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Projet de loi no 17 Présentation de
mémoires
(Dix heures onze minutes)
Le Président (M. Dussault): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Mesdames, messieurs, nous allons commencer les travaux de la commission
élue permanente du travail et de la main-d'oeuvre, dont le mandat est de
faire l'audition des mémoires sur le projet de loi no 17, Loi sur la
santé et la sécurité du travail.
Sont membres de cette commission M. Belle-mare (Johnson), M. Bisaillon
(Sainte-Marie), M. Chevrette (Joliette-Montcalm), M. Jolivet (Laviolette), en
remplacement de M. Gravel (Limoilou); M. Marois (Laporte), en remplacement de
M. Johnson (Anjou); M. Lavigne (Beauharnois), M. Mailloux (Charlevoix), M.
Pagé (Portneuf) et M. Lefebvre (Viau), en remplacement de M.
Vaillancourt (Jonquière).
Pourraient aussi intervenir: M. Brochu (Richmond), M. Forget
(Saint-Laurent), M. Alfred (Papineau), en remplacement de M. Gosselin
(Sherbrooke); M. Laplante (Bourassa), M. Paquette (Rosemont), M. Springate
(Westmount) et M. Samson (Rouyn-Noranda).
Nous devrions entendre aujourd'hui les groupes suivants, et je prierais
les porte-parole de ces groupes de s'identifier au moment où je ferai
lecture de la liste.
Je les nomme dans l'ordre de leur intervention. L'Association des
manufacturiers canadiens? Présent. L'Association des travailleurs
accidentés de la Gaspésie? Présent. Comité des
travailleurs accidentés de l'Estrie Inc.? Présent. M. Jean
Rochon? qui est absent. L'Ordre des infirmiers et des infirmières du
Québec? Présent. Mémoire conjoint des six associations
patronales de l'industrie de la construction? Présent. La
Fraternité des policiers de la Communauté urbaine de
Montréal? Présent. Le Conseil central de Montréal, CSN?
Présent.
Oui, M. le député de Laviolette?
M. Jolivet: M. le Président, le ministre s'excuse du
retard accusé et, de façon à ne pas trop retarder le
début de la commission, comme il va être ici dans quelques minutes
il demande de commencer avec le premier groupe à entendre ce matin.
Le Président (M. Dussault): Merci.
Sans plus tarder, j'invite le porte-parole de ce groupe à
s'identifier et à nous présenter ses collègues.
Association des manufacturiers canadiens, division du
Québec
M. Laurin (Guy): M. le Président, mon nom est Guy Laurin.
Je suis le directeur de la Steel
Company of Canada Ltd pour l'est du pays et le président de
l'Association des manufacturiers canadiens, division du Québec.
J'aimerais, M. le Président et messieurs de la commission, vous
présenter deux des principaux permanents de l'AMC qui, quoique
permanents, sont avec l'association depuis moins de douze mois. Il s'agit du
directeur général, M. Maurice Massé, homme avisé et
connu de plusieurs Québécois dans les milieux bancaire et des
affaires, et de M. Sarto Paquin, notre spécialiste dans le domaine des
relations industrielles et ouvrières, à ma gauche. (10 h 15)
De par sa nature et ses effectifs, la division du Québec de l'AMC
a dû se doter de collaborateurs professionnels, spécialisés
et compétents, à même ses membres et volontaires
intéressés, pour préparer et soumettre un mémoire
tel que celui que vous avez devant vous aujourd'hui. Aussi, j'aimerais
souligner la présence de quelques-uns de ses collaborateurs en la
personne de M. Roy Heenan, de la firme Johnson, Heenan & Blaikie, à
ma droite, de M. Gilles Guèvremont, de la firme Geoffrion &
Prud'homme, à sa droite, de M. Alain Bilodeau, de la firme Massicotte,
Sullivan & Bilodeau, et de M. André Bourque, conseiller juridique,
région de l'Est de IBM Canada Ltd.
Avec votre permission, M. le ministre, et l'indulgence des membres de la
commission, vu que c'est du déjà vu et déjà
entendu, j'aimerais simplement brosser un exposé sommaire de notre
mémoire en moins de quinze minutes, et demander ensuite à M. Roy
Heenan de coordonner les discussions en réponse à vos questions
sur les points les plus pertinents de notre présentation. Si la formule
vous convient, nous procéderons immédiatement avec diligence.
Le Président (M. Dussault): J'allais justement vous
inviter à faire le brossage de votre mémoire, comme vous le
disiez, en dedans de 20 minutes.
M. Chevrette: ... le procès-verbal de la commission, M. le
Président.
Le Président (M. Dussault): Si vous souhaitez que votre
mémoire paraisse intégralement au journal des
Débats...
M. Laurin (Guy): On aimerait le déposer dans son
intégrité, M. le Président.
Le Président (M. Dussault): La commission semble d'accord,
alors ce sera fait. (Voir annexe A) On vous écoute, M. Laurin.
M. Laurin (Guy): L'Association des manufacturiers canadiens,
division du Québec, représente environ 75% de la capacité
manufacturière québécoise, soit 1650 membres
répartis à travers la province, dont plus de 1200
représentant les petites et moyennes entreprises. L'OPDQ disait de
l'AMC: "... c'est le seul regroupement qui se
préoccupe uniquement des entreprises de transformation... l'AMCQ
pourrait être un interlocuteur fort valable pour l'État." Pour
l'Association des manufacturiers canadiens, il ne fait aucun doute que les
accidents de travail constituent un problème auquel il nous faut
consacrer une attention particulière, autant pour le bien-être de
nos employés que pour les coûts directs et indirects qu'ils
entraînent, affectant ainsi de façon sérieuse la
rentabilité de nos entreprises.
Les trois grands principes qui sont à retenir dans notre
présentation sont: a) la santé et la sécurité, une
priorité pour l'État.
L'Association reconnaît le besoin d'une intervention collective
dans le domaine de la sécurité au travail et reconnaît que
l'État puisse prendre certaines initiatives dans le but de planifier et
orienter la prévention des maladies et accidents du travail. Que le
gouvernement devrait être beaucoup plus actif que par le passé
dans le secteur de la recherche, de l'information aux employeurs et aux
employés.
Le deuxième principe de base, la santé et la
sécurité, c'est une responsabilité partagée. Il est
évident que dans un projet de loi de cette envergure,
l'efficacité dépend de tous les partenaires, à savoir
l'État, l'employeur et le travailleur. Cependant, si l'employeur doit
être l'ultime responsable des accidents et des maladies dont ses
employés peuvent être victimes au travail, il faut lui laisser les
moyens d'agir avec diligence pour corriger les situations susceptibles de les
entraîner. La notion des comités paritaires avec pouvoir
décisionnel ne peut aucunement s'accommoder de cette
responsabilité ultime qui incombe et doit incomber à
l'employeur.
Le troisième principe de base: Santé et
sécurité, une responsabilité parmi d'autres pour les
employeurs. Les entreprises ont un rôle social à jouer et
l'entreprise doit être rentable. Il faut donc accorder la priorité
aux moyens qui, tout en permettant d'atteindre les objectifs visés,
permettront à l'entreprise de maintenir une efficacité
rentable.
Dans les commentaires additionnels, nous soutenons que l'analyse de la
situation contenue dans le livre blanc nous semble déficiente à
bien des égards car elle n'a pas été suffisamment
poussée pour qu'on puisse en tirer les conclusions qui ont
inspiré le projet de loi no 17. Aux pages 7, 8 et 9, on souligne les
conclusions que j'appellerais gratuites et, dans quelques cas, erronées
des mêmes statistiques qui pourraient être plus approfondies. Le
livre blanc et le projet de loi no 17 nous semblent inspirés d'une
approche et d'une vision très particulières de la
société par certains groupes, approche qui fait de
l'employé une victime impuissante d'un système orienté
uniquement vers la réalisation des profits. L'étude des
conventions collectives et de récentes décisions arbitrales
révèle que des recours existent pour les travailleurs dans
l'exercice de leurs fonctions. Donc, la situation n'est pas aussi noire que
certains voudraient le prétendre.
Nos commentaires généraux sont divisés en dix
points. Le premier point: les objectifs. Les objectifs visés par la
réforme sont indéniablement louables et l'AMC s'empresse d'y
souscrire sans réserve.
Deuxième point: recherche, formation et information. Nous sommes
également d'avis qu'il faut intensifier les efforts en matière de
recherche, de formation et d'information concernant la sécurité
au travail.
Troisièmement, droits et obligations. Ici. nous avons trois
sous-paragraphes qui sont le droit de refus de travail, le droit des employeurs
et celui des fournisseurs. Quant au droit de refus de travail, l'association
déplore au plus haut point la naïveté dont fait preuve la
rédaction des articles concernant le droit de refus. J'aimerais
souligner qu'on ne parle pas de personnalité. On parle de la
naïveté de la rédaction, M. le Président.
Inutile de légiférer, car ce principe de droit commun est
depuis longtemps reconnu par la jurisprudence arbitrale et même certains
mouvements syndicaux qui fait que le travailleur a déjà le droit
de refuser d'exécuter un travail dans certaines conditions. La
jurisprudence, toutefois, a reconnu certaines réserves dans l'exercice
de ce droit. D'abord, le risque à la santé et à la
sécurité doit être sérieux et représenter un
danger grave et immédiat qui ne fait pas partie inhérente de son
travail habituel. De plus, l'employé doit croire, de façon
raisonnable et objective, qu'il s'expose à des possibilités de
blessures sérieuses, s'il exécute l'ordre donné.
En présumant que le droit de refus ne serait jamais
utilisé de mauvaise foi par un travailleur ou par un groupe de
travailleurs, pour des fins autres que la santé et la
sécurité au travail, le gouvernement fait preuve d'une grande
crédulité. Au Québec, du 1er janvier au 30 juin 1979, il y
a eu 1 295 000 jours-homme perdus, dont la moitié dans le secteur
manufacturier. On sait très bien qu'historiquement, le pourcentage de
jours-hommes perdus, au Québec, à cause de grève, a
placé notre province au premier ou deuxième rang au Canada dans
ce domaine. Une position non enviable.
L association se demande pourquoi le gouvernement ne reconnaît pas
cette désastreuse performance dans le projet de loi no 17. L'association
remarque avec beaucoup de regret que le gouvernement n'a pas donné suite
aux recommandations du livre blanc sur la question de bonne foi de notre
travailleur et à la notion d'imminence du danger.
De plus, l'article 31 empêche l'employeur d'imposer toute mesure
disciplinaire, à moins qu'il ne prouve la mauvaise foi de
l'employé, et en faire la preuve est une tâche des plus
difficiles. La reconnaissance du droit du refus de travail, dans la
jurisprudence arbitrale, était basée principalement sur la notion
de bonne foi et l'abus était ainsi freiné par la
possibilité de mesures disciplinaires.
L'association demande pourquoi on reconnaît aux travailleurs le
droit de refuser d'exécuter un travail, même si le comité
de santé et de sécurité
arrive à la conclusion que le travail ne représente aucun
danger et même si d'autres travailleurs consentent à
exécuter le travail demandé.
L'association craint vivement qu'au lieu d'améliorer la situation
des travailleurs, le gouvernement ne l'aggrave. D'un autre côté,
le projet de loi n'exige aucune compétence de l'agent à la
prévention. Il n'est qu'un officier élu par les travailleurs.
En conclusion, le gouvernement politise le lieu de travail par la
décision des articles sur le droit de refus, encourage les batailles
idéologiques, enlève la question ou la notion de
compétence à l'égard de la santé et de la
sécurité au travail et, selon l'association, cela est dangereux
et risque de donner des résultats complètement opposés au
désir exprimé par le gouvernement.
Le manque de protection de l'employeur et la façon dont le
gouvernement a rédigé les droits des travailleurs et du
représentant à la prévention constituent une incitation
à utiliser ce droit de refus pour des fins autres que la santé et
la sécurité du travail.
Deuxième sous-paragraphe, les droits de l'employeur. Les articles
39 à 51 concernant l'employeur comportent un degré inacceptable
d'inconnues, car la plupart des dispositions renvoient aux pouvoirs
réglementaires, ce qui nous semble abusif. Dans cette seule section, le
mot "règlement" revient 18 fois.
Il est pour le moins essentiel que l'employeur se voie reconnaître
par la loi, le droit fondamental, et je cite, "de prendre les mesures
nécessaires pour protéger la santé et la
sécurité des employés." Citation qui provient de la loi et
du livre blanc.
Quant aux fournisseurs, telle que libellée, la section se
rapportant à eux semble exiger que tout produit, procédé,
équipement ou matériel, dangereux ou non, doit être
sécuritaire et conforme au règlement. Nous croyons plutôt
que l'intention du législateur a été de réglementer
la fabrication, la vente, la distribution et l'utilisation de contaminants et
de matières dangereuses. Il y aurait donc lieu d'indiquer clairement,
aux articles 52 à 55, que ces obligations générales
traitent exclusivement des contaminants et matières dangereuses.
Les comités de santé et de sécurité.
Le projet de loi propose de donner un pouvoir décisionnel sur un
certain nombre de questions au comité sur la santé et la
sécurité. D'autre part, le projet de loi prévoit que
l'employeur reste l'ultime responsable de la santé et de la
sécurité dans l'établissement. Il est difficile de penser
que l'employeur, ayant la responsabilité d'assurer la rentabilité
de l'entreprise, voudra céder ses responsabilités au
comité de santé et sécurité sans avoir l'assurance
que ce dernier les utilisera dans le meilleur intérêt de toutes
les parties concernées.
L'association croit sincèrement que, pour ce qui est d'assurer la
santé et la sécurité, les comités de santé
et de sécurité existants ont eu autant de succès par voie
de recommandations à l'employeur que la mesure proposée n'en
aura.
Le comité de santé et de sécurité doit donc,
à notre avis, revêtir un caractère consultatif. 5.
Représentants à la prévention.
L'AMC s'oppose vigoureusement à la création de postes de
représentants à la prévention, tel qu'indiqué au
chapitre V du projet de loi, aux articles 67 à 72. La
responsabilité ayant toujours été reconnue jusqu'à
maintenant à l'employeur en matière de sécurité,
nous croyons qu'il serait tout à fait logique de prévoir que, si
un poste de représentant à la prévention devait être
institué dans une entreprise, il soit détenu par un
représentant de l'employeur. 6. Les services de santé au
travail.
Le chapitre VIII, couvrant les articles 81 à 101, traite des
services de santé au travail. La législation proposée
préconise des changements radicaux au régime actuel.
L'Association est d'avis que le rôle des services de santé de
l'État devrait se limiter à l'analyse et à la
prévention de tout phénomène collectif, ainsi qu'à
un rôle supplétif concernant les entreprises, et plus
particulièrement les petites et moyennes entreprises.
En effet, de nombreuses entreprises possèdent déjà
un service de santé et l'expérience passée ne justifie
pas, à notre avis, qu'une grande partie de leur rôle soit
dorénavant dévolue aux services de santé de
l'État.
L'association tient également à ce qu'on note sa profonde
dissidence au sujet du principe voulant que l'on confie au comité de
santé et de sécurité le choix du médecin
responsable de l'établissement, plus particulièrement dans les
cas où l'entreprise possède déjà son
médecin.
En guise de conclusion, l'association est d'avis que le bouleversement
du régime actuel préconisé par le projet de loi, quant aux
services de santé, ne rejoint pas les objectifs du législateur
qui désire s'assurer de la santé et de la sécurité
des travailleurs.
L'association croit que le régime proposé aura pour effet
de pénaliser de nombreuses entreprises déjà bien
organisées dans le domaine de la santé et de la
sécurité au travail. Elle soutient donc qu'un rôle
supplétif des services de santé de l'État ainsi que
l'analyse et la prévention des phénomènes collectifs
atteindraient plus sûrement et à moins de frais les objectifs
visés.
Compte tenu de ce qui précède, l'AMC suggère donc
au législateur de se pencher à nouveau sur ce chapitre
précis et de le reformuler en tenant compte des remarques et suggestions
qui vous sont soumises. 7. L'inspectorat. Les articles 134 à 139
traitent des inspecteurs qui seront chargés de voir à
l'application de la loi et des pouvoirs qui leur sont
conférés.
Nous reconnaissons volontiers la nécessité de ces
inspecteurs et le fait qu'ils doivent être dotés de certains
pouvoirs. Toutefois, ces pouvoirs ne doivent pas être aussi
étendus que ceux prévus par l'actuel projet de loi.
L'article 143 stipule que les travailleurs dont l'établissement a
été fermé ou dont les travaux ont
été suspendus par un inspecteur sont
considérés comme ayant régulièrement
travaillé et sont notamment rémunérés en
conséquence.
Cette double pénalité ne nous apparaît pas
nécessaire pour atteindre les buts visés par la loi.
Ce projet de loi vise la protection de la santé et de la
sécurité des travailleurs, mais il ne doit pas, dans la poursuite
de ce but, mettre en péril la survie des entreprises. Nous recommandons
fortement l'abrogation de cet article. 8. Les règlements. L'AMC trouve
pour le moins surprenant le nombre incalculable de fois où nous
retrouvons dans ce projet de loi le terme "règlement".
Nous croyons essentiel, à l'article 186, que les
règlements de la commission ainsi que leurs modifications soient
publiés et qu'ils ne prennent effet qu'après un délai
raisonnable de leur publication afin de permettre aux employeurs de s'y
conformer, le cas échéant. 9. Les recours. Il faudrait absolument
voir à rayer des articles 31 et 191 l'expression "de mauvaise foi",
alors que "l'autre cause juste et suffisante" existant jusqu'à
maintenant dans le Code du travail est amplement "onéreuse " pour
l'employeur et que nulle part le projet de loi ne justifie l'addition de
l'autre fardeau à l'employeur, soit la preuve de mauvaise foi du
travailleur, preuve d'ailleurs illusoire en semblable matière. 10. Le
financement. Dans le livre blanc, à la page 267 on dit: "Étant
donné l'ensemble de facteurs dont il faut tenir compte,
l'évaluation des déboursés qu'entraînera le
régime proposé ne peut être d'une précision absolue
et reposera sur un certain nombre d'hypothèses."
Plus loin dans ce même livre blanc, à la page 274, on dit:
"... que la prévention constitue, à bien des égards, un
service public dont les bénéfices peuvent profiter à
l'ensemble du monde du travail et même de la société."
M. le Président, les employeurs consentent à contribuer en
partie, que ce soit de façon directe ou indirecte, à
l'application des nouvelles mesures préconisées dans ce projet de
loi, mais il est totalement inéquitable que les employeurs aient
à payer la totalité de ce nouveau fardeau financier, d'autant
plus que personne ne peut raisonnablement prévoir le coût
final.
Je fais grâce, M. le Président, à cette commission
des commentaires particuliers des pages 31 à 66 et je saute à la
page 67, où sont nos conclusions.
En conclusion, l'État ne peut rester indifférent au
problème de la santé et de la sécurité au travail
et il doit même y jouer un rôle prépondérant. Nous
croyons cependant que certaines modalités mises de l'avant par le projet
de loi no 17 sont inappropriées et pourraient même être
dangereuses, d'abord pour les travailleurs eux-mêmes et ensuite pour la
survie de nombreuses petites et moyennes entreprises. (10 h 30)
Dans le livre blanc, l'analyse statistique qui est faite donne de la
réalité une image trompeuse. Il nous apparaît
évident qu'une étude plus ap- profondie par l'État aurait
mieux permis de diagnostiquer le problème et, partant, de rechercher les
véritables solutions.
Nous croyons que les efforts déployés en cette
matière par l'entreprise privée au cours des dernières
années ont porté des résultats efficaces et qu'il
conviendrait à l'État de les reconnaître. Nous croyons que
le législateur doit donner une priorité à la recherche, la
formation et l'information et non pas aux mesures punitives comme le propose le
projet de loi no 17.
Nous sommes de plus persuadés qu'une des conséquences
sérieuses du projet de loi no 17 sera de légaliser un nombre
indésirable de grèves illégales. Nous croyons que si
l'entreprise doit être considérée comme l'ultime
responsable de la santé et de la sécurité dans ses
établissements, on ne doit pas lui imposer des contraintes qui
l'empêchent d'assumer ses obligations. Les comités paritaires avec
pouvoir de décision constituent une anomalie que nous nous devons de
dénoncer.
Dans le meilleur intérêt de la santé et de la
sécurité, nous nous devons de dénoncer l'idée de la
création du poste de représentant à la prévention,
telle que proposée. La santé et la sécurité au
travail est un des domaines des plus complexes et dans lequel on ne s'improvise
pas spécialiste. De plus, les pouvoirs de décision dévolus
aux inspecteurs sont, à notre avis, beaucoup trop larges et peuvent
constituer une entrave à la survie même de certaines
entreprises.
Avant de vouloir tout chambarder, le gouvernement devrait notamment:
procéder à une étude adéquate de la situation qui
tiendrait compte de tous les facteurs inhérents à la santé
et à la sécurité au travail; mettre l'accent sur le
développement des compétences dans le domaine de la santé
et de la sécurité au travail; offrir aux entreprises l'aide dont
elles ont besoin dans la détection des problèmes et dans la
découverte de solutions appropriées; développer
l'expertise nécessaire afin de suppléer aux lacunes des
entreprises dans ce domaine.
M. le Président, l'Association des manufacturiers canadiens,
division du Québec, recommande donc que le projet de loi soit
repensé et récrit à la lumière des
considérations et recommandations qui vous ont été et qui
vous seront soumises par les principaux intéressés.
M. le Président, afin d'amorcer nos discussions sur les points
les plus pertinents de notre mémoire, je demanderais maintenant à
Me Roy Heenan de soumettre à votre considération des
recommandations positives et constructives relativement à
l'administration de la santé et de la sécurité pour la
petite et moyenne entreprise et, plus particulièrement, pour le grand
nombre d'entreprises non syndiquées.
M. Heenan.
M. Heenan (Roy): M. le Président, messieurs les membres de
la commission, ce qui nous dérange peut-être le plus dans le
projet de loi, c'est qu'on semble sortir la notion de compétence
entièrement des questions de sécurité et de
santé.
Nous autres, et je pense qu'on a tous la même idée, on veut
la sécurité au travail. Cela, tout le monde le veut. Par contre,
c'est sur les moyens qu'on ne s'entend pas.
M. Jolivet: Parlez plus près du microphone.
M. Heenan: D'accord. Est-ce que ça va mieux?
Le Président (M. Dussault): Très bien, merci.
M. Heenan: Oui.
C'est surtout sur les moyens qu'on ne s'entend pas, car sur l'objectif,
tout le monde est d'accord, sortir de la compétence de ce domaine...
C'est un domaine où on a essayé, au moins, d'enlever tout
simplement la question de la négociation et des confrontations qu'on
voit habituellement, de l'inclure dans un domaine qui est en dehors de
ça et où c'est quand même guidé par des experts, des
personnes compétentes.
Si on voit le mécanisme choisi par le projet de loi, c'est
effectivement de donner ça à un agent de prévention. Nulle
part y est-il fait mention de la compétence requise ou de la formation
requise. C'est tout simplement qu'on va le laisser à un agent de
prévention. La seule qualification qu'il va avoir, c'est qu'il va
être élu et, non seulement cela, on lui donne le lourd fardeau, on
le met immédiatement dans un conflit d'intérêts. Il va
à la fois représenter les intérêts des
salariés et il va également être obligé de
décider, de trancher des litiges sur la sécurité et la
santé. On risque donc d'avoir une personne sans nécessairement la
compétence. Elle pourra l'avoir, remarquez bien, mais pourra aussi bien
ne pas l'avoir. La loi est silencieuse. On va placer cet agent dans une
position de conflit immédiat, celle de représenter les
travailleurs d'un côté et de prendre des décisions à
l'encontre du travailleur ou pour le travailleur d'un autre côté.
Cela, je pense, n'est pas logique.
La raison pour laquelle j'en parle, c'est que, si on avait
critiqué fortement et si on critique fortement le droit de refus et la
façon dont le droit de refus est reconnu dans la loi, on veut aussi
être constructif dans ce débat. On va vous suggérer un
programme qu'on a mentionné dans notre mémoire, mais qu'on n'a
pas trop explicité, à savoir que nous, nous pensons que l'on
risque de ne pas avoir la collaboration et la coopération de toutes les
parties en cause.
Vous allez trouver, aux pages 44 et 45 de notre mémoire, une
suggestion que j'aimerais expliciter un peu.
On note d'ailleurs, ici, nous pensons que le projet est assez bon
les articles 47 et 48 du projet de loi, le programme de
prévention. Pour nous, il n'y a pas de doute que le programme de
prévention peut contribuer énormément dans ce domaine,
sans les confrontations qu'on va voir, par exemple, dans les chapitres traitant
du droit de refus de travail et la question de l'agent de
prévention.
Notre programme de prévention est un peu le suivant, et c'est, si
vous voulez, un peu ce que le gouvernement a suivi dans les comités de
francisation, à savoir que chaque employeur, que ce soit un grand
employeur, un petit employeur ou un moyen employeur, que ce soit un employeur
syndiqué ou non syndiqué, ait l'obligation de mettre de l'avant
un programme de prévention qu'il va élaborer avec la
participation et en consultation avec les travailleurs, le comité de
santé et de sécurité, qui va avoir son mot à dire
dans l'élaboration du programme. L'employeur mettra son programme sur
pied après consultation. À ce moment-là, il le soumettra
à la commission. Si les syndiqués, les employés, les
membres du comité de santé et sécurité ne sont pas
tout à fait d'accord avec le programme de prévention, ils
pourront soumettre leurs propositions à la commission.
La commission, à ce moment-là, tranchera le débat,
elle approuvera, pour chaque employeur dans la province de Québec, un
programme de prévention après avoir entendu, évidemment,
les syndiqués, les salariés et l'employeur. Ce programme de
prévention, une fois approuvé, sera mis en application par
l'employeur et surveillé étroitement par le comité de
santé et sécurité, donc par tous les employés
concernés.
Cette suggestion a plusieurs avantages. Quant à l'employeur, son
rôle constituera d'abord à procéder à l'analyse des
conditions de travail propres à son milieu; deuxièmement,
établir en consultation avec ses travailleurs son programme en vue de la
réalisation de l'objectif visé; troisièmement, soumettre
son programme à un organisme gouvernemental pour approbation;
quatrièmement, appliquer son programme.
Une fois ce rôle de l'employeur reconnu, les employés
auront le rôle de participer à l'élaboration et à
l'application du programme de santé et sécurité, faire des
objections, s'ils le veulent, à la commission, recevoir la formation et
l'information et surveiller la mise en application du programme et porter
plainte le cas échéant. On verra que l'approbation de la
commission sera, si vous voulez, un certificat de compétence ou un
certificat reconnaissant l'employeur et le programme de l'employeur.
Le rôle des services de santé communautaire consisterait,
par exemple, à assurer les services de santé de façon
complémentaire à ceux de l'entreprise. C'est très
important, car ça laisse les services déjà mis en place
par plusieurs employeurs, ça ne les enlève pas.
Enfin, le rôle des services gouvernementaux consisterait, par
exemple, à vérifier le travail d'analyse fait par l'entreprise,
procéder à l'analyse si l'entreprise n'est pas en mesure
d'exécuter cette tâche, entendre toute objection, critiquer et
approuver le programme, s'assurer de sa mise en application selon les
échéanciers fixés, recevoir les plaintes, faire
enquête et poursuivre les délinquants s'il y a lieu, voir à
la formation de spécialistes en sécurité et
médecine industrielle, implan-
ter des services d'expertise accessibles aux entreprises qui en sont
dépourvues. Un tel partage de la tâche à accomplir
conférerait à l'entreprise un pouvoir équivalant à
ses responsabilités, et la notion de participation pour la participation
serait remplacée par le concept de la participation à la
poursuite d'objectifs communs. De plus, les organismes extérieurs
à l'entreprise joueraient un rôle supplétif et pourraient
ainsi augmenter leur propre efficacité.
Je pense que ce programme qu'on vous suggère tient compte de
plusieurs aspects. La petite, la moyenne, la grande entreprise seront toutes
assujetties à cela. Chacune aura l'obligation d'élaborer un
programme de prévention dans son entreprise comme cela a
été fait pour les comités de francisation. Les
employés auront leur mot à dire, qu'ils soient syndiqués,
qu'ils soient non syndiqués. J'ai remarqué que dans quelques
débats il y a eu une critique du côté patronal à
savoir qu'on ne considérait pas les problèmes des petites et
moyennes entreprises. Le programme qu'on vient de vous proposer, justement,
s'appliquera à tout le monde. Chaque employeur, qu'il soit petit, qu'il
ait un ou dix employés, aura l'obligation de mettre en marche son
programme de prévention. Ce sera surveillé par les
employés. Ce sera approuvé par le gouvernement. Je pense qu'avec
une telle formulation, on aura une collaboration de toutes les parties
intéressées au lieu de la confrontation qui semble
résulter de la façon dont le projet de loi est fait à
l'heure actuelle.
Messieurs, vous avez tous nos commentaires. Je ne veux pas prendre plus
de temps à l'heure actuelle sur, par exemple, le droit de refus. On
critique très sérieusement l'article. On pense que cela va servir
tout simplement pour justifier des grèves illégales à tout
bout de champ. Je vous rappelle tout simplement un exemple qui, je le sais, est
du domaine fédéral; c'est pour cette raison que je l'ai choisi.
Les pilotes, quand ils n'aimaient pas le concept du bilinguisme, ont fait un
arrêt de travail d'une semaine. Ce faisant, ils s'appuyaient sur la
sécurité et la santé. Si on avait appliqué le
projet de loi, pendant deux ans, je suppose, jusqu'au rapport Chouinard, on
n'aurait pas eu de transport aérien. Je ne veux pas qu'on se serve d'une
loi comme celle-là pour faire des arrêts de travail inutiles. Nos
commentaires en détail, vous en avez déjà entendus
plusieurs. On vous souligne surtout, messieurs, que le programme qu'on vous
suggère amènera la compétence, la collaboration, la
coopération. Cela donnera aux employés comme aux employeurs des
obligations et, au gouvernement, la responsabilité d'approuver un
programme taillé pour chaque entreprise dans la province. C'est notre
recommandation que vous trouverez aux pages 44 et 45. Sur des points
précis, je demanderais à M. Guèvremont, à M.
Bourque ou à M. Bilodeau s'ils ont des points spécifiques dont
ils aimeraient traiter. M. Guèvremont?
Le Président (M. Dussault): Je vous demanderais de faire
brièvement, s'il vous plaît, parce que déjà les 20
minutes sont écoulées depuis quelques minutes.
M. Guèvremont (Gilles): Je vous remercie, M. le
Président. Je comprends très bien. Mes remarques vont surtout
traiter de la section III quant aux fournisseurs, les articles 52 à 55
du projet de loi ainsi que des chapitres sur les recours et infractions. (10 h
45)
Nous croyons, premièrement, que l'intention du législateur
dans cette section III c'est de couvrir surtout le fabricant, ainsi que le
fournisseur, et non pas l'utilisateur, tel qu'il y est mentionné aux
articles que je viens de décrire. Je vous souligne que par le biais du
mot utilisateur, lorsqu'on pense à l'article 54, qui permet à un
inspecteur de demander une expertise pour tout produit, il devient facile pour
l'inspecteur de s'arrêter à l'utilisateur, qui est en l'occurrence
l'employeur, et de ne jamais remonter au fabricant, au distributeur ou
même à l'installateur pour tout défaut quel qu'il soit,
pour tout produit quel qu'il soit. Notre première remarque, c'est de ne
pas comprendre l'utilisateur dans cette section, étant donné que
les obligations de l'employeur sont bien définies aux articles 39
à 51.
Deuxièmement, nous soumettons que l'objet du projet de loi doit
traiter, à ce stade-ci, des contaminants et matières dangereuses
et ça devrait être restreint, en conséquence, à ces
deux éléments-là et non pas à tout produit, tel que
décrit.
Troisièmement, nous aimerions comprendre un peu l'idée du
paragraphe de l'article 53, quant à la question de l'utilisation de tout
produit qui n'aurait pas été antérieurement
fabriqué au Québec. Si le projet de loi est adopté tel
quel et que ce n'est pas restreint aux matières dangereuses mais que
ça couvre tout produit, à ce moment-là, nous croyons que
les employeurs vont être devant une impossibilité technique ou une
impossibilité pure et simple de savoir ce qui a été ou non
fabriqué antérieurement au Québec.
Maintenant, si nous passons aux articles 189 et suivants du projet de
loi, quelques remarques quant aux recours. Il y a cette question de la preuve
de la mauvaise foi du travailleur. Nous soumettons que le projet de loi ne
devrait pas aller au-delà de ce qui est actuellement prévu au
Code du travail et que l'obligation de l'employeur doit être restreinte
à prouver une autre cause juste et suffisante. Rien, à notre
avis, ne justifie l'inclusion de ce fardeau additionnel de preuve de mauvaise
foi du travailleur. Alors que si on pense au droit de refus, aucune mesure
disciplinaire ne pourrait être imposée avant une décision
finale, c'est-à-dire une décision de l'inspecteur, laquelle devra
avoir été précédée d'un refus ou
acceptation, tant du représentant à la prévention que du
comité consultatif et, à ce moment-là, nous nous demandons
si cela ne pourrait pas être interprété comme cette
mauvaise foi du travailleur. Nous croyons que la preuve qui incombe à
l'employeur en vertu du projet de loi sera illusoire et, en fait, impossible
à faire.
Quant au chapitre des infractions, nous vous soumettons que le montant
des amendes, surtout en cas de récidive, c'est-à-dire pour une
deuxième amende et toutes celles qui vont suivre, un minimum de $1000,
pour autant qu'une corporation est concernée, c'est assez dispendieux et
nous vous prions de tenir compte de nos remarques, surtout en fonction de la
petite et moyenne entreprise. La majorité des membres de l'Association
des manufacturiers canadiens, c'est la petite et moyenne entreprise et il ne
faudrait pas toujours l'associer aux grandes multinationales. À titre
d'exemple, l'article 219 du projet de loi abroge la Loi des
établissements industriels et commerciaux. Ce que je vous montre
présentement, c'est la réglementation qui est adoptée et
actuellement en vigueur, en vertu de cette Loi des établissements
industriels et commerciaux, c'est recto verso, il y a évidemment toute
cette question des codes de sécurité, tant le chantier de
construction que le 3787 pour les établissements industriels. Ce sont
des obligations énormes, tant au point de vue qualitatif que
quantitatif.
Aussi, à l'article 200, quant aux pouvoirs du tribunal, nous
soumettons que le juge peut ordonner la conformité à la loi et
aux règlements, mais non d'exécuter toute autre mesure qu'il juge
nécessaire; nous croyons que le tribunal s'arroge un pouvoir
législatif ou même exécutif, non pas judiciaire.
De la même façon, toute poursuite devrait être
intentée par l'inspecteur ou la commission, non pas laissée
à tout intéressé, comme c'est écrit à
l'article 204. Nous croyons que c'est ouvrir la porte à des abus, et,
encore une fois, nous vous demandons de tenir compte de ces remarques, surtout
en pensant à la petite entreprise, ou de la même façon que
vous nous demandez de présumer de la bonne foi des travailleurs,
à ce moment-là, nous devons présumer de la bonne foi des
inspecteurs qui auront à faire respecter cette loi, ou bien par tout
autre individu qui pourrait engendrer un processus judiciaire et mettre la
petite entreprise en défense et engendrer des coûts
considérables. Je voudrais passer la parole à un autre de mes
collègues.
Le Président (M. Dussault): Je vais vous inviter à
nouveau à être très bref, parce que vous avez pris 33
minutes jusqu'à maintenant, alors qu'on avait demandé 20 minutes
au départ. Je me vois forcé de le faire d'abord parce que c'est
une convention de la commission et aussi, il faut se rappeler que huit groupes
doivent être entendus durant la journée, ce qui pourrait causer
des problèmes.
M. Bourque (André): On nous permettrait peut-être de
faire des remarques au niveau du chapitre de l'inspection, simplement sur les
articles 142 et 143, qui me semblent assez importants. Les inspecteurs sont
certainement nécessaires et l'association est bien d'accord avec ce
principe. Toutefois, nous croyons que les pouvoirs qui sont
conférés sont assez grands, principalement celui de fermer un
lieu de travail.
Or, traditionnellement, l'inspecteur se compare un peu à un
policier qui fait des constats, vérifie si la loi est observée ou
non, et prend les moyens nécessaires pour que ceux qui ont
autorité, en l'occurrence les tribunaux, puissent décider des
recours appropriés.
Nous proposerons donc, au niveau de l'article 142, que ce recours aux
tribunaux, par la voie d'une injonction qui est quand même une
procédure rapide, mais qui évite des erreurs de jugement, ou des
jugements sommaires soit instauré.
Quant à l'article 143 et c'est à notre avis
l'article le plus important il souligne qu'en cas de fermeture d'un
établissement, les employés continuent à être
rémunérés. Or, il s'agit d'une largesse qui est quand
même assez grande. On peut comprendre que le législateur souhaite
ainsi ne pas pénaliser des ouvriers, en raison d'une violation par leur
employeur de ses devoirs face à la loi, et que ces gens-là
continuent à être rémunérés.
Toutefois, il ne faut pas perdre de vue que les petite et moyenne
entreprises, dans le monde de concurrence dans lequel elles vivent, vont faire
face à des problèmes assez considérables pour être
en mesure de payer la facture qu'on veut leur imposer par le biais de l'article
143.
Le gouvernement a un objectif très noble, soit celui de
sauvegarder l'intégrité des travailleurs, et je pense que tous
ceux qui ont paru devant vous et nous également
souscrivent d'emblée à ce projet. Mais est-il nécessaire,
pour arriver à cet objectif, de mettre en péril la
viabilité de certaines entreprises? Je pense que c'est la question que
doit se poser le législateur. Nous ne croyons pas, dans ce monde de
concurrence, que l'on puisse, avec l'article 143 tel qu'il est
rédigé, assurer la viabilité de certaines entreprises. Il
s'agit là, à notre avis, d'une double pénalité, et
qui n'est pas nécessaire pour satisfaire aux objectifs de la loi.
Le défi auquel fait face le gouvernement est, d'une part, de
satisfaire aux objectifs qu'il s'est fixés, sans pour autant
détruire certains éléments de la société
qui, quand même, ont des répercussions très positives.
L'article 143, tel qu'il apparaît actuellement, semble
dénoter une certaine volonté d'acharnement ou de mise en question
très sévère à l'endroit de l'entreprise. Nous
croyons qu'une simple modification de cet article, disant que, dans un tel cas,
les employés sont réputés avoir été mis
à pied, leur permettrait de bénéficier des prestations
d'assurance-chômage, sans pour autant mettre en péril la
viabilité de certaines entreprises.
M. Heenan: M. le Président, à votre suggestion, on
va couper nos commentaires pour répondre à vos questions.
Le Président (M. Dussault): C'est cela, il resterait donc
plus de temps pour les questions. Je vous remercie, et je laisse la parole
à M. le ministre.
M. Marois: Merci, M. le Président. Je voudrais tout
d'abord m'excuser de mon retard. J'ai pris attentivement, très
attentivement, connaissance du mémoire de l'Association des
manufacturiers canadiens. Mes commentaires seront très brefs et je
laisserai à mes collègues le soin de poser quelques
questions.
Si vous me permettez, pas nécessairement dans l'ordre où
c'est venu, mais un peu dans le désordre, en particulier à partir
de vos dernières remarques.
Vous trouvez, d'une part, les sanctions très
sévères en cas de récidive. Oui, les sanctions seront
très sévères en cas de récidive. Il est à
peu près temps qu'on se donne une loi qui a des dents. Personne n'a
besoin de s'empêcher de dormir parce que les sanctions seront très
sévères. Il y a une façon très simple pour que cela
ne s'applique pas, c'est de respecter les normes et les règlements. Vous
savez, on parle de péril de l'entreprise; je veux bien, mais ne perdons
pas de vue, à côté aussi, le péril de la vie des
hommes et des femmes qui travaillent. Il commence à être temps de
rétablir un équilibre, parce que, dans certains cas, il n'existe
pas. Je pense qu'il est plus que temps qu'on commence à rétablir
cela.
Vous avez évoqué la Loi des établissements
industriels et commerciaux; je vous rappelle que, dans les dispositions
transitoires, cela vaut pour celle-là comme cela vaut pour les autres.
Si l'essentiel de la loi se trouve intégré dans la loi-cadre, les
règlements, que ce soit les règlements de cette loi-là ou
d'autres règlements, ne sont pas pour autant abrogés. Les
règlements demeurent en vigueur, ce qui correspond d'ailleurs à
une bonne partie du pouvoir réglementaire de l'article 185.
Vous semblez vous étonner du fait qu'on ouvre la perspective et
la possibilité de poursuites pénales, non seulement par
l'inspecteur, par la commission, mais par tout intéressé. Je me
permets simplement de vous rappeler que c'est exactement ce qu'on a fait aussi
dans la nouvelle loi-cadre de protection de l'environnement. Tout
intéressé peut amorcer des procédures. On ne voit pas
pourquoi le même principe ne s'appliquerait pas. Là, il ne s'agit
pas de l'environnement extérieur, il s'agit de l'environnement du milieu
même du travail. Si le principe vaut pour l'extérieur, on ne voit
pas pourquoi il ne vaudrait pas pour l'intérieur.
Quant au droit qu'on reconnaît à l'inspecteur dans le cas
où il doit recourir à la mesure ultime de fermer une entreprise
ou un coin d'une entreprise, je suis obligé de vous dire que, sur la
base des témoignages qu'on a des inspecteurs, ils avaient
déjà le pouvoir de fermer des coins d'une entreprise ou une
entreprise au complet qui se comportait de façon complètement
inacceptable, qui n'apportait à peu près aucun ajustement,
malgré des rapports d'inspection par-dessus des rapports d'inspection,
malgré des programmes, des échéanciers dont on avait
convenu, etc. Encore une fois, voyons de quoi on parle. Dans ces cas-là,
les inspecteurs hésitaient à recourir à ce pouvoir qu'ils
avaient de fermer un coin d'une entreprise. On l'a fait il n'y a pas si
longtemps dans le cas de la compagnie Ballast Métal, de Laprairie, parce
qu'après six mois, dans une entreprise flambant neuve, il n'y avait pas
un travailleur qui n'était pas intoxiqué au plomb dans cette
entreprise. Pourquoi les inspecteurs hésitaient-ils à recourir
à cette mesure? C'est qu'ils savaient fort bien qu'en le faisant,
pendant toute la durée des travaux requis pour corriger à la
source les problèmes, les travailleurs seraient pénalisés
parce qu'ils ne toucheraient pas de salaire, ni de revenu. Pourtant, ils
n'étaient pas responsables de la situation. Il s'agit d'une mesure
ultime et, si nécessaire, les inspecteurs auront ce pouvoir-là.
Il n'y a pas un inspecteur que j'ai rencontré qui fait
sérieusement son travail qui ne m'en a pas parlé, depuis deux
ans. On pense qu'il est temps de leur reconnaître ce pouvoir. Il y a une
façon très simple pour que cela ne s'applique pas, c'est que,
quand les rapports d'inspection tombent sur la table, sur la base
acceptée d'un programme de prévention... Les travailleurs et les
travailleuses comprennent fort bien que des fois tout ne peut pas être
fait pour hier matin. Mais entre hier matin et rien du tout et récidive,
il y a une marge. Il y a une façon que l'article ne s'applique pas qui
est très simple, c'est de respecter à la fois les rapports dont
on a convenu, qui sont déposés, les échéanciers qui
sont établis pour faire en sorte que les problèmes soient
corrigés à la source. Je ne pense pas que les travailleurs et les
travailleuses québécois soient plus irresponsables qu'ailleurs,
qu'ils veulent faire exprès pour faire sauter les entreprises. Ce n'est
pas vrai cela. La pire forme en un certain sens "d'accidents", c'est le
chômage pour des hommes et des femmes. Chacun veut contribuer à
construire son coin local et régional de pays, à condition que ce
soit vivable en dedans, par exemple, que cela ne se passe pas n'importe
comment.
Je terminerai rapidement sur deux choses qui m'étonnent beaucoup
de votre mémoire, c'est pour ce qui concerne le droit de refus et le
représentant à la prévention. Vous êtes une
association dont certains des membres sont au Québec, dont certains des
membres sont ailleurs dans d'autres provinces canadiennes. On n'est pas les
premiers à légiférer, on sera même à peu
près les derniers. Le représentant à la prévention,
que je sache, cela existe dans la loi de l'Ontario, à sa façon,
selon sa réalité à lui, etc. Cela existe aussi dans
d'autres provinces. (11 heures)
J'aimerais que vous m'expliquiez pourquoi et sur quoi vous fondez des
craintes d'abus, si, d'après tous les témoignages qu'on a eus
ici, d'entreprises non seulement du Québec, mais d'autres provinces...
Il n'y a pas une entreprise ni un groupe qui sont venus témoigner devant
nous qui ont pu nous démontrer... Même, au contraire, il y a eu
une franchise dans l'admission du fait que des cas d'abus, ils n'en
connaissaient à peu près pas. Pourquoi, quand il s'agit du
Québec, forcément, il y aurait automatiquement des abus en
partant, que ce soit dans l'exercice du droit de refus... Je me permets
de vous rappeler... Mettons-le, ne le mettons pas, de toute façon c'est
un droit fondamentalement naturel. Ce qu'on fait simplement, en le mettant dans
une loi, c'est s'assurer de la protection de ceux et de celles qui l'exercent,
ce droit naturel.
J'aimerais vous entendre commenter plus avant parce que j'avoue que je
ne suis pas tellement convaincu, loin de là, de vos interventions
concernant ces deux points et concernant le représentant à la
prévention. Je ne vois pas pourquoi les hommes et les femmes au travail,
quand ils sont choisis par le syndicat, n'auraient pas un minimum de temps de
libération, de permanence pour être capables d'inspecter les lieux
de travail, pour être capables d'accompagner les inspecteurs qui se
présentent. Pourquoi serait-ce uniquement les employeurs qui auraient le
monopole de l'accompagnement des inspecteurs, de l'information des hommes et
des femmes qui sont au travail sur leurs droits, de l'examen des lieux, etc.,
et des rapports en conséquence? Pourquoi? Quelle appréhension
peut-on avoir d'une chose qui vient simplement rétablir un minimum
d'équilibre entre les deux, parce que, de toute façon,
l'employeur a cette permanence de libération? Il y a souvent des gens
qui sont affectés à ça dans l'essentiel de leurs
fonctions.
En passant, je vous dirai exactement ce que j'ai dit hier à des
groupes. Plus j'entends des groupes d'employeurs formuler une argumentation
pour qu'on retire du projet de loi le représentant à la
prévention, plus on en discute, plus vous êtes en train, dans
votre argumentation, de me convaincre que non seulement ça doit
être là, mais qu'il faut aller plus loin que ça. Alors, je
vous écoute, là-dessus en particulier. Je pense que ça
pourrait être très utile, ça pourrait nous éclairer
beaucoup.
M. Heenan: M. le Président, je vais prendre la parole pour
essayer de répondre. Je pense que la question qui nous a
été adressée concerne surtout le droit de refus, le fait
que ça existe dans les autres provinces et que nous soyons les derniers
à l'avoir. Deux choses ressortent de ça.
Vous dites que vous n'avez pas de témoignage d'excès dans
les refus de travailler. M. le Président, il faut se souvenir
également que ces lois fédérale et ontarienne datent de
très peu. Des grèves et des arrêts de travail on en a
partout au Canada. Cette loi est très récente au
fédéral. Elle date de 1977-1978 et fut mise en application
l'année dernière. Vous, vous...
M. Marois: Vous savez fort bien qu'en Saskatchewan je
m'excuse de vous interrompre ça date de 1973; vous savez fort
bien qu'en Ontario ça date déjà d'il y a un certain nombre
d'années. Le point le plus récent c'est le Code canadien du
travail; vous savez fort bien que ça existe dans des conventions
collectives au Québec.
M. Heenan: Cela existe dans certaines conventions collectives qui
sont...
M. Marois: Donc ça existe.
M. Heenan: Oui, mais, M. le Président, il y a une
différence énorme entre la rédaction de ces lois, la
protection qu'il y a là et la rédaction de la nôtre. Je ne
pense pas qu'on puisse prendre une partie de la loi et simplement mettre
à côté l'autre partie. Je veux bien répondre
à votre question, mais surtout si vous regardez certaines lois, elles
ont des protections contre ça. Ce qu'on dit c'est qu'ici on ne voit
pas... On décrit le droit de l'employeur dans votre projet de loi. Si
vous lisez le droit que vous reconnaissez à l'employeur, il a le droit
d'être informé, d'être pénalisé de participer,
mais pas de prendre une décision, et c'est lui qui va être
responsable de ça.
Si vous regardez l'article 81 de la loi fédérale, il y a
une obligation pour chaque travailleur de porter tout équipement de
sécurité requis; il y a une obligation pour chaque travailleur de
faire un rapport fidèle de toute action qui puisse être
sécuritaire. On ne le voit pas dans notre loi. Le problème c'est
que s'il y a un problème de sécurité et de santé,
c'est l'employeur qui a fait ça. Évidemment, on comprend bien des
choses, on sait que des accidents sont causés, que ça peut
être par la faute de l'employeur, je ne le nie pas, mais ça peut
être par négligence. On a des accidents sur les routes à
tous les jours. Il y en a certainement quelques-uns qui sont dus à une
défectuosité de la voiture, il y en a énormément
plus dont la cause est la distraction ou la négligence du
conducteur.
Dans le domaine du travail, on peut avoir la même chose. Ce qu'on
dit, c'est qu'on participe et on participe tous ensemble, mais on ne fait pas
une confrontation. La négligence, malheureusement, que ce soit de la
part du cadre ou de la part du salarié, est là. On se posait la
question: Pourquoi l'obligation du salarié de prendre les mesures de
sécurité n'apparaît-elle nulle part dans la loi? Je pense,
M. le Président, que sur la question du droit de refus et des abus, on
va en voir. J'ai mentionné un cas c'était avant la loi
mais on a un tas d'exemples qu'on pourra vous donner, où des
grèves légales ou illégales ont été
justifiées dans le passé, sur la sécurité et la
santé et, après coup, ce n'était pas vraiment une question
de ça et c'était "monnayable". On a peur, nous, qu'il va y avoir
beaucoup de chantage. J'essaie de répliquer le plus brièvement
possible.
On n'a pas pu, à cause du délai, exposer tout notre
mémoire, M. le Président, et je ne veux pas abuser de votre
temps, car je sais qu'il y en a d'autres qui attendent.
M. Bilodeau (Alain): M. le Président, si vous me permettez
un commentaire additionnel à celui de M. Heenan. À la suite des
remarques de M. le ministre, je pense, quant à la question du
représentant à la prévention, qu'il est inexact de dire
que nous avons prôné le retrait pur et simple du
représentant à la prévention. Je fais suite aux remarques
de M. Laurin tout à l'heure et de Me Heenan aussi, qui parlaient de la
notion de compétence. On ne croit pas que ce soit déraison-
nable partant de là d'exiger que l'individu en
question, s'il doit exister, possède au moins une certaine
crédibilité au niveau de la connaissance, si on veut, de
l'entreprise ou, en fait, de ce dont il parle. Ce n'est pas
déraisonnable. Cette compétence ou cette expertise pourrait se
traduire, par exemple, par l'exigence d'un certain nombre d'années dans
l'entreprise.
Il peut arriver vous concevez bien, M. le ministre par
exemple, une situation où un individu qui aurait une semaine ou un mois
d'expérience devant une machine donnée, à cause de son
manque de connaissance approfondie de la manipulation de la machine ou de la
substance, peu importe, à cause d'éléments qui lui
échappent, refuse de travailler. Prenons cette hypothèse et
prenons l'hypothèse, M. le ministre, où le représentant
à la prévention, par exemple, serait un individu qui, lui aussi,
a très peu d'expérience dans l'entreprise, de sorte que le seul
individu, suivant le mécanisme prévu dans votre projet de loi,
qui connaissant véritablement la substance ou la manipulation de la
machine en question, ce serait, disons, un contremaître qui est là
depuis quinze ou vingt ans et qui a connu la machine comme employé. Dans
un cas comme celui-là, je pense que vous admettriez que l'individu
serait probablement le plus en mesure de prendre une décision
éclairée là-dessus et, effectivement, dans certains cas,
de faire fonctionner la machine, s'il n'y a pas de danger.
La question, c'est que... Cela fait peut-être
référence au pouvoir que vous qualifiez de non
décisionnel, mais que nous, jusqu'à un certain point, on qualifie
de décisionnel, dans un sens, du représentant à la
prévention. Dans un tel cas, l'individu qui refuse quand même ou
qui recommande à celui qui refuse de continuer à refuser met en
branle le mécanisme prévu dans votre loi et soumet, à ce
moment-là, l'employeur, qui paie pour le temps perdu, à une
procédure qui ne serait pas arrivée, probablement, si on avait
exigé une certaine compétence de la part du représentant
à la prévention ou une certaine expertise qui, comme je le
disais, n'est peut-être pas la seule solution, mais qui pourrait se
traduire, par exemple, par un certain nombre d'années
d'ancienneté dans l'entreprise.
D'autre part, concernant, si vous me permettez je vais tout de
suite toucher au deuxième point la question du droit de refus, ce
qui nous préoccupe surtout vous l'avez vu dans notre
mémoire c'est la question, évidemment, d'avoir
enlevé ou d'avoir exclu ce qui apparaissait dans votre livre blanc,
à savoir la notion d'imminence.
Or, vous avez parlé des lois des autres provinces. Je
conçois que la loi est un peu différente un peu partout, mais il
reste toujours qu'au Canada, dans le code fédéral, en
Colombie-Britannique, en Alberta, si je ne m'abuse, il y a cette notion.
Maintenant, cette notion ne nous paraît pas déraisonnable non
plus. Pourquoi? Parce qu'elle enlève, disons, ce qu'on pourrait appeler
le caractère purement subjectif. L'imminence, c'est quelque chose,
suivant vos termes, qui peut se concevoir naturellement. Pour employer vos
termes, le droit naturel s'exerce de façon bien plus claire et bien plus
évidente lorsque quelque chose est imminent. Cela paraît,
ça se voit. Généralement, il y a peu de contestation
là-dessus, alors que l'autre élément laisse beaucoup de
place au mécanisme de subjectivité d'un individu et ça
nous force, parce que votre loi ne prévoit pas, disons, un
avant-phénomène... Le premier phénomène qui se
produit, c'est l'arrêt de travail. Le mécanisme est
déjà engagé. Il n'y a même pas de
phénomène par lequel l'employeur, par exemple, est saisi d'une
question avant même qu'il y ait arrêt de travail.
Or, comme le point de départ, c'est le refus de travailler, il
nous semble que l'imminence, à l'instar de la législation qui
existe dans les autres provinces du Canada et dans le code
fédéral, n'est pas déraisonnable. D'autant plus, M. le
ministre, si vous me permettez une dernière remarque, que, par exemple,
il est prévu dans votre loi que même si le représentant
à la prévention et le représentant de l'employeur sur le
comité de sécurité sont d'accord qu'il ne s'agit pas
là d'un travail dangereux, même s'ils sont d'accord tous les deux,
le gars peut toujours refuser de continuer à travailler et, par
conséquent, amener, si on veut, l'enchaînement du mécanisme
prévu dans votre loi. Cela, M. le ministre, ce serait, entre guillemets,
de "l'entêtement".
Si vous avez deux individus d'expérience qui sont d'accord que le
travail n'est pas dangereux, nous nous demandons ce qui justifierait, à
ce moment-là, l'individu de continuer à refuser, et qui justifie,
finalement, la présomption de mauvaise foi contre l'employeur, dans un
cas comme celui-là, et la présomption de bonne foi de
l'employé qui continue à refuser, nonobstant que les individus
étaient d'accord. Qu'est-ce qui justifierait une telle attitude? Au
fond, l'employé, jusqu'à un certain point, dans une circonstance
comme celle-là, malgré la recommandation qui lui est faite des
deux personnes concernées, refuse quand même de travailler, et
votre loi prévoit qu'il continue d'être payé, il n'a pas
trop d'intérêt à ne pas refuser. D'autre part, si jamais
une mesure disciplinaire était prise, ce serait l'employeur qui aurait
le fardeau de la preuve, qui devrait démontrer qu'il y avait mauvaise
foi.
Je pense bien que c'est plutôt à l'égard de cette
orientation que vous devez tenir compte des remarques de notre mémoire
et des remarques préliminaires qui étaient formulées par
M. Laurin. C'est plutôt dans ce sens, un sens qui est beaucoup plus
positif que celui que vous avez semblé y voir, un sens beaucoup plus
positif et basé sur une réalité d'entreprise. Il ne faut
pas avoir vécu longtemps dans l'entreprise, M. le Président, pour
savoir qu'un individu qui est susceptible parce que par
définition, dans cette loi, on parle de choses qui sont susceptibles,
éventuellement, de causer un problème, soit des machines, soit
des produits, etc. - il ne faut pas avoir vécu longtemps dans une
entreprise pour savoir que les gens qui sont les plus
expérimentés, qui sont les plus compétents dans la
connaissance du fonctionne-
ment de ces machines, ce sont généralement les gens qui y
ont passé un bon bout de temps dont, entre autres, les gens qui
administrent l'entreprise, les contremaîtres, les superviseurs, etc., et
les employés d'expérience.
Il est prouvé qu'un employé, qu'il soit syndiqué ou
non, qui travaille dans un endroit, par exemple, depuis quinze ans ou depuis
vingt ans, est pas mal moins susceptible, à cause de son habitude ou de
sa facilité de manipuler quelque chose, de dire: Je refuse,
éventuellement. Au contraire, il ne faut pas partir d'une
présomption de mauvaise foi, en d'autres termes, ni de l'employeur, ni
de l'employé, mais il faut réaliser qu'en pratique, les cas
où c'est susceptible de se présenter, compte tenu du
mécanisme que j'expliquais tout à l'heure, compte tenu de la
possibilité d'entêtement de l'employé, l'exigence d'un
critère d'imminence, dans le cas du droit de refus, et l'exigence d'un
critère de compétence, dans le cas du représentant
à la prévention, ce sont des exigences raisonnables, qui ont du
sens.
M. Paquin (Sarto): M. le Président, si vous permettez.
Le Président (M. Dussault): Oui.
M. Paquin: Je pense que les préoccupations majeures du
législateur, actuellement, sont de deux ordres sans vouloir
toutes les énumérer et pourraient se formuler de la
façon suivante: Qu'est-ce qu'on fait des 70% ou à peu près
d'employés qui sont non syndiqués? Deuxièmement: Qu'est-ce
qu'on fait pour les petites et les moyennes entreprises? Tout cela se rattache,
je pense, à la discussion que nous avons sur les comités avec
pouvoirs décisionnels que vous prônez, tout ça se rattache
à l'agent de prévention.
Sans vouloir répéter ce qui s'est dit tantôt, mais
pour le bénéfice du ministre, je reviens et je vous invite
à songer sérieusement à la proposition que nous vous
formulions tantôt. Si tous les employeurs, tout le monde, avaient
l'obligation de soumettre un programme de prévention
élaboré conjointement avec le travailleur, qu'il soit
syndiqué ou non, qu'il y ait 10, 20 ou 2000 travailleurs dans la
compagnie, que ce programme soit approuvé par la commission et
amendé en conséquence à la suite de nos discussions, que
l'employeur ait l'obligation d'appliquer ce programme; ce qui arrive par la
suite, c'est que les employés ont le droit de veiller à la mise
en application de ce programme qui a été accepté par la
commission. (11 h 15)
Quant au représentant à la prévention, selon nous,
son importance diminue. D'abord il y a une différence majeure, je pense,
entre le représentant à la prévention dans le secteur de
la construction ou dans le secteur manufacturier. Je pense qu'il ne faut pas
oublier que, dans le secteur manufacturier, les conditions de travail changent
très peu comparativement au domaine de la construction quand vous montez
une bâtisse du premier au 25e étage et, deuxièmement, si
cela change, ce sont quand même des changements graduels. Votre
représentant à la prévention dans l'industrie de la
construction ne pourrait pas, je pense, jouer le même rôle à
l'intérieur de l'entreprise ou à l'intérieur de
l'industrie manufacturière d'autant plus que en
résumé, si vous voulez tous les employés seraient
des genres de représentants car ils verraient à surveiller la
mise en application du programme. Le pouvoir de décision du
comité, s'il a déjà le pouvoir de veiller à cette
surveillance que la commission a approuvée, c'est-à-dire le
programme de prévention, encore une fois, je pense que vous venez de
régler en très grosse partie vos principales
préoccupations. J'aimerais reprendre une suggestion, une recommandation
qui vous a été faite hier par un de vos intervenants, et nous la
faisons nôtre également, c'est-à-dire celle de pouvoir
émettre, comme nous l'avons mentionné tantôt, des genres de
certificats de conformité pour les employeurs qui répondent
déjà aux normes, dans le but d'assurer qu'il n'y ait pas de
nivellement par le bas ou de nivellement rétrogradant, comme le
mentionnaient hier quelques intervenants.
Le Président (M. Dussault): M. le député de
Portneuf.
M. Pagé: Merci, M. le Président. Je vais être
très bref compte tenu qu'il est déjà 11 h 15, compte tenu
aussi que vous avez eu pas mal de temps, je crois, comparativement aux autres
intervenants, pour présenter votre mémoire et les points de vue
que vous voulez mettre de l'avant devant cette commission. C'est regrettable
parce que vous êtes, selon moi, un groupe qu'on peut qualifier
d'important en termes de représentativité. Vous
représentez beaucoup d'entreprises, la très grande
majorité des entreprises manufacturières au Québec.
Évidemment, par le fait même, vous touchez plusieurs
employés du Québec. J'avais des questions sur le droit de refus.
Je crois que vous avez cerné pas mal la question à la suite des
commentaires du ministre. J'avais un commentaire sur les comités de
santé. Vous semblez plaider en faveur de comités de santé
qui n'auraient que des pouvoirs consultatifs. Je décèle à
la lecture de votre mémoire que vous trouvez que les pouvoirs sont
larges, les pouvoirs sont accrus, les pouvoirs sont importants. Probablement
qu'on n'a pas la même perception de l'interprétation du texte. Je
me dis que les comités de santé et de sécurité tels
qu'on les retrouve au projet de loi 17 sont des comités qui, somme
toute, n'auront pas beaucoup de pouvoirs parce qu'ils ont un pouvoir
décisionnel seulement dans le cas de deux articles. Ce sont les articles
63, premièrement et deuxièmement, et le pouvoir
décisionnel est limité au... On peut prendre l'article 63 ici, si
vous voulez bien le prendre avec moi. Les fonctions du comité de
santé et de sécurité sont de choisir les moyens et
équipements de protection individuels qui, tout en étant
conformes aux règlements, sont les mieux adaptés aux besoins des
travailleurs de l'établis-
sement et d'établir, au sein du programme de prévention,
les programmes de formation et d'information en matière de santé
et de sécurité. À l'article 64, il est bien
spécifié qu'en cas de désaccord au sein du comité
relativement aux décisions que celui-ci doit prendre conformément
aux paragraphes 1 et 2 de l'article 63 les représentants des
travailleurs adressent par écrit.
Somme toute, le pouvoir décisionnel est limité à
l'application de ces deux articles. Pour le reste, ces comités de
santé et de sécurité seront strictement des comités
comme je les qualifie de placotage purement et simplement, parce
qu'il faudra un consensus. Et il faudra non seulement un consensus des
représentants des deux parties, mais l'acceptation de la part de
l'employeur à l'égard des autres choses qui seront
élaborées ou encore sous la juridiction dudit comité. Je
me dis, de deux choses l'une avec ces comités de santé et de
sécurité. Qu'on leur donne des pouvoirs, mais, si on leur en
donne, qu'on leur donne de véritables pouvoirs ou encore, dans la loi,
qu'on ne se cache pas à l'arrière de pseudo-pouvoirs qui sont
limités comme ceux-là. Vous arrivez ce matin et vous dites: II y
en a déjà trop de pouvoirs qui appartiennent à ce
comité-là. Je voudrais dans un premier temps savoir si je vous ai
bien compris. Je voudrais connaître votre position là-dessus.
Je voudrais aussi toucher un autre sujet que vous avez
élaboré qui m'apparaît assez intéressant. C'est
l'obligation faite à toutes les entreprises d'élaborer un
programme de prévention. On sait que la loi va s'appliquer selon le
catalogue qui sera émis par la commission de la santé et de la
sécurité, parce qu'une fois que la loi sera adoptée, la
commission qui chapeautera tout ça, qui remplacera la Commission des
accidents du travail, éventuellement, cette commission va
déterminer par règlement les catégories d'entreprises qui
sont sujettes à la loi. Vous nous dites: On veut que ce soit toutes les
entreprises, à partir de l'entreprise qui a 2, 3, 4 ou 5
employés. Je dois vous exprimer ma surprise, parce que
généralement, vous savez, le milieu syndical se défend et
fait valoir ses idées comme le milieu patronal se défend et fait
valoir ses idées lui aussi.
Généralement, le milieu patronal demande le moins de
procédure possible, le moins d'administration possible, le moins de
paperasse possible. Vous demandez aujourd'hui d'étendre l'application de
la loi aux entreprises, de ne pas la limiter aux entreprises de dix
employés, mais que ce soit "at large" et s'applique à toutes les
entreprises.
C'est une proposition qui me paraît, quant à moi,
très intéressante et qui s'inscrit dans les commentaires du
dernier intervenant de votre groupe. Est-ce que cette démarche
s'inscrirait dans le cadre de la certification, tel que cela a
été évoqué, hier, par les intervenants qui ont
parlé d'une possible certification? Je pense que tout ça semble
assez intéressant: la possibilité que la loi provoque des
initiatives chez les employeurs, que les initiatives ainsi
réalisées amènent un acte administratif de la commission,
qui pourrait être une certification, l'étendue de cette
certification.
Évidemment, on a eu l'occasion d'en parler hier. On aura
l'occasion de revenir sur le sujet tant en deuxième lecture que lors de
l'étude du projet de loi article par article, mais je trouve que votre
suggestion est très intéressante à ce chapitre.
J'aurais eu beaucoup d'autres questions, que ce soit sur la recherche,
que ce soit sur le droit de refus, mais compte tenu de l'heure et compte tenu
du fait qu'on a huit groupes à entendre aujourd'hui, qu'on en est
à notre 13e ou 14e journée et. comme d'autres membres de la
commission l'évoquaient hier, qu'on est en train de battre tous les
records d'audition, dépassant même la commission parlementaire qui
a siégé pour étudier la loi 101, vous allez comprendre
avec nous qu'on doive faire un peu vite ce matin.
Le Président (M. Dussault): Merci. M. le
député de Portneuf, M. le député...
M. Pagé: J'avais des questions, M. le
Président...
Le Président (M. Dussault): Excusez-moi, j'en ai
manqué un petit bout, M. Heenan.
M. Heenan: M. le Président, j'aimerais
répondre...
M. Pagé: M. Heenan, est-ce que vous me permettriez,
avant...
M. Heenan: Certainement.
M. Pagé: M. le Président, je n'aimerais pas
être désobligeant, la meilleure façon de ne rien manquer,
c'est de rester au fauteuil.
Le Président (M. Dussault): M. le député de
Portneuf...
M. Pagé: Je ne veux pas faire de procédure ce
matin, mais vous savez que c'est inhabituel qu'un président...
Le Président (M. Dussault): Je vous expliquerai, dans le
particulier, les raisons pour lesquelles je dois m'absenter. C'est l'obligation
qui...
M. Pagé: On regardera ça en arrière du
rideau.
Le Président (M. Dussault): D'accord.
M. Heenan: M. le Président, j'aimerais répondre
à l'intervention intéressante du député. D'abord,
je ne pense pas que vous devriez être surpris du fait que l'employeur est
intéressé à la question de la sécurité et de
la santé. Vous savez, un des grands défauts qu'on trouve à
cette loi, c'est qu'on semble dire: Tant et aussi longtemps que le
salarié est salarié, il est bon, il est conscient de la
sécurité, mais du moment où ce même salarié
devient contremaître ou cadre, il n'est plus intéressé,
c'est un gros méchant. L'em-
ployeur est intéressé à la sécurité.
Vous avez eu des mémoires de Dupont et d'Alcan. On est
intéressé, pas seulement pour les grands, pour le petit, pour le
moyen.
La question de la sécurité nous touche. On est
responsables des produits, c'est justement ma remarque, on n'essaye pas
d'éviter notre responsabilité, on admet qu'on a une certaine
responsabilité dans ce domaine, on veut s'y intéresser. Mais
ça ne me dérange pas, et je pense que ça ne dérange
pas nos collègues que l'obligation de former un programme de
prévention s'applique à tous les employeurs. J'essaie d'avoir
quelque chose de pratique qui s'appliquera partout, mais que l'employeur soit
le premier responsable pour le mettre en application, que ce soit
approuvé et ça pourra couvrir toute... C'est différent.
Évidemment, je m'inspire des articles 47 et 48 de la loi. C'est un peu
comme ça que le comité de francisation a été
formé.
Je pense que dans le domaine de la sécurité, cela pourrait
être une innovation assez intéressante. Mais les rôles des
parties seront reconnus et l'employeur pourra jouer le sien.
Vous dites, en deuxième lieu, M. le député,
à l'article 39, que les comités n'ont pas de pouvoir, mais si
vous examinez les droits de l'employeur qui sont cités à
l'article 39, celui-ci a droit à des services de formation, il a le
droit de participer à l'élaboration des normes et
règlements, non pas d'en décider, mais d'y participer et
d'être informé des obligations que lui imposent la présente
loi et les règlements. C'est un de ses droits, d'être
informé des obligations, et le droit d'être puni.
Si vous regardez l'article 63 par la suite, le comité de
santé formé par l'employeur va choisir les moyens et
équipements de protection individuels qui, tout en étant
conformes aux règlements, sont les mieux adaptés aux besoins des
travailleurs de l'établissement. C'est beaucoup dire que
d'établir, au sein du programme de prévention, le programme
d'information et de formation en matière de santé et de
sécurité. Et s'il y a échec à l'intérieur de
cela, cela passe, cela ne revient pas à l'employeur de décider de
le mettre en application. Cela devient, en vertu de l'article 64, une question
qui va être tranchée par la commission.
Ce que je vous dis, c'est que cela enlève beaucoup de
responsabilités. Nulle part dans la loi, on ne voit l'obligation de
l'employé de s'assurer de sa sécurité, qui est très
importante. Si on vise vraiment la sécurité, il faut avoir un
équilibre. Ce n'est pas seulement l'employeur qui est le méchant.
Tout employé a l'obligation de protéger non seulement sa propre
santé, mais celle des autres employés.
C'est une lacune qu'on trouve énorme dans la loi. Notre
suggestion, c'est d'avoir la coopération de tout le monde dans cela, car
si la sécurité et la santé deviennent une affaire de
confrontation, tout le monde en souffre. Et on ne veut pas cela. On veut qu'il
y ait une coopération de la part de tout le monde, que le syndicat ait
son mot à dire, que le salarié non syndiqué ait son mot
à dire. La sécurité est aussi valable pour les petites
entreprises, évidemment, à l'intérieur du programme qu'on
propose, qui est réalisable et s'inspire de l'idée du
gouvernement, dans les articles 47 et 48, de l'idée du comité de
francisation. Je pense que les comités, tels que constitués
à l'heure actuelle, nuisent beaucoup, mais s'ils étaient
formés de l'intérieur, comme M. Paquin vous l'a dit tout à
l'heure, cela pourrait contribuer beaucoup à la sécurité
des travailleurs dans le Québec.
M. Pagé: Une dernière question à votre
procureur. Vous avez évoqué l'obligation que nous avions, tous
ensemble, de faire en sorte que les inspecteurs et les agents de
prévention soient des gens d'expérience. On a déjà
évoqué ici cela a peut-être commencé par une
boutade, mais cela n'en est pas nécessairement une, cela peut être
assez sérieux avec d'autres groupes, il y a quelques semaines, la
possibilité qu'un des critères d'accord, cela prend de
l'expérience, cela prendra une compétence qui sera
contrôlée quelque part et par quelqu'un pourrait être
le fait qu'une telle fonction puisse être occupée, dans certains
cas, par un travailleur qui a déjà été
accidenté. Vous savez, on a donné l'exemple, autour de la table,
qu'au début des gardes-chasse, bien souvent, les meilleurs gardes-chasse
furent ceux qui, avant, étaient les meilleurs braconniers. Qu'est-ce que
vous pensez de ce critère? Je tiens à vous dire que ce n'est pas
une boutade, parce qu'on en a discuté assez longuement autour de cette
table et cela a peut-être de l'allure.
M. Bourque: En deux mots, je pense qu'un tel personnage serait
certainement beaucoup plus sensibilisé qu'un autre. Je ne crois pas que
nous ayons des objections à un passé comme celui-là,
à la condition qu'il ait aussi d'autres qualifications,
c'est-à-dire qu'il soit très au fait des moyens
nécessaires pour assurer la prévention et connaisse très
bien l'industrie. Il n'y a pas d'opposition de principe à cela,
certainement pas.
M. Bilodeau: J'aurais peut-être pu faire un commentaire
additionnel, M. le député de Portneuf. Pour ma part, j'aurais
beaucoup d'hésitation à ce que ce soit le premier
élément ou le premier critère, ou le premier guide. Le
fait qu'un individu ait déjà été accidenté,
évidemment, il n'y a pas de doute que ceci n'en fait pas moins un
employé qui peut être très expérimenté.
L'accident, par définition, c'est une malchance, c'est un accident. Que
ce soit le critère, cela me laisse fort douteux. Je pense qu'un
conducteur d'automobile qui a conduit pendant 25 ans, qui n'a jamais eu
d'accident, est certainement considéré comme un conducteur
expérimenté, au même titre que celui qui en a
déjà eu un. En fait, la règle s'appliquerait. (11 h
30)
Je ne pense pas que ce soit un critère valable, à mon
avis, pour guider une législation, pour guider un principe, parce que
cela nous amène à faire une présomption qui,
malheureusement, n'est pas exacte, pas nécessairement exacte, et ne
traduit peut-être pas non plus exactement la vision que nous avons
de ceux des employés qui n'ont pas eu d'accident. Le critère, je
conviens avec vous qu'il est difficile à trouver. J'ai
suggéré, par exemple, que cela pourrait être un certain
nombre de données d'ancienneté dans l'entreprise, que cela
pourrait être le fait qu'un individu ait déjà
travaillé à ce poste-là pendant un temps X. Ce ne sont pas
des vérités, j'en conviens. Cependant, un organisme comme le
nôtre, des organismes syndicaux et le gouvernement auraient
peut-être avantage à en discuter ensemble et à trouver
cette solution. Nous sommes ouverts à cela. Ce sont des suggestions qui
m'apparaissent extrêmement importantes, mais, à cette question
précise, je ne vois pas que ce soit un critère important dans une
loi, et cela nous amène à faire des présomptions qui,
malheureusement, ne sont pas nécessairement vraies, ni à
l'égard de celui qui a été accidenté, ni à
l'égard des autres qui ne l'ont pas été.
M. Pagé: Je vous remercie de vos commentaires à mes
questions. Je sais que c'est avec beaucoup d'intérêt qu'on a pris
connaissance de votre mémoire. On n'a pas pu faire le tour de toutes les
questions que vous soulevez, mais soyez certains que, quant à nous, on
va en tenir compte dans nos prises de position tant à l'égard de
la deuxième lecture qu'à l'égard de l'étude du
projet de loi article par article. Merci, messieurs.
Le Président (M. Dussault): Merci, M. le
député de Portneuf. M. le député de
Joliette-Montcalm.
M. Chevrette: Merci, M. le Président. J'en avais pour deux
heures et je suis limité à deux minutes. J'aurais une question
à vous poser et un petit commentaire à faire. Je vais commencer
par le petit commentaire, puisqu'au niveau des fournisseurs, vous êtes
très réticents. Cela m'a inquiété en lisant cela
dans votre mémoire, parce que je me disais: Comment un employeur peut-il
dire qu'il se soucie beaucoup de la sécurité et qu'il est
intéressé à la sécurité, à avoir un
équipement sécuritaire, s'il ne se préoccupe pas de cette
partie-là, tout en clamant qu'il s'occupe de sécurité?
Cela m'apparaît très contradictoire. Je voudrais que vous me
l'expliquiez.
Une deuxième chose, êtes-vous bien sérieux
là, je le dis en riant, parce que je considère que c'est parce
que vous voulez arracher un morceau au gouvernement je me demande si
c'est fort sérieux, dans la conjoncture actuelle, en particulier au
niveau des petites entreprises, où les salariés sont peu ou pas
représentés, d'exiger le renversement du fardeau de la preuve que
vous demandez dans votre mémoire? Vous dites à toutes fins
utiles: C'est au salarié à faire la preuve. Comment pouvez-vous
laisser cela au plus démuni, parce qu'il n'a pas de contremaître
bien souvent pour le conseiller, d'autant plus que vous y mettez un encadrement
épouvantable au représentant de la sécurité? Je
trouve cela, en tout cas, à la lecture de votre mémoire. Comment
voulez-vous que le salarié qui à ce moment-là serait
obligé de faire la preuve, vous ne le placiez pas, selon vous, dans une
situation complètement désavantageuse? Il me semble que, dans une
conjoncture sociale qui évolue constamment et dans des milieux fort
défavorisés, la preuve doit redevenir carrément à
celui qui est le plus favorisé pour la faire et c'est vous autres.
J'aimerais vous entendre là-dessus, parce que cela m'apparaît
anormal en 1979. Cela me serait peut-être apparu normal en 1946, mais
j'avais six ans. Aujourd'hui, cela m'apparaît tout à fait
aberrant. Sur les fournisseurs, j'aimerais avoir une bonne explication, parce
que vous affirmez carrément que vous êtes pour la
sécurité et la santé. Mais, si on ne se soucie pas d'un
équipement sécuritaire, comment pouvez-vous soutenir votre
principe sur toute la ligne?
M. Heenan: M. le député, vos commentaires sont
tellement à point que nous en avons quatre qui veulent répondre.
Je vais passer le mot à Gilles Guèvremont sur les fournisseurs,
c'est lui qui a abordé la question. On va revenir sur l'autre
question... Si on oublie un point...
M. Chevrette: J'ai hâte de voir s'il va me répondre
la même chose qu'il m'a déjà dite en 1975.
M. Heenan: Je ne sais pas.
M. Guèvremont: M. le Président, au risque de me
répéter, parce que j'avais déjà traité un
peu de cette question-là dans mon exposé, je crois que...
M. Chevrette: Oui, mais je n'étais malheureusement pas
ici.
M. Guèvremont: Je sais. Quant aux fournisseurs, nous ne
sommes pas contre ce que le député de Joliette-Montcalm vient de
dire. Évidemment, tout ce que nous disions, c'est que les articles 52
à 55 traitent du fournisseur. L'esprit de la loi est qu'ils devraient
traiter du fournisseur, ou du fabricant, ou du distributeur, mais ne devraient
pas traiter de l'utilisateur, c'est-à-dire de I employeur lui-même
alors que ses droits et obligations sont définis aux articles
précédents, c'est-à-dire environ les articles 39 à
51. Dans ces articles du fournisseur, il y avait une nomenclature très
large, incluant tout produit, quel qu'il soit, et nous disions que ça
devrait être restreint plutôt selon nous, l'esprit de la loi
aux matières dangereuses et contaminantes. Alors, c'était
pour exclure l'utilisateur de cette section, si on en faisait une section
spéciale pour le fournisseur.
M. Chevrette: Me permettez-vous de vous donner un exemple concret
rapidement? Si vous achetez de la machinerie en dehors du territoire
juridictionnel de la loi, on n'a absolument pas de contrôle sur le
fournisseur; vous allez acheter votre machinerie au Japon et, si elle est
dangereuse à mort, par quel moyen allons-nous vérifier si ce type
d'équipement peut avoir des conséquences directes si on ne va pas
à l'utilisateur?
M. Guèvremont: II n'y a pas simplement l'utilisateur qui
soit prévu à l'article 52 et suivants, il y a aussi le fabricant,
le fournisseur, le vendeur, le distributeur et l'installateur. Quant à
l'installateur, même s'il est de l'extérieur, il est au moins sur
place ou il a possiblement une place d'affaires au Québec ou quelque
chose du genre. Nos remarques avaient trait seulement à l'utilisateur
alors que nous trouvions que ça englobait l'employeur d'une
manière trop spécifique dans une section qui, à notre
avis, devrait plutôt viser la fabrication pour les vices cachés,
etc.
Brièvement, quant au deuxième volet que vous avez
soulevé, c'est-à-dire la question de mauvaise foi, nous partons
du principe suivant: Le travailleur peut refuser, il y a l'étape du
représentant de la prévention, il peut toujours continuer de
refuser de travailler; il y a l'étape du comité consultatif, il
peut encore continuer de refuser de travailler et on en vient à
l'étape de l'inspecteur, où il peut toujours continuer à
refuser de travailler. Selon la loi, la décision devient finale et c'est
seulement à partir de ce moment que l'employeur peut imposer une mesure
disciplinaire, quelle qu'elle soit. Et non seulement nous avons je fais
suite aux remarques que Me Bilodeau faisait à ce sujet
passé toutes les étapes, mais maintenant la loi nous oblige, si
on impose une mesure disciplinaire, au fardeau de la preuve, soit de prouver la
mauvaise foi du travailleur ou une autre cause juste et suffisante;
étant une disjonctive, nous croyons que l'autre cause juste et
suffisante doit s'assimiler à une preuve de mauvaise foi. Le Code du
travail, par exemple, n'impose pas une telle obligation aux employeurs et la
jurisprudence du Tribunal du travail et des commissaires du travail veut que,
de toute manière, l'employeur doit vraiment donner une preuve
très forte quant à cette cause juste et suffisante. Si vous lisez
notre mémoire, aux pages 29 et 30, dans un premier temps nous renversons
le fardeau de la preuve, mais dans un deuxième temps,
c'est-à-dire en haut de la page 30, nous disons: Au pis aller, au moins
ne nous donnez pas plus d'obligations que nous n'en avons déjà en
vertu du Code du travail et enlevez cette question de mauvaise foi, laquelle,
de toute manière, est illusoire quant à la preuve que nous allons
devoir faire, et restons-en à cette autre cause juste et suffisante.
D'accord?
Le Président (M. Dussault): Merci. M. le
député de Joliette-Montcalm? Il n'y a pas d'autre intervenant;
alors, au nom de la commission, je remercie l'Association des manufacturiers
canadiens de leur participation aux travaux de cette commission. Je leur
souhaite un bon retour.
J'invite maintenant l'Association des travailleurs accidentés de
la Gaspésie à se présenter devant la commission.
M. Laurin (Guy): Je demanderais s'il est possible, M. le
ministre, vos responsabilités ne vous ayant pas permis d'entendre la
présentation initiale, de soustraire du procès-verbal les
recommandations très pertinentes et très positives qui ont
été déposées par Me Heenan, au début de
notre présentation, relativement aux non-syndiqués, à la
petite entreprise, et qui peuvent s'appliquer d'une façon globale. C'est
une recommandation très positive qui, malheureusement, ne fait pas
partie intégrante de notre mémoire, à cause de
circonstances incontrôlables. Nous vous remercions.
Le Président (M. Dussault): Vous avez bien dit
retiré?
M. Laurin (Guy): Non.
Le Président (M. Dussault): On a entendu "retirer", on a
trouvé ça étrange.
M. Laurin (Guy): Je n'aimerais pas qu'il soit obligé de
tout lire; c'est pour que cela attire son attention en particulier, afin qu'il
puisse en prendre connaissance. Disons, extraire ce secteur pour qu'il en
prenne connaissance, mais que ça reste partie intégrante de notre
présentation.
Le Président (M. Dussault): Je pense que le message a
été compris par M. le ministre. Je vous remercie encore.
M. Laurin (Guy): Merci, M. le Président, merci, M. le
ministre.
Le Président (M. Dussault): Maintenant, l'Association des
travailleurs accidentés de la Gaspésie.
Je prie le représentant, le porte-parole de l'Association des
travailleurs accidentés de la Gaspésie de s'identifier et de nous
présenter son collègue.
Association des travailleurs accidentés de la
Gaspésie
M. Denis (Robert): Robert Denis, président de
l'Association des travailleurs accidentés de la Gaspésie.
M. Dupuis (Roger): Roger Dupuis, vice-président...
Le Président (M. Dussault): Pardon? Pourriez-vous parler
près du micro, s'il vous plaît?
M. Dupuis: Roger Dupuis, vice-président de l'Association
des travailleurs accidentés de la Gaspésie.
Le Président (M. Dussault): Je m'excuse, mais je n'ai pas
compris votre nom. M. Dupuis, d'accord.
M. Denis, je vous demanderais, s'il vous plaît, de nous
présenter votre mémoire en 20 minutes. J'insiste beaucoup, car
nous aurons des difficultés si on n'arrive pas à le faire en 20
minutes, de façon que la convention de la commission soit
respectée.
Je vous laisse la parole, M. Denis.
M. Denis: J'aimerais, M. le Président, relire le
mémoire pour en faire un bref aperçu. Cela durera environ de huit
à dix minutes.
Le Président (M. Dussault): Vous avez la parole.
M. Denis: M. le Président, messieurs les membres de la
commission parlementaire, l'Association des travailleurs accidentés de
la Gaspésie compte 200 membres, résidant, pour la plupart,
à l'extrémité de la péninsule gaspésienne.
Ces travailleurs accidentés proviennent de différents milieux de
travail, souvent non syndiqués et comptant parfois un nombre
limité d'employés: petites usines de transformation de poisson,
transport scolaire, projets Canada au travail, etc. Aussi, compte tenu de notre
situation, nous avons consacré l'essentiel de notre mémoire
à l'étude du projet de loi par rapport aux travailleurs non
syndiqués de la région.
Évidemment, nous n'avons pas la prétention de parler au
nom de l'ensemble des non-syndiqués gaspésiens, mais plutôt
de vous livrer ici l'opinion de nos membres qui vivent cette situation. Aussi,
notre approche a consisté à étudier les
conséquences du projet de loi no 17 sur la vie du travailleur non
syndiqué en Gaspésie.
Pour cette raison, nous avons choisi de ne pas traiter de certaines
questions; composition de la Commission de la santé et de la
sécurité au travail, retrait préventif de la travailleuse
enceinte, dispositions relatives aux chantiers de construction, etc., puisque
nous pensons que les organisations syndicales, syndicats de la construction,
comité sur la condition féminine, etc., sont mieux placés
que nous pour intervenir dans ces milieux.
Le projet de loi no 17 et le travailleur non syndiqué en
Gaspésie. Comités de santé et de sécurité.
Nous exprimons tous de sérieux doutes sur le fonctionnement de ces
comités en milieux non syndiqués. Les chances que ces
comités soient dominés par l'employeur sont très fortes,
même dans les cas où le comité sera formé à
la demande expresse de la Commission de la santé et de la
sécurité au travail.
Si l'on regarde comment fonctionnent les petites entreprises de notre
région, on constate souvent que le patron engage des gens de sa famille
ou encore de ses "relations". Dans une telle situation, comment le
comité de santé et de sécurité va-t-il pouvoir
faire des revendications pour les travailleurs impliquant des dépenses
supplémentaires pour le patron? Également, dans le cas de
l'exercice du droit de refus d'un travail dangereux, le risque est grand qu'un
travailleur du comité de santé et de sécurité
refuse de se compromettre aux yeux de son patron. Et que dire des cas où
l'employeur pourra faire des pressions sur le comité pour qu'il puisse
remplacer un travailleur qui exercera son droit de refus?
Il n'y a a pas qu'un congédiement ou un déplacement
à considérer. Il faut aussi tenir compte des chances
d'avancement, surtout lorsqu'il s'agit d'une petite entreprise de type
familial. Nous pensons que la santé et la sécurité des
travailleurs sont des choses trop importantes pour être laissées
à un comité qui risque beaucoup trop d'être dominé
par l'employeur. Nous croyons plutôt que la commission devra imposer des
normes strictes concernant la santé, la sécurité et
l'hygiène dans l'entreprise et surtout accroître les interventions
de son service d'inspection.
(11 h 45)
Le représentant à la prévention. Encore là,
nos objections sont les mêmes, concernant les milieux non
syndiqués. Qu'il existe ou non un comité de santé et de
sécurité, quel travailleur non syndiqué va s'opposer au
patron sur des questions aussi importantes, si ça risque de lui poser
des problèmes. Aussi, il existe beaucoup d'entreprises en
Gaspésie exerçant des activités saisonnières, par
exemple, les usines de transformation de poisson, hôtellerie et le reste.
Au début de chaque saison, le patron est libre de rappeler au travail
qui il veut et au moment qu'il désire, puisqu'il n'y a ni syndicat, ni
ancienneté L'employeur a donc d'autres moyens de dissuasion en main que
le congédiement ou les mesures disciplinaires. Il peut ne pas
réengager un employé trop revendicatif, ou encore le
réengager plus tard. Dans ce dernier cas, le travailleur pourra avoir de
la difficulté à se qualifier plus tard à des prestations
d'assurance-chômage.
Je laisse la parole à mon ami Roger.
M. Dupuis: Programme de prévention. Puisque le projet de
loi prévoit que ce programme sera en dernier lieu sous la
responsabilité de l'employeur, nous pensons que la commission de
santé et de sécurité devrait intervenir
énergiquement pour édicter des règlements
sévères sur la santé, la sécurité et
l'hygiène, et faire en sorte que des tournées d'inspection
régulières et fréquentes aient lieu dans toutes les
entreprises, surtout où il n'y a pas de syndicat.
Le droit de refus. Nous pensons que le mécanisme d'exercice du
droit de refus prévu dans le projet de loi est beaucoup trop
compliqué, ce qui pourra avoir comme effet de rendre son application
difficile en milieu non syndiqué. Nous croyons que tout le cheminement
prévu aux articles 14 et 16 du projet de loi aura pour effet de retarder
inutilement la décision de l'inspecteur et pourra avoir comme
conséquence de limiter l'exercice de ce droit.
Il ne faut pas, à notre avis, sous-estimer les problèmes
d'information qui vont se présenter en milieu non syndiqué,
puisque l'employeur aura la main haute sur le programme de prévention.
De même, pour les raisons que nous avons déjà
mentionnées, nous doutons de l'efficacité de l'intervention du
représentant à la prévention, ou encore de membres du
comité de santé et de sécurité dans un milieu de
travail non syndiqué. Enfin, nous avons de la difficulté à
imaginer que la patron va effectuer les corrections nécessaires à
une situation dangereuse si deux travailleurs les réclament au lieu d'un
seul.
Nous pensons que pour favoriser l'exercice de ce droit par le
travailleur non syndiqué, on devrait simplifier le plus possible les
mécanismes de son
fonctionnement. Si une situation dangereuse se présente, le
travailleur devra en aviser son supérieur; s'ils ne parviennent pas
à une décision ensemble, on devra faire appel
immédiatement à un inspecteur. Nous croyons qu'une telle solution
est réaliste, compte tenu que le projet de loi prévoit
déjà que l'inspecteur devra être présent dans un
délai de six heures, si deux autres travailleurs sont affectés
par ce droit de refus. Cette question est, selon nous, très importante
et on doit tout mettre en oeuvre pour que le travailleur puisse l'exercer de la
façon la plus simple possible.
C'est quoi, un travail dangereux? L'article 12 du projet de loi est,
selon nous, trop rigide et son interprétation risque de réduire
l'exercice du droit de refus. Qui est mieux placé que le travailleur
pour déterminer ce qui est dangereux pour lui? Il est certain qu'un
mineur ou un bûcheron connaît les risques inhérents à
son métier et qu'il est capable de discerner une situation dangereuse.
C'est d'ailleurs ce qu'on lui reconnaît à l'article 11. Aussi,
nous pensons que l'article 12 aura pour effet de diminuer l'exercice du droit
de refus, surtout lorsque le travailleur fera face à une situation
dangereuse, mais qui ne présentera pas un danger imminent.
De plus, nous trouvons inacceptable que le projet de loi reconnaisse
qu'un travail puisse être dangereux pour un travailleur et pas pour un
autre. De même, l'article 28 prévoit que l'employeur pourra faire
exécuter un travail par un autre travailleur si deux autres travailleurs
sont affectés par l'exercice du droit de refus et si l'inspecteur n'est
pas encore présent dans un délai de six heures.
Évidemment, le patron devra informer cet autre travailleur du danger,
mais imagine-t-on les conséquences de cette disposition dans une petite
entreprise en Gaspésie? Les distances énormes à parcourir
dans la région risquent d'entraîner des délais bien
supérieurs à six heures. Ce droit qu'on reconnaît à
l'employeur aura comme effet de diviser davantage les travailleurs, surtout
dans une petite localité où tout le monde se connaît.
Nous croyons également que la Commission des affaires sociales
devrait être le tribunal compétent pour rendre les
décisions finales suite à l'exercice de ce droit de refus. Ceci
aura pour effet, à notre avis, d'assurer une plus grande
impartialité suite à la décision de l'inspecteur.
L'inspection. Nous sommes d'avis que ce sont des lois
sévères et la surveillance de leur mise en application qui sont
les meilleures garanties pour la sécurité des
non-syndiqués. Aussi, il faudra accroître le nombre d'inspecteurs
et décentraliser le plus possible le service d'inspection.
Évidemment, on pourrait nous répondre qu'un tel service
coûterait trop cher. Cependant, si le gouvernement reconnaît le
droit à la santé et à la sécurité au travail
comme un droit fondamental, il doit prendre les moyens en
conséquence.
Quand on regarde les budgets qui sont accordés à la
conservation de la faune en Gaspésie pour assurer la protection des
animaux sauvages, on ne voit pas pourquoi il en serait autrement pour des
droits aussi importants que la santé et la sécurité d'un
travailleur.
Les infractions. Évidemment, nous trouvons inacceptable que l'on
puisse imposer des amendes au travailleur en vertu de ce projet de loi. Le
congédiement est une punition bien assez forte pour un travailleur sans
qu'en plus il ait à payer l'amende ou encore qu'il soit
emprisonné. Il est bien clair que, malgré la belle
déclaration de principe, la prison est rarement pour les membres des
corporations.
En plus des accidents de travail, des maladies industrielles et des
congédiements, il va y avoir maintenant les amendes et la prison. De
plus, l'article 204 prévoit qu'une poursuite pourra être
intentée par tout intéressé, dont l'employeur. Est-on
conscient de pouvoir qu'on concède au patron surtout dans des endroits
non syndiqués où il en détient suffisamment
déjà?
Nous demandons donc le retrait de toute disposition prévoyant une
amende ou de l'emprisonnement pour les travailleurs.
Services de santé au travail. À ce chapitre, nous
reconnaissons qu'il y a un progrès par rapport au système du
médecin de compagnie où ce dernier déterminait ce qui
était bon ou pas pour la santé des travailleurs. Nous soulignons
en passant que l'accès d'un travailleur à son dossier
médical prévu à l'article 99 du projet de loi n'est pas
encore reconnu par la Loi des accidents du travail. En vertu de l'article 50 de
cette loi, le travailleur ne peut obtenir son dossier médical que par
l'entremise de son médecin.
Nous pensons qu'il y aurait lieu de mettre un peu d'ordre dans ces lois
et de ne plus faire de distinction entre le travailleur accidenté et
celui qui ne l'est pas.
Pleine compensation à la suite d'un accident du travail. Le
projet de loi confirme que, dans le cas d'une travailleuse enceinte qui devra
cesser le travail pendant sa grossesse, elle recevra le taux d'indemnité
prévu par la Loi des accidents du travail, soit 90% du revenu net.
Nous pensons qu'on ne devrait pas pénaliser les travailleurs pour
des conditions de santé et de sécurité
indépendantes de leur contrôle et qu'une pleine compensation, sans
perte de salaire, devrait être versée à tout travailleur
accidenté qui ne peut reprendre son travail.
La conclusion de notre mémoire. La santé et la
sécurité des travailleurs sont à notre avis des choses
trop importantes pour qu'on puisse les confier à des organismes qui
risquent d'être dominés par l'employeur, surtout en milieu non
syndiqué.
Dans les milieux syndiqués, la surveillance de l'application des
programmes de prévention et le contrôle de l'exercice du droit de
refus devraient être de la compétence du syndicat.
Dans les entreprises non syndiquées, le gouvernement devrait
adopter des règlements sévères et se doter de services
d'inspection plus nombreux si vraiment la santé et la
sécurité des travailleurs lui tiennent à coeur.
Le Président (M. Dussault): S'il vous plaît! Je
m'excuse, mais il ne faudrait manifester d'aucune façon dans cette
salle, parce que ce n'est pas permis par nos règlements. Cela dit...
Une voix: L'enthousiasme, M. le Président.
Le Président (M. Dussault): Oui, j'ai vu que
c'était l'enthousiasme, mais je n'ai pas à me prononcer
là-dessus. Cela dit, je vous remercie pour votre collaboration et je
laisse la parole au ministre.
M. Marois: M. le Président, je voudrais d'abord remercier
très sincèrement l'Association des travailleurs accidentés
de la Gaspésie. Sans prendre tous et chacun des éléments
de votre mémoire, vous soulevez en particulier une question qui est
extrêmement importante c'est toute la question des
non-syndiqués dans l'ensemble du projet de loi 17. Il est certain
qu'il n'y a rien qui va remplacer la syndicalisation des travailleurs. Partant
de là, c'est une situation de fait dans l'état actuel des choses
qu'il y a quelque chose comme si j'exclus le secteur public
environ 22% des hommes et des femmes au travail qui sont syndiqués, ce
qui veut dire que, ou bien, dans un projet de loi comme cela, on ne
prévoit rien pour le non-syndiqués ou, alors, on prévoit
quelque chose. Bon! On est porté à retenir la deuxième
hypothèse. Vous nous faites toute une série de suggestions visant
notamment à assurer le renforcement des sanctions, l'application, les
mesures d'intervention beaucoup plus rapides, notamment par l'inspection, etc.
Je vais revenir là-dessus. Il est fort possible, dans le sens de ce que
vous dites, que le projet de loi devenant loi avec les ajustements qui seront
faits à la suite de tous les mémoires qui nous ont
été présentés, ait pour effet de favoriser
davantage la syndicalisation au Québec, surtout dans la mesure où
elle permettrait une jonction plus étroite de relations entre les
travailleurs syndiqués et ceux qui ne le sont pas. Dans ce sens, je
voudrais vous poser une question pour avoir votre opinion, si vous pensez que
c'est possible. Vous en formulez une maintenant. Vous avez des craintes quant
à l'état plus ou moins bidon des comités paritaires en
milieu non syndiqué, de la même façon qu'en ce qui concerne
les représentants à la prévention, libérés,
pour faire de l'inspection, et le reste, dans ces milieux.
Comment réagiriez-vous, à l'idée suivante, dans la
mesure où existeraient des associations sectorielles, par secteurs
économiques ou industriels où seraient représentés,
forcément, les travailleurs, mais les travailleurs organisés?
C'est extrêmement difficile, autrement, de s'assurer une
représentation des travailleurs dans une association sectorielle.
Forcément, ce serait ceux qui sont organisés qui seraient
là, dans les secteurs économiques ou dans les secteurs de
services donnés.
Comment réagiriez-vous à l'idée qu'ils soient
reconnus, avec prépondérance du vote syndical, pour le choix de
ça? Sur une base sectorielle ou régionale, peu importe, ce serait
à voir, il y aurait la mise en place, choisie de façon
prépondérante par les représentants des travailleurs
syndiqués, d'une banque d'hommes ou de femmes, peu importe, de
représentants à la prévention, pouvant agir sur le plan
régional ou sectoriel, avec pouvoir d'entrer dans les entreprises. Ils
pourraient intervenir et jouer le rôle, avec le consentement des
travailleurs concernés dans des petites entreprises non
syndiqués, de représentants à la prévention, avec
la protection requise pour le faire.
À cette idée que j'évoquais, d'une jonction
beaucoup plus étroite entre les travailleurs qui sont syndiqués
et ceux qui ne le sont pas, j'aimerais avoir votre réaction à
cette hypothèse; j'avoue que c'est purement une hypothèse. Ce
serait ma première question.
Deuxièmement, en ce qui concerne le droit de refus, vous soulevez
toute la question de la lourdeur, de la complication de la procédure; je
pense que vous avez raison. On va regarder de très près la
possibilité de réduire les étapes, de simplifier la
procédure pour qu'elle soit beaucoup moins lourde et beaucoup plus
simple, d'une part. Vous soulevez aussi à la fois l'article 12, la
question du danger. Il n'est pas dans notre intention de revenir à ce
qui avait déjà été évoqué dans le
livre blanc, après examen, après étude, à une
notion d'imminence de danger ou de gravité de danger, de danger
immédiat ou de danger inhabituel. On pense que la formule qui doit
être retenue, c est celle qui fait en sorte qu'on ne qualifie pas, au
point de départ, le danger. L'examen de jurisprudence nous amène
à conclure que la jurisprudence ne qualifie pas le danger; il y en a un
ou il n'y en a pas.
Il est sûr qu'il y a des cas; le pompier qui arrive là
où il y a un feu, et que ça peut impliquer la vie des autres
personnes, il est certain que ça ne veut pas dire que le pompier va
dire: Je n'y vais pas, il y a le feu. Il y a donc probablement moyen de trouver
une formule pour le baliser de façon différente pour faire en
sorte de protéger les cas où la vie d'autres travailleurs ou la
vie des citoyens est en danger.
Quant à la question de l'inspection, vous avez entendu le
témoignage de ceux qui vous ont précédé, qui
trouvent que les sanctions sont beaucoup plus dures, et ils ont raison. Les
pouvoirs de l'inspection sont beaucoup plus larges, et ils ont raison, ils sont
beaucoup plus larges. Vous évoquez l'idée qui nous paraît
fondamentale que si on est sérieux, non seulement il faut y mettre des
ressources financières plus importantes, développer davantage le
nombre d'inspecteurs, mais aussi cette idée que vous évoquez,
avec laquelle on est parfaitement d'accord, qu'il faut assurer une
présence, une permanence de présence en région, pour que
les interventions puissent se faire de façon rapide, surtout si on vise
à une simplification des procédures, à une intervention
beaucoup plus rapide, beaucoup plus efficace des inspecteurs sur demande.
Bien sûr, ça vaut dans le cas des travailleurs
syndiqués et il est certain que ça vaut de façon
importante dans le cas des travailleurs non syndiqués. On est
bien d'accord avec vous.
Je terminerais sur une dernière remarque, vous l'évoquez
dans votre mémoire, en ce qui concerne l'indemnisation sur la pleine
compensation. Présentement, on est en train de préparer
cela viendra à la suite du projet de loi 17, on n'a pas pu tout faire en
même temps une réforme en profondeur de l'ensemble des
régimes d'indemnisation et aussi de toute la fameuse question des
expertises médicales, à partir de la fameuse idée du choix
du médecin. (12 heures)
Quelles seraient les formules possibles pour éviter que les gens
soient ballottés d'un médecin à un autre médecin et
d'une contestation à l'expertise? Souvent, dans certains cas, cela
mène à des biopsies. Et pour des biopsies par-dessus biopsies, il
y a quelqu'un qui est ballotté en cours de route et qui paie pour. On
pense qu'il est temps de changer cela. Il s'agit de voir par quelle formule,
par quel moyen on peut y arriver. D'autant plus qu'à partir de
l'introduction du régime de l'assurance automobile qui est basé
sur une philosophie de remplacement du revenu, alors que l'indemnisation, dans
le cas d'accidents du travail, est basé sur une philosophie de
compensation pour perte d'intégrité physique, il y a deux
philosophies qui sont différentes. Je pense qu'il faut aller vers la
philosophie de remplacement du revenu. Et pourquoi ne regarderait-on pas la
possibilité, comme vous l'évoquez, d'une pleine compensation? Ce
n'est pas sans poser un certain nombre de problèmes d'ajustement,
notamment, avec les autres provinces.
Enfin, c'est une hypothèse qui doit être regardée
très sérieusement. On est en train de travailler
là-dessus. Dès que ce sera prêt, c'est notre intention de
procéder à une réforme en profondeur de ce
côté-là. Voilà les commentaires que j'avais à
formuler. Je tiens à remercier infiniment l'Association des travailleurs
accidentés de la Gaspésie de son mémoire.
M. Denis: Je reviens à votre première question, M.
le ministre, au sujet d'une organisation, d'après ce que j'ai pu
comprendre, qui serait formée de syndiqués pour essayer d'aider
les non-syndiqués.
Je crois que les syndiqués devraient avoir un gros pouvoir pour
essayer de pénétrer le marché des petites entreprises.
Dans notre bout, en Gaspésie, il y en a qui sont syndiqués et
cela prend tout pour entrer. Imaginez-vous ceux qui ne sont pas de l'entreprise
et qui vont essayer d'aller se fourrer le nez là, je me demande
qu'est-ce que cela va faire à l'autre bout!
M. Marois: Mais est-ce que l'idée, ou l'hypothèse,
peu importe la façon dont cela pourrait prendre forme, vous semble avoir
du sens? Si on essayait d'examiner des hypothèses dans cette
perspective, il est certain qu'il faut que la loi leur accorde le pouvoir
d'entrer. C'est sûr. Sans cela, ils ne peuvent pas jouer leur rôle
de représentants à la prévention. C'est certain.
M. Denis: Nous autres, ce qu'on demande actuellement en
Gaspésie, pour régler le problème, c'est d'avoir un plus
grand nombre d'inspecteurs et des lois plus sévères.
Le Président (M. Dussault): Je vous remercie. M. le
député de Portneuf.
M. Pagé: Merci, M. le Président. M. Denis, M.
Dupuis, votre déclaration, ce matin, témoigne d'une
réalité qui est là, qui est frappante. Je pense que le
projet de loi 17 ne peut que tenir compte de cet état de fait qui
existe, parce qu'on a une très grande majorité des travailleurs
du Québec qui ne sont pas syndiqués.
Ce que vous évoquez, les craintes, les appréhensions, la
situation qui prévaut dans certains cas, c'est vrai, on le constate dans
nos comtés, on le constate par des déclarations, par des prises
de position qui sont adoptées par des travailleurs, à gauche et
à droite.
J'ai presque envie de vous dire cependant que ce qu'on retrouve dans
votre mémoire, c'est, somme toute, un reproche peut-être
pas un reproche comme tel, mais un constat que vous faites qui est
basé sur le fait que vous n'êtes pas syndiqués.
Peut-être qu'une réponse facile à cela serait de vous dire:
Syndicalisez-vous. Mais peut-être que les entreprises sont trop petites,
peut-être que, dans certains cas, le caractère permanent de la
fonction est tel que parler de syndicalisation, dans certains cas, cela peut
être illusoire, encore aujourd'hui, en 1979.
Je me dis je suis heureux que vous veniez témoigner ce
matin et j'apprécie les commentaires que vous nous faites; on devra en
tenir compte que le projet de loi, dans certains cas, à certains
égards, devra avoir des dispositions plus rigides, plus fortes, donnant
des pouvoirs plus certains aux travailleurs. C'est beau, dans un projet de loi
comme le projet de loi 17, de donner des pouvoirs et des comités de
santé, comités à gauche et à droite, agents de
prévention, et tout ce beau monde-là. Mais si, dans les faits,
cela ne peut pas se faire, ou encore si, dans les faits, du revers de la main,
une partie, en l'occurrence, l'employeur, peut mettre tout cela de
côté, il faudra composer et il faudra que le législateur
ait bien à l'esprit que même dans certains milieux syndicaux,
où il y a des travailleurs qui sont organisés, le droit de refus
on l'a déjà évoqué, et j'aurai
moi-même l'occasion de l'évoquer avec un groupe d'intervenants cet
après-midi, l'Association de la construction de Montréal et du
Québec, les six associations... Prenez le secteur de la construction. Je
donne cela entre parenthèses. J'ai l'impression, quant à moi, que
dans ce secteur, le droit de refus est illusoire jusqu'à une certaine
mesure, en raison du caractère du travail et pour une foule de motifs
sur lesquels je reviendrai cet après-midi.
Si, dans les milieux syndiqués, organisés,
structurés, comme le secteur de la construction, si, à certains
égards le droit de refus est tout à fait illusoire, il l'est
davantage, selon moi, et il y a plus de risque qu'il le soit dans les secteurs
non
syndiqués. Ce que vous mettez en relief, nous y souscrivons. Nous
avons les mêmes inquiétudes que vous.
D'ailleurs, j'ai eu l'occasion d'en faire part, lors de la
déclaration d'ouverture au nom de l'Opposition officielle, qu'il y avait
tout un milieu, tout un secteur, le secteur des travailleurs non
syndiqués, un secteur où vous n'êtes malheureusement pas
organisés, où vous n'êtes pas équipés pour
vous défendre, où vous avez à composer avec
différentes pressions venant de gauche et de droite.
Vous savez, même en 1979, alors qu'ici même on parle de
belle législation, de superstructure, de budgets, de recherche, etc., il
faut quand même constater que, malheureusement, au Québec, encore
aujourd'hui, il y a des accidents du travail qui ne sont même pas
rapportés et le gars vient nous dire dans nos bureaux: Je ne l'ai pas
rapporté, parce que cela aurait fait du trouble au "boss" et patati,
patata. Il m'a dit: Va-t-en chez vous. Fais-toi soigner le bout du doigt que tu
viens de perdre, mon vieux, et je vais te payer deux semaines. Tu prendras une
semaine de vacances. Il y a encore des cas comme ceux-là aujourd'hui. On
n'a pas besoin de vous dire qu'on a tout un pas à faire en avant.
Ce n'est pas seulement un projet de loi comme le projet de loi no 17
qui, avec des belles définitions de structures, va venir régler
le problème. Il faudra une concertation, il faudra un effort plus
marqué. C'est une volonté politique qui peut le faire, qui va se
traduire par ce que vous proposez: des normes plus sévères, une
présence accrue d'inspecteurs, des budgets afférents dans le cas
de certaines régions. C'est beau de parler d'inspectorat, de la
présence des inspecteurs, etc., mais le problème de la
Gaspésie, entre autres, le problème que vous évoquez comme
celui qui rencontre des travailleurs d'autres régions du Québec,
il est existant. Il y a le problème des distances, les bureaux
régionaux, etc.
Ce que vous mettez en relief ce matin, on le trouve très
intéressant. Quant à moi, vous n'êtes pas venus à
Québec pour rien. Je suis convaincu que les membres de la commission
autour de la table seront en mesure de revenir sur ces sujets-là, tant
en deuxième lecture que lors de l'étude du projet de loi article
par article. S'il faut renforcer le projet de loi à certains
égards, le législateur le fera. Pour ce qui concerne la
suggestion comme celle que le ministre a formulée tout à l'heure,
en fait, ce sont des hypothèses de solutions, je ne suis pas convaincu
que celle qu'il a exprimée serait la meilleure des solutions, parce que
je me demande sur quoi un travailleur syndiqué pourrait s'appuyer pour
avoir un pouvoir à l'intérieur d'une entreprise non
syndiquée. La première question que l'employeur va lui poser:
Vous n'avez pas de certificat d'accréditation, qu'est-ce que vous venez
faire ici? Cela prendra tout un chapitre dans la loi pour prévoir des
cas comme ceux-là, mais cela mérite certainement d'être
regardé.
Vos commentaires sur l'indemnisation sont intéressants, parce que
le projet de loi 17 devra aboutir à une réforme globale, à
une position du gouvernement, à une retouche du gouvernement et de
l'Assemblée nationale, je pense, sur tous les mécanismes
d'indemnisation de la Commission des accidents du travail. Vous savez, autant
il y a eu des critiques à l'égard des médecins de
compagnie, autant, je pense, à certains égards, les travailleurs
du Québec seraient justifiés de porter des critiques à
l'égard des médecins de la Commission des accidents du travail
aussi.
On a eu des modifications à la loi. On a maintenant des bureaux
régionaux, des bureaux de révision. Cela s'est fait dans un
esprit de droits additionnels ou de pouvoirs accrus aux travailleurs avec un
droit d'appel, mais je ne suis pas convaincu que c'est concluant jusqu'à
maintenant, parce que, dans le moment, on a rencontré des gens,
l'Association des travailleurs accidentés de l'Outaouais, et ils nous
ont dit: C'est vrai. Tu as des travailleurs "poignés" pour attendre six
mois et un an avant d'avoir une décision du bureau de révision.
Ce que je crains, ce qui est en train de s'instaurer, j'ai peut-être
tort, je n'ai peut-être pas raison, mais la crainte que j'ai, c'est
qu'actuellement la Commission des accidents du travail soit très
sévère pour ce qui concerne l'établissement d'un
degré d'incapacité, parce que la commission se dit, selon moi: Si
le travailleur n'est pas satisfait, il ira au bureau de révision
purement et simplement. Il y aura beaucoup de choses à faire. Il faudra
que le législateur et que l'Assemblée nationale interviennent et
révisent les programmes d'indemnisation. Tout cela se fera
évidemment avec les pouvoirs de la nouvelle commission de santé
et de sécurité et, à ce titre-là, vos commentaires
de ce matin sont les bienvenus et je vous remercie de votre témoignage,
messieurs. Merci.
Le Président (M. Dussault): II n'y pas d'autre
intervenant. Avez-vous des commentaires à ajouter, MM. Denis et
Dupuis?
M. Denis: Pour ce qui est du syndicat, je suis syndiqué.
Je suis un travailleur de la construction. À l'heure actuelle, ceux qui
sont syndiqués ont de la misère à faire respecter leurs
lois. Le gars en arrière qui n'est pas syndiqué, vous
imaginez-vous où il va se ramasser? Au sujet de la CAT, j'ai vécu
un problème de la CAT. Cela fait un an et demi que mon cas est en
révision et je n'en ai encore eu aucune nouvelle.
M. Pagé: C'est cela.
Le Président (M. Dussault): Au nom de la commission, M.
Denis et M. Dupuis, je vous remercie pour votre participation et votre
très grande collaboration, je le répète, aux travaux de
cette commission. Bon retour.
J'invite maintenant le Comité des travailleurs accidentés
de l'Estrie à se présenter devant la commission.
J'invite le porte-parole du groupe à s'identifier et à
nous présenter ses collègues.
Comité des travailleurs accidentés de
l'Estrie
M. Bolduc (Marcel): Je suis Marcel Bolduc, président du
comité des travailleurs accidentés de l'Estrie; je suis
également travailleur à temps partiel à l'Association
coopérative d'économie familiale de l'Estrie au secteur travail;
je travaille également à temps plein depuis quinze ans dans une
usine. À ma droite, Gilles Tremblay, membre et secrétaire du
comité, et Jean Ouellet, également membre du comité.
Le Président (M. Dussault): M. Bolduc, je vous demanderais
de nous présenter votre mémoire à l'intérieur de 20
minutes, s'il vous plaît.
M. Bolduc: Je veux d'abord vous faire l'historique du
comité. Le Comité des travailleurs accidentés de l'Estrie
est né d'une initiative de l'Association coopérative
d'économie familiale de l'Estrie.
L'ACEF, qui a comme principale vocation de se préoccuper des
problèmes d'endettement, a constaté, via son service de
consultation budgétaire, que les victimes d'accidents du travail
subissent de graves problèmes d'endettement. Ce problème chez les
accidentés est principalement causé soit par la perte de leur
emploi, et c'est ce qui arrive de façon générale chez les
non syndiqués, soit par une invalidité totale mal
compensée par la commission ou tout simplement à cause d'autres
problèmes avec la CAT.
C'est finalement à la fin de janvier 1979 que l'ACEF organise une
soirée d'information à l'intention des travailleurs
accidentés. Les quelque 25 travailleurs présents échangent
sur les divers problèmes qu'ils subissent avec la CAT et, dès
cette première, un comité de six membres reçoit comme
mandat de soumettre à la prochaine rencontre les bases du mouvement. Le
30 mai, le comité reçoit son incorporation et procède, le
20 juin, à l'élection de son conseil d'administration, qui est
composé principalement de travailleurs accidentés.
Les principaux objectifs du comité sont les suivants:
Regrouper les victimes d'accidents du travail ainsi que les travailleurs
préoccupés par la santé et la sécurité au
travail; ce sont principalement les non syndiqués;
Favoriser par tous les moyens la santé et la
sécurité au travail et assurer la réhabilitation sociale
et économique des accidentés du travail.
Le comité met à la disposition de ses membres et des
travailleurs de toute la région un service de dépannage ou de
consultation afin de régler les nombreux problèmes survenus avec
la CAT.
Enfin, le comité des travailleurs accidentés de l'Estrie
entend être un des porte-parole de tous les travailleurs et travailleuses
de la région en ce qui regarde la santé et la
sécurité au travail et principalement les non syndiqués
qui, eux, ne possèdent aucun moyen et reçoivent peu
d'information.
Le Comité des travailleurs accidentés de l'Estrie trouve
important de s'opposer au projet de loi no 17, d'autant plus que, dans notre
région, comme vous pouvez le constater, les conditions de santé
et de sécurité sont particulièrement mauvaises. En effet,
si nous regardons de près la structure de l'économie
régionale de l'Estrie, nous y trouvons une situation des plus propices
aux accidents du travail.
De fait, l'économie de la région est basée sur
l'industrie traditionnelle, c'est-à-dire sur les secteurs les plus
souvent stagnants, fonctionnant avec une machinerie des plus vétustes et
une accélération sans cesse croissante des cadences où les
travailleurs sont souvent payés à la pièce. Ces facteurs
sont tels que, l'an dernier, la région de l'Estrie comptait 2329
accidents du travail dans les six premiers mois de l'année, ce qui
représente plus de 5000 accidents pour l'année 1978.
Pis encore, c'est que ces chiffres ne tiennent pas compte des maladies
industrielles; la preuve en est que 20% des travailleurs du textile dans la
région souffrant de maladies pulmonaires et encore plus sont atteints de
surdité industrielle. D'autres, comme les métallos, contractent
la silicose ou la sidérose.
Finalement, qu'il ne s'agisse que de rappeler que les problèmes
de santé pour les travailleurs qui sont obligés d'utiliser la
soudure au "flux" ou de se servir de rayons X, comme c'est le cas manifeste
à la Combustion Eng. de Sherbrooke, et à la UnitCast. C'est donc
dire que la santé et la sécurité au travail
s'avèrent un problème important pour les travailleurs de
l'Estrie, trop d'entre eux se retrouvent handicapés pour le reste de
leur vie.
Si le gouvernement prétend répondre aux problèmes
de maladies industrielles soulevés précédemment, nous
prétendons qu'il n'atteindra pas les buts visés, car le projet de
loi ne satisfait aucunement les revendications des travailleurs. Dans les
faits, le gouvernement évite de s'attaquer aux conditions dangereuses et
permanentes qui menacent quotidiennement la santé et la
sécurité des travailleurs. (12 h 15)
C'est clairement ce recul que nous dévoile une analyse du projet
de loi no 17. Sur le droit individuel et collectif d'arrêter de
travailler dans des conditions dangereuses et ce, sans pénalité,
le projet de loi dit: "Si l'exécution du travail comporte un risque qui
n'est pas normalement et habituellement inhérent aux fonctions
exercées". Cet article ne sert qu'à cacher les conditions
meurtrières et permanentes auxquelles sont soumis les travailleurs
depuis toujours. Il va sans dire que les poussières que les travailleurs
respirent à longueur d'année, la chaleur et le bruit excessif
qu'ils subissent de huit à dix heures par jour, les vapeurs toxiques qui
les tuent à petit feu constituent pour nous des motifs raisonnables de
croire que l'exécution d'un travail dans de telles conditions est un
danger pour la santé et la sécurité des travailleurs.
De plus, le projet de loi no 17 ne reconnaît pas le droit
collectif d'arrêter de travailler dans des
conditions dangereuses. Dans les faits, ça veut dire qu'un patron
pourra faire effectuer, par un autre travailleur, le travail dangereux qu'un
autre vient de refuser: "... le refus de travailler repose sur des motifs qui
sont acceptables dans le cas particulier du travailleur, mais ne justifie pas
un autre travailleur de refuser le travail, l'employeur peut... faire
exécuter le travail par un autre travailleur". C'est l'article 19.
Tout ce tripotage, plutôt que d'exiger que les dangers soient
éliminés à la source. Mais non! c'est aux travailleurs que
le gouvernement veut faire porter le poids de la santé et de la
sécurité au travail, et, de ce fait, la responsabilité des
accidents et des maladies industrielles.
Sur les autres revendications clés des travailleurs, c'est la
même chose. Le projet de loi les refuse.
Le droit à un médecin de notre choix. Dans un premier
temps, le gouvernement entend transformer les médecins de compagnie en
une réserve de "médecins du travail". Dans un deuxième
temps, nous devons choisir, en accord avec le patron, un médecin du
travail, et, si jamais nous n'en arrivions pas à une entente sur le
choix du médecin d'établissement, l'État pourra nous
l'imposer. Référence à l'article 88.
Sachant bien que, dans les comités paritaires, c'est la compagnie
qui a toujours le dernier mot, surtout dans les emplois non syndiqués,
nous pouvons imaginer qui va décider du choix du médecin.
Les comités paritaires inefficaces. Pour poursuivre dans la
même veine sur le projet de loi no 17, nous soulevons une interrogation
à propos du comité paritaire rebaptisé "comité de
santé et de sécurité".
L'inexpérience des travailleurs dans de tels comités les
met dans un état de non-égalité avec les employeurs car
les patrons pourront, plus facilement que les employés, s'adjoindre des
experts pour siéger ou pour conseiller les patrons siégeant aux
comités.
Cela paraît d'autant plus clair que le gouvernement du
Québec concluait, dans son livre blanc sur la santé et la
sécurité au travail: "... étant donné le petit
nombre de comités qui ont réussi à fonctionner de
façon satisfaisante, que le climat des relations entre travailleurs et
employeurs, dans le domaine de la santé et de la sécurité
au travail, n'est pas propice au fonctionnement de comités
paritaires".
Le gouvernement veut-il nous faire croire que la situation va
changer?
Voilà, en gros, les revendications que le comité des
accidentés du travail de l'Estrie fait au gouvernement en vue de
satisfaire les revendications des travailleurs.
Pour nous, travailleurs et travailleuses, ces pseudo-droits ne sont pas
mieux qu'avant, c'est pire! Parce que, dans cette pseudo-réforme, le
gouvernement met en place des "mécanismes de collaboration". Grosso
modo, la partie la plus importante du document porte sur l'obligation de mettre
sur pied partout, tant au niveau local que régional et sectoriel, des
comités paritaires de santé et de sécurité qui
verraient à résoudre les épineux problèmes de
sécurité au travail.
Comme si les intérêts des travailleurs et des employeurs
concernant la protection des travailleurs au niveau de la santé et
sécurité au travail n'étaient pas fondamentalement
opposés.
Considérant aussi que les articles no 12, no 19, no 21,
deuxième alinéa, no 26, no 28, deuxième alinéa, et
no 31 causent un tort inconditionnel aux travailleurs et que leur retrait est
le moins que nous puissions exiger du gouvernement, nous réclamons
l'abolition de ces articles de loi, pour les remplacer par d'autres qui
sauraient satisfaire nos demandes dans le cas de l'article 12...
Le Président (M. Dussault): Un instant, M. Bolduc!
M. Bolduc: Oui.
Le Président (M. Dussault): Je demanderais, s'il vous
plaît, aux gens derrière, à ceux qui entrent, de garder le
silence, de façon que nos travaux puissent se continuer dans l'ordre.
Merci. Vous pouvez continuer, M. Bolduc.
M. Bolduc: Alors, je reprends. ... par d'autres qui sauraient
satisfaire nos demandes dans le cas de l'article 12 et par l'abolition pure et
simple pour les articles 19, 21, deuxième alinéa, 26, 28,
deuxième alinéa, et 31.
Le Président (M. Dussault): Merci, M. Bolduc. M. le
ministre.
M. Marois: M. le Président, je veux remercier le
Comité des travailleurs accidentés de l'Estrie de son
mémoire.
Je me permettrai simplement deux remarques. La première, c'est
que je pense qu'on ne fait pas tout à fait la même lecture du
projet de loi, des textes et des articles. Quand vous affirmez, vers le bas de
la page 6 de votre mémoire, que, dans les faits, ça veut dire
qu'un patron pourra faire effectuer par un autre travailleur ou travailleuse un
travail dangereux, je pense que c'est mettre de côté
complètement l'article 26 de la loi, avec les exceptions qui sont
prévues aux articles 19, 21 et 28. Le principe de l'économie
générale du projet de loi étant le principe du
non-remplacement, sauf le cas où la situation tient personnellement
à l'état même d'un travailleur ou d'une travailleuse, sauf
les cas où il y a eu une décision rendue par l'inspecteur, dans
les cas où il n'est pas présent sur les lieux, ou si ça
implique deux autres travailleurs, qui sont les cas d'exception. Le principe du
non-remplacement, je ne crois pas qu'on trouve cela beaucoup dans les
conventions collectives actuelles et je ne pense pas qu'on trouve ça
beaucoup dans les lois qui existent actuellement dans les autres provinces et
dans les autres pays. Je pense que c'est une chose qui aurait pu être
relevée. Si vous avez des propositions ou des recommandations pour qu'on
améliore les modalités d'application, je suis bien
prêt à les regarder, mais vous affirmez carrément
que c'est l'inverse.
Je prends acte du fait que, de votre point de vue, votre opposition au
projet de loi no 17 est fondée sur le fait qu'à la page 9: "...
Ces pseudodroits ne sont pas mieux qu'avant: c'est pire! Parce que, dans cette
pseudo-réforme, le gouvernement met en place des "mécanismes de
collaboration". Je n'ai pas de question, je n'ai pas de commentaires, M. le
Président.
Le Président (M. Dussault): Merci, M. le ministre. Est-ce
que nos invités ont quelque chose à ajouter? M. Tremblay.
M. Tremblay (Gilles): Je vais d'abord répondre à la
première remarque de M. le ministre qui concerne le remplacement
possible d'un travailleur. Je prends le cas d'un travailleur à la
Combustion Engineering, qui est arrivé dernièrement. Dans son
cas, par exemple, il y a plusieurs travailleurs qui ont eu des problèmes
dus à la soudure au "flock score" qui est un nouveau
procédé de soudure. Ce qu'on lui a répondu, c'est que
c'était un problème d'allergie personnelle. Même si les
autres travailleurs sont dans des cas semblables, ça ne permet pas de
changer, parce qu'on peut toujours arriver à dire que c'est un cas
personnel. C'est souvent ce qui est fait. Dans le cas actuel, il y avait
même la collaboration de la CAT pour en arriver à cela.
M. Marois: Oui, mais vous savez fort bien que l'article 19 ne dit
pas que c'est une décision unilatérale de l'employeur. L'article
19 dit: "Si, à l'encontre d'une recommandation des deux membres du
comité..." c'est-à-dire d'une part, le représentant du
travailleur et, d'autre part, le représentant de l'employeur, ce n'est
quand même pas la même chose.
M. Tremblay (Gilles): Sauf qu'on connaît le problème
des comités paritaires. Je prends seulement le cas de l'usine où
j'ai travaillé longtemps, Lowney's par exemple. Qu'est-ce qui arrivait
dans le comité paritaire? Les délégués syndicaux,
à force de rencontres avec la partie patronale, se sont fait gagner du
côté de la partie patronale, de telle sorte que, finalement...
M. Marois: Là, si vous me dites que vous n'avez même
pas confiance dans le représentant syndical, c'est une autre paire de
manches.
M. Tremblay (Gilles): Souvent les mécanismes sont
tellement forts du côté de la compagnie, ce n'est tellement pas
égalitaire que, finalement, on se fait avoir au bout du compte. C'est
cela, finalement, les comités paritaires.
Le Président (M. Dussault): Un instant, s'il vous
plaît, derrière, je m'excuse. À nouveau, je vous
demanderais, s'il vous plaît, de faire en sorte qu'on ne dérange
pas les travaux. J'ai demandé au personnel d'ouvrir en haut, de
façon qu'il y ait de la place pour tout le monde, je vous demande
d'être patients et de faire en sorte qu'on puisse continuer nos travaux
dans l'ordre.
Je m'excuse, M. Tremblay. Est-ce que vous avez terminé votre
intervention? M. Bolduc.
M. Bolduc: J'aurais quelque chose à ajouter à
l'intervention de M. Tremblay, au sujet de l'article 28 où on retrouve:
"Si l'inspecteur n'est pas présent dans ce délai, l'employeur
peut faire exécuter le travail par un autre travailleur qui accepte de
le faire après avoir été informé du fait que le
droit de refus a été exercé."
Je crois qu'ici on a un peu raison de demander le retrait de cet
article. Si l'inspecteur ne se présente pas dans les délais
prévus, même si un employeur informe un autre travailleur que
quelqu'un a exercé un droit de refus, ça n'empêche pas
d'exposer cet autre travailleur à un danger. Les mécanismes des
articles 19, 21 et les autres qu'on veut retirer nous semblent trop lourds.
C'est pour cette raison qu'on a demandé leur retrait. Évidemment,
l'article 28, si l'inspecteur n'est pas là, ça n'empêche
pas de mettre un autre travailleur qui lui, à son tour, va risquer
d'être blessé ou accidenté à cause de l'état
des lieux ou du travail.
Le Président (M. Dussault): Merci. M. le
député de Portneuf.
M. Pagé: M. le Président, je serai très
bref, je me limiterai à remercier M. Bolduc, M. Tremblay et M. Ouellet
de leur mémoire. Vous êtes le troisième groupe de
travailleurs accidentés qui venez déposer un mémoire ici.
Je vous remercie. Vous avez pris connaissance des commentaires que j'ai faits
tout à l'heure à l'égard des représentants de la
Gaspésie, je vous les réitère et je vous remercie.
Le Président (M. Dussault): M. Bolduc.
M. Bolduc: En terminant, j'aimerais ajouter, faire une petite
précision aussi, que le Comité des travailleurs accidentés
de l'Estrie est relativement nouveau. Il est appuyé par des
bénévoles et il ne possède pas tous les moyens qu'on
retrouve dans d'autres organismes pour rédiger des mémoires et
faire l'étude d'un projet de loi aussi volumineux que celui-là.
Je vous remercie.
Le Président (M. Dussault): Merci au Comité des
travailleurs accidentés de l'Estrie, au nom de la commission, pour sa
collaboration aux travaux de cette commission. J'invite maintenant... M. Rochon
est-il présent? S'il vous plaît! S'il vous plaît! On a
demandé ce matin de ne manifester d'aucune façon. M. Rochon, je
vous invite à vous présenter devant la commission. Pendant ce
temps, je demanderais aux gens en haut de s'asseoir, s'il vous plaît.
Oui, M. le député de Sainte-Marie.
M. Bisaillon: M. le Président, vous venez d'adresser une
demande aux gens qui sont aux étages supérieurs de s'asseoir. Je
remarque, en
particulier, que ceux qui sont sur les côtés, s'ils
s'assoient, ne verront pas les travaux de la commission. Il me semble que ce
serait normal qu'on puisse leur permettre... C'est un cas d'exception de...
Le Président (M. Dussault): S'il vous plaît,
mesdames et messieurs! Évidemment, je n'exigerai pas d'ailleurs,
je pense que cela va de soi que ceux qui ne voient pas s'assoient
absolument, mais il est dans l'ordre habituellement, autant à
l'Assemblée nationale qu'au salon rouge, que les gens qui viennent
entendre, qui viennent participer à nos travaux de façon plus
passive s'assoient. C'est dans ce sens-là que j'ai demandé aux
gens de s'asseoir. Je réitère mon invitation. Je ne donne d'ordre
à personne évidemment. Je réitère mon invitation
que ceux qui sont en mesure de voir nos travaux puissent s'asseoir, s'il vous
plaît, de façon que nos travaux se fassent et continuent à
se faire dans le décorum habituel des travaux en commission.
Ceci dit, j'invite le porte-parole puisque, semble-t-il, il est
le porte-parole d'un groupe M. Rochon, à s'identifier et à
nous présenter ses collègues.
Représentants des secteurs
universitaires
M. Rochon (Jean): Merci, M. le Président. Comme
préambule, je voudrais justement expliquer comment Jean Rochon existe
sous douze exemplaires, ce qui n'est pas tout à fait le cas là.
Lors de la présentation du mémoire que nous devions faire en
prévision d'une comparution devant la commission parlementaire, la
période de l'été et les délais qui étaient
imposés au sein des universités avec la fin des différents
programmes n'ont pas permis à tous ceux qui sont ici de se rencontrer et
de pouvoir compléter leur concertation et rencontrer en même temps
le délai de dépôt d'un mémoire. J'ai dû le
faire en mon nom, mais en précisant dès ce moment-là, au
mois d'août, au secrétaire des commissions parlementaires qu'une
consultation était en marche et que, lors de la rencontre avec la
commission parlementaire, le mémoire serait celui d'un groupe. Ce n'est
pas une association. Ce n'est pas une organisation, mais c'est un groupe de
gens d'universités qui veulent appuyer ces vues-là.
Le Président (M. Dussault): Un instant, s'il vous
plaît, M. Rochon. Je voudrais une seconde fois demander la collaboration
de tous les gens en cette salle pour faire en sorte que nos travaux puissent se
faire dans le même esprit, le même décorum, le même
ordre que cela se fait normalement. S'il vous plaît! Je demande la
collaboration de tout le monde, de façon que les gens qui sont devant
nous puissent exercer leur droit d'expression de la même façon que
tous ceux qui ont précédé. S'il vous plaît, une
seconde fois, votre collaboration, merci. M. Rochon, vous avez la parole. (12 h
30)
Une voix: Cela fait 18 mois qu'on attend votre collaboration!
Le Président (M. Dussault): M. Rochon, je m'excuse, je
vais suspendre les travaux de cette commission jusqu'à 15 heures cet
après-midi.
(Suspension de la séance à 12 h 31)
(Reprise de la séance à 15 h 12)
Le Président (M. Dussault): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Nous reprenons les travaux de la commission élue permanente du
travail et de la main-d'oeuvre, dont le mandat est de faire l'audition des
mémoires sur le projet de loi no 17, Loi sur la santé et la
sécurité du travail.
Au moment où nous avons suspendu nos travaux ce matin, comme tout
le monde s'en rappellera, nous étions à entendre M. Rochon, qui
parlait au nom d'un groupe d'universitaires.
Je vous cède la parole, M. Rochon.
M. Rochon: Merci, M. le Président, sans plus de
préambule, je continue ce que je disais ce matin. J'étais rendu
au point de vous présenter brièvement les personnes qui composent
ce groupe d'universitaires. Je voudrais d'abord souligner que vous avez
là des gens de cinq universités, à savoir l'INRS, les
Universités de Montréal et McGill, à Montréal,
l'Université de Sherbrooke et l'Université Laval et des gens qui
viennent de trois secteurs universitaires, soit le secteur des sciences, des
sciences sociales et des sciences de la santé ou, plus
spécifiquement dans la composition actuelle de la Commission, de la
médecine.
À l'intérieur de ça, il y a une bonne moitié
de ceux qui sont ici qui sont directement impliqués dans leur travail
d'enseignement et de recherche dans les questions directement reliées
aux problèmes de santé et de sécurité du
travail.
Je vous énumère les gens qui sont à la table
pouvant être du secteur des sciences, si vous voulez. Il y a M. Maurice
Avery, de l'INRS et responsable, comme doyen des études avancées
et de la recherche; il y a M. Lucien Huot, doyen de la faculté des
sciences de l'Université Laval et M. Gabriel Plaa, qui est le vice-doyen
à la recherche de la faculté d'études supérieures
de l'Université de Montréal.
Du secteur des sciences sociales plus directement, nous avons avec nous
M. Marc Renaud, professeur au département de sociologie à
l'Université de Montréal et du secteur de médecine; il y a
M. Bernard Bénard, vice-doyen à la recherche à la
faculté de médecine de l'Université de Sherbrooke, et
moi-même, doyen de la faculté de médecine à
l'Université Laval.
Dans notre groupe, il y a six personnes qu'on pourrait identifier comme
étant plus directement impliquées par leurs travaux
d'enseignement et de
recherche au secteur de la santé et sécurité du
travail. De l'Université McGill, il y a le Dr Gibbs, le directeur de
l'Institut de médecine et de sécurité au travail, et le Dr
Cassidy, qui enseigne à la faculté de médecine de
McGill.
De l'Université de Montréal, y a M. Robert Gilbert, de
l'Ecole polytechnique, département de génie industriel et M.
Jules Brodeur, qui est le directeur du département d'hygiène des
milieux et de santé au travail.
De Sherbrooke, il y a M. Jacques Dunnigan, directeur du programme de
recherche sur l'amiante et, de Laval, M. Gilles Thériault, directeur du
programme de santé au travail à la faculté de
médecine de Laval.
Je voudrais vous demander, M. le Président, que les deux
documents que nous avons déposés, c'est-à-dire ce qui
tient lieu de mémoire, que nous avons présenté au mois
d'août, et les notes complémentaires que nous avons
déposées ces jours derniers, soient déposés au
feuilleton, tels que présentés, de sorte qu'on puisse vous
résumer très brièvement, pour accélérer les
travaux, certains éléments plus importants du contenu de ces deux
documents.
Le Président (M. Dussault): Cela vous est accordé
par la commission. (15 h 15)
M. Rochon: Merci, M. le Président.
Comme présentation, pour laisser le plus de temps possible
à mes collègues d'ajouter, au besoin, des précisions et
peut-être, aussi, de répondre aux réactions que les membres
de la commission pourraient avoir, je voudrais faire une synthèse, en
partie, de la rationnelle qui réside derrière les documents qu'on
vous a présentés, et vous faire quelques commentaires
additionnels sur les recommandations plus précises, plus
spécifiques qu'on veut vous faire.
Sur la rationnelle générale derrière notre
démarche, je voudrais vous présenter cela brièvement sous
deux têtes de chapitre. D'abord, ce qui regarde, comme rationnelle, le
développement de la recherche comme tel et, deuxièmement, plus
spécifiquement, ce qui concerne l'implication des universités
dans un dossier comme celui-là.
En ce qui regarde la recherche, ce qui colore vraiment les intentions de
notre présentation, je voudrais d'abord souligner que nous sommes
très conscients que le développement de la recherche dans le
domaine doit être toujours conçu et pensé comme touchant
autant les aspects de santé que les aspects de sécurité
des problèmes au travail. Dans le document qu'on a
présenté, on mentionnait, à la page 2, plus
précisément, qu'historiquement, le développement s'est
d'abord fait du côté des problèmes relatifs à la
sécurité comme les accidents du travail, et que c'est beaucoup
plus récemment qu'on s'intéresse aux problèmes des
maladies professionnelles, mais on voudrait bien souligner qu'on a l'impression
que dans le domaine de la recherche, autant du côté santé
que du côté sécurité, le développement est
très insuffisant, encore assez embryonnaire et très
limité, même si les programmes d'action ont été
beaucoup plus développés du côté de la
sécurité plutôt que de la santé.
L'intention de notre présentation et des recommandations qu'on
fait est, d'une façon générale, en accord complet avec
l'orientation principale et les idées générales du projet
de loi. Ce qu'on voudrait suggérer, c'est un regroupement des
idées, et peut-être de développer davantage l'emphase sur
certains aspects de la recherche, pour qu'on ait dans un projet de loi comme
celui-là un ensemble de mesures qui soient complètes et
cohérentes avec le développement de la recherche. Le danger
actuel, a-t-on l'impression ce n'est pas que ce n'est pas bon
c'est que ça risque d'être encore un développement trop
parsemé, trop ponctuel et on risque d'investir des sommes importantes
qui pourront produire des résultats immédiats de recherche, mais
qui risquent d'être sans lendemain et de ne pas avoir le
bénéfice secondaire de bâtir une capacité de
recherche. C'est donc vraiment dans le sens d'une meilleure coordination des
efforts de la recherche au Québec qu'on va faire notre intervention.
Un troisième point à ce chapitre de la recherche qui nous
motive beaucoup à faire cette intervention devant la commission, c'est
l'importance d'avoir bien à l'esprit que le développement de la
recherche, que ce soit dans n'importe quel milieu, demande un minimum de
stabilité, et vue sur du moyen terme. C'est facile de penser qu'on peut
commander des projets de recherche, des consultations, des contrats de
recherche, et produire de la recherche comme ça; c'est possible en
autant qu'on maintient une capacité de développement des
ressources de recherche, surtout quand on parle d'un milieu de santé et
sécurité au travail, comme domaine de recherche, la
nécessité de recherches multidisciplinaires, c'est long et c'est
difficile de développer le genre d'équipe multidisciplinaire
qu'on veut.
Pour que ça se fasse, pour qu'on attire les meilleures
compétences du Québec dans un domaine comme cela, il faut
garantir un minimum de stabilité à moyen terme. Autrement, ce
n'est pas pensable d'attirer la masse critique qu'il nous faut, et les gens
viennent et passent au hasard des projets, mais on ne bâtit rien qui
reste pour l'avenir.
Un quatrième et dernier point sur lequel on voudrait insister,
c'est que le sens de notre intervention n'est pas du tout d'essayer de
définir un territoire protégé. On n'a aucune
prétention, ni comme chercheurs, ni comme gens qui sont dans les
universités, d'essayer de dire au monde: La recherche, ça nous
concerne, ne vous mêlez pas de ça, vous ne connaissez pas cela et
c'est nous qui nous en occupons. Ce n'est pas ça qu'on veut dire. Ce
qu'on essaie de passer comme message, c'est que dans un projet de loi où
tout est bâti sur une concertation des partenaires sociaux qui sont
essentiellement, dans un dossier comme celui-là, les travailleurs, les
employeurs et le gouvernement pour leur différentes
responsabilités, quand ils arrivent à des décisions
relatives à la recherche,
on pourrait peut-être leur aider à prendre de meilleures
décisions si on est un quatrième partenaire social associé
à ces décisions. Si on connaît un peu notre métier
et notre domaine, on pourrait peut-être participer aux décisions
pour que les investissements de recherche soient faits dans des domaines
où ils ont plus de chance de se développer et de rapporter. C'est
dans ce sens qu'une intervention se ferait, et non pas en pensant qu'on peut en
remplacer d'autres, surtout quand il est question de prendre des
décisions sur la pertinence de certaines recherches, on est bien
conscient, et je pense que ça fait quelques années si on a
déjà eu des prétentions contraires que les milieux
universitaires et de recherche ont concédé que les travailleurs
ont le principal mot à dire avec les autres parties
intéressées pour décider de ce qui est pertinent ou de ce
qui ne l'est pas en ce qui les concerne.
On intervient ensuite pour pouvoir dire ce qui est faisable ou ce qui ne
l'est pas à l'intérieur de la pertinence, par exemple. Ce qui est
pertinent n'est pas nécessairement réalisable dans le domaine des
recherches et c'est là qu'on peut peut-être aider.
Deuxième thème pour notre présentation
générale: Pourquoi les universités là-dedans? Le
sens de notre présentation et notre message, encore là, c'est
vraiment de pouvoir vous montrer une disponibilité qui n'est pas
particulière à un secteur universitaire, mais qui coupe les
différents secteurs pas d'une université, mais des
universités du Québec.
Il y a dans les universités une diversité de ressources et
un assez grand éventail de ressources de recherche de capacité de
recherche, autant de recherche fondamentale que clinique et appliquée
qui oeuvrent déjà ou qui peuvent oeuvrer assez facilement dans
des problèmes directement pertinents à la santé et
à la sécurité des travailleurs. En plus de ce que l'on
retrouve dans les différentes universités, il y a peut-être
plus qu'on pourrait le croire de l'extérieur, des échanges et des
collaborations entre les universités, et quand on parle de réseau
universitaire, c'est peut-être encore embryonnaire par rapport à
ce qu'on voudrait comme réseau, mais c'est réel, ce n'est pas
juste une vue de l'esprit. Il y a beaucoup d'échanges de personnel et de
projets conjoints qui se font entre les universités.
Donc, pourquoi les universités là-dedans? C'est qu'il y a
d'abord, en partant, et je pense que le groupe de personnes qui est devant vous
le concrétise de façon bien vivante, des ressources qui
oeuvrent déjà dans des secteurs directement pertinents à
ça.
Le deuxième point, c'est qu'on a la prétention, on pense
qu'on peut vous dire que les investissements de recherche qui vont se faire,
s'ils se font dans ce réseau-là, il y a déjà une
mise de fonds initiale considérable, cela a peut-être pas mal plus
de chances d'être rentable pour la société et pour ceux qui
peuvent bénéficier des résultats de la recherche, que si
on ignore ça, si on passe à côté de ça, et
que si on bâtit à partir de zéro quelque chose en dehors du
réseau des universités.
Il y a une disponibilité, il y a des ressources, il y a de
l'amélioration à faire, bien sûr, et il y a besoin de
réorganiser certaines choses, mais je pense que les gens sont
prêts à le faire s'il y a une collaboration à cet
égard.
Finalement, pourquoi les universités, dans un dossier comme
ça? Si la recherche est développée dans le réseau
universitaire, en plus des avantages que j'ai déjà
soulignés, il ne faut pas oublier qu'il y a quand même une mission
de l'université qui lui est propre et, je pense, peu contestée,
même sans être nécessairement exclusive, il y a un certain
niveau de formation pour les chercheurs et pour les professionnels qui
nécessairement se fait à l'université et si la recherche
se développe en plus dans ce réseau-là, on vient de
potentialiser et de renforcer la formation et la pertinence de la formation
qu'on va donner et aux chercheurs et aux professionnels qui doivent oeuvrer
dans des domaines directement reliés à la santé et
à la sécurité au travail.
M. le Président, ces deux thèmes de la recherche et de
l'implication de l'université, ce sont les idées
générales qui ont motivé notre intervention et qui nous
ont amenés à nous regrouper parce que ces idées-là,
nous les partageons vraiment en commun, nous qui sommes devant vous et ceux
qui, en plus, ont appuyé le mémoire qu'on vous a
présenté.
Quand on arrive aux modalités, on peut évidemment discuter
beaucoup de détails, mais cette problématique de fond, on la
partage sans aucune retenue d'après les conversations qu'on a eues
ensemble.
Si vous voulez, dans la deuxième partie de ma
présentation, je voudrais ajouter quelques précisions sur les
recommandations précises qu'on vous a faites. On vous a
suggéré une dizaine d'articles qui pourraient être
regroupés dans une section du projet de loi pour définir comment
peut se développer la recherche, comment elle sera financée,
quelles seraient les règles du jeu dans ce domaine-là. Je me
permets d'insister sur ça, c est assez important que les règles
du jeu soient comprises et soient claires dès le début. Comme on
vous l'a dit, c'est coûteux et c'est difficile de réorienter des
équipes de recherche. On est prêt à le faire, mais il
faudrait qu'on sache un peu quelle est la règle du jeu pour ne pas
risquer de recommencer trois ou quatre fois parce qu'on a mal compris. On ne
comprend peut-être pas vite mais on est capable de comprendre si c'est
expliqué avec détails.
Dans ce qu'on vous a présenté, le premier article dit que
la commission ce qu'on propose constitue une banque centrale de
données pertinentes à la surveillance de l'état de
santé des travailleurs et de la sécurité des milieux. C
est peut-être une précision qu'il faudrait apporter dans le sens
où on parle de santé des travailleurs et qu'elle assure l'analyse
de ces informations en collaboration avec le ministre des Affaires
sociales.
Le projet de loi tel qu'il existe, à l'article 129, qui
définit les fonctions de la commission, traite de ces
éléments de système d'information et d'analyse des
données aux paragraphes 2 et 14 de l'article. On ne propose rien de
tellement différent, sauf ce qu'on veut préciser de plus, c'est
que le système d'information qu'on propose ne devrait pas d'abord
être une chose que la commission peut faire, comme c'est peut-être
dit dans... mais c'est quelque chose qu'elle doit faire, parce que cela nous
semble être un prérequis à la recherche qu'il existe un
fichier et une banque de données pour nous, ce qu'on veut vraiment dire,
c'est un peu un fichier de la population des travailleurs où les
données qui révèlent ce qui se passe de l'état de
santé et des risques à la santé de ces gens-là,
soient centralisés, soient analysés et que cette information soit
distribuée aux travailleurs, aux employeurs, aux centres hospitaliers,
à tous ceux qui peuvent les utiliser pour développer de la
recherche ou orienter leur action là-dedans.
Le sens précis de l'article est vraiment d'un fichier central et
non pas d'une banque de données où on ramasse tout ce qu'on peut
penser ramasser comme données, au cas où on aurait besoin de s'en
servir. C'est vraiment de l'information qu'on veut là, qui est
utilisée et analysée régulièrement, et
redistribuée dans le réseau.
À l'article 2 qu'on vous propose, on dit: La commission identifie
les priorités de recherche en collaboration avec les organismes
habilités par le gouvernement à subventionner et évaluer
la recherche en santé et sécurité au travail. Cela
concrétise une remarque générale que je faisais au
début. On ne veut surtout pas que cela donne l'impression et si
cela en donne l'impression, cela veut dire qu'il faudra l'écrire
autrement qu'on doit intervenir pour décider à la place de
ceux qui sont directement concernés, de ce qui est bon comme recherche.
Mais on pense que si les trois autres partenaires sociaux sont là, on
pourrait peut-être leur être utiles s'ils nous prennent comme
quatrième partenaire social, pour éviter de s'embarquer dans des
aventures coûteuses où peut-être qu'ils pourraient se faire
dire dès le début que ce n'est pas la façon d'attaquer le
problème. C'est l'aspect technique de l'affaire et on pense qu'on
pourrait peut-être être utiles là-dessus.
L'article 3, où l'on dit que la commission assure la diffusion
des résultats des analyses qu'elle peut faire à partir de son
fichier de population et de la recherche auprès des associations
syndicales, des groupes d'employeurs et des centres hospitaliers ou tout
organisme intéressé.
Nous sommes bien conscients que, de toute façon, comme
chercheurs, on publie nos résultats de recherche. Mais, en
général, ce sont des publications, c'est une diffusion de
l'information qui est faite entre les chercheurs. C'est dans un langage qui
risque souvent d'être assez ésotérique et peu
compréhensible, mais c'est important que cela se fasse pour que les
échanges de découvertes, d'avancement des sciences, se fassent,
entre ceux qui travaillent dans le même domaine, au niveau international,
national et autres.
Nous sommes bien conscients que c'est important de ne pas être la
seule forme de diffusion des résultats de la recherche et que ceux qui
sont directement concernés par l'application possible des
résultats de la recherche soient assurés que leur soit
donnée une traduction, en termes concrets, de ces résultats. On
pense que la commission serait pas mal mieux placée pour le faire et je
pense qu'elle pourrait compter sur l'appui et la collaboration des milieux de
recherche.
C'est dans ce sens-là, c'est pour compléter un peu ce
qu'on contrôle déjà comme moyen de diffusion. Mais on a
besoin d'aide pour aller plus loin dans notre entreprise de diffusion.
On propose après cela une triade d'articles, les articles 4, 5 et
6 qui disent et je les rappelle tous les trois avant de faire des
commentaires que: Tout d'abord, l'article 4 dit que la commission
accorde, conformément aux règlements de la présente loi,
des bourses de recherche aux universités et aux organismes de recherche
affiliés aux universités qui peuvent faire de la recherche au
Québec, dans le domaine de la santé et de la
sécurité au travail.
Cela concrétise le commentaire qu'on vous faisait au
début. On pense que si un message clair est passé, qu'on compte
sur la disponibilité du réseau universitaire, ce sera à
l'intérieur de ce réseau, ou par ce réseau, qu'on va
développer la recherche. Vous allez l'avoir, cette collaboration, cela a
été annoncé en termes très clairs.
On ajoute, à l'article 5, que la commission peut faire effectuer
des analyses et des études sur des problèmes spécifiques
relatifs à la prévention des accidents du travail et des maladies
professionnelles. On disait au tout début que cela prend un
système équilibré pour que la recherche se
développe. Évidemment, cela prend d'abord de la recherche qui est
faite dans des endroits propres de recherche. Ce serait beaucoup mieux
comme le dit l'article 5 si on pouvait compléter cela en ayant la
possibilité, pour la commission, de contracter de façon pas mal
plus directe, certaines analyses, certaines études, qui peuvent
être faites sur des problèmes très immédiats,
très spécifiques, où la problématique de l'approche
de recherche n'est pas un problème. Le problème est là, on
sait, d'après le développement des connaissances, comment
l'approcher. Mais il y a peut-être une étude plus précise
à faire pour dire: Dans ce cas-là, qu'est-ce qui est important,
qu'est-ce qui l'est moins, qu'est-ce qu'on doit faire. Et cela peut être
fait, sans que ce soit nécessairement par les bourses de recherche, mais
par des contrats d'étude qui peuvent être alloués
directement à la commission, aux universités ou à
d'autres. Dans bien des cas, ce type de contrat n'est peut-être pas
nécessairement le mieux réalisé par les
universités. C'est donc un complément et cela concrétise
que les universités n'essaient pas de préserver une chasse
gardée exclusive dans ce domaine.
L'article 6, où on dit que le Conseil de la recherche en
santé du Québec, en collaboration avec la commission, constitue
les jurys pour procéder à l'examen des demandes de bourses de
recherche et à l'évaluation des résultats quant à
la
pertinence et à la valeur scientifique. Là, on voudrait se
faire comprendre sur une couple de choses.
On a dit au Conseil de la recherche en santé du Québec:
C'est bien plus de la façon dont on présente cela, un exemple
concret qu'on veut vous donner. Ce qui nous semble important, c'est que
l'attribution des fonds de recherche et l'évaluation des
résultats de la recherche soient faites par un ou des organismes qui ont
une connexion et qui regroupent suffisamment de chercheurs pour être
identifiés par la communauté des chercheurs, comme des organismes
représentatifs où peut s'appliquer ce jugement des pairs sur la
qualité de leur travail. (15 h 30)
II y a tout un système d'évaluation de la recherche qui
est développé, qui existe partout et qui est utilisé
partout dans le monde. C'est un système critiquable, améliorable,
mais c'est un peu comme la démocratie; tant qu'on n'aura pas
trouvé quelque chose de mieux, on ne voit pas pourquoi on la
lâcherait, sans trop savoir comment on va la remplacer.
Alors, c'est d'abord ce qu'on veut passer comme message. On utilise le
Conseil des recherches en santé du Québec comme exemple. C'est un
conseil qui fonctionne, qui a montré sa capacité de le faire et
qui pourrait être une façon de le faire.
Évidemment, on comprend très bien que si c'était le
CRSQ, le Conseil de recherches en santé au Québec qui avait ce
mandat, il serait sûrement obligé de modifier beaucoup son
organisation pour élargir encore davantage ses termes de
référence, structurer ses comités en fonction de son
nouveau mandat, pour être capable de l'absorber. Dans le groupe où
on est, on a des opinions différentes sur la façon de faire cela,
et on voudrait être capable de regarder les différentes
modalités. Cela peut être aussi un, deux ou trois conseils. Cela
n'a pas besoin d'être un seul conseil.
Mais ce qui est important, c'est que les décisions où vont
les fonds et l'évaluation de la recherche soient faites par des
organismes qui sont structurés à cet effet, qui vont chercher la
collaboration quand il est question des jugements de pertinence des
travailleurs et de ceux qui vivent avec les problèmes et qui assument la
responsabilité sociale de bien dépenser et de bien évaluer
l'argent de la recherche; pour quoi il est dépensé, et non pas
des décisions qui sont prises sur une base strictement administrative,
en dehors des organismes qui ont un mandat de recherche et d'évaluation
de la recherche, de sorte qu'on ne sache plus où va l'argent et à
quoi il sert et si c'est évalué vraiment par ceux qui connaissent
cela.
Finalement, les derniers articles, il faut voir ensemble, sept, huit,
neuf et dix. On dit que d'abord, les bourses de recherche peuvent servir, soit
à la création et au maintien de postes de chercheurs, à la
formation de chercheurs, au support d'équipes de recherches et au
financement de projets de recherches. C'est simplement de spécifier
l'éventail de modes de financement qu'il faut équilibrer si on
veut que se développe la recherche.
Si on fait seulement un de ces aspects, on n'aboutit pas à des
résultats de recherches sur une période continue et on risque de
tarir rapidement les effectifs de recherches qui sont investis au
Québec.
On dit à l'article 8 que c'est renouvelable aux conditions
déterminées par règlement et par évaluation pour
confirmer la stabilité d'un tel programme. On dit à l'article 9,
qu'on devrait avoir dans la loi $3 millions d'identifiés pour la
recherche dans le domaine de la santé au Québec. Il faut
qualifier cela également. On était un peu embêté
pour préciser un chiffre, parce que d'abord, on ne connaît pas...
cela devrait être, à notre avis, d'abord, exprimé comme un
pourcentage du budget de la commission, de sorte que cela fasse partie, comme
de plus en plus dans différents domaines, d'un pourcentage des
ressources qu'on identifie pour la fonction recherche et que, étant un
pourcentage du budget, cela soit automatiquement indexé à la
hausse ou à la baisse, avec l'évolution du budget.
On a mis plutôt un chiffre absolu, parce qu'on n'a aucune
idée de ce que va être le budget d'une telle commission. Quand on
dit de l'ordre de $3 millions, l'impression qu'on a, c'est qu'il y a vraiment
moyen de dépenser de façon efficace pour la santé et la
sécurité des travailleurs, $3 millions en plus de ce qu'on met
actuellement dans le système. On a voulu mettre l'argent nouveau qu'on
vous suggère, parce qu'on n'avait pas les moyens de faire une
enquête approfondie pour savoir combien est fourni actuellement par
différents ministères, par la Commission des accidents du
travail, la CRSQ ou d'autres organismes.
Cette somme, c'est peut-être $1 million ou $2 millions
actuellement. De plus, monter une banque d'information, un fichier au niveau de
la commission, cela peut peut-être facilement coûter $1 million ou
$1 500 000. Quant à la recherche contractuelle, la commission voudra
peut-être en faire pour une valeur de $1 million ou de $2 millions.
Ce sont des estimations possibles. De plus, la recherche
subventionnée pourrait sûrement utiliser, à notre avis, de
façon efficace à peu près $3 millions. Mais il faudrait
que ce soit restructuré autrement dans le projet de loi.
Finalement, nous disons que le Conseil de recherches en santé au
Québec ou tout autre organisme choisi, devrait être obligé
de donner un compte rendu détaillé et précis de la
façon dont l'argent a été dépensé, sur quel
projet, à qui il a été donné et quels ont
été les résultats ou les publications de ces projets.
Voilà, M. le Président, les principales idées qui
définissent un peu le rationnel qui nous a motivés à venir
vous rencontrer pour vous suggérer une façon qui nous semble un
peu meilleure que celle du projet de loi pour organiser la recherche, si vous
voulez en avoir pour votre argent, et quelques détails
supplémentaires qu'on vous suggère pour rendre cela plus
articulé.
Merci beaucoup.
Le Président (M. Dussault): Merci, M. Rochon.
M. Marois: M. le Président, je voudrais d'abord remercier
infiniment M. Rochon et le groupe d'universitaires qui l'accompagne. Je pense
que vous êtes probablement si ma mémoire est bonne
le groupe, qui devant nous, aura le mieux mis l'accent sur une des dimensions
qui n'est pas la seule, mais certainement une des dimensions extrêmement
importantes de tout le problème dont on parle ici, qui est celui de la
santé et de la sécurité du travail, c'est-à-dire
tout l'aspect de la recherche.
Effectivement, on est face à un état non seulement
d'émiettement, d'éparpillement, mais il y a un effort de
rattrapage absolument considérable à faire. Partant de là,
compte tenu du fait que nous avons convenu, les parlementaires ici, de faire
tout ce qui était humainement possible pour pouvoir entendre tous les
groupes qui doivent être entendus aujourd'hui, et comme c'est
vraisemblablement notre dernière journée d'audition, je serai
très bref. Je me limiterai à quatre points particuliers pour
essayer de pousser un petit peu plus loin avec vous, pour être sûr
qu'on a bien saisi la portée d'un certain nombre de recommandations
très précises sur le fond. Sur la préoccupation que vous
avez, je peux vous dire qu'on la partage intégralement. Il s'agit de
voir comment, selon quelle modalité... Il y a celles qui sont
prévues au projet de loi, il y a celles que vous nous proposez. C'est
là-dessus que je voudrais m'arrêter de façon plus
spécifique. D'abord, vous nous proposez la création d'une banque
centrale de données. On est d'accord sur l'idée de fond. On
croyait que cela ressortait j'aimerais que vous reveniez
là-dessus du paragraphe 2 en particulier de l'article 129. Si
cela ne vous apparaît pas suffisant, pourquoi? Si vous pensez qu'il faut
le dire de façon plus spécifique, on est ouvert pour regarder
cela.
Deuxièmement, vous mettez forcément l'accent c'est
logique sur la nécessité d'une diffusion qui soit la plus
large possible, la plus accessible possible des résultats des travaux.
C'est une chose que de les faire, et c'est une chose que de les publier, comme
vous l'avez dit, dans des revues qui circulent en milieu relativement
fermé, qui peuvent donner lieu à des échanges plus
qu'intéressants sur le plan international, mais ce qui est fondamental
pour nous, c'est que cela ait des retombées très concrètes
dans le milieu de travail si on veut viser à corriger, à la
source, les problèmes qui se posent à l'entreprise et qui sont la
cause d'accidents et de maladies professionnelles. Donc, en ce sens, c'est
absolument nécessaire. Vous avez raison de mettre l'accent
là-dessus. Cela nous semblait impicite. Je ne vous cacherai pas que s'il
le faut, on est bien prêt à revoir les textes pour s'assurer que
c'est dit de façon très explicite. Peut-être que vous avez
des suggestions très précises dans ce sens.
Troisièmement, cela peut paraître un détail à
première vue, mais si vous l'avez mis, je présume que vous avez
des raisons. Vous nous proposez de modifier le paragraphe 10 de l'article 129,
pour remplacer le mot "recherche" par le mot "analyse". Pourquoi? Parce qu'un
texte de loi, forcément, on y recourt souvent. Quand cela va bien, on
n'y recourt pas. C'est comme bien d'autres choses. On y recourt quand cela va
mal, donc quand cela donne lieu à des conflits, à des
interprétations. En ce sens, je pense qu'il serait intéressant
qu'on connaisse votre opinion là-dessus.
Le dernier point, c'est le suivant: Vous avez parlé du CRSQ, de
la nécessité de la mise à contribution des universitaires
et le reste. Je ne veux pas revenir là-dessus. Encore une fois, on va
regarder très attentivement vos recommandations.
Hier, un groupe qui a témoigné devant nous, la CEQ, la
centrale syndicale, nous a proposé la formation d'un institut de
recherche en santé et sécurité du travail. Leur
idée étant, notamment, si j'ai bien compris leur point de vue,
qu'ils voulaient absolument être assurés que les
représentants des travailleurs, comme les représentants des
employeurs, soient pleinement et à part entière associés,
non seulement à un lieu de rencontre avec des chercheurs du milieu
universitaire ou d'ailleurs, mais participant aussi à part
entière quant à la mise au point des méthodes de
diffusion, de vulgarisation et de transposition en des termes concrets,
c'est-à-dire pour viser encore une fois à corriger des situations
décelées dans des entreprises susceptibles de causer des
accidents ou de développer des maladies professionnelles, et
troisièmement, d'être associés aussi à
l'élaboration des priorités de recherches. J'aimerais
connaître votre point de vue sur cette suggestion.
M. Rochon: Merci. Je vous fournis rapidement quelques
éléments, de sorte que je laisse au besoin à mes
collègues, s'il y en a qui peuvent vous éclairer un peu plus, de
pouvoir le faire.
Le premier point que vous mentionnez, la question de la banque de
données ou le fichier d'informations qu'on propose, alors que l'article
129, paragraphe 2, comme vous le dites très justement, dit que la
commission a pour fonction de maintenir un système d'information et de
gestion comprenant les données statistiques sur les domaines
visés par la présente loi, etc. L'élément
particulier qu'on veut souligner, c'est d'éviter de faire un
système comme ça le dit, si on interprète les mots
de très près d'information et de gestion. Il y a beaucoup
d'autres organismes... prenons la Régie de l'assurance-maladie du
Québec qui a un système d'information et de gestion qui est
excessivement utile, mais qui est conçu en fonction de la gestion d'un
plan. Si le système d'information de la commission est conçu en
fonction strictement de l'administration de ces programmes, l'information est
là, mais s'il n'y a pas de système d'information conçu en
fonction de la surveillance de l'état de santé, ça devient
excessivement difficile techniquement d'aller chercher dans une espèce
d'ordinateur l'information qui est là, mais qui demande une
réorganisa-
tion complète de la banque de données pour pouvoir sortir
les variables qu'on veut en fonction d'une problématique de santé
ou de sécurité. Cela a été bâti comme une
banque d'information à des fins de décisions, de gestion et
d'administration. C'est ce système qu'on voudrait souligner.
Dans un sens, la commission a besoin de deux systèmes
d'information; elle en a sûrement besoin d'un à des fins
d'administration des programmes, mais elle en a besoin d'un autre à des
fins de surveillance de l'état de santé, et c'est peut-être
des deux, mais c'est surtout du deuxième, qu'on va retirer un
véritable appui aux efforts de recherche. C'est cette distinction, qui
est peut-être minime, mais qui est drôlement importante dans la
façon dont on utilise les données et dans ce que ça
coûte aussi pour aller chercher les données après...
La question de la diffusion est évidemment implicite dans le
projet de loi. Tout ce qu'on veut ajouter de plus, c'est qu'on dit: Si la
responsabilité d'organiser la diffusion était identifiée
plus clairement pour que ce ne soit pas l'affaire de tout le monde... Tout le
monde est responsable d'en faire parce que évidemment c'est une bonne
chose, mais ça finit que ça tombe entre les chaises. Personne
n'en fait ou tout le monde en fait un petit peu, et ça n'a pas la
coordination et l'organisation que cela devrait. On sent qu'on touche une de
nos limites et, pour aller loin dans la diffusion, on est prêt à
aider et à collaborer, mais on a besoin d'un leadership qui doit venir
d'ailleurs que des milieux de recherches, parce qu'à un certain niveau
de vulgarisation on n'est peut-être pas les mieux placés pour
faire le transfert des connaissances.
Une voix: II y a des "unions " aux États-Unis qui savent
tout cela.
M. Rochon: On ne demande pas mieux que de travailler avec elles
ou avec des organisations semblables justement pour faire ce genre de transfert
des connaissances.
L'autre point que vous mentionnez, c'est: Pourquoi a-t-on changé
le mot "recherches " par "analyses ou études"? C'est justement la petite
différence. Quand on parle de recherches dans un sens plus restreint, on
parle vraiment de problèmes auxquels on fait face et pour lesquels non
seulement on n'a pas de solution, mais souvent la méthode d'approche
pour trouver la solution n'existe pas par rapport à une analyse ou
à une étude qu'on veut faire où on n'a pas une
réponse précise aux problèmes qu'il y a devant nous, mais
c'est un domaine où les solutions sont connues... Il s'agit plus de voir
pour ce problème précis, dans l'ensemble des solutions possibles,
laquelle on va choisir. On peut bien dire que c'est aussi une forme de
recherche, mais, sur le plan technique en général, on ne recourra
pas au même genre de protocole et pas nécessairement au même
genre de ressources ou au même genre de milieux pour trouver la
réponse aux questions, qu'on ait affaire à l'un ou l'autre des
deux problèmes.
Sur la question de l'Institut de recherches, je vais lancer la balle
à d'autres de mes collègues. Il y a entre autres, avec nous,
Jacques Dunnigan qui dirige lui-même un programme de recherches qui
aurait pu être un institut...
Une voix: Pour prouver que l'amiante nest pas nocif!
M. Rochon: Je voudrais simplement dire, au sujet de la
préoccupation que pouvait avoir la CEQ devant vous hier d'une
participation au niveau de la décision et de la diffusion par les
travailleurs, que nous sommes entièrement d'accord avec ça. C'est
important que ça se fasse quand on décide qui va faire la
recherche, à qui va aller l'argent et qu'on va évaluer les
résultats de la recherche qui aura été faite. Une fois
qu'on a décidé à qui on donne le contrat dans le milieu de
la recherche, ça tombe du côté technique de la recherche.
Alors, il n'y a pas de problème. Pour nous autres, un conseil qui serait
responsable de ça, on peut bien l'appeler "institut" si on veut, mais
responsable de distribuer l'argent et d'évaluer les résultats...
on poursuit le même objectif, mais par un moyen différent. Il y a
peut-être certains de mes collègues qui pourraient vous
éclairer davantage là-dessus.
M. Chartrand: ...
Le Président (M. Jolivet): Vous aurez votre droit de
parole tout à l'heure, laissez celui des autres.
M. Chartrand: ... le droit de réplique...
Le Président (M. Jolivet): Vous aurez le droit de
parole... À l'ordre!
M. Chartrand: Ils ont toujours travaillé contre nous et
ils veulent s'organiser pour travailler davantage contre le peuple. Des
ignorants arrogants qui veulent avoir des subventions, qui sont venus demander
des subventions... (15 h 45)
Le Président (M. Jolivet): Si vous voulez le droit de
parole, il faudrait quand même respecter celui des autres.
M. Chartrand: Oui, vous avez raison, M. le Président,
excusez-moi. Mais...
Le Président (M. Jolivet): Vous répliquerez
à votre tour, quand vous avez le droit de répliquer. S'il vous
plaît.
M. Dunnigan (Jacques): M. le Président, il y a eu une
suggestion que vous avez rapportée hier, de la part de la CEQ, je crois,
au sujet de la formation d'un institut où il pouvait être
assuré que tous les partenaires sociaux, c'est-à-dire les
travailleurs inclus, les chercheurs, le gouvernement, tous les intervenants
pourraient participer. Si je me souviens un peu des éléments sur
lesquels vous avez insisté, c'était pour assurer la
diffusion des connaissances, à savoir ce qui est toxique et ce
qui ne l'est pas, à savoir quels sont les moyens qui non seulement
pourraient, mais devraient être pris, etc. Dans la proposition qui vous
est faite et ce que vous en avez rappelé, il n'est pas question de lieu
d'exécution de la recherche. L'expérience que j'ai
personnellement est qu'avant de songer à une infrastructure ou à
une superstructure ou etc. je pense qu'on est des champions au
Québec pour avoir inventé tous les modèles possibles
d'encadrement et après cela se demander ce qu'on va mettre dedans
je pense que ce qui est plus sain, ce n'est pas nécessairement de
commencer à parler d'une structure qu'on appellerait institut, centre
de, ou n'importe quoi, c'est de commencer par le commencement,
c'est-à-dire d'avoir une banque de données réelles de la
situation en santé et en sécurité au Québec, que
ces données soient largement diffusées et qu'elles soient
disponibles aussi bien aux chercheurs qu'aux travailleurs, qu'au gouvernement
et qu'à l'employeur. Une fois que toute la société, avec
tous ses intervenants, a pris connaissance de la situation réelle,
là on peut parler de priorité en recherche, de ce qui est plus
urgent. Là encore, c'est une chose qui se fait aussi avec les
partenaires sociaux que sont les travailleurs, les chercheurs, le gouvernement,
etc. C'est seulement ensuite qu'on peut songer à une formule qu'on
pourra appeler un institut, un centre, un petit laboratoire, parce qu'il est
bien sûr qu'il y a toute une série d'études, de travaux de
recherche qui peuvent être exécutés à
l'extérieur d'un "institut" prestigieux, un institut où il y a
beaucoup de béton et de briques, etc., mais pour lequel on pense
après à y mettre un contenu. J'ai une occasion en or, M. le
Président, étant donné ma responsabilité comme
directeur du programme de recherche sur l'amiante, de dire publiquement que
j'ai écrit la semaine dernière à un éminent
syndicaliste pour l'inviter personnellement à l'Université de
Sherbrooke pour que je puisse...
M. Chartrand: Ce n'est pas vrai, ce n'était pas
écrit dans la lettre. Ce n'est pas vrai, vous n'avez pas écrit
cela.
Le Président (M. Jolivet): M. Chartrand, s'il vous
plaît.
M. Chartrand: II raconte des mensonges. Il m'a dit de
venir...
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre!
M. Dunnigan: C'est simplement pour assurer, non pas seulement
l'éminent syndicaliste, mais tout le monde, puisque c'est maintenant
public, que les chercheurs de l'Université de Sherbrooke sont convaincus
que l'amiante est très toxique et que c'est précisément
pour cette raison qu'on a articulé un programme d'activités de
recherches qui consiste en deux mots à trouver des moyens
pour rendre cette amiante toxique moins toxique. C'est ce sur quoi on
travaille. Deuxième- ment trouver des moyens pour lesquels on pourrait
songer à élaborer des technologies nouvelles, des produits
nouveaux, avec la préoccupation principale de diminuer le risque
d'émission de fibres aéroportées. Alors, de dire qu'on
essaie de prouver que l'amiante n'est pas toxique, c'est tout le contraire. On
est parfaitement convaincu que c'est toxique.
M. Chartrand: Vous venez de le dire...
Le Président (M. Jolivet): M. Chartrand, je ne voudrais
pas vous rappeler à l'ordre parce que vous allez perdre votre droit de
parole tout à l'heure, si cela continue.
M. Chartrand: Excusez-moi, M. le Président, mais il
m'énerve beaucoup.
Le Président (M. Jolivet): II y a une façon de ne
pas vous énerver, c'est de rester à l'extérieur pendant
son intervention. M. Rochon.
M. Rochon: II y a des questions soulevées parmi notre
délégation. M. Marc Renault aurait des informations
additionnelles à fournir.
M. Renault (Marc): Je ne sais pas si ce sont des informations ou
si c'est plutôt un commentaire... Je vous avoue que je partage un peu le
sentiment de Michel Chartrand quand il dit que les universitaires ont souvent
été et sont encore des ignorants arrogants. C'est dans un sens
très particulier qu'on peut entendre ce terme-là, dans le sens
où les chercheurs, les universitaires en général ont
souvent utilisé le mot "autonomie" pour arriver à faire ce qu'ils
voulaient sans se préoccuper des demandes de la base, sans se
préoccuper de l'évaluation de la recherche par rapport à
la pertinence sociale desdites recherches.
Tout ce que je veux faire remarquer, c'est que dans les recommandations
qu'on vous fait, on essaie de définir le concept d'autonomie de
façon différente par rapport à ce qui a été
fait dans le passé. On dit fort bien et très explicitement que et
les subventions de recherche et les évaluations de la recherche
après coup se feraient à l'intérieur d'une commission qui,
bien qu'incluant un groupe de pairs, par exemple le CRSQ, inclurait à la
fois les travailleurs et les autres membres de la commission qui est
créée par cette loi-ci. En d'autres mots, ce sur quoi je veux
insister, c'est qu'on est fort conscient de l'espèce de mouvement social
qui existe contre les universitaires disant que la recherche qui a
été faite jusqu'à présent est souvent
désincarnée, non pertinente. Par ailleurs, je voudrais simplement
faire remarquer que dans les recommandations que nous faisons, nous avons
vraiment l'intention de donner aux travailleurs la possibilité de
contrôler les "outputs" de recherche. Évidemment, il s'agit de
l'appliquer concrètement.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Portneuf.
M. Pagé: Merci, M. le Président, je vais être
bref, compte tenu de l'heure avancée. On attendait votre mémoire,
M. Rochon, et messieurs qui l'accompagnez aujourd'hui, avec beaucoup
d'intérêt parce que la recherche est peut-être un des pivots
majeurs ou un pivot très important de tout ce débat sur la
santé et la sécurité au travail. Je dois vous dire,
cependant, que je suis un peu surpris de votre attitude. Je trouve que votre
position et vos demandes sont très modestes. Je ne suis pas un
spécialiste dans vos domaines, mais je trouve, quant à moi, qu'il
faudrait peut-être davantage de structures, il faudrait tout au moins
rechercher une action intégrée dans le domaine de la recherche.
L'impression qu'on a dans le moment, c'est qu'ils sont pas mal épars,
ces efforts qui sont déployés dans le milieu universitaire, d'une
part. D'autre part, il y a de la recherche qui se fait dans les entreprises, il
y a de la recherche qui se fait chez les fournisseurs et je ne suis pas
convaincu que c'est toujours fait avec le même objectif ou avec un commun
dénominateur ou avec un objectif fondamental. Le projet de loi 17 nous
dit ceci ou à peu près: La commission de santé et
sécurité pourra, un peu à la pige, donner des subventions
ou demander à une université ou à un groupe de chercheurs
de se pencher sur tel problème ou tel dossier.
Vous savez que la CEQ a réitéré ce qu'on avait
déjà formulé, nous de l'Opposition officielle, la
possibilité qu'on profite du projet de loi 17 pour créer un
véritable institut de recherche qui aurait plusieurs
responsabilités. Je ne veux pas le définir, évidemment,
mais si on veut regarder cela grosso modo, c'est évident que le premier
élément important de son action serait, à partir de la
banque de données, de cerner les problèmes, se tracer, somme
toute, le profil d'action pendant quelques années à partir de la
texture sociologique et des besoins dans le milieu. Je me réfère
en cela à une expérience que j'ai vécue; elle n'est
peut-être pas concluante, mais peut-être que quelqu'un ici, autour
de la table, parmi ceux qui vous accompagnent, à eu à prendre
connaissance de ce qui se passe en France, notamment avec le centre de
recherche qu'il y a là-bas. J'ai eu l'occasion de voir ce qui s'y
passait et j'ai trouvé que c'était pour le moins acceptable, de
prime abord.
C'est évident que cela devrait être étudié au
mérite, mais ce qu'il y a là-bas, c'est un organisme, c'est un
institut de recherche scientifique, à Nancy, c'est le Centre de
recherche de Nancy et il est administré de façon paritaire,
financé de façon paritaire. Cet institut, si ma mémoire
est fidèle, doit actionner et agir de son propre chef dans la recherche
à partir des données et des problèmes, des banques
d'information des caisses d'assurance et de maladie de la France. Ce centre se
finance aussi en bonne partie à partir des contrats des entreprises et
aussi des milieux syndicaux, parce que les milieux syndicaux sont
habilités aussi et devraient, selon moi, être habilités
à provoquer des recherches comme celles-là.
C'est dans ce sens-là que je trouve votre demande ou votre
recommandation un peu... Je trouve que vous n'en mettez pas beaucoup. Je la
trouve timide et réservée. Je peux me tromper, mais je crois et
je demeure encore convaincu que si on veut avoir de bons résultats, si
on veut que l'action soit intégrée et qu'on arrête d'avoir
une action éparse à gauche et à droite, où tout le
monde fait son petit bout de chemin dans la recherche, il faudrait
peut-être avoir un institut de recherche administré de
façon paritaire, qui pourrait être financé en partie par la
commission de santé et de sécurité et une grande partie de
son financement pourrait provenir des contrats qu'il pourrait recevoir sur des
problèmes techniques et spécifiques.
J'ai vu, entre autres, un paquet de recherches, différents
domaines de recherche sur le bruit, les problèmes mécaniques, la
pollution, etc., qui étaient faites là-bas, mais on ne peut pas,
selon moi, laisser ça au gré de la volonté. Il faut que ce
soit intégré, avec une administration paritaire où les
différents agents, que ce soient les travailleurs, les employeurs ou le
gouvernement, seraient autour de la table, à administrer cette
boîte, je suis convaincu qu'on pourrait atteindre des bons objectifs.
M. Rochon: Voulez-vous une réaction à cela tout de
suite? Je pense...
M. Pagé: Oui. En fait, c'est le seul commentaire que j'ai
à formuler.
M. Rochon: J'aurais sûrement quelque chose à dire,
mais je pense que Gilles Thériault pourrait fournir une réponse
là-dessus.
M. Thériault (Gilles): Je partage votre inquiétude
quand vous décrivez la situation de la recherche actuellement, en
santé et sécurité du travail, comme étant
précaire. Étant moi-même un chercheur, je peux vous dire
que ce n'est peut-être pas la situation la plus sécurisante
actuellement. On n'est pas nombreux et on est très mal encadrés.
Dans ce sens, c'est ce qui vient justifier notre demande, qu'il y ait un
meilleur encadrement, qu'il y ait plus de structures pour permettre un
développement de la recherche d'une plus grande envergure. Mais
là où se posent des problèmes importants, si je regarde le
projet de loi qui est devant nous, il y a un besoin d'information, de
formation, d'éducation, de renseignements à tous les secteurs de
la société, à tous les niveaux.
Si la recherche n'est pas située à côté de
ces endroits où se donne cette formation, si elle ne vient pas appuyer
tous ces programmes, si on la sépare de ce milieu, je pense que c'est la
société, dans son ensemble, qui en souffrira. On serait regagnant
si on avait des projets de recherche peut-être plus beaux, plus
attirants, de meilleure qualité, mais ils ne pourraient pas être
communiqués aussi bien que si le projet se faisait en milieu
universitaire. C'est donc devant ce dilemme que, pour notre part, on
préconise qu'il y ait davantage de ressources mises à la
disposition des gens qui font de la recherche au sein des universités,
mais
je crois qu'il faut, à tout prix, leur assurer une certaine
stabilité, un certain encadrement, une certaine structure, ce qui
n'existe malheureusement pas à l'heure actuelle.
M. Pagé: Oui, mais le fait de créer, par la loi, un
institut de recherche n'enlève en rien la possibilité que cet
institut continue à recueillir, à animer, à motiver ce qui
se passe de bien dans le milieu universitaire dans le moment. En fait, je me
trompe peut-être, mais je perçois une crainte de votre part que le
fait d'avoir un institut de recherche ayant un mandat spécifique
n'enlève le pouvoir d'action ou d'intervention des universités.
Je ne pense pas que l'un aille nécessairement avec l'autre.
M. Thériault: Cela dépend peut-être de ce
qu'on entend par institut de recherche. Si on parle d'un centre où on
rassemble l'information, où on la fait connaître, où on la
diffuse, en aucun cas cela ne vient nuire que des recherches se fassent au sein
même des universités. Si, par ailleurs, on parle d'un endroit
où, de fait, s'exécute la recherche, un endroit où on
regroupe des chercheurs, il faut être réaliste. Au Québec,
actuellement, il n'y en a pas des milliers, il n'y a pas surabondance, c'est
une rareté que des chercheurs dans ce domaine. Un tel centre aura
probablement comme effet de drainer une grande partie des ressources
déjà minimes au sein des universités et de créer un
vacuum à cet endroit.
M. Pagé: Je veux...
M. Rochon: Je pense que M. Bénard pourrait répondre
à votre question.
M. Bénard (Bernard): Si c'est dans la même veine, M.
le député de Portneuf, vous faites allusion à l'institut
de Nancy, je pense qu'en plus de faire de la recherche, il soumet un nombre
considérable de contrats à d'autres groupes de chercheurs
à travers la France pour solutionner des problèmes précis.
Je pense qu'un collègue d'entre nous, ce matin, mentionnait qu'il y a
peut-être au-delà d'une trentaine de disciplines qui sont
impliquées, qui peuvent être impliquées dans des
activités de recherche. C'est donc dire le personnel considérable
qui devrait y être affecté, si on dit que l'institut, c'est un
endroit unique où se ferait ce genre de recherche; ça demanderait
des investissements considérables.
Le terme institut, comme mon collègue vient de le mentionner,
peut être extrêmement élastique dans sa conception et
j'imagine que c'est probablement dans ce contexte ou dans cette acceptation que
vous le concevez. (16 heures)
Par ailleurs, j'imagine que le gouvernement et ses partenaires sociaux
ne veulent pas que ce soit un feu de paille, ce genre de désir ou cette
attention portée à la sécurité au travail. Par le
fait même, il faut envisager, non seulement d'assurer une relève
de ce qui existe déjà, et de l'amélio- rer je pense
que c'est le souhait de tout le monde mais quand on dit assurer une
relève, on parle d'élément de formation. Sur ce plan, les
universités ont une fonction importante à contribuer pour assurer
ce genre de problématique. En ce sens, si l'on pense à institut
dans le sens que vous mentionniez tantôt, je pense que ce serait
important de penser à la formation également, et de trouver un
moyen de relier le tout au monde universitaire d'une façon ou d'une
autre.
M. Rochon: Si vous me permettez d'ajouter un petit
élément à ce que mes collègues viennent de dire, il
faudrait faire attention dans ce domaine comme dans d'autres, de ne pas aller
emprunter une solution d'un autre système en prenant seulement
l'élément qu'on pense faire notre affaire, parce que la France
que vous avez citée... Je ne connais pas personnellement l'institut de
Nancy, je connais pas mal mieux l'organisation de la recherche dans le domaine
de la santé en France à travers l'INSERM, entre autres, qui a
réglé beaucoup de problèmes de stabilité de la
recherche qu'on a encore au Québec, mais qui a sorti la recherche des
universités, qui a divorcé la recherche de la formation et des
professionnels et des chercheurs et qui pose aux Français un paquet de
problèmes qu'ils essaient de résoudre. Un institut défini
à la française dans un système à la
québécoise, il faudrait faire bien attention à
l'adaptation qu'on en fait.
M. Pagé: Oui. J'espérais avoir été
bien compris. Ce que j'ai dit en me référant à Nancy,
c'était en termes d'objectifs et en termes d'affaires bien
concrètes qui pouvaient être effectuées. Je ne suis pas
convaincu qu'avec ce qui est proposé dans la loi 17 actuellement, ce
soit suffisant.
M. Rochon: Non...
M. Pagé: Je ne suis pas convaincu non plus qu'à la
forme que cela prendra, on puisse atteindre ce qui est prévu dans le
domaine de la recherche par la loi 17; on pourrait se donner un meilleur
véhicule, non pas en calquant exactement ce qui s'est passé
à l'extérieur, mais en débordant un peu...
M. Rochon: C'est cela. Maintenant, je pense qu'on est d'accord
sur l'objectif où cela a besoin d'une concertation et d'une coordination
des décisions, quant à la recherche et à
l'évaluation de la recherche et de l'implication des partenaires dans
ces décisions. Il n'y a pas d'erreur. Sur les moyens, comme vous voyez,
on n'a pas fait notre lit de façon particulière sur une
modalité plutôt que sur les autres. Il y a différents
moyens pour y arriver. Ce qu'on dit, c'est que les principaux lieux de
recherche actuellement au Québec qui peuvent vous apporter une
contribution sont dans les universités.
Deuxièmement, on ne pense pas qu'il y ait assez de ressources
pour continuer à développer les recherches qu'il faut dans les
universités, à
cause de la nécessité qu'on en a pour la formation des
chercheurs pour l'avenir des professionnels, et de faire en même temps
d'autres centres de recherches hors universitaires. On va manquer de monde. En
réalisant surtout que la diversité des problèmes dans le
domaine de la santé et sécurité du travail est tellement
grande que de tous les domaines qu'on peut représenter, et on n'est pas
exhaustif des secteurs universitaires actuellement de sciences, sciences
sociales et de médecine, on n'épuise pas tous les domaines qui
peuvent et qui actuellement contribuent, qui sont déjà
engagés dans ce domaine. Il faudrait que la formule que vous trouverez,
qui peut être l'institut, et, comme disent mes collègues, cela
dépend ce qu'on veut dire et ce qu'il fait, si l'institut est là
pour mieux coordonner ce que les universités font, pour mieux aller
chercher les ressources universitaires, la collaboration des ressources
universitaires sans vider les universités, on parle d'un autre animal.
C'est peut-être la solution, mais il faudrait que dans la solution qu'on
va trouver, qu'on n'en fasse pas seulement une partie, qu'on fasse tout le
chemin, toute la logique du mécanisme qu'on veut mettre en place, de
sorte que vous avez la contribution, autrement, le danger, c'est un peu comme
certains ont dit pour d'autres parties de la loi, si on a l'air d'assurer le
minimum, qu'il y a un institut qui va s'en occuper, d'accord, il y a bien des
gens qui vont s'orienter vers d'autres domaines, l'institut est là pour
le faire, alors qu'il ne pourra jamais avoir les ressources pour faire face
à tous les problèmes qui se présentent dans ce domaine.
C'est ce qu'on veut éviter.
M. Pagé: D'accord. C'est très bien compris, M.
Rochon. Je vous remercie. Cela va coûter plus cher que $3 millions.
M. Rochon: Oui, c'est ce que j'ai dit. $3 millions, c'est ce
qu'on pense être le minimum additionnel à ajouter. On est bien
conscient qu'on part avec cela. On a voulu être réaliste. On a
voulu vous donner des approximations de ce qui est dépensable demain
matin de façon efficace, pas à faire n'importe quoi. Il faudrait
que cela soit indexé et qu'à mesure que la capacité de
recherche va s'améliorer, qu'on puisse l'utiliser et aller chercher ce
qu'il nous faut. Merci.
M. Pagé: Merci de votre témoignage, messieurs.
Le Président (M. Dussault): Je remercie, au nom de la
commission, M. Rochon et ses collègues universitaires des
différentes universités québécoises pour leur
collaboration et leur participation aux travaux de cette commission. Je leur
souhaite un bon retour.
J'invite maintenant... M. Chartrand, je m'excuse, ce n'est pas dans
l'ordre des travaux de la commission.
M. Chartrand: Vous vous la poserez si vous voulez, mais je ne la
poserai pas.
Le Président (M. Dussault): Ce n'est pas non plus dans mes
prérogatives de poser des questions par intermédiaire.
M. Chartrand: Quel est le problème de l'étude des
Indes à Sherbrooke? Quelle est la subvention à la recherche pour
les Indes à Sherbrooke, à la faculté de médecine?
Cela nous touche de proche, les chromosomes!
Le Président (M. Dussault): J'invite les universitaires de
Sherbrooke à envoyer une réponse à M. Chartrand sur les
gènes et les chromosomes, comme il l'a demandé.
Une voix: ...
Le Président (M. Dussault): Ceci dit, j'invite maintenant
l'Ordre des fermiers... Je m'excuse...
Une voix: C'est peut-être près des
gènes...
Le Président (M. Dussault): C'est probablement à
cause des gènes que ça m'arrive, tout ça.
Une voix: Cela l'a figé...
Le Président (M. Dussault): J'en suis profondément
gêné.
J'invite donc l'Ordre des infirmières et des infirmiers du
Québec à se présenter devant la commission.
Ordre des infimières et infirmiers du
Québec
Mme Tellier-Cormier (Jeannine): Alors, M. le Président,
messieurs les ministres qui se joindront sûrement à nous, les
membres de la commission, au tout départ, je me présente. Je suis
Jeannine Tellier-Cormier, présidente de l'Ordre des infirmières
et infirmiers du Québec. À mon extrême droite, Louiselle
Bouffard, conseiller en nursing; à ma droite immédiate, Me Pierre
Bourbonnais, conseiller juridique de l'Ordre des infirmières et
infirmiers du Québec; à mon extrême gauche, Louise
Fontaine, conseiller en nursing et, à ma gauche immédiate, Odile
Larose, directeur du secteur nursing à l'ordre.
M. Dussault: Mme Tellier-Cormier, on a eu l'occasion de s'en
parler, vous m'avez dit que vous pourriez présenter votre mémoire
dans les 20 minutes prévues et nous vous offrons la possibilité
de verser au journal des Débats votre mémoire
intégralement. (Voir annexe B)
Mme Tellier-Cormier: C'est parfait, je vous remercie. Toutefois,
je remettais ce matin, au niveau du secrétariat, le texte de la
présentation qui résume le mémoire.
Le Président (M. Dussault): D'accord.
Mme Tellier-Cormier: Dans un premier temps, permettez-moi de vous
remercier d'avoir bien
voulu accorder un moment à l'ordre pour expliciter sa position
face au projet de loi sur la santé et la sécurité du
travail. Tel que convenu, je serai brève. Je prendrai à peine dix
minutes pour la présentation.
Je me limiterai toutefois aux points essentiels et, à ce
moment-là, je voudrais souligner, premièrement, l'importance de
l'infirmière et de l'infirmier en matière de santé et
sécurité au travail; dans un deuxième temps, traduire la
réaction favorable du bureau de l'ordre face au projet de loi no 17;
troisièmement, rapporter l'inquiétude du bureau de l'ordre face
au projet de loi no 17 et, dans un dernier temps, voir l'applicabilité
de ce projet de loi, compte tenu d'une approche globale de la santé et
de la sécurité au travail.
Donc, l'importance de l'infirmière et de l'infirmier en
matière de santé au travail. Vous ne serez certainement pas
étonnés si je dis que les infirmières ou les infirmiers
sont directement concernés par les mesures législatives qui
seront prises par vous en ce qui a trait à la santé et la
sécurité du travail. En effet, les statistiques de 1979
démontrent que plus de 545 infirmières et infirmiers oeuvrent
actuellement dans différentes entreprises ou industries. L'implication
des infirmières et des infirmiers dans les milieux de travail n'est pas
d'aujourd'hui. Depuis très longtemps, en tant que professionnels de la
santé, nous nous préoccupons de la santé des travailleurs,
tant au niveau physique, qu'aux niveaux psychologique et social. Par exemple,
dès 1964, une infirmière recevait une reconnaissance provinciale
pour son action à sauvegarder la sécurité des
travailleurs.
Qu'on le veuille ou non, l'infirmière ou l'infirmier, de par la
définition de son exercice professionnel, est une personne clef dans la
distribution des soins aux travailleurs. Ne perdons pas de vue que
l'infirmière ou l'infirmier, en plus de dispenser les soins que requiert
le traitement des travailleurs, se doit de planifier, de prodiguer et de
contrôler des soins infirmiers qui répondent aux besoins de
santé des individus concernés.
Il apparaît donc superflu de définir notre rôle par
rapport à d'autres catégories de professionnels de la
santé. Cependant, la réalité illustre concrètement
que l'engagement professionnel de l'infirmière ou de l'infirmier dans
les milieux de travail doit être considéré à sa
juste valeur puisque nous sommes, en tant que professionnels, les plus
directement confrontés aux besoins de santé des travailleurs,
pour ne citer que l'exemple de l'individu qui se présente au service de
santé pour recevoir les soins prescrits par le médecin, mais
également qui profite de l'occasion pour exprimer des
inquiétudes, voire pour interroger l'infirmière ou l'infirmier
sur les directives de santé qu'il devrait envisager concernant une foule
de situations personnelles ou familiales.
Dans un deuxième temps, réaction favorable du bureau de
l'ordre face au projet de loi no 17. C'est avec un intérêt soutenu
que nous avons suivi le cours de la réforme proposée par le
gouverne- ment tant par le biais de son livre blanc concernant la santé
et la sécurité au travail que par le projet de loi no 17 qui a
trait plus spécifiquement à la santé et à la
sécurité du travail. En tant que porte-parole des 46 000
infirmières et infirmiers, je désire soumettre à
l'attention du législateur le fait que nous sommes d'accord avec le
projet de loi no 17 tel qu'énoncé dans son ensemble dans la
mesure où il est compris et interprété pour sa raison
d'être, c'est-à-dire viser à éliminer à la
source même les causes d'accidents et de maladies professionnelles et,
par conséquent, sauvegarder l'intégrité physique des
travailleurs.
Il ne faut pas l'oublier, ce projet de loi fut conçu non pour les
professionnels de la santé, mais pour les travailleurs. Si nous gardons
au premier plan les travailleurs eux-mêmes, il faut que des mesures
législatives soient prises pour offrir un minimum de
sécurité et de santé aux individus qui investissent le
tiers de leur vie et parfois plus dans un milieu de travail. Certes, le
gouvernement apporte une solution à la multiplicité de la
législation préventive et de l'indemnisation en matière de
sécurité et de santé physique du travailleur tout en
unifiant les responsabilités administratives. De plus, le projet de loi
permet sans aucun doute un essai de prise en charge de la
sécurité et de la santé physique par les travailleurs dans
leur milieu de travail.
Inquiétudes face au projet de loi no 17. Il serait difficile
d'adhérer au fait que ce projet de loi concernant la santé et la
sécurité au travail puisse être susceptible
d'interprétation dépassant les propositions législatives
actuelles. Il faut bien se le dire et ne pas avoir peur de la signification des
mots: La santé et la sécurité du travail, tout comme la
médecine du travail, ne rejoignent nullement le concept de la
santé et de la sécurité au travail. L'ordre s'opposerait
fortement à ce projet de loi si une telle interprétation en
était faite. En somme, quoique le bureau de l'ordre soit d'accord avec
les dispositions législatives contenues dans ce projet de loi pour
circonscrire, en quelque sorte, une problématique existant depuis
toujours dans les milieux de travail concernant le nombre effarant d'accidents
et de maladies professionnelles, il demeure que le bureau de l'ordre s'oppose
à l'idée que la santé et la sécurité au
travail se limitent à la seule dimension physique du travailleur et
à la seule action du personnel médical qui, par l'unique voie
consultative des personnes concernées, tenterait l'impossible avec toute
autorité conférée par une loi.
Lors de la mise en application des dispositions législatives, il
faudra prévoir des moyens pour éviter que le régime
proposé ne devienne un système parallèle
privilégié et qu'il ne dépasse le cadre prévu de la
protection de la santé, de la sécurité et de
l'intégrité physique des travailleurs. Outrepasser les
dispositions législatives serait prétendre avoir les
connaissances, le pouvoir et l'autorité d'exercer seul les
responsabilités qui peuvent certes être assumées, de par la
Loi sur les
services de santé et les services sociaux, par les
différents établissements du système de santé et,
conséquemment, par les différents professionnels de la
santé. (16 h 15)
L'applicabilité de ce projet de loi, compte tenu d'une approche
globale de la santé et de la sécurité au travail. Le
bureau de l'ordre s'interroge non pas sur l'action préliminaire
entreprise par le gouvernement pour éliminer les causes d'accidents, et
de maladies professionnelles, mais sur les étapes ultérieures
qu'entend entreprendre le gouvernement pour intégrer tous les services
de santé disponibles en matière de santé au travail tout
en respectant l'approche globale de la santé et, par le fait même,
l'idéologie qui est à la base du système de distribution
des services de santé au Québec.
La prise en charge de la sécurité et de la santé au
travail ne se limite pas à la distribution de services offerts par un
seul type de professionnel ou sous son entière autorité et son
contrôle direct en vue de conserver seulement la sécurité
et l'intégrité physique du travailleur.
Le législateur sait aussi bien que les membres de cette
commission que l'approche globale de la santé et de la
sécurité au travail sous-tend l'action de différents
professionnels de la santé afin de promouvoir l'intégrité
biopsychosociale du travailleur, tant au niveau de la promotion de la
santé, de la prévention de la maladie, de la réadaptation
que de l'aide nécessaire à la réinsertion dans un milieu
de travail.
La santé et la sécurité au travail exigent l'apport
de tous les professionnels de la santé, dont, notamment,
l'infirmière ou l'infirmier et ce, en réelle collaboration avec
les travailleurs et les employeurs.
À cause du libellé des articles, certains pourraient
croire en une réforme en profondeur de tous les services de santé
et de sécurité des travailleurs. La santé au travail,
avons-nous dit, dépasse le cadre de la médecine du travail et une
réforme complète exigerait non seulement une unification et une
intégration des structures nécessaires à la
sécurité et à la salubrité des milieux de travail,
mais également une unification et une intégration de tous les
services reliés à la santé au travail au sein des
départements de santé communautaire et des centres locaux de
services communautaires. Dès lors, les programmes de santé et de
sécurité au travail auraient pu être mis en application
tout comme les programmes de soins à domicile, de santé scolaire
ou autres. Dans cette ligne de pensée, les professionnels de la
santé auraient réalisé des objectifs de promotion de la
santé, en plus d'axer une partie de leurs actions vers la
prévention des agents causals d'accidents et de maladies
professionnelles.
De plus, cette façon de vivre la santé au travail aurait
empêché le législateur de devoir donner à
l'employeur la responsabilité de combler les lacunes en devant
défrayer lui-même tous les programmes additionnels concernant les
autres aspects relatifs à la santé ou à la
sécurité des travailleurs.
Si le projet de loi no 17 est adopté, même avec des
modifications assurant une meilleure applicabilité, l'on assistera
probablement à long terme à l'atteinte de l'objectif ultime
poursuivi. Il demeure toutefois que dans le cadre d'une approche globale de la
santé visant la prise en charge de la santé par les travailleurs,
ce projet de loi n'est qu'un élément d'une réforme en
profondeur du système de distribution de services aux travailleurs.
Cette perspective d'une approche globale de la santé et de la
sécurité au travail devrait évidemment être
considérée aussi bien dans les diverses catégories
d'établissements que dans les chantiers de construction,
indépendamment de la situation géographique.
Nous désirons attirer l'attention sur l'importance de mettre de
l'avant tous les mécanismes essentiels pour assurer que des conditions
minimales de santé et de sécurité au travail soient
respectées dans les endroits éloignés.
Conclusion. Enfin, croyant à la promotion de la santé des
travailleurs dans leur milieu même, c'est dans un esprit de collaboration
que nous vous exposons ces commentaires aujourd'hui. Aussi le bureau de l'ordre
n'apporte-t-il aucune proposition pour modifier le projet de loi no 17,
puisqu'il accepte les mesures législatives envisagées pour
diminuer les causes d'accidents et de maladies professionnelles de façon
à assurer l'intégrité physique des travailleurs. Quoiqu'il
reconnaisse l'urgence de telles dispositions législatives, il demeure
toutefois qu'une perspective globale de la santé supposerait une tout
autre approche de la part du gouvernement, impliquant et reconnaissant, il va
sans dire, la pertinence d'une participation active de tous les professionnels
de la santé.
Conscient que le projet de loi no 17 n'aura toute sa signification
qu'avec les nombreux règlements qui en découleront, c'est dans le
même esprit de collaboration que le bureau de l'ordre soumettra alors ses
recommandations. Les infirmières et les infirmiers doivent continuer
à offrir leurs services auprès des travailleurs et ce, en
respectant la définition de l'exercice de la profession, qui, somme
toute, adhère à la dimension globale de la santé des
individus. De plus, le bureau de l'ordre maintient l'importance que des
dispositions législatives respectent les exigences
spécifiées au règlement 33 sur les services de premiers
secours qui, à l'heure actuelle, sont éliminés par le
projet de loi no 17.
En effet, les travailleurs dans les endroits éloignés ont
droit à des services de santé de qualité offerts par des
professionnels reconnus tels, par exemple, les infirmières et les
infirmiers.
M. le Président, M. le ministre, membres de la commission, mes
collègues et moi sommes à votre disposition pour répondre
à vos questions.
Le Président (M. Dussault): Merci, Mme Tellier-Cormier. M.
le ministre.
M. Marois: M. le Président, je voudrais d'abord remercier
l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec de son
mémoire.
Je voudrais tout de suite, au point de départ, si j'ai
déjà eu l'occasion de le mentionner et s'il y a quelque
ambiguïté qui peut sortir de la lecture du projet de loi, on a
certainement l'intention de l'éclaircir par les amendements à
venir que le concept santé, tel qu'on le conçoit
j'ai déjà eu l'occasion de commenter là-dessus
doit, à notre avis, englober la double dimension, aussi bien de la
santé au sens plus strict que toute la dimension de l'environnement
même du milieu de travail. Donc, en ce sens, quand vous insistez,
à la page 2 de votre mémoire, sur l'approche multidisciplinaire,
je dois vous dire tout de suite que c'est une approche qu'on partage.
J'ai pris bonne note je vous remercie de les signaler des
points avec lesquels vous vous dites en accord avec le projet de loi. Je
voudrais m'arrêter, parce que votre mémoire contient une trentaine
de recommandations, plus particulièrement sur quelques-unes des
recommandations, peut-être pour vous donner l'occasion de préciser
davantage votre point de vue et nous éclairer davantage sur votre
façon de voir les choses. Il y a notamment, une de vos recommandations
qui porte sur l'article 11, en particulier le deuxième paragraphe de
votre recommandation, où il s'agit du droit de refus. Vous proposez
d'ajouter un autre article qui reconnaîtrait au travailleur le droit de
refuser d'exécuter un travail lorsqu'il n'est pas en mesure d'assumer
complètement la responsabilité de ses fonctions à cause de
sa situation de santé. En d'autres termes, si je comprends bien, vous
tenez compte, par cette proposition, aussi bien des problèmes de
santé au travail que des problèmes de santé
personnels.
Ce qui serait important pour nous de savoir c'est comment vous pensez
qu'il est possible de mettre en pratique une chose comme celle-là,
compte tenu de la recommandation que vous faites?
Deuxièmement, vous proposez, concernant l'article 17, qu'on
ajoute une personne ressource en matière de santé pour
accompagner le représentant de l'employeur et le représentant des
travailleurs. Je veux simplement signaler qu'il n'y a rien présentement
qui interdise, dans le projet de loi, que l'une ou l'autre partie demande cet
accompagnement.
En ce qui concerne votre recommandation portant sur les articles 20 et
21, vous indiquez que l'inspecteur devrait nécessairement avoir recours
aux qualifications de la personne ressource. Le paragraphe 7 de l'article 136
permet à l'inspecteur de se faire accompagner par un expert. Est-ce que
ça ne répond pas à la préoccupation que vous
avez?
Quatrièmement, vous évoquez, à l'article 60, la
possibilité que les membres représentant les travailleurs,
représentant les employeurs du comité paritaire puissent faire
appel, lors de leurs réunions, non seulement au médecin, mais
à tous et chacun des membres d'une équipe multidisciplinaire.
J'ai déjà eu l'occasion d'indiquer qu'on regarderait
attentivement cette proposition. On ne voit pas pourquoi on empêcherait
les parties de faire appel aux experts qu'elles jugeraient pertinents; de les
faire venir pour participer à leurs travaux et de les mettre à
contribution.
Cinquièmement, dans votre recommandation concernant l'article 98
vous proposez de remplacer la dénomination "dossier médical" par
la dénomination "dossier de santé". Cela élargit, je le
comprends, en ce sens c'est peut-être plus que pertinent.
On va le regarder. Vous savez que la Loi sur les services de
santé et les services sociaux parle du dossier du
bénéficiaire, c'est l'expression. Est-ce qu'il y a lieu
d'introduire une nouvelle dénomination dans le projet de loi 17 ou pas?
Est-ce qu'on devrait plutôt se référer à la
dénomination qui est déjà utilisée dans l'autre loi
que j'ai évoquée?
Sixièmement, vous formulez des commentaires concernant l'article
99 et vous proposez de confier au travailleur la garde de son dossier de
santé. Vous savez sûrement que quelque chose d'analogue existe
dans un certain nombre de pays européens sous la forme d'un carnet de
santé qui est en la possession du travailleur. J'aimerais
connaître, et je pense que ce serait intéressant pour les membres
de cette commission, plus à fond votre opinion à ce sujet.
Une dernière question, M. le Président. J'avoue qu'en
lisant votre mémoire, ça ne ressort pas clairement... c'est
à la page 20 et ça concerne les dispositions particulières
relatives aux chantiers de construction. Au paragraphe 3 de votre
mémoire, vous dites: Bien que des dispositions législatives
s'attardent aux chantiers de construction, il demeure qu'une définition
des services de premiers secours et des services de santé
éviterait des malentendus de la part de certains intervenants
désireux de s'approprier un champ d'exercice qui ne relève pas de
leur compétence.
Je pense que pour les membres de la commission et, le cas
échéant, si nécessaire, à la lumière de
l'argumentation que vous pourrez apporter et des faits concrets au soutien de
ce que vous évoquez, je pense qu'il serait intéressant que vous
nous expliquiez de la façon la plus concrète et la plus
précise possible ce à quoi vous faites allusion. Est-ce que vous
pensez à des paramédics, à des auxiliaires, à des
médecins? Est-ce que vous pensez à quelque chose d'autre? Je
pense que ce serait extrêmement important.
Voilà, M. le Président, sans abuser du temps, les quelques
commentaires et questions que je voulais soumettre. Je tiens, en terminant,
à remercier infiniment l'Ordre des infirmières et infirmiers du
Québec et à lui dire que, comme dans le cas de tous les autres
mémoires qui nous sont présentés, toutes et chacune des
recommandations du mémoire vont être examinées très
attentivement.
Le Président (M. Dussault): Mme Tellier-Cormier.
Mme Tellier-Cormier: Merci, M. le Président. Dans un
premier temps, vous me permettrez un commentaire, M. le ministre, quand vous
dites que
vous avez clarifié à plusieurs reprises le concept de
santé, que pour vous il était plus global et qu'à la
santé s'ajoutait aussi l'environnement. Je veux clarifier cela, parce
que, pour nous, quand on parle d'un concept de santé global, c'est plus
qu'uniquement ces deux éléments. Quand on regarde votre projet de
loi 17, on touche la sécurité, l'intégrité physique
et la santé du travailleur, mais au travail. Quand vous ajoutez
l'environnement, on est d'accord aussi, sauf que, nous, quand on parle d'un
concept de santé global, c'est encore plus large que ça, parce
que ça comprend toute la dimension bio-psychosociale et ça
comprend l'individu qui arrive avec sa santé pour travailler. C'est
vraiment plus global que les dimensions que vous ajoutez, même quand vous
ajoutez l'environnement.
C'est dans cet esprit qu'on considère que le projet de loi no 17,
est une première étape qui était essentielle et
nécessaire, mais, si on veut vraiment aller vers une réforme en
profondeur et toucher l'aspect global, c'est vraiment uniquement une
première démarche.
M. Marois: Si vous me permettez, je ne veux pas prolonger la
discussion à ce sujet, parce que je pense que vous faites clairement
ressortir votre point de vue, mais est-ce que vous ne pensez pas que le
rattachement, d'une part, et l'implication des départements de
santé communautaire permettent précisément d'ouvrir la
porte à la perspective que vous évoquez?
Mme Tellier-Cormier: Cela pourrait le permettre, mais,
étant donné que même par le biais de la santé
communautaire, vous donnez l'autorité au médecin responsable,
vous venez de refermer la porte que vous aviez ouverte. Vous venez exactement
de refermer la porte que vous auriez pu ouvrir par le truchement du
département de santé communautaire et des CLSC. Si, face à
cela, vous vouliez un exemple très précis, je pourrai vous en
donner un. On peut faire un parallèle avec d'autres programmes de
santé où l'exemple devient très patent. (16 h 30)
Au niveau de l'article 11, quand on parle du droit de refus, on
considère qu'il faudrait peut-être permettre d'aller plus loin. Ce
serait l'individu qui, au retour d'une maladie, à cause de sa
santé et vous l'avez signalé vraiment de son
état personnel, pourrait ne pas être en état, à ce
moment précis, de reprendre le travail, compte tenu de sa condition.
Peut-être qu'on pourrait rejoindre ces éléments,
d'ajouter au droit de refus, par des éléments au niveau du
retrait préventif. Je ne sais pas comment vous pourrez l'écrire
concrètement dans une législation, ou comment le transcrire.
C'est difficile. Mais je pense qu'il faudrait aussi ouvrir la porte plus grande
dans ce sens-là.
Au niveau de l'article 17, on a bien vu que dans la législation,
ce n'était pas défendu. Ce n'est pas défendu, mais ce
n'était pas inscrit suffisamment à notre goût pour qu'on
puisse s'y référer, même si vous nous dites que par un
autre article, il peut le faire. On vous souligne que quand cela touche un
problème de santé, on souhaiterait que le professionnel-ressource
en matière de santé accompagne cet individu.
Ensuite, vous avez parlé de l'article 60. À ce moment-ci,
c'est la possibilité pour l'infirmière, au même titre que
d'autres professionnels, de participer au comité de santé et de
sécurité. D'autres organismes avant nous ont soulevé la
pertinence que certains professionnels puissent siéger à ces
niveaux, en y apportant l'expertise, selon les sujets qui y sont traités
et développés. Je pense que c'est l'Ordre des ingénieurs
et des architectes, hier, qui soulignait la même possibilité pour
les professionnels de leur corporation respective.
À l'article 98, quand on parle de dossier de santé,
plutôt que de dossier médical, selon nous, quand on parle de
dossier médical, cela touche le diagnostic et le traitement, tel que le
médecin le voit. Pour nous, un dossier de santé, c'est plus
global et cela comprend l'ensemble des interventions des différents
professionnels, touchant la santé d'un travailleur, que ce soit en
termes de promotion ou de prévention de la maladie.
Vous avez fait référence au fait que dans d'autres lois,
cela s'appelle autrement. Dans la loi sur les services de santé et les
services sociaux, cela s'appelle dossier au bénéficiaire. Je ne
m'oppose pas à ce que cela s'appelle de cette façon, si vous
faites la concordance avec les termes. Mais pour nous, il y a une nette
différence entre le dossier médical et le dossier de
santé.
Ensuite, à l'article 99, quand on dit que le travailleur pourrait
prendre en charge son propre dossier de santé, il y a quand même
des expériences qui sont vécues et il y a aussi des
expériences qui ont débuté, même pour l'enfant. On
connaît le carnet de santé pour l'enfant dès sa naissance,
dont les parents prennent la responsabilité. Si on veut vraiment que le
travailleur assume ses responsabilités face à sa propre
santé, je fais confiance au travailleur qui est en mesure de prendre des
dispositions pour pouvoir conserver lui-même son dossier de
santé.
C'est peut-être une démarche utile pour que le travailleur
prenne conscience qu'il a sa propre responsabilité face à sa
santé.
Quand, en page 20, vous relevez la clarification qu'on demande pour une
définition de services de premiers secours et services de santé,
c'est justement en référence à des problèmes
pertinents et actuels, en raison de la différence entre la
définition de premier secours et services de santé. Je demanderai
peut-être à Louiselle Bouffard de clarifier davantage
auprès de vous, compte tenu des problèmes qui sont vécus
dans certains secteurs d'activité.
Mme Bouffard (Louiselle): Je vais essayer de vous relater un peu
ce qui s'est passé comme expérience. Nous avons
déjà des infirmières qui travaillent présentement
dans des chantiers isolés soit du secteur forestier ou de celui de la
construction. Dans ces secteurs, on a tenté en vain
d'obtenir une définition de "services de premiers secours". On a
essayé de démontrer que la présence d'une personne, au
point de vue santé, dans des chantiers de construction devait faire plus
que donner les premiers soins; cela va plus loin que ça. Les services de
santé demandent de se préoccuper de l'individu qui est dans un
chantier, isolé de tout contexte de services de santé et c'est la
seule personne qui est là comme infirmière pour assurer ces
services.
De par la Loi sur les services de premiers secours, on exige que ce soit
une infirmière. Déjà on a tenté d'embaucher,
à l'intérieur des chantiers ou des secteurs forestiers, des
personnes autres que des infirmières. La notion de "premiers secours"
n'étant pas, de fait, établie, la notion de "services de
santé" étant plus large que les services de premiers secours, on
a de la difficulté à faire appliquer ce règlement.
Mme Tellier-Cormier: C'étaient là nos
réponses à la suite des commentaires et des questions du
ministre.
Le Président (M. Dussault): Merci. M. le
député de Portneuf.
M. Pagé: Je vais être court, parce que le ministre a
repris plusieurs des éléments que je voulais toucher. Je vous
remercie du dépôt de votre mémoire, il y a plusieurs
éléments qui vont certainement alimenter nos conversations lors
de l'étude du projet de loi article par article. J'apprécie,
entre autres, vos commentaires sur le retrait préventif et ce qui arrive
au retour de la femme en milieu de travail après l'accouchement. Au
sujet des programmes de formation donnés par le ministère de
l'Éducation, la recommandation est tout à fait bienvenue, je
crois.
J'aimerais cependant, madame, que vous puissiez répondre à
quelques questions en ce qui concerne les chantiers de construction, entre
autres, dans les travaux forestiers. Si j'ai bien compris, vous dites que la
présence de l'infirmière et l'aspect de services de premiers
soins, ce n'est pas suffisant pour répondre à la situation qui
prévaut. Est-ce que je vous ai bien compris, d'une part? D'autre part,
si c'est le cas, comment pourrait-on par un règlement, par une loi comme
la loi 17, contribuer à régler ce problème? Vous
n'êtes pas sans savoir que, dans le domaine des chantiers forestiers,
c'est un problème particulier. Les blessures sont graves, il y a des
atteintes, bien souvent, à la colonne vertébrale. Qu'est-ce qu'il
faudrait faire?
Mme Bouffard: Je vais essayer de répondre à vos
questions. Au sujet des chantiers forestiers, justement, on a souligné
qu'il y avait des difficultés; c'est un fait. Il n'y a pas tellement
longtemps, on recontrait des gens de la CAT qui essaient de faire appliquer le
règlement qui doit être éliminé par le projet de loi
no 17, soit le règlement sur les services de premiers secours. Ce
règlement, s'il était appliqué effectivement aujourd'hui
dans tous les chantiers forestiers, au lieu d'avoir 95 infirmières, nous
en aurions au-delà de 250, ce qui veut dire qu'il y a déjà
de la difficulté à faire reconnaître de la part des
employeurs l'importance d'avoir une personne qui soit là non pas
seulement pour assurer les premiers secours parce que les premiers
secours, c'est quand même juste d'aller chercher la personne qui est dans
le bois et lui donner les premiers soins mais ça implique aussi
le transport à partir du moment où on prend cette personne et
jusqu'à ce qu'elle soit placée dans un centre hospitalier.
M. Pagé: Est-ce à dire que le règlement
n'est pas respecté actuellement?
Mme Bouffard: Effectivement.
M. Pagé: Merci. Cela en dit long, madame, vous savez.
C'est la situation dans le moment.
Mme Tellier-Cormier: Si vous me le permettez, je voudrais
simplement ajouter que le règlement 33, touchant les premiers secours,
est bon; il y a une différence entre les premiers secours, les services
de santé et les soins. Le règlement 33, à l'heure
actuelle, n'est pas respecté d'une façon parfaite, ce qui
occasionne d'autres problèmes.
Vous avez aussi, M. le député, parlé du retrait
préventif. Tel que signalé dans le projet de loi, on parle du
retrait préventif pour une seule occasion, une seule circonstance.
Pour rattacher le commentaire que je faisais tantôt concernant le
droit de refus, peut-être que le retrait préventif devrait
être élargi et ne pas être, si vous voulez, uniquement la
possibilité d'une travailleuse enceinte. Je sais que cela pourra
soulever éventuellement d'énormes problèmes au niveau des
négociations ou des ententes, tout ce que vous voulez. Si je parle de
retrait préventif dans des situations aussi particulières que
celles des infirmières qui sont appelées à travailler soit
en salle d'opération ou au niveau des unités
spécialisées où on retrouve des patients traités
par radium ou radiologie, on sait que cela peut causer des dommages. Cela aide
le patient à guérir, mais cela peut causer des dommages
importants pour les personnes qui assurent les services ou les soins aux frais
de ces bénéficiaires. Même à l'heure actuelle, on
connaît des situations où les infirmières, par
prévention, doivent entre elles assurer une forme de rotation afin de ne
pas être exposées trop longtemps à des substances qui sont
vraiment dommageables pour des gens qui sont en santé.
Alors, le retrait préventif éventuellement, compte tenu de
l'évolution scientifique et technologique, va définitivement
toucher d'autres situations que la femme enceinte. Je peux vous donner un autre
exemple: l'infirmière qui travaille en salle d'opération, en
orthopédie, où on fait beaucoup de contrôles radiologiques,
est exposée à partir de sa situation aux radiations. C'est la
même chose pour les techniciens en radiologie; il y a des situations
très précises face à cela.
Vous avez aussi rattaché le commentaire en regard des programmes
de formation. Je pense qu'on devra définitivement trouver la
possibilité d'inclure dans la formation des professionnels ces
dimensions en termes de santé et de sécurité au travail.
Par cette intervention, je ne veux pas dire que les infirmières n'ont
pas de préparation; toutefois, compte tenu du développement
maintenant en termes de santé et sécurité, on devra mettre
de l'emphase et aller plus loin dans la formation dans ce sens.
Le Président (M. Dussault): Alors, il n'y a pas d'autres
interventions. Je remercie les représentants de l'Ordre des
infirmières et infirmiers du Québec pour leur participation aux
travaux de cette commission. Je leur souhaite un bon retour et je voudrais leur
poser une question avant de partir: Dans vos derniers voyages dans la
région de Sherbrooke particulièrement, vous n'auriez pas vu les
gènes et les chromosomes de M. Chartrand, par hasard?
Mme Tellier-Cormier: Peut-être qu'en tant que
fermière j'aurais pu rencontrer différents gènes, mais, en
tant qu'infirmière, de toute façon, on pourrait longuement
discuter avec lui sur ces questions. Merci à M. le Président et
aux membres de la commission.
Le Président (M. Dussault): Bon! Il l'appréciera
sûrement. Ceci dit...
M. Chartrand: Je ne sème pas mes chromosomes à tous
vents! Je suis allé dernièrement, je n'ai pas vu de femme
enceinte avec des monstres. Il n'y aura pas plus de péquistes qu'il y en
avait là.
Le Président (M. Dussault): J'invite maintenant la
Fraternité des policiers... Excusez-moi, je pense que j'ai fait une
inversion.
M. Chartrand: C'est une cause d'accident.
Associations patronales de l'industrie de la
construction
Le Président (M. Dussault): J'invite les six associations
patronales de l'industrie de la construction. Alors, j'invite le porte-parole
des six associations à s'identifier et à nous présenter
ses compagnons.
M. Larochelle (Claude): M. le Président, M. le ministre,
MM. les membres de la commission, mon nom est Claude Larochelle, je suis
directeur général de la Corporation des maîtres
mécaniciens en tuyauterie du Québec. Les gens qui m'accompagnent
sont, à partir de ma droite, M. Marc Demers, président de la
Fédération de la construction du Québec, M. Henry Audet,
trésorier de la Corporation des maîtres électriciens du
Québec, M. Jean-Guy Laurin, président de l'Association des
constructeurs de routes et grands travaux du Québec, M. Gaston Mailhot,
président de l'Association de la construction de Montréal et du
Québec. À mon extrême gauche, M. Maurice Prince,
président de la Corporation des maîtres mécaniciens en
tuyauterie du Québec, et M. Gérard Jacques, président de
l'Association de sécurité dans l'industrie de la construction,
association qui avait été formée par les six autres
associations dans un but de prévention. (16 h 45)
Le Président (M. Dussault): M. Larochelle, je vous donne
20 minutes pour nous présenter votre mémoire.
M. Larochelle: Merci. Messieurs, nous apprécions vraiment
de pouvoir présenter devant cette commission le point de vue de ces
associations qui regroupent plus de 14 000 entreprises de construction. Nous
tenons à souligner que ce mémoire ne fait pas l'objet d'une
étude globale du contenu du projet de loi et que, par conséquent,
nos commentaires porteront principalement sur le chapitre 11 traitant des
dispositions particulières aux chantiers de construction. Cependant,
nous tenons à vous informer que nous appuyons fermement le
mémoire du Conseil du patronat qui fait une analyse complète des
autres chapitres de cette loi-cadre et ce, autant dans son acceptation de
l'objectif premier de cette loi, soit une réduction substantielle des
accidents du travail et des maladies professionnelles, que dans son jugement
sévère sur plusieurs moyens que suggère le projet de loi
pour réaliser ces objectifs, entre autres exemples, le mode de
financement, les droits et obligations paritaires, la diminution des droits de
gérance, etc.
De plus, nous sommes effrayés de réaliser qu'un tel projet
de loi qui se veut un des plus avancés au monde soit proposé sans
qu'on ait fait une étude sérieuse et réaliste des
coûts de cette réforme. Vous pourriez me répondre le
traditionnel adage qui veut que la vie d'un travailleur, cela n'a pas de prix
et sur ce, nous sommes pleinement d'accord. Par contre, dans le projet de loi,
plusieurs moyens envisagés n'ont pas d'incidence directe sur la vie du
travailleur et pourraient être remplacés par d'autres moyens aussi
efficaces, mais moins dispendieux. Je vous réfère à
l'étude des coûts présentée par le Conseil du
patronat qui nous fait réaliser tout le mécanisme administratif
qui se greffera à l'entreprise par ce projet de loi. Il serait pour le
moins raisonnable qu'on évalue les effets financiers d'une telle loi et
la capacité pour l'économie de se payer tous ces moyens qui se
veulent avant-gardistes. Il y a sûrement moyen d'éviter certains
intervenants et certaines tracasseries administratives sans pour autant
diminuer les chances d'atteindre notre objectif ultime à tous, soit
l'élimination à la source des causes des accidents et des
maladies professionnelles.
Le projet de loi reconnaît à juste titre que les mesures et
les programmes destinés à l'industrie de la construction doivent
être spécifiquement conçus en fonction du caractère
distinct de son environnement de travail. D'autre part, notre industrie est
encore en voie d'adaptation à ce qui
constitue, somme toute, de nouvelles mesures. Nous sommes donc quelque
peu inquiets de ce que le projet de loi 17 pourrait conduire à des
dérogations importantes quant aux mesures et aux dispositions actuelles,
surtout si les décisions sont prises par des personnes peu au fait du
caractère particulier de la construction.
Avant de commenter les dispositions apparaissant au chapitre 11, nous
croyons qu'il est opportun de résumer quelques règlements et
dispositions particuliers à l'industrie de la construction pour la
sécurité et la santé au travail. Cette structure est en
place depuis quelques années seulement, mais nous considérons
qu'elle a contribué à la création d'un climat plus
favorable pour la prévention des accidents et des maladies
professionnelles. Vous avez sûrement eu l'occasion de lire notre
mémoire relativement à la structure actuelle de la construction,
entre autres exemples, un code de sécurité qui est quand
même quasi unique en Amérique du Nord mis à jour
continuellement ce qui est unique en Amérique du Nord par
les gens du milieu, c'est-à-dire les gens de l'industrie de la
construction, comités de sécurité paritaires, conseillers
en prévention spécialisés et reconnus par le
ministère du Travail, qualifications des entrepreneurs
aujourd'hui, il n'y a pas un seul entrepreneur qui peut obtenir un permis sans
avoir, au préalable, démontré ses qualifications en
matière de sécurité cours de formation
dispensés par les différentes associations patronales.
Sachant très bien qu'un nouveau programme de prévention ne
peut réellement faire ses preuves qu'après quatre ou cinq ans, le
milieu patronal de la construction résiste à l'idée de se
lancer dans une nouvelle aventure, alors que le système actuel commence
à réellement porter ses fruits. À titre d'exemple, le
nombre d'accidents mortels dans le secteur de la construction est passé
de 89, en 1973, à 31, en 1978, soit une diminution de 65%. C'est tout de
même significatif.
Quant à la fréquence des accidents et à leur
coût d'indemnisation, nous n'avons jamais pu obtenir de la Commission des
accidents du travail des statistiques qui touchent particulièrement
l'industrie de la construction et ce, malgré plusieurs demandes
répétées. D'ailleurs, un fonctionnaire de la commission
nous a informés qu'elles ne seraient pas disponibles avant le mois de
septembre et nous ne les avons pas encore reçues. Est-ce parce que les
statistiques nous permettraient de réaliser que, tout comme dans les cas
de décès, la situation dans la construction se serait
relativement améliorée à cause du système actuel?
Nous le croyons vraiment et c'est pourquoi nous vous recommandons de conserver
la structure actuelle plutôt que d'en imposer une nouvelle qui n'a pas
fait ses preuves.
Maintenant, nous voudrions vous donner certains commentaires
spécifiques au projet de loi no 17. Le programme de prévention.
Il est depuis longtemps admis qu'un programme de prévention bien fait,
bien appliqué, est d'une efficacité reconnue pour aider à
réduire le nombre et le coût des accidents du travail. Nous sommes
donc d'accord avec ce principe mentionné dans le projet de loi et dont
le livre blanc en avait explicité la raison principale. Cependant, nous
insistons sur la nécessité que le programme de prévention
du maître d'oeuvre soit disponible lors des demandes de soumission d'un
contrat.
Quant au droit de refuser d'exécuter un travail, nous
reconnaissons en principe ce droit, puisqu'il existe déjà dans le
décret de l'industrie de la construction. Cependant, nous
considérons que la procédure établie dans le contexte du
projet de loi pour l'examen de la situation, lorsqu'un travailleur refuse
d'exécuter un travail, inclut trop d'étapes et peut
s'avérer lente et onéreuse dans certains cas où il y aura
controverse de la part des personnes examinant la situation. Nous
suggérons donc que cette procédure pour l'examen de la situation
en cas de refus de travail soit plus expéditive et n'inclue que deux
étapes, soit le supérieur immédiat et le
représentant du travailleur et, s'il n'y a pas entente,
l'inspecteur.
Au chapitre XI, il est mentionné à l'article 178 que
l'inspecteur peut ordonner l'arrêt complet des travaux et que ses ordres
sont exécutoires. D'autre part, l'article 143 mentionne que, pendant que
dure une suspension des travaux ou une fermeture - ceci peut s'appliquer
à un chantier de construction les travailleurs visés sont
considérés comme ayant régulièrement
travaillé et son rémunérés en conséquence.
Nous nous opposons à ce que ce projet de loi inclue une telle
disposition qui pourrait être désastreuse pour un employeur de la
construction qui nous insistons pour des raisons tout à
fait hors de son contrôle, serait contraint par l'inspecteur de fermer un
chantier. D'ailleurs, le mémoire du Conseil du patronat en fait mention
dans le même sens. Par contre, nous sommes d'accord avec les articles 21,
26 et 31 du projet de loi qui obligent de payer le travailleur jusqu'à
la décision exécutoire par l'inspecteur et non jusqu'à la
décision finale par la commission lorsque les travaux sont
arrêtés pour des raisons sous le contrôle de
l'entrepreneur.
Il y a quelques instants, on disait que lorsque c'était hors du
contrôle de l'entrepreneur, on trouvait que cela pouvait apporter des
conséquences assez désastreuses. Je voudrais demander à M.
Jacques de vous donner un exemple précis à ce sujet.
M. Jacques (Gérard): Prenons l'exemple d'un chantier de
construction où un entrepreneur spécialisé doit faire des
coulées de béton avec une grue à tours. La grue est
considérée comme non sécuritaire. Alors, il y a un
scellé qui est appliqué sur la grue. Les travailleurs de
l'employeur arrêtent de travailler. Par contre, il arrête l'autre
entrepreneur qui doit faire ses formes ou décoffrer.
Qui va payer les autres travailleurs qui vont arrêter de
travailler à cause de l'entrepreneur dont l'appareil a été
mis sous scellé? Cela peut arriver sur un chantier de construction
où il y a plusieurs sous-entrepreneurs. Justement un exemple:
L'élévateur qui est à côté ici appartient
à un entrepre-
neur donné; si, par contre, il n'est pas considéré
comme sécuritaire et qu'il est arrêté, que va-t-il arriver
aux autres travailleurs qui sont arrêtés suite à cela? Qui
va les payer, ces autres travailleurs qui ne sont pas sous le contrôle de
l'employeur à qui appartient cet appareil?
M. Larochelle: C'est le genre d'exemple qui peut amener des
problèmes majeurs dans l'industrie de la construction. Nous admettons
que c'est particulier à cette industrie.
Le comité de chantier. Tel que mentionné
précédemment, ce type de comité fait déjà
l'objet d'une réglementation au code de sécurité pour les
travaux de construction et nous agréons qu'il soit intégré
à la réforme projetée dans la loi-cadre selon les articles
166, 167, 168 et 169. Ce comité de chantier ne doit pas être
investi de pouvoirs décisionnels et son rôle doit continuer
à en être un de consultation avec pouvoir de référer
aux autorités gouvernementales exemple, inspecteurs ou commission
des cas d'abus ou de manquement à la loi.
Nous voudrions maintenant vous entretenir du
délégué de chantier. Concernant la section 5 du chapitre
XI à ce sujet, nous nous opposons entièrement au contenu des
articles 171 à 175 et nous maintenons une vive objection au fait qu'un
tel projet de loi puisse donner d'autres pouvoirs aux
délégués de chantier en matière de
sécurité et nous sommes d'avis qu'on devrait s'en tenir à
la loi sur les relations de travail dans l'industrie de la construction, en ce
qui a trait au rôle du délégué de chantier. La
pénible expérience du passé motive cette objection.
La défense du droit des travailleurs dans l'application du
décret, dans les relations du travail, d'une part, et l'application de
la sécurité sur les chantiers de construction ou son
système de prévention, d'autre part, sont inconciliables. Le
délégué de chantier aurait beaucoup trop tendance à
faire des pressions en matière de sécurité pour faire
comprendre, entre guillemets, à l'employeur l'avantage de régler
un conflit de relations du travail. D'ailleurs, ses connaissances et son
expérience se limitent aux relations du travail. Ce n'est pas par pure
coincidence que depuis que la recommandation de la Commission Cliche
restreignant les fonctions du délégué de chantier a
été adoptée, la paix est revenue sur les chantiers et ce,
sûrement pas au détriment des travailleurs.
J'ose croire que le gouvernement actuel ne veut pas que l'industrie de
la construction redevienne le nid à problèmes majeurs qu'elle
était à l'époque. Nous connaissons trop bien la sorte de
héros que parachutait la FTQ à l'époque et
l'intérêt public exige qu'on n'y retourne pas. La FTQ n'a jamais
réussi à prouver que son pouvoir monopolistique sur l'industrie
de la construction a été à l'avantage de l'industrie, de
ses employés et employeurs. Elle recherche purement et simplement le
pouvoir.
Quant au supposé code d'éthique, nous savons trop bien que
la FTQ n'a pas de pouvoirs réels sur la FTQ-Construction et que la
notion d'éthique est parfois élastique chez certains. Nous ne
visons pas particulièrement des individus, mais ramenez le pouvoir de
vie ou de mort sur les chantiers de construction et vous ramènerez les
loups. D'ailleurs, la FTQ n'a jamais réussi à convaincre la
Commission Cliche, ni la Commission Hébert, ni le ministère du
Travail sur ce sujet.
Réalisant que le projet de loi 17 ne fait aucune
référence aux 250 conseillers en prévention des accidents
reconnus compétents par le ministère du Travail, il semble que le
délégué de chantier remplacerait ces experts reconnus et
entraînés en matière de sécurité dans
l'industrie de la construction et dont l'objectif premier est effectivement la
sécurité et non la relation de travail. Selon nous, la
compétence devrait primer. Il est impensable que le projet de loi 17
vienne modifier en profondeur le système de relations du travail dans
l'industrie de la construction avec toutes les conséquences que cela
comporte en matière d'investissement entre autres. Les investisseurs se
rappellent trop bien les expériences très coûteuses des
années soixante-dix sur les chantiers de construction. Ils refuseront
sûrement de considérer le Québec comme un lieu propice
à l'investissement si les syndicats de la construction reprennent le
contrôle par le délégué de chantier. (17 heures)
Quant au chapitre de l'inspection, l'article 149 stipule que les
inspecteurs, les inspecteurs chefs régionaux et le personnel requis pour
l'application du présent chapitre et de la section 6, chapitre XI,
relèvent du membre du conseil exécutif ou de l'organisme que peut
désigner le gouvernement. Nous exprimons notre accord au principe de
l'unification du système d'inspection en matière de
sécurité, mais sous réserve que cet inspectorat soit sous
la responsabilité d'un seul ministère; en l'occurrence, nous
souhaiterions que ce soit le ministère du Travail et de la
Main-d'Oeuvre, qui a selon nous l'expérience passée à son
crédit. Tout particulièrement, pour le secteur de la
construction, nous insistons sur le fait que cet inspectorat ne doit pas
relever de la Commission de santé et de sécurité du
travail, mais d'un organisme spécialisé qui connaît
très bien l'industrie de la construction.
Les associations sectorielles: L'article 73 du chapitre VI du projet de
loi stipule qu'une ou plusieurs associations d'employeurs et une ou plusieurs
associations syndicales appartenant au même secteur d'activités
peuvent conclure une entente constituant une association sectorielle paritaire
de santé et de sécurité au travail.
Nous sommes d'accord, en principe, avec cette disposition, puisque la
mise sur pied d'une telle association sectorielle paritaire pour un même
secteur d'activités s'établirait sur une base volontaire de part
et d'autre. Cependant, nous notons une incompatibilité concernant
l'énoncé de l'article 74 par rapport à celui de l'article
73. Nous nous opposons donc totalement à ce que l'article 74 stipule en
regard du secteur de la construction pour deux raisons majeures. Cet article
n'inclut pas, d'une part, les six associations
patronales que nous représentons, mais uniquement l'Association
des entrepreneurs en construction du Québec. Et, le dernier paragraphe
stipule qu'à défaut d'entente, la commission détermine la
composition de l'association sectorielle paritaire de la construction. Cette
prescription est, à notre avis, inacceptable et contredit nettement
l'énoncé de l'article 73. En matière de
sécurité et particulièrement en prévention, il faut
tout faire pour empêcher que ce soient les mêmes gens qui discutent
de relations du travail et de prévention. Or, l'AEQ n'a que comme seul
mandat les relations du travail.
Il est donc essentiel pour le bénéfice d'une meilleure
prévention que les six associations que nous représentons
puissent participer activement à l'association sectorielle de la
construction. D'ailleurs, depuis quelques années, ces associations ont
une grande expérience de façon intensive, en matière de
formation qui peut être des plus utiles à toute l'industrie de la
construction. Nous sommes d'ailleurs surpris et nous comprenons très mal
que le projet oblige de conclure une entente dans la construction alors que
dans les autres secteurs d'activités, cette entente est volontaire,
surtout que le taux de fréquence des travailleurs, par 100 travailleurs,
nous prenons les statistiques de 1977, est inférieur à celui
d'autres industries telles l'industrie de la forêt et l'industrie du
bois. Pourquoi obliger la construction alors qu'elle a un taux de
fréquence moins élevé que ces industries? Nous
recommandons donc que les six associations de l'industrie de la construction
puissent participer à l'Association sectorielle de la construction qui
pourrait se former volontairement. Je vous remercie, M. le Président, M.
le ministre, et MM. les membres de la commission de votre bonne attention.
Le Président (M. Dussault): Merci, M. Larochelle. M. le
ministre.
M. Marois: Merci, M. le Président. Je voudrais remercier
les porte-parole des six associations de la construction de leur
mémoire. Je prends acte du fait que vous endossez le contenu du
mémoire du Conseil du patronat. Vous avez eu l'occasion de discuter
assez longuement avec eux quand ils se sont présentés en
commission parlementaire. Quant au problème des coûts, je ne veux
pas à nouveau soulever la longue discussion qu'on a eue au moment du
témoignage du Conseil du patronat devant cette commission. Je voudrais
simplement rappeler que déjà, le livre blanc donnait des
indications très précises sur les ordres de grandeur des
coûts que nous étions à même d'évaluer
inhérents à la réforme.
Il nous apparaissait que les coûts impliqués étaient
sans commune mesure par rapport aux coûts actuels et sur la base de
chiffres conservateurs des conséquences en termes de coûts
économiques directs et indirects de l'état actuel des accidents
et des maladies professionnelles. Comme société, il n'y a pas une
société qui peut se prétendre civilisée et penser
qu'il n'y a pas moyen d'en déplacer une portion pour commencer à
s'attaquer à la racine des maux.
Le fait que le nombre d'hommes et de femmes qui sont
décédés dans un secteur donné ait diminué,
je pense que même s'il en reste encore dix, ce seraient dix de trop. Ce
n'est pas une raison pour arrêter, bien au contraire.
Maintenant, je voudrais aussi dire tout de suite que
peut-être pour clarifier à nouveau, pour qu'il n'y ait aucune
espèce d'ambiguïté et cela vaut pour l'ensemble des
règlements qui existent de l'une ou l'autre des lois qui se trouvent
intégrées dans le projet de loi no 17, donc dans une
éventuelle loi-cadre, cela vaut aussi pour le Code de
sécurité de la construction il est hors de question dans
notre esprit de faire en sorte que le Code de sécurité de la
construction disparaisse dans l'état où il est
présentement. Bien au contraire et si le texte de loi est ambigu, on va
le clarifier en conséquence, vous pouvez en être
assurés.
Je voudrais, M. le Président, m'arrêter à quatre
points très rapidement. Le premier concerne le pouvoir qui est
donné à un inspecteur de procéder à la fermeture
d'un coin d'une entreprise, d'un service d'une entreprise, d'un chantier de
construction ou d'une partie du chantier, qui est un pouvoir qui existe
déjà d'ailleurs. Ce que nous ajoutons et ce à quoi
je comprends vous vous opposez c'est le fait que lorsqu'un inspecteur
exerce ce pouvoir, l'employeur soit obligé de continuer à payer
les travailleurs qui, pendant cette période, ne travaillent pas,
c'est-à-dire la période pendant laquelle on doit procéder
aux corrections qui s'imposent pour que les rapports d'inspection ne restent
pas sur les tablettes et que ce soit du papier qui s'empile, mais que les
corrections à la source se fassent.
Tous les témoignages que j'ai entendus d'inspecteurs qui ont
présentement, en vertu de l'une ou de l'autre loi et des services
d'inspection qui sont émiettés aux quatre coins de
l'administration, qu'il est notre intention arrêtée, non seulement
de regrouper en une seule direction et de régionaliser pour assurer une
présence permanente, et même le cas échéant, sur des
chantiers d'une certaine taille, de s'assurer qu'il y aura là une
présence permanente, donc qui va supposer qu'on mette des ressources
financières de façon plus importante pour atteindre cet
objectif... Tous les inspecteurs m'ont dit que dans les cas où ils en
venaient à la conclusion comme mesure ultime, parce que les rapports
d'inspection qui sont faits à la suite de plaintes ne donnent pas lieu
au changement soumis souvent avec un certain laps de temps, en disant: Bon,
lorsqu'on pense, et on comprend que cela ne peut pas se faire du jour au
lendemain, et il doit y avoir un délai dans certains cas,
hésitent à recourir aux pouvoirs qu'ils ont présentement
de fermeture, sauf dans des cas où c'est tellement énorme et
inacceptable, comme c'est arrivé à Laprairie, à Ballast
Metal ou Métaux Ballast, peu importe, pour une simple et unique raison,
c'est qu'ils savent fort bien que durant cette période, ce sont les
travailleurs qui vont être pénalisés, à cause du
fait que des employeurs n'ont pas
assumé leurs responsabilités. Je ne vois pas pourquoi
je comprends très bien le problème qui se pose sur les
chantiers de construction où il y a plusieurs entrepreneurs qui sont
là, je comprends parfaitement bien cela mais je ne vois pas
pourquoi, si cela vaut pour les autres secteurs je maintiens
jusqu'à nouvel ordre qu'il n'y a personne qui m'a convaincu du contraire
et qu'on doit aller dans le sens qui est prévu dans le projet de loi no
17 je ne vois pas pourquoi cela ne s'appliquerait pas sur les chantiers
de construction et je vais vous dire pourquoi.
L'exemple et l'illustration que vous nous avez donnés concernant
le cas du béton, on va le reprendre le cas du béton. Dans le cas
où sur un chantier de construction, le béton... il y a un
entrepreneur, c'est sa "job" il y a des équipes derrière, il y a
des équipes à côté et d'autres entrepreneurs. Je
prends exactement votre exemple. Dans le cas où je ne parle pas
du droit de refus et je ne parle de rien de tout cela le béton
n'arrive pas, pour une raison ou pour une autre, un des entrepreneurs n'assume
pas ses responsabilités contractuelles, qu'arrive-t-il? Il arrive
évidemment que l'autre entrepreneur à côté
reprenez votre exemple est arrêté, les équipes
attendent, pendant ce temps les travailleurs ne sont pas payés.
Je ne le pense pas, ils sont payés. À l'opposé,
s'il s'agissait du cas où un inspecteur venait constater qu'il y a des
violations régulières, fréquentes, et qu'il est
obligé de recourir à la mesure ultime de procéder à
l'arrêt pour faire corriger des choses à la source, dans ce
cas-là, on fera porter cela sur le dos des travailleurs comme c'est le
cas présentement? Vous savez fort bien, dans le cas où un
entrepreneur présentement n'assume pas ses responsabilités
contractuelles, comment les choses se passent. Les autres entrepreneurs
à côté qui sont arrêtés, qui ont des
coûts à assumer et qui continuent à payer les salaires des
travailleurs prennent un recours en dommages contre celui qui n'a pas
assumé ses responsabilités contractuelles. Pourquoi faire porter
cela sur le dos des travailleurs? Si on veut vraiment corriger à la
source les problèmes qui se posent, il n'y a qu'une seule et simple
solution pour ne pas que cela arrive: Quand les inspecteurs vont se
présenter dans la foulée de l'application de la loi 17, qu'on les
écoute!
On va faire en sorte qu'ils soient les plus qualifiés possible,
les plus compétents possible, les plus présents possible. On va y
mettre plus de ressources, mais qu'il soient écoutés! Quand ils
font des constats d'infraction, qu'on en assume les conséquences.
Personne ne craint l'emprisonnement quand il se comporte comme un citoyen
normal, qu'il soit citoyen physique ou citoyen corporatif. Celui qui se
comporte tout croche, je comprends qu'il dorme mal. C'est le moment maintenant,
le temps est venu. Si on ne constatait pas l'état de la situation
actuelle, c'est évident qu'on n'aurait pas besoin de changer les choses.
L'état de la situation étant ce qu'il est, on pense que c'est
mûr et qu'il est temps de bouger.
Quant à la question du délégué de chantier,
je voudrais vous poser une question bien précise. Est-ce que vous vous
opposez au délégué de chantier comme tel et qu'il puisse
agir? Dans le cas où il n'y en a pas, il y a l'autre article qui
s'applique, l'agent d'affaires ou un autre représentant syndical. Est-ce
à cela spécifiquement que vous vous opposez ou est-ce plus
fondamentalement à l'idée que les travailleurs aient droit
à un représentant syndical libéré pour ce faire
à la prévention? Est-ce au délégué de
chantier comme tel ou est-ce à l'idée plus fondamentale qui est
derrière? Comme on a l'intention de le reconnaître pour les autres
secteurs, il n'y a pas de raison qu'on ne le reconnaisse pas pour le secteur de
la construction. Est-ce à l'idée fondamentale qui est
derrière?
Quant aux modalités, on peut bien s'asseoir et regarder les
choses, c'est une chose, mais je veux savoir si c'est au fond même de la
question que vous vous opposez.
En ce qui concerne l'association sectorielle, votre position
m'étonne un peu. Cela m'étonne que vous vous opposiez à
l'obligation puisque le caractère obligatoire de l'association
sectorielle dans le domaine de la construction et de la composition reproduit
essentiellement ce qui est déjà prévu au décret.
Là, j'aimerais avoir des explications additionnelles. Voilà, M.
le Président, les commentaires-questions que j'avais à
formuler.
Le Président (M. Dussault): M. Larochelle.
M. Larochelle: Merci. En fait, je ne voudrais pas entrer, comme
vous l'avez souhaité dans le fond, dans le détail des
coûts. Effectivement, je ne voudrais pas que notre position soit prise
comme étant simpliste, soit qu'on veuille éliminer à peu
près tout ce qui est possible de faire pour sauver la vie d'un
travailleur. Là-dessus, on est parfaitement d'accord. Ce qu'on a voulu
dire, si on s'est mal exprimé, c'est qu'on aurait aimé savoir
combien ça coûterait et quelles étaient les
possibilités. On aurait aimé savoir, justement par cette
étude de coûts, jusqu'à quel point on a tenté de ne
pas exagérer les moyens qui pourraient être dispendieux
inutilement.
L'objectif, on le souhaite... Qu'on prenne les moyens... Vous nous avez
parlé d'essayer d'obtenir le plus grand nombre d'inspecteurs
compétents possible. Parfait, c'est la notion de base de notre
présentation. Ce n'est pas là qu'on veut en venir. On aurait
aimé savoir combien cela peut coûter globalement et s'il y a eu
une étude profonde qui a été faite sur les moyens, s'il
n'y aurait pas moyen d'en éliminer. Rien ne nous a laissé croire
que ce genre d'étude avait été faite.
M. Marois: Vous avez quand même dû lire le livre
blanc. Vous avez quand même là les données de base de
l'évaluation des coûts qui ont été établis.
(17 h 15)
M. Larochelle: On est loin dans le projet de loi, bien loin... Le
projet de loi est quand même
différent au niveau des mécanismes par rapport au livre
blanc.
M. Marois: II y a un mécanisme de plus, c'est le
représentant syndical à la prévention.
M. Larochelle: De toute façon, je ne voudrais pas aller
plus loin là-dedans. Je vous dis exactement ce à quoi on voulait
en venir. Je suis très heureux aussi de voir qu'il n'est pas question de
faire disparaître le code de sécurité et j'imagine que dans
votre intention il va demeurer avec le comité de révision
constant qui existe déjà, de l'industrie. Ce comité est
très utile, je pense, pour justement tenir notre code de
sécurité à jour, pour le bénéfice de toute
l'industrie de la construction.
Vous avez parlé des pouvoirs d'un inspecteur et vous m'avez
donné l'impression d'avoir compris qu'on refusait de payer le
travailleur lorsqu'il refusait pour cause de danger de travailler.
M. Marois: Non, ce n'est pas de cela du tout dont je parle. C'est
certain que vous allez le payer pendant ce temps-là, jusqu'à la
décision finale. C'est bien clair dans mon esprit et j'ai compris que
vous aviez compris que c'était clair également. Ce n'est pas de
cela que je parle. Je parle de ce que vous avez évoqué
spécifiquement. Dans votre mémoire, vous vous objectez au fait
que, au pouvoir qu'a déjà l'inspecteur de fermer un coin d'usine,
un service d'usine, une partie de chantier ou le chantier au complet, parce
qu'il estime que là, c'est dans le vent, cela suffit, et qu'il y a des
choses qui doivent être corrigées, nous, on ajoute "maintenant",
à ce pouvoir de l'inspecteur, l'obligation pour l'employeur dans le cas
où l'inspecteur va recourir à cette mesure ultime de payer
les travailleurs pendant la durée où les chantiers seront
fermés ou une partie du chantier sera arrêtée, pour
corriger à la source les problèmes qui auront été
décelés. C'est là-dessus. C'est à cela que vous
vous objectez. Vous m'avez donné l'exemple du béton. Je vous ai
expliqué que je ne trouvais pas votre démonstration
particulièrement convaincante.
M. Larochelle: En fait, vous comprendrez très bien que la
réaction qu'ont les entrepreneurs, c'est qu'effectivement, quand il y
aura arrêt allons à l'extrême complet du
chantier, tous les sous-traitants de qui, dans le fond, la réparation du
danger, ce n'est vraiment pas sous leur contrôle à eux.
Ce qu'on vous dit, c'est que cela va avoir un impact économique
très fort. Vous nous avez répondu, à titre d'exemple,
quand la bétonnière n'est pas arrivée et que le
béton n'est pas coulé, ces gens-là attendent et vous les
payez quand même. C'est exact, mais cela n'arrête pas tous les
tuyauteurs, les électriciens ou les autres spécialistes sur le
chantier.
M. Marois: Alors, en quoi, s'il s'agit de la même
bétonnière que l'inspecteur met sous scellé... c'est parce
que c'est le scellé, plutôt le fait que la
bétonnière ne soit pas là. En quoi cela arrête-t-il
le travail? En d'autres termes, l'exemple ne peut pas servir dans trois sens en
même temps concrètement.
M. Larochelle: Ce n'est pas ce que nous faisons effectivement.
Dans le fond, on parle d'un exemple où l'événement ou la
décision de l'inspecteur ou du travailleur fait que plusieurs
spécialités dont les ouvriers travaillent pour plusieurs
entrepreneurs, seront arrêtés en même temps sur le chantier.
Ce genre d'événement risque d'arriver effectivement, et d'avoir
des conséquences sur les coûts, et possiblement sur la faillite
des entreprises de construction qui vont être obligées de subir
cela régulièrement.
Ensuite, vous nous avez parlé des inspecteurs que vous vouliez le
plus compétents possible et nous en sommes très fiers parce que
l'industrie de la construction a besoin d'inspecteurs très
compétents à cause de la multiplicité des
spécialités et des types de travaux.
On n'a qu'à songer au perçage d'un roc à la baie
James, au dynamitage. Alors, c'est définitivement pas des inspecteurs
qui ont l'habitude de travailler dans une laiterie, par exemple, qui peuvent
vraiment s'y connaître en dynamitage.
Alors, nous sommes heureux de voir que vous allez prendre tous les
moyens possible pour avoir un inspectorat très spécialisé,
parce que dans l'industrie de la construction, afin d'éviter les abus
cela va être utile et que les entrepreneurs aussi aient
confiance en la décision de l'inspecteur. Nous sommes contents de voir
que les inspecteurs seront le plus compétent possible.
Quant au délégué de chantier, ce à quoi on
s'oppose fondamentalement, puisque c'est votre question, ce n'est pas au
représentant des travailleurs, c'est au délégué de
chantier. On ne veut pas que le délégué de chantier
revienne ce qu'il était à l'époque. Il faut que la loi
continue de l'encadrer pour en faire un véritable représentant
des travailleurs, et non pas un représentant d'une petite clique pour
ses fins personnelles. On ne veut pas revenir à cette ère qu'on a
vécue. Vous pouvez me dire: Aujourd'hui, c'est quand même
nettement mieux que c'était. Je suis d'accord avec vous. De plus en plus
les travailleurs ont pris cela en main, sauf quelques syndicats encore sous
tutelle. C'est nettement mieux. Ramenez le pouvoir de vie et de mort dans les
chantiers, comme cela existait à l'époque avec le
délégué de chantier, et vous ramènerez ce genre
d'individus dont on n'a pas besoin dans l'industrie de la construction.
M. Marois: Ce que je comprends bien de votre intervention et de
la réponse que vous donnez à ma question, c'est que vous ne vous
opposez pas à l'idée de reconnaître aux syndiqués le
droit d'avoir dans les chantiers de construction un représentant
syndical à la prévention vous ne vous opposez pas à
cela avec les pouvoirs prévus en conséquence, soit le
droit d'inspecter, le droit d'accompagner les inspecteurs, et le reste...
M. Larochelle: Là-dessus, j'aurais deux
recommandations...
M. Marois: ... avec du temps de libération pour faire ce
travail.
M. Larochelle: Oui. Là-dessus, il y a deux choses que
j'aimerais vous signaler. La structure qu'on privilégie, c'est celle qui
existe présentement, c'est-à-dire celle du Code de
sécurité qui prévoit que dans un chantier où il y a
150 travailleurs et plus, ou de plus de $5 millions en valeur, il doit y avoir
un agent de sécurité à temps plein, compétent,
reconnu par le ministère du Travail. Cela demeure.
Pour les autres chantiers, j'ai lu des interventions qui ont
été faites par des prédécesseurs, entre autres, je
vous réfère à une question que vous avez posée ce
matin à un intervenant, relativement aux gens qui ne sont pas
syndiqués, à savoir comme formule, pour la construction, à
cause justement de son caractère particulier, et du fait qu'il y ait
énormément de chantiers, énormément de petits
chantiers, où il est difficile d'avoir vraiment des agents de
sécurité reconnus compétents, on privilégie d'abord
et avant tout la compétence, c'est-à-dire qu'on
préférerait je pense que M. Laberge, de la FTQ, le
suggérait, et vous en avez fait un peu mention ce matin une
solution qui ferait que des représentants à la
sécurité, des agents de sécurité pour l'industrie
de la construction, pourraient être engagés par l'association
sectorielle paritaire pour avoir des représentants
compétents.
Dans la construction, si les travailleurs élisaient un
représentant à la sécurité entre eux, le danger
serait qu'il n'ait pas le temps, à cause de la courte durée des
chantiers, de prendre l'expérience nécessaire. On
privilégie la compétence d'un bout à l'autre de notre
volonté et de notre mémoire. On recherche dans la construction
des agents de sécurité, des inspecteurs les plus
compétents possible. On se dit que l'association sectorielle pourrait
s'organiser avec ce problème, qui est quand même particulier
à l'industrie de la construction, pour engager le nombre d'agents de
sécurité pour faire la visite, divisés dans les diverses
régions, pour être le plus efficace possible, pour que le
travailleur puisse rencontrer régulièrement un bonhomme
spécialisé en prévention, et non pas un
délégué de chantier dont le seul but et la seule
compétence sont la relation de travail. Donc, nous privilégions
cette forme d'aide aux travailleurs.
Maintenant, en fait, là-dessus, à moins que vous n'ayez
d'autres questions, ce serait ma réponse. Vous nous avez parlé de
l'association sectorielle; c'est déjà prévu au
décret. En fait, cela a été prévu au décret
en matière de relations du travail, et le point sur lequel nous
insistons, ce n'est pas, dans le fond, de faire une bataille avec l'AECQ. Au
contraire, on considère qu'elle a sa place dans cette association
sectorielle. Mais, ce qu'on dit, c'est qu'en prévention, pour qu'elle
soit efficace, il ne faut pas que ce soit les mêmes gens qui se chicanent
tous les jours sur les chantiers pour la relation de travail. Pour que la
prévention soit bien efficace, il faut éviter l'aspect relations
du travail, autant que possible. C'est sûr qu'on ne peut pas
l'éliminer complètement.
Ce qu'on dit, nous, c'est que dans le secteur de la prévention,
on a déjà de l'expérience en information. Il n'y a aucune
des associations, ici, qui n'a pas de moniteurs formés par l'OCQ et de
toutes sortes de sources, pour donner des cours à nos entrepreneurs. On
a déjà de l'expérience en matière de
prévention et c'est pour ça que nous voudrions on pense
que ce serait utile pour l'industrie être
représentés dans l'association sectorielle. C'est pour
éviter la relation de travail.
Le Président (M. Dussault): M. le député de
Portneuf.
M. Pagé: Merci, M. le Président. M. Larochelle, je
vous remercie. Je peux vous dire que plusieurs des thèmes que vous
abordez l'ont déjà été par des membres de la
commission parlementaire, soit avec l'AECQ ou encore avec les associations
d'entrepreneurs de la baie James hier, et tout ça. Alors, mes questions
seront certainement très limitées.
En ce qui concerne votre participation et la participation des six
associations patronales du secteur de la construction au comité
sectoriel, moi, je me dis que cette demande aurait été davantage
justifiée avant l'adoption de la loi 110, parce qu'avec l'adoption de la
loi 110, vous avez un mode de représentation différent au sein de
l'AECQ, qui assure quand même une place aux six associations patronales.
Le ministre, qui s'interrogeait là-dessus tantôt, pourra
certainement avoir les commentaires de son collègue, le ministre du
Travail, sur cette question, avant de donner suite, de façon positive ou
négative, à la demande que vous formulez. D'ailleurs, je l'invite
à le faire.
J'aurai une brève question, qui porte sur le droit de refus. Vous
avez exprimé des réserves à l'égard du droit de
refus. Je ne veux pas revenir sur toutes les notions qui entourent ce droit.
C'est un droit naturel. C'est un droit qui est fondamental. C'est un droit qui,
d'ailleurs, dans le secteur de la construction, existait déjà.
Cependant, moi, je crois vous me corrigerez par des commentaires et j'en
fais en même temps le sens de ma question que le secteur de la
construction est un secteur où il y a beaucoup de fluctuations,
où, actuellement, entre autres, on a beaucoup de chômage. Les
chantiers de construction, au Québec, la durée des chantiers est
quand même limitée. Ce ne sont pas tous des chantiers qui durent
un an ou deux ans. Bien souvent, le nombre d'heures qu'un travailleur de la
construction, surtout s'il est spécialisé, aura à passer
sur un chantier est très limité. Moi, j'ai l'impression que le
droit de refus est presque illusoire dans le secteur de la construction, parce
que, vous savez, et le meilleur test et la meilleure façon de voir si
c'est un droit qui est illusoire, j'aimerais savoir, depuis quelques
années, combien il y a eu de cas
où des travailleurs de la construction ont refusé de
travailler dans vos associations patronales.
Vous savez, le type qui refuse de travailler, surtout dans le contexte
actuel, où même c'est déjà prévu... On n'a
quand même pas la loi 17 et tous les mécanismes et toute la
pression qu'elle va créer sur les parties. Je ne suis pas convaincu,
moi, que le travailleur qui exerce son droit de refus ne risque pas, à
la fin de la "job", d'être un bon bout de temps sans se faire
réembaucher, et la possibilité ou l'épée de
Damoclès qu'il a au-dessus de la tête, à savoir que s'il
refuse de travailler, compte tenu d'un danger X, dans un secteur X de la
construction, si le fait qu'il exerce ce droit, cela a pour effet qu'il ne soit
pas rappelé sur une "job" subséquente, je vous dis, moi, que
c'est un droit qu'on peut qualifier d'illusoire.
J'aimerais vous entendre là-dessus. (17 h 30)
M. Larochelle: Quant au nombre de cas de refus, avec
l'expérience du décret, disons que j'ai eu connaissance que
l'AECQ vous avait répondu qu'il n'y en avait aucun. Par contre, il y a
quand même une chose qu'il faut remarquer, c'est qu'il y a
énormément de cas où le contremaître et le
représentant du travailleur se sont entendus pour faire des corrections
avant qu'on aille plus loin. C'est sûr que je ne peux pas vous les
quantifier, mais je pourrais facilement vous amener des témoignages dans
ce sens. Il n'a pas réellement été utilisé comme
tel, avec grief et tout le mécanisme du décret; par contre, je
suis convaincu que souventefois il y a eu des ententes pour faire les
réparations nécessaires pour protéger les
travailleurs.
Quant au risque de non-embauche, je vous avoue que je pense que c'est de
donner à l'employeur une mauvaise foi qu'il n'a pas. On a toujours
évité de spéculer sur la mauvaise foi des travailleurs,
c'est pour cela qu'on est d'accord avec le droit de refus, c'est pour cela
qu'on est d'accord avec toutes sortes de choses dans le projet de loi. Dans le
fond, ce projet de loi je pense que M. le ministre l'avait
déjà dit si on se met à donner des
hypothèses de mauvaise foi, on n'en sortira certainement pas.
Malheureusement, il y a eu quelques cas de décès. Je suis
d'accord, beaucoup trop, dans le fond... Je suis convaincu que l'ouvrier, si
cela avait été une question de choix, aurait choisi sa vie
plutôt que son emploi. Ce genre d'hypothèses peut nous amener
à des abus. On pense que les employeurs sont loin d'être des gens
d'aussi mauvaise foi et des tueurs d'ouvriers.
M. Pagé: Merci de vos commentaires.
Le Président (M. Dussault): Merci, M. le
député de Portneuf. M. le député de
Sainte-Marie.
M. Bisaillon: Je serai bref, je ne vous passerai pas tous mes
commentaires, M. Larochelle, vous m'accuseriez de préjugé. Juste
une question rapide. Est-ce que vous seriez prêt à admettre
honnêtement deux choses? Premièrement, l'existence d'une liste
noire, en particulier à la baie James, en regard des accidents et de la
santé des travailleurs. Deuxièmement, est-ce que vous seriez
prêt à admettre aussi que pour un bon nombre d'entreprises,
actuellement, l'existence même du poste d'agent de sécurité
est à d'autres fins que celles de la santé et de la
sécurité du travail?
J'ai comme preuve un document qui nous a été remis, soit
une lettre signée par M. Henri Laporte, directeur à la
sécurité industrielle. Il dit ceci, à un moment
donné: "Ceci nous permettra d'entraîner un personnel de
sécurité compétent pour pouvoir faire les contestations et
en obtenir un bon retour monétaire et ne pas s'aventurer dans des
procédures dispendieuses."
Si les mots veulent encore dire quelque chose, je comprends que le
premier objectif pour le personnel de sécurité compétent
dans ce cas, c'est davantage d'obtenir un bon retour monétaire que
d'éviter les accidents à leur source et de protéger la
santé des travailleurs. Est-ce que vous seriez prêt à
admettre que ces choses sont dans l'esprit, actuellement, d'un bon nombre
d'entreprises?
M. Larochelle: Quant à la première, la baie James,
malheureusement, je ne connais pas suffisamment la baie James. Vous aviez hier
des représentants qui auraient sûrement pu mieux vous
répondre là-dessus. Je ferais de la pure spéculation, je
serais malhonnête, et vous m'avez demandé d'être
honnête.
M. Bisaillon: Au niveau d'aucune des associations, actuellement,
représentées, vous n'avez aucune expérience de la baie
James qui pourrait vous permettre de dire qu'effectivement, il existe une liste
noire de travailleurs qui ont subi des accidents ou qui ont eu des maladies
pendant qu'ils travaillaient et dont on a refusé le réengagement
parce qu'ils avaient eu un accident.
M. Larochelle: Je ne peux pas, je ne sais pas si, effectivement,
les gens peuvent vous répondre là-dessus...
M. Bisaillon: Cela va. Deuxième partie.
M. Larochelle: Quant à la deuxième partie, l'agent
de sécurité, je pense que non. À mon point de vue, c'est
un cas particulier. M. Jacques va répondre, il a plus
d'expérience dans ce domaine.
M. Jacques: Sur 250 agents, et même peut-être plus,
et il y a encore des cours qui sont donnés pour les agents de
sécurité M. Laporte, je ne le connais pas,
évidemment, je ne peux pas vous dire s'il est de bonne ou de mauvaise
foi, je ne vous dis pas non plus que c'est faux, parce que, en fin de compte,
on n'a pas de preuve, on ne le sait pas de bons agents de
sécurité, comme de mauvais, vous pouvez en avoir, c'est comme de
bons avocats, de mauvais avocats, il y en a partout. Je connais beaucoup
d'agents de sécurité; un agent de sécurité qui fait
son travail ne le
fera pas dans l'optique dont vous avez parlé, soit la
rentabilité. Quand on parle de prévention des accidents, vous
pouvez avoir un cas comme ça, je ne le tiens pas pour acquis, sur 250
agents... Cela fait 20 ans que je fais de la prévention des accidents,
je ne suis pas seul là-dedans, et ce n'est pas un point que je
regarde.
M. Marois: M. le Président, si on me permet simplement
d'ajouter une chose, je vous inviterais en relisant le journal des
Débats à prendre très attentivement connaissance du
témoignage qu'est venu rendre ici devant nous, et c'est public, un
groupe de conseillers en prévention qui sont des agents de
sécurité et vous lirez certains passages. Je pense que ça
demandait beaucoup de franchise et beaucoup de courage de leur part, de dire,
notamment, qu'ils étaient très souvent empêchés
d'assumer leurs responsabilités concernant le domaine de la
sécurité, de la santé d'une part, et que, d'autre part, il
ne leur était pas possible, dans bon nombre de cas, de travailler avec
toute l'objectivité, disaient-ils, je pense que c'est
l'expression qu'ils utilisaient, sous réserve, je ne veux pas citer
autre chose que ce qu'ils ont dit de façon objective le travail
prévu par le code. C'est pourquoi nous pensons qu'il faut
reconnaître aux travailleurs le droit, par leurs associations syndicales,
de se donner des représentants syndicaux à la prévention,
libérés pour ce faire, quelle que soit la formule. On est
prêt à regarder les modalités qui s'imposent, que ce soit
le délégué de chantier ou d'autre chose, dans la
foulée des témoignages qui ont été fournis ici
devant cette commission.
M. Jacques: M. le ministre, on parle dans la province de
Québec, et je mets au défi qui que ce soit en commission
parlementaire, il y a environ 500 personnes qui font de la prévention
des accidents dans la province de Québec. Environ 250 sur les chantiers
de construction pour 160 dont vous nous parliez tantôt, à part les
150 agents inspecteurs de l'Office de la construction qui voient à
l'application du code. Évidemment, vous pouvez en avoir quelques-uns qui
rencontrent ce que le député mentionnait tantôt, mais je
pense bien que... On a dit qu'on était d'accord avec les agents de
sécurité qui existent présentement, c'est vrai. On n'a
jamais dit qu'on ne voulait pas leur donner plus de pouvoir ou plus de
contrôle sur ces gens-là. On ne vous dit pas non plus on
est bien conscient qu'il y en a qui ont des problèmes. Cela
existe, c'est comme dans n'importe quel autre métier, il y en a qui ont
des problèmes. Maintenant, si dans le règlement, on lui donne
plus de pouvoir ou plus de contrôle, on ne s'est jamais opposé
à ça non plus.
Le Président (M. Dussault): II n'y a pas d'autres
interventions. Je remercie les six associations patronales de l'industrie de la
construction pour leur participation à nos travaux. Je leur souhaite un
bon retour. J'invite maintenant la Fraternité des policiers de la
communauté urbaine de Montréal.
Une voix: ... de prendre à mon compte une
célèbre phrase de M. Chartrand, il y a une vingtaine
d'années: "Les vieux, on va les respecter, mais on ne les attendra
pas."
Une voix: ...
Le Président (M. Dussault): J'invite le porte-parole de la
fraternité à s'identifier pour les fins du journal des
Débats et à nous présenter ses collègues.
Fraternité des policiers de la CUM
M. Masse (Gilles): Gilles Masse, président de la
fraternité. Je suis accompagné de M. Georges Painchaud, directeur
de la fraternité et Me Mario Létourneau, procureur de la
fraternité et de M. Gilbert Côté, qui est aussi directeur
de la fraternité. On va en avoir pour à peu près cinq ou
dix minutes. Ce sera assez court. On dépose notre mémoire et on
veut simplement vous soulever un certain nombre de points qui nous tiennent
particulièrement à coeur, nous les policiers de la CUM.
Le Président (M. Dussault): M. Masse, si vous permettez,
ce que l'on verserait au journal des Débats, c'est la partie du
mémoire que vous avez préparé. Quant aux photocopies, je
pense que ça ne fait pas partie...
M. Masse: C'est ça.
Le Président (M. Dussault): D'accord, vous avez la parole.
(Voix annexe C)
M. Masse: Je dois vous dire, M. le Président, qu'on est
assez impressionné de voir les représentants patronaux qui
viennent devant cette commission parlementaire depuis un certain nombre de
jours nous démontrer leurs préoccupations pour protéger la
vie et la santé des travailleurs.
Je tiens à vous dire et on va essayer de vous parler
particulièrement de nos expériences personnelles que les
policiers de la CUM n'ont pas l'impression que nos employeurs se sont
préoccupés, même une fois, de la sécurité et
de la santé des policiers de la CUM. Il n'a jamais existé
à la police de la CUM qui regroupe 5000 membres, une personne de la
partie patronale qui était responsable de la sécurité, ce
n'est jamais arrivé.
On constate qu'au niveau de la sécurité et de la
santé des travailleurs, les seuls organismes qui ont fait quelque chose
dans notre société, ce sont le syndicats. On constate aussi...
c'est rare qu'un policier se fasse applaudir par le Conseil central de
Montréal.
Des voix: ...
M. Masse: Je tiens à vous dire qu'on n'est pas venu ici
pour expulser qui que ce soit.
On constate, à la lecture du projet de loi et avec
l'expérience qu'on voit dans notre société, les
problèmes que les travailleurs ont à se syndi-
quer collectivement, l'intimidation de la part des patrons... On sait
qu'il n'y a pas beaucoup de travailleurs qui sont syndiqués dans notre
société. Le droit de refus, sur le plan individuel, est pas mal
illusoire et on ne comprend pas, étant donné que ce sont les
syndicats qui se sont toujours préoccupés de ça il
y a eu plusieurs exemples de donnés; le droit de refus, c'est un droit
qu'on a on ne comprend pas pourquoi ce ne sont pas les syndicats qui ont
cette responsabilité.
À maintes reprises les syndicats ont démontré leur
responsabilité, parce qu'un syndicat est plus difficilement intimidable
qu'un individu dans une entreprise et un syndicat a plus de
responsabilités, parce que c'est le représentant collectif d'un
groupe de travailleurs. Nous, à la fraternité, je dois vous dire
qu'on a entendu très souvent des gens de la partie patronale dire que
les travailleurs vont se servir de ce droit pour faire des grèves
illégales, pour établir des moyens de pression. Je dois vous dire
qu'il n'est pas nécessaire d'avoir une telle loi pour faire des moyens
de pression; on l'a démontré à quelques reprises. Ce sont
les syndicats, dans les entreprises où il y a des syndicats, qui sont
les plus aptes à déterminer ce qui est dangereux et ce qui n'est
pas dangereux.
Un deuxième point que je voudrais soulever, c'est le choix du
médecin. Dans le livre blanc, on pouvait lire que le comité,
advenant mésentente entre les différents représentants,
que la commission déterminerait qui serait le médecin, en donnant
priorité au médecin de l'employeur, si médecin de
l'employeur il y avait.
Or, je dois vous dire que nous, à la police de la CUM, ça
fait une quinzaine d'années qu'on subit les médecins de
l'employeur et que, s'il n'y a pas eu de moyens de pression de pris pas
juste par les policiers, parce que ce sont les médecins de l'employeur,
de la ville de Montréal, car la CUM n'a pas de médecin par
les pompiers, par les cols blancs, par les cols bleus et par les policiers,
c'est exclusivement parce qu'on attendait cette loi et qu'on se disait qu'on
pourrait changer de médecins avec cette loi.
Maintenant, le projet de loi stipule que la commission va nommer, si on
ne s'entend pas... C'est sûr qu'on ne s'entendra pas sur ces
médecins; ils ont perdu toute forme de crédibilité
auprès des travailleurs à l'île de Montréal. Si la
commission nomme ces médecins comme médecins représentant
les travailleurs, il n'y aura pas possibilité que cette loi soit
efficace.
Or, ce qu'on vous demande, c'est que les travailleurs, quand ils vont
voir un médecin, comme tout le monde, pour se faire soigner. On pense
que les représentants des travailleurs sont capables de choisir
eux-mêmes le médecin qui devrait être là ou au moins
qu'ils aient un droit de veto pour empêcher un médecin qui vient
de l'extérieur, qui ne fonctionne pas et qui n'a pas de conscience
sociale, comme l'exige cette nouvelle fonction qui est en train
d'apparaître dans notre société... Je dois vous dire que
c'est très important pour nous qu'on change le médecin de
l'employeur. (17 h 45)
Quant au retrait préventif, on pense qu'il devrait s'appliquer
à d'autres personnes que les femmes enceintes. Il y a plusieurs
situations qui font qu'un travail peut, pour employer le texte de loi,
comporter un certain nombre de dangers inhérents. À la police de
la CUM, on accepte ces dangers inhérents; par contre, on recommanderait
d'éliminer les mots "habituellement" et "normaux" qui ne devraient pas
être dans le texte de loi. Par contre, les dangers inhérents, on
les accepte, on n'a pas le choix. Maintenant, ces dangers inhérents
à une fonction peuvent être augmentés temporairement pour
un individu à un moment donné. Je vous donne l'exemple d'un
policier qui vient de participer à une chasse à l'homme ou
à une fusillade et il y a un de ses confrères qui a
été blessé par balle. Ce serait très dangereux pour
lui et pour les citoyens de renvoyer ce policier sur un appel de vol à
main armée. Le retrait préventif, à ce moment-là,
pourrait être appliqué, comme pour d'autres domaines, comme celui
de la construction, je pense.
C'est un danger inhérent que de marcher sur des poutres, à
60 pieds du sol. Il peut y avoir un travailleur qui a pris des antibiotiques
cette journée-là, il ne peut pas le faire. Là, il y a un
cas particulier et je pense qu'avec son délégué syndical,
il pourrait avoir un retrait préventif. C'est un genre de fonction qu'un
autre travailleur pourrait faire. Cela pourrait être dangereux pour une
personne et pas nécessairement dangereux pour une autre personne. C'est
au niveau des relations entre le syndicat et l'employeur que ça pourrait
se régler.
Il y a autre chose qui nous tracasse ici et on peut remercier le
gouvernement de ne pas avoir exclu comme en Ontario, les policiers, les
pompiers, les gens des hôpitaux, et de l'enseignement de cette loi. Par
contre, le paragraphe 35 de l'article 185 donne le pouvoir à la
commission d'exclure certains groupes de travailleurs de cette protection. Or,
on se demande si, le gouvernement ne nous excluant pas, la commission, par
contre, ne pourrait pas nous exclure. Je peux vous dire qu'à la police
de la CUM on a une mauvaise expérience qui date de 1962, parce que de
1962 à 1964, le maire Drapeau a obtenu de la Commission des accidents du
travail une exclusion pour les policiers et pour les cols bleus qui
travaillaient pour la ville de Montréal, sous prétexte qu'il
était en mesure de payer pour les accidentés du travail. Or, la
ville de Montréal n'a pas fourni de 1962 à 1964; il y avait aussi
des petits problèmes budgétaires qui étaient reliés
à ça. Aujourd'hui, en 1979, on a des gens qui sont blessés
des blessures qui découlent d'accidents qui sont arrivés
entre 1962 et 1964 et on n'est pas capable de recouvrer pour eux autres
de la CAT, parce qu'à ce moment-là, l'employeur ne payait
pas.
On accepte qu'il y ait des dangers qui soient inhérents à
certaines fonctions et si on accepte ça, on ne voit pas pourquoi la
commission aurait le pouvoir d'exclure une personne de cette loi; c'est une loi
pour protéger tous les travailleurs, on ne voit pas pourquoi ils
auraient cette possibilité-là.
II y a un autre article dans le projet de loi qui nous fatigue pas mal,
c'est l'article 41; on n'en a pas entendu parler par beaucoup de gens. Il
stipule que "L'employeur dresse et maintient à jour, conformément
aux règlements, un registre des caractéristiques concernant le
travail exécuté par chaque travailleur à son emploi." Je
dois vous dire qu'à la Fraternité des policiers de la CUM, on se
bat depuis cinq ans pour avoir une définition de tâches et
fonctions que l'employeur nous refuse. On est en train de la faire d'une
façon unilatérale et on craindrait énormément,
étant donné que le Code du travail nous donne le pouvoir et le
droit de déterminer et de négocier nos conditions de travail, que
la partie patronale se retranche derrière l'article 41 pour refuser de
négocier une définition des tâches et fonctions sur
laquelle on travaille depuis cinq ans. On pense que cela devrait être
éliminé du projet de loi.
En dernier, M. le Président, je vous parlerai simplement des
comités paritaires. On a exclusivement des mauvaises expériences
dans notre syndicat, avec les comités paritaires. En fait, on a un
comité paritaire qui a fonctionné, c'est le comité
paritaire sur les horaires de travail. Et quand on a réglé, il y
a un représentant de la partie patronale qui nous a dit: II n'y en aura
plus jamais, de comité paritaire.
Au niveau du comité paritaire, on a été capable de
démontrer au conciliateur qu'on avait raison.
Les comités paritaires à la police de la CUM ne
fonctionnent pas par différentes méthodes et des méthodes
aussi directes que des lettres du directeur, lequel m'écrit pour dire
qu'il ne nommera personne, qu'il ne sent pas le besoin de nommer quelqu'un au
comité paritaire, concernant la définition des tâches et
fonctions, parce qu'il est en train de faire des gros changements et que les
fonctions vont toutes changer. C'est pour cela qu'on voulait un comité
paritaire. Il a fallu faire une bataille pour avoir le comité paritaire,
il a fallu faire une bataille pour qu'il y nomme quelqu'un au dessus. Et
là, gêné, il a nommé quelqu'un. Ils sont venus et
ont dit: Nous sommes le comité paritaire, mais on ne peut pas parler des
tâches et fonctions. Nous sommes donc très sceptiques devant les
comités paritaires.
Jamais un comité paritaire n'a fonctionné. On a, à
la police de la CUM, 5000 employés. On a, à la fraternité,
3700 dossiers d'accidentés du travail qu'on tient à jour. On a 4
personnes de la fraternité, qu'on paie nous-mêmes, qui travaillent
exclusivement sur les accidentés. Et c'est nous qui les aidons à
aller en appel aux Affaires sociales et qui payons les frais d'avocat pour
essayer de les déprendre. L'employeur n'a jamais rien fait; il nous met
même des bâtons dans les roues en nous cachant des documents et en
refusant de nous donner des documents pertinents à la cause de nos
travailleurs qui sont blessés. Nous sommes absolument sceptiques devant
la possibilité d'un comité paritaire qui fonctionnerait dans ce
domaine. Grosso modo, je peux vous dire que dans notre dossier sur le
saturnisme, notre premier rapport date de 1962. Nous sommes rendus en 1979. Il
y a quatre ans, on a fait fermer les salles de tir de la police de la CUM, avec
l'aide du ministère du Travail, parce qu'il y avait onze instructeurs de
tir qui ont été en accident de travail pendant 750 jours, et qui
souffrent encore de saturnisme, à cause de cette situation.
Par la suite, à l'encontre des recommandations du
ministère du Travail, la direction du service de la police a
tenté de rouvrir quatre salles de tir, malgré la mauvaise
ventilation. Il a encore fallu se battre pour les faire fermer. Je dois vous
dire que présentement, il y a deux salles de tir qui sont en
réparation. Cela fait quatre ans que les policiers n'ont pas de salle de
tir.
Quand on parle du danger, pour un travailleur, je dois vous dire qu'on a
été les premiers, la fraternité, à dénoncer
cette situation et la situation est peut-être plus grave qu'on ne pense.
À un moment donné, il y aura peut-être un travailleur qui
dira: Je ne peux pas travailler avec tel compagnon de travail, parce qu'il ne
sait pas tirer. S'il ne sait pas tirer, c'est parce qu'il n'y a pas de salle de
tir, c'est parce qu'il n'y a pas de cours. Cela fait cinq ans qu'on se bat pour
avoir des vestes antiballes et on n'en a pas encore.
Nous sommes bien prêts à donner une chance à votre
loi, mais je dois vous dire qu'on va la surveiller de très près
et on verra. On vous souhaite bonne chance.
Le Président (M. Dussault): Merci, M. Masse. M. le
ministre.
M. Marois: M. le Président, je voudrais remercier la
Fraternité des policiers de la Communauté urbaine de son
mémoire, mémoire qui est très volumineux, qui contient de
nombreuses recommandations. On a commencé à procéder
à un examen attentif de toutes et chacune des recommandations. On va
poursuivre le travail. Vous pouvez être assurés qu'on va
l'examiner très attentivement.
Je voudrais juste m'arrêter, sans abuser du temps, à un
certain nombre de points. Je ne voudrais pas être trop long, mais, quand
même, il s'agit du cas des policiers. Il y a eu énormément
de pressions qui ont été faites sur nous pour que ce soit exclu,
comme c'est fait en Ontario, de même que dans le cas des pompiers, et
j'ai eu l'occasion d'expliquer publiquement ici et ailleurs, à plusieurs
reprises pourquoi je ne pensais pas qu'ils devaient être exclus.
Cela dit, en ce qui concerne votre recommandation au paragraphe 14 de
l'article 1, c'est toute la question des établissements, vous mettez le
doigt, je pense bien, sur un problème qui est réel. C'est vrai
qu'il s'applique dans votre cas.
Je suis pleinement conscient de la difficulté que vous
évoquez, que vous soulevez. On a commencé, tout au long, en
même temps, parallèlement aux travaux de la commission, à
examiner un certain nombre de formules qui nous ont été soumises,
dont celles, notamment, que vous suggérez dans votre mémoire et
on va poursuivre
nos travaux dans ce sens. Il est vrai qu'il va falloir certainement
essayer de trouver les formules pour tenir compte des situations
particulières.
Deuxièmement, vous nous suggérez au paragraphe 18 de
l'article 1 de définir le mot "accident", en plus "de maladie
professionnelle", et vous expliquez pourquoi. Je prends note de votre
suggestion, et on va regarder cela.
En ce qui concerne l'article 12, le droit de refus, aux pages 17, 18 et
19 de votre mémoire, il y a deux choses. Il y a d'abord que, dans un
premier temps, vous vous en souvenez dans le livre blanc, on qualifiait le
danger. On parlait d'un danger imminent. Les conventions collectives parlent,
dans certains cas, de danger inhabituel, d'autres de cas de danger grave.
D'autres lois parlent de danger grave et immédiat, "unusually", en
Saskatchewan, etc.
Finalement, après consultation, après avoir entendu
beaucoup de groupes et de représentations, on en est venu à la
conclusion qu'il fallait se coller à la jurisprudence et enlever toute
qualification du danger, ne pas le qualifier.
Cependant, il est vrai, il est tout à fait exact qu'il y a le bon
sens le plus élémentaire. J'ai souvent donné publiquement,
entre autres, l'exemple des policiers et des pompiers en disant: C'est
évident que le pompier qui arrive en bas ne dira pas "II y a le feu; je
ne monte pas". C'est déjà suffisamment dangereux comme
métier. Il y a là quelque chose qui est inhérent à
votre "job". Il y a les gars qui font partie de brigades spéciales pour
se rendre sur un lieu où il y a un crime, qui est en train de se
produire, avec des gars qui sont là, armés, avec des otages dans
certains cas: c'est évident que le policier ne va pas dire, et je
comprends que ce n'est pas cela que vous dites non plus, le
répéter à plusieurs reprises: "Hé, ils sont
armés; on n'y va pas!" Mais, cela étant dit, cela ne veut pas
dire pour autant qu'on doit conclure qu'il faut enlever le droit de refus
à des groupes comme les vôtres et comme les pompiers. Il y a
déjà suffisamment de dangers inhérents à certains
aspects de votre travail que, dans bon nombre d'autres aspects, et même
dans les aspects où c'est dangereux, vous évoquez les vestes
antiballes. Bien, le minimum, c'est de faire en sorte que cela se fasse. Il y a
des choses élémentaires qui doivent être faites et qui ne
sont même pas faites.
On pense je vous le dirai très franchement maintenant
même, après avoir entendu bon nombre de commentaires depuis
je ne sais plus combien de jours de nos travaux de commission parlementaire,
que je suis en train d'examiner et d'étudier la possibilité d'une
formule qui permettrait d'éviter l'ambiguïté même. Je
tiens pour acquis, et jusqu'à nouvel ordre, je n'ai pas l'intention de
changer cela, qu'il n'est pas question de qualifier le danger.
Je songe, deuxièmement, à une formule qui permettrait
d'éviter l'ambiguïté de la formule actuelle
"d'habituellement et normalement inhérent à", qui, selon bon
nombre de témoignages, pour- rait mener à une
interprétation très restrictive de l'application du droit.
Dans ce sens, vous nous faites une recommandation à la page 19.
Je me pose une question et je vous soumets cette hypothèse, car c'est
purement une hypothèse, et je vous avoue qu'elle n'a pas
été grattée. (18 heures)
Est-ce qu'il serait possible, est-ce qu'il vous apparaîtrait
acceptable je sais que vous allez être d'accord qu'on
enlève l'expression "normalement et habituellement inhérent" et
qu'on balise la seule exception de la façon suivante, par une formule du
genre "sauf dans les quelques circonstances où l'exercice comme tel"...
Il y a une expression qui est utilisée dans une des lois
étrangères, qui dit: "mettrait la vie d'autres travailleurs ou
d'autres citoyens "in an imminent jeopardy", ce qui n'est pas "imminent
danger", c'est beaucoup plus fort que "imminent danger". Une formule comme
celle-là vous semblerait-elle acceptable?
Jusqu'à nouvel ordre, personne n'a réussi à me
convaincre qu'il y a des raisons fondamentales pour exclure carrément
comme le fait notamment la loi de l'Ontario de l'application de
l'exercice du droit de refus les policiers et les pompiers. Si vous
n'êtes pas prêts à répondre sur le champ, j'ai encore
d'autres questions. Cela vous laisse encore quelques minutes pour y penser.
Peut-être que vous n'êtes pas prêts de toute façon
à répondre immédiatement. Je le comprendrai fort bien et
vous pourrez toujours nous envoyer une note.
Si vous me permettez juste d'enchaîner, à l'article 13,
vous demandez que le travailleur puisse aviser immédiatement son
employeur et aussi son représentant. Je pense que cette suggestion que
vous formulez mérite d'être examinée de très
près parce que c'est peut-être une des formules qui permettrait
d'alléger - beaucoup de gens nous ont parlé de la lourdeur
d'accélérer le processus et de s'assurer aussi que ce soit plus
qu'un accompagnement syndical, dans le cas où il existe un syndicat,
mais qu'on colle beaucoup plus à une notion de prise en charge par le
syndicat, par le biais d'un représentant syndical à la
prévention, dans l'exercice d'un droit comme celui-là. On va
regarder cette proposition de très près.
À l'article 27 si ce n'est pas clair, on va prendre les
mesures pour ajuster le texte de loi vous nous faites des
recommandations. Il est certain que, dans notre esprit, l'employeur doit
respecter les règles de la convention collective. Si cela n'est pas
clair, on va s'assurer que le texte sera ajusté en
conséquence.
Vous faites des remarques à l'article 39. Je pense que ces
remarques ne sont pas sans fondement et on va les regarder.
À l'article 41, vous avez beaucoup insisté dans votre
exposé oral sur la fameuse question des définitions de
tâches. On tenait pour acquis, peut-être n'aurait-on pas dû,
on suppose que la défini-
tion de tâches correspond à celle qui a été
négociée. Si cela n'est pas clair et si c'est nécessaire,
on va le préciser comme tel dans le projet de loi par des
amendements.
Votre recommandation à l'article 60, on est d'accord avec cela.
On va ajuster en conséquence.
Les recommandations que vous formulez aux articles 62 et 71, je peux
vous dire tout de suite qu'on va les considérer très
sérieusement.
Je peux vous dire aussi que vos recommandations concernant les articles
93 et 97, c'est-à-dire qu'il soit possible de faire appel à toute
autre personne, en ce qui concerne l'élaboration du programme de
santé, ressource jugée utile, on est d'accord. On va l'inclure
dans le projet de loi aux articles 93 et 97, je peux vous dire cela tout de
suite.
En ce qui concerne la crainte que vous avez de l'exclusion, alors que
depuis le début on résiste et je ne suis pas encore convaincu
qu'il y ait quelque raison que ce soit qui justifie d'exclure policiers ou
pompiers, je ne crois pas que par le biais du paragraphe 35 de l'article 185
cela puisse se produire. J'ai pris bonne note de vos commentaires.
Voilà, M. le Président. Je m'excuse d'avoir
été aussi long, mais il y a plusieurs recommandations dans le
mémoire. Je tenais tout de suite, sur les points sur lesquels c'est
déjà très clair, à indiquer clairement notre
intention.
M. Masse: Simplement, je laisserais à Me Létourneau
le soin de répondre à la seule question que vous nous avez
posée, à savoir ce qu'on pensait d'une nouvelle formule. Vas-y
donc, mon cher maître!
M. Létourneau (Mario): C'est au sujet de l'article 12, et
ce que vous aviez élaboré comme possibilité de contourner
la difficulté de danger qu'on ne qualifie plus. Si j'ai bien compris
l'idée que vous proposez, c'est que l'exercice du droit de refus serait
possible si l'exécution du travail comporte un danger. On s'entend?
M. Marois: La formule habituelle. Si quelqu'un a des motifs bien
raisonnables de penser qu'il y a des dangers pour lui ou pour les autres.
M. Létourneau: Est-ce que je comprends bien qu'on
ajouterait quelque chose comme "ou si dans le cas où un danger est
inhérent à une fonction", si par ailleurs, la santé et la
sécurité sont exposées directement à un
danger...
M. Marois: Non, on n'ajouterait rien. Ce n'est pas au point, on
réfléchit avec les groupes au fur et à mesure qu'ils se
présentent devant nous. Il me semble qu'on devrait admettre que c'est
vrai que, sous réserve de l'examiner comme il le faut, la formule de
"normalement et habituellement inhérent" n'est peut-être pas la
formule la plus heureuse. C'est vrai que peut-être, dans une
interprétation juridique... parce qu'encore une fois, un texte de loi,
quand cela va bien, tu ne t'en sers pas, tu t'en sers quand cela ne va pas.
C'est là que cela prête le flanc à des
interprétations et à des jugements. Il faut donc être le
plus clair possible et ne pas prêter le flanc à des
interprétations. La crainte de certains, c'est que cela réduise
la portée de l'exercice du droit. On sait qu'il y a des choses qui sont
inhérentes. Le feu, c'est vrai, cela brûle, c'est
déjà dangereux. Certains bouts de votre propre métier, il
l'est déjà. Cependant, ce n'est pas une raison pour exclure
complètement. Est-ce qu'il est possible d'envisager l'idée...
J'imagine que vous allez être d'accord là-dessus d'enlever
l'expression "normalement et habituellement inhérent" et d'ajouter
quelque chose dans le genre ce n'est pas au point, j'improvise plus que
d'autre chose, je réfléchis tout haut plutôt que d'autre
chose sauf dans les circonstances où cela mettrait
carrément la vie d'autres travailleurs ou du public, des citoyens en
danger. Mais, le sens de l'expression "en danger" n'est pas juste, dans le sens
plutôt qu'on trouve dans d'autres textes de loi, ils utilisent
l'expression "imminent jeopardy" qui est beaucoup plus serrée que
danger, pas seulement un danger. Par exemple, il y a des pompiers pour
être très concret qui sont venus ici nous dire: Quand cela
fait trois, quatre ou cinq heures qu'un édifice est en feu et que
quelqu'un nous dit: Tu vas monter sur le toit, et qu'on sait, en arrivant,
qu'il n'y a plus personne en dedans et qu'on sait, parce qu'on a
l'expérience de notre métier, qu'en mettant le pied sur le toit,
le toit va descendre et qu'on risque de descendre avec et de ne plus être
là pour en parler après, pourquoi ne pourrait-on pas, dans ce
cas, exercer notre droit de refus? On sait qu'il n'y a plus personne en dedans.
Je ne veux pas mettre la vie des autres en danger. On sait que c'est notre
métier. Ils étaient portés à dire, si j'ai bien
compris leur témoignage, je comprends fort bien que dans les cas
où cela peut mettre la vie des citoyens en danger c'est évident,
il est hors de question, cela fait partie de notre métier.
M. Létourneau: Je comprends très bien maintenant
là où vous voulez aller. Pour éviter de prendre trop de
temps en réfléchissant tout haut, je vous promets par ailleurs
qu'on va essayer de travailler sur une formule et que si on en trouve une qui
peut sembler heureuse, on se fera un plaisir de vous la communiquer. Il n'y a
rien de trop beau. On va faire tout ce qu'on peut.
Le Président (M. Dussault): Est-ce qu'il y a d'autres
commentaires?
Une voix: Non, cela va être tout.
Le Président (M. Dussault): M. le député de
Portneuf.
M. Pagé: M. le Président, je serai très
bref. D'abord, je vais m'excuser d'avoir dû m'absenter pendant le
début de la présentation de votre mémoire. À
plusieurs reprises des demandes nous ont été formulées
ici, autour de la table, afin
d'exclure de la juridiction et de l'application de la loi certains
groupes, que ce soit les pompiers, les policiers, les employés
municipaux. Cela a été une fin de non-recevoir tant de la part du
gouvernement que de l'Opposition officielle. On tient à ce que cette loi
s'applique. On a pris connaissance de votre mémoire. Vous avez des
choses que vous revendiquiez qui sont tout à fait justifiées. Le
ministre vous a d'ailleurs donné des réponses positives à
certains égards aujourd'hui. Soyez convaincus que cela va contribuer
à alimenter notre débat en deuxième lecture, article par
article. On va suivre, parce que c'est le rôle de l'Opposition de suivre
de près les engagements du gouvernement, de près le ministre
d'État au Développement social là-dessus. En ce qui
concerne les propositions que vous pourriez éventuellement formuler
à l'égard du droit de refus ou du libellé du texte, on
apprécierait que vous nous en fassiez parvenir. Merci, messieurs.
Le Président (M. Dussault): II n'y a pas d'autre
intervenant. Alors, au nom de la commission, je remercie la Fraternité
des policiers de la Communauté urbaine de Montréal de sa
participation à nos travaux. Je souhaite à ses
représentants bon retour!
M. Masse: Merci beaucoup!
Le Président (M. Dussault): J'invite maintenant le dernier
groupe à entendre aujourd'hui...
M. Pagé: Mais non le moindre.
Le Président (M. Dussault): ... le Conseil central de
Montréal, CSN, que nous entendrons immédiatement, puisque c'est
le voeu de la commission de continuer ses travaux jusqu'à ce que nous
ayons terminé l'ordre du jour d'aujourd'hui.
Pour les fins du journal des Débats, j'invite le porte-parole du
groupe à s'identifier et à nous présenter ses compagnons
et compagnes.
Conseil central de Montréal (CSN)
M. Larose (Gérald): Avec votre permission, M. le
Président, j'inviterais d'abord les travailleurs à respecter une
minute de silence, parce que le sujet dont on va parler, c'est un sujet qui
nous touche de très près; ce sont des camarades et des compagnes
de travail qui sont touchés. Je demanderais qu'on respecte une minute de
silence.
Merci.
Je me présente. Mon nom est Gérald Larose,
président du Conseil central de Montréal. Je suis
accompagné à la table par Michel Chartrand, conseiller au
dossier; Claude Mainville, ingénieur au service de la CSN; Céline
Labrecque, qui est présidente du comité d'action
santé-sécurité du Conseil central; à ma droite,
Fernand Valiquette, président du Syndicat du Gaz métropolitain;
René Paradis, du Syndicat des employés de Francon; Jacques
Morissette, président du Syndicat des travailleurs de la CTCUM, la
Commission de transport.
Le Président (M. Dussault): M. Larose, j'ai regardé
attentivement votre mémoire et il a 33 pages. Serait-il possible, s'il
vous plaît, de faire l'effort de nous le résumer en 20 minutes?
Nous pourrions le déposer intégralement au journal des
Débats, si ça vous intéresse.
M. Larose: Nous souhaitons qu'il soit effectivement
déposé et c'est effectivement la méthode qu'on voulait
prendre, c'est-à-dire de vous brosser, à grands traits, le
mémoire, et, ensuite peut-être, déposer devant vous des
pièces qu'on a déjà remises à certains membres de
la commission et qui peuvent venir en appui à certaines
réalités que nous voulons défendre aujourd'hui. (Voir
annexe D)
Le Président (M. Dussault): Merci. Vous avez la
parole.
M. Larose: Si on veut résumer, pour le Conseil central de
Montréal, ce n'est pas un hasard s'il y a un projet de loi no 17. C'est
à la suite de toute une série de luttes que les travailleurs ont
menées et non pas des employeurs. Les employeurs nous ont toujours
combattus là-dessus.
S'il y a un projet qui nous arrive, c'est parce qu'il y a des
problèmes et que ce sont les travailleurs qui se sont toujours battus
pour essayer d'éliminer ces problèmes et surtout
d'éliminer leurs causes.
Par contre, le projet de loi no 17, à notre avis, passe à
côté de l'ensemble de nos revendications. Particulièrement,
il interdit l'usage réel et efficace du principal instrument qu'on a mis
des années et des années à construire, qui sont les
organisations syndicales et qui, depuis un certain nombre d'années, ont
pris le dossier de la santé et sécurité en main. De plus,
le projet de loi no 17, à notre avis, remet la peau des travailleurs
dans les mains d'une super commission des accidents du travail, qu'on
connaît très bien et dont la réalité concrète
pour les travailleurs a toujours été une réalité
pour, d'abord, les mépriser. Il faut connaître un peu le
fonctionnement de cette commission pour connaître la dose de
mépris qu'ils ont à l'endroit des travailleurs. (18 h 15)
En dehors du mépris, il y a la réalité
concrète de la Commission des accidents du travail, qui n'a qu'un seul
objectif et qu'une seule pratique, de couper le plus possible pour
économiser le plus possible aux employeurs. Même sur le plan de la
recherche ou de la reconnaissance des maladies, on sait qu'elle est très
parcimonieuse dans le domaine. Par exemple, elle ne reconnaît pas encore
la sidérose; pour elle, ça n'existe pas, même si le service
de santé communautaire de Lévis en avait trouvé 180 cas
sur 400. C'est aussi cette même commission qui a un comité de
spécialistes pour les poumons qui nous a produit une enquête nous
révélant qu'il y avait seulement 2,37% des travailleurs qui
étaient atteints d'amiantose, alors que les études qu'on a faites
à la CSN démontraient une tout autre dimension.
Cette même commission je pense qu'on n'a pas à se
rétracter sur les termes une commission d'incompétents et
de bouffons et je pense que ça avait été
signalé à la commission vient de découvrir qu'il y
a 28 travailleurs reconnus amiantosés qui, apparemment, ne le sont
plus.
La liste d'attente en révision pour la région de
Montréal, c'est 3100 noms; le mémoire signale qu'il y en a 2600,
c'est maintenant 3100 noms. On pourrait vous déposer une lettre de la
commission qui encourage directement les employeurs à contester le
verdict des médecins des travailleurs qui vont à la commission.
Pour nous, remettre le dossier de la santé et de la
sécurité à une supercommission comme celle-là
n'augure rien de très bon.
J'irais tout de suite à la page 6 pour réaffirmer
très fermement qu'en ce qui concerne les médecins, pour nous, les
articles, et particulièrement l'article 92, sont un piège pour
nous réimposer les médecins de compagnie. Là-dessus, on
veut être très clairs, on ne veut pas de statut particulier, on
veut être traités comme tout le monde, c'est-à-dire avoir
le droit de choisir notre médecin comme ça nous est reconnu dans
la loi. Si je me fais heurter au coin des rues Moreau et Ontario par une
bicyclette et que je suis blessé, je m'en vais à l'hôpital
et je choisis mon médecin. Mais si une bicyclette me tombe sur la
tête au même coin de rue, mais dans l'industrie de Victoria
Precision Works, là, curieusement, je n'ai pas le droit de choisir mon
médecin. Pour nous, il n'y a pas de statut particulier à donner
à ce niveau. La pratique médicale à l'intérieur de
l'entreprise, on la connaît trop bien. Le président de la CTCUM
pourrait vous en dire quelque chose, les gens de la Vickers pourraient vous en
dire tout autant. On sait que ce n'est que lorsque le syndicat décide
d'aller chercher des compétences dans le domaine pour commencer des
enquêtes que les médecins de compagnie se mettent à trouver
de petites affaires. Le cas de la surdité à la CTCUM est
très éclatant là-dessus; si on veut, on pourra y revenir
plus tard.
Quant aux médecins de la CAT, ce sont des spécialistes
pour trouver toutes sortes de raisons pour dire que ce n'est pas dû au
travail: Tu fais trop de motoneige, tu es trop amateur de chasse ou tu fumes;
il y a des gens de l'amiante qui se sont fait reprocher d'avoir trop
fumé dans leur vie alors qu'ils n'avaient jamais fumé. On leur a
rétorqué qu'ils devaient avoir travaillé avec des gens qui
fumaient. C'est cela, les problèmes.
Pour nous là, on est déjà à la page
12 du mémoire le plus grave aspect de ce projet, c'est qu'il
déforme notre principale revendication, qui est l'élimination des
dangers à la source. Quand on regarde le projet de loi, il y a une
déclaration, dans les notes préliminaires, à savoir que
c'est censé viser l'élimination des dangers à la source et
que c'est censé prévoir des mécanismes pour cela. Le
premier mécanisme, ou le mécanisme prioritaire, c'est le fameux
comité paritaire. Mais, quand on regarde l'article 63 en détail,
ce dont on se rend compte, c'est que la première fonction du
comité paritaire, c'est d'abord de choisir les équipements de
protection individuels. Il n'est pas question de l'élimination des
dangers à la source dans le premier paragraphe, ni dans les autres,
d'ailleurs.
Le reste du comité, pour nous, c'est style boîte aux
lettres, parce que la loi ne vient pas modifier les rapports qui existent dans
l'entreprise. L'employeur va toujours avoir l'autorité et la
possibilité de dire non à toutes les recommandations du
comité paritaire. C'est lui qui est le patron. À Lasalle Coke,
quand le comité paritaire a dit à plusieurs reprises au patron:
Une de tes passerelles a un trou, tu vas la réparer. Le patron n'a
jamais voulu la réparer. Un gars est passé au travers et il s'est
tué. Qu'est-ce qu'on fait quand on recommande de réparer quelque
chose et que le patron dit non? On recommence? Mais combien de fois? Pour nous,
le comité paritaire à ce niveau-là, ce n'est pas
l'instrument qui va nous amener à éliminer les dangers à
la source. D'ailleurs, je pense que la commission a été saisie de
la déclaration du juge Robert Sauvé, président de la CAT,
qui s'était longuement étendu dans le Devoir du 23 novembre 1978,
où il nous donne l'ensemble de cette philosophie. Pour lui, la
responsabilité qui était portée par les seuls employeurs
s'étend maintenant aux travailleurs, et c'est un changement majeur.
Comme le "boss" est "boss" et qu'il a toute la responsabilité de
l'organisation du travail, il choisit la méthode de travail, il choisit
les produits, il décide de la quantité, il décide du monde
qui va le faire. S'il a toute l'autorité, il va avoir aussi toute la
responsabilité de s'organiser pour la santé et la
sécurité des travailleurs. C'est-à-dire que lorsqu'il y
aura des problèmes, c'est lui qui devra payer.
Je résume, parce que je pense que le temps s'écoule
rapidement. Pour faire un petit aparté sur les pénalités
et c'est un secteur qui est peut-être nouveau dans la loi
on ne discutera pas si $1000 c'est trop cher pour une grosse ou une petite
entreprise, comme quelques-uns en parlaient ce matin. Nous trouvons ça
un peu fort que maintenant, quand on se fait agresser, on doive payer pour
l'agression, on doive partager; on trouve ça un peut fort. Par contre,
on ne trouverait pas fort qu'un patron reconnu coupable, doive faire de la
prison. Si je bats mon "boss' parce que je suis de mauvaise humeur et que je le
blesse un petit peu, il peut me poursuivre et je vais faire de la prison. Par
contre, si lui, par négligence, il me coupe un bras, il ne fera pas de
prison. On n'en a pas vu qui ont fait de la prison à venir
jusqu'à maintenant. Il y a quelques coroners qui ont réussi, des
fois, à rendre un verdict de responsabilité, mais ça s'est
toujours terminé en queue de poisson et on pourra vous en donner des
exemples, on en a dans le mémoire.
Sur le droit de refus de travailler, pour nous, si le syndicat n'est pas
dans le coup, c'est de la comédie. Il n'y a pas un travailleur qui va se
risquer tout seul à prendre la porte, en décidant par
lui-même que c'est dangereux. Comme on dit dans le mémoire un peu
plus loin, c'est un pas en avant, mais un pas dans le précipice ou bien
pour prendre la porte. Là-dessus, on pourrait peut-être
préciser ce que M. Sauvé disait lui-même: "II s'agit
d'un droit exercé individuellement et non collectivement". En
matière de relations du travail, il y a longtemps qu'on avait vu cela.
Une telle loi va rompre avec le courant moderne de la reconnaissance des droits
des travailleurs.
Aujourd'hui, le gouvernement marque son intention de revenir à un
droit exercé individuellement de s'adresser à nouveau à la
personne, parce que, dit-il, il s'agit de l'intégrité de la
personne. Nous avions l'impression qu'un travailleur pouvait croire que son
syndicat était là pour le défendre. Mais non, il faut
rompre avec ce courant moderne.
On ne vous parlera pas des actions que les syndicats ont menées,
mais on rappellera peut-être ce que le vice-président de la CAT,
M. Jodoin, a déclaré à l'AHPQ, que c'était terrible
la façon dont ça se détériorait dans les
hôpitaux, et qu'il n'y avait qu'un seul secteur où ça ne se
détériorait pas, même que cela avait diminué de 89%,
le secteur des intoxications.
On peut peut-être soumettre à la commission que c'est le
secteur des buanderies dans lequel on s'est attaqué fermement, où
on a organisé des batailles rangées, qui est responsable de cette
diminution. Ce n'est pas que l'AHPQ ou que les directeurs d'hôpitaux ont
décidé que, effectivement, il fallait s'attaquer à
ça. On vous donne dans le mémoire un exemple de Verdun où,
si le syndicat n'était pas intervenu, la situation aurait pu s'aggraver.
J'arrête là, ça résume en très gros traits le
contenu du mémoire. Je voudrais, à ce stade-ci, que le conseiller
au dossier dépose les pièces qu'on a préparées
à votre intention.
M. Chartrand (Michel): M. le Président. Le
Président (M. Dussault): M. Chartrand.
M. Chartrand: Messieurs, pour le cas des amiantosés qui
"s'amieutent", c'est une nouvelle équipe de Sherbrooke, comme par
hasard, qui ne les trouve plus malades. Ils vont être compensés
quand même, à même le fonds général de la CAT
et il va y avoir un crédit de porté au secteur qui payait avant,
secteur que le gouvernement veut nationaliser; ça adonne de même.
Ils vont les renvoyer à ceux qui leur avaient dit qu'ils étaient
malades et qu'ils ne pouvaient plus travailler et qui leur ont enlevé
leur permis. Ils vont aller voir les mêmes gens pour avoir un permis pour
travailler; ça fait dur un peu! Nulle part au monde on n'entend dire que
les maladies, les séquelles ou appelez ça amiantose ou
pneumoconiose ou des maladies de coeur, parce que les médecins de la
province de Québec ne trouvent pas de maladie de poumon, ils trouvent
des maladies de coeur; ils donnent des certificats de décès en
disant: La personne a arrêté de souffler, ou bien, son coeur s'est
arrêté de battre. Exactement des certificats d'embaumeurs
première classe. Ce sont les certificats de Thetford, ce sont les
certificats de l'Abitibi, ce sont les certificats des travailleurs qui ont les
poumons mangés par la sidérose et on dit: II n'y a pas de
sidérose dans la province de Québec, c'est le seul pays au monde
où il n'y en a pas.
On pourrait vous présenter des travailleurs qui ont
été soudeurs pendant 30 ans et qui n'ont plus de poumons, mais
ils n'ont pas de sidérose et il n'y en a pas de reconnue par la CAT.
Vous pensez qu'on devrait continuer à jouer avec eux et aller les voir
encore? On a fini d'aller les voir!
Les autres cas de la CAT; j'ai un cas d'un nommé Vallée,
à Granby. Le 27 avril 1977, il est allé se faire examiner par un
oto-rhino-laryngologiste de Québec qui lui dit: Vous avez 50% de vos
facultés auditives qui sont finies. Il a acheté pour $900
d'appareils; là, il va passer en révision le 24 octobre 1979, il
a travaillé 32 ans dans la même compagnie, la compagnie a
écrit: Ce gars-là n'a jamais attrapé ça chez nous.
Vous allez nous pénaliser et pénaliser notre groupe, qui va
être obligé de payer et le mérite et le
démérite, dont M. Sauvé, le président de la CAT,
dit: II faut se départir de ça et s'en aller au "no fault". C'est
une théorie de 1898 en France, quand on a inventé le risque
professionnel pour dégager la responsabilité patronale.
Là, on a fait de petites compensations; alors le patron reste
maître et il a encore l'autorité dans sa "shop"; il ne l'a pas
perdue en 1979 et 1980, on n'en est pas rendu à la cogestion.
La cause des accidents, dans la province de Québec, c'est le
manque de volonté politique des gouvernements de faire respecter les
normes de sécurité et les lois de la province de Québec.
Aucun employeur dans la province de Québec, ni le gouvernement du
Québec, ni le gouvernement fédéral, ni les
municipalités, ni les commissions scolaires, ni aucune institution, ni
grosse entreprise, que ce soit l'aluminium, CIP, Kruger, Reynolds, ni les PME
ne se préoccupent de respecter les normes de sécurité.
La philosophie de votre loi, M. Marois, a été mise
à l'épreuve à Joliette où il y a eu deux morts;
quatre entrepreneurs qui ont tripoté des affaires avec les ouvriers, se
foutant éperdument du Code de sécurité de la construction
et ça a fait deux morts. Cela va jusqu'à la magistrature; la Cour
d'appel vient de reverser un jugement à propos de trois morts à
Templeton où le juge de première instance avait
démontré que la compagnie s était foutue de toutes les
normes de sécurité, qu'elle n'avait pas balisé, qu'elle
n'avait pas étanché le trou et que c était de la glaise
bleue, etc.
Les trois juges de la Cour d'appel, qui sont souvent plus crétins
que les juges de basse cour, ont dit: Ce n'est pas parce qu'un gars ne respecte
pas les normes de sécurité qu'il est criminel, ce n'est pas parce
qu'un gars a des "breaks" qui ne marchent pas qu'il est un criminel, mais un
gars qui a des "breaks" qui ne marchent pas tout le temps et qui passe sur des
feux rouges et qui écrase du monde, il doit finir par être
criminel ou il est complètement fou. Ou le gars qui est sur le banc,
c'est un fou. Vous allez avoir d'autres cas, comme les travailleurs de Carter
White Lead. La savante "magistrate" Réjane Colas a dit: C'est vrai que
vous avez du plomb dans le ventre, mais ce n'est pas une raison pour
arrêter de travailler, les
règlements de la province de Québec, ce n'est pas à
moi à les faire appliquer. Votre médecin de compagnie dit que
vous n'êtes pas pire, le toxicologue il y en a à peu
près deux dans la province de Québec. Quand on a entendu les
"smarts" universitaires nous parler de recherche, il faut qu'ils soient
"décollectés", comme dit mon distingué président,
de la réalité. Ce ne sont pas des recherches dont on a besoin, ce
sont des gars qui vont dire aux travailleurs: Ça, c'est un poison,
ça, ce n'est pas un poison.
Il y a un toxicologue à Québec qui s'appelle Nantel; il
est dominé par des patrons, les administrateurs de son CHUL; il y en a
un autre qui est à Montréal, Lacasse; les autres sont dans les
hôpitaux pour enfants. À Sorel, vous allez mener un gars
intoxiqué à l'hôpital, les médecins se cherchent et
téléphonent à Sainte-Justine et au bout d'une heure, ils
disent: On ne peut rien faire de plus pour le gars. On arrive en cour et on
demande au pathologiste ce qu'il aurait fallu faire. Là, c'est le
coroner qui intervient et dit: II ne pouvait pas le ressusciter, il
était mort. Ce n'est pas ce qu'on demande. On demande au pathologiste
s'il sait ce qu'il faudrait faire quand un travailleur bouffe un produit comme
ça.
Il dit: C'est un bon hôpital, il en a réchappé deux.
Ce n'est pas ça qu'on veut savoir. On veut savoir ce qu'il faut faire
quand un gars bouffe un produit comme ça et il y en a plein le chantier
maritime de Sorel, par 20 gallons. Le pathologiste étonné dit: La
respiration artificielle. J'ai dit: Comme un ambulancier Saint-Jean? Il dit,
oui. J'ai dit au coroner: Toi, mon gros "crisse" d'ignorant, si tu ne le
demandes pas, tu ne le sauras pas. Ce sont vos coroners, c'est la farce du
ministre de la Justice.
Les magistrats, vous ne pouvez rien, à part de nommer des
péquistes et les autres qui sont là, les libéraux,
à part des gens qui sont des universitaires; les travailleurs, c'est
fait pour mourir des difficultés inhérentes à leurs
tâches, et mourir jeunes. Mais l'administration des lois, les coroners,
ça relève de M. Bédard. Un juge qui est sur le banc
à Chicoutimi, qui se moque des inspecteurs de la construction, qui se
paie leur gueule en cour, devant le monde, qui dit: Les accidents du travail,
ce sont des affaires de luttes de classes, je ne veux rien avoir à faire
avec ça, un gars a beau être Chevalier de Colomb et contre le
communisme, mais "crisse", il faudrait qu'il fasse respecter les lois du pays,
par exemple. Cela, c'est votre gouvernement, depuis que vous êtes
là. Depuis que vous êtes là, que les inspecteurs ne savent
plus quoi faire, il n'y a plus d'autorité, que ça ne marche plus
nulle part. L'autre, l'autre, l'autre... et ça continue dans votre
gouvernement. Dans les hôpitaux, il y a une directive qui a
émané des Services de protection de l'environnement,
signée par Roy, qui est encore là, qui disait: Dans les
hôpitaux, justement à la suite de la campagne de Mainville, pour
nettoyer les buanderies, les empoisonnements, les intoxications.
C'est depuis ce temps-là qu'il y a une buanderie communautaire
à Québec et une buanderie communautaire à Montréal.
Ils sont organisés cul par dessus tête et ils ont
coûté $3 millions ou $4 millions avec des ingénieurs aussi
ignorants que des médecins et les buanderies sont aérées
de travers, c'est disposé de travers, c'est dangereux pour les accidents
partout. Quand on leur dit ça, on dit: Cela a coûté $3
millions, on n'est pas pour recommencer. Peut-être qu'ils auraient pu
aller voir des travailleurs pour savoir comment faire ça.
Le représentant de la CSN à la baie James a écrit
à M. Lessard le 5 septembre 1978: Je vous demande si ce n'est pas
possible d'envoyer des inspecteurs, parce que chez Imbriglio Spino et
Désourdy, il y a des camions qui n'ont pas de freins, des vans, des
affaires, ils ne réparent pas les freins ou ils rattachent les tambours
avec des courroies, c'est dangereux, les vitres sont brisées, tout
ça.
Voici la réponse de votre ministre, en date du 29 septembre 1978:
"Le 5 septembre dernier, vous portiez à mon attention la situation qui
existerait à la baie James selon laquelle les camions travaillant sur le
chantier ne seraient pas en parfaite condition technique. En tout premier lieu,
il me faut vous rappeler qu'en vertu de la loi 41 qui a été
promulguée en juin dernier à l'Assemblée nationale
on est content de savoir que les lois sont promulguées maintenant
les opérations effectuées par la Société de
développement de la Baie James et la Société
d'exploitation de la Baie James ne sont pas assujetties à la Loi de la
régie des transports et à la Loi des transports. Il ne m'est donc
pas possible, à ce moment, de prendre les mesures de vérification
et de contrôle dévolues au ministère des Transports sur le
territoire québécois. Dans ce temps-là, on vise l'Ungava.
"Nonobstant cette considération, il m'apparaît important d'assurer
aux camionneurs québécois la même sécurité au
travail qui leur serait assurée s'ils étaient
considérés comme des travailleurs de la construction. Je
communique donc sans tarder avec mon collègue, M. Guy Joron, ministre
d'État délégué à l'énergie, afin de
le saisir de ce problème et de trouver un moyen de remédier
à cette situation. "Je vous prie de recevoir, M. Côté, mes
salutations distinguées. Lucien Lessard. P.S. J'espère pouvoir
faire quelque chose bientôt."
C'était le 29 septembre qu'il répondait au gars qui lui
avait écrit le 5 septembre. Le 11 octobre 1978, Jean-Claude
Côté, manoeuvre, a sauté d'un camion qui a manqué de
freins. Il travaillait pour Hydro-Québec, à LG-3, page 39 du
rapport annuel des accidents du travail, complexe La Grande.
Si vous ne l'avez pas tué, je ne sais pas qui l'a tué, ce
gars-là. Si ce n'est pas le ministre des Transports et votre loi qui ont
exempté la baie James dans ces cas spécifiques et dans les autres
cas de la baie James... Il n'y a pas un inspecteur de l'OCQ qui est capable de
faire sa job à la baie James, même aujourd'hui, au moment
où on se parle, M. le Président, surtout sur la ligne de
transmission où il y a eu sept morts du 9 juin au 13 juillet 1979. Un
par semaine, pendant sept semai-
nes. Les inspecteurs ne peuvent pas aller sur la ligne de transmission,
parce que cela leur prend une permission de la compagnie et un
hélicoptère. Cela a toujours été comme cela, en
1973, en 1975, en 1977 et en 1979. Et ils sont venus vous raconter je ne sais
pas quelle sornette hier. Mais je sais qu'ils sont venus en 1977 vous dire
toutes sortes de sornettes à propos de la baie James.
Dans un rapport de statistiques, publié en juin 1977,
Hydro-Québec au complexe LG-3 a dit qu'il n'y avait pas eu une demande
de premiers soins pas d'accidents dans le mois de juin. Or, le
relevé a indiqué 80 formulaires REE de la Commission des
accidents du travail qui sont des avis d'accidents et des demandes
d'indemnisation. C'est notre compagnie, c'est votre compagnie qui a un boss qui
s'appelle René Lévesque, avec un porte-queue qui s'appelle Boyd.
Si vous voulez voir les documents, ils sont à votre disposition, M. le
Président.
On pourrait parler longtemps des affaires de la commission. Cela, c'est
Chagnon. Avant cela, on peut parler de la baie James, encore l'ineffable M.
Boyd. Il y a un journal qui a publié dernièrement
qu'Hydro-Québec avait pris des mesures très sévères
et qu'elle était pour nous faire la preuve que les accusations
méchantes des mauvais gauchistes, des mauvais n'importe quoi, à
part les péquistes, et quelquefois ils vont presque à nous
accuser de libéraux, c'est descendre... C'est aller loin, je veux dire.
Pas descendre bas, mais aller loin. C'est la lettre qui est dans le document
qu'on a distribué tantôt.
Ils ont dit que M. Boyd était pour faire la preuve que les
accidents n'étaient pas vrais. Et la revue d'Hydro-Québec
cela me fait penser à la revue de M. Bérubé qui dit que
les 2,35% d'amiantosés, c'est une affaire de rien, et qu'au bout de cent
ans on s'est habitué à l'amiante... C'est le seul expert dans le
monde qui trouve que l'amiante n'est pas dangereux.
La lettre de M. Boyd du 29 août 1979 envoyée à tous
les membres de la direction d'Hydro-Québec correspondance
interne, on l'a trouvée par hasard, évidemment dit ceci:
"Force m'est aujourd'hui de constater que les mesures que nous avons prises
jusqu'ici n'ont pas atteint le but et qu'au plan de la sécurité
des travailleurs, HydroQuébec ne s'est pas améliorée, loin
de là, au cours des dernières années". Ce n'est pas du
chialage de Chartrand. "Il apparaît que dans l'entreprise les accidents
sont de plus en plus graves. Cette situation est intolérable, tant pour
les travailleurs surtout, oui que pour nous qui les encadrons et
partageons avec eux la responsabilité de leur sécurité."
Eux autres, ils dépensent quelques centaines de mille dollars pour aller
se promener à la pêche avec des hélicoptères et des
joueurs de hockey. "Je veux que chacun sache... je donne mandat à tous
les employés d'Hydro-Québec de faire en sorte que tout accident
soit évité".
Après cela, il prend les théories du PQ. "À cet
effet, j'ai formé deux comités de travail, l'un chargé de
définir notre politique de sécurité et l'autre de
préparer un programme d'amélioration de la sécurité
au travail. J'exige que chacun lise attentivement les texte
rédigés par ces deux comités". Ce sont toutes les
rédactions des projets de loi sur la santé et la
sécurité, l'un par derrière l'autre, faites par des gars
qui ne connaissent pas plus cela les uns que les autres à partir du
livre blanc, copié du Lord Robbins d'Angleterre, une enquête de
1972.
La loi est copiée de la Nouvelle-Zélande, une loi de 1972
aussi, publiée dans la série législative du BIT, janvier
1974. Je peux vous en fournir une copie. Elle est moins mauvaise en
Nouvelle-Zélande qu'ici. "Il est capital qu'Hydro-Québec redresse
la barre et je compte sur tous les employés, les syndicats, les cadres
et les entrepreneurs travaillant avec nous pour que l'effort soit vigoureux et
constant. Je veillerai personnellement à ce qu'il en soit ainsi". Robert
A. Boyd, président et directeur général.
Savez-vous qu'est-ce qu'ils mettent avec cela pour inciter le monde
à faire de la sécurité? Signé par Robert Dumais,
service de la sécurité, bulletin, extrait du Code criminel
canadien, article 202, sécurité au travail et
responsabilité des surveillants. Il faut le faire. Ils n'auraient pas
envoyé le Code de la construction.
C'est Hydro et on pourrait en parler longtemps d'Hydro à la baie
James. C'est-à-dire, c'était une affaire épouvantable.
C'est la honte du siècle, Hydro à la baie James, pour les
conditions de vie, les conditions de travail et n'importe quelle condition.
Cela continue; cela n'arrête pas. Ils ont fait des annonces dans les
journaux où on montait des tours en huit minutes, où on avait
sauvé une année et il y a des panneaux-réclame.
La vieille loi, l'arrêté ministériel 3787
défend des concours et des jeux sur les lieux de travail. Or, on se
promène sur les chantiers d'Hydro et il y a des panneaux:
L'équipe de nuit a transporté tant de milliers de verges cubes.
Là, l'équipe de jour se fend le cul pour en transporter plus
naturellement et il y a des primes pour les contremaîtres.
Chez Spino, il n'y avait pas un boutefeu qui avait déposé
son permis à la SEBJ. Des gros documents, on en a vu dans toutes les
enquêtes du coroner, M. le Président. Chez Spino, tous les
travailleurs qui ont creusé le tunnel que vous allez inaugurer le 27
octobre, étaient à "bonus" y compris l'entrepreneur. Il n'y en a
aucun qui était qualifié boutefeu. Il y en a eu de blessés
et il y en a un qui est mort, M. Hudon. C'est en 1975 qu'on a eu
l'enquête du coroner. En 1978 ou en 1979, je pense qu'on n'avait pas le
résultat encore.
Là, le gérant nous a expliqué que c'était un
"safety bonus". J'ai dit: Je suis content d'apprendre cela. Je n'ai jamais
entendu parler de cela. C'est peut-être une bonne affaire. Les "boss" ils
jurent rien que par l'argent si c'est une patente comme cela.
Alors, plus les gars descendaient de la pierre avec leur "jumbo" et
à le "driller" et à se dépêcher et tout cela, plus
la prime augmentait. Mais j'ai dit: Je ne comprends pas l'histoire du "safety
bonus".
II a dit: Quand il y en a un qui se blesse, ils perdent tous le
"bonus".
C'étaient nos entrepreneurs sur notre chantier. La prunelle des
yeux de Bourassa et de "Ti-Poil" Lévesque à la baie James.
Loram-Komo, on vous a donné le document, résultat des recherches
relativement à l'emploi de la Clinique de médecine
occupationnelle de Montréal, Me Fauteux. Il y avait eu une lettre
circulaire de 2277 est, Sherbrooke. "C'est un fait reconnu, advenant un cas
douteux, le docteur examinateur téléphonera au service de
sécurité de la compagnie pour s'assurer que la condition du
travailleur lui permet d'accomplir la tâche désignée et
pour savoir si la compagnie le considère comme apte à travailler,
à la baie James" patati patata. Il y a un réseau de
spécialistes dans la province de Québec, c'est un fait reconnu
que certains employés se servent de leur docteur de famille pour
allonger leurs vacances ou leur séjour en bas, sur la compensation et le
seul moyen d'obtenir leur retour au travail est de leur faire passer un examen
médical par un docteur de compagnie.
De plus, si un cas de la CAT n'est traité que par un
médecin de médecine générale et que nous avons
raison de croire que le docteur le tient sur la compensation indûment,
une expertise peut être obtenue dans toutes les parties de la province et
sa décision prévaut sur celle du docteur. Le prix de l'expertise
est de $75.
Avec une lettre attestant que nous désignons la Clinique de
médecine occupationnelle de Montréal comme notre
référence médicale attitrée, nous pourrons obtenir
tous les rapports médicaux nécessaires de la CAT au Québec
et de la Workmen's Compensation Board pour le reste du Canada. Ces documents
sont mis sur ordinateur. Le 25 mai, j'ai rencontré Marcel Boucher de
l'AEBJ, l'Association des entrepreneurs de la baie James, à laquelle
vous fournissez $750 000 par année pour fourrer les travailleurs qui
sont à la baie James de vos comtés respectifs, pour lui faire
part des constatations. Il m'a dit qu'ils en ont discuté eux-mêmes
lors de l'assemblée de l'association le 14 mai 1979 avec les documents
que je lui ai fournis sur la clinique. Il est intéressé à
rencontrer M. Fauteux. (18 h 45)
Ensuite, il y a un nouveau système relativement aux formules RE1
de la CAT concernant les affaires. Il n'y a pas un gars qui doit se
présenter à l'hôpital avant d'avoir passé par la
boutique de l'employeur. Les gars d'en bas ont tout le réseau et toute
leur affaire sur informatique. Cela veut dire que tous les travailleurs de la
construction vont être fichés sur un ordinateur et on va voir la
même chose qu'on vit présentement à Sorel, où des
travailleurs sont refusés systématiquement dans toutes les
entreprises à cause de leur fiche médicale. Tu as eu mal aux
oreilles, quand tu étais petit, alors tu vas nous faire du trouble. Tu
as eu mal à la gorge, tu vas nous faire du trouble. Tu t'es
accroché la "quéquette" dans une clôture de broche, tu vas
nous faire du trouble. Tu vas demander des appareils peut-être et une
prothèse.
Il ne faut pas oublier que tous les montants de cotisation qui ne seront
pas dépensés en compensation seront, à partir du 1er
janvier 1979, remboursés non pas à 15%, mais à 100%
l'année suivante. Il faut aussi garder à l'esprit que si cette
nouvelle loi travaille pour nous, elle peut aussi travailler contre ceux qui
n'ont pas suivi des cas. Si la CAT dépense plus qu'elle n'a reçu,
un tel montant est remboursable à 100% à la CAT, en plus d'une
augmentation de la prime, d'où l'importance de la continuité du
suivi des cas et de les avoir sur ordinateur.
Après cela, il y a la beauté de l'affaire. Il y a des
districts de la province qui nous causent du trouble. Le district de Rimouski
en allant vers Gaspé est le plus dangereux à cause du taux de
chômage et de bien-être social qui y existe. Les personnes de ce
district connaissent tous les trucs pour obtenir les bénéfices
gratuits du gouvernement sans travailler. Je ne sais pas si c'est leur
député qui les aide à cela, peut-être. Dans les cas
de compensation que nous avons actuellement, au-delà de 75% proviennent
de cette partie de la province. L'âge du nouvel employé est un
autre point important, car, en 1977 et 1978, de tous les nouveaux
employés de 20 ans ou moins, 50% avaient un accident avant deux mois.
"Si vous n'êtes pas des tueurs, je ne sais pas ce que vous êtes.
C'est Loram-Komo qui dit cela, et cela continue comme cela. Les gars embarquent
sur n'importe quelle machine, n'importe quel appareil de n'importe quelle
complexité; des enfants, sans aucun apprentissage, et marche vite. C'est
comme cela dans les usines de papier, c'est comme cela partout.
Il y a un travailleur amérindien sur la réserve de la CIP,
il conduisait une machine de 40 000 livres, une John Deere, une
débusqueuse. Il monte une côte et, en tournant le volant deux
fois, le moteur s'éteint. Elle s'est vidée et il s'est
ramassé dans la rivière. La police provinciale est
arrêtée. Elle est allée voir cela et elle a laissé
la machine continuer. Les inspecteurs du ministère du Travail et de la
Main-d'Oeuvre sont allés voir cela. Ils ont dit: La machine est sortie
de l'eau et elle marche, il n'y a pas de problème. On est allé
voir cela. Il n'y avait pas de freins sur la machine. La valve de
sécurité pour l'hydraulique était pétée. Il
n'y a pas un mécanicien de la réserve de la CIP qui avait vu les
instructions. Elles étaient restées à La Tuque. Le frein
à bras ne fonctionnait plus. Il y a six gars qui travaillaient à
côté de la machine, trois en arrière, trois en avant, des
étudiants. On a dit au contremaître: Cela n'a pas de bon sens. Le
contremaître a dit: Je prends la machine qu'on m'envoie. On a dit
à l'opérateur: Cela n'a pas de bon sens, tu vas finir par faire
un mouvement de trop. Les gars allaient chercher les câbles en
arrière, ils ceinturaient des billots, ils reculaient, ils allaient
porter cela dans la rivière. On lui a dit: Tu vas sacrer le camp dans la
rivière et tu vas blesser des gars. Il a dit: Je suis là pour
cela, ou je vais me faire mettre dehors.
On est allé voir un juge de la Cour supérieure de
Shawinigan, que les travailleurs avaient fait éli-
re contre Duplessis pendant des années. Le jeudi, il dit: Je ne
suis pas pour vous donner une injonction ex parte. On a dit: On ne vous demande
pas cela. Faites venir l'autre partie, mais faites-la venir vite. Vous
reviendrez mardi. Il dit le mardi: Je n'ai pas d'affaire à cela. J'ai 20
causes, j'en ai une à douze témoins. Le jeudi, il nous avait dit
d'aller voir la Sûreté du Québec. Les "smarts" de la SQ
nous entendent, on va le leur répéter ici. Au
Cap-de-la-Madeleine, les diplômés de Nicolet, on leur explique
l'affaire. Le juge nous a dit que vous aviez le droit d'arrêter une
machine qui n'a pas de freins, va l'arrêter, elle va tuer du monde. Tu as
les rapports des inspecteurs du ministère. On en avait fait redescendre
un autre le samedi de Québec. Il a dit: S'il n'y a pas de freins, on ne
l'avait pas trop essayée, mais il a dit: S'il n'y a pas de freins, il
faut l'arrêter, à La Tuque, la police a dit: Moi, je ne vais pas
sur la réserve. C'est drôle que, pendant la grève, les
hélicoptères étaient rendus sur la réserve et que
les 4 X 4 étaient rendus sur la réserve.
Le même gars qui a fait tout ce trouble, pendant la grève,
ce n'est pas du trouble, qu'il a fait, pour la paix de la compagnie et
l'emmerdement des travailleurs, là, il n'était pas capable
d'aller arrêter une machine qui était en train de tuer des
travailleurs. Il y en a un qui était mort à cause de cela. Le
juge a dit: "On ne peut pas dire qu'il était mort à cause de
cela". Non, mais cela a adonné qu'il était mort sur cette
machine-là. On n'a jamais été capable de faire monter la
police là.
Là, ce n'était que le mardi, cela a continué
à travailler le samedi et le dimanche. C'est seulement le mardi que la
compagnie a décidé, à l'heure du midi, qu'elle n'admettait
pas ce qu'on avait dit dans le papier mais qu'il y aurait une injonction, pour
enlever la machine de là et la faire réparer.
Vous avez eu la même chose, ici, à côté,
à... Un petit entrepreneur des messieurs qui sont venus tout à
l'heure: Faucher, à Pont-Rouge. L'inspecteur va mettre les
scellés sur une vieille grue, le 8 juin. Il retourne là, le 20
juin, la grue fonctionnait et posait des égouts pour la
municipalité. Alors, il avait fait toute sa liste de
considérations, il en avait pour trois pages. Il n'y avait pas de frein
sur le tambour, il n'y avait pas de frein sur la flèche, il y avait des
entures dans la flèche, il manquait un boulon sur trois. Une affaire de
"réguine" épouvantable. Alors, il a fallu qu'il aille voir un
juge, déposer $5000. L'Office de la construction a été
obligé de déposer $5000, parce que peut-être que ce n'est
pas un organisme reconnu et sérieux peut-être? Moi, je n'en ai pas
déposé, de $5000 à Shawinigan. J'ai dit au juge: Moi, je
vais aller en prison et toi, tu vas aller à l'hôpital. Les
prisons, cela me connaît, et je ne trouve pas cela drôle, les
prisons, mais je ne trouve pas cela drôle, du monde qui laisse mourir du
monde, par exemple.
Depuis 1939, je ne trouve pas cela drôle, depuis que j'en ai vu
mourir, en Abitibi dans des chantiers de l'ACJC, catholique et
française, avec un gouvernement catholique et français, comme
celui qu'on a là, l'Union Nationale, mon coeur! Bien là,
monsieur, la compagnie a accepté cela, d'arrêter la machine. Le
juge ne voulait pas nous donner une injonction. Où va-t-on s'adresser?
Qu'est-ce que cette loi 17 va changer là-dedans? Ce ne sont pas les
codes qui ne sont pas bons, c'est que vous n'avez jamais eu de volonté
politique de les faire respecter. C'est de la broue quand vous dites que vous
êtes intéressés à la santé des travailleurs
et les employeurs sont des brouteurs aussi. La grue de Pont-Rouge, il y a eu la
demande d'injonction devant le juge Moisan. Savez-vous qui est allé
défendre l'employeur? L'AECPQ. L'Association des employeurs en
construction de la province de Québec. Il n'y a pas de mal à
cela, remarquez bien. N'importe quel de nos membres se ferait arrêter
pour n'importe quoi, on ferait le premier geste d'aller le défendre ou
bien de lui fournir un avocat et on dirait au juge: Arrange-toi avec. Mais
l'AECPQ n'est pas allée dire au tribunal: C'est un petit employeur et ce
n'est pas si pire et il ne pensait pas faire mal. Il avait seulement
brisé les scellés. Qu'est-ce que briser les scellés mis
par un inspecteur, ou bien battre un inspecteur? C'est plus grave que de faire
une ligne de piquetage quand il y a un crétin de juge qui nous a dit
qu'on n'avait pas le droit d'en faire et que c'est dans le Code criminel depuis
1882. C'est cela, votre contention. C'est cela que vous aller faire
tantôt avec les gars du Front commun. Vous allez leur faire croire qu'ils
nuisent au public, quand vous, vous en tuez quotidiennement. Bien, l'AECPQ,
monsieur, est allée à la cour, elle a amené des
ingénieurs et elle a amené un dénommé Vachon, une
crapule de Drummondville, pour témoigner pour dire que le gars avait
raison de se servir de cette grue-là pour faire la job qu'il faisait
là. Cela, ce seront nos interlocuteurs souhaités par le
distingué ministre d'État aux Affaires sociales. C'est à
eux que les travailleurs de la construction vont parler pour avoir des normes
de sécurité sévères, avec des inspecteurs
sévères, qui vont imposer de grosses sanctions. Si ce n'est pas
une imposture épouvantable, je ne sais pas ce que c'est.
Cela rejoint l'histoire du pas en avant pour les non-syndiqués et
là, c'est la compagnie Loram-Komo. Avec le nouveau service de
médecins à travers la province, le suivi sera plus facile pour
faire remonter ceux qui essaient de prolonger leur séjour, en recevant
la compensation. Et après cela, c'est tout le reste. Cela, c'est la
compagnie Loram-Komo et les entrepreneurs de la construction. Et les
travailleurs d'Hydro-Québec, chez les sous-traitants, on ramasse des
cadavres partout des sous-traitants d'Hydro-Québec, votre compagnie,
dirigée par vous: la compagnie du peuple, dirigée par le
gouvernement.
À Valleyfield, un employeur Montpetit, a deux employés:
son fils et un autre. Il en tue trois dans un mois, des supplémentaires.
Condamné pour négligence criminelle? Il ne se passe rien, il ne
se passe jamais rien. Là, un autre, Chagnon, dans l'est de la ville:
trois morts, le lundi matin.
Le jeudi et le vendredi, un des inspecteurs de l'Hydro dit à son
"boss", ingénieur d'Hydro: Les gars trouvent que cela sent mauvais, ils
se sont plaints, il y en a qui ne sont pas revenus faire de l'"overtime",
patati, patata. L'ingénieur ne fait rien de cela. Il arrive le lundi
matin sur le chantier. À 9 h 30, j'ai dit: Qu'est-ce que tu as fait? Il
a dit: J'ai regardé si mes tubes entraient bien et si mes tubes
sortaient bien. J'ai dit: Deux heures après, il y avait trois gars de
morts et tu aurais pu mourir aussi. Savez-vous ce que cela aurait pris pour les
empêcher de mourir? C'est cela.
Fernand Valiquette, le président du Syndicat des travailleurs du
gaz naturel, va vous montrer cela. N'ayez pas peur, il connaît cela, il
manoeuvre cela. Il a la meilleure clause de sécurité de la
province de Québec. Ils arrêtent de travailler quand c'est
dangereux pour eux, dangereux pour un autre ou dangereux pour le public. Tant
que le contremaître n'a pas fait cela à leur satisfaction, ils ne
travaillent pas. Ce sont tous des gars de troisième année, des
gros Italiens et des gros Canadiens français. Il n'y a pas de gars
instruits dans cela. Ce sont des gars qui ont du coeur et des gosses. Cela
coûte à peu près $1.50 chacun, dix pour $15. Pensez-vous
qu'une PME canadienne-française, catholique, de la Beauce, peut se payer
cela pour sauver trois gars? Un tampax miniature. Tu le descends dans le trou,
et tu regardes si cela change de couleur, et tu prends un explosimètre.
Jamais Chagnon n'a fait cela. Il y a peut-être vingt trous en même
temps dans la ville de Montréal. Il ne fait pas cela plus qu'avant. Le
contremaître dit: Cela fait 22 ans que je travaille là, je n'ai
jamais pris de test dans un trou. Ce sont vos sous-traitants
d'Hydro-Québec. Vous comprenez bien que les petits entrepreneurs et les
gros entrepreneurs, les codes de sécurité et les inspecteurs, mon
oeil! C'est Hydro qui donne le ton dans la province et c'est le gouvernement
qui donne le ton dans la province. Allez voir sur la rue Saint-Jean. J'ai vu
des gars qui travaillaient aujourd'hui, à côté de la rue
D'Auteuil. Un gars reculait avec sa pelle. J'ai dit: Mon frère, tu vas
accrocher quelqu'un ou bien tu vas te faire accrocher. Cela te prend un guide
en arrière. Le code dit que tu dois avoir un signaleur. Il dit: Ils me
disent: On est assuré. On est le gouvernement et on est assuré.
À part cela, cela coûte cher de nous poursuivre.
À Hydro-Québec, quatre gars sont morts en
hélicoptère, le 8 juin. Il y en a un qui est encore à
l'hôpital de Chicoutimi depuis le 8 juin, brûlé. Il en a
encore pour longtemps. C'était un bon pilote d'hélicoptère
et ils l'ont forcé à monter. Il a retardé une heure, et
après cela, ils l'ont forcé à monter. Ce n'est pas le
premier qui tombe. Il y en a un autre qui est tombé lundi ou mardi.
À part cela, le 3 juillet, Fernand Richard a fait une chute d'à
peu près 125 pieds d'un pylône, il est à l'hôpital de
Chicoutimi, avec 57 fractures. Vous pourrez dire cela à votre
collègue. Il vient de Havre-aux-Mai-sons, aux
Îles-de-la-Madeleine.
Le 14 juillet, c'est un Tchécoslovaque qui est mort aussi en
tombant. Il travaillait pour Trans-Selex. C'est deux-là. Le 21 juin, un
nommé Lavoie est également tombé d'un pylône.
L'autre a été tué quand sa grue a culbuté
après avoir lâché le pylône. Les grues ne sont
presque pas capables de marcher sur la ligne de transmission. Ils leur font
faire de l'acrobatie. Le plus important, c'est que l'ingénieur de
l'Office de la construction, M. Moisan, avait dit à Hydro et au "boss"
d'Hydro: Si les gars n'ont qu'un petit câble de quatre pieds à
leur ceinture, vous devriez en avoir deux. Ou bien avoir un "stop" chute,
appareil qui est utilisé en France, aux États-Unis, en Belgique,
partout. Tu tires cela tranquillement, cent pieds, et tu donnes un coup. Il
faudrait que tu le fasses, par exemple. Tu donnes un coup et cela bloque comme
une ceinture d'automobile. Ce n'est pas mystérieux. Il n'y a que les
"smarts" de la province de Québec, qui adoptent des lois
extraordinaires, des universitaires, mais qui n'ont jamais visité une
usine. Le médecin des présidents de la médecine
industrielle de la province de Québec, qui est à Esso, n'a pas
été à la raffinerie Esso pendant quinze ans. Il ne s'est
pas aperçu qu'il y avait des gars qui devenaient sourds à la
raffinerie d'Esso. Il ne s'est pas aperçu qu'il y a des gars qui avaient
perdu leurs poumons à la raffinerie d'Esso.
À Fina, le médecin, Lionel Breton, et son
infirmière, pendant quinze ans, n'ont pas examiné les
travailleurs de l'entrepôt de Fina. Ce sont les "smarts" de
médecins de médecine industrielle pour les grosses compagnies,
qui ne pensent qu'à la prévention. Au mois d'avril 1978, ils ont
averti le médecin qu'il y avait du monoxyde de carbone. Ils sont
allés voir le DSC, ils sont allés voir le service de protection
de l'environnement. Ils sont allés voir le ministère du Travail.
Ils ont fait prendre des tests. Ils avaient du monoxyde dans le corps, les
tests ont été envoyés au Dr Nantel, au centre de
toxicologie de Québec. Jamais le médecin de la compagnie n'est
allé leur faire des tests, ni l'infirmière. Est-ce assez fort?
(19 heures)
Et vous voudriez qu'on continue ainsi? C'est cela que vous avez mis dans
votre loi! Et ces médecins-là vont être choisis par les
administrateurs d'hôpitaux alors que les médecins qui s'occupent
des employés d'hôpitaux, c'est à peu près les
médecins les plus chiens qu'on trouve dans la province de Québec,
parce qu'eux, ils ont la bénédiction des patrons des
hôpitaux. Et tous les autres médecins se couchent devant eux.
Alors ils prennent les certificats de maladie des employés et ils font
cela allègrement avec. Jamais, il y a un médecin d'hôpital
qui a dit à des employés d'hôpitaux, qu'il y avait des
dangers dans l'hôpital. Et vous allez nous parler de recherche et vous
allez nous parler de loi, et vous allez nous parler de concertation! On va se
réunir avec les gars de l'AECQ, on va se réunir avec les gars des
compagnies de papier qui ont caché des milliers de cas. Là, c'est
Consolidated qui vient de se faire prendre, avant cela. Cela a
été Price, avant, CIP, Domtar, qui ont caché des milliers
de cas. Et c'est avec eux qu'on va décider de faire de nouvelles normes
de sécurité? Parce que lord Robins a dit que l'employeur
était plus à même de connaître
les affaires particulières. Ce sont des vues de l'esprit
d'abrutis qui ne connaissent par la réalité.
Chez Vickers, les gars n'ont jamais vu le patron dans cinq ans de temps.
Le gérant de la production, ils ne l'ont jamais vu, alors le
gérant général, imagine-toi qu'il ne va pas là.
Là vous légiférez comme si vous étiez pour les
entreprises de la Beauce, les "Fly by night". Ils étaient là
pendant la crise parce qu'ils payaient meilleur marché que tout le monde
et là, ils paient encore meilleur marché que tout le monde, alors
ils florissent, pour le temps qu'ils vont florir.
Alors, ce n'est pas ce qu'on veut. Il faut dire ce qu'on veut et ce
n'est pas grand-chose qu'on veut. Il n'y a jamais un mouvement syndical qui a
moins demandé que nous, je veux dire. On dit: Faites respecter vos lois.
Et notre santé, on va choisir notre médecin et nos programmes de
santé vont aller au ministère de la Santé. Si vous
êtes normaux. L'environnement ne va pas s'arrêter à notre
porte, comme c'est à l'article 257 de ce projet de loi. L'environnement
est le seul qui a des ingénieurs, cinq à Québec, cinq
à Montréal et une dizaine de techniciens. Ce sont les seuls qui
peuvent prendre des tests de poussière, de ventilation, de gaz ou bien
de produits toxiques, de chaleur ou d'humidité, sauf dans les
hôpitaux, évidemment, parce que là, ils se sont fait dire
qu'ils n'avaient pas d'affaire à aller là, que ce n'était
pas une priorité. Et cela a continué sous le PQ, aussi.
Des inspecteurs, dans la province de Québec, il y en a à
peu près 135 de l'Office de la construction; 135 au ministère du
Travail. Il y en a qui sont comme des permanents syndicaux qui ne travaillent
pas des fois et il y en a à peu près une trentaine aux Services
de protection de l'environnement, et il y a seize bandits tueurs au
ministère des Mines, les ingénieurs des mines.
Là, votre loi va faire exactement ce qui se passe dans les mines.
Le lundi, les ingénieurs se réunissent et décident que
telle façon de produire, telle façon de travailler, c'est la
bonne façon. Le petit Code des mines et carrières, mon oeil!
Alors, j'ai dit à l'ingénieur, à des enquêtes du
coroner et devant des morts: Vous tuez les gars comme cela? On me dit: Cela a
toujours marché comme cela. À Chibougamau, l'opérateur de
la locomotive avait dix-sept wagons devant lui et il y avait un gars avec un
marteau pneumatique sur la voie ferrée, qui travaillait. Alors
l'opérateur de la locomotive ne voyait pas le gars en avant. Et
l'opérateur du marteau pneumatique ne voyait pas la locomotive et ne
l'entendait pas. Et le coroner, comme par hasard, c'était le
médecin de la compagnie de Chibougamau, pour la mine de Chapais. Et dans
toutes les mines, c'est ainsi, ils n'ont pas besoin de mettre un gars en avant,
quand l'opérateur ne voit pas.
Les codes, ce n'est pas bon. Tout le monde les met de côté,
parce que le gouvernement est d'accord avec cela. Et le sous-ministre du
Travail, Lapointe, dit qu'on va mettre cela de côté, les codes.
Les codes, dans la province de Québec, valent bien les codes à
beaucoup de places, dans le monde, sauf quand il y a des malades qui veulent
les faire changer comme dernièrement, ils ont décidé que
les travailleurs d'armature d'acier n'avaient plus besoin d'être
attachés et n'avaient plus besoin de filet, en bas, non plus. Ils ont
décidé qu'ils n'avaient plus besoin d'avertir Hydro quand ils
travaillaient près des lignes à haute tension. Alors, on va
ramasser des cadavres autour des grues, comme on a toujours fait, à
cause du champ magnétique. C'est vraiment faire exprès. Comme les
poisons qui se promènent partout, c'est vraiment faire
exprès.
Vous dites, dans votre loi, on va étudier les contaminants et on
va décider des matières dangereuses. Comme si on était
pour recommencer à neuf. Combien y a-t-il de contaminants sur le
marché? 600 000; il en sort une vingtaine de mille par année. Et
dans la province de Québec, on va faire cela, cela va nous prendre des
instituts de recherche équipés. Toutes ces choses-là sont
faites aux États-Unis. C'est le seul reproche qu'on fait à nos
camarades de la FTQ. Ce n'est pas de nous faire venir les affaires qui servent
aux États-Unis!
En terminant, je voudrais vous dire qu'on ne vient pas d'inventer une
lutte pour la santé et la sécurité. La clause type,
à la CSN, elle date d'à peu près 1973. Elle est
basée sur les lois de notre pays. Même si c'étaient des
libéraux, en 1973, c'était notre pays quand même.
Peut-être qu'ils sont partis, que nous sommes encore ici, que, vous
autres, vous allez partir et nous serons encore ici!
Des voix: Ah! Ah!
M. Chartrand: Taschereau, 32 ans; Duplessis, 16 ans; Lesage, 8
ans; Bourassa, 6 ans.
Le Président (M. Dussault): Est-ce que c'est votre
conclusion, M. Chartrand?
M. Chartrand: J'ai fini, docteur! J'ai fini.
Ce que je veux vous répéter, c'est que ce que cela prend,
surtout pour les non-syndiqués... Nous autres, les syndiqués,
nous sommes capables de nous débattre. Vous allez nous faire les lois
que vous voudrez, on va se torcher avec! Surtout sur la santé et la
sécurité. Et si vous allez assez loin, vous allez avoir
exactement le phénomène des travailleurs qui ne pouvaient pas se
syndiquer au début de la syndicalisation: des arrêts de travail
sporadiques et du sabotage, jusqu'à ce que le "boss" dise: Je vais vous
parler. Quand les employeurs de la construction viennent dire qu'il n'y a pas
d'arrêts de travail, ce sont de petits drôles! Même à
la baie James, il y en a, des arrêts de travail, souvent. Et il va y en
avoir de plus en plus, parce que les gars sont de plus en plus conscients.
C'est pour cela que vous nous envoyez ce projet de loi sur la gueule! Parce que
les travailleurs sont de plus en plus conscients et que les employeurs ne
veulent pas perdre leur autorité. Ils sont venus vous le
répéter les uns par derrière les autres.
Les médecins font partie de notre gang. Ce sont des
gestionnaires. M. Thibault, de Normick-
Perron, il est parfait, lui! Il dit que c'est un outil de gestion
indispensable, le certificat médical du travailleur, qu'on doit avoir
même sans sa permission. C'est extraordinaire!
Alors, la clause type, c'est cela. Les employeurs la connaissent. Ce
n'est pas compliqué, notre affaire. On dit: Si on a droit à notre
intégrité physique, comme vous le dites, dans la charte des
droits de l'homme, que vous voulez agrémenter encore, on a le droit
d'enquêter pour ne pas se faire poquer et voir les agresseurs qui nous
arrivent sur la gueule. On a le droit d'arrêter, parce que c'est nous qui
connaissons cela. Ce n'est pas le "boss " qui connaît cela, et le
contremaître n'a pas le choix, lui. Il marche pour le "boss". Les folies
du juge Beaudry, avec les ingénieurs consciencieux et des
représentants patronaux consciencieux... L'ingénieur, lui, il est
pris avec une double ration de bottes au cul: celles de son "boss " et celles
du syndicat. Il veut garder sa job et avoir ses promotions. Ne nous parlez pas
de conscience. On n'en a pas de conscience, nous autres, et on ne croit pas
qu'il y ait personne qui en ait de conscience. C'est clair, cela? Traitez-nous
de n'importe quoi et dites-nous n'importe quoi, mais soyez sûrs qu'on n'a
pas de conscience et qu'on va en avoir de moins en moins en ce qui a trait
à notre peau. On va protéger notre peau. Le droit
d'arrêter, le droit à l'apprentissage, le droit à
l'entretien préventif, le droit d'avoir notre pleine compensation.
Vous n'avez pas un peu honte de garder les sortes de barèmes de
la Commission des accidents du travail et le dernier que vous avez passé
dans une nuit avant Noël, la loi 114, la compensation des jeunes veuves en
bas de 35 ans, qui ont cinq ans de compensation, et qui, après cela,
n'en ont plus, parce qu'elles sont capables de se remarier à 35 ans ou
bien faire la rue?
Cela ne vous inquiète pas un peu de voter cela la nuit sans en
parler aux travailleurs et de fourrer le monde comme cela et de changer la
compensation de 75% brut à 90% net avec une incitation au retour au
travail, parce que c'est bien connu qu'un travailleur, par définition,
c'est un voleur, un tricheur et un fraudeur. Même qu'il y en a qui vont
se mutiler pour être compensés. C'est toute la philosophie: 300
000 par année, c'est cela.
L'autre affaire, pour finir, c'est le droit au médecin de notre
choix et à la compensation selon son diagnostic. Vos bouchers et vos
faiseux de la CAT, avec leurs normes de la CAT, plus jamais, comme dit le pape,
ou bien c'est la guerre. Ceux qui vont être capables vont le faire. Ne
venez pas nous faire croire que cela va être un pas en avant pour ceux
qui ne sont pas capables de la faire. Le pas en avant dont vous parlez, M.
Marois, dont Laberge et Boudreault parlent, pour un non-syndiqué, c'est
le pas en avant de la porte de l'autre bord de la porte. 45 inspecteurs pour 45
000 établissements et au salaire minimum! Vous nous faites suer quand
vous nous parlez du plus haut salaire minimum en Amérique. C'est de la
maudite foutaise. Mets-les à $10, et cela ne coûtera pas plus cher
à personne. Seulement, cela, c'est vos théories.
Et, à part cela, par générosité, vous avez
coupé l'indexation du salaire minimum. Alors, c'est cela, nos
revendications: une loi qui s'applique à tout le monde, pas des folies
comme cela, avec des règlements et un petit boss qui s'appelle Robert
Sauvé, qui est complètement parti. Parizeau a des carreaux qui
sont un peu plus grands, Sauvé a des carreaux petits, petits, petits. On
l'a bien connu, il était secrétaire de la CSN et on l'a mis
dehors. Il y a Jean-Marc Jodoin, qui vient de la CSN, le vice-président
et Roger Mathieu, qui est commissaire. On va vous les changer, tous les trois,
pour trois inspecteurs de la FTQ, compétents. Et on va vous donner du
retour. Cela marche-t-il?
Messieurs, je vous remercie d'avoir été patients, mais je
vous garantis que moi, j'ai fait le tour de la province, Marois le sait,
d'ailleurs. Il s'en est aperçu, à une couple de places et on n'a
pas commencé à se battre contre le PQ, on se bat pour notre peau.
Mais si le PQ est dans nos jambes, ce qui va arriver, c'est que le PQ va faire
la preuve, comme Duplessis, que ce n'est pas un gouvernement pour la nation
québécoise, c'est un gouvernement pour protéger les
exploiteurs de la peau des travailleurs, pas seulement de leurs forces de
travail, de leur peau. Et alors, vous allez écoeurer la population du
Québec, les travailleurs, les travailleuses, les meilleurs militants,
vous allez les écoeurer de la fierté nationale pour vingt ans
à venir, comme l'Union Nationale a fait. C'est cela, que vous êtes
en train de faire, dans le PQ.
Les gars qui déchirent leur carte, ce n'est pas parce qu'ils sont
partis sur une "fits". Ils ne revirent pas libéraux, non plus, qu'il ne
se rassure pas le beau gamin, à côté. Seulement, c'est eux
qui devraient faire les lois, quand ils sont dans l'Opposition. Cela devrait
toujours être le parti dans l'opposition qui ferait la loi; là, on
aurait des "crisses" de bonnes lois.
Le Président (M. Dussault): Alors, merci, M. Chartrand. Je
laisse la parole à M. le ministre.
M. Marois: M. le Président, je pense qu'on vient
d'entendre, pendant une heure à peu près, l'exposé
illustré abondamment de cas, d'exemples, d'une situation dont tout le
monde est convaincu qu'elle doit changer. On peut prêter des intentions
aux uns et aux autres. Je laisse à chacun de ceux qui prêtent les
intentions le soin d'en assumer la responsabilité; je pense que c'est
légitime et normal. Moi, je ne prête pas d'intention au Conseil
central de la CSN, qui est devant nous. Je pense que ces gens ont
légitimement droit à leur point de vue. Ils l'ont fait largement
valoir, ici, aujourd'hui. C'est le dernier groupe que nous recevons, en
audition. Et en même temps le seul groupe sous réserve de
me tromper qui se sera présenté devant nous, en nous
disant qu'il n'y avait rien, dans la loi, mais vraiment rien, aucun point de la
loi qui était susceptible d'être valable d'une façon ou
d'une autre, en disant même que c'était une imposture et plus, et
j'en passe. On a reçu ici, devant nous, qui a déposé ici
toute une annexe, toute une abondante série de recomman-
dations, la centrale, qui est la CSN. On a dit à ce
moment-là qu'on allait les prendre sérieusement en
considération on s'est même avancé de façon
très précise sur un certain nombre de points et sur certaines des
recommandations et je maintiens complètement ce que j'ai dit à ce
moment-là et je ne puis faire autre chose que de prendre acte du
témoignage qui a été rendu ici.
Je n'ai pas d'autres commentaires à ajouter, mais je tiens
à remercier le groupe.
M. Chartrand: II y a un congrès demain et
après-demain, toute la CSN va être là. Nos conclusions sont
celles de la CSN et les conclusions de la CSN sont les nôtres, aussi. Si
vous voulez qu'on s'amuse paragraphe par paragraphe, je vais vous le faire par
coeur. Je vais vous montrer les contradictions qu'il y a dedans, 7 et 280, par
exemple, 197 et 38 et 39, paragraphe 4: "L'employeur doit être averti".
Dites-moi dans quelle autre loi, vous avez jamais vu cela, dans votre vie
d'avocat, vous, que l'employeur doit être averti. Vous n'êtes pas
obligé de me répondre, bien sûr, vous êtes ministre
d'État et moi, je suis un chrétien de la rue. Mais, j'en ai
jusqu'à quatre-vingt-quatorze ans, comme je le disais à Ryan,
alors, vous n'avez pas fini de me voir. Plus je vais, plus je tiens à la
vie, alors... C'est parce que les tours qu'on perd, à mon âge, on
ne les rattrape pas, alors j'en perds le moins possible. Puis les gènes,
M. le Président, allez-vous vous préoccuper de l'étude des
gènes, l'immoralité qui est perpétrée à
l'Université de Sherbrooke. L'étude des gènes, pour
arriver avec le paragraphe de la page 242, du livre blanc: "Connaître les
caractéristiques individuelles, pour adapter les travailleurs à
leur emploi." Cela, il y a beaucoup de monde qui l'ont dans la tête, dans
la province de Québec. Tout à coup, ils vont prendre les paysans
québécois, et ils vont dire là, il faut que tu sois "fit"
A-1, pour le job, ou bien rejeté. (19 h 15)
Étudier cela, le problème des gènes de la CAT, dans
une université qu'on paie. Étudier cela, la petite affaire,
qu'est la Commission de la santé et de la sécurité
financée par les employeurs, qui va donner l'argent aux DSC pour
étudier les problèmes des ouvriers au travail? Le ministre de la
santé, c'est notre ministre la nuit, lui. Il n'a rien à voir avec
notre santé. Dans le jour, c'est notre employeur. Le ministre de
l'Environnement, c'est pareil. Il faut le faire en 1979. Un gouvernement qui
dit: Moi, je sors une loi pour protéger la santé et la
sécurité des travailleurs, mon ministre de la santé n'a
rien à voir là-dedans, mon ministre de l'Environnement non plus.
Je remets tout cela dans les mains d'un "boss". Ils vont faire de la recherche,
ils vont donner les subventions de la recherche, ils vont décider des
priorités en ce qui regarde la santé, le paragraphe 13 de
l'article 129. Après cela, ils vont fixer les normes et ils vont choisir
les inspecteurs. Ils vont avoir autorité sur les inspecteurs et ils vont
faire la réparation. Tout à coup que la réparation serait
meilleur marché que la prévention. Là, ils vont être
pris dans un dilemme. Un em- ployeur est en affaire pour faire une piastre. Le
gars qui passe à côté de ça, il veut nous "fourrer"
ou bien il se "fourre" lui-même.
Un employeur n'est pas là pour prendre soin des travailleurs,
même pas le ministère du Travail. Il n'est pas là pour
prendre soin des travailleurs, il est là pour que cela produise, pour
que la production augmente et que la productivité par individu augmente.
C'est cela un employeur et c'est cela que vous leur demandez aux entreprises de
la province de Québec. Faites de l'argent. Après cela, vous allez
leur dire: Préoccupez-vous de la santé des travailleurs. Vous
savez que les infirmières s'en venaient avec un programme cet
après-midi. Toute la santé, pas seulement pour les agresser,
toute la santé des travailleurs. C'est épouvantable. C'est un
recul épouvantable. C'est épouvantable. Toute la philosophie de
cette loi est épouvantable. C'est scandaleux. Je ne pensais pas de me
rendre à mon âge pour voir cela. C'est épouvantable. Toute
la philosophie de cela, d'un bout à l'autre, c'est épouvantable.
Le cabinet qui vote cela a besoin d'avoir les "couilles" serrées et
d'être d'aplomb parce qu'il va y goûter tout à l'heure.
Nous, on ne peut rien sur Robert Sauvé, mais on peut quelque chose sur
tous les ministres. La moitié des travailleurs de la province qui ont
perdu les oreilles, si on allait leur chercher un petit lobe, là on
serait des terroristes, faire couler le sang. Là, ils viennent nous dire
négligemment, les employeurs: Est-ce qu'on va faire de la
sécurité au détriment de la santé de l'entreprise?
Ils nous disent cela, comme ça, tranquillement. Ils disent ça
devant votre aréopage d'honnêtes hommes. Et vous n'avez pas
beaucoup sursauté personne. Le ministre, lui, il fait un discours
à chaque fois, et il a l'air de protester. Mais on ne les voit pas dans
la loi, ces protestations. Ou, quand on en voit une, protestation, à
l'article 7, in cauda venenum, l'article 280 vire cela à l'envers. Et
l'article 185, paragraphe 35... Ils ne l'appliquent plus, la loi. Après
qu'elle aura été votée, c'est Sauvé qui s'en
occupe. Avec deux votes. Le vote prépondérant, article 114. Vous
appelez cela de la parité? Hé! Hé! Racontez-vous des
histoires et laissez-vous en raconter par vos mauvais conseillers, mais ne nous
en racontez pas, parce qu'on n'est pas capables de les prendre. On voit cela
dans les usines, le jour...
On va finir avec un mot fin, M. le Président. Je vais visiter
l'usine de Domtar à Windsor. Je ne vous donnerai pas le détail de
l'affaire. Mais, j'arrive au département de la mécanique: deux
rangées de tours, une rangée de tours là et une autre
rangée de tours là, le pont roulant alentour qui vient porter les
arbres de couche, les "shafts". Il y a un gars qui vient me trouver qui me dit:
Michel, parfois j'ai de la misère à lire mon micromètre.
J'ai dit: C'est vrai qu'il ne fait pas clair ici. Savez-vous où
était l'éclairage? Dans le dos des gars, sur le mur. Les gars
travaillaient sur leurs machines pour exécuter un travail de
précision et l'éclairage était en arrière. J'ai dit
à l'officier de sécurité: Ils ne jouent pas aux fesses, ne
leur éclaire pas le cul, éclaire la machine. Cela va faire mourir
l'entreprise de mettre des... Le gars a dit: Mais, qu'est-ce
que je vais faire avec mon pont roulant si je mets les autres là?
Je lui ai dit: Tu n'as pas vu, à l'usine de Brompton à six milles
de là, la lumière est sur la machine pour éclairer
l'ouvrage et non pas pour éblouir le gars. À la journée
longue, dans l'entrepôt, un petit trou dans le plafond. Cela ne fait pas
mourir cela. Le gars qui se plaint qu'il pleut dans son entrepôt... Sauf
que l'hiver ça gèle sur le plancher. Le gars s'en vient avec son
chariot et des ballots de 250 livres, cinq dessus, cela culbute un peu et il se
tue là. L'autre, il s'est tué dans un trou dans le plancher.
Dans les hôpitaux, c'est épouvantable: trois fois plus
d'accidents avec perte de temps qu'ailleurs. Cela augmente d'année en
année, et les maladies aussi. Qui sont les "boss" des hôpitaux? Ce
sont les employés qui prennent les patients en otage? C'est vous autres
qui massacrez les employés! Les patients, ils sont chez eux. Ils ne sont
pas en otage, ceux qui sont chez eux parce qu'il y a des étages de
fermés!
Le Président (M. Dussault): C'était... Une voix:
...
M. Chartrand: Ah oui, la Domtar, à Windsor! Je finis avec
celle-là. Cela, c'est pour M. Marois parce que je lui dois bien cela.
C'est un gars patient.
Le Président (M. Dussault): C'est ce qu'on appelle une fin
élastique!
M. Chartrand: À la Domtar, il y a un comité
paritaire. Et le gérant de l'usine siège au comité
paritaire. Parfois, il prend des décisions à l'unanimité.
Alors, le comité paritaire écrit au gérant: On a pris
telle décision à l'unanimité. Là, le gérant
répond: Je ne peux pas satisfaire votre revendication.
Une voix: ...
M. Chartrand: Cela, c'est vivant. Je ne parle pas d'il y a cinq
ans. C'est depuis votre loi, et un peu avant. Il siège au
comité.
Merci bien. Vous nous avez fait attendre la journée et nous
autres nous vous avons retardés un peu!
Le Président (M. Dussault): M. le député de
Portneuf.
M. Pagé: M. le Président, je serai très
bref. Il est évident que M. Chartrand a une longue expérience. Il
est très coloré, ce qui amène quand même de
l'intérêt. On ne peut demeurer insensible aux cas bien
spécifiques et bien concrets qu'il a mis en relief aujourd'hui, qu'il
nous a cités. Je me limiterai, compte tenu de l'heure et compte tenu
aussi du fait qu'on n'a pas eu la chance d'aborder particulièrement le
projet de loi comme tel, à une critique globale à l'égard
de l'ensemble du projet de loi. J'ose quand même croire que les exemples
qu'il a mis en relief ne tomberont pas dans l'oreille de sourds et qu'il saura
y avoir un redressement, si ce n'est pas par le projet de loi no 17, qui n'est
peut-être pas satisfaisant à tous les égards au groupe
qu'il représente, au moins par l'attitude du gouvernement, formé
de qui qu'il soit, dans le respect...
M. Chartrand: C'est ce qu'ils nous demandent, de pousser
dessus!
M. Pagé: Oui, et on essaie, M. Chartrand, de pousser
dessus! On essaie.
Une voix: Pas fort!
M. Pagé: Quoi que vous pensiez de la formation politique
que je représente, on aura certainement l'occasion de se rencontrer
là-dessus parce que c'est un projet de loi qui sera adopté aux
Fêtes, c'est un projet de loi qui prendra un certain temps avant
d'être mis en application parce qu'il y a pas mal de pouvoirs
réglementaires.
M. Chartrand: Pourquoi? Pourquoi va-t-on suspendre la protection
des travailleurs? Pourquoi? Cela fait trois ans. Ce n'est pas assez?
M. Pagé: Oui, mais, M. Chartrand...
M. Chartrand: Là, vous êtes partis avec
l'idée que cela va traîner encore deux ans!
M. Pagé: M. Chartrand, vous pouvez, c'est évident,
à ce stade-ci de nos travaux... Écoutez, je voulais conclure
brièvement...
M. Chartrand: Prenez le temps qu'il vous faut!
M. Pagé: II y a des choses avec lesquelles nous ne sommes
pas d'accord dans le projet de loi no 17, vous savez. Et on l'a
évoqué ici. Et on aura l'occasion de revenir là-dessus en
deuxième lecture. Il y a des choses qui vont être
révisées. On peut d'ores et déjà présumer
que le projet de loi, même modifié ou revu, ne répondra pas
à l'entière satisfaction de chacun des intervenants. Ce qu'on
espère, quant à nous, c'est que ce projet de loi permette
d'améliorer la situation.
Il y a quand même un volet à tout cela, et vous l'avez mis
en relief aujourd'hui, vous nous l'avez dit: Quand même on adopterait les
plus belles loi du monde, si elles ne sont pas respectées, suivies et
appliquées, cela ne donne rien d'en adopter! Une bonne partie des
exemples que vous nous avez donnés, c'étaient beaucoup plus des
cas de non-application d'un règlement ou d'une loi que le
problème de la loi ou du règlement comme tel.
M. le Président, c'était le 64e groupe. Cela aura
été la commission parlementaire qui aura entendu le plus grand
nombre de groupes. Nous avons été heureux, quant à nous,
d'y participer. Nous avons fait des propositions au début des travaux.
Nous ferons des propositions d'amendements ou de modifications en
espérant que cela
aille dans le meilleur sens de la santé, de la
sécurité et de l'intégrité physique des
travailleurs du Québec. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Dussault): Y a-t-il d'autres
intervenants? Il y avait M. Mainville, je pense.
M. Mainville (Claude): Juste une petite remarque. M. Marois nous
dit qu'on a tendance à prêter des intentions. On a fait un
relevé, depuis 1976, de la performance de la Commission des accidents du
travail. D'un côté, dans le livre blanc du ministre, on nous dit
qu'il y a un massacre et qu'on va arrêter le massacre. On nous dit que
cela coûte $2 milliards, qu'on est prudent, et même on pourrait
aller jusqu'à $4 milliards. À une émission de
télévision, vous avez déjà déclaré
cela.
Cependant, en même temps qu'on dit que cela coûte
énormément cher, on regarde les statistiques de la Commission des
accidents du travail, particulièrement au niveau de l'amiantose. En
1977, sur 1098 demandes d'amiantose, il y en a plus de 94% qui ont
été refusées. Pour l'ensemble des maladies du travail, en
1977, plus de 80% des demandes ont été refusées. Pour la
surdité, près de 50% sont refusées chaque année.
Cela diminue d'année en année. Vous dites qu'on vous prête
des intentions, on pige cela à même vos propres statistiques, M.
Marois.
Lors d'une conférence de presse, M. Sauvé, il en a
fait plusieurs l'an passé et j'ai eu l'occasion d'y assister a
déclaré que l'amiantose était rendue une maladie de
l'esprit, que ce n'était plus une maladie des poumons, que, depuis la
grève de 1975, on avait créé une psychose. C'est
peut-être pour cela que, depuis la dernière inspection des 55
mineurs, on a trouvé qu'il y en avait 28 qui avaient guéri
miraculeusement. C'est la seule place dans le monde où on les
guérit miraculeusement. Mais on se rend compte d'une chose, par exemple,
c'est qu'il y a 3000 cas d'attente en révision, seulement dans la
région de Montréal, à la CAT actuellement. Il y a 95% des
demandes de mineurs d'amiante qui sont refusées, 80% des autres secteurs
de l'économie, de tous les autres secteurs de l'économie, qui
sont refusées, et, en même temps, vous dites qu'on vous
prête des intentions; je pense qu'on se base sur la
réalité, ce qu'on connaît dans les usines, dans les
hôpitaux.
La semaine passée, j'étais à l'Hôtel-Dieu de
Saint-Jérôme, où il y a une petite buanderie où on
refuse de remplacer les travailleurs quand ils sont absents, et qui subissent
l'intoxication des produits chimiques de plus en plus puissants, à des
conditions de chaleur et d'humidité incroyables. C'est de prêter
des intentions, cela? Il me semble qu'on se base sur la réalité.
On se base sur des faits vécus dans les usines et dans les
hôpitaux. Ce qu'on demande, ce n'est pas compliqué.
M. Chartrand: Le moratoire de Bérubé
vis-à-vis des compagnies d'amiante et des compagnies de papier, et le
premier ministre qui a ratifié le moratoire de Bérubé et
qui a dit à Asbestos Corporation: Si vous n'êtes pas gentils, je
vais vous appliquer la Loi sur la qualité de l'environnement! Je vais
vous faire respecter les normes de sécurité. Ce n'est pas
Chartrand qui chialait et qui disait des mensonges. Les psychiatres qui
travaillent avec des orthopédistes disent: Tu penses que tu as mal dans
le dos? C'est dans la tête que tu as mal, mon garçon!
Tantôt, ce seront les gènes. Ils vont dire que le mal est dans la
"quéquette", je suppose?
Le Président (M. Dussault): Je remercie le Conseil central
de Montréal de sa collaboration aux travaux de la commission. Cela met
fin aux travaux de cette commission pour l'audition des mémoires sur le
projet de loi. Le rapporteur fera rapport à l'Assemblée
nationale, évidemment.
Je voudrais dire à M. Chartrand que le président n'a pas
d'opinion quand il dirige une commission. Je pense que je ne vous apprends rien
d'ailleurs. Il ne doit jamais dépasser son mandat. Il est difficile de
s'en tenir à cela parfois, surtout quand il a devant lui certaines
personnes.
M. Chartrand: M. le Président, je ne voudrais pas vous
charger d'un message, mais j'avais apporté pour M. Bellemare le
résultat de l'enquête Turcotte. C'est l'ingénieur Dorval,
de Lalonde et Valois, ingénieurs des lieux, qui n'avait pas fait
respecter les plans et devis, ce n'était pas Dominique Forgue.
Le Président (M. Dussault): Bonsoir, tout le monde. C'est
ajourné sine die.
(Fin de la séance à 19 h 28)
ANNEXE A
Mémoire de l'Association des manufacturiers
canadiens
division du Québec
soumis à la commission parlementaire au
développement social sur le projet de loi no 17
I.
Introduction
L'Association des manufacturiers canadiens, division du Québec,
représente environ 75 pour cent de la capacité
manufacturière québécoise et, sur le plan
numérique, groupe plus de 1650 membres répartis à travers
la province, dont plus de 1200 représentant les petites et moyennes
entreprises.
La revue de l'Office de Planification et de Développement du
Québec mentionne, entre autre, que: "Présentement, c'est le seul
regroupement qui se préoccupe uniquement des entreprises de
transformation et qui offre des services vraiment structurés. De par ses
clubs d'administrateurs qui regroupent des cadres des entreprises
manufacturières québécoises, l'AMCQ pourrait être un
interlocuteur fort valable de l'État". (1)
Notre association, qui regroupe la très grande partie des
manufacturiers québécois, se sent très touchée par
le projet de loi no 17 parce que ce sont les entreprises manufacturières
qui sont le plus affectées par les mesures proposées.
Pour l'association des manufacturiers canadiens, il ne fait aucun doute
que les accidents du travail constituent un problème auquel il faut
consacrer une attention particulière. Les manufacturiers eux-mêmes
dénoncent les accidents de travail autant pour le bien-être de ses
employés que pour les coûts directs et indirects qu'ils
entraînent, affectant ainsi, de façon sérieuse, la
rentabilité de leurs entreprises.
Les mesures restrictives et punitives existantes envers les employeurs
et le secteur qui nous occupe ainsi que celles qui ont été
proposées dans le livre blanc sont intensifiées par ce projet de
loi. Un tel alourdissement du fardeau imposé au secteur manufacturier,
ajouté à la suppression des quelques mesures de "protection" qui
nous permettaient d'entrevoir une possibilité bien relative
d'adaptation, nous porte à nous interroger sur les raisons qui ont
motivé une telle attitude de la part du législateur.
Nous tenterons donc dans ce mémoire de vous faire part des
craintes et des préoccupations de nos membres concernant plusieurs
articles de ce projet de loi.
II.
Les principes
Nul projet de cette envergure ne saurait être envisagé sans
que ne soient préalablement définis les principes que doivent
accepter toutes les parties intéressées afin d'atteindre
conjointement les objectifs visés. Selon nous, trois grands principes
sont à retenir:
A)
La santé et la sécurité: une
priorité pour l'état
L'association reconnaît le besoin d'une intervention collective
dans le domaine de la sécurité au travail. Bien plus, à
cause de l'étendue et de la complexité du problème, l'AMC
reconnaît que l'État peut prendre une certaine initiative dans le
but de planifier et orienter la prévention des maladies et des accidents
au travail.
Nous croyons qu'au-delà de la législation et de la
réglementation, le gouvernement devrait être beaucoup plus actif
que par le passé dans le secteur de la recherche, de l'information aux
employeurs et aux employés, de même que dans la formation
d'experts pour aider les uns et les autres à mener à bien la
tâche qu'ils se reconnaissent de travailler à la
prévention.
Le secteur de la santé étant encore plus complexe, le
rôle que peut et doit y jouer l'État est donc
prépondérant.
B)
La santé et la sécurité:
responsabilité partagée
Nous sommes d'avis qu'en matière de santé et de
sécurité au travail, l'efficacité dépend de tous
les partenaires concernés, c'est-à-dire l'État,
l'employeur et le travailleur.
Nul ne peut ignorer que tous ces partenaires sociaux ont un rôle
à jouer dans le domaine de la santé et de la
sécurité. Cependant, si l'employeur doit être l'ultime
responsable des accidents et des maladies dont ses employés peuvent
être victimes au travail, il faut lui laisser les moyens d'agir avec
diligence pour corriger les situations susceptibles de les entraîner. La
notion même des comités paritaires avec pouvoir décisionnel
ne peut aucunement s'accommoder avec cette responsabilité ultime qui
incombe et doit incomber à l'employeur. On peut parler d'une
responsabilité commune en matière
(1) Revue Développement-Québec (OPDQ) Volume 6,
numéro 4, Avril-Mai 1979 page 31.
de prévention sans toutefois perdre de vue que les rôles
des différents partenaires sont distincts quoique
complémentaires.
De plus, les efforts en ce sens doivent être équitablement
partagés, le tout dans un contexte et un esprit de collaboration et de
coopération qui dépasse les frontières de la partisanerie
idéologique, économique ou politique souvent contradictoire des
parties intéressées.
Ces dernières doivent donc adopter une attitude positive et
réaliste orientée uniquement vers la poursuite à court,
moyen ou long terme d'objectifs communs.
C)
La santé et la sécurité: une
responsabilité parmi d'autres pour les employeurs
Nul ne peut ignorer que les entreprises, quelles qu'elles soient,
privées, publiques ou mixtes, à but lucratif ou non, ont un
rôle social à jouer. Elles doivent produire des biens et/ou des
services pour le mieux être de la collectivité. On a trop souvent
tendance à voir l'entreprise comme un mal à combattre et à
anéantir plutôt que comme un organisme vital pour la
société. On a également tendance à oublier que
l'entreprise doit être rentable et concurrentielle pour survivre et ainsi
continuer à procurer des emplois. On a aussi tendance à oublier
qu'une société ne peut partager que ce qu'elle a, notamment ce
que lui fournissent ses entreprises.
Ce rôle vital de l'entreprise doit être gardé
à l'esprit lorsque l'on envisage des mesures relatives à
l'amélioration de la santé et de la sécurité au
travail. Il faut donc accorder la priorité aux moyens qui, tout en
permettant d'atteindre l'objectif visé, permettront à
l'entreprise de maintenir une efficacité rentable.
En conclusion, si on reconnaît en un premier temps, l'importance
de l'aspect santé et sécurité au travail, il ne faut pas,
en un deuxième temps, perdre de vue la survie de l'entreprise.
III. Commentaires additionnels à notre
mémoire sur le livre blanc.
Afin de vous aider à mieux comprendre les préoccupations
de notre effectif au sujet de ce projet de loi, nous tenons à ajouter
quelques commentaires à ceux que nous avons formulés dans notre
mémoire du 1er juin concernant le livre blanc.
L'analyse de la situation contenue dans le livre blanc, assise du
présent projet de loi, nous semble déficiente à bien des
égards. C'est une étude purement statistique des cas soumis
à la Commission des Accidents du Travail. L'Association croit que cette
étude constitue un précieux outil pour qui s'intéresse au
problème de la santé et de la sécurité au travail;
cependant, elle n'a pas été suffisamment poussée pour
qu'on puisse en tirer les conclusions qui ont inspiré le projet de loi
no 17. Il se dégage clairement du livre blanc que les entreprises,
quelles qu'elles soient, sont indifférentes à la santé et
à la sécurité de leurs employés et les exposent
même sciemment aux pires outrages à ces égards.
Il se dégage également du livre blanc, du projet de loi no
17, des déclarations qui les ont annoncés et de celles qui les
ont accompagnés que la situation est telle que, sans une "loi avec des
dents" tout espoir d'amélioration serait vain.
Il nous semble que "la situation actuelle" telle que l'a décrite
le livre blanc est dramatisée par l'utilisation outrancière de
statistiques qu'on aurait dû davantage approfondir.
Ainsi, lorsque l'on constate que le nombre moyen de jours
indemnisés par accident diminue (de 21.7 jours en 1973 à 18.5
jours en 1976), on prend soin d'indiquer: "toutefois, il faut être
très prudent dans l'interprétation de ces données, car
nous ne pouvons pas affirmer que la gravité des accidents diminue depuis
1973 puisqu'il y a d'autres facteurs qui influent beaucoup la période de
convalescence des accidentés et des malades; entre autre, il y a
l'amélioration de tout le processus de réparation de la
Commission des Accidents du Travail." On aurait tout aussi bien pu conclure
que: "la congestion des salles de soins externes, l'usage abusif de la
médecine par une certaine partie de la population, les "quotas"
imposés à certaines catégories de médecins et les
aléas des conflits de travail dans le secteur hospitalier sont autant
d'éléments qui peuvent retarder les soins aux accidentés
du travail ou l'émission de certificats autorisant leur retour au
travail." De même, à la page 23 du livre blanc, on lit: "En
analysant l'évolution des accidents du travail au cours des
années 1973 à 1977, on remarque que le nombre d'accidents ne
requérant que des soins médicaux tend à diminuer depuis
1976, tandis que le nombre des accidents qui entraînent une absence du
travail augmente considérablement depuis cette même date. Cette
remarque nous incite à croire que, depuis 1976, les accidents du travail
ont des conséquences de plus en plus graves." Contrairement aux auteurs
du livre blanc, nous serions portés à croire que, pour des
raisons tout à fait étrangères aux accidents
eux-mêmes, les accidentés s'absentent maintenant pour plus d'une
journée alors qu'une absence de quelques heures leur était
auparavant suffisante.
Autre phénomène étrange, le nombre de maladies
professionnelles augmente de façon prodigieuse et constante de 1974
à 1977. Faut-il en conclure que les travailleurs sont plus sujets aux
maladies (ce pourquoi l'entreprise ne peut être blâmée) ou
encore que les conditions du milieu du travail
se détériorent? Dans ce dernier cas, tous les efforts
déployés depuis quelques années en vue de l'assainissement
du milieu seraient-ils tout à fait contre-indiqués?
Bien sûr, le nombre de maladies professionnelles n'a pas
augmenté au cours des dernières années; c'est plutôt
que les recherches épidémiologiques ont permis d'établir
un lien entre certaines conditions de travail et certains états
physiologiques; c'est également dû au fait que les travailleurs
sont plus avertis et qu'ils sont eux-mêmes plus aptes à relier
leur état de santé à leurs conditions de travail et
à réclamer compensation en conséquence.
Une étude approfondie des circonstances dans lesquelles se
produisent les accidents aurait dû, nous semble-t-il, s'imposer avant
d'entreprendre l'actuelle réforme. Quoi qu'en pensent certains
théoriciens de la sécurité au travail, il nous semble que
la grande majorité des accidents survient à la suite de
maladresse ou de négligence des accidentés eux-mêmes, de
leurs compagnons de travail et/ou de leur supérieur immédiat.
Il ne faut pas avoir travaillé longtemps dans un milieu
industriel pour se rendre compte que les gens prennent des risques inutiles ou
encore sont tout à fait indifférents aux mesures de
sécurité qui leurs sont enseignées. Loin de nous
l'idée de leur en tenir rigueur, mais c'est une réalité
qu'il aurait fallu prendre en considération. La constatation d'un tel
phénomène aurait probablement porté les auteurs du livre
blanc à modifier leur orientation et à attacher une plus grande
importance au respect des lois et règlements actuels.
Le livre blanc et le projet de loi no 17 nous semblent inspirés
d'une approche et d'une vision très particulières de la
société par certains groupes, approche qui fait de
l'employé une victime impuissante d'un système orienté
uniquement vert la réalisation des profits. L'étude des
conventions collectives et de récentes décisions arbitrales
révèle que des recours existent pour les travailleurs dans
l'exercice de leurs fonctions s'ils jugent que ces dernières ne sont pas
sécuritaires. Enfin, une telle étude permet de constater que la
situation n'est pas aussi noire que certains voudraient le
prétendre.
Nous vous invitons donc à relire notre premier mémoire et
plus spécialement les pages 12 et 13 où nous y formulons notre
conclusion sur l'ensemble des statistiques contenues dans le livre blanc.
PROJET DE LOI
IV. Commentaires généraux
L'Association des manufacturiers canadiens veut témoigner son
appui au présent projet de loi mais n'en croit pas moins que certaines
modifications doivent être apportées pour que la loi qui en
résultera colle davantage à la réalité et pour que
l'objectif visé soit atteint sans que l'avenir de nos entreprises ne
soit trop compromis.
Nos commentaires seront donc divisés en dix points
c'est-à-dire: 1) Objectifs 2) Recherche, formation, information 3)
Droits et obligations a) Droit de refus de travail b) Droits des employeurs c)
les fournisseurs 4) Les comités de santé et de
sécurité 5) Le représentant à la prévention
6) Les services de santé au travail 7) L'inspectorat 8) Les
règlements 9) Les recours 10) Le financement
1)
Objectifs
Les objectifs visés par la réforme, c'est-à-dire
d'abord une diminution sensible des accidents du travail et des maladies
professionnelles et finalement leur élimination complète, sont
indéniablement louables et l'AMC s'empresse d'y souscrire sans
réserve.
Toutefois, ces objectifs ne pourront être atteints que si les
moyens préconisés respectent en tout point les principes
énumérés précédemment.
2)
Recherche, formation, information
Nous sommes également d'avis qu'il faut intensifier les efforts
en matière de recherche, de formation et d'information concernant la
sécurité au travail.
Ces programmes ne devront être mis en application que très
progressivement. En effet, il faut éviter d'accélérer
indûment le processus et/ou l'échéancier à ce sujet
car nous pourrions créer des difficultés inutiles à la
réalisation des objectifs précités.
3) Droits et obligations
a) Droit de refus de travail
L'association déplore au plus haut point la naïveté
dont fait preuve la rédaction des articles concernant le droit de refus.
La simple lecture du projet de loi force l'association à conclure
à un manque de réalisme chez les auteurs ainsi qu'à la
capitulation du législateur face à ses obligations de justice et
d'objectivité dans l'élaboration des lois.
L'association est convaincue qu'il est tout à fait inutile de
légiférer sur le droit de refus, car ce principe de droit commun
est depuis longtemps reconnu par la jurisprudence arbitrale et donc, le
travailleur a déjà le droit de refuser d'exécuter un
travail dans certaines conditions, soit un travail représentant un
danger pour sa santé ou sa sécurité. La jurisprudence a
toutefois reconnu certaines réserves dans l'exercice de ce droit.
D'abord, le risque à la santé et à la
sécurité doit être sérieux et représenter un
danger grave et immédiat qui ne fait pas partie inhérente de son
travail habituel. De plus, l'employé doit croire de façon
raisonnable et objective qu'il s'expose à des possibilités de
blessures sérieuses s'il exécute l'ordre donné,
c'est-à-dire qu'il doit avoir une base solide de preuves qui
amènerait d'autres individus raisonnables à arriver à la
même conclusion après avoir analysé la situation. Enfin,
les arbitres se préoccupent et s'assurent que le refus du travailleur
n'est pas une façon indirecte d'attaquer les règlements de
sécurité de l'employeur.
La jurisprudence arbitrale a toujours obligé le plaignant
à commenter son refus en donnant ses raisons dans les plus brefs
délais et ce, d'une façon judicieuse. Cela est amplement
justifié car l'employeur ne peut pas examiner la question de danger s'il
ne connaît pas la ou les raisons du refus de travailler.
Voici les raisons qu'ont reconnues les arbitres pour déterminer
si le refus d'un employé était justifié: i) s'il croyait
honnêtement que ce travail représentait un danger, ii) s'il avait
communiqué cette croyance à son supérieur immédiat
d'une façon judicieuse, iii) si cette croyance était raisonnable
dans les circonstances, iiii) si le danger était assez sérieux
pour justifier une telle action.
Il n'a pas suffi aux arbitres que l'assignation d'une tâche ait
été sécuritaire ou non, mais ils se sont assurés du
fait que l'employé ait cru qu'elle était dangereuse.
Évidemment, si l'employé se sert de la
sécurité pour camoufler d'autres raisons pour refuser de
travailler, des mesures disciplinaires sont alors imposées par
l'employeur; le tout étant reconnu par les arbitres.
En présumant que le droit de refus ne sera jamais utilisé
de mauvaise foi par un travailleur ou par un groupe de travailleurs, pour des
fins autres que la santé et la sécurité au travail, le
gouvernement fait preuve d'une crédulité inouïe. Il y a eu
en 1978, au Canada, 7 392 820 jours/homme perdus à cause de
grèves; de ce nombre, 1 869 461 jours/homme ont été perdus
au Québec et la moitié concernait le secteur manufacturier. Le
nombre de jours/homme perdus en 1978 a diminué de façon
substantielle comparativement aux dernières années, mais il est
reconnu que depuis environ cinq ans, le Canada détient le triste record
des jours/homme perdus dans le monde industriel occidental. De plus, la
situation s'aggrave. Au Québec, du 1er janvier au 30 juin 1979, il y a
eu 1 295 335 jours/homme perdus dont la moitié dans le secteur
manufacturier. On sait très bien qu'historiquement, le pourcentage de
jours/homme perdus au Québec à cause des grèves a
placé notre province au premier ou deuxième rang au Canada dans
ce domaine. L'association se demande pourquoi le gouvernement ne
reconnaît pas cette désastreuse performance dans le projet de loi
no 17.
L'AMC sait que dans le contexte actuel des relations
patronales-ouvrières dans bien des cas le droit de refuser un travail va
être exercé par le travailleur ou son syndicat comme moyen de
chantage. L'employeur doit donc s'assurer qu'il pourra éviter de telles
pressions indues.
L'association remarque, avec beaucoup de regret, que le gouvernement n'a
pas donné suite aux recommandations du livre blanc sur la question de
"bonne foi" du travailleur pour l'exercice de ce droit et à la notion
d'imminence du danger. L'association se pose beaucoup de questions à
savoir pourquoi l'emphase donnée à ces deux principes dans le
livre blanc ne se trouve pas dans le projet de loi no 17.
L'article 31 de la loi défend à l'employeur d'imposer
toute mesure disciplinaire avant une décision finale. D'après les
textes des articles 11 à 30, ceci pourra prendre beaucoup de temps et
causer des perturbations et des coûts énormes à
l'employeur. En pratique, plusieurs employeurs seront obligés de
céder au chantage et trouver des solutions monnayables plutôt que
de supporter des arrêts et perturbations inutiles.
De plus, cet article empêche l'employeur d'imposer toute mesure
disciplinaire à moins qu'il ne prouve la mauvaise foi de
l'employé. En droit, la mauvaise foi ne se présume jamais et en
faire la preuve est une tâche des plus difficiles.
Tel que déjà mentionné, la reconnaissance du droit
de refus de travail dans la jurisprudence arbitrale, était basée
principalement sur la notion de "bonne foi" du travailleur et l'abus
était freiné par la possibilité de mesures
disciplinaires.
II peut y avoir plusieurs raisons pour lesquelles un employé
croit qu'il existe un danger, à savoir par exemple: a) son
inexpérience du travail demandé, b) une déficience
physique représentant un danger, etc.
Ces exemples et d'autres ont été acceptés par la
jurisprudence arbitrale comme des raisons suffisantes pour refuser
d'exécuter un travail.
L'association demande pourquoi on reconnaît aux travailleurs le
droit de refuser d'exécuter un travail même si le comité de
santé et de sécurité arrive à la conclusion que le
travail ne représente aucun danger et même si d'autres
travailleurs consentent à exécuter le travail demandé. Il
ne faut pas oublier que pendant tout ce temps, le travailleur ne subit aucune
perte de salaire et l'employeur ne peut imposer aucune mesure disciplinaire
jusqu'à décision finale.
Il est illusoire de croire qu'un employeur acceptera de payer pendant
plusieurs semaines tous les travailleurs si ses opérations sont
entièrement ou partiellement paralysées par un refus de travail.
La tentation est trop forte pour l'employé de prétexter qu'il
existe un danger pour sa santé et sa sécurité et utiliser
ce droit comme moyen de pression concertée envers l'employeur.
Ces dernières années le secteur manufacturier a
réussi dans une grande mesure à améliorer la situation des
travailleurs au point de vue santé et sécurité car on a
laissé des spécialistes solutionner les problèmes de
santé et sécurité au travail. L'association craint
vivement qu'au lieu d'améliorer la situation des travailleurs, le
gouvernement ne l'aggrave. L'établissement presque obligatoire du
Comité de sécurité, les pouvoirs que le gouvernement
désire leur donner, la création d'un poste d'agent à la
prévention ainsi que les pouvoirs qui lui seront conférés
auront pour effet de rendre le lieu de travail moins sécurisant. Il sera
alors évident que le gouvernement désire régler les
problèmes de santé et de sécurité sur une base
politique plutôt que scientifique.
Le projet de loi n'exige aucune compétence de l'agent à la
prévention. Il n'est qu'un officier élu par les travailleurs pour
les représenter. Le projet de loi lui donne certains pouvoirs et
notamment celui de décider si un travail est dangereux ou non. Donc,
quelle compétence a-t-il à ce sujet? Il y a un conflit
d'intérêt évident, l'agent à la prévention
devant choisir soit de bien représenter ceux qui l'ont élu, soit
de s'associer avec l'employeur.
Donc, le gouvernement politise le lieu de travail par la
rédaction des articles sur le droit de refus, encourage des batailles
idéologiques, enlève la question ou la notion de
compétence à l'égard de la santé et
sécurité au travail. Selon l'association, cela est dangereux et
risque de donner des résultats complètement opposés au
désir exprimé par le gouvernement de protéger la
santé et la sécurité des travailleurs.
Le gouvernement, dans ce projet de loi, crée une procédure
lente et trop élaborée pour déterminer si la situation
représente un danger ou non pour le travailleur. Il ne permet pas
à l'employeur de faire des mises à pied si un refus de travail
entraîne une cessation partielle ou totale des opérations. Le
gouvernement ne permet pas à l'employeur d'imposer un
congédiement, un déplacement ou des mesures disciplinaires
pendant une certaine période de temps, même lorsqu'il y a
évidence de mauvaise foi.
Le manque de protection de l'employeur et la façon dont le
gouvernement a rédigé les droits des travailleurs et du
représentant à la prévention, constituent une incitation
à utiliser ce droit de refus pour des fins autres que la santé et
la sécurité au travail. Il doit reconnaître que, dans le
contexte actuel de relations ouvrières au Québec, on peut
facilement envisager qu'il y aura une augmentation de jours/homme perdus
à cause des grèves, surtout des grèves
illégales.
L'association s'oppose à la conclusion des auteurs du livre blanc
à l'effet que le problème de la santé et de la
sécurité au travail est "urgent " et "critique" car, tout au
moins pour le secteur manufacturier, les statistiques dont fait mention ce
document démontrent que ce secteur a réussi à
réduire, de façon significative, les absences au travail dues
à des accidents.
b) Droit des employeurs
Les articles 39 à 51 concernant l'employeur comportent un
degré inacceptable d'inconnu, car la plupart des dispositions renvoient
au pouvoir réglementaire, ce qui nous semble abusif. Dans cette seule
section le mot "règlement" revient dix-huit fois.
Le seul article traitant des droits de l'employeur (art. 39) est une
courte nomenclature de généralités qui ne veulent à
toute fin pratique rien dire. Alors que l'employeur a l'obligation de veiller
à la santé et à la sécurité de ses
employés, il est pour le moins essentiel que l'employeur se voie
reconnaître par la loi le droit fondamental de: "prendre les mesures
nécessaires pour protéger la santé et la
sécurité des employés."
De plus, nous nous objectons fortement à l'article 41 qui oblige
l'employeur à dresser et à maintenir à jour un registre
des caractéristiques concernant le travail exécuté par
chaque travailleur à son emploi. Il ne fait aucun doute que si cet
article devait demeurer dans la loi, il serait utilisé par les syndicats
à des fins toutes autres que celles visées et ce, au
détriment évident du bon fonctionnement de l'entreprise.
c) Le fournisseur
Tel que libellée dans le projet de loi, la section se rapportant
aux fournisseurs semble exiger que tout produit, procédé,
équipement ou matériel dangereux ou non doit
être sécuritaire et conforme aux règlement. Si telle est
l'intention du législateur, la réglementation devrait alors
prévoir des critères pour un éventail indéfini de
produits, procédés et matières, car tous les produits,
procédés ou matières peuvent être "dangereux",
dépendant des circonstances.
Nous croyons plutôt que l'intention du législateur a
été de réglementer la fabrication, la vente, la
distribution et l'utilisation de contaminants et de matières
dangereuses. Cette intention se retrouve d'ailleurs dans les pouvoirs de
réglementation de la commission, à l'article 185, 27°
à 30°, où il est prévu que la commission peut
définir et décrire ce qui constitue un contaminant ou une
matière dangereuse, en dresser la liste, prévoir
l'étiquetage et prescrire des normes quant à l'utilisation,
l'entretien et la réparation. Il y aurait donc lieu d'indiquer
clairement, aux articles 52 à 55, que ces obligations
générales traitent exclusivement des contaminants et
matières dangereuses.
Comme nous l'avons fait remarquer précédemment, ces
articles s'inscrivent dans la section traitant des droits et obligations du
fournisseur. Pourtant, ces articles font également mention de
l'utilisateur, en l'occurrence l'employeur; c'est donc dire qu'en plus des
obligations de l'employeur, prévues aux articles 40 à 51 (qui
établissent déjà la responsabilité de l'employeur
quant à la sécurité des lieux de travail, de
l'équipement, des procédés et du matériel), on
impose à ce dernier, par le biais de l'utilisation, un fardeau
normalement dévolu au fabricant, au fournisseur, au vendeur, au
distributeur ou à l'installateur. En pratique, ces articles permettront
à l'inspecteur qui découvrira une anomalie dans un
équipement, un procédé ou un matériel, d'en
blâmer l'utilisateur-employeur sans remonter au distributeur, au vendeur
ou au fabricant. L'article 54 prévoit d'ailleurs que l'inspecteur peut
réclamer de l'utilisateur les frais d'expertise d'un
procédé, équipement, matériel, etc.
À cette section qui traite des droits et obligations du
"fournisseur", nous suggérons donc qu'il ne soit fait aucune mention de
l'utilisateur.
De plus, tel que libellé, l'article 53 semble prescrire qu'un
équipement produit, procédé, etc. n'ayant pas
été antérieurement fabriqué, fourni ou
utilisé au Québec, doit faire l'objet d'un avis à
l'inspecteur, conformément au règlement. Encore là, nous
voyons mal comment le fabricant ou le fournisseur, tel l'employeur-utilisateur,
pourra déceler que tel équipement, produit,
procédé, etc., qu'il soit ou non dangereux, a ou n'a pas
été antérieurement fabriqué, fourni ou
utilisé au Québec, et doive faire l'objet d'un avis à
l'inspecteur. Quoi qu'il en soit, à première vue, cet article
impose un fardeau très lourd au fabricant, au fournisseur ou à
l'utilisateur, et nous nous demandons comment il pourra être
appliqué dans l'entreprise en général.
Finalement, l'article 55 prévoit que la réglementation
régira l'étiquetage des matières dangereuses. Bien que
nous ne nous objections pas en principe, à cette exigence, nous
suggérons que la réglementation soit fortement inspirée
des législations provinciales ainsi que de la législation
fédérale en la matière, en vue de l'uniformité dans
les exigences.
4)
Les comités de santé et de
sécurité
Pour faciliter l'adaptation au nouveau régime, l'association
propose de remettre à plus tard la création de comités
dans les établissements de plus de dix travailleurs. L'association ne
voit pas la nécessité, au stade actuel, de modifier la loi
existante qui fixe à 20 le nombre minimum de travailleurs dans les
établissements où un comité de santé et
sécurité doit exister. De plus, l'association propose de ne pas
exiger immédiatement de tous les établissements un comité
de santé et sécurité puisqu'on accorde à un
employeur ou aux travailleurs le droit d'en exiger.
Le projet de loi propose de donner un pouvoir décisionnel sur un
certain nombre de questions au comité sur la santé et
sécurité. La seule chose que l'on exige des travailleurs, c'est
de consacrer leur temps rémunéré aux affaires de
santé et sécurité. L'association se demande comment on
prévoit le fonctionnement efficace du nouveau régime basé
sur un partage de pouvoirs qui ne soit pas accompagné d'un partage de
responsabilités. Le projet de loi prévoit que l'employeur reste
l'ultime responsable de la santé et de la sécurité dans
l'établissement. De plus, ce document ne prévoit aucun changement
dans le financement du nouveau régime proposé et oblige donc
l'employeur à le financer à 100 pour cent. Il est illusoire de
penser que l'employeur, ayant la responsabilité d'assurer la
rentabilité de l'entreprise, voudra céder ses
responsabilités au comité de santé et
sécurité sans avoir l'assurance que ce dernier les utilisera dans
le meilleur intérêt de toutes les parties concernées.
L'association croit sincèrement que pour ce qui est d'assurer la
santé et la sécurité, les comités de santé
et de sécurité existants ont eu autant de succès par voie
de recommandations à l'employeur que la mesure proposée n'en
aura. Comme elle l'a déjà souligné, elle admet que le
comité puisse jouer un rôle à l'égard de services
d'information et de formation du régime de santé et de
sécurité au travail et aussi en ce qui concerne la
détermination de l'existence ou de l'absence d'un danger imminent.
Cependant, tout pouvoir décisionnel accordé au comité
risque d'engager les parties dans des conflits sans assurer aux
employés une santé et une sécurité meilleures au
travail.
Le comité de santé et sécurité doit donc
revêtir un caractère consultatif. En plus de l'argumentation
précédente, le fait de donner un pouvoir de décision
à ce comité pourrait entraîner une perte de temps
incalculable. À titre d'exemple:
a) Quelles garanties l'employeur a-t-il que les membres du comité
formé des représentants des travailleurs ne demanderont pas de
prendre le "temps nécessaire" pour "étudier" afin de bien
"choisir" ou "suggérer" les moyens et les équipements de
protection individuelle adéquats? b) Combien de temps et à quel
coût s'établirait l'élaboration conjointe des programmes de
formation et d'information? de prévention? de programmes d'adaptation
aux normes prescrites par les règlements? des mesures de surveillance et
d'entretien préventif? de l'étude et des enquêtes sur les
événements qui ont causé ou qui auraient été
susceptibles de causer un accident du travail ou une maladie professionnelle?
de recevoir et d'étudier les rapports d'inspection, les informations
statistiques? de tenir un registre des accidents, des maladies professionnelles
et des événements qui auraient pu en causer? de rédiger un
rapport annuel d'activités? etc...
Il est donc utopique de croire que les employeurs sont prêts
à investir tant de temps, d'efforts et d'argent dans un comité de
santé et sécurité alors que, face aux objectifs
visés, les mêmes résultats peuvent être obtenus en
rendant l'employeur responsable du bon fonctionnement du comité.
La participation pour la participation n'est pas un principe rentable
pour qui que ce soit et ne sert à rien que créer des
mécanismes bureaucratiques tous plus inutiles les uns que les
autres.
La capacité de production d'un employeur ne doit pas être
compromise à un point tel qu'il soit nécessaire de faire appel
à du personnel surnuméraire pour la réaliser.
Ainsi les articles ici mentionnés doivent être
modifiés de façon telle que le comité de santé et
sécurité soit un comité consultatif.
5)
Représentants à la
prévention
Tel que nous l'avons formulé précédemment dans nos
commentaires sur le droit de refus au travail, l'AMC s'oppose vigoureusement
à la création de postes de représentants à la
prévention tel qu'indiqué au chapitre 5 du projet de loi,
articles 67 à 72.
L'AMC trouve pour le moins étrange le fait que le
législateur n'ait pas retenu l'idée de la parité lorsqu'il
parle de représentant à la prévention. En effet, alors que
nous parlons de collaboration, de coopération, de comités
paritaires, d'associations sectorielles, etc., le législateur n'a pas
cru bon de créer ce poste de façon paritaire.
La compétence ayant toujours été reconnue à
date à l'employeur en matière de sécurité, nous
croyons qu'il serait tout à fait logique de prévoir que si un
poste de représentant à la prévention devait être
institué dans une entreprise, il soit détenu par un
représentant de l'employeur.
Enfin, nous faisons remarquer que cette forme d'inspectorat continuel
n'a nullement sa place dans un établissement manufacturier où les
conditions et la nature du travail ne changent pratiquement pas.
6)
Les services de santé au
travail
Le chapitre VIII du projet de loi no 17, couvrant les articles 81
à 101, traite des services de santé au travail. La
législation proposée préconise des changements radicaux au
régime actuel, plus particulièrement elle réserve un
rôle très important aux services de l'État dans la
médecine du travail en modifiant considérablement le statut du
médecin de l'établissement.
L'association reconnaît l'importance du rôle que doivent
jouer les services de santé de l'État. Cependant, en vue de la
réduction des coûts et par souci d'efficacité,
l'association est d'avis que le rôle des services de santé de
l'État devrait se limiter à l'analyse et à la
prévention de tout phénomène collectif ainsi qu'à
un rôle supplétif concernant les entreprises qui, pour quelque
raison que ce soit, ne bénéficient pas déjà d'un
service de santé. En effet, de nombreuses entreprises possèdent
déjà un service de santé et l'expérience
passée ne justifie pas, à notre avis, qu'une grande partie de
leur rôle soit dorénavant dévolue aux services de
santé de l'État.
Cette mise à l'écart des services de santé d'un
établissement, que l'association déplore, se retrouve
également dans le fait que le projet de loi ne semble pas prévoir
qu'une partie du budget alloué par la commission aux centres
hospitaliers puisse, en vertu de l'article 84, être versée
également en partie aux établissements bénéficiant
déjà d'un service de santé.
L'association tient également à ce qu'on note sa profonde
dissidence au sujet du principe voulant que l'on confie au comité de
santé et de sécurité le choix du médecin
responsable de l'établissement, plus particulièrement dans les
cas où l'entreprise possède déjà son
médecin. Nous sommes d'avis que ce changement radical au régime
actuel ne solutionnera pas le problème de la soi-disant
dépendance du médecin face à l'employeur, bien au
contraire. En effet, le régime proposé laisse le médecin
responsable à la merci de l'employeur, du comité de santé
et de sécurité, de l'association accréditée et
même du travailleur individuellement, ces derniers pouvant, aux
conditions prévues à l'article 91, demander en tout temps
à la commission des affaires sociales de démettre le
médecin responsable de ses fonctions.
Si l'indépendance du médecin vis-à-vis l'employeur
demeure la préoccupation principale du législateur, le projet de
loi pourrait par exemple prévoir qu'un médecin démis de
ses fonctions par l'employeur puisse en appeler à la commission des
affaires sociales ou à la commission de la santé et de la
sécurité au travail. L'association est cependant d'accord avec
les dispositions de l'article 87, exigeant
que le médecin responsable soit agréé aux fins de
la médecine du travail. Cependant, nous ne voyons pas pourquoi ce
dernier doit conclure un contrat de service avec le centre hospitalier qui l'a
agréé. De plus, l'association s'oppose à l'article 85 du
projet de loi qui prescrit un changement dans le mode de
rémunération du médecin responsable; en effet,
conformément aux remarques précédentes, le changement du
mode de rémunération du médecin responsable ne
réglera pas le problème de l'indépendance du
médecin responsable... en supposant que ce problème se pose.
Compte tenu des graves obligations que la nouvelle législation
imposera à l'employeur, l'association croit aussi que ce dernier devrait
être muni des outils nécessaires pour atteindre les buts
visés, l'un de ces outils essentiels étant certes le
contrôle de ses services de santé, ce qui comprend
particulièrement le choix du médecin responsable.
Le régime proposé prévoit également que le
médecin responsable devra élaborer, en consultation avec
l'employeur et le comité de santé et de sécurité,
un programme de santé spécifique à l'établissement
et voir à sa mise en application. L'article 98 du projet de loi
confère également au médecin responsable un rôle
d'inspectorat auquel l'association s'oppose. La législation pourrait
cependant prévoir que le médecin responsable soit apte, lorsque
mandaté par l'employeur ou le comité de santé et de
sécurité, à faire des recommandations à l'employeur
afin de corriger une déficience quelconque dans les conditions de
santé ou de salubrité et, advenant une réponse
négative de l'employeur, puisse s'adresser à la commission afin
que les mesures correctives suggérées soient prises.
En ce qui a trait au rôle confié au chef du
département de santé communautaire par les articles 100 et 101 du
projet de loi, l'association est d'avis que ce rôle empiète
indûment sur les fonctions et la juridiction de l'inspecteur et/ou du
médecin responsable de l'établissement, ce qui créera
sûrement des situations de conflit qui engendreront l'inefficacité
et le double emploi, ce dont l'employeur et les travailleurs souffriront.
L'association désire également souligner que l'article 84
du projet de loi semble prévoir que le personnel professionnel,
technique et clérical à l'emploi d'un établissement, sera
dorénavant rémunéré par le centre hospitalier; ces
ressources humaines deviendraient donc du personnel du centre hospitalier.
L'association s'oppose à un tel changement de régime et
suggère plutôt, si telle est réellement l'intention du
législateur, que le centre hospitalier verse des subventions aux
différents établissements qui maintiennent un personnel
attaché au service de santé de l'établissement en sus du
médecin responsable.
Finalement, l'association se préoccupe au plus haut point des
intentions du législateur concernant l'indépendance du
médecin appelé à oeuvrer dans le contexte des services de
santé au travail tel que décrit dans ce projet de loi. Elle croit
par exemple que le médecin devrait pouvoir continuer de pratiquer la
médecine du travail dans son cabinet privé s'il le juge à
propos.
En guise de conclusion, l'association est d'avis que le bouleversement
du régime actuel préconisé par le projet de loi quant aux
services de santé ne rejoint pas les objectifs du législateur qui
désire s'assurer de la santé et de la sécurité des
travailleurs. Le rôle accru confié à l'inspecteur constitue
certes un moyen beaucoup moins radical d'atteindre le but visé.
L'association croit que le régime proposé aura pour effet
de pénaliser de nombreuses entreprises déjà très
bien organisées dans le domaine de la santé et de la
sécurité au travail. Elle soutient donc qu'un rôle
supplétif des services de santé de l'État, ainsi que
l'analyse et la prévention de phénomènes collectifs
atteindraient plus sûrement et à moins de frais les objectifs
visés.
L'AMC se préoccupe donc au plus haut point du fondement
même de la réforme proposée, soit une main mise totale de
l'État sur l'administration et le fonctionnement de la médecine
industrielle; elle s'interroge sur sa nécessité, sa
complexité ainsi que sur ses implications immédiates et
futures.
Compte tenu de ce qui précède, l'AMC suggère donc
au législateur de se pencher à nouveau sur ce chapitre
précis du projet de loi et de le reformuler, en tenant compte des
remarques et suggestions qui vous sont soumises.
7)
L'inspectorat
Le chapitre X du projet de loi se compose des articles 134 à 149
et traite des inspecteurs qui seront chargés de voir à
l'application de la loi et des pouvoirs qui leur sont
conférés.
Nous reconnaissons volontiers la nécessité de ces
inspecteurs et le fait qu'ils doivent être dotés de certains
pouvoirs pour être en mesure de s'acquitter de leur mandat. Toutefois,
ces pouvoirs qui sont d'une nature purement discrétionnaire et qui
seront utilisés sans que chaque partie puisse se faire entendre, ne
doivent pas être aussi étendus que ceux qui sont prévus par
l'actuel projet de loi. Afin d'éviter des abus de pouvoir et des
injustices, il nous apparaît nécessaire de limiter ces pouvoirs
tout en laissant aux inspecteurs toute la latitude dont ils doivent jouir pour
intervenir efficacement.
De plus, l'article 143 stipule que les travailleurs dont
l'établissement a été fermé ou dont les travaux ont
été suspendus par un inspecteur, sont considérés
comme ayant régulièrement travaillé et sont notamment
rémunérés en conséquence.
Cette disposition nous apparaît pour le moins surprenante quand on
songe aux conséquences financières d'une telle mesure qui risque,
dans bien des cas, de mettre en péril la viabilité d'un
très grand nombre d'entreprises québécoises qui ne
disposent pas des ressources monétaires nécessaires aux largesses
que veut lui imposer le législateur. En effet, s'il est
déjà fort onéreux pour un employeur
de supporter les coûts fixes d'une entreprise qui ne fonctionne
pas et qui ne procure plus aucun revenu, il devient prohibitif de payer en plus
des salaires à des employés pour des biens ou des services qu'ils
n'ont jamais produits.
Cette double pénalité ne nous apparaît pas
nécessaire pour atteindre les buts visés par la loi.
Ce projet de loi vise la protection de la santé et de la
sécurité des travailleurs et cela est très bien, mais il
ne doit pas, dans la poursuite de ce but, mettre en péril la survie des
entreprises. Nous recommandons donc fortement l'abrogation de cet article.
Il ne faut pas perdre de vue que dans de telles circonstances, les
employés pourraient être considérés comme ayant
été mis à pied, ce qui leur permettrait de retirer des
prestations d'assurance-chômage.
8)
Les règlements
Tel que mentionné précédemment, l'AMC trouve pour
le moins surprenant le nombre incalculable de fois où nous retrouvons
dans ce projet de loi le terme "règlement". Autrement dit, les
employeurs seront sujets à un pouvoir de réglementation
extraordinaire face à ce projet de loi.
De plus, étant donné ces circonstances, nous croyons
essentiel que le législateur prévoie notamment à l'article
186 que les règlements de la Commission ainsi que leurs modifications
soient publiés dans la Gazette Officielle du Québec et qu'ils ne
prennent effet qu'après un délai raisonnable de leur publication
afin de permettre aux employeurs de s'y conformer, le cas
échéant.
9)
Les recours
La procédure décrite nous vient des articles 14 et ss. du
Code du travail, mais elle doit toutefois être examinée en
relation avec l'article 31 du présent projet de loi.
Au deuxième paragraphe de cet article 31, il est dit que
"l'employeur peut, selon les circonstances, imposer un congédiement, un
déplacement ou une mesure disciplinaire, si le refus a été
exercé de mauvaise foi"; c'est toutefois à l'article 191 que l'on
apprend que l'employeur a le fardeau de prouver cette mauvaise foi du
travailleur: au contraire, suite à la décision finale
mentionnée à l'article 31, le fardeau de la preuve devrait
être renversé et il devrait incomber au travailleur de prouver que
le congédiement, déplacement ou mesure disciplinaire a
été imposé sans cause juste et suffisante.
Au pis aller, il faudrait absolument voir à rayer des articles 31
et 191 l'expression de "mauvaise foi", alors que "l'autre cause juste et
suffisante" existant à date dans le Code du travail, est amplement
onéreuse pour l'employeur et que nulle part, le projet de loi justifie
l'addition de l'autre fardeau à l'employeur, soit la preuve de mauvaise
foi du travailleur, preuve d'ailleurs illusoire en semblable
matière.
Enfin, nous vous reportons à la section de nos commentaires
particuliers concernant les amendes prévues, amendes qui sont pour le
moins disproportionnées.
10)
Le financement
Le livre blanc sur la santé et la sécurité au
travail mentionnait à la page 267: "Étant donné l'ensemble
de facteurs dont il faut tenir compte, l'évaluation des
déboursés qu'entraînera le régime proposé ne
peut être d'une précision absolue et reposera sur un certain
nombre d'hypothèses".
Vous comprendrez alors sans doute notre réticence concernant ces
prédictions et nous souhaitons que l'avant-gardisme souvent
proposé dans ce projet de loi ainsi que le nouveau régime qu'il
veut faire adopter dans son ensemble tiennent compte de nos moyens
financiers.
De plus, ce même livre blanc mentionnait à la page 274:
"... que la prévention constitue, à bien des égards, un
service public dont les bénéfices peuvent profiter à
l'ensemble du monde du travail et même de la société".
Donc, l'AMC croit qu'il est illogique de faire supporter le coût
de cette nouvelle législation uniquement par les employeurs étant
donné que la santé et la sécurité est l'affaire de
tous.
De plus, nous appréhendons le coût de la réalisation
de ce projet de loi puisque certaines entreprises manufacturières ont
dû dépenser beaucoup plus qu'elles n'avaient prévu au poste
du comité de sécurité. En outre, rares ont
été les interventions gouvernementales dont le coût s'est
avéré conforme aux prévisions.
Les employeurs consentent à contribuer en partie, que ce soit de
façon directe ou indirecte, à l'application des nouvelles mesures
préconisées dans ce projet de loi mais il est totalement
inéquitable que les employeurs aient à payer la totalité
de ce nouveau fardeau financier d'autant plus que personne ne peut
raisonnablement en prévoir le coût final.
V. Commentaires particuliers mais non exhaustifs
relatifs à certains articles
Sans faire une analyse exhaustive du projet, il nous semble cependant
important de soulever des objections à certains articles:
CHAPITRE I
DEFINITIONS
Article 1: 4°) L'élimination des mots "loisirs,
hébergement et alimentation" nous assurerait que des accidents survenus
en des lieux offerts par les employeurs ne seraient pas imputés au
travail; ainsi plusieurs abus pourraient être évités. De
plus, on pourrait difficilement concevoir que les mécanismes de la loi
trouvent leur application dans ces lieux. 11°) II serait selon nous, plus
opportun de donner une définition au mot "contaminants" pour les
identifier en un deuxième temps par voie de règlements. 14°)
Voir remarques à 1-4°) 16°) La définition du lieu de
travail est beaucoup trop large. Il y aurait lieu de préciser que
l'endroit où se trouve l'employé doit appartenir à son
employeur. Telle qu'elle apparaît actuellement, la définition a
pour incroyable effet de rendre l'employeur responsable ou à la merci de
l'état des lieux appartenant à un autre employeur (client,
fournisseur, etc.) où peut se trouver un des employés durant sa
journée de travail (pour aller porter ou chercher du matériel,
etc.). Les mots "moyen de transport" devraient être rayés de cette
définition. Nous espérons qu'il n'est pas de l'intention du
législateur de rendre un employeur responsable quant à des lieux
occasionnels de travail sur lesquels il n'a aucun contrôle. 19°)
Même remarque qu'à l'article 1-11°) 20°) Tous les citoyens
sont en droit de connaître, par la loi elle-même, le ministre
responsable de son application. 23°) Eliminer cet article. Voir nos
commentaires en pages 22 et 23 de ce présent mémoire.
CHAPITRE II CHAMP D'APPLICATION
Article 3:
En statuant sur le fait que cette loi est d'ordre public, le
deuxième paragraphe de cet article devient inutile.
CHAPITRE III DROITS ET OBLIGATIONS
SECTION I: LE TRAVAILLEUR 1- DROITS GENERAUX
Article 9:
II devrait être clairement établi que l'article 9 vise le
travailleur en général et non chaque individu et tout
particulièrement pour ce qui a trait à l'article 9-3°).
1°) Le mot "supervision" porte à confusion et de toute façon
il est de la responsabilité de l'employeur de superviser ses
employés dans quelque situation que ce soit. Nous suggérons
d'éliminer le mot "supervision" dans ce paragraphe. 2- DROIT DE
REFUS
Nous vous reportons à nos commentaires généraux
déjà formulés aux pages 11 à 17 de ce document.
De plus, nous vous suggérons les changements suivants:
Articles 11 à 20 inclus:
Article 11:
Tel qu'expliqué précédemment dans ce mémoire
et plus spécialement aux pages 11 à 17, cet article ne tient pas
compte du danger "imminent et grave".
De plus, l'AMC suggère qu'il soit considéré comme
étant une offense pouvant même être cause de
congédiement le fait de se prévaloir de ce droit sans motif
raisonnable et suffisant.
Articles 13 à 17:
Afin de s'assurer un délai raisonnable, nous vous
suggérons la procédure suivante lorsqu'il y a mésentente
entre l'employeur et le travailleur concernant un refus d'exécuter un
travail: a) L'employé informe immédiatement son superviseur
immédiat de son refus d'exécuter un travail quelconque ainsi que
des raisons détaillées. b) Le superviseur immédiat,
accompagné d'un membre du comité de santé et
sécurité ou d'un délégué syndical, s'il en
est, fait une enquête et dit à l'employé si le travail en
question constitue ou ne constitue pas un danger imminent.
c) Si l'employé n'est pas satisfait de la décision de son
superviseur immédiat, il peut faire appel à un inspecteur qui
doit enquêter aussitôt que possible. d) Lorsque l'employeur ou
l'employé n'est pas satisfait de la décision de l'inspecteur, il
peut soumettre un grief en vertu de la procédure de grief de la
convention collective ou, en l'absence de convention, soumettre une plainte au
commissaire général du travail.
Dans tous les cas, l'employeur devrait avoir le droit de faire
exécuter le travail par quelqu'un d'autre car une interruption de
travail pendant l'enquête pourrait dans bien des cas paralyser totalement
les opérations de l'employeur empêchant ainsi les autres
employés d'exécuter leurs tâches.
L'association croit qu'une mésentente sur la question de risque
pour la santé ou la sécurité d'un travailleur devrait
être soumise à un arbitre selon la procédure de grief
lorsqu'une convention collective en vigueur en prévoit une. Accorder des
pouvoirs additionnels au commissaire général du travail en
enlevant les pouvoirs reconnus par les parties dans une convention collective
risque de ralentir cette procédure au point où la justice devient
illusoire à cause de la lenteur. Il est essentiel que les
mésententes à ce sujet soient réglées le plus
rapidement possible; c'est pourquoi l'association est opposée à
l'idée d'avoir à franchir plus d'une étape de la
procédure avant de passer à l'inspecteur. De plus, même si
l'association reconnaît qu'une procédure d'appel d'une
décision de l'inspecteur est nécessaire, elle espère que
le gouvernement laissera les parties régler autant que possible leurs
propres problèmes.
Article 18:
Tel que mentionné précédemment, l'AMC juge utopique
de croire que les deux membres du comité seront d'accord lorsqu'il
s'agira de prendre une décision en fonction du droit de refus d'un
travailleur.
Selon nous, le représentant du travailleur sera, par mesure de
solidarité, porté à donner raison à son compagnon
de travail.
Article 19;
L'AMC se demande pourquoi le législateur a prévu qu'un
travailleur, malgré un avis contraire des membres du comité de
santé et de sécurité, continuerait de s'abstenir
d'exécuter un travail. Selon nous, cette disposition encouragerait un
entêtement inutile de la part des travailleurs.
Dans un tel cas, le travailleur devrait se prévaloir de son droit
de demander l'avis d'un inspecteur. Toutefois, dans une telle
éventualité, le travailleur devrait continuer à
travailler, ou à tout le moins, accepter d'être muté
à d'autres fonctions. Le tout sujet aux remarques faites à
l'article 26.
Article 21 :
Étant donné l'importance de la situation, il serait normal
de prévoir que l'inspecteur soit un inspecteur qualifié. De plus,
l'employeur devrait pouvoir déléguer son propre expert lors de la
venue d'un inspecteur à ce sujet.
L'AMC suggère l'addition d'un paragraphe qui tiendrait compte du
fait qu'un travailleur peut en appeler de la décision d'un inspecteur,
mais qu'il doit continuer d'exécuter son travail si l'inspecteur arrive
à la conclusion que ce danger n'est pas un danger imminent et grave.
Article 22:
L'AMC n'a pas d'objection à ce que les décisions de
l'inspecteur soient exécutoires en autant qu'il se limite à une
décision d'arrêt ou non du travail. De plus, cette décision
de l'inspecteur qui pourrait être exécutoire se doit d'être
sous réserve de l'article 147 du présent projet de loi.
Article 23:
On devrait prévoir cinq (5) jours ouvrables consécutifs au
lieu de cinq jours de calendrier.
Nous ne voyons pas pourquoi l'association accréditée se
prévaudrait du droit de demander une révision ou une
révocation de la décision si le premier intéressé,
c'est-à-dire le travailleur, a la liberté de le faire. Cette
disposition dans sa forme actuelle ouvre la porte à de nombreux abus que
nous voulons tous éviter.
Le troisième paragraphe de cet article tel que
rédigé pourrait prolonger les délais jusqu'à une
période de cinq (5) semaines ou plus. En effet, si l'employé ne
doit travailler qu'une journée par semaine, son délai pour
demander une révision se voit donc étendu à cinq semaines,
d'où l'importance de parler de jours ouvrables consécutifs.
Article 26:
Premièrement, nous faisons remarquer au législateur qu'il
n'y a aucune disposition dans cet article ni nulle part ailleurs dans le
présent projet de loi qui protège l'employeur contre les abus
possibles et prévisibles des travailleurs.
Deuxièmement, l'employeur devrait conserver son droit de faire
des mises à pied s'il n'y a pas d'autre travail disponible pour le
travailleur concerné.
Finalement, le législateur doit prendre conscience qu'une telle
disposition peut éventuellement mettre en péril la
viabilité même des PME. En effet, le fait de payer un travailleur
pour des services et/ou des biens non produits peut avoir une influence
néfaste sur la rentabilité de la compagnie.
Article 27:
Cet article ne devrait pas obliger l'employeur à s'en tenir aux
dispositions des conventions collectives qui prévoient dans la
majorité des cas une procédure lorsqu'il y a transfert,
déplacement ou mutation temporaire. Sinon, il est évident que cet
article devient "discriminatoire" envers les employeurs qui n'ont pas de
convention collective et ceux qui en ont une.
Article 28:
Dans l'éventualité d'une action concertée de la
part des employés qui décideraient d'un commun accord d'exercer
leur droit de refus, quelle protection l'employeur a-t-il? Qu'est-ce que
l'employeur est supposé faire en attendant qu'un inspecteur arrive? Qui
payera pour les dommages si une telle action est prise de mauvaise foi?
Nous suggérons que le premier paragraphe de cet article soit
rédigé comme suit: "Dans tous les cas où l'exercice du
droit de refus est appliqué, l'inspecteur doit être présent
sur les lieux au plus tard six (6) heures après que son intervention a
été requise."
Article 29:
Voir nos remarques à l'article 28 du présent
mémoire.
Article 30:
L'abrogation de cet article est essentielle pour plusieurs raisons.
Premièrement, il enlève à l'employeur son droit primordial
de pouvoir faire des mises à pied temporaires dues à des raisons
économiques; deuxièmement, cet article tel que
rédigé peut avoir comme résultat de mettre de nombreuses
PME carrément en faillite. Il est, selon nous, tout à fait
irresponsable de croire qu'un tel article peut s'avérer
opérationnel alors qu'aucune garantie n'est donnée à
l'employeur dans les cas où il y aurait abus de la part des
employés et/ou incapacité de payer de l'employeur. L'intention du
législateur n'est sûrement pas de handicaper les entreprises au
point de compromettre leur survie.
Article 31:
Sachant très bien qu'il est impossible de prouver la mauvaise foi
d'un travailleur à moins d'un aveu de sa part, nous suggérons de
remplacer l'expression "de mauvaise foi" par la suivante: "motif
non-raisonnable". De plus, il serait nécessaire d'inclure la notion de
"connaissance de faits nouveaux" afin de permettre à un employeur
d'appliquer une mesure disciplinaire suite à une décision finale
si des faits nouveaux le justifient.
De plus, l'AMC se demande ce que signifie "décision finale"?
S'agit-il d'une décision d'un inspecteur ou d'une décision rendue
en appel de la première? 3- RETRAIT PRÉVENTIF DE LA TRAVAILLEUSE
ENCEINTE
Articles 32 à 37:
Par ces articles, le législateur tend à corriger une
possible déficience à l'ordonnance no 17 de 1978 ou veut tout
simplement légiférer des normes de travail qui devraient
normalement apparaître à la loi 126 sur les normes du travail.
On demande même aux employeurs par le biais de l'article 33,
d'affecter "sans délai" la travailleuse enceinte faisant ainsi fi des
délais actuels (8 jours) de l'ordonnance no 17 et les contingentes
inévitables qu'une telle affectation peut amener en pratique.
De plus, l'on va même jusqu'à considérer cette
condition comme s'il s'agissait "d'un accident de travail survenu par le fait
ou à l'occasion du travail" et que de ce fait, des paiements temporaires
irrécupérables pourraient être accordés si la
Commission est "d'avis qu'elle accordera probablement l'indemnité".
Finalement, le coût de ces largesses du législateur est
évidemment confié aux employeurs.
En conclusion, nous recommandons d'abroger les articles 32 à 37
de ce projet de loi. L'AMC considère que la rémunération
des congés de maternité doit relever d'une responsabilité
sociale de l'État et être payable par les fonds publics. 4-
OBLIGATIONS
Article 38:
L'AMC croit que deux autres obligations s'imposent aux travailleurs,
à savoir: 1. Celle de porter et d'utiliser l'équipement
personnel, le matériel sécuritaire et les moyens de protection
individuelle mis à sa dispositon; 2. celle d'informer dans les plus
brefs délais possible le supérieur immédiat des motifs de
son refus de travail.
SECTION II: L'EMPLOYEUR 1- DROITS GÉNÉRAUX
Nous vous référons à nos commentaires
déjà formulés à ce sujet aux pages 17 et 18 de ce
mémoire.
De plus, nous vous recommandons les amendements suivants:
Article 39:
Voir page 17 de ce présent mémoire. 2- OBLIGATIONS
GÉNÉRALES
Article 40: 2°) II devrait selon nous être
rédigé comme suit: "faire subir des examens tels que prescrits
par règlement". 6°) On devrait selon nous parler "de méthodes
et de techniques reconnues". 7°) Cet article pourrait se limiter aux termes
suivants: "Informer adéquatement le travailleur des risques
reliés à son travail". En effet, le reste de cet article n'est
qu'une répétition de ce qui a déjà
été prévu à l'article 9 du présent projet de
loi. 8°) Nous ne voyons aucunement l'utilité de communiquer à
d'autres qu'au travailleur concerné les listes requises dans cet
article. L'important est, selon nous, de protéger le travailleur et ce
dernier le sera lorsqu'il prendra connaissance de la nomenclature des
contaminants et/ou matières dangereuses qu'il manipule au cours de son
travail régulier. 10°) Cet article ne devrait viser que les
informations d'intérêt général. 12°) En
conformité avec nos remarques des pages 20 à 22, cet article
devrait mentionner que des moyens et équipements de protection
individuels ont été suggérés par le comité
de santé et de sécurité et acceptés par
l'employeur. Le membre de phrase "conformément au paragraphe premier de
l'article 63" serait par le fait même éliminé. 13°) Cet
article peut être éliminé. Tout ce qu'il comporte est
inclus dans les obligations des travailleurs mentionnées à
l'article 38. 14°) enlever le membre de phrase "et leur fournir tous les
renseignements nécessaires". Ce membre de phrase a une
interprétation beaucoup trop générale et il ouvre la porte
à de nombreux abus qui pourraient être préjudiciables
à l'employeur. 15°) Cet article doit être
éliminé. Il est évident que le comité de
santé et sécurité qui sera appelé à
siéger le sera dans un endroit convenable et qu'il y va de
l'intérêt de toutes les parties de voir à ce que ce
comité fonctionne bien.
Article 41:
Nous vous reportons à nos observations apparaissant au premier
paragraphe de la page 18 du présent mémoire.
Article 43:
L'AMC est en accord avec cet article pourvu que son champ d'application
soit limité aux modifications importantes des installations ou
équipements, etc. 3- LE PROGRAMME DE PRÉVENTION
Article 47:
Suite à nos commentaires formulés aux pages 20 à
22, nous vous suggérons la rédaction suivante pour cet article:
"L'employeur doit faire en sorte qu'un programme de prévention propre
à chaque établissement sur lequel il a autorité soit mis
en application pour donner suite aux suggestions retenues du comité de
santé et sécurité, s'il y en a un."
Article 48: 3°) "L'organisation du travail" a toujours
été un droit de gérance et doit le demeurer. Par cet
article, le législateur oblige l'employeur à "négocier" ce
droit par l'intermédiaire du comité de santé et
sécurité.
Les termes "organisation du travail" doivent donc être
retranchés de cet article. 4°) Les "mesures de surveillance". Voir
remarques précédentes, c'est-à-dire article 48-3°)
Nous croyons fermement que le rôle de l'employeur en
matière de prévention consiste à: a) procéder
à l'analyse des conditions de travail dans son entreprise; b)
établir son programme de prévention en vue de la
réalisation de l'objectif visé; c) soumettre son programme
à la commission pour approbation; d) appliquer son programme.
Les avantages de cette procédure sont nombreux et consistent par
exemple à: a) adopter un programme selon les besoins de l'entreprise; b)
accélérer le processus de l'établissement du programme en
tant que tel; c) prendre également en considération la situation
financière de la compagnie;
Ainsi, si cette suggestion est acceptée, le deuxième
paragraphe de l'article 48-6°) devient inutile.
Article 49:
Nous nous objectons à ce qu'une copie du programme de
prévention soit transmise à l'association sectorielle, le cas
échéant.
En effet, la transmission d'un tel document pourrait servir de moyen de
pression auprès d'autres employeurs (PME) qui seraient incapables
d'appliquer des mesures de prévention élaborées et
sophistiquées adoptées par de grosses compagnies.
Article 50:
Cet article exige de l'employeur des séances d'information
inutilement trop nombreuses.
L'employeur devrait être tenu d'informer uniquement le principal
intéressé, c'est-à-dire le travailleur, du contenu du
programme de prévention en affichant ce dernier dans un endroit visible
et facilement accessible à tous.
En effet, si le travailleur est au courant du programme, il est
évident que le comité de santé et sécurité
le sera; quant à le communiquer à l'association
accréditée, nous ne comprenons pas l'intention du
législateur à ce sujet. Enfin, nous vous reportons à nos
remarques sur l'article 67 concernant le "représentant à la
prévention".
Article 51: a) Mêmes remarques qu'à l'article 50
concernant l'association accréditée. b) II est évident que
le mot "importants" est de trop lorsqu'il s'agit de qualifier les dommages
matériels ou économiques car il peut y avoir autant
d'interprétations qu'il y a d'employeurs (51-3°)
SECTION III: LE FOURNISSEUR
Article 52:
Voir nos commentaires aux pages 18 à 20.
Article 53:
Voir nos commentaires aux pages 18 à 20.
Article 54:
Voir nos commentaires aux pages 18 à 20.
De plus, s'il s'avère que cette expertise détermine que le
procédé, l'équipement, le matériel, le produit
n'est pas sécuritaire ou conforme aux normes prescrites par
règlement, alors l'AMC est d'avis que le coût de cette expertise
peut être réclamé d'un ou de plusieurs fabricants,
fournisseurs, vendeurs, distributeurs ou installateurs. Dans le cas contraire,
le coût de l'expertise doit être aux frais de la commission.
Cette disposition assurerait à l'employeur qu'aucun abus ne sera
possible de la part des inspecteurs.
Article 55:
Nous suggérons au législateur que la réglementation
à venir concernant l'étiquetage soit fortement inspirée
des législations nord-américaines actuelles afin de s'assurer
d'une uniformité dans ses exigences.
Chapitre IV LES COMITÉS DE SANTÉ ET
SÉCURITÉ
Nos suggestions faites aux pages 20 à 22 de ce mémoire
nous amènent à vous recommander les modifications suivantes:
Article 56: 20 travailleurs au lieu de 10.
Article 57: a) Garder le même pourcentage pour permettre la
formation d'un comité; sinon, quatre employés pourraient exiger
un comité alors qu'il n'y aurait que vingt et un employés. b)
Éliminer le 2e paragraphe.
Article 58:
Le deuxième paragraphe de cet article est pour le moins
discriminatoire et tout à fait irréaliste dans le cas où
un employeur aurait 50 travailleurs dont cinq seulement seraient
syndiqués.
Dans un tel cas, si un comité de santé et
sécurité était formé et comptait huit membres, la
moitié serait des membres de l'association accréditée.
Nous suggérons donc de remplacer le deuxième paragraphe de cet
article par:
"L'association accréditée, lorsqu'il y en a une et qu'elle
représente tous les travailleurs, nomme la moitié des membres du
comité. Les autres sont nommés par l'employeur". Enfin, nous vous
suggérons, lors de la rédaction de vos règlements, de
prendre bien soin d'éviter: a) que plus d'un comité soit
exigé pour représenter tous les travailleurs à l'emploi
d'une seule entreprise; b) que les membres du comité de santé et
sécurité soient choisis selon un prorata déterminé
par la représentativité des travailleurs syndiqués ou
non.
Article 59:
II n'est pas question de vote puisqu'il s'agit d'un comité
consultatif.
Article 60:
Enlever le membre de phrase: "... sans droit de vote..."
Article 61:
Parce qu'il est primordial de s'assurer du bon fonctionnement des
opérations, il serait, selon nous, préférable de
rédiger cet article de la façon suivante: "Les réunions se
tiennent durant les heures régulières de travail sauf si le
comité en décide autrement ou si les besoins de production
l'empêchent"...
Article 62:
II est évident que s'il est impossible à l'employeur de
tenir des réunions durant les heures normales de travail, il ne doit pas
être tenu de rémunérer les membres du comité de
santé et sécurité si les réunions ont lieu en
dehors de ces heures. Il serait donc opportun d'ajouter à cet article un
deuxième paragraphe libellé dans le sens suivant: "L'employeur
n'est pas tenu de rémunérer les représentants des
travailleurs au comité de santé et sécurité si les
délibérations ont lieu en dehors des heures
régulières de travail".
Article 63:
Voir nos remarques en pages 21 et 22 de ce mémoire. De plus, et
tel qu'il en était fait mention, les modifications suivantes vous sont
suggérées: 1° Remplacer les mots "de choisir" par "de faire
des recommandations à l'employeur quant aux..." 2° Remplacer les
mots "d'établir" par "de faire des recommandations à
l'employeur..." 3° Enlever les mots "... organisation du travail..." (Voir
remarques article 48 de ce mémoire). 5° Suite à nos remarques
pages 24-25, ce paragraphe pourrait être rédigé dans le
sens suivant: "de coopérer avec le médecin à
l'élaboration des modalités d'application du programme de
santé dans l'établissement". 9° Qu'advient-il s'il y a
mésentente sur ce point?
Article 64:
Si les suggestions précédentes sont retenues, cet article
n'a plus sa raison d'être.
Article 66:
L'AMC est en accord avec cet article en autant qu'on y ajoutera le
membre de phrase suivant: "Sauf s'il y a eu abus de ses fonctions et à
moins qu'il n'agisse de bonne foi".
CHAPITRE V LE REPRESENTANT À LA PREVENTION
Nous vous référons aux pages 16-17-22-23 de ce
mémoire et vous soulignons encore une fois notre profond
désaccord à la création de postes de représentants
à la prévention, tels qu'actuellement décrits.
CHAPITRE VI LES ASSOCIATIONS SECTORIELLES
Article 76: 12° Ce paragraphe de l'article 76 est beaucoup
trop général et peut très facilement prêter à
confusion quant à son interprétation. Nous suggérons de le
supprimer.
CHAPITRE VII
LES ASSOCIATIONS SYNDICALES ET LES ASSOCIATIONS
D'EMPLOYEURS
Articles 79 et 80:
L'AMC s'oppose à ce que les fonds des employeurs, par l'entremise
de la commission, servent à "gonfler" indirectement et entre autres les
fonds de grève des syndicats; c'est ce que l'application de cet article
aura comme conséquence s'il est adopté.
En effet, les syndicats consacrent déjà les montants
qu'ils jugent appropriés pour fins d'information et de formation
à leurs membres; libre à eux d'en consacrer davantage s'ils le
désirent.
De plus, tel que libellé, cet article permettrait à la
commission de subventionner des associations alors que ces dernières ne
seraient pas nécessairement regroupées à
l'intérieur d'associations sectorielles.
Nous vous recommandons de rayer ces articles.
Par ailleurs, l'AMC ne s'oppose pas à la création
d'associations sectorielles de prévention en autant qu'elles soient le
plus indépendantes possible de la commission. Nous croyons que cette
indépendance est essentielle à leur survie.
Enfin, nous suggérons que le financement de ces associations
soient également fait sur une base paritaire, c'est-à-dire que
chaque partie concernée assume ses propres frais.
CHAPITRE VIII LES SERVICES DE SANTÉ AU TRAVAIL
Articles 81 à 101:
Nous vous référons à nos remarques et suggestions
des pages 23 à 27.
CHAPITRE IX LA COMMISSION DE LA SANTÉ ET DE LA
SÉCURITÉ AU TRAVAIL SECTION I: CONSTITUTION
Article 127:
En plus de l'exclusion déjà mentionnée dans cet
article à savoir "les dossiers médicaux" il faut y ajouter " les
informations de nature confidentielle". Ces dernières pourraient
être disponibles avec une autorisation expresse des parties
concernées.
CHAPITRE X
INSPECTION Nous vous référons aux
pages 28 - 29 de ce mémoire.
Article 135:
Modifier le deuxième paragraphe en y ajoutant à la fin de
la première phrase le membre de phrase suivant: "... s'il en a
raisonnablement besoin pour vérifier un fait visé par la
présente loi ou ses règlements".
Nous nous inquiétons de voir que les inspecteurs ont ainsi
accès à tous les livres, registres et dossiers d'une entreprise.
Nous croyons qu'il est fort possible d'arriver aux mêmes buts que ceux
visés par la loi tout en préservant la confidentialité
à laquelle chaque entreprise a droit et qui est un atout très
précieux dans une économie fondée sur la concurrence. Nos
observations sont d'autant plus vraies que les violations de la loi relative
à la santé et la sécurité sont constituées
de faits, souvent facilement vérifiables, et qui n'apparaissent pas dans
les livres ou registres d'une compagnie.
Article 136: 3°) Prévoir que l'employeur puisse exiger
le remboursement d'un échantillon dans l'éventualité
où il ne pourrait être remis dans son état original.
4°) Ajouter le membre de phrase suivant: "...après en avoir
reçu l'autorisation de l'employeur". 6°) Même remarque
qu'à l'article 136-4°) 7°) L'employeur devrait avoir le droit,
s'il le juge à propos, de déléguer un expert de son choix
pour accompagner un inspecteur lorsque ce dernier visite, inspecte ou effectue
une enquête dans son établissement. Cette procédure
permettrait sans aucun doute à l'inspecteur d'avoir réponse, s'il
y a lieu, à plusieurs de ses remarques ou observations.
Article 137:
L'inspecteur, en agissant comme le propose cet article, perturbera
inutilement les opérations d'une entreprise quand il en effectuera la
visite. Nous ne voyons pas l'intérêt qu'a l'inspecteur d'aviser
tout ce monde de son arrivée sur le lieu de travail. L'important, c'est
que l'inspecteur accomplisse son travail et pour ce faire, il n'a pas à
s'entourer de toute cette publicité inutile. Nous proposons donc la
suppression de ce paragraphe.
Articles 139 et 140:
Dans le même ordre d'idées, nous croyons que la diffusion
des résultats de l'enquête d'un inspecteur devrait se limiter
à l'employeur qui est le seul à disposer des pouvoirs et des
moyens pour remédier aux éventuels défauts qu'on pourra
lui reprocher. Au lieu d'informer l'association accréditée et le
comité de santé et de sécurité des mesures qu'il
entend prendre, l'employeur devrait informer l'inspecteur des correctifs qu'il
doit apporter dans le délai imparti. À défaut de recevoir
un tel avis d'un employeur, l'inspecteur pourra informer le comité et
prendre les autres mesures qui s'imposent.
Article 141:
Nous sommes d'accord que tous doivent obéir à un ordre
émis par un inspecteur mais nous recommandons d'ajouter après les
mots "obéir à tout ordre" ce qui suit: "pourvu que cet ordre soit
justifié dans les circonstances et conforme à la présente
loi et à ses règlements ".
Article 142:
Cet article confère à un inspecteur des pouvoirs
très vastes, comme celui d'ordonner la fermeture d'un
établissement. On conviendra avec nous que ce pouvoir dépasse le
cadre de l'inspection et est d'ordinaire du ressort des tribunaux. Il est
facile d'imaginer que l'exercice d'un tel pouvoir peut conduire à des
abus et à des injustices s'il est utilisé erronément ou
sans pondération ou justification raisonnable. Ne pouvant exclure la
possibilité d'erreur, il nous apparaît nécessaire d'en
limiter l'exercice à au moins une modalité qui, nous
l'espérons, minimisera le risque d'erreurs. Les conséquences
d'une telle décision de la part d'un inspecteur nous apparaissent
suffisamment importantes pour que ce pouvoir décisionnel ne soit pas
laissé à sa seule discrétion. Dans une telle
éventualité, nous croyons donc raisonnable de demander qu'un
inspecteur s'adresse à la cour pour obtenir une ordonnance à cet
effet. Cette procédure a l'avantage d'être expéditive tout
en constituant un certain rempart contre des décisions
erronées.
Suite à ces remarques, cet article pourrait être
libellé dans le sens suivant: "Après avoir obtenu une injonction,
l'inspecteur ordonne la suspension des travaux et, s'il y a lieu, appose les
scellés".
Article 143:
Abroger cet article. Voir nos commentaires à la page 28.
Article 144:
II faudrait ajouter au début du premier paragraphe de cet
article: "... à l'exception de ceux qui seront appelés à
corriger la situation".
Quant au mot "grave" du deuxième paragraphe, il devrait, selon
nous, être enlevé étant donné sa possibilité
d'interprétations diverses.
Article 146:
Cet article permet à un inspecteur d'ordonner à une
personne qui enfreint la loi ou les règlements de cesser la fabrication,
la fourniture, la vente, la distribution, l'installation ou l'utilisation d'un
produit, d'un procédé, de l'équipement, du
matériel, du contaminant ou de la matière dangereuse
concernés et d'apposer les scellés ou confisquer ces biens.
Notre première observation a trait au mot "personne" qui ici est
équivoque. En effet, si un travailleur enfreint, contre le gré de
son employeur, la loi ou les règlements en matière de
sécurité dans l'exercice de son travail, nous ne croyons pas que
le législateur veuille pénaliser l'employeur en l'empêchant
de fabriquer un produit. Il faudrait plutôt que la mesure punitive soit
dirigée à l'endroit de l'employé récalcitrant. Nous
proposons donc d'ajouter après le mot "personne" les mots: "avec la
permission de son employeur, dans le cas où cette personne est un
travailleur."
Quant à l'esprit de cet article, nous croyons que le
législateur a mal exprimé l'intention qu'il poursuit. En effet,
il n'entend certainement pas conférer de tels droits à
l'inspecteur dans tous les cas de violation de la loi même mineure ou
technique. Le but poursuivi est sans doute de permettre à l'inspecteur
d'agir dans le cas où le produit ou le procédé, etc.,
porte une atteinte sérieuse et grave à la santé et
sécurité des travailleurs ou du public. Dans les autres cas,
personne n'a intérêt à arrêter inutilement le
fonctionnement normal d'une entreprise. Nous proposons donc que le premier
paragraphe de l'article 146 soit remplacé par le suivant: "L'inspecteur
peut, lorsqu'une personne, avec la permission de son employeur, si cette
personne est un travailleur, fabrique, fournit, vend, distribue, installe ou
utilise un produit, un procédé, un équipement, un
matériel, un contaminant ou une matière dangereuse qui porte
sérieusement atteinte à la santé et à la
sécurité des travailleurs ou du public, ordonner à cette
personne et à son employeur, le cas échéant, de cesser ses
activités et peut apposer les scellés ou confisquer les biens
concernés."
Article 147:
Cet article stipule qu'un ordre ou une décision d'un inspecteur
est exécutoire tant qu'il n'est pas révisé par la
commission.
Ce principe, à moins qu'il ne soit limité d'une certaine
façon, peut entraîner des situations injustes pour un employeur
qui a fait l'objet d'une décision erronée d'un inspecteur. Nous
ignorons en effet combien de temps prendra la commission à être
saisie d'un dossier et à rendre sa décision. Pendant tout ce
temps, l'employeur peut subir des pertes financières définitives
en raison de l'impossibilité d'opérer son entreprise et certains
seront ainsi acculés à la faillite. Il faut donc s'assurer que la
commission aura intérêt à mettre en place les
mécanismes appropriés lui permettant de jouer rapidement son
rôle et d'assurer que chaque demande de révision d'une
décision d'un inspecteur soit entendue avec toute la
célérité possible. Autrement, les employeurs seront
à la merci de mécanismes administratifs qui, on le sait, ne sont
pas reconnus pour leur efficacité et leur rapidité. Nous vous
suggérons de reformuler l'article 147.
CHAPITRE XII REGLEMENTS
Article 185:
Nous suggérons au législateur d'amender les alinéas
de l'article 185 se référant au pouvoir de réglementation
de la commission et ce, en fonction des remarques et suggestions soumises par
l'AMC dans ce mémoire.
Article 186:
Nous vous référons à nos remarques de la page 29 et
en conséquence nous vous suggérons d'amender l'article 186 en
ajoutant après les mots: "La commission", le membre de phrase suivant:
"... ainsi que leurs modifications..."
CHAPITRE XIII RECOURS
Article 189:
Suite à nos remarques précédentes, nous
suggérons que le libellé de cet article oblige l'employé
à loger un grief selon la procédure de sa convention collective
s'il y a lieu.
Si nulle procédure de grief n'est établie, que
l'employé soumette sa plainte par écrit et l'adresse par courrier
recommandé au commissaire général du travail dans les 10
jours (au lieu de 15, voir article 31) de sa mesure disciplinaire.
Articles 193 et 194:
Ces articles peuvent être abandonnés si nos remarques
relatives à l'article précédent sont retenues.
CHAPITRE XIV INFRACTIONS
Article 197:
Non seulement les amendes proposées sont nettement
disproportionnées entre particuliers et corporations, mais elles sont
carrément trop élevées, dans les deux cas. La Loi des
Etablissements Industriels et Commerciaux, (Statuts refondus 1964, ch. 150)
dont le remplacement est prévu à l'article 219
du présent projet de loi, prévoyait des amendes minimum de
$100.00 pour un particulier et de $200.00 dans le cas d'une corporation.
Lorsque l'on connaît, suite à toute la réglementation qui
va suivre l'adoption du projet de loi, les occasions tellement innombrables
pour un particulier ou une corporation de transgresser tel ou tel article de
tel ou tel règlement, souvent sans conséquence (par voie de
comparaison dans un autre domaine, circuler à une vitesse de 51
kilomètres/heure dans une zone de 50 kilomètres/heure), on ne
peut en venir qu'à la conclusion que le montant des amendes est une
véritable épée de Damoclès que les inspecteurs
chargés de l'application des lois et règlements peuvent à
leur discrétion, laisser tomber sur les employeurs.
On se doit de souligner aussi que l'article 197 prévoit que "...
quiconque refuse de se conformer à une décision ou ordonnance
rendue en vertu de la présente loi..." est passible... d'au moins
$200.00 ou $500.00 selon le cas. L'inclusion de l'article 129 A) du Code du
travail, par le biais de l'article 197 du présent projet de loi, traite
aussi de l'exécution d'une ordonnance, et prévoit une amende
maximum de $500.00 par jour de retard. La disposition de l'article 197 est plus
onéreuse, donc doit être modifiée en
conséquence.
Article 200: "En plus des pénalités prévues
par les articles 197 et 198, le Tribunal peut ordonner au contrevenant de se
conformer aux exigences de la loi ou d'un règlement dans le délai
qu'il fixe": nous croyons que ce pouvoir accordé au Tribunal est
suffisant, et que devrait être enlevé au juge le pouvoir
d'ordonner "d'exécuter toute mesure qu'il juge susceptible de contribuer
à la prévention des accidents du travail ou des maladies
professionnelles" par la suppression de cette expression. En effet, les
exigences de la loi et des règlements seront déjà fort
onéreuses pour l'employeur, et d'autre part, par le biais de cet article
200, le Tribunal s'arroge un pouvoir dévolu exclusivement au
gouvernement, par le jeu des articles 186 à 188 du présent projet
de loi.
Article 201 :
Cet article reproduit presque textuellement l'article 38.1 de la Loi des
Établissements Industriels et Commerciaux, changeant toutefois les
termes "ou malgré des dispositions prises pour prévenir sa
commission" par "et malgré les dispositions prises pour prévenir
sa commission".
Selon nous, le texte présentement en vigueur devrait être
maintenu, le nouveau texte imposant, sans aucune raison, un fardeau additionnel
à l'employeur.
Article 204:
Permettre à tout intéressé de pouvoir intenter des
poursuites en vertu du présent projet de loi ouvre la voie à des
abus incroyables, et nous croyons que l'inspecteur chef ou une personne
désignée par la commission est plus en mesure d'apprécier
les infractions alléguées, et d'engager ainsi le long et
coûteux processus judiciaire.
Article 206:
Le Tribunal du Travail entendrait maintenant toutes les poursuites
pénales intentées pour infractions au présent projet de
loi et règlements, puisque l'article 105 du Code du Travail (inclus au
présent projet par le biais de l'article 206) prévoit que sauf si
les parties en conviennent autrement, la cause est instruite au chef-lieu du
district judiciaire où elle a pris naissance. Lorsque l'on pense
seulement au nombre astronomique des plaintes portées en contravention
au Code de Sécurité pour les travaux de construction, il devient
illusoire de penser que le Tribunal du Travail, déjà très
débordé, pourra rendre justice dans un délai raisonnable.
À tout événement, les juges des sessions de la paix et/ou
de la Cour provinciale et/ou juges de paix, sont déjà en place
dans tous les districts judiciaires du Québec et toutes les parties
concernées y gagneraient si ces derniers gardaient juridiction dans ce
domaine.
Article 207:
La prescription est actuellement de six mois à compter de la date
à laquelle l'inspecteur a pris connaissance des faits et nous croyons
que ce plus court délai devrait être maintenu, une bonne gestion
de l'entreprise exigeant que l'employeur soit au courant dans les plus brefs
délais des obligations auxquelles il peut avoir à faire face.
CHAPITRE XV FINANCEMENT Voir nos remarques aux
pages 30 et 31.
VI
Conclusion
L'État ne peut rester indifférent au problème de la
santé et de la sécurité au travail et il doit même y
jouer un rôle prépondérant. Nous croyons cependant que
certaines modalités mises de l'avant
par le projet de loi no 17 sont inappropriées et pourraient
même être dangereuses d'abord pour les travailleurs eux-mêmes
et ensuite pour la survie de nombreuses PME.
Nous croyons que l'analyse de la situation présentée dans
le livre blanc est déficiente. Les employeurs reconnaissent que
l'analyse statistique qui y est faite donne de la réalité une
image trompeuse. En effet: un très fort pourcentage des accidents
survenant au travail ne peut s'expliquer par des conditions de travail
inadéquates ou par. les méthodes de travail imposées par
l'employeur; sont trop souvent acceptés comme "accidents de
travail" des accidents qui n'ont de relation avec le travail que le fait qu'ils
surviennent durant les heures de travail; lors de réclamations
contestées par l'employeur auprès de la C.A.T., cette
dernière accorde présomption en faveur de l'employé; les
compensations qu'accorde maintenant la C.A.T. incitent à déclarer
comme "accident de travail" l'accident survenu à l'extérieur du
travail.
Il nous paraît évident qu'une étude plus approfondie
par l'État aurait permis de mieux diagnostiquer le problème et,
partant, de rechercher les véritables solutions. Une telle étude
aurait également permis de n'imputer à l'employeur que les torts
qu'il a vraiment.
Nous croyons que les efforts déployés en cette
matière par l'entreprise privée au cours des dernières
années ont porté des résultats efficaces et qu'il
conviendrait à l'État de le reconnaître afin de pouvoir
apprécier à sa juste valeur les mérites de programmes dont
les effets ne peuvent se bien mesurer qu'à moyen terme. Cela est surtout
vrai de programmes visant à modifier les attitudes et les comportements
au travail. Ne pas reconnaître que ces efforts ont apporté des
améliorations remarquables, c'est mettre en doute l'efficacité
même de tous les programmes de prévention.
Nous croyons que le législateur doit donner priorité
à la recherche, la formation et l'information et non pas aux mesures
punitives comme le propose le projet de loi no 17. En effet, selon nous, le
projet de loi vise principalement à imposer à l'entreprise des
"punitions" pour ne pas avoir corrigé des situations dont elle pouvait
même ignorer l'existence. Un employé n'a qu'à
prétendre qu'une situation peut comporter un certain danger pour que
l'employeur se voie imposer le fardeau de démontrer que le risque est
inexistant. C'est l'obliger à savoir ce que, dans certains cas,
même la science n'a pas encore découvert.
Nous sommes persuadés qu'une des conséquences
sérieuses du projet de loi no 17 sera de légaliser un nombre
indésirable de grèves illégales. L'argument de la
sécurité servira à les déclencher ou à tout
le moins, à les justifier après coup. Les exemples de cet
énoncé commencent à se faire nombreux. Et s'il fallait que
les employés soient compensés pour toutes les occasions
où, de "bonne foi" ils cessent le travail pour des motifs de
santé et de sécurité, la somme des heures perdues
risquerait de s'élever dangereusement et les coûts pourraient
même être fatals pour de nombreuses entreprises.
Nous croyons que, si l'entreprise doit être
considérée comme l'ultime responsable de la santé et de la
sécurité dans ses établissements, on ne doit pas lui
imposer des contraintes qui l'empêchent d'assumer ses obligations. Les
comités paritaires avec pouvoir de décision constituent une
anomalie que nous nous devons de dénoncer.
De même, dans le meilleur intérêt de la santé
et de la sécurité, nous devons dénoncer l'idée de
la création du poste de "Représentant à la
Prévention" tel que proposé. On conçoit mal que l'on s'en
remette à une élection pour le choix de la personne devant jouer
ce rôle. Le rôle est, quant à lui, ambigu puisque le
Représentant à la Prévention est à la fois juge et
partie. La santé et la sécurité au travail est un des
domaines des plus complexes et dans lequel on ne s'improvise pas
spécialiste. Il est même à craindre que le pouvoir de
décision aux mains de personnes non averties constitue un autre risque
à la santé et à la sécurité des
travailleurs.
De plus, les pouvoirs de décision dévolus aux inspecteurs
sont à notre avis beaucoup trop larges et peuvent constituer une entrave
à la survie même de certaines entreprises.
Enfin, nous croyons que les lois et les règlements actuellement
en vigueur nous apparaissent suffisants et que, s'il y a encore aujourd'hui un
trop grand nombre d'accidents et de maladies au travail, ce n'est pas par
manque de législation. L'AMC souhaite que l'État assume ses
responsabilités envers tous les partenaires concernés non pas en
cherchant à "innover" mais plutôt en veillant à une
application plus stricte de la législation actuelle.
Avant de vouloir tout chambarder, le gouvernement devrait notamment:
procéder à une étude adéquate de la
situation qui tiendrait compte de tous les facteurs inhérents à
la santé et à la sécurité au travail; mettre
l'accent sur le développement de compétences dans le domaine de
la santé et de la sécurité au travail; offrir aux
entreprises l'aide dont elles ont besoin dans la détection des
problèmes et dans la découverte des solutions appropriées;
développer l'expertise nécessaire afin de suppléer
aux lacunes des entreprises dans ce domaine.
Un projet de loi sur la santé et la sécurité de nos
travailleurs est beaucoup trop important pour qu'il soit adopté de
façon expéditive. L'Association des manufacturiers canadiens,
Division du Québec, recommande donc qu'il soit repensé et
réécrit à la lumière des considérations et
recommandations qui vous ont été et vous seront soumises par les
principaux intéressés.
ANNEXE B
ORDRE DES INFIRMIERES ET INFIRMIERS DU QUEBEC
Commentaires du Bureau de l'ordre relatifs au projet
de loi no 17 Loi sur la santé et la sécurité du
travail
Août 1979
La santé des travailleurs fut, depuis toujours, l'objet des
préoccupations professionnelles des infirmières et des infirmiers
du Québec. Ces professionnels de la santé ont suivi le cours de
l'histoire en étant engagés directement dans la distribution de
services de santé aux travailleurs. Conscient des lacunes, de la
nécessité d'une remise en question et d'une réforme en
profondeur dans ce domaine, c'est avec un intérêt soutenu que le
Bureau de l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec a pris
connaissance d'abord du livre blanc concernant la santé et la
sécurité au travail, puis du projet de loi no 17 qui propose des
mesures législatives quant à la santé et la
sécurité du travail.
Ce document présente donc les commentaires du Bureau de l'ordre
relatifs au projet de loi no 17. La première partie de ce document
comprend quelques commentaires généraux portant sur l'ensemble
des dispositions énoncées dans ce projet, tandis que la
deuxième partie apporte des commentaires spécifiques sur certains
articles.
Commentaires généraux
Le livre blanc sur la santé et la sécurité au
travail publié en 1978 avait identifié les éléments
de la réforme que le gouvernement voulait amorcer en matière de
santé et de sécurité des travailleurs. Entre autres, le
livre blanc contenait une description détaillée et objective de
la situation qui prévaut à l'heure actuelle quant aux accidents,
aux maladies et aux décès occasionnés par le travail.
L'analyse de cette situation a permis au gouvernement de mettre en
évidence la diversité et le manque de coordination des
différentes lois régissant la santé et la
sécurité du travail ainsi que l'absence de mécanismes
facilitant la solution des problèmes des travailleurs.
Dans la présentation de ce livre blanc, il est mentionné
"qu'une politique de développement social doit comporter l'ambition
légitime de créer les conditions qui permettront que soient
reconnues la valeur et la dignité fondamentales de l'être humain
sous tous les aspects de son existence et dans tous les lieux de son
activité".
Le Bureau de l'ordre s'étonne donc que la politique d'ensemble
qui se dégage des différentes dispositions du projet de loi no 17
soit limitée uniquement à l'élimination des accidents au
travail et de leurs sources ainsi qu'à la prévention, au
dépistage et au traitement des maladies professionnelles. En effet,
l'approche utilisée privilégie uniquement cet aspect de la
santé et ne tient pas compte de l'individu dans sa totalité et de
toutes les dimensions inhérentes à une politique globale de
santé, tel que semblaient le préconiser les concepts
véhiculés dans certains chapitres du livre blanc sur la
santé et la sécurité au travail.
La politique de santé au travail devait s'attarder non seulement
aux risques occupationnels, c'est-à-dire attribuables au milieu de
travail et à la tâche exécutée, mais
également aux facteurs de risques inhérents à l'individu
quant à sa santé physique, psychologique et sociale. Dans
l'optique d'une approche globale de la santé portant sur tous les
aspects de l'existence de l'être humain dans son milieu de travail, le
Bureau de l'ordre aurait souhaité que le cadre législatif
concernant la réforme en profondeur du régime de santé et
de sécurité au travail détermine également des
mécanismes et des structures favorisant l'intégration et
l'unification de tous les services de santé fournis par les
différents professionnels et travailleurs de la santé dans ce
domaine.
Le maintien et l'amélioration de la santé et du
bien-être de la population québécoise dans son milieu de
travail ne peuvent constituer la responsabilité unique de
médecins détenant toute autorité. Loin de mettre en doute
l'apport des médecins au niveau de la médecine du travail, il
n'en demeure pas moins que d'autres professionnels de la santé ont un
rôle à jouer, tant en regard de la promotion de la santé,
de la prévention de la maladie, du traitement et de la
réadaptation qu'en regard de l'aide nécessaire à une
adaptation, à une réinsertion sociale ou à une
réinsertion au milieu de travail. Cette approche globale ne se
réalise que dans le contexte d'une approche multidisciplinaire en vue de
faciliter la prise en charge par l'individu de sa santé,
indépendamment de son milieu de vie.
Il ne semble pas utopique de penser que le travailleur est d'abord et
avant tout cette personne vivant dans une famille, une communauté, une
collectivité. En ce sens, le projet de loi no 17 est limitatif puisque
la politique d'ensemble préconisée porte uniquement sur les
mesures nécessaires pour assurer la sécurité et
l'intégrité physique des travailleurs et passe sous silence, en
quelque sorte, la santé de l'individu ainsi que les conséquences
de ce niveau de santé sur l'ensemble de sa situation de vie tant au
niveau du travail qu'au niveau familial et communautaire au sein de la
société.
Tout individu a droit à des conditions de travail qui respectent
sa santé, sa sécurité et son intégrité
physique, telles que mentionnées à l'article 8 du projet de loi
no 17. Il n'est certes pas inutile de
préciser que la conception de la santé au travail
dépasse la notion de santé du travail quant à l'absence de
sources d'accidents ou bien l'absence de sources de maladies professionnelles
puisque, en plus de la protection de son intégrité physique,
l'individu a le droit au maintien et à la promotion de son
intégrité biopsychosociale lorsqu'il travaille.
Néanmoins, dans une perspective limitée à la
santé et la sécurité du travail, le Bureau de l'ordre ne
peut qu'approuver les dispositions législatives qui permettent
l'établissement de mécanismes clairs et précis de
participation des travailleurs et des employeurs dans le but d'éliminer
les causes d'accidents au travail et les maladies professionnelles. Ce projet
de loi spécifie le cadre à l'intérieur duquel pourra se
développer cette participation des travailleurs et des employeurs afin
"que le monde du travail soit en mesure d'assumer lui-même la
responsabilité première des mesures de santé et de
sécurité qui lui sont nécessaires" dans le domaine des
accidents et des maladies attribuables à un travail.
Le fait d'établir un cadre juridique et administratif
unifié assurera un fonctionnement intégré et universel du
régime préconisé, tout en respectant de façon
uniforme les droits des travailleurs, tels que précisés à
l'article 9 et ce, quel que soit le milieu de travail. De plus, il est
évident que la reconnaissance des responsabilités des divers
intervenants du monde du travail ainsi que la clarification de leurs droits et
de leurs obligations sont des éléments législatifs qui
concourront indéniablement à l'élimination de l'ensemble
des risques qui existent sur les lieux de travail, tant au niveau des sources
d'accidents qu'au niveau des causes de maladies professionnelles.
Le Bureau de l'ordre désire souligner également que cette
réforme dans le domaine de la prévention
bénéficiera à tous les travailleurs, que ce soit dans un
sens de formation, d'information ou de recherches reliées à un
ensemble de problèmes occasionnés directement par le travail.
Sans conteste, la réforme de la politique québécoise en
matière de prévention d'accidents et de maladies professionnelles
ne pourra qu'avoir un impact réel sur un aspect du niveau de
santé et de qualité de vie de la population. En effet, le projet
de loi no 17 facilite la protection de la santé physique du travailleur
tout en lui procurant, en tant que premier intervenant directement
concerné, les mécanismes indispensables à la prise en
charge de l'élimination des sources d'accidents du travail et de
maladies professionnelles.
Le respect de certains droits fondamentaux des travailleurs et
l'implantation des structures préconisées telles: les
comités paritaires de santé et de sécurité au sein
des établissements, les représentants à la
prévention, les services d'inspecteurs, les associations sectorielles
paritaires et la commission de la santé et de la sécurité
du travail sont certes indispensables à l'objectif unique que veut
atteindre le gouvernement.
Considérant le rôle respectif de chaque structure, il
apparaît que celui de la commission et son pouvoir de
réglementation ne peuvent que faciliter l'application des dispositions
législatives prévues, quelle que soit la situation
géographique de l'établissement au sens de l'article
1-14°.
Les dispositions prévues au projet de loi portent à croire
que la commission assume, entre autres, la responsabilité
d'élaborer et de rédiger des programmes cadres strictement
réservés à l'aspect de la santé du travail.
Évidemment, le Bureau de l'ordre pourrait s'interroger si le
législateur conférait à la commission l'autorité et
le pouvoir d'élaborer et de rédiger tous les programmes cadres
cernant tous les aspects de la santé au travail. D'ailleurs, la
politique inhérente au système de santé actuel
reconnaît aux départements de santé communautaire cette
responsabilité d'établir des programmes cadres de santé
afin d'assurer leur applicabilité en fonction des besoins réels
d'une population donnée et des ressources disponibles.
En effet, le concept de la santé au travail implique
nécessairement la contribution d'une équipe multidisciplinaire
formée de professionnels de la santé et de professionnels de la
sécurité qui, non seulement en consultation, mais en
collaboration avec les travailleurs et les employeurs, planifie, coordonne, met
en application et évalue ses propres programmes de santé. Or,
dans l'optique du projet de loi, la commission ne concourt qu'au
développement de mécanismes favorisant le respect des droits des
travailleurs tels que définis à l'article 9 en fonction "de
services de santé préventifs et curatifs" reliés aux
risques ou dangers auxquels peut être exposé l'individu à
son travail selon la catégorie d'établissement.
En tenant compte de ce qui précède, le Bureau de l'ordre
ne voit aucun inconvénient à ce que les médecins soient
responsables d'élaborer des programmes de santé
spécifiques aux différents établissements et de veiller
à leur mise en application, tel que spécifié à
l'article 93. Puisque le projet de loi a pour unique objet l'élimination
des causes d'accidents du travail et de maladies professionnelles, le contenu
de ces programmes devra porter essentiellement sur la surveillance
médicale, la prévention des maladies professionnelles, leur
dépistage, leur diagnostic et leur traitement.
Un autre élément qui laisse croire au Bureau de l'ordre
que les médecins ne seraient responsables que de la mise en application
de programmes de santé relatifs à l'identification et à la
prévention des causes d'accidents ou de maladies professionnelles est le
fait que le législateur utilise, à l'article 98, le terme
"dossier médical". Puisque le législateur utilise dans la Loi sur
les services de santé et les services sociaux le terme "dossier du
bénéficiaire", on ne peut que conclure que le dossier
médical est vraiment relié à un diagnostic de maladie et
à son traitement.
Si la responsabilité médicale concernait tous les aspects
de la santé au travail, le Bureau de l'ordre s'objecterait à ce
que les infirmières et les infirmiers, pouvant être
considérés comme ressources professionnelles au sens de l'article
97, soient soumis à l'autorité médicale,
particulièrement dans l'élaboration, la mise en application et
l'évaluation de programmes de soins infirmiers en santé au
travail.
En effet, il demeure que les infirmières ou les infirmiers ont
une profession d'exercice exclusif reconnu par le législateur et que
leur autonomie et leur spécificité professionnelles ne donnent
aucun droit aux autres professionnels de la santé de les assujettir
à leur autorité.
Les infirmières et les infirmiers ont été à
l'origine de l'offre de services en matière de santé dans les
différentes industries. Pour ne citer que l'exemple de la compagnie Bell
Canada, en 1914, les travailleurs bénéficiaient de services de
santé assurés par les infirmières dans leur lieu
même de travail.
Enfin, le Bureau de l'ordre ne peut penser que le gouvernement a voulu
soumettre d'autres professionnels de la santé qui oeuvrent dans les
milieux de travail aux seuls contrôle et autorité d'un
médecin responsable, d'un chef de département de santé
communautaire ou même de la commission sur la santé et la
sécurité du travail.
Lors de la mise en application des dispositions législatives, il
faudra donc prévoir des moyens pour éviter que le régime
proposé ne devienne un système parallèle
privilégié et qu'il ne dépasse le cadre prévu de
protection de la santé, de la sécurité et de
l'intégrité physique des travailleurs. Outrepasser les
dispositions législatives serait prétendre avoir les
connaissances, le pouvoir et l'autorité d'exercer seul les
responsabilités qui peuvent certes être assumées, de par la
Loi sur les services de santé et les services sociaux, par les
différents établissements du système de santé et,
conséquemment, par les différents professionnels de la
santé.
En résumé, le Bureau de l'ordre a voulu mentionner
certains avantages découlant des dispositions législatives du
projet de loi no 17. De telles dispositions ne pourront qu'apporter des
solutions au nombre considérable et inadmissible d'accidents qui se
produisent dans les milieux de travail et au nombre, souvent inconnu, de
maladies professionnelles occasionnées par l'exécution d'un
travail.
De plus, le Bureau de l'ordre a également voulu faire part du
sentiment d'inconfort qu'il ressent vis-à-vis de ce projet de loi.
À cause du libellé des articles, certains pourraient croire en
une réforme en profondeur de tous les services de santé et de
sécurité des travailleurs. La santé au travail
dépasse le cadre de la médecine du travail et une réforme
complète exigerait non seulement une unification et une
intégration des structures nécessaires à la
sécurité et à la salubrité des milieux de travail,
mais également une unification et une intégration de tous les
services reliés à la santé au travail en les incorporant
au sein des départements de santé communautaire et des centres
locaux de services communautaires. Dès lors, les programmes de
santé et de sécurité au travail pourraient être mis
en application, tout comme les programmes de soins à domicile, de
santé scolaire ou autres. Dans cette ligne de pensée, les
professionnels de la santé auraient pu réaliser des objectifs de
promotion de la santé en plus d'axer une partie de leurs actions vers la
prévention des agents causals d'accidents et de maladies
professionnelles.
Cette façon de vivre la santé au travail aurait
empêché le législateur de devoir, par l'article 96, donner
la responsabilité à l'employeur de combler les lacunes en devant
défrayer lui-même tous les programmes additionnels concernant les
autres aspects relatifs à la santé ou à la
sécurité des travailleurs. Ces autres aspects sont non moins
importants puisque ce n'est que par une approche globale et réelle de la
santé que les travailleurs assumeront la prise en charge de leur
santé tant physique, psychologique que sociale.
Commentaires spécifiques
Puisque le Bureau de l'ordre croit que le projet de loi no 17 ne touche
qu'un aspect de la santé de l'individu vivant une partie de son temps
dans un milieu donné, il désire apporter des commentaires plus
spécifiques sur quelques articles. À partir de l'ordre de
présentation des dispositions énoncées au projet de loi,
le Bureau veut souligner certains aspects qui devraient être retenus pour
que la santé et la sécurité au travail soient
considérées dans leur entité.
Chapitre III Droits et obligations Section I:
Le
travailleur -1. Droits généraux article 8 Une politique
globale de santé au travail devrait tenir compte du travailleur dans ses
dimensions physique, psychologique et sociale. article 9.1 La notion de danger,
telle qu'utilisée, laisse supposer que seulement les menaces à la
santé physique et les agresseurs pouvant causer des accidents d'ordre
physique sont visés. N'y aurait-il pas lieu d'être plus
précis quant à la nature de ces dangers? article 9.2 Seuls les
services préventifs et curatifs sont mentionnés en fonction de
dangers ou de risques. La santé au travail implique d'autres types de
services de santé en vue d'atteindre les objectifs de maintien de
l'intégrité psychologique et sociale, de promotion de la
santé, de réadaptation et de réinsertion sociale ou de
réinsertion dans un milieu de travail.
-2. Droit de refus article 11
Le danger dans l'exécution d'un travail peut trouver son origine
dans l'environnement, dans la machinerie ou l'instrumentation et dans les
produits utilisés. Il faudrait également s'attarder à
l'individu lui-même dont la condition peut constituer une menace pour sa
santé, sa sécurité ou son intégrité totale
et celles de ses collègues. L'ajout d'un autre article
reconnaîtrait au travailleur le droit par exemple, de refuser
d'exécuter un travail lorsqu'il n'est pas en mesure d'assumer
complètement la responsabilité de ses fonctions à cause de
sa situation de santé. article 17 Lorsqu'une situation dépasse le
cadre de la sécurité et de l'intégrité physique, le
comité pourrait déléguer un représentant de
l'employeur et un représentant des travailleurs mais également
considérer l'importance de la présence d'une personne ressource
en matière de santé. article 18 L'examen de la situation de
santé de l'individu exige qu'une personne ressource en la matière
puisse donner son point de vue quant à la décision du travailleur
de refuser d'exécuter un travail à cause d'un danger pour sa
santé ou celle de ses collègues. articles 20-21 L'intervention
d'un inspecteur à la prévention peut s'avérer importante
dans la détermination des dangers autorisant le travailleur à
refuser d'exécuter son travail. En matière de santé au
travail, il devrait nécessairement avoir recours aux qualifications de
personnes ressources. -3. Retrait préventif de la travailleuse
enceinte
Articles 32-33 II est heureux de retrouver le souci de procurer à
la travailleuse enceinte des conditions de vie au travail qui tiennent compte
de sa santé physique et de celle de l'enfant à naître en
lui reconnaissant le droit d'être affectée à des
tâches ne comportant pas de danger ou de cesser de travailler
jusqu'à ce qu'une nouvelle affectation soit faite. Cependant, puisque le
fait d'avoir un enfant ne constitue pas un état pathologique, un
certificat de santé illustrerait certainement davantage la situation de
vie et de santé de la mère qu'un certificat médical.
De plus, des dispositions concernant la santé au travail pour la
femme devraient considérer la période post-partum qui est tout
aussi importante que la période ante-partum.
Dans un avenir rapproché, la préoccupation de la
santé au travail pour la travailleuse enceinte et,
ultérieurement, pour la travailleuse mère de famille, ne se
limitera pas à ces seules dimensions. Le conjoint, dans la
période post-natale, joue un rôle tout aussi important que la
mère et, dès lors, des conditions de travail particulières
devront être envisagées pour le conjoint dans le but de promouvoir
la santé de cette famille.
Section II:
L'employeur -1. Droits généraux
article 39 Les employeurs devraient bénéficier des services de
formation, d'information et de conseil offerts d'une part par les
professionnels de la santé oeuvrant actuellement dans les
établissements de santé du réseau des affaires sociales et
d'autre part, par des professionnels de la sécurité.
Cette vision de la santé au travail demande la stabilité
des professionnels afin d'établir une continuité dans le
processus de prise en charge de la santé et de la sécurité
par les milieux de travail. -2. Obligations générales article 40
Une approche de la santé au travail devrait considérer autant les
mesures reliées à la salubrité et à la
sécurité du lieu de travail que les mesures reliées
à la protection et à la promotion de la santé globale des
travailleurs. -3. Le programme de prévention article 48 Quoiqu'un
programme de prévention "a pour objectif d'éliminer à la
source même les dangers pour la santé, la sécurité
et l'intégrité physique des travailleurs" et que, selon l'article
93, "le médecin responsable doit élaborer, en consultation avec
l'employeur et le comité de santé et de sécurité,
un programme de santé spécifique à l'établissement
et voir à sa mise en application", il demeure que la santé au
travail doit être pensée,
planifiée, vécue et évaluée en respectant
l'individu comme un tout vivant selon un continuum santé-maladie et
devant s'adapter à une situation de travail particulière. Les
éléments de ce programme quant à la protection, la
formation, l'information, l'adaptation, la surveillance, l'hygiène et la
sécurité ne doivent pas porter uniquement sur les moyens de
protection individuelle et les dangers auxquels les travailleurs peuvent
être exposés. Le travailleur étant un "tout" indissociable,
la prévention en matière de santé devrait dépasser
le cadre de la prévention des accidents et des maladies
professionnelles. Ainsi le programme de prévention devrait contenir des
éléments concernant les moyens que peuvent utiliser les
travailleurs pour prendre en charge leur santé compte tenu de leur
situation individuelle ou collective, de la nature du travail et de
l'environnement dans lequel ils vivent ce travail.
Chapitre IV Les comités de santé et de
sécurité article 60 Une politique de santé au travail
considérant l'individu en santé plutôt que l'individu
potentiellement malade ne peut se restreindre à médicaliser ses
approches. Les membres de l'équipe multidisciplinaire pourraient tout
aussi bien participer aux réunions du comité de santé et
de sécurité selon leur domaine de compétence et notamment,
l'infirmière ou l'infirmier. article 63 La sécurité et la
santé au travail englobent tous les aspects relatifs à la vie des
travailleurs et ne peuvent pas être limitées à une
médicalisation des services de santé. En ce sens, le
comité devrait collaborer à l'élaboration des
modalités d'application de tous les éléments constitutifs
du programme de santé global établi pour l'établissement
en vue de protéger et de promouvoir la santé des travailleurs. De
plus, le comité devrait recevoir et étudier les informations
statistiques produites non pas strictement en fonction des accidents et des
maladies professionnelles mais en fonction de tous les aspects de la
santé au travail.
Enfin, la tenue de registres devrait dépasser le cadre "des
accidents du travail, des maladies professionnelles et des
événements qui auraient pu en causer".
Chapitre V Le représentant à la prévention
article 69 Dans une approche globale de la santé du travailleur, le
représentant à la prévention ne peut fonctionner
isolément. Il pourrait devenir un précieux collaborateur pour
l'équipe multidisciplinaire lors de l'identification de certains
besoins, du choix d'intervention, de l'observation ou de l'évaluation
des résultats obtenus chez les travailleurs.
Chapitre VIN Les services de santé au travail Section I:
Les programmes cadres et les contrats types article 81 La Commission
élabore et rédige des programmes cadres répondant aux
objectifs de santé et de sécurité du travail en vue du
maintien de l'intégrité physique du travailleur. Les programmes
cadres de santé globale devraient être élaborés et
rédigés par les départements de santé communautaire
à partir de l'évaluation des besoins de santé des
travailleurs oeuvrant dans une région déterminée. Cette
façon d'entrevoir les programmes cadres de santé au travail ne
limiterait pas l'utilisation des ressources professionnelles de l'équipe
multidisciplinaire des centres locaux de services communautaires dans la mise
en application de ces programmes dans les établissements.
Section II:
Dans les établissements article 86
Cette section porte à croire que le médecin sera libre de choisir
le lieu où les services seront fournis aux travailleurs et ce, sous son
autorité.
Une perspective globale de santé au travail qui
considérerait l'apport des professionnels de la santé des centres
locaux de services communautaires éviterait sans aucun doute de
médicaliser les services et reconnaîtrait que la
responsabilité de la mise en application des programmes de santé
au travail devrait être assumée par les membres de l'équipe
multidisciplinaire eux-mêmes en collaboration avec les travailleurs. Cet
état de fait ne limite pas la distribution de services de santé
qu'au centre local de services communautaires. Des ententes peuvent être
conclues avec les employeurs, les travailleurs afin d'assurer des services
complets de santé dans les établissements par le truchement des
professionnels de la santé rattachés au centre local de services
communautaires.
articles 91-92 Des mesures législatives qui reconnaîtraient
que les professionnels de la santé, s'ils ont la formation et les
qualifications requises, puissent être responsables des services de
santé au travail que ce soit au sein des départements de
santé communautaire, des centres locaux de services communautaires ou
des établissements, devraient reconnaître, entre autres, que les
professionnels responsables puissent être démis de leurs fonctions
après une évaluation de leur compétence professionnelle
effectuée par un de leurs pairs.
Section III: Le programme de santé au travail articles
93-96 Si l'on parle de programmes de santé limités aux accidents
du travail et aux maladies professionnelles, la participation médicale
est au premier plan.
Par contre, si l'on pense à un programme global de santé
au travail qui considère le travailleur dans sa totalité et selon
son expérience de vie, il faudrait s'attarder à tous les besoins,
les problèmes et les préoccupations de la vie courante auxquels
s'ajoutent les risques à la santé inhérents à
l'environnement, au milieu lui-même et aux tâches à
exécuter.
Une politique globale de santé au travail se traduit par
l'intérêt des professionnels de la santé à apporter
au travailleur la formation, l'information et les services indispensables afin
qu'il s'assure de la sécurité de son environnement, qu'il soit en
mesure de prévenir les causes d'accidents, d'intoxications et
d'infections à leurs sources, qu'il reçoive les soins curatifs
mineurs s'il y a lieu, qu'il reconnaisse les déficiences et les lacunes
de son milieu de travail, qu'il maintienne son intégrité physique
et mentale, qu'il favorise son adaptation dans la mesure où ses
fonctions et ses tâches répondent aux exigences à la base
de la conservation de la qualité de vie et de la promotion de la
santé. Un tel programme de santé au travail devrait être
élaboré par les professionnels de la santé en
collaboration plutôt qu'en consultation avec l'employeur et les
travailleurs. Dans cette ligne de pensée, il y aurait peu de risques que
l'employeur doive penser à un programme de santé additionnel
à ses frais puisque la santé au travail devrait couvrir toutes
les dimensions de la santé et de la vie de l'individu qui travaille.
Section IV: Rôle du médecin responsable article 97
Lorsque l'on aborde la médecine du travail, il faut penser aux
ressources professionnel- les, techniques et financières indispensables
à une telle action. Ces ressources ne sauraient être
laissées cependant à la seule évaluation de
médecins. article 98 Afin de refléter tous les aspects de la
santé du travailleur et le caractère multidisciplinaire du
dossier, l'appellation "dossier de santé" est à juste titre plus
significative du sens donné au profil de la condition de santé du
travailleur. Le "dossier de santé" reflète les résultats
des interventions des divers professionnels de la santé, membres de
l'équipe multidisciplinaire. Les informations transmises aux
différents intervenants dépasseraient alors le cadre "des
déficiences dans les conditions de santé physique, de
sécurité ou de salubrité susceptibles de nécessiter
une mesure de prévention". article 99 De plus, une réelle prise
en charge par le travailleur de sa santé et de sa sécurité
peut laisser entrevoir la possibilité de laisser au travailleur la garde
de son "dossier de santé". Cette approche impliquerait, il va de soi,
une révision de l'organisation des services de santé qui
remettrait entièrement entre les mains du travailleur, non seulement la
prise en charge de sa santé, mais aussi toutes les informations qui s'y
rattachent.
Section V:
Le chef du département de santé
communautaire article 100 Les départements de santé
communautaire sont responsables d'élaborer, de mettre en oeuvre et de
développer des programmes de santé physique et mentale et des
services préventifs en collaboration avec les centres locaux de services
communautaires. Les centres locaux de services communautaires doivent assurer
à la communauté des services de prévention et d'action
sanitaires et sociales.
Dans cette optique, comment le département de santé
communautaire pourra-t-il jouer son rôle en ce qui concerne
l'intégration des programmes de santé au travail puisque les
programmes cadres de santé et sécurité du travail seront
élaborés et rédigés par la Commission et
appliqués directement dans les établissements par le truchement
des médecins responsables?
En considérant la prise en charge de la santé par le
travailleur et l'employeur, il s'avère important de maintenir une
cohérence et une continuité de pensée à tous les
niveaux de la structure organisationnelle du système de
santé.
À ce titre, le département de santé communautaire
peut apporter sa contribution en formulant des recommandations en ce qui a
trait aux qualifications et au nombre de professionnels de la santé
requis pour répondre aux objectifs de santé au travail. Il
demeure toutefois que le comité de santé et de
sécurité du travail ou, s'il n'y en a pas, des
représentants des travailleurs et des employeurs devraient, en
collaboration avec les membres de l'équipe multidisciplinaire, prendre
en charge l'organisation de la distribution des services de santé.
L'évaluation des programmes de santé spécifiques devrait
être effectuée par les professionnels de la santé et le
comité de santé et de sécurité. Les
résultats de cette évaluation devraient être transmis
à tous les intervenants sans oublier les employeurs et les travailleurs
qui bénéficient de ces services.
Chapitre IX La commission de la santé et de la
sécurité du travail Section I: Constitution articles 107-109
La responsabilité de la Commission est de première importance en
vue de protéger la santé et d'assurer la sécurité
et l'intégrité physique des travailleurs. Cependant, il va sans
dire que l'apport de l'infirmière ou de l'infirmier peut être
indispensable soit en tant que directeur adjoint ou en tant qu'observateur,
pour maintenir à jour des objectifs d'acceptabilité,
d'accessibilité et d'efficacité en matière de soins
infirmiers et ainsi éviter la fragmentation des ressources en
multipliant le nombre d'intervenants.
Section II:
Les fonctions de la Commission article 129 Une
réelle prise en charge de la santé au travail par l'individu
lui-même sous-tend que les professionnels de la santé favorisent
un processus d'apprentissage chez les travailleurs. Des méthodes et des
programmes de formation doivent donc être élaborés pour les
personnes directement concernées par la prévention des accidents
du travail et des maladies professionnelles, mais aussi pour les travailleurs
eux-mêmes. Les programmes de formation ne doivent pas être
conçus dans le but de spécialiser les travailleurs et laisser
croire qu'ils peuvent suppléer à la responsabilité qui
incombe aux professionnels de la santé et aux professionnels de la
sécurité. Ces programmes doivent tendre à donner le
maximum d'information et de formation pour rendre réalisable la prise en
charge de la santé.
Pour être vraiment facilitateur en matière de santé,
il faut également que le ministre de l'Éducation reconnaisse la
nécessité de réviser et d'inclure, au niveau de la
formation des professionnels de la santé, les éléments de
contenu indispensables à une formation préparant les futurs
professionnels à jouer le rôle qui leur est dévolu par les
besoins même de la collectivité au travail.
La recherche s'avère importante, tant au niveau sectoriel qu'au
niveau provincial. Cependant, la santé et la sécurité du
travail peuvent aussi être améliorées par des initiatives
de recherche entreprises dans les différents établissements par
des professionnels de la santé.
Ces agents de recherche en matière de santé, tout en
étant à l'affût des nouveautés internationales,
nationales et provinciales pourraient diffuser l'information, identifier les
besoins et aider les groupes et les milieux qui désireraient
entreprendre une recherche dans le domaine de la santé du travail.
Enfin, si le gouvernement entrevoit, dans une phase ultérieure,
une réforme complète en vue d'intégrer tous les services
de santé et de sécurité au travail, il faut dès
maintenant prévoir des mécanismes afin que les fonctions de la
Commission s'ajustent aux fonctions des différents organismes
responsables de l'approche globale de la santé des travailleurs. Les
pouvoirs de la Commission se verraient alors complémentaires aux
pouvoirs des autres organismes de la santé du réseau des affaires
sociales, de façon à éviter un parallélisme dans
les modes de distribution des services de santé aux travailleurs.
Chapitre X Inspection article 135 L'accès d'un inspecteur
à tous les livres, registres et dossiers d'un employeur, d'un
maître d'oeuvre, d'un fournisseur ou de toute autre personne qui exerce
une activité dans les domaines visés dans ce projet de loi est
indispensable pour lui permettre de remplir judicieusement ses fonctions.
II demeure toutefois qu'il n'est pas du ressort de l'inspecteur
d'évaluer globalement la condition de santé du travailleur et
qu'il n'est donc d'aucun intérêt à ce qu'un pouvoir lui
soit accordé pour s'immiscer dans les dossiers de santé du
travailleur. Seul un expert en matière de santé au travail
pourrait, avec l'autorisation du travailleur, prendre connaissance de son
dossier de santé. article 139 Lorsqu'un problème de santé
nécessite l'intervention de personnes ressources en la matière,
l'inspecteur pourrait accompagner le professionnel de la santé mais
c'est à ce dernier que revient la responsabilité
d'interpréter la situation de santé.
Chapitre XI Dispositions particulières
relatives aux chantiers de construction
Ce chapitre comprend des dispositions particulières aux chantiers
de construction dont les conditions de travail sont bien spéciales. Dans
une approche globale de la santé, il devient impérieux de mettre
à la disposition des travailleurs de la construction, dans les plus
brefs délais, des programmes et des services de santé et de
sécurité sur les lieux mêmes de leur travail.
Les expériences passées démontrent un manque
évident quant à la disponibilité des services de premiers
soins sur les chantiers de construction et ce, particulièrement dans les
régions éloignées. Pourtant, ces travailleurs sont en
droit d'attendre des services de santé offerts par des professionnels de
la santé, tout comme dans les milieux urbains. On ne saurait
prétendre que la qualité des soins donnés par des
préposés qualifiés en secourisme puisse égaler la
qualité des soins donnés par des professionnels de la
santé!
Bien que des dispositions législatives s'attardent aux chantiers
de construction, il demeure qu'une définition de "services de premiers
secours" et de "services de santé" éviterait des malentendus de
la part de certains intervenants désireux de s'approprier un champ
d'exercice qui ne relève pas de leur compétence.
Les travailleurs de la construction ont les mêmes droits que les
travailleurs d'autres établissements de bénéficier des
services distribués par des professionnels de la santé sans que,
pour autant, l'employeur en supporte les frais.
Conclusion
Le Bureau de l'ordre désire par ce document porter à
l'attention du législateur le fait que le projet de loi no 17 semble
répondre au but visant à éliminer les accidents du travail
et les maladies professionnelles qui peuvent occasionner des perturbations de
l'intégrité physique des travailleurs.
Cependant, loin de vouloir minimiser l'effort poursuivi par le
gouvernement dans cette première étape qui vise essentiellement
à vouloir redonner à la population la prise en charge de la
santé et de la sécurité du travail, il demeure toutefois
primordial de reconnaître que la santé et la
sécurité au travail doit considérer l'individu comme un
tout bio-psycho-social vivant une expérience de vie selon un continuum
santé-maladie.
La complexité de l'application d'un système de services
intégrés de santé au travail implique évidemment la
participation de tous les professionnels de la santé ayant reçu
une formation additionnelle et pertinente pour favoriser le processus de
conscientisation des travailleurs en regard de leurs besoins de santé et
de la prise en charge de leur situation.
Enfin, le Bureau de l'ordre désire souligner son désir de
collaborer avec les travailleurs, les employeurs, les organismes
concernés et le gouvernement à l'amélioration de la
situation de vie des individus dans le cadre de leur travail.
ANNEXE C
Mémoire présenté à la
commission parlementaire du travail et de la main-d'oeuvre sur le projet de loi
no 17 "Loi sur la santé et la sécurité au travail"
Fraternité des policiers de la
Communauté urbaine de Montréal Inc.
INTRODUCTION
La Fraternité des policiers de la Communauté urbaine de
Montréal Inc. en sa qualité de syndicat professionnel
dûment accrédité pour représenter les travailleurs
chargés de la protection et de la sécurité publique sur le
territoire de la Communauté urbaine de Montréal, se devait de
présenter au législateur un aperçu de sa philosophie en ce
qui concerne la santé et la sécurité du travailleur.
Cet aperçu sera forcément bref, puisqu'il ne s'agit pas de
profiter de la commission parlementaire siégeant sur le présent
projet de loi pour discuter à fond de problèmes qui, par
plusieurs de ses
aspects, revêtent quand même un caractère de
spécialisation par rapport à l'ensemble de la masse des
travailleurs québécois, et nous tenterons par conséquent,
tout en gardant bien en vue le fait que les policiers sont des travailleurs
dont les obligations et les devoirs sont un peu spéciaux, de discuter
des droits qui devraient leur être reconnus comme à tous leurs
concitoyens au service du public ou de la société, tout en
soulignant à l'occasion quelques cas spécifiques qui ne peuvent
viser que des policiers.
Sur l'ensemble du projet de loi, la Fraternité ne saurait se
prononcer globalement, à savoir si elle l'approuve ou le
désapprouve.
Par la nature de ses fonctions, le policier est habitué à
faire respecter les lois, bonnes ou mauvaises, que le législateur
choisit d'adopter. La société ayant longtemps
considéré et considérant sans doute encore que les
policiers constituent les auxiliaires de la "justice", presque au même
titre que les juges, on s'attend peu ou pas du tout à ce qu'ils se
prononcent, règle générale, sur ce que devrait être
le contenu des lois.
Cette mentalité fait sans doute que, même s'ils s'agit
d'une loi qui affecte ses membres de façon tout à fait directe,
c'est avec beaucoup de circonspection et de sens pratique que la
Fraternité a abordé l'étude du présent projet de
loi.
En conséquence, sur l'ensemble du projet de loi, la position de
la Fraternité pourrait sans doute être résumée en
disant qu'elle ne trouve pas que le législateur ait là
proposé le meilleur système qui puisse être souhaité
pour protéger la santé et la sécurité des
travailleurs et elle se permet même d'exprimer des craintes
sérieuses sur la possibilité, sur le plan pratique, de faire
fonctionner raisonnablement bien et à l'intérieur de
délais acceptables, les différents mécanismes
prévus à cette loi pour en assurer l'application.
Cependant, il semble à la Fraternité que des efforts
louables ont été faits pour améliorer la protection
offerte aux travailleurs, tant dans le domaine de la prévention que de
la réparation des accidents ou maladies professionnelles. Il semble en
conséquence, compte tenu de certaines améliorations que la
Fraternité propose et des nombreuses améliorations qui ont
été suggérées par différents intervenants
devant la commission parlementaire, y compris et surtout celles
suggérées par la F.T.Q. et la C.S.N., et même quelques-unes
par le Conseil du patronat du Québec ou autres organismes, que cette loi
peut effectivement s'avérer avoir été un pas en avant.
Elle peut même permettre éventuellement, d'aller encore plus loin
dans la poursuite du but visé qui est de permettre aux employeurs de
continuer à rechercher le profit, mais jamais en mettant en danger
immédiat ou éventuel la santé et la sécurité
de ceux qui fournissent leur travail pour permettre d'atteindre ce but, et
à la société de se doter de tous les services dont elle a
besoin mais jamais en demandant à certains de ses membres de risquer de
façon immédiate ou éventuelle leur intégrité
physique ou leur santé mentale.
La Fraternité jusqu'à un certain point, reconnaît un
certain courage à la position prise par la C.S.N. qui globalement
rejette ce projet de loi.
La Fraternité constate, comme la C.S.N., que les obligations qui
appartenaient autrefois aux employeurs dans le domaine de la
sécurité et la santé du travail, vont dorénavant
être partagées avec les travailleurs, sans que le projet de loi du
même coup confie à ces mêmes travailleurs les pouvoirs de
décision dans ce champ d'action.
Là où on semble donner des pouvoirs aux comités
paritaires auxquels participent les travailleurs, il existe de toute
façon un droit de veto de l'employeur par l'entremise de ses
représentants aux dits comités, et au cas de désaccord, un
droit d'appel devant un organisme sur lequel les travailleurs n'ont aucun
contrôle.
Il nous semble que le principe de "no taxation without representation"
connu et reconnu pour sa logique et sa justice devrait ici être
appliqué et que l'on ne puisse imposer une "participation sans pouvoir
de décision".
Par ailleurs, et compte tenu de nos premières remarques, le bien
des travailleurs sera peut-être mieux servi en tentant de bonifier la loi
et en la considérant comme une étape.
La Fraternité entend donc adopter une position tout à fait
pragmatique et tenter de faire ci-après des suggestions constructives
dans le but d'améliorer ce projet de loi, tout en appuyant de
façon globale et sans y référer évidemment de
façon spécifique puisque ce n'est pas ici son rôle, les
autres suggestions constructives qui ont pu être faites par d'autres
organismes représentant des travailleurs.
Le policier et la santé et la
sécurité du travail
Le danger constitue le quotidien du policier. Pour faire
disparaître ce danger à la source, la société devra
faire en sorte que disparaisse la violence, la maladie, la folie et donc la
pauvreté, l'intolérance et l'injustice.
En attendant ces jours heureux, le policier accepte de façon tout
à fait consciente, son rôle de gardien et de protecteur de ses
concitoyens, et assume les risques inhérents à sa fonction.
Cependant, tout comme les employeurs doivent assumer complètement
et entièrement le coût des profits qu'ils recherchent, y compris
celui de protéger leurs travailleurs contre toute atteinte à leur
intégrité physique et même mentale, et le cas
échéant, le coût des soins et d'une réparation
adéquate à ce travailleur suite à un malheureux accident
ou à une maladie professionnelle imprévisible, de même
disons-nous, la société doit accepter d'assumer
entièrement et complètement le coût de la protection
qu'elle se donne contre la violence qu'elle génère.
Tant que la société n'aura pas extirpé de son sein
les différents cancers qui la rongent, elle devra fournir aux policiers
tous les outils dont l'efficacité aura été reconnue,
nécessaires à l'accomplissement de sa tâche ingrate, pour
minimiser au maximum les dangers pour le public et pour le policier
lui-même, et qui sont inhérents à son travail et aux
opérations auxquelles il participe.
À plus forte raison si le policier doit y sacrifier son
intégrité physique ou mentale, il doit pouvoir
bénéficier des avantages consentis aux autres travailleurs dont
on a parfois tenté et dont dans certains milieux, on tente encore de le
distinguer.
Analyse de certains articles du projet de loi Article
1, paragraphe 13:
On s'en tient encore ici dans cet article, au "contrat de louage de
services professionnels" comme étant le seul lien possible entre le
travailleur et l'employeur.
Or, il nous semble que cette notion a depuis un certain temps
évolué, et que le droit du travail est maintenant devenu un
régime de droits et obligations en lui-même et a cessé
d'être un appendice au droit civil.
En ce sens, la Cour suprême du Canada a reconnu que, lorsqu'une
convention collective, qui n'est autre chose qu'un contrat collectif, a
été conclue entre un employeur et le syndicat représentant
les travailleurs, le contrat individuel de louage de services n'est pas
seulement complété par ladite convention collective, mais
disparaît entièrement pour y faire place.
C'est d'ailleurs en ce sens que la Cour suprême décidait
aussi que le recours aux tribunaux de droit commun n'était plus permis
au travailleur dès qu'il réclamait un droit lui découlant
de la convention collective, seul lien de droit, répétons-le,
entre lui et son employeur.
Nous vous référons à l'annexe I où nous
avons reproduit certains des jugements de la Cour suprême auxquels nous
référons.
Le paragraphe 13, de l'article I, devrait donc se lire: "employeur": une
personne qui, en vertu d'un contrat de louage de services personnels ou d'une
convention collective ou d'un contrat d'apprentissage, même sans
rémunération, utilise les services d'un travailleur".
Article 1, paragraphe 14:
La Fraternité est tout à fait sensible aux arguments de
certains employeurs qui possèdent plusieurs établissements, par
exemple dans le commerce au détail, plusieurs succursales ou
magasins.
Les policiers de la Communauté urbaine de Montréal sont
répartis sur l'Ile de Montréal dans plusieurs postes qui
constituent autant "d'établissements" jusqu'à un certain point
autonomes.
Comment le législateur entend-il régler ce problème
particulier, plus précisément en ce qui concerne le centre
hospitalier où sera référé le travailleur ou qui
assumera, quant à cet établissement, les responsabilités
que la loi lui confie?
Il est évident que sur le plan pratique, il faut éviter
les déplacements inutiles et trop grands, cependant que, en ce qui
concerne les policiers, la transférabilité d'un
"établissement" à l'autre peut éventuellement causer des
inconvénients sérieux.
La Fraternité suggère que, dans certains cas particuliers,
la Commission de la santé et de la sécurité du travail
puisse définir ce qui doit être considéré comme un
"établissement".
Par ailleurs, nous rejoignons une suggestion du Conseil du patronat et
nous trouvons nécessaire que la définition de
"l'établissement" mentionne non seulement la production de biens et
services, mais également la distribution de biens.
Article 1, paragraphe 18:
Sauf erreur, la loi des accidents du travail définit de
façon spécifique "maladie professionnelle" et contient
également une définition d'"accident".
Comme le présent projet de loi nous semble vouloir couvrir l'un
et l'autre, n'y aurait-il pas lieu que les deux définitions apparaissent
au projet de loi?
Article 1, paragraphe 24:
Les remarques faites au sujet du paragraphe 13 de l'article 1,
s'appliquent ici et la même suggestion est faite.
Article 9:
C'est un euphémisme que de dire que le policier doit être
informé des dangers reliés à son travail. Il vit avec ces
dangers.
Nous voyons donc mal comment on pourrait définir dans un livre
quelconque ou dans un pamphlet destiné aux recrues, les
différents dangers auxquels un policier peut éventuellement faire
face.
Le policier peut aussi bien se retrouver face à des bandits
armés de mitraillettes, transportant une civière dans un escalier
glacé, pénétrant dans une maison en flammes pour tenter de
sauver une vie humaine avant même que les pompiers eussent pu se rendre
sur les lieux ou commandant à ses muscles un effort que normalement
ceux-ci ne pourraient fournir pour tenter de dégager un
accidenté.
Ce travail, par ailleurs, ne "rapporte" rien, est fort peu
apprécié et est souvent terni par l'image que les media
d'information ou certains organismes de rêveurs projettent sur l'ensemble
des policiers, en montant en épingle le cas particulier de l'un de
ceux-ci qui a cédé sous la tension et posé un geste
malheureux, ou qui n'avait tout simplement pas les qualités qu'il
fallait pour accomplir ce travail, sans jamais que l'on puisse justifier contre
lui quelque reproche que ce soit, et la vérification de l'existence chez
un candidat, de toutes les qualités requises, est sur le plan pratique,
tout à fait impossible.
Il n'est donc pas question pour le policier, de réclamer que l'on
prévienne ou abolisse le danger inhérent à son travail, si
ce n'est encore une fois de son souhait de vivre un jour dans une
société plus calme.
Cependant, compte tenu de cette réalité, aucune
société ni aucun organisme à qui on a
délégué le rôle d'employeur des policiers, n'a de
justification quelconque pour refuser à ceux-ci tous les moyens
nécessaires ou simplement utiles, non seulement quotidiennement, mais
même éventuellement utiles, pour minimiser les risques d'atteinte
à l'intégrité physique ou à la santé mentale
des policiers ou des citoyens qu'ils ont la responsabilité de
protéger.
Les exemples précis d'équipement réclamé en
vain depuis des années par les policiers ou obtenu de haute lutte, de
méthodes d'organisation du travail arrachées par voie de
négociations dans le but d'augmenter si possible les chances de survie
et la protection des policiers, démontrent que l'on n'a pas encore
réalisé l'ampleur des responsabilités que l'on avait
vis-à-vis ces soldats de temps de paix.
En temps de guerre, il est bien sûr qu'il faille accepter de
sacrifier un certain nombre de tonnes de chair à canons. Il fut un temps
où les employeurs ont vécu sur la viande à profit.
La société qui accepte d'en sacrifier encore aujourd'hui
sous l'unique inspiration de la politique, de l'économie, de la
négligence ou de l'entêtement, est une société
profondément malade.
Par conséquent, les droits reconnus aux travailleurs à
l'article 9, seront une illusion dans le cas des policiers si les droits ou les
pouvoirs donnés au comité de santé et de
sécurité ou aux représentants à la
prévention ne sont pas des pouvoirs de décision,
exécutoires sans délai, et revenant aux représentants des
travailleurs au cas de désaccord avec les représentants de
l'employeur.
Le policier pas plus que n'importe quel autre travailleur, mais pas
moins non plus, ne peut être considéré comme connaissant
moins bien ce qui peut assurer sa protection et minimiser les dangers pour sa
santé et sa sécurité que son employeur; il est le mieux
placé pour en juger et nous considérons comme carrément
idiots ou malhonnêtes ceux qui allèguent que des travailleurs
abuseront des droits qui leur sont reconnus de protéger leur
santé et leur sécurité comme si on pouvait présumer
qu'un individu, fut-il travailleur ou président de compagnie, pourra un
jour faire trop attention à sa santé ou prendre trop de
précautions pour protéger son intégrité physique ou
sa santé mentale.
Article 11:
Ce droit de refuser de travailler, évidemment quant aux
policiers, doit être interprété comme étant tout
à fait différent de celui des autres travailleurs.
Cependant, la Fraternité considère elle aussi, à
l'instar d'autres organismes syndicaux, que le syndicat accrédité
pour représenter les travailleurs devrait être le seul
représentant de celui-ci et devrait pouvoir non seulement l'appuyer,
mais décider pour lui face au problème du respect de son
intégrité physique et de sa santé.
Conteste-t-on aujourd'hui le droit d'un syndicat de négocier pour
ses membres des conditions de travail et de faire respecter celles-ci?
Existe-t-il une condition de travail plus importante, aussi primordiale
que l'intégrité physique du travailleur, la protection de sa
santé et la prévention des accidents dont il peut être la
victime?
Pourquoi alors laisser, face à cette situation, le travailleur
seul, vulnérable malgré la protection assez timide qui lui est
accordée contre une sanction disciplinaire quelconque pendant un certain
temps, risquant par là que les téméraires, face au danger,
prennent des risques inutiles et trop grands pour eux, leurs compagnons de
travail ou, dans le cas des policiers, pour les citoyens, ou les plus peureux
vis-à-vis l'employeur, ou ceux qui ont déjà un mauvais
dossier et par conséquent ne peuvent prendre de risques, n'osent pas
exercer ce droit avec les mêmes résultats pour eux, leurs
compagnons de travail ou, dans le cas des policiers, les citoyens.
De la même façon qu'un employé qui croit être
lésé dans l'exercice de ses droits lui découlant de la
convention collective doit normalement se plaindre à son syndicat, qui
décide du bien fondé de la plainte avant d'entamer la
procédure de grief et de s'engager dans un arbitrage, ainsi le
travailleur qui considère qu'on ne respecte pas la loi qui, dans bien
des cas ne va pas plus loin que ce qui était déjà
prévu à sa convention collective en ce qui concerne la protection
de sa santé et de sa sécurité, devrait rapporter le fait
à son syndicat qui déciderait du bien fondé de la plainte
et des mesures à prendre,
assurant ainsi une meilleure protection du travailleur, facilitant
à l'employeur la discussion puisque celui-ci s'adresserait aux
mêmes personnes avec qui il négocie habituellement et non pas
à autant de petits syndicats qu'il y a de travailleurs, et assurant
finalement ainsi, pour le bien de tous, une meilleure
"homogénéité" dans les décisions prises,
traçant plus facilement une ligne de conduite et une
interprétation des droits et obligations de chacun.
Raisonner autrement revient à présumer de
l'irresponsabilité des syndicats d'une part, ou à
prétendre que les syndicats protégeraient trop la santé et
la sécurité de leurs membres.
Les employeurs crient à l'abus possible de la part des syndicats.
Or, l'abus de droit n'existe pas; lorsque l'on abuse, on n'exerce plus un
droit, on agit donc illégalement et les recours en dommages et en
injonction existent toujours, les employeurs qui ne s'en sont jamais
privés le savent très bien.
Du côté de l'employeur, le législateur n'a pas
prévu que les responsables de l'application des différents
programmes et de la prévention et de la protection contre les maladies
ou accidents reliés au travail seraient les contremaîtres
individuellement, les surintendants ou les représentants de l'employeur
qui est responsable et que, au surplus, au cas de non-respect de la loi, ses
administrateurs peuvent l'être aussi.
Pourquoi du côté des travailleurs, confier aux travailleurs
seuls la très grande responsabilité que constitue la
décision d'arrêter de travailler et possiblement d'amener
l'arrêt de travail de certains compagnons de travail, ou même
éventuellement l'arrêt total d'une chaîne de production ou
d'une usine?
Ce déséquilibre des forces tient uniquement à une
crainte morbide et toujours présente des employeurs et sans doute
à un manque d'attention de la part du législateur ou à une
incompréhension profonde de l'importance et du rôle du
syndicat.
Article 12:
Compte tenu des remarques faites au sujet de l'article 11, cet article
devrait être modifié.
Les mots "normalement et habituellement" devraient disparaître
puisque l'on ne peut accepter, dans le cas des travailleurs en
général, qu'un travailleur soit normalement et habituellement
soumis à un risque pour sa santé ou sa
sécurité.
S'il existe un risque inhérent à une fonction, le
travailleur en est informé, son syndicat négocie pour lui la
protection nécessaire pour minimiser le risque et le travailleur accepte
d'assumer ce risque.
Par ailleurs, dans certains cas précis, le risque inhérent
à la fonction peut être momentanément augmenté soit
pour des raisons extérieures, mécaniques, climatiques et de toute
façon indépendantes de l'état même du travailleur
soit que, par ailleurs, le travailleur soit momentanément lui-même
affecté au point où les risques inhérents à ses
fonctions soient augmentés.
Tel qu'il a été prévu dans le cas de la
travailleuse enceinte à qui l'on veut permettre le retrait
préventif, de même, dans certains cas, le retrait préventif
devrait être permis aux autres travailleurs.
Ainsi, il y a un risque inhérent à se promener sur des
échafaudages à cinquante ou soixante pieds du sol. Cependant, le
risque est augmenté s'il souffle un vent de cent kilomètres-heure
ou si l'ouvrier est sous le coup de sédatifs ou d'antibiotiques qui ne
l'empêchent pas de travailler mais qui peuvent quand même
l'affecter d'une certaine somnolence ou diminuer ses réflexes.
De même, il serait malsain d'ordonner à un policier d'aller
dissiper une foule si son compagnon de travail vient d'être blessé
par un manifestant. Ainsi, le policier qui vient d'échapper à une
fusillade, n'est peut-être pas le policier tout indiqué pour
répondre à un nouvel appel de vol de banque où il
risquerait peut-être d'appuyer sur la gâchette plus rapidement
qu'autrement il ne l'aurait fait, vu l'état d'esprit dans lequel il se
trouve momentanément.
Nous suggérons donc que l'article 12 se lise comme suit:
"L'exercice du droit visé dans l'article 11 est possible si
l'exécution du travail comporte un risque qui n'est pas inhérent
aux fonctions exercées ou si, à cause de circonstances
particulières, le risque inhérent est momentanément
augmenté."
Article 13:
Compte tenu des remarques faites concernant les droits et
responsabilités du syndicat par rapport à ceux de ses membres,
l'article 13, ainsi que tous les autres où il pourrait être utile
de le faire, devrait être modifié pour prévoir que le
travailleur doit aviser non seulement son supérieur immédiat,
mais son syndicat, de son intention d'arrêter de travailler. Ainsi, le
syndicat et l'employeur pourraient, dans de nombreux cas, trouver une solution
sur le champ, alors que le travailleur laissé seul et qui n'est
même pas tenu de fournir à son employeur les raisons pour
lesquelles il arrête de travailler, n'osera pas changer d'avis et ne sera
pas en mesure de régler quelque problème que ce soit, avant que
le comité de santé et de sécurité n'ait
examiné la question ou qu'un inspecteur soit intervenu.
Le fonctionnement de la loi proposée sera absolument impossible
sans l'existence de la plus grande bonne foi de part et d'autre.
Pourquoi alors prêter la bonne foi uniquement aux employeurs et
aux travailleurs individuellement et ne pas en prêter aussi un peu au
syndicat que le travailleur a mandaté pour le représenter?
Article 19
L'article 19 devrait prévoir que le seul moment où
l'employeur peut faire exécuter le travail par un autre travailleur, est
celui où le salarié qui refuse de travailler le fait en raison de
circonstances particulières qui lui sont propres, personnelles ou
imputables, selon ce que nous avons suggéré à l'article
12.
Dans le cas de deux travailleurs également compétents, et
également en bonne santé, nous ne voyons pas comment un risque
qui n'est pas inhérent à la fonction pourrait être
assumé par un autre travailleur alors qu'il ne peut pas l'être par
celui qui refuse de travailler.
Encore là, l'intervention du syndicat pourrait être fort
utile, nous le répétons.
Article 21 :
Les remarques faites au sujet de l'article 19 s'appliquent
également ici et par conséquent, le deuxième alinéa
de l'article 21 devrait être modifié.
Article 26:
Compte tenu des remarques faites à l'article 19 et compte tenu de
la responsabilité que nous voudrions voir confier aux syndicats, compte
tenu, lorsqu'il n'y a pas de syndicat les travailleurs sont encore plus
démunis, nous considérons que l'employeur ne devrait pas faire
exécuter le travail qu'un travailleur a refusé de faire par un
autre travailleur tant et aussi longtemps que toutes les possibilités
d'appel n'ont pas été épuisées, y compris celui
devant la C.S.S.T.
En effet, on présumerait là que l'inspecteur-chef
régional ou la C.S.S.T. confirmera la décision de l'inspecteur
à l'effet que le refus de travailler ne repose pas sur des motifs
acceptables.
Or, qu'arrivera-t-il si, sur appel devant l'inspecteur-chef
régional ou devant la C.S.S.T., il est finalement convenu que ce
travailleur avait raison de refuser de travailler et que, entre-temps, on a
obligé un autre travailleur à assumer cette fonction et que
celui-ci a finalement été victime de l'accident que le premier
voulait éviter?
Quel profit peut justifier qu'un employeur assume un tel risque?
Quels bénéfices peut retirer la société de
ce que l'on demande à un travailleur des services publics de mettre
ainsi sa santé et sa sécurité en danger, toujours compte
tenu du fait que, dans le cas où il existe une association
accréditée, celle-ci a pu évaluer la situation, discuter
avec l'employeur, chercher une solution possible, etc.
Encore une fois, ceux qui 'abuseront' n'auront qu'à être
traités selon la loi.
Article 27:
Nous croyons qu'il devrait être précisé à
l'article 27, malgré ce qui est prévu à l'article 7, que
le travailleur ne peut par ailleurs être affecté à une
autre tâche, sauf si elle se situe dans sa définition de
tâches et fonctions là où une semblable définition
existe et là où la convention collective empêche que
l'employeur demande au travailleur de faire autre chose que ce pourquoi ce
travailleur a été engagé, que ce pourquoi il est
préparé et ce qu'il a accepté de faire de façon
précise pour l'employeur.
Article 28:
Compte tenu des remarques faites lors de notre étude des articles
11, 12, 19 et 21, nous soumettons que le deuxième alinéa de
l'article 28 ne devrait pas exister.
Article 29:
Nous vous référons aux remarques que nous avons faites
concernant l'article 27, celles-ci s'appliquant évidemment au
présent article mutatis mutandis.
Article 31:
Compte tenu des remarques que nous avons faites concernant le droit et
l'obligation pour le syndicat d'assumer ses responsabilités, compte tenu
de la possibilité pour l'employeur de se faire indemniser au cas
d"abus', nous croyons définitivement que l'employé ne devrait pas
pouvoir faire l'objet de mesures disciplinaires quelconques suite à une
décision qui a été prise par son syndicat et, d'ailleurs
d'imposer une sanction disciplinaire à un travailleur, d'une part risque
d'envenimer toute l'affaire et d'autre part, n'indemnisera pas pour autant
l'employeur.
Par ailleurs, si une mesure disciplinaire, et surtout une suspension ou
un congédiement devait être imposé, le travailleur en
subirait un préjudice même si à la fin il devait être
réintégré, vu les délais inhérents à
l'audition de sa cause. Pour faire peur aux autres travailleurs, l'employeur
pourrait toujours imposer une semblable mesure disciplinaire, quitte à
devoir indemniser le travailleur éventuellement, mais à avoir la
'paix' entre-temps.
Également, nous l'avons déjà mentionné, la
mauvaise foi est à peu près impossible à prouver et c'est
faire cadeau là à l'employeur d'un droit qui, à toute fin
pratique, ne pourra lui servir que de menace mais ne lui rapportera jamais rien
sur le plan pratique.
Par conséquent, l'article 31 devrait se lire comme suit:
"L'employeur ne peut imposer au travailleur un congédiement, un
déplacement ou une mesure disciplinaire, pour le motif que ce
travailleur a refusé d'exécuter un travail conformément
aux articles 11 et 12."
Évidemment, le deuxième alinéa de l'article 31 n'a
pas de raison d'être, compte tenu du texte proposé.
Article 39:
Au quatrième paragraphe de l'article 39, le législateur a
prévu de façon spécifique que l'employeur avait le droit
'd'être informé des obligations que lui impose la présente
loi et les règlements'.
Premièrement, il existe un principe universellement
invoqué et qui tient à l'obligation pour tout législateur
de publiciser ses lois, qui veut que 'nul n'est censé ignorer la
loi'.
En effet, on ne peut concevoir qu'un organisme chargé de faire
respecter les lois soit d'abord tenu de faire la preuve que le contrevenant
connaissait l'existence de celles-ci. Celui-ci n'a en effet, qu'à le
nier.
Par conséquent, une fois la loi publiée et
publicisée par les moyens prévus, il y a présomption
qu'elle est connue de tous.
En vertu de quoi la présente loi prévoit-elle que
l'employeur a le droit d'être informé des obligations que lui
impose la loi? Normalement, il devrait faire en sorte de faire
interpréter la loi par ses propres conseillers.
D'ailleurs la loi a prévu quant au travailleur, qu'il devait
quant à lui, en quelque sorte prendre connaissance de la loi et des
obligations qui en découlent. Pour une fois, aurait-on fait plus
confiance à l'intelligence des travailleurs qu'à celle des
employeurs?
Deuxièmement, à tout droit correspond évidemment
une obligation.
Qui va assumer l'obligation d'informer l'employeur de ce que la
présente loi ou ses règlements lui imposent?
Le gouvernement a-t-il l'intention d'établir des services de
consultation et d'interpréter les lois et règlements en faveur
des employeurs?
Article 41 :
À moins que nous ne prêtions plus d'importance à
l'article 41 qu'il n'en a, nous croyons y voir pour l'employeur la
possibilité de procéder unilatéralement à une
définition de tâches et fonctions.
Évidemment, dans le cas où une telle définition de
tâches et fonctions existe déjà, peut-être l'article
7 du projet de loi lui assurera-t-il la priorité sur celle que
l'employeur pourrait faire en vertu de l'article 41, quoique nous aimerions
mieux que ledit article 41 y réfère de façon
spécifique.
Cependant, là où les associations
accréditées n'ont pas encore eu l'occasion ou réussi
à négocier en faveur de leurs membres une définition de
tâches et fonctions, nous pensons que l'employeur pourrait invoquer
l'article 41 pour en faire une et l'imposer de façon
unilatérale.
Or, le droit de négocier une définition de tâches et
fonctions a toujours été reconnu, il a été
exercé à ce jour par de nombreux syndicats dans de nombreux
endroits, et on ne devrait pas en priver ceux qui entre-temps, avaient d'autres
priorités ou ceux qui éventuellement, pourraient juger utile d'en
négocier une.
Même si nous attribuons à cet article une portée
plus grande qu'il n'en a, il devrait quand même y être
précisé que cette obligation de l'employeur n'affecte en rien le
droit des associations accréditées de négocier une
définition de tâches et fonctions.
Article 60:
II devrait être prévu à cet article que, outre le
médecin responsable des services de santé dans un
établissement, toute personne ressource dont la présence peut
être jugée utile par les représentants des travailleurs ou
ceux de l'employeur, peuvent aussi assister aux réunions du
comité.
En effet, pour ne parler que des policiers, la façon
d'opérer, l'équipement nécessaire, enfin bref l'exercice
du métier même de policier et ce qu'il faut lui fournir pour qu'il
puisse exercer son métier avec le moins de risque et de danger possible,
peuvent sous certains aspects échapper totalement à la
compréhension d'un médecin.
Par ailleurs, en usine, nous sommes d'avis que dans certains cas, la
présence d'un ingénieur, d'un architecte ou d'un chimiste, peut
s'avérer beaucoup plus utile que celle du médecin
responsable.
Article 61:
II devrait être prévu à l'article 61 que le
comité de santé et de sécurité doit
également se réunir à chaque fois que l'une des parties en
fait la demande. Autrement, dans certains cas, l'une des parties pourra
peut-être vouloir s'en tenir strictement au minimum et ainsi, faire
disparaître l'efficacité possible du comité.
Article 62:
Rejoignant en cela les représentations contenues au
mémoire de la F.T.Q., nous soumettons qu'il devrait être
prévu à la loi que le temps consacré par les
représentants des travailleurs aux activités du comité est
considéré comme du temps travaillé, et
rémunéré selon ce qui est prévu à la
convention collective s'il en existe une, ou suivant toute autre entente entre
l'employeur et le travailleur ou, au moins, selon ce qui est prévu dans
les ordonnances adoptées en vertu de la loi du salaire minimum.
Article 63:
II doit être absolument prévu, pour que les pouvoirs
accordés au comité de santé et de sécurité
au premier et au cinquième paragraphes de l'article 63 ne soient pas
illusoires et ne soient pas toujours en butte au droit de veto des
représentants de l'employeur, que dans le cas des décisions qui
doivent être prises en vertu des dits paragraphes, à défaut
d'entente, la décision sera celle des représentants des
travailleurs.
En effet, en ce qui concerne le premier paragraphe, nous avons
déjà assez longuement élaboré sur le fait que les
travailleurs sont encore les mieux placés pour savoir de quelle
façon ils doivent et ils veulent assurer leur protection.
En ce qui concerne le cinquième paragraphe, les travailleurs
doivent avoir le même droit, en ce qui concerne leur santé et leur
sécurité au travail, que tous les autres citoyens en toute
circonstance et qu'ils possèdent eux-mêmes lorsqu'une maladie ou
un accident non relié à leur travail les affecte, soit celui de
choisir leur médecin.
C'est tout de même de leur santé et de leur
sécurité qu'il s'agit.
Nous ne voyons pas par conséquent, en vertu de quoi l'employeur
ou un organisme quelconque devrait dire à cette catégorie de
citoyens qui paient une bonne partie des impôts qui permettent de les
soigner eux-mêmes et de soigner tous les autres citoyens, par qui ils
devront se faire soigner.
En ce qui concerne le paragraphe 8 de l'article 63, il devrait
être prévu que les représentants des travailleurs membres
du comité peuvent enquêter seuls. En effet, il serait trop facile
aux représentants de l'employeur de soumettre que, quant à eux,
une enquête n'est pas nécessaire, pour qu'une semblable
enquête n'ait jamais lieu.
Article 64:
Compte tenu des représentations faites lors de l'étude de
l'article précédent, nous soumettons que la procédure ici
prévue ne devrait s'appliquer que dans le cas de décisions
à prendre en vertu du deuxième paragraphe de l'article 63. Il
devrait par ailleurs être ajouté un alinéa stipulant qu'en
ce qui concerne les décisions à prendre en vertu des paragraphes
1 et 5, au cas de désaccord, le choix ou la décision des
représentants des travailleurs est considéré comme la
décision du comité et qu'elle ne peut faire l'objet d'un
appel.
Article 67:
Compte tenu des représentations déjà faites encore
une fois concernant les droits et responsabilités des associations
accréditées, compte tenu que, sur le plan pratique, nous n'avons
aucune espèce d'idée de quelle façon il devrait être
procédé pour que les travailleurs eux-mêmes choisissent
parmi leurs représentants au comité celui ou celle qui exercera
les fonctions de représentant à la prévention, nous
soumettons que celui-ci ou celle-ci devrait être désigné
par l'association accréditée.
De toute façon, lorsqu'une semblable association existe, c'est
elle qui désigne les deux représentants au comité.
Quel risque y a-t-il à ce moment-là à ce qu'elle
désigne aussi l'un des deux comme représentant à la
prévention, le choix des travailleurs se limitant de toute façon
à l'un des deux déjà désignés par
l'association accréditée.
Tout le monde est pour la démocratie. Cependant, il faut aussi
que la démocratie fonctionne de façon pratique et efficace.
Une fois élu, le gouvernement ne demande pas au peuple de
désigner ses collaborateurs.
Une fois élus, les dirigeants syndicaux ne devraient pas
être tenus de faire appel de nouveau aux travailleurs pour choisir les
personnes ressources ou les personnes les plus aptes à défendre
leurs droits.
Par ailleurs, en ce qui concerne le deuxième alinéa de
l'article 67, lorsqu'il existe une association accréditée, nous
ne voyons pas comment les travailleurs pourraient désigner le
représentant à la prévention 'de la manière qu'il
désigne le représentant au sein du comité de santé
et de sécurité.'
En effet, dans un tel cas, ce ne sont pas eux qui désignent le
représentant au sein du dit comité mais l'association
accréditée tel que prévu au deuxième alinéa
de l'article 58.
Il faudrait donc prévoir que les travailleurs exercent ce droit
uniquement lorsqu'il n'y a pas d'association accréditée.
Article 68:
Le législateur peut-il nous dire pourquoi, dans le cas où
un établissement grouperait dix travailleurs ou moins et que cet
établissement aurait été désigné par la
Commission, ce serait l'association accréditée, s'il y en a une,
qui nommerait le représentant à la prévention?
Nous nous référons aux remarques faites à
l'occasion de l'étude de l'article précédent et nous vous
demandons si on peut considérer une association accréditée
groupant dix travailleurs ou moins plus responsable qu'une groupant plus de dix
travailleurs?
Article 71:
Compte tenu des circonstances particulières de l'exercice de
différents métiers ou professions, il devrait être
prévu à cet article que, au cas de désaccord, et
indépendamment du minimum fixé par règlements de la
Commission, l'association accréditée ou le représentant
à la prévention dans les cas où il n'y a pas d'association
accréditée, peut demander à la C.S.S.T. de
déterminer le temps jugé nécessaire à l'exercice de
ses fonctions.
Article 86:
Nous présumons que les services de santé auxquels il est
référé dans cet article sont ceux qui sont rendus
nécessaires à cause de l'exercice de ses fonctions par le
travailleur. Il faudrait donc le préciser.
En ce qui concerne le deuxième alinéa de l'article 86,
compte tenu de la liberté de choix de son médecin que nous
voulons voir reconnue au travailleur, si celui-ci choisit d'être
traité par un médecin en cabinet privé, cela devrait lui
être permis et il n'a pas à se faire soigner par le médecin
désigné par le chef du département de santé
communautaire.
Article 88:
Compte tenu des représentations déjà faites, la
deuxième phrase du premier alinéa de l'article 88 devrait
disparaître. Il devrait plutôt être prévu qu'à
défaut d'accord au sein du comité, tel que nous l'avons
déjà mentionné lors de notre étude du
cinquième paragraphe de l'article 63, le choix des représentants
des travailleurs doit être considéré comme la
décision du comité.
Par ailleurs, quant au deuxième alinéa, il devrait
être prévu que s'il n'y a pas de comité, ce sont les
travailleurs qui désignent le médecin responsable.
Article 89:
Étant donné les remarques précédentes, la
deuxième phrase de l'article 89 devrait disparaître. Article
91:
Vu les remarques déjà faites, seuls les travailleurs
devraient pouvoir demander la destitution du médecin qu'ils ont
eux-mêmes choisi. Ainsi donc, l'article 91 devrait se lire comme suit:
"Les représentants des travailleurs, le comité lui-même ou,
s'il n'y a pas de comité, l'association accréditée, ou,
s'il n'y a pas d'association accréditée, un travailleur peuvent
adresser une requête à la Commission des affaires sociales aux
fins de démettre de ses fonctions auprès d'un
établissement le médecin qui y est responsable des services de
santé."
Article 93:
L'article 93 devrait se lire comme suit: "Le médecin responsable
doit élaborer, en consultation avec l'employeur, le comité de
santé
et de sécurité, et toute autre personne ressource
jugée utile, un programme de santé spécifique à
l'établissement et voir à sa mise en application."
Ceci tient compte des remarques que nous avons déjà faites
sur la possibilité de faire appel aux connaissances de plus d'une
discipline.
Article 97:
Cet article devrait aussi mentionner la possibilité de faire
appel aux personnes ressources jugées utiles.
Article 185, paragraphe 35:
En aucun cas et pour aucune considération la C.S.S.T.
devrait-elle pouvoir exempter qui que ce soit de l'application de la loi.
Certains employés de la ville de Montréal, et de la
Communauté urbaine de Montréal, souffrent encore aujourd'hui d'un
préjudice qui leur a été causé par le fait qu'entre
1962 et 1964, celle-ci par quelque tour de passe-passe, s'était fait
exempter de l'application de la loi des accidents du travail sous
prétexte qu'elle assurerait elle-même ses employés.
Évidemment, sur le plan légal, cette mention ne suffit pas
à elle seule à expliquer quelle était exactement la
situation.
Cependant, sur le plan pratique, des employés en ont souffert et
en souffrent encore.
Prévoir que, quant à certaines catégories de
personnes, de travailleurs, on mettra de côté la timide protection
que la présente loi veut assurer à ceux-ci, constituerait, et
pour le législateur qui permettrait à la C.S.S.T. de le faire et
pour la C.S.S.T. si elle le faisait, une décision inique d'un
représentant du peuple ou d'un organisme précisément
créé pour la protection des travailleurs.
Article 197:
Rejoignant en cela des représentations faites par d'autres
organismes syndicaux, nous considérons que les amendes prévues
aux travailleurs sont tout à fait disproportionnées par rapport
à celles qui sont prévues contre les employeurs.
L'employeur qui contrevient à la présente loi, le fait au
détriment et en risquant la sécurité et la santé
physique d'un travailleur dans la seule recherche du profit.
Le travailleur qui contrevient à cette loi, le fait dans le seul
but de gagner sa vie.
En ce sens, les amendes imposées à l'employeur devraient
être énormément plus considérables que ce qui est
prévu à la loi.
Que représente $1000 pour I.T.T., Noranda ou même la C.U.M.
et quelle valeur donne-t-on à la santé et à la
sécurité du travailleur qui ont été mises en danger
par les agissements de l'employeur?
Parfois, certaines questions et la façon de les poser nous
ramènent à une plus juste proportion des choses, à une
meilleure échelle des valeurs.
Nous souhaitons que nos questions sur le présent sujet
amènent le législateur à prévoir des peines
beaucoup plus considérables que celles qu'il a inscrites au
présent projet de loi contre l'employeur qui risque la santé, la
sécurité et la vie des autres.
En conclusion, nous ne pouvons qu'approuver l'initiative du gouvernement
de vouloir améliorer la protection des travailleurs, mais la
désastreuse expérience que nous avons vécue depuis de
nombreuses années ne peut que nous laisser sceptiques quant aux
modalités d'application de cette loi et des règlements qui vont
en découler. Quant à la possibilité de bonne foi de la
part de notre employeur, au niveau de comités paritaires, nous nous
abstiendrons de tous commentaires, ils pourraient être
indécents.
ANNEXE D
MÉMOIRE SUR LE PROJET DE LOI NO. 17 sur la
sécurité et santé au travail
CONSEIL CENTRAL DE MONTRÉAL (CSN) "METTRE FIN À
L'HÉCATOMBE ACTUELLE" "ARRÊTER LE MASSACRE" "METTRE AU PAS LES
COMPAGNIES" ETC...
Voilà des objectifs concrets qui, depuis un certain nombre
d'années, occupent notre quotidien.
Coller ces mêmes objectifs à un projet de loi tel le no.
17, a de quoi faire sursauter. Ou bien on méconnaît le contenu du
projet de loi, ou bien on essaie d'en passer une coulante.
Le Conseil Central de Montréal (CSN), depuis quelques
années, n'a ménagé aucun effort pour appuyer toutes les
luttes des syndicats, affiliés ou non, CSN ou non, de la région
ou périphériques, qui
ont voulu et décidé de les mener pour arriver à
dompter leurs agresseurs. Quand il s'agit de la peau des travailleurs, il
s'agit de l'essentiel et le Conseil Central de Montréal (CSN) y a
toujours mis le maximum de ses ressources.
Point n'est besoin de rappeler la déplorable situation actuelle
des accidents et des maladies du travail. Elle est connue. Les statistiques,
plus fraîches les unes que les autres, ne font que noircir toujours plus
et davantage le tableau déjà désastreux pour les
travailleurs et leurs familles. Pour ce qui est des compagnies, Dieu sait, et
tout le monde aussi, ça va assez bien merci! Problème de
santé? Problème de sécurité? Vous repasserez!
Nous faisons nôtres la critique et chacune des revendications que
la CSN vous a soumises précédemment. Nous ne les reprendrons pas
ici. Cependant, nous vous invitons à en tenir compte, car nos remarques
se situent dans cet ensemble déjà livré devant vous.
Au point de départ, résumons-nous. Pour le Conseil Central
de Montréal (CSN), le projet de loi 17 déforme
systématiquement l'ensemble des revendications que les travailleurs ont
mises de l'avant à travers leurs luttes depuis un certain nombre
d'années. Plus encore, le projet de loi 17 interdit l'usage réel
et efficace du principal instrument que ces mêmes travailleurs se sont
donnés pour forcer les employeurs à respecter leur santé,
leurs organisations syndicales. Bref, le projet de loi 17 confie
entièrement la peau des travailleurs à une super Commission des
Accidents du travail (article 281) boursouflée de tous les pouvoirs
possibles (article 185) même celui de suspendre l'application de la loi
elle-même (185, 35) et encore et toujours financée (article 209)
et contrôlée (article 114) par les employeurs.
UNE COMMISSION DES ACCIDENTS DU TRAVAIL
BOURSOUFLÉE
Les travailleurs connaissent très bien les objectifs et le
fonctionnement de la CAT. Par exemple, de 1938 à 1973,
c'est-à-dire en 35 ans, la CAT a reconnu seulement 444 cas d'amiantose
quand on sait que, seulement en 1974, l'étude entreprise par la CSN par
les médecins du Mont Sinai de New York avait démontré que
plus de 900 des 1,200 mineurs examinés, avaient des infections
pulmonaires reliées à l'amiante! C'est aussi cette même CAT
qui, en 1977, refusait 82% des demandes de réclamation pour amiantose;
85% des demandes de réclamation pour les maladies pulmonaires; et 77%
des demandes de réclamation pour l'ensemble des maladies du travail.
C'est aussi cette même Commission des Accidents du Travail qui a
toujours refusé de reconnaître la maladie des soudeurs, la
sidérose, malgré les conclusions de l'étude
effectuée par le département de Santé Communautaire de
Lévis sur les travailleurs des Chantiers Maritimes de Lauzon (180 cas de
sidérose et 400 cas de troubles pulmonaires sur 2,000 travailleurs
examinés).
C'est aussi le Comité de spécialistes pour les poumons de
cette même Commission qui a été dénoncé par
le président des chefs de départements de santé
communautaire, le Dr Landry, pour avoir publié une étude, sans
fondement scientifique à propos des travailleurs victimes des
poussières d'amiante. C'est dans cette étude que la CAT
déclarait que seulement 2,37% des travailleurs examinés
étaient atteints d'amiantose.
C'est ce même repaire d'incompétents et de bouffons qui
vient de découvrir que 28 travailleurs, qu'il avait lui-même
déclarés amiantosés, ne le sont plus maintenant alors
qu'il est bien connu que c'est une maladie non régressive.
C'est à cette même CAT qu'il y a présentement une
liste d'attente de 2,600 cas en révision et que le délai moyen de
la révision est d'un an. C'est cette même CAT qui, depuis un an et
demie refuse systématiquement les cas d'aggravation, etc.
Nous pourrions donner des dizaines et des dizaines d'autres exemples qui
démontrent que la Commission des Accidents du Travail a toujours
été et est encore, au service des patrons.
Aucun travailleur ne croira que boursoufler la CAT de tous les pouvoirs
possibles et imaginables de recherche, de formation, d'information,
d'inspection, de réglementation, de sanctions, etc., et la transformer
en Commission de la Sécurité et de la Santé du Travail ne
changera quoi que ce soit au régime qu'il connaît depuis 1931.
Le Conseil Central de Montréal (CSN) exige que la CAT demeure une
mutuelle patronale de compensation et rien d'autre.
LE MINISTÈRE DES AFFAIRES SOCIALES SOUS LA
JURIDICTION DES EMPLOYEURS
Le Conseil Central de Montréal (CSN) exige que les services
d'enquête, de recherches, que la définition des priorités
et les programmes de prévention au sujet de la santé des
travailleurs soient sous l'autorité du Ministère des Affaires
Sociales.
Il apparaît tout à fait loufoque que des institutions du
réseau des affaires sociales tels les DSC et les CLSC soient
dépendants et à la remorque du financement patronal via la
nouvelle CAT pour les services de santé qu'ils doivent rendre. (article
84)
Bien que loufoque, cette disposition se confirme par les articles 109
à 81 qui précisent que dans tout cela le MAS est un observateur
à qui on ne fait que soumettre des projets de programme-cadre et les
contrats types.
Le Ministère n'a pas à s'occuper de la santé des
citoyens au travail. Car, comme on le voit, les patrons ont
intérêt à s'occuper de leur cheptel. Le projet de loi 17 ne
fait rien d'autre que de les confirmer dans cette responsabilité.
Bannir définitivement les médecins de
compagnies
Le Conseil Central de Montréal (CSN) s'oppose fermement à
l'imposition par qui que ce soit de tout médecin. Il revendique que les
travailleurs jouissent, comme tout citoyen, du choix de son médecin.
Nous sommes convaincus que les articles 87, 88, 91, 92, 93 et 100 visent
carrément à nous réimposer les médecins de
compagnies mais en les faisant payer par nos taxes, par la RAMQ. On ne veut
plus avoir affaire avec ces médecins "gestionnaires des compagnies",
comme on ne veut plus avoir affaire aux médecins de la CAT qui n'ont eu
qu'un seul objectif et qu'une seule pratique; bloquer les travailleurs dans
leurs droits à la compensation.
Sommes-nous assez clairs? Comme travailleurs nous ne voulons pas de
statut particulier. Nous voulons choisir notre médecin comme cela nous
est reconnu dans la loi sur les services de santé et les services
sociaux qui dit que "rien dans la présente loi ne limite la
liberté qu'a une personne qui réside au Québec de choisir
le professionnel ou l'établissement duquel elle désire recevoir
des services de santé ou des services sociaux, ni la liberté qu'a
un professionnel d'accepter ou non de traiter cette personne."
Cette revendication est fondée sur la pratique concrète
des médecins de compagnies et des médecins de la CAT qui n'ont
jamais trouvé de maladies, pas plus à la CTCUM qu'à
Thetford, Sorel ou ailleurs.
À la CTCUM, il y a quatre (4) médecins qui, depuis des
années, regardent les gars devenir sourds. Ce n'est que lorsque le
syndicat, sur ses propres bases, a décidé de faire passer des
tests à ses membres que les médecins, tout à coup, se sont
mis, dans un temps record, à faire la même chose. Dans le premier
département examiné, le syndicat a découvert que 35
ouvriers sur 45 avaient une perte de 25 décibels pour une ou deux
oreilles, à une ou plusieurs fréquences de bruit. Jamais
auparavant les quatre médecins n'avaient découvert quoi que ce
soit.
À la Vickers, depuis des années, il y avait un chef de
premiers soins absolument incompétent qui jouait dans les yeux des gars
pour leur enlever des poussières de métal et qui les droguait aux
petites "pilules brunes" pour tous les autres maux. Le syndicat a fait ses
recherches et il a découvert que c'était du Tandéaryl.
On sait que le Tandéaryl est un médicament pour l'arthrite
qui doit être administré sous contrôle médical suite
à des analyses de sang et sur prescription. Le syndicat a donc
revendiqué que cesse cette pratique et qu'on libère les
travailleurs des mains de ce boucher-pusher. Il a fallu un débrayage et
une occupation du "first aid" pour que la compagnie engage du personnel
infirmier compétent.
C'est invariable. C'est à partir du moment où les gars et
les filles, soutenus par leurs organisations syndicales, décident de
faire la lumière sur l'état réel de leur santé que
les médecins de compagnies se mettent à trouver des petites
affaires et encore! La plupart du temps, ils s'organisent pour minimiser la
situation réelle et surtout ils s'ingénient à trouver des
explications "abracadabrantes". Par exemple, "si tu est sourd, c'est parce que
tu dois trop aller dans les discothèques ou que tu es un grand amateur
de motoneige. Ce n'est surtout pas parce que tu travailles à
côté d'une presse qui dégage 105 décibels". On sait
que la norme légale est de 90 décibels même si elle produit
des pertes irréversibles, et la norme sécuritaire est de 75
décibels, (32 fois plus sécuritaire).
Des amiantosés se sont fait dire par les médecins de la
CAT, que leur affection pulmonaire était due à la cigarette alors
qu'ils n'avaient jamais fumé de leur vie. "Alors tu travailles avec des
gens qui fument" se sont-ils fait rétorquer!
Ça suffit. Nous ne voulons plus avoir affaire aux médecins
de compagnies, ni aux médecins de la CAT. Ça suffit, on veut
être en mesure d'avoir recours aux médecins et aux
spécialistes de notre choix, indépendamment des patrons et
rémunérés par le réseau public. Il n'est plus
question de laisser de quelque manière que ce soit les patrons tripoter
nos dossiers médicaux. On ne veut plus se faire fourrer.
Au moins faire respecter ce qui existe
Ce que nous demandons, c'est d'abord le respect des normes existantes.
Commençons par nous assurer du minimum vital. Ensuite, on
améliorera. Mais le projet de loi 17 fait exactement le contraire.
En effet, à l'article 219 de la loi, on peut lire: "la
présente loi remplace la loi des établissements industriels et
commerciaux". Il en est ainsi à l'article 221, on dit que la loi de
l'inspection des échafaudages est abrogée. À l'article
241, c'est la loi des mines qui est abrogée. Aux articles 257 à
265, c'est la loi de la qualité de l'environnement qui est
abrogée sur les lieux du travail.
Ces réglementations étant abrogées, les
travailleurs n'auront plus aucune base pour exiger la protection de leur
santé et de leur sécurité au travail. Les inspecteurs ne
seront plus en mesure d'exiger le respect de certaines normes écrites
dans les différents codes de sécurité.
Les travailleurs en seront donc réduits à se fier aux
normes que les associations sectorielles voudront bien déterminer.
Autrement dit, dans la pratique ce sera exactement ce qui se passait dans
les
mines et carrières alors que les employeurs, les
ingénieurs-inspecteurs et leur chef décidaient d'approuver les
méthodes de travail des compagnies et mettaient de côté les
lois du Québec, de sorte que lorsqu'une mine empoisonnait, blessait, ou
tuait un ouvrier au travail, selon une certaine méthode de travail, les
autres mines étaient autorisées à procéder de la
même façon. Les ouvriers étaient mutilés et les
veuves recevaient leur cadavre.
Dernièrement encore, fin juin 1979, le ministre des Ressources
naturelles du Québec, Yves Bérubé, a menacé la
compagnie Asbestos Corporation de Thetford de mettre fin au moratoire qui
permettait à la compagnie de ne pas respecter les lois provinciales
anti-pollution et de la sécurité industrielle... (Dimanche-Matin,
1er juillet 1979).
Quelques jours plus tard, c'était le premier ministre René
Lévesque qui avouait aussi qu'il allait faire appliquer avec insistance
les lois du Québec pour la protection de l'environnement et de la
santé des travailleurs.
Autrement dit: "Si vous n'êtes pas corrects avec nous, on va
défendre la peau des travailleurs. Si vous l'êtes, no problem. Ils
peuvent crever." Belle mentalité! Mais mentalité réelle.
Mentalité actuellement appliquée dans les beaux et grands projets
exceptionnels comme la baie James où ça meurt en chaîne
comme lors du projet olympique. Mentalité scellée dans le projet
de loi où il est spécifiquement prévu que dans le cas des
chantiers exceptionnels, la Commission peut suspendre l'application de la loi.
(articles 181 à 184).
Actuellement à la baie James, les conditions de vie, de travail
et d'insécurité pour la santé des travailleurs sont
à peu près les pires dans le Québec. Parmi les employeurs
de la baie James, l'Hydro-Québec est le plus mauvais employeur en ce qui
a trait aux conditions de sécurité et de santé au travail.
En effet, sur la seule ligne de transmission de l'Hydro on a connu depuis juin
1979 à juillet 1979 sept (7) morts en sept (7) semaines. Il y a de quoi
se vanter qu'on puisse ériger dans un temps record la ligne de
transmission de la baie James à Montréal et finir les travaux un
(1) an avant la fin de l'échéancier.
Tout le monde sait qu'à la baie James le travailleur qui fait
mine d'ouvrir la bouche pour parler de conditions de travail dangereuses, soit
à cause de l'outillage ou de toutes autres situations, se fait dire par
n'importe quel contremaître de n'importe quelle compagnie: "Si tu n'es
pas satisfait, prends l'oiseau bleu." Il s'agit de Quebecair ou de Nordair.
À la baie James, l'Association des employeurs (AEBJ)
reçoit environ $750 000.00 par année à même les
taxes des contribuables du Québec. Cependant, on compte à peine
quelques délégués de chantier, même si la FTQ y est
majoritaire, parce que les travailleurs qui acceptent de représenter
leurs compagnons de travail sont mis à pied ou ne sont pas
rappelés à la saison suivante. Même s'ils ont
déposé des griefs en fonction des conditions de santé et
de prévention des accidents du travail.
Il serait important d'avoir un "bureau de normes indépendant",
normes qui s'appliqueraient partout et en tout temps. Cependant, si le syndicat
ne peut pas s'organiser pour les faire respecter, tout ça devient caduc
comme ça l'est à la baie James actuellement.
On exige l'élimination des dangers à la
source.
Le projet de loi 17 répond par
l'élimination du syndicat.
Le plus grave dans tout ce projet de loi c'est qu'il déforme
littéralement notre principale revendication: l'élimination des
dangers à la source. S'il est question d'éliminer quelque chose,
c'est le syndicat lui-même qu'on élimine. "Ce projet de loi a pour
objet d'établir les mécanismes de participation des travailleurs
et des employeurs à l'élimination des causes d'accidents du
travail et de maladies professionnelles". C'est ce qu'on lit au premier
paragraphe des notes explicatives du projet de loi no. 17.
Au cinquième paragraphe: "II (le projet) crée un
comité de santé et de sécurité au sein de certaines
catégories d'établissements..." D'après ces notes
explicatives et les communiqués ministériels que les media ont
publiés, ce serait par le moyen d'un comité de santé et de
sécurité paritaire que les travailleurs et leur employeur
"arriveront à l'élimination des causes d'accidents du travail et
de maladies professionnelles".
Voyons de plus près la première fonction du Comité
de santé et de sécurité (article 63). 1° "De choisir
les moyens et équipements de protection individuels qui, tout en
étant conformes aux règlements, sont les mieux adaptés aux
besoins des travailleurs de l'établissement;"
II n'est donc pas question de participation à
l'élimination des causes d'accidents et de maladies professionnelles,
mais de participation pour obliger les travailleurs à porter des
armures: casque, lunettes, bouchon ou coquille pour les oreilles, masque,
mitaines, bottines, gants, jambière, tablier, visière, etc. Mais
il n'est pas question de la chaleur, de l'humidité, de l'air
vicié et encore moins d'air frais et/ou d'éclairage
adéquat dans une ambiance qui ne perce pas les tympans.
Quand on sait que la participation des travailleurs consiste aussi
à recevoir "les plaintes de l'employeur relativement à la
santé et à la sécurité du travail" (le paragraphe 9
de l'article 63), on devine que ces plaintes viseront les travailleurs qui ne
portent pas toutes les pièces de leur armure et que les travailleurs
participant au comité paritaire devront faire la police sinon ils seront
passibles d'une amende ou d'une peine d'emprisonnement (art. 197).
Où sont les mécanismes de participation à
l'élimination des causes d'accidents et de maladies du travail?
Voyons plus loin la deuxième fonction du comité de
santé et de sécurité au travail 2° "Établir, au
sein du programme de prévention, les programmes de formation et
d'information en matière de santé et de sécurité."
(article 63)
II s'agit donc encore de la participation des travailleurs et de
l'employeur pour la formation des travailleurs, comme si la
préoccupation des travailleurs en regard de leur santé et de leur
intégrité physique, était aussi la préoccupation et
l'intérêt prioritaire de l'employeur, des P.M.E. et des compagnies
internationales comme Alcan, Asbestos Corporation, Atlas Asbestos, Noranda,
Union Carbide, Fer et Titane et la plupart des hôpitaux.
La formation et l'information des travailleurs et des militants ouvriers
avec la participation des employeurs, voilà un idéal qui est
caressé par tous les employeurs et qui honore le Ministre d'État
au Développement Social, de même que les représentants
ouvriers qui appuient cette conception. Cependant, le moins que nous puissions
dire, sans rire, c'est qu'elle est en parfaite contradiction avec
l'enseignement de sa Sainteté Pie XII qui veut que "l'apôtre d'un
travailleur soit un autre travailleur."
C'est inscrit dans la peau des travailleurs que les profits passent
avant les hommes, les femmes, les enfants et les personnes usées.
Même certains Ministres sont d'avis que la priorité des
compagnies c'est le profit et non la protection des travailleurs. C'est
ça, le capitalisme. À quel type de formation faut-il à
plus forte raison s'attendre?
Quand l'article 47 spécifie que c'est "L'employeur qui doit faire
en sorte qu'un programme de prévention propre à chaque
établissement sur lequel il a autorité soit mis en application,
compte tenu des responsabilités du comité de santé et de
sécurité, s'il y en a un?"
Nous rapprochons-nous de l'élimination des dangers à la
source?
Au contraire, plus on va loin dans l'article 63 au sujet des fonctions
du comité, plus on s'éloigne de l'élimination des dangers
à la source.
Voyons les différents titres qui suivent: 3. Faire des
recommandations à l'employeur relativement au programme de
prévention...; 4. Coopérer avec l'employeur à
l'élaboration des autres éléments du programme de
prévention et de veiller à sa mise en application...; 5. Choisir
le médecin responsable avec l'employeur...; 6. D'intervenir dans le cas
où un travailleur exerce un droit de refus...; 7. De faire des
recommandations à l'employeur concernant les mesures de surveillance et
d'entretien préventif et les normes d'hygiène et de
sécurité spécifiques à l'établissement...;
8. De recevoir copies des accidents et d'enquêter sur les
événements... et soumettre les recommandations appropriées
à l'employeur ou à la Commission...; 9. De recevoir les plaintes
des travailleurs et de l'employeur...; 10. De recevoir et d'étudier les
rapports d'inspection...; 11. De recevoir et d'étudier les informations
statistiques...; 12. De tenir des registres des accidents du travail, et des
maladies professionnelles et des incidents qui auraient pu en causer...; 13. De
transmettre à la Commission les informations qu'elle requiert...
L'employeur, à chacune des recommandations ou des remarques du
comité paritaire de santé et de sécurité, peut dire
non no niet nein ou noui.
C'est lui qui est patron. Comme à Lasalle Coke où les
travailleurs avaient signalé au patron qu'il y avait une passerelle
dangereuse. Le patron a toujours nié qu'elle était dangereuse. Il
ne l'a pas fait réparer. Un gars s'est tué en passant à
travers la passerelle. Les travailleurs avaient eu beau faire la recommandation
de réparer la passerelle, le patron pouvait répondre non. C'est
quoi qu'on fait après si le syndicat ne peut pas intervenir? On refait
la recommandation au comité paritaire et ainsi de suite? En cas de
désaccord au comité de santé et de sécurité,
on peut faire appel à la Commission, dont la décision n'est
finale que sur les sujets traités aux paragraphes 1, 2 et 5 de l'article
63 avec deux droits de vote pour le P.D.G. (article 114).
Pour le reste, il n'y a rien à faire, sauf placoter et servir de
boîte postale.
C'est ainsi qu'on en vient à faire partager par des travailleurs
les responsabilités de l'employeur sans toucher à son
autorité, à son pouvoir et à son droit de veto.
Plus encore, on essaie d'engager la responsabilité du syndicat en
lui faisant déléguer des représentants au fameux
comité paritaire.
Cependant, dans l'exercice concret, ces derniers deviennent responsables
de l'application du programme de prévention de l'employeur et ne sont
pas redevables devant le syndicat.
Le comité paritaire est une imposture visant à faire
partager aux travailleurs la responsabilité de leur agresseurs. Monsieur
Robert Sauvé, président de la CAT, a été
très clair là-dessus. "La responsabilité qui était
portée par les seuls employeurs s'étend maintenant aux
travailleurs. C'est un changement majeur." (Le Devoir, 23 novembre 1978).
Effectivement, et nous n'en voulons surtout pas. Ce que nous voulons, c'est de
toujours être en mesure de forcer les employeurs à éliminer
les dangers à
la source. Et seule la force ouvrière organisée peut y
arriver. C'est pourquoi nous sommes en parfait désaccord avec le projet
de loi no. 17 car il écarte systématiquement le syndicat de tout
le dossier de la santé-sécurité.
En effet, le projet de loi parle des associations
accréditées ou de leur équivalent, à l'article 14
"Un représentant de l'association accréditée peut
être convoqué pour procéder à l'examen d'une
situation dangereuse."
À l'article 23, l'association peut en appeler d'une
décision de l'inspecteur dans le cas du droit de refus de travailler
dans une situation dangereuse.
À l'article 50, l'employeur doit informer l'association
accréditée du contenu du programme de prévention...
À l'article 51, l'employeur doit donner avis à
l'association accréditée en cas de décès d'un
employé.
À l'article 57, l'association accréditée peut
donner un avis pour la formation d'un comité de santé ou de
sécurité ou recevoir un avis semblable de la part de
l'employeur.
À l'article 58, l'association accréditée nomme au
moins la moitié des membres du comité.
À l'article 59, l'ensemble des représentants des
travailleurs, de même que l'ensemble des représentants de
l'employeur ont droit respectivement à un seul vote au sein du
comité.
À l'article 67, lorsqu'il existe un comité de santé
et de sécurité dans un établissement, les travailleurs
choisissent parmi leurs représentants au comité une ou des
personnes pour exercer les fonctions de représentant à la
prévention qui devra être accrédité par la
Commission et qui aura pour fonction d'appliquer le programme du patron.
À l'article 91, les représentants des travailleurs ou les
représentants de l'employeur peuvent adresser une requête à
la Commission des affaires sociales aux fins de démettre de ses
fonctions auprès d'un établissement le médecin qui est
responsable des services de santé.
À l'article 98, le médecin responsable doit signaler
à l'association accréditée toutes déficiences dans
les conditions de santé, de sécurité ou de
salubrité susceptibles de nécessiter une mesure de
prévention.
À l'article 101, le chef de département de santé
communautaire (DSC) transmet aux associations accréditées les
informations statistiques et les résultats des activités au
niveau des services de santé.
À l'article 193, l'association accréditée peut
choisir d'avoir recours à la procédure du règlement des
griefs plutôt que de porter plainte au commissaire du travail.
Qu'est-ce qu'il y a dans ces articles-là, sinon du placotage et
transformer le syndicat en boîte aux lettres à l'exception de
l'article 58 où le syndicat cautionne une voie sans issue.
Le projet de loi no. 17 nie la responsabilité de l'organisation
ouvrière d'enquêter, d'informer, de former et surtout de mobiliser
pour forcer le patron à éliminer les dangers à la
source.
Il nie tellement bien cette responsabilité que si jamais le
syndicat la maintenait en dépit de l'article 280 (conciliable), il se
voit viser par l'article 197 "amendes et prison pour quiconque contrevient,...
ou induit quelqu'un d'autre, etc.".
Et c'est ça qu'il y a de nouveau dans le projet de loi no. 17 et
qui découle du fameux principe que les victimes doivent maintenant
partager les responsabilités de leurs agresseurs. Maintenant on pourra
congédier, mettre à l'amende, poursuivre en justice, condamner
pour outrage au tribunal, emprisonner des travailleurs parce qu'ils sont
désormais responsables de leur propre
santé-sécurité (article 38), et cette
responsabilité consiste à porter des appareils individuels de
protection.
Et on y va avec la méthode expéditive. Congédiement
en dedans de 10 jours (31) sans tenir compte des délais de la convention
collective, poursuite sommaire, amendes, prison.
Faut pas que ça traîne!
Pour les employeurs, on connaît le système. À la
Vickers, Paul-Émile Séguin meurt le 30 janvier 1978. Le coroner
Déry, après enquête et audition, conclut à la
responsabilité criminelle de l'employeur. Il terminait sa sentence
ainsi: "La preuve a révélé, et plus spécialement le
témoignage des deux (2) représentants du Ministère du
Travail, MM. R. Landry et A. Farah, que, à la société
Canadian Vickers Limited, l'on ne tenait à peu près jamais compte
des recommandations faites par le Ministère du Travail du Québec
chaque fois qu'on décelait un mode dangereux d'opération sur le
chantier. À ce sujet, les deux (2) représentants du
Ministère du Travail du Québec précités nous ont
relaté une foule de cas, tous plus flagrants les uns que les autres,
où l'on intimait l'ordre de mettre fin immédiatement à une
opération dangereuse pour s'apercevoir le lendemain, que telle
opération susceptible de causer des accidents continuait comme si de
rien n'était. Ce que nous comprenons moins c'est que, au cours de
l'année 1977, malgré des cas innombrables d'infractions aux lois
et aux règlements prévus, aucune procédure pénale
n'ait été intentée par le Ministère du Travail du
Québec malgré les sanctions prévues en pareil cas."
Le coroner continuait en disant: "Nous recommandons, en
conséquence, que les autorités du Ministère du Travail du
Québec fassent preuve de moins d'indulgence et plus de souci pour faire
observer les lois du Code de travail".
Qu'est-il advenu? Il est advenu ce qu'il est toujours advenu à
l'endroit des employeurs dans 99% des cas, une queue de poisson. Dans ce
cas-ci, le procureur gouvernemental n'avait plus de preuve à faire
devant la
refus de travailler?
Le syndicat étant éliminé, il va de soi que, en ce
qui concerne le droit de refus de travailler, ça devient un droit
individuel.
Le décret de la construction, l'article 2.2.2. du
règlement concernant les établissements industriels et
commerciaux (3787) et plusieurs conventions collectives CSN, identifient
clairement la responsabilité de l'employeur de prendre toutes les
mesures pour que la santé et la sécurité des travailleurs
soient protégées.
Cependant, là-dessus le projet de loi no 17 vient modifier
carrément le régime. Les employeurs conservent toute leur
autorité mais leur responsabilité est maintenant définie
pour être partagée par les victimes.
Quant à l'exercice même du refus de travailler, c'est de la
comédie.
Article 12: "L'exercice du droit visé dans l'article 11 n'est
possible que si l'exécution du travail comporte un risque qui n'est pas
normalement et habituellement inhérent aux fonctions
exercées."
Si vous avez l'habitude de travailler dans le bruit, dans la
poussière, dans la chaleur excessive, avec des outils ou des appareils
dangereux, vous êtes donc exposé à un risque normal et
habituel et vous n'avez pas à vous plaindre. Vous serez
empoisonné à petit feu et peut-être serez-vous assez
chanceux pour ne pas être blessé par une machine, un outil ou un
appareil qui n'a pas les dispositifs de sécurité
nécessaires, dans les abattoirs, les fonderies, les buanderies, les
mines, les scieries ou dans le textile.
En soi, le refus n'est pas une invention nouvelle. Nous l'avons dans le
décret de la construction et dans plusieurs conventions collectives.
Ce qui est nouveau dans le droit de refus prévu dans le projet de
loi no 17, c'est que le travailleur est obligé maintenant de risquer son
emploi, seul, et qu'il est responsable lui-même de sa propre
sécurité, (article 38), sous peine des pénalités
prévues à l'article 197. Ce qui est nouveau dans le projet de loi
no 17, c'est que le syndicat n'a pas le droit d'intervenir même quand la
santé et la vie d'un de ses membres ou de plusieurs d'entre eux est en
danger.
Tel que prévu dans le projet de loi, ce type individuel de droit
de refus aurait obligé les 1000 et quelques syndiqués du
cégep du Vieux-Montréal à faire individuellement la
démarche auprès de la direction alors que l'édifice
voisin, le Mont St-Louis, menaçait de leur tomber sur la tête. Et
cela sans protection de leur syndicat!
En effet, ce projet de loi rejette totalement l'intervention de
l'organisation ouvrière: union ou syndicat. M. Sauvé, nous en
avait informé dans le Devoir du 23 novembre 1978: "II s'agit d'un droit
exercé individuellement et non collectivement. En matière de
relation de travail, il y avait longtemps qu'on avait vu cela. Une telle loi va
rompre avec le courant moderne de la reconnaissance des droits des
travailleurs."
"Aujourd'hui, le gouvernement marque son intention de revenir à
un droit exercé individuellement, de s'adresser à nouveau
à la personne parce que, dit-il, il s'agit de l'intégrité
de cette personne."
Et ça ne regarde surtout pas les compagnons de travail qui
pourraient éventuellement se retrouver dans la même situation. Que
non!
Et quand tu risques, vérifie bien ton article 31. Si tu es de
mauvaise foi, (évidemment c'est la CAT nouvelle version qui va en
décider), tu seras congédié dans les 10 jours d'une
décision finale en dépit de tout autre délai et droit
consignés dans ta convention collective. All dressed!
Pour un travailleur qui croyait qu'un syndicat pouvait et devait le
défendre. Hé non! Faut rompre avec ce courant moderne!
À l'hôpital de Verdun lorsqu'il y a eu le cas de
salmonellose le 7 novembre 1978, le patron s'est effectivement essayé
à appliquer ce bon principe. Et il aurait réussi s'il n'y avait
pas eu le syndicat. Un patient arrive à l'urgence. Le diagnostic est
incertain. On le transfère à l'observation. On confirme qu'il a
la salmonellose qui est une maladie très contagieuse. On l'isole.
Entre-temps, les buandiers manipulent ses draps souillés, qui avaient
été jetés sans aucune précaution dans la chute
à linge, et ils attrapent la maladie.
Dès que la maladie du patient a été connue,
l'employeur n'a pris aucune disposition pour avertir les travailleurs
susceptibles d'avoir été contaminés. Il leur a même
dit: "vous vous êtes contaminés vous-mêmes." "C'est un
risque inhérent à votre travail." Il refusait de
désinfecter la buanderie. Il ne voulait pas faire examiner les autres
travailleurs. Sur leurs bases syndicales, les travailleurs ont
décidé de faire de l'information, de remplir une pétition
et même de débrayer. L'employeur ne voulait rien savoir. Le
syndicat a accroché le ministre des Affaires sociales, qui passait dans
le coin, et finalement l'ensemble des revendications ont été
satisfaites: désinfection et peinture de la buanderie, examen de tous
les travailleurs, remboursement par la CAT pour maladie du travail (l'employeur
voulait que les travailleurs pigent dans leurs congés de maladies),
etc...
On sait ce qu'il serait arrivé si individuellement les
travailleurs avaient eu à se présenter un à un devant
l'employeur avec sa force d'intimidation et de répression, et eux, tous
nus, sans défense possible de leur syndicat.
On sait ce qui serait arrivé si devant le refus de travailler
d'un travailleur il en avait désigné un autre comme le
prévoit le projet de loi (art. 19 et 26) alors que rien n'était
désinfecté. Le droit de refus tel que prévu dans le projet
de loi c'est envoyer les travailleurs à l'abattoir.
On ne vous parlera pas des actions que nous avons menées dans les
buanderies d'hôpitaux et où on a réussi à faire
améliorer pas mal de choses. Monsieur Jean-Marc Jodoin,
vice-président de la CAT, signale même que c'est le seul secteur
d'activités dans les hôpitaux qui a connu en 1976/77 une
diminution d'intoxication et une très grosse diminution: 89%. Tous les
autres secteurs ont augmenté: 59.9% d'augmentation d'accidents avec
perte de temps par rapport à 29% d'augmentation pour l'ensemble des
secteurs économiques; augmentation du triple pour les maladies
professionnelles par rapport au double pour l'ensemble des secteurs
économiques, etc...
Et les non-syndiqués, nous rétorquera-t-on? N'y
trouveront-ils pas leur compte? N'est-ce pas un pas en avant?
Il s'agit vraiment du pas en avant du travailleur qui est au bord du
précipice ou au bord de la porte parce que de toute façon il n'a
pas de clause d'ancienneté ni d'organisation pour faire respecter les
droits que lui reconnaissent les lois, y inclut ce projet de loi.
Les travailleurs non-syndiqués qui n'ont aucune protection
effective ne se risqueront pas plus après l'adoption de la loi qu'avant.
Ils savent fort bien que le patron peut en n'importe quel temps les faire
sauter. Croire le contraire, c'est être déconnecté et ne
pas connaître la domination quotidienne des employeurs sur leurs
travailleurs non-syndiqués. La seule force des travailleurs a toujours
été leur force collective. La solution pour les
non-syndiqués, c'est l'accès à la syndicalisation.
Là-dessus, à ce que nous constatons, ils peuvent toujours
attendre. On se rend bien compte que la volonté politique s'est
singulièrement ratatinée en cette matière. Non seulement
on ne facilite pas l'accès à la syndicalisation, on essaie
même dans ce projet de loi 17 de contrer l'action syndicale des
travailleurs déjà syndiqués.
Ce que nous demandons pour les syndiqués, nous la
réclamons à double cris pour les non-syndiqués; à
savoir des dispositions législatives et des codes précis à
côté desquels les employeurs ne pourraient pas passer sous peine
de sanctions sévères. Sans ces normes minimales, vous ne ferez
rien d'autre qu'illusionner et tromper les non-syndiqués.
Conclusion
Toute notre expérience syndicale nous enseigne que c'est
seulement en s'organisant et en luttant que les travailleurs ont réussi
à améliorer leurs conditions de travail, donc leur santé
et leur sécurité au travail.
Toute notre expérience syndicale nous enseigne que c'est la seule
loi du profit qui guide les employeurs dans le choix de leurs décisions,
même celles concernant la santé et la sécurité au
travail.
Toute notre expérience syndicale nous enseigne que tous les beaux
discours sur la collaboration, sur la participation ne changeront rien au
rapport de forces qui est à la base des relations entre employeurs et
employés.
Toute notre expérience syndicale nous enseigne que les
écrits, les textes de lois et les structures mises en place par un
gouvernement, ne sont pas neutres, qu'ils favorisent l'une ou l'autre des
parties en présence, l'employeur ou les travailleurs; que les
travailleurs ou l'employeur utiliseront à leur avantage ces textes de
lois, ces écrits, ces structures.
Qu'on appelle cela du syndicalisme de lutte de classe, qu'on nous traite
de marxistes, maoïstes, trotskistes, anarchistes, libéraux rouges,
péquistes de gauche, etc., cela ne changera rien à la
réalité quotidienne.
Le gouvernement a choisi de rendre responsables les victimes
c'est au travailleur maintenant de prendre les mesures nécessaires pour
protéger sa santé, sa sécurité et son
intégrité physique (article 38). Sinon, gare à lui,
l'outrage au tribunal, les amendes et la prison l'attendent son lot
habituel quand il est gréviste.
Quel progrès! que de prévoir des mesures punitives contre
les victimes d'une situation sur laquelle les victimes n'ont aucun
contrôle.
Mais cela ne nous surprend pas malgré la sollicitude que le
gouvernement dit témoigner envers les travailleurs.
Ce gouvernement qui prétend solutionner les problèmes de
santé et sécurité au travail par l'institutionnalisation
d'une structure miracle le comité paritaire de salubrité
dont les membres seraient au-dessus des parties, libres de toute
attache, de tout lien avec les intérêts qui les animent, ce
gouvernement peut-il nier qu'il est au-dessus des parties à
l'intérieur du système capitaliste? Ce gouvernement peut-il
affirmer qu'il est libre de prendre les décisions qu'il juge valables
pour le bien-être de la société québécoise
sans tenir compte de ceux qui administrent les capitaux, de ceux qui les
prêtent, de ceux qui les investissent.
Ce gouvernement peut-il nier que l'actuel projet de loi no 17, visant
à freiner les revendications des travailleurs organisés,
s'inscrit dans une stratégie d'ensemble des pays capitalistes membres de
l'O.C.D.E. (1) qui a inspiré plusieurs de ces pièces
législatives au cours de la dernière session: le plafonnement de
l'indexation du salaire minimum, le complément du revenu, la loi sur les
accidents de travail (loi 114), l'amendement à la loi de l'aide sociale
visant à exclure du droit aux prestations les grévistes et
lockoutés refus d'accorder les indexations prévues aux
contrats, tentative de diviser les travailleurs du secteur public et du secteur
privé?
Non, personne, ni aucun groupe, n'est au-dessus des parties dans notre
société C'est pourquoi nous pensons qu'un gouvernement qui
proclame avoir un préjugé favorable aux travailleurs doit avoir
le courage politique de reconnaître que tout est rapport de forces dans
les relations employeurs-employés et, ce faisant, donner aux
travailleurs des dispositions législatives sur la santé et la
sécurité au travail qui les aideront dans leur lutte quotidienne
à préserver leur intégrité physique. S'il ne le
fait pas, c'est sur le terrain qu'on se reverra. Car c'est depuis des
siècles que les travailleurs luttent collectivement pour leur
santé et leur sécurité au travail.
Ils ont d'abord commencé par sortir leurs enfants des mines et
des usines, en obligeant les gouvernements à hausser l'âge minimum
requis pour le travail. Ils se sont battus pour une semaine de travail plus
courte le 1er mai fêté par les travailleurs résulte
de cette lutte, quand des ouvriers de Chicago qui manifestaient pour
l'obtention de la journée de travail de 8 heures furent abattus par la
police.
Ils se sont battus pour des vacances plus longues qui peut nier
qu'en vieillissant la récupération est plus lente, plus longue,
et pourtant que de luttes les travailleurs ont dû mener pour obtenir 3 ou
4 semaines de vacances après 15 ou 20 ans de travail ils se sont
battus pour une pension à 65 ans, puis à 60, pour des
journées de maladie, pour un fardeau de tâches diminué,
pour de plus faibles cadences quand des travailleurs en arrivent
à rejeter le système de travail à boni c'est parce que
l'expérience, et non les médecins, leur a enseigné qu'un
tel système de production augmente le stress chez eux, agresse leur
santé et est cause d'accidents ils se sont battus contre une
organisation du travail qui les déshumanise, qui veut les réduire
à l'état de robots dociles, c'est-à-dire que depuis
toujours ils se battent pour leur santé et leur sécurité
au travail.
Et, même si le gouvernement veut, par le projet de loi 17,
éliminer les syndicats et éteindre leurs luttes, il peut
être assuré que la classe ouvrière ne laissera pas
abîmer davantage sa peau.
C'est beau de protéger la langue.
Le Conseil Central de Montréal (CSN) a été
d'accord. Cependant, nous sommes beaucoup plus préoccupés par la
protection de ceux qui la parlent. Et à ce chapitre, le gouvernement
nous a déclaré la guerre. Sous prétexte qu'il veut
"à sa manière" se préoccuper des droits de la nation, ce
gouvernement croit peut-être qu'une majorité du peuple va encore
avaler une couleuvre empoisonnée. Nous ne sommes pas dupes. Si c'est la
bataille rangée qu'il veut, il l'aura!
(1) O.C.D.E. Organisation de Coopération et de
Développement Economiques qui regroupent les pays industrialisés
et dont le siège est à Paris.