin.

M. Laurin (Guy): L'Association des manufacturiers canadiens, division du Québec, représente environ 75% de la capacité manufacturière québécoise, soit 1650 membres répartis à travers la province, dont plus de 1200 représentant les petites et moyennes entreprises. L'OPDQ disait de l'AMC: "... c'est le seul regroupement qui se

préoccupe uniquement des entreprises de transformation... l'AMCQ pourrait être un interlocuteur fort valable pour l'État." Pour l'Association des manufacturiers canadiens, il ne fait aucun doute que les accidents de travail constituent un problème auquel il nous faut consacrer une attention particulière, autant pour le bien-être de nos employés que pour les coûts directs et indirects qu'ils entraînent, affectant ainsi de façon sérieuse la rentabilité de nos entreprises.

Les trois grands principes qui sont à retenir dans notre présentation sont: a) la santé et la sécurité, une priorité pour l'État.

L'Association reconnaît le besoin d'une intervention collective dans le domaine de la sécurité au travail et reconnaît que l'État puisse prendre certaines initiatives dans le but de planifier et orienter la prévention des maladies et accidents du travail. Que le gouvernement devrait être beaucoup plus actif que par le passé dans le secteur de la recherche, de l'information aux employeurs et aux employés.

Le deuxième principe de base, la santé et la sécurité, c'est une responsabilité partagée. Il est évident que dans un projet de loi de cette envergure, l'efficacité dépend de tous les partenaires, à savoir l'État, l'employeur et le travailleur. Cependant, si l'employeur doit être l'ultime responsable des accidents et des maladies dont ses employés peuvent être victimes au travail, il faut lui laisser les moyens d'agir avec diligence pour corriger les situations susceptibles de les entraîner. La notion des comités paritaires avec pouvoir décisionnel ne peut aucunement s'accommoder de cette responsabilité ultime qui incombe et doit incomber à l'employeur.

Le troisième principe de base: Santé et sécurité, une responsabilité parmi d'autres pour les employeurs. Les entreprises ont un rôle social à jouer et l'entreprise doit être rentable. Il faut donc accorder la priorité aux moyens qui, tout en permettant d'atteindre les objectifs visés, permettront à l'entreprise de maintenir une efficacité rentable.

Dans les commentaires additionnels, nous soutenons que l'analyse de la situation contenue dans le livre blanc nous semble déficiente à bien des égards car elle n'a pas été suffisamment poussée pour qu'on puisse en tirer les conclusions qui ont inspiré le projet de loi no 17. Aux pages 7, 8 et 9, on souligne les conclusions que j'appellerais gratuites et, dans quelques cas, erronées des mêmes statistiques qui pourraient être plus approfondies. Le livre blanc et le projet de loi no 17 nous semblent inspirés d'une approche et d'une vision très particulières de la société par certains groupes, approche qui fait de l'employé une victime impuissante d'un système orienté uniquement vers la réalisation des profits. L'étude des conventions collectives et de récentes décisions arbitrales révèle que des recours existent pour les travailleurs dans l'exercice de leurs fonctions. Donc, la situation n'est pas aussi noire que certains voudraient le prétendre.

Nos commentaires généraux sont divisés en dix points. Le premier point: les objectifs. Les objectifs visés par la réforme sont indéniablement louables et l'AMC s'empresse d'y souscrire sans réserve.

Deuxième point: recherche, formation et information. Nous sommes également d'avis qu'il faut intensifier les efforts en matière de recherche, de formation et d'information concernant la sécurité au travail.

Troisièmement, droits et obligations. Ici. nous avons trois sous-paragraphes qui sont le droit de refus de travail, le droit des employeurs et celui des fournisseurs. Quant au droit de refus de travail, l'association déplore au plus haut point la naïveté dont fait preuve la rédaction des articles concernant le droit de refus. J'aimerais souligner qu'on ne parle pas de personnalité. On parle de la naïveté de la rédaction, M. le Président.

Inutile de légiférer, car ce principe de droit commun est depuis longtemps reconnu par la jurisprudence arbitrale et même certains mouvements syndicaux qui fait que le travailleur a déjà le droit de refuser d'exécuter un travail dans certaines conditions. La jurisprudence, toutefois, a reconnu certaines réserves dans l'exercice de ce droit. D'abord, le risque à la santé et à la sécurité doit être sérieux et représenter un danger grave et immédiat qui ne fait pas partie inhérente de son travail habituel. De plus, l'employé doit croire, de façon raisonnable et objective, qu'il s'expose à des possibilités de blessures sérieuses, s'il exécute l'ordre donné.

En présumant que le droit de refus ne serait jamais utilisé de mauvaise foi par un travailleur ou par un groupe de travailleurs, pour des fins autres que la santé et la sécurité au travail, le gouvernement fait preuve d'une grande crédulité. Au Québec, du 1er janvier au 30 juin 1979, il y a eu 1 295 000 jours-homme perdus, dont la moitié dans le secteur manufacturier. On sait très bien qu'historiquement, le pourcentage de jours-hommes perdus, au Québec, à cause de grève, a placé notre province au premier ou deuxième rang au Canada dans ce domaine. Une position non enviable.

L association se demande pourquoi le gouvernement ne reconnaît pas cette désastreuse performance dans le projet de loi no 17. L'association remarque avec beaucoup de regret que le gouvernement n'a pas donné suite aux recommandations du livre blanc sur la question de bonne foi de notre travailleur et à la notion d'imminence du danger.

De plus, l'article 31 empêche l'employeur d'imposer toute mesure disciplinaire, à moins qu'il ne prouve la mauvaise foi de l'employé, et en faire la preuve est une tâche des plus difficiles. La reconnaissance du droit du refus de travail, dans la jurisprudence arbitrale, était basée principalement sur la notion de bonne foi et l'abus était ainsi freiné par la possibilité de mesures disciplinaires.

L'association demande pourquoi on reconnaît aux travailleurs le droit de refuser d'exécuter un travail, même si le comité de santé et de sécurité

arrive à la conclusion que le travail ne représente aucun danger et même si d'autres travailleurs consentent à exécuter le travail demandé.

L'association craint vivement qu'au lieu d'améliorer la situation des travailleurs, le gouvernement ne l'aggrave. D'un autre côté, le projet de loi n'exige aucune compétence de l'agent à la prévention. Il n'est qu'un officier élu par les travailleurs.

En conclusion, le gouvernement politise le lieu de travail par la décision des articles sur le droit de refus, encourage les batailles idéologiques, enlève la question ou la notion de compétence à l'égard de la santé et de la sécurité au travail et, selon l'association, cela est dangereux et risque de donner des résultats complètement opposés au désir exprimé par le gouvernement.

Le manque de protection de l'employeur et la façon dont le gouvernement a rédigé les droits des travailleurs et du représentant à la prévention constituent une incitation à utiliser ce droit de refus pour des fins autres que la santé et la sécurité du travail.

Deuxième sous-paragraphe, les droits de l'employeur. Les articles 39 à 51 concernant l'employeur comportent un degré inacceptable d'inconnues, car la plupart des dispositions renvoient aux pouvoirs réglementaires, ce qui nous semble abusif. Dans cette seule section, le mot "règlement" revient 18 fois.

Il est pour le moins essentiel que l'employeur se voie reconnaître par la loi, le droit fondamental, et je cite, "de prendre les mesures nécessaires pour protéger la santé et la sécurité des employés." Citation qui provient de la loi et du livre blanc.

Quant aux fournisseurs, telle que libellée, la section se rapportant à eux semble exiger que tout produit, procédé, équipement ou matériel, dangereux ou non, doit être sécuritaire et conforme au règlement. Nous croyons plutôt que l'intention du législateur a été de réglementer la fabrication, la vente, la distribution et l'utilisation de contaminants et de matières dangereuses. Il y aurait donc lieu d'indiquer clairement, aux articles 52 à 55, que ces obligations générales traitent exclusivement des contaminants et matières dangereuses.

Les comités de santé et de sécurité.

Le projet de loi propose de donner un pouvoir décisionnel sur un certain nombre de questions au comité sur la santé et la sécurité. D'autre part, le projet de loi prévoit que l'employeur reste l'ultime responsable de la santé et de la sécurité dans l'établissement. Il est difficile de penser que l'employeur, ayant la responsabilité d'assurer la rentabilité de l'entreprise, voudra céder ses responsabilités au comité de santé et sécurité sans avoir l'assurance que ce dernier les utilisera dans le meilleur intérêt de toutes les parties concernées.

L'association croit sincèrement que, pour ce qui est d'assurer la santé et la sécurité, les comités de santé et de sécurité existants ont eu autant de succès par voie de recommandations à l'employeur que la mesure proposée n'en aura.

Le comité de santé et de sécurité doit donc, à notre avis, revêtir un caractère consultatif. 5. Représentants à la prévention.

L'AMC s'oppose vigoureusement à la création de postes de représentants à la prévention, tel qu'indiqué au chapitre V du projet de loi, aux articles 67 à 72. La responsabilité ayant toujours été reconnue jusqu'à maintenant à l'employeur en matière de sécurité, nous croyons qu'il serait tout à fait logique de prévoir que, si un poste de représentant à la prévention devait être institué dans une entreprise, il soit détenu par un représentant de l'employeur. 6. Les services de santé au travail.

Le chapitre VIII, couvrant les articles 81 à 101, traite des services de santé au travail. La législation proposée préconise des changements radicaux au régime actuel. L'Association est d'avis que le rôle des services de santé de l'État devrait se limiter à l'analyse et à la prévention de tout phénomène collectif, ainsi qu'à un rôle supplétif concernant les entreprises, et plus particulièrement les petites et moyennes entreprises.

En effet, de nombreuses entreprises possèdent déjà un service de santé et l'expérience passée ne justifie pas, à notre avis, qu'une grande partie de leur rôle soit dorénavant dévolue aux services de santé de l'État.

L'association tient également à ce qu'on note sa profonde dissidence au sujet du principe voulant que l'on confie au comité de santé et de sécurité le choix du médecin responsable de l'établissement, plus particulièrement dans les cas où l'entreprise possède déjà son médecin.

En guise de conclusion, l'association est d'avis que le bouleversement du régime actuel préconisé par le projet de loi, quant aux services de santé, ne rejoint pas les objectifs du législateur qui désire s'assurer de la santé et de la sécurité des travailleurs.

L'association croit que le régime proposé aura pour effet de pénaliser de nombreuses entreprises déjà bien organisées dans le domaine de la santé et de la sécurité au travail. Elle soutient donc qu'un rôle supplétif des services de santé de l'État ainsi que l'analyse et la prévention des phénomènes collectifs atteindraient plus sûrement et à moins de frais les objectifs visés.

Compte tenu de ce qui précède, l'AMC suggère donc au législateur de se pencher à nouveau sur ce chapitre précis et de le reformuler en tenant compte des remarques et suggestions qui vous sont soumises. 7. L'inspectorat. Les articles 134 à 139 traitent des inspecteurs qui seront chargés de voir à l'application de la loi et des pouvoirs qui leur sont conférés.

Nous reconnaissons volontiers la nécessité de ces inspecteurs et le fait qu'ils doivent être dotés de certains pouvoirs. Toutefois, ces pouvoirs ne doivent pas être aussi étendus que ceux prévus par l'actuel projet de loi.

L'article 143 stipule que les travailleurs dont l'établissement a été fermé ou dont les travaux ont

été suspendus par un inspecteur sont considérés comme ayant régulièrement travaillé et sont notamment rémunérés en conséquence.

Cette double pénalité ne nous apparaît pas nécessaire pour atteindre les buts visés par la loi.

Ce projet de loi vise la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, mais il ne doit pas, dans la poursuite de ce but, mettre en péril la survie des entreprises. Nous recommandons fortement l'abrogation de cet article. 8. Les règlements. L'AMC trouve pour le moins surprenant le nombre incalculable de fois où nous retrouvons dans ce projet de loi le terme "règlement".

Nous croyons essentiel, à l'article 186, que les règlements de la commission ainsi que leurs modifications soient publiés et qu'ils ne prennent effet qu'après un délai raisonnable de leur publication afin de permettre aux employeurs de s'y conformer, le cas échéant. 9. Les recours. Il faudrait absolument voir à rayer des articles 31 et 191 l'expression "de mauvaise foi", alors que "l'autre cause juste et suffisante" existant jusqu'à maintenant dans le Code du travail est amplement "onéreuse " pour l'employeur et que nulle part le projet de loi ne justifie l'addition de l'autre fardeau à l'employeur, soit la preuve de mauvaise foi du travailleur, preuve d'ailleurs illusoire en semblable matière. 10. Le financement. Dans le livre blanc, à la page 267 on dit: "Étant donné l'ensemble de facteurs dont il faut tenir compte, l'évaluation des déboursés qu'entraînera le régime proposé ne peut être d'une précision absolue et reposera sur un certain nombre d'hypothèses."

Plus loin dans ce même livre blanc, à la page 274, on dit: "... que la prévention constitue, à bien des égards, un service public dont les bénéfices peuvent profiter à l'ensemble du monde du travail et même de la société."

M. le Président, les employeurs consentent à contribuer en partie, que ce soit de façon directe ou indirecte, à l'application des nouvelles mesures préconisées dans ce projet de loi, mais il est totalement inéquitable que les employeurs aient à payer la totalité de ce nouveau fardeau financier, d'autant plus que personne ne peut raisonnablement prévoir le coût final.

Je fais grâce, M. le Président, à cette commission des commentaires particuliers des pages 31 à 66 et je saute à la page 67, où sont nos conclusions.

En conclusion, l'État ne peut rester indifférent au problème de la santé et de la sécurité au travail et il doit même y jouer un rôle prépondérant. Nous croyons cependant que certaines modalités mises de l'avant par le projet de loi no 17 sont inappropriées et pourraient même être dangereuses, d'abord pour les travailleurs eux-mêmes et ensuite pour la survie de nombreuses petites et moyennes entreprises. (10 h 30)

Dans le livre blanc, l'analyse statistique qui est faite donne de la réalité une image trompeuse. Il nous apparaît évident qu'une étude plus ap- profondie par l'État aurait mieux permis de diagnostiquer le problème et, partant, de rechercher les véritables solutions.

Nous croyons que les efforts déployés en cette matière par l'entreprise privée au cours des dernières années ont porté des résultats efficaces et qu'il conviendrait à l'État de les reconnaître. Nous croyons que le législateur doit donner une priorité à la recherche, la formation et l'information et non pas aux mesures punitives comme le propose le projet de loi no 17.

Nous sommes de plus persuadés qu'une des conséquences sérieuses du projet de loi no 17 sera de légaliser un nombre indésirable de grèves illégales. Nous croyons que si l'entreprise doit être considérée comme l'ultime responsable de la santé et de la sécurité dans ses établissements, on ne doit pas lui imposer des contraintes qui l'empêchent d'assumer ses obligations. Les comités paritaires avec pouvoir de décision constituent une anomalie que nous nous devons de dénoncer.

Dans le meilleur intérêt de la santé et de la sécurité, nous nous devons de dénoncer l'idée de la création du poste de représentant à la prévention, telle que proposée. La santé et la sécurité au travail est un des domaines des plus complexes et dans lequel on ne s'improvise pas spécialiste. De plus, les pouvoirs de décision dévolus aux inspecteurs sont, à notre avis, beaucoup trop larges et peuvent constituer une entrave à la survie même de certaines entreprises.

Avant de vouloir tout chambarder, le gouvernement devrait notamment: procéder à une étude adéquate de la situation qui tiendrait compte de tous les facteurs inhérents à la santé et à la sécurité au travail; mettre l'accent sur le développement des compétences dans le domaine de la santé et de la sécurité au travail; offrir aux entreprises l'aide dont elles ont besoin dans la détection des problèmes et dans la découverte de solutions appropriées; développer l'expertise nécessaire afin de suppléer aux lacunes des entreprises dans ce domaine.

M. le Président, l'Association des manufacturiers canadiens, division du Québec, recommande donc que le projet de loi soit repensé et récrit à la lumière des considérations et recommandations qui vous ont été et qui vous seront soumises par les principaux intéressés.

M. le Président, afin d'amorcer nos discussions sur les points les plus pertinents de notre mémoire, je demanderais maintenant à Me Roy Heenan de soumettre à votre considération des recommandations positives et constructives relativement à l'administration de la santé et de la sécurité pour la petite et moyenne entreprise et, plus particulièrement, pour le grand nombre d'entreprises non syndiquées.

M. Heenan.

M. Heenan (Roy): M. le Président, messieurs les membres de la commission, ce qui nous dérange peut-être le plus dans le projet de loi, c'est qu'on semble sortir la notion de compétence entièrement des questions de sécurité et de santé.

Nous autres, et je pense qu'on a tous la même idée, on veut la sécurité au travail. Cela, tout le monde le veut. Par contre, c'est sur les moyens qu'on ne s'entend pas.

M. Jolivet: Parlez plus près du microphone.

M. Heenan: D'accord. Est-ce que ça va mieux?

Le Président (M. Dussault): Très bien, merci.

M. Heenan: Oui.

C'est surtout sur les moyens qu'on ne s'entend pas, car sur l'objectif, tout le monde est d'accord, sortir de la compétence de ce domaine... C'est un domaine où on a essayé, au moins, d'enlever tout simplement la question de la négociation et des confrontations qu'on voit habituellement, de l'inclure dans un domaine qui est en dehors de ça et où c'est quand même guidé par des experts, des personnes compétentes.

Si on voit le mécanisme choisi par le projet de loi, c'est effectivement de donner ça à un agent de prévention. Nulle part y est-il fait mention de la compétence requise ou de la formation requise. C'est tout simplement qu'on va le laisser à un agent de prévention. La seule qualification qu'il va avoir, c'est qu'il va être élu et, non seulement cela, on lui donne le lourd fardeau, on le met immédiatement dans un conflit d'intérêts. Il va à la fois représenter les intérêts des salariés et il va également être obligé de décider, de trancher des litiges sur la sécurité et la santé. On risque donc d'avoir une personne sans nécessairement la compétence. Elle pourra l'avoir, remarquez bien, mais pourra aussi bien ne pas l'avoir. La loi est silencieuse. On va placer cet agent dans une position de conflit immédiat, celle de représenter les travailleurs d'un côté et de prendre des décisions à l'encontre du travailleur ou pour le travailleur d'un autre côté. Cela, je pense, n'est pas logique.

La raison pour laquelle j'en parle, c'est que, si on avait critiqué fortement et si on critique fortement le droit de refus et la façon dont le droit de refus est reconnu dans la loi, on veut aussi être constructif dans ce débat. On va vous suggérer un programme qu'on a mentionné dans notre mémoire, mais qu'on n'a pas trop explicité, à savoir que nous, nous pensons que l'on risque de ne pas avoir la collaboration et la coopération de toutes les parties en cause.

Vous allez trouver, aux pages 44 et 45 de notre mémoire, une suggestion que j'aimerais expliciter un peu.

On note — d'ailleurs, ici, nous pensons que le projet est assez bon — les articles 47 et 48 du projet de loi, le programme de prévention. Pour nous, il n'y a pas de doute que le programme de prévention peut contribuer énormément dans ce domaine, sans les confrontations qu'on va voir, par exemple, dans les chapitres traitant du droit de refus de travail et la question de l'agent de prévention.

Notre programme de prévention est un peu le suivant, et c'est, si vous voulez, un peu ce que le gouvernement a suivi dans les comités de francisation, à savoir que chaque employeur, que ce soit un grand employeur, un petit employeur ou un moyen employeur, que ce soit un employeur syndiqué ou non syndiqué, ait l'obligation de mettre de l'avant un programme de prévention qu'il va élaborer avec la participation et en consultation avec les travailleurs, le comité de santé et de sécurité, qui va avoir son mot à dire dans l'élaboration du programme. L'employeur mettra son programme sur pied après consultation. À ce moment-là, il le soumettra à la commission. Si les syndiqués, les employés, les membres du comité de santé et sécurité ne sont pas tout à fait d'accord avec le programme de prévention, ils pourront soumettre leurs propositions à la commission.

La commission, à ce moment-là, tranchera le débat, elle approuvera, pour chaque employeur dans la province de Québec, un programme de prévention après avoir entendu, évidemment, les syndiqués, les salariés et l'employeur. Ce programme de prévention, une fois approuvé, sera mis en application par l'employeur et surveillé étroitement par le comité de santé et sécurité, donc par tous les employés concernés.

Cette suggestion a plusieurs avantages. Quant à l'employeur, son rôle constituera d'abord à procéder à l'analyse des conditions de travail propres à son milieu; deuxièmement, établir en consultation avec ses travailleurs son programme en vue de la réalisation de l'objectif visé; troisièmement, soumettre son programme à un organisme gouvernemental pour approbation; quatrièmement, appliquer son programme.

Une fois ce rôle de l'employeur reconnu, les employés auront le rôle de participer à l'élaboration et à l'application du programme de santé et sécurité, faire des objections, s'ils le veulent, à la commission, recevoir la formation et l'information et surveiller la mise en application du programme et porter plainte le cas échéant. On verra que l'approbation de la commission sera, si vous voulez, un certificat de compétence ou un certificat reconnaissant l'employeur et le programme de l'employeur.

Le rôle des services de santé communautaire consisterait, par exemple, à assurer les services de santé de façon complémentaire à ceux de l'entreprise. C'est très important, car ça laisse les services déjà mis en place par plusieurs employeurs, ça ne les enlève pas.

Enfin, le rôle des services gouvernementaux consisterait, par exemple, à vérifier le travail d'analyse fait par l'entreprise, procéder à l'analyse si l'entreprise n'est pas en mesure d'exécuter cette tâche, entendre toute objection, critiquer et approuver le programme, s'assurer de sa mise en application selon les échéanciers fixés, recevoir les plaintes, faire enquête et poursuivre les délinquants s'il y a lieu, voir à la formation de spécialistes en sécurité et médecine industrielle, implan-

ter des services d'expertise accessibles aux entreprises qui en sont dépourvues. Un tel partage de la tâche à accomplir conférerait à l'entreprise un pouvoir équivalant à ses responsabilités, et la notion de participation pour la participation serait remplacée par le concept de la participation à la poursuite d'objectifs communs. De plus, les organismes extérieurs à l'entreprise joueraient un rôle supplétif et pourraient ainsi augmenter leur propre efficacité.

Je pense que ce programme qu'on vous suggère tient compte de plusieurs aspects. La petite, la moyenne, la grande entreprise seront toutes assujetties à cela. Chacune aura l'obligation d'élaborer un programme de prévention dans son entreprise comme cela a été fait pour les comités de francisation. Les employés auront leur mot à dire, qu'ils soient syndiqués, qu'ils soient non syndiqués. J'ai remarqué que dans quelques débats il y a eu une critique du côté patronal à savoir qu'on ne considérait pas les problèmes des petites et moyennes entreprises. Le programme qu'on vient de vous proposer, justement, s'appliquera à tout le monde. Chaque employeur, qu'il soit petit, qu'il ait un ou dix employés, aura l'obligation de mettre en marche son programme de prévention. Ce sera surveillé par les employés. Ce sera approuvé par le gouvernement. Je pense qu'avec une telle formulation, on aura une collaboration de toutes les parties intéressées au lieu de la confrontation qui semble résulter de la façon dont le projet de loi est fait à l'heure actuelle.

Messieurs, vous avez tous nos commentaires. Je ne veux pas prendre plus de temps à l'heure actuelle sur, par exemple, le droit de refus. On critique très sérieusement l'article. On pense que cela va servir tout simplement pour justifier des grèves illégales à tout bout de champ. Je vous rappelle tout simplement un exemple qui, je le sais, est du domaine fédéral; c'est pour cette raison que je l'ai choisi. Les pilotes, quand ils n'aimaient pas le concept du bilinguisme, ont fait un arrêt de travail d'une semaine. Ce faisant, ils s'appuyaient sur la sécurité et la santé. Si on avait appliqué le projet de loi, pendant deux ans, je suppose, jusqu'au rapport Chouinard, on n'aurait pas eu de transport aérien. Je ne veux pas qu'on se serve d'une loi comme celle-là pour faire des arrêts de travail inutiles. Nos commentaires en détail, vous en avez déjà entendus plusieurs. On vous souligne surtout, messieurs, que le programme qu'on vous suggère amènera la compétence, la collaboration, la coopération. Cela donnera aux employés comme aux employeurs des obligations et, au gouvernement, la responsabilité d'approuver un programme taillé pour chaque entreprise dans la province. C'est notre recommandation que vous trouverez aux pages 44 et 45. Sur des points précis, je demanderais à M. Guèvremont, à M. Bourque ou à M. Bilodeau s'ils ont des points spécifiques dont ils aimeraient traiter. M. Guèvremont?

Le Président (M. Dussault): Je vous demanderais de faire brièvement, s'il vous plaît, parce que déjà les 20 minutes sont écoulées depuis quelques minutes.

M. Guèvremont (Gilles): Je vous remercie, M. le Président. Je comprends très bien. Mes remarques vont surtout traiter de la section III quant aux fournisseurs, les articles 52 à 55 du projet de loi ainsi que des chapitres sur les recours et infractions. (10 h 45)

Nous croyons, premièrement, que l'intention du législateur dans cette section III c'est de couvrir surtout le fabricant, ainsi que le fournisseur, et non pas l'utilisateur, tel qu'il y est mentionné aux articles que je viens de décrire. Je vous souligne que par le biais du mot utilisateur, lorsqu'on pense à l'article 54, qui permet à un inspecteur de demander une expertise pour tout produit, il devient facile pour l'inspecteur de s'arrêter à l'utilisateur, qui est en l'occurrence l'employeur, et de ne jamais remonter au fabricant, au distributeur ou même à l'installateur pour tout défaut quel qu'il soit, pour tout produit quel qu'il soit. Notre première remarque, c'est de ne pas comprendre l'utilisateur dans cette section, étant donné que les obligations de l'employeur sont bien définies aux articles 39 à 51.

Deuxièmement, nous soumettons que l'objet du projet de loi doit traiter, à ce stade-ci, des contaminants et matières dangereuses et ça devrait être restreint, en conséquence, à ces deux éléments-là et non pas à tout produit, tel que décrit.

Troisièmement, nous aimerions comprendre un peu l'idée du paragraphe de l'article 53, quant à la question de l'utilisation de tout produit qui n'aurait pas été antérieurement fabriqué au Québec. Si le projet de loi est adopté tel quel et que ce n'est pas restreint aux matières dangereuses mais que ça couvre tout produit, à ce moment-là, nous croyons que les employeurs vont être devant une impossibilité technique ou une impossibilité pure et simple de savoir ce qui a été ou non fabriqué antérieurement au Québec.

Maintenant, si nous passons aux articles 189 et suivants du projet de loi, quelques remarques quant aux recours. Il y a cette question de la preuve de la mauvaise foi du travailleur. Nous soumettons que le projet de loi ne devrait pas aller au-delà de ce qui est actuellement prévu au Code du travail et que l'obligation de l'employeur doit être restreinte à prouver une autre cause juste et suffisante. Rien, à notre avis, ne justifie l'inclusion de ce fardeau additionnel de preuve de mauvaise foi du travailleur. Alors que si on pense au droit de refus, aucune mesure disciplinaire ne pourrait être imposée avant une décision finale, c'est-à-dire une décision de l'inspecteur, laquelle devra avoir été précédée d'un refus ou acceptation, tant du représentant à la prévention que du comité consultatif et, à ce moment-là, nous nous demandons si cela ne pourrait pas être interprété comme cette mauvaise foi du travailleur. Nous croyons que la preuve qui incombe à l'employeur en vertu du projet de loi sera illusoire et, en fait, impossible à faire.

Quant au chapitre des infractions, nous vous soumettons que le montant des amendes, surtout en cas de récidive, c'est-à-dire pour une deuxième amende et toutes celles qui vont suivre, un minimum de $1000, pour autant qu'une corporation est concernée, c'est assez dispendieux et nous vous prions de tenir compte de nos remarques, surtout en fonction de la petite et moyenne entreprise. La majorité des membres de l'Association des manufacturiers canadiens, c'est la petite et moyenne entreprise et il ne faudrait pas toujours l'associer aux grandes multinationales. À titre d'exemple, l'article 219 du projet de loi abroge la Loi des établissements industriels et commerciaux. Ce que je vous montre présentement, c'est la réglementation qui est adoptée et actuellement en vigueur, en vertu de cette Loi des établissements industriels et commerciaux, c'est recto verso, il y a évidemment toute cette question des codes de sécurité, tant le chantier de construction que le 3787 pour les établissements industriels. Ce sont des obligations énormes, tant au point de vue qualitatif que quantitatif.

Aussi, à l'article 200, quant aux pouvoirs du tribunal, nous soumettons que le juge peut ordonner la conformité à la loi et aux règlements, mais non d'exécuter toute autre mesure qu'il juge nécessaire; nous croyons que le tribunal s'arroge un pouvoir législatif ou même exécutif, non pas judiciaire.

De la même façon, toute poursuite devrait être intentée par l'inspecteur ou la commission, non pas laissée à tout intéressé, comme c'est écrit à l'article 204. Nous croyons que c'est ouvrir la porte à des abus, et, encore une fois, nous vous demandons de tenir compte de ces remarques, surtout en pensant à la petite entreprise, ou de la même façon que vous nous demandez de présumer de la bonne foi des travailleurs, à ce moment-là, nous devons présumer de la bonne foi des inspecteurs qui auront à faire respecter cette loi, ou bien par tout autre individu qui pourrait engendrer un processus judiciaire et mettre la petite entreprise en défense et engendrer des coûts considérables. Je voudrais passer la parole à un autre de mes collègues.

Le Président (M. Dussault): Je vais vous inviter à nouveau à être très bref, parce que vous avez pris 33 minutes jusqu'à maintenant, alors qu'on avait demandé 20 minutes au départ. Je me vois forcé de le faire d'abord parce que c'est une convention de la commission et aussi, il faut se rappeler que huit groupes doivent être entendus durant la journée, ce qui pourrait causer des problèmes.

M. Bourque (André): On nous permettrait peut-être de faire des remarques au niveau du chapitre de l'inspection, simplement sur les articles 142 et 143, qui me semblent assez importants. Les inspecteurs sont certainement nécessaires et l'association est bien d'accord avec ce principe. Toutefois, nous croyons que les pouvoirs qui sont conférés sont assez grands, principalement celui de fermer un lieu de travail.

Or, traditionnellement, l'inspecteur se compare un peu à un policier qui fait des constats, vérifie si la loi est observée ou non, et prend les moyens nécessaires pour que ceux qui ont autorité, en l'occurrence les tribunaux, puissent décider des recours appropriés.

Nous proposerons donc, au niveau de l'article 142, que ce recours aux tribunaux, par la voie d'une injonction — qui est quand même une procédure rapide, mais qui évite des erreurs de jugement, ou des jugements sommaires — soit instauré.

Quant à l'article 143 — et c'est à notre avis l'article le plus important — il souligne qu'en cas de fermeture d'un établissement, les employés continuent à être rémunérés. Or, il s'agit d'une largesse qui est quand même assez grande. On peut comprendre que le législateur souhaite ainsi ne pas pénaliser des ouvriers, en raison d'une violation par leur employeur de ses devoirs face à la loi, et que ces gens-là continuent à être rémunérés.

Toutefois, il ne faut pas perdre de vue que les petite et moyenne entreprises, dans le monde de concurrence dans lequel elles vivent, vont faire face à des problèmes assez considérables pour être en mesure de payer la facture qu'on veut leur imposer par le biais de l'article 143.

Le gouvernement a un objectif très noble, soit celui de sauvegarder l'intégrité des travailleurs, et je pense que tous ceux qui ont paru devant vous — et nous également — souscrivent d'emblée à ce projet. Mais est-il nécessaire, pour arriver à cet objectif, de mettre en péril la viabilité de certaines entreprises? Je pense que c'est la question que doit se poser le législateur. Nous ne croyons pas, dans ce monde de concurrence, que l'on puisse, avec l'article 143 tel qu'il est rédigé, assurer la viabilité de certaines entreprises. Il s'agit là, à notre avis, d'une double pénalité, et qui n'est pas nécessaire pour satisfaire aux objectifs de la loi.

Le défi auquel fait face le gouvernement est, d'une part, de satisfaire aux objectifs qu'il s'est fixés, sans pour autant détruire certains éléments de la société qui, quand même, ont des répercussions très positives.

L'article 143, tel qu'il apparaît actuellement, semble dénoter une certaine volonté d'acharnement ou de mise en question très sévère à l'endroit de l'entreprise. Nous croyons qu'une simple modification de cet article, disant que, dans un tel cas, les employés sont réputés avoir été mis à pied, leur permettrait de bénéficier des prestations d'assurance-chômage, sans pour autant mettre en péril la viabilité de certaines entreprises.

M. Heenan: M. le Président, à votre suggestion, on va couper nos commentaires pour répondre à vos questions.

Le Président (M. Dussault): C'est cela, il resterait donc plus de temps pour les questions. Je vous remercie, et je laisse la parole à M. le ministre.

M. Marois: Merci, M. le Président. Je voudrais tout d'abord m'excuser de mon retard. J'ai pris attentivement, très attentivement, connaissance du mémoire de l'Association des manufacturiers canadiens. Mes commentaires seront très brefs et je laisserai à mes collègues le soin de poser quelques questions.

Si vous me permettez, pas nécessairement dans l'ordre où c'est venu, mais un peu dans le désordre, en particulier à partir de vos dernières remarques.

Vous trouvez, d'une part, les sanctions très sévères en cas de récidive. Oui, les sanctions seront très sévères en cas de récidive. Il est à peu près temps qu'on se donne une loi qui a des dents. Personne n'a besoin de s'empêcher de dormir parce que les sanctions seront très sévères. Il y a une façon très simple pour que cela ne s'applique pas, c'est de respecter les normes et les règlements. Vous savez, on parle de péril de l'entreprise; je veux bien, mais ne perdons pas de vue, à côté aussi, le péril de la vie des hommes et des femmes qui travaillent. Il commence à être temps de rétablir un équilibre, parce que, dans certains cas, il n'existe pas. Je pense qu'il est plus que temps qu'on commence à rétablir cela.

Vous avez évoqué la Loi des établissements industriels et commerciaux; je vous rappelle que, dans les dispositions transitoires, cela vaut pour celle-là comme cela vaut pour les autres. Si l'essentiel de la loi se trouve intégré dans la loi-cadre, les règlements, que ce soit les règlements de cette loi-là ou d'autres règlements, ne sont pas pour autant abrogés. Les règlements demeurent en vigueur, ce qui correspond d'ailleurs à une bonne partie du pouvoir réglementaire de l'article 185.

Vous semblez vous étonner du fait qu'on ouvre la perspective et la possibilité de poursuites pénales, non seulement par l'inspecteur, par la commission, mais par tout intéressé. Je me permets simplement de vous rappeler que c'est exactement ce qu'on a fait aussi dans la nouvelle loi-cadre de protection de l'environnement. Tout intéressé peut amorcer des procédures. On ne voit pas pourquoi le même principe ne s'appliquerait pas. Là, il ne s'agit pas de l'environnement extérieur, il s'agit de l'environnement du milieu même du travail. Si le principe vaut pour l'extérieur, on ne voit pas pourquoi il ne vaudrait pas pour l'intérieur.

Quant au droit qu'on reconnaît à l'inspecteur dans le cas où il doit recourir à la mesure ultime de fermer une entreprise ou un coin d'une entreprise, je suis obligé de vous dire que, sur la base des témoignages qu'on a des inspecteurs, ils avaient déjà le pouvoir de fermer des coins d'une entreprise ou une entreprise au complet qui se comportait de façon complètement inacceptable, qui n'apportait à peu près aucun ajustement, malgré des rapports d'inspection par-dessus des rapports d'inspection, malgré des programmes, des échéanciers dont on avait convenu, etc. Encore une fois, voyons de quoi on parle. Dans ces cas-là, les inspecteurs hésitaient à recourir à ce pouvoir qu'ils avaient de fermer un coin d'une entreprise. On l'a fait il n'y a pas si longtemps dans le cas de la compagnie Ballast Métal, de Laprairie, parce qu'après six mois, dans une entreprise flambant neuve, il n'y avait pas un travailleur qui n'était pas intoxiqué au plomb dans cette entreprise. Pourquoi les inspecteurs hésitaient-ils à recourir à cette mesure? C'est qu'ils savaient fort bien qu'en le faisant, pendant toute la durée des travaux requis pour corriger à la source les problèmes, les travailleurs seraient pénalisés parce qu'ils ne toucheraient pas de salaire, ni de revenu. Pourtant, ils n'étaient pas responsables de la situation. Il s'agit d'une mesure ultime et, si nécessaire, les inspecteurs auront ce pouvoir-là. Il n'y a pas un inspecteur que j'ai rencontré qui fait sérieusement son travail qui ne m'en a pas parlé, depuis deux ans. On pense qu'il est temps de leur reconnaître ce pouvoir. Il y a une façon très simple pour que cela ne s'applique pas, c'est que, quand les rapports d'inspection tombent sur la table, sur la base acceptée d'un programme de prévention... Les travailleurs et les travailleuses comprennent fort bien que des fois tout ne peut pas être fait pour hier matin. Mais entre hier matin et rien du tout et récidive, il y a une marge. Il y a une façon que l'article ne s'applique pas qui est très simple, c'est de respecter à la fois les rapports dont on a convenu, qui sont déposés, les échéanciers qui sont établis pour faire en sorte que les problèmes soient corrigés à la source. Je ne pense pas que les travailleurs et les travailleuses québécois soient plus irresponsables qu'ailleurs, qu'ils veulent faire exprès pour faire sauter les entreprises. Ce n'est pas vrai cela. La pire forme en un certain sens "d'accidents", c'est le chômage pour des hommes et des femmes. Chacun veut contribuer à construire son coin local et régional de pays, à condition que ce soit vivable en dedans, par exemple, que cela ne se passe pas n'importe comment.

Je terminerai rapidement sur deux choses qui m'étonnent beaucoup de votre mémoire, c'est pour ce qui concerne le droit de refus et le représentant à la prévention. Vous êtes une association dont certains des membres sont au Québec, dont certains des membres sont ailleurs dans d'autres provinces canadiennes. On n'est pas les premiers à légiférer, on sera même à peu près les derniers. Le représentant à la prévention, que je sache, cela existe dans la loi de l'Ontario, à sa façon, selon sa réalité à lui, etc. Cela existe aussi dans d'autres provinces. (11 heures)

J'aimerais que vous m'expliquiez pourquoi et sur quoi vous fondez des craintes d'abus, si, d'après tous les témoignages qu'on a eus ici, d'entreprises non seulement du Québec, mais d'autres provinces... Il n'y a pas une entreprise ni un groupe qui sont venus témoigner devant nous qui ont pu nous démontrer... Même, au contraire, il y a eu une franchise dans l'admission du fait que des cas d'abus, ils n'en connaissaient à peu près pas. Pourquoi, quand il s'agit du Québec, forcément, il y aurait automatiquement des abus en

partant, que ce soit dans l'exercice du droit de refus... Je me permets de vous rappeler... Mettons-le, ne le mettons pas, de toute façon c'est un droit fondamentalement naturel. Ce qu'on fait simplement, en le mettant dans une loi, c'est s'assurer de la protection de ceux et de celles qui l'exercent, ce droit naturel.

J'aimerais vous entendre commenter plus avant parce que j'avoue que je ne suis pas tellement convaincu, loin de là, de vos interventions concernant ces deux points et concernant le représentant à la prévention. Je ne vois pas pourquoi les hommes et les femmes au travail, quand ils sont choisis par le syndicat, n'auraient pas un minimum de temps de libération, de permanence pour être capables d'inspecter les lieux de travail, pour être capables d'accompagner les inspecteurs qui se présentent. Pourquoi serait-ce uniquement les employeurs qui auraient le monopole de l'accompagnement des inspecteurs, de l'information des hommes et des femmes qui sont au travail sur leurs droits, de l'examen des lieux, etc., et des rapports en conséquence? Pourquoi? Quelle appréhension peut-on avoir d'une chose qui vient simplement rétablir un minimum d'équilibre entre les deux, parce que, de toute façon, l'employeur a cette permanence de libération? Il y a souvent des gens qui sont affectés à ça dans l'essentiel de leurs fonctions.

En passant, je vous dirai exactement ce que j'ai dit hier à des groupes. Plus j'entends des groupes d'employeurs formuler une argumentation pour qu'on retire du projet de loi le représentant à la prévention, plus on en discute, plus vous êtes en train, dans votre argumentation, de me convaincre que non seulement ça doit être là, mais qu'il faut aller plus loin que ça. Alors, je vous écoute, là-dessus en particulier. Je pense que ça pourrait être très utile, ça pourrait nous éclairer beaucoup.

M. Heenan: M. le Président, je vais prendre la parole pour essayer de répondre. Je pense que la question qui nous a été adressée concerne surtout le droit de refus, le fait que ça existe dans les autres provinces et que nous soyons les derniers à l'avoir. Deux choses ressortent de ça.

Vous dites que vous n'avez pas de témoignage d'excès dans les refus de travailler. M. le Président, il faut se souvenir également que ces lois fédérale et ontarienne datent de très peu. Des grèves et des arrêts de travail on en a partout au Canada. Cette loi est très récente au fédéral. Elle date de 1977-1978 et fut mise en application l'année dernière. Vous, vous...

M. Marois: Vous savez fort bien qu'en Saskatchewan — je m'excuse de vous interrompre — ça date de 1973; vous savez fort bien qu'en Ontario ça date déjà d'il y a un certain nombre d'années. Le point le plus récent c'est le Code canadien du travail; vous savez fort bien que ça existe dans des conventions collectives au Québec.

M. Heenan: Cela existe dans certaines conventions collectives qui sont...

M. Marois: Donc ça existe.

M. Heenan: Oui, mais, M. le Président, il y a une différence énorme entre la rédaction de ces lois, la protection qu'il y a là et la rédaction de la nôtre. Je ne pense pas qu'on puisse prendre une partie de la loi et simplement mettre à côté l'autre partie. Je veux bien répondre à votre question, mais surtout si vous regardez certaines lois, elles ont des protections contre ça. Ce qu'on dit c'est qu'ici on ne voit pas... On décrit le droit de l'employeur dans votre projet de loi. Si vous lisez le droit que vous reconnaissez à l'employeur, il a le droit d'être informé, d'être pénalisé de participer, mais pas de prendre une décision, et c'est lui qui va être responsable de ça.

Si vous regardez l'article 81 de la loi fédérale, il y a une obligation pour chaque travailleur de porter tout équipement de sécurité requis; il y a une obligation pour chaque travailleur de faire un rapport fidèle de toute action qui puisse être sécuritaire. On ne le voit pas dans notre loi. Le problème c'est que s'il y a un problème de sécurité et de santé, c'est l'employeur qui a fait ça. Évidemment, on comprend bien des choses, on sait que des accidents sont causés, que ça peut être par la faute de l'employeur, je ne le nie pas, mais ça peut être par négligence. On a des accidents sur les routes à tous les jours. Il y en a certainement quelques-uns qui sont dus à une défectuosité de la voiture, il y en a énormément plus dont la cause est la distraction ou la négligence du conducteur.

Dans le domaine du travail, on peut avoir la même chose. Ce qu'on dit, c'est qu'on participe et on participe tous ensemble, mais on ne fait pas une confrontation. La négligence, malheureusement, que ce soit de la part du cadre ou de la part du salarié, est là. On se posait la question: Pourquoi l'obligation du salarié de prendre les mesures de sécurité n'apparaît-elle nulle part dans la loi? Je pense, M. le Président, que sur la question du droit de refus et des abus, on va en voir. J'ai mentionné un cas — c'était avant la loi — mais on a un tas d'exemples qu'on pourra vous donner, où des grèves légales ou illégales ont été justifiées dans le passé, sur la sécurité et la santé et, après coup, ce n'était pas vraiment une question de ça et c'était "monnayable". On a peur, nous, qu'il va y avoir beaucoup de chantage. J'essaie de répliquer le plus brièvement possible.

On n'a pas pu, à cause du délai, exposer tout notre mémoire, M. le Président, et je ne veux pas abuser de votre temps, car je sais qu'il y en a d'autres qui attendent.

M. Bilodeau (Alain): M. le Président, si vous me permettez un commentaire additionnel à celui de M. Heenan. À la suite des remarques de M. le ministre, je pense, quant à la question du représentant à la prévention, qu'il est inexact de dire que nous avons prôné le retrait pur et simple du représentant à la prévention. Je fais suite aux remarques de M. Laurin tout à l'heure et de Me Heenan aussi, qui parlaient de la notion de compétence. On ne croit pas que ce soit déraison-

nable — partant de là — d'exiger que l'individu en question, s'il doit exister, possède au moins une certaine crédibilité au niveau de la connaissance, si on veut, de l'entreprise ou, en fait, de ce dont il parle. Ce n'est pas déraisonnable. Cette compétence ou cette expertise pourrait se traduire, par exemple, par l'exigence d'un certain nombre d'années dans l'entreprise.

Il peut arriver — vous concevez bien, M. le ministre — par exemple, une situation où un individu qui aurait une semaine ou un mois d'expérience devant une machine donnée, à cause de son manque de connaissance approfondie de la manipulation de la machine ou de la substance, peu importe, à cause d'éléments qui lui échappent, refuse de travailler. Prenons cette hypothèse et prenons l'hypothèse, M. le ministre, où le représentant à la prévention, par exemple, serait un individu qui, lui aussi, a très peu d'expérience dans l'entreprise, de sorte que le seul individu, suivant le mécanisme prévu dans votre projet de loi, qui connaissant véritablement la substance ou la manipulation de la machine en question, ce serait, disons, un contremaître qui est là depuis quinze ou vingt ans et qui a connu la machine comme employé. Dans un cas comme celui-là, je pense que vous admettriez que l'individu serait probablement le plus en mesure de prendre une décision éclairée là-dessus et, effectivement, dans certains cas, de faire fonctionner la machine, s'il n'y a pas de danger.

La question, c'est que... Cela fait peut-être référence au pouvoir que vous qualifiez de non décisionnel, mais que nous, jusqu'à un certain point, on qualifie de décisionnel, dans un sens, du représentant à la prévention. Dans un tel cas, l'individu qui refuse quand même ou qui recommande à celui qui refuse de continuer à refuser met en branle le mécanisme prévu dans votre loi et soumet, à ce moment-là, l'employeur, qui paie pour le temps perdu, à une procédure qui ne serait pas arrivée, probablement, si on avait exigé une certaine compétence de la part du représentant à la prévention ou une certaine expertise qui, comme je le disais, n'est peut-être pas la seule solution, mais qui pourrait se traduire, par exemple, par un certain nombre d'années d'ancienneté dans l'entreprise.

D'autre part, concernant, si vous me permettez — je vais tout de suite toucher au deuxième point — la question du droit de refus, ce qui nous préoccupe surtout — vous l'avez vu dans notre mémoire — c'est la question, évidemment, d'avoir enlevé ou d'avoir exclu ce qui apparaissait dans votre livre blanc, à savoir la notion d'imminence.

Or, vous avez parlé des lois des autres provinces. Je conçois que la loi est un peu différente un peu partout, mais il reste toujours qu'au Canada, dans le code fédéral, en Colombie-Britannique, en Alberta, si je ne m'abuse, il y a cette notion. Maintenant, cette notion ne nous paraît pas déraisonnable non plus. Pourquoi? Parce qu'elle enlève, disons, ce qu'on pourrait appeler le caractère purement subjectif. L'imminence, c'est quelque chose, suivant vos termes, qui peut se concevoir naturellement. Pour employer vos termes, le droit naturel s'exerce de façon bien plus claire et bien plus évidente lorsque quelque chose est imminent. Cela paraît, ça se voit. Généralement, il y a peu de contestation là-dessus, alors que l'autre élément laisse beaucoup de place au mécanisme de subjectivité d'un individu et ça nous force, parce que votre loi ne prévoit pas, disons, un avant-phénomène... Le premier phénomène qui se produit, c'est l'arrêt de travail. Le mécanisme est déjà engagé. Il n'y a même pas de phénomène par lequel l'employeur, par exemple, est saisi d'une question avant même qu'il y ait arrêt de travail.

Or, comme le point de départ, c'est le refus de travailler, il nous semble que l'imminence, à l'instar de la législation qui existe dans les autres provinces du Canada et dans le code fédéral, n'est pas déraisonnable. D'autant plus, M. le ministre, si vous me permettez une dernière remarque, que, par exemple, il est prévu dans votre loi que même si le représentant à la prévention et le représentant de l'employeur sur le comité de sécurité sont d'accord qu'il ne s'agit pas là d'un travail dangereux, même s'ils sont d'accord tous les deux, le gars peut toujours refuser de continuer à travailler et, par conséquent, amener, si on veut, l'enchaînement du mécanisme prévu dans votre loi. Cela, M. le ministre, ce serait, entre guillemets, de "l'entêtement".

Si vous avez deux individus d'expérience qui sont d'accord que le travail n'est pas dangereux, nous nous demandons ce qui justifierait, à ce moment-là, l'individu de continuer à refuser, et qui justifie, finalement, la présomption de mauvaise foi contre l'employeur, dans un cas comme celui-là, et la présomption de bonne foi de l'employé qui continue à refuser, nonobstant que les individus étaient d'accord. Qu'est-ce qui justifierait une telle attitude? Au fond, l'employé, jusqu'à un certain point, dans une circonstance comme celle-là, malgré la recommandation qui lui est faite des deux personnes concernées, refuse quand même de travailler, et votre loi prévoit qu'il continue d'être payé, il n'a pas trop d'intérêt à ne pas refuser. D'autre part, si jamais une mesure disciplinaire était prise, ce serait l'employeur qui aurait le fardeau de la preuve, qui devrait démontrer qu'il y avait mauvaise foi.

Je pense bien que c'est plutôt à l'égard de cette orientation que vous devez tenir compte des remarques de notre mémoire et des remarques préliminaires qui étaient formulées par M. Laurin. C'est plutôt dans ce sens, un sens qui est beaucoup plus positif que celui que vous avez semblé y voir, un sens beaucoup plus positif et basé sur une réalité d'entreprise. Il ne faut pas avoir vécu longtemps dans l'entreprise, M. le Président, pour savoir qu'un individu qui est susceptible — parce que par définition, dans cette loi, on parle de choses qui sont susceptibles, éventuellement, de causer un problème, soit des machines, soit des produits, etc. - il ne faut pas avoir vécu longtemps dans une entreprise pour savoir que les gens qui sont les plus expérimentés, qui sont les plus compétents dans la connaissance du fonctionne-

ment de ces machines, ce sont généralement les gens qui y ont passé un bon bout de temps dont, entre autres, les gens qui administrent l'entreprise, les contremaîtres, les superviseurs, etc., et les employés d'expérience.

Il est prouvé qu'un employé, qu'il soit syndiqué ou non, qui travaille dans un endroit, par exemple, depuis quinze ans ou depuis vingt ans, est pas mal moins susceptible, à cause de son habitude ou de sa facilité de manipuler quelque chose, de dire: Je refuse, éventuellement. Au contraire, il ne faut pas partir d'une présomption de mauvaise foi, en d'autres termes, ni de l'employeur, ni de l'employé, mais il faut réaliser qu'en pratique, les cas où c'est susceptible de se présenter, compte tenu du mécanisme que j'expliquais tout à l'heure, compte tenu de la possibilité d'entêtement de l'employé, l'exigence d'un critère d'imminence, dans le cas du droit de refus, et l'exigence d'un critère de compétence, dans le cas du représentant à la prévention, ce sont des exigences raisonnables, qui ont du sens.

M. Paquin (Sarto): M. le Président, si vous permettez.

Le Président (M. Dussault): Oui.

M. Paquin: Je pense que les préoccupations majeures du législateur, actuellement, sont de deux ordres — sans vouloir toutes les énumérer — et pourraient se formuler de la façon suivante: Qu'est-ce qu'on fait des 70% ou à peu près d'employés qui sont non syndiqués? Deuxièmement: Qu'est-ce qu'on fait pour les petites et les moyennes entreprises? Tout cela se rattache, je pense, à la discussion que nous avons sur les comités avec pouvoirs décisionnels que vous prônez, tout ça se rattache à l'agent de prévention.

Sans vouloir répéter ce qui s'est dit tantôt, mais pour le bénéfice du ministre, je reviens et je vous invite à songer sérieusement à la proposition que nous vous formulions tantôt. Si tous les employeurs, tout le monde, avaient l'obligation de soumettre un programme de prévention élaboré conjointement avec le travailleur, qu'il soit syndiqué ou non, qu'il y ait 10, 20 ou 2000 travailleurs dans la compagnie, que ce programme soit approuvé par la commission et amendé en conséquence à la suite de nos discussions, que l'employeur ait l'obligation d'appliquer ce programme; ce qui arrive par la suite, c'est que les employés ont le droit de veiller à la mise en application de ce programme qui a été accepté par la commission. (11 h 15)

Quant au représentant à la prévention, selon nous, son importance diminue. D'abord il y a une différence majeure, je pense, entre le représentant à la prévention dans le secteur de la construction ou dans le secteur manufacturier. Je pense qu'il ne faut pas oublier que, dans le secteur manufacturier, les conditions de travail changent très peu comparativement au domaine de la construction quand vous montez une bâtisse du premier au 25e étage et, deuxièmement, si cela change, ce sont quand même des changements graduels. Votre représentant à la prévention dans l'industrie de la construction ne pourrait pas, je pense, jouer le même rôle à l'intérieur de l'entreprise ou à l'intérieur de l'industrie manufacturière d'autant plus que — en résumé, si vous voulez — tous les employés seraient des genres de représentants car ils verraient à surveiller la mise en application du programme. Le pouvoir de décision du comité, s'il a déjà le pouvoir de veiller à cette surveillance que la commission a approuvée, c'est-à-dire le programme de prévention, encore une fois, je pense que vous venez de régler en très grosse partie vos principales préoccupations. J'aimerais reprendre une suggestion, une recommandation qui vous a été faite hier par un de vos intervenants, et nous la faisons nôtre également, c'est-à-dire celle de pouvoir émettre, comme nous l'avons mentionné tantôt, des genres de certificats de conformité pour les employeurs qui répondent déjà aux normes, dans le but d'assurer qu'il n'y ait pas de nivellement par le bas ou de nivellement rétrogradant, comme le mentionnaient hier quelques intervenants.

Le Président (M. Dussault): M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Merci, M. le Président. Je vais être très bref compte tenu qu'il est déjà 11 h 15, compte tenu aussi que vous avez eu pas mal de temps, je crois, comparativement aux autres intervenants, pour présenter votre mémoire et les points de vue que vous voulez mettre de l'avant devant cette commission. C'est regrettable parce que vous êtes, selon moi, un groupe qu'on peut qualifier d'important en termes de représentativité. Vous représentez beaucoup d'entreprises, la très grande majorité des entreprises manufacturières au Québec. Évidemment, par le fait même, vous touchez plusieurs employés du Québec. J'avais des questions sur le droit de refus. Je crois que vous avez cerné pas mal la question à la suite des commentaires du ministre. J'avais un commentaire sur les comités de santé. Vous semblez plaider en faveur de comités de santé qui n'auraient que des pouvoirs consultatifs. Je décèle à la lecture de votre mémoire que vous trouvez que les pouvoirs sont larges, les pouvoirs sont accrus, les pouvoirs sont importants. Probablement qu'on n'a pas la même perception de l'interprétation du texte. Je me dis que les comités de santé et de sécurité tels qu'on les retrouve au projet de loi 17 sont des comités qui, somme toute, n'auront pas beaucoup de pouvoirs parce qu'ils ont un pouvoir décisionnel seulement dans le cas de deux articles. Ce sont les articles 63, premièrement et deuxièmement, et le pouvoir décisionnel est limité au... On peut prendre l'article 63 ici, si vous voulez bien le prendre avec moi. Les fonctions du comité de santé et de sécurité sont de choisir les moyens et équipements de protection individuels qui, tout en étant conformes aux règlements, sont les mieux adaptés aux besoins des travailleurs de l'établis-

sement et d'établir, au sein du programme de prévention, les programmes de formation et d'information en matière de santé et de sécurité. À l'article 64, il est bien spécifié qu'en cas de désaccord au sein du comité relativement aux décisions que celui-ci doit prendre conformément aux paragraphes 1 et 2 de l'article 63 les représentants des travailleurs adressent par écrit.

Somme toute, le pouvoir décisionnel est limité à l'application de ces deux articles. Pour le reste, ces comités de santé et de sécurité seront strictement des comités — comme je les qualifie — de placotage purement et simplement, parce qu'il faudra un consensus. Et il faudra non seulement un consensus des représentants des deux parties, mais l'acceptation de la part de l'employeur à l'égard des autres choses qui seront élaborées ou encore sous la juridiction dudit comité. Je me dis, de deux choses l'une avec ces comités de santé et de sécurité. Qu'on leur donne des pouvoirs, mais, si on leur en donne, qu'on leur donne de véritables pouvoirs ou encore, dans la loi, qu'on ne se cache pas à l'arrière de pseudo-pouvoirs qui sont limités comme ceux-là. Vous arrivez ce matin et vous dites: II y en a déjà trop de pouvoirs qui appartiennent à ce comité-là. Je voudrais dans un premier temps savoir si je vous ai bien compris. Je voudrais connaître votre position là-dessus.

Je voudrais aussi toucher un autre sujet que vous avez élaboré qui m'apparaît assez intéressant. C'est l'obligation faite à toutes les entreprises d'élaborer un programme de prévention. On sait que la loi va s'appliquer selon le catalogue qui sera émis par la commission de la santé et de la sécurité, parce qu'une fois que la loi sera adoptée, la commission qui chapeautera tout ça, qui remplacera la Commission des accidents du travail, éventuellement, cette commission va déterminer par règlement les catégories d'entreprises qui sont sujettes à la loi. Vous nous dites: On veut que ce soit toutes les entreprises, à partir de l'entreprise qui a 2, 3, 4 ou 5 employés. Je dois vous exprimer ma surprise, parce que généralement, vous savez, le milieu syndical se défend et fait valoir ses idées comme le milieu patronal se défend et fait valoir ses idées lui aussi.

Généralement, le milieu patronal demande le moins de procédure possible, le moins d'administration possible, le moins de paperasse possible. Vous demandez aujourd'hui d'étendre l'application de la loi aux entreprises, de ne pas la limiter aux entreprises de dix employés, mais que ce soit "at large" et s'applique à toutes les entreprises.

C'est une proposition qui me paraît, quant à moi, très intéressante et qui s'inscrit dans les commentaires du dernier intervenant de votre groupe. Est-ce que cette démarche s'inscrirait dans le cadre de la certification, tel que cela a été évoqué, hier, par les intervenants qui ont parlé d'une possible certification? Je pense que tout ça semble assez intéressant: la possibilité que la loi provoque des initiatives chez les employeurs, que les initiatives ainsi réalisées amènent un acte administratif de la commission, qui pourrait être une certification, l'étendue de cette certification.

Évidemment, on a eu l'occasion d'en parler hier. On aura l'occasion de revenir sur le sujet tant en deuxième lecture que lors de l'étude du projet de loi article par article, mais je trouve que votre suggestion est très intéressante à ce chapitre.

J'aurais eu beaucoup d'autres questions, que ce soit sur la recherche, que ce soit sur le droit de refus, mais compte tenu de l'heure et compte tenu du fait qu'on a huit groupes à entendre aujourd'hui, qu'on en est à notre 13e ou 14e journée et. comme d'autres membres de la commission l'évoquaient hier, qu'on est en train de battre tous les records d'audition, dépassant même la commission parlementaire qui a siégé pour étudier la loi 101, vous allez comprendre avec nous qu'on doive faire un peu vite ce matin.

Le Président (M. Dussault): Merci. M. le député de Portneuf, M. le député...

M. Pagé: J'avais des questions, M. le Président...

Le Président (M. Dussault): Excusez-moi, j'en ai manqué un petit bout, M. Heenan.

M. Heenan: M. le Président, j'aimerais répondre...

M. Pagé: M. Heenan, est-ce que vous me permettriez, avant...

M. Heenan: Certainement.

M. Pagé: M. le Président, je n'aimerais pas être désobligeant, la meilleure façon de ne rien manquer, c'est de rester au fauteuil.

Le Président (M. Dussault): M. le député de Portneuf...

M. Pagé: Je ne veux pas faire de procédure ce matin, mais vous savez que c'est inhabituel qu'un président...

Le Président (M. Dussault): Je vous expliquerai, dans le particulier, les raisons pour lesquelles je dois m'absenter. C'est l'obligation qui...

M. Pagé: On regardera ça en arrière du rideau.

Le Président (M. Dussault): D'accord.

M. Heenan: M. le Président, j'aimerais répondre à l'intervention intéressante du député. D'abord, je ne pense pas que vous devriez être surpris du fait que l'employeur est intéressé à la question de la sécurité et de la santé. Vous savez, un des grands défauts qu'on trouve à cette loi, c'est qu'on semble dire: Tant et aussi longtemps que le salarié est salarié, il est bon, il est conscient de la sécurité, mais du moment où ce même salarié devient contremaître ou cadre, il n'est plus intéressé, c'est un gros méchant. L'em-

ployeur est intéressé à la sécurité. Vous avez eu des mémoires de Dupont et d'Alcan. On est intéressé, pas seulement pour les grands, pour le petit, pour le moyen.

La question de la sécurité nous touche. On est responsables des produits, c'est justement ma remarque, on n'essaye pas d'éviter notre responsabilité, on admet qu'on a une certaine responsabilité dans ce domaine, on veut s'y intéresser. Mais ça ne me dérange pas, et je pense que ça ne dérange pas nos collègues que l'obligation de former un programme de prévention s'applique à tous les employeurs. J'essaie d'avoir quelque chose de pratique qui s'appliquera partout, mais que l'employeur soit le premier responsable pour le mettre en application, que ce soit approuvé et ça pourra couvrir toute... C'est différent. Évidemment, je m'inspire des articles 47 et 48 de la loi. C'est un peu comme ça que le comité de francisation a été formé.

Je pense que dans le domaine de la sécurité, cela pourrait être une innovation assez intéressante. Mais les rôles des parties seront reconnus et l'employeur pourra jouer le sien.

Vous dites, en deuxième lieu, M. le député, à l'article 39, que les comités n'ont pas de pouvoir, mais si vous examinez les droits de l'employeur qui sont cités à l'article 39, celui-ci a droit à des services de formation, il a le droit de participer à l'élaboration des normes et règlements, non pas d'en décider, mais d'y participer et d'être informé des obligations que lui imposent la présente loi et les règlements. C'est un de ses droits, d'être informé des obligations, et le droit d'être puni.

Si vous regardez l'article 63 par la suite, le comité de santé formé par l'employeur va choisir les moyens et équipements de protection individuels qui, tout en étant conformes aux règlements, sont les mieux adaptés aux besoins des travailleurs de l'établissement. C'est beaucoup dire que d'établir, au sein du programme de prévention, le programme d'information et de formation en matière de santé et de sécurité. Et s'il y a échec à l'intérieur de cela, cela passe, cela ne revient pas à l'employeur de décider de le mettre en application. Cela devient, en vertu de l'article 64, une question qui va être tranchée par la commission.

Ce que je vous dis, c'est que cela enlève beaucoup de responsabilités. Nulle part dans la loi, on ne voit l'obligation de l'employé de s'assurer de sa sécurité, qui est très importante. Si on vise vraiment la sécurité, il faut avoir un équilibre. Ce n'est pas seulement l'employeur qui est le méchant. Tout employé a l'obligation de protéger non seulement sa propre santé, mais celle des autres employés.

C'est une lacune qu'on trouve énorme dans la loi. Notre suggestion, c'est d'avoir la coopération de tout le monde dans cela, car si la sécurité et la santé deviennent une affaire de confrontation, tout le monde en souffre. Et on ne veut pas cela. On veut qu'il y ait une coopération de la part de tout le monde, que le syndicat ait son mot à dire, que le salarié non syndiqué ait son mot à dire. La sécurité est aussi valable pour les petites entreprises, évidemment, à l'intérieur du programme qu'on propose, qui est réalisable et s'inspire de l'idée du gouvernement, dans les articles 47 et 48, de l'idée du comité de francisation. Je pense que les comités, tels que constitués à l'heure actuelle, nuisent beaucoup, mais s'ils étaient formés de l'intérieur, comme M. Paquin vous l'a dit tout à l'heure, cela pourrait contribuer beaucoup à la sécurité des travailleurs dans le Québec.

M. Pagé: Une dernière question à votre procureur. Vous avez évoqué l'obligation que nous avions, tous ensemble, de faire en sorte que les inspecteurs et les agents de prévention soient des gens d'expérience. On a déjà évoqué ici — cela a peut-être commencé par une boutade, mais cela n'en est pas nécessairement une, cela peut être assez sérieux — avec d'autres groupes, il y a quelques semaines, la possibilité qu'un des critères — d'accord, cela prend de l'expérience, cela prendra une compétence qui sera contrôlée quelque part et par quelqu'un — pourrait être le fait qu'une telle fonction puisse être occupée, dans certains cas, par un travailleur qui a déjà été accidenté. Vous savez, on a donné l'exemple, autour de la table, qu'au début des gardes-chasse, bien souvent, les meilleurs gardes-chasse furent ceux qui, avant, étaient les meilleurs braconniers. Qu'est-ce que vous pensez de ce critère? Je tiens à vous dire que ce n'est pas une boutade, parce qu'on en a discuté assez longuement autour de cette table et cela a peut-être de l'allure.

M. Bourque: En deux mots, je pense qu'un tel personnage serait certainement beaucoup plus sensibilisé qu'un autre. Je ne crois pas que nous ayons des objections à un passé comme celui-là, à la condition qu'il ait aussi d'autres qualifications, c'est-à-dire qu'il soit très au fait des moyens nécessaires pour assurer la prévention et connaisse très bien l'industrie. Il n'y a pas d'opposition de principe à cela, certainement pas.

M. Bilodeau: J'aurais peut-être pu faire un commentaire additionnel, M. le député de Portneuf. Pour ma part, j'aurais beaucoup d'hésitation à ce que ce soit le premier élément ou le premier critère, ou le premier guide. Le fait qu'un individu ait déjà été accidenté, évidemment, il n'y a pas de doute que ceci n'en fait pas moins un employé qui peut être très expérimenté. L'accident, par définition, c'est une malchance, c'est un accident. Que ce soit le critère, cela me laisse fort douteux. Je pense qu'un conducteur d'automobile qui a conduit pendant 25 ans, qui n'a jamais eu d'accident, est certainement considéré comme un conducteur expérimenté, au même titre que celui qui en a déjà eu un. En fait, la règle s'appliquerait. (11 h 30)

Je ne pense pas que ce soit un critère valable, à mon avis, pour guider une législation, pour guider un principe, parce que cela nous amène à faire une présomption qui, malheureusement, n'est pas exacte, pas nécessairement exacte, et ne

traduit peut-être pas non plus exactement la vision que nous avons de ceux des employés qui n'ont pas eu d'accident. Le critère, je conviens avec vous qu'il est difficile à trouver. J'ai suggéré, par exemple, que cela pourrait être un certain nombre de données d'ancienneté dans l'entreprise, que cela pourrait être le fait qu'un individu ait déjà travaillé à ce poste-là pendant un temps X. Ce ne sont pas des vérités, j'en conviens. Cependant, un organisme comme le nôtre, des organismes syndicaux et le gouvernement auraient peut-être avantage à en discuter ensemble et à trouver cette solution. Nous sommes ouverts à cela. Ce sont des suggestions qui m'apparaissent extrêmement importantes, mais, à cette question précise, je ne vois pas que ce soit un critère important dans une loi, et cela nous amène à faire des présomptions qui, malheureusement, ne sont pas nécessairement vraies, ni à l'égard de celui qui a été accidenté, ni à l'égard des autres qui ne l'ont pas été.

M. Pagé: Je vous remercie de vos commentaires à mes questions. Je sais que c'est avec beaucoup d'intérêt qu'on a pris connaissance de votre mémoire. On n'a pas pu faire le tour de toutes les questions que vous soulevez, mais soyez certains que, quant à nous, on va en tenir compte dans nos prises de position tant à l'égard de la deuxième lecture qu'à l'égard de l'étude du projet de loi article par article. Merci, messieurs.

Le Président (M. Dussault): Merci, M. le député de Portneuf. M. le député de Joliette-Montcalm.

M. Chevrette: Merci, M. le Président. J'en avais pour deux heures et je suis limité à deux minutes. J'aurais une question à vous poser et un petit commentaire à faire. Je vais commencer par le petit commentaire, puisqu'au niveau des fournisseurs, vous êtes très réticents. Cela m'a inquiété en lisant cela dans votre mémoire, parce que je me disais: Comment un employeur peut-il dire qu'il se soucie beaucoup de la sécurité et qu'il est intéressé à la sécurité, à avoir un équipement sécuritaire, s'il ne se préoccupe pas de cette partie-là, tout en clamant qu'il s'occupe de sécurité? Cela m'apparaît très contradictoire. Je voudrais que vous me l'expliquiez.

Une deuxième chose, êtes-vous bien sérieux — là, je le dis en riant, parce que je considère que c'est parce que vous voulez arracher un morceau au gouvernement — je me demande si c'est fort sérieux, dans la conjoncture actuelle, en particulier au niveau des petites entreprises, où les salariés sont peu ou pas représentés, d'exiger le renversement du fardeau de la preuve que vous demandez dans votre mémoire? Vous dites à toutes fins utiles: C'est au salarié à faire la preuve. Comment pouvez-vous laisser cela au plus démuni, parce qu'il n'a pas de contremaître bien souvent pour le conseiller, d'autant plus que vous y mettez un encadrement épouvantable au représentant de la sécurité? Je trouve cela, en tout cas, à la lecture de votre mémoire. Comment voulez-vous que le salarié qui à ce moment-là serait obligé de faire la preuve, vous ne le placiez pas, selon vous, dans une situation complètement désavantageuse? Il me semble que, dans une conjoncture sociale qui évolue constamment et dans des milieux fort défavorisés, la preuve doit redevenir carrément à celui qui est le plus favorisé pour la faire et c'est vous autres. J'aimerais vous entendre là-dessus, parce que cela m'apparaît anormal en 1979. Cela me serait peut-être apparu normal en 1946, mais j'avais six ans. Aujourd'hui, cela m'apparaît tout à fait aberrant. Sur les fournisseurs, j'aimerais avoir une bonne explication, parce que vous affirmez carrément que vous êtes pour la sécurité et la santé. Mais, si on ne se soucie pas d'un équipement sécuritaire, comment pouvez-vous soutenir votre principe sur toute la ligne?

M. Heenan: M. le député, vos commentaires sont tellement à point que nous en avons quatre qui veulent répondre. Je vais passer le mot à Gilles Guèvremont sur les fournisseurs, c'est lui qui a abordé la question. On va revenir sur l'autre question... Si on oublie un point...

M. Chevrette: J'ai hâte de voir s'il va me répondre la même chose qu'il m'a déjà dite en 1975.

M. Heenan: Je ne sais pas.

M. Guèvremont: M. le Président, au risque de me répéter, parce que j'avais déjà traité un peu de cette question-là dans mon exposé, je crois que...

M. Chevrette: Oui, mais je n'étais malheureusement pas ici.

M. Guèvremont: Je sais. Quant aux fournisseurs, nous ne sommes pas contre ce que le député de Joliette-Montcalm vient de dire. Évidemment, tout ce que nous disions, c'est que les articles 52 à 55 traitent du fournisseur. L'esprit de la loi est qu'ils devraient traiter du fournisseur, ou du fabricant, ou du distributeur, mais ne devraient pas traiter de l'utilisateur, c'est-à-dire de I employeur lui-même alors que ses droits et obligations sont définis aux articles précédents, c'est-à-dire environ les articles 39 à 51. Dans ces articles du fournisseur, il y avait une nomenclature très large, incluant tout produit, quel qu'il soit, et nous disions que ça devrait être restreint plutôt — selon nous, l'esprit de la loi — aux matières dangereuses et contaminantes. Alors, c'était pour exclure l'utilisateur de cette section, si on en faisait une section spéciale pour le fournisseur.

M. Chevrette: Me permettez-vous de vous donner un exemple concret rapidement? Si vous achetez de la machinerie en dehors du territoire juridictionnel de la loi, on n'a absolument pas de contrôle sur le fournisseur; vous allez acheter votre machinerie au Japon et, si elle est dangereuse à mort, par quel moyen allons-nous vérifier si ce type d'équipement peut avoir des conséquences directes si on ne va pas à l'utilisateur?

M. Guèvremont: II n'y a pas simplement l'utilisateur qui soit prévu à l'article 52 et suivants, il y a aussi le fabricant, le fournisseur, le vendeur, le distributeur et l'installateur. Quant à l'installateur, même s'il est de l'extérieur, il est au moins sur place ou il a possiblement une place d'affaires au Québec ou quelque chose du genre. Nos remarques avaient trait seulement à l'utilisateur alors que nous trouvions que ça englobait l'employeur d'une manière trop spécifique dans une section qui, à notre avis, devrait plutôt viser la fabrication pour les vices cachés, etc.

Brièvement, quant au deuxième volet que vous avez soulevé, c'est-à-dire la question de mauvaise foi, nous partons du principe suivant: Le travailleur peut refuser, il y a l'étape du représentant de la prévention, il peut toujours continuer de refuser de travailler; il y a l'étape du comité consultatif, il peut encore continuer de refuser de travailler et on en vient à l'étape de l'inspecteur, où il peut toujours continuer à refuser de travailler. Selon la loi, la décision devient finale et c'est seulement à partir de ce moment que l'employeur peut imposer une mesure disciplinaire, quelle qu'elle soit. Et non seulement nous avons — je fais suite aux remarques que Me Bilodeau faisait à ce sujet — passé toutes les étapes, mais maintenant la loi nous oblige, si on impose une mesure disciplinaire, au fardeau de la preuve, soit de prouver la mauvaise foi du travailleur ou une autre cause juste et suffisante; étant une disjonctive, nous croyons que l'autre cause juste et suffisante doit s'assimiler à une preuve de mauvaise foi. Le Code du travail, par exemple, n'impose pas une telle obligation aux employeurs et la jurisprudence du Tribunal du travail et des commissaires du travail veut que, de toute manière, l'employeur doit vraiment donner une preuve très forte quant à cette cause juste et suffisante. Si vous lisez notre mémoire, aux pages 29 et 30, dans un premier temps nous renversons le fardeau de la preuve, mais dans un deuxième temps, c'est-à-dire en haut de la page 30, nous disons: Au pis aller, au moins ne nous donnez pas plus d'obligations que nous n'en avons déjà en vertu du Code du travail et enlevez cette question de mauvaise foi, laquelle, de toute manière, est illusoire quant à la preuve que nous allons devoir faire, et restons-en à cette autre cause juste et suffisante. D'accord?

Le Président (M. Dussault): Merci. M. le député de Joliette-Montcalm? Il n'y a pas d'autre intervenant; alors, au nom de la commission, je remercie l'Association des manufacturiers canadiens de leur participation aux travaux de cette commission. Je leur souhaite un bon retour.

J'invite maintenant l'Association des travailleurs accidentés de la Gaspésie à se présenter devant la commission.

M. Laurin (Guy): Je demanderais s'il est possible, M. le ministre, vos responsabilités ne vous ayant pas permis d'entendre la présentation initiale, de soustraire du procès-verbal les recommandations très pertinentes et très positives qui ont été déposées par Me Heenan, au début de notre présentation, relativement aux non-syndiqués, à la petite entreprise, et qui peuvent s'appliquer d'une façon globale. C'est une recommandation très positive qui, malheureusement, ne fait pas partie intégrante de notre mémoire, à cause de circonstances incontrôlables. Nous vous remercions.

Le Président (M. Dussault): Vous avez bien dit retiré?

M. Laurin (Guy): Non.

Le Président (M. Dussault): On a entendu "retirer", on a trouvé ça étrange.

M. Laurin (Guy): Je n'aimerais pas qu'il soit obligé de tout lire; c'est pour que cela attire son attention en particulier, afin qu'il puisse en prendre connaissance. Disons, extraire ce secteur pour qu'il en prenne connaissance, mais que ça reste partie intégrante de notre présentation.

Le Président (M. Dussault): Je pense que le message a été compris par M. le ministre. Je vous remercie encore.

M. Laurin (Guy): Merci, M. le Président, merci, M. le ministre.

Le Président (M. Dussault): Maintenant, l'Association des travailleurs accidentés de la Gaspésie.

Je prie le représentant, le porte-parole de l'Association des travailleurs accidentés de la Gaspésie de s'identifier et de nous présenter son collègue.

Association des travailleurs accidentés de la Gaspésie

M. Denis (Robert): Robert Denis, président de l'Association des travailleurs accidentés de la Gaspésie.

M. Dupuis (Roger): Roger Dupuis, vice-président...

Le Président (M. Dussault): Pardon? Pourriez-vous parler près du micro, s'il vous plaît?

M. Dupuis: Roger Dupuis, vice-président de l'Association des travailleurs accidentés de la Gaspésie.

Le Président (M. Dussault): Je m'excuse, mais je n'ai pas compris votre nom. M. Dupuis, d'accord.

M. Denis, je vous demanderais, s'il vous plaît, de nous présenter votre mémoire en 20 minutes. J'insiste beaucoup, car nous aurons des difficultés si on n'arrive pas à le faire en 20 minutes, de façon que la convention de la commission soit respectée.

Je vous laisse la parole, M. Denis.

M. Denis: J'aimerais, M. le Président, relire le mémoire pour en faire un bref aperçu. Cela durera environ de huit à dix minutes.

Le Président (M. Dussault): Vous avez la parole.

M. Denis: M. le Président, messieurs les membres de la commission parlementaire, l'Association des travailleurs accidentés de la Gaspésie compte 200 membres, résidant, pour la plupart, à l'extrémité de la péninsule gaspésienne. Ces travailleurs accidentés proviennent de différents milieux de travail, souvent non syndiqués et comptant parfois un nombre limité d'employés: petites usines de transformation de poisson, transport scolaire, projets Canada au travail, etc. Aussi, compte tenu de notre situation, nous avons consacré l'essentiel de notre mémoire à l'étude du projet de loi par rapport aux travailleurs non syndiqués de la région.

Évidemment, nous n'avons pas la prétention de parler au nom de l'ensemble des non-syndiqués gaspésiens, mais plutôt de vous livrer ici l'opinion de nos membres qui vivent cette situation. Aussi, notre approche a consisté à étudier les conséquences du projet de loi no 17 sur la vie du travailleur non syndiqué en Gaspésie.

Pour cette raison, nous avons choisi de ne pas traiter de certaines questions; composition de la Commission de la santé et de la sécurité au travail, retrait préventif de la travailleuse enceinte, dispositions relatives aux chantiers de construction, etc., puisque nous pensons que les organisations syndicales, syndicats de la construction, comité sur la condition féminine, etc., sont mieux placés que nous pour intervenir dans ces milieux.

Le projet de loi no 17 et le travailleur non syndiqué en Gaspésie. Comités de santé et de sécurité. Nous exprimons tous de sérieux doutes sur le fonctionnement de ces comités en milieux non syndiqués. Les chances que ces comités soient dominés par l'employeur sont très fortes, même dans les cas où le comité sera formé à la demande expresse de la Commission de la santé et de la sécurité au travail.

Si l'on regarde comment fonctionnent les petites entreprises de notre région, on constate souvent que le patron engage des gens de sa famille ou encore de ses "relations". Dans une telle situation, comment le comité de santé et de sécurité va-t-il pouvoir faire des revendications pour les travailleurs impliquant des dépenses supplémentaires pour le patron? Également, dans le cas de l'exercice du droit de refus d'un travail dangereux, le risque est grand qu'un travailleur du comité de santé et de sécurité refuse de se compromettre aux yeux de son patron. Et que dire des cas où l'employeur pourra faire des pressions sur le comité pour qu'il puisse remplacer un travailleur qui exercera son droit de refus?

Il n'y a a pas qu'un congédiement ou un déplacement à considérer. Il faut aussi tenir compte des chances d'avancement, surtout lorsqu'il s'agit d'une petite entreprise de type familial. Nous pensons que la santé et la sécurité des travailleurs sont des choses trop importantes pour être laissées à un comité qui risque beaucoup trop d'être dominé par l'employeur. Nous croyons plutôt que la commission devra imposer des normes strictes concernant la santé, la sécurité et l'hygiène dans l'entreprise et surtout accroître les interventions de son service d'inspection.

(11 h 45)

Le représentant à la prévention. Encore là, nos objections sont les mêmes, concernant les milieux non syndiqués. Qu'il existe ou non un comité de santé et de sécurité, quel travailleur non syndiqué va s'opposer au patron sur des questions aussi importantes, si ça risque de lui poser des problèmes. Aussi, il existe beaucoup d'entreprises en Gaspésie exerçant des activités saisonnières, par exemple, les usines de transformation de poisson, hôtellerie et le reste. Au début de chaque saison, le patron est libre de rappeler au travail qui il veut et au moment qu'il désire, puisqu'il n'y a ni syndicat, ni ancienneté L'employeur a donc d'autres moyens de dissuasion en main que le congédiement ou les mesures disciplinaires. Il peut ne pas réengager un employé trop revendicatif, ou encore le réengager plus tard. Dans ce dernier cas, le travailleur pourra avoir de la difficulté à se qualifier plus tard à des prestations d'assurance-chômage.

Je laisse la parole à mon ami Roger.

M. Dupuis: Programme de prévention. Puisque le projet de loi prévoit que ce programme sera en dernier lieu sous la responsabilité de l'employeur, nous pensons que la commission de santé et de sécurité devrait intervenir énergiquement pour édicter des règlements sévères sur la santé, la sécurité et l'hygiène, et faire en sorte que des tournées d'inspection régulières et fréquentes aient lieu dans toutes les entreprises, surtout où il n'y a pas de syndicat.

Le droit de refus. Nous pensons que le mécanisme d'exercice du droit de refus prévu dans le projet de loi est beaucoup trop compliqué, ce qui pourra avoir comme effet de rendre son application difficile en milieu non syndiqué. Nous croyons que tout le cheminement prévu aux articles 14 et 16 du projet de loi aura pour effet de retarder inutilement la décision de l'inspecteur et pourra avoir comme conséquence de limiter l'exercice de ce droit.

Il ne faut pas, à notre avis, sous-estimer les problèmes d'information qui vont se présenter en milieu non syndiqué, puisque l'employeur aura la main haute sur le programme de prévention. De même, pour les raisons que nous avons déjà mentionnées, nous doutons de l'efficacité de l'intervention du représentant à la prévention, ou encore de membres du comité de santé et de sécurité dans un milieu de travail non syndiqué. Enfin, nous avons de la difficulté à imaginer que la patron va effectuer les corrections nécessaires à une situation dangereuse si deux travailleurs les réclament au lieu d'un seul.

Nous pensons que pour favoriser l'exercice de ce droit par le travailleur non syndiqué, on devrait simplifier le plus possible les mécanismes de son

fonctionnement. Si une situation dangereuse se présente, le travailleur devra en aviser son supérieur; s'ils ne parviennent pas à une décision ensemble, on devra faire appel immédiatement à un inspecteur. Nous croyons qu'une telle solution est réaliste, compte tenu que le projet de loi prévoit déjà que l'inspecteur devra être présent dans un délai de six heures, si deux autres travailleurs sont affectés par ce droit de refus. Cette question est, selon nous, très importante et on doit tout mettre en oeuvre pour que le travailleur puisse l'exercer de la façon la plus simple possible.

C'est quoi, un travail dangereux? L'article 12 du projet de loi est, selon nous, trop rigide et son interprétation risque de réduire l'exercice du droit de refus. Qui est mieux placé que le travailleur pour déterminer ce qui est dangereux pour lui? Il est certain qu'un mineur ou un bûcheron connaît les risques inhérents à son métier et qu'il est capable de discerner une situation dangereuse. C'est d'ailleurs ce qu'on lui reconnaît à l'article 11. Aussi, nous pensons que l'article 12 aura pour effet de diminuer l'exercice du droit de refus, surtout lorsque le travailleur fera face à une situation dangereuse, mais qui ne présentera pas un danger imminent.

De plus, nous trouvons inacceptable que le projet de loi reconnaisse qu'un travail puisse être dangereux pour un travailleur et pas pour un autre. De même, l'article 28 prévoit que l'employeur pourra faire exécuter un travail par un autre travailleur si deux autres travailleurs sont affectés par l'exercice du droit de refus et si l'inspecteur n'est pas encore présent dans un délai de six heures. Évidemment, le patron devra informer cet autre travailleur du danger, mais imagine-t-on les conséquences de cette disposition dans une petite entreprise en Gaspésie? Les distances énormes à parcourir dans la région risquent d'entraîner des délais bien supérieurs à six heures. Ce droit qu'on reconnaît à l'employeur aura comme effet de diviser davantage les travailleurs, surtout dans une petite localité où tout le monde se connaît.

Nous croyons également que la Commission des affaires sociales devrait être le tribunal compétent pour rendre les décisions finales suite à l'exercice de ce droit de refus. Ceci aura pour effet, à notre avis, d'assurer une plus grande impartialité suite à la décision de l'inspecteur.

L'inspection. Nous sommes d'avis que ce sont des lois sévères et la surveillance de leur mise en application qui sont les meilleures garanties pour la sécurité des non-syndiqués. Aussi, il faudra accroître le nombre d'inspecteurs et décentraliser le plus possible le service d'inspection. Évidemment, on pourrait nous répondre qu'un tel service coûterait trop cher. Cependant, si le gouvernement reconnaît le droit à la santé et à la sécurité au travail comme un droit fondamental, il doit prendre les moyens en conséquence.

Quand on regarde les budgets qui sont accordés à la conservation de la faune en Gaspésie pour assurer la protection des animaux sauvages, on ne voit pas pourquoi il en serait autrement pour des droits aussi importants que la santé et la sécurité d'un travailleur.

Les infractions. Évidemment, nous trouvons inacceptable que l'on puisse imposer des amendes au travailleur en vertu de ce projet de loi. Le congédiement est une punition bien assez forte pour un travailleur sans qu'en plus il ait à payer l'amende ou encore qu'il soit emprisonné. Il est bien clair que, malgré la belle déclaration de principe, la prison est rarement pour les membres des corporations.

En plus des accidents de travail, des maladies industrielles et des congédiements, il va y avoir maintenant les amendes et la prison. De plus, l'article 204 prévoit qu'une poursuite pourra être intentée par tout intéressé, dont l'employeur. Est-on conscient de pouvoir qu'on concède au patron surtout dans des endroits non syndiqués où il en détient suffisamment déjà?

Nous demandons donc le retrait de toute disposition prévoyant une amende ou de l'emprisonnement pour les travailleurs.

Services de santé au travail. À ce chapitre, nous reconnaissons qu'il y a un progrès par rapport au système du médecin de compagnie où ce dernier déterminait ce qui était bon ou pas pour la santé des travailleurs. Nous soulignons en passant que l'accès d'un travailleur à son dossier médical prévu à l'article 99 du projet de loi n'est pas encore reconnu par la Loi des accidents du travail. En vertu de l'article 50 de cette loi, le travailleur ne peut obtenir son dossier médical que par l'entremise de son médecin.

Nous pensons qu'il y aurait lieu de mettre un peu d'ordre dans ces lois et de ne plus faire de distinction entre le travailleur accidenté et celui qui ne l'est pas.

Pleine compensation à la suite d'un accident du travail. Le projet de loi confirme que, dans le cas d'une travailleuse enceinte qui devra cesser le travail pendant sa grossesse, elle recevra le taux d'indemnité prévu par la Loi des accidents du travail, soit 90% du revenu net.

Nous pensons qu'on ne devrait pas pénaliser les travailleurs pour des conditions de santé et de sécurité indépendantes de leur contrôle et qu'une pleine compensation, sans perte de salaire, devrait être versée à tout travailleur accidenté qui ne peut reprendre son travail.

La conclusion de notre mémoire. La santé et la sécurité des travailleurs sont à notre avis des choses trop importantes pour qu'on puisse les confier à des organismes qui risquent d'être dominés par l'employeur, surtout en milieu non syndiqué.

Dans les milieux syndiqués, la surveillance de l'application des programmes de prévention et le contrôle de l'exercice du droit de refus devraient être de la compétence du syndicat.

Dans les entreprises non syndiquées, le gouvernement devrait adopter des règlements sévères et se doter de services d'inspection plus nombreux si vraiment la santé et la sécurité des travailleurs lui tiennent à coeur.

Le Président (M. Dussault): S'il vous plaît! Je m'excuse, mais il ne faudrait manifester d'aucune façon dans cette salle, parce que ce n'est pas permis par nos règlements. Cela dit...

Une voix: L'enthousiasme, M. le Président.

Le Président (M. Dussault): Oui, j'ai vu que c'était l'enthousiasme, mais je n'ai pas à me prononcer là-dessus. Cela dit, je vous remercie pour votre collaboration et je laisse la parole au ministre.

M. Marois: M. le Président, je voudrais d'abord remercier très sincèrement l'Association des travailleurs accidentés de la Gaspésie. Sans prendre tous et chacun des éléments de votre mémoire, vous soulevez en particulier une question qui est extrêmement importante — c'est toute la question des non-syndiqués — dans l'ensemble du projet de loi 17. Il est certain qu'il n'y a rien qui va remplacer la syndicalisation des travailleurs. Partant de là, c'est une situation de fait dans l'état actuel des choses qu'il y a quelque chose comme — si j'exclus le secteur public — environ 22% des hommes et des femmes au travail qui sont syndiqués, ce qui veut dire que, ou bien, dans un projet de loi comme cela, on ne prévoit rien pour le non-syndiqués ou, alors, on prévoit quelque chose. Bon! On est porté à retenir la deuxième hypothèse. Vous nous faites toute une série de suggestions visant notamment à assurer le renforcement des sanctions, l'application, les mesures d'intervention beaucoup plus rapides, notamment par l'inspection, etc. Je vais revenir là-dessus. Il est fort possible, dans le sens de ce que vous dites, que le projet de loi devenant loi avec les ajustements qui seront faits à la suite de tous les mémoires qui nous ont été présentés, ait pour effet de favoriser davantage la syndicalisation au Québec, surtout dans la mesure où elle permettrait une jonction plus étroite de relations entre les travailleurs syndiqués et ceux qui ne le sont pas. Dans ce sens, je voudrais vous poser une question pour avoir votre opinion, si vous pensez que c'est possible. Vous en formulez une maintenant. Vous avez des craintes quant à l'état plus ou moins bidon des comités paritaires en milieu non syndiqué, de la même façon qu'en ce qui concerne les représentants à la prévention, libérés, pour faire de l'inspection, et le reste, dans ces milieux.

Comment réagiriez-vous, à l'idée suivante, dans la mesure où existeraient des associations sectorielles, par secteurs économiques ou industriels où seraient représentés, forcément, les travailleurs, mais les travailleurs organisés? C'est extrêmement difficile, autrement, de s'assurer une représentation des travailleurs dans une association sectorielle. Forcément, ce serait ceux qui sont organisés qui seraient là, dans les secteurs économiques ou dans les secteurs de services donnés.

Comment réagiriez-vous à l'idée qu'ils soient reconnus, avec prépondérance du vote syndical, pour le choix de ça? Sur une base sectorielle ou régionale, peu importe, ce serait à voir, il y aurait la mise en place, choisie de façon prépondérante par les représentants des travailleurs syndiqués, d'une banque d'hommes ou de femmes, peu importe, de représentants à la prévention, pouvant agir sur le plan régional ou sectoriel, avec pouvoir d'entrer dans les entreprises. Ils pourraient intervenir et jouer le rôle, avec le consentement des travailleurs concernés dans des petites entreprises non syndiqués, de représentants à la prévention, avec la protection requise pour le faire.

À cette idée que j'évoquais, d'une jonction beaucoup plus étroite entre les travailleurs qui sont syndiqués et ceux qui ne le sont pas, j'aimerais avoir votre réaction à cette hypothèse; j'avoue que c'est purement une hypothèse. Ce serait ma première question.

Deuxièmement, en ce qui concerne le droit de refus, vous soulevez toute la question de la lourdeur, de la complication de la procédure; je pense que vous avez raison. On va regarder de très près la possibilité de réduire les étapes, de simplifier la procédure pour qu'elle soit beaucoup moins lourde et beaucoup plus simple, d'une part. Vous soulevez aussi à la fois l'article 12, la question du danger. Il n'est pas dans notre intention de revenir à ce qui avait déjà été évoqué dans le livre blanc, après examen, après étude, à une notion d'imminence de danger ou de gravité de danger, de danger immédiat ou de danger inhabituel. On pense que la formule qui doit être retenue, c est celle qui fait en sorte qu'on ne qualifie pas, au point de départ, le danger. L'examen de jurisprudence nous amène à conclure que la jurisprudence ne qualifie pas le danger; il y en a un ou il n'y en a pas.

Il est sûr qu'il y a des cas; le pompier qui arrive là où il y a un feu, et que ça peut impliquer la vie des autres personnes, il est certain que ça ne veut pas dire que le pompier va dire: Je n'y vais pas, il y a le feu. Il y a donc probablement moyen de trouver une formule pour le baliser de façon différente pour faire en sorte de protéger les cas où la vie d'autres travailleurs ou la vie des citoyens est en danger.

Quant à la question de l'inspection, vous avez entendu le témoignage de ceux qui vous ont précédé, qui trouvent que les sanctions sont beaucoup plus dures, et ils ont raison. Les pouvoirs de l'inspection sont beaucoup plus larges, et ils ont raison, ils sont beaucoup plus larges. Vous évoquez l'idée qui nous paraît fondamentale que si on est sérieux, non seulement il faut y mettre des ressources financières plus importantes, développer davantage le nombre d'inspecteurs, mais aussi cette idée que vous évoquez, avec laquelle on est parfaitement d'accord, qu'il faut assurer une présence, une permanence de présence en région, pour que les interventions puissent se faire de façon rapide, surtout si on vise à une simplification des procédures, à une intervention beaucoup plus rapide, beaucoup plus efficace des inspecteurs sur demande.

Bien sûr, ça vaut dans le cas des travailleurs syndiqués et il est certain que ça vaut de façon

importante dans le cas des travailleurs non syndiqués. On est bien d'accord avec vous.

Je terminerais sur une dernière remarque, vous l'évoquez dans votre mémoire, en ce qui concerne l'indemnisation sur la pleine compensation. Présentement, on est en train de préparer — cela viendra à la suite du projet de loi 17, on n'a pas pu tout faire en même temps — une réforme en profondeur de l'ensemble des régimes d'indemnisation et aussi de toute la fameuse question des expertises médicales, à partir de la fameuse idée du choix du médecin. (12 heures)

Quelles seraient les formules possibles pour éviter que les gens soient ballottés d'un médecin à un autre médecin et d'une contestation à l'expertise? Souvent, dans certains cas, cela mène à des biopsies. Et pour des biopsies par-dessus biopsies, il y a quelqu'un qui est ballotté en cours de route et qui paie pour. On pense qu'il est temps de changer cela. Il s'agit de voir par quelle formule, par quel moyen on peut y arriver. D'autant plus qu'à partir de l'introduction du régime de l'assurance automobile qui est basé sur une philosophie de remplacement du revenu, alors que l'indemnisation, dans le cas d'accidents du travail, est basé sur une philosophie de compensation pour perte d'intégrité physique, il y a deux philosophies qui sont différentes. Je pense qu'il faut aller vers la philosophie de remplacement du revenu. Et pourquoi ne regarderait-on pas la possibilité, comme vous l'évoquez, d'une pleine compensation? Ce n'est pas sans poser un certain nombre de problèmes d'ajustement, notamment, avec les autres provinces.

Enfin, c'est une hypothèse qui doit être regardée très sérieusement. On est en train de travailler là-dessus. Dès que ce sera prêt, c'est notre intention de procéder à une réforme en profondeur de ce côté-là. Voilà les commentaires que j'avais à formuler. Je tiens à remercier infiniment l'Association des travailleurs accidentés de la Gaspésie de son mémoire.

M. Denis: Je reviens à votre première question, M. le ministre, au sujet d'une organisation, d'après ce que j'ai pu comprendre, qui serait formée de syndiqués pour essayer d'aider les non-syndiqués.

Je crois que les syndiqués devraient avoir un gros pouvoir pour essayer de pénétrer le marché des petites entreprises. Dans notre bout, en Gaspésie, il y en a qui sont syndiqués et cela prend tout pour entrer. Imaginez-vous ceux qui ne sont pas de l'entreprise et qui vont essayer d'aller se fourrer le nez là, je me demande qu'est-ce que cela va faire à l'autre bout!

M. Marois: Mais est-ce que l'idée, ou l'hypothèse, peu importe la façon dont cela pourrait prendre forme, vous semble avoir du sens? Si on essayait d'examiner des hypothèses dans cette perspective, il est certain qu'il faut que la loi leur accorde le pouvoir d'entrer. C'est sûr. Sans cela, ils ne peuvent pas jouer leur rôle de représentants à la prévention. C'est certain.

M. Denis: Nous autres, ce qu'on demande actuellement en Gaspésie, pour régler le problème, c'est d'avoir un plus grand nombre d'inspecteurs et des lois plus sévères.

Le Président (M. Dussault): Je vous remercie. M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Merci, M. le Président. M. Denis, M. Dupuis, votre déclaration, ce matin, témoigne d'une réalité qui est là, qui est frappante. Je pense que le projet de loi 17 ne peut que tenir compte de cet état de fait qui existe, parce qu'on a une très grande majorité des travailleurs du Québec qui ne sont pas syndiqués.

Ce que vous évoquez, les craintes, les appréhensions, la situation qui prévaut dans certains cas, c'est vrai, on le constate dans nos comtés, on le constate par des déclarations, par des prises de position qui sont adoptées par des travailleurs, à gauche et à droite.

J'ai presque envie de vous dire cependant que ce qu'on retrouve dans votre mémoire, c'est, somme toute, un reproche — peut-être pas un reproche comme tel, mais un constat que vous faites — qui est basé sur le fait que vous n'êtes pas syndiqués. Peut-être qu'une réponse facile à cela serait de vous dire: Syndicalisez-vous. Mais peut-être que les entreprises sont trop petites, peut-être que, dans certains cas, le caractère permanent de la fonction est tel que parler de syndicalisation, dans certains cas, cela peut être illusoire, encore aujourd'hui, en 1979.

Je me dis — je suis heureux que vous veniez témoigner ce matin et j'apprécie les commentaires que vous nous faites; on devra en tenir compte — que le projet de loi, dans certains cas, à certains égards, devra avoir des dispositions plus rigides, plus fortes, donnant des pouvoirs plus certains aux travailleurs. C'est beau, dans un projet de loi comme le projet de loi 17, de donner des pouvoirs et des comités de santé, comités à gauche et à droite, agents de prévention, et tout ce beau monde-là. Mais si, dans les faits, cela ne peut pas se faire, ou encore si, dans les faits, du revers de la main, une partie, en l'occurrence, l'employeur, peut mettre tout cela de côté, il faudra composer et il faudra que le législateur ait bien à l'esprit que même dans certains milieux syndicaux, où il y a des travailleurs qui sont organisés, le droit de refus — on l'a déjà évoqué, et j'aurai moi-même l'occasion de l'évoquer avec un groupe d'intervenants cet après-midi, l'Association de la construction de Montréal et du Québec, les six associations... Prenez le secteur de la construction. Je donne cela entre parenthèses. J'ai l'impression, quant à moi, que dans ce secteur, le droit de refus est illusoire jusqu'à une certaine mesure, en raison du caractère du travail et pour une foule de motifs sur lesquels je reviendrai cet après-midi.

Si, dans les milieux syndiqués, organisés, structurés, comme le secteur de la construction, si, à certains égards le droit de refus est tout à fait illusoire, il l'est davantage, selon moi, et il y a plus de risque qu'il le soit dans les secteurs non

syndiqués. Ce que vous mettez en relief, nous y souscrivons. Nous avons les mêmes inquiétudes que vous.

D'ailleurs, j'ai eu l'occasion d'en faire part, lors de la déclaration d'ouverture au nom de l'Opposition officielle, qu'il y avait tout un milieu, tout un secteur, le secteur des travailleurs non syndiqués, un secteur où vous n'êtes malheureusement pas organisés, où vous n'êtes pas équipés pour vous défendre, où vous avez à composer avec différentes pressions venant de gauche et de droite.

Vous savez, même en 1979, alors qu'ici même on parle de belle législation, de superstructure, de budgets, de recherche, etc., il faut quand même constater que, malheureusement, au Québec, encore aujourd'hui, il y a des accidents du travail qui ne sont même pas rapportés et le gars vient nous dire dans nos bureaux: Je ne l'ai pas rapporté, parce que cela aurait fait du trouble au "boss" et patati, patata. Il m'a dit: Va-t-en chez vous. Fais-toi soigner le bout du doigt que tu viens de perdre, mon vieux, et je vais te payer deux semaines. Tu prendras une semaine de vacances. Il y a encore des cas comme ceux-là aujourd'hui. On n'a pas besoin de vous dire qu'on a tout un pas à faire en avant.

Ce n'est pas seulement un projet de loi comme le projet de loi no 17 qui, avec des belles définitions de structures, va venir régler le problème. Il faudra une concertation, il faudra un effort plus marqué. C'est une volonté politique qui peut le faire, qui va se traduire par ce que vous proposez: des normes plus sévères, une présence accrue d'inspecteurs, des budgets afférents dans le cas de certaines régions. C'est beau de parler d'inspectorat, de la présence des inspecteurs, etc., mais le problème de la Gaspésie, entre autres, le problème que vous évoquez comme celui qui rencontre des travailleurs d'autres régions du Québec, il est existant. Il y a le problème des distances, les bureaux régionaux, etc.

Ce que vous mettez en relief ce matin, on le trouve très intéressant. Quant à moi, vous n'êtes pas venus à Québec pour rien. Je suis convaincu que les membres de la commission autour de la table seront en mesure de revenir sur ces sujets-là, tant en deuxième lecture que lors de l'étude du projet de loi article par article. S'il faut renforcer le projet de loi à certains égards, le législateur le fera. Pour ce qui concerne la suggestion comme celle que le ministre a formulée tout à l'heure, en fait, ce sont des hypothèses de solutions, je ne suis pas convaincu que celle qu'il a exprimée serait la meilleure des solutions, parce que je me demande sur quoi un travailleur syndiqué pourrait s'appuyer pour avoir un pouvoir à l'intérieur d'une entreprise non syndiquée. La première question que l'employeur va lui poser: Vous n'avez pas de certificat d'accréditation, qu'est-ce que vous venez faire ici? Cela prendra tout un chapitre dans la loi pour prévoir des cas comme ceux-là, mais cela mérite certainement d'être regardé.

Vos commentaires sur l'indemnisation sont intéressants, parce que le projet de loi 17 devra aboutir à une réforme globale, à une position du gouvernement, à une retouche du gouvernement et de l'Assemblée nationale, je pense, sur tous les mécanismes d'indemnisation de la Commission des accidents du travail. Vous savez, autant il y a eu des critiques à l'égard des médecins de compagnie, autant, je pense, à certains égards, les travailleurs du Québec seraient justifiés de porter des critiques à l'égard des médecins de la Commission des accidents du travail aussi.

On a eu des modifications à la loi. On a maintenant des bureaux régionaux, des bureaux de révision. Cela s'est fait dans un esprit de droits additionnels ou de pouvoirs accrus aux travailleurs avec un droit d'appel, mais je ne suis pas convaincu que c'est concluant jusqu'à maintenant, parce que, dans le moment, on a rencontré des gens, l'Association des travailleurs accidentés de l'Outaouais, et ils nous ont dit: C'est vrai. Tu as des travailleurs "poignés" pour attendre six mois et un an avant d'avoir une décision du bureau de révision. Ce que je crains, ce qui est en train de s'instaurer, j'ai peut-être tort, je n'ai peut-être pas raison, mais la crainte que j'ai, c'est qu'actuellement la Commission des accidents du travail soit très sévère pour ce qui concerne l'établissement d'un degré d'incapacité, parce que la commission se dit, selon moi: Si le travailleur n'est pas satisfait, il ira au bureau de révision purement et simplement. Il y aura beaucoup de choses à faire. Il faudra que le législateur et que l'Assemblée nationale interviennent et révisent les programmes d'indemnisation. Tout cela se fera évidemment avec les pouvoirs de la nouvelle commission de santé et de sécurité et, à ce titre-là, vos commentaires de ce matin sont les bienvenus et je vous remercie de votre témoignage, messieurs. Merci.

Le Président (M. Dussault): II n'y pas d'autre intervenant. Avez-vous des commentaires à ajouter, MM. Denis et Dupuis?

M. Denis: Pour ce qui est du syndicat, je suis syndiqué. Je suis un travailleur de la construction. À l'heure actuelle, ceux qui sont syndiqués ont de la misère à faire respecter leurs lois. Le gars en arrière qui n'est pas syndiqué, vous imaginez-vous où il va se ramasser? Au sujet de la CAT, j'ai vécu un problème de la CAT. Cela fait un an et demi que mon cas est en révision et je n'en ai encore eu aucune nouvelle.

M. Pagé: C'est cela.

Le Président (M. Dussault): Au nom de la commission, M. Denis et M. Dupuis, je vous remercie pour votre participation et votre très grande collaboration, je le répète, aux travaux de cette commission. Bon retour.

J'invite maintenant le Comité des travailleurs accidentés de l'Estrie à se présenter devant la commission.

J'invite le porte-parole du groupe à s'identifier et à nous présenter ses collègues.

Comité des travailleurs accidentés de l'Estrie

M. Bolduc (Marcel): Je suis Marcel Bolduc, président du comité des travailleurs accidentés de l'Estrie; je suis également travailleur à temps partiel à l'Association coopérative d'économie familiale de l'Estrie au secteur travail; je travaille également à temps plein depuis quinze ans dans une usine. À ma droite, Gilles Tremblay, membre et secrétaire du comité, et Jean Ouellet, également membre du comité.

Le Président (M. Dussault): M. Bolduc, je vous demanderais de nous présenter votre mémoire à l'intérieur de 20 minutes, s'il vous plaît.

M. Bolduc: Je veux d'abord vous faire l'historique du comité. Le Comité des travailleurs accidentés de l'Estrie est né d'une initiative de l'Association coopérative d'économie familiale de l'Estrie.

L'ACEF, qui a comme principale vocation de se préoccuper des problèmes d'endettement, a constaté, via son service de consultation budgétaire, que les victimes d'accidents du travail subissent de graves problèmes d'endettement. Ce problème chez les accidentés est principalement causé soit par la perte de leur emploi, et c'est ce qui arrive de façon générale chez les non syndiqués, soit par une invalidité totale mal compensée par la commission ou tout simplement à cause d'autres problèmes avec la CAT.

C'est finalement à la fin de janvier 1979 que l'ACEF organise une soirée d'information à l'intention des travailleurs accidentés. Les quelque 25 travailleurs présents échangent sur les divers problèmes qu'ils subissent avec la CAT et, dès cette première, un comité de six membres reçoit comme mandat de soumettre à la prochaine rencontre les bases du mouvement. Le 30 mai, le comité reçoit son incorporation et procède, le 20 juin, à l'élection de son conseil d'administration, qui est composé principalement de travailleurs accidentés.

Les principaux objectifs du comité sont les suivants:

Regrouper les victimes d'accidents du travail ainsi que les travailleurs préoccupés par la santé et la sécurité au travail; ce sont principalement les non syndiqués;

Favoriser par tous les moyens la santé et la sécurité au travail et assurer la réhabilitation sociale et économique des accidentés du travail.

Le comité met à la disposition de ses membres et des travailleurs de toute la région un service de dépannage ou de consultation afin de régler les nombreux problèmes survenus avec la CAT.

Enfin, le comité des travailleurs accidentés de l'Estrie entend être un des porte-parole de tous les travailleurs et travailleuses de la région en ce qui regarde la santé et la sécurité au travail et principalement les non syndiqués qui, eux, ne possèdent aucun moyen et reçoivent peu d'information.

Le Comité des travailleurs accidentés de l'Estrie trouve important de s'opposer au projet de loi no 17, d'autant plus que, dans notre région, comme vous pouvez le constater, les conditions de santé et de sécurité sont particulièrement mauvaises. En effet, si nous regardons de près la structure de l'économie régionale de l'Estrie, nous y trouvons une situation des plus propices aux accidents du travail.

De fait, l'économie de la région est basée sur l'industrie traditionnelle, c'est-à-dire sur les secteurs les plus souvent stagnants, fonctionnant avec une machinerie des plus vétustes et une accélération sans cesse croissante des cadences où les travailleurs sont souvent payés à la pièce. Ces facteurs sont tels que, l'an dernier, la région de l'Estrie comptait 2329 accidents du travail dans les six premiers mois de l'année, ce qui représente plus de 5000 accidents pour l'année 1978.

Pis encore, c'est que ces chiffres ne tiennent pas compte des maladies industrielles; la preuve en est que 20% des travailleurs du textile dans la région souffrant de maladies pulmonaires et encore plus sont atteints de surdité industrielle. D'autres, comme les métallos, contractent la silicose ou la sidérose.

Finalement, qu'il ne s'agisse que de rappeler que les problèmes de santé pour les travailleurs qui sont obligés d'utiliser la soudure au "flux" ou de se servir de rayons X, comme c'est le cas manifeste à la Combustion Eng. de Sherbrooke, et à la UnitCast. C'est donc dire que la santé et la sécurité au travail s'avèrent un problème important pour les travailleurs de l'Estrie, trop d'entre eux se retrouvent handicapés pour le reste de leur vie.

Si le gouvernement prétend répondre aux problèmes de maladies industrielles soulevés précédemment, nous prétendons qu'il n'atteindra pas les buts visés, car le projet de loi ne satisfait aucunement les revendications des travailleurs. Dans les faits, le gouvernement évite de s'attaquer aux conditions dangereuses et permanentes qui menacent quotidiennement la santé et la sécurité des travailleurs. (12 h 15)

C'est clairement ce recul que nous dévoile une analyse du projet de loi no 17. Sur le droit individuel et collectif d'arrêter de travailler dans des conditions dangereuses et ce, sans pénalité, le projet de loi dit: "Si l'exécution du travail comporte un risque qui n'est pas normalement et habituellement inhérent aux fonctions exercées". Cet article ne sert qu'à cacher les conditions meurtrières et permanentes auxquelles sont soumis les travailleurs depuis toujours. Il va sans dire que les poussières que les travailleurs respirent à longueur d'année, la chaleur et le bruit excessif qu'ils subissent de huit à dix heures par jour, les vapeurs toxiques qui les tuent à petit feu constituent pour nous des motifs raisonnables de croire que l'exécution d'un travail dans de telles conditions est un danger pour la santé et la sécurité des travailleurs.

De plus, le projet de loi no 17 ne reconnaît pas le droit collectif d'arrêter de travailler dans des

conditions dangereuses. Dans les faits, ça veut dire qu'un patron pourra faire effectuer, par un autre travailleur, le travail dangereux qu'un autre vient de refuser: "... le refus de travailler repose sur des motifs qui sont acceptables dans le cas particulier du travailleur, mais ne justifie pas un autre travailleur de refuser le travail, l'employeur peut... faire exécuter le travail par un autre travailleur". C'est l'article 19.

Tout ce tripotage, plutôt que d'exiger que les dangers soient éliminés à la source. Mais non! c'est aux travailleurs que le gouvernement veut faire porter le poids de la santé et de la sécurité au travail, et, de ce fait, la responsabilité des accidents et des maladies industrielles.

Sur les autres revendications clés des travailleurs, c'est la même chose. Le projet de loi les refuse.

Le droit à un médecin de notre choix. Dans un premier temps, le gouvernement entend transformer les médecins de compagnie en une réserve de "médecins du travail". Dans un deuxième temps, nous devons choisir, en accord avec le patron, un médecin du travail, et, si jamais nous n'en arrivions pas à une entente sur le choix du médecin d'établissement, l'État pourra nous l'imposer. Référence à l'article 88.

Sachant bien que, dans les comités paritaires, c'est la compagnie qui a toujours le dernier mot, surtout dans les emplois non syndiqués, nous pouvons imaginer qui va décider du choix du médecin.

Les comités paritaires inefficaces. Pour poursuivre dans la même veine sur le projet de loi no 17, nous soulevons une interrogation à propos du comité paritaire rebaptisé "comité de santé et de sécurité".

L'inexpérience des travailleurs dans de tels comités les met dans un état de non-égalité avec les employeurs car les patrons pourront, plus facilement que les employés, s'adjoindre des experts pour siéger ou pour conseiller les patrons siégeant aux comités.

Cela paraît d'autant plus clair que le gouvernement du Québec concluait, dans son livre blanc sur la santé et la sécurité au travail: "... étant donné le petit nombre de comités qui ont réussi à fonctionner de façon satisfaisante, que le climat des relations entre travailleurs et employeurs, dans le domaine de la santé et de la sécurité au travail, n'est pas propice au fonctionnement de comités paritaires".

Le gouvernement veut-il nous faire croire que la situation va changer?

Voilà, en gros, les revendications que le comité des accidentés du travail de l'Estrie fait au gouvernement en vue de satisfaire les revendications des travailleurs.

Pour nous, travailleurs et travailleuses, ces pseudo-droits ne sont pas mieux qu'avant, c'est pire! Parce que, dans cette pseudo-réforme, le gouvernement met en place des "mécanismes de collaboration". Grosso modo, la partie la plus importante du document porte sur l'obligation de mettre sur pied partout, tant au niveau local que régional et sectoriel, des comités paritaires de santé et de sécurité qui verraient à résoudre les épineux problèmes de sécurité au travail.

Comme si les intérêts des travailleurs et des employeurs concernant la protection des travailleurs au niveau de la santé et sécurité au travail n'étaient pas fondamentalement opposés.

Considérant aussi que les articles no 12, no 19, no 21, deuxième alinéa, no 26, no 28, deuxième alinéa, et no 31 causent un tort inconditionnel aux travailleurs et que leur retrait est le moins que nous puissions exiger du gouvernement, nous réclamons l'abolition de ces articles de loi, pour les remplacer par d'autres qui sauraient satisfaire nos demandes dans le cas de l'article 12...

Le Président (M. Dussault): Un instant, M. Bolduc!

M. Bolduc: Oui.

Le Président (M. Dussault): Je demanderais, s'il vous plaît, aux gens derrière, à ceux qui entrent, de garder le silence, de façon que nos travaux puissent se continuer dans l'ordre. Merci. Vous pouvez continuer, M. Bolduc.

M. Bolduc: Alors, je reprends. ... par d'autres qui sauraient satisfaire nos demandes dans le cas de l'article 12 et par l'abolition pure et simple pour les articles 19, 21, deuxième alinéa, 26, 28, deuxième alinéa, et 31.

Le Président (M. Dussault): Merci, M. Bolduc. M. le ministre.

M. Marois: M. le Président, je veux remercier le Comité des travailleurs accidentés de l'Estrie de son mémoire.

Je me permettrai simplement deux remarques. La première, c'est que je pense qu'on ne fait pas tout à fait la même lecture du projet de loi, des textes et des articles. Quand vous affirmez, vers le bas de la page 6 de votre mémoire, que, dans les faits, ça veut dire qu'un patron pourra faire effectuer par un autre travailleur ou travailleuse un travail dangereux, je pense que c'est mettre de côté complètement l'article 26 de la loi, avec les exceptions qui sont prévues aux articles 19, 21 et 28. Le principe de l'économie générale du projet de loi étant le principe du non-remplacement, sauf le cas où la situation tient personnellement à l'état même d'un travailleur ou d'une travailleuse, sauf les cas où il y a eu une décision rendue par l'inspecteur, dans les cas où il n'est pas présent sur les lieux, ou si ça implique deux autres travailleurs, qui sont les cas d'exception. Le principe du non-remplacement, je ne crois pas qu'on trouve cela beaucoup dans les conventions collectives actuelles et je ne pense pas qu'on trouve ça beaucoup dans les lois qui existent actuellement dans les autres provinces et dans les autres pays. Je pense que c'est une chose qui aurait pu être relevée. Si vous avez des propositions ou des recommandations pour qu'on améliore les modalités d'application, je suis bien

prêt à les regarder, mais vous affirmez carrément que c'est l'inverse.

Je prends acte du fait que, de votre point de vue, votre opposition au projet de loi no 17 est fondée sur le fait qu'à la page 9: "... Ces pseudodroits ne sont pas mieux qu'avant: c'est pire! Parce que, dans cette pseudo-réforme, le gouvernement met en place des "mécanismes de collaboration". Je n'ai pas de question, je n'ai pas de commentaires, M. le Président.

Le Président (M. Dussault): Merci, M. le ministre. Est-ce que nos invités ont quelque chose à ajouter? M. Tremblay.

M. Tremblay (Gilles): Je vais d'abord répondre à la première remarque de M. le ministre qui concerne le remplacement possible d'un travailleur. Je prends le cas d'un travailleur à la Combustion Engineering, qui est arrivé dernièrement. Dans son cas, par exemple, il y a plusieurs travailleurs qui ont eu des problèmes dus à la soudure au "flock score" qui est un nouveau procédé de soudure. Ce qu'on lui a répondu, c'est que c'était un problème d'allergie personnelle. Même si les autres travailleurs sont dans des cas semblables, ça ne permet pas de changer, parce qu'on peut toujours arriver à dire que c'est un cas personnel. C'est souvent ce qui est fait. Dans le cas actuel, il y avait même la collaboration de la CAT pour en arriver à cela.

M. Marois: Oui, mais vous savez fort bien que l'article 19 ne dit pas que c'est une décision unilatérale de l'employeur. L'article 19 dit: "Si, à l'encontre d'une recommandation des deux membres du comité..." c'est-à-dire d'une part, le représentant du travailleur et, d'autre part, le représentant de l'employeur, ce n'est quand même pas la même chose.

M. Tremblay (Gilles): Sauf qu'on connaît le problème des comités paritaires. Je prends seulement le cas de l'usine où j'ai travaillé longtemps, Lowney's par exemple. Qu'est-ce qui arrivait dans le comité paritaire? Les délégués syndicaux, à force de rencontres avec la partie patronale, se sont fait gagner du côté de la partie patronale, de telle sorte que, finalement...

M. Marois: Là, si vous me dites que vous n'avez même pas confiance dans le représentant syndical, c'est une autre paire de manches.

M. Tremblay (Gilles): Souvent les mécanismes sont tellement forts du côté de la compagnie, ce n'est tellement pas égalitaire que, finalement, on se fait avoir au bout du compte. C'est cela, finalement, les comités paritaires.

Le Président (M. Dussault): Un instant, s'il vous plaît, derrière, je m'excuse. À nouveau, je vous demanderais, s'il vous plaît, de faire en sorte qu'on ne dérange pas les travaux. J'ai demandé au personnel d'ouvrir en haut, de façon qu'il y ait de la place pour tout le monde, je vous demande d'être patients et de faire en sorte qu'on puisse continuer nos travaux dans l'ordre.

Je m'excuse, M. Tremblay. Est-ce que vous avez terminé votre intervention? M. Bolduc.

M. Bolduc: J'aurais quelque chose à ajouter à l'intervention de M. Tremblay, au sujet de l'article 28 où on retrouve: "Si l'inspecteur n'est pas présent dans ce délai, l'employeur peut faire exécuter le travail par un autre travailleur qui accepte de le faire après avoir été informé du fait que le droit de refus a été exercé."

Je crois qu'ici on a un peu raison de demander le retrait de cet article. Si l'inspecteur ne se présente pas dans les délais prévus, même si un employeur informe un autre travailleur que quelqu'un a exercé un droit de refus, ça n'empêche pas d'exposer cet autre travailleur à un danger. Les mécanismes des articles 19, 21 et les autres qu'on veut retirer nous semblent trop lourds. C'est pour cette raison qu'on a demandé leur retrait. Évidemment, l'article 28, si l'inspecteur n'est pas là, ça n'empêche pas de mettre un autre travailleur qui lui, à son tour, va risquer d'être blessé ou accidenté à cause de l'état des lieux ou du travail.

Le Président (M. Dussault): Merci. M. le député de Portneuf.

M. Pagé: M. le Président, je serai très bref, je me limiterai à remercier M. Bolduc, M. Tremblay et M. Ouellet de leur mémoire. Vous êtes le troisième groupe de travailleurs accidentés qui venez déposer un mémoire ici. Je vous remercie. Vous avez pris connaissance des commentaires que j'ai faits tout à l'heure à l'égard des représentants de la Gaspésie, je vous les réitère et je vous remercie.

Le Président (M. Dussault): M. Bolduc.

M. Bolduc: En terminant, j'aimerais ajouter, faire une petite précision aussi, que le Comité des travailleurs accidentés de l'Estrie est relativement nouveau. Il est appuyé par des bénévoles et il ne possède pas tous les moyens qu'on retrouve dans d'autres organismes pour rédiger des mémoires et faire l'étude d'un projet de loi aussi volumineux que celui-là. Je vous remercie.

Le Président (M. Dussault): Merci au Comité des travailleurs accidentés de l'Estrie, au nom de la commission, pour sa collaboration aux travaux de cette commission. J'invite maintenant... M. Rochon est-il présent? S'il vous plaît! S'il vous plaît! On a demandé ce matin de ne manifester d'aucune façon. M. Rochon, je vous invite à vous présenter devant la commission. Pendant ce temps, je demanderais aux gens en haut de s'asseoir, s'il vous plaît. Oui, M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: M. le Président, vous venez d'adresser une demande aux gens qui sont aux étages supérieurs de s'asseoir. Je remarque, en

particulier, que ceux qui sont sur les côtés, s'ils s'assoient, ne verront pas les travaux de la commission. Il me semble que ce serait normal qu'on puisse leur permettre... C'est un cas d'exception de...

Le Président (M. Dussault): S'il vous plaît, mesdames et messieurs! Évidemment, je n'exigerai pas — d'ailleurs, je pense que cela va de soi — que ceux qui ne voient pas s'assoient absolument, mais il est dans l'ordre habituellement, autant à l'Assemblée nationale qu'au salon rouge, que les gens qui viennent entendre, qui viennent participer à nos travaux de façon plus passive s'assoient. C'est dans ce sens-là que j'ai demandé aux gens de s'asseoir. Je réitère mon invitation. Je ne donne d'ordre à personne évidemment. Je réitère mon invitation que ceux qui sont en mesure de voir nos travaux puissent s'asseoir, s'il vous plaît, de façon que nos travaux se fassent et continuent à se faire dans le décorum habituel des travaux en commission.

Ceci dit, j'invite le porte-parole — puisque, semble-t-il, il est le porte-parole d'un groupe — M. Rochon, à s'identifier et à nous présenter ses collègues.

Représentants des secteurs universitaires

M. Rochon (Jean): Merci, M. le Président. Comme préambule, je voudrais justement expliquer comment Jean Rochon existe sous douze exemplaires, ce qui n'est pas tout à fait le cas là. Lors de la présentation du mémoire que nous devions faire en prévision d'une comparution devant la commission parlementaire, la période de l'été et les délais qui étaient imposés au sein des universités avec la fin des différents programmes n'ont pas permis à tous ceux qui sont ici de se rencontrer et de pouvoir compléter leur concertation et rencontrer en même temps le délai de dépôt d'un mémoire. J'ai dû le faire en mon nom, mais en précisant dès ce moment-là, au mois d'août, au secrétaire des commissions parlementaires qu'une consultation était en marche et que, lors de la rencontre avec la commission parlementaire, le mémoire serait celui d'un groupe. Ce n'est pas une association. Ce n'est pas une organisation, mais c'est un groupe de gens d'universités qui veulent appuyer ces vues-là.

Le Président (M. Dussault): Un instant, s'il vous plaît, M. Rochon. Je voudrais une seconde fois demander la collaboration de tous les gens en cette salle pour faire en sorte que nos travaux puissent se faire dans le même esprit, le même décorum, le même ordre que cela se fait normalement. S'il vous plaît! Je demande la collaboration de tout le monde, de façon que les gens qui sont devant nous puissent exercer leur droit d'expression de la même façon que tous ceux qui ont précédé. S'il vous plaît, une seconde fois, votre collaboration, merci. M. Rochon, vous avez la parole. (12 h 30)

Une voix: Cela fait 18 mois qu'on attend votre collaboration!

Le Président (M. Dussault): M. Rochon, je m'excuse, je vais suspendre les travaux de cette commission jusqu'à 15 heures cet après-midi.

(Suspension de la séance à 12 h 31)

(Reprise de la séance à 15 h 12)

Le Président (M. Dussault): À l'ordre, s'il vous plaît!

Nous reprenons les travaux de la commission élue permanente du travail et de la main-d'oeuvre, dont le mandat est de faire l'audition des mémoires sur le projet de loi no 17, Loi sur la santé et la sécurité du travail.

Au moment où nous avons suspendu nos travaux ce matin, comme tout le monde s'en rappellera, nous étions à entendre M. Rochon, qui parlait au nom d'un groupe d'universitaires.

Je vous cède la parole, M. Rochon.

M. Rochon: Merci, M. le Président, sans plus de préambule, je continue ce que je disais ce matin. J'étais rendu au point de vous présenter brièvement les personnes qui composent ce groupe d'universitaires. Je voudrais d'abord souligner que vous avez là des gens de cinq universités, à savoir l'INRS, les Universités de Montréal et McGill, à Montréal, l'Université de Sherbrooke et l'Université Laval et des gens qui viennent de trois secteurs universitaires, soit le secteur des sciences, des sciences sociales et des sciences de la santé ou, plus spécifiquement dans la composition actuelle de la Commission, de la médecine.

À l'intérieur de ça, il y a une bonne moitié de ceux qui sont ici qui sont directement impliqués dans leur travail d'enseignement et de recherche dans les questions directement reliées aux problèmes de santé et de sécurité du travail.

Je vous énumère les gens qui sont à la table pouvant être du secteur des sciences, si vous voulez. Il y a M. Maurice Avery, de l'INRS et responsable, comme doyen des études avancées et de la recherche; il y a M. Lucien Huot, doyen de la faculté des sciences de l'Université Laval et M. Gabriel Plaa, qui est le vice-doyen à la recherche de la faculté d'études supérieures de l'Université de Montréal.

Du secteur des sciences sociales plus directement, nous avons avec nous M. Marc Renaud, professeur au département de sociologie à l'Université de Montréal et du secteur de médecine; il y a M. Bernard Bénard, vice-doyen à la recherche à la faculté de médecine de l'Université de Sherbrooke, et moi-même, doyen de la faculté de médecine à l'Université Laval.

Dans notre groupe, il y a six personnes qu'on pourrait identifier comme étant plus directement impliquées par leurs travaux d'enseignement et de

recherche au secteur de la santé et sécurité du travail. De l'Université McGill, il y a le Dr Gibbs, le directeur de l'Institut de médecine et de sécurité au travail, et le Dr Cassidy, qui enseigne à la faculté de médecine de McGill.

De l'Université de Montréal, y a M. Robert Gilbert, de l'Ecole polytechnique, département de génie industriel et M. Jules Brodeur, qui est le directeur du département d'hygiène des milieux et de santé au travail.

De Sherbrooke, il y a M. Jacques Dunnigan, directeur du programme de recherche sur l'amiante et, de Laval, M. Gilles Thériault, directeur du programme de santé au travail à la faculté de médecine de Laval.

Je voudrais vous demander, M. le Président, que les deux documents que nous avons déposés, c'est-à-dire ce qui tient lieu de mémoire, que nous avons présenté au mois d'août, et les notes complémentaires que nous avons déposées ces jours derniers, soient déposés au feuilleton, tels que présentés, de sorte qu'on puisse vous résumer très brièvement, pour accélérer les travaux, certains éléments plus importants du contenu de ces deux documents.

Le Président (M. Dussault): Cela vous est accordé par la commission. (15 h 15)

M. Rochon: Merci, M. le Président.

Comme présentation, pour laisser le plus de temps possible à mes collègues d'ajouter, au besoin, des précisions et peut-être, aussi, de répondre aux réactions que les membres de la commission pourraient avoir, je voudrais faire une synthèse, en partie, de la rationnelle qui réside derrière les documents qu'on vous a présentés, et vous faire quelques commentaires additionnels sur les recommandations plus précises, plus spécifiques qu'on veut vous faire.

Sur la rationnelle générale derrière notre démarche, je voudrais vous présenter cela brièvement sous deux têtes de chapitre. D'abord, ce qui regarde, comme rationnelle, le développement de la recherche comme tel et, deuxièmement, plus spécifiquement, ce qui concerne l'implication des universités dans un dossier comme celui-là.

En ce qui regarde la recherche, ce qui colore vraiment les intentions de notre présentation, je voudrais d'abord souligner que nous sommes très conscients que le développement de la recherche dans le domaine doit être toujours conçu et pensé comme touchant autant les aspects de santé que les aspects de sécurité des problèmes au travail. Dans le document qu'on a présenté, on mentionnait, à la page 2, plus précisément, qu'historiquement, le développement s'est d'abord fait du côté des problèmes relatifs à la sécurité comme les accidents du travail, et que c'est beaucoup plus récemment qu'on s'intéresse aux problèmes des maladies professionnelles, mais on voudrait bien souligner qu'on a l'impression que dans le domaine de la recherche, autant du côté santé que du côté sécurité, le développement est très insuffisant, encore assez embryonnaire et très limité, même si les programmes d'action ont été beaucoup plus développés du côté de la sécurité plutôt que de la santé.

L'intention de notre présentation et des recommandations qu'on fait est, d'une façon générale, en accord complet avec l'orientation principale et les idées générales du projet de loi. Ce qu'on voudrait suggérer, c'est un regroupement des idées, et peut-être de développer davantage l'emphase sur certains aspects de la recherche, pour qu'on ait dans un projet de loi comme celui-là un ensemble de mesures qui soient complètes et cohérentes avec le développement de la recherche. Le danger actuel, a-t-on l'impression — ce n'est pas que ce n'est pas bon — c'est que ça risque d'être encore un développement trop parsemé, trop ponctuel et on risque d'investir des sommes importantes qui pourront produire des résultats immédiats de recherche, mais qui risquent d'être sans lendemain et de ne pas avoir le bénéfice secondaire de bâtir une capacité de recherche. C'est donc vraiment dans le sens d'une meilleure coordination des efforts de la recherche au Québec qu'on va faire notre intervention.

Un troisième point à ce chapitre de la recherche qui nous motive beaucoup à faire cette intervention devant la commission, c'est l'importance d'avoir bien à l'esprit que le développement de la recherche, que ce soit dans n'importe quel milieu, demande un minimum de stabilité, et vue sur du moyen terme. C'est facile de penser qu'on peut commander des projets de recherche, des consultations, des contrats de recherche, et produire de la recherche comme ça; c'est possible en autant qu'on maintient une capacité de développement des ressources de recherche, surtout quand on parle d'un milieu de santé et sécurité au travail, comme domaine de recherche, la nécessité de recherches multidisciplinaires, c'est long et c'est difficile de développer le genre d'équipe multidisciplinaire qu'on veut.

Pour que ça se fasse, pour qu'on attire les meilleures compétences du Québec dans un domaine comme cela, il faut garantir un minimum de stabilité à moyen terme. Autrement, ce n'est pas pensable d'attirer la masse critique qu'il nous faut, et les gens viennent et passent au hasard des projets, mais on ne bâtit rien qui reste pour l'avenir.

Un quatrième et dernier point sur lequel on voudrait insister, c'est que le sens de notre intervention n'est pas du tout d'essayer de définir un territoire protégé. On n'a aucune prétention, ni comme chercheurs, ni comme gens qui sont dans les universités, d'essayer de dire au monde: La recherche, ça nous concerne, ne vous mêlez pas de ça, vous ne connaissez pas cela et c'est nous qui nous en occupons. Ce n'est pas ça qu'on veut dire. Ce qu'on essaie de passer comme message, c'est que dans un projet de loi où tout est bâti sur une concertation des partenaires sociaux qui sont essentiellement, dans un dossier comme celui-là, les travailleurs, les employeurs et le gouvernement pour leur différentes responsabilités, quand ils arrivent à des décisions relatives à la recherche,

on pourrait peut-être leur aider à prendre de meilleures décisions si on est un quatrième partenaire social associé à ces décisions. Si on connaît un peu notre métier et notre domaine, on pourrait peut-être participer aux décisions pour que les investissements de recherche soient faits dans des domaines où ils ont plus de chance de se développer et de rapporter. C'est dans ce sens qu'une intervention se ferait, et non pas en pensant qu'on peut en remplacer d'autres, surtout quand il est question de prendre des décisions sur la pertinence de certaines recherches, on est bien conscient, et je pense que ça fait quelques années — si on a déjà eu des prétentions contraires — que les milieux universitaires et de recherche ont concédé que les travailleurs ont le principal mot à dire avec les autres parties intéressées pour décider de ce qui est pertinent ou de ce qui ne l'est pas en ce qui les concerne.

On intervient ensuite pour pouvoir dire ce qui est faisable ou ce qui ne l'est pas à l'intérieur de la pertinence, par exemple. Ce qui est pertinent n'est pas nécessairement réalisable dans le domaine des recherches et c'est là qu'on peut peut-être aider.

Deuxième thème pour notre présentation générale: Pourquoi les universités là-dedans? Le sens de notre présentation et notre message, encore là, c'est vraiment de pouvoir vous montrer une disponibilité qui n'est pas particulière à un secteur universitaire, mais qui coupe les différents secteurs pas d'une université, mais des universités du Québec.

Il y a dans les universités une diversité de ressources et un assez grand éventail de ressources de recherche de capacité de recherche, autant de recherche fondamentale que clinique et appliquée qui oeuvrent déjà ou qui peuvent oeuvrer assez facilement dans des problèmes directement pertinents à la santé et à la sécurité des travailleurs. En plus de ce que l'on retrouve dans les différentes universités, il y a peut-être plus qu'on pourrait le croire de l'extérieur, des échanges et des collaborations entre les universités, et quand on parle de réseau universitaire, c'est peut-être encore embryonnaire par rapport à ce qu'on voudrait comme réseau, mais c'est réel, ce n'est pas juste une vue de l'esprit. Il y a beaucoup d'échanges de personnel et de projets conjoints qui se font entre les universités.

Donc, pourquoi les universités là-dedans? C'est qu'il y a d'abord, en partant, et je pense que le groupe de personnes qui est devant vous le •concrétise de façon bien vivante, des ressources qui oeuvrent déjà dans des secteurs directement pertinents à ça.

Le deuxième point, c'est qu'on a la prétention, on pense qu'on peut vous dire que les investissements de recherche qui vont se faire, s'ils se font dans ce réseau-là, il y a déjà une mise de fonds initiale considérable, cela a peut-être pas mal plus de chances d'être rentable pour la société et pour ceux qui peuvent bénéficier des résultats de la recherche, que si on ignore ça, si on passe à côté de ça, et que si on bâtit à partir de zéro quelque chose en dehors du réseau des universités.

Il y a une disponibilité, il y a des ressources, il y a de l'amélioration à faire, bien sûr, et il y a besoin de réorganiser certaines choses, mais je pense que les gens sont prêts à le faire s'il y a une collaboration à cet égard.

Finalement, pourquoi les universités, dans un dossier comme ça? Si la recherche est développée dans le réseau universitaire, en plus des avantages que j'ai déjà soulignés, il ne faut pas oublier qu'il y a quand même une mission de l'université qui lui est propre et, je pense, peu contestée, même sans être nécessairement exclusive, il y a un certain niveau de formation pour les chercheurs et pour les professionnels qui nécessairement se fait à l'université et si la recherche se développe en plus dans ce réseau-là, on vient de potentialiser et de renforcer la formation et la pertinence de la formation qu'on va donner et aux chercheurs et aux professionnels qui doivent oeuvrer dans des domaines directement reliés à la santé et à la sécurité au travail.

M. le Président, ces deux thèmes de la recherche et de l'implication de l'université, ce sont les idées générales qui ont motivé notre intervention et qui nous ont amenés à nous regrouper parce que ces idées-là, nous les partageons vraiment en commun, nous qui sommes devant vous et ceux qui, en plus, ont appuyé le mémoire qu'on vous a présenté.

Quand on arrive aux modalités, on peut évidemment discuter beaucoup de détails, mais cette problématique de fond, on la partage sans aucune retenue d'après les conversations qu'on a eues ensemble.

Si vous voulez, dans la deuxième partie de ma présentation, je voudrais ajouter quelques précisions sur les recommandations précises qu'on vous a faites. On vous a suggéré une dizaine d'articles qui pourraient être regroupés dans une section du projet de loi pour définir comment peut se développer la recherche, comment elle sera financée, quelles seraient les règles du jeu dans ce domaine-là. Je me permets d'insister sur ça, c est assez important que les règles du jeu soient comprises et soient claires dès le début. Comme on vous l'a dit, c'est coûteux et c'est difficile de réorienter des équipes de recherche. On est prêt à le faire, mais il faudrait qu'on sache un peu quelle est la règle du jeu pour ne pas risquer de recommencer trois ou quatre fois parce qu'on a mal compris. On ne comprend peut-être pas vite mais on est capable de comprendre si c'est expliqué avec détails.

Dans ce qu'on vous a présenté, le premier article dit que la commission — ce qu'on propose — constitue une banque centrale de données pertinentes à la surveillance de l'état de santé des travailleurs et de la sécurité des milieux. C est peut-être une précision qu'il faudrait apporter dans le sens où on parle de santé des travailleurs et qu'elle assure l'analyse de ces informations en collaboration avec le ministre des Affaires sociales.

Le projet de loi tel qu'il existe, à l'article 129, qui définit les fonctions de la commission, traite de ces éléments de système d'information et d'analyse des données aux paragraphes 2 et 14 de l'article. On ne propose rien de tellement différent, sauf ce qu'on veut préciser de plus, c'est que le système d'information qu'on propose ne devrait pas d'abord être une chose que la commission peut faire, comme c'est peut-être dit dans... mais c'est quelque chose qu'elle doit faire, parce que cela nous semble être un prérequis à la recherche qu'il existe un fichier et une banque de données pour nous, ce qu'on veut vraiment dire, c'est un peu un fichier de la population des travailleurs où les données qui révèlent ce qui se passe de l'état de santé et des risques à la santé de ces gens-là, soient centralisés, soient analysés et que cette information soit distribuée aux travailleurs, aux employeurs, aux centres hospitaliers, à tous ceux qui peuvent les utiliser pour développer de la recherche ou orienter leur action là-dedans.

Le sens précis de l'article est vraiment d'un fichier central et non pas d'une banque de données où on ramasse tout ce qu'on peut penser ramasser comme données, au cas où on aurait besoin de s'en servir. C'est vraiment de l'information qu'on veut là, qui est utilisée et analysée régulièrement, et redistribuée dans le réseau.

À l'article 2 qu'on vous propose, on dit: La commission identifie les priorités de recherche en collaboration avec les organismes habilités par le gouvernement à subventionner et évaluer la recherche en santé et sécurité au travail. Cela concrétise une remarque générale que je faisais au début. On ne veut surtout pas que cela donne l'impression — et si cela en donne l'impression, cela veut dire qu'il faudra l'écrire autrement — qu'on doit intervenir pour décider à la place de ceux qui sont directement concernés, de ce qui est bon comme recherche. Mais on pense que si les trois autres partenaires sociaux sont là, on pourrait peut-être leur être utiles s'ils nous prennent comme quatrième partenaire social, pour éviter de s'embarquer dans des aventures coûteuses où peut-être qu'ils pourraient se faire dire dès le début que ce n'est pas la façon d'attaquer le problème. C'est l'aspect technique de l'affaire et on pense qu'on pourrait peut-être être utiles là-dessus.

L'article 3, où l'on dit que la commission assure la diffusion des résultats des analyses qu'elle peut faire à partir de son fichier de population et de la recherche auprès des associations syndicales, des groupes d'employeurs et des centres hospitaliers ou tout organisme intéressé.

Nous sommes bien conscients que, de toute façon, comme chercheurs, on publie nos résultats de recherche. Mais, en général, ce sont des publications, c'est une diffusion de l'information qui est faite entre les chercheurs. C'est dans un langage qui risque souvent d'être assez ésotérique et peu compréhensible, mais c'est important que cela se fasse pour que les échanges de découvertes, d'avancement des sciences, se fassent, entre ceux qui travaillent dans le même domaine, au niveau international, national et autres.

Nous sommes bien conscients que c'est important de ne pas être la seule forme de diffusion des résultats de la recherche et que ceux qui sont directement concernés par l'application possible des résultats de la recherche soient assurés que leur soit donnée une traduction, en termes concrets, de ces résultats. On pense que la commission serait pas mal mieux placée pour le faire et je pense qu'elle pourrait compter sur l'appui et la collaboration des milieux de recherche.

C'est dans ce sens-là, c'est pour compléter un peu ce qu'on contrôle déjà comme moyen de diffusion. Mais on a besoin d'aide pour aller plus loin dans notre entreprise de diffusion.

On propose après cela une triade d'articles, les articles 4, 5 et 6 qui disent — et je les rappelle tous les trois avant de faire des commentaires — que: Tout d'abord, l'article 4 dit que la commission accorde, conformément aux règlements de la présente loi, des bourses de recherche aux universités et aux organismes de recherche affiliés aux universités qui peuvent faire de la recherche au Québec, dans le domaine de la santé et de la sécurité au travail.

Cela concrétise le commentaire qu'on vous faisait au début. On pense que si un message clair est passé, qu'on compte sur la disponibilité du réseau universitaire, ce sera à l'intérieur de ce réseau, ou par ce réseau, qu'on va développer la recherche. Vous allez l'avoir, cette collaboration, cela a été annoncé en termes très clairs.

On ajoute, à l'article 5, que la commission peut faire effectuer des analyses et des études sur des problèmes spécifiques relatifs à la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles. On disait au tout début que cela prend un système équilibré pour que la recherche se développe. Évidemment, cela prend d'abord de la recherche qui est faite dans des endroits propres de recherche. Ce serait beaucoup mieux — comme le dit l'article 5 — si on pouvait compléter cela en ayant la possibilité, pour la commission, de contracter de façon pas mal plus directe, certaines analyses, certaines études, qui peuvent être faites sur des problèmes très immédiats, très spécifiques, où la problématique de l'approche de recherche n'est pas un problème. Le problème est là, on sait, d'après le développement des connaissances, comment l'approcher. Mais il y a peut-être une étude plus précise à faire pour dire: Dans ce cas-là, qu'est-ce qui est important, qu'est-ce qui l'est moins, qu'est-ce qu'on doit faire. Et cela peut être fait, sans que ce soit nécessairement par les bourses de recherche, mais par des contrats d'étude qui peuvent être alloués directement à la commission, aux universités ou à d'autres. Dans bien des cas, ce type de contrat n'est peut-être pas nécessairement le mieux réalisé par les universités. C'est donc un complément et cela concrétise que les universités n'essaient pas de préserver une chasse gardée exclusive dans ce domaine.

L'article 6, où on dit que le Conseil de la recherche en santé du Québec, en collaboration avec la commission, constitue les jurys pour procéder à l'examen des demandes de bourses de recherche et à l'évaluation des résultats quant à la

pertinence et à la valeur scientifique. Là, on voudrait se faire comprendre sur une couple de choses.

On a dit au Conseil de la recherche en santé du Québec: C'est bien plus de la façon dont on présente cela, un exemple concret qu'on veut vous donner. Ce qui nous semble important, c'est que l'attribution des fonds de recherche et l'évaluation des résultats de la recherche soient faites par un ou des organismes qui ont une connexion et qui regroupent suffisamment de chercheurs pour être identifiés par la communauté des chercheurs, comme des organismes représentatifs où peut s'appliquer ce jugement des pairs sur la qualité de leur travail. (15 h 30)

II y a tout un système d'évaluation de la recherche qui est développé, qui existe partout et qui est utilisé partout dans le monde. C'est un système critiquable, améliorable, mais c'est un peu comme la démocratie; tant qu'on n'aura pas trouvé quelque chose de mieux, on ne voit pas pourquoi on la lâcherait, sans trop savoir comment on va la remplacer.

Alors, c'est d'abord ce qu'on veut passer comme message. On utilise le Conseil des recherches en santé du Québec comme exemple. C'est un conseil qui fonctionne, qui a montré sa capacité de le faire et qui pourrait être une façon de le faire.

Évidemment, on comprend très bien que si c'était le CRSQ, le Conseil de recherches en santé au Québec qui avait ce mandat, il serait sûrement obligé de modifier beaucoup son organisation pour élargir encore davantage ses termes de référence, structurer ses comités en fonction de son nouveau mandat, pour être capable de l'absorber. Dans le groupe où on est, on a des opinions différentes sur la façon de faire cela, et on voudrait être capable de regarder les différentes modalités. Cela peut être aussi un, deux ou trois conseils. Cela n'a pas besoin d'être un seul conseil.

Mais ce qui est important, c'est que les décisions où vont les fonds et l'évaluation de la recherche soient faites par des organismes qui sont structurés à cet effet, qui vont chercher la collaboration quand il est question des jugements de pertinence des travailleurs et de ceux qui vivent avec les problèmes et qui assument la responsabilité sociale de bien dépenser et de bien évaluer l'argent de la recherche; pour quoi il est dépensé, et non pas des décisions qui sont prises sur une base strictement administrative, en dehors des organismes qui ont un mandat de recherche et d'évaluation de la recherche, de sorte qu'on ne sache plus où va l'argent et à quoi il sert et si c'est évalué vraiment par ceux qui connaissent cela.

Finalement, les derniers articles, il faut voir ensemble, sept, huit, neuf et dix. On dit que d'abord, les bourses de recherche peuvent servir, soit à la création et au maintien de postes de chercheurs, à la formation de chercheurs, au support d'équipes de recherches et au financement de projets de recherches. C'est simplement de spécifier l'éventail de modes de financement qu'il faut équilibrer si on veut que se développe la recherche.

Si on fait seulement un de ces aspects, on n'aboutit pas à des résultats de recherches sur une période continue et on risque de tarir rapidement les effectifs de recherches qui sont investis au Québec.

On dit à l'article 8 que c'est renouvelable aux conditions déterminées par règlement et par évaluation pour confirmer la stabilité d'un tel programme. On dit à l'article 9, qu'on devrait avoir dans la loi $3 millions d'identifiés pour la recherche dans le domaine de la santé au Québec. Il faut qualifier cela également. On était un peu embêté pour préciser un chiffre, parce que d'abord, on ne connaît pas... cela devrait être, à notre avis, d'abord, exprimé comme un pourcentage du budget de la commission, de sorte que cela fasse partie, comme de plus en plus dans différents domaines, d'un pourcentage des ressources qu'on identifie pour la fonction recherche et que, étant un pourcentage du budget, cela soit automatiquement indexé à la hausse ou à la baisse, avec l'évolution du budget.

On a mis plutôt un chiffre absolu, parce qu'on n'a aucune idée de ce que va être le budget d'une telle commission. Quand on dit de l'ordre de $3 millions, l'impression qu'on a, c'est qu'il y a vraiment moyen de dépenser de façon efficace pour la santé et la sécurité des travailleurs, $3 millions en plus de ce qu'on met actuellement dans le système. On a voulu mettre l'argent nouveau qu'on vous suggère, parce qu'on n'avait pas les moyens de faire une enquête approfondie pour savoir combien est fourni actuellement par différents ministères, par la Commission des accidents du travail, la CRSQ ou d'autres organismes.

Cette somme, c'est peut-être $1 million ou $2 millions actuellement. De plus, monter une banque d'information, un fichier au niveau de la commission, cela peut peut-être facilement coûter $1 million ou $1 500 000. Quant à la recherche contractuelle, la commission voudra peut-être en faire pour une valeur de $1 million ou de $2 millions.

Ce sont des estimations possibles. De plus, la recherche subventionnée pourrait sûrement utiliser, à notre avis, de façon efficace à peu près $3 millions. Mais il faudrait que ce soit restructuré autrement dans le projet de loi.

Finalement, nous disons que le Conseil de recherches en santé au Québec ou tout autre organisme choisi, devrait être obligé de donner un compte rendu détaillé et précis de la façon dont l'argent a été dépensé, sur quel projet, à qui il a été donné et quels ont été les résultats ou les publications de ces projets.

Voilà, M. le Président, les principales idées qui définissent un peu le rationnel qui nous a motivés à venir vous rencontrer pour vous suggérer une façon qui nous semble un peu meilleure que celle du projet de loi pour organiser la recherche, si vous voulez en avoir pour votre argent, et quelques détails supplémentaires qu'on vous suggère pour rendre cela plus articulé.

Merci beaucoup.

Le Président (M. Dussault): Merci, M. Rochon.

M. Marois: M. le Président, je voudrais d'abord remercier infiniment M. Rochon et le groupe d'universitaires qui l'accompagne. Je pense que vous êtes probablement — si ma mémoire est bonne — le groupe, qui devant nous, aura le mieux mis l'accent sur une des dimensions qui n'est pas la seule, mais certainement une des dimensions extrêmement importantes de tout le problème dont on parle ici, qui est celui de la santé et de la sécurité du travail, c'est-à-dire tout l'aspect de la recherche.

Effectivement, on est face à un état non seulement d'émiettement, d'éparpillement, mais il y a un effort de rattrapage absolument considérable à faire. Partant de là, compte tenu du fait que nous avons convenu, les parlementaires ici, de faire tout ce qui était humainement possible pour pouvoir entendre tous les groupes qui doivent être entendus aujourd'hui, et comme c'est vraisemblablement notre dernière journée d'audition, je serai très bref. Je me limiterai à quatre points particuliers pour essayer de pousser un petit peu plus loin avec vous, pour être sûr qu'on a bien saisi la portée d'un certain nombre de recommandations très précises sur le fond. Sur la préoccupation que vous avez, je peux vous dire qu'on la partage intégralement. Il s'agit de voir comment, selon quelle modalité... Il y a celles qui sont prévues au projet de loi, il y a celles que vous nous proposez. C'est là-dessus que je voudrais m'arrêter de façon plus spécifique. D'abord, vous nous proposez la création d'une banque centrale de données. On est d'accord sur l'idée de fond. On croyait que cela ressortait — j'aimerais que vous reveniez là-dessus — du paragraphe 2 en particulier de l'article 129. Si cela ne vous apparaît pas suffisant, pourquoi? Si vous pensez qu'il faut le dire de façon plus spécifique, on est ouvert pour regarder cela.

Deuxièmement, vous mettez forcément l'accent — c'est logique — sur la nécessité d'une diffusion qui soit la plus large possible, la plus accessible possible des résultats des travaux. C'est une chose que de les faire, et c'est une chose que de les publier, comme vous l'avez dit, dans des revues qui circulent en milieu relativement fermé, qui peuvent donner lieu à des échanges plus qu'intéressants sur le plan international, mais ce qui est fondamental pour nous, c'est que cela ait des retombées très concrètes dans le milieu de travail si on veut viser à corriger, à la source, les problèmes qui se posent à l'entreprise et qui sont la cause d'accidents et de maladies professionnelles. Donc, en ce sens, c'est absolument nécessaire. Vous avez raison de mettre l'accent là-dessus. Cela nous semblait impicite. Je ne vous cacherai pas que s'il le faut, on est bien prêt à revoir les textes pour s'assurer que c'est dit de façon très explicite. Peut-être que vous avez des suggestions très précises dans ce sens.

Troisièmement, cela peut paraître un détail à première vue, mais si vous l'avez mis, je présume que vous avez des raisons. Vous nous proposez de modifier le paragraphe 10 de l'article 129, pour remplacer le mot "recherche" par le mot "analyse". Pourquoi? Parce qu'un texte de loi, forcément, on y recourt souvent. Quand cela va bien, on n'y recourt pas. C'est comme bien d'autres choses. On y recourt quand cela va mal, donc quand cela donne lieu à des conflits, à des interprétations. En ce sens, je pense qu'il serait intéressant qu'on connaisse votre opinion là-dessus.

Le dernier point, c'est le suivant: Vous avez parlé du CRSQ, de la nécessité de la mise à contribution des universitaires et le reste. Je ne veux pas revenir là-dessus. Encore une fois, on va regarder très attentivement vos recommandations.

Hier, un groupe qui a témoigné devant nous, la CEQ, la centrale syndicale, nous a proposé la formation d'un institut de recherche en santé et sécurité du travail. Leur idée étant, notamment, si j'ai bien compris leur point de vue, qu'ils voulaient absolument être assurés que les représentants des travailleurs, comme les représentants des employeurs, soient pleinement et à part entière associés, non seulement à un lieu de rencontre avec des chercheurs du milieu universitaire ou d'ailleurs, mais participant aussi à part entière quant à la mise au point des méthodes de diffusion, de vulgarisation et de transposition en des termes concrets, c'est-à-dire pour viser encore une fois à corriger des situations décelées dans des entreprises susceptibles de causer des accidents ou de développer des maladies professionnelles, et troisièmement, d'être associés aussi à l'élaboration des priorités de recherches. J'aimerais connaître votre point de vue sur cette suggestion.

M. Rochon: Merci. Je vous fournis rapidement quelques éléments, de sorte que je laisse au besoin à mes collègues, s'il y en a qui peuvent vous éclairer un peu plus, de pouvoir le faire.

Le premier point que vous mentionnez, la question de la banque de données ou le fichier d'informations qu'on propose, alors que l'article 129, paragraphe 2, comme vous le dites très justement, dit que la commission a pour fonction de maintenir un système d'information et de gestion comprenant les données statistiques sur les domaines visés par la présente loi, etc. L'élément particulier qu'on veut souligner, c'est d'éviter de faire un système — comme ça le dit, si on interprète les mots de très près— d'information et de gestion. Il y a beaucoup d'autres organismes... prenons la Régie de l'assurance-maladie du Québec qui a un système d'information et de gestion qui est excessivement utile, mais qui est conçu en fonction de la gestion d'un plan. Si le système d'information de la commission est conçu en fonction strictement de l'administration de ces programmes, l'information est là, mais s'il n'y a pas de système d'information conçu en fonction de la surveillance de l'état de santé, ça devient excessivement difficile techniquement d'aller chercher dans une espèce d'ordinateur l'information qui est là, mais qui demande une réorganisa-

tion complète de la banque de données pour pouvoir sortir les variables qu'on veut en fonction d'une problématique de santé ou de sécurité. Cela a été bâti comme une banque d'information à des fins de décisions, de gestion et d'administration. C'est ce système qu'on voudrait souligner.

Dans un sens, la commission a besoin de deux systèmes d'information; elle en a sûrement besoin d'un à des fins d'administration des programmes, mais elle en a besoin d'un autre à des fins de surveillance de l'état de santé, et c'est peut-être des deux, mais c'est surtout du deuxième, qu'on va retirer un véritable appui aux efforts de recherche. C'est cette distinction, qui est peut-être minime, mais qui est drôlement importante dans la façon dont on utilise les données et dans ce que ça coûte aussi pour aller chercher les données après...

La question de la diffusion est évidemment implicite dans le projet de loi. Tout ce qu'on veut ajouter de plus, c'est qu'on dit: Si la responsabilité d'organiser la diffusion était identifiée plus clairement pour que ce ne soit pas l'affaire de tout le monde... Tout le monde est responsable d'en faire parce que évidemment c'est une bonne chose, mais ça finit que ça tombe entre les chaises. Personne n'en fait ou tout le monde en fait un petit peu, et ça n'a pas la coordination et l'organisation que cela devrait. On sent qu'on touche une de nos limites et, pour aller loin dans la diffusion, on est prêt à aider et à collaborer, mais on a besoin d'un leadership qui doit venir d'ailleurs que des milieux de recherches, parce qu'à un certain niveau de vulgarisation on n'est peut-être pas les mieux placés pour faire le transfert des connaissances.

Une voix: II y a des "unions " aux États-Unis qui savent tout cela.

M. Rochon: On ne demande pas mieux que de travailler avec elles ou avec des organisations semblables justement pour faire ce genre de transfert des connaissances.

L'autre point que vous mentionnez, c'est: Pourquoi a-t-on changé le mot "recherches " par "analyses ou études"? C'est justement la petite différence. Quand on parle de recherches dans un sens plus restreint, on parle vraiment de problèmes auxquels on fait face et pour lesquels non seulement on n'a pas de solution, mais souvent la méthode d'approche pour trouver la solution n'existe pas par rapport à une analyse ou à une étude qu'on veut faire où on n'a pas une réponse précise aux problèmes qu'il y a devant nous, mais c'est un domaine où les solutions sont connues... Il s'agit plus de voir pour ce problème précis, dans l'ensemble des solutions possibles, laquelle on va choisir. On peut bien dire que c'est aussi une forme de recherche, mais, sur le plan technique en général, on ne recourra pas au même genre de protocole et pas nécessairement au même genre de ressources ou au même genre de milieux pour trouver la réponse aux questions, qu'on ait affaire à l'un ou l'autre des deux problèmes.

Sur la question de l'Institut de recherches, je vais lancer la balle à d'autres de mes collègues. Il y a entre autres, avec nous, Jacques Dunnigan qui dirige lui-même un programme de recherches qui aurait pu être un institut...

Une voix: Pour prouver que l'amiante nest pas nocif!

M. Rochon: Je voudrais simplement dire, au sujet de la préoccupation que pouvait avoir la CEQ devant vous hier d'une participation au niveau de la décision et de la diffusion par les travailleurs, que nous sommes entièrement d'accord avec ça. C'est important que ça se fasse quand on décide qui va faire la recherche, à qui va aller l'argent et qu'on va évaluer les résultats de la recherche qui aura été faite. Une fois qu'on a décidé à qui on donne le contrat dans le milieu de la recherche, ça tombe du côté technique de la recherche. Alors, il n'y a pas de problème. Pour nous autres, un conseil qui serait responsable de ça, on peut bien l'appeler "institut" si on veut, mais responsable de distribuer l'argent et d'évaluer les résultats... on poursuit le même objectif, mais par un moyen différent. Il y a peut-être certains de mes collègues qui pourraient vous éclairer davantage là-dessus.

M. Chartrand: ...

Le Président (M. Jolivet): Vous aurez votre droit de parole tout à l'heure, laissez celui des autres.

M. Chartrand: ... le droit de réplique...

Le Président (M. Jolivet): Vous aurez le droit de parole... À l'ordre!

M. Chartrand: Ils ont toujours travaillé contre nous et ils veulent s'organiser pour travailler davantage contre le peuple. Des ignorants arrogants qui veulent avoir des subventions, qui sont venus demander des subventions... (15 h 45)

Le Président (M. Jolivet): Si vous voulez le droit de parole, il faudrait quand même respecter celui des autres.

M. Chartrand: Oui, vous avez raison, M. le Président, excusez-moi. Mais...

Le Président (M. Jolivet): Vous répliquerez à votre tour, quand vous avez le droit de répliquer. S'il vous plaît.

M. Dunnigan (Jacques): M. le Président, il y a eu une suggestion que vous avez rapportée hier, de la part de la CEQ, je crois, au sujet de la formation d'un institut où il pouvait être assuré que tous les partenaires sociaux, c'est-à-dire les travailleurs inclus, les chercheurs, le gouvernement, tous les intervenants pourraient participer. Si je me souviens un peu des éléments sur lesquels vous avez insisté, c'était pour assurer la

diffusion des connaissances, à savoir ce qui est toxique et ce qui ne l'est pas, à savoir quels sont les moyens qui non seulement pourraient, mais devraient être pris, etc. Dans la proposition qui vous est faite et ce que vous en avez rappelé, il n'est pas question de lieu d'exécution de la recherche. L'expérience que j'ai personnellement est qu'avant de songer à une infrastructure ou à une superstructure ou etc. — je pense qu'on est des champions au Québec pour avoir inventé tous les modèles possibles d'encadrement et après cela se demander ce qu'on va mettre dedans — je pense que ce qui est plus sain, ce n'est pas nécessairement de commencer à parler d'une structure qu'on appellerait institut, centre de, ou n'importe quoi, c'est de commencer par le commencement, c'est-à-dire d'avoir une banque de données réelles de la situation en santé et en sécurité au Québec, que ces données soient largement diffusées et qu'elles soient disponibles aussi bien aux chercheurs qu'aux travailleurs, qu'au gouvernement et qu'à l'employeur. Une fois que toute la société, avec tous ses intervenants, a pris connaissance de la situation réelle, là on peut parler de priorité en recherche, de ce qui est plus urgent. Là encore, c'est une chose qui se fait aussi avec les partenaires sociaux que sont les travailleurs, les chercheurs, le gouvernement, etc. C'est seulement ensuite qu'on peut songer à une formule qu'on pourra appeler un institut, un centre, un petit laboratoire, parce qu'il est bien sûr qu'il y a toute une série d'études, de travaux de recherche qui peuvent être exécutés à l'extérieur d'un "institut" prestigieux, un institut où il y a beaucoup de béton et de briques, etc., mais pour lequel on pense après à y mettre un contenu. J'ai une occasion en or, M. le Président, étant donné ma responsabilité comme directeur du programme de recherche sur l'amiante, de dire publiquement que j'ai écrit la semaine dernière à un éminent syndicaliste pour l'inviter personnellement à l'Université de Sherbrooke pour que je puisse...

M. Chartrand: Ce n'est pas vrai, ce n'était pas écrit dans la lettre. Ce n'est pas vrai, vous n'avez pas écrit cela.

Le Président (M. Jolivet): M. Chartrand, s'il vous plaît.

M. Chartrand: II raconte des mensonges. Il m'a dit de venir...

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre!

M. Dunnigan: C'est simplement pour assurer, non pas seulement l'éminent syndicaliste, mais tout le monde, puisque c'est maintenant public, que les chercheurs de l'Université de Sherbrooke sont convaincus que l'amiante est très toxique et que c'est précisément pour cette raison qu'on a articulé un programme d'activités de recherches qui consiste — en deux mots — à trouver des moyens pour rendre cette amiante toxique moins toxique. C'est ce sur quoi on travaille. Deuxième- ment trouver des moyens pour lesquels on pourrait songer à élaborer des technologies nouvelles, des produits nouveaux, avec la préoccupation principale de diminuer le risque d'émission de fibres aéroportées. Alors, de dire qu'on essaie de prouver que l'amiante n'est pas toxique, c'est tout le contraire. On est parfaitement convaincu que c'est toxique.

M. Chartrand: Vous venez de le dire...

Le Président (M. Jolivet): M. Chartrand, je ne voudrais pas vous rappeler à l'ordre parce que vous allez perdre votre droit de parole tout à l'heure, si cela continue.

M. Chartrand: Excusez-moi, M. le Président, mais il m'énerve beaucoup.

Le Président (M. Jolivet): II y a une façon de ne pas vous énerver, c'est de rester à l'extérieur pendant son intervention. M. Rochon.

M. Rochon: II y a des questions soulevées parmi notre délégation. M. Marc Renault aurait des informations additionnelles à fournir.

M. Renault (Marc): Je ne sais pas si ce sont des informations ou si c'est plutôt un commentaire... Je vous avoue que je partage un peu le sentiment de Michel Chartrand quand il dit que les universitaires ont souvent été et sont encore des ignorants arrogants. C'est dans un sens très particulier qu'on peut entendre ce terme-là, dans le sens où les chercheurs, les universitaires en général ont souvent utilisé le mot "autonomie" pour arriver à faire ce qu'ils voulaient sans se préoccuper des demandes de la base, sans se préoccuper de l'évaluation de la recherche par rapport à la pertinence sociale desdites recherches.

Tout ce que je veux faire remarquer, c'est que dans les recommandations qu'on vous fait, on essaie de définir le concept d'autonomie de façon différente par rapport à ce qui a été fait dans le passé. On dit fort bien et très explicitement que et les subventions de recherche et les évaluations de la recherche après coup se feraient à l'intérieur d'une commission qui, bien qu'incluant un groupe de pairs, par exemple le CRSQ, inclurait à la fois les travailleurs et les autres membres de la commission qui est créée par cette loi-ci. En d'autres mots, ce sur quoi je veux insister, c'est qu'on est fort conscient de l'espèce de mouvement social qui existe contre les universitaires disant que la recherche qui a été faite jusqu'à présent est souvent désincarnée, non pertinente. Par ailleurs, je voudrais simplement faire remarquer que dans les recommandations que nous faisons, nous avons vraiment l'intention de donner aux travailleurs la possibilité de contrôler les "outputs" de recherche. Évidemment, il s'agit de l'appliquer concrètement.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Merci, M. le Président, je vais être bref, compte tenu de l'heure avancée. On attendait votre mémoire, M. Rochon, et messieurs qui l'accompagnez aujourd'hui, avec beaucoup d'intérêt parce que la recherche est peut-être un des pivots majeurs ou un pivot très important de tout ce débat sur la santé et la sécurité au travail. Je dois vous dire, cependant, que je suis un peu surpris de votre attitude. Je trouve que votre position et vos demandes sont très modestes. Je ne suis pas un spécialiste dans vos domaines, mais je trouve, quant à moi, qu'il faudrait peut-être davantage de structures, il faudrait tout au moins rechercher une action intégrée dans le domaine de la recherche. L'impression qu'on a dans le moment, c'est qu'ils sont pas mal épars, ces efforts qui sont déployés dans le milieu universitaire, d'une part. D'autre part, il y a de la recherche qui se fait dans les entreprises, il y a de la recherche qui se fait chez les fournisseurs et je ne suis pas convaincu que c'est toujours fait avec le même objectif ou avec un commun dénominateur ou avec un objectif fondamental. Le projet de loi 17 nous dit ceci ou à peu près: La commission de santé et sécurité pourra, un peu à la pige, donner des subventions ou demander à une université ou à un groupe de chercheurs de se pencher sur tel problème ou tel dossier.

Vous savez que la CEQ a réitéré ce qu'on avait déjà formulé, nous de l'Opposition officielle, la possibilité qu'on profite du projet de loi 17 pour créer un véritable institut de recherche qui aurait plusieurs responsabilités. Je ne veux pas le définir, évidemment, mais si on veut regarder cela grosso modo, c'est évident que le premier élément important de son action serait, à partir de la banque de données, de cerner les problèmes, se tracer, somme toute, le profil d'action pendant quelques années à partir de la texture sociologique et des besoins dans le milieu. Je me réfère en cela à une expérience que j'ai vécue; elle n'est peut-être pas concluante, mais peut-être que quelqu'un ici, autour de la table, parmi ceux qui vous accompagnent, à eu à prendre connaissance de ce qui se passe en France, notamment avec le centre de recherche qu'il y a là-bas. J'ai eu l'occasion de voir ce qui s'y passait et j'ai trouvé que c'était pour le moins acceptable, de prime abord.

C'est évident que cela devrait être étudié au mérite, mais ce qu'il y a là-bas, c'est un organisme, c'est un institut de recherche scientifique, à Nancy, c'est le Centre de recherche de Nancy et il est administré de façon paritaire, financé de façon paritaire. Cet institut, si ma mémoire est fidèle, doit actionner et agir de son propre chef dans la recherche à partir des données et des problèmes, des banques d'information des caisses d'assurance et de maladie de la France. Ce centre se finance aussi en bonne partie à partir des contrats des entreprises et aussi des milieux syndicaux, parce que les milieux syndicaux sont habilités aussi et devraient, selon moi, être habilités à provoquer des recherches comme celles-là.

C'est dans ce sens-là que je trouve votre demande ou votre recommandation un peu... Je trouve que vous n'en mettez pas beaucoup. Je la trouve timide et réservée. Je peux me tromper, mais je crois et je demeure encore convaincu que si on veut avoir de bons résultats, si on veut que l'action soit intégrée et qu'on arrête d'avoir une action éparse à gauche et à droite, où tout le monde fait son petit bout de chemin dans la recherche, il faudrait peut-être avoir un institut de recherche administré de façon paritaire, qui pourrait être financé en partie par la commission de santé et de sécurité et une grande partie de son financement pourrait provenir des contrats qu'il pourrait recevoir sur des problèmes techniques et spécifiques.

J'ai vu, entre autres, un paquet de recherches, différents domaines de recherche sur le bruit, les problèmes mécaniques, la pollution, etc., qui étaient faites là-bas, mais on ne peut pas, selon moi, laisser ça au gré de la volonté. Il faut que ce soit intégré, avec une administration paritaire où les différents agents, que ce soient les travailleurs, les employeurs ou le gouvernement, seraient autour de la table, à administrer cette boîte, je suis convaincu qu'on pourrait atteindre des bons objectifs.

M. Rochon: Voulez-vous une réaction à cela tout de suite? Je pense...

M. Pagé: Oui. En fait, c'est le seul commentaire que j'ai à formuler.

M. Rochon: J'aurais sûrement quelque chose à dire, mais je pense que Gilles Thériault pourrait fournir une réponse là-dessus.

M. Thériault (Gilles): Je partage votre inquiétude quand vous décrivez la situation de la recherche actuellement, en santé et sécurité du travail, comme étant précaire. Étant moi-même un chercheur, je peux vous dire que ce n'est peut-être pas la situation la plus sécurisante actuellement. On n'est pas nombreux et on est très mal encadrés. Dans ce sens, c'est ce qui vient justifier notre demande, qu'il y ait un meilleur encadrement, qu'il y ait plus de structures pour permettre un développement de la recherche d'une plus grande envergure. Mais là où se posent des problèmes importants, si je regarde le projet de loi qui est devant nous, il y a un besoin d'information, de formation, d'éducation, de renseignements à tous les secteurs de la société, à tous les niveaux.

Si la recherche n'est pas située à côté de ces endroits où se donne cette formation, si elle ne vient pas appuyer tous ces programmes, si on la sépare de ce milieu, je pense que c'est la société, dans son ensemble, qui en souffrira. On serait regagnant si on avait des projets de recherche peut-être plus beaux, plus attirants, de meilleure qualité, mais ils ne pourraient pas être communiqués aussi bien que si le projet se faisait en milieu universitaire. C'est donc devant ce dilemme que, pour notre part, on préconise qu'il y ait davantage de ressources mises à la disposition des gens qui font de la recherche au sein des universités, mais

je crois qu'il faut, à tout prix, leur assurer une certaine stabilité, un certain encadrement, une certaine structure, ce qui n'existe malheureusement pas à l'heure actuelle.

M. Pagé: Oui, mais le fait de créer, par la loi, un institut de recherche n'enlève en rien la possibilité que cet institut continue à recueillir, à animer, à motiver ce qui se passe de bien dans le milieu universitaire dans le moment. En fait, je me trompe peut-être, mais je perçois une crainte de votre part que le fait d'avoir un institut de recherche ayant un mandat spécifique n'enlève le pouvoir d'action ou d'intervention des universités. Je ne pense pas que l'un aille nécessairement avec l'autre.

M. Thériault: Cela dépend peut-être de ce qu'on entend par institut de recherche. Si on parle d'un centre où on rassemble l'information, où on la fait connaître, où on la diffuse, en aucun cas cela ne vient nuire que des recherches se fassent au sein même des universités. Si, par ailleurs, on parle d'un endroit où, de fait, s'exécute la recherche, un endroit où on regroupe des chercheurs, il faut être réaliste. Au Québec, actuellement, il n'y en a pas des milliers, il n'y a pas surabondance, c'est une rareté que des chercheurs dans ce domaine. Un tel centre aura probablement comme effet de drainer une grande partie des ressources déjà minimes au sein des universités et de créer un vacuum à cet endroit.

M. Pagé: Je veux...

M. Rochon: Je pense que M. Bénard pourrait répondre à votre question.

M. Bénard (Bernard): Si c'est dans la même veine, M. le député de Portneuf, vous faites allusion à l'institut de Nancy, je pense qu'en plus de faire de la recherche, il soumet un nombre considérable de contrats à d'autres groupes de chercheurs à travers la France pour solutionner des problèmes précis. Je pense qu'un collègue d'entre nous, ce matin, mentionnait qu'il y a peut-être au-delà d'une trentaine de disciplines qui sont impliquées, qui peuvent être impliquées dans des activités de recherche. C'est donc dire le personnel considérable qui devrait y être affecté, si on dit que l'institut, c'est un endroit unique où se ferait ce genre de recherche; ça demanderait des investissements considérables.

Le terme institut, comme mon collègue vient de le mentionner, peut être extrêmement élastique dans sa conception et j'imagine que c'est probablement dans ce contexte ou dans cette acceptation que vous le concevez. (16 heures)

Par ailleurs, j'imagine que le gouvernement et ses partenaires sociaux ne veulent pas que ce soit un feu de paille, ce genre de désir ou cette attention portée à la sécurité au travail. Par le fait même, il faut envisager, non seulement d'assurer une relève de ce qui existe déjà, et de l'amélio- rer — je pense que c'est le souhait de tout le monde — mais quand on dit assurer une relève, on parle d'élément de formation. Sur ce plan, les universités ont une fonction importante à contribuer pour assurer ce genre de problématique. En ce sens, si l'on pense à institut dans le sens que vous mentionniez tantôt, je pense que ce serait important de penser à la formation également, et de trouver un moyen de relier le tout au monde universitaire d'une façon ou d'une autre.

M. Rochon: Si vous me permettez d'ajouter un petit élément à ce que mes collègues viennent de dire, il faudrait faire attention dans ce domaine comme dans d'autres, de ne pas aller emprunter une solution d'un autre système en prenant seulement l'élément qu'on pense faire notre affaire, parce que la France que vous avez citée... Je ne connais pas personnellement l'institut de Nancy, je connais pas mal mieux l'organisation de la recherche dans le domaine de la santé en France à travers l'INSERM, entre autres, qui a réglé beaucoup de problèmes de stabilité de la recherche qu'on a encore au Québec, mais qui a sorti la recherche des universités, qui a divorcé la recherche de la formation et des professionnels et des chercheurs et qui pose aux Français un paquet de problèmes qu'ils essaient de résoudre. Un institut défini à la française dans un système à la québécoise, il faudrait faire bien attention à l'adaptation qu'on en fait.

M. Pagé: Oui. J'espérais avoir été bien compris. Ce que j'ai dit en me référant à Nancy, c'était en termes d'objectifs et en termes d'affaires bien concrètes qui pouvaient être effectuées. Je ne suis pas convaincu qu'avec ce qui est proposé dans la loi 17 actuellement, ce soit suffisant.

M. Rochon: Non...

M. Pagé: Je ne suis pas convaincu non plus qu'à la forme que cela prendra, on puisse atteindre ce qui est prévu dans le domaine de la recherche par la loi 17; on pourrait se donner un meilleur véhicule, non pas en calquant exactement ce qui s'est passé à l'extérieur, mais en débordant un peu...

M. Rochon: C'est cela. Maintenant, je pense qu'on est d'accord sur l'objectif où cela a besoin d'une concertation et d'une coordination des décisions, quant à la recherche et à l'évaluation de la recherche et de l'implication des partenaires dans ces décisions. Il n'y a pas d'erreur. Sur les moyens, comme vous voyez, on n'a pas fait notre lit de façon particulière sur une modalité plutôt que sur les autres. Il y a différents moyens pour y arriver. Ce qu'on dit, c'est que les principaux lieux de recherche actuellement au Québec qui peuvent vous apporter une contribution sont dans les universités.

Deuxièmement, on ne pense pas qu'il y ait assez de ressources pour continuer à développer les recherches qu'il faut dans les universités, à

cause de la nécessité qu'on en a pour la formation des chercheurs pour l'avenir des professionnels, et de faire en même temps d'autres centres de recherches hors universitaires. On va manquer de monde. En réalisant surtout que la diversité des problèmes dans le domaine de la santé et sécurité du travail est tellement grande que de tous les domaines qu'on peut représenter, et on n'est pas exhaustif des secteurs universitaires actuellement de sciences, sciences sociales et de médecine, on n'épuise pas tous les domaines qui peuvent et qui actuellement contribuent, qui sont déjà engagés dans ce domaine. Il faudrait que la formule que vous trouverez, qui peut être l'institut, et, comme disent mes collègues, cela dépend ce qu'on veut dire et ce qu'il fait, si l'institut est là pour mieux coordonner ce que les universités font, pour mieux aller chercher les ressources universitaires, la collaboration des ressources universitaires sans vider les universités, on parle d'un autre animal. C'est peut-être la solution, mais il faudrait que dans la solution qu'on va trouver, qu'on n'en fasse pas seulement une partie, qu'on fasse tout le chemin, toute la logique du mécanisme qu'on veut mettre en place, de sorte que vous avez la contribution, autrement, le danger, c'est un peu comme certains ont dit pour d'autres parties de la loi, si on a l'air d'assurer le minimum, qu'il y a un institut qui va s'en occuper, d'accord, il y a bien des gens qui vont s'orienter vers d'autres domaines, l'institut est là pour le faire, alors qu'il ne pourra jamais avoir les ressources pour faire face à tous les problèmes qui se présentent dans ce domaine. C'est ce qu'on veut éviter.

M. Pagé: D'accord. C'est très bien compris, M. Rochon. Je vous remercie. Cela va coûter plus cher que $3 millions.

M. Rochon: Oui, c'est ce que j'ai dit. $3 millions, c'est ce qu'on pense être le minimum additionnel à ajouter. On est bien conscient qu'on part avec cela. On a voulu être réaliste. On a voulu vous donner des approximations de ce qui est dépensable demain matin de façon efficace, pas à faire n'importe quoi. Il faudrait que cela soit indexé et qu'à mesure que la capacité de recherche va s'améliorer, qu'on puisse l'utiliser et aller chercher ce qu'il nous faut. Merci.

M. Pagé: Merci de votre témoignage, messieurs.

Le Président (M. Dussault): Je remercie, au nom de la commission, M. Rochon et ses collègues universitaires des différentes universités québécoises pour leur collaboration et leur participation aux travaux de cette commission. Je leur souhaite un bon retour.

J'invite maintenant... M. Chartrand, je m'excuse, ce n'est pas dans l'ordre des travaux de la commission.

M. Chartrand: Vous vous la poserez si vous voulez, mais je ne la poserai pas.

Le Président (M. Dussault): Ce n'est pas non plus dans mes prérogatives de poser des questions par intermédiaire.

M. Chartrand: Quel est le problème de l'étude des Indes à Sherbrooke? Quelle est la subvention à la recherche pour les Indes à Sherbrooke, à la faculté de médecine? Cela nous touche de proche, les chromosomes!

Le Président (M. Dussault): J'invite les universitaires de Sherbrooke à envoyer une réponse à M. Chartrand sur les gènes et les chromosomes, comme il l'a demandé.

Une voix: ...

Le Président (M. Dussault): Ceci dit, j'invite maintenant l'Ordre des fermiers... Je m'excuse...

Une voix: C'est peut-être près des gènes...

Le Président (M. Dussault): C'est probablement à cause des gènes que ça m'arrive, tout ça.

Une voix: Cela l'a figé...

Le Président (M. Dussault): J'en suis profondément gêné.

J'invite donc l'Ordre des infirmières et des infirmiers du Québec à se présenter devant la commission.

Ordre des infimières et infirmiers du Québec

Mme Tellier-Cormier (Jeannine): Alors, M. le Président, messieurs les ministres qui se joindront sûrement à nous, les membres de la commission, au tout départ, je me présente. Je suis Jeannine Tellier-Cormier, présidente de l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec. À mon extrême droite, Louiselle Bouffard, conseiller en nursing; à ma droite immédiate, Me Pierre Bourbonnais, conseiller juridique de l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec; à mon extrême gauche, Louise Fontaine, conseiller en nursing et, à ma gauche immédiate, Odile Larose, directeur du secteur nursing à l'ordre.

M. Dussault: Mme Tellier-Cormier, on a eu l'occasion de s'en parler, vous m'avez dit que vous pourriez présenter votre mémoire dans les 20 minutes prévues et nous vous offrons la possibilité de verser au journal des Débats votre mémoire intégralement. (Voir annexe B)

Mme Tellier-Cormier: C'est parfait, je vous remercie. Toutefois, je remettais ce matin, au niveau du secrétariat, le texte de la présentation qui résume le mémoire.

Le Président (M. Dussault): D'accord.

Mme Tellier-Cormier: Dans un premier temps, permettez-moi de vous remercier d'avoir bien

voulu accorder un moment à l'ordre pour expliciter sa position face au projet de loi sur la santé et la sécurité du travail. Tel que convenu, je serai brève. Je prendrai à peine dix minutes pour la présentation.

Je me limiterai toutefois aux points essentiels et, à ce moment-là, je voudrais souligner, premièrement, l'importance de l'infirmière et de l'infirmier en matière de santé et sécurité au travail; dans un deuxième temps, traduire la réaction favorable du bureau de l'ordre face au projet de loi no 17; troisièmement, rapporter l'inquiétude du bureau de l'ordre face au projet de loi no 17 et, dans un dernier temps, voir l'applicabilité de ce projet de loi, compte tenu d'une approche globale de la santé et de la sécurité au travail.

Donc, l'importance de l'infirmière et de l'infirmier en matière de santé au travail. Vous ne serez certainement pas étonnés si je dis que les infirmières ou les infirmiers sont directement concernés par les mesures législatives qui seront prises par vous en ce qui a trait à la santé et la sécurité du travail. En effet, les statistiques de 1979 démontrent que plus de 545 infirmières et infirmiers oeuvrent actuellement dans différentes entreprises ou industries. L'implication des infirmières et des infirmiers dans les milieux de travail n'est pas d'aujourd'hui. Depuis très longtemps, en tant que professionnels de la santé, nous nous préoccupons de la santé des travailleurs, tant au niveau physique, qu'aux niveaux psychologique et social. Par exemple, dès 1964, une infirmière recevait une reconnaissance provinciale pour son action à sauvegarder la sécurité des travailleurs.

Qu'on le veuille ou non, l'infirmière ou l'infirmier, de par la définition de son exercice professionnel, est une personne clef dans la distribution des soins aux travailleurs. Ne perdons pas de vue que l'infirmière ou l'infirmier, en plus de dispenser les soins que requiert le traitement des travailleurs, se doit de planifier, de prodiguer et de contrôler des soins infirmiers qui répondent aux besoins de santé des individus concernés.

Il apparaît donc superflu de définir notre rôle par rapport à d'autres catégories de professionnels de la santé. Cependant, la réalité illustre concrètement que l'engagement professionnel de l'infirmière ou de l'infirmier dans les milieux de travail doit être considéré à sa juste valeur puisque nous sommes, en tant que professionnels, les plus directement confrontés aux besoins de santé des travailleurs, pour ne citer que l'exemple de l'individu qui se présente au service de santé pour recevoir les soins prescrits par le médecin, mais également qui profite de l'occasion pour exprimer des inquiétudes, voire pour interroger l'infirmière ou l'infirmier sur les directives de santé qu'il devrait envisager concernant une foule de situations personnelles ou familiales.

Dans un deuxième temps, réaction favorable du bureau de l'ordre face au projet de loi no 17. C'est avec un intérêt soutenu que nous avons suivi le cours de la réforme proposée par le gouverne- ment tant par le biais de son livre blanc concernant la santé et la sécurité au travail que par le projet de loi no 17 qui a trait plus spécifiquement à la santé et à la sécurité du travail. En tant que porte-parole des 46 000 infirmières et infirmiers, je désire soumettre à l'attention du législateur le fait que nous sommes d'accord avec le projet de loi no 17 tel qu'énoncé dans son ensemble dans la mesure où il est compris et interprété pour sa raison d'être, c'est-à-dire viser à éliminer à la source même les causes d'accidents et de maladies professionnelles et, par conséquent, sauvegarder l'intégrité physique des travailleurs.

Il ne faut pas l'oublier, ce projet de loi fut conçu non pour les professionnels de la santé, mais pour les travailleurs. Si nous gardons au premier plan les travailleurs eux-mêmes, il faut que des mesures législatives soient prises pour offrir un minimum de sécurité et de santé aux individus qui investissent le tiers de leur vie et parfois plus dans un milieu de travail. Certes, le gouvernement apporte une solution à la multiplicité de la législation préventive et de l'indemnisation en matière de sécurité et de santé physique du travailleur tout en unifiant les responsabilités administratives. De plus, le projet de loi permet sans aucun doute un essai de prise en charge de la sécurité et de la santé physique par les travailleurs dans leur milieu de travail.

Inquiétudes face au projet de loi no 17. Il serait difficile d'adhérer au fait que ce projet de loi concernant la santé et la sécurité au travail puisse être susceptible d'interprétation dépassant les propositions législatives actuelles. Il faut bien se le dire et ne pas avoir peur de la signification des mots: La santé et la sécurité du travail, tout comme la médecine du travail, ne rejoignent nullement le concept de la santé et de la sécurité au travail. L'ordre s'opposerait fortement à ce projet de loi si une telle interprétation en était faite. En somme, quoique le bureau de l'ordre soit d'accord avec les dispositions législatives contenues dans ce projet de loi pour circonscrire, en quelque sorte, une problématique existant depuis toujours dans les milieux de travail concernant le nombre effarant d'accidents et de maladies professionnelles, il demeure que le bureau de l'ordre s'oppose à l'idée que la santé et la sécurité au travail se limitent à la seule dimension physique du travailleur et à la seule action du personnel médical qui, par l'unique voie consultative des personnes concernées, tenterait l'impossible avec toute autorité conférée par une loi.

Lors de la mise en application des dispositions législatives, il faudra prévoir des moyens pour éviter que le régime proposé ne devienne un système parallèle privilégié et qu'il ne dépasse le cadre prévu de la protection de la santé, de la sécurité et de l'intégrité physique des travailleurs. Outrepasser les dispositions législatives serait prétendre avoir les connaissances, le pouvoir et l'autorité d'exercer seul les responsabilités qui peuvent certes être assumées, de par la Loi sur les

services de santé et les services sociaux, par les différents établissements du système de santé et, conséquemment, par les différents professionnels de la santé. (16 h 15)

L'applicabilité de ce projet de loi, compte tenu d'une approche globale de la santé et de la sécurité au travail. Le bureau de l'ordre s'interroge non pas sur l'action préliminaire entreprise par le gouvernement pour éliminer les causes d'accidents, et de maladies professionnelles, mais sur les étapes ultérieures qu'entend entreprendre le gouvernement pour intégrer tous les services de santé disponibles en matière de santé au travail tout en respectant l'approche globale de la santé et, par le fait même, l'idéologie qui est à la base du système de distribution des services de santé au Québec.

La prise en charge de la sécurité et de la santé au travail ne se limite pas à la distribution de services offerts par un seul type de professionnel ou sous son entière autorité et son contrôle direct en vue de conserver seulement la sécurité et l'intégrité physique du travailleur.

Le législateur sait aussi bien que les membres de cette commission que l'approche globale de la santé et de la sécurité au travail sous-tend l'action de différents professionnels de la santé afin de promouvoir l'intégrité biopsychosociale du travailleur, tant au niveau de la promotion de la santé, de la prévention de la maladie, de la réadaptation que de l'aide nécessaire à la réinsertion dans un milieu de travail.

La santé et la sécurité au travail exigent l'apport de tous les professionnels de la santé, dont, notamment, l'infirmière ou l'infirmier et ce, en réelle collaboration avec les travailleurs et les employeurs.

À cause du libellé des articles, certains pourraient croire en une réforme en profondeur de tous les services de santé et de sécurité des travailleurs. La santé au travail, avons-nous dit, dépasse le cadre de la médecine du travail et une réforme complète exigerait non seulement une unification et une intégration des structures nécessaires à la sécurité et à la salubrité des milieux de travail, mais également une unification et une intégration de tous les services reliés à la santé au travail au sein des départements de santé communautaire et des centres locaux de services communautaires. Dès lors, les programmes de santé et de sécurité au travail auraient pu être mis en application tout comme les programmes de soins à domicile, de santé scolaire ou autres. Dans cette ligne de pensée, les professionnels de la santé auraient réalisé des objectifs de promotion de la santé, en plus d'axer une partie de leurs actions vers la prévention des agents causals d'accidents et de maladies professionnelles.

De plus, cette façon de vivre la santé au travail aurait empêché le législateur de devoir donner à l'employeur la responsabilité de combler les lacunes en devant défrayer lui-même tous les programmes additionnels concernant les autres aspects relatifs à la santé ou à la sécurité des travailleurs.

Si le projet de loi no 17 est adopté, même avec des modifications assurant une meilleure applicabilité, l'on assistera probablement à long terme à l'atteinte de l'objectif ultime poursuivi. Il demeure toutefois que dans le cadre d'une approche globale de la santé visant la prise en charge de la santé par les travailleurs, ce projet de loi n'est qu'un élément d'une réforme en profondeur du système de distribution de services aux travailleurs.

Cette perspective d'une approche globale de la santé et de la sécurité au travail devrait évidemment être considérée aussi bien dans les diverses catégories d'établissements que dans les chantiers de construction, indépendamment de la situation géographique.

Nous désirons attirer l'attention sur l'importance de mettre de l'avant tous les mécanismes essentiels pour assurer que des conditions minimales de santé et de sécurité au travail soient respectées dans les endroits éloignés.

Conclusion. Enfin, croyant à la promotion de la santé des travailleurs dans leur milieu même, c'est dans un esprit de collaboration que nous vous exposons ces commentaires aujourd'hui. Aussi le bureau de l'ordre n'apporte-t-il aucune proposition pour modifier le projet de loi no 17, puisqu'il accepte les mesures législatives envisagées pour diminuer les causes d'accidents et de maladies professionnelles de façon à assurer l'intégrité physique des travailleurs. Quoiqu'il reconnaisse l'urgence de telles dispositions législatives, il demeure toutefois qu'une perspective globale de la santé supposerait une tout autre approche de la part du gouvernement, impliquant et reconnaissant, il va sans dire, la pertinence d'une participation active de tous les professionnels de la santé.

Conscient que le projet de loi no 17 n'aura toute sa signification qu'avec les nombreux règlements qui en découleront, c'est dans le même esprit de collaboration que le bureau de l'ordre soumettra alors ses recommandations. Les infirmières et les infirmiers doivent continuer à offrir leurs services auprès des travailleurs et ce, en respectant la définition de l'exercice de la profession, qui, somme toute, adhère à la dimension globale de la santé des individus. De plus, le bureau de l'ordre maintient l'importance que des dispositions législatives respectent les exigences spécifiées au règlement 33 sur les services de premiers secours qui, à l'heure actuelle, sont éliminés par le projet de loi no 17.

En effet, les travailleurs dans les endroits éloignés ont droit à des services de santé de qualité offerts par des professionnels reconnus tels, par exemple, les infirmières et les infirmiers.

M. le Président, M. le ministre, membres de la commission, mes collègues et moi sommes à votre disposition pour répondre à vos questions.

Le Président (M. Dussault): Merci, Mme Tellier-Cormier. M. le ministre.

M. Marois: M. le Président, je voudrais d'abord remercier l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec de son mémoire.

Je voudrais tout de suite, au point de départ, — si j'ai déjà eu l'occasion de le mentionner et s'il y a quelque ambiguïté qui peut sortir de la lecture du projet de loi, on a certainement l'intention de l'éclaircir par les amendements à venir — que le concept santé, tel qu'on le conçoit — j'ai déjà eu l'occasion de commenter là-dessus — doit, à notre avis, englober la double dimension, aussi bien de la santé au sens plus strict que toute la dimension de l'environnement même du milieu de travail. Donc, en ce sens, quand vous insistez, à la page 2 de votre mémoire, sur l'approche multidisciplinaire, je dois vous dire tout de suite que c'est une approche qu'on partage.

J'ai pris bonne note — je vous remercie de les signaler — des points avec lesquels vous vous dites en accord avec le projet de loi. Je voudrais m'arrêter, parce que votre mémoire contient une trentaine de recommandations, plus particulièrement sur quelques-unes des recommandations, peut-être pour vous donner l'occasion de préciser davantage votre point de vue et nous éclairer davantage sur votre façon de voir les choses. Il y a notamment, une de vos recommandations qui porte sur l'article 11, en particulier le deuxième paragraphe de votre recommandation, où il s'agit du droit de refus. Vous proposez d'ajouter un autre article qui reconnaîtrait au travailleur le droit de refuser d'exécuter un travail lorsqu'il n'est pas en mesure d'assumer complètement la responsabilité de ses fonctions à cause de sa situation de santé. En d'autres termes, si je comprends bien, vous tenez compte, par cette proposition, aussi bien des problèmes de santé au travail que des problèmes de santé personnels.

Ce qui serait important pour nous de savoir c'est comment vous pensez qu'il est possible de mettre en pratique une chose comme celle-là, compte tenu de la recommandation que vous faites?

Deuxièmement, vous proposez, concernant l'article 17, qu'on ajoute une personne ressource en matière de santé pour accompagner le représentant de l'employeur et le représentant des travailleurs. Je veux simplement signaler qu'il n'y a rien présentement qui interdise, dans le projet de loi, que l'une ou l'autre partie demande cet accompagnement.

En ce qui concerne votre recommandation portant sur les articles 20 et 21, vous indiquez que l'inspecteur devrait nécessairement avoir recours aux qualifications de la personne ressource. Le paragraphe 7 de l'article 136 permet à l'inspecteur de se faire accompagner par un expert. Est-ce que ça ne répond pas à la préoccupation que vous avez?

Quatrièmement, vous évoquez, à l'article 60, la possibilité que les membres représentant les travailleurs, représentant les employeurs du comité paritaire puissent faire appel, lors de leurs réunions, non seulement au médecin, mais à tous et chacun des membres d'une équipe multidisciplinaire. J'ai déjà eu l'occasion d'indiquer qu'on regarderait attentivement cette proposition. On ne voit pas pourquoi on empêcherait les parties de faire appel aux experts qu'elles jugeraient pertinents; de les faire venir pour participer à leurs travaux et de les mettre à contribution.

Cinquièmement, dans votre recommandation concernant l'article 98 vous proposez de remplacer la dénomination "dossier médical" par la dénomination "dossier de santé". Cela élargit, je le comprends, en ce sens c'est peut-être plus que pertinent.

On va le regarder. Vous savez que la Loi sur les services de santé et les services sociaux parle du dossier du bénéficiaire, c'est l'expression. Est-ce qu'il y a lieu d'introduire une nouvelle dénomination dans le projet de loi 17 ou pas? Est-ce qu'on devrait plutôt se référer à la dénomination qui est déjà utilisée dans l'autre loi que j'ai évoquée?

Sixièmement, vous formulez des commentaires concernant l'article 99 et vous proposez de confier au travailleur la garde de son dossier de santé. Vous savez sûrement que quelque chose d'analogue existe dans un certain nombre de pays européens sous la forme d'un carnet de santé qui est en la possession du travailleur. J'aimerais connaître, et je pense que ce serait intéressant pour les membres de cette commission, plus à fond votre opinion à ce sujet.

Une dernière question, M. le Président. J'avoue qu'en lisant votre mémoire, ça ne ressort pas clairement... c'est à la page 20 et ça concerne les dispositions particulières relatives aux chantiers de construction. Au paragraphe 3 de votre mémoire, vous dites: Bien que des dispositions législatives s'attardent aux chantiers de construction, il demeure qu'une définition des services de premiers secours et des services de santé éviterait des malentendus de la part de certains intervenants désireux de s'approprier un champ d'exercice qui ne relève pas de leur compétence.

Je pense que pour les membres de la commission et, le cas échéant, si nécessaire, à la lumière de l'argumentation que vous pourrez apporter et des faits concrets au soutien de ce que vous évoquez, je pense qu'il serait intéressant que vous nous expliquiez de la façon la plus concrète et la plus précise possible ce à quoi vous faites allusion. Est-ce que vous pensez à des paramédics, à des auxiliaires, à des médecins? Est-ce que vous pensez à quelque chose d'autre? Je pense que ce serait extrêmement important.

Voilà, M. le Président, sans abuser du temps, les quelques commentaires et questions que je voulais soumettre. Je tiens, en terminant, à remercier infiniment l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec et à lui dire que, comme dans le cas de tous les autres mémoires qui nous sont présentés, toutes et chacune des recommandations du mémoire vont être examinées très attentivement.

Le Président (M. Dussault): Mme Tellier-Cormier.

Mme Tellier-Cormier: Merci, M. le Président. Dans un premier temps, vous me permettrez un commentaire, M. le ministre, quand vous dites que

vous avez clarifié à plusieurs reprises le concept de santé, que pour vous il était plus global et qu'à la santé s'ajoutait aussi l'environnement. Je veux clarifier cela, parce que, pour nous, quand on parle d'un concept de santé global, c'est plus qu'uniquement ces deux éléments. Quand on regarde votre projet de loi 17, on touche la sécurité, l'intégrité physique et la santé du travailleur, mais au travail. Quand vous ajoutez l'environnement, on est d'accord aussi, sauf que, nous, quand on parle d'un concept de santé global, c'est encore plus large que ça, parce que ça comprend toute la dimension bio-psychosociale et ça comprend l'individu qui arrive avec sa santé pour travailler. C'est vraiment plus global que les dimensions que vous ajoutez, même quand vous ajoutez l'environnement.

C'est dans cet esprit qu'on considère que le projet de loi no 17, est une première étape qui était essentielle et nécessaire, mais, si on veut vraiment aller vers une réforme en profondeur et toucher l'aspect global, c'est vraiment uniquement une première démarche.

M. Marois: Si vous me permettez, je ne veux pas prolonger la discussion à ce sujet, parce que je pense que vous faites clairement ressortir votre point de vue, mais est-ce que vous ne pensez pas que le rattachement, d'une part, et l'implication des départements de santé communautaire permettent précisément d'ouvrir la porte à la perspective que vous évoquez?

Mme Tellier-Cormier: Cela pourrait le permettre, mais, étant donné que même par le biais de la santé communautaire, vous donnez l'autorité au médecin responsable, vous venez de refermer la porte que vous aviez ouverte. Vous venez exactement de refermer la porte que vous auriez pu ouvrir par le truchement du département de santé communautaire et des CLSC. Si, face à cela, vous vouliez un exemple très précis, je pourrai vous en donner un. On peut faire un parallèle avec d'autres programmes de santé où l'exemple devient très patent. (16 h 30)

Au niveau de l'article 11, quand on parle du droit de refus, on considère qu'il faudrait peut-être permettre d'aller plus loin. Ce serait l'individu qui, au retour d'une maladie, à cause de sa santé — et vous l'avez signalé — vraiment de son état personnel, pourrait ne pas être en état, à ce moment précis, de reprendre le travail, compte tenu de sa condition.

Peut-être qu'on pourrait rejoindre ces éléments, d'ajouter au droit de refus, par des éléments au niveau du retrait préventif. Je ne sais pas comment vous pourrez l'écrire concrètement dans une législation, ou comment le transcrire. C'est difficile. Mais je pense qu'il faudrait aussi ouvrir la porte plus grande dans ce sens-là.

Au niveau de l'article 17, on a bien vu que dans la législation, ce n'était pas défendu. Ce n'est pas défendu, mais ce n'était pas inscrit suffisamment à notre goût pour qu'on puisse s'y référer, même si vous nous dites que par un autre article, il peut le faire. On vous souligne que quand cela touche un problème de santé, on souhaiterait que le professionnel-ressource en matière de santé accompagne cet individu.

Ensuite, vous avez parlé de l'article 60. À ce moment-ci, c'est la possibilité pour l'infirmière, au même titre que d'autres professionnels, de participer au comité de santé et de sécurité. D'autres organismes avant nous ont soulevé la pertinence que certains professionnels puissent siéger à ces niveaux, en y apportant l'expertise, selon les sujets qui y sont traités et développés. Je pense que c'est l'Ordre des ingénieurs et des architectes, hier, qui soulignait la même possibilité pour les professionnels de leur corporation respective.

À l'article 98, quand on parle de dossier de santé, plutôt que de dossier médical, selon nous, quand on parle de dossier médical, cela touche le diagnostic et le traitement, tel que le médecin le voit. Pour nous, un dossier de santé, c'est plus global et cela comprend l'ensemble des interventions des différents professionnels, touchant la santé d'un travailleur, que ce soit en termes de promotion ou de prévention de la maladie.

Vous avez fait référence au fait que dans d'autres lois, cela s'appelle autrement. Dans la loi sur les services de santé et les services sociaux, cela s'appelle dossier au bénéficiaire. Je ne m'oppose pas à ce que cela s'appelle de cette façon, si vous faites la concordance avec les termes. Mais pour nous, il y a une nette différence entre le dossier médical et le dossier de santé.

Ensuite, à l'article 99, quand on dit que le travailleur pourrait prendre en charge son propre dossier de santé, il y a quand même des expériences qui sont vécues et il y a aussi des expériences qui ont débuté, même pour l'enfant. On connaît le carnet de santé pour l'enfant dès sa naissance, dont les parents prennent la responsabilité. Si on veut vraiment que le travailleur assume ses responsabilités face à sa propre santé, je fais confiance au travailleur qui est en mesure de prendre des dispositions pour pouvoir conserver lui-même son dossier de santé.

C'est peut-être une démarche utile pour que le travailleur prenne conscience qu'il a sa propre responsabilité face à sa santé.

Quand, en page 20, vous relevez la clarification qu'on demande pour une définition de services de premiers secours et services de santé, c'est justement en référence à des problèmes pertinents et actuels, en raison de la différence entre la définition de premier secours et services de santé. Je demanderai peut-être à Louiselle Bouffard de clarifier davantage auprès de vous, compte tenu des problèmes qui sont vécus dans certains secteurs d'activité.

Mme Bouffard (Louiselle): Je vais essayer de vous relater un peu ce qui s'est passé comme expérience. Nous avons déjà des infirmières qui travaillent présentement dans des chantiers isolés soit du secteur forestier ou de celui de la construction. Dans ces secteurs, on a tenté en vain

d'obtenir une définition de "services de premiers secours". On a essayé de démontrer que la présence d'une personne, au point de vue santé, dans des chantiers de construction devait faire plus que donner les premiers soins; cela va plus loin que ça. Les services de santé demandent de se préoccuper de l'individu qui est dans un chantier, isolé de tout contexte de services de santé et c'est la seule personne qui est là comme infirmière pour assurer ces services.

De par la Loi sur les services de premiers secours, on exige que ce soit une infirmière. Déjà on a tenté d'embaucher, à l'intérieur des chantiers ou des secteurs forestiers, des personnes autres que des infirmières. La notion de "premiers secours" n'étant pas, de fait, établie, la notion de "services de santé" étant plus large que les services de premiers secours, on a de la difficulté à faire appliquer ce règlement.

Mme Tellier-Cormier: C'étaient là nos réponses à la suite des commentaires et des questions du ministre.

Le Président (M. Dussault): Merci. M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Je vais être court, parce que le ministre a repris plusieurs des éléments que je voulais toucher. Je vous remercie du dépôt de votre mémoire, il y a plusieurs éléments qui vont certainement alimenter nos conversations lors de l'étude du projet de loi article par article. J'apprécie, entre autres, vos commentaires sur le retrait préventif et ce qui arrive au retour de la femme en milieu de travail après l'accouchement. Au sujet des programmes de formation donnés par le ministère de l'Éducation, la recommandation est tout à fait bienvenue, je crois.

J'aimerais cependant, madame, que vous puissiez répondre à quelques questions en ce qui concerne les chantiers de construction, entre autres, dans les travaux forestiers. Si j'ai bien compris, vous dites que la présence de l'infirmière et l'aspect de services de premiers soins, ce n'est pas suffisant pour répondre à la situation qui prévaut. Est-ce que je vous ai bien compris, d'une part? D'autre part, si c'est le cas, comment pourrait-on par un règlement, par une loi comme la loi 17, contribuer à régler ce problème? Vous n'êtes pas sans savoir que, dans le domaine des chantiers forestiers, c'est un problème particulier. Les blessures sont graves, il y a des atteintes, bien souvent, à la colonne vertébrale. Qu'est-ce qu'il faudrait faire?

Mme Bouffard: Je vais essayer de répondre à vos questions. Au sujet des chantiers forestiers, justement, on a souligné qu'il y avait des difficultés; c'est un fait. Il n'y a pas tellement longtemps, on recontrait des gens de la CAT qui essaient de faire appliquer le règlement qui doit être éliminé par le projet de loi no 17, soit le règlement sur les services de premiers secours. Ce règlement, s'il était appliqué effectivement aujourd'hui dans tous les chantiers forestiers, au lieu d'avoir 95 infirmières, nous en aurions au-delà de 250, ce qui veut dire qu'il y a déjà de la difficulté à faire reconnaître de la part des employeurs l'importance d'avoir une personne qui soit là non pas seulement pour assurer les premiers secours — parce que les premiers secours, c'est quand même juste d'aller chercher la personne qui est dans le bois et lui donner les premiers soins — mais ça implique aussi le transport à partir du moment où on prend cette personne et jusqu'à ce qu'elle soit placée dans un centre hospitalier.

M. Pagé: Est-ce à dire que le règlement n'est pas respecté actuellement?

Mme Bouffard: Effectivement.

M. Pagé: Merci. Cela en dit long, madame, vous savez. C'est la situation dans le moment.

Mme Tellier-Cormier: Si vous me le permettez, je voudrais simplement ajouter que le règlement 33, touchant les premiers secours, est bon; il y a une différence entre les premiers secours, les services de santé et les soins. Le règlement 33, à l'heure actuelle, n'est pas respecté d'une façon parfaite, ce qui occasionne d'autres problèmes.

Vous avez aussi, M. le député, parlé du retrait préventif. Tel que signalé dans le projet de loi, on parle du retrait préventif pour une seule occasion, une seule circonstance.

Pour rattacher le commentaire que je faisais tantôt concernant le droit de refus, peut-être que le retrait préventif devrait être élargi et ne pas être, si vous voulez, uniquement la possibilité d'une travailleuse enceinte. Je sais que cela pourra soulever éventuellement d'énormes problèmes au niveau des négociations ou des ententes, tout ce que vous voulez. Si je parle de retrait préventif dans des situations aussi particulières que celles des infirmières qui sont appelées à travailler soit en salle d'opération ou au niveau des unités spécialisées où on retrouve des patients traités par radium ou radiologie, on sait que cela peut causer des dommages. Cela aide le patient à guérir, mais cela peut causer des dommages importants pour les personnes qui assurent les services ou les soins aux frais de ces bénéficiaires. Même à l'heure actuelle, on connaît des situations où les infirmières, par prévention, doivent entre elles assurer une forme de rotation afin de ne pas être exposées trop longtemps à des substances qui sont vraiment dommageables pour des gens qui sont en santé.

Alors, le retrait préventif éventuellement, compte tenu de l'évolution scientifique et technologique, va définitivement toucher d'autres situations que la femme enceinte. Je peux vous donner un autre exemple: l'infirmière qui travaille en salle d'opération, en orthopédie, où on fait beaucoup de contrôles radiologiques, est exposée à partir de sa situation aux radiations. C'est la même chose pour les techniciens en radiologie; il y a des situations très précises face à cela.

Vous avez aussi rattaché le commentaire en regard des programmes de formation. Je pense qu'on devra définitivement trouver la possibilité d'inclure dans la formation des professionnels ces dimensions en termes de santé et de sécurité au travail. Par cette intervention, je ne veux pas dire que les infirmières n'ont pas de préparation; toutefois, compte tenu du développement maintenant en termes de santé et sécurité, on devra mettre de l'emphase et aller plus loin dans la formation dans ce sens.

Le Président (M. Dussault): Alors, il n'y a pas d'autres interventions. Je remercie les représentants de l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec pour leur participation aux travaux de cette commission. Je leur souhaite un bon retour et je voudrais leur poser une question avant de partir: Dans vos derniers voyages dans la région de Sherbrooke particulièrement, vous n'auriez pas vu les gènes et les chromosomes de M. Chartrand, par hasard?

Mme Tellier-Cormier: Peut-être qu'en tant que fermière j'aurais pu rencontrer différents gènes, mais, en tant qu'infirmière, de toute façon, on pourrait longuement discuter avec lui sur ces questions. Merci à M. le Président et aux membres de la commission.

Le Président (M. Dussault): Bon! Il l'appréciera sûrement. Ceci dit...

M. Chartrand: Je ne sème pas mes chromosomes à tous vents! Je suis allé dernièrement, je n'ai pas vu de femme enceinte avec des monstres. Il n'y aura pas plus de péquistes qu'il y en avait là.

Le Président (M. Dussault): J'invite maintenant la Fraternité des policiers... Excusez-moi, je pense que j'ai fait une inversion.

M. Chartrand: C'est une cause d'accident.

Associations patronales de l'industrie de la construction

Le Président (M. Dussault): J'invite les six associations patronales de l'industrie de la construction. Alors, j'invite le porte-parole des six associations à s'identifier et à nous présenter ses compagnons.

M. Larochelle (Claude): M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de la commission, mon nom est Claude Larochelle, je suis directeur général de la Corporation des maîtres mécaniciens en tuyauterie du Québec. Les gens qui m'accompagnent sont, à partir de ma droite, M. Marc Demers, président de la Fédération de la construction du Québec, M. Henry Audet, trésorier de la Corporation des maîtres électriciens du Québec, M. Jean-Guy Laurin, président de l'Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec, M. Gaston Mailhot, président de l'Association de la construction de Montréal et du Québec. À mon extrême gauche, M. Maurice Prince, président de la Corporation des maîtres mécaniciens en tuyauterie du Québec, et M. Gérard Jacques, président de l'Association de sécurité dans l'industrie de la construction, association qui avait été formée par les six autres associations dans un but de prévention. (16 h 45)

Le Président (M. Dussault): M. Larochelle, je vous donne 20 minutes pour nous présenter votre mémoire.

M. Larochelle: Merci. Messieurs, nous apprécions vraiment de pouvoir présenter devant cette commission le point de vue de ces associations qui regroupent plus de 14 000 entreprises de construction. Nous tenons à souligner que ce mémoire ne fait pas l'objet d'une étude globale du contenu du projet de loi et que, par conséquent, nos commentaires porteront principalement sur le chapitre 11 traitant des dispositions particulières aux chantiers de construction. Cependant, nous tenons à vous informer que nous appuyons fermement le mémoire du Conseil du patronat qui fait une analyse complète des autres chapitres de cette loi-cadre et ce, autant dans son acceptation de l'objectif premier de cette loi, soit une réduction substantielle des accidents du travail et des maladies professionnelles, que dans son jugement sévère sur plusieurs moyens que suggère le projet de loi pour réaliser ces objectifs, entre autres exemples, le mode de financement, les droits et obligations paritaires, la diminution des droits de gérance, etc.

De plus, nous sommes effrayés de réaliser qu'un tel projet de loi qui se veut un des plus avancés au monde soit proposé sans qu'on ait fait une étude sérieuse et réaliste des coûts de cette réforme. Vous pourriez me répondre le traditionnel adage qui veut que la vie d'un travailleur, cela n'a pas de prix et sur ce, nous sommes pleinement d'accord. Par contre, dans le projet de loi, plusieurs moyens envisagés n'ont pas d'incidence directe sur la vie du travailleur et pourraient être remplacés par d'autres moyens aussi efficaces, mais moins dispendieux. Je vous réfère à l'étude des coûts présentée par le Conseil du patronat qui nous fait réaliser tout le mécanisme administratif qui se greffera à l'entreprise par ce projet de loi. Il serait pour le moins raisonnable qu'on évalue les effets financiers d'une telle loi et la capacité pour l'économie de se payer tous ces moyens qui se veulent avant-gardistes. Il y a sûrement moyen d'éviter certains intervenants et certaines tracasseries administratives sans pour autant diminuer les chances d'atteindre notre objectif ultime à tous, soit l'élimination à la source des causes des accidents et des maladies professionnelles.

Le projet de loi reconnaît à juste titre que les mesures et les programmes destinés à l'industrie de la construction doivent être spécifiquement conçus en fonction du caractère distinct de son environnement de travail. D'autre part, notre industrie est encore en voie d'adaptation à ce qui

constitue, somme toute, de nouvelles mesures. Nous sommes donc quelque peu inquiets de ce que le projet de loi 17 pourrait conduire à des dérogations importantes quant aux mesures et aux dispositions actuelles, surtout si les décisions sont prises par des personnes peu au fait du caractère particulier de la construction.

Avant de commenter les dispositions apparaissant au chapitre 11, nous croyons qu'il est opportun de résumer quelques règlements et dispositions particuliers à l'industrie de la construction pour la sécurité et la santé au travail. Cette structure est en place depuis quelques années seulement, mais nous considérons qu'elle a contribué à la création d'un climat plus favorable pour la prévention des accidents et des maladies professionnelles. Vous avez sûrement eu l'occasion de lire notre mémoire relativement à la structure actuelle de la construction, entre autres exemples, un code de sécurité qui est quand même quasi unique en Amérique du Nord mis à jour continuellement — ce qui est unique en Amérique du Nord — par les gens du milieu, c'est-à-dire les gens de l'industrie de la construction, comités de sécurité paritaires, conseillers en prévention spécialisés et reconnus par le ministère du Travail, qualifications des entrepreneurs — aujourd'hui, il n'y a pas un seul entrepreneur qui peut obtenir un permis sans avoir, au préalable, démontré ses qualifications en matière de sécurité — cours de formation dispensés par les différentes associations patronales.

Sachant très bien qu'un nouveau programme de prévention ne peut réellement faire ses preuves qu'après quatre ou cinq ans, le milieu patronal de la construction résiste à l'idée de se lancer dans une nouvelle aventure, alors que le système actuel commence à réellement porter ses fruits. À titre d'exemple, le nombre d'accidents mortels dans le secteur de la construction est passé de 89, en 1973, à 31, en 1978, soit une diminution de 65%. C'est tout de même significatif.

Quant à la fréquence des accidents et à leur coût d'indemnisation, nous n'avons jamais pu obtenir de la Commission des accidents du travail des statistiques qui touchent particulièrement l'industrie de la construction et ce, malgré plusieurs demandes répétées. D'ailleurs, un fonctionnaire de la commission nous a informés qu'elles ne seraient pas disponibles avant le mois de septembre et nous ne les avons pas encore reçues. Est-ce parce que les statistiques nous permettraient de réaliser que, tout comme dans les cas de décès, la situation dans la construction se serait relativement améliorée à cause du système actuel? Nous le croyons vraiment et c'est pourquoi nous vous recommandons de conserver la structure actuelle plutôt que d'en imposer une nouvelle qui n'a pas fait ses preuves.

Maintenant, nous voudrions vous donner certains commentaires spécifiques au projet de loi no 17. Le programme de prévention. Il est depuis longtemps admis qu'un programme de prévention bien fait, bien appliqué, est d'une efficacité reconnue pour aider à réduire le nombre et le coût des accidents du travail. Nous sommes donc d'accord avec ce principe mentionné dans le projet de loi et dont le livre blanc en avait explicité la raison principale. Cependant, nous insistons sur la nécessité que le programme de prévention du maître d'oeuvre soit disponible lors des demandes de soumission d'un contrat.

Quant au droit de refuser d'exécuter un travail, nous reconnaissons en principe ce droit, puisqu'il existe déjà dans le décret de l'industrie de la construction. Cependant, nous considérons que la procédure établie dans le contexte du projet de loi pour l'examen de la situation, lorsqu'un travailleur refuse d'exécuter un travail, inclut trop d'étapes et peut s'avérer lente et onéreuse dans certains cas où il y aura controverse de la part des personnes examinant la situation. Nous suggérons donc que cette procédure pour l'examen de la situation en cas de refus de travail soit plus expéditive et n'inclue que deux étapes, soit le supérieur immédiat et le représentant du travailleur et, s'il n'y a pas entente, l'inspecteur.

Au chapitre XI, il est mentionné à l'article 178 que l'inspecteur peut ordonner l'arrêt complet des travaux et que ses ordres sont exécutoires. D'autre part, l'article 143 mentionne que, pendant que dure une suspension des travaux ou une fermeture - ceci peut s'appliquer à un chantier de construction — les travailleurs visés sont considérés comme ayant régulièrement travaillé et son rémunérés en conséquence. Nous nous opposons à ce que ce projet de loi inclue une telle disposition qui pourrait être désastreuse pour un employeur de la construction qui — nous insistons — pour des raisons tout à fait hors de son contrôle, serait contraint par l'inspecteur de fermer un chantier. D'ailleurs, le mémoire du Conseil du patronat en fait mention dans le même sens. Par contre, nous sommes d'accord avec les articles 21, 26 et 31 du projet de loi qui obligent de payer le travailleur jusqu'à la décision exécutoire par l'inspecteur et non jusqu'à la décision finale par la commission lorsque les travaux sont arrêtés pour des raisons sous le contrôle de l'entrepreneur.

Il y a quelques instants, on disait que lorsque c'était hors du contrôle de l'entrepreneur, on trouvait que cela pouvait apporter des conséquences assez désastreuses. Je voudrais demander à M. Jacques de vous donner un exemple précis à ce sujet.

M. Jacques (Gérard): Prenons l'exemple d'un chantier de construction où un entrepreneur spécialisé doit faire des coulées de béton avec une grue à tours. La grue est considérée comme non sécuritaire. Alors, il y a un scellé qui est appliqué sur la grue. Les travailleurs de l'employeur arrêtent de travailler. Par contre, il arrête l'autre entrepreneur qui doit faire ses formes ou décoffrer.

Qui va payer les autres travailleurs qui vont arrêter de travailler à cause de l'entrepreneur dont l'appareil a été mis sous scellé? Cela peut arriver sur un chantier de construction où il y a plusieurs sous-entrepreneurs. Justement un exemple: L'élévateur qui est à côté ici appartient à un entrepre-

neur donné; si, par contre, il n'est pas considéré comme sécuritaire et qu'il est arrêté, que va-t-il arriver aux autres travailleurs qui sont arrêtés suite à cela? Qui va les payer, ces autres travailleurs qui ne sont pas sous le contrôle de l'employeur à qui appartient cet appareil?

M. Larochelle: C'est le genre d'exemple qui peut amener des problèmes majeurs dans l'industrie de la construction. Nous admettons que c'est particulier à cette industrie.

Le comité de chantier. Tel que mentionné précédemment, ce type de comité fait déjà l'objet d'une réglementation au code de sécurité pour les travaux de construction et nous agréons qu'il soit intégré à la réforme projetée dans la loi-cadre selon les articles 166, 167, 168 et 169. Ce comité de chantier ne doit pas être investi de pouvoirs décisionnels et son rôle doit continuer à en être un de consultation avec pouvoir de référer aux autorités gouvernementales — exemple, inspecteurs ou commission — des cas d'abus ou de manquement à la loi.

Nous voudrions maintenant vous entretenir du délégué de chantier. Concernant la section 5 du chapitre XI à ce sujet, nous nous opposons entièrement au contenu des articles 171 à 175 et nous maintenons une vive objection au fait qu'un tel projet de loi puisse donner d'autres pouvoirs aux délégués de chantier en matière de sécurité et nous sommes d'avis qu'on devrait s'en tenir à la loi sur les relations de travail dans l'industrie de la construction, en ce qui a trait au rôle du délégué de chantier. La pénible expérience du passé motive cette objection.

La défense du droit des travailleurs dans l'application du décret, dans les relations du travail, d'une part, et l'application de la sécurité sur les chantiers de construction ou son système de prévention, d'autre part, sont inconciliables. Le délégué de chantier aurait beaucoup trop tendance à faire des pressions en matière de sécurité pour faire comprendre, entre guillemets, à l'employeur l'avantage de régler un conflit de relations du travail. D'ailleurs, ses connaissances et son expérience se limitent aux relations du travail. Ce n'est pas par pure coincidence que depuis que la recommandation de la Commission Cliche restreignant les fonctions du délégué de chantier a été adoptée, la paix est revenue sur les chantiers et ce, sûrement pas au détriment des travailleurs.

J'ose croire que le gouvernement actuel ne veut pas que l'industrie de la construction redevienne le nid à problèmes majeurs qu'elle était à l'époque. Nous connaissons trop bien la sorte de héros que parachutait la FTQ à l'époque et l'intérêt public exige qu'on n'y retourne pas. La FTQ n'a jamais réussi à prouver que son pouvoir monopolistique sur l'industrie de la construction a été à l'avantage de l'industrie, de ses employés et employeurs. Elle recherche purement et simplement le pouvoir.

Quant au supposé code d'éthique, nous savons trop bien que la FTQ n'a pas de pouvoirs réels sur la FTQ-Construction et que la notion d'éthique est parfois élastique chez certains. Nous ne visons pas particulièrement des individus, mais ramenez le pouvoir de vie ou de mort sur les chantiers de construction et vous ramènerez les loups. D'ailleurs, la FTQ n'a jamais réussi à convaincre la Commission Cliche, ni la Commission Hébert, ni le ministère du Travail sur ce sujet.

Réalisant que le projet de loi 17 ne fait aucune référence aux 250 conseillers en prévention des accidents reconnus compétents par le ministère du Travail, il semble que le délégué de chantier remplacerait ces experts reconnus et entraînés en matière de sécurité dans l'industrie de la construction et dont l'objectif premier est effectivement la sécurité et non la relation de travail. Selon nous, la compétence devrait primer. Il est impensable que le projet de loi 17 vienne modifier en profondeur le système de relations du travail dans l'industrie de la construction avec toutes les conséquences que cela comporte en matière d'investissement entre autres. Les investisseurs se rappellent trop bien les expériences très coûteuses des années soixante-dix sur les chantiers de construction. Ils refuseront sûrement de considérer le Québec comme un lieu propice à l'investissement si les syndicats de la construction reprennent le contrôle par le délégué de chantier. (17 heures)

Quant au chapitre de l'inspection, l'article 149 stipule que les inspecteurs, les inspecteurs chefs régionaux et le personnel requis pour l'application du présent chapitre et de la section 6, chapitre XI, relèvent du membre du conseil exécutif ou de l'organisme que peut désigner le gouvernement. Nous exprimons notre accord au principe de l'unification du système d'inspection en matière de sécurité, mais sous réserve que cet inspectorat soit sous la responsabilité d'un seul ministère; en l'occurrence, nous souhaiterions que ce soit le ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre, qui a selon nous l'expérience passée à son crédit. Tout particulièrement, pour le secteur de la construction, nous insistons sur le fait que cet inspectorat ne doit pas relever de la Commission de santé et de sécurité du travail, mais d'un organisme spécialisé qui connaît très bien l'industrie de la construction.

Les associations sectorielles: L'article 73 du chapitre VI du projet de loi stipule qu'une ou plusieurs associations d'employeurs et une ou plusieurs associations syndicales appartenant au même secteur d'activités peuvent conclure une entente constituant une association sectorielle paritaire de santé et de sécurité au travail.

Nous sommes d'accord, en principe, avec cette disposition, puisque la mise sur pied d'une telle association sectorielle paritaire pour un même secteur d'activités s'établirait sur une base volontaire de part et d'autre. Cependant, nous notons une incompatibilité concernant l'énoncé de l'article 74 par rapport à celui de l'article 73. Nous nous opposons donc totalement à ce que l'article 74 stipule en regard du secteur de la construction pour deux raisons majeures. Cet article n'inclut pas, d'une part, les six associations

patronales que nous représentons, mais uniquement l'Association des entrepreneurs en construction du Québec. Et, le dernier paragraphe stipule qu'à défaut d'entente, la commission détermine la composition de l'association sectorielle paritaire de la construction. Cette prescription est, à notre avis, inacceptable et contredit nettement l'énoncé de l'article 73. En matière de sécurité et particulièrement en prévention, il faut tout faire pour empêcher que ce soient les mêmes gens qui discutent de relations du travail et de prévention. Or, l'AEQ n'a que comme seul mandat les relations du travail.

Il est donc essentiel pour le bénéfice d'une meilleure prévention que les six associations que nous représentons puissent participer activement à l'association sectorielle de la construction. D'ailleurs, depuis quelques années, ces associations ont une grande expérience de façon intensive, en matière de formation qui peut être des plus utiles à toute l'industrie de la construction. Nous sommes d'ailleurs surpris et nous comprenons très mal que le projet oblige de conclure une entente dans la construction alors que dans les autres secteurs d'activités, cette entente est volontaire, surtout que le taux de fréquence des travailleurs, par 100 travailleurs, nous prenons les statistiques de 1977, est inférieur à celui d'autres industries telles l'industrie de la forêt et l'industrie du bois. Pourquoi obliger la construction alors qu'elle a un taux de fréquence moins élevé que ces industries? Nous recommandons donc que les six associations de l'industrie de la construction puissent participer à l'Association sectorielle de la construction qui pourrait se former volontairement. Je vous remercie, M. le Président, M. le ministre, et MM. les membres de la commission de votre bonne attention.

Le Président (M. Dussault): Merci, M. Larochelle. M. le ministre.

M. Marois: Merci, M. le Président. Je voudrais remercier les porte-parole des six associations de la construction de leur mémoire. Je prends acte du fait que vous endossez le contenu du mémoire du Conseil du patronat. Vous avez eu l'occasion de discuter assez longuement avec eux quand ils se sont présentés en commission parlementaire. Quant au problème des coûts, je ne veux pas à nouveau soulever la longue discussion qu'on a eue au moment du témoignage du Conseil du patronat devant cette commission. Je voudrais simplement rappeler que déjà, le livre blanc donnait des indications très précises sur les ordres de grandeur des coûts que nous étions à même d'évaluer inhérents à la réforme.

Il nous apparaissait que les coûts impliqués étaient sans commune mesure par rapport aux coûts actuels et sur la base de chiffres conservateurs des conséquences en termes de coûts économiques directs et indirects de l'état actuel des accidents et des maladies professionnelles. Comme société, il n'y a pas une société qui peut se prétendre civilisée et penser qu'il n'y a pas moyen d'en déplacer une portion pour commencer à s'attaquer à la racine des maux.

Le fait que le nombre d'hommes et de femmes qui sont décédés dans un secteur donné ait diminué, je pense que même s'il en reste encore dix, ce seraient dix de trop. Ce n'est pas une raison pour arrêter, bien au contraire.

Maintenant, je voudrais aussi dire tout de suite que — peut-être pour clarifier à nouveau, pour qu'il n'y ait aucune espèce d'ambiguïté et cela vaut pour l'ensemble des règlements qui existent de l'une ou l'autre des lois qui se trouvent intégrées dans le projet de loi no 17, donc dans une éventuelle loi-cadre, cela vaut aussi pour le Code de sécurité de la construction — il est hors de question dans notre esprit de faire en sorte que le Code de sécurité de la construction disparaisse dans l'état où il est présentement. Bien au contraire et si le texte de loi est ambigu, on va le clarifier en conséquence, vous pouvez en être assurés.

Je voudrais, M. le Président, m'arrêter à quatre points très rapidement. Le premier concerne le pouvoir qui est donné à un inspecteur de procéder à la fermeture d'un coin d'une entreprise, d'un service d'une entreprise, d'un chantier de construction ou d'une partie du chantier, qui est un pouvoir qui existe déjà d'ailleurs. Ce que nous ajoutons — et ce à quoi je comprends vous vous opposez — c'est le fait que lorsqu'un inspecteur exerce ce pouvoir, l'employeur soit obligé de continuer à payer les travailleurs qui, pendant cette période, ne travaillent pas, c'est-à-dire la période pendant laquelle on doit procéder aux corrections qui s'imposent pour que les rapports d'inspection ne restent pas sur les tablettes et que ce soit du papier qui s'empile, mais que les corrections à la source se fassent.

Tous les témoignages que j'ai entendus d'inspecteurs qui ont présentement, en vertu de l'une ou de l'autre loi et des services d'inspection qui sont émiettés aux quatre coins de l'administration, qu'il est notre intention arrêtée, non seulement de regrouper en une seule direction et de régionaliser pour assurer une présence permanente, et même le cas échéant, sur des chantiers d'une certaine taille, de s'assurer qu'il y aura là une présence permanente, donc qui va supposer qu'on mette des ressources financières de façon plus importante pour atteindre cet objectif... Tous les inspecteurs m'ont dit que dans les cas où ils en venaient à la conclusion comme mesure ultime, parce que les rapports d'inspection qui sont faits à la suite de plaintes ne donnent pas lieu au changement soumis souvent avec un certain laps de temps, en disant: Bon, lorsqu'on pense, et on comprend que cela ne peut pas se faire du jour au lendemain, et il doit y avoir un délai dans certains cas, hésitent à recourir aux pouvoirs qu'ils ont présentement de fermeture, sauf dans des cas où c'est tellement énorme et inacceptable, comme c'est arrivé à Laprairie, à Ballast Metal ou Métaux Ballast, peu importe, pour une simple et unique raison, c'est qu'ils savent fort bien que durant cette période, ce sont les travailleurs qui vont être pénalisés, à cause du fait que des employeurs n'ont pas

assumé leurs responsabilités. Je ne vois pas pourquoi — je comprends très bien le problème qui se pose sur les chantiers de construction où il y a plusieurs entrepreneurs qui sont là, je comprends parfaitement bien cela — mais je ne vois pas pourquoi, si cela vaut pour les autres secteurs — je maintiens jusqu'à nouvel ordre qu'il n'y a personne qui m'a convaincu du contraire et qu'on doit aller dans le sens qui est prévu dans le projet de loi no 17 — je ne vois pas pourquoi cela ne s'appliquerait pas sur les chantiers de construction et je vais vous dire pourquoi.

L'exemple et l'illustration que vous nous avez donnés concernant le cas du béton, on va le reprendre le cas du béton. Dans le cas où sur un chantier de construction, le béton... il y a un entrepreneur, c'est sa "job" il y a des équipes derrière, il y a des équipes à côté et d'autres entrepreneurs. Je prends exactement votre exemple. Dans le cas où — je ne parle pas du droit de refus et je ne parle de rien de tout cela — le béton n'arrive pas, pour une raison ou pour une autre, un des entrepreneurs n'assume pas ses responsabilités contractuelles, qu'arrive-t-il? Il arrive évidemment que l'autre entrepreneur à côté — reprenez votre exemple — est arrêté, les équipes attendent, pendant ce temps les travailleurs ne sont pas payés.

Je ne le pense pas, ils sont payés. À l'opposé, s'il s'agissait du cas où un inspecteur venait constater qu'il y a des violations régulières, fréquentes, et qu'il est obligé de recourir à la mesure ultime de procéder à l'arrêt pour faire corriger des choses à la source, dans ce cas-là, on fera porter cela sur le dos des travailleurs comme c'est le cas présentement? Vous savez fort bien, dans le cas où un entrepreneur présentement n'assume pas ses responsabilités contractuelles, comment les choses se passent. Les autres entrepreneurs à côté qui sont arrêtés, qui ont des coûts à assumer et qui continuent à payer les salaires des travailleurs prennent un recours en dommages contre celui qui n'a pas assumé ses responsabilités contractuelles. Pourquoi faire porter cela sur le dos des travailleurs? Si on veut vraiment corriger à la source les problèmes qui se posent, il n'y a qu'une seule et simple solution pour ne pas que cela arrive: Quand les inspecteurs vont se présenter dans la foulée de l'application de la loi 17, qu'on les écoute!

On va faire en sorte qu'ils soient les plus qualifiés possible, les plus compétents possible, les plus présents possible. On va y mettre plus de ressources, mais qu'il soient écoutés! Quand ils font des constats d'infraction, qu'on en assume les conséquences. Personne ne craint l'emprisonnement quand il se comporte comme un citoyen normal, qu'il soit citoyen physique ou citoyen corporatif. Celui qui se comporte tout croche, je comprends qu'il dorme mal. C'est le moment maintenant, le temps est venu. Si on ne constatait pas l'état de la situation actuelle, c'est évident qu'on n'aurait pas besoin de changer les choses. L'état de la situation étant ce qu'il est, on pense que c'est mûr et qu'il est temps de bouger.

Quant à la question du délégué de chantier, je voudrais vous poser une question bien précise. Est-ce que vous vous opposez au délégué de chantier comme tel et qu'il puisse agir? Dans le cas où il n'y en a pas, il y a l'autre article qui s'applique, l'agent d'affaires ou un autre représentant syndical. Est-ce à cela spécifiquement que vous vous opposez ou est-ce plus fondamentalement à l'idée que les travailleurs aient droit à un représentant syndical libéré pour ce faire à la prévention? Est-ce au délégué de chantier comme tel ou est-ce à l'idée plus fondamentale qui est derrière? Comme on a l'intention de le reconnaître pour les autres secteurs, il n'y a pas de raison qu'on ne le reconnaisse pas pour le secteur de la construction. Est-ce à l'idée fondamentale qui est derrière?

Quant aux modalités, on peut bien s'asseoir et regarder les choses, c'est une chose, mais je veux savoir si c'est au fond même de la question que vous vous opposez.

En ce qui concerne l'association sectorielle, votre position m'étonne un peu. Cela m'étonne que vous vous opposiez à l'obligation puisque le caractère obligatoire de l'association sectorielle dans le domaine de la construction et de la composition reproduit essentiellement ce qui est déjà prévu au décret. Là, j'aimerais avoir des explications additionnelles. Voilà, M. le Président, les commentaires-questions que j'avais à formuler.

Le Président (M. Dussault): M. Larochelle.

M. Larochelle: Merci. En fait, je ne voudrais pas entrer, comme vous l'avez souhaité dans le fond, dans le détail des coûts. Effectivement, je ne voudrais pas que notre position soit prise comme étant simpliste, soit qu'on veuille éliminer à peu près tout ce qui est possible de faire pour sauver la vie d'un travailleur. Là-dessus, on est parfaitement d'accord. Ce qu'on a voulu dire, si on s'est mal exprimé, c'est qu'on aurait aimé savoir combien ça coûterait et quelles étaient les possibilités. On aurait aimé savoir, justement par cette étude de coûts, jusqu'à quel point on a tenté de ne pas exagérer les moyens qui pourraient être dispendieux inutilement.

L'objectif, on le souhaite... Qu'on prenne les moyens... Vous nous avez parlé d'essayer d'obtenir le plus grand nombre d'inspecteurs compétents possible. Parfait, c'est la notion de base de notre présentation. Ce n'est pas là qu'on veut en venir. On aurait aimé savoir combien cela peut coûter globalement et s'il y a eu une étude profonde qui a été faite sur les moyens, s'il n'y aurait pas moyen d'en éliminer. Rien ne nous a laissé croire que ce genre d'étude avait été faite.

M. Marois: Vous avez quand même dû lire le livre blanc. Vous avez quand même là les données de base de l'évaluation des coûts qui ont été établis. (17 h 15)

M. Larochelle: On est loin dans le projet de loi, bien loin... Le projet de loi est quand même

différent au niveau des mécanismes par rapport au livre blanc.

M. Marois: II y a un mécanisme de plus, c'est le représentant syndical à la prévention.

M. Larochelle: De toute façon, je ne voudrais pas aller plus loin là-dedans. Je vous dis exactement ce à quoi on voulait en venir. Je suis très heureux aussi de voir qu'il n'est pas question de faire disparaître le code de sécurité et j'imagine que dans votre intention il va demeurer avec le comité de révision constant qui existe déjà, de l'industrie. Ce comité est très utile, je pense, pour justement tenir notre code de sécurité à jour, pour le bénéfice de toute l'industrie de la construction.

Vous avez parlé des pouvoirs d'un inspecteur et vous m'avez donné l'impression d'avoir compris qu'on refusait de payer le travailleur lorsqu'il refusait pour cause de danger de travailler.

M. Marois: Non, ce n'est pas de cela du tout dont je parle. C'est certain que vous allez le payer pendant ce temps-là, jusqu'à la décision finale. C'est bien clair dans mon esprit et j'ai compris que vous aviez compris que c'était clair également. Ce n'est pas de cela que je parle. Je parle de ce que vous avez évoqué spécifiquement. Dans votre mémoire, vous vous objectez au fait que, au pouvoir qu'a déjà l'inspecteur de fermer un coin d'usine, un service d'usine, une partie de chantier ou le chantier au complet, parce qu'il estime que là, c'est dans le vent, cela suffit, et qu'il y a des choses qui doivent être corrigées, nous, on ajoute "maintenant", à ce pouvoir de l'inspecteur, l'obligation pour l'employeur dans le cas où l'inspecteur va recourir à cette mesure ultime — de payer les travailleurs pendant la durée où les chantiers seront fermés ou une partie du chantier sera arrêtée, pour corriger à la source les problèmes qui auront été décelés. C'est là-dessus. C'est à cela que vous vous objectez. Vous m'avez donné l'exemple du béton. Je vous ai expliqué que je ne trouvais pas votre démonstration particulièrement convaincante.

M. Larochelle: En fait, vous comprendrez très bien que la réaction qu'ont les entrepreneurs, c'est qu'effectivement, quand il y aura arrêt — allons à l'extrême — complet du chantier, tous les sous-traitants de qui, dans le fond, la réparation du danger, ce n'est vraiment pas sous leur contrôle à eux.

Ce qu'on vous dit, c'est que cela va avoir un impact économique très fort. Vous nous avez répondu, à titre d'exemple, quand la bétonnière n'est pas arrivée et que le béton n'est pas coulé, ces gens-là attendent et vous les payez quand même. C'est exact, mais cela n'arrête pas tous les tuyauteurs, les électriciens ou les autres spécialistes sur le chantier.

M. Marois: Alors, en quoi, s'il s'agit de la même bétonnière que l'inspecteur met sous scellé... c'est parce que c'est le scellé, plutôt le fait que la bétonnière ne soit pas là. En quoi cela arrête-t-il le travail? En d'autres termes, l'exemple ne peut pas servir dans trois sens en même temps concrètement.

M. Larochelle: Ce n'est pas ce que nous faisons effectivement. Dans le fond, on parle d'un exemple où l'événement ou la décision de l'inspecteur ou du travailleur fait que plusieurs spécialités dont les ouvriers travaillent pour plusieurs entrepreneurs, seront arrêtés en même temps sur le chantier. Ce genre d'événement risque d'arriver effectivement, et d'avoir des conséquences sur les coûts, et possiblement sur la faillite des entreprises de construction qui vont être obligées de subir cela régulièrement.

Ensuite, vous nous avez parlé des inspecteurs que vous vouliez le plus compétents possible et nous en sommes très fiers parce que l'industrie de la construction a besoin d'inspecteurs très compétents à cause de la multiplicité des spécialités et des types de travaux.

On n'a qu'à songer au perçage d'un roc à la baie James, au dynamitage. Alors, c'est définitivement pas des inspecteurs qui ont l'habitude de travailler dans une laiterie, par exemple, qui peuvent vraiment s'y connaître en dynamitage.

Alors, nous sommes heureux de voir que vous allez prendre tous les moyens possible pour avoir un inspectorat très spécialisé, parce que dans l'industrie de la construction, afin d'éviter les abus — cela va être utile — et que les entrepreneurs aussi aient confiance en la décision de l'inspecteur. Nous sommes contents de voir que les inspecteurs seront le plus compétent possible.

Quant au délégué de chantier, ce à quoi on s'oppose fondamentalement, puisque c'est votre question, ce n'est pas au représentant des travailleurs, c'est au délégué de chantier. On ne veut pas que le délégué de chantier revienne ce qu'il était à l'époque. Il faut que la loi continue de l'encadrer pour en faire un véritable représentant des travailleurs, et non pas un représentant d'une petite clique pour ses fins personnelles. On ne veut pas revenir à cette ère qu'on a vécue. Vous pouvez me dire: Aujourd'hui, c'est quand même nettement mieux que c'était. Je suis d'accord avec vous. De plus en plus les travailleurs ont pris cela en main, sauf quelques syndicats encore sous tutelle. C'est nettement mieux. Ramenez le pouvoir de vie et de mort dans les chantiers, comme cela existait à l'époque avec le délégué de chantier, et vous ramènerez ce genre d'individus dont on n'a pas besoin dans l'industrie de la construction.

M. Marois: Ce que je comprends bien de votre intervention et de la réponse que vous donnez à ma question, c'est que vous ne vous opposez pas à l'idée de reconnaître aux syndiqués le droit d'avoir dans les chantiers de construction un représentant syndical à la prévention — vous ne vous opposez pas à cela — avec les pouvoirs prévus en conséquence, soit le droit d'inspecter, le droit d'accompagner les inspecteurs, et le reste...

M. Larochelle: Là-dessus, j'aurais deux recommandations...

M. Marois: ... avec du temps de libération pour faire ce travail.

M. Larochelle: Oui. Là-dessus, il y a deux choses que j'aimerais vous signaler. La structure qu'on privilégie, c'est celle qui existe présentement, c'est-à-dire celle du Code de sécurité qui prévoit que dans un chantier où il y a 150 travailleurs et plus, ou de plus de $5 millions en valeur, il doit y avoir un agent de sécurité à temps plein, compétent, reconnu par le ministère du Travail. Cela demeure.

Pour les autres chantiers, j'ai lu des interventions qui ont été faites par des prédécesseurs, entre autres, je vous réfère à une question que vous avez posée ce matin à un intervenant, relativement aux gens qui ne sont pas syndiqués, à savoir comme formule, pour la construction, à cause justement de son caractère particulier, et du fait qu'il y ait énormément de chantiers, énormément de petits chantiers, où il est difficile d'avoir vraiment des agents de sécurité reconnus compétents, on privilégie d'abord et avant tout la compétence, c'est-à-dire qu'on préférerait — je pense que M. Laberge, de la FTQ, le suggérait, et vous en avez fait un peu mention ce matin — une solution qui ferait que des représentants à la sécurité, des agents de sécurité pour l'industrie de la construction, pourraient être engagés par l'association sectorielle paritaire pour avoir des représentants compétents.

Dans la construction, si les travailleurs élisaient un représentant à la sécurité entre eux, le danger serait qu'il n'ait pas le temps, à cause de la courte durée des chantiers, de prendre l'expérience nécessaire. On privilégie la compétence d'un bout à l'autre de notre volonté et de notre mémoire. On recherche dans la construction des agents de sécurité, des inspecteurs les plus compétents possible. On se dit que l'association sectorielle pourrait s'organiser avec ce problème, qui est quand même particulier à l'industrie de la construction, pour engager le nombre d'agents de sécurité pour faire la visite, divisés dans les diverses régions, pour être le plus efficace possible, pour que le travailleur puisse rencontrer régulièrement un bonhomme spécialisé en prévention, et non pas un délégué de chantier dont le seul but et la seule compétence sont la relation de travail. Donc, nous privilégions cette forme d'aide aux travailleurs.

Maintenant, en fait, là-dessus, à moins que vous n'ayez d'autres questions, ce serait ma réponse. Vous nous avez parlé de l'association sectorielle; c'est déjà prévu au décret. En fait, cela a été prévu au décret en matière de relations du travail, et le point sur lequel nous insistons, ce n'est pas, dans le fond, de faire une bataille avec l'AECQ. Au contraire, on considère qu'elle a sa place dans cette association sectorielle. Mais, ce qu'on dit, c'est qu'en prévention, pour qu'elle soit efficace, il ne faut pas que ce soit les mêmes gens qui se chicanent tous les jours sur les chantiers pour la relation de travail. Pour que la prévention soit bien efficace, il faut éviter l'aspect relations du travail, autant que possible. C'est sûr qu'on ne peut pas l'éliminer complètement.

Ce qu'on dit, nous, c'est que dans le secteur de la prévention, on a déjà de l'expérience en information. Il n'y a aucune des associations, ici, qui n'a pas de moniteurs formés par l'OCQ et de toutes sortes de sources, pour donner des cours à nos entrepreneurs. On a déjà de l'expérience en matière de prévention et c'est pour ça que nous voudrions — on pense que ce serait utile pour l'industrie — être représentés dans l'association sectorielle. C'est pour éviter la relation de travail.

Le Président (M. Dussault): M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Merci, M. le Président. M. Larochelle, je vous remercie. Je peux vous dire que plusieurs des thèmes que vous abordez l'ont déjà été par des membres de la commission parlementaire, soit avec l'AECQ ou encore avec les associations d'entrepreneurs de la baie James hier, et tout ça. Alors, mes questions seront certainement très limitées.

En ce qui concerne votre participation et la participation des six associations patronales du secteur de la construction au comité sectoriel, moi, je me dis que cette demande aurait été davantage justifiée avant l'adoption de la loi 110, parce qu'avec l'adoption de la loi 110, vous avez un mode de représentation différent au sein de l'AECQ, qui assure quand même une place aux six associations patronales. Le ministre, qui s'interrogeait là-dessus tantôt, pourra certainement avoir les commentaires de son collègue, le ministre du Travail, sur cette question, avant de donner suite, de façon positive ou négative, à la demande que vous formulez. D'ailleurs, je l'invite à le faire.

J'aurai une brève question, qui porte sur le droit de refus. Vous avez exprimé des réserves à l'égard du droit de refus. Je ne veux pas revenir sur toutes les notions qui entourent ce droit. C'est un droit naturel. C'est un droit qui est fondamental. C'est un droit qui, d'ailleurs, dans le secteur de la construction, existait déjà. Cependant, moi, je crois — vous me corrigerez par des commentaires et j'en fais en même temps le sens de ma question — que le secteur de la construction est un secteur où il y a beaucoup de fluctuations, où, actuellement, entre autres, on a beaucoup de chômage. Les chantiers de construction, au Québec, la durée des chantiers est quand même limitée. Ce ne sont pas tous des chantiers qui durent un an ou deux ans. Bien souvent, le nombre d'heures qu'un travailleur de la construction, surtout s'il est spécialisé, aura à passer sur un chantier est très limité. Moi, j'ai l'impression que le droit de refus est presque illusoire dans le secteur de la construction, parce que, vous savez, et le meilleur test et la meilleure façon de voir si c'est un droit qui est illusoire, j'aimerais savoir, depuis quelques années, combien il y a eu de cas

où des travailleurs de la construction ont refusé de travailler dans vos associations patronales.

Vous savez, le type qui refuse de travailler, surtout dans le contexte actuel, où même c'est déjà prévu... On n'a quand même pas la loi 17 et tous les mécanismes et toute la pression qu'elle va créer sur les parties. Je ne suis pas convaincu, moi, que le travailleur qui exerce son droit de refus ne risque pas, à la fin de la "job", d'être un bon bout de temps sans se faire réembaucher, et la possibilité ou l'épée de Damoclès qu'il a au-dessus de la tête, à savoir que s'il refuse de travailler, compte tenu d'un danger X, dans un secteur X de la construction, si le fait qu'il exerce ce droit, cela a pour effet qu'il ne soit pas rappelé sur une "job" subséquente, je vous dis, moi, que c'est un droit qu'on peut qualifier d'illusoire.

J'aimerais vous entendre là-dessus. (17 h 30)

M. Larochelle: Quant au nombre de cas de refus, avec l'expérience du décret, disons que j'ai eu connaissance que l'AECQ vous avait répondu qu'il n'y en avait aucun. Par contre, il y a quand même une chose qu'il faut remarquer, c'est qu'il y a énormément de cas où le contremaître et le représentant du travailleur se sont entendus pour faire des corrections avant qu'on aille plus loin. C'est sûr que je ne peux pas vous les quantifier, mais je pourrais facilement vous amener des témoignages dans ce sens. Il n'a pas réellement été utilisé comme tel, avec grief et tout le mécanisme du décret; par contre, je suis convaincu que souventefois il y a eu des ententes pour faire les réparations nécessaires pour protéger les travailleurs.

Quant au risque de non-embauche, je vous avoue que je pense que c'est de donner à l'employeur une mauvaise foi qu'il n'a pas. On a toujours évité de spéculer sur la mauvaise foi des travailleurs, c'est pour cela qu'on est d'accord avec le droit de refus, c'est pour cela qu'on est d'accord avec toutes sortes de choses dans le projet de loi. Dans le fond, ce projet de loi — je pense que M. le ministre l'avait déjà dit — si on se met à donner des hypothèses de mauvaise foi, on n'en sortira certainement pas. Malheureusement, il y a eu quelques cas de décès. Je suis d'accord, beaucoup trop, dans le fond... Je suis convaincu que l'ouvrier, si cela avait été une question de choix, aurait choisi sa vie plutôt que son emploi. Ce genre d'hypothèses peut nous amener à des abus. On pense que les employeurs sont loin d'être des gens d'aussi mauvaise foi et des tueurs d'ouvriers.

M. Pagé: Merci de vos commentaires.

Le Président (M. Dussault): Merci, M. le député de Portneuf. M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: Je serai bref, je ne vous passerai pas tous mes commentaires, M. Larochelle, vous m'accuseriez de préjugé. Juste une question rapide. Est-ce que vous seriez prêt à admettre honnêtement deux choses? Premièrement, l'existence d'une liste noire, en particulier à la baie James, en regard des accidents et de la santé des travailleurs. Deuxièmement, est-ce que vous seriez prêt à admettre aussi que pour un bon nombre d'entreprises, actuellement, l'existence même du poste d'agent de sécurité est à d'autres fins que celles de la santé et de la sécurité du travail?

J'ai comme preuve un document qui nous a été remis, soit une lettre signée par M. Henri Laporte, directeur à la sécurité industrielle. Il dit ceci, à un moment donné: "Ceci nous permettra d'entraîner un personnel de sécurité compétent pour pouvoir faire les contestations et en obtenir un bon retour monétaire et ne pas s'aventurer dans des procédures dispendieuses."

Si les mots veulent encore dire quelque chose, je comprends que le premier objectif pour le personnel de sécurité compétent dans ce cas, c'est davantage d'obtenir un bon retour monétaire que d'éviter les accidents à leur source et de protéger la santé des travailleurs. Est-ce que vous seriez prêt à admettre que ces choses sont dans l'esprit, actuellement, d'un bon nombre d'entreprises?

M. Larochelle: Quant à la première, la baie James, malheureusement, je ne connais pas suffisamment la baie James. Vous aviez hier des représentants qui auraient sûrement pu mieux vous répondre là-dessus. Je ferais de la pure spéculation, je serais malhonnête, et vous m'avez demandé d'être honnête.

M. Bisaillon: Au niveau d'aucune des associations, actuellement, représentées, vous n'avez aucune expérience de la baie James qui pourrait vous permettre de dire qu'effectivement, il existe une liste noire de travailleurs qui ont subi des accidents ou qui ont eu des maladies pendant qu'ils travaillaient et dont on a refusé le réengagement parce qu'ils avaient eu un accident.

M. Larochelle: Je ne peux pas, je ne sais pas si, effectivement, les gens peuvent vous répondre là-dessus...

M. Bisaillon: Cela va. Deuxième partie.

M. Larochelle: Quant à la deuxième partie, l'agent de sécurité, je pense que non. À mon point de vue, c'est un cas particulier. M. Jacques va répondre, il a plus d'expérience dans ce domaine.

M. Jacques: Sur 250 agents, et même peut-être plus, et il y a encore des cours qui sont donnés pour les agents de sécurité — M. Laporte, je ne le connais pas, évidemment, je ne peux pas vous dire s'il est de bonne ou de mauvaise foi, je ne vous dis pas non plus que c'est faux, parce que, en fin de compte, on n'a pas de preuve, on ne le sait pas — de bons agents de sécurité, comme de mauvais, vous pouvez en avoir, c'est comme de bons avocats, de mauvais avocats, il y en a partout. Je connais beaucoup d'agents de sécurité; un agent de sécurité qui fait son travail ne le

fera pas dans l'optique dont vous avez parlé, soit la rentabilité. Quand on parle de prévention des accidents, vous pouvez avoir un cas comme ça, je ne le tiens pas pour acquis, sur 250 agents... Cela fait 20 ans que je fais de la prévention des accidents, je ne suis pas seul là-dedans, et ce n'est pas un point que je regarde.

M. Marois: M. le Président, si on me permet simplement d'ajouter une chose, je vous inviterais en relisant le journal des Débats à prendre très attentivement connaissance du témoignage qu'est venu rendre ici devant nous, et c'est public, un groupe de conseillers en prévention qui sont des agents de sécurité et vous lirez certains passages. Je pense que ça demandait beaucoup de franchise et beaucoup de courage de leur part, de dire, notamment, qu'ils étaient très souvent empêchés d'assumer leurs responsabilités concernant le domaine de la sécurité, de la santé d'une part, et que, d'autre part, il ne leur était pas possible, dans bon nombre de cas, de travailler avec toute l'objectivité, disaient-ils, — je pense que c'est l'expression qu'ils utilisaient, sous réserve, je ne veux pas citer autre chose que ce qu'ils ont dit — de façon objective le travail prévu par le code. C'est pourquoi nous pensons qu'il faut reconnaître aux travailleurs le droit, par leurs associations syndicales, de se donner des représentants syndicaux à la prévention, libérés pour ce faire, quelle que soit la formule. On est prêt à regarder les modalités qui s'imposent, que ce soit le délégué de chantier ou d'autre chose, dans la foulée des témoignages qui ont été fournis ici devant cette commission.

M. Jacques: M. le ministre, on parle dans la province de Québec, et je mets au défi qui que ce soit en commission parlementaire, il y a environ 500 personnes qui font de la prévention des accidents dans la province de Québec. Environ 250 sur les chantiers de construction pour 160 dont vous nous parliez tantôt, à part les 150 agents inspecteurs de l'Office de la construction qui voient à l'application du code. Évidemment, vous pouvez en avoir quelques-uns qui rencontrent ce que le député mentionnait tantôt, mais je pense bien que... On a dit qu'on était d'accord avec les agents de sécurité qui existent présentement, c'est vrai. On n'a jamais dit qu'on ne voulait pas leur donner plus de pouvoir ou plus de contrôle sur ces gens-là. On ne vous dit pas non plus — on est bien conscient — qu'il y en a qui ont des problèmes. Cela existe, c'est comme dans n'importe quel autre métier, il y en a qui ont des problèmes. Maintenant, si dans le règlement, on lui donne plus de pouvoir ou plus de contrôle, on ne s'est jamais opposé à ça non plus.

Le Président (M. Dussault): II n'y a pas d'autres interventions. Je remercie les six associations patronales de l'industrie de la construction pour leur participation à nos travaux. Je leur souhaite un bon retour. J'invite maintenant la Fraternité des policiers de la communauté urbaine de Montréal.

Une voix: ... de prendre à mon compte une célèbre phrase de M. Chartrand, il y a une vingtaine d'années: "Les vieux, on va les respecter, mais on ne les attendra pas."

Une voix: ...

Le Président (M. Dussault): J'invite le porte-parole de la fraternité à s'identifier pour les fins du journal des Débats et à nous présenter ses collègues.

Fraternité des policiers de la CUM

M. Masse (Gilles): Gilles Masse, président de la fraternité. Je suis accompagné de M. Georges Painchaud, directeur de la fraternité et Me Mario Létourneau, procureur de la fraternité et de M. Gilbert Côté, qui est aussi directeur de la fraternité. On va en avoir pour à peu près cinq ou dix minutes. Ce sera assez court. On dépose notre mémoire et on veut simplement vous soulever un certain nombre de points qui nous tiennent particulièrement à coeur, nous les policiers de la CUM.

Le Président (M. Dussault): M. Masse, si vous permettez, ce que l'on verserait au journal des Débats, c'est la partie du mémoire que vous avez préparé. Quant aux photocopies, je pense que ça ne fait pas partie...

M. Masse: C'est ça.

Le Président (M. Dussault): D'accord, vous avez la parole. (Voix annexe C)

M. Masse: Je dois vous dire, M. le Président, qu'on est assez impressionné de voir les représentants patronaux qui viennent devant cette commission parlementaire depuis un certain nombre de jours nous démontrer leurs préoccupations pour protéger la vie et la santé des travailleurs.

Je tiens à vous dire — et on va essayer de vous parler particulièrement de nos expériences personnelles — que les policiers de la CUM n'ont pas l'impression que nos employeurs se sont préoccupés, même une fois, de la sécurité et de la santé des policiers de la CUM. Il n'a jamais existé à la police de la CUM qui regroupe 5000 membres, une personne de la partie patronale qui était responsable de la sécurité, ce n'est jamais arrivé.

On constate qu'au niveau de la sécurité et de la santé des travailleurs, les seuls organismes qui ont fait quelque chose dans notre société, ce sont le syndicats. On constate aussi... c'est rare qu'un policier se fasse applaudir par le Conseil central de Montréal.

Des voix: ...

M. Masse: Je tiens à vous dire qu'on n'est pas venu ici pour expulser qui que ce soit.

On constate, à la lecture du projet de loi et avec l'expérience qu'on voit dans notre société, les problèmes que les travailleurs ont à se syndi-

quer collectivement, l'intimidation de la part des patrons... On sait qu'il n'y a pas beaucoup de travailleurs qui sont syndiqués dans notre société. Le droit de refus, sur le plan individuel, est pas mal illusoire et on ne comprend pas, étant donné que ce sont les syndicats qui se sont toujours préoccupés de ça — il y a eu plusieurs exemples de donnés; le droit de refus, c'est un droit qu'on a — on ne comprend pas pourquoi ce ne sont pas les syndicats qui ont cette responsabilité.

À maintes reprises les syndicats ont démontré leur responsabilité, parce qu'un syndicat est plus difficilement intimidable qu'un individu dans une entreprise et un syndicat a plus de responsabilités, parce que c'est le représentant collectif d'un groupe de travailleurs. Nous, à la fraternité, je dois vous dire qu'on a entendu très souvent des gens de la partie patronale dire que les travailleurs vont se servir de ce droit pour faire des grèves illégales, pour établir des moyens de pression. Je dois vous dire qu'il n'est pas nécessaire d'avoir une telle loi pour faire des moyens de pression; on l'a démontré à quelques reprises. Ce sont les syndicats, dans les entreprises où il y a des syndicats, qui sont les plus aptes à déterminer ce qui est dangereux et ce qui n'est pas dangereux.

Un deuxième point que je voudrais soulever, c'est le choix du médecin. Dans le livre blanc, on pouvait lire que le comité, advenant mésentente entre les différents représentants, que la commission déterminerait qui serait le médecin, en donnant priorité au médecin de l'employeur, si médecin de l'employeur il y avait.

Or, je dois vous dire que nous, à la police de la CUM, ça fait une quinzaine d'années qu'on subit les médecins de l'employeur et que, s'il n'y a pas eu de moyens de pression de pris — pas juste par les policiers, parce que ce sont les médecins de l'employeur, de la ville de Montréal, car la CUM n'a pas de médecin — par les pompiers, par les cols blancs, par les cols bleus et par les policiers, c'est exclusivement parce qu'on attendait cette loi et qu'on se disait qu'on pourrait changer de médecins avec cette loi.

Maintenant, le projet de loi stipule que la commission va nommer, si on ne s'entend pas... C'est sûr qu'on ne s'entendra pas sur ces médecins; ils ont perdu toute forme de crédibilité auprès des travailleurs à l'île de Montréal. Si la commission nomme ces médecins comme médecins représentant les travailleurs, il n'y aura pas possibilité que cette loi soit efficace.

Or, ce qu'on vous demande, c'est que les travailleurs, quand ils vont voir un médecin, comme tout le monde, pour se faire soigner. On pense que les représentants des travailleurs sont capables de choisir eux-mêmes le médecin qui devrait être là ou au moins qu'ils aient un droit de veto pour empêcher un médecin qui vient de l'extérieur, qui ne fonctionne pas et qui n'a pas de conscience sociale, comme l'exige cette nouvelle fonction qui est en train d'apparaître dans notre société... Je dois vous dire que c'est très important pour nous qu'on change le médecin de l'employeur. (17 h 45)

Quant au retrait préventif, on pense qu'il devrait s'appliquer à d'autres personnes que les femmes enceintes. Il y a plusieurs situations qui font qu'un travail peut, pour employer le texte de loi, comporter un certain nombre de dangers inhérents. À la police de la CUM, on accepte ces dangers inhérents; par contre, on recommanderait d'éliminer les mots "habituellement" et "normaux" qui ne devraient pas être dans le texte de loi. Par contre, les dangers inhérents, on les accepte, on n'a pas le choix. Maintenant, ces dangers inhérents à une fonction peuvent être augmentés temporairement pour un individu à un moment donné. Je vous donne l'exemple d'un policier qui vient de participer à une chasse à l'homme ou à une fusillade et il y a un de ses confrères qui a été blessé par balle. Ce serait très dangereux pour lui et pour les citoyens de renvoyer ce policier sur un appel de vol à main armée. Le retrait préventif, à ce moment-là, pourrait être appliqué, comme pour d'autres domaines, comme celui de la construction, je pense.

C'est un danger inhérent que de marcher sur des poutres, à 60 pieds du sol. Il peut y avoir un travailleur qui a pris des antibiotiques cette journée-là, il ne peut pas le faire. Là, il y a un cas particulier et je pense qu'avec son délégué syndical, il pourrait avoir un retrait préventif. C'est un genre de fonction qu'un autre travailleur pourrait faire. Cela pourrait être dangereux pour une personne et pas nécessairement dangereux pour une autre personne. C'est au niveau des relations entre le syndicat et l'employeur que ça pourrait se régler.

Il y a autre chose qui nous tracasse ici et on peut remercier le gouvernement de ne pas avoir exclu comme en Ontario, les policiers, les pompiers, les gens des hôpitaux, et de l'enseignement de cette loi. Par contre, le paragraphe 35 de l'article 185 donne le pouvoir à la commission d'exclure certains groupes de travailleurs de cette protection. Or, on se demande si, le gouvernement ne nous excluant pas, la commission, par contre, ne pourrait pas nous exclure. Je peux vous dire qu'à la police de la CUM on a une mauvaise expérience qui date de 1962, parce que de 1962 à 1964, le maire Drapeau a obtenu de la Commission des accidents du travail une exclusion pour les policiers et pour les cols bleus qui travaillaient pour la ville de Montréal, sous prétexte qu'il était en mesure de payer pour les accidentés du travail. Or, la ville de Montréal n'a pas fourni de 1962 à 1964; il y avait aussi des petits problèmes budgétaires qui étaient reliés à ça. Aujourd'hui, en 1979, on a des gens qui sont blessés — des blessures qui découlent d'accidents qui sont arrivés entre 1962 et 1964 — et on n'est pas capable de recouvrer pour eux autres de la CAT, parce qu'à ce moment-là, l'employeur ne payait pas.

On accepte qu'il y ait des dangers qui soient inhérents à certaines fonctions et si on accepte ça, on ne voit pas pourquoi la commission aurait le pouvoir d'exclure une personne de cette loi; c'est une loi pour protéger tous les travailleurs, on ne voit pas pourquoi ils auraient cette possibilité-là.

II y a un autre article dans le projet de loi qui nous fatigue pas mal, c'est l'article 41; on n'en a pas entendu parler par beaucoup de gens. Il stipule que "L'employeur dresse et maintient à jour, conformément aux règlements, un registre des caractéristiques concernant le travail exécuté par chaque travailleur à son emploi." Je dois vous dire qu'à la Fraternité des policiers de la CUM, on se bat depuis cinq ans pour avoir une définition de tâches et fonctions que l'employeur nous refuse. On est en train de la faire d'une façon unilatérale et on craindrait énormément, étant donné que le Code du travail nous donne le pouvoir et le droit de déterminer et de négocier nos conditions de travail, que la partie patronale se retranche derrière l'article 41 pour refuser de négocier une définition des tâches et fonctions sur laquelle on travaille depuis cinq ans. On pense que cela devrait être éliminé du projet de loi.

En dernier, M. le Président, je vous parlerai simplement des comités paritaires. On a exclusivement des mauvaises expériences dans notre syndicat, avec les comités paritaires. En fait, on a un comité paritaire qui a fonctionné, c'est le comité paritaire sur les horaires de travail. Et quand on a réglé, il y a un représentant de la partie patronale qui nous a dit: II n'y en aura plus jamais, de comité paritaire.

Au niveau du comité paritaire, on a été capable de démontrer au conciliateur qu'on avait raison.

Les comités paritaires à la police de la CUM ne fonctionnent pas par différentes méthodes et des méthodes aussi directes que des lettres du directeur, lequel m'écrit pour dire qu'il ne nommera personne, qu'il ne sent pas le besoin de nommer quelqu'un au comité paritaire, concernant la définition des tâches et fonctions, parce qu'il est en train de faire des gros changements et que les fonctions vont toutes changer. C'est pour cela qu'on voulait un comité paritaire. Il a fallu faire une bataille pour avoir le comité paritaire, il a fallu faire une bataille pour qu'il y nomme quelqu'un au dessus. Et là, gêné, il a nommé quelqu'un. Ils sont venus et ont dit: Nous sommes le comité paritaire, mais on ne peut pas parler des tâches et fonctions. Nous sommes donc très sceptiques devant les comités paritaires.

Jamais un comité paritaire n'a fonctionné. On a, à la police de la CUM, 5000 employés. On a, à la fraternité, 3700 dossiers d'accidentés du travail qu'on tient à jour. On a 4 personnes de la fraternité, qu'on paie nous-mêmes, qui travaillent exclusivement sur les accidentés. Et c'est nous qui les aidons à aller en appel aux Affaires sociales et qui payons les frais d'avocat pour essayer de les déprendre. L'employeur n'a jamais rien fait; il nous met même des bâtons dans les roues en nous cachant des documents et en refusant de nous donner des documents pertinents à la cause de nos travailleurs qui sont blessés. Nous sommes absolument sceptiques devant la possibilité d'un comité paritaire qui fonctionnerait dans ce domaine. Grosso modo, je peux vous dire que dans notre dossier sur le saturnisme, notre premier rapport date de 1962. Nous sommes rendus en 1979. Il y a quatre ans, on a fait fermer les salles de tir de la police de la CUM, avec l'aide du ministère du Travail, parce qu'il y avait onze instructeurs de tir qui ont été en accident de travail pendant 750 jours, et qui souffrent encore de saturnisme, à cause de cette situation.

Par la suite, à l'encontre des recommandations du ministère du Travail, la direction du service de la police a tenté de rouvrir quatre salles de tir, malgré la mauvaise ventilation. Il a encore fallu se battre pour les faire fermer. Je dois vous dire que présentement, il y a deux salles de tir qui sont en réparation. Cela fait quatre ans que les policiers n'ont pas de salle de tir.

Quand on parle du danger, pour un travailleur, je dois vous dire qu'on a été les premiers, la fraternité, à dénoncer cette situation et la situation est peut-être plus grave qu'on ne pense. À un moment donné, il y aura peut-être un travailleur qui dira: Je ne peux pas travailler avec tel compagnon de travail, parce qu'il ne sait pas tirer. S'il ne sait pas tirer, c'est parce qu'il n'y a pas de salle de tir, c'est parce qu'il n'y a pas de cours. Cela fait cinq ans qu'on se bat pour avoir des vestes antiballes et on n'en a pas encore.

Nous sommes bien prêts à donner une chance à votre loi, mais je dois vous dire qu'on va la surveiller de très près et on verra. On vous souhaite bonne chance.

Le Président (M. Dussault): Merci, M. Masse. M. le ministre.

M. Marois: M. le Président, je voudrais remercier la Fraternité des policiers de la Communauté urbaine de son mémoire, mémoire qui est très volumineux, qui contient de nombreuses recommandations. On a commencé à procéder à un examen attentif de toutes et chacune des recommandations. On va poursuivre le travail. Vous pouvez être assurés qu'on va l'examiner très attentivement.

Je voudrais juste m'arrêter, sans abuser du temps, à un certain nombre de points. Je ne voudrais pas être trop long, mais, quand même, il s'agit du cas des policiers. Il y a eu énormément de pressions qui ont été faites sur nous pour que ce soit exclu, comme c'est fait en Ontario, de même que dans le cas des pompiers, et j'ai eu l'occasion d'expliquer publiquement ici et ailleurs, à plusieurs reprises pourquoi je ne pensais pas qu'ils devaient être exclus.

Cela dit, en ce qui concerne votre recommandation au paragraphe 14 de l'article 1, c'est toute la question des établissements, vous mettez le doigt, je pense bien, sur un problème qui est réel. C'est vrai qu'il s'applique dans votre cas.

Je suis pleinement conscient de la difficulté que vous évoquez, que vous soulevez. On a commencé, tout au long, en même temps, parallèlement aux travaux de la commission, à examiner un certain nombre de formules qui nous ont été soumises, dont celles, notamment, que vous suggérez dans votre mémoire et on va poursuivre

nos travaux dans ce sens. Il est vrai qu'il va falloir certainement essayer de trouver les formules pour tenir compte des situations particulières.

Deuxièmement, vous nous suggérez au paragraphe 18 de l'article 1 de définir le mot "accident", en plus "de maladie professionnelle", et vous expliquez pourquoi. Je prends note de votre suggestion, et on va regarder cela.

En ce qui concerne l'article 12, le droit de refus, aux pages 17, 18 et 19 de votre mémoire, il y a deux choses. Il y a d'abord que, dans un premier temps, vous vous en souvenez dans le livre blanc, on qualifiait le danger. On parlait d'un danger imminent. Les conventions collectives parlent, dans certains cas, de danger inhabituel, d'autres de cas de danger grave. D'autres lois parlent de danger grave et immédiat, "unusually", en Saskatchewan, etc.

Finalement, après consultation, après avoir entendu beaucoup de groupes et de représentations, on en est venu à la conclusion qu'il fallait se coller à la jurisprudence et enlever toute qualification du danger, ne pas le qualifier.

Cependant, il est vrai, il est tout à fait exact qu'il y a le bon sens le plus élémentaire. J'ai souvent donné publiquement, entre autres, l'exemple des policiers et des pompiers en disant: C'est évident que le pompier qui arrive en bas ne dira pas "II y a le feu; je ne monte pas". C'est déjà suffisamment dangereux comme métier. Il y a là quelque chose qui est inhérent à votre "job". Il y a les gars qui font partie de brigades spéciales pour se rendre sur un lieu où il y a un crime, qui est en train de se produire, avec des gars qui sont là, armés, avec des otages dans certains cas: c'est évident que le policier ne va pas dire, et je comprends que ce n'est pas cela que vous dites non plus, le répéter à plusieurs reprises: "Hé, ils sont armés; on n'y va pas!" Mais, cela étant dit, cela ne veut pas dire pour autant qu'on doit conclure qu'il faut enlever le droit de refus à des groupes comme les vôtres et comme les pompiers. Il y a déjà suffisamment de dangers inhérents à certains aspects de votre travail que, dans bon nombre d'autres aspects, et même dans les aspects où c'est dangereux, vous évoquez les vestes antiballes. Bien, le minimum, c'est de faire en sorte que cela se fasse. Il y a des choses élémentaires qui doivent être faites et qui ne sont même pas faites.

On pense — je vous le dirai très franchement maintenant — même, après avoir entendu bon nombre de commentaires depuis je ne sais plus combien de jours de nos travaux de commission parlementaire, que je suis en train d'examiner et d'étudier la possibilité d'une formule qui permettrait d'éviter l'ambiguïté même. Je tiens pour acquis, et jusqu'à nouvel ordre, je n'ai pas l'intention de changer cela, qu'il n'est pas question de qualifier le danger.

Je songe, deuxièmement, à une formule qui permettrait d'éviter l'ambiguïté de la formule actuelle "d'habituellement et normalement inhérent à", qui, selon bon nombre de témoignages, pour- rait mener à une interprétation très restrictive de l'application du droit.

Dans ce sens, vous nous faites une recommandation à la page 19. Je me pose une question et je vous soumets cette hypothèse, car c'est purement une hypothèse, et je vous avoue qu'elle n'a pas été grattée. (18 heures)

Est-ce qu'il serait possible, est-ce qu'il vous apparaîtrait acceptable — je sais que vous allez être d'accord — qu'on enlève l'expression "normalement et habituellement inhérent" et qu'on balise la seule exception de la façon suivante, par une formule du genre "sauf dans les quelques circonstances où l'exercice comme tel"... Il y a une expression qui est utilisée dans une des lois étrangères, qui dit: "mettrait la vie d'autres travailleurs ou d'autres citoyens "in an imminent jeopardy", ce qui n'est pas "imminent danger", c'est beaucoup plus fort que "imminent danger". Une formule comme celle-là vous semblerait-elle acceptable?

Jusqu'à nouvel ordre, personne n'a réussi à me convaincre qu'il y a des raisons fondamentales pour exclure carrément — comme le fait notamment la loi de l'Ontario — de l'application de l'exercice du droit de refus les policiers et les pompiers. Si vous n'êtes pas prêts à répondre sur le champ, j'ai encore d'autres questions. Cela vous laisse encore quelques minutes pour y penser. Peut-être que vous n'êtes pas prêts de toute façon à répondre immédiatement. Je le comprendrai fort bien et vous pourrez toujours nous envoyer une note.

Si vous me permettez juste d'enchaîner, à l'article 13, vous demandez que le travailleur puisse aviser immédiatement son employeur et aussi son représentant. Je pense que cette suggestion que vous formulez mérite d'être examinée de très près parce que c'est peut-être une des formules qui permettrait d'alléger - beaucoup de gens nous ont parlé de la lourdeur — d'accélérer le processus et de s'assurer aussi que ce soit plus qu'un accompagnement syndical, dans le cas où il existe un syndicat, mais qu'on colle beaucoup plus à une notion de prise en charge par le syndicat, par le biais d'un représentant syndical à la prévention, dans l'exercice d'un droit comme celui-là. On va regarder cette proposition de très près.

À l'article 27 — si ce n'est pas clair, on va prendre les mesures pour ajuster le texte de loi — vous nous faites des recommandations. Il est certain que, dans notre esprit, l'employeur doit respecter les règles de la convention collective. Si cela n'est pas clair, on va s'assurer que le texte sera ajusté en conséquence.

Vous faites des remarques à l'article 39. Je pense que ces remarques ne sont pas sans fondement et on va les regarder.

À l'article 41, vous avez beaucoup insisté dans votre exposé oral sur la fameuse question des définitions de tâches. On tenait pour acquis, peut-être n'aurait-on pas dû, on suppose que la défini-

tion de tâches correspond à celle qui a été négociée. Si cela n'est pas clair et si c'est nécessaire, on va le préciser comme tel dans le projet de loi par des amendements.

Votre recommandation à l'article 60, on est d'accord avec cela. On va ajuster en conséquence.

Les recommandations que vous formulez aux articles 62 et 71, je peux vous dire tout de suite qu'on va les considérer très sérieusement.

Je peux vous dire aussi que vos recommandations concernant les articles 93 et 97, c'est-à-dire qu'il soit possible de faire appel à toute autre personne, en ce qui concerne l'élaboration du programme de santé, ressource jugée utile, on est d'accord. On va l'inclure dans le projet de loi aux articles 93 et 97, je peux vous dire cela tout de suite.

En ce qui concerne la crainte que vous avez de l'exclusion, alors que depuis le début on résiste et je ne suis pas encore convaincu qu'il y ait quelque raison que ce soit qui justifie d'exclure policiers ou pompiers, je ne crois pas que par le biais du paragraphe 35 de l'article 185 cela puisse se produire. J'ai pris bonne note de vos commentaires.

Voilà, M. le Président. Je m'excuse d'avoir été aussi long, mais il y a plusieurs recommandations dans le mémoire. Je tenais tout de suite, sur les points sur lesquels c'est déjà très clair, à indiquer clairement notre intention.

M. Masse: Simplement, je laisserais à Me Létourneau le soin de répondre à la seule question que vous nous avez posée, à savoir ce qu'on pensait d'une nouvelle formule. Vas-y donc, mon cher maître!

M. Létourneau (Mario): C'est au sujet de l'article 12, et ce que vous aviez élaboré comme possibilité de contourner la difficulté de danger qu'on ne qualifie plus. Si j'ai bien compris l'idée que vous proposez, c'est que l'exercice du droit de refus serait possible si l'exécution du travail comporte un danger. On s'entend?

M. Marois: La formule habituelle. Si quelqu'un a des motifs bien raisonnables de penser qu'il y a des dangers pour lui ou pour les autres.

M. Létourneau: Est-ce que je comprends bien qu'on ajouterait quelque chose comme "ou si dans le cas où un danger est inhérent à une fonction", si par ailleurs, la santé et la sécurité sont exposées directement à un danger...

M. Marois: Non, on n'ajouterait rien. Ce n'est pas au point, on réfléchit avec les groupes au fur et à mesure qu'ils se présentent devant nous. Il me semble qu'on devrait admettre que c'est vrai que, sous réserve de l'examiner comme il le faut, la formule de "normalement et habituellement inhérent" n'est peut-être pas la formule la plus heureuse. C'est vrai que peut-être, dans une interprétation juridique... parce qu'encore une fois, un texte de loi, quand cela va bien, tu ne t'en sers pas, tu t'en sers quand cela ne va pas. C'est là que cela prête le flanc à des interprétations et à des jugements. Il faut donc être le plus clair possible et ne pas prêter le flanc à des interprétations. La crainte de certains, c'est que cela réduise la portée de l'exercice du droit. On sait qu'il y a des choses qui sont inhérentes. Le feu, c'est vrai, cela brûle, c'est déjà dangereux. Certains bouts de votre propre métier, il l'est déjà. Cependant, ce n'est pas une raison pour exclure complètement. Est-ce qu'il est possible d'envisager l'idée... J'imagine que vous allez être d'accord là-dessus d'enlever l'expression "normalement et habituellement inhérent" et d'ajouter quelque chose dans le genre — ce n'est pas au point, j'improvise plus que d'autre chose, je réfléchis tout haut plutôt que d'autre chose — sauf dans les circonstances où cela mettrait carrément la vie d'autres travailleurs ou du public, des citoyens en danger. Mais, le sens de l'expression "en danger" n'est pas juste, dans le sens plutôt qu'on trouve dans d'autres textes de loi, ils utilisent l'expression "imminent jeopardy" qui est beaucoup plus serrée que danger, pas seulement un danger. Par exemple, il y a des pompiers — pour être très concret — qui sont venus ici nous dire: Quand cela fait trois, quatre ou cinq heures qu'un édifice est en feu et que quelqu'un nous dit: Tu vas monter sur le toit, et qu'on sait, en arrivant, qu'il n'y a plus personne en dedans et qu'on sait, parce qu'on a l'expérience de notre métier, qu'en mettant le pied sur le toit, le toit va descendre et qu'on risque de descendre avec et de ne plus être là pour en parler après, pourquoi ne pourrait-on pas, dans ce cas, exercer notre droit de refus? On sait qu'il n'y a plus personne en dedans. Je ne veux pas mettre la vie des autres en danger. On sait que c'est notre métier. Ils étaient portés à dire, si j'ai bien compris leur témoignage, je comprends fort bien que dans les cas où cela peut mettre la vie des citoyens en danger c'est évident, il est hors de question, cela fait partie de notre métier.

M. Létourneau: Je comprends très bien maintenant là où vous voulez aller. Pour éviter de prendre trop de temps en réfléchissant tout haut, je vous promets par ailleurs qu'on va essayer de travailler sur une formule et que si on en trouve une qui peut sembler heureuse, on se fera un plaisir de vous la communiquer. Il n'y a rien de trop beau. On va faire tout ce qu'on peut.

Le Président (M. Dussault): Est-ce qu'il y a d'autres commentaires?

Une voix: Non, cela va être tout.

Le Président (M. Dussault): M. le député de Portneuf.

M. Pagé: M. le Président, je serai très bref. D'abord, je vais m'excuser d'avoir dû m'absenter pendant le début de la présentation de votre mémoire. À plusieurs reprises des demandes nous ont été formulées ici, autour de la table, afin

d'exclure de la juridiction et de l'application de la loi certains groupes, que ce soit les pompiers, les policiers, les employés municipaux. Cela a été une fin de non-recevoir tant de la part du gouvernement que de l'Opposition officielle. On tient à ce que cette loi s'applique. On a pris connaissance de votre mémoire. Vous avez des choses que vous revendiquiez qui sont tout à fait justifiées. Le ministre vous a d'ailleurs donné des réponses positives à certains égards aujourd'hui. Soyez convaincus que cela va contribuer à alimenter notre débat en deuxième lecture, article par article. On va suivre, parce que c'est le rôle de l'Opposition de suivre de près les engagements du gouvernement, de près le ministre d'État au Développement social là-dessus. En ce qui concerne les propositions que vous pourriez éventuellement formuler à l'égard du droit de refus ou du libellé du texte, on apprécierait que vous nous en fassiez parvenir. Merci, messieurs.

Le Président (M. Dussault): II n'y a pas d'autre intervenant. Alors, au nom de la commission, je remercie la Fraternité des policiers de la Communauté urbaine de Montréal de sa participation à nos travaux. Je souhaite à ses représentants bon retour!

M. Masse: Merci beaucoup!

Le Président (M. Dussault): J'invite maintenant le dernier groupe à entendre aujourd'hui...

M. Pagé: Mais non le moindre.

Le Président (M. Dussault): ... le Conseil central de Montréal, CSN, que nous entendrons immédiatement, puisque c'est le voeu de la commission de continuer ses travaux jusqu'à ce que nous ayons terminé l'ordre du jour d'aujourd'hui.

Pour les fins du journal des Débats, j'invite le porte-parole du groupe à s'identifier et à nous présenter ses compagnons et compagnes.

Conseil central de Montréal (CSN)

M. Larose (Gérald): Avec votre permission, M. le Président, j'inviterais d'abord les travailleurs à respecter une minute de silence, parce que le sujet dont on va parler, c'est un sujet qui nous touche de très près; ce sont des camarades et des compagnes de travail qui sont touchés. Je demanderais qu'on respecte une minute de silence.

Merci.

Je me présente. Mon nom est Gérald Larose, président du Conseil central de Montréal. Je suis accompagné à la table par Michel Chartrand, conseiller au dossier; Claude Mainville, ingénieur au service de la CSN; Céline Labrecque, qui est présidente du comité d'action santé-sécurité du Conseil central; à ma droite, Fernand Valiquette, président du Syndicat du Gaz métropolitain; René Paradis, du Syndicat des employés de Francon; Jacques Morissette, président du Syndicat des travailleurs de la CTCUM, la Commission de transport.

Le Président (M. Dussault): M. Larose, j'ai regardé attentivement votre mémoire et il a 33 pages. Serait-il possible, s'il vous plaît, de faire l'effort de nous le résumer en 20 minutes? Nous pourrions le déposer intégralement au journal des Débats, si ça vous intéresse.

M. Larose: Nous souhaitons qu'il soit effectivement déposé et c'est effectivement la méthode qu'on voulait prendre, c'est-à-dire de vous brosser, à grands traits, le mémoire, et, ensuite peut-être, déposer devant vous des pièces qu'on a déjà remises à certains membres de la commission et qui peuvent venir en appui à certaines réalités que nous voulons défendre aujourd'hui. (Voir annexe D)

Le Président (M. Dussault): Merci. Vous avez la parole.

M. Larose: Si on veut résumer, pour le Conseil central de Montréal, ce n'est pas un hasard s'il y a un projet de loi no 17. C'est à la suite de toute une série de luttes que les travailleurs ont menées et non pas des employeurs. Les employeurs nous ont toujours combattus là-dessus.

S'il y a un projet qui nous arrive, c'est parce qu'il y a des problèmes et que ce sont les travailleurs qui se sont toujours battus pour essayer d'éliminer ces problèmes et surtout d'éliminer leurs causes.

Par contre, le projet de loi no 17, à notre avis, passe à côté de l'ensemble de nos revendications. Particulièrement, il interdit l'usage réel et efficace du principal instrument qu'on a mis des années et des années à construire, qui sont les organisations syndicales et qui, depuis un certain nombre d'années, ont pris le dossier de la santé et sécurité en main. De plus, le projet de loi no 17, à notre avis, remet la peau des travailleurs dans les mains d'une super commission des accidents du travail, qu'on connaît très bien et dont la réalité concrète pour les travailleurs a toujours été une réalité pour, d'abord, les mépriser. Il faut connaître un peu le fonctionnement de cette commission pour connaître la dose de mépris qu'ils ont à l'endroit des travailleurs. (18 h 15)

En dehors du mépris, il y a la réalité concrète de la Commission des accidents du travail, qui n'a qu'un seul objectif et qu'une seule pratique, de couper le plus possible pour économiser le plus possible aux employeurs. Même sur le plan de la recherche ou de la reconnaissance des maladies, on sait qu'elle est très parcimonieuse dans le domaine. Par exemple, elle ne reconnaît pas encore la sidérose; pour elle, ça n'existe pas, même si le service de santé communautaire de Lévis en avait trouvé 180 cas sur 400. C'est aussi cette même commission qui a un comité de spécialistes pour les poumons qui nous a produit une enquête nous révélant qu'il y avait seulement 2,37% des travailleurs qui étaient atteints d'amiantose, alors que les études qu'on a faites à la CSN démontraient une tout autre dimension.

Cette même commission — je pense qu'on n'a pas à se rétracter sur les termes — une commission d'incompétents et de bouffons — et je pense que ça avait été signalé à la commission — vient de découvrir qu'il y a 28 travailleurs reconnus amiantosés qui, apparemment, ne le sont plus.

La liste d'attente en révision pour la région de Montréal, c'est 3100 noms; le mémoire signale qu'il y en a 2600, c'est maintenant 3100 noms. On pourrait vous déposer une lettre de la commission qui encourage directement les employeurs à contester le verdict des médecins des travailleurs qui vont à la commission. Pour nous, remettre le dossier de la santé et de la sécurité à une supercommission comme celle-là n'augure rien de très bon.

J'irais tout de suite à la page 6 pour réaffirmer très fermement qu'en ce qui concerne les médecins, pour nous, les articles, et particulièrement l'article 92, sont un piège pour nous réimposer les médecins de compagnie. Là-dessus, on veut être très clairs, on ne veut pas de statut particulier, on veut être traités comme tout le monde, c'est-à-dire avoir le droit de choisir notre médecin comme ça nous est reconnu dans la loi. Si je me fais heurter au coin des rues Moreau et Ontario par une bicyclette et que je suis blessé, je m'en vais à l'hôpital et je choisis mon médecin. Mais si une bicyclette me tombe sur la tête au même coin de rue, mais dans l'industrie de Victoria Precision Works, là, curieusement, je n'ai pas le droit de choisir mon médecin. Pour nous, il n'y a pas de statut particulier à donner à ce niveau. La pratique médicale à l'intérieur de l'entreprise, on la connaît trop bien. Le président de la CTCUM pourrait vous en dire quelque chose, les gens de la Vickers pourraient vous en dire tout autant. On sait que ce n'est que lorsque le syndicat décide d'aller chercher des compétences dans le domaine pour commencer des enquêtes que les médecins de compagnie se mettent à trouver de petites affaires. Le cas de la surdité à la CTCUM est très éclatant là-dessus; si on veut, on pourra y revenir plus tard.

Quant aux médecins de la CAT, ce sont des spécialistes pour trouver toutes sortes de raisons pour dire que ce n'est pas dû au travail: Tu fais trop de motoneige, tu es trop amateur de chasse ou tu fumes; il y a des gens de l'amiante qui se sont fait reprocher d'avoir trop fumé dans leur vie alors qu'ils n'avaient jamais fumé. On leur a rétorqué qu'ils devaient avoir travaillé avec des gens qui fumaient. C'est cela, les problèmes.

Pour nous — là, on est déjà à la page 12 du mémoire — le plus grave aspect de ce projet, c'est qu'il déforme notre principale revendication, qui est l'élimination des dangers à la source. Quand on regarde le projet de loi, il y a une déclaration, dans les notes préliminaires, à savoir que c'est censé viser l'élimination des dangers à la source et que c'est censé prévoir des mécanismes pour cela. Le premier mécanisme, ou le mécanisme prioritaire, c'est le fameux comité paritaire. Mais, quand on regarde l'article 63 en détail, ce dont on se rend compte, c'est que la première fonction du comité paritaire, c'est d'abord de choisir les équipements de protection individuels. Il n'est pas question de l'élimination des dangers à la source dans le premier paragraphe, ni dans les autres, d'ailleurs.

Le reste du comité, pour nous, c'est style boîte aux lettres, parce que la loi ne vient pas modifier les rapports qui existent dans l'entreprise. L'employeur va toujours avoir l'autorité et la possibilité de dire non à toutes les recommandations du comité paritaire. C'est lui qui est le patron. À Lasalle Coke, quand le comité paritaire a dit à plusieurs reprises au patron: Une de tes passerelles a un trou, tu vas la réparer. Le patron n'a jamais voulu la réparer. Un gars est passé au travers et il s'est tué. Qu'est-ce qu'on fait quand on recommande de réparer quelque chose et que le patron dit non? On recommence? Mais combien de fois? Pour nous, le comité paritaire à ce niveau-là, ce n'est pas l'instrument qui va nous amener à éliminer les dangers à la source. D'ailleurs, je pense que la commission a été saisie de la déclaration du juge Robert Sauvé, président de la CAT, qui s'était longuement étendu dans le Devoir du 23 novembre 1978, où il nous donne l'ensemble de cette philosophie. Pour lui, la responsabilité qui était portée par les seuls employeurs s'étend maintenant aux travailleurs, et c'est un changement majeur. Comme le "boss" est "boss" et qu'il a toute la responsabilité de l'organisation du travail, il choisit la méthode de travail, il choisit les produits, il décide de la quantité, il décide du monde qui va le faire. S'il a toute l'autorité, il va avoir aussi toute la responsabilité de s'organiser pour la santé et la sécurité des travailleurs. C'est-à-dire que lorsqu'il y aura des problèmes, c'est lui qui devra payer.

Je résume, parce que je pense que le temps s'écoule rapidement. Pour faire un petit aparté sur les pénalités — et c'est un secteur qui est peut-être nouveau dans la loi — on ne discutera pas si $1000 c'est trop cher pour une grosse ou une petite entreprise, comme quelques-uns en parlaient ce matin. Nous trouvons ça un peu fort que maintenant, quand on se fait agresser, on doive payer pour l'agression, on doive partager; on trouve ça un peut fort. Par contre, on ne trouverait pas fort qu'un patron reconnu coupable, doive faire de la prison. Si je bats mon "boss' parce que je suis de mauvaise humeur et que je le blesse un petit peu, il peut me poursuivre et je vais faire de la prison. Par contre, si lui, par négligence, il me coupe un bras, il ne fera pas de prison. On n'en a pas vu qui ont fait de la prison à venir jusqu'à maintenant. Il y a quelques coroners qui ont réussi, des fois, à rendre un verdict de responsabilité, mais ça s'est toujours terminé en queue de poisson et on pourra vous en donner des exemples, on en a dans le mémoire.

Sur le droit de refus de travailler, pour nous, si le syndicat n'est pas dans le coup, c'est de la comédie. Il n'y a pas un travailleur qui va se risquer tout seul à prendre la porte, en décidant par lui-même que c'est dangereux. Comme on dit dans le mémoire un peu plus loin, c'est un pas en avant, mais un pas dans le précipice ou bien pour prendre la porte. Là-dessus, on pourrait peut-être

préciser ce que M. Sauvé disait lui-même: "II s'agit d'un droit exercé individuellement et non collectivement". En matière de relations du travail, il y a longtemps qu'on avait vu cela. Une telle loi va rompre avec le courant moderne de la reconnaissance des droits des travailleurs.

Aujourd'hui, le gouvernement marque son intention de revenir à un droit exercé individuellement de s'adresser à nouveau à la personne, parce que, dit-il, il s'agit de l'intégrité de la personne. Nous avions l'impression qu'un travailleur pouvait croire que son syndicat était là pour le défendre. Mais non, il faut rompre avec ce courant moderne.

On ne vous parlera pas des actions que les syndicats ont menées, mais on rappellera peut-être ce que le vice-président de la CAT, M. Jodoin, a déclaré à l'AHPQ, que c'était terrible la façon dont ça se détériorait dans les hôpitaux, et qu'il n'y avait qu'un seul secteur où ça ne se détériorait pas, même que cela avait diminué de 89%, le secteur des intoxications.

On peut peut-être soumettre à la commission que c'est le secteur des buanderies dans lequel on s'est attaqué fermement, où on a organisé des batailles rangées, qui est responsable de cette diminution. Ce n'est pas que l'AHPQ ou que les directeurs d'hôpitaux ont décidé que, effectivement, il fallait s'attaquer à ça. On vous donne dans le mémoire un exemple de Verdun où, si le syndicat n'était pas intervenu, la situation aurait pu s'aggraver. J'arrête là, ça résume en très gros traits le contenu du mémoire. Je voudrais, à ce stade-ci, que le conseiller au dossier dépose les pièces qu'on a préparées à votre intention.

M. Chartrand (Michel): M. le Président. Le Président (M. Dussault): M. Chartrand.

M. Chartrand: Messieurs, pour le cas des amiantosés qui "s'amieutent", c'est une nouvelle équipe de Sherbrooke, comme par hasard, qui ne les trouve plus malades. Ils vont être compensés quand même, à même le fonds général de la CAT et il va y avoir un crédit de porté au secteur qui payait avant, secteur que le gouvernement veut nationaliser; ça adonne de même. Ils vont les renvoyer à ceux qui leur avaient dit qu'ils étaient malades et qu'ils ne pouvaient plus travailler et qui leur ont enlevé leur permis. Ils vont aller voir les mêmes gens pour avoir un permis pour travailler; ça fait dur un peu! Nulle part au monde on n'entend dire que les maladies, les séquelles ou appelez ça amiantose ou pneumoconiose ou des maladies de coeur, parce que les médecins de la province de Québec ne trouvent pas de maladie de poumon, ils trouvent des maladies de coeur; ils donnent des certificats de décès en disant: La personne a arrêté de souffler, ou bien, son coeur s'est arrêté de battre. Exactement des certificats d'embaumeurs première classe. Ce sont les certificats de Thetford, ce sont les certificats de l'Abitibi, ce sont les certificats des travailleurs qui ont les poumons mangés par la sidérose et on dit: II n'y a pas de sidérose dans la province de Québec, c'est le seul pays au monde où il n'y en a pas.

On pourrait vous présenter des travailleurs qui ont été soudeurs pendant 30 ans et qui n'ont plus de poumons, mais ils n'ont pas de sidérose et il n'y en a pas de reconnue par la CAT. Vous pensez qu'on devrait continuer à jouer avec eux et aller les voir encore? On a fini d'aller les voir!

Les autres cas de la CAT; j'ai un cas d'un nommé Vallée, à Granby. Le 27 avril 1977, il est allé se faire examiner par un oto-rhino-laryngologiste de Québec qui lui dit: Vous avez 50% de vos facultés auditives qui sont finies. Il a acheté pour $900 d'appareils; là, il va passer en révision le 24 octobre 1979, il a travaillé 32 ans dans la même compagnie, la compagnie a écrit: Ce gars-là n'a jamais attrapé ça chez nous. Vous allez nous pénaliser et pénaliser notre groupe, qui va être obligé de payer et le mérite et le démérite, dont M. Sauvé, le président de la CAT, dit: II faut se départir de ça et s'en aller au "no fault". C'est une théorie de 1898 en France, quand on a inventé le risque professionnel pour dégager la responsabilité patronale. Là, on a fait de petites compensations; alors le patron reste maître et il a encore l'autorité dans sa "shop"; il ne l'a pas perdue en 1979 et 1980, on n'en est pas rendu à la cogestion.

La cause des accidents, dans la province de Québec, c'est le manque de volonté politique des gouvernements de faire respecter les normes de sécurité et les lois de la province de Québec. Aucun employeur dans la province de Québec, ni le gouvernement du Québec, ni le gouvernement fédéral, ni les municipalités, ni les commissions scolaires, ni aucune institution, ni grosse entreprise, que ce soit l'aluminium, CIP, Kruger, Reynolds, ni les PME ne se préoccupent de respecter les normes de sécurité.

La philosophie de votre loi, M. Marois, a été mise à l'épreuve à Joliette où il y a eu deux morts; quatre entrepreneurs qui ont tripoté des affaires avec les ouvriers, se foutant éperdument du Code de sécurité de la construction et ça a fait deux morts. Cela va jusqu'à la magistrature; la Cour d'appel vient de reverser un jugement à propos de trois morts à Templeton où le juge de première instance avait démontré que la compagnie s était foutue de toutes les normes de sécurité, qu'elle n'avait pas balisé, qu'elle n'avait pas étanché le trou et que c était de la glaise bleue, etc.

Les trois juges de la Cour d'appel, qui sont souvent plus crétins que les juges de basse cour, ont dit: Ce n'est pas parce qu'un gars ne respecte pas les normes de sécurité qu'il est criminel, ce n'est pas parce qu'un gars a des "breaks" qui ne marchent pas qu'il est un criminel, mais un gars qui a des "breaks" qui ne marchent pas tout le temps et qui passe sur des feux rouges et qui écrase du monde, il doit finir par être criminel ou il est complètement fou. Ou le gars qui est sur le banc, c'est un fou. Vous allez avoir d'autres cas, comme les travailleurs de Carter White Lead. La savante "magistrate" Réjane Colas a dit: C'est vrai que vous avez du plomb dans le ventre, mais ce n'est pas une raison pour arrêter de travailler, les

règlements de la province de Québec, ce n'est pas à moi à les faire appliquer. Votre médecin de compagnie dit que vous n'êtes pas pire, le toxicologue — il y en a à peu près deux dans la province de Québec. Quand on a entendu les "smarts" universitaires nous parler de recherche, il faut qu'ils soient "décollectés", comme dit mon distingué président, de la réalité. Ce ne sont pas des recherches dont on a besoin, ce sont des gars qui vont dire aux travailleurs: Ça, c'est un poison, ça, ce n'est pas un poison.

Il y a un toxicologue à Québec qui s'appelle Nantel; il est dominé par des patrons, les administrateurs de son CHUL; il y en a un autre qui est à Montréal, Lacasse; les autres sont dans les hôpitaux pour enfants. À Sorel, vous allez mener un gars intoxiqué à l'hôpital, les médecins se cherchent et téléphonent à Sainte-Justine et au bout d'une heure, ils disent: On ne peut rien faire de plus pour le gars. On arrive en cour et on demande au pathologiste ce qu'il aurait fallu faire. Là, c'est le coroner qui intervient et dit: II ne pouvait pas le ressusciter, il était mort. Ce n'est pas ce qu'on demande. On demande au pathologiste s'il sait ce qu'il faudrait faire quand un travailleur bouffe un produit comme ça.

Il dit: C'est un bon hôpital, il en a réchappé deux. Ce n'est pas ça qu'on veut savoir. On veut savoir ce qu'il faut faire quand un gars bouffe un produit comme ça et il y en a plein le chantier maritime de Sorel, par 20 gallons. Le pathologiste étonné dit: La respiration artificielle. J'ai dit: Comme un ambulancier Saint-Jean? Il dit, oui. J'ai dit au coroner: Toi, mon gros "crisse" d'ignorant, si tu ne le demandes pas, tu ne le sauras pas. Ce sont vos coroners, c'est la farce du ministre de la Justice.

Les magistrats, vous ne pouvez rien, à part de nommer des péquistes et les autres qui sont là, les libéraux, à part des gens qui sont des universitaires; les travailleurs, c'est fait pour mourir des difficultés inhérentes à leurs tâches, et mourir jeunes. Mais l'administration des lois, les coroners, ça relève de M. Bédard. Un juge qui est sur le banc à Chicoutimi, qui se moque des inspecteurs de la construction, qui se paie leur gueule en cour, devant le monde, qui dit: Les accidents du travail, ce sont des affaires de luttes de classes, je ne veux rien avoir à faire avec ça, un gars a beau être Chevalier de Colomb et contre le communisme, mais "crisse", il faudrait qu'il fasse respecter les lois du pays, par exemple. Cela, c'est votre gouvernement, depuis que vous êtes là. Depuis que vous êtes là, que les inspecteurs ne savent plus quoi faire, il n'y a plus d'autorité, que ça ne marche plus nulle part. L'autre, l'autre, l'autre... et ça continue dans votre gouvernement. Dans les hôpitaux, il y a une directive qui a émané des Services de protection de l'environnement, signée par Roy, qui est encore là, qui disait: Dans les hôpitaux, justement à la suite de la campagne de Mainville, pour nettoyer les buanderies, les empoisonnements, les intoxications.

C'est depuis ce temps-là qu'il y a une buanderie communautaire à Québec et une buanderie communautaire à Montréal. Ils sont organisés cul par dessus tête et ils ont coûté $3 millions ou $4 millions avec des ingénieurs aussi ignorants que des médecins et les buanderies sont aérées de travers, c'est disposé de travers, c'est dangereux pour les accidents partout. Quand on leur dit ça, on dit: Cela a coûté $3 millions, on n'est pas pour recommencer. Peut-être qu'ils auraient pu aller voir des travailleurs pour savoir comment faire ça.

Le représentant de la CSN à la baie James a écrit à M. Lessard le 5 septembre 1978: Je vous demande si ce n'est pas possible d'envoyer des inspecteurs, parce que chez Imbriglio Spino et Désourdy, il y a des camions qui n'ont pas de freins, des vans, des affaires, ils ne réparent pas les freins ou ils rattachent les tambours avec des courroies, c'est dangereux, les vitres sont brisées, tout ça.

Voici la réponse de votre ministre, en date du 29 septembre 1978: "Le 5 septembre dernier, vous portiez à mon attention la situation qui existerait à la baie James selon laquelle les camions travaillant sur le chantier ne seraient pas en parfaite condition technique. En tout premier lieu, il me faut vous rappeler qu'en vertu de la loi 41 qui a été promulguée en juin dernier à l'Assemblée nationale — on est content de savoir que les lois sont promulguées maintenant — les opérations effectuées par la Société de développement de la Baie James et la Société d'exploitation de la Baie James ne sont pas assujetties à la Loi de la régie des transports et à la Loi des transports. Il ne m'est donc pas possible, à ce moment, de prendre les mesures de vérification et de contrôle dévolues au ministère des Transports sur le territoire québécois. Dans ce temps-là, on vise l'Ungava. "Nonobstant cette considération, il m'apparaît important d'assurer aux camionneurs québécois la même sécurité au travail qui leur serait assurée s'ils étaient considérés comme des travailleurs de la construction. Je communique donc sans tarder avec mon collègue, M. Guy Joron, ministre d'État délégué à l'énergie, afin de le saisir de ce problème et de trouver un moyen de remédier à cette situation. "Je vous prie de recevoir, M. Côté, mes salutations distinguées. Lucien Lessard. P.S. J'espère pouvoir faire quelque chose bientôt."

C'était le 29 septembre qu'il répondait au gars qui lui avait écrit le 5 septembre. Le 11 octobre 1978, Jean-Claude Côté, manoeuvre, a sauté d'un camion qui a manqué de freins. Il travaillait pour Hydro-Québec, à LG-3, page 39 du rapport annuel des accidents du travail, complexe La Grande.

Si vous ne l'avez pas tué, je ne sais pas qui l'a tué, ce gars-là. Si ce n'est pas le ministre des Transports et votre loi qui ont exempté la baie James dans ces cas spécifiques et dans les autres cas de la baie James... Il n'y a pas un inspecteur de l'OCQ qui est capable de faire sa job à la baie James, même aujourd'hui, au moment où on se parle, M. le Président, surtout sur la ligne de transmission où il y a eu sept morts du 9 juin au 13 juillet 1979. Un par semaine, pendant sept semai-

nes. Les inspecteurs ne peuvent pas aller sur la ligne de transmission, parce que cela leur prend une permission de la compagnie et un hélicoptère. Cela a toujours été comme cela, en 1973, en 1975, en 1977 et en 1979. Et ils sont venus vous raconter je ne sais pas quelle sornette hier. Mais je sais qu'ils sont venus en 1977 vous dire toutes sortes de sornettes à propos de la baie James.

Dans un rapport de statistiques, publié en juin 1977, Hydro-Québec au complexe LG-3 a dit qu'il n'y avait pas eu une demande de premiers soins — pas d'accidents — dans le mois de juin. Or, le relevé a indiqué 80 formulaires REE de la Commission des accidents du travail qui sont des avis d'accidents et des demandes d'indemnisation. C'est notre compagnie, c'est votre compagnie qui a un boss qui s'appelle René Lévesque, avec un porte-queue qui s'appelle Boyd. Si vous voulez voir les documents, ils sont à votre disposition, M. le Président.

On pourrait parler longtemps des affaires de la commission. Cela, c'est Chagnon. Avant cela, on peut parler de la baie James, encore l'ineffable M. Boyd. Il y a un journal qui a publié dernièrement qu'Hydro-Québec avait pris des mesures très sévères et qu'elle était pour nous faire la preuve que les accusations méchantes des mauvais gauchistes, des mauvais n'importe quoi, à part les péquistes, et quelquefois ils vont presque à nous accuser de libéraux, c'est descendre... C'est aller loin, je veux dire. Pas descendre bas, mais aller loin. C'est la lettre qui est dans le document qu'on a distribué tantôt.

Ils ont dit que M. Boyd était pour faire la preuve que les accidents n'étaient pas vrais. Et la revue d'Hydro-Québec — cela me fait penser à la revue de M. Bérubé qui dit que les 2,35% d'amiantosés, c'est une affaire de rien, et qu'au bout de cent ans on s'est habitué à l'amiante... C'est le seul expert dans le monde qui trouve que l'amiante n'est pas dangereux.

La lettre de M. Boyd du 29 août 1979 envoyée à tous les membres de la direction d'Hydro-Québec — correspondance interne, on l'a trouvée par hasard, évidemment — dit ceci: "Force m'est aujourd'hui de constater que les mesures que nous avons prises jusqu'ici n'ont pas atteint le but et qu'au plan de la sécurité des travailleurs, HydroQuébec ne s'est pas améliorée, loin de là, au cours des dernières années". Ce n'est pas du chialage de Chartrand. "Il apparaît que dans l'entreprise les accidents sont de plus en plus graves. Cette situation est intolérable, tant pour les travailleurs — surtout, oui — que pour nous qui les encadrons et partageons avec eux la responsabilité de leur sécurité." Eux autres, ils dépensent quelques centaines de mille dollars pour aller se promener à la pêche avec des hélicoptères et des joueurs de hockey. "Je veux que chacun sache... je donne mandat à tous les employés d'Hydro-Québec de faire en sorte que tout accident soit évité".

Après cela, il prend les théories du PQ. "À cet effet, j'ai formé deux comités de travail, l'un chargé de définir notre politique de sécurité et l'autre de préparer un programme d'amélioration de la sécurité au travail. J'exige que chacun lise attentivement les texte rédigés par ces deux comités". Ce sont toutes les rédactions des projets de loi sur la santé et la sécurité, l'un par derrière l'autre, faites par des gars qui ne connaissent pas plus cela les uns que les autres à partir du livre blanc, copié du Lord Robbins d'Angleterre, une enquête de 1972.

La loi est copiée de la Nouvelle-Zélande, une loi de 1972 aussi, publiée dans la série législative du BIT, janvier 1974. Je peux vous en fournir une copie. Elle est moins mauvaise en Nouvelle-Zélande qu'ici. "Il est capital qu'Hydro-Québec redresse la barre et je compte sur tous les employés, les syndicats, les cadres et les entrepreneurs travaillant avec nous pour que l'effort soit vigoureux et constant. Je veillerai personnellement à ce qu'il en soit ainsi". Robert A. Boyd, président et directeur général.

Savez-vous qu'est-ce qu'ils mettent avec cela pour inciter le monde à faire de la sécurité? Signé par Robert Dumais, service de la sécurité, bulletin, extrait du Code criminel canadien, article 202, sécurité au travail et responsabilité des surveillants. Il faut le faire. Ils n'auraient pas envoyé le Code de la construction.

C'est Hydro et on pourrait en parler longtemps d'Hydro à la baie James. C'est-à-dire, c'était une affaire épouvantable. C'est la honte du siècle, Hydro à la baie James, pour les conditions de vie, les conditions de travail et n'importe quelle condition. Cela continue; cela n'arrête pas. Ils ont fait des annonces dans les journaux où on montait des tours en huit minutes, où on avait sauvé une année et il y a des panneaux-réclame.

La vieille loi, l'arrêté ministériel 3787 défend des concours et des jeux sur les lieux de travail. Or, on se promène sur les chantiers d'Hydro et il y a des panneaux: L'équipe de nuit a transporté tant de milliers de verges cubes. Là, l'équipe de jour se fend le cul pour en transporter plus naturellement et il y a des primes pour les contremaîtres.

Chez Spino, il n'y avait pas un boutefeu qui avait déposé son permis à la SEBJ. Des gros documents, on en a vu dans toutes les enquêtes du coroner, M. le Président. Chez Spino, tous les travailleurs qui ont creusé le tunnel que vous allez inaugurer le 27 octobre, étaient à "bonus" y compris l'entrepreneur. Il n'y en a aucun qui était qualifié boutefeu. Il y en a eu de blessés et il y en a un qui est mort, M. Hudon. C'est en 1975 qu'on a eu l'enquête du coroner. En 1978 ou en 1979, je pense qu'on n'avait pas le résultat encore.

Là, le gérant nous a expliqué que c'était un "safety bonus". J'ai dit: Je suis content d'apprendre cela. Je n'ai jamais entendu parler de cela. C'est peut-être une bonne affaire. Les "boss" ils jurent rien que par l'argent si c'est une patente comme cela.

Alors, plus les gars descendaient de la pierre avec leur "jumbo" et à le "driller" et à se dépêcher et tout cela, plus la prime augmentait. Mais j'ai dit: Je ne comprends pas l'histoire du "safety bonus".

II a dit: Quand il y en a un qui se blesse, ils perdent tous le "bonus".

C'étaient nos entrepreneurs sur notre chantier. La prunelle des yeux de Bourassa et de "Ti-Poil" Lévesque à la baie James. Loram-Komo, on vous a donné le document, résultat des recherches relativement à l'emploi de la Clinique de médecine occupationnelle de Montréal, Me Fauteux. Il y avait eu une lettre circulaire de 2277 est, Sherbrooke. "C'est un fait reconnu, advenant un cas douteux, le docteur examinateur téléphonera au service de sécurité de la compagnie pour s'assurer que la condition du travailleur lui permet d'accomplir la tâche désignée et pour savoir si la compagnie le considère comme apte à travailler, à la baie James" patati patata. Il y a un réseau de spécialistes dans la province de Québec, c'est un fait reconnu que certains employés se servent de leur docteur de famille pour allonger leurs vacances ou leur séjour en bas, sur la compensation et le seul moyen d'obtenir leur retour au travail est de leur faire passer un examen médical par un docteur de compagnie.

De plus, si un cas de la CAT n'est traité que par un médecin de médecine générale et que nous avons raison de croire que le docteur le tient sur la compensation indûment, une expertise peut être obtenue dans toutes les parties de la province et sa décision prévaut sur celle du docteur. Le prix de l'expertise est de $75.

Avec une lettre attestant que nous désignons la Clinique de médecine occupationnelle de Montréal comme notre référence médicale attitrée, nous pourrons obtenir tous les rapports médicaux nécessaires de la CAT au Québec et de la Workmen's Compensation Board pour le reste du Canada. Ces documents sont mis sur ordinateur. Le 25 mai, j'ai rencontré Marcel Boucher de l'AEBJ, l'Association des entrepreneurs de la baie James, à laquelle vous fournissez $750 000 par année pour fourrer les travailleurs qui sont à la baie James de vos comtés respectifs, pour lui faire part des constatations. Il m'a dit qu'ils en ont discuté eux-mêmes lors de l'assemblée de l'association le 14 mai 1979 avec les documents que je lui ai fournis sur la clinique. Il est intéressé à rencontrer M. Fauteux. (18 h 45)

Ensuite, il y a un nouveau système relativement aux formules RE1 de la CAT concernant les affaires. Il n'y a pas un gars qui doit se présenter à l'hôpital avant d'avoir passé par la boutique de l'employeur. Les gars d'en bas ont tout le réseau et toute leur affaire sur informatique. Cela veut dire que tous les travailleurs de la construction vont être fichés sur un ordinateur et on va voir la même chose qu'on vit présentement à Sorel, où des travailleurs sont refusés systématiquement dans toutes les entreprises à cause de leur fiche médicale. Tu as eu mal aux oreilles, quand tu étais petit, alors tu vas nous faire du trouble. Tu as eu mal à la gorge, tu vas nous faire du trouble. Tu t'es accroché la "quéquette" dans une clôture de broche, tu vas nous faire du trouble. Tu vas demander des appareils peut-être et une prothèse.

Il ne faut pas oublier que tous les montants de cotisation qui ne seront pas dépensés en compensation seront, à partir du 1er janvier 1979, remboursés non pas à 15%, mais à 100% l'année suivante. Il faut aussi garder à l'esprit que si cette nouvelle loi travaille pour nous, elle peut aussi travailler contre ceux qui n'ont pas suivi des cas. Si la CAT dépense plus qu'elle n'a reçu, un tel montant est remboursable à 100% à la CAT, en plus d'une augmentation de la prime, d'où l'importance de la continuité du suivi des cas et de les avoir sur ordinateur.

Après cela, il y a la beauté de l'affaire. Il y a des districts de la province qui nous causent du trouble. Le district de Rimouski en allant vers Gaspé est le plus dangereux à cause du taux de chômage et de bien-être social qui y existe. Les personnes de ce district connaissent tous les trucs pour obtenir les bénéfices gratuits du gouvernement sans travailler. Je ne sais pas si c'est leur député qui les aide à cela, peut-être. Dans les cas de compensation que nous avons actuellement, au-delà de 75% proviennent de cette partie de la province. L'âge du nouvel employé est un autre point important, car, en 1977 et 1978, de tous les nouveaux employés de 20 ans ou moins, 50% avaient un accident avant deux mois. "Si vous n'êtes pas des tueurs, je ne sais pas ce que vous êtes. C'est Loram-Komo qui dit cela, et cela continue comme cela. Les gars embarquent sur n'importe quelle machine, n'importe quel appareil de n'importe quelle complexité; des enfants, sans aucun apprentissage, et marche vite. C'est comme cela dans les usines de papier, c'est comme cela partout.

Il y a un travailleur amérindien sur la réserve de la CIP, il conduisait une machine de 40 000 livres, une John Deere, une débusqueuse. Il monte une côte et, en tournant le volant deux fois, le moteur s'éteint. Elle s'est vidée et il s'est ramassé dans la rivière. La police provinciale est arrêtée. Elle est allée voir cela et elle a laissé la machine continuer. Les inspecteurs du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre sont allés voir cela. Ils ont dit: La machine est sortie de l'eau et elle marche, il n'y a pas de problème. On est allé voir cela. Il n'y avait pas de freins sur la machine. La valve de sécurité pour l'hydraulique était pétée. Il n'y a pas un mécanicien de la réserve de la CIP qui avait vu les instructions. Elles étaient restées à La Tuque. Le frein à bras ne fonctionnait plus. Il y a six gars qui travaillaient à côté de la machine, trois en arrière, trois en avant, des étudiants. On a dit au contremaître: Cela n'a pas de bon sens. Le contremaître a dit: Je prends la machine qu'on m'envoie. On a dit à l'opérateur: Cela n'a pas de bon sens, tu vas finir par faire un mouvement de trop. Les gars allaient chercher les câbles en arrière, ils ceinturaient des billots, ils reculaient, ils allaient porter cela dans la rivière. On lui a dit: Tu vas sacrer le camp dans la rivière et tu vas blesser des gars. Il a dit: Je suis là pour cela, ou je vais me faire mettre dehors.

On est allé voir un juge de la Cour supérieure de Shawinigan, que les travailleurs avaient fait éli-

re contre Duplessis pendant des années. Le jeudi, il dit: Je ne suis pas pour vous donner une injonction ex parte. On a dit: On ne vous demande pas cela. Faites venir l'autre partie, mais faites-la venir vite. Vous reviendrez mardi. Il dit le mardi: Je n'ai pas d'affaire à cela. J'ai 20 causes, j'en ai une à douze témoins. Le jeudi, il nous avait dit d'aller voir la Sûreté du Québec. Les "smarts" de la SQ nous entendent, on va le leur répéter ici. Au Cap-de-la-Madeleine, les diplômés de Nicolet, on leur explique l'affaire. Le juge nous a dit que vous aviez le droit d'arrêter une machine qui n'a pas de freins, va l'arrêter, elle va tuer du monde. Tu as les rapports des inspecteurs du ministère. On en avait fait redescendre un autre le samedi de Québec. Il a dit: S'il n'y a pas de freins, on ne l'avait pas trop essayée, mais il a dit: S'il n'y a pas de freins, il faut l'arrêter, à La Tuque, la police a dit: Moi, je ne vais pas sur la réserve. C'est drôle que, pendant la grève, les hélicoptères étaient rendus sur la réserve et que les 4 X 4 étaient rendus sur la réserve.

Le même gars qui a fait tout ce trouble, pendant la grève, ce n'est pas du trouble, qu'il a fait, pour la paix de la compagnie et l'emmerdement des travailleurs, là, il n'était pas capable d'aller arrêter une machine qui était en train de tuer des travailleurs. Il y en a un qui était mort à cause de cela. Le juge a dit: "On ne peut pas dire qu'il était mort à cause de cela". Non, mais cela a adonné qu'il était mort sur cette machine-là. On n'a jamais été capable de faire monter la police là.

Là, ce n'était que le mardi, cela a continué à travailler le samedi et le dimanche. C'est seulement le mardi que la compagnie a décidé, à l'heure du midi, qu'elle n'admettait pas ce qu'on avait dit dans le papier mais qu'il y aurait une injonction, pour enlever la machine de là et la faire réparer.

Vous avez eu la même chose, ici, à côté, à... Un petit entrepreneur des messieurs qui sont venus tout à l'heure: Faucher, à Pont-Rouge. L'inspecteur va mettre les scellés sur une vieille grue, le 8 juin. Il retourne là, le 20 juin, la grue fonctionnait et posait des égouts pour la municipalité. Alors, il avait fait toute sa liste de considérations, il en avait pour trois pages. Il n'y avait pas de frein sur le tambour, il n'y avait pas de frein sur la flèche, il y avait des entures dans la flèche, il manquait un boulon sur trois. Une affaire de "réguine" épouvantable. Alors, il a fallu qu'il aille voir un juge, déposer $5000. L'Office de la construction a été obligé de déposer $5000, parce que peut-être que ce n'est pas un organisme reconnu et sérieux peut-être? Moi, je n'en ai pas déposé, de $5000 à Shawinigan. J'ai dit au juge: Moi, je vais aller en prison et toi, tu vas aller à l'hôpital. Les prisons, cela me connaît, et je ne trouve pas cela drôle, les prisons, mais je ne trouve pas cela drôle, du monde qui laisse mourir du monde, par exemple.

Depuis 1939, je ne trouve pas cela drôle, depuis que j'en ai vu mourir, en Abitibi dans des chantiers de l'ACJC, catholique et française, avec un gouvernement catholique et français, comme celui qu'on a là, l'Union Nationale, mon coeur! Bien là, monsieur, la compagnie a accepté cela, d'arrêter la machine. Le juge ne voulait pas nous donner une injonction. Où va-t-on s'adresser? Qu'est-ce que cette loi 17 va changer là-dedans? Ce ne sont pas les codes qui ne sont pas bons, c'est que vous n'avez jamais eu de volonté politique de les faire respecter. C'est de la broue quand vous dites que vous êtes intéressés à la santé des travailleurs et les employeurs sont des brouteurs aussi. La grue de Pont-Rouge, il y a eu la demande d'injonction devant le juge Moisan. Savez-vous qui est allé défendre l'employeur? L'AECPQ. L'Association des employeurs en construction de la province de Québec. Il n'y a pas de mal à cela, remarquez bien. N'importe quel de nos membres se ferait arrêter pour n'importe quoi, on ferait le premier geste d'aller le défendre ou bien de lui fournir un avocat et on dirait au juge: Arrange-toi avec. Mais l'AECPQ n'est pas allée dire au tribunal: C'est un petit employeur et ce n'est pas si pire et il ne pensait pas faire mal. Il avait seulement brisé les scellés. Qu'est-ce que briser les scellés mis par un inspecteur, ou bien battre un inspecteur? C'est plus grave que de faire une ligne de piquetage quand il y a un crétin de juge qui nous a dit qu'on n'avait pas le droit d'en faire et que c'est dans le Code criminel depuis 1882. C'est cela, votre contention. C'est cela que vous aller faire tantôt avec les gars du Front commun. Vous allez leur faire croire qu'ils nuisent au public, quand vous, vous en tuez quotidiennement. Bien, l'AECPQ, monsieur, est allée à la cour, elle a amené des ingénieurs et elle a amené un dénommé Vachon, une crapule de Drummondville, pour témoigner pour dire que le gars avait raison de se servir de cette grue-là pour faire la job qu'il faisait là. Cela, ce seront nos interlocuteurs souhaités par le distingué ministre d'État aux Affaires sociales. C'est à eux que les travailleurs de la construction vont parler pour avoir des normes de sécurité sévères, avec des inspecteurs sévères, qui vont imposer de grosses sanctions. Si ce n'est pas une imposture épouvantable, je ne sais pas ce que c'est.

Cela rejoint l'histoire du pas en avant pour les non-syndiqués et là, c'est la compagnie Loram-Komo. Avec le nouveau service de médecins à travers la province, le suivi sera plus facile pour faire remonter ceux qui essaient de prolonger leur séjour, en recevant la compensation. Et après cela, c'est tout le reste. Cela, c'est la compagnie Loram-Komo et les entrepreneurs de la construction. Et les travailleurs d'Hydro-Québec, chez les sous-traitants, on ramasse des cadavres partout des sous-traitants d'Hydro-Québec, votre compagnie, dirigée par vous: la compagnie du peuple, dirigée par le gouvernement.

À Valleyfield, un employeur Montpetit, a deux employés: son fils et un autre. Il en tue trois dans un mois, des supplémentaires. Condamné pour négligence criminelle? Il ne se passe rien, il ne se passe jamais rien. Là, un autre, Chagnon, dans l'est de la ville: trois morts, le lundi matin.

Le jeudi et le vendredi, un des inspecteurs de l'Hydro dit à son "boss", ingénieur d'Hydro: Les gars trouvent que cela sent mauvais, ils se sont plaints, il y en a qui ne sont pas revenus faire de l'"overtime", patati, patata. L'ingénieur ne fait rien de cela. Il arrive le lundi matin sur le chantier. À 9 h 30, j'ai dit: Qu'est-ce que tu as fait? Il a dit: J'ai regardé si mes tubes entraient bien et si mes tubes sortaient bien. J'ai dit: Deux heures après, il y avait trois gars de morts et tu aurais pu mourir aussi. Savez-vous ce que cela aurait pris pour les empêcher de mourir? C'est cela.

Fernand Valiquette, le président du Syndicat des travailleurs du gaz naturel, va vous montrer cela. N'ayez pas peur, il connaît cela, il manoeuvre cela. Il a la meilleure clause de sécurité de la province de Québec. Ils arrêtent de travailler quand c'est dangereux pour eux, dangereux pour un autre ou dangereux pour le public. Tant que le contremaître n'a pas fait cela à leur satisfaction, ils ne travaillent pas. Ce sont tous des gars de troisième année, des gros Italiens et des gros Canadiens français. Il n'y a pas de gars instruits dans cela. Ce sont des gars qui ont du coeur et des gosses. Cela coûte à peu près $1.50 chacun, dix pour $15. Pensez-vous qu'une PME canadienne-française, catholique, de la Beauce, peut se payer cela pour sauver trois gars? Un tampax miniature. Tu le descends dans le trou, et tu regardes si cela change de couleur, et tu prends un explosimètre. Jamais Chagnon n'a fait cela. Il y a peut-être vingt trous en même temps dans la ville de Montréal. Il ne fait pas cela plus qu'avant. Le contremaître dit: Cela fait 22 ans que je travaille là, je n'ai jamais pris de test dans un trou. Ce sont vos sous-traitants d'Hydro-Québec. Vous comprenez bien que les petits entrepreneurs et les gros entrepreneurs, les codes de sécurité et les inspecteurs, mon oeil! C'est Hydro qui donne le ton dans la province et c'est le gouvernement qui donne le ton dans la province. Allez voir sur la rue Saint-Jean. J'ai vu des gars qui travaillaient aujourd'hui, à côté de la rue D'Auteuil. Un gars reculait avec sa pelle. J'ai dit: Mon frère, tu vas accrocher quelqu'un ou bien tu vas te faire accrocher. Cela te prend un guide en arrière. Le code dit que tu dois avoir un signaleur. Il dit: Ils me disent: On est assuré. On est le gouvernement et on est assuré. À part cela, cela coûte cher de nous poursuivre.

À Hydro-Québec, quatre gars sont morts en hélicoptère, le 8 juin. Il y en a un qui est encore à l'hôpital de Chicoutimi depuis le 8 juin, brûlé. Il en a encore pour longtemps. C'était un bon pilote d'hélicoptère et ils l'ont forcé à monter. Il a retardé une heure, et après cela, ils l'ont forcé à monter. Ce n'est pas le premier qui tombe. Il y en a un autre qui est tombé lundi ou mardi. À part cela, le 3 juillet, Fernand Richard a fait une chute d'à peu près 125 pieds d'un pylône, il est à l'hôpital de Chicoutimi, avec 57 fractures. Vous pourrez dire cela à votre collègue. Il vient de Havre-aux-Mai-sons, aux Îles-de-la-Madeleine.

Le 14 juillet, c'est un Tchécoslovaque qui est mort aussi en tombant. Il travaillait pour Trans-Selex. C'est deux-là. Le 21 juin, un nommé Lavoie est également tombé d'un pylône. L'autre a été tué quand sa grue a culbuté après avoir lâché le pylône. Les grues ne sont presque pas capables de marcher sur la ligne de transmission. Ils leur font faire de l'acrobatie. Le plus important, c'est que l'ingénieur de l'Office de la construction, M. Moisan, avait dit à Hydro et au "boss" d'Hydro: Si les gars n'ont qu'un petit câble de quatre pieds à leur ceinture, vous devriez en avoir deux. Ou bien avoir un "stop" chute, appareil qui est utilisé en France, aux États-Unis, en Belgique, partout. Tu tires cela tranquillement, cent pieds, et tu donnes un coup. Il faudrait que tu le fasses, par exemple. Tu donnes un coup et cela bloque comme une ceinture d'automobile. Ce n'est pas mystérieux. Il n'y a que les "smarts" de la province de Québec, qui adoptent des lois extraordinaires, des universitaires, mais qui n'ont jamais visité une usine. Le médecin des présidents de la médecine industrielle de la province de Québec, qui est à Esso, n'a pas été à la raffinerie Esso pendant quinze ans. Il ne s'est pas aperçu qu'il y avait des gars qui devenaient sourds à la raffinerie d'Esso. Il ne s'est pas aperçu qu'il y a des gars qui avaient perdu leurs poumons à la raffinerie d'Esso.

À Fina, le médecin, Lionel Breton, et son infirmière, pendant quinze ans, n'ont pas examiné les travailleurs de l'entrepôt de Fina. Ce sont les "smarts" de médecins de médecine industrielle pour les grosses compagnies, qui ne pensent qu'à la prévention. Au mois d'avril 1978, ils ont averti le médecin qu'il y avait du monoxyde de carbone. Ils sont allés voir le DSC, ils sont allés voir le service de protection de l'environnement. Ils sont allés voir le ministère du Travail. Ils ont fait prendre des tests. Ils avaient du monoxyde dans le corps, les tests ont été envoyés au Dr Nantel, au centre de toxicologie de Québec. Jamais le médecin de la compagnie n'est allé leur faire des tests, ni l'infirmière. Est-ce assez fort? (19 heures)

Et vous voudriez qu'on continue ainsi? C'est cela que vous avez mis dans votre loi! Et ces médecins-là vont être choisis par les administrateurs d'hôpitaux alors que les médecins qui s'occupent des employés d'hôpitaux, c'est à peu près les médecins les plus chiens qu'on trouve dans la province de Québec, parce qu'eux, ils ont la bénédiction des patrons des hôpitaux. Et tous les autres médecins se couchent devant eux. Alors ils prennent les certificats de maladie des employés et ils font cela allègrement avec. Jamais, il y a un médecin d'hôpital qui a dit à des employés d'hôpitaux, qu'il y avait des dangers dans l'hôpital. Et vous allez nous parler de recherche et vous allez nous parler de loi, et vous allez nous parler de concertation! On va se réunir avec les gars de l'AECQ, on va se réunir avec les gars des compagnies de papier qui ont caché des milliers de cas. Là, c'est Consolidated qui vient de se faire prendre, avant cela. Cela a été Price, avant, CIP, Domtar, qui ont caché des milliers de cas. Et c'est avec eux qu'on va décider de faire de nouvelles normes de sécurité? Parce que lord Robins a dit que l'employeur était plus à même de connaître

les affaires particulières. Ce sont des vues de l'esprit d'abrutis qui ne connaissent par la réalité.

Chez Vickers, les gars n'ont jamais vu le patron dans cinq ans de temps. Le gérant de la production, ils ne l'ont jamais vu, alors le gérant général, imagine-toi qu'il ne va pas là. Là vous légiférez comme si vous étiez pour les entreprises de la Beauce, les "Fly by night". Ils étaient là pendant la crise parce qu'ils payaient meilleur marché que tout le monde et là, ils paient encore meilleur marché que tout le monde, alors ils florissent, pour le temps qu'ils vont florir.

Alors, ce n'est pas ce qu'on veut. Il faut dire ce qu'on veut et ce n'est pas grand-chose qu'on veut. Il n'y a jamais un mouvement syndical qui a moins demandé que nous, je veux dire. On dit: Faites respecter vos lois. Et notre santé, on va choisir notre médecin et nos programmes de santé vont aller au ministère de la Santé. Si vous êtes normaux. L'environnement ne va pas s'arrêter à notre porte, comme c'est à l'article 257 de ce projet de loi. L'environnement est le seul qui a des ingénieurs, cinq à Québec, cinq à Montréal et une dizaine de techniciens. Ce sont les seuls qui peuvent prendre des tests de poussière, de ventilation, de gaz ou bien de produits toxiques, de chaleur ou d'humidité, sauf dans les hôpitaux, évidemment, parce que là, ils se sont fait dire qu'ils n'avaient pas d'affaire à aller là, que ce n'était pas une priorité. Et cela a continué sous le PQ, aussi.

Des inspecteurs, dans la province de Québec, il y en a à peu près 135 de l'Office de la construction; 135 au ministère du Travail. Il y en a qui sont comme des permanents syndicaux qui ne travaillent pas des fois et il y en a à peu près une trentaine aux Services de protection de l'environnement, et il y a seize bandits tueurs au ministère des Mines, les ingénieurs des mines.

Là, votre loi va faire exactement ce qui se passe dans les mines. Le lundi, les ingénieurs se réunissent et décident que telle façon de produire, telle façon de travailler, c'est la bonne façon. Le petit Code des mines et carrières, mon oeil! Alors, j'ai dit à l'ingénieur, à des enquêtes du coroner et devant des morts: Vous tuez les gars comme cela? On me dit: Cela a toujours marché comme cela. À Chibougamau, l'opérateur de la locomotive avait dix-sept wagons devant lui et il y avait un gars avec un marteau pneumatique sur la voie ferrée, qui travaillait. Alors l'opérateur de la locomotive ne voyait pas le gars en avant. Et l'opérateur du marteau pneumatique ne voyait pas la locomotive et ne l'entendait pas. Et le coroner, comme par hasard, c'était le médecin de la compagnie de Chibougamau, pour la mine de Chapais. Et dans toutes les mines, c'est ainsi, ils n'ont pas besoin de mettre un gars en avant, quand l'opérateur ne voit pas.

Les codes, ce n'est pas bon. Tout le monde les met de côté, parce que le gouvernement est d'accord avec cela. Et le sous-ministre du Travail, Lapointe, dit qu'on va mettre cela de côté, les codes. Les codes, dans la province de Québec, valent bien les codes à beaucoup de places, dans le monde, sauf quand il y a des malades qui veulent les faire changer comme dernièrement, ils ont décidé que les travailleurs d'armature d'acier n'avaient plus besoin d'être attachés et n'avaient plus besoin de filet, en bas, non plus. Ils ont décidé qu'ils n'avaient plus besoin d'avertir Hydro quand ils travaillaient près des lignes à haute tension. Alors, on va ramasser des cadavres autour des grues, comme on a toujours fait, à cause du champ magnétique. C'est vraiment faire exprès. Comme les poisons qui se promènent partout, c'est vraiment faire exprès.

Vous dites, dans votre loi, on va étudier les contaminants et on va décider des matières dangereuses. Comme si on était pour recommencer à neuf. Combien y a-t-il de contaminants sur le marché? 600 000; il en sort une vingtaine de mille par année. Et dans la province de Québec, on va faire cela, cela va nous prendre des instituts de recherche équipés. Toutes ces choses-là sont faites aux États-Unis. C'est le seul reproche qu'on fait à nos camarades de la FTQ. Ce n'est pas de nous faire venir les affaires qui servent aux États-Unis!

En terminant, je voudrais vous dire qu'on ne vient pas d'inventer une lutte pour la santé et la sécurité. La clause type, à la CSN, elle date d'à peu près 1973. Elle est basée sur les lois de notre pays. Même si c'étaient des libéraux, en 1973, c'était notre pays quand même. Peut-être qu'ils sont partis, que nous sommes encore ici, que, vous autres, vous allez partir et nous serons encore ici!

Des voix: Ah! Ah!

M. Chartrand: Taschereau, 32 ans; Duplessis, 16 ans; Lesage, 8 ans; Bourassa, 6 ans.

Le Président (M. Dussault): Est-ce que c'est votre conclusion, M. Chartrand?

M. Chartrand: J'ai fini, docteur! J'ai fini.

Ce que je veux vous répéter, c'est que ce que cela prend, surtout pour les non-syndiqués... Nous autres, les syndiqués, nous sommes capables de nous débattre. Vous allez nous faire les lois que vous voudrez, on va se torcher avec! Surtout sur la santé et la sécurité. Et si vous allez assez loin, vous allez avoir exactement le phénomène des travailleurs qui ne pouvaient pas se syndiquer au début de la syndicalisation: des arrêts de travail sporadiques et du sabotage, jusqu'à ce que le "boss" dise: Je vais vous parler. Quand les employeurs de la construction viennent dire qu'il n'y a pas d'arrêts de travail, ce sont de petits drôles! Même à la baie James, il y en a, des arrêts de travail, souvent. Et il va y en avoir de plus en plus, parce que les gars sont de plus en plus conscients. C'est pour cela que vous nous envoyez ce projet de loi sur la gueule! Parce que les travailleurs sont de plus en plus conscients et que les employeurs ne veulent pas perdre leur autorité. Ils sont venus vous le répéter les uns par derrière les autres.

Les médecins font partie de notre gang. Ce sont des gestionnaires. M. Thibault, de Normick-

Perron, il est parfait, lui! Il dit que c'est un outil de gestion indispensable, le certificat médical du travailleur, qu'on doit avoir même sans sa permission. C'est extraordinaire!

Alors, la clause type, c'est cela. Les employeurs la connaissent. Ce n'est pas compliqué, notre affaire. On dit: Si on a droit à notre intégrité physique, comme vous le dites, dans la charte des droits de l'homme, que vous voulez agrémenter encore, on a le droit d'enquêter pour ne pas se faire poquer et voir les agresseurs qui nous arrivent sur la gueule. On a le droit d'arrêter, parce que c'est nous qui connaissons cela. Ce n'est pas le "boss " qui connaît cela, et le contremaître n'a pas le choix, lui. Il marche pour le "boss". Les folies du juge Beaudry, avec les ingénieurs consciencieux et des représentants patronaux consciencieux... L'ingénieur, lui, il est pris avec une double ration de bottes au cul: celles de son "boss " et celles du syndicat. Il veut garder sa job et avoir ses promotions. Ne nous parlez pas de conscience. On n'en a pas de conscience, nous autres, et on ne croit pas qu'il y ait personne qui en ait de conscience. C'est clair, cela? Traitez-nous de n'importe quoi et dites-nous n'importe quoi, mais soyez sûrs qu'on n'a pas de conscience et qu'on va en avoir de moins en moins en ce qui a trait à notre peau. On va protéger notre peau. Le droit d'arrêter, le droit à l'apprentissage, le droit à l'entretien préventif, le droit d'avoir notre pleine compensation.

Vous n'avez pas un peu honte de garder les sortes de barèmes de la Commission des accidents du travail et le dernier que vous avez passé dans une nuit avant Noël, la loi 114, la compensation des jeunes veuves en bas de 35 ans, qui ont cinq ans de compensation, et qui, après cela, n'en ont plus, parce qu'elles sont capables de se remarier à 35 ans ou bien faire la rue?

Cela ne vous inquiète pas un peu de voter cela la nuit sans en parler aux travailleurs et de fourrer le monde comme cela et de changer la compensation de 75% brut à 90% net avec une incitation au retour au travail, parce que c'est bien connu qu'un travailleur, par définition, c'est un voleur, un tricheur et un fraudeur. Même qu'il y en a qui vont se mutiler pour être compensés. C'est toute la philosophie: 300 000 par année, c'est cela.

L'autre affaire, pour finir, c'est le droit au médecin de notre choix et à la compensation selon son diagnostic. Vos bouchers et vos faiseux de la CAT, avec leurs normes de la CAT, plus jamais, comme dit le pape, ou bien c'est la guerre. Ceux qui vont être capables vont le faire. Ne venez pas nous faire croire que cela va être un pas en avant pour ceux qui ne sont pas capables de la faire. Le pas en avant dont vous parlez, M. Marois, dont Laberge et Boudreault parlent, pour un non-syndiqué, c'est le pas en avant de la porte de l'autre bord de la porte. 45 inspecteurs pour 45 000 établissements et au salaire minimum! Vous nous faites suer quand vous nous parlez du plus haut salaire minimum en Amérique. C'est de la maudite foutaise. Mets-les à $10, et cela ne coûtera pas plus cher à personne. Seulement, cela, c'est vos théories.

Et, à part cela, par générosité, vous avez coupé l'indexation du salaire minimum. Alors, c'est cela, nos revendications: une loi qui s'applique à tout le monde, pas des folies comme cela, avec des règlements et un petit boss qui s'appelle Robert Sauvé, qui est complètement parti. Parizeau a des carreaux qui sont un peu plus grands, Sauvé a des carreaux petits, petits, petits. On l'a bien connu, il était secrétaire de la CSN et on l'a mis dehors. Il y a Jean-Marc Jodoin, qui vient de la CSN, le vice-président et Roger Mathieu, qui est commissaire. On va vous les changer, tous les trois, pour trois inspecteurs de la FTQ, compétents. Et on va vous donner du retour. Cela marche-t-il?

Messieurs, je vous remercie d'avoir été patients, mais je vous garantis que moi, j'ai fait le tour de la province, Marois le sait, d'ailleurs. Il s'en est aperçu, à une couple de places et on n'a pas commencé à se battre contre le PQ, on se bat pour notre peau. Mais si le PQ est dans nos jambes, ce qui va arriver, c'est que le PQ va faire la preuve, comme Duplessis, que ce n'est pas un gouvernement pour la nation québécoise, c'est un gouvernement pour protéger les exploiteurs de la peau des travailleurs, pas seulement de leurs forces de travail, de leur peau. Et alors, vous allez écoeurer la population du Québec, les travailleurs, les travailleuses, les meilleurs militants, vous allez les écoeurer de la fierté nationale pour vingt ans à venir, comme l'Union Nationale a fait. C'est cela, que vous êtes en train de faire, dans le PQ.

Les gars qui déchirent leur carte, ce n'est pas parce qu'ils sont partis sur une "fits". Ils ne revirent pas libéraux, non plus, qu'il ne se rassure pas le beau gamin, à côté. Seulement, c'est eux qui devraient faire les lois, quand ils sont dans l'Opposition. Cela devrait toujours être le parti dans l'opposition qui ferait la loi; là, on aurait des "crisses" de bonnes lois.

Le Président (M. Dussault): Alors, merci, M. Chartrand. Je laisse la parole à M. le ministre.

M. Marois: M. le Président, je pense qu'on vient d'entendre, pendant une heure à peu près, l'exposé illustré abondamment de cas, d'exemples, d'une situation dont tout le monde est convaincu qu'elle doit changer. On peut prêter des intentions aux uns et aux autres. Je laisse à chacun de ceux qui prêtent les intentions le soin d'en assumer la responsabilité; je pense que c'est légitime et normal. Moi, je ne prête pas d'intention au Conseil central de la CSN, qui est devant nous. Je pense que ces gens ont légitimement droit à leur point de vue. Ils l'ont fait largement valoir, ici, aujourd'hui. C'est le dernier groupe que nous recevons, en audition. Et en même temps le seul groupe — sous réserve de me tromper — qui se sera présenté devant nous, en nous disant qu'il n'y avait rien, dans la loi, mais vraiment rien, aucun point de la loi qui était susceptible d'être valable d'une façon ou d'une autre, en disant même que c'était une imposture et plus, et j'en passe. On a reçu ici, devant nous, qui a déposé ici toute une annexe, toute une abondante série de recomman-

dations, la centrale, qui est la CSN. On a dit à ce moment-là qu'on allait les prendre sérieusement en considération — on s'est même avancé de façon très précise sur un certain nombre de points et sur certaines des recommandations et je maintiens complètement ce que j'ai dit à ce moment-là — et je ne puis faire autre chose que de prendre acte du témoignage qui a été rendu ici.

Je n'ai pas d'autres commentaires à ajouter, mais je tiens à remercier le groupe.

M. Chartrand: II y a un congrès demain et après-demain, toute la CSN va être là. Nos conclusions sont celles de la CSN et les conclusions de la CSN sont les nôtres, aussi. Si vous voulez qu'on s'amuse paragraphe par paragraphe, je vais vous le faire par coeur. Je vais vous montrer les contradictions qu'il y a dedans, 7 et 280, par exemple, 197 et 38 et 39, paragraphe 4: "L'employeur doit être averti". Dites-moi dans quelle autre loi, vous avez jamais vu cela, dans votre vie d'avocat, vous, que l'employeur doit être averti. Vous n'êtes pas obligé de me répondre, bien sûr, vous êtes ministre d'État et moi, je suis un chrétien de la rue. Mais, j'en ai jusqu'à quatre-vingt-quatorze ans, comme je le disais à Ryan, alors, vous n'avez pas fini de me voir. Plus je vais, plus je tiens à la vie, alors... C'est parce que les tours qu'on perd, à mon âge, on ne les rattrape pas, alors j'en perds le moins possible. Puis les gènes, M. le Président, allez-vous vous préoccuper de l'étude des gènes, l'immoralité qui est perpétrée à l'Université de Sherbrooke. L'étude des gènes, pour arriver avec le paragraphe de la page 242, du livre blanc: "Connaître les caractéristiques individuelles, pour adapter les travailleurs à leur emploi." Cela, il y a beaucoup de monde qui l'ont dans la tête, dans la province de Québec. Tout à coup, ils vont prendre les paysans québécois, et ils vont dire là, il faut que tu sois "fit" A-1, pour le job, ou bien rejeté. (19 h 15)

Étudier cela, le problème des gènes de la CAT, dans une université qu'on paie. Étudier cela, la petite affaire, qu'est la Commission de la santé et de la sécurité financée par les employeurs, qui va donner l'argent aux DSC pour étudier les problèmes des ouvriers au travail? Le ministre de la santé, c'est notre ministre la nuit, lui. Il n'a rien à voir avec notre santé. Dans le jour, c'est notre employeur. Le ministre de l'Environnement, c'est pareil. Il faut le faire en 1979. Un gouvernement qui dit: Moi, je sors une loi pour protéger la santé et la sécurité des travailleurs, mon ministre de la santé n'a rien à voir là-dedans, mon ministre de l'Environnement non plus. Je remets tout cela dans les mains d'un "boss". Ils vont faire de la recherche, ils vont donner les subventions de la recherche, ils vont décider des priorités en ce qui regarde la santé, le paragraphe 13 de l'article 129. Après cela, ils vont fixer les normes et ils vont choisir les inspecteurs. Ils vont avoir autorité sur les inspecteurs et ils vont faire la réparation. Tout à coup que la réparation serait meilleur marché que la prévention. Là, ils vont être pris dans un dilemme. Un em- ployeur est en affaire pour faire une piastre. Le gars qui passe à côté de ça, il veut nous "fourrer" ou bien il se "fourre" lui-même.

Un employeur n'est pas là pour prendre soin des travailleurs, même pas le ministère du Travail. Il n'est pas là pour prendre soin des travailleurs, il est là pour que cela produise, pour que la production augmente et que la productivité par individu augmente. C'est cela un employeur et c'est cela que vous leur demandez aux entreprises de la province de Québec. Faites de l'argent. Après cela, vous allez leur dire: Préoccupez-vous de la santé des travailleurs. Vous savez que les infirmières s'en venaient avec un programme cet après-midi. Toute la santé, pas seulement pour les agresser, toute la santé des travailleurs. C'est épouvantable. C'est un recul épouvantable. C'est épouvantable. Toute la philosophie de cette loi est épouvantable. C'est scandaleux. Je ne pensais pas de me rendre à mon âge pour voir cela. C'est épouvantable. Toute la philosophie de cela, d'un bout à l'autre, c'est épouvantable. Le cabinet qui vote cela a besoin d'avoir les "couilles" serrées et d'être d'aplomb parce qu'il va y goûter tout à l'heure. Nous, on ne peut rien sur Robert Sauvé, mais on peut quelque chose sur tous les ministres. La moitié des travailleurs de la province qui ont perdu les oreilles, si on allait leur chercher un petit lobe, là on serait des terroristes, faire couler le sang. Là, ils viennent nous dire négligemment, les employeurs: Est-ce qu'on va faire de la sécurité au détriment de la santé de l'entreprise? Ils nous disent cela, comme ça, tranquillement. Ils disent ça devant votre aréopage d'honnêtes hommes. Et vous n'avez pas beaucoup sursauté personne. Le ministre, lui, il fait un discours à chaque fois, et il a l'air de protester. Mais on ne les voit pas dans la loi, ces protestations. Ou, quand on en voit une, protestation, à l'article 7, in cauda venenum, l'article 280 vire cela à l'envers. Et l'article 185, paragraphe 35... Ils ne l'appliquent plus, la loi. Après qu'elle aura été votée, c'est Sauvé qui s'en occupe. Avec deux votes. Le vote prépondérant, article 114. Vous appelez cela de la parité? Hé! Hé! Racontez-vous des histoires et laissez-vous en raconter par vos mauvais conseillers, mais ne nous en racontez pas, parce qu'on n'est pas capables de les prendre. On voit cela dans les usines, le jour...

On va finir avec un mot fin, M. le Président. Je vais visiter l'usine de Domtar à Windsor. Je ne vous donnerai pas le détail de l'affaire. Mais, j'arrive au département de la mécanique: deux rangées de tours, une rangée de tours là et une autre rangée de tours là, le pont roulant alentour qui vient porter les arbres de couche, les "shafts". Il y a un gars qui vient me trouver qui me dit: Michel, parfois j'ai de la misère à lire mon micromètre. J'ai dit: C'est vrai qu'il ne fait pas clair ici. Savez-vous où était l'éclairage? Dans le dos des gars, sur le mur. Les gars travaillaient sur leurs machines pour exécuter un travail de précision et l'éclairage était en arrière. J'ai dit à l'officier de sécurité: Ils ne jouent pas aux fesses, ne leur éclaire pas le cul, éclaire la machine. Cela va faire mourir l'entreprise de mettre des... Le gars a dit: Mais, qu'est-ce

que je vais faire avec mon pont roulant si je mets les autres là? Je lui ai dit: Tu n'as pas vu, à l'usine de Brompton à six milles de là, la lumière est sur la machine pour éclairer l'ouvrage et non pas pour éblouir le gars. À la journée longue, dans l'entrepôt, un petit trou dans le plafond. Cela ne fait pas mourir cela. Le gars qui se plaint qu'il pleut dans son entrepôt... Sauf que l'hiver ça gèle sur le plancher. Le gars s'en vient avec son chariot et des ballots de 250 livres, cinq dessus, cela culbute un peu et il se tue là. L'autre, il s'est tué dans un trou dans le plancher.

Dans les hôpitaux, c'est épouvantable: trois fois plus d'accidents avec perte de temps qu'ailleurs. Cela augmente d'année en année, et les maladies aussi. Qui sont les "boss" des hôpitaux? Ce sont les employés qui prennent les patients en otage? C'est vous autres qui massacrez les employés! Les patients, ils sont chez eux. Ils ne sont pas en otage, ceux qui sont chez eux parce qu'il y a des étages de fermés!

Le Président (M. Dussault): C'était... Une voix: ...

M. Chartrand: Ah oui, la Domtar, à Windsor! Je finis avec celle-là. Cela, c'est pour M. Marois parce que je lui dois bien cela. C'est un gars patient.

Le Président (M. Dussault): C'est ce qu'on appelle une fin élastique!

M. Chartrand: À la Domtar, il y a un comité paritaire. Et le gérant de l'usine siège au comité paritaire. Parfois, il prend des décisions à l'unanimité. Alors, le comité paritaire écrit au gérant: On a pris telle décision à l'unanimité. Là, le gérant répond: Je ne peux pas satisfaire votre revendication.

Une voix: ...

M. Chartrand: Cela, c'est vivant. Je ne parle pas d'il y a cinq ans. C'est depuis votre loi, et un peu avant. Il siège au comité.

Merci bien. Vous nous avez fait attendre la journée et nous autres nous vous avons retardés un peu!

Le Président (M. Dussault): M. le député de Portneuf.

M. Pagé: M. le Président, je serai très bref. Il est évident que M. Chartrand a une longue expérience. Il est très coloré, ce qui amène quand même de l'intérêt. On ne peut demeurer insensible aux cas bien spécifiques et bien concrets qu'il a mis en relief aujourd'hui, qu'il nous a cités. Je me limiterai, compte tenu de l'heure et compte tenu aussi du fait qu'on n'a pas eu la chance d'aborder particulièrement le projet de loi comme tel, à une critique globale à l'égard de l'ensemble du projet de loi. J'ose quand même croire que les exemples qu'il a mis en relief ne tomberont pas dans l'oreille de sourds et qu'il saura y avoir un redressement, si ce n'est pas par le projet de loi no 17, qui n'est peut-être pas satisfaisant à tous les égards au groupe qu'il représente, au moins par l'attitude du gouvernement, formé de qui qu'il soit, dans le respect...

M. Chartrand: C'est ce qu'ils nous demandent, de pousser dessus!

M. Pagé: Oui, et on essaie, M. Chartrand, de pousser dessus! On essaie.

Une voix: Pas fort!

M. Pagé: Quoi que vous pensiez de la formation politique que je représente, on aura certainement l'occasion de se rencontrer là-dessus parce que c'est un projet de loi qui sera adopté aux Fêtes, c'est un projet de loi qui prendra un certain temps avant d'être mis en application parce qu'il y a pas mal de pouvoirs réglementaires.

M. Chartrand: Pourquoi? Pourquoi va-t-on suspendre la protection des travailleurs? Pourquoi? Cela fait trois ans. Ce n'est pas assez?

M. Pagé: Oui, mais, M. Chartrand...

M. Chartrand: Là, vous êtes partis avec l'idée que cela va traîner encore deux ans!

M. Pagé: M. Chartrand, vous pouvez, c'est évident, à ce stade-ci de nos travaux... Écoutez, je voulais conclure brièvement...

M. Chartrand: Prenez le temps qu'il vous faut!

M. Pagé: II y a des choses avec lesquelles nous ne sommes pas d'accord dans le projet de loi no 17, vous savez. Et on l'a évoqué ici. Et on aura l'occasion de revenir là-dessus en deuxième lecture. Il y a des choses qui vont être révisées. On peut d'ores et déjà présumer que le projet de loi, même modifié ou revu, ne répondra pas à l'entière satisfaction de chacun des intervenants. Ce qu'on espère, quant à nous, c'est que ce projet de loi permette d'améliorer la situation.

Il y a quand même un volet à tout cela, et vous l'avez mis en relief aujourd'hui, vous nous l'avez dit: Quand même on adopterait les plus belles loi du monde, si elles ne sont pas respectées, suivies et appliquées, cela ne donne rien d'en adopter! Une bonne partie des exemples que vous nous avez donnés, c'étaient beaucoup plus des cas de non-application d'un règlement ou d'une loi que le problème de la loi ou du règlement comme tel.

M. le Président, c'était le 64e groupe. Cela aura été la commission parlementaire qui aura entendu le plus grand nombre de groupes. Nous avons été heureux, quant à nous, d'y participer. Nous avons fait des propositions au début des travaux. Nous ferons des propositions d'amendements ou de modifications en espérant que cela

aille dans le meilleur sens de la santé, de la sécurité et de l'intégrité physique des travailleurs du Québec. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Dussault): Y a-t-il d'autres intervenants? Il y avait M. Mainville, je pense.

M. Mainville (Claude): Juste une petite remarque. M. Marois nous dit qu'on a tendance à prêter des intentions. On a fait un relevé, depuis 1976, de la performance de la Commission des accidents du travail. D'un côté, dans le livre blanc du ministre, on nous dit qu'il y a un massacre et qu'on va arrêter le massacre. On nous dit que cela coûte $2 milliards, qu'on est prudent, et même on pourrait aller jusqu'à $4 milliards. À une émission de télévision, vous avez déjà déclaré cela.

Cependant, en même temps qu'on dit que cela coûte énormément cher, on regarde les statistiques de la Commission des accidents du travail, particulièrement au niveau de l'amiantose. En 1977, sur 1098 demandes d'amiantose, il y en a plus de 94% qui ont été refusées. Pour l'ensemble des maladies du travail, en 1977, plus de 80% des demandes ont été refusées. Pour la surdité, près de 50% sont refusées chaque année. Cela diminue d'année en année. Vous dites qu'on vous prête des intentions, on pige cela à même vos propres statistiques, M. Marois.

Lors d'une conférence de presse, M. Sauvé, — il en a fait plusieurs l'an passé et j'ai eu l'occasion d'y assister — a déclaré que l'amiantose était rendue une maladie de l'esprit, que ce n'était plus une maladie des poumons, que, depuis la grève de 1975, on avait créé une psychose. C'est peut-être pour cela que, depuis la dernière inspection des 55 mineurs, on a trouvé qu'il y en avait 28 qui avaient guéri miraculeusement. C'est la seule place dans le monde où on les guérit miraculeusement. Mais on se rend compte d'une chose, par exemple, c'est qu'il y a 3000 cas d'attente en révision, seulement dans la région de Montréal, à la CAT actuellement. Il y a 95% des demandes de mineurs d'amiante qui sont refusées, 80% des autres secteurs de l'économie, de tous les autres secteurs de l'économie, qui sont refusées, et, en même temps, vous dites qu'on vous prête des intentions; je pense qu'on se base sur la réalité, ce qu'on connaît dans les usines, dans les hôpitaux.

La semaine passée, j'étais à l'Hôtel-Dieu de Saint-Jérôme, où il y a une petite buanderie où on refuse de remplacer les travailleurs quand ils sont absents, et qui subissent l'intoxication des produits chimiques de plus en plus puissants, à des conditions de chaleur et d'humidité incroyables. C'est de prêter des intentions, cela? Il me semble qu'on se base sur la réalité. On se base sur des faits vécus dans les usines et dans les hôpitaux. Ce qu'on demande, ce n'est pas compliqué.

M. Chartrand: Le moratoire de Bérubé vis-à-vis des compagnies d'amiante et des compagnies de papier, et le premier ministre qui a ratifié le moratoire de Bérubé et qui a dit à Asbestos Corporation: Si vous n'êtes pas gentils, je vais vous appliquer la Loi sur la qualité de l'environnement! Je vais vous faire respecter les normes de sécurité. Ce n'est pas Chartrand qui chialait et qui disait des mensonges. Les psychiatres qui travaillent avec des orthopédistes disent: Tu penses que tu as mal dans le dos? C'est dans la tête que tu as mal, mon garçon! Tantôt, ce seront les gènes. Ils vont dire que le mal est dans la "quéquette", je suppose?

Le Président (M. Dussault): Je remercie le Conseil central de Montréal de sa collaboration aux travaux de la commission. Cela met fin aux travaux de cette commission pour l'audition des mémoires sur le projet de loi. Le rapporteur fera rapport à l'Assemblée nationale, évidemment.

Je voudrais dire à M. Chartrand que le président n'a pas d'opinion quand il dirige une commission. Je pense que je ne vous apprends rien d'ailleurs. Il ne doit jamais dépasser son mandat. Il est difficile de s'en tenir à cela parfois, surtout quand il a devant lui certaines personnes.

M. Chartrand: M. le Président, je ne voudrais pas vous charger d'un message, mais j'avais apporté pour M. Bellemare le résultat de l'enquête Turcotte. C'est l'ingénieur Dorval, de Lalonde et Valois, ingénieurs des lieux, qui n'avait pas fait respecter les plans et devis, ce n'était pas Dominique Forgue.

Le Président (M. Dussault): Bonsoir, tout le monde. C'est ajourné sine die.

(Fin de la séance à 19 h 28)

ANNEXE A

Mémoire de l'Association des manufacturiers canadiens

division du Québec

soumis à la commission parlementaire au développement social sur le projet de loi no 17

I. Introduction

L'Association des manufacturiers canadiens, division du Québec, représente environ 75 pour cent de la capacité manufacturière québécoise et, sur le plan numérique, groupe plus de 1650 membres répartis à travers la province, dont plus de 1200 représentant les petites et moyennes entreprises.

La revue de l'Office de Planification et de Développement du Québec mentionne, entre autre, que: "Présentement, c'est le seul regroupement qui se préoccupe uniquement des entreprises de transformation et qui offre des services vraiment structurés. De par ses clubs d'administrateurs qui regroupent des cadres des entreprises manufacturières québécoises, l'AMCQ pourrait être un interlocuteur fort valable de l'État". (1)

Notre association, qui regroupe la très grande partie des manufacturiers québécois, se sent très touchée par le projet de loi no 17 parce que ce sont les entreprises manufacturières qui sont le plus affectées par les mesures proposées.

Pour l'association des manufacturiers canadiens, il ne fait aucun doute que les accidents du travail constituent un problème auquel il faut consacrer une attention particulière. Les manufacturiers eux-mêmes dénoncent les accidents de travail autant pour le bien-être de ses employés que pour les coûts directs et indirects qu'ils entraînent, affectant ainsi, de façon sérieuse, la rentabilité de leurs entreprises.

Les mesures restrictives et punitives existantes envers les employeurs et le secteur qui nous occupe ainsi que celles qui ont été proposées dans le livre blanc sont intensifiées par ce projet de loi. Un tel alourdissement du fardeau imposé au secteur manufacturier, ajouté à la suppression des quelques mesures de "protection" qui nous permettaient d'entrevoir une possibilité bien relative d'adaptation, nous porte à nous interroger sur les raisons qui ont motivé une telle attitude de la part du législateur.

Nous tenterons donc dans ce mémoire de vous faire part des craintes et des préoccupations de nos membres concernant plusieurs articles de ce projet de loi.

II. Les principes

Nul projet de cette envergure ne saurait être envisagé sans que ne soient préalablement définis les principes que doivent accepter toutes les parties intéressées afin d'atteindre conjointement les objectifs visés. Selon nous, trois grands principes sont à retenir:

A) La santé et la sécurité: une priorité pour l'état

L'association reconnaît le besoin d'une intervention collective dans le domaine de la sécurité au travail. Bien plus, à cause de l'étendue et de la complexité du problème, l'AMC reconnaît que l'État peut prendre une certaine initiative dans le but de planifier et orienter la prévention des maladies et des accidents au travail.

Nous croyons qu'au-delà de la législation et de la réglementation, le gouvernement devrait être beaucoup plus actif que par le passé dans le secteur de la recherche, de l'information aux employeurs et aux employés, de même que dans la formation d'experts pour aider les uns et les autres à mener à bien la tâche qu'ils se reconnaissent de travailler à la prévention.

Le secteur de la santé étant encore plus complexe, le rôle que peut et doit y jouer l'État est donc prépondérant.

B) La santé et la sécurité: responsabilité partagée

Nous sommes d'avis qu'en matière de santé et de sécurité au travail, l'efficacité dépend de tous les partenaires concernés, c'est-à-dire l'État, l'employeur et le travailleur.

Nul ne peut ignorer que tous ces partenaires sociaux ont un rôle à jouer dans le domaine de la santé et de la sécurité. Cependant, si l'employeur doit être l'ultime responsable des accidents et des maladies dont ses employés peuvent être victimes au travail, il faut lui laisser les moyens d'agir avec diligence pour corriger les situations susceptibles de les entraîner. La notion même des comités paritaires avec pouvoir décisionnel ne peut aucunement s'accommoder avec cette responsabilité ultime qui incombe et doit incomber à l'employeur. On peut parler d'une responsabilité commune en matière

(1) Revue Développement-Québec (OPDQ) Volume 6, numéro 4, Avril-Mai 1979 page 31.

de prévention sans toutefois perdre de vue que les rôles des différents partenaires sont distincts quoique complémentaires.

De plus, les efforts en ce sens doivent être équitablement partagés, le tout dans un contexte et un esprit de collaboration et de coopération qui dépasse les frontières de la partisanerie idéologique, économique ou politique souvent contradictoire des parties intéressées.

Ces dernières doivent donc adopter une attitude positive et réaliste orientée uniquement vers la poursuite à court, moyen ou long terme d'objectifs communs.

C) La santé et la sécurité: une responsabilité parmi d'autres pour les employeurs

Nul ne peut ignorer que les entreprises, quelles qu'elles soient, privées, publiques ou mixtes, à but lucratif ou non, ont un rôle social à jouer. Elles doivent produire des biens et/ou des services pour le mieux être de la collectivité. On a trop souvent tendance à voir l'entreprise comme un mal à combattre et à anéantir plutôt que comme un organisme vital pour la société. On a également tendance à oublier que l'entreprise doit être rentable et concurrentielle pour survivre et ainsi continuer à procurer des emplois. On a aussi tendance à oublier qu'une société ne peut partager que ce qu'elle a, notamment ce que lui fournissent ses entreprises.

Ce rôle vital de l'entreprise doit être gardé à l'esprit lorsque l'on envisage des mesures relatives à l'amélioration de la santé et de la sécurité au travail. Il faut donc accorder la priorité aux moyens qui, tout en permettant d'atteindre l'objectif visé, permettront à l'entreprise de maintenir une efficacité rentable.

En conclusion, si on reconnaît en un premier temps, l'importance de l'aspect santé et sécurité au travail, il ne faut pas, en un deuxième temps, perdre de vue la survie de l'entreprise.

III. Commentaires additionnels à notre mémoire sur le livre blanc.

Afin de vous aider à mieux comprendre les préoccupations de notre effectif au sujet de ce projet de loi, nous tenons à ajouter quelques commentaires à ceux que nous avons formulés dans notre mémoire du 1er juin concernant le livre blanc.

L'analyse de la situation contenue dans le livre blanc, assise du présent projet de loi, nous semble déficiente à bien des égards. C'est une étude purement statistique des cas soumis à la Commission des Accidents du Travail. L'Association croit que cette étude constitue un précieux outil pour qui s'intéresse au problème de la santé et de la sécurité au travail; cependant, elle n'a pas été suffisamment poussée pour qu'on puisse en tirer les conclusions qui ont inspiré le projet de loi no 17. Il se dégage clairement du livre blanc que les entreprises, quelles qu'elles soient, sont indifférentes à la santé et à la sécurité de leurs employés et les exposent même sciemment aux pires outrages à ces égards.

Il se dégage également du livre blanc, du projet de loi no 17, des déclarations qui les ont annoncés et de celles qui les ont accompagnés que la situation est telle que, sans une "loi avec des dents" tout espoir d'amélioration serait vain.

Il nous semble que "la situation actuelle" telle que l'a décrite le livre blanc est dramatisée par l'utilisation outrancière de statistiques qu'on aurait dû davantage approfondir.

Ainsi, lorsque l'on constate que le nombre moyen de jours indemnisés par accident diminue (de 21.7 jours en 1973 à 18.5 jours en 1976), on prend soin d'indiquer: "toutefois, il faut être très prudent dans l'interprétation de ces données, car nous ne pouvons pas affirmer que la gravité des accidents diminue depuis 1973 puisqu'il y a d'autres facteurs qui influent beaucoup la période de convalescence des accidentés et des malades; entre autre, il y a l'amélioration de tout le processus de réparation de la Commission des Accidents du Travail." On aurait tout aussi bien pu conclure que: "la congestion des salles de soins externes, l'usage abusif de la médecine par une certaine partie de la population, les "quotas" imposés à certaines catégories de médecins et les aléas des conflits de travail dans le secteur hospitalier sont autant d'éléments qui peuvent retarder les soins aux accidentés du travail ou l'émission de certificats autorisant leur retour au travail." De même, à la page 23 du livre blanc, on lit: "En analysant l'évolution des accidents du travail au cours des années 1973 à 1977, on remarque que le nombre d'accidents ne requérant que des soins médicaux tend à diminuer depuis 1976, tandis que le nombre des accidents qui entraînent une absence du travail augmente considérablement depuis cette même date. Cette remarque nous incite à croire que, depuis 1976, les accidents du travail ont des conséquences de plus en plus graves." Contrairement aux auteurs du livre blanc, nous serions portés à croire que, pour des raisons tout à fait étrangères aux accidents eux-mêmes, les accidentés s'absentent maintenant pour plus d'une journée alors qu'une absence de quelques heures leur était auparavant suffisante.

Autre phénomène étrange, le nombre de maladies professionnelles augmente de façon prodigieuse et constante de 1974 à 1977. Faut-il en conclure que les travailleurs sont plus sujets aux maladies (ce pourquoi l'entreprise ne peut être blâmée) ou encore que les conditions du milieu du travail

se détériorent? Dans ce dernier cas, tous les efforts déployés depuis quelques années en vue de l'assainissement du milieu seraient-ils tout à fait contre-indiqués?

Bien sûr, le nombre de maladies professionnelles n'a pas augmenté au cours des dernières années; c'est plutôt que les recherches épidémiologiques ont permis d'établir un lien entre certaines conditions de travail et certains états physiologiques; c'est également dû au fait que les travailleurs sont plus avertis et qu'ils sont eux-mêmes plus aptes à relier leur état de santé à leurs conditions de travail et à réclamer compensation en conséquence.

Une étude approfondie des circonstances dans lesquelles se produisent les accidents aurait dû, nous semble-t-il, s'imposer avant d'entreprendre l'actuelle réforme. Quoi qu'en pensent certains théoriciens de la sécurité au travail, il nous semble que la grande majorité des accidents survient à la suite de maladresse ou de négligence des accidentés eux-mêmes, de leurs compagnons de travail et/ou de leur supérieur immédiat.

Il ne faut pas avoir travaillé longtemps dans un milieu industriel pour se rendre compte que les gens prennent des risques inutiles ou encore sont tout à fait indifférents aux mesures de sécurité qui leurs sont enseignées. Loin de nous l'idée de leur en tenir rigueur, mais c'est une réalité qu'il aurait fallu prendre en considération. La constatation d'un tel phénomène aurait probablement porté les auteurs du livre blanc à modifier leur orientation et à attacher une plus grande importance au respect des lois et règlements actuels.

Le livre blanc et le projet de loi no 17 nous semblent inspirés d'une approche et d'une vision très particulières de la société par certains groupes, approche qui fait de l'employé une victime impuissante d'un système orienté uniquement vert la réalisation des profits. L'étude des conventions collectives et de récentes décisions arbitrales révèle que des recours existent pour les travailleurs dans l'exercice de leurs fonctions s'ils jugent que ces dernières ne sont pas sécuritaires. Enfin, une telle étude permet de constater que la situation n'est pas aussi noire que certains voudraient le prétendre.

Nous vous invitons donc à relire notre premier mémoire et plus spécialement les pages 12 et 13 où nous y formulons notre conclusion sur l'ensemble des statistiques contenues dans le livre blanc.

PROJET DE LOI

IV. Commentaires généraux

L'Association des manufacturiers canadiens veut témoigner son appui au présent projet de loi mais n'en croit pas moins que certaines modifications doivent être apportées pour que la loi qui en résultera colle davantage à la réalité et pour que l'objectif visé soit atteint sans que l'avenir de nos entreprises ne soit trop compromis.

Nos commentaires seront donc divisés en dix points c'est-à-dire: 1) Objectifs 2) Recherche, formation, information 3) Droits et obligations a) Droit de refus de travail b) Droits des employeurs c) les fournisseurs 4) Les comités de santé et de sécurité 5) Le représentant à la prévention 6) Les services de santé au travail 7) L'inspectorat 8) Les règlements 9) Les recours 10) Le financement

1) Objectifs

Les objectifs visés par la réforme, c'est-à-dire d'abord une diminution sensible des accidents du travail et des maladies professionnelles et finalement leur élimination complète, sont indéniablement louables et l'AMC s'empresse d'y souscrire sans réserve.

Toutefois, ces objectifs ne pourront être atteints que si les moyens préconisés respectent en tout point les principes énumérés précédemment.

2) Recherche, formation, information

Nous sommes également d'avis qu'il faut intensifier les efforts en matière de recherche, de formation et d'information concernant la sécurité au travail.

Ces programmes ne devront être mis en application que très progressivement. En effet, il faut éviter d'accélérer indûment le processus et/ou l'échéancier à ce sujet car nous pourrions créer des difficultés inutiles à la réalisation des objectifs précités.

3) Droits et obligations

a) Droit de refus de travail

L'association déplore au plus haut point la naïveté dont fait preuve la rédaction des articles concernant le droit de refus. La simple lecture du projet de loi force l'association à conclure à un manque de réalisme chez les auteurs ainsi qu'à la capitulation du législateur face à ses obligations de justice et d'objectivité dans l'élaboration des lois.

L'association est convaincue qu'il est tout à fait inutile de légiférer sur le droit de refus, car ce principe de droit commun est depuis longtemps reconnu par la jurisprudence arbitrale et donc, le travailleur a déjà le droit de refuser d'exécuter un travail dans certaines conditions, soit un travail représentant un danger pour sa santé ou sa sécurité. La jurisprudence a toutefois reconnu certaines réserves dans l'exercice de ce droit. D'abord, le risque à la santé et à la sécurité doit être sérieux et représenter un danger grave et immédiat qui ne fait pas partie inhérente de son travail habituel. De plus, l'employé doit croire de façon raisonnable et objective qu'il s'expose à des possibilités de blessures sérieuses s'il exécute l'ordre donné, c'est-à-dire qu'il doit avoir une base solide de preuves qui amènerait d'autres individus raisonnables à arriver à la même conclusion après avoir analysé la situation. Enfin, les arbitres se préoccupent et s'assurent que le refus du travailleur n'est pas une façon indirecte d'attaquer les règlements de sécurité de l'employeur.

La jurisprudence arbitrale a toujours obligé le plaignant à commenter son refus en donnant ses raisons dans les plus brefs délais et ce, d'une façon judicieuse. Cela est amplement justifié car l'employeur ne peut pas examiner la question de danger s'il ne connaît pas la ou les raisons du refus de travailler.

Voici les raisons qu'ont reconnues les arbitres pour déterminer si le refus d'un employé était justifié: i) s'il croyait honnêtement que ce travail représentait un danger, ii) s'il avait communiqué cette croyance à son supérieur immédiat d'une façon judicieuse, iii) si cette croyance était raisonnable dans les circonstances, iiii) si le danger était assez sérieux pour justifier une telle action.

Il n'a pas suffi aux arbitres que l'assignation d'une tâche ait été sécuritaire ou non, mais ils se sont assurés du fait que l'employé ait cru qu'elle était dangereuse.

Évidemment, si l'employé se sert de la sécurité pour camoufler d'autres raisons pour refuser de travailler, des mesures disciplinaires sont alors imposées par l'employeur; le tout étant reconnu par les arbitres.

En présumant que le droit de refus ne sera jamais utilisé de mauvaise foi par un travailleur ou par un groupe de travailleurs, pour des fins autres que la santé et la sécurité au travail, le gouvernement fait preuve d'une crédulité inouïe. Il y a eu en 1978, au Canada, 7 392 820 jours/homme perdus à cause de grèves; de ce nombre, 1 869 461 jours/homme ont été perdus au Québec et la moitié concernait le secteur manufacturier. Le nombre de jours/homme perdus en 1978 a diminué de façon substantielle comparativement aux dernières années, mais il est reconnu que depuis environ cinq ans, le Canada détient le triste record des jours/homme perdus dans le monde industriel occidental. De plus, la situation s'aggrave. Au Québec, du 1er janvier au 30 juin 1979, il y a eu 1 295 335 jours/homme perdus dont la moitié dans le secteur manufacturier. On sait très bien qu'historiquement, le pourcentage de jours/homme perdus au Québec à cause des grèves a placé notre province au premier ou deuxième rang au Canada dans ce domaine. L'association se demande pourquoi le gouvernement ne reconnaît pas cette désastreuse performance dans le projet de loi no 17.

L'AMC sait que dans le contexte actuel des relations patronales-ouvrières dans bien des cas le droit de refuser un travail va être exercé par le travailleur ou son syndicat comme moyen de chantage. L'employeur doit donc s'assurer qu'il pourra éviter de telles pressions indues.

L'association remarque, avec beaucoup de regret, que le gouvernement n'a pas donné suite aux recommandations du livre blanc sur la question de "bonne foi" du travailleur pour l'exercice de ce droit et à la notion d'imminence du danger. L'association se pose beaucoup de questions à savoir pourquoi l'emphase donnée à ces deux principes dans le livre blanc ne se trouve pas dans le projet de loi no 17.

L'article 31 de la loi défend à l'employeur d'imposer toute mesure disciplinaire avant une décision finale. D'après les textes des articles 11 à 30, ceci pourra prendre beaucoup de temps et causer des perturbations et des coûts énormes à l'employeur. En pratique, plusieurs employeurs seront obligés de céder au chantage et trouver des solutions monnayables plutôt que de supporter des arrêts et perturbations inutiles.

De plus, cet article empêche l'employeur d'imposer toute mesure disciplinaire à moins qu'il ne prouve la mauvaise foi de l'employé. En droit, la mauvaise foi ne se présume jamais et en faire la preuve est une tâche des plus difficiles.

Tel que déjà mentionné, la reconnaissance du droit de refus de travail dans la jurisprudence arbitrale, était basée principalement sur la notion de "bonne foi" du travailleur et l'abus était freiné par la possibilité de mesures disciplinaires.

II peut y avoir plusieurs raisons pour lesquelles un employé croit qu'il existe un danger, à savoir par exemple: a) son inexpérience du travail demandé, b) une déficience physique représentant un danger, etc.

Ces exemples et d'autres ont été acceptés par la jurisprudence arbitrale comme des raisons suffisantes pour refuser d'exécuter un travail.

L'association demande pourquoi on reconnaît aux travailleurs le droit de refuser d'exécuter un travail même si le comité de santé et de sécurité arrive à la conclusion que le travail ne représente aucun danger et même si d'autres travailleurs consentent à exécuter le travail demandé. Il ne faut pas oublier que pendant tout ce temps, le travailleur ne subit aucune perte de salaire et l'employeur ne peut imposer aucune mesure disciplinaire jusqu'à décision finale.

Il est illusoire de croire qu'un employeur acceptera de payer pendant plusieurs semaines tous les travailleurs si ses opérations sont entièrement ou partiellement paralysées par un refus de travail. La tentation est trop forte pour l'employé de prétexter qu'il existe un danger pour sa santé et sa sécurité et utiliser ce droit comme moyen de pression concertée envers l'employeur.

Ces dernières années le secteur manufacturier a réussi dans une grande mesure à améliorer la situation des travailleurs au point de vue santé et sécurité car on a laissé des spécialistes solutionner les problèmes de santé et sécurité au travail. L'association craint vivement qu'au lieu d'améliorer la situation des travailleurs, le gouvernement ne l'aggrave. L'établissement presque obligatoire du Comité de sécurité, les pouvoirs que le gouvernement désire leur donner, la création d'un poste d'agent à la prévention ainsi que les pouvoirs qui lui seront conférés auront pour effet de rendre le lieu de travail moins sécurisant. Il sera alors évident que le gouvernement désire régler les problèmes de santé et de sécurité sur une base politique plutôt que scientifique.

Le projet de loi n'exige aucune compétence de l'agent à la prévention. Il n'est qu'un officier élu par les travailleurs pour les représenter. Le projet de loi lui donne certains pouvoirs et notamment celui de décider si un travail est dangereux ou non. Donc, quelle compétence a-t-il à ce sujet? Il y a un conflit d'intérêt évident, l'agent à la prévention devant choisir soit de bien représenter ceux qui l'ont élu, soit de s'associer avec l'employeur.

Donc, le gouvernement politise le lieu de travail par la rédaction des articles sur le droit de refus, encourage des batailles idéologiques, enlève la question ou la notion de compétence à l'égard de la santé et sécurité au travail. Selon l'association, cela est dangereux et risque de donner des résultats complètement opposés au désir exprimé par le gouvernement de protéger la santé et la sécurité des travailleurs.

Le gouvernement, dans ce projet de loi, crée une procédure lente et trop élaborée pour déterminer si la situation représente un danger ou non pour le travailleur. Il ne permet pas à l'employeur de faire des mises à pied si un refus de travail entraîne une cessation partielle ou totale des opérations. Le gouvernement ne permet pas à l'employeur d'imposer un congédiement, un déplacement ou des mesures disciplinaires pendant une certaine période de temps, même lorsqu'il y a évidence de mauvaise foi.

Le manque de protection de l'employeur et la façon dont le gouvernement a rédigé les droits des travailleurs et du représentant à la prévention, constituent une incitation à utiliser ce droit de refus pour des fins autres que la santé et la sécurité au travail. Il doit reconnaître que, dans le contexte actuel de relations ouvrières au Québec, on peut facilement envisager qu'il y aura une augmentation de jours/homme perdus à cause des grèves, surtout des grèves illégales.

L'association s'oppose à la conclusion des auteurs du livre blanc à l'effet que le problème de la santé et de la sécurité au travail est "urgent " et "critique" car, tout au moins pour le secteur manufacturier, les statistiques dont fait mention ce document démontrent que ce secteur a réussi à réduire, de façon significative, les absences au travail dues à des accidents.

b) Droit des employeurs

Les articles 39 à 51 concernant l'employeur comportent un degré inacceptable d'inconnu, car la plupart des dispositions renvoient au pouvoir réglementaire, ce qui nous semble abusif. Dans cette seule section le mot "règlement" revient dix-huit fois.

Le seul article traitant des droits de l'employeur (art. 39) est une courte nomenclature de généralités qui ne veulent à toute fin pratique rien dire. Alors que l'employeur a l'obligation de veiller à la santé et à la sécurité de ses employés, il est pour le moins essentiel que l'employeur se voie reconnaître par la loi le droit fondamental de: "prendre les mesures nécessaires pour protéger la santé et la sécurité des employés."

De plus, nous nous objectons fortement à l'article 41 qui oblige l'employeur à dresser et à maintenir à jour un registre des caractéristiques concernant le travail exécuté par chaque travailleur à son emploi. Il ne fait aucun doute que si cet article devait demeurer dans la loi, il serait utilisé par les syndicats à des fins toutes autres que celles visées et ce, au détriment évident du bon fonctionnement de l'entreprise.

c) Le fournisseur

Tel que libellée dans le projet de loi, la section se rapportant aux fournisseurs semble exiger que tout produit, procédé, équipement ou matériel — dangereux ou non — doit être sécuritaire et conforme aux règlement. Si telle est l'intention du législateur, la réglementation devrait alors prévoir des critères pour un éventail indéfini de produits, procédés et matières, car tous les produits, procédés ou matières peuvent être "dangereux", dépendant des circonstances.

Nous croyons plutôt que l'intention du législateur a été de réglementer la fabrication, la vente, la distribution et l'utilisation de contaminants et de matières dangereuses. Cette intention se retrouve d'ailleurs dans les pouvoirs de réglementation de la commission, à l'article 185, 27° à 30°, où il est prévu que la commission peut définir et décrire ce qui constitue un contaminant ou une matière dangereuse, en dresser la liste, prévoir l'étiquetage et prescrire des normes quant à l'utilisation, l'entretien et la réparation. Il y aurait donc lieu d'indiquer clairement, aux articles 52 à 55, que ces obligations générales traitent exclusivement des contaminants et matières dangereuses.

Comme nous l'avons fait remarquer précédemment, ces articles s'inscrivent dans la section traitant des droits et obligations du fournisseur. Pourtant, ces articles font également mention de l'utilisateur, en l'occurrence l'employeur; c'est donc dire qu'en plus des obligations de l'employeur, prévues aux articles 40 à 51 (qui établissent déjà la responsabilité de l'employeur quant à la sécurité des lieux de travail, de l'équipement, des procédés et du matériel), on impose à ce dernier, par le biais de l'utilisation, un fardeau normalement dévolu au fabricant, au fournisseur, au vendeur, au distributeur ou à l'installateur. En pratique, ces articles permettront à l'inspecteur qui découvrira une anomalie dans un équipement, un procédé ou un matériel, d'en blâmer l'utilisateur-employeur sans remonter au distributeur, au vendeur ou au fabricant. L'article 54 prévoit d'ailleurs que l'inspecteur peut réclamer de l'utilisateur les frais d'expertise d'un procédé, équipement, matériel, etc.

À cette section qui traite des droits et obligations du "fournisseur", nous suggérons donc qu'il ne soit fait aucune mention de l'utilisateur.

De plus, tel que libellé, l'article 53 semble prescrire qu'un équipement produit, procédé, etc. n'ayant pas été antérieurement fabriqué, fourni ou utilisé au Québec, doit faire l'objet d'un avis à l'inspecteur, conformément au règlement. Encore là, nous voyons mal comment le fabricant ou le fournisseur, tel l'employeur-utilisateur, pourra déceler que tel équipement, produit, procédé, etc., qu'il soit ou non dangereux, a ou n'a pas été antérieurement fabriqué, fourni ou utilisé au Québec, et doive faire l'objet d'un avis à l'inspecteur. Quoi qu'il en soit, à première vue, cet article impose un fardeau très lourd au fabricant, au fournisseur ou à l'utilisateur, et nous nous demandons comment il pourra être appliqué dans l'entreprise en général.

Finalement, l'article 55 prévoit que la réglementation régira l'étiquetage des matières dangereuses. Bien que nous ne nous objections pas en principe, à cette exigence, nous suggérons que la réglementation soit fortement inspirée des législations provinciales ainsi que de la législation fédérale en la matière, en vue de l'uniformité dans les exigences.

4) Les comités de santé et de sécurité

Pour faciliter l'adaptation au nouveau régime, l'association propose de remettre à plus tard la création de comités dans les établissements de plus de dix travailleurs. L'association ne voit pas la nécessité, au stade actuel, de modifier la loi existante qui fixe à 20 le nombre minimum de travailleurs dans les établissements où un comité de santé et sécurité doit exister. De plus, l'association propose de ne pas exiger immédiatement de tous les établissements un comité de santé et sécurité puisqu'on accorde à un employeur ou aux travailleurs le droit d'en exiger.

Le projet de loi propose de donner un pouvoir décisionnel sur un certain nombre de questions au comité sur la santé et sécurité. La seule chose que l'on exige des travailleurs, c'est de consacrer leur temps rémunéré aux affaires de santé et sécurité. L'association se demande comment on prévoit le fonctionnement efficace du nouveau régime basé sur un partage de pouvoirs qui ne soit pas accompagné d'un partage de responsabilités. Le projet de loi prévoit que l'employeur reste l'ultime responsable de la santé et de la sécurité dans l'établissement. De plus, ce document ne prévoit aucun changement dans le financement du nouveau régime proposé et oblige donc l'employeur à le financer à 100 pour cent. Il est illusoire de penser que l'employeur, ayant la responsabilité d'assurer la rentabilité de l'entreprise, voudra céder ses responsabilités au comité de santé et sécurité sans avoir l'assurance que ce dernier les utilisera dans le meilleur intérêt de toutes les parties concernées.

L'association croit sincèrement que pour ce qui est d'assurer la santé et la sécurité, les comités de santé et de sécurité existants ont eu autant de succès par voie de recommandations à l'employeur que la mesure proposée n'en aura. Comme elle l'a déjà souligné, elle admet que le comité puisse jouer un rôle à l'égard de services d'information et de formation du régime de santé et de sécurité au travail et aussi en ce qui concerne la détermination de l'existence ou de l'absence d'un danger imminent. Cependant, tout pouvoir décisionnel accordé au comité risque d'engager les parties dans des conflits • sans assurer aux employés une santé et une sécurité meilleures au travail.

Le comité de santé et sécurité doit donc revêtir un caractère consultatif. En plus de l'argumentation précédente, le fait de donner un pouvoir de décision à ce comité pourrait entraîner une perte de temps incalculable. À titre d'exemple:

a) Quelles garanties l'employeur a-t-il que les membres du comité formé des représentants des travailleurs ne demanderont pas de prendre le "temps nécessaire" pour "étudier" afin de bien "choisir" ou "suggérer" les moyens et les équipements de protection individuelle adéquats? b) Combien de temps et à quel coût s'établirait l'élaboration conjointe des programmes de formation et d'information? de prévention? de programmes d'adaptation aux normes prescrites par les règlements? des mesures de surveillance et d'entretien préventif? de l'étude et des enquêtes sur les événements qui ont causé ou qui auraient été susceptibles de causer un accident du travail ou une maladie professionnelle? de recevoir et d'étudier les rapports d'inspection, les informations statistiques? de tenir un registre des accidents, des maladies professionnelles et des événements qui auraient pu en causer? de rédiger un rapport annuel d'activités? etc...

Il est donc utopique de croire que les employeurs sont prêts à investir tant de temps, d'efforts et d'argent dans un comité de santé et sécurité alors que, face aux objectifs visés, les mêmes résultats peuvent être obtenus en rendant l'employeur responsable du bon fonctionnement du comité.

La participation pour la participation n'est pas un principe rentable pour qui que ce soit et ne sert à rien que créer des mécanismes bureaucratiques tous plus inutiles les uns que les autres.

La capacité de production d'un employeur ne doit pas être compromise à un point tel qu'il soit nécessaire de faire appel à du personnel surnuméraire pour la réaliser.

Ainsi les articles ici mentionnés doivent être modifiés de façon telle que le comité de santé et sécurité soit un comité consultatif.

5) Représentants à la prévention

Tel que nous l'avons formulé précédemment dans nos commentaires sur le droit de refus au travail, l'AMC s'oppose vigoureusement à la création de postes de représentants à la prévention tel qu'indiqué au chapitre 5 du projet de loi, articles 67 à 72.

L'AMC trouve pour le moins étrange le fait que le législateur n'ait pas retenu l'idée de la parité lorsqu'il parle de représentant à la prévention. En effet, alors que nous parlons de collaboration, de coopération, de comités paritaires, d'associations sectorielles, etc., le législateur n'a pas cru bon de créer ce poste de façon paritaire.

La compétence ayant toujours été reconnue à date à l'employeur en matière de sécurité, nous croyons qu'il serait tout à fait logique de prévoir que si un poste de représentant à la prévention devait être institué dans une entreprise, il soit détenu par un représentant de l'employeur.

Enfin, nous faisons remarquer que cette forme d'inspectorat continuel n'a nullement sa place dans un établissement manufacturier où les conditions et la nature du travail ne changent pratiquement pas.

6) Les services de santé au travail

Le chapitre VIII du projet de loi no 17, couvrant les articles 81 à 101, traite des services de santé au travail. La législation proposée préconise des changements radicaux au régime actuel, plus particulièrement elle réserve un rôle très important aux services de l'État dans la médecine du travail en modifiant considérablement le statut du médecin de l'établissement.

L'association reconnaît l'importance du rôle que doivent jouer les services de santé de l'État. Cependant, en vue de la réduction des coûts et par souci d'efficacité, l'association est d'avis que le rôle des services de santé de l'État devrait se limiter à l'analyse et à la prévention de tout phénomène collectif ainsi qu'à un rôle supplétif concernant les entreprises qui, pour quelque raison que ce soit, ne bénéficient pas déjà d'un service de santé. En effet, de nombreuses entreprises possèdent déjà un service de santé et l'expérience passée ne justifie pas, à notre avis, qu'une grande partie de leur rôle soit dorénavant dévolue aux services de santé de l'État.

Cette mise à l'écart des services de santé d'un établissement, que l'association déplore, se retrouve également dans le fait que le projet de loi ne semble pas prévoir qu'une partie du budget alloué par la commission aux centres hospitaliers puisse, en vertu de l'article 84, être versée également en partie aux établissements bénéficiant déjà d'un service de santé.

L'association tient également à ce qu'on note sa profonde dissidence au sujet du principe voulant que l'on confie au comité de santé et de sécurité le choix du médecin responsable de l'établissement, plus particulièrement dans les cas où l'entreprise possède déjà son médecin. Nous sommes d'avis que ce changement radical au régime actuel ne solutionnera pas le problème de la soi-disant dépendance du médecin face à l'employeur, bien au contraire. En effet, le régime proposé laisse le médecin responsable à la merci de l'employeur, du comité de santé et de sécurité, de l'association accréditée et même du travailleur individuellement, ces derniers pouvant, aux conditions prévues à l'article 91, demander en tout temps à la commission des affaires sociales de démettre le médecin responsable de ses fonctions.

Si l'indépendance du médecin vis-à-vis l'employeur demeure la préoccupation principale du législateur, le projet de loi pourrait par exemple prévoir qu'un médecin démis de ses fonctions par l'employeur puisse en appeler à la commission des affaires sociales ou à la commission de la santé et de la sécurité au travail. L'association est cependant d'accord avec les dispositions de l'article 87, exigeant

que le médecin responsable soit agréé aux fins de la médecine du travail. Cependant, nous ne voyons pas pourquoi ce dernier doit conclure un contrat de service avec le centre hospitalier qui l'a agréé. De plus, l'association s'oppose à l'article 85 du projet de loi qui prescrit un changement dans le mode de rémunération du médecin responsable; en effet, conformément aux remarques précédentes, le changement du mode de rémunération du médecin responsable ne réglera pas le problème de l'indépendance du médecin responsable... en supposant que ce problème se pose.

Compte tenu des graves obligations que la nouvelle législation imposera à l'employeur, l'association croit aussi que ce dernier devrait être muni des outils nécessaires pour atteindre les buts visés, l'un de ces outils essentiels étant certes le contrôle de ses services de santé, ce qui comprend particulièrement le choix du médecin responsable.

Le régime proposé prévoit également que le médecin responsable devra élaborer, en consultation avec l'employeur et le comité de santé et de sécurité, un programme de santé spécifique à l'établissement et voir à sa mise en application. L'article 98 du projet de loi confère également au médecin responsable un rôle d'inspectorat auquel l'association s'oppose. La législation pourrait cependant prévoir que le médecin responsable soit apte, lorsque mandaté par l'employeur ou le comité de santé et de sécurité, à faire des recommandations à l'employeur afin de corriger une déficience quelconque dans les conditions de santé ou de salubrité et, advenant une réponse négative de l'employeur, puisse s'adresser à la commission afin que les mesures correctives suggérées soient prises.

En ce qui a trait au rôle confié au chef du département de santé communautaire par les articles 100 et 101 du projet de loi, l'association est d'avis que ce rôle empiète indûment sur les fonctions et la juridiction de l'inspecteur et/ou du médecin responsable de l'établissement, ce qui créera sûrement des situations de conflit qui engendreront l'inefficacité et le double emploi, ce dont l'employeur et les travailleurs souffriront.

L'association désire également souligner que l'article 84 du projet de loi semble prévoir que le personnel professionnel, technique et clérical à l'emploi d'un établissement, sera dorénavant rémunéré par le centre hospitalier; ces ressources humaines deviendraient donc du personnel du centre hospitalier. L'association s'oppose à un tel changement de régime et suggère plutôt, si telle est réellement l'intention du législateur, que le centre hospitalier verse des subventions aux différents établissements qui maintiennent un personnel attaché au service de santé de l'établissement en sus du médecin responsable.

Finalement, l'association se préoccupe au plus haut point des intentions du législateur concernant l'indépendance du médecin appelé à oeuvrer dans le contexte des services de santé au travail tel que décrit dans ce projet de loi. Elle croit par exemple que le médecin devrait pouvoir continuer de pratiquer la médecine du travail dans son cabinet privé s'il le juge à propos.

En guise de conclusion, l'association est d'avis que le bouleversement du régime actuel préconisé par le projet de loi quant aux services de santé ne rejoint pas les objectifs du législateur qui désire s'assurer de la santé et de la sécurité des travailleurs. Le rôle accru confié à l'inspecteur constitue certes un moyen beaucoup moins radical d'atteindre le but visé.

L'association croit que le régime proposé aura pour effet de pénaliser de nombreuses entreprises déjà très bien organisées dans le domaine de la santé et de la sécurité au travail. Elle soutient donc qu'un rôle supplétif des services de santé de l'État, ainsi que l'analyse et la prévention de phénomènes collectifs atteindraient plus sûrement et à moins de frais les objectifs visés.

L'AMC se préoccupe donc au plus haut point du fondement même de la réforme proposée, soit une main mise totale de l'État sur l'administration et le fonctionnement de la médecine industrielle; elle s'interroge sur sa nécessité, sa complexité ainsi que sur ses implications immédiates et futures.

Compte tenu de ce qui précède, l'AMC suggère donc au législateur de se pencher à nouveau sur ce chapitre précis du projet de loi et de le reformuler, en tenant compte des remarques et suggestions qui vous sont soumises.

7) L'inspectorat

Le chapitre X du projet de loi se compose des articles 134 à 149 et traite des inspecteurs qui seront chargés de voir à l'application de la loi et des pouvoirs qui leur sont conférés.

Nous reconnaissons volontiers la nécessité de ces inspecteurs et le fait qu'ils doivent être dotés de certains pouvoirs pour être en mesure de s'acquitter de leur mandat. Toutefois, ces pouvoirs qui sont d'une nature purement discrétionnaire et qui seront utilisés sans que chaque partie puisse se faire entendre, ne doivent pas être aussi étendus que ceux qui sont prévus par l'actuel projet de loi. Afin d'éviter des abus de pouvoir et des injustices, il nous apparaît nécessaire de limiter ces pouvoirs tout en laissant aux inspecteurs toute la latitude dont ils doivent jouir pour intervenir efficacement.

De plus, l'article 143 stipule que les travailleurs dont l'établissement a été fermé ou dont les travaux ont été suspendus par un inspecteur, sont considérés comme ayant régulièrement travaillé et sont notamment rémunérés en conséquence.

Cette disposition nous apparaît pour le moins surprenante quand on songe aux conséquences financières d'une telle mesure qui risque, dans bien des cas, de mettre en péril la viabilité d'un très grand nombre d'entreprises québécoises qui ne disposent pas des ressources monétaires nécessaires aux largesses que veut lui imposer le législateur. En effet, s'il est déjà fort onéreux pour un employeur

de supporter les coûts fixes d'une entreprise qui ne fonctionne pas et qui ne procure plus aucun revenu, il devient prohibitif de payer en plus des salaires à des employés pour des biens ou des services qu'ils n'ont jamais produits.

Cette double pénalité ne nous apparaît pas nécessaire pour atteindre les buts visés par la loi.

Ce projet de loi vise la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs et cela est très bien, mais il ne doit pas, dans la poursuite de ce but, mettre en péril la survie des entreprises. Nous recommandons donc fortement l'abrogation de cet article.

Il ne faut pas perdre de vue que dans de telles circonstances, les employés pourraient être considérés comme ayant été mis à pied, ce qui leur permettrait de retirer des prestations d'assurance-chômage.

8) Les règlements

Tel que mentionné précédemment, l'AMC trouve pour le moins surprenant le nombre incalculable de fois où nous retrouvons dans ce projet de loi le terme "règlement". Autrement dit, les employeurs seront sujets à un pouvoir de réglementation extraordinaire face à ce projet de loi.

De plus, étant donné ces circonstances, nous croyons essentiel que le législateur prévoie notamment à l'article 186 que les règlements de la Commission ainsi que leurs modifications soient publiés dans la Gazette Officielle du Québec et qu'ils ne prennent effet qu'après un délai raisonnable de leur publication afin de permettre aux employeurs de s'y conformer, le cas échéant.

9) Les recours

La procédure décrite nous vient des articles 14 et ss. du Code du travail, mais elle doit toutefois être examinée en relation avec l'article 31 du présent projet de loi.

Au deuxième paragraphe de cet article 31, il est dit que "l'employeur peut, selon les circonstances, imposer un congédiement, un déplacement ou une mesure disciplinaire, si le refus a été exercé de mauvaise foi"; c'est toutefois à l'article 191 que l'on apprend que l'employeur a le fardeau de prouver cette mauvaise foi du travailleur: au contraire, suite à la décision finale mentionnée à l'article 31, le fardeau de la preuve devrait être renversé et il devrait incomber au travailleur de prouver que le congédiement, déplacement ou mesure disciplinaire a été imposé sans cause juste et suffisante.

Au pis aller, il faudrait absolument voir à rayer des articles 31 et 191 l'expression de "mauvaise foi", alors que "l'autre cause juste et suffisante" existant à date dans le Code du travail, est amplement onéreuse pour l'employeur et que nulle part, le projet de loi justifie l'addition de l'autre fardeau à l'employeur, soit la preuve de mauvaise foi du travailleur, preuve d'ailleurs illusoire en semblable matière.

Enfin, nous vous reportons à la section de nos commentaires particuliers concernant les amendes prévues, amendes qui sont pour le moins disproportionnées.

10) Le financement

Le livre blanc sur la santé et la sécurité au travail mentionnait à la page 267: "Étant donné l'ensemble de facteurs dont il faut tenir compte, l'évaluation des déboursés qu'entraînera le régime proposé ne peut être d'une précision absolue et reposera sur un certain nombre d'hypothèses".

Vous comprendrez alors sans doute notre réticence concernant ces prédictions et nous souhaitons que l'avant-gardisme souvent proposé dans ce projet de loi ainsi que le nouveau régime qu'il veut faire adopter dans son ensemble tiennent compte de nos moyens financiers.

De plus, ce même livre blanc mentionnait à la page 274: "... que la prévention constitue, à bien des égards, un service public dont les bénéfices peuvent profiter à l'ensemble du monde du travail et même de la société".

Donc, l'AMC croit qu'il est illogique de faire supporter le coût de cette nouvelle législation uniquement par les employeurs étant donné que la santé et la sécurité est l'affaire de tous.

De plus, nous appréhendons le coût de la réalisation de ce projet de loi puisque certaines entreprises manufacturières ont dû dépenser beaucoup plus qu'elles n'avaient prévu au poste du comité de sécurité. En outre, rares ont été les interventions gouvernementales dont le coût s'est avéré conforme aux prévisions.

Les employeurs consentent à contribuer en partie, que ce soit de façon directe ou indirecte, à l'application des nouvelles mesures préconisées dans ce projet de loi mais il est totalement inéquitable que les employeurs aient à payer la totalité de ce nouveau fardeau financier d'autant plus que personne ne peut raisonnablement en prévoir le coût final.

V. Commentaires particuliers mais non exhaustifs relatifs à certains articles

Sans faire une analyse exhaustive du projet, il nous semble cependant important de soulever des objections à certains articles:

CHAPITRE I

— DEFINITIONS —

Article 1: 4°) L'élimination des mots "loisirs, hébergement et alimentation" nous assurerait que des accidents survenus en des lieux offerts par les employeurs ne seraient pas imputés au travail; ainsi plusieurs abus pourraient être évités. De plus, on pourrait difficilement concevoir que les mécanismes de la loi trouvent leur application dans ces lieux. 11°) II serait selon nous, plus opportun de donner une définition au mot "contaminants" pour les identifier en un deuxième temps par voie de règlements. 14°) Voir remarques à 1-4°) 16°) La définition du lieu de travail est beaucoup trop large. Il y aurait lieu de préciser que l'endroit où se trouve l'employé doit appartenir à son employeur. Telle qu'elle apparaît actuellement, la définition a pour incroyable effet de rendre l'employeur responsable ou à la merci de l'état des lieux appartenant à un autre employeur (client, fournisseur, etc.) où peut se trouver un des employés durant sa journée de travail (pour aller porter ou chercher du matériel, etc.). Les mots "moyen de transport" devraient être rayés de cette définition. Nous espérons qu'il n'est pas de l'intention du législateur de rendre un employeur responsable quant à des lieux occasionnels de travail sur lesquels il n'a aucun contrôle. 19°) Même remarque qu'à l'article 1-11°) 20°) Tous les citoyens sont en droit de connaître, par la loi elle-même, le ministre responsable de son application. 23°) Eliminer cet article. Voir nos commentaires en pages 22 et 23 de ce présent mémoire.

CHAPITRE II — CHAMP D'APPLICATION —

Article 3:

En statuant sur le fait que cette loi est d'ordre public, le deuxième paragraphe de cet article devient inutile.

CHAPITRE III — DROITS ET OBLIGATIONS —

SECTION I: LE TRAVAILLEUR 1- DROITS GENERAUX

Article 9:

II devrait être clairement établi que l'article 9 vise le travailleur en général et non chaque individu et tout particulièrement pour ce qui a trait à l'article 9-3°). 1°) Le mot "supervision" porte à confusion et de toute façon il est de la responsabilité de l'employeur de superviser ses employés dans quelque situation que ce soit. Nous suggérons d'éliminer le mot "supervision" dans ce paragraphe. 2- DROIT DE REFUS

Nous vous reportons à nos commentaires généraux déjà formulés aux pages 11 à 17 de ce document.

De plus, nous vous suggérons les changements suivants:

Articles 11 à 20 inclus:

Article 11:

Tel qu'expliqué précédemment dans ce mémoire et plus spécialement aux pages 11 à 17, cet article ne tient pas compte du danger "imminent et grave".

De plus, l'AMC suggère qu'il soit considéré comme étant une offense pouvant même être cause de congédiement le fait de se prévaloir de ce droit sans motif raisonnable et suffisant.

Articles 13 à 17:

Afin de s'assurer un délai raisonnable, nous vous suggérons la procédure suivante lorsqu'il y a mésentente entre l'employeur et le travailleur concernant un refus d'exécuter un travail: a) L'employé informe immédiatement son superviseur immédiat de son refus d'exécuter un travail quelconque ainsi que des raisons détaillées. b) Le superviseur immédiat, accompagné d'un membre du comité de santé et sécurité ou d'un délégué syndical, s'il en est, fait une enquête et dit à l'employé si le travail en question constitue ou ne constitue pas un danger imminent.

c) Si l'employé n'est pas satisfait de la décision de son superviseur immédiat, il peut faire appel à un inspecteur qui doit enquêter aussitôt que possible. d) Lorsque l'employeur ou l'employé n'est pas satisfait de la décision de l'inspecteur, il peut soumettre un grief en vertu de la procédure de grief de la convention collective ou, en l'absence de convention, soumettre une plainte au commissaire général du travail.

Dans tous les cas, l'employeur devrait avoir le droit de faire exécuter le travail par quelqu'un d'autre car une interruption de travail pendant l'enquête pourrait dans bien des cas paralyser totalement les opérations de l'employeur empêchant ainsi les autres employés d'exécuter leurs tâches.

L'association croit qu'une mésentente sur la question de risque pour la santé ou la sécurité d'un travailleur devrait être soumise à un arbitre selon la procédure de grief lorsqu'une convention collective en vigueur en prévoit une. Accorder des pouvoirs additionnels au commissaire général du travail en enlevant les pouvoirs reconnus par les parties dans une convention collective risque de ralentir cette procédure au point où la justice devient illusoire à cause de la lenteur. Il est essentiel que les mésententes à ce sujet soient réglées le plus rapidement possible; c'est pourquoi l'association est opposée à l'idée d'avoir à franchir plus d'une étape de la procédure avant de passer à l'inspecteur. De plus, même si l'association reconnaît qu'une procédure d'appel d'une décision de l'inspecteur est nécessaire, elle espère que le gouvernement laissera les parties régler autant que possible leurs propres problèmes.

Article 18:

Tel que mentionné précédemment, l'AMC juge utopique de croire que les deux membres du comité seront d'accord lorsqu'il s'agira de prendre une décision en fonction du droit de refus d'un travailleur.

Selon nous, le représentant du travailleur sera, par mesure de solidarité, porté à donner raison à son compagnon de travail.

Article 19;

L'AMC se demande pourquoi le législateur a prévu qu'un travailleur, malgré un avis contraire des membres du comité de santé et de sécurité, continuerait de s'abstenir d'exécuter un travail. Selon nous, cette disposition encouragerait un entêtement inutile de la part des travailleurs.

Dans un tel cas, le travailleur devrait se prévaloir de son droit de demander l'avis d'un inspecteur. Toutefois, dans une telle éventualité, le travailleur devrait continuer à travailler, ou à tout le moins, accepter d'être muté à d'autres fonctions. Le tout sujet aux remarques faites à l'article 26.

Article 21 :

Étant donné l'importance de la situation, il serait normal de prévoir que l'inspecteur soit un inspecteur qualifié. De plus, l'employeur devrait pouvoir déléguer son propre expert lors de la venue d'un inspecteur à ce sujet.

L'AMC suggère l'addition d'un paragraphe qui tiendrait compte du fait qu'un travailleur peut en appeler de la décision d'un inspecteur, mais qu'il doit continuer d'exécuter son travail si l'inspecteur arrive à la conclusion que ce danger n'est pas un danger imminent et grave.

Article 22:

L'AMC n'a pas d'objection à ce que les décisions de l'inspecteur soient exécutoires en autant qu'il se limite à une décision d'arrêt ou non du travail. De plus, cette décision de l'inspecteur qui pourrait être exécutoire se doit d'être sous réserve de l'article 147 du présent projet de loi.

Article 23:

On devrait prévoir cinq (5) jours ouvrables consécutifs au lieu de cinq jours de calendrier.

Nous ne voyons pas pourquoi l'association accréditée se prévaudrait du droit de demander une révision ou une révocation de la décision si le premier intéressé, c'est-à-dire le travailleur, a la liberté de le faire. Cette disposition dans sa forme actuelle ouvre la porte à de nombreux abus que nous voulons tous éviter.

Le troisième paragraphe de cet article tel que rédigé pourrait prolonger les délais jusqu'à une période de cinq (5) semaines ou plus. En effet, si l'employé ne doit travailler qu'une journée par semaine, son délai pour demander une révision se voit donc étendu à cinq semaines, d'où l'importance de parler de jours ouvrables consécutifs.

Article 26:

Premièrement, nous faisons remarquer au législateur qu'il n'y a aucune disposition dans cet article ni nulle part ailleurs dans le présent projet de loi qui protège l'employeur contre les abus possibles et prévisibles des travailleurs.

Deuxièmement, l'employeur devrait conserver son droit de faire des mises à pied s'il n'y a pas d'autre travail disponible pour le travailleur concerné.

Finalement, le législateur doit prendre conscience qu'une telle disposition peut éventuellement mettre en péril la viabilité même des PME. En effet, le fait de payer un travailleur pour des services et/ou des biens non produits peut avoir une influence néfaste sur la rentabilité de la compagnie.

Article 27:

Cet article ne devrait pas obliger l'employeur à s'en tenir aux dispositions des conventions collectives qui prévoient dans la majorité des cas une procédure lorsqu'il y a transfert, déplacement ou mutation temporaire. Sinon, il est évident que cet article devient "discriminatoire" envers les employeurs qui n'ont pas de convention collective et ceux qui en ont une.

Article 28:

Dans l'éventualité d'une action concertée de la part des employés qui décideraient d'un commun accord d'exercer leur droit de refus, quelle protection l'employeur a-t-il? Qu'est-ce que l'employeur est supposé faire en attendant qu'un inspecteur arrive? Qui payera pour les dommages si une telle action est prise de mauvaise foi?

Nous suggérons que le premier paragraphe de cet article soit rédigé comme suit: "Dans tous les cas où l'exercice du droit de refus est appliqué, l'inspecteur doit être présent sur les lieux au plus tard six (6) heures après que son intervention a été requise."

Article 29:

Voir nos remarques à l'article 28 du présent mémoire.

Article 30:

L'abrogation de cet article est essentielle pour plusieurs raisons. Premièrement, il enlève à l'employeur son droit primordial de pouvoir faire des mises à pied temporaires dues à des raisons économiques; deuxièmement, cet article tel que rédigé peut avoir comme résultat de mettre de nombreuses PME carrément en faillite. Il est, selon nous, tout à fait irresponsable de croire qu'un tel article peut s'avérer opérationnel alors qu'aucune garantie n'est donnée à l'employeur dans les cas où il y aurait abus de la part des employés et/ou incapacité de payer de l'employeur. L'intention du législateur n'est sûrement pas de handicaper les entreprises au point de compromettre leur survie.

Article 31:

Sachant très bien qu'il est impossible de prouver la mauvaise foi d'un travailleur à moins d'un aveu de sa part, nous suggérons de remplacer l'expression "de mauvaise foi" par la suivante: "motif non-raisonnable". De plus, il serait nécessaire d'inclure la notion de "connaissance de faits nouveaux" afin de permettre à un employeur d'appliquer une mesure disciplinaire suite à une décision finale si des faits nouveaux le justifient.

De plus, l'AMC se demande ce que signifie "décision finale"? S'agit-il d'une décision d'un inspecteur ou d'une décision rendue en appel de la première? 3- RETRAIT PRÉVENTIF DE LA TRAVAILLEUSE ENCEINTE

Articles 32 à 37:

Par ces articles, le législateur tend à corriger une possible déficience à l'ordonnance no 17 de 1978 ou veut tout simplement légiférer des normes de travail qui devraient normalement apparaître à la loi 126 sur les normes du travail.

On demande même aux employeurs par le biais de l'article 33, d'affecter "sans délai" la travailleuse enceinte faisant ainsi fi des délais actuels (8 jours) de l'ordonnance no 17 et les contingentes inévitables qu'une telle affectation peut amener en pratique.

De plus, l'on va même jusqu'à considérer cette condition comme s'il s'agissait "d'un accident de travail survenu par le fait ou à l'occasion du travail" et que de ce fait, des paiements temporaires irrécupérables pourraient être accordés si la Commission est "d'avis qu'elle accordera probablement l'indemnité".

Finalement, le coût de ces largesses du législateur est évidemment confié aux employeurs.

En conclusion, nous recommandons d'abroger les articles 32 à 37 de ce projet de loi. L'AMC considère que la rémunération des congés de maternité doit relever d'une responsabilité sociale de l'État et être payable par les fonds publics. 4- OBLIGATIONS

Article 38:

L'AMC croit que deux autres obligations s'imposent aux travailleurs, à savoir: 1. Celle de porter et d'utiliser l'équipement personnel, le matériel sécuritaire et les moyens de protection individuelle mis à sa dispositon; 2. celle d'informer dans les plus brefs délais possible le supérieur immédiat des motifs de son refus de travail.

SECTION II: L'EMPLOYEUR 1- DROITS GÉNÉRAUX

Nous vous référons à nos commentaires déjà formulés à ce sujet aux pages 17 et 18 de ce mémoire.

De plus, nous vous recommandons les amendements suivants:

Article 39:

Voir page 17 de ce présent mémoire. 2- OBLIGATIONS GÉNÉRALES

Article 40: 2°) II devrait selon nous être rédigé comme suit: "faire subir des examens tels que prescrits par règlement". 6°) On devrait selon nous parler "de méthodes et de techniques reconnues". 7°) Cet article pourrait se limiter aux termes suivants: "Informer adéquatement le travailleur des risques reliés à son travail". En effet, le reste de cet article n'est qu'une répétition de ce qui a déjà été prévu à l'article 9 du présent projet de loi. 8°) Nous ne voyons aucunement l'utilité de communiquer à d'autres qu'au travailleur concerné les listes requises dans cet article. L'important est, selon nous, de protéger le travailleur et ce dernier le sera lorsqu'il prendra connaissance de la nomenclature des contaminants et/ou matières dangereuses qu'il manipule au cours de son travail régulier. 10°) Cet article ne devrait viser que les informations d'intérêt général. 12°) En conformité avec nos remarques des pages 20 à 22, cet article devrait mentionner que des moyens et équipements de protection individuels ont été suggérés par le comité de santé et de sécurité et acceptés par l'employeur. Le membre de phrase "conformément au paragraphe premier de l'article 63" serait par le fait même éliminé. 13°) Cet article peut être éliminé. Tout ce qu'il comporte est inclus dans les obligations des travailleurs mentionnées à l'article 38. 14°) enlever le membre de phrase "et leur fournir tous les renseignements nécessaires". Ce membre de phrase a une interprétation beaucoup trop générale et il ouvre la porte à de nombreux abus qui pourraient être préjudiciables à l'employeur. 15°) Cet article doit être éliminé. Il est évident que le comité de santé et sécurité qui sera appelé à siéger le sera dans un endroit convenable et qu'il y va de l'intérêt de toutes les parties de voir à ce que ce comité fonctionne bien.

Article 41:

Nous vous reportons à nos observations apparaissant au premier paragraphe de la page 18 du présent mémoire.

Article 43:

L'AMC est en accord avec cet article pourvu que son champ d'application soit limité aux modifications importantes des installations ou équipements, etc. 3- LE PROGRAMME DE PRÉVENTION

Article 47:

Suite à nos commentaires formulés aux pages 20 à 22, nous vous suggérons la rédaction suivante pour cet article: "L'employeur doit faire en sorte qu'un programme de prévention propre à chaque établissement sur lequel il a autorité soit mis en application pour donner suite aux suggestions retenues du comité de santé et sécurité, s'il y en a un."

Article 48: 3°) "L'organisation du travail" a toujours été un droit de gérance et doit le demeurer. Par cet article, le législateur oblige l'employeur à "négocier" ce droit par l'intermédiaire du comité de santé et sécurité.

Les termes "organisation du travail" doivent donc être retranchés de cet article. 4°) Les "mesures de surveillance". Voir remarques précédentes, c'est-à-dire article 48-3°)

Nous croyons fermement que le rôle de l'employeur en matière de prévention consiste à: a) procéder à l'analyse des conditions de travail dans son entreprise; b) établir son programme de prévention en vue de la réalisation de l'objectif visé; c) soumettre son programme à la commission pour approbation; d) appliquer son programme.

Les avantages de cette procédure sont nombreux et consistent par exemple à: a) adopter un programme selon les besoins de l'entreprise; b) accélérer le processus de l'établissement du programme en tant que tel; c) prendre également en considération la situation financière de la compagnie;

Ainsi, si cette suggestion est acceptée, le deuxième paragraphe de l'article 48-6°) devient inutile.

Article 49:

Nous nous objectons à ce qu'une copie du programme de prévention soit transmise à l'association sectorielle, le cas échéant.

En effet, la transmission d'un tel document pourrait servir de moyen de pression auprès d'autres employeurs (PME) qui seraient incapables d'appliquer des mesures de prévention élaborées et sophistiquées adoptées par de grosses compagnies.

Article 50:

Cet article exige de l'employeur des séances d'information inutilement trop nombreuses.

L'employeur devrait être tenu d'informer uniquement le principal intéressé, c'est-à-dire le travailleur, du contenu du programme de prévention en affichant ce dernier dans un endroit visible et facilement accessible à tous.

En effet, si le travailleur est au courant du programme, il est évident que le comité de santé et sécurité le sera; quant à le communiquer à l'association accréditée, nous ne comprenons pas l'intention du législateur à ce sujet. Enfin, nous vous reportons à nos remarques sur l'article 67 concernant le "représentant à la prévention".

Article 51: a) Mêmes remarques qu'à l'article 50 concernant l'association accréditée. b) II est évident que le mot "importants" est de trop lorsqu'il s'agit de qualifier les dommages matériels ou économiques car il peut y avoir autant d'interprétations qu'il y a d'employeurs (51-3°)

SECTION III: LE FOURNISSEUR

Article 52:

Voir nos commentaires aux pages 18 à 20.

Article 53:

Voir nos commentaires aux pages 18 à 20.

Article 54:

Voir nos commentaires aux pages 18 à 20.

De plus, s'il s'avère que cette expertise détermine que le procédé, l'équipement, le matériel, le produit n'est pas sécuritaire ou conforme aux normes prescrites par règlement, alors l'AMC est d'avis que le coût de cette expertise peut être réclamé d'un ou de plusieurs fabricants, fournisseurs, vendeurs, distributeurs ou installateurs. Dans le cas contraire, le coût de l'expertise doit être aux frais de la commission.

Cette disposition assurerait à l'employeur qu'aucun abus ne sera possible de la part des inspecteurs.

Article 55:

Nous suggérons au législateur que la réglementation à venir concernant l'étiquetage soit fortement inspirée des législations nord-américaines actuelles afin de s'assurer d'une uniformité dans ses exigences.

Chapitre IV — LES COMITÉS DE SANTÉ ET SÉCURITÉ —

Nos suggestions faites aux pages 20 à 22 de ce mémoire nous amènent à vous recommander les modifications suivantes:

Article 56: 20 travailleurs au lieu de 10.

Article 57: a) Garder le même pourcentage pour permettre la formation d'un comité; sinon, quatre employés pourraient exiger un comité alors qu'il n'y aurait que vingt et un employés. b) Éliminer le 2e paragraphe.

Article 58:

Le deuxième paragraphe de cet article est pour le moins discriminatoire et tout à fait irréaliste dans le cas où un employeur aurait 50 travailleurs dont cinq seulement seraient syndiqués.

Dans un tel cas, si un comité de santé et sécurité était formé et comptait huit membres, la moitié serait des membres de l'association accréditée. Nous suggérons donc de remplacer le deuxième paragraphe de cet article par:

"L'association accréditée, lorsqu'il y en a une et qu'elle représente tous les travailleurs, nomme la moitié des membres du comité. Les autres sont nommés par l'employeur". Enfin, nous vous suggérons, lors de la rédaction de vos règlements, de prendre bien soin d'éviter: a) que plus d'un comité soit exigé pour représenter tous les travailleurs à l'emploi d'une seule entreprise; b) que les membres du comité de santé et sécurité soient choisis selon un prorata déterminé par la représentativité des travailleurs syndiqués ou non.

Article 59:

II n'est pas question de vote puisqu'il s'agit d'un comité consultatif.

Article 60:

Enlever le membre de phrase: "... sans droit de vote..."

Article 61:

Parce qu'il est primordial de s'assurer du bon fonctionnement des opérations, il serait, selon nous, préférable de rédiger cet article de la façon suivante: "Les réunions se tiennent durant les heures régulières de travail sauf si le comité en décide autrement ou si les besoins de production l'empêchent"...

Article 62:

II est évident que s'il est impossible à l'employeur de tenir des réunions durant les heures normales de travail, il ne doit pas être tenu de rémunérer les membres du comité de santé et sécurité si les réunions ont lieu en dehors de ces heures. Il serait donc opportun d'ajouter à cet article un deuxième paragraphe libellé dans le sens suivant: "L'employeur n'est pas tenu de rémunérer les représentants des travailleurs au comité de santé et sécurité si les délibérations ont lieu en dehors des heures régulières de travail".

Article 63:

Voir nos remarques en pages 21 et 22 de ce mémoire. De plus, et tel qu'il en était fait mention, les modifications suivantes vous sont suggérées: 1° Remplacer les mots "de choisir" par "de faire des recommandations à l'employeur quant aux..." 2° Remplacer les mots "d'établir" par "de faire des recommandations à l'employeur..." 3° Enlever les mots "... organisation du travail..." (Voir remarques article 48 de ce mémoire). 5° Suite à nos remarques pages 24-25, ce paragraphe pourrait être rédigé dans le sens suivant: "de coopérer avec le médecin à l'élaboration des modalités d'application du programme de santé dans l'établissement". 9° Qu'advient-il s'il y a mésentente sur ce point?

Article 64:

Si les suggestions précédentes sont retenues, cet article n'a plus sa raison d'être.

Article 66:

L'AMC est en accord avec cet article en autant qu'on y ajoutera le membre de phrase suivant: "Sauf s'il y a eu abus de ses fonctions et à moins qu'il n'agisse de bonne foi".

CHAPITRE V — LE REPRESENTANT À LA PREVENTION —

Nous vous référons aux pages 16-17-22-23 de ce mémoire et vous soulignons encore une fois notre profond désaccord à la création de postes de représentants à la prévention, tels qu'actuellement décrits.

CHAPITRE VI — LES ASSOCIATIONS SECTORIELLES —

Article 76: 12° Ce paragraphe de l'article 76 est beaucoup trop général et peut très facilement prêter à confusion quant à son interprétation. Nous suggérons de le supprimer.

CHAPITRE VII

— LES ASSOCIATIONS SYNDICALES ET LES ASSOCIATIONS D'EMPLOYEURS —

Articles 79 et 80:

L'AMC s'oppose à ce que les fonds des employeurs, par l'entremise de la commission, servent à "gonfler" indirectement et entre autres les fonds de grève des syndicats; c'est ce que l'application de cet article aura comme conséquence s'il est adopté.

En effet, les syndicats consacrent déjà les montants qu'ils jugent appropriés pour fins d'information et de formation à leurs membres; libre à eux d'en consacrer davantage s'ils le désirent.

De plus, tel que libellé, cet article permettrait à la commission de subventionner des associations alors que ces dernières ne seraient pas nécessairement regroupées à l'intérieur d'associations sectorielles.

Nous vous recommandons de rayer ces articles.

Par ailleurs, l'AMC ne s'oppose pas à la création d'associations sectorielles de prévention en autant qu'elles soient le plus indépendantes possible de la commission. Nous croyons que cette indépendance est essentielle à leur survie.

Enfin, nous suggérons que le financement de ces associations soient également fait sur une base paritaire, c'est-à-dire que chaque partie concernée assume ses propres frais.

CHAPITRE VIII — LES SERVICES DE SANTÉ AU TRAVAIL —

Articles 81 à 101:

Nous vous référons à nos remarques et suggestions des pages 23 à 27.

CHAPITRE IX — LA COMMISSION DE LA SANTÉ ET DE LA SÉCURITÉ AU TRAVAIL — SECTION I: CONSTITUTION

Article 127:

En plus de l'exclusion déjà mentionnée dans cet article à savoir "les dossiers médicaux" il faut y ajouter " les informations de nature confidentielle". Ces dernières pourraient être disponibles avec une autorisation expresse des parties concernées.

CHAPITRE X

— INSPECTION — Nous vous référons aux pages 28 - 29 de ce mémoire.

Article 135:

Modifier le deuxième paragraphe en y ajoutant à la fin de la première phrase le membre de phrase suivant: "... s'il en a raisonnablement besoin pour vérifier un fait visé par la présente loi ou ses règlements".

Nous nous inquiétons de voir que les inspecteurs ont ainsi accès à tous les livres, registres et dossiers d'une entreprise. Nous croyons qu'il est fort possible d'arriver aux mêmes buts que ceux visés par la loi tout en préservant la confidentialité à laquelle chaque entreprise a droit et qui est un atout très précieux dans une économie fondée sur la concurrence. Nos observations sont d'autant plus vraies que les violations de la loi relative à la santé et la sécurité sont constituées de faits, souvent facilement vérifiables, et qui n'apparaissent pas dans les livres ou registres d'une compagnie.

Article 136: 3°) Prévoir que l'employeur puisse exiger le remboursement d'un échantillon dans l'éventualité où il ne pourrait être remis dans son état original.

4°) Ajouter le membre de phrase suivant: "...après en avoir reçu l'autorisation de l'employeur". 6°) Même remarque qu'à l'article 136-4°) 7°) L'employeur devrait avoir le droit, s'il le juge à propos, de déléguer un expert de son choix pour accompagner un inspecteur lorsque ce dernier visite, inspecte ou effectue une enquête dans son établissement. Cette procédure permettrait sans aucun doute à l'inspecteur d'avoir réponse, s'il y a lieu, à plusieurs de ses remarques ou observations.

Article 137:

L'inspecteur, en agissant comme le propose cet article, perturbera inutilement les opérations d'une entreprise quand il en effectuera la visite. Nous ne voyons pas l'intérêt qu'a l'inspecteur d'aviser tout ce monde de son arrivée sur le lieu de travail. L'important, c'est que l'inspecteur accomplisse son travail et pour ce faire, il n'a pas à s'entourer de toute cette publicité inutile. Nous proposons donc la suppression de ce paragraphe.

Articles 139 et 140:

Dans le même ordre d'idées, nous croyons que la diffusion des résultats de l'enquête d'un inspecteur devrait se limiter à l'employeur qui est le seul à disposer des pouvoirs et des moyens pour remédier aux éventuels défauts qu'on pourra lui reprocher. Au lieu d'informer l'association accréditée et le comité de santé et de sécurité des mesures qu'il entend prendre, l'employeur devrait informer l'inspecteur des correctifs qu'il doit apporter dans le délai imparti. À défaut de recevoir un tel avis d'un employeur, l'inspecteur pourra informer le comité et prendre les autres mesures qui s'imposent.

Article 141:

Nous sommes d'accord que tous doivent obéir à un ordre émis par un inspecteur mais nous recommandons d'ajouter après les mots "obéir à tout ordre" ce qui suit: "pourvu que cet ordre soit justifié dans les circonstances et conforme à la présente loi et à ses règlements ".

Article 142:

Cet article confère à un inspecteur des pouvoirs très vastes, comme celui d'ordonner la fermeture d'un établissement. On conviendra avec nous que ce pouvoir dépasse le cadre de l'inspection et est d'ordinaire du ressort des tribunaux. Il est facile d'imaginer que l'exercice d'un tel pouvoir peut conduire à des abus et à des injustices s'il est utilisé erronément ou sans pondération ou justification raisonnable. Ne pouvant exclure la possibilité d'erreur, il nous apparaît nécessaire d'en limiter l'exercice à au moins une modalité qui, nous l'espérons, minimisera le risque d'erreurs. Les conséquences d'une telle décision de la part d'un inspecteur nous apparaissent suffisamment importantes pour que ce pouvoir décisionnel ne soit pas laissé à sa seule discrétion. Dans une telle éventualité, nous croyons donc raisonnable de demander qu'un inspecteur s'adresse à la cour pour obtenir une ordonnance à cet effet. Cette procédure a l'avantage d'être expéditive tout en constituant un certain rempart contre des décisions erronées.

Suite à ces remarques, cet article pourrait être libellé dans le sens suivant: "Après avoir obtenu une injonction, l'inspecteur ordonne la suspension des travaux et, s'il y a lieu, appose les scellés".

Article 143:

Abroger cet article. Voir nos commentaires à la page 28.

Article 144:

II faudrait ajouter au début du premier paragraphe de cet article: "... à l'exception de ceux qui seront appelés à corriger la situation".

Quant au mot "grave" du deuxième paragraphe, il devrait, selon nous, être enlevé étant donné sa possibilité d'interprétations diverses.

Article 146:

Cet article permet à un inspecteur d'ordonner à une personne qui enfreint la loi ou les règlements de cesser la fabrication, la fourniture, la vente, la distribution, l'installation ou l'utilisation d'un produit, d'un procédé, de l'équipement, du matériel, du contaminant ou de la matière dangereuse concernés et d'apposer les scellés ou confisquer ces biens.

Notre première observation a trait au mot "personne" qui ici est équivoque. En effet, si un travailleur enfreint, contre le gré de son employeur, la loi ou les règlements en matière de sécurité dans l'exercice de son travail, nous ne croyons pas que le législateur veuille pénaliser l'employeur en l'empêchant de fabriquer un produit. Il faudrait plutôt que la mesure punitive soit dirigée à l'endroit de l'employé récalcitrant. Nous proposons donc d'ajouter après le mot "personne" les mots: "avec la permission de son employeur, dans le cas où cette personne est un travailleur."

Quant à l'esprit de cet article, nous croyons que le législateur a mal exprimé l'intention qu'il poursuit. En effet, il n'entend certainement pas conférer de tels droits à l'inspecteur dans tous les cas de violation de la loi même mineure ou technique. Le but poursuivi est sans doute de permettre à l'inspecteur d'agir dans le cas où le produit ou le procédé, etc., porte une atteinte sérieuse et grave à la santé et sécurité des travailleurs ou du public. Dans les autres cas, personne n'a intérêt à arrêter inutilement le fonctionnement normal d'une entreprise. Nous proposons donc que le premier paragraphe de l'article 146 soit remplacé par le suivant: "L'inspecteur peut, lorsqu'une personne, avec la permission de son employeur, si cette personne est un travailleur, fabrique, fournit, vend, distribue, installe ou utilise un produit, un procédé, un équipement, un matériel, un contaminant ou une matière dangereuse qui porte sérieusement atteinte à la santé et à la sécurité des travailleurs ou du public, ordonner à cette personne et à son employeur, le cas échéant, de cesser ses activités et peut apposer les scellés ou confisquer les biens concernés."

Article 147:

Cet article stipule qu'un ordre ou une décision d'un inspecteur est exécutoire tant qu'il n'est pas révisé par la commission.

Ce principe, à moins qu'il ne soit limité d'une certaine façon, peut entraîner des situations injustes pour un employeur qui a fait l'objet d'une décision erronée d'un inspecteur. Nous ignorons en effet combien de temps prendra la commission à être saisie d'un dossier et à rendre sa décision. Pendant tout ce temps, l'employeur peut subir des pertes financières définitives en raison de l'impossibilité d'opérer son entreprise et certains seront ainsi acculés à la faillite. Il faut donc s'assurer que la commission aura intérêt à mettre en place les mécanismes appropriés lui permettant de jouer rapidement son rôle et d'assurer que chaque demande de révision d'une décision d'un inspecteur soit entendue avec toute la célérité possible. Autrement, les employeurs seront à la merci de mécanismes administratifs qui, on le sait, ne sont pas reconnus pour leur efficacité et leur rapidité. Nous vous suggérons de reformuler l'article 147.

CHAPITRE XII — REGLEMENTS —

Article 185:

Nous suggérons au législateur d'amender les alinéas de l'article 185 se référant au pouvoir de réglementation de la commission et ce, en fonction des remarques et suggestions soumises par l'AMC dans ce mémoire.

Article 186:

Nous vous référons à nos remarques de la page 29 et en conséquence nous vous suggérons d'amender l'article 186 en ajoutant après les mots: "La commission", le membre de phrase suivant: "... ainsi que leurs modifications..."

CHAPITRE XIII — RECOURS —

Article 189:

Suite à nos remarques précédentes, nous suggérons que le libellé de cet article oblige l'employé à loger un grief selon la procédure de sa convention collective s'il y a lieu.

Si nulle procédure de grief n'est établie, que l'employé soumette sa plainte par écrit et l'adresse par courrier recommandé au commissaire général du travail dans les 10 jours (au lieu de 15, voir article 31) de sa mesure disciplinaire.

Articles 193 et 194:

Ces articles peuvent être abandonnés si nos remarques relatives à l'article précédent sont retenues.

CHAPITRE XIV — INFRACTIONS —

Article 197:

Non seulement les amendes proposées sont nettement disproportionnées entre particuliers et corporations, mais elles sont carrément trop élevées, dans les deux cas. La Loi des Etablissements Industriels et Commerciaux, (Statuts refondus 1964, ch. 150) dont le remplacement est prévu à l'article 219

du présent projet de loi, prévoyait des amendes minimum de $100.00 pour un particulier et de $200.00 dans le cas d'une corporation. Lorsque l'on connaît, suite à toute la réglementation qui va suivre l'adoption du projet de loi, les occasions tellement innombrables pour un particulier ou une corporation de transgresser tel ou tel article de tel ou tel règlement, souvent sans conséquence (par voie de comparaison dans un autre domaine, circuler à une vitesse de 51 kilomètres/heure dans une zone de 50 kilomètres/heure), on ne peut en venir qu'à la conclusion que le montant des amendes est une véritable épée de Damoclès que les inspecteurs chargés de l'application des lois et règlements peuvent à leur discrétion, laisser tomber sur les employeurs.

On se doit de souligner aussi que l'article 197 prévoit que "... quiconque refuse de se conformer à une décision ou ordonnance rendue en vertu de la présente loi..." est passible... d'au moins $200.00 ou $500.00 selon le cas. L'inclusion de l'article 129 A) du Code du travail, par le biais de l'article 197 du présent projet de loi, traite aussi de l'exécution d'une ordonnance, et prévoit une amende maximum de $500.00 par jour de retard. La disposition de l'article 197 est plus onéreuse, donc doit être modifiée en conséquence.

Article 200: "En plus des pénalités prévues par les articles 197 et 198, le Tribunal peut ordonner au contrevenant de se conformer aux exigences de la loi ou d'un règlement dans le délai qu'il fixe": nous croyons que ce pouvoir accordé au Tribunal est suffisant, et que devrait être enlevé au juge le pouvoir d'ordonner "d'exécuter toute mesure qu'il juge susceptible de contribuer à la prévention des accidents du travail ou des maladies professionnelles" par la suppression de cette expression. En effet, les exigences de la loi et des règlements seront déjà fort onéreuses pour l'employeur, et d'autre part, par le biais de cet article 200, le Tribunal s'arroge un pouvoir dévolu exclusivement au gouvernement, par le jeu des articles 186 à 188 du présent projet de loi.

Article 201 :

Cet article reproduit presque textuellement l'article 38.1 de la Loi des Établissements Industriels et Commerciaux, changeant toutefois les termes "ou malgré des dispositions prises pour prévenir sa commission" par "et malgré les dispositions prises pour prévenir sa commission".

Selon nous, le texte présentement en vigueur devrait être maintenu, le nouveau texte imposant, sans aucune raison, un fardeau additionnel à l'employeur.

Article 204:

Permettre à tout intéressé de pouvoir intenter des poursuites en vertu du présent projet de loi ouvre la voie à des abus incroyables, et nous croyons que l'inspecteur chef ou une personne désignée par la commission est plus en mesure d'apprécier les infractions alléguées, et d'engager ainsi le long et coûteux processus judiciaire.

Article 206:

Le Tribunal du Travail entendrait maintenant toutes les poursuites pénales intentées pour infractions au présent projet de loi et règlements, puisque l'article 105 du Code du Travail (inclus au présent projet par le biais de l'article 206) prévoit que sauf si les parties en conviennent autrement, la cause est instruite au chef-lieu du district judiciaire où elle a pris naissance. Lorsque l'on pense seulement au nombre astronomique des plaintes portées en contravention au Code de Sécurité pour les travaux de construction, il devient illusoire de penser que le Tribunal du Travail, déjà très débordé, pourra rendre justice dans un délai raisonnable. À tout événement, les juges des sessions de la paix et/ou de la Cour provinciale et/ou juges de paix, sont déjà en place dans tous les districts judiciaires du Québec et toutes les parties concernées y gagneraient si ces derniers gardaient juridiction dans ce domaine.

Article 207:

La prescription est actuellement de six mois à compter de la date à laquelle l'inspecteur a pris connaissance des faits et nous croyons que ce plus court délai devrait être maintenu, une bonne gestion de l'entreprise exigeant que l'employeur soit au courant dans les plus brefs délais des obligations auxquelles il peut avoir à faire face.

CHAPITRE XV — FINANCEMENT — Voir nos remarques aux pages 30 et 31.

VI Conclusion

L'État ne peut rester indifférent au problème de la santé et de la sécurité au travail et il doit même y jouer un rôle prépondérant. Nous croyons cependant que certaines modalités mises de l'avant

par le projet de loi no 17 sont inappropriées et pourraient même être dangereuses d'abord pour les travailleurs eux-mêmes et ensuite pour la survie de nombreuses PME.

Nous croyons que l'analyse de la situation présentée dans le livre blanc est déficiente. Les employeurs reconnaissent que l'analyse statistique qui y est faite donne de la réalité une image trompeuse. En effet: — un très fort pourcentage des accidents survenant au travail ne peut s'expliquer par des conditions de travail inadéquates ou par. les méthodes de travail imposées par l'employeur; — sont trop souvent acceptés comme "accidents de travail" des accidents qui n'ont de relation avec le travail que le fait qu'ils surviennent durant les heures de travail; — lors de réclamations contestées par l'employeur auprès de la C.A.T., cette dernière accorde présomption en faveur de l'employé; les compensations qu'accorde maintenant la C.A.T. incitent à déclarer comme "accident de travail" l'accident survenu à l'extérieur du travail.

Il nous paraît évident qu'une étude plus approfondie par l'État aurait permis de mieux diagnostiquer le problème et, partant, de rechercher les véritables solutions. Une telle étude aurait également permis de n'imputer à l'employeur que les torts qu'il a vraiment.

Nous croyons que les efforts déployés en cette matière par l'entreprise privée au cours des dernières années ont porté des résultats efficaces et qu'il conviendrait à l'État de le reconnaître afin de pouvoir apprécier à sa juste valeur les mérites de programmes dont les effets ne peuvent se bien mesurer qu'à moyen terme. Cela est surtout vrai de programmes visant à modifier les attitudes et les comportements au travail. Ne pas reconnaître que ces efforts ont apporté des améliorations remarquables, c'est mettre en doute l'efficacité même de tous les programmes de prévention.

Nous croyons que le législateur doit donner priorité à la recherche, la formation et l'information et non pas aux mesures punitives comme le propose le projet de loi no 17. En effet, selon nous, le projet de loi vise principalement à imposer à l'entreprise des "punitions" pour ne pas avoir corrigé des situations dont elle pouvait même ignorer l'existence. Un employé n'a qu'à prétendre qu'une situation peut comporter un certain danger pour que l'employeur se voie imposer le fardeau de démontrer que le risque est inexistant. C'est l'obliger à savoir ce que, dans certains cas, même la science n'a pas encore découvert.

Nous sommes persuadés qu'une des conséquences sérieuses du projet de loi no 17 sera de légaliser un nombre indésirable de grèves illégales. L'argument de la sécurité servira à les déclencher ou à tout le moins, à les justifier après coup. Les exemples de cet énoncé commencent à se faire nombreux. Et s'il fallait que les employés soient compensés pour toutes les occasions où, de "bonne foi" ils cessent le travail pour des motifs de santé et de sécurité, la somme des heures perdues risquerait de s'élever dangereusement et les coûts pourraient même être fatals pour de nombreuses entreprises.

Nous croyons que, si l'entreprise doit être considérée comme l'ultime responsable de la santé et de la sécurité dans ses établissements, on ne doit pas lui imposer des contraintes qui l'empêchent d'assumer ses obligations. Les comités paritaires avec pouvoir de décision constituent une anomalie que nous nous devons de dénoncer.

De même, dans le meilleur intérêt de la santé et de la sécurité, nous devons dénoncer l'idée de la création du poste de "Représentant à la Prévention" tel que proposé. On conçoit mal que l'on s'en remette à une élection pour le choix de la personne devant jouer ce rôle. Le rôle est, quant à lui, ambigu puisque le Représentant à la Prévention est à la fois juge et partie. La santé et la sécurité au travail est un des domaines des plus complexes et dans lequel on ne s'improvise pas spécialiste. Il est même à craindre que le pouvoir de décision aux mains de personnes non averties constitue un autre risque à la santé et à la sécurité des travailleurs.

De plus, les pouvoirs de décision dévolus aux inspecteurs sont à notre avis beaucoup trop larges et peuvent constituer une entrave à la survie même de certaines entreprises.

Enfin, nous croyons que les lois et les règlements actuellement en vigueur nous apparaissent suffisants et que, s'il y a encore aujourd'hui un trop grand nombre d'accidents et de maladies au travail, ce n'est pas par manque de législation. L'AMC souhaite que l'État assume ses responsabilités envers tous les partenaires concernés non pas en cherchant à "innover" mais plutôt en veillant à une application plus stricte de la législation actuelle.

Avant de vouloir tout chambarder, le gouvernement devrait notamment: — procéder à une étude adéquate de la situation qui tiendrait compte de tous les facteurs inhérents à la santé et à la sécurité au travail; — mettre l'accent sur le développement de compétences dans le domaine de la santé et de la sécurité au travail; — offrir aux entreprises l'aide dont elles ont besoin dans la détection des problèmes et dans la découverte des solutions appropriées; — développer l'expertise nécessaire afin de suppléer aux lacunes des entreprises dans ce domaine.

Un projet de loi sur la santé et la sécurité de nos travailleurs est beaucoup trop important pour qu'il soit adopté de façon expéditive. L'Association des manufacturiers canadiens, Division du Québec, recommande donc qu'il soit repensé et réécrit à la lumière des considérations et recommandations qui vous ont été et vous seront soumises par les principaux intéressés.

ANNEXE B

ORDRE DES INFIRMIERES ET INFIRMIERS DU QUEBEC

Commentaires du Bureau de l'ordre relatifs au projet de loi no 17 Loi sur la santé et la sécurité du travail

Août 1979

La santé des travailleurs fut, depuis toujours, l'objet des préoccupations professionnelles des infirmières et des infirmiers du Québec. Ces professionnels de la santé ont suivi le cours de l'histoire en étant engagés directement dans la distribution de services de santé aux travailleurs. Conscient des lacunes, de la nécessité d'une remise en question et d'une réforme en profondeur dans ce domaine, c'est avec un intérêt soutenu que le Bureau de l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec a pris connaissance d'abord du livre blanc concernant la santé et la sécurité au travail, puis du projet de loi no 17 qui propose des mesures législatives quant à la santé et la sécurité du travail.

Ce document présente donc les commentaires du Bureau de l'ordre relatifs au projet de loi no 17. La première partie de ce document comprend quelques commentaires généraux portant sur l'ensemble des dispositions énoncées dans ce projet, tandis que la deuxième partie apporte des commentaires spécifiques sur certains articles.

Commentaires généraux

Le livre blanc sur la santé et la sécurité au travail publié en 1978 avait identifié les éléments de la réforme que le gouvernement voulait amorcer en matière de santé et de sécurité des travailleurs. Entre autres, le livre blanc contenait une description détaillée et objective de la situation qui prévaut à l'heure actuelle quant aux accidents, aux maladies et aux décès occasionnés par le travail. L'analyse de cette situation a permis au gouvernement de mettre en évidence la diversité et le manque de coordination des différentes lois régissant la santé et la sécurité du travail ainsi que l'absence de mécanismes facilitant la solution des problèmes des travailleurs.

Dans la présentation de ce livre blanc, il est mentionné "qu'une politique de développement social doit comporter l'ambition légitime de créer les conditions qui permettront que soient reconnues la valeur et la dignité fondamentales de l'être humain sous tous les aspects de son existence et dans tous les lieux de son activité".

Le Bureau de l'ordre s'étonne donc que la politique d'ensemble qui se dégage des différentes dispositions du projet de loi no 17 soit limitée uniquement à l'élimination des accidents au travail et de leurs sources ainsi qu'à la prévention, au dépistage et au traitement des maladies professionnelles. En effet, l'approche utilisée privilégie uniquement cet aspect de la santé et ne tient pas compte de l'individu dans sa totalité et de toutes les dimensions inhérentes à une politique globale de santé, tel que semblaient le préconiser les concepts véhiculés dans certains chapitres du livre blanc sur la santé et la sécurité au travail.

La politique de santé au travail devait s'attarder non seulement aux risques occupationnels, c'est-à-dire attribuables au milieu de travail et à la tâche exécutée, mais également aux facteurs de risques inhérents à l'individu quant à sa santé physique, psychologique et sociale. Dans l'optique d'une approche globale de la santé portant sur tous les aspects de l'existence de l'être humain dans son milieu de travail, le Bureau de l'ordre aurait souhaité que le cadre législatif concernant la réforme en profondeur du régime de santé et de sécurité au travail détermine également des mécanismes et des structures favorisant l'intégration et l'unification de tous les services de santé fournis par les différents professionnels et travailleurs de la santé dans ce domaine.

Le maintien et l'amélioration de la santé et du bien-être de la population québécoise dans son milieu de travail ne peuvent constituer la responsabilité unique de médecins détenant toute autorité. Loin de mettre en doute l'apport des médecins au niveau de la médecine du travail, il n'en demeure pas moins que d'autres professionnels de la santé ont un rôle à jouer, tant en regard de la promotion de la santé, de la prévention de la maladie, du traitement et de la réadaptation qu'en regard de l'aide nécessaire à une adaptation, à une réinsertion sociale ou à une réinsertion au milieu de travail. Cette approche globale ne se réalise que dans le contexte d'une approche multidisciplinaire en vue de faciliter la prise en charge par l'individu de sa santé, indépendamment de son milieu de vie.

Il ne semble pas utopique de penser que le travailleur est d'abord et avant tout cette personne vivant dans une famille, une communauté, une collectivité. En ce sens, le projet de loi no 17 est limitatif puisque la politique d'ensemble préconisée porte uniquement sur les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et l'intégrité physique des travailleurs et passe sous silence, en quelque sorte, la santé de l'individu ainsi que les conséquences de ce niveau de santé sur l'ensemble de sa situation de vie tant au niveau du travail qu'au niveau familial et communautaire au sein de la société.

Tout individu a droit à des conditions de travail qui respectent sa santé, sa sécurité et son intégrité physique, telles que mentionnées à l'article 8 du projet de loi no 17. Il n'est certes pas inutile de

préciser que la conception de la santé au travail dépasse la notion de santé du travail quant à l'absence de sources d'accidents ou bien l'absence de sources de maladies professionnelles puisque, en plus de la protection de son intégrité physique, l'individu a le droit au maintien et à la promotion de son intégrité biopsychosociale lorsqu'il travaille.

Néanmoins, dans une perspective limitée à la santé et la sécurité du travail, le Bureau de l'ordre ne peut qu'approuver les dispositions législatives qui permettent l'établissement de mécanismes clairs et précis de participation des travailleurs et des employeurs dans le but d'éliminer les causes d'accidents au travail et les maladies professionnelles. Ce projet de loi spécifie le cadre à l'intérieur duquel pourra se développer cette participation des travailleurs et des employeurs afin "que le monde du travail soit en mesure d'assumer lui-même la responsabilité première des mesures de santé et de sécurité qui lui sont nécessaires" dans le domaine des accidents et des maladies attribuables à un travail.

Le fait d'établir un cadre juridique et administratif unifié assurera un fonctionnement intégré et universel du régime préconisé, tout en respectant de façon uniforme les droits des travailleurs, tels que précisés à l'article 9 et ce, quel que soit le milieu de travail. De plus, il est évident que la reconnaissance des responsabilités des divers intervenants du monde du travail ainsi que la clarification de leurs droits et de leurs obligations sont des éléments législatifs qui concourront indéniablement à l'élimination de l'ensemble des risques qui existent sur les lieux de travail, tant au niveau des sources d'accidents qu'au niveau des causes de maladies professionnelles.

Le Bureau de l'ordre désire souligner également que cette réforme dans le domaine de la prévention bénéficiera à tous les travailleurs, que ce soit dans un sens de formation, d'information ou de recherches reliées à un ensemble de problèmes occasionnés directement par le travail. Sans conteste, la réforme de la politique québécoise en matière de prévention d'accidents et de maladies professionnelles ne pourra qu'avoir un impact réel sur un aspect du niveau de santé et de qualité de vie de la population. En effet, le projet de loi no 17 facilite la protection de la santé physique du travailleur tout en lui procurant, en tant que premier intervenant directement concerné, les mécanismes indispensables à la prise en charge de l'élimination des sources d'accidents du travail et de maladies professionnelles.

Le respect de certains droits fondamentaux des travailleurs et l'implantation des structures préconisées telles: les comités paritaires de santé et de sécurité au sein des établissements, les représentants à la prévention, les services d'inspecteurs, les associations sectorielles paritaires et la commission de la santé et de la sécurité du travail sont certes indispensables à l'objectif unique que veut atteindre le gouvernement.

Considérant le rôle respectif de chaque structure, il apparaît que celui de la commission et son pouvoir de réglementation ne peuvent que faciliter l'application des dispositions législatives prévues, quelle que soit la situation géographique de l'établissement au sens de l'article 1-14°.

Les dispositions prévues au projet de loi portent à croire que la commission assume, entre autres, la responsabilité d'élaborer et de rédiger des programmes cadres strictement réservés à l'aspect de la santé du travail. Évidemment, le Bureau de l'ordre pourrait s'interroger si le législateur conférait à la commission l'autorité et le pouvoir d'élaborer et de rédiger tous les programmes cadres cernant tous les aspects de la santé au travail. D'ailleurs, la politique inhérente au système de santé actuel reconnaît aux départements de santé communautaire cette responsabilité d'établir des programmes cadres de santé afin d'assurer leur applicabilité en fonction des besoins réels d'une population donnée et des ressources disponibles.

En effet, le concept de la santé au travail implique nécessairement la contribution d'une équipe multidisciplinaire formée de professionnels de la santé et de professionnels de la sécurité qui, non seulement en consultation, mais en collaboration avec les travailleurs et les employeurs, planifie, coordonne, met en application et évalue ses propres programmes de santé. Or, dans l'optique du projet de loi, la commission ne concourt qu'au développement de mécanismes favorisant le respect des droits des travailleurs tels que définis à l'article 9 en fonction "de services de santé préventifs et curatifs" reliés aux risques ou dangers auxquels peut être exposé l'individu à son travail selon la catégorie d'établissement.

En tenant compte de ce qui précède, le Bureau de l'ordre ne voit aucun inconvénient à ce que les médecins soient responsables d'élaborer des programmes de santé spécifiques aux différents établissements et de veiller à leur mise en application, tel que spécifié à l'article 93. Puisque le projet de loi a pour unique objet l'élimination des causes d'accidents du travail et de maladies professionnelles, le contenu de ces programmes devra porter essentiellement sur la surveillance médicale, la prévention des maladies professionnelles, leur dépistage, leur diagnostic et leur traitement.

Un autre élément qui laisse croire au Bureau de l'ordre que les médecins ne seraient responsables que de la mise en application de programmes de santé relatifs à l'identification et à la prévention des causes d'accidents ou de maladies professionnelles est le fait que le législateur utilise, à l'article 98, le terme "dossier médical". Puisque le législateur utilise dans la Loi sur les services de santé et les services sociaux le terme "dossier du bénéficiaire", on ne peut que conclure que le dossier médical est vraiment relié à un diagnostic de maladie et à son traitement.

Si la responsabilité médicale concernait tous les aspects de la santé au travail, le Bureau de l'ordre s'objecterait à ce que les infirmières et les infirmiers, pouvant être considérés comme ressources professionnelles au sens de l'article 97, soient soumis à l'autorité médicale, particulièrement dans l'élaboration, la mise en application et l'évaluation de programmes de soins infirmiers en santé au travail.

En effet, il demeure que les infirmières ou les infirmiers ont une profession d'exercice exclusif reconnu par le législateur et que leur autonomie et leur spécificité professionnelles ne donnent aucun droit aux autres professionnels de la santé de les assujettir à leur autorité.

Les infirmières et les infirmiers ont été à l'origine de l'offre de services en matière de santé dans les différentes industries. Pour ne citer que l'exemple de la compagnie Bell Canada, en 1914, les travailleurs bénéficiaient de services de santé assurés par les infirmières dans leur lieu même de travail.

Enfin, le Bureau de l'ordre ne peut penser que le gouvernement a voulu soumettre d'autres professionnels de la santé qui oeuvrent dans les milieux de travail aux seuls contrôle et autorité d'un médecin responsable, d'un chef de département de santé communautaire ou même de la commission sur la santé et la sécurité du travail.

Lors de la mise en application des dispositions législatives, il faudra donc prévoir des moyens pour éviter que le régime proposé ne devienne un système parallèle privilégié et qu'il ne dépasse le cadre prévu de protection de la santé, de la sécurité et de l'intégrité physique des travailleurs. Outrepasser les dispositions législatives serait prétendre avoir les connaissances, le pouvoir et l'autorité d'exercer seul les responsabilités qui peuvent certes être assumées, de par la Loi sur les services de santé et les services sociaux, par les différents établissements du système de santé et, conséquemment, par les différents professionnels de la santé.

En résumé, le Bureau de l'ordre a voulu mentionner certains avantages découlant des dispositions législatives du projet de loi no 17. De telles dispositions ne pourront qu'apporter des solutions au nombre considérable et inadmissible d'accidents qui se produisent dans les milieux de travail et au nombre, souvent inconnu, de maladies professionnelles occasionnées par l'exécution d'un travail.

De plus, le Bureau de l'ordre a également voulu faire part du sentiment d'inconfort qu'il ressent vis-à-vis de ce projet de loi. À cause du libellé des articles, certains pourraient croire en une réforme en profondeur de tous les services de santé et de sécurité des travailleurs. La santé au travail dépasse le cadre de la médecine du travail et une réforme complète exigerait non seulement une unification et une intégration des structures nécessaires à la sécurité et à la salubrité des milieux de travail, mais également une unification et une intégration de tous les services reliés à la santé au travail en les incorporant au sein des départements de santé communautaire et des centres locaux de services communautaires. Dès lors, les programmes de santé et de sécurité au travail pourraient être mis en application, tout comme les programmes de soins à domicile, de santé scolaire ou autres. Dans cette ligne de pensée, les professionnels de la santé auraient pu réaliser des objectifs de promotion de la santé en plus d'axer une partie de leurs actions vers la prévention des agents causals d'accidents et de maladies professionnelles.

Cette façon de vivre la santé au travail aurait empêché le législateur de devoir, par l'article 96, donner la responsabilité à l'employeur de combler les lacunes en devant défrayer lui-même tous les programmes additionnels concernant les autres aspects relatifs à la santé ou à la sécurité des travailleurs. Ces autres aspects sont non moins importants puisque ce n'est que par une approche globale et réelle de la santé que les travailleurs assumeront la prise en charge de leur santé tant physique, psychologique que sociale.

Commentaires spécifiques

Puisque le Bureau de l'ordre croit que le projet de loi no 17 ne touche qu'un aspect de la santé de l'individu vivant une partie de son temps dans un milieu donné, il désire apporter des commentaires plus spécifiques sur quelques articles. À partir de l'ordre de présentation des dispositions énoncées au projet de loi, le Bureau veut souligner certains aspects qui devraient être retenus pour que la santé et la sécurité au travail soient considérées dans leur entité.

Chapitre III Droits et obligations Section I: Le travailleur -1. Droits généraux article 8 Une politique globale de santé au travail devrait tenir compte du travailleur dans ses dimensions physique, psychologique et sociale. article 9.1 La notion de danger, telle qu'utilisée, laisse supposer que seulement les menaces à la santé physique et les agresseurs pouvant causer des accidents d'ordre physique sont visés. N'y aurait-il pas lieu d'être plus précis quant à la nature de ces dangers? article 9.2 Seuls les services préventifs et curatifs sont mentionnés en fonction de dangers ou de risques. La santé au travail implique d'autres types de services de santé en vue d'atteindre les objectifs de maintien de l'intégrité psychologique et sociale, de promotion de la santé, de réadaptation et de réinsertion sociale ou de réinsertion dans un milieu de travail.

-2. Droit de refus article 11

Le danger dans l'exécution d'un travail peut trouver son origine dans l'environnement, dans la machinerie ou l'instrumentation et dans les produits utilisés. Il faudrait également s'attarder à l'individu lui-même dont la condition peut constituer une menace pour sa santé, sa sécurité ou son intégrité totale et celles de ses collègues. L'ajout d'un autre article reconnaîtrait au travailleur le droit par exemple, de refuser d'exécuter un travail lorsqu'il n'est pas en mesure d'assumer complètement la responsabilité de ses fonctions à cause de sa situation de santé. article 17 Lorsqu'une situation dépasse le cadre de la sécurité et de l'intégrité physique, le comité pourrait déléguer un représentant de l'employeur et un représentant des travailleurs mais également considérer l'importance de la présence d'une personne ressource en matière de santé. article 18 L'examen de la situation de santé de l'individu exige qu'une personne ressource en la matière puisse donner son point de vue quant à la décision du travailleur de refuser d'exécuter un travail à cause d'un danger pour sa santé ou celle de ses collègues. articles 20-21 L'intervention d'un inspecteur à la prévention peut s'avérer importante dans la détermination des dangers autorisant le travailleur à refuser d'exécuter son travail. En matière de santé au travail, il devrait nécessairement avoir recours aux qualifications de personnes ressources. -3. Retrait préventif de la travailleuse enceinte

Articles 32-33 II est heureux de retrouver le souci de procurer à la travailleuse enceinte des conditions de vie au travail qui tiennent compte de sa santé physique et de celle de l'enfant à naître en lui reconnaissant le droit d'être affectée à des tâches ne comportant pas de danger ou de cesser de travailler jusqu'à ce qu'une nouvelle affectation soit faite. Cependant, puisque le fait d'avoir un enfant ne constitue pas un état pathologique, un certificat de santé illustrerait certainement davantage la situation de vie et de santé de la mère qu'un certificat médical.

De plus, des dispositions concernant la santé au travail pour la femme devraient considérer la période post-partum qui est tout aussi importante que la période ante-partum.

Dans un avenir rapproché, la préoccupation de la santé au travail pour la travailleuse enceinte et, ultérieurement, pour la travailleuse mère de famille, ne se limitera pas à ces seules dimensions. Le conjoint, dans la période post-natale, joue un rôle tout aussi important que la mère et, dès lors, des conditions de travail particulières devront être envisagées pour le conjoint dans le but de promouvoir la santé de cette famille.

Section II: L'employeur -1. Droits généraux article 39 Les employeurs devraient bénéficier des services de formation, d'information et de conseil offerts d'une part par les professionnels de la santé oeuvrant actuellement dans les établissements de santé du réseau des affaires sociales et d'autre part, par des professionnels de la sécurité.

Cette vision de la santé au travail demande la stabilité des professionnels afin d'établir une continuité dans le processus de prise en charge de la santé et de la sécurité par les milieux de travail. -2. Obligations générales article 40 Une approche de la santé au travail devrait considérer autant les mesures reliées à la salubrité et à la sécurité du lieu de travail que les mesures reliées à la protection et à la promotion de la santé globale des travailleurs. -3. Le programme de prévention article 48 Quoiqu'un programme de prévention "a pour objectif d'éliminer à la source même les dangers pour la santé, la sécurité et l'intégrité physique des travailleurs" et que, selon l'article 93, "le médecin responsable doit élaborer, en consultation avec l'employeur et le comité de santé et de sécurité, un programme de santé spécifique à l'établissement et voir à sa mise en application", il demeure que la santé au travail doit être pensée,

planifiée, vécue et évaluée en respectant l'individu comme un tout vivant selon un continuum santé-maladie et devant s'adapter à une situation de travail particulière. Les éléments de ce programme quant à la protection, la formation, l'information, l'adaptation, la surveillance, l'hygiène et la sécurité ne doivent pas porter uniquement sur les moyens de protection individuelle et les dangers auxquels les travailleurs peuvent être exposés. Le travailleur étant un "tout" indissociable, la prévention en matière de santé devrait dépasser le cadre de la prévention des accidents et des maladies professionnelles. Ainsi le programme de prévention devrait contenir des éléments concernant les moyens que peuvent utiliser les travailleurs pour prendre en charge leur santé compte tenu de leur situation individuelle ou collective, de la nature du travail et de l'environnement dans lequel ils vivent ce travail.

Chapitre IV Les comités de santé et de sécurité article 60 Une politique de santé au travail considérant l'individu en santé plutôt que l'individu potentiellement malade ne peut se restreindre à médicaliser ses approches. Les membres de l'équipe multidisciplinaire pourraient tout aussi bien participer aux réunions du comité de santé et de sécurité selon leur domaine de compétence et notamment, l'infirmière ou l'infirmier. article 63 La sécurité et la santé au travail englobent tous les aspects relatifs à la vie des travailleurs et ne peuvent pas être limitées à une médicalisation des services de santé. En ce sens, le comité devrait collaborer à l'élaboration des modalités d'application de tous les éléments constitutifs du programme de santé global établi pour l'établissement en vue de protéger et de promouvoir la santé des travailleurs. De plus, le comité devrait recevoir et étudier les informations statistiques produites non pas strictement en fonction des accidents et des maladies professionnelles mais en fonction de tous les aspects de la santé au travail.

Enfin, la tenue de registres devrait dépasser le cadre "des accidents du travail, des maladies professionnelles et des événements qui auraient pu en causer".

Chapitre V Le représentant à la prévention article 69 Dans une approche globale de la santé du travailleur, le représentant à la prévention ne peut fonctionner isolément. Il pourrait devenir un précieux collaborateur pour l'équipe multidisciplinaire lors de l'identification de certains besoins, du choix d'intervention, de l'observation ou de l'évaluation des résultats obtenus chez les travailleurs.

Chapitre VIN Les services de santé au travail Section I: Les programmes cadres et les contrats types article 81 La Commission élabore et rédige des programmes cadres répondant aux objectifs de santé et de sécurité du travail en vue du maintien de l'intégrité physique du travailleur. Les programmes cadres de santé globale devraient être élaborés et rédigés par les départements de santé communautaire à partir de l'évaluation des besoins de santé des travailleurs oeuvrant dans une région déterminée. Cette façon d'entrevoir les programmes cadres de santé au travail ne limiterait pas l'utilisation des ressources professionnelles de l'équipe multidisciplinaire des centres locaux de services communautaires dans la mise en application de ces programmes dans les établissements.

Section II: Dans les établissements article 86 Cette section porte à croire que le médecin sera libre de choisir le lieu où les services seront fournis aux travailleurs et ce, sous son autorité.

Une perspective globale de santé au travail qui considérerait l'apport des professionnels de la santé des centres locaux de services communautaires éviterait sans aucun doute de médicaliser les services et reconnaîtrait que la responsabilité de la mise en application des programmes de santé au travail devrait être assumée par les membres de l'équipe multidisciplinaire eux-mêmes en collaboration avec les travailleurs. Cet état de fait ne limite pas la distribution de services de santé qu'au centre local de services communautaires. Des ententes peuvent être conclues avec les employeurs, les travailleurs afin d'assurer des services complets de santé dans les établissements par le truchement des professionnels de la santé rattachés au centre local de services communautaires.

articles 91-92 Des mesures législatives qui reconnaîtraient que les professionnels de la santé, s'ils ont la formation et les qualifications requises, puissent être responsables des services de santé au travail que ce soit au sein des départements de santé communautaire, des centres locaux de services communautaires ou des établissements, devraient reconnaître, entre autres, que les professionnels responsables puissent être démis de leurs fonctions après une évaluation de leur compétence professionnelle effectuée par un de leurs pairs.

Section III: Le programme de santé au travail articles 93-96 Si l'on parle de programmes de santé limités aux accidents du travail et aux maladies professionnelles, la participation médicale est au premier plan.

Par contre, si l'on pense à un programme global de santé au travail qui considère le travailleur dans sa totalité et selon son expérience de vie, il faudrait s'attarder à tous les besoins, les problèmes et les préoccupations de la vie courante auxquels s'ajoutent les risques à la santé inhérents à l'environnement, au milieu lui-même et aux tâches à exécuter.

Une politique globale de santé au travail se traduit par l'intérêt des professionnels de la santé à apporter au travailleur la formation, l'information et les services indispensables afin qu'il s'assure de la sécurité de son environnement, qu'il soit en mesure de prévenir les causes d'accidents, d'intoxications et d'infections à leurs sources, qu'il reçoive les soins curatifs mineurs s'il y a lieu, qu'il reconnaisse les déficiences et les lacunes de son milieu de travail, qu'il maintienne son intégrité physique et mentale, qu'il favorise son adaptation dans la mesure où ses fonctions et ses tâches répondent aux exigences à la base de la conservation de la qualité de vie et de la promotion de la santé. Un tel programme de santé au travail devrait être élaboré par les professionnels de la santé en collaboration plutôt qu'en consultation avec l'employeur et les travailleurs. Dans cette ligne de pensée, il y aurait peu de risques que l'employeur doive penser à un programme de santé additionnel à ses frais puisque la santé au travail devrait couvrir toutes les dimensions de la santé et de la vie de l'individu qui travaille.

Section IV: Rôle du médecin responsable article 97 Lorsque l'on aborde la médecine du travail, il faut penser aux ressources professionnel- les, techniques et financières indispensables à une telle action. Ces ressources ne sauraient être laissées cependant à la seule évaluation de médecins. article 98 Afin de refléter tous les aspects de la santé du travailleur et le caractère multidisciplinaire du dossier, l'appellation "dossier de santé" est à juste titre plus significative du sens donné au profil de la condition de santé du travailleur. Le "dossier de santé" reflète les résultats des interventions des divers professionnels de la santé, membres de l'équipe multidisciplinaire. Les informations transmises aux différents intervenants dépasseraient alors le cadre "des déficiences dans les conditions de santé physique, de sécurité ou de salubrité susceptibles de nécessiter une mesure de prévention". article 99 De plus, une réelle prise en charge par le travailleur de sa santé et de sa sécurité peut laisser entrevoir la possibilité de laisser au travailleur la garde de son "dossier de santé". Cette approche impliquerait, il va de soi, une révision de l'organisation des services de santé qui remettrait entièrement entre les mains du travailleur, non seulement la prise en charge de sa santé, mais aussi toutes les informations qui s'y rattachent.

Section V: Le chef du département de santé communautaire article 100 Les départements de santé communautaire sont responsables d'élaborer, de mettre en oeuvre et de développer des programmes de santé physique et mentale et des services préventifs en collaboration avec les centres locaux de services communautaires. Les centres locaux de services communautaires doivent assurer à la communauté des services de prévention et d'action sanitaires et sociales.

Dans cette optique, comment le département de santé communautaire pourra-t-il jouer son rôle en ce qui concerne l'intégration des programmes de santé au travail puisque les programmes cadres de santé et sécurité du travail seront élaborés et rédigés par la Commission et appliqués directement dans les établissements par le truchement des médecins responsables?

En considérant la prise en charge de la santé par le travailleur et l'employeur, il s'avère important de maintenir une cohérence et une continuité de pensée à tous les niveaux de la structure organisationnelle du système de santé.

À ce titre, le département de santé communautaire peut apporter sa contribution en formulant des recommandations en ce qui a trait aux qualifications et au nombre de professionnels de la santé requis pour répondre aux objectifs de santé au travail. Il demeure toutefois que le comité de santé et de sécurité du travail ou, s'il n'y en a pas, des représentants des travailleurs et des employeurs devraient, en collaboration avec les membres de l'équipe multidisciplinaire, prendre en charge l'organisation de la distribution des services de santé. L'évaluation des programmes de santé spécifiques devrait être effectuée par les professionnels de la santé et le comité de santé et de sécurité. Les résultats de cette évaluation devraient être transmis à tous les intervenants sans oublier les employeurs et les travailleurs qui bénéficient de ces services.

Chapitre IX La commission de la santé et de la sécurité du travail Section I: Constitution articles 107-109 La responsabilité de la Commission est de première importance en vue de protéger la santé et d'assurer la sécurité et l'intégrité physique des travailleurs. Cependant, il va sans dire que l'apport de l'infirmière ou de l'infirmier peut être indispensable soit en tant que directeur adjoint ou en tant qu'observateur, pour maintenir à jour des objectifs d'acceptabilité, d'accessibilité et d'efficacité en matière de soins infirmiers et ainsi éviter la fragmentation des ressources en multipliant le nombre d'intervenants.

Section II: Les fonctions de la Commission article 129 Une réelle prise en charge de la santé au travail par l'individu lui-même sous-tend que les professionnels de la santé favorisent un processus d'apprentissage chez les travailleurs. Des méthodes et des programmes de formation doivent donc être élaborés pour les personnes directement concernées par la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles, mais aussi pour les travailleurs eux-mêmes. Les programmes de formation ne doivent pas être conçus dans le but de spécialiser les travailleurs et laisser croire qu'ils peuvent suppléer à la responsabilité qui incombe aux professionnels de la santé et aux professionnels de la sécurité. Ces programmes doivent tendre à donner le maximum d'information et de formation pour rendre réalisable la prise en charge de la santé.

Pour être vraiment facilitateur en matière de santé, il faut également que le ministre de l'Éducation reconnaisse la nécessité de réviser et d'inclure, au niveau de la formation des professionnels de la santé, les éléments de contenu indispensables à une formation préparant les futurs professionnels à jouer le rôle qui leur est dévolu par les besoins même de la collectivité au travail.

La recherche s'avère importante, tant au niveau sectoriel qu'au niveau provincial. Cependant, la santé et la sécurité du travail peuvent aussi être améliorées par des initiatives de recherche entreprises dans les différents établissements par des professionnels de la santé.

Ces agents de recherche en matière de santé, tout en étant à l'affût des nouveautés internationales, nationales et provinciales pourraient diffuser l'information, identifier les besoins et aider les groupes et les milieux qui désireraient entreprendre une recherche dans le domaine de la santé du travail.

Enfin, si le gouvernement entrevoit, dans une phase ultérieure, une réforme complète en vue d'intégrer tous les services de santé et de sécurité au travail, il faut dès maintenant prévoir des mécanismes afin que les fonctions de la Commission s'ajustent aux fonctions des différents organismes responsables de l'approche globale de la santé des travailleurs. Les pouvoirs de la Commission se verraient alors complémentaires aux pouvoirs des autres organismes de la santé du réseau des affaires sociales, de façon à éviter un parallélisme dans les modes de distribution des services de santé aux travailleurs.

Chapitre X Inspection article 135 L'accès d'un inspecteur à tous les livres, registres et dossiers d'un employeur, d'un maître d'oeuvre, d'un fournisseur ou de toute autre personne qui exerce une activité dans les domaines visés dans ce projet de loi est indispensable pour lui permettre de remplir judicieusement ses fonctions.

II demeure toutefois qu'il n'est pas du ressort de l'inspecteur d'évaluer globalement la condition de santé du travailleur et qu'il n'est donc d'aucun intérêt à ce qu'un pouvoir lui soit accordé pour s'immiscer dans les dossiers de santé du travailleur. Seul un expert en matière de santé au travail pourrait, avec l'autorisation du travailleur, prendre connaissance de son dossier de santé. article 139 Lorsqu'un problème de santé nécessite l'intervention de personnes ressources en la matière, l'inspecteur pourrait accompagner le professionnel de la santé mais c'est à ce dernier que revient la responsabilité d'interpréter la situation de santé.

Chapitre XI Dispositions particulières relatives aux chantiers de construction

Ce chapitre comprend des dispositions particulières aux chantiers de construction dont les conditions de travail sont bien spéciales. Dans une approche globale de la santé, il devient impérieux de mettre à la disposition des travailleurs de la construction, dans les plus brefs délais, des programmes et des services de santé et de sécurité sur les lieux mêmes de leur travail.

Les expériences passées démontrent un manque évident quant à la disponibilité des services de premiers soins sur les chantiers de construction et ce, particulièrement dans les régions éloignées. Pourtant, ces travailleurs sont en droit d'attendre des services de santé offerts par des professionnels de la santé, tout comme dans les milieux urbains. On ne saurait prétendre que la qualité des soins donnés par des préposés qualifiés en secourisme puisse égaler la qualité des soins donnés par des professionnels de la santé!

Bien que des dispositions législatives s'attardent aux chantiers de construction, il demeure qu'une définition de "services de premiers secours" et de "services de santé" éviterait des malentendus de la part de certains intervenants désireux de s'approprier un champ d'exercice qui ne relève pas de leur compétence.

Les travailleurs de la construction ont les mêmes droits que les travailleurs d'autres établissements de bénéficier des services distribués par des professionnels de la santé sans que, pour autant, l'employeur en supporte les frais.

Conclusion

Le Bureau de l'ordre désire par ce document porter à l'attention du législateur le fait que le projet de loi no 17 semble répondre au but visant à éliminer les accidents du travail et les maladies professionnelles qui peuvent occasionner des perturbations de l'intégrité physique des travailleurs.

Cependant, loin de vouloir minimiser l'effort poursuivi par le gouvernement dans cette première étape qui vise essentiellement à vouloir redonner à la population la prise en charge de la santé et de la sécurité du travail, il demeure toutefois primordial de reconnaître que la santé et la sécurité au travail doit considérer l'individu comme un tout bio-psycho-social vivant une expérience de vie selon un continuum santé-maladie.

La complexité de l'application d'un système de services intégrés de santé au travail implique évidemment la participation de tous les professionnels de la santé ayant reçu une formation additionnelle et pertinente pour favoriser le processus de conscientisation des travailleurs en regard de leurs besoins de santé et de la prise en charge de leur situation.

Enfin, le Bureau de l'ordre désire souligner son désir de collaborer avec les travailleurs, les employeurs, les organismes concernés et le gouvernement à l'amélioration de la situation de vie des individus dans le cadre de leur travail.

ANNEXE C

Mémoire présenté à la commission parlementaire du travail et de la main-d'oeuvre sur le projet de loi no 17 "Loi sur la santé et la sécurité au travail"

Fraternité des policiers de la Communauté urbaine de Montréal Inc.

— INTRODUCTION —

La Fraternité des policiers de la Communauté urbaine de Montréal Inc. en sa qualité de syndicat professionnel dûment accrédité pour représenter les travailleurs chargés de la protection et de la sécurité publique sur le territoire de la Communauté urbaine de Montréal, se devait de présenter au législateur un aperçu de sa philosophie en ce qui concerne la santé et la sécurité du travailleur.

Cet aperçu sera forcément bref, puisqu'il ne s'agit pas de profiter de la commission parlementaire siégeant sur le présent projet de loi pour discuter à fond de problèmes qui, par plusieurs de ses

aspects, revêtent quand même un caractère de spécialisation par rapport à l'ensemble de la masse des travailleurs québécois, et nous tenterons par conséquent, tout en gardant bien en vue le fait que les policiers sont des travailleurs dont les obligations et les devoirs sont un peu spéciaux, de discuter des droits qui devraient leur être reconnus comme à tous leurs concitoyens au service du public ou de la société, tout en soulignant à l'occasion quelques cas spécifiques qui ne peuvent viser que des policiers.

Sur l'ensemble du projet de loi, la Fraternité ne saurait se prononcer globalement, à savoir si elle l'approuve ou le désapprouve.

Par la nature de ses fonctions, le policier est habitué à faire respecter les lois, bonnes ou mauvaises, que le législateur choisit d'adopter. La société ayant longtemps considéré et considérant sans doute encore que les policiers constituent les auxiliaires de la "justice", presque au même titre que les juges, on s'attend peu ou pas du tout à ce qu'ils se prononcent, règle générale, sur ce que devrait être le contenu des lois.

Cette mentalité fait sans doute que, même s'ils s'agit d'une loi qui affecte ses membres de façon tout à fait directe, c'est avec beaucoup de circonspection et de sens pratique que la Fraternité a abordé l'étude du présent projet de loi.

En conséquence, sur l'ensemble du projet de loi, la position de la Fraternité pourrait sans doute être résumée en disant qu'elle ne trouve pas que le législateur ait là proposé le meilleur système qui puisse être souhaité pour protéger la santé et la sécurité des travailleurs et elle se permet même d'exprimer des craintes sérieuses sur la possibilité, sur le plan pratique, de faire fonctionner raisonnablement bien et à l'intérieur de délais acceptables, les différents mécanismes prévus à cette loi pour en assurer l'application.

Cependant, il semble à la Fraternité que des efforts louables ont été faits pour améliorer la protection offerte aux travailleurs, tant dans le domaine de la prévention que de la réparation des accidents ou maladies professionnelles. Il semble en conséquence, compte tenu de certaines améliorations que la Fraternité propose et des nombreuses améliorations qui ont été suggérées par différents intervenants devant la commission parlementaire, y compris et surtout celles suggérées par la F.T.Q. et la C.S.N., et même quelques-unes par le Conseil du patronat du Québec ou autres organismes, que cette loi peut effectivement s'avérer avoir été un pas en avant. Elle peut même permettre éventuellement, d'aller encore plus loin dans la poursuite du but visé qui est de permettre aux employeurs de continuer à rechercher le profit, mais jamais en mettant en danger immédiat ou éventuel la santé et la sécurité de ceux qui fournissent leur travail pour permettre d'atteindre ce but, et à la société de se doter de tous les services dont elle a besoin mais jamais en demandant à certains de ses membres de risquer de façon immédiate ou éventuelle leur intégrité physique ou leur santé mentale.

La Fraternité jusqu'à un certain point, reconnaît un certain courage à la position prise par la C.S.N. qui globalement rejette ce projet de loi.

La Fraternité constate, comme la C.S.N., que les obligations qui appartenaient autrefois aux employeurs dans le domaine de la sécurité et la santé du travail, vont dorénavant être partagées avec les travailleurs, sans que le projet de loi du même coup confie à ces mêmes travailleurs les pouvoirs de décision dans ce champ d'action.

Là où on semble donner des pouvoirs aux comités paritaires auxquels participent les travailleurs, il existe de toute façon un droit de veto de l'employeur par l'entremise de ses représentants aux dits comités, et au cas de désaccord, un droit d'appel devant un organisme sur lequel les travailleurs n'ont aucun contrôle.

Il nous semble que le principe de "no taxation without representation" connu et reconnu pour sa logique et sa justice devrait ici être appliqué et que l'on ne puisse imposer une "participation sans pouvoir de décision".

Par ailleurs, et compte tenu de nos premières remarques, le bien des travailleurs sera peut-être mieux servi en tentant de bonifier la loi et en la considérant comme une étape.

La Fraternité entend donc adopter une position tout à fait pragmatique et tenter de faire ci-après des suggestions constructives dans le but d'améliorer ce projet de loi, tout en appuyant de façon globale et sans y référer évidemment de façon spécifique puisque ce n'est pas ici son rôle, les autres suggestions constructives qui ont pu être faites par d'autres organismes représentant des travailleurs.

— Le policier et la santé et la sécurité du travail —

Le danger constitue le quotidien du policier. Pour faire disparaître ce danger à la source, la société devra faire en sorte que disparaisse la violence, la maladie, la folie et donc la pauvreté, l'intolérance et l'injustice.

En attendant ces jours heureux, le policier accepte de façon tout à fait consciente, son rôle de gardien et de protecteur de ses concitoyens, et assume les risques inhérents à sa fonction.

Cependant, tout comme les employeurs doivent assumer complètement et entièrement le coût des profits qu'ils recherchent, y compris celui de protéger leurs travailleurs contre toute atteinte à leur intégrité physique et même mentale, et le cas échéant, le coût des soins et d'une réparation adéquate à ce travailleur suite à un malheureux accident ou à une maladie professionnelle imprévisible, de même disons-nous, la société doit accepter d'assumer entièrement et complètement le coût de la protection qu'elle se donne contre la violence qu'elle génère.

Tant que la société n'aura pas extirpé de son sein les différents cancers qui la rongent, elle devra fournir aux policiers tous les outils dont l'efficacité aura été reconnue, nécessaires à l'accomplissement de sa tâche ingrate, pour minimiser au maximum les dangers pour le public et pour le policier lui-même, et qui sont inhérents à son travail et aux opérations auxquelles il participe.

À plus forte raison si le policier doit y sacrifier son intégrité physique ou mentale, il doit pouvoir bénéficier des avantages consentis aux autres travailleurs dont on a parfois tenté et dont dans certains milieux, on tente encore de le distinguer.

— Analyse de certains articles du projet de loi — Article 1, paragraphe 13:

On s'en tient encore ici dans cet article, au "contrat de louage de services professionnels" comme étant le seul lien possible entre le travailleur et l'employeur.

Or, il nous semble que cette notion a depuis un certain temps évolué, et que le droit du travail est maintenant devenu un régime de droits et obligations en lui-même et a cessé d'être un appendice au droit civil.

En ce sens, la Cour suprême du Canada a reconnu que, lorsqu'une convention collective, qui n'est autre chose qu'un contrat collectif, a été conclue entre un employeur et le syndicat représentant les travailleurs, le contrat individuel de louage de services n'est pas seulement complété par ladite convention collective, mais disparaît entièrement pour y faire place.

C'est d'ailleurs en ce sens que la Cour suprême décidait aussi que le recours aux tribunaux de droit commun n'était plus permis au travailleur dès qu'il réclamait un droit lui découlant de la convention collective, seul lien de droit, répétons-le, entre lui et son employeur.

Nous vous référons à l'annexe I où nous avons reproduit certains des jugements de la Cour suprême auxquels nous référons.

Le paragraphe 13, de l'article I, devrait donc se lire: "employeur": une personne qui, en vertu d'un contrat de louage de services personnels ou d'une convention collective ou d'un contrat d'apprentissage, même sans rémunération, utilise les services d'un travailleur".

Article 1, paragraphe 14:

La Fraternité est tout à fait sensible aux arguments de certains employeurs qui possèdent plusieurs établissements, par exemple dans le commerce au détail, plusieurs succursales ou magasins.

Les policiers de la Communauté urbaine de Montréal sont répartis sur l'Ile de Montréal dans plusieurs postes qui constituent autant "d'établissements" jusqu'à un certain point autonomes.

Comment le législateur entend-il régler ce problème particulier, plus précisément en ce qui concerne le centre hospitalier où sera référé le travailleur ou qui assumera, quant à cet établissement, les responsabilités que la loi lui confie?

Il est évident que sur le plan pratique, il faut éviter les déplacements inutiles et trop grands, cependant que, en ce qui concerne les policiers, la transférabilité d'un "établissement" à l'autre peut éventuellement causer des inconvénients sérieux.

La Fraternité suggère que, dans certains cas particuliers, la Commission de la santé et de la sécurité du travail puisse définir ce qui doit être considéré comme un "établissement".

Par ailleurs, nous rejoignons une suggestion du Conseil du patronat et nous trouvons nécessaire que la définition de "l'établissement" mentionne non seulement la production de biens et services, mais également la distribution de biens.

Article 1, paragraphe 18:

Sauf erreur, la loi des accidents du travail définit de façon spécifique "maladie professionnelle" et contient également une définition d'"accident".

Comme le présent projet de loi nous semble vouloir couvrir l'un et l'autre, n'y aurait-il pas lieu que les deux définitions apparaissent au projet de loi?

Article 1, paragraphe 24:

Les remarques faites au sujet du paragraphe 13 de l'article 1, s'appliquent ici et la même suggestion est faite.

Article 9:

C'est un euphémisme que de dire que le policier doit être informé des dangers reliés à son travail. Il vit avec ces dangers.

Nous voyons donc mal comment on pourrait définir dans un livre quelconque ou dans un pamphlet destiné aux recrues, les différents dangers auxquels un policier peut éventuellement faire face.

Le policier peut aussi bien se retrouver face à des bandits armés de mitraillettes, transportant une civière dans un escalier glacé, pénétrant dans une maison en flammes pour tenter de sauver une vie humaine avant même que les pompiers eussent pu se rendre sur les lieux ou commandant à ses muscles un effort que normalement ceux-ci ne pourraient fournir pour tenter de dégager un accidenté.

Ce travail, par ailleurs, ne "rapporte" rien, est fort peu apprécié et est souvent terni par l'image que les media d'information ou certains organismes de rêveurs projettent sur l'ensemble des policiers, en montant en épingle le cas particulier de l'un de ceux-ci qui a cédé sous la tension et posé un geste malheureux, ou qui n'avait tout simplement pas les qualités qu'il fallait pour accomplir ce travail, sans jamais que l'on puisse justifier contre lui quelque reproche que ce soit, et la vérification de l'existence chez un candidat, de toutes les qualités requises, est sur le plan pratique, tout à fait impossible.

Il n'est donc pas question pour le policier, de réclamer que l'on prévienne ou abolisse le danger inhérent à son travail, si ce n'est encore une fois de son souhait de vivre un jour dans une société plus calme.

Cependant, compte tenu de cette réalité, aucune société ni aucun organisme à qui on a délégué le rôle d'employeur des policiers, n'a de justification quelconque pour refuser à ceux-ci tous les moyens nécessaires ou simplement utiles, non seulement quotidiennement, mais même éventuellement utiles, pour minimiser les risques d'atteinte à l'intégrité physique ou à la santé mentale des policiers ou des citoyens qu'ils ont la responsabilité de protéger.

Les exemples précis d'équipement réclamé en vain depuis des années par les policiers ou obtenu de haute lutte, de méthodes d'organisation du travail arrachées par voie de négociations dans le but d'augmenter si possible les chances de survie et la protection des policiers, démontrent que l'on n'a pas encore réalisé l'ampleur des responsabilités que l'on avait vis-à-vis ces soldats de temps de paix.

En temps de guerre, il est bien sûr qu'il faille accepter de sacrifier un certain nombre de tonnes de chair à canons. Il fut un temps où les employeurs ont vécu sur la viande à profit.

La société qui accepte d'en sacrifier encore aujourd'hui sous l'unique inspiration de la politique, de l'économie, de la négligence ou de l'entêtement, est une société profondément malade.

Par conséquent, les droits reconnus aux travailleurs à l'article 9, seront une illusion dans le cas des policiers si les droits ou les pouvoirs donnés au comité de santé et de sécurité ou aux représentants à la prévention ne sont pas des pouvoirs de décision, exécutoires sans délai, et revenant aux représentants des travailleurs au cas de désaccord avec les représentants de l'employeur.

Le policier pas plus que n'importe quel autre travailleur, mais pas moins non plus, ne peut être considéré comme connaissant moins bien ce qui peut assurer sa protection et minimiser les dangers pour sa santé et sa sécurité que son employeur; il est le mieux placé pour en juger et nous considérons comme carrément idiots ou malhonnêtes ceux qui allèguent que des travailleurs abuseront des droits qui leur sont reconnus de protéger leur santé et leur sécurité comme si on pouvait présumer qu'un individu, fut-il travailleur ou président de compagnie, pourra un jour faire trop attention à sa santé ou prendre trop de précautions pour protéger son intégrité physique ou sa santé mentale.

Article 11:

Ce droit de refuser de travailler, évidemment quant aux policiers, doit être interprété comme étant tout à fait différent de celui des autres travailleurs.

Cependant, la Fraternité considère elle aussi, à l'instar d'autres organismes syndicaux, que le syndicat accrédité pour représenter les travailleurs devrait être le seul représentant de celui-ci et devrait pouvoir non seulement l'appuyer, mais décider pour lui face au problème du respect de son intégrité physique et de sa santé.

Conteste-t-on aujourd'hui le droit d'un syndicat de négocier pour ses membres des conditions de travail et de faire respecter celles-ci?

Existe-t-il une condition de travail plus importante, aussi primordiale que l'intégrité physique du travailleur, la protection de sa santé et la prévention des accidents dont il peut être la victime?

Pourquoi alors laisser, face à cette situation, le travailleur seul, vulnérable malgré la protection assez timide qui lui est accordée contre une sanction disciplinaire quelconque pendant un certain temps, risquant par là que les téméraires, face au danger, prennent des risques inutiles et trop grands pour eux, leurs compagnons de travail ou, dans le cas des policiers, pour les citoyens, ou les plus peureux vis-à-vis l'employeur, ou ceux qui ont déjà un mauvais dossier et par conséquent ne peuvent prendre de risques, n'osent pas exercer ce droit avec les mêmes résultats pour eux, leurs compagnons de travail ou, dans le cas des policiers, les citoyens.

De la même façon qu'un employé qui croit être lésé dans l'exercice de ses droits lui découlant de la convention collective doit normalement se plaindre à son syndicat, qui décide du bien fondé de la plainte avant d'entamer la procédure de grief et de s'engager dans un arbitrage, ainsi le travailleur qui considère qu'on ne respecte pas la loi qui, dans bien des cas ne va pas plus loin que ce qui était déjà prévu à sa convention collective en ce qui concerne la protection de sa santé et de sa sécurité, devrait rapporter le fait à son syndicat qui déciderait du bien fondé de la plainte et des mesures à prendre,

assurant ainsi une meilleure protection du travailleur, facilitant à l'employeur la discussion puisque celui-ci s'adresserait aux mêmes personnes avec qui il négocie habituellement et non pas à autant de petits syndicats qu'il y a de travailleurs, et assurant finalement ainsi, pour le bien de tous, une meilleure "homogénéité" dans les décisions prises, traçant plus facilement une ligne de conduite et une interprétation des droits et obligations de chacun.

Raisonner autrement revient à présumer de l'irresponsabilité des syndicats d'une part, ou à prétendre que les syndicats protégeraient trop la santé et la sécurité de leurs membres.

Les employeurs crient à l'abus possible de la part des syndicats. Or, l'abus de droit n'existe pas; lorsque l'on abuse, on n'exerce plus un droit, on agit donc illégalement et les recours en dommages et en injonction existent toujours, les employeurs qui ne s'en sont jamais privés le savent très bien.

Du côté de l'employeur, le législateur n'a pas prévu que les responsables de l'application des différents programmes et de la prévention et de la protection contre les maladies ou accidents reliés au travail seraient les contremaîtres individuellement, les surintendants ou les représentants de l'employeur qui est responsable et que, au surplus, au cas de non-respect de la loi, ses administrateurs peuvent l'être aussi.

Pourquoi du côté des travailleurs, confier aux travailleurs seuls la très grande responsabilité que constitue la décision d'arrêter de travailler et possiblement d'amener l'arrêt de travail de certains compagnons de travail, ou même éventuellement l'arrêt total d'une chaîne de production ou d'une usine?

Ce déséquilibre des forces tient uniquement à une crainte morbide et toujours présente des employeurs et sans doute à un manque d'attention de la part du législateur ou à une incompréhension profonde de l'importance et du rôle du syndicat.

Article 12:

Compte tenu des remarques faites au sujet de l'article 11, cet article devrait être modifié.

Les mots "normalement et habituellement" devraient disparaître puisque l'on ne peut accepter, dans le cas des travailleurs en général, qu'un travailleur soit normalement et habituellement soumis à un risque pour sa santé ou sa sécurité.

S'il existe un risque inhérent à une fonction, le travailleur en est informé, son syndicat négocie pour lui la protection nécessaire pour minimiser le risque et le travailleur accepte d'assumer ce risque.

Par ailleurs, dans certains cas précis, le risque inhérent à la fonction peut être momentanément augmenté soit pour des raisons extérieures, mécaniques, climatiques et de toute façon indépendantes de l'état même du travailleur soit que, par ailleurs, le travailleur soit momentanément lui-même affecté au point où les risques inhérents à ses fonctions soient augmentés.

Tel qu'il a été prévu dans le cas de la travailleuse enceinte à qui l'on veut permettre le retrait préventif, de même, dans certains cas, le retrait préventif devrait être permis aux autres travailleurs.

Ainsi, il y a un risque inhérent à se promener sur des échafaudages à cinquante ou soixante pieds du sol. Cependant, le risque est augmenté s'il souffle un vent de cent kilomètres-heure ou si l'ouvrier est sous le coup de sédatifs ou d'antibiotiques qui ne l'empêchent pas de travailler mais qui peuvent quand même l'affecter d'une certaine somnolence ou diminuer ses réflexes.

De même, il serait malsain d'ordonner à un policier d'aller dissiper une foule si son compagnon de travail vient d'être blessé par un manifestant. Ainsi, le policier qui vient d'échapper à une fusillade, n'est peut-être pas le policier tout indiqué pour répondre à un nouvel appel de vol de banque où il risquerait peut-être d'appuyer sur la gâchette plus rapidement qu'autrement il ne l'aurait fait, vu l'état d'esprit dans lequel il se trouve momentanément.

Nous suggérons donc que l'article 12 se lise comme suit: "L'exercice du droit visé dans l'article 11 est possible si l'exécution du travail comporte un risque qui n'est pas inhérent aux fonctions exercées ou si, à cause de circonstances particulières, le risque inhérent est momentanément augmenté."

Article 13:

Compte tenu des remarques faites concernant les droits et responsabilités du syndicat par rapport à ceux de ses membres, l'article 13, ainsi que tous les autres où il pourrait être utile de le faire, devrait être modifié pour prévoir que le travailleur doit aviser non seulement son supérieur immédiat, mais son syndicat, de son intention d'arrêter de travailler. Ainsi, le syndicat et l'employeur pourraient, dans de nombreux cas, trouver une solution sur le champ, alors que le travailleur laissé seul et qui n'est même pas tenu de fournir à son employeur les raisons pour lesquelles il arrête de travailler, n'osera pas changer d'avis et ne sera pas en mesure de régler quelque problème que ce soit, avant que le comité de santé et de sécurité n'ait examiné la question ou qu'un inspecteur soit intervenu.

Le fonctionnement de la loi proposée sera absolument impossible sans l'existence de la plus grande bonne foi de part et d'autre.

Pourquoi alors prêter la bonne foi uniquement aux employeurs et aux travailleurs individuellement et ne pas en prêter aussi un peu au syndicat que le travailleur a mandaté pour le représenter?

Article 19

L'article 19 devrait prévoir que le seul moment où l'employeur peut faire exécuter le travail par un autre travailleur, est celui où le salarié qui refuse de travailler le fait en raison de circonstances particulières qui lui sont propres, personnelles ou imputables, selon ce que nous avons suggéré à l'article 12.

Dans le cas de deux travailleurs également compétents, et également en bonne santé, nous ne voyons pas comment un risque qui n'est pas inhérent à la fonction pourrait être assumé par un autre travailleur alors qu'il ne peut pas l'être par celui qui refuse de travailler.

Encore là, l'intervention du syndicat pourrait être fort utile, nous le répétons.

Article 21 :

Les remarques faites au sujet de l'article 19 s'appliquent également ici et par conséquent, le deuxième alinéa de l'article 21 devrait être modifié.

Article 26:

Compte tenu des remarques faites à l'article 19 et compte tenu de la responsabilité que nous voudrions voir confier aux syndicats, compte tenu, lorsqu'il n'y a pas de syndicat les travailleurs sont encore plus démunis, nous considérons que l'employeur ne devrait pas faire exécuter le travail qu'un travailleur a refusé de faire par un autre travailleur tant et aussi longtemps que toutes les possibilités d'appel n'ont pas été épuisées, y compris celui devant la C.S.S.T.

En effet, on présumerait là que l'inspecteur-chef régional ou la C.S.S.T. confirmera la décision de l'inspecteur à l'effet que le refus de travailler ne repose pas sur des motifs acceptables.

Or, qu'arrivera-t-il si, sur appel devant l'inspecteur-chef régional ou devant la C.S.S.T., il est finalement convenu que ce travailleur avait raison de refuser de travailler et que, entre-temps, on a obligé un autre travailleur à assumer cette fonction et que celui-ci a finalement été victime de l'accident que le premier voulait éviter?

Quel profit peut justifier qu'un employeur assume un tel risque?

Quels bénéfices peut retirer la société de ce que l'on demande à un travailleur des services publics de mettre ainsi sa santé et sa sécurité en danger, toujours compte tenu du fait que, dans le cas où il existe une association accréditée, celle-ci a pu évaluer la situation, discuter avec l'employeur, chercher une solution possible, etc.

Encore une fois, ceux qui 'abuseront' n'auront qu'à être traités selon la loi.

Article 27:

Nous croyons qu'il devrait être précisé à l'article 27, malgré ce qui est prévu à l'article 7, que le travailleur ne peut par ailleurs être affecté à une autre tâche, sauf si elle se situe dans sa définition de tâches et fonctions là où une semblable définition existe et là où la convention collective empêche que l'employeur demande au travailleur de faire autre chose que ce pourquoi ce travailleur a été engagé, que ce pourquoi il est préparé et ce qu'il a accepté de faire de façon précise pour l'employeur.

Article 28:

Compte tenu des remarques faites lors de notre étude des articles 11, 12, 19 et 21, nous soumettons que le deuxième alinéa de l'article 28 ne devrait pas exister.

Article 29:

Nous vous référons aux remarques que nous avons faites concernant l'article 27, celles-ci s'appliquant évidemment au présent article mutatis mutandis.

Article 31:

Compte tenu des remarques que nous avons faites concernant le droit et l'obligation pour le syndicat d'assumer ses responsabilités, compte tenu de la possibilité pour l'employeur de se faire indemniser au cas d"abus', nous croyons définitivement que l'employé ne devrait pas pouvoir faire l'objet de mesures disciplinaires quelconques suite à une décision qui a été prise par son syndicat et, d'ailleurs d'imposer une sanction disciplinaire à un travailleur, d'une part risque d'envenimer toute l'affaire et d'autre part, n'indemnisera pas pour autant l'employeur.

Par ailleurs, si une mesure disciplinaire, et surtout une suspension ou un congédiement devait être imposé, le travailleur en subirait un préjudice même si à la fin il devait être réintégré, vu les délais inhérents à l'audition de sa cause. Pour faire peur aux autres travailleurs, l'employeur pourrait toujours imposer une semblable mesure disciplinaire, quitte à devoir indemniser le travailleur éventuellement, mais à avoir la 'paix' entre-temps.

Également, nous l'avons déjà mentionné, la mauvaise foi est à peu près impossible à prouver et c'est faire cadeau là à l'employeur d'un droit qui, à toute fin pratique, ne pourra lui servir que de menace mais ne lui rapportera jamais rien sur le plan pratique.

Par conséquent, l'article 31 devrait se lire comme suit: "L'employeur ne peut imposer au travailleur un congédiement, un déplacement ou une mesure disciplinaire, pour le motif que ce travailleur a refusé d'exécuter un travail conformément aux articles 11 et 12."

Évidemment, le deuxième alinéa de l'article 31 n'a pas de raison d'être, compte tenu du texte proposé.

Article 39:

Au quatrième paragraphe de l'article 39, le législateur a prévu de façon spécifique que l'employeur avait le droit 'd'être informé des obligations que lui impose la présente loi et les règlements'.

Premièrement, il existe un principe universellement invoqué et qui tient à l'obligation pour tout législateur de publiciser ses lois, qui veut que 'nul n'est censé ignorer la loi'.

En effet, on ne peut concevoir qu'un organisme chargé de faire respecter les lois soit d'abord tenu de faire la preuve que le contrevenant connaissait l'existence de celles-ci. Celui-ci n'a en effet, qu'à le nier.

Par conséquent, une fois la loi publiée et publicisée par les moyens prévus, il y a présomption qu'elle est connue de tous.

En vertu de quoi la présente loi prévoit-elle que l'employeur a le droit d'être informé des obligations que lui impose la loi? Normalement, il devrait faire en sorte de faire interpréter la loi par ses propres conseillers.

D'ailleurs la loi a prévu quant au travailleur, qu'il devait quant à lui, en quelque sorte prendre connaissance de la loi et des obligations qui en découlent. Pour une fois, aurait-on fait plus confiance à l'intelligence des travailleurs qu'à celle des employeurs?

Deuxièmement, à tout droit correspond évidemment une obligation.

Qui va assumer l'obligation d'informer l'employeur de ce que la présente loi ou ses règlements lui imposent?

Le gouvernement a-t-il l'intention d'établir des services de consultation et d'interpréter les lois et règlements en faveur des employeurs?

Article 41 :

À moins que nous ne prêtions plus d'importance à l'article 41 qu'il n'en a, nous croyons y voir pour l'employeur la possibilité de procéder unilatéralement à une définition de tâches et fonctions.

Évidemment, dans le cas où une telle définition de tâches et fonctions existe déjà, peut-être l'article 7 du projet de loi lui assurera-t-il la priorité sur celle que l'employeur pourrait faire en vertu de l'article 41, quoique nous aimerions mieux que ledit article 41 y réfère de façon spécifique.

Cependant, là où les associations accréditées n'ont pas encore eu l'occasion ou réussi à négocier en faveur de leurs membres une définition de tâches et fonctions, nous pensons que l'employeur pourrait invoquer l'article 41 pour en faire une et l'imposer de façon unilatérale.

Or, le droit de négocier une définition de tâches et fonctions a toujours été reconnu, il a été exercé à ce jour par de nombreux syndicats dans de nombreux endroits, et on ne devrait pas en priver ceux qui entre-temps, avaient d'autres priorités ou ceux qui éventuellement, pourraient juger utile d'en négocier une.

Même si nous attribuons à cet article une portée plus grande qu'il n'en a, il devrait quand même y être précisé que cette obligation de l'employeur n'affecte en rien le droit des associations accréditées de négocier une définition de tâches et fonctions.

Article 60:

II devrait être prévu à cet article que, outre le médecin responsable des services de santé dans un établissement, toute personne ressource dont la présence peut être jugée utile par les représentants des travailleurs ou ceux de l'employeur, peuvent aussi assister aux réunions du comité.

En effet, pour ne parler que des policiers, la façon d'opérer, l'équipement nécessaire, enfin bref l'exercice du métier même de policier et ce qu'il faut lui fournir pour qu'il puisse exercer son métier avec le moins de risque et de danger possible, peuvent sous certains aspects échapper totalement à la compréhension d'un médecin.

Par ailleurs, en usine, nous sommes d'avis que dans certains cas, la présence d'un ingénieur, d'un architecte ou d'un chimiste, peut s'avérer beaucoup plus utile que celle du médecin responsable.

Article 61:

II devrait être prévu à l'article 61 que le comité de santé et de sécurité doit également se réunir à chaque fois que l'une des parties en fait la demande. Autrement, dans certains cas, l'une des parties pourra peut-être vouloir s'en tenir strictement au minimum et ainsi, faire disparaître l'efficacité possible du comité.

Article 62:

Rejoignant en cela les représentations contenues au mémoire de la F.T.Q., nous soumettons qu'il devrait être prévu à la loi que le temps consacré par les représentants des travailleurs aux activités du comité est considéré comme du temps travaillé, et rémunéré selon ce qui est prévu à la convention collective s'il en existe une, ou suivant toute autre entente entre l'employeur et le travailleur ou, au moins, selon ce qui est prévu dans les ordonnances adoptées en vertu de la loi du salaire minimum.

Article 63:

II doit être absolument prévu, pour que les pouvoirs accordés au comité de santé et de sécurité au premier et au cinquième paragraphes de l'article 63 ne soient pas illusoires et ne soient pas toujours en butte au droit de veto des représentants de l'employeur, que dans le cas des décisions qui doivent être prises en vertu des dits paragraphes, à défaut d'entente, la décision sera celle des représentants des travailleurs.

En effet, en ce qui concerne le premier paragraphe, nous avons déjà assez longuement élaboré sur le fait que les travailleurs sont encore les mieux placés pour savoir de quelle façon ils doivent et ils veulent assurer leur protection.

En ce qui concerne le cinquième paragraphe, les travailleurs doivent avoir le même droit, en ce qui concerne leur santé et leur sécurité au travail, que tous les autres citoyens en toute circonstance et qu'ils possèdent eux-mêmes lorsqu'une maladie ou un accident non relié à leur travail les affecte, soit celui de choisir leur médecin.

C'est tout de même de leur santé et de leur sécurité qu'il s'agit.

Nous ne voyons pas par conséquent, en vertu de quoi l'employeur ou un organisme quelconque devrait dire à cette catégorie de citoyens qui paient une bonne partie des impôts qui permettent de les soigner eux-mêmes et de soigner tous les autres citoyens, par qui ils devront se faire soigner.

En ce qui concerne le paragraphe 8 de l'article 63, il devrait être prévu que les représentants des travailleurs membres du comité peuvent enquêter seuls. En effet, il serait trop facile aux représentants de l'employeur de soumettre que, quant à eux, une enquête n'est pas nécessaire, pour qu'une semblable enquête n'ait jamais lieu.

Article 64:

Compte tenu des représentations faites lors de l'étude de l'article précédent, nous soumettons que la procédure ici prévue ne devrait s'appliquer que dans le cas de décisions à prendre en vertu du deuxième paragraphe de l'article 63. Il devrait par ailleurs être ajouté un alinéa stipulant qu'en ce qui concerne les décisions à prendre en vertu des paragraphes 1 et 5, au cas de désaccord, le choix ou la décision des représentants des travailleurs est considéré comme la décision du comité et qu'elle ne peut faire l'objet d'un appel.

Article 67:

Compte tenu des représentations déjà faites encore une fois concernant les droits et responsabilités des associations accréditées, compte tenu que, sur le plan pratique, nous n'avons aucune espèce d'idée de quelle façon il devrait être procédé pour que les travailleurs eux-mêmes choisissent parmi leurs représentants au comité celui ou celle qui exercera les fonctions de représentant à la prévention, nous soumettons que celui-ci ou celle-ci devrait être désigné par l'association accréditée.

De toute façon, lorsqu'une semblable association existe, c'est elle qui désigne les deux représentants au comité.

Quel risque y a-t-il à ce moment-là à ce qu'elle désigne aussi l'un des deux comme représentant à la prévention, le choix des travailleurs se limitant de toute façon à l'un des deux déjà désignés par l'association accréditée.

Tout le monde est pour la démocratie. Cependant, il faut aussi que la démocratie fonctionne de façon pratique et efficace.

Une fois élu, le gouvernement ne demande pas au peuple de désigner ses collaborateurs.

Une fois élus, les dirigeants syndicaux ne devraient pas être tenus de faire appel de nouveau aux travailleurs pour choisir les personnes ressources ou les personnes les plus aptes à défendre leurs droits.

Par ailleurs, en ce qui concerne le deuxième alinéa de l'article 67, lorsqu'il existe une association accréditée, nous ne voyons pas comment les travailleurs pourraient désigner le représentant à la prévention 'de la manière qu'il désigne le représentant au sein du comité de santé et de sécurité.'

En effet, dans un tel cas, ce ne sont pas eux qui désignent le représentant au sein du dit comité mais l'association accréditée tel que prévu au deuxième alinéa de l'article 58.

Il faudrait donc prévoir que les travailleurs exercent ce droit uniquement lorsqu'il n'y a pas d'association accréditée.

Article 68:

Le législateur peut-il nous dire pourquoi, dans le cas où un établissement grouperait dix travailleurs ou moins et que cet établissement aurait été désigné par la Commission, ce serait l'association accréditée, s'il y en a une, qui nommerait le représentant à la prévention?

Nous nous référons aux remarques faites à l'occasion de l'étude de l'article précédent et nous vous demandons si on peut considérer une association accréditée groupant dix travailleurs ou moins plus responsable qu'une groupant plus de dix travailleurs?

Article 71:

Compte tenu des circonstances particulières de l'exercice de différents métiers ou professions, il devrait être prévu à cet article que, au cas de désaccord, et indépendamment du minimum fixé par règlements de la Commission, l'association accréditée ou le représentant à la prévention dans les cas où il n'y a pas d'association accréditée, peut demander à la C.S.S.T. de déterminer le temps jugé nécessaire à l'exercice de ses fonctions.

Article 86:

Nous présumons que les services de santé auxquels il est référé dans cet article sont ceux qui sont rendus nécessaires à cause de l'exercice de ses fonctions par le travailleur. Il faudrait donc le préciser.

En ce qui concerne le deuxième alinéa de l'article 86, compte tenu de la liberté de choix de son médecin que nous voulons voir reconnue au travailleur, si celui-ci choisit d'être traité par un médecin en cabinet privé, cela devrait lui être permis et il n'a pas à se faire soigner par le médecin désigné par le chef du département de santé communautaire.

Article 88:

Compte tenu des représentations déjà faites, la deuxième phrase du premier alinéa de l'article 88 devrait disparaître. Il devrait plutôt être prévu qu'à défaut d'accord au sein du comité, tel que nous l'avons déjà mentionné lors de notre étude du cinquième paragraphe de l'article 63, le choix des représentants des travailleurs doit être considéré comme la décision du comité.

Par ailleurs, quant au deuxième alinéa, il devrait être prévu que s'il n'y a pas de comité, ce sont les travailleurs qui désignent le médecin responsable.

Article 89:

Étant donné les remarques précédentes, la deuxième phrase de l'article 89 devrait disparaître. Article 91:

Vu les remarques déjà faites, seuls les travailleurs devraient pouvoir demander la destitution du médecin qu'ils ont eux-mêmes choisi. Ainsi donc, l'article 91 devrait se lire comme suit: "Les représentants des travailleurs, le comité lui-même ou, s'il n'y a pas de comité, l'association accréditée, ou, s'il n'y a pas d'association accréditée, un travailleur peuvent adresser une requête à la Commission des affaires sociales aux fins de démettre de ses fonctions auprès d'un établissement le médecin qui y est responsable des services de santé."

Article 93:

L'article 93 devrait se lire comme suit: "Le médecin responsable doit élaborer, en consultation avec l'employeur, le comité de santé

et de sécurité, et toute autre personne ressource jugée utile, un programme de santé spécifique à l'établissement et voir à sa mise en application."

Ceci tient compte des remarques que nous avons déjà faites sur la possibilité de faire appel aux connaissances de plus d'une discipline.

Article 97:

Cet article devrait aussi mentionner la possibilité de faire appel aux personnes ressources jugées utiles.

Article 185, paragraphe 35:

En aucun cas et pour aucune considération la C.S.S.T. devrait-elle pouvoir exempter qui que ce soit de l'application de la loi.

Certains employés de la ville de Montréal, et de la Communauté urbaine de Montréal, souffrent encore aujourd'hui d'un préjudice qui leur a été causé par le fait qu'entre 1962 et 1964, celle-ci par quelque tour de passe-passe, s'était fait exempter de l'application de la loi des accidents du travail sous prétexte qu'elle assurerait elle-même ses employés.

Évidemment, sur le plan légal, cette mention ne suffit pas à elle seule à expliquer quelle était exactement la situation.

Cependant, sur le plan pratique, des employés en ont souffert et en souffrent encore.

Prévoir que, quant à certaines catégories de personnes, de travailleurs, on mettra de côté la timide protection que la présente loi veut assurer à ceux-ci, constituerait, et pour le législateur qui permettrait à la C.S.S.T. de le faire et pour la C.S.S.T. si elle le faisait, une décision inique d'un représentant du peuple ou d'un organisme précisément créé pour la protection des travailleurs.

Article 197:

Rejoignant en cela des représentations faites par d'autres organismes syndicaux, nous considérons que les amendes prévues aux travailleurs sont tout à fait disproportionnées par rapport à celles qui sont prévues contre les employeurs.

L'employeur qui contrevient à la présente loi, le fait au détriment et en risquant la sécurité et la santé physique d'un travailleur dans la seule recherche du profit.

Le travailleur qui contrevient à cette loi, le fait dans le seul but de gagner sa vie.

En ce sens, les amendes imposées à l'employeur devraient être énormément plus considérables que ce qui est prévu à la loi.

Que représente $1000 pour I.T.T., Noranda ou même la C.U.M. et quelle valeur donne-t-on à la santé et à la sécurité du travailleur qui ont été mises en danger par les agissements de l'employeur?

Parfois, certaines questions et la façon de les poser nous ramènent à une plus juste proportion des choses, à une meilleure échelle des valeurs.

Nous souhaitons que nos questions sur le présent sujet amènent le législateur à prévoir des peines beaucoup plus considérables que celles qu'il a inscrites au présent projet de loi contre l'employeur qui risque la santé, la sécurité et la vie des autres.

En conclusion, nous ne pouvons qu'approuver l'initiative du gouvernement de vouloir améliorer la protection des travailleurs, mais la désastreuse expérience que nous avons vécue depuis de nombreuses années ne peut que nous laisser sceptiques quant aux modalités d'application de cette loi et des règlements qui vont en découler. Quant à la possibilité de bonne foi de la part de notre employeur, au niveau de comités paritaires, nous nous abstiendrons de tous commentaires, ils pourraient être indécents.

ANNEXE D

MÉMOIRE SUR LE PROJET DE LOI NO. 17 sur la sécurité et santé au travail

CONSEIL CENTRAL DE MONTRÉAL (CSN) "METTRE FIN À L'HÉCATOMBE ACTUELLE" "ARRÊTER LE MASSACRE" "METTRE AU PAS LES COMPAGNIES" ETC...

Voilà des objectifs concrets qui, depuis un certain nombre d'années, occupent notre quotidien.

Coller ces mêmes objectifs à un projet de loi tel le no. 17, a de quoi faire sursauter. Ou bien on méconnaît le contenu du projet de loi, ou bien on essaie d'en passer une coulante.

Le Conseil Central de Montréal (CSN), depuis quelques années, n'a ménagé aucun effort pour appuyer toutes les luttes des syndicats, affiliés ou non, CSN ou non, de la région ou périphériques, qui

ont voulu et décidé de les mener pour arriver à dompter leurs agresseurs. Quand il s'agit de la peau des travailleurs, il s'agit de l'essentiel et le Conseil Central de Montréal (CSN) y a toujours mis le maximum de ses ressources.

Point n'est besoin de rappeler la déplorable situation actuelle des accidents et des maladies du travail. Elle est connue. Les statistiques, plus fraîches les unes que les autres, ne font que noircir toujours plus et davantage le tableau déjà désastreux pour les travailleurs et leurs familles. Pour ce qui est des compagnies, Dieu sait, et tout le monde aussi, ça va assez bien merci! Problème de santé? Problème de sécurité? Vous repasserez!

Nous faisons nôtres la critique et chacune des revendications que la CSN vous a soumises précédemment. Nous ne les reprendrons pas ici. Cependant, nous vous invitons à en tenir compte, car nos remarques se situent dans cet ensemble déjà livré devant vous.

Au point de départ, résumons-nous. Pour le Conseil Central de Montréal (CSN), le projet de loi 17 déforme systématiquement l'ensemble des revendications que les travailleurs ont mises de l'avant à travers leurs luttes depuis un certain nombre d'années. Plus encore, le projet de loi 17 interdit l'usage réel et efficace du principal instrument que ces mêmes travailleurs se sont donnés pour forcer les employeurs à respecter leur santé, leurs organisations syndicales. Bref, le projet de loi 17 confie entièrement la peau des travailleurs à une super Commission des Accidents du travail (article 281) boursouflée de tous les pouvoirs possibles (article 185) même celui de suspendre l'application de la loi elle-même (185, 35) et encore et toujours financée (article 209) et contrôlée (article 114) par les employeurs.

UNE COMMISSION DES ACCIDENTS DU TRAVAIL BOURSOUFLÉE

Les travailleurs connaissent très bien les objectifs et le fonctionnement de la CAT. Par exemple, de 1938 à 1973, c'est-à-dire en 35 ans, la CAT a reconnu seulement 444 cas d'amiantose quand on sait que, seulement en 1974, l'étude entreprise par la CSN par les médecins du Mont Sinai de New York avait démontré que plus de 900 des 1,200 mineurs examinés, avaient des infections pulmonaires reliées à l'amiante! C'est aussi cette même CAT qui, en 1977, refusait 82% des demandes de réclamation pour amiantose; 85% des demandes de réclamation pour les maladies pulmonaires; et 77% des demandes de réclamation pour l'ensemble des maladies du travail.

C'est aussi cette même Commission des Accidents du Travail qui a toujours refusé de reconnaître la maladie des soudeurs, la sidérose, malgré les conclusions de l'étude effectuée par le département de Santé Communautaire de Lévis sur les travailleurs des Chantiers Maritimes de Lauzon (180 cas de sidérose et 400 cas de troubles pulmonaires sur 2,000 travailleurs examinés).

C'est aussi le Comité de spécialistes pour les poumons de cette même Commission qui a été dénoncé par le président des chefs de départements de santé communautaire, le Dr Landry, pour avoir publié une étude, sans fondement scientifique à propos des travailleurs victimes des poussières d'amiante. C'est dans cette étude que la CAT déclarait que seulement 2,37% des travailleurs examinés étaient atteints d'amiantose.

C'est ce même repaire d'incompétents et de bouffons qui vient de découvrir que 28 travailleurs, qu'il avait lui-même déclarés amiantosés, ne le sont plus maintenant alors qu'il est bien connu que c'est une maladie non régressive.

C'est à cette même CAT qu'il y a présentement une liste d'attente de 2,600 cas en révision et que le délai moyen de la révision est d'un an. C'est cette même CAT qui, depuis un an et demie refuse systématiquement les cas d'aggravation, etc.

Nous pourrions donner des dizaines et des dizaines d'autres exemples qui démontrent que la Commission des Accidents du Travail a toujours été et est encore, au service des patrons.

Aucun travailleur ne croira que boursoufler la CAT de tous les pouvoirs possibles et imaginables de recherche, de formation, d'information, d'inspection, de réglementation, de sanctions, etc., et la transformer en Commission de la Sécurité et de la Santé du Travail ne changera quoi que ce soit au régime qu'il connaît depuis 1931.

Le Conseil Central de Montréal (CSN) exige que la CAT demeure une mutuelle patronale de compensation et rien d'autre.

LE MINISTÈRE DES AFFAIRES SOCIALES SOUS LA JURIDICTION DES EMPLOYEURS

Le Conseil Central de Montréal (CSN) exige que les services d'enquête, de recherches, que la définition des priorités et les programmes de prévention au sujet de la santé des travailleurs soient sous l'autorité du Ministère des Affaires Sociales.

Il apparaît tout à fait loufoque que des institutions du réseau des affaires sociales tels les DSC et les CLSC soient dépendants et à la remorque du financement patronal via la nouvelle CAT pour les services de santé qu'ils doivent rendre. (article 84)

Bien que loufoque, cette disposition se confirme par les articles 109 à 81 qui précisent que dans tout cela le MAS est un observateur à qui on ne fait que soumettre des projets de programme-cadre et les contrats types.

Le Ministère n'a pas à s'occuper de la santé des citoyens au travail. Car, comme on le voit, les patrons ont intérêt à s'occuper de leur cheptel. Le projet de loi 17 ne fait rien d'autre que de les confirmer dans cette responsabilité.

Bannir définitivement les médecins de compagnies

Le Conseil Central de Montréal (CSN) s'oppose fermement à l'imposition par qui que ce soit de tout médecin. Il revendique que les travailleurs jouissent, comme tout citoyen, du choix de son médecin. Nous sommes convaincus que les articles 87, 88, 91, 92, 93 et 100 visent carrément à nous réimposer les médecins de compagnies mais en les faisant payer par nos taxes, par la RAMQ. On ne veut plus avoir affaire avec ces médecins "gestionnaires des compagnies", comme on ne veut plus avoir affaire aux médecins de la CAT qui n'ont eu qu'un seul objectif et qu'une seule pratique; bloquer les travailleurs dans leurs droits à la compensation.

Sommes-nous assez clairs? Comme travailleurs nous ne voulons pas de statut particulier. Nous voulons choisir notre médecin comme cela nous est reconnu dans la loi sur les services de santé et les services sociaux qui dit que "rien dans la présente loi ne limite la liberté qu'a une personne qui réside au Québec de choisir le professionnel ou l'établissement duquel elle désire recevoir des services de santé ou des services sociaux, ni la liberté qu'a un professionnel d'accepter ou non de traiter cette personne."

Cette revendication est fondée sur la pratique concrète des médecins de compagnies et des médecins de la CAT qui n'ont jamais trouvé de maladies, pas plus à la CTCUM qu'à Thetford, Sorel ou ailleurs.

À la CTCUM, il y a quatre (4) médecins qui, depuis des années, regardent les gars devenir sourds. Ce n'est que lorsque le syndicat, sur ses propres bases, a décidé de faire passer des tests à ses membres que les médecins, tout à coup, se sont mis, dans un temps record, à faire la même chose. Dans le premier département examiné, le syndicat a découvert que 35 ouvriers sur 45 avaient une perte de 25 décibels pour une ou deux oreilles, à une ou plusieurs fréquences de bruit. Jamais auparavant les quatre médecins n'avaient découvert quoi que ce soit.

À la Vickers, depuis des années, il y avait un chef de premiers soins absolument incompétent qui jouait dans les yeux des gars pour leur enlever des poussières de métal et qui les droguait aux petites "pilules brunes" pour tous les autres maux. Le syndicat a fait ses recherches et il a découvert que c'était du Tandéaryl.

On sait que le Tandéaryl est un médicament pour l'arthrite qui doit être administré sous contrôle médical suite à des analyses de sang et sur prescription. Le syndicat a donc revendiqué que cesse cette pratique et qu'on libère les travailleurs des mains de ce boucher-pusher. Il a fallu un débrayage et une occupation du "first aid" pour que la compagnie engage du personnel infirmier compétent.

C'est invariable. C'est à partir du moment où les gars et les filles, soutenus par leurs organisations syndicales, décident de faire la lumière sur l'état réel de leur santé que les médecins de compagnies se mettent à trouver des petites affaires et encore! La plupart du temps, ils s'organisent pour minimiser la situation réelle et surtout ils s'ingénient à trouver des explications "abracadabrantes". Par exemple, "si tu est sourd, c'est parce que tu dois trop aller dans les discothèques ou que tu es un grand amateur de motoneige. Ce n'est surtout pas parce que tu travailles à côté d'une presse qui dégage 105 décibels". On sait que la norme légale est de 90 décibels même si elle produit des pertes irréversibles, et la norme sécuritaire est de 75 décibels, (32 fois plus sécuritaire).

Des amiantosés se sont fait dire par les médecins de la CAT, que leur affection pulmonaire était due à la cigarette alors qu'ils n'avaient jamais fumé de leur vie. "Alors tu travailles avec des gens qui fument" se sont-ils fait rétorquer!

Ça suffit. Nous ne voulons plus avoir affaire aux médecins de compagnies, ni aux médecins de la CAT. Ça suffit, on veut être en mesure d'avoir recours aux médecins et aux spécialistes de notre choix, indépendamment des patrons et rémunérés par le réseau public. Il n'est plus question de laisser de quelque manière que ce soit les patrons tripoter nos dossiers médicaux. On ne veut plus se faire fourrer.

Au moins faire respecter ce qui existe

Ce que nous demandons, c'est d'abord le respect des normes existantes. Commençons par nous assurer du minimum vital. Ensuite, on améliorera. Mais le projet de loi 17 fait exactement le contraire.

En effet, à l'article 219 de la loi, on peut lire: "la présente loi remplace la loi des établissements industriels et commerciaux". Il en est ainsi à l'article 221, on dit que la loi de l'inspection des échafaudages est abrogée. À l'article 241, c'est la loi des mines qui est abrogée. Aux articles 257 à 265, c'est la loi de la qualité de l'environnement qui est abrogée sur les lieux du travail.

Ces réglementations étant abrogées, les travailleurs n'auront plus aucune base pour exiger la protection de leur santé et de leur sécurité au travail. Les inspecteurs ne seront plus en mesure d'exiger le respect de certaines normes écrites dans les différents codes de sécurité.

Les travailleurs en seront donc réduits à se fier aux normes que les associations sectorielles voudront bien déterminer. Autrement dit, dans la pratique ce sera exactement ce qui se passait dans les

mines et carrières alors que les employeurs, les ingénieurs-inspecteurs et leur chef décidaient d'approuver les méthodes de travail des compagnies et mettaient de côté les lois du Québec, de sorte que lorsqu'une mine empoisonnait, blessait, ou tuait un ouvrier au travail, selon une certaine méthode de travail, les autres mines étaient autorisées à procéder de la même façon. Les ouvriers étaient mutilés et les veuves recevaient leur cadavre.

Dernièrement encore, fin juin 1979, le ministre des Ressources naturelles du Québec, Yves Bérubé, a menacé la compagnie Asbestos Corporation de Thetford de mettre fin au moratoire qui permettait à la compagnie de ne pas respecter les lois provinciales anti-pollution et de la sécurité industrielle... (Dimanche-Matin, 1er juillet 1979).

Quelques jours plus tard, c'était le premier ministre René Lévesque qui avouait aussi qu'il allait faire appliquer avec insistance les lois du Québec pour la protection de l'environnement et de la santé des travailleurs.

Autrement dit: "Si vous n'êtes pas corrects avec nous, on va défendre la peau des travailleurs. Si vous l'êtes, no problem. Ils peuvent crever." Belle mentalité! Mais mentalité réelle. Mentalité actuellement appliquée dans les beaux et grands projets exceptionnels comme la baie James où ça meurt en chaîne comme lors du projet olympique. Mentalité scellée dans le projet de loi où il est spécifiquement prévu que dans le cas des chantiers exceptionnels, la Commission peut suspendre l'application de la loi. (articles 181 à 184).

Actuellement à la baie James, les conditions de vie, de travail et d'insécurité pour la santé des travailleurs sont à peu près les pires dans le Québec. Parmi les employeurs de la baie James, l'Hydro-Québec est le plus mauvais employeur en ce qui a trait aux conditions de sécurité et de santé au travail. En effet, sur la seule ligne de transmission de l'Hydro on a connu depuis juin 1979 à juillet 1979 sept (7) morts en sept (7) semaines. Il y a de quoi se vanter qu'on puisse ériger dans un temps record la ligne de transmission de la baie James à Montréal et finir les travaux un (1) an avant la fin de l'échéancier.

Tout le monde sait qu'à la baie James le travailleur qui fait mine d'ouvrir la bouche pour parler de conditions de travail dangereuses, soit à cause de l'outillage ou de toutes autres situations, se fait dire par n'importe quel contremaître de n'importe quelle compagnie: "Si tu n'es pas satisfait, prends l'oiseau bleu." Il s'agit de Quebecair ou de Nordair.

À la baie James, l'Association des employeurs (AEBJ) reçoit environ $750 000.00 par année à même les taxes des contribuables du Québec. Cependant, on compte à peine quelques délégués de chantier, même si la FTQ y est majoritaire, parce que les travailleurs qui acceptent de représenter leurs compagnons de travail sont mis à pied ou ne sont pas rappelés à la saison suivante. Même s'ils ont déposé des griefs en fonction des conditions de santé et de prévention des accidents du travail.

Il serait important d'avoir un "bureau de normes indépendant", normes qui s'appliqueraient partout et en tout temps. Cependant, si le syndicat ne peut pas s'organiser pour les faire respecter, tout ça devient caduc comme ça l'est à la baie James actuellement.

On exige l'élimination des dangers à la source.

Le projet de loi 17 répond par l'élimination du syndicat.

Le plus grave dans tout ce projet de loi c'est qu'il déforme littéralement notre principale revendication: l'élimination des dangers à la source. S'il est question d'éliminer quelque chose, c'est le syndicat lui-même qu'on élimine. "Ce projet de loi a pour objet d'établir les mécanismes de participation des travailleurs et des employeurs à l'élimination des causes d'accidents du travail et de maladies professionnelles". C'est ce qu'on lit au premier paragraphe des notes explicatives du projet de loi no. 17.

Au cinquième paragraphe: "II (le projet) crée un comité de santé et de sécurité au sein de certaines catégories d'établissements..." D'après ces notes explicatives et les communiqués ministériels que les media ont publiés, ce serait par le moyen d'un comité de santé et de sécurité paritaire que les travailleurs et leur employeur "arriveront à l'élimination des causes d'accidents du travail et de maladies professionnelles".

Voyons de plus près la première fonction du Comité de santé et de sécurité (article 63). 1° "De choisir les moyens et équipements de protection individuels qui, tout en étant conformes aux règlements, sont les mieux adaptés aux besoins des travailleurs de l'établissement;"

II n'est donc pas question de participation à l'élimination des causes d'accidents et de maladies professionnelles, mais de participation pour obliger les travailleurs à porter des armures: casque, lunettes, bouchon ou coquille pour les oreilles, masque, mitaines, bottines, gants, jambière, tablier, visière, etc. Mais il n'est pas question de la chaleur, de l'humidité, de l'air vicié et encore moins d'air frais et/ou d'éclairage adéquat dans une ambiance qui ne perce pas les tympans.

Quand on sait que la participation des travailleurs consiste aussi à recevoir "les plaintes de l'employeur relativement à la santé et à la sécurité du travail" (le paragraphe 9 de l'article 63), on devine que ces plaintes viseront les travailleurs qui ne portent pas toutes les pièces de leur armure et que les travailleurs participant au comité paritaire devront faire la police sinon ils seront passibles d'une amende ou d'une peine d'emprisonnement (art. 197).

Où sont les mécanismes de participation à l'élimination des causes d'accidents et de maladies du travail?

Voyons plus loin la deuxième fonction du comité de santé et de sécurité au travail 2° "Établir, au sein du programme de prévention, les programmes de formation et d'information en matière de santé et de sécurité." (article 63)

II s'agit donc encore de la participation des travailleurs et de l'employeur pour la formation des travailleurs, comme si la préoccupation des travailleurs en regard de leur santé et de leur intégrité physique, était aussi la préoccupation et l'intérêt prioritaire de l'employeur, des P.M.E. et des compagnies internationales comme Alcan, Asbestos Corporation, Atlas Asbestos, Noranda, Union Carbide, Fer et Titane et la plupart des hôpitaux.

La formation et l'information des travailleurs et des militants ouvriers avec la participation des employeurs, voilà un idéal qui est caressé par tous les employeurs et qui honore le Ministre d'État au Développement Social, de même que les représentants ouvriers qui appuient cette conception. Cependant, le moins que nous puissions dire, sans rire, c'est qu'elle est en parfaite contradiction avec l'enseignement de sa Sainteté Pie XII qui veut que "l'apôtre d'un travailleur soit un autre travailleur."

C'est inscrit dans la peau des travailleurs que les profits passent avant les hommes, les femmes, les enfants et les personnes usées.

Même certains Ministres sont d'avis que la priorité des compagnies c'est le profit et non la protection des travailleurs. C'est ça, le capitalisme. À quel type de formation faut-il à plus forte raison s'attendre?

Quand l'article 47 spécifie que c'est "L'employeur qui doit faire en sorte qu'un programme de prévention propre à chaque établissement sur lequel il a autorité soit mis en application, compte tenu des responsabilités du comité de santé et de sécurité, s'il y en a un?"

Nous rapprochons-nous de l'élimination des dangers à la source?

Au contraire, plus on va loin dans l'article 63 au sujet des fonctions du comité, plus on s'éloigne de l'élimination des dangers à la source.

Voyons les différents titres qui suivent: 3. Faire des recommandations à l'employeur relativement au programme de prévention...; 4. Coopérer avec l'employeur à l'élaboration des autres éléments du programme de prévention et de veiller à sa mise en application...; 5. Choisir le médecin responsable avec l'employeur...; 6. D'intervenir dans le cas où un travailleur exerce un droit de refus...; 7. De faire des recommandations à l'employeur concernant les mesures de surveillance et d'entretien préventif et les normes d'hygiène et de sécurité spécifiques à l'établissement...; 8. De recevoir copies des accidents et d'enquêter sur les événements... et soumettre les recommandations appropriées à l'employeur ou à la Commission...; 9. De recevoir les plaintes des travailleurs et de l'employeur...; 10. De recevoir et d'étudier les rapports d'inspection...; 11. De recevoir et d'étudier les informations statistiques...; 12. De tenir des registres des accidents du travail, et des maladies professionnelles et des incidents qui auraient pu en causer...; 13. De transmettre à la Commission les informations qu'elle requiert...

L'employeur, à chacune des recommandations ou des remarques du comité paritaire de santé et de sécurité, peut dire non — no — niet — nein ou noui.

C'est lui qui est patron. Comme à Lasalle Coke où les travailleurs avaient signalé au patron qu'il y avait une passerelle dangereuse. Le patron a toujours nié qu'elle était dangereuse. Il ne l'a pas fait réparer. Un gars s'est tué en passant à travers la passerelle. Les travailleurs avaient eu beau faire la recommandation de réparer la passerelle, le patron pouvait répondre non. C'est quoi qu'on fait après si le syndicat ne peut pas intervenir? On refait la recommandation au comité paritaire et ainsi de suite? En cas de désaccord au comité de santé et de sécurité, on peut faire appel à la Commission, dont la décision n'est finale que sur les sujets traités aux paragraphes 1, 2 et 5 de l'article 63 avec deux droits de vote pour le P.D.G. (article 114).

Pour le reste, il n'y a rien à faire, sauf placoter et servir de boîte postale.

C'est ainsi qu'on en vient à faire partager par des travailleurs les responsabilités de l'employeur sans toucher à son autorité, à son pouvoir et à son droit de veto.

Plus encore, on essaie d'engager la responsabilité du syndicat en lui faisant déléguer des représentants au fameux comité paritaire.

Cependant, dans l'exercice concret, ces derniers deviennent responsables de l'application du programme de prévention de l'employeur et ne sont pas redevables devant le syndicat.

Le comité paritaire est une imposture visant à faire partager aux travailleurs la responsabilité de leur agresseurs. Monsieur Robert Sauvé, président de la CAT, a été très clair là-dessus. "La responsabilité qui était portée par les seuls employeurs s'étend maintenant aux travailleurs. C'est un changement majeur." (Le Devoir, 23 novembre 1978). Effectivement, et nous n'en voulons surtout pas. Ce que nous voulons, c'est de toujours être en mesure de forcer les employeurs à éliminer les dangers à

la source. Et seule la force ouvrière organisée peut y arriver. C'est pourquoi nous sommes en parfait désaccord avec le projet de loi no. 17 car il écarte systématiquement le syndicat de tout le dossier de la santé-sécurité.

En effet, le projet de loi parle des associations accréditées ou de leur équivalent, à l'article 14 "Un représentant de l'association accréditée peut être convoqué pour procéder à l'examen d'une situation dangereuse."

À l'article 23, l'association peut en appeler d'une décision de l'inspecteur dans le cas du droit de refus de travailler dans une situation dangereuse.

À l'article 50, l'employeur doit informer l'association accréditée du contenu du programme de prévention...

À l'article 51, l'employeur doit donner avis à l'association accréditée en cas de décès d'un employé.

À l'article 57, l'association accréditée peut donner un avis pour la formation d'un comité de santé ou de sécurité ou recevoir un avis semblable de la part de l'employeur.

À l'article 58, l'association accréditée nomme au moins la moitié des membres du comité.

À l'article 59, l'ensemble des représentants des travailleurs, de même que l'ensemble des représentants de l'employeur ont droit respectivement à un seul vote au sein du comité.

À l'article 67, lorsqu'il existe un comité de santé et de sécurité dans un établissement, les travailleurs choisissent parmi leurs représentants au comité une ou des personnes pour exercer les fonctions de représentant à la prévention qui devra être accrédité par la Commission et qui aura pour fonction d'appliquer le programme du patron.

À l'article 91, les représentants des travailleurs ou les représentants de l'employeur peuvent adresser une requête à la Commission des affaires sociales aux fins de démettre de ses fonctions auprès d'un établissement le médecin qui est responsable des services de santé.

À l'article 98, le médecin responsable doit signaler à l'association accréditée toutes déficiences dans les conditions de santé, de sécurité ou de salubrité susceptibles de nécessiter une mesure de prévention.

À l'article 101, le chef de département de santé communautaire (DSC) transmet aux associations accréditées les informations statistiques et les résultats des activités au niveau des services de santé.

À l'article 193, l'association accréditée peut choisir d'avoir recours à la procédure du règlement des griefs plutôt que de porter plainte au commissaire du travail.

Qu'est-ce qu'il y a dans ces articles-là, sinon du placotage et transformer le syndicat en boîte aux lettres à l'exception de l'article 58 où le syndicat cautionne une voie sans issue.

Le projet de loi no. 17 nie la responsabilité de l'organisation ouvrière d'enquêter, d'informer, de former et surtout de mobiliser pour forcer le patron à éliminer les dangers à la source.

Il nie tellement bien cette responsabilité que si jamais le syndicat la maintenait en dépit de l'article 280 (conciliable), il se voit viser par l'article 197 "amendes et prison pour quiconque contrevient,... ou induit quelqu'un d'autre, etc.".

Et c'est ça qu'il y a de nouveau dans le projet de loi no. 17 et qui découle du fameux principe que les victimes doivent maintenant partager les responsabilités de leurs agresseurs. Maintenant on pourra congédier, mettre à l'amende, poursuivre en justice, condamner pour outrage au tribunal, emprisonner des travailleurs parce qu'ils sont désormais responsables de leur propre santé-sécurité (article 38), et cette responsabilité consiste à porter des appareils individuels de protection.

Et on y va avec la méthode expéditive. Congédiement en dedans de 10 jours (31) sans tenir compte des délais de la convention collective, poursuite sommaire, amendes, prison.

Faut pas que ça traîne!

Pour les employeurs, on connaît le système. À la Vickers, Paul-Émile Séguin meurt le 30 janvier 1978. Le coroner Déry, après enquête et audition, conclut à la responsabilité criminelle de l'employeur. Il terminait sa sentence ainsi: "La preuve a révélé, et plus spécialement le témoignage des deux (2) représentants du Ministère du Travail, MM. R. Landry et A. Farah, que, à la société Canadian Vickers Limited, l'on ne tenait à peu près jamais compte des recommandations faites par le Ministère du Travail du Québec chaque fois qu'on décelait un mode dangereux d'opération sur le chantier. À ce sujet, les deux (2) représentants du Ministère du Travail du Québec précités nous ont relaté une foule de cas, tous plus flagrants les uns que les autres, où l'on intimait l'ordre de mettre fin immédiatement à une opération dangereuse pour s'apercevoir le lendemain, que telle opération susceptible de causer des accidents continuait comme si de rien n'était. Ce que nous comprenons moins c'est que, au cours de l'année 1977, malgré des cas innombrables d'infractions aux lois et aux règlements prévus, aucune procédure pénale n'ait été intentée par le Ministère du Travail du Québec malgré les sanctions prévues en pareil cas."

Le coroner continuait en disant: "Nous recommandons, en conséquence, que les autorités du Ministère du Travail du Québec fassent preuve de moins d'indulgence et plus de souci pour faire observer les lois du Code de travail".

Qu'est-il advenu? Il est advenu ce qu'il est toujours advenu à l'endroit des employeurs dans 99% des cas, une queue de poisson. Dans ce cas-ci, le procureur gouvernemental n'avait plus de preuve à faire devant la

refus de travailler?

Le syndicat étant éliminé, il va de soi que, en ce qui concerne le droit de refus de travailler, ça devient un droit individuel.

Le décret de la construction, l'article 2.2.2. du règlement concernant les établissements industriels et commerciaux (3787) et plusieurs conventions collectives CSN, identifient clairement la responsabilité de l'employeur de prendre toutes les mesures pour que la santé et la sécurité des travailleurs soient protégées.

Cependant, là-dessus le projet de loi no 17 vient modifier carrément le régime. Les employeurs conservent toute leur autorité mais leur responsabilité est maintenant définie pour être partagée par les victimes.

Quant à l'exercice même du refus de travailler, c'est de la comédie.

Article 12: "L'exercice du droit visé dans l'article 11 n'est possible que si l'exécution du travail comporte un risque qui n'est pas normalement et habituellement inhérent aux fonctions exercées."

Si vous avez l'habitude de travailler dans le bruit, dans la poussière, dans la chaleur excessive, avec des outils ou des appareils dangereux, vous êtes donc exposé à un risque normal et habituel et vous n'avez pas à vous plaindre. Vous serez empoisonné à petit feu et peut-être serez-vous assez chanceux pour ne pas être blessé par une machine, un outil ou un appareil qui n'a pas les dispositifs de sécurité nécessaires, dans les abattoirs, les fonderies, les buanderies, les mines, les scieries ou dans le textile.

En soi, le refus n'est pas une invention nouvelle. Nous l'avons dans le décret de la construction et dans plusieurs conventions collectives.

Ce qui est nouveau dans le droit de refus prévu dans le projet de loi no 17, c'est que le travailleur est obligé maintenant de risquer son emploi, seul, et qu'il est responsable lui-même de sa propre sécurité, (article 38), sous peine des pénalités prévues à l'article 197. Ce qui est nouveau dans le projet de loi no 17, c'est que le syndicat n'a pas le droit d'intervenir même quand la santé et la vie d'un de ses membres ou de plusieurs d'entre eux est en danger.

Tel que prévu dans le projet de loi, ce type individuel de droit de refus aurait obligé les 1000 et quelques syndiqués du cégep du Vieux-Montréal à faire individuellement la démarche auprès de la direction alors que l'édifice voisin, le Mont St-Louis, menaçait de leur tomber sur la tête. Et cela sans protection de leur syndicat!

En effet, ce projet de loi rejette totalement l'intervention de l'organisation ouvrière: union ou syndicat. M. Sauvé, nous en avait informé dans le Devoir du 23 novembre 1978: "II s'agit d'un droit exercé individuellement et non collectivement. En matière de relation de travail, il y avait longtemps qu'on avait vu cela. Une telle loi va rompre avec le courant moderne de la reconnaissance des droits des travailleurs."

"Aujourd'hui, le gouvernement marque son intention de revenir à un droit exercé individuellement, de s'adresser à nouveau à la personne parce que, dit-il, il s'agit de l'intégrité de cette personne."

Et ça ne regarde surtout pas les compagnons de travail qui pourraient éventuellement se retrouver dans la même situation. Que non!

Et quand tu risques, vérifie bien ton article 31. Si tu es de mauvaise foi, (évidemment c'est la CAT nouvelle version qui va en décider), tu seras congédié dans les 10 jours d'une décision finale en dépit de tout autre délai et droit consignés dans ta convention collective. All dressed!

Pour un travailleur qui croyait qu'un syndicat pouvait et devait le défendre. Hé non! Faut rompre avec ce courant moderne!

À l'hôpital de Verdun lorsqu'il y a eu le cas de salmonellose le 7 novembre 1978, le patron s'est effectivement essayé à appliquer ce bon principe. Et il aurait réussi s'il n'y avait pas eu le syndicat. Un patient arrive à l'urgence. Le diagnostic est incertain. On le transfère à l'observation. On confirme qu'il a la salmonellose qui est une maladie très contagieuse. On l'isole. Entre-temps, les buandiers manipulent ses draps souillés, qui avaient été jetés sans aucune précaution dans la chute à linge, et ils attrapent la maladie.

Dès que la maladie du patient a été connue, l'employeur n'a pris aucune disposition pour avertir les travailleurs susceptibles d'avoir été contaminés. Il leur a même dit: "vous vous êtes contaminés vous-mêmes." "C'est un risque inhérent à votre travail." Il refusait de désinfecter la buanderie. Il ne voulait pas faire examiner les autres travailleurs. Sur leurs bases syndicales, les travailleurs ont décidé de faire de l'information, de remplir une pétition et même de débrayer. L'employeur ne voulait rien savoir. Le syndicat a accroché le ministre des Affaires sociales, qui passait dans le coin, et finalement l'ensemble des revendications ont été satisfaites: désinfection et peinture de la buanderie, examen de tous les travailleurs, remboursement par la CAT pour maladie du travail (l'employeur voulait que les travailleurs pigent dans leurs congés de maladies), etc...

On sait ce qu'il serait arrivé si individuellement les travailleurs avaient eu à se présenter un à un devant l'employeur avec sa force d'intimidation et de répression, et eux, tous nus, sans défense possible de leur syndicat.

On sait ce qui serait arrivé si devant le refus de travailler d'un travailleur il en avait désigné un autre comme le prévoit le projet de loi (art. 19 et 26) alors que rien n'était désinfecté. Le droit de refus tel que prévu dans le projet de loi c'est envoyer les travailleurs à l'abattoir.

On ne vous parlera pas des actions que nous avons menées dans les buanderies d'hôpitaux et où on a réussi à faire améliorer pas mal de choses. Monsieur Jean-Marc Jodoin, vice-président de la CAT, signale même que c'est le seul secteur d'activités dans les hôpitaux qui a connu en 1976/77 une diminution d'intoxication et une très grosse diminution: 89%. Tous les autres secteurs ont augmenté: 59.9% d'augmentation d'accidents avec perte de temps par rapport à 29% d'augmentation pour l'ensemble des secteurs économiques; augmentation du triple pour les maladies professionnelles par rapport au double pour l'ensemble des secteurs économiques, etc...

Et les non-syndiqués, nous rétorquera-t-on? N'y trouveront-ils pas leur compte? N'est-ce pas un pas en avant?

Il s'agit vraiment du pas en avant du travailleur qui est au bord du précipice ou au bord de la porte parce que de toute façon il n'a pas de clause d'ancienneté ni d'organisation pour faire respecter les droits que lui reconnaissent les lois, y inclut ce projet de loi.

Les travailleurs non-syndiqués qui n'ont aucune protection effective ne se risqueront pas plus après l'adoption de la loi qu'avant. Ils savent fort bien que le patron peut en n'importe quel temps les faire sauter. Croire le contraire, c'est être déconnecté et ne pas connaître la domination quotidienne des employeurs sur leurs travailleurs non-syndiqués. La seule force des travailleurs a toujours été leur force collective. La solution pour les non-syndiqués, c'est l'accès à la syndicalisation. Là-dessus, à ce que nous constatons, ils peuvent toujours attendre. On se rend bien compte que la volonté politique s'est singulièrement ratatinée en cette matière. Non seulement on ne facilite pas l'accès à la syndicalisation, on essaie même dans ce projet de loi 17 de contrer l'action syndicale des travailleurs déjà syndiqués.

Ce que nous demandons pour les syndiqués, nous la réclamons à double cris pour les non-syndiqués; à savoir des dispositions législatives et des codes précis à côté desquels les employeurs ne pourraient pas passer sous peine de sanctions sévères. Sans ces normes minimales, vous ne ferez rien d'autre qu'illusionner et tromper les non-syndiqués.

Conclusion

Toute notre expérience syndicale nous enseigne que c'est seulement en s'organisant et en luttant que les travailleurs ont réussi à améliorer leurs conditions de travail, donc leur santé et leur sécurité au travail.

Toute notre expérience syndicale nous enseigne que c'est la seule loi du profit qui guide les employeurs dans le choix de leurs décisions, même celles concernant la santé et la sécurité au travail.

Toute notre expérience syndicale nous enseigne que tous les beaux discours sur la collaboration, sur la participation ne changeront rien au rapport de forces qui est à la base des relations entre employeurs et employés.

Toute notre expérience syndicale nous enseigne que les écrits, les textes de lois et les structures mises en place par un gouvernement, ne sont pas neutres, qu'ils favorisent l'une ou l'autre des parties en présence, l'employeur ou les travailleurs; que les travailleurs ou l'employeur utiliseront à leur avantage ces textes de lois, ces écrits, ces structures.

Qu'on appelle cela du syndicalisme de lutte de classe, qu'on nous traite de marxistes, maoïstes, trotskistes, anarchistes, libéraux rouges, péquistes de gauche, etc., cela ne changera rien à la réalité quotidienne.

Le gouvernement a choisi de rendre responsables les victimes — c'est au travailleur maintenant de prendre les mesures nécessaires pour protéger sa santé, sa sécurité et son intégrité physique (article 38). Sinon, gare à lui, l'outrage au tribunal, les amendes et la prison l'attendent — son lot habituel quand il est gréviste.

Quel progrès! que de prévoir des mesures punitives contre les victimes d'une situation sur laquelle les victimes n'ont aucun contrôle.

Mais cela ne nous surprend pas malgré la sollicitude que le gouvernement dit témoigner envers les travailleurs.

Ce gouvernement qui prétend solutionner les problèmes de santé et sécurité au travail par l'institutionnalisation d'une structure miracle — le comité paritaire de salubrité — dont les membres seraient au-dessus des parties, libres de toute attache, de tout lien avec les intérêts qui les animent, ce gouvernement peut-il nier qu'il est au-dessus des parties à l'intérieur du système capitaliste? Ce gouvernement peut-il affirmer qu'il est libre de prendre les décisions qu'il juge valables pour le bien-être de la société québécoise sans tenir compte de ceux qui administrent les capitaux, de ceux qui les prêtent, de ceux qui les investissent.

Ce gouvernement peut-il nier que l'actuel projet de loi no 17, visant à freiner les revendications des travailleurs organisés, s'inscrit dans une stratégie d'ensemble des pays capitalistes membres de l'O.C.D.E. (1) qui a inspiré plusieurs de ces pièces législatives au cours de la dernière session: le plafonnement de l'indexation du salaire minimum, le complément du revenu, la loi sur les accidents de travail (loi 114), l'amendement à la loi de l'aide sociale visant à exclure du droit aux prestations les grévistes et lockoutés — refus d'accorder les indexations prévues aux contrats, tentative de diviser les travailleurs du secteur public et du secteur privé?

Non, personne, ni aucun groupe, n'est au-dessus des parties dans notre société — C'est pourquoi nous pensons qu'un gouvernement qui proclame avoir un préjugé favorable aux travailleurs doit avoir le courage politique de reconnaître que tout est rapport de forces dans les relations employeurs-employés et, ce faisant, donner aux travailleurs des dispositions législatives sur la santé et la sécurité au travail qui les aideront dans leur lutte quotidienne à préserver leur intégrité physique. S'il ne le fait pas, c'est sur le terrain qu'on se reverra. Car c'est depuis des siècles que les travailleurs luttent collectivement pour leur santé et leur sécurité au travail.

Ils ont d'abord commencé par sortir leurs enfants des mines et des usines, en obligeant les gouvernements à hausser l'âge minimum requis pour le travail. Ils se sont battus pour une semaine de travail plus courte — le 1er mai fêté par les travailleurs résulte de cette lutte, quand des ouvriers de Chicago qui manifestaient pour l'obtention de la journée de travail de 8 heures furent abattus par la police.

Ils se sont battus pour des vacances plus longues — qui peut nier qu'en vieillissant la récupération est plus lente, plus longue, et pourtant que de luttes les travailleurs ont dû mener pour obtenir 3 ou 4 semaines de vacances après 15 ou 20 ans de travail — ils se sont battus pour une pension à 65 ans, puis à 60, pour des journées de maladie, pour un fardeau de tâches diminué, pour de plus faibles cadences — quand des travailleurs en arrivent à rejeter le système de travail à boni c'est parce que l'expérience, et non les médecins, leur a enseigné qu'un tel système de production augmente le stress chez eux, agresse leur santé et est cause d'accidents — ils se sont battus contre une organisation du travail qui les déshumanise, qui veut les réduire à l'état de robots dociles, c'est-à-dire que depuis toujours ils se battent pour leur santé et leur sécurité au travail.

Et, même si le gouvernement veut, par le projet de loi 17, éliminer les syndicats et éteindre leurs luttes, il peut être assuré que la classe ouvrière ne laissera pas abîmer davantage sa peau.

C'est beau de protéger la langue.

Le Conseil Central de Montréal (CSN) a été d'accord. Cependant, nous sommes beaucoup plus préoccupés par la protection de ceux qui la parlent. Et à ce chapitre, le gouvernement nous a déclaré la guerre. Sous prétexte qu'il veut "à sa manière" se préoccuper des droits de la nation, ce gouvernement croit peut-être qu'une majorité du peuple va encore avaler une couleuvre empoisonnée. Nous ne sommes pas dupes. Si c'est la bataille rangée qu'il veut, il l'aura!

(1) O.C.D.E. Organisation de Coopération et de Développement Economiques qui regroupent les pays industrialisés et dont le siège est à Paris.

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