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Version finale

29th Legislature, 3rd Session
(March 7, 1972 au March 14, 1973)

Tuesday, September 12, 1972 - Vol. 12 N° 86

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude des décrets de la construction


Journal des débats

 

Commission permanente du Travail,

de la Main-d 'Oeuvre et de l'Immigration

Industrie de la construction Etude de l'arrêté ministériel no 2711

Séance du mardi 12 septembre 1972

(Dix heures seize minutes)

M. SEGUIN (président de la commission permanente du travail, de la main-d'oeuvre et de l'immigration): A l'ordre, messieurs!

Tout de suite au début, je souhaite la bienvenue aux personnes qui se présentent devant la commission pour faire part de leurs vues sur les décrets de la construction. Vous aurez, chacun à votre tour, l'occasion d'exprimer la pensée de vos associations respectives.

Avant de commencer à entendre des commentaires sur les différents mémoires que nous avons reçus, je voudrais établir, pour le journal des Débats, la liste des membres de cette commission.

Ces membres sont les suivants: MM. Caron (Verdun), Veilleux (Saint-Jean), Bossé (Dorion), Vaillancourt (Stanstead), Cournoyer (Chambly), Marchand (Laurier), Harvey (Chauveau), Perreault (L'Assomption), Carpentier (Laviolette), Lacroix (Iles-de-la-Madeleine), Mailloux (Charlevoix), Faucher (Yamaska), Assad (Papineau), Burns (Maisonneuve), Croisetière (Iberville), Demers (Saint-Maurice), Guay (Dorchester), Vincent (Nicolet), Tremblay (Chicoutimi).

Nous avons, messieurs, plusieurs mémoires dont trois ici, en tête de liste: Fédération de la construction du Québec Association des entrepreneurs en construction de Brome, Missisquoi, Shefford, Inc: Commission de l'industrie de la construction.

Débutons par ces trois mémoires et entendons, si vous le voulez bien, les représentants de la Fédération de la construction du Québec. Sont-il présents?

Alors, passons.

M. DEMERS: Un excellent mémoire.

M. LE PRESIDENT: Association des entrepreneurs en construction de Brome, Missisquoi, Shefford Inc. Est-ce qu'il y a un représentant ou un porte-parole du groupe?

Commission de l'industrie de la construction...

Commission de l'industrie de la construction

M. MORIN: Fernand Morin.

M. LE PRESIDENT: M. Morin. Je vous en prie, allez-y.

M. MORIN: M. le Président, nous avons déjà présenté un rapport d'analyse de l'inventaire de la construction, quant au marché du travail, au mois de mai. Maintenant, nous venons vous présenter un deuxième rapport vu sous un angle différent et complétant le premier.

On sait que l'arrêté en conseil no 2711, relatif au contrôle quantitatif de la main-d'oeuvre, porte sur deux points. Le premier: L'obligation de détenir un permis de travail pour oeuvrer dans la construction. Le deuxième point: La tenue permanente d'un inventaire de la main-d'oeuvre, je dirais qualitativement et quantativement. Est jointe à l'arrêté en conseil la constitution d'un comité ayant pour mandat d'inventorier et de préciser les différentes hypothèses à retenir ou à être retenues en vue de la stabilisation du revenu des travailleurs de la construction.

Quant à l'émission des permis, en vertu d'amendements apportés à l'arrêté en conseil, au mois de mai, nous devons, d'ici à la fin du mois de septembre, soumettre au ministre du Travail un ensemble de critères relatifs à l'émission des permis. Nous avons déjà soumis au ministre un plan ou les coordonnées du plan général retenu pour fins d'étude. Le plan lui-même, le projet sera soumis d'ici à la fin du mois. On peut le dire immédiatement, même si les détails ne sont pas arrêtés, ce plan voudrait, bien sûr, retenir l'obligation de détenir un permis pour oeuvrer dans la construction, élément essentiel si on veut exercer un certain contrôle, savoir au moins qui est travailleur de la construction et permettre, si vous voulez, un double permis, le permis, disons, annuel et le permis temporaire.

Ce plan, et c'est un élément qui est retenu jusqu'ici par la commission, va vouloir — et je pense que, tout à l'heure, on va comprendre la raison d'être de ce point que je veux souligner immédiatement — ce nouveau régime voudrait, si vous voulez, être décentralisé.

Il ne devra pas donner l'apparence et ne pas être aussi, en fait, centralisé dans un appartement ou une pièce quelconque à Montréal, mais se coller à la réalité régionale qui est différente. Justement, nous voudrions mettre sur pied un système qui pourra répondre aux besoins particuliers de chaque région.

De plus, ce plan montrera et proposera la nécessité de mettre sur pied un comité de recherche bien précis afin de mieux savoir où on va et où on peut aller l'an prochain, en 1973-1974. Donc, sur cette question du permis, la Commission de l'industrie de la construction ne présentera absolument aucune donnée particulière aujourd'hui. Nous pourrons répondre, bien sûr, à toute question quant à notre administration pour l'année, mais non pour l'avenir puisqu'on a à donner un projet d'ici â la fin du mois.

Quant à ce qui devrait exister comme régime, je laisse le soin, bien sûr, aux associations syndicales et patronales de donner leur opinion. Ce n'est pas à la Commission de l'industrie de la

construction de le faire. La commission administre seulement et voit à l'exécution des décisions prises; elle n'a pas à les prendre pour les parties.

Donc, ce rapport se limite au deuxième pôle de l'arrêté en conseil, soit à l'inventaire proprement dit. Cet inventaire met en lumière un certain nombre de faits et conjugue également certaines données pour illustrer la situation dans l'industrie de la construction. De là, on pourra tirer les conclusions qu'on veut, selon l'angle de vue de chacun.

Je proposerais, M. le Président, si vous croyez que c'est nécessaire ou utile, de passer en revue très rapidement le mémoire que nous vous avons préparé.

Ce mémoire donne — je suis à l'introduction — les sources de nos données qui sont au nombre de trois: la première, les rapports mensuels des employeurs, la deuxième, nos registres au sujet de la main-d'oeuvre, contenant des données sur l'histoire des travailleurs depuis leur premier enregistrement, il y a à peu près cinq ou six ans pour certains; la troisième source nous vient du ministère quant aux données qualitatives, c'est-à-dire tout le contrôle de la qualification professionnelle des travailleurs de la construction.

Ce mémoire est basé sur les données d'une période de 18 mois, au plus, et, dans certains cas, compte tenu de la qualité des données et de leur vérification préalable, nous avons été obligés de nous restreindre à une période de douze mois. Dans chacun des cas, nous le soulignons expressément.

Il y a, bien sûr — je pense que c'est une mise en garde qui vaut pour éviter des extrapolations dangereuses — des données de l'information qui nous semblent assez sûres et d'autres moins complètes. Par conséquent, à chacun des cas, nous l'avons souligné.

Ainsi, lorsque je traiterai de la masse salariale, de la population et de son identification, de son domicile, du salaire gagné dans la construction et de la répartition de cette masse entre les salariés, c'est suffisamment — pour ne pas dire plus — précis.

Quant au problème de la qualification professionnelle, quant au métier qu'exercent les salariés, ces données sont moins précises ou moins complètes puisque, comme nous l'avions dit au mois de mai, le programme de dépistage des travailleurs non qualifiés, pour leur faire subir l'examen à deux ou trois reprises, n'est pas encore terminé. C'est un plan qui doit, bien sûr, aboutir pour décembre. Par conséquent, nos données sont incomplètes. Nous n'avons à peu près que 38,000 fichiers sur ce point, compte tenu de la masse totale des salariés, qui est de 105,000.

En premier lieu, traitons des conditions générales du marché du travail. Pour les douze derniers mois, il s'est payé, dans la province de Québec, $550 millions en salaires, c'est-à-dire, en arrondissant les chiffres, pour 110 millions d'heures de travail.

Le premier point à remarquer, c'est qu'on atteint, dans certains mois de pointe, $60 millions, en octobre 1971, tandis qu'aux périodes creuses, nous tombons à $35 millions. Déjà, on voit une variation fort impressionnante. Je souligne également que ces données s'arrêtent à 1971 et que la masse salariale montre une hausse sensible pour les trois ou quatre premiers mois de l'année 1972, hausse qui est de plus de 20 p.c. par mois, comparativement à celle des mois équivalents de 1971.

Le tableau de la page 5 montre un peu la courbe des salaires payés par mois, et vous voyez les variations entre les régions. Nous avons choisi, pour fin d'unité dans le rapport, Québec et Montréal, qui sont deux pôles importants, on le verra, et les autres régions. Vous voyez que les variations à Montréal et à Québec ne sont pas tout à fait les mêmes que la courbe générale de la province.

Quant aux effectifs, on peut dire qu'il y a eu dans la province environ 120,000 personnes qui ont oeuvré dans la construction à un moment ou à un autre. Ici, un danger nous guette lorsqu'on parle des effectifs, et c'est une mise au point que je voudrais faire. Il y a facilement — même pour les statisticiens — confusion possible entre un détenteur de permis et un travailleur de la construction. Un travailleur pas nécessairement actif, mais disponible.

C'est même un des problèmes dont vous allez entendre parler ces jours-ci, même pour les employeurs, à savoir quel est le bassin réel de main-d'oeuvre disponible. On ne peut se limiter et se fier au nombre de détenteurs. C'est si vrai que dans l'opération de changement d'administration entre le ministère et la commission pour l'émission des permis, de cartes d'identité ou permis de travail, il y avait à l'arrêté en conseil une simple règle bien minime, à savoir que pour avoir un permis il fallait avoir travaillé durant les 18 derniers mois.

Simplement par cette règle de 160,000 cartes d'identité, on a passé à 120,000. Donc, il n'y a pas eu là — je le souligne au tout début — 40,000 personnes privées de travail parce qu'elles n'avaient pas un certain papier, mais simplement 40,000 personnes qui n'avaient pas touché à un marteau — si je peux dire — durant 18 mois, du moins officiellement touché à un marteau.

Autre précision sur les effectifs disponibles. Aux 105,000 détenteurs de permis, on ajoute les 10,000 détenteurs d'une carte d'identité émise par le ministère au tout début de l'été, plus un certain nombre de personnes qui, on le découvre après coup, travaillent dans la construction sans détenir une carte ou un permis.

Autre point ou caractéristique pour bien comprendre l'échiquier, c'est la répartition des détenteurs dans notre province. Vous avez 50 p.c. de ces détenteurs dans la région de Montréal, 20 p.c. dans la région de Québec et les autres 30 p.c. dans les autres régions de la province.

D'ailleurs, si vous alliez à l'annexe 2 du

rapport, vous verriez — pour chacun, ça peut être intéressant — la répartition par comté. Vous pouvez savoir exactement quel est l'effectif réel par comté. Autre remarque sur les effectifs, qui constitue un point fondamental pour pouvoir travailler et réfléchir sur cette question, c'est le fait suivant — je suis au centre de la page 8 — que 63 p.c. des détenteurs ont travaillé d'une façon relativement régulière au cours de 1971: 63 p.c. de 115,000, soit 72,000 personnes.

Déjà là, on pourrait conclure — certains pourraient conclure; vous voyez que j'essaie simplement de mettre des barrières ou d'arrêter des extrapolations hâtives — qu'il n'y a pas dans la construction 72,000 emplois, douze mois par année. On ne pourrait pas, non plus — autre danger — diviser d'une façon mathématique et froide la masse totale des heures, 110 millions, par ce que peut faire une personne normalement dans une année, soit 2,000 heures, et dire qu'il y a 55,000 emplois à plein temps dans la construction.

Ce ne serait pas comprendre les données et, je dirais, l'économie de l'industrie. Encore là, ce sont des dangers à éviter compte tenu des fluctuations de l'offre et de la demande, dans la construction. Par région, ça varie; il y a des gens qui sont moins mobiles. Il y a aussi la courbe saisonnière et cyclique, comme on le verra tout à l'heure.

De toute façon, même lors des périodes de pointe où on engage le plus de monde dans la construction, soit vers octobre, pour ce court laps de temps, il n'y a que 75 p.c. des détenteurs actuels de permis, qui sont engagés et dont on retient les services. C'est pour vous montrer que la question de savoir quel est le nombre total de personnes qui peuvent oeuvrer dans la construction, qui y oeuvrent effectivement et qui devraient avoir un permis est fort complexe.

On ne peut pas, par une formule mathématique, arriver à un chiffre précis. Il nous faut bien sûr — c'était ma conclusion pratique, du moins sur le plan personnel — toujours avoir un système souple qui va se mouler à la région. C'est ce que nous allons proposer au ministère du Travail très bientôt.

Si on prend maintenant la répartition de la masse salariale entre ces effectifs, en d'autres termes si on conjugue le premier point, la masse salariale, avec la population, on pourra voir comment chacun a reçu de la construction. On a pu, pour fins de démonstration, regrouper en cinq familles les travailleurs. C'est un regroupement pour satisfaire la raison, ce n'est pas, bien sûr, une démonstration à tous points de vue conforme à la réalité. Il y a des nuances à apporter. En divisant en cinq groupes les travailleurs, on s'aperçoit que, dans le premier groupe, 36 p.c. de l'ensemble des détenteurs, 46,000 travailleurs ou 46,000 détenteurs pour l'instant, ont travaillé moins de 500 heures par année pour un gain maximum de $2,500 et, selon nos données, pour une moyenne générale de $1,250.

La deuxième catégorie, qui comprend 20 p.c. des travailleurs soit 26,000 salariés, travaille à peu près entre 500 et 1,000 heures, ce qui leur donne une moyenne de $3,750. Dans la troisième catégorie, 18 p.c. ou 24,000 travailleurs, vous avez des gens qui ont travaillé dans la construction entre 1,000 et 1,500 heures. Dans la quatrième catégorie, 18 p.c. ou 24,000 travailleurs, ils ont travaillé entre 1,500 et 2,000 heures. La dernière catégorie, 7 p.c. ou 8,000 travailleurs, a travaillé pour plus de 2,000 heures. Donc, en gros, 56 p.c. des travailleurs ont travaillé à peu près pour 28 p.c. des heures, soit quatre mois ou moins. A l'autre extrémité, vous voyez l'inverse des chiffres: 25 p.c. des effectifs ont oeuvré pour 46 p.c. des heures, ils ont à peu près travaillé durant 11 à 12 mois.

Vous avez donc deux extrêmes, une faible minorité, 25 p.c, qui oeuvre d'une façon assez régulière, onze mois et plus, et un fort pourcentage de ces détenteurs, 56 p.c, qui oeuvre moins de quatre mois.

Ce que je viens de dire est illustré d'une façon plus détaillée aux pages suivantes.

Maintenant, au chapitre 2, page 18, nous essayons de démontrer, d'une façon rapide, quelques données particulières de l'économie de cette industrie. Si on faisait une loi, un règlement, à l'encontre de la réalité, bien sûr ce serait la réalité qui vaincrait, comme toujours. On ne peut, en aucune façon, pour légiférer, pour réglementer, pour décider, méconnaître, si vous voulez, ces données particulières de l'économie de la construction.

La première veut simplement démontrer que dans la construction, il n'y a pas une augmentation d'année en année du nombre d'emplois, bien au contraire. Je vous amènerai directement au tableau qui est suffisamment indicatif, à la page 21, où vous voyez que, contrairement à la courbe toujours montante du nombre d'emplois disponibles dans la province, vous avez une courbe, particulièrement depuis 1966, toujours descendante et assez rapide, du nombre d'emplois dans la construction.

Donc, la construction ne peut, bien sûr, recevoir tous ceux qui, momentanément, temporairement, malheureusement, sont disponibles parce que, dans les autres industries, il y a des licenciements ou il y a un repos ou un calme.

Autre élément qu'on ne peut négliger dans l'économie de l'industrie, ce sont les fluctuations saisonnières. Entre le mois le plus actif, le mois d'octobre, et le mois le plus faible, le mois de janvier, on a vu que la masse salariale varie de $25 millions, c'est énorme. Les travailleurs peuvent donc facilement trouver de l'emploi à certains mois et immédiatement après, ils sont libérés pour un temps indéfini.

Si vous prenez le tableau à la page 24, vous verrez la courbe abrupte de la masse salariale par rapport à une moyenne de 45 millions. Si

on prend zéro comme base, vous voyez les fluctuations plutôt brutales.

Autre remarque pour montrer les fluctuations saisonnières, et également régionales qui sont différentes les unes des autres, vous pouvez les constater — pour aller plus rapidement — au tableau de la page 27. On prend les variations régionales comme base, en fait le point zéro.

On prend les variations dans la région de Québec et dans la région de Montréal, mois par mois, par rapport à celles de la province et vous voyez encore des variations tout à fait différentes. L'ensemble est une chose, la région en est une autre tout à fait différente. Ce n'est pas simplement pour faire quelques variations pour faire plaisir à un professeur mais c'est une grossière réalité qu'il nous faut accepter et sur laquelle il nous faut baser tout système.

Quant à la mobilité de la main-d'oeuvre, nos données sont assez surprenantes. C'est à la page 29. Peu de travailleurs restent dans leur région; 15 p.c. seulement ont oeuvré dans leur région. Au moins 40 p.c. des effectifs oeuvrent dans plus d'une région. Ceci démontre que les travailleurs doivent nécessairement se déplacer pour aller chercher du travail. Une caractéristique qui est importante, lorsqu'on arrivera au permis de travail, le permis de travail ne peut pas, lui, être régional. Il faut qu'il soit provincial, parce que le travail est à l'échelle de la province. Un jour, c'est à Sept-Iles. Le lendemain, ce sera à la baie James ou en plein centre de la ville de Montréal, selon les activités des uns et des autres.

C'est une donnée qui n'est pas encore suffisamment précise pour qu'on en ait fait un tableau, mais peut affirmer sans erreur qu'un bon nombre de nos travailleurs doivent changer d'employeur quatre à cinq fois par année. Ceci démontre qu'on ne peut rien faire à l'échelle d'une entreprise, contrairement à d'autres régimes, mais qu'il nous faut oeuvrer à l'échelle industrielle. L'existence même de la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction, le bill no 290, en est le monument.

Quant à la formation et à la mobilité professionnelles, nous n'osons pas pour l'instant, tel que dit tout à l'heure, apporter des précisions ou des tableaux complets puisque nous n'avons pas toutes les données pour faire les variations utiles. Ce serait simplement vous induire en erreur. Selon les données statistiques du Canada, on sait que le salaire moyen dans la construction est de $5,175, tandis que chez nous il est de $4,054. Ceci fait qu'il y a des ajustements ou des précisions à établir. C'est pour ça que notre rapport sur les salaires, selon les métiers, est donné de façon globale sans entrer dans les détails pour l'instant.

Lorsqu'on voit ces quelques chiffres, il est évident qu'un grand nombre de travailleurs viennent dans la construction chercher un revenu d'appoint, en attendant autre chose. Il y a ce qu'on a appelé les "noctambulistes". Il y a des gens en repos ou en chômage pour un temps dans d'autres industries, qui viennent dans la construction. Il y a également des gens qui ont d'autres sources de revenus, telles les fonds publics. Nous allons — nous avons déjà commencé — faire une étude comparative entre notre banque de données et les abonnés au bien-être social, à l'assurance-chômage et à d'autres sources pour savoir exactement d'où ils viennent et quelles sont les sources de revenus et de subsistance — à ce moment-là, il faut parler plus de sources de subsistance que de revenus — des travailleurs. Mais une chose est certaine, c'est que le système actuel ne permet pas, à moins qu'on n'y mette certaines contrai-tes, certaines barrières pour mieux voir à l'intérieur, de même savoir la disponibilité de la main-d'oeuvre dans la construction. Il ne permet certainement pas de mettre sur pied, à moins de faire de l'amateurisme, graduellement, progressivement, avec les mises en garde et l'information voulues et la participation de tous les corps intéressés, un régime tendant à une certaine stabilisation du revenu et de l'emploi des travailleurs de la construction.

Il faut d'abord circonscrire le groupe intéressé pour pouvoir s'y intéresser nous-mêmes, pour pouvoir oeuvrer dans le domaine. Sans un certain contrôle, il n'y a rien à faire. Il faudrait presque dire — et sur ce point, ce ne sont que des paroles tout à fait personnelles — que l'industrie est une industrie absorbante pour les hauts et les bas des autres industries.

C'est là, je pense, la question vitale â laquelle tous ceux qui s'intéressent à l'industrie de la construction doivent trouver des éléments de réponse.

Merci, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Merci, M. Morin. Est-ce qu'il y a des questions, M. le ministre?

M. COURNOYER: Je n'ai pas de question.

M. LE PRESIDENT: Votre exposé a été si clair qu'il n'y aura pas de question.

M. DEMERS: Vous auriez mieux fait de le féliciter.

M. LE PRESIDENT: Peut-être. Nous avons déjà appelé les représentants de la Fédération de la construction du Québec. Est-ce qu'il y a des représentants ici? Nous avons aussi appelé l'Association des entrepreneurs en construction de Brome, Missisquoi, Shefford Inc. Est-ce qu'il y a quelqu'un ici, représentant l'association? Voulez-vous vous adresser à la commission? Je pense qu'on pourrait peut-être faire une place à la table pour ce monsieur.

M. DAIGLE: Est-ce qu'il serait possible de présenter notre mémoire seulement cet après-midi? Il manque des gens ce matin.

M. LE PRESIDENT: Vous demandez un délai pour votre exposé. Votre nom, monsieur?

M. DAIGLE: M. Jacques Daigle.

M. COURNOYER: Il y a un mémoire qui vient de la Confédération des syndicats nationaux. Etes-vous prêt à le lire ou à le présenter, M. Pepin?

M. LABERGE: M. le Président, pourrions-nous vous demander combien il y a d'associations qui doivent présenter des mémoires ou se présenter devant la commission? Cela nous aiderait à nous enligner,

M. LE PRESIDENT: C'est qu'il y en a un certain nombre qui ont indiqué leur intention de se présenter ici, par exemple la Centrale des syndicats démocratiques, la Chambre de commerce de la province de Québec, l'Association de la construction de Montréal et d'autres associations, mais, pour le travail d'aujourd'hui, ce sont les trois que j'ai mentionnées. Je sais qu'il n'y a pas de représentants, présentement, pour les trois que je viens de nommer, soit la Chambre de commerce de la province de Québec, l'Association de la construction de Montréal, etc. Il s'agit ici d'essayer d'entendre des gens qui sont déjà sur place.

Nos séances sont prévues pour les trois prochaines semaines. Beaucoup de personnes ou d'associations nous ont signalé leur intention de paraître, mais nous n'avons pas les mémoires. Les gens ne sont pas ici ou n'ont pas été prévenus, à ce jour, de se présenter. Il s'agit pour nous, je pense, si des gens sont prêts, ici, de les entendre. Cela sauvera du temps pour tout le monde.

M. LABERGE: M. le Président, rien qu'une autre question sur la procédure. Une fois qu'une association aura présenté ses vues, soit verbalement ou par écrit, est-ce que les autres associations pourraient revenir poser des questions ou, enfin, soulever certains points?

M. LE PRESIDENT: Non. Nous ne voulons pas créer de débats de ce genre.

M. LABERGE: A ce moment-là, M. le Président, je vous soumets bien humblement qu'il serait normal de tirer au sort l'ordre dans lequel les associations pourraient présenter leurs points de vue.

M. LE PRESIDENT: Nous essayons de les présenter au fur et à mesure que les mémoires nous parviennent. Le premier mémoire arrivé prend place à la tête de la liste. C'est l'ordre que je suis. C'est l'ordre de l'arrivée des mémoires au secrétariat des commissions.

Pendant que nous en sommes aux informations et aux éclaircissements sur la procédure, je voudrais vous dire, à tous et chacun, que nous suspendrons nos travaux à midi, aujourd'hui, pour les reprendre à deux heures trente jusqu'à cinq heures trente. Nous ne siégerons pas ce soir. Demain, la reprise des travaux se fera à dix heures. Nous essaierons de commencer à dix heures et non à dix heures vingt, comme ce matin.

M. Pepin, de la CSN.

Confédération des syndicats nationaux

M. PEPIN: Marcel Pepin, Confédération des syndicats nationaux. M. le Président, messieurs les membres de la commission, M. le Ministre...

M. LE PRESIDENT: Un instant, s'il vous plaît. Nous attendons la distribution.

M. PEPIN: M. le Président, MM. les membres de la commission, nous désirons traiter aujourd'hui, d'une manière très particulière, la question de la sécurité d'emploi des employés du bâtiment et de la construction. Pour ce faire, nous avons pensé que ce qu'il y avait de plus utile pour les membres de la commission, même si certains d'entre vous, dont le ministre, sans doute, ont déjà les documents, c'était de les distribuer.

Il s'agit de l'entente intervenue à la suite d'une grève dans l'industrie de la construction au mois de juillet 1969, et aussi faisant suite à cette entente du 10 juillet 1969, le rapport du juge Gold sur la sécurité d'emploi, qui a donné lieu par la suite à divers arrêtés ministériels, dont celui intitulé 4119, lequel a été amendé par le 2711 que vous discutez présentement.

Si nous n'avons pas cru approprié de revenir avec un long mémoire ou d'autres études sur cette question, c'est que nous considérons que l'entente de juillet 1969, faite par toutes les parties qui étaient alors représentatives, ou présumées l'être en vertu de la loi 290, était encore d'actualité et nous permettrait, nous semble-t-il, d'en arriver à un régime qui permettrait une meilleure sécurité d'emploi aux travailleurs du bâtiment.

Bien sûr ce n'est pas cette entente, ni d'ailleurs vos délibérations, ni les conclusions de ces délibérations qui vont fatalement donner de l'ouvrage dans la construction. Cela, je pense que tout le monde l'admet. Il s'agit de voir comment, lorsqu'il y a tel volume d'ouvrage ou de travail, les travialleurs professionnels de cette industrie auront une priorité d'emploi et pourront être placés, avoir du travail avant les occasionnels, ou avant ce qu'on appelle des réservistes.

Je me permettrai, avec votre permission, de vous livrer les grandes lignes de l'entente du 10 juillet sur cette question. Je vous rappelerai qu'elle a été signée par la Fédération des travailleurs du Québec et la Confédération des syndicats nationaux pour ce qui est des parties syndicales. Elle a été singée par la Fédération de la construction du Québec, l'Association provinciale des constructeurs d'habitation du Québec Inc., l'Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec, la Corpora-

tion des maîtres électriciens et la Corporation des maîtres mécaniciens en tuyauterie du Québec, pour ce qui est des parties patronales.

Cette entente — je voudrais aussi que vous vous en souveniez — a été réalisée par l'entremise du ministre du Travail du temps, l'honorable M. Bellemare, qui a participé à toutes les négociations, du moins à celles qui se sont déroulées pendant le conflit, assisté d'ailleurs par plusieurs sous-ministres, et M. Mireault, je pense, était aussi présent. Il y avait M. Lachapelle qui était un médiateur spécial du gouvernement en l'occurence.

Dans cette entente, nous avons jeté les bases de ce que nous croyons être cette forme de sécurité d'emploi à laquelle nous croyons encore, et j'essaierai d'expliquer un peu plus tard pourquoi l'entente n'a pas eu de suite.

Je vous rappelle donc, à la page 6 du premier document, que les parties ont accepté d'abord de continuer l'étude de ce problème au sein de la Commission consultative mixte, commission qui était prévue à l'article 47 de la Loi des relations de travail dans l'industrie de la construction.

Je vous rappelle que nous avions accepté d'élaborer une classification de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction selon des critères mixtes, non seulement d'ordre quantitatif, mais aussi d'ordre qualificatif. L'arrêté en conseil 2711 traite presque exclusivement du critère quantitatif, et non pas qualifitatif.

Les parties déterminent dès à présent deux catégories de travailleurs, celle des permanents, soit les professionnels, et celle des réservistes, les non-professionnels. On donne des critères pour établir cette dernière classification, soit les heures de travail dans l'occupation du travailleur, sa compétence. On subdivise en trois classes: la classe des travailleurs permanents, détenteurs d'une carte de compétence provinciale; les travailleurs permanents détenteurs d'une carte de compétence régionale; et la classe des travailleurs permanents dont l'occupation ne requiert pas présentement de carte de compétence selon la loi.

On a accepté d'élaborer un système de contrôle de l'embauchage. On a accepté l'enregistrement obligatoire de tous les travailleurs et de tous les employeurs. On a accepté de dire, au paragraphe b) à la page 7, et je pense que c'est important de le souligner, la catégorie des travailleurs permanents professionnels.

Les travailleurs de cette catégorie sont libres de s'adresser aux centres de main-d'oeuvre du Québec décrits ci-après pour obtenir de l'emploi. Ils sont libres également d'utiliser tous autres moyens d'embauchage, y compris les bureaux syndicaux de placement.

Les employeurs peuvent embaucher librement des travailleurs de cette catégorie sur le marché du travail. Cependant, les parties reconnaissent qu'une priorité d'emploi doit être accordée aux travailleurs régionaux de cette catégorie qui sont enregistrés auprès de l'orga- nisme de contrôle d'emploi. La commission consultative détermine si cette catégorie de travailleurs est soumise ou non à un système obligatoire de contrôle de l'embauchage, ainsi que l'extension et la restriction de la priorité d'emploi accordée aux travailleurs régionaux de cette catégorie.

Je pense qu'il faut que vous reteniez que la base même de toute la recherche qui a été faite dans le temps était d'assurer qu'il y aurait une priorité régionale lorsque les travailleurs étaient compétents et qu'il y en avait de disponibles. On a prévu des régimes d'exception au paragraphe e) pour les salariés réguliers permanents qui sont exclus de tout système obligatoire de contrôle. Dans tous les cas l'employeur doit toujours être le seul juge de la compétence de ces salariés dans un délai raisonnable à être déterminé par la commission, sous réserve des dispositions que peuvent contenir, bien sûr, les conventions collectives.

Il y a un régime d'exception syndicale au niveau des bureaux syndicaux de placement et on prévoit que le centre de main-d'oeuvre est le pivot essentiel pour faire fonctionner tout le système. Il y a l'enregistrement obligatoire, l'orientation professionnelle, l'administration des tests de qualification, l'émission des permis, les liaisons avec les entreprises, le placement des travailleurs, etc.

Je passe assez rapidement parce que je présume que, dans l'ensemble, les députés sont déjà au courant de ce document. Je désire le rappeler uniquement pour bien mentionner qu'il s'agissait d'une entente unanime de toutes les parties en juillet 1969. Je voudrais surtout que vous sachiez que nous avons décidé alors que s'il n'y avait pas entente sur l'application, il devait y avoir un arbitrage — ce sera le deuxième document que je tenterai d'expliquer, le document Gold — et que le mandat de l'arbitre était fort bien explicité au paragraphe 8 de ladite entente. Il était aussi clairement dit que l'arbitre, lorsqu'il prend la décision, se trouve à faire la loi des parties et que c'est considérer la décision du juge Gold comme étant la décision de la commission consultative mixte qui était formée alors en vertu de l'article 47.

Suite à cette entente de juillet — encore une fois, c'est au cours d'une grève que cela a été convenu, cela a été un règlement de grève où nous pensions alors, avec ce système, mieux protéger les travailleurs du bâtiment, leur assurer une meilleure sécurité à tout le moins — comme il n'y a pas eu accord à la commission consultative mixte, nous avons eu recours aux services du juge Gold; toutes les parties, pour faire arbitrer le différend et vous voyez la décision Gold qui est décrite ici et statue sur chacun des points. Elle permet aux centres de main-d'oeuvre d'exister et aux bureaux de placement de poursuivre leur but, pour autant que chaque fois qu'un centre de placement ou qu'un bureau de placement place un travailleur, il en prévienne le centre de main-d'oeuvre, que

les données soient les mêmes. Je crois que les critères retenus étant indiqués à la page 3 du jugement Gold, vous pourrez voir qu'on qualifie comme professionnels ceux qui ont au moins 800 heures l'année précédente ou 2,400 heures pendant les trois dernières années.

Vous pouvez voir toutes les modalités entendues ou expliquées par le juge Gold, les façons de compiler les heures de travail, les critères et normes du système de contrôle de l'embauchage, les compilations des heures de travail, les permanents réservistes. Il statue sur chacun des points. Bien sûr qu'il n'y a peut-être aucune partie — ni la CSN, ni les autres — qui était complètement en accord avec le jugement Gold, mais c'était une décision d'un arbitre et, quant à nous, cela nous a paru être un compromis acceptable qui pouvait permettre, évidemment, une meilleure sécurité d'emploi pour ces travailleurs du bâtiment.

Le jugement est paru. Le ministre du Travail ou le lieutenant-gouverneur en conseil devait, par la suite, édicter un règlement; cela a été fait. Il y avait une période de six mois entre le jour où le jugement Gold sortait et l'application du régime. L'arrêté en conseil 4119 a été basé en bonne partie sur le texte du jugement Gold et sur notre entente du mois de juillet 1969. Les députés qui étaient ici s'en souviendront, je pense que c'est en novembre 1970 ou quelque chose comme cela que le ministre actuel du Travail est arrivé, en disant: Nous n'appliquerons pas immédiatement l'arrêté en conseil 4119; nous le reportons à janvier 1971.

Nous étions alors en commission parlementaire pour donner suite au bill 38. J'avais, à ce moment-là, indiqué aux députés que c'était quelque chose d'inacceptable pour nous, puisqu'il y avait, quant à nous, une certaine violation des ententes de toutes les parties, auxquelles ententes le gouvernement du temps, l'Etat était mêlé. Le ministre actuel, M. Cournoyer, nous a dit: C'est partie remise; on n'a pas eu le temps. Les fonctionnaires ne sont pas préparés et il nous faut avoir du temps pour l'inscription des travailleurs. Nous allons le mettre en application en janvier.

Janvier est arrivé. On a commencé à tenter de le mettre en application. Cependant, on l'a révoqué assez rapidement dans les mois qui ont suivi, disant que c'était un système inapplicable. Pourquoi le système n'a-t-il pas été applicable? Peut-être que les députés et le ministre devraient rechercher les motifs pour lesquels il y a eu non-application réelle de cette formule de priorité ou de sécurité d'emploi. A mon avis, le gouvernement doit prendre une large part de la responsabilité. D'abord, les centres de main-d'oeuvre du Québec ne semblaient pas préparés à faire un travail comme celui-là. Il semble bien aussi que les fonctionnaires désignés ou affectés à cette tâche n'étaient pas tellement bien préparés ou n'avaient pas prévu l'entrée en vigueur du règlement. Il y a aussi le problème qu'entre les centrales syndicales il n'y a pas eu accord sur l'application, même si nous étions tous d'accord pour signer le document du 10 juillet 1969 et pour reconnaître que le jugement Gold devenait l'entente des parties.

Par la suite, mes collègues de la FTQ ont manifesté leur désir de ne pas s'enregistrer, ce qui pouvait, jusqu'à un certain point, pour un certain nombre de métiers à tout le moins, fausser le mécanisme. Est-ce que cela vaut la peine pour nous, aujourd'hui, de faire une autre recherche, de vous proposer autre chose? Nous avons essayé — comme CSN, avec les travailleurs qui sont membres chez nous — de faire tout ce que nous pouvions pour que les travailleurs du bâtiment ne soient pas dans une situation pire que ce que l'on connaît généralement dans les usines, tenant compte des exigences propres à cette industrie.

Je pense que nous avons fait d'énormes recherches de ce côté-là. Nous avons travaillé pour que ce ne soit pas uniquement des gens qui viennent prendre des "jobs" occasionnellement, qui prennent la place des travailleurs réguliers, permanents ou professionnels de cette industrie. Aujourd'hui, nous sommes exactement en face de la même situation. Est-ce que le gouvernement ou les députés ont vraiment ce désir et cette intention profonde d'en arriver à ce qu'il y ait une sécurité d'emploi? Le fait que l'arrêté en conseil 2711 donne d'abord à la Commission de l'industrie de la construction le pouvoir d'émettre des permis et, dans le cas de refus, que le ministre sur appel puisse décider de les émettre, de même que le fait que le ministre utilise ce pouvoir qu'il a dans le règlement, qu'est-ce que cela peut donner aux travailleurs professionnels du bâtiment généralement?

Il me semble avoir constaté, dans les rapports de la commission même, que sur les 10,000 permis qu'on aurait pu émettre vers les mois de mai et juin, peut-être 1,000 ou 1,500 personnes ont effectivement travaillé.

Pour combien d'heures? Je ne le sais pas. Ce n'est pas dans le document qui vous a été donné, ce sont des documents de la commission elle-même.

Le fait pour un député, par exemple, de faire pression auprès du ministre — Untel, donne-lui donc un permis, il serait disponible pour travailler dans la construction — ça peut plaire à ce travailleur mais est-ce qu'on se trouve à régler quelque chose dans l'industrie? Tout ce qu'on fait c'est qu'on dit à un gars: Vas travailler pendant une semaine, tu vas travailler à la place d'un autre. Au bout de la semaine, peut-être qu'il y aura un autre permis et on changera uniquement de travailleur sur le chantier.

Depuis des années, dans l'industrie de la construction, tout le monde s'est entendu pour dire que ce n'était pas une industrie comme les autres. On a voté une série de lois spéciales. La loi 290 a été proclamée comme étant un chef-d'oeuvre, dans le temps, par le gouvernement de l'Union Nationale, par M. Bellemarre, par d'autres partis, les employeurs; c'était le chef-d'oeuvre. Nous, nous ne pensions pas que

c'était le chef-d'oeuvre; nous l'avons dit dans le temps. Il ne s'agit pas de venir ici et de vous dire: Parce que nous vous l'avions dit ça s'est réalisé. Pas du tout. Il y a eu quand même des bienfaits de la loi sur d'autres aspects mais pas sur l'aspect de la sécurité des travailleurs. Tout le problème est le suivant: La députation veut-elle, mais pas uniquement théoriquement, assurer une sécurité d'emploi la meilleure possible aux travailleurs professionnels du bâtiment ou préfère-t-elle que ce soit encore la jungle qui existe? Avec l'arrêté ministériel 2711, nous sommes d'avis que c'est la loi de la jungle qui continue.

Je pense que là-dessus vous devriez, et rapidement, faire l'effort qu'il faut pour assurer une telle sécurité. Rappelez-vous aussi que depuis longtemps, depuis des années, vous adoptez des lois, des règlements particuliers dans cette industrie. Vous avez voté les bills 38, 15 et 58, plus récemment, une série de règlements pour amender les premiers. Quand le bill 38 a été adopté, vous avez sorti un premier décret. Vous n'étiez pas satisfaits, vous en avez sorti un deuxième et un troisième par la suite. C'est celui-là qui s'applique, même si légalement en pouvait soutenir qu'il n'y avait toujours eu qu'un seul décret qui était valide. C'est un autre problème, nous n'étions pas pour le plaider devant les tribunaux, nous avions assez d'autres travaux à faire. Vous avez aussi, au niveau de la sécurité d'emploi, je pense, amendé à deux ou trois reprises le même règlement pour finalement le changer et en arriver au 2711.

Quant à nous, nous avons fait récemment une autre rencontre avec nos représentants syndicaux de toutes les régions. Pour eux, leur espoir n'est pas tellement grand d'obtenir quelque chose quant à la sécurité d'emploi. Mais ils disent que c'est quand même la ou une des formules qui ont été mises de l'avant qui auraient pu donner des résultats, qui avaient l'accord de toutes les parties. Il me semble qu'au lieu de mettre ça au rancart on devrait l'essayer pour vrai, en dépit des difficultés que cela peut comporter entre les centrales syndicales. Les employeurs, je pense, s'attendent uniquement à avoir une main-d'oeuvre capable d'exécuter du travail. Vous allez peut-être me dire: Comme cela s'est passé en 1969, 1970, 1971, il ne sert à rien de revenir là-dessus, trouvez donc une autre formule.

Je vous avoue que la formule que nous avions trouvée, nous y avions travaillé pendant des mois et des mois. Elle a été détruite, comme je le disais précédemment, en bonne partie par le gouvernement. J'ose croire, MM. les députés, que vous pourriez revenir à l'examen de ce problème parce qu'il est crucial. Je pourrais vous parler de liberté syndicale, je pourrais vous parler aussi des qualifications professionnelles, je sais que c'est dans votre mandat. Mais, il me semble que le point le plus important pour nous et pour les travailleurs c'est de savoir si ceux qui ont vraiment acquis un statut dans cette indus- trie auront la priorité au travail ou si n'importe qui pourra les remplacer.

Je vous remercie, M. le Président.

M. LE PRESIDENT (Caron): Y a-t-il des questions?

Le député de Chicoutimi.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je ne voudrais pas, comme le soulignait M. Pepin, reprendre tout le débat et faire l'examen de tous les documents que nous avons à examiner et que nous avons examinés.

Si vous me le permettez, M. Pepin, j'aimerais vous poser une ou deux questions concernant non pas le problème de la sécurité d'emploi que vous avez exposé et qui nous a été d'ailleurs exposé à maintes reprises et que nous essayons de comprendre de la façon la plus lucide possible.

Vous avez parlé des permis de travail et de l'intervention des députés auprès du ministre pour que cesdits permis de travail soient octroyés à certaines personnes. Je vous pose la question suivante: Lorsqu'un député est placé dans la situation qui pourrait être celle-ci, soit celle d'un homme qui se présente à son bureau et lui dit: Voici, j'ai déniché un emploi. Nous avons déjà pas mal de problèmes d'embauche et je ne puis pas y aller parce que je n'ai pas de permis de travail. Le député — et je l'ai fait moi-même, M. Pepin, je tiens à vous en informer — le député intervient auprès du ministre en disant: J'ai reçu la requête suivante. Vous serait-il possible d'examiner cette requête et de faire octroyer au requérant un permis, si cela est conforme aux dispositions et réglementations de votre ministère?

Quelle objection avez-vous à ce genre de procédures en resituant le problème dans le cadre de ces mécanismes que vous avez déjà exposés et que vous avez évoqués, ce matin? Je vous pose le problème sur un plan strictement humain. Je suis en face d'un travailleur qui a trouvé un emploi mais qui ne pourra l'occuper que s'il obtient un permis de travail qu'il n'a pas ou qu'on lui a refusé. Quelle devrait être mi. position, mon attitude comme député?

M. PEPIN: M. Tremblay, pour répondre à votre question, d'abord j'y répondrai dans le cadre de ce qui existe présentement, l'arrêté no 2711. Avec l'arrêté no 2711, je pense que vous avez raison de le faire et vous n'avez presque pas le choix. Si vous ne le faisiez pas, pour une certaine conception que vous auriez, pour ne pas inonder le marché du travail trop fortement, il n'y a rien qui vous dit qu'un autre ne le ferait pas et qui ne passerait pas nécessairement par le député pour obtenir un tel permis.

Dans le cadre du régime actuel, comme c'est la jungle totale, à mon avis, de ce côté-là, je ne peux pas vous faire de grief que vous le fassiez et que vous recommandiez au ministre, s'il suit les prescriptions, d'émettre un permis.

Dans le cadre du projet que nous présentons, ce serait différent. Votre intervention ne pourrait pas avoir de succès auprès du ministre. Elle pourrait avoir du succès si \i. commission ou le centre de main-d'oeuvre disait: Je peux émettre un permis temporaire, parce que dans la région, disons, de Chicoutimi, il y a beaucoup de travail et on manque de main-d'oeuvre. Il y aurait des permis temporaires émis et on appellerait cela des "réservistes", comme les documents le mentionnent. Cela vaudrait pour un temps donné. Si l'employé a fait tant d'heures au cours de l'année, il deviendrait permanent.

Votre intervention dans le nouveau régime préconisé ne serait pas utile. Dans le régime actuel, votre intervention peut être utile, mais ce qu'elle fait comme conséquence, votre intervention, c'est qu'elle ajoute un salarié sur le marché du travail dans l'industrie de la construction, peut-être quelqu'un qui n'y a jamais travaillé, et peut-être qu'il y a un autre salarié qui pourrait être disponible et qui, lui, n'a pas cet emploi.

Faisons l'analogie avec une usine donnée, qui a un bloc de salariés de 1,000 ou 2,000. S'il y a ouverture d'emploi, ils peuvent parfois même demander aux députés d'intervenir auprès de la compagnie pour avoir un emploi en autant que les règles d'ancienneté sont respectées. Ceux qui ont été mis à pied au préalable ont priorité d'emploi sur ceux qui n'ont jamais travaillé dans cette entreprise.

Donc, répondant à votre question le plus directement possible, dans le régime actuel, je vous comprends fort bien. Dans le nouveau régime, vous n'auriez pas à intervenir.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je remercie M. Pepin de sa réponse. Vous me permettrez maintenant de me tourner du côté du ministre du Travail et lui demander ceci.

Est-ce que le ministre du Travail, sans présumer de ce qu'il a l'intention de présenter comme loi ou amendements à celle qui existe déjà, a l'intention de revoir ces mécanismes dont on vient de nous parler afin que cette situation que j'ai décrite d'un homme qui s'adresse à moi pour que je m'adresse au ministre ne se reproduise pas et ne vienne pas déranger l'économie générale du système dont parlait tout à l'heure M. Pepin?

M. COURNOYER: Vous posez la question d'une façon simple. Est-ce que le ministre a l'intention de se départir des pouvoirs qu'il s'est fait donner par le lieutenant-gouverneur en conseil? Je dois vous avouer que ces pouvoirs sont beaucoup plus douloureux pour moi étant donné que, malgré tout ce qu'on peut dire, certains buts poursuivis par les différents arrêtés en conseil sont parfaitement normaux. Je les conçois comme tels et je suis d'accord avec ces buts. Cependant, je doit admettre qu'il y a une certaine carence — M. Pepin l'a mentionné tantôt — de la part des centres de main-d'oeuvre du Québec, en particulier du fait que nous n'avons pas — je l'ai dit à plusieurs reprises — tous les effectifs requis pour prendre sur nous la responsabilité totale d'un système comme celui qui avait été préconisé dans l'arrêté en conseil 4119. Les pouvoirs que le ministre exerce aujourd'hui ressemblent drôlement aux pouvoirs qui pouvaient être exercés par chacun des centres de main-d'oeuvre dans chacune des régions.

Compte tenu du genre de pressions que je reçois continuellement de la part de mes collègues du Parlement, s'il n'en tenait qu'à moi de le faire, je serais heureux de transporter ce pouvoir sur d'autres épaules. Cependant, malgré le fait que ces pouvoirs soient douloureux, parce que la pression se jette totalement sur les épaules du ministre dans les cas parfaitement humains dont vous avez parlé tantôt, il me semble que tant et aussi longtemps que nous n'aurons pas remplacé ce droit d'appel au ministre par un autre mécanisme aussi — je ne dirai pas honnête, parce que je sais que vous ne me trouvez pas tous honnête — humain à la Commission de l'industrie de la construction, dans les mains des parties conctractantes au décret, tant qu'on n'aura pas établi ou transféré ce pouvoir, tant qu'on n'aura pas établi les normes dont M. Pepin parle sans en parler — les normes régionales dont M. Morin parlait tantôt, normes d'emplois, normes d'émission de permis de travail — tant et aussi longtemps donc qu'on ne les aura pas établies, et ceci est dû pour le 30 octobre, le ministre doit conserver ces pouvoirs.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je remercie le ministre. Je voudrais poser une autre question à M. Pepin.

M. Pepin, vous avez parlé tout à l'heure — M. Morin nous a fourni aussi des renseignements à ce sujet — de la sécurité d'emploi en fonction de la catégorie des travailleurs: travailleurs permanents, professionnels, réservistes, etc. Il arrive que des demandes nous soient présentées par des citoyens qui ont déjà été des travailleurs des métiers de la construction. Ils se sont occupés, pendant un certain temps, à d'autres fonctions qui n'avaient rien à voir avec la construction et, à un certain moment, ils sont mis à pied et ils veulent revenir à l'industrie de la construction. C'est ce qui explique que souvent ils s'adressent à nous pour obtenir un permis. Toujours dans la perspective de ces mécanismes dont vous nous parliez, comment pourrait-on parvenir à réintégrer ces travailleurs dans l'ensemble des métiers de la construction, en tenant compte des catégories professionnelles, permanentes, réservistes, etc? Lorsqu'ils se présentent à nous, c'est une question pour eux de primo vivere ; c'est une question de pain et de beurre. Ils ont besoin absolument d'entrer sur le marché du travail et de trouver un emploi. Souvent, ils l'ont trouvé lorsqu'ils viennent nous voir. Alors, j'aimerais savoir comment vous envisagez, à court terme ou à moyen terme, cette politique de réintégration

des gens qui, ayant travaillé dans un secteur, veulent revenir dans celui de la construction.

M. PEPIN: M. Tremblay, dans ce problème, il faut bien sûr fixer des normes. A certains moments, cela peut jouer contre des individus et en favoriser d'autres. Vous ne pouvez pas avoir un système d'une souplesse telle que tout le monde y trouvera exactement le compte qu'il désire y trouver.

Nous avons prévu — c'est dans le jugement Gold que nous le retrouvons — que si l'employé a travaillé au moins 2,400 heures dans les trois années précédentes, dans cette industrie, il peut être considéré comme un permanent. Cela ne répond pas d'une manière satisfaisante à votre question. Il peut arriver que quelqu'un soit allé travailler à Desbiens, dans une usine à papier, pendant, je ne sais pas, cinq ou six ans et que l'usine ferme. Il veut se réintroduire dans l'industrie. Je n'ai pas beaucoup de réponses à vous donner parce que c'est exactement de même essence, si vous voulez, toujours par voie analogique, au cas de celui qui sort de l'entreprise, pendant une longue période, et qui voudrait s'y réintroduire. A ce moment-là, il a perdu un certain nombre de droits, au sein de cette entreprise, et il ne peut pas réintégrer son emploi ou un emploi dans cette entreprise avant ceux qui ont conservé leur droit d'ancienneté.

Vous me direz: Qu'est-ce que je fais avec l'individu — comme vous le suggérez, et fort à propos, d'ailleurs — qui a besoin de vivre et qui pourrait avoir un emploi le lendemain? Dans le contexte actuel, il n'y a pas de problème, c'est bien sûr. Le gars aura son permis et il aura son emploi. Mais, dans un contexte où il y aura une certaine planification, je pense que cet individu ne pourra pas réintégrer le marché du travail de la construction de la même façon qu'on peut le faire aujourd'hui.

Vous me direz que c'est peut-être un peu sévère pour ceux qui ont déjà oeuvré dans l'industrie et qui veulent y revenir. C'est peut-être un peu sévère mais il faut arrêter, à un certain moment. Si vous vous en allez comme fonctionnaire, comme pompier ou, peu importe, dans la police, que vous sortez de là et que vous voulez reprendre votre métier, je pense bien que vous pouvez au moins considérer comme moi que vous ne pouvez pas le faire au détriment de certains autres qui, eux, sont restés professionnels.

Peut-être que ma réponse ne vous donne pas satisfaction mais je pense que je n'en ai pas d'autres.

M. TREMBLAY (Chicoutimi) : Je vais vous poser une dernière question, M. Pepin, à ce sujet. Au bout de la course, est-ce que la conception que vous vous faites de la sécurité d'emploi, dans le cadre de la construction comme telle, n'aboutit pas à un contingentement forcé des travailleurs et à une sorte de barrière que l'on dresserait autour de l'industrie de la construction pour empêcher certaines gens d'y entrer et que, de ce fait, ces gens se trouveraient condamnés à un chômage perpétuel? Le problème que vous signalez, dans l'industrie de la construction, se retrouve dans d'autres domaines. On le retrouve, par exemple — vous en savez quelque chose — dans le domaine de l'enseignement. Est-ce qu'à long terme ou au bout de la course ce n'est pas revendiquer le droit à un contingentement des travailleurs de l'industrie de la construction et faire sanctionner, par le gouvernement, sous forme de décret ou de loi, le principe du contingentement?

M. PEPIN: Si je comprends bien votre question, est-ce qu'à la fin tout cela va conduire à ce qu'il y ait un nombre limité de travailleurs de l'industrie? Possiblement, il y aurait un nombre trop limité et cela pourrait donner — je ne sais pas — une plus grande force à ceux qui sont dans cette industrie? Moi, je peux vous répondre que la situation actuelle est, à mon avis, très dommageable. Vous allez peut-être me dire: Ne la remplacez pas par un système qui pourrait être pire, à nos yeux ou aux yeux des gens. Je voudrais au moins, pour articuler une réponse à votre question, commencer par voir la situation présente.

Les chiffres qui ont été fournis par M. Morin, précédemment, sont assez éloquents, même s'il faut les prendre avec réserve. On ne peut pas diviser le nombre d'heures par le nombre de salariés là-dedans, en raison des données que lui-même a fournies. Mais la situation actuelle est très déplorable.

Il y a des milliers de travailleurs à qui on donne de faux espoirs, à savoir qu'ils peuvent travailler dans cette industrie, et qui effectivement ne le font qu'un certain nombre de semaines ou de mois par année. Est-ce que le système que nous préconisons va faire que le nombre de travailleurs sera réduit? Je pense que le nombre de travailleurs devra être réduit, quel que soit le système que vous puissiez envisager, à moins que le désir soit de maintenir la loi de la jungle.

Est-ce que cependant le fait que ce ne soient pas uniquement les parties qui soient les propriétaires de tout cela... Parce que dans le schéma préconisé vous voyez que le rôle de l'Etat existe. L'Etat est présent et il a un rôle réel à jouer, c'est lui qui est censé s'occuper du bien commun ou du bien public, alors s'il se rend compte que les parties exagèrent et essayent de fermer un métier ou quelques métiers d'une manière telle que les "jobs" ne peuvent pas se faire, je pense que l'Etat a un droit d'intervention de ce côté-là.

Je veux vous dire que si, par hasard, vous vous imaginiez que nous sommes peut-être assez machiavéliques pour préconiser un plan comme celui-là en vue d'en arriver à ce qu'il y ait une limite telle de travailleurs que les travaux ne pourraient pas se faire, ou encore d'autres choses pourraient se produire comme des taux de salaire qui pourraient être demandés d'une

manière très considérable, je dois vous admettre que tel n'est pas l'objectif que nous poursuivons. Ce n'est pas parce que nous ne voulons pas avoir de bons salaires. Ce n'est pas du tout l'objet de mon propos. Mais il me semble que nous n'avons pas le choix à l'heure actuelle, que nous devons en arriver à un certain contingentement.

La loi 49 est faite aussi pour ça, pour essayer de dire: On ne formera pas de ferblantiers à la tonne si on n'a pas besoin de ferblantiers, si ce n'est pas prévisible qu'on en aura besoin.

Si vous me permettez d'élargir aussi un peu le débat, M. Tremblay et MM. les membres de la commission, je pourrais vous dire que ce serait le véritable début d'une planification possible de l'industrie dans le sens suivant — je pense que je l'ai déjà exprimé ici, mais je me permets de le répéter si je l'ai déjà fait —: A l'heure actuelle, les travaux de construction sont décidés par les investisseurs. Il y a, je pense, 52 p.c. des travaux de construction qui naissent à un palier gouvernemental ou à un autre.

S'il arrivait, au moins pour les paliers gouvernementaux, avant de commencer une construction, qu'une commission qui reçoit une requête disant: Nous avons l'intention de construire un complexe — disons le complexe G ici — en telle année, il serait possible pour les parties, ayant fait l'inventaire de la situation, de dire: Est-ce que c'est possible pour le gouvernement de retarder ce travail en 1973, parce que là l'industrie de la construction dans cette région va être au maximum? Cela ne veut pas dire au point de départ que ce serait un ordre, mais au moins un avis. Ce serait une indication.

Et cela aussi pourrait se faire dans le domaine privé, de telle façon que l'investisseur serait informé qu'il aura plus de difficultés à avoir de la main-d'oeuvre parce que les prévisions sont telles que le nombre d'emplois va être trop considérable par rapport au nombre d'employés.

Est-ce qu'il serait illogique de prévoir une telle planification, non seulement de la main-d'oeuvre, mais aussi des investissements? Et je pense bien que ce n'est pas tellement révolutionnaire comme idée, mais ça permettrait vraiment d'éliminer la loi de la jungle.

J'espère avoir répondu au moins partiellement à votre question. Le but n'est pas d'en arriver à ce qu'il y ait un nombre trop limité de travailleurs. Pour nous, c'est d'en arriver à ce que ceux qui sont vraiment professionnels de l'industrie aient une priorité d'emploi avant les autres.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Pepin, je vous pose une question ou je la pose en l'air, de façon théorique: supposons que nous en arrivions à une forme de contingentement dans l'industrie de la construction, et que, d'autre part, on examine les problèmes qui se posent dans les autres milieux de travail, quels qu'ils soient: enseignement, corporations profession- nelles, etc., est-ce que vous ne pensez pas qu'une planification gouvernementale parfaitement articulée amènerait un contingentement des travailleurs de toutes catégories dans tous les milieux de travail du Québec?

A ce moment-là, il faut poser bien clairement le problème en termes de planification selon un schème de dirigisme d'Etat qui ferait que tous les travailleurs seraient dirigés vers tel ou tel type d'activité économique de par la volonté de l'Etat. Si on accepte le principe — et cela peut être valable, compte tenu des aspects pratiques de la situation qui vous préoccupe — du contingentement dans l'industrie de la construction, je ne vois pas pourquoi le gouvernement qui sera appelé à sanctionner des lois qui consacreraient ce principe ne devrait pas, par la suite, proposer des législations qui établiraient un contingentement dans tous les milieux de travail, quels qu'ils soient.

M. PEPIN: M. Tremblay, je ne sais pas si vous étiez en Chambre ou si vous avez voté pour ou contre la loi 49. Je soutiens que c'est une loi qui donne justement ce pouvoir à l'Etat. De mémoire, je crois que c'est à l'article 40 ou 39 que vous allez retrouver cette question de contingentement. Je pense que c'est autour de l'article 52. Il y a longtemps que je n'ai pas regardé la loi et je ne sais pas si vous avez voté pour ou contre, mais ce que je vous dis, c'est que vous avez vraiment voté, cette fois-là, une loi de contingentement. Cela ne répond pas à votre problème, c'est simplement pour vous rappeler que l'Assemblée nationale a déjà voté une loi exactement dans le sens que vous mentionnez et vous semblez y trouver un contenu assez mauvais.

Je ne crois pas cependant...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... M. Pepin, je vous corrige tout de suite, je n'ai pas porté de jugement. J'ai tout simplement posé le problème en principe.

M. PEPIN: Je retire donc ma dernière phrase. J'avais cru qu'il y avait un certain jugement de valeur dans votre question. Maintenant, est-ce que, parce que nous déciderions, dans l'industrie du bâtiment, d'avoir une certaine forme de sécurité d'emploi, avec les mécanismes que nous mettons de l'avant, cela conduirait fatalement à ce qu'il y ait un contingentement tel que les hommes ne seraient plus libres d'apprendre les métiers qu'ils veulent?

Vous savez, la liberté d'apprendre un métier à l'heure actuelle, comme la liberté d'aller au CEGEP ou ailleurs, peut exister, mais ce qu'il est aussi très important de prévoir, pour le lendemain et lorsque vous aurez appris votre métier, c'est si vous allez pouvoir travailler. Cela est aussi important, parce que je crois qu'il y a des germes de révolution quand on n'a aucun ordre dans une industrie aussi vitale que celle de la construction. Tôt ou tard — et cela arrive par

périodes — les gens explosent parce qu'ils se disent: On n'a pas de sécurité, on n'a rien, puis quand la crise arrive on trouve des boucs émissaires, comme d'habitude.

Mais il reste, quant à moi, que ce n'est pas uniquement parce qu'on va appliquer tel mécanisme de sécurité qu'on va décider d'enrégimenter tous les travailleurs en leur disant: Toi, tu vas devenir spécialiste dans telle sphère d'activité; toi, ça va être telle autre sphère d'activité, etc. De toute façon, je vous rappelle, que vous avez voté vous-même la loi 49, et, si j'en suis le modèle, elle permet au ministre du Travail, via le lieutenant-gouverneur en conseil qui adopterait des règlements, de se rendre jusqu'où vous avez suggéré, sans qualifier si c'est bon ou pas bon.

Je voudrais vous rappeler que, dans le document que vous avez devant vous, il y a une annexe qui s'appelle l'annexe 2 qui suit le jugement, qui était dans le jugement même, et le schéma qui a été donné dans ce document est un schéma qui provenait, dans le temps, du ministère du Travail lui-même. Je pense que personne ne pourra le contester et je crois que les gens du ministère croyaient à l'époque que c'était réalisable.

Il me semble que pour protéger une industrie comme celle-là, protéger les travailleurs, il vaut la peine de faire les recherches appropriées. Il me semble que cette formule ne doit pas être rejetée du revers de la main.

Le ministère du Travail et tous ceux qui veulent garder certains pouvoirs au Québec ont critiqué le fait que les centres de main-d'oeuvre du Canada soient vraiment les seuls existants, les seuls vrais. Les centres de main-d'oeuvre du Québec, je pense que personne ne peut dire qu'ils existent d'une manière valable, même si on doit dépenser autour de $1 million par année pour maintenir de tels centres de main-d'oeuvre.

On avait une occasion rêvée d'avoir des centres de main-d'oeuvre du Québec. Quant à moi, je considère que c'est vraiment de juridiction provinciale. On en avait l'occasion dans le cas du bâtiment; on l'avait d'ailleurs aussi dans le cas de la fonction publique et on verra comment cela pourra se résoudre éventuellement. Dans le cas du bâtiment, on pouvait avoir des centres de main-d'oeuvre au Québec vraiment efficaces. On n'a pas saisi l'occasion, de telle manière qu'aujourd'hui c'est uniquement les centres de main-d'oeuvre du Canada qui sont en avant. Les centres de main-d'oeuvre du Québec n'ont pas la même qualité — si je peux m'exprimer ainsi — que ceux du Canada.

M. LAURIN: J'aimerais poser une question au député de Chicoutimi sur sa question. Ne croyez-vous pas que ce contingentement existe déjà dans l'industrie privée lorsque les industries changent de technologie, optent pour l'automatisation, ce qui les amène à licencier un nombre considérable de travailleurs et ce qui provoque parfois des grèves dont les règlements sont très longs, comme on l'a vu à la Presse? Ne voyez-vous pas un parallèle à faire entre la situation qui prévaut au sein de l'Etat et celle qui prévaut au sein de l'entreprise privée et des solutions parallèles?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je pense que vous avez raison à certains égards. Il existe dans l'entreprise privée des formules qui pourraient s'apparenter au contingement de la même façon qu'il existe dans la profession des psychiatres des formules qui organisent un contingentement assez sévère. Cela vaut pour toutes les corporations professionnelles de la nature de celle à laquelle vous appartenez; dans le domaine médical, par exemple, dans le domaine du droit, etc. Ce qui m'intéresse, ce n'est pas de savoir si la chose existe ou n'existe pas à l'heure actuelle d'une façon déguisée, tacite ou officielle. Ce qui m'intéresse c'est de savoir, à moyen ou à long terme, quelle est l'attitude du gouvernement au sujet de cette politique de contingentement dans tous les ordres d'activités socio-économiques du Québec.

Pensant à la planification du gouvernement, je m'adresse finalement au ministre du Travail pour lui demander de nous dire s'il est dans l'intention du gouvernement d'exercer ses pouvoirs législatifs en vue de favoriser, selon un échéancier que je ne puis pas déterminer, la présentation de lois qui établiraient des contingentements des travailleurs dans tous les domaines.

M. COURNOYER: Je pense être de l'avis de M. Pepin, au moins sur le bill 49, qui contient les germes du contingentement. On peut dire que tout le système scolaire vise aussi à un contingentement quelconque étant donné qu'on peut prévoir d'avance qu'il y aura des emplois possibles et disponibles dans tel ou tel métier.

On peut cesser, par exemple, tel cours, c'est-à-dire qu'on peut cesser de donner des cours d'électronique parce qu'on n'aurait plus besoin d'électroniciens à un certain moment qu'on pourrait prévoir.

Tout le bill 49 vise à tenter de prévoir, au moins, les besoins qualitatifs de la main-d'oeuvre et quantitatifs en même temps. C'est général, ça ne s'applique pas qu'à l'industrie de la construction. Nous visons à établir les besoins qualitatifs et quantitatifs de la main-d'oeuvre par le bill 49 et le contingentement est nettement fonction d'un besoin. Ce que j'excécrerais et ce que je ne peux pas trouver dans le bill 49, c'est que le gouvernement se donne le pouvoir de contingenter les besoins. On ne crée pas des besoins en fonction de la main-d'eouvre qu'on a contingentée. Le dirigisme de l'Etat peut aller jusqu'à une certaine limite, mais son dirigisme dans le domaine de la formation professionnelle doit être d'un tel ordre qu'il ne peut pas

empêcher quelqu'un de suivre le cours auquel ses capacités lui permettent d'aspirer.

C'est l'antithèse pratique du contingentement. Mais ce qui arrive, c'est qu'à toutes fins utiles le contingentement devient naturel. Par voie de conséquence, quand il y a trop de personnes dans un métier, même si nous avions pris, nous, les mesures nécessaires pour établir les besoins futurs, si des individus continuent de vouloir oeuvrer dans ce métier, je pense que ce serait aller loin que d'empêcher quelqu'un d'apprendre le métier auquel il aspire. On ne peut pas empêcher quelqu'un d'apprendre le métier d'avocat. Tout ce qui peut lui arriver, c'est que, s'il y en a trop, à un moment donné, il y a quelqu'un qui le contingente déjà à l'intérieur des corporations. Cela peut devenir choquant pour un esprit démocratique.

M. PEPIN: Ils peuvent le bloquer au Barreau.

M. COURNOYER: Oui ou employer des méthodes différentes, qui ne sont pas le contingentement. C'est une constatation de fait; certains disent — je n'ai pas la preuve de ça; je ne peux même pas l'affirmer — qu'on a divers moyens de contingenter annuellement le nombre de personnes qui pénètrent dans une ou l'autre des professions qui, elles, sont soumises à des lois particulières qui sont révisées de ce temps-ci dans les différents bills qui sont étudiés ici.

Quant à moi, au ministère du Travail, il me semble que, parmi les moyens dont nous disposons ou ceux que M. Pepin voudrait que nous ayons, nous n'avons pas encore, pour la construction en particulier, le moyen de planifier les investissements. Les investissements du gouvernement pourraient être planifiés à condition que les besoins de la population, eux aussi, soient planifiés. C'est assez difficile de prévoir ou de planifier les besoins de la population. Elle a ces besoins ou elle ne les a pas. Quand il s'agit de construire à Québec des édifices gouvernementaux, c'est une constatation de besoins d'abord, pas nécessairement une constatation qu'il faut investir ou ne pas investir. Quand une entreprise décide d'investir dans un projet à Sept-Iles, je comprends que ce n'est pas tellement gai pour les gens qui ne sont pas de Sept-Iles d'aller travailler à Sept-Iles s'ils n'aiment pas ça, mais il reste que je ne pourrais pas facilement empêcher, pour d'autres fins, quelqu'un de faire l'investissement qu'il veut faire dans une région.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le ministre, de tout ce que vous venez de dire que peut-on conclure? Est-ce que la planification du gouvernement va dans le sens, justement, d'une planification des investissements en fonction des ressources humaines, physiques du Québec, des besoins du Québec?

A toutes fins utiles — l'exemple de la loi no 250 est assez éloquent — est-ce que le gouverne- ment ne tend pas, justement, à mettre de l'avant une politique qui aboutira fatalement à un contingentement?

M. COURNOYER: Je ne peux pas dire que vous avez tort ou que vous avez raison sur l'aboutissement possible. Je ne le mets pas en doute, du moins dans certains cas. Dans l'industrie de la construction en particulier, nettement, nous ne pouvons pas faire autrement, en voyant les chiffres qui nous sont donnés, que d'arriver à une sorte de contingentement. Autrement, on arrive à la conclusion du président de la commission tantôt, c'est que l'industrie de la construction devient, tout simplement le déversoir de ceux qui ne peuvent pas gagner leur vie ailleurs. Si on pense que l'industrie de la construction est essentielle au Québec, qu'elle a besoin de se développer d'une façon normale et que c'est vrai que, lorsque le bâtiment va, tout va — j'ai vu cela dans un mémoire — on peut dire le contraire aussi. C'est que, quand l'industrie va, le bâtiment va. Le développement industriel se fait d'abord très souvent par des constructions. Il y a une sorte de corrélation entre les deux qui fait que c'est une constatation que, si le bâtiment va, le reste marche, mais c'est aussi parce que le reste marche que le bâtiment va.

Je ne peux pas penser que particulièrement on puisse assujettir rapidement les investissements de l'industrie privée en fonction de l'industrie de la construction. Je suis obligé de retourner cela à l'envers. C'est nous qui devons planifier le développement de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction de manière à rencontrer des besoins qui sont essentiels et non pas accidentels.

L'industrie de la construction, si j'ai bien compris d'après la petite expérience que j'ai, c'est une industrie de services. C'est une industrie qui sert d'autres industries et qui utilise des matériaux qui viennent d'autres industries. C'est une industrie extrêmement importante, mais ce n'est pas l'industrie qui présente le caractère de stabilité dont chacune des régions peut avoir besoin. Par exemple, prenons le cas de Saint-Joseph-de-Beauce. Je le prends parce qu'il est récent. Je ne veux pas, non plus, en faire un exemple pour tout. Quand un incendie détruit une usine où, environ 200 personnes gagnent leur vie, même si je voulais penser à dire à l'entreprise ou aux gens de la municipalité: Ne construisez pas votre usine tout de suite. Voulez-vous attendre, on aura peut-être de la main-d'oeuvre l'an prochain dans ce domaine particulier, je me trouverais à faire du dirigisme, même un dirigisme consommé, seulement en suggérant cela aux gens. Il y a un incendie. Un besoin est créé, mais le besoin ne peut pas toujours être planifié.

Si la province de Québec était à la fin de son développement, ce serait simple, mais nous ne sommes pas à la fin de nôtre développement. A mon sens, nous ne sommes presque pas partis

encore. Les chiffres qui sont là sont éloquents. Ils ne sont peut-être pas complets, comme le dirait M. Morin, mais ils sont quand même éloquents. Dans cette industrie en particulier, malgré tous les efforts, malgré les ententes qui sont restées des ententes, qui sont devenues des non-ententes — l'évolution de cela a été faite il y a déjà un certain nombre de mois — la Commission de l'industrie de la construction peut, ce matin et dans les jours qui viendront, faire constater à la population du Québec, qui n'est pas que les syndicats de la construction, des faits qui sont absolument indéniables.

On n'a même pas à en faire la preuve à moins que ces faits ou ces chiffres qu'on nous donne soient faussés, ce dont je doute fort. Ce n'est pas une question de fausser ces chiffres, c'est une question d'interprétation de ces chiffres. Les chiffres qui nous sont donnés nous indiquent qu'il ne semble pas possible de gagner décemment sa vie dans l'industrie de la construction sans qu'il y ait une réglementation. Et si cette réglementation avait pour effet un contingentement, c'est un effet que je considérerais comme totalement secondaire. Dans l'industrie de la construction, pour moi, on doit pouvoir gagner honnêtement sa vie.

Si cela n'est pas possible, il faut rechercher les causes. Et une des causes peut être le trop grand nombre d'individus qui y viennent. Mais, encore là, M. Morin a été assez circonspect en tenant pour acquis que certains des chiffres pouvaient avoir une certaine allure mais qu'il fallait faire attention un peu à l'interprétation qu'on devait leur donner.

Mais, pour la première fois, nous constatons, par les chiffres qui nous sont fournis, des tendances et des situations qui ne sont pas du tout pareilles dans la province de Québec. Remarquez que ce n'est peut-être pas la première fois, mais c'est au pifomètre qu'on le faisait avant. Aujourd'hui, nous le constatons par des chiffres qui sont calculés avec toute la machinerie moderne qu'on peut avoir, surtout à cause du fait que nous avons eu l'arrêté en conseil 4119 et que nous avons encore l'arrêté en conseil 2711.

Si nous n'avions pas ces éléments de base, M. Pepin, même si c'est encore la jungle — je l'admets avec vous — nous ne verrions même pas poindre la petite clairière qu'il y a peut-être dans la jungle. Je me permets d'espérer que ces chiffres, utilisés à bon escient, peuvent faire comprendre au reste de la population qu'il y a lieu de faire quelque chose pour cette industrie. Si cela arrive au contingentement, je vous assure que dans cette industrie en particulier — et je ne parlerai pas des autres industries pour le moment — en prenant les précautions nécessaires pour ne pas mettre l'industrie à la merci de ceux qui sont en bas, comme c'est arrivé ailleurs, en prenant les précautions nécessaires, dis-je, si cela a comme conséquence un contingentement dans l'industrie de la construction, je suis d'accord. Mais ce n'est pas ce que je recherche. Ce que je recherche et ce que nous devons rechercher, c'est beaucoup plus que les individus qui travaillent dans l'industrie de la construction par essence, les professionnels de la construction, une fois qu'on peut les identifier, gagnent décemment leur vie dans cette industrie.

Peut-être pouvons-nous espérer, une fois que ce noyau gagnera décemment sa vie dans l'industrie, que les taux de salaire ne prendront pas l'allure qu'ils prennent, avec toutes les conséquences que cela a sur le restant de l'industrie au Québec.

Quand un homme gagne bien sa vie, il me semble qu'il est un peu plus satisfait que lorsqu'il gagne une moyenne de salaire de $2,500 ou $3,000 par année, avec des salaires horaires extrêmement élevés par rapport aux autres salaires qu'on retrouve dans l'industrie ordinaire et pour des gens qui font leurs 2,000 heures par année.

Remarquez que ce sont peut-être des énoncés de bonnes intentions. Ces choses, le ministre du Travail ne peut pas les faire seul. Cela prend beaucoup d'éducation. Les séances de commission parlementaire que nous tenons, avant même qu'il y ait des lois de proposées ou des arrêtés en conseil de modifiés ou des annonces de faites par le gouvernement, c'est beaucoup plus pour que nous recherchions tous ensemble et que nous arrivions au moins au même point sur les faits qui sont devant nous. Les faits que vous avez devant vous sont peut-être contestables. Je n'ai pas de raisons de les contester. Les faits qui viennent de M. Morin, je n'ai aucune raison de les contester. Ils peuvent être interprétés différemment. Ce que je recherche, par cette commission parlementaire, pour cette semaine et la semaine prochaine, c'est d'établir les faits pour qu'un jour, si le gouvernement et le ministre du Travail se décident à faire quelque loi que ce soit, ils la fassent sur les mêmes faits, pour tout le monde en même temps. C'est la seule recherche que j'ai.

Encore une fois, je répète que si, dans l'industrie de la construction — là-dessus, je suis d'accord avec M. Pepin — nous ne mettons pas, non pas le point final à tous les arrêtés en conseil, mais si nous ne faisons pas ce que, normalement, nous devons faire, c'est-à-dire trouver le moyen pour assurer un revenu adéquat, normal, pour un travailleur de l'industrie de la construction, nous allons maintenir l'industrie de la construction dans l'état de jungle, dans l'état de marasme dans lequel elle se trouve.

Je ne mets pas de côté, non plus, l'autre suggestion qui est intimement reliée à cela. Dans la mesure du possible, les investissements pourraient être planifiés en tenant compte de la main-d'oeuvre, dans la construction, mais je ne peux pas dire que cela doit être le facteur, et le seul, qui me permette de développer mes investissements. Ce n'est qu'un des facteurs. Par ailleurs, je dois faire en sorte que je développe

ma main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction, en fonction d'un certain plan des investissements, s'il est possible d'en faire un.

M. LE PRESIDENT: Je profite de l'instant pour suggérer la suspension de nos travaux jusqu'à deux heures trente.

M. PEPIN: Pourrais-je savoir s'il y a encore des députés qui ont des questions à me poser?

M. LE PRESIDENT : Nous y reviendrons, oui. Il y a encore des questions.

M. PEPIN: C'était pour savoir si j'allais revenir ou non.

M. LE PRESIDENT : Vous en avez encore pour une secousse.

(Suspension de la séance à 11 h 58)

Reprise de la séance à 14 h 34

M. SEGUIN (président de la commission permanente du travail, de la main-d'oeuvre et de l'immigration): A l'ordre, messieurs!

Le député de Chicoutimi.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Rapidement, je voudrais poser encore une ou deux question à M. Laberge.

M. LE PRESIDENT:M. Pepin.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Excusez-moi, M. Pepin.

M. LE PRESIDENT: Je reprendrai le député chaque fois qu'il fera erreur.

M. LABERGE: Chassez le naturel et il revient au galop.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'ai hâte de vous interroger M. Laberge.

M. Pepin, vous avez parlé ce matin des problèmes du bâtiment, de la construction, de cette jungle qui existe dans ce monde et au sujet de laquelle on a déjà passablement parlé. Je ne vous poserai pas la question à vous, vous pourrez faire un commentaire si vous le souhaitez, mais j'aimerais interroger le ministre du Travail, mon excellent ami, pour lui demander ceci.

A la lumière de toutes les représentations qui lui ont été faites, de l'expérience qu'il a acquise dans ce domaine du travail, particulièrement dans celui de la construction et des multiples difficultés qu'il a rencontrées, est-ce qu'il est de son intention — après évidemment l'audition des témoins pour l'examen du problème qui nous occupe actuellement — de préparer une loi qui ferait ou referait la synthèse de tout ce que nous avons vu, de tout ce que nous savons sur le sujet, particulièrement ce qu'on appelle en anglais les points chauds, afin de régler — si on peut appeler ça comme ça — une fois pour toutes, mais à tout le moins apporter les éléments de solution ou de règlement à un problème qui risque de tramer en longueur, au préjudice de tout le monde, si l'on ne règle pas les questions qui reviennent constamment à la surface, et qui nous obligent à siéger — comme nous le faisons aujourd'hui — en commission parlementaire ?

M. COURNOYER: L'obligation que nous avons de siéger en commission parlementaire est placée d'une façon différente de ce que normalement nous avons dans le système parlementaire. Et là-dessus, certains m'ont fait la remarque que je n'avais pas de loi, que je n'avais pas de projet qui pouvait être étudié par la commission parlementaire et sur lequel les différentes personnes intéressées dans le mouvement ou dans cette industrie en particulier pourraient faire des représentations.

Ce dans quoi je voulais situer cette étude et je saurai gré au député de Chicoutimi de me permettre de la situer. Ce n'est pas sur un projet gouvernemental, mais sur la recherche des problèmes qui se posent à cette industrie tels qu'ils sont vus par ceux qui vivent dans cette industrie et qu'ils peuvent être jugés par suite d'éclaircissements demandés par ceux qui auront à se prononcer un jour ou l'autre sur une législation possible que le gouvernement devrait présenter pour clarifier un certain nombre de points et éviter ou régler un certain nombre de problèmes.

Nous vons entendu, depuis le début de cette audition, le président de la Confédération des syndicats nationaux qui a été très sobre, j'en conviens, dans la façon dont il a présenté ses remarques et qui a abordé une seule facette du problème, c'est-à-dire la sécurité d'emploi des travailleurs de la construction.

La sécurité d'emploi des travailleurs de la construction, j'ai l'impression que même si nous ne la résolvons pas de la manière que le président de la Confédération des syndicats nationaux voudraient qu'elle soit résolue, nous avons quand même un espoir — que j'ai énoncé ce matin — que les différentes données que possède maintenant la commission de l'industrie de la construction, ainsi que l'obligation qu'a la commission de l'industrie de la construction de présenter au ministre du Travail des normes et dps règles d'accessibilité régionale provinciale ou seulement provinciale à l'industrie de la construction sont déjà un commencement de correctif à la situation de l'emploi dans l'industrie de la construction.

Je n'ai pas dit que cela corrigeait la sécurité d'emploi pour autant, que cela assurait la sécurité d'emploi aux individus qui sont dans l'industrie de la construction. J'ai dit que c'était un commencement de correctif. Je crois que les recommandations qui peuvent me venir de la part de la commission de l'industrie de la construction sont susceptibles d'aider à la recherche de ce problème particulier, c'est-à-dire pas du problème, mais surtout de la solution au problème.

Il est fort possible que les parties en viennent à la conclusion que la façon d'envisager le problème ressemble à l'arrêté en conseil 4119.

La façon dont je me conduis actuellement en matière d'appels, c'est que je crée des réservistes avec des droits très limités. Je leur donne un permis de travail temporaire, qui, s'ils ne travaillent pas, va tout simplement tomber. Ce n'est peut-être pas bon. Mais il arrive qu'à l'examen des esprits illuminés, comme ceux de M. Pepin et de la Confédération des syndicats nationaux, ont, avant même les constatations de la Commission de l'industrie de la construction, trouvé, eux, la solution. Ils l'ont, à toutes fins utiles, fait accepter par les représentants de la Fédération des travailleurs du Québec, les cinq associations que M. Pepin a nommées ce matin et aussi le gouvernement du Québec en 1969

Par la suite, nous avons... UNE VOIX: Un instant.

M. LE PRESIDENT: Je demanderais qu'on continue.

M. COURNOYER: Vous demandez de continuer, nous continuons.

M. LE PRESIDENT: Vos commentaires.

M. COURNOYER: Par la suite — j'aimerais que ce soit remarqué, qu'on en parle, qu'on le dise; M. Pepin a passé rapidement sur cette partie mais il l'a dit — cet accord qui existait, pour se conformer au jugement du juge Gold, n'a pas reçu l'approbation, dans les faits, d'un certain nombre de parties contractantes qui, originellement, lui avaient quand même donné un assentiment signé.

Parce que ceci a existé et devant les carences, les difficultés constatées au ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre pour mettre en vigueur l'arrêté en conseil 4119, nous avons décidé à l'époque de le modifier. Nous l'avons modifié et nous croyons que la modification apportée ressemble beaucoup plus à une modification qui met des étapes dans la recherche de la solution qu'une modification qui abolit la solution qui avait été trouvée à l'époque.

Nous sommes actuellement devant le contrôle quantitatif et qualitatif de la main-d'oeuvre. Des constatations de faits nous ont été rapportées. Nous avons des difficultés, pas nécessairement cette fois-ci, à l'intérieur parce que nous avons eu l'intelligence de remettre aux parties ce qu'il convient de leur remettre.

J'imagine que les parties, se disant habituellement plus intelligentes que le gouvernement, vont trouver elles-même la solution à ce problème de la sécurité d'emploi chez les travailleurs de la construction. Cette solution, compte tenu de l'expérience antérieure, doit nous venir avant le 30 octobre et nous sommes aujourd'hui le 12 septembre. Je ne peux qu'espérer que ceux qui se partagent cette industrie presque d'une façon totale, quoiqu'il en manque peut-être certains qui viennent régulièrement nous présenter des mémoires et qui ne sont pas ici aujourd'hui, pourront, cette fois-ci avec un certain espoir que leurs ententes continueront d'exister même après que le ministre aura décidé de convenir que leurs ententes avaient de l'allure, trouver eux-mêmes la solution à ce problème.

Quant au ministre du Travail, sa fonction consistera à protéger les tiers et non pas les parties.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je remercie le ministre de ce qu'il vient de nous dire. Il a répondu, disons, partiellement à ma question. Il a situé le problème dans la perspective que la commission a déterminé, à savoir la sécurité d'emploi. Il reste, cependant, que ce problème est lié à d'autres facteurs qui

n'ont pas été évoqués explicitement ce matin, mais qui sont traités dans des documents que nous avons, notamment dans un document que nous a remis la CSN aujourd'hui même et au sujet duquel je poserai une question à M. Pepin. Il s'agit des entrepreneurs, de leur nombre et de la nécessité d'une loi octroyant des permis à des entrepreneurs. Dans les documents, vous parlez de la faillite d'un grand nombre d'entrepreneurs qui privent les travailleurs de salaires auxquels ils avaient droit, qu'ils avaient acquis, d'ailleurs, par leur travail. Vous parlez également des salaires et d'une forme de "cheap labour", de main-d'oeuvre à bon marché, qui s'exerce par des entrepreneurs d'occasion.

Vous parlez également — mais c'est, évidemment, un autre aspect beaucoup plus vaste et qui requerra l'attention de la commission sur ce point spécifique — vous parlez des accidents de travail, etc. M. Pepin, la question que je voudrais vous poser est celle-ci. Dans votre optique, est-ce que le problème de la sécurité d'emploi dont nous parlons aujourd'hui plus spécifiquement est directement lié à la question du nombre des entrepreneurs, de leurs qualifications? Est-ce que vous êtes d'avis que le gouvernement, par son ministère du Travail ou par tout autre moyen, devrait légiférer dans ce domaine des entrepreneurs, afin d'assurer la sécurité d'emploi dont vous parliez ce matin et dont vous avez parlé d'ailleurs à maintes reprises dans les documents que vous avez déposés antérieurement devant les commissions parlementaires?

M. PEPIN: M. le député, ce problème que vous soulevez est relié à la question de l'éventuelle loi no 51 ou de l'ancien projet de loi no 51. Pour des gens qui oeuvrent dans le secteur, pour les travailleurs, je pense qu'il est incompréhensible que le gouvernement n'ait pas présenté la loi no 51 — cela s'appellera autrement éventuellement, peut-être — et qu'elle ne soit pas encore adoptée par l'Assemblée nationale.

Quand vous me posez la question : est-ce que c'est lié au problème de la sécurité d'emploi, je dois vous répondre, oui, certainement. C'est lié dans le sens que lorsque des entrepreneurs viennent au monde accidentellement et disparaissent aussi parce qu'ils font faillite, les employés perdent de l'argent. Il n'y a pas de statut d'entrepreneur de déterminé dans la loi, sauf, peut-être, dans certaines réglementations de corporations comme pour les électriciens ou les plombiers ou les mécaniciens en tuyauterie.

Le gouvernement a eu ce projet à l'étude, et quand l'Union Nationale, dans le temps, était au pouvoir, c'est vous qui aviez présenté le projet de loi no 51. Il y avait eu une commission parlementaire dans le temps. Nous étions venus faire valoir nos points de vue. Cela doit dater de trois ou quatre ans, peut-être un peu plus... peut-être trois ans à tout le moins. Que le gouvernement actuel n'ait pas reproduit ou n'ait pas ramené devant l'Assemblée nationale un tel projet de loi, modifié ou le même, je pense que c'est incompréhensible.

Pour les travailleurs du bâtiment, on remarque que lorsqu'il y a une crise, que ce soit la crise du bill no 38, la Chambre se réunit, adopte une loi de retour au travail, avec des sanctions, etc.

La crise de Sept-Iles arrive. Je ne distribue pas les blâmes ou les mérites. On se réunit, on fait venir les députés en motoneige, n'importe comment parce qu'il y avait une tempête et on adopte une loi. Il faut être dur pour les ouvriers.

Mais, quand arrive un problème comme celui de la qualification des entrepreneurs, là, on peut prendre du temps. Cela, il faut l'examiner beaucoup plus à fond et même prendre des années. Ce problème est, pour moi, relié de fait à celui de la sécurité d'emploi. Le gouvernement est maître des lois qu'il a à proposer. Il peut dire: Je ne touche pas aux entrepreneurs, jamais. Je ne peux m'empêcher de soutenir, quand même, la thèse de sécurité d'emploi que j'ai soutenue ce matin. C'est lié, dans le sens que cela irait beaucoup plus facilement si les entrepreneurs étaient qualifiés et s'il y avait un fonds d'indemnisation dans le cas de perte de salaire lorsqu'il y a faillite.

Le ministre a répondu à certains points ce matin et à une des questions que vous avez posées précédemment lorsque vous lui avez demandé si le gouvernement avait l'intention de présenter quelque chose. Ce qui me déçoit — peut-être que je suis le seul à être déçu; vous autres, vous êtes peut-être très, très contents — c'est que le gouvernement ou le ministre lui-même ne présente rien.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Il ne faudrait pas, tout de même, présumer de l'opinion des députés. Si je n'ai pas fait de commentaire sur la réponse du ministre, cela ne signifiait pas que j'avais approuvé ce qu'il disait.

M. PEPIN: Non, d'accord.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je suis, comme vous, déçu qu'il ne m'ait pas donné plus de renseignements sur les intentions de son gouvernement.

M. PEPIN: Je n'ai pas présumé. J'ai dit: Peut-être que... Mais je ne présume rien de ce côté-là. Vous nous demandez de nous présenter ici, en disant: Dites-nous ce que vous avez à nous dire. Cela fait je ne sais combien de fois que nous venons vous le dire, ce que nous avons à dire. Nous avons des ententes écrites, des ententes signées. Peut-être que mes amis de la FTQ peuvent dire: C'est trop vieux, ce sont de trop vieilles ententes. Je pourrais même sortir un mémoire signé par la FTQ devant le juge Gold pour soutenir les thèses que je soutiens à l'heure actuelle. Peut-être qu'ils me diront: Ce n'est plus bon maintenant. Il ne faut pas retenir

cela. Ils ont le droit, d'ailleurs, de changer d'avis, comme nous avons le droit de changer d'avis ou comme un député peut changer de parti. Cela est possible. Cela peut arriver. Cela ne me fait rien. Mais il faut regarder les choses objectivement, voir comment on peut régler ces problèmes. Il faut constater que le gouvernement ou le ministère n'ait pas, à l'heure actuelle, de proposition à soumettre à la présente commission.

Quand nous avons rencontré M. Tobin, je pense que c'était le 14 juillet, à la demande du ministre, délégués par le ministre, à la suite de l'adoption du bill 58 — que personne ne comprend, sauf sans doute le ministre et les députés — nous avons dit à M. Tobin: Pourriez-vous, comme deuxième requête, demander au ministre de réunir la commission? Bien sûr, nous y serions. Mais qu'au moins le gouvernement ou le ministère nous dise ce qu'il en pense. On ne sait même pas ce qu'il pense, à l'heure actuelle. Nous venons ici défendre nos thèses, que nous pensons justes et correctes. Mais pour faire avancer les problèmes dans la construction, peut-on rester constamment sur la clôture de cette façon? Je vais vous écouter. Je jugerai dans deux ou trois ans.

Vous vous souvenez peut-être de la dernière commission parlementaire, le 7 juin. J'en ai relu les notes, hier soir. C'est vous, M. le ministre, qui aviez répondu au député du comté de Dorchester, je crois, qui vous disait à la fin de la séance: Ecoutez, ce problème est urgent, pensez-vous qu'on aura une autre séance pour le régler? Vous aviez répondu : Sûrement pas. Cela ne retardera pas, cette affaire-là. Ne pensez pas que cela va retarder au mois de septembre. Nous nous réunirons avant. Mais nous nous réunissons le 12 septembre. Je lisais cela hier. Je me disais: Je ne sais pas comment le ministre va se démêler avec tout cela.

M. COURNOYER: J'ai "de la misère".

M. PEPIN: Vous avez "de la misère". Je vous comprends! D'ailleurs, je ne suis pas ici pour essayer de faire un débat théorique, mais je voudrais bien que ce problème soit réglé.

Ce matin, vous avez parlé du bill 49. Moi aussi, j'en ai parlé. Je pense que vous lui avez donné une portée beaucoup plus restreinte que ce que je pense qu'est le bill 49. Le bill 49 vous permet beaucoup plus de pouvoirs. Vous pouvez ou non les exercer. J'espère que vous ne les exercerez pas de la façon dont c'est inscrit dans la loi. Au conseil consultatif du travail, je crois que tout le monde est au courant que, quant à moi, je me suis battu fortement contre certaines dispositions du bill.

Quand je vous ai parlé de planification, des investissements, ce matin, à un certain moment de votre exposé, j'avais l'impression que vous vouliez un peu rire de ce que je présentais, dans le sens: Eh bien, il faut suivre les besoins de la population. Je suis d'accord pour qu'on suive les besoins de la population aussi. Si une usine brûle, il faut bien la rebâtir. Si quelqu'un pouvait s'imaginer que c'était mon intention, ce matin, que d'essayer d'empêcher des investissements pour créer des emplois, ce n'est pas du tout cela. Mais je me disais quand même que si vous avez un bureau de poste à bâtir — ce n'est pas encore de votre juridiction — on peut quand même dire que le bureau de poste qui vit depuis cinquante ans peut peut-être souffrir une année de plus. Un édifice gouvernemental, cela peut aussi, parfois, se bâtir cette année, l'année prochaine ou dans deux ans, tout dépend des conditions, à savoir si c'est un besoin réel ou si c'est une amélioration des situations.

Là-dessus, disons que je suis pas mal déçu du fait que le gouvernement ou le ministère n'ait rien à nous offrir à l'heure actuelle. Pourquoi n'a-t-il rien à nous offrir? Nous, nous avons une entente signée. Le gouvernement était présent à ce moment-là. M. Bellemare était présent et je pense qu'il représentait le gouvernement. M. Cournoyer, vous représentiez les employeurs à ce moment-là.

M. LABERGE: Pourquoi dis-tu "à ce moment-là"?

M. PEPIN: Parce qu'aujourd'hui il est ministre et moi, je respecte ça.

M. COURNOYER: Qui représentait la CSN dans ce temps-là?

M. PEPIN: C'était moi.

M. COURNOYER: Il n'y en avait pas un autre avec vous?

M. PEPIN: Oui, il n'y est plus. Bien non! M. COURNOYER: Puis après?

M. PEPIN: Il a peut-être changé de "capot", lui aussi.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Il a changé de parti.

M. LE PRESIDENT: M. Pepin, ça allait très bien. Voulez-vous continuer, s'il vous plaît?

M. PEPIN: J'essaie de continuer, mais, quand le ministre m'interrompt je dois lui répondre.

M. LE PRESIDENT: Allez-y.

M. PEPIN: Merci. Donc — et je vais conclure là-dessus pour cette question — je me demande pourquoi le ministre et l'Assemblée nationale ont réuni la commission parlementaire, lorsqu'il n'y a pas de projet gouvernemental. On peut combattre des projets gouvernementaux. On peut dire que ça n'a pas de bon sens, quand on

les connaît, mais là, nous n'avons même pas de chance de vous combattre. L'objectif, ce n'est pas de vous combattre, mais de régler le problème. A quel moment on va le régler? De toute façon, je ne veux pas être agressif; je suis un gars qui généralement ne l'est pas.

M. COURNOYER: Ne soyez pas agressif.

M. PEPIN: Tout ce que je veux vous dire — puisque c'est moi qui ai la parole, d'après l'avis du président de la commission — c'est qu'il me semble qu'il serait plus convenable pour les travailleurs du bâtiment que vous ayez un projet ou quelque chose pour régler le problème. Vous avez les chiffres, vous avez des thèses qui s'affrontent. Décidez donc!

Si nous avons à vous combattre, nous le ferons. Si nous avons à vous approuver, nous le ferons, comme d'habitude, d'ailleurs.

M. LE PRESIDENT: Merci, M. Pepin. Le député de Chicoutimi.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Si j'ai posé cette question à M. Laberge, c'est précisément...

M. PEPIN: Si vous voulez faire attention pour quelques minutes. Pour l'après-midi, n'employez ni M. Laberge, ni M. Pepin; ainsi, vous ne vous mêlerez pas.

M. LABERGE: Parce que là, si ça continue, c'est de la provocation.

M. DEMERS: C'est certainement un quiproquo.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je ne sais pas pourquoi, mais en tout cas... C'est parce que je veux faire un front commun avec vous autres contre le ministre. Si j'ai posé cette question à M. Pepin et à M. le ministre, c'est que je sais très bien que la commission qui s'est réunie fait suite à une demande qui avait été présentée pour qu'on la réunisse aux fins de discuter le problème spécifique de la sécurité d'emploi. Quant à moi, évidemment, j'estime que le problème de la sécurité d'emploi n'est qu'un aspect du problème général du bâtiment.

A la suite de la réponse que m'a faite le ministre — disons que je ne m'étonne pas qu'il m'ait fait cette réponse — je puis vous dire qu'en ce qui concerne les députés de la formation dont je suis membre — et, j'imagine, en ce qui concerne tous les autres députés membres de cette commission — à l'issue de nos travaux ou en conclusion de nos travaux, nous allons demander au ministre de nous dire exactement quelles sont ses orientations, ses intentions à court terme et dans quel sens il entend infléchir la politique de son ministère afin de satisfaire aux exigences non seulement des travailleurs que vous représentez, mais aussi les parties qui sont associées avec vous depuis la loi 290.

C'est la raison pour laquelle j'ai posé la question au ministre et que je vous ai posé la question à vous, M. Pepin, et que je la poserais à M. Laberge. Merci, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Après un commentaire du ministre, nous allons passer immédiatement à d'autres qui ont des questions à poser.

M. COURNOYER: Le seul commentaire que je voudrais faire c'est que cette commission parlementaire n'est pas le voeu d'un seul ministre. Elle a été requise par les partis de l'Opposition. Il y a eu une motjon de la Chambre et le ministre a accepté de la convoquer pour étudier un certain nombre de problèmes et ils sont énumérés là-dedans. Alors, plutôt que de prendre mon attitude, prenons les lois qui existent. Elles sont là les lois.

Ces lois peuvent vous causer des problèmes à vous qui vivez continuellement dans ce domaine de la construction. Mais, quand on arrive au Parlement, ce sont les problèmes des parlementaires que je dois tenter — parce qu'il y a motion de la Chambre — de faire expliquer par ceux qui les vivent et dire pourquoi ils sont venus à telle ou telle solution qui, pour certains d'entre vous, ne va pas assez loin, mais qui, pour d'autres, va beaucoup plus loin.

La façon d'étudier le problème des parlementaires, c'est de dire: Bien voici, il y a un problème, ça fait un bout de temps qu'on t'achale, comme on dit, dans les corridors du Parlement, en arrière des sièges avec des petits billets pendant que l'Assemblée siège. On fait une motion puis on dit: Bien écoute, toute cette affaire-là, ça semble n'avoir aucune allure, et pas du tout dans le sens que de ce côté vous pouvez penser, mais dans le sens contraire.

M. le député de Chicoutimi, tantôt, a frappé le mot contingentement. Effectivement les représentations qui ont été faites en Chambre à l'occasion des motions étaient surtout sur le contingentement, sur le fait que nous empêchions, par ces règlements, des gens de gagner leur vie. C'est le fait que nous devions assurer le droit au travail de tout individu au Québec. C'est ça que j'ai entendu au Parlement à l'occasion de l'étude d'une motion de convocation de la commission parlementaire pour étudier les effets de la loi 49 concernant la qualification, pas seulement dans le domaine de la construction, mais aussi dans celui des garages. Deuxièmement, il fallait étudier aussi les autres effets, qu'on voit restrictifs dans certaines régions, de l'arrêté en conseil 2711, mis à part ceux qui ont été causés, plus ou moins existants, pendant l'existence de l'arrêté en conseil 4119.

Alors je dis: Vous voulez entendre les parties, vous voulez savoir pourquoi nous sommes arrivés à ces conclusions qui vous semblent trop — pas progressistes parce que ça pourrait choquer des oreilles chastes — avancées dans certaines régions, vous voulez savoir pourquoi le

ministre a pris telle attitude dans le sens de l'avancement et non pas dans le sens du recul, si vous voulez le savoir, vous allez entendre les parties qui vivent dans l'industrie de la construction.

J'ai donc accepté, à la suite de la motion, qu'il y ait convocation de la commission parlementaire pour me faire juger, de même que mon ministère, par la commission parlementaire. En même temps, il fallait savoir pourquoi, dans quelles circonstances le ministère et le ministre du Travail sont obligés parfois, pour régler un problème, de causer d'autres problèmes. A court terme, ils peuvent sembler des problèmes mais, à long terme, ils peuvent être des solutions à d'autres problèmes encore plus importants que ceux qui existent ou qui sont causés momentanément par telle ou telle décision gouvernementale.

La discussion de ce matin portait pratiquement là-dessus. C'est pourquoi j'ai dit à la fin de mes remarques que, pour autant que je suis concerné, si le contingentement est une conséquence — ça n'est pas ce que nous recherchons — ça ne me fatigue pas les méninges.

Ce n'est qu'une conséquence, et ce n'est pas la recherche que nous faisons. Ce dont nous avons à nous préoccuper, c'est de régler le problème des travailleurs de la construction, mis à part les problèmes qu'ils ont dans les différentes centrales syndicales qui existent maintenant, c'est un problème de liberté syndicale à côté. Strictement le problème reconnu ou observé par les députés de l'Assemblée nationale sur le droit au travail des individus, c'est ce que j'ai voulu qu'il soit débattu en public.

Moi, je suis d'accord avec les mesures que nous avons prises, c'est normal parce que c'est moi qui les ai signées. Elles ne proviennent pas toujours seulement de mon bureau, elles sont souvent le résultat de discussions et de consultations multiples qui font qu'à un moment donné, les gens ne s'entendant pas, le ministre est obligé de trancher parce qu'il a les pouvoirs et le devoir, souvent, de trancher. Alors, je tranche. Et les députés ne voient pas d'un bon oeil la façon dont j'ai tranché. En conséquence, je leur ai dit: Voulez-vous entendre les mêmes choses que moi pendant un bout de temps? Voulez-vous voir quels sont les problèmes des gars de la construction pendant un bout de temps? Si vous voulez les vivre en même temps que moi, peut-être que vous arriverez à la même place que moi, peut-être que vous allez courir en avant de moi et je serai obligé de vous retenir pour trouver les solutions et même mettre en vigueur les solutions qui ont déjà été trouvées.

M. LE PRESIDENT: On a même déterminé, pour présider la commission, que le président serait quasi indépendant. Voyez-vous l'extrême jusqu'où on est allé pour essayer d'avoir une bonne entente. Passons au député de Dorchester; avez-vous une question à poser?

M. GUAY: M. le Président, j'ai bien sûr quelques questions à poser aux personnes qui se sont fait entendre aujourd'hui. La commission parlementaire qui siège encore aujourd'hui le fait en vertu d'un mandat qu'elle a reçu de la Chambre d'étudier les lois existantes dans le domaine de la construction après, bien sûr, avoir relevé certaines difficultés d'application de certaines lois, notamment en milieu rural.

Comme vient de le souligner le ministre, cette motion a été présentée à la Chambre dans le but d'étudier les lois existantes; cette motion a été présentée par mon collègue de Beauce, et ceci nous amène à une commission parlementaire. Je suis d'abord très heureux de sentir la bonne atmosphère qui règne ici aujourd'hui permettant non seulement aux membres de la commission d'entendre ce qui est dit mais également à ceux qui comparaissent devant cette commission de partager en même temps des problèmes qui sont vécus surtout dans le milieu rural.

Compte tenu de ce qui a déjà été dit, des questions qui ont déjà été posées et du rapport très bien présenté d'ailleurs par M. Morin, président de la commission de la construction, évidemment, nous avons certaines révélations. J'ai quand même l'impression, à la suite des discussions qui ont eu lieu, que le problème se pose de façon un peu différente en milieu rural, que j'appelle le milieu le moins bien organisé ou le milieu désorganisé. Je pourrais citer l'exemple d'un problème auquel on n'a pas trouvé de solution, des questions qui ont été posées non pas par un politicien mais par des travailleurs à des fonctionnaires du ministère du Travail qui ont tenté d'expliquer à des travailleurs réunis de quelle façon l'application de ces lois pouvait se réaliser.

Par exemple, quand on parle de sécurité d'emploi ou quand on parle de solutions éventuelles, de contingentement, le problème se pose de la façon suivante: on suppose, par exemple, qu'une municipalité vient d'obtenir un programme d'initiatives locales. A partir de ce moment-là un échéancier bien sévère a été établi et les travaux devaient être terminés pour une date fixe. Dans la localité où le programme se réalise, le responsable du programme ne réussit pas, comme la loi l'exige, à trouver des travailleurs possédant carte de compétence et le reste.

Ce responsable de programmes se dirige vers un centre de main-d'oeuvre qui ne réussit pas à lui fournir la main-d'oeuvre qualifiée. Il est donc dans l'obligation de se tourner vers un autre centre de main-d'oeuvre où on ne réussit pas non plus à lui fournir le personnel qualifié requis.

Ce responsable de programmes se rend donc à la Commission de l'industrie de la construction et demande son aide afin de résoudre son problème. On lui dit tout simplement que ce qui devrait se faire normalement serait que des carnets d'apprentissage soient demandés dans les centres de main-d'oeuvre. Par la suite, ces travailleurs obtiendraient une compétence ou

encore un permis, ce que j'appelle un permis permanent pour travailler dans la construction.

Quand on analyse le rapport de la Commission de l'industrie de la construction, à la page 13, on se rend également compte que la catégorie des travailleurs qu'on appelle permanents, la catégorie 5, c'est-à-dire ceux qui ont effectué plus de 2,000 heures de travail, se retrouve surtout concentrée dans deux villes ou deux régions — je devrais plutôt dire deux villes pour être plus exact — Québec et Montréal.

Il est très difficile de prévoir, en milieu rural, par exemple, la construction domiciliaire. Je peux aussi prendre comme exemple une municipalité purement rurale où il y a eu, en 1970, deux constructions. En 1971, il n'y a eu aucune construction. Mais, en 1972, il y en a 8. On se retrouve donc, en 1972, avec une pénurie de travailleurs dans cette localité. Ceux qui ont réussi â se qualifier sont soit rendus dans d'autres régions, comme l'a mentionné le rapport de la commission ou encore placés ailleurs. Donc, on se retrouve en face d'une situation où nous avons, d'une part, des travailleurs non qualifiés mais disponibles et, d'autre part, l'absence de construction étant donné la difficulté pour des travailleurs de se rendre éligibles ou d'acquérir les permis requis pour faire de la construction.

Le ministre a souligné ce matin, évidemment, la difficulté d'essayer de planifier à l'avance. Il arrive toujours des surprises. Il est entendu que nous sommes obligés de parler pour notre clocher, mais connaissant très bien le milieu rural, ça pose de sérieux problèmes. J'aimerais savoir de la CSN si on a prévu une façon ou une réglementation assez souple pour permettre, même en milieu rural — et si je dis même en milieu rural, c'est parce que le problème se pose également ailleurs qu'en milieu strictement rural; il se pose dans le milieu semi-rural — de satisfaire les besoins, advenant, par exemple, ce que j'appelle des cas d'urgence dans la construction. Pour la localité que je mentionne, on a construit cette année, huit maisons. Bien sûr, la nécessité d'embaucher des travailleurs non qualifiés, non détenteurs d'un permis de travail est la règle qui existe puisqu'il devient impossible de trouver le nombre de travailleurs satisfaisant aux conditions requises. Alors, est-ce qu'un mécanisme a été prévu, assez souple, afin de permettre aux régions démunies, désorganisées d'obtenir une main-d'oeuvre suffisante pour combler les besoins qui peuvent se présenter?

Je pourrais également demander à M. Pepin s'il n'y a pas des employeurs qui sont actuellement privés de travailleurs, et si, du même coup, des travailleurs ne sont pas privés d'emploi à cause de cette réglementation qui semble extrêmement sévère actuellement.

M. PEPIN: Ma réponse est affirmative.

M. LE PRESIDENT: Un instant, s'il vous plaît. Je reconnais la question et les commentai- res du député. Je voudrais, tout de même, faire remarquer que beaucoup des commentaires qui ont été faits ont été basés sur des statistiques et des faits qui ont été relatés par une autre personne, ce matin. Je ne voudrais pas qu'on demande, par exemple, au représentant de la CSN de faire des observations ou des commentaires qui auraient directement rapport à des observations d'un autre mémoire présenté. Je laisse M. Pepin faire le triage voulu, mais je voudrais que la commission soit bien avisée qu'on se rapporte réellement, dans votre question, à des commentaires faits par deux personnes qui se sont adressées à la commission ce matin.

M. Pepin.

M. GUAY: Je tiendrais à souligner quand même, si vous me le permettez, M. le Président, qu'il ne s'agit pas pour moi de contester les chiffres qui apparaissent au rapport de la commission. Loin de là.

M. LE PRESIDENT: Mais je ne voudrais pas que vous demandiez à partir de ces chiffres, des commentaires à M. Pepin, à qui vous adressez la question. C'est aussi clair que cela.

M. GUAY: D'accord.

M. PEPIN: Je vous remercie, M. le Président, de la protection que vous m'offrez. A la question posée par le député de Dorchester, je réponds affirmativement.

M. GUAY: Maintenant, est-ce que vous pourriez donner un peu plus d'explications? Le problème qui se pose en milieu rural semble différent de celui qui se pose en ville.

M. PEPIN: Vous m'avez demandé uniquement si c'était prévu; je vous réponds oui. Maintenant, si vous voulez avoir des explications, je vais vous les donner.

M. GUAY: D'accord.

M. PEPIN: Les explications, je pense que vous pourrez les trouver dans l'entente signée le 10 juillet et dans le rapport Gold. Vous pourriez les retrouver aussi dans l'arrêté ministériel no 4119.

Lorsque, dans une région donnée, il y a un manque de travailleurs considérés comme étant des permanents de la construction, on peut faire appel à d'autres régions pour savoir si des professionnels ou des permanents peuvent aller travailler dans une région rurale ou autre. S'il arrive que tout le monde est occupé, que tout le monde travaille, il y a la clause des "réservistes" qui joue. Il est possible de trouver des personnes compétentes parmi les gens qui ne sont pas des permanents ou des professionnels de la construction pour remplir les emplois qui sont à combler. Maintenant, si vous me demandez: Est-ce que cela veut dire que nous allons

préconiser que ce soient des personnes non qualifiées qui remplissent des fonctions, parce qu'elles n'auraient pas la compétence pour le faire, je souhaite que, dans aucun cas, nous n'ayons à remplir les vides par des personnes non qualifiées. Les mécanismes qui ont été prévus tant dans l'entente du 10 juillet que dans le rapport Gold et l'arrêté no 4119, je pense, permettaient que les constructions qui devaient se faire se fassent. Cela ne veut pas dire que c'est M. X ou M. Y qui pourrait les faire. Mais cela veut dire que ce sont, d'abord, les professionnels ou les permanents — je pense bien que personne ne peut en avoir contre ça — et qu'en deuxième lieu ce sont les réservistes qui peuvent les faire.

Les réservistes sont-ils autant qualifiés que les permanents? La réponse ne peut pas être donnée immédiatement. On ne sait pas si ces gens seront aussi qualifiés que les permanents. Quant à la planification en milieu rural comme ailleurs, je sais que ce n'est pas aussi simple à prévoir ou à faire qu'à dire. C'est plus facile d'affirmer qu'il faut avoir de la planification que de l'exécuter. Il reste quand même qu'avec le réservoir de main-d'oeuvre que nous avons dans cette industrie il ne me semble pas, M. le député, que vous ayez beaucoup de difficulté à combler les vides que vous avez à combler, s'il arrivait, dans votre comté ou dans un autre comté, un boum de la construction.

Est-ce que cela répond de manière satisfaisante à votre question?

M. GUAY: Cela répond mais, de manière satisfaisante, c'est autre chose. Partiellement.

M. PEPIN: Quelle partie vous manque, M. le député? Je vais essayer de répondre.

M. GUAY: Je vais essayer d'ajouter en précisant davantage. Ce qui se produit actuellement en milieu rural, et vous n'êtes pas sans le savoir, c'est que les embauches sont surtout temporaires. Cela semble très difficile, pour ne pas dire impossible, de réaliser de la construction domiciliaire. Quand je parle de construction domiciliaire, c'est surtout en milieu rural.

Le problème se pose également d'une autre façon. Normalement, les travailleurs des comtés ruraux sont plutôt portés à chercher un emploi dans les villes. Exemple: Chez nous, dans mon comté, il y a énormément de personnes qui vont travailler à Montréal. D'autres viennent travailler à Québec mais très rares sont celles qui partent de Montréal pour venir travailler à Québec ou encore qui partent de Québec pour venir travailler chez nous. Je ne sais pas s'il y a un désintéressement quelconque. Il y a une concentration de travailleurs dans les grandes villes. J'appelle ça des cas d'urgence parce que des travaux auraient normalement été faits à cette époque de l'année. Après avoir rencontré les responsables, même des dirigeants municipaux, on nous dit: Il est impossible de réaliser tel type de construction cette année à cause de la pénurie de travailleurs.

Je veux savoir, pour les régions moins bien organisées, pour celles qui sont réellement démunies dans le cas de travailleurs qualifiés, ce qu'il y aura de prévu afin de satisfaire aux besoins du milieu sans avoir à aller chercher des travailleurs à Québec, à Montréal. Les gars de chez nous accepteront mal qu'un employeur aille chercher des travailleurs à l'extérieur. Peut-être que encore là c'est un esprit de clocher qui règne mais c'est quand même ce qui existe dans les faits. En pratique, c'est ce qui se produit actuellement.

M. PEPIN: M. le député, si vous avez des emplois dans votre région ou dans un autre milieu rural, je pense qu'avec tous les mécanismes qui sont offerts dans les propositions signées et acceptées par les parties vous pouvez facilement, s'il n'y a personne qui veut se déplacer de Montréal ou de Québec au comté de Dorchester, obtenir que des réservistes aillent faire les travaux pour les constructions d'aqueducs ou autres. Cela est prévu d'une manière explicite dans les documents que nous vous avons remis.

Il n'y a aucun problème de ce côté. Ne demandez pas, cependant, que cela soit des travaux exécutés par des gens non qualifiés. Nous ne serons pas d'accord. Je pense bien que vous non plus ne serez pas d'accord. Cela ne sera pas tellement rentable, ni pour les municipalités concernées, ni pour personne. Mais avec les mécanismes qui sont devant vous, M. le député, je suis convaincu que vous n'aurez pas le problème que vous soulevez à moins que tous les travailleurs de la construction, que tous ceux qui sont capables de faire de la construction soient déjà occupés ailleurs. Ce serait différent si vraiment vous étiez dans une période où il y a une Expo 67 à la grandeur du territoire du Québec. Je pense bien que ce n'est pas l'hypothèse que vous signalez. Je pense que vous avez toutes les protections voulues pour avoir la main-d'oeuvre dans les documents qui vous sont présentés. Je le crois de toute façon.

M. GUAY: Quand vous parlez d'ententes, de propositions acceptées et signées, j'aimerais quand même savoir si c'est ce qui s'applique actuellement.

M. PEPIN: Non, parce que l'arrêté en conseil 4119, qui a été accepté par le lieutenant-gouverneur en conseil à la suite du jugement Gold, le gouvernement, le lieutenant-gouverneur en conseil, l'a pris et l'a déchiré. Il a fait autre chose. Ce n'est plus cela qui s'applique. Quand je viens plaider devant vous, je plaide sur des choses qui ont été acceptées par les sept parties. Le gouvernement étant présent, nous avons signé cela, tout le monde ensemble, une certaine nuit, au ministère du Travail à Montréal. Nous pensions avoir réglé le problème. Nous

sommes naifs, c'est évident. Après cela, le ministre du Travail arrive et dit : Cela ne marche pas.

Bang! Je te le déchire. Je te passe le 2711 où là, je vais augmenter le nombre de travailleurs de la construction à volonté.

M. COURNOYER: Ah! Ne charriez pas!

M. PEPIN: Alors quand vous me demandez si c'est appliqué, je vous dis non. C'est ce que j'essaie de vous expliquer depuis ce matin. Mais je vous demande, à vous, députés, de l'appliquer. Vous avez un pouvoir de ce côté, messieurs les députés.

M. COURNOYER: S'ils l'appliquaient, M. Pepin, pourriez-vous expliquer comment je pourrais faire travailler les 200 gars de Saint-Joseph de Beauce? Demandez donc cela en particulier au député de Beauce, qui est là. Comment pourrais-je faire travailler les 200 gars qui ont vu leur usine de maisons détruite?

M. PEPIN: Vous avez, dans les propositions qui sont devant vous, que vous connaissez aussi bien que moi, prévu une commission pour l'application de tout cela et prévu des cas d'espèce. Vous le savez aussi bien que moi. C'est vous, dans le temps — je me souviens fort bien — vers le 7 juillet, qui aviez insisté pour avoir cette disposition au cas où un feu se produirait. Nous l'avons acceptée. Maintenant, vous me posez la question à moi. Vous le savez.

M. DEMERS (Philippe): Il va mettre le feu!

M. ROY (Beauce): M. le Président, puisque le ministre s'est permis de citer un cas particulier, au cours duquel j'ai eu, justement, à rencontrer les représentants du ministère, la semaine dernière, prenons le cas type, par exemple, à l'heure actuelle. Il est évident que la Commission de l'industrie de la construction n'avait pas pu planifier et prévoir des choses de ce genre. Maintenant, il y a plusieurs facteurs, je pense, qui entrent en ligne de compte. Il faut quand même tenir compte des besoins de l'industrie. L'industriel, le patron, est quand même lié. Je vais prendre ce cas en particulier, M. le ministre, puisque j'en ai discuté avec votre sous-ministre, la semaine dernière. C'est qu'ils ont des contrats, des engagements envers leurs clients. Ils ont des dépositaires. C'est une entreprise. Cette entreprise, évidemment, a formé son personnel et doit faire face à des échéances.

Or, si l'entreprise, la municipalité et, de concert, les gens du syndicat — ce sont des gens qui, je pense, étaient affiliés à la FTQ — et les employés de cette industrie se soumettent à toutes les exigences du décret, avec les délais que nous connaissons et que vous connaissez, ne pensez-vous pas que prolonger, par toutes les complications et les techniques administratives, un délai multiplié par quatre ou cinq, risque que l'entreprise — qui a quand même une concurrence provenant des autres provinces canadienne, même des Etats-Unis — perde une partie de son marché et que ces mêmes travailleurs, lorsque l'usine sera prête à rouvrir ses portes, soient obligés de recommencer au point de départ ou encore recommencer, comme il y a quatre ou cinq ans, alors que l'entreprise se trouverait à produire à 35 p.c. de sa production?

On a le cas de SOMA, à l'heure actuelle, qui est d'un autre domaine, mais cela nous démontre quand même que les entreprises, privées comme gouvernementales, sont soumises aux exigences du marché.

C'est là que je vous pose la question précise: à part le mécanisme que nous connaissons et que vous connaissez, prévoyez-vous qu'il y aurait possibilité d'inclure un mécanisme, je veux employer le terme ultrarapide parce que, pour les besoins de la cause, c'est nécessaire? Si l'industrie, elle, ne peut pas reconstruire dans les délais minimums, il y a risque que l'industrie parte de la région et s'en aille ailleurs et même sorte de la province de Québec. A cause de tous ces facteurs, M. Pepin, j'aimerais bien connaître votre point de vue à ce sujet.

M. PEPIN: Je vous remercie de me poser la question. Je suis convaincu que ce n'est pas parce qu'il y a eu un feu, accidentel, sans doute, dans votre région, dans votre territoire, que cela peut remettre en cause toute la sécurité d'emploi des travailleurs de la construction. Nous sommes en face d'un cas d'espèce, d'un cas important. C'est arrivé, alors il faut bien y faire face. Il s'agit de savoir, maintenant, si ce sont les travailleurs de l'usine qui seront les premiers appelés, avec le droit de priorité, pour reconstruire leur usine. Il s'agira de savoir aussi si ces travailleurs ont la compétence pour le faire. Pour faire certaines fonctions, j'imagine bien qu'ils peuvent être habilités à les faire mais pour d'autres, c'est peut-être un peu plus compliqué pour eux.

Mais si on s'en tient uniquement à la sécurité d'emploi et à la possibilité, pour un entrepreneur, de reconstruire parce qu'il a peur de perdre ses marchés, etc., je suis convaincu qu'avec le régime que nous avons offert, que nous avons accepté, toutes les parties, le gouvernement compris, vous pourriez avoir la main-d'oeuvre d'une manière rapide, pour faire les travaux. Encore une fois, j'y mets toujours une réserve.

Si vous êtes dans une période de boom extraordinaire au plan de la construction. Mais il est bien possible, non pas en raison de la structure qui est proposée, mais en raison de l'état de l'économie, que vous n'ayez pas la situation rêvée ou les travailleurs du jour au lendemain. Quelle que soit l'hypothèse que l'on formule, qu'il y ait un mécanisme de sécurité d'emploi ou non, si vraiment le travail est à son maximum, il est possible que, dans certains endroits, vous ayez à retarder des travaux parce

qu'il n'y a pas de travailleurs pour les exécuter. Cela ne sera pas en raison de la formule de sécurité d'emploi; ce sera pour d'autres facteurs.

M. le député, avec tout le respect que je vous dois, j'ai l'impression qu'avec le système que nous préconisons, la situation étant celle que l'on connaît maintenant, où il n'y a pas beaucoup de suremploi, vous n'auriez pas de problème à reconstruire votre usine. J'imagine bien que vous n'en avez pas à l'heure actuelle, d'ailleurs.

M. ROY (Beauce): J'aimerais avoir votre opinion là-dessus, quitte à y revenir. Il faut aller un peu plus loin que les principes que vous venez d'énoncer. On se rappellera que l'arrêté en conseil 4119 et le no 2711, qui l'a remplacé, ont quand même tenu compte de certaines modalités, de certaines dispositions. On avait prévu une période — du 1er janvier 1970 au 1er septembre 1971, si ma mémoire est bonne — où une personne devait avoir travaillé dans l'industrie de la construction en vue de détenir son permis de travail. Il y a deux choses: le permis de travail et la carte de qualification professionnelle, mais les deux sont obligatoires.

Et, pendant cette période, je pense que tout le monde admet que la construction au Québec connaissait un état de crise. Cela a été une des périodes les plus creuses de l'industrie de la construction au Québec. On est parti de cette période pour émettre les permis de travail. Cette année, nous connaissons un boom dans l'industrie de la construction. Je pense que tout le monde admet encore qu'avec les élections canadiennes, américaines, dans le contexte économique actuel, etc., nous ne sommes pas en période de restriction de crédit; nous sommes en période électorale. Vous savez que ça influence un peu, ces choses-là.

A l'heure actuelle, si on prend comme critère que le nombre de permis de travail doit être exact, en parfaite conformité avec le décret 2711, alors que nous connaissons un boom dans l'industrie de la construction, il s'ensuit les complications et les restrictions que nous avons.

Je ne connais pas tous les problèmes de la région de Montréal, mais, d'après les représentations qui nous sont faites et les demandes que nous avons des gens et même des employeurs, il y a pénurie de main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction dans plusieurs endroits. Les employeurs se cherchent des menuisiers ayant leur carte.

Je pense que, si nous faisions un inventaire dans le Québec pour découvrir tous ceux qui travaillent sans permis de travail et sans carte de qualification professionnelle, nous aurions peut-être des surprises.

M. PEPIN: Les chiffres ont été fournis ce matin.

M. ROY (Beauce): Les chiffres ne peuvent pas être complets. Je ne veux pas revenir sur le rapport, parce qu'il y a trop de données que les municipalités n'ont même pas dans leurs localités. La Commission de l'industrie de la construction ne peut même pas, parce qu'elle n'a aucune référence, avoir toutes les données du problème, de ce côté-là.

M. PEPIN: Vous suggérez, dans le fond, que la commission ne fait pas suffisamment bien son travail, parce qu'elle est démunie à l'heure actuelle, je présume bien. Les chiffres vous ont été donnés ce matin. Il y a 110,000 travailleurs de la construction. Il y a 55,000 emplois. Il y a 10,000 travailleurs qui travaillent sans permis, d'après la commission. Peut-être que ça pourrait être 10,005 ou 10,500. Mais il y en a un certain nombre qui travaillent sans permis et la commission elle-même le dit.

Je ne vois pas en quoi cela peut inférer sur notre proposition d'une formule de sécurité d'emploi. Je pense bien que vous n'êtes pas contre le fait que ce soient les travailleurs professionnels de cette industrie qui y travaillent d'abord et avant tout. Vous n'êtes pas opposé à ça?

M. ROY (Beauce): Sur ce point, nous sommes entièrement d'accord et nous sommes conscients du problème que pose la sécurité d'emploi dans l'industrie de la construction. Je ne voudrais pas prendre le droit de parole d'autres députés. Quand même, je voudrais dire à la suite du député de Dorchester que, lorsque nous avons demandé la convocation de cette commission parlementaire, c'est parce que nous avions des travailleurs compétents qui effectivement gagnaient leur vie dans l'industrie de la construction depuis de très nombreuses années. Comme c'étaient des artisans qui travaillaient pour leur propre compte, ils ne s'étaient jamais soucié — et ça n'avait jamais été nécessaire pour eux — d'avoir leur carte de qualification professionnelle.

Lorsque ces gens se sont adressés à la Direction générale de la main-d'oeuvre pour obtenir leur carte de qualification professionnelle, mais il y a eu énormément de difficultés par suite des examens et de tous les détails qui en découlent. Il y a donc des gens qui se sont vu refuser leur carte de qualification professionnelle après 20 années d'expérience. Ils ont même été poursuivis devant les tribunaux et condamnés. Ce n'est un secret pour personne.

Vous avez eu la même chose vis-à-vis des permis de travail dans nos régions, parce que nous avons quand même, dans les régions du sud-est du Québec, une quantité assez imposante de travailleurs de la construction qui ont travaillé au Québec pendant de très nombreuses années, jusqu'en 1969, début 1970, et qui, à cause des restrictions que nous avons connues, sont allés travailler quelques mois aux Etats-Unis justement pendant la période requise par l'arrêté en conseil 2711.

Ces gens sont des citoyens du Québec. Ils payent leurs impôts au Québec, au Canada, leur

famille demeure au Québec puis, à cause de ces choses, ils ont dû aller travailler aux Etats-Unis pendant une certaine période. En ce moment, ils ont du travail au Québec, des employeurs sont prêts à leur donner du travail, ils ont même signé des engagements, mais ils ne peuvent pas avoir leur carte.

Il y a aussi un deuxième point que je voudrais porter à l'attention du ministre. C'est qu'il y a des personnes qui travaillaient dans l'industrie de la construction, qui ont fait des travaux de construction, travaillant à salaire pour des municipalités. Or, les municipalités ne sont pas comprises dans les normes d'éligibilité. Par contre, si une personne travaillait pour une municipalité, mais pour un entrepreneur qui, lui, avait un contrat avec la municipalité, la personne n'avait pas de problème de ce côté. C'est un deuxième problème.

Il y a aussi un troisième problème qui se situe dans le milieu rural, et cela dans tout le Québec. Vous avez des entrepreneurs, par exemple, qui vont construire des résidences, des petits entrepreneurs artisans qui, avec cinq, six ou sept ouvriers, à cause des besoins de l'agriculture ont travaillé dans la construction de bâtisses agricoles à un moment donné. Vous avez des menuisiers qui ont travaillé dans les charpentes de bâtisses agricoles pendant la période exigée en vertu du décret 2711 et qui reviennent à un moment donné pour faire d'autres travaux, parce que les employeurs ne travaillent pas seulement dans le domaine des bâtisses agricoles mais également dans le domaine de la construction domiciliaire. Ces gens-là ont toujours travaillé dans l'industrie de la construction. J'ai écrit plusieurs lettres au ministre à ce sujet. J'ai communiqué avec l'industrie de la construction.

D'ailleurs, si je ne vous ai pas fait parvenir dix lettres par semaine depuis le début de l'été, je pense que, je ne vous en ai pas envoyé une, seulement de ma part.

M. COURNOYER: Oui, seulement vous. On va régler pour douze.

M. ROY (Beauce): Ce sont des problèmes que nous avons vécus au cours de l'année. Je tiens à dire â l'intention de tout le monde que si nous avons demandé la convocation de cette commission parlementaire, c'est que nous sommes conscients que le gouvernement et les centrales syndicales ont quand même des responsabilités envers leurs syndiqués et que ceux qui travaillent dans l'industrie de la construction veulent y gagner leur vie. C'est normal.

Nous avons donc des gens dans nos régions, dans nos comtés qui sont également des travailleurs de la construction et qui, à cause des lois qui étaient moins appliquées dans les régions semi-rurales et semi-urbaines, n'ont pas satisfait aux exigences de départ. A l'heure actuelle, ces gens se trouvent lésés. Tous ensemble, il s'agit de trouver une solution â ce problème, de façon à ne pas freiner l'expansion économique du

Québec, de façon à ne pas maintenir un état de crise — parce que si on se limite au décret 2711, je dis qu'on maintient un état de crise au Québec dans l'industrie de la construction — mais à connaître au moins une économie dynamique.

C'est dans cet esprit que nous avons demandé la convocation de la commission parlementaire. Tout à l'heure — j'ai bien compris vos remarques — nous savions que le gouvernement ne nous présenterait pas de loi, mais nous voulions quand même discuter avec vous, les représentants des centrales syndicales, avec les représentants du gouvernement, les représentants de l'industrie de la construction afin de trouver une solution au problème global.

J'ai tenu à vous dire que dans le cas de la construction d'une usine qui brûle comme dans le cas d'une petite municipalité qui décide de faire un petit développement domiciliaire avec deux ou trois personnes qui, sans même demander des permis à la municipalité cinq ou six mois d'avance, procèdent de façon normale, la Commission de l'industrie de la construction n'a pas de données.

Elle n'a pas non plus l'inventaire des travailleurs de la construction qui ont dû aller travailler à l'extérieur du Québec pendant quelques mois.

M. LE PRESIDENT: Le député de L'Assomption.

M. PEPIN: Excusez.

M. LE PRESIDENT: Oui?

M. PEPIN: Dans l'intervention du député, j'avais l'impression qu'il me posait une question.

M. LE PRESIDENT: J'avais l'impression que ce n'était pas une question mais une déclaration. Si vous avez trouvé une question...

M. PEPIN: S'il n'y a pas eu de question de posée, je n'y répondrai pas.

M. ROY (Beauce): C'est une question globale.

M. LE PRESIDENT: Une constatation plutôt; c'est pour cela que je ne pensais pas qu'il y avait de réponse à donner.

M. LABERGE: M. le Président...

M. LE PRESIDENT: Pourriez-vous vous nommer, s'il vous plaît?

M. LABERGE: ... si, selon ce que vous avez dit tantôt, la FTQ ne pourra pas...

M. LE PRESIDENT: Votre nom, s'il vous plaît. C'est pour le journal des Débats.

M. LABERGE: Louis Laberge, FTQ, Orsainville Beach.

M. LE PRESIDENT: La dernière partie du commentaire sera rayée du journal des Débats, j'en suis convaincu.

M. LABERGE: Puisque, apparemment, on n'aura pas l'occasion de présenter notre point de vue cet après-midi sur le mandat de la commission parlementaire, que jusqu'à présent on a parlé de pas mal de choses qui nous semblent être reliées, bien sûr, mais un peu en dehors du présent mandat de la commission et que ce qui s'est dit laisse sous-entendre que c'est parce que la FTQ a voulu boycoter et a effectivement boycoté l'enregistrement des travailleurs de la construction que le système n'a pas marché, je pense qu'en toute justice vous pourriez au moins nous donner le privilège de dire deux mots là-dessus.

M. LE PRESIDENT: D'après le mandat que cette commission a reçu de la Chambre, on a établi un programme de deux semaines pendant lesquelles nous nous rencontrons du mardi au jeudi soir. Je pense que dans les circonstances personne ne pourra dire qu'on n'a pas eu toute l'occasion voulue de s'exprimer. Je viens d'entendre le député de Beauce faire des commentaires, on me dit qu'il y avait peut-être une question. M. Pepin a déjà signifié son intention de répondre à un commentaire qui a été fait. Le député de L'Assomption a des commentaires à faire et je suis certain, M. Laberge, que vous aurez l'occasion, au cours de nos débats, de revenir même sur ce sujet passé. Je suis très tolérant, même si les membres de la commission n'acceptent pas ma grande tolérance habituelle. J'ai été surpris que le député de Beauce ne me regarde pas de temps en temps parce que j'ai l'habitude de le couper pas mal; je coupe ça court, quand je préside mais, cette fois-ci, je n'ai rien coupé, je l'ai laissé faire ses commentaires.

M. LABERGE: J'ai une question de privilège et je pense qu'elle a sa raison d'être.

M. LE PRESIDENT: Question de privilège.

M. LABERGE: De la façon que c'est sorti aujourd'hui, les journaux vont rapporter que le système de sécurité d'emploi qui avait été mis de l'avant n'a pas marché à cause de la FTQ. Je pense qu'on est en droit de répliquer sur ce point-là. Nous ne voulons pas passer en avant des autres, nous voulons bien attendre notre tour. Si notre tour ne vient que demain ou après-demain, nous ne sommes pas pressés, nous y serons. Mais je pense que, sur ce point-là, nous pourrions au moins avoir le droit de répliquer.

M. LE PRESIDENT: Je vous assure que vous l'aurez. Il y a les quotidiens...

M. LABERGE: C'est justement!

M. LE PRESIDENT: ... et à chaque jour on rapportera ce qui s'est dit.

M. LABERGE: M. le Président, quand un journal rapporte une journée qu'une personne a été arrêtée et est quasi coupable, si, le lendemain ou trois jours après, il y a un petit entrefilet qui dit qu'elle n'est pas coupable, il est un peu tard, à ce moment-là.

M. LE PRESIDENT: C'est votre commentaire, je l'accepte. Je reconnais votre droit de réplique sur ce qui a pu être dit aujourd'hui, je le reconnais, je ne vous enlève pas la parole, mais j'ai des demandes de la part de membres de la commission...

M. LABERGE: Oui. Je ne veux pas le droit de parole immédiatement, vous me le donnerez dans 15 minutes, je ne suis pas pressé.

M. LE PRESIDENT: Ou dans 24 heures.

M. LABERGE: Pardon?

M. LE PRESIDENT: Ou dans 24 heures.

M. LABERGE: Ce n'est pas la même chose, c'est un autre jour. Je pense que vous allez comprendre cela.

M. LE PRESIDENT: Le président a établi cet avant-midi qu'à 5 h 30 nous devions cesser nos délibérations pour la journée. On m'a indiqué, avant la séance, que certaines personnes ici présentes devaient s'absenter à quatre heures si possible. Je respecte les demandes de part et d'autre, et du côté du public et du côté des membres de la commission. Dans le moment, la parole est au député de L'Assomption, tout en reconnaissant les droits de la FTQ, de M. Laberge en l'occurrence.

M. LABERGE: Nous n'avons pas les mêmes procédures parlementaires. Moi, je pensais qu'une question de privilège, c'était toujours dans l'ordre...

M. LE PRESIDENT: Je la reconnais.

M. LABERGE: ... et que le président ne pouvait pas la refuser avant de l'avoir entendue.

M. LE PRESIDENT: Je ne vous la refuse pas; j'ai entendu votre commentaire et je vous l'ai accordée. J'ai reconnu vos commentaires. J'ai dit que vous auriez le droit de réplique. Alors, que peut-on avoir de plus? Le député de L'Assomption.

M. PERREAULT: M. le Président, comme mes remarques s'adressaient aux deux centrales syndicales, j'attendrai que la FTQ ait comparu pour les exprimer.

M. LE PRESIDENT: Je vous remercie. Je reviens à l'ordre, messieurs. Ce matin, vous étiez tous présents lorsque j'ai appelé, au début de la séance, la Fédération de la construction du Québec. Est-ce qu'il y a représentation de cette association ici, cet après-midi? Non.

Deuxièmement, M. Jacques Daigle, parlant au nom de l'Association des entrepreneurs en construction de Brome, Missisquoi, Shefford, a demandé d'être entendu cet après-midi. Est-il ici ou est-ce qu'il y a représentation de la part de son association? Est-ce qu'il y a quelqu'un qui serait prêt à faire des commentaires en ce qui concerne votre mémoire? Si oui, approchez-vous de la table; nous commençons immédiatement.

M. Pepin, je vois que vous vous préparez à sortir. Serez-vous de retour demain?

M. PEPIN: Je peux revenir, si les députés le veulent.

M. LE PRESIDENT: On me dit qu'il y a certaines questions encore.

M. PEPIN: Pour autant que ce ne serait pas demain matin, parce que nous devons être à la table centrale de négociations du secteur public demain matin, à dix heures.

M. LE PRESIDENT: Je pense que la commission et les membres reconnaissent cela. Demain après-midi et jeudi?

M. PEPIN: Je reviendrai sûrement, avec plaisir.

M. LE PRESIDENT: Pour l'Association des entrepreneurs en construction de Brome, Missisquoi, Shefford Inc., qui sera celui qui s'adressera à la commission?

M. DAIGLE: Nous sommes trois personnes. Avez-vous objection à ce que nous fassions l'énoncé à trois?

M. LE PRESIDENT: Il n'est pas question de lire le mémoire, mais de le commenter.

M. LABERGE: M. le Président...

M. LE PRESIDENT: Un instant, s'il vous plaît. Dans le cas de votre mémoire, est-ce qu'il est question que les trois personnes se partagent la tâche?

M. DAIGLE: Oui.

M. LE PRESIDENT: Il n'est pas question de lire le mémoire, mais de le commenter, parce que nous en avons des copies. D'accord?

M. LABERGE: M. le Président, avant que vous passiez à un autre mémoire où il y aura d'autres questions, je reviens à la charge avec ma question de privilège pour vous dire ce qui s'est passé sur cette question du régime de sécurité d'emploi dans l'industrie de la construction et expliquer la position de la FTQ, parce qu'il y a eu quand même, sinon des accusations, du moins des remarques qui ont été faites. Je ne dirai pas qu'elles méritent d'être expliquées.

M. LE PRESIDENT: Vous avez un mémoire.

M. LABERGE: Nous avons un mémoire qui ne traite pas de ça, parce que nous n'étions pas censés en traiter. Nous traitons de la sécurité d'emploi, mais d'une autre façon complètement.

M. LE PRESIDENT: Mais, à l'occasion de la présentation de votre mémoire, qui sera faite au moment que vous choisirez, vous ferez vos observations sur ce qui aurait pu être dit auparavant et qui serait contradictoire à ce que vous présentez. Je pense que c'est logique.

M. LABERGE: Alors, M. le Président, ce que vous me refusez le privilège de dire ici, je le dirai tantôt. C'est tout.

M. LE PRESIDENT: Très bien. Nous ne refusons rien.

M. LABERGE: Ce ne serait pas difficile de faire la même chose, mais enfin.

M. LE PRESIDENT: Nous procédons avec une certaine méthode et un certain ordre. Tout ce que je demande, c'est la coopération de tout le monde, ainsi, tout le monde sera entendu.

Messieurs, vos noms, s'il vous plaît, et le nom de votre association?

Association des entrepreneurs en construction de Brome, Missisquoi, Shefford Inc.

M. DAIGLE: Jacques Daigle, pour l'Association de Shefford, Brome et Missisquoi.

M. GREGOIRE: Normand Grégoire, N. Grégoire construction Inc., vice-président et président du comité des débats.

M. DAGENAIS: Léo Dagenais, président de l'Association des entrepreneurs en construction de Brome, Missisquoi, Shefford.

M. LE PRESIDENT: Allons-y.

M. DAIGLE: En ce qui concerne la sécurité d'emploi, depuis les dernières années, on a augmenté sans cesse le coût de la construction. Là, nous en sommes rendus à un point où on se demande si le consommateur a le moyen de se payer les fruits de notre produit.

Le coût, actuellement, dans la construction, qu'on établit d'après ce que le consommateur est capable de payer, est très élevé. Si, par la sécurité d'emploi, nous sommes obligés d'augmenter encore les coûts, on se demande ce que pourraient avoir, en retour, du gouvernement, tous les individus ici au Québec, afin qu'ils

puissent se loger ou qu'ils puissent avoir le droit d'avoir un bureau pour travailler ou une industrie.

Je crois que c'est la chose la plus importante à discuter présentement. C'est beau de vouloir adopter des lois, c'est beau de vouloir donner des avantages sociaux à tout le monde. Mais, par contre, il faut toujours penser qu'il y a un consommateur. Nous voyons présentement le décalage entre le taux horaire payé dans l'industrie manufacturière et celui de la construction. On se demande où ça va finir.

Au Québec, si on a une industrie qui n'a pas de concurrence internationale, on peut payer nos hommes $8, $10 ou $12 l'heure, tout en faisant la même construction. Mais le type qui travaille dans une industrie de chaussures qui exporte son produit, est-ce que le président de la manufacture a le moyen de lui donner les $8 l'heure pour qu'il puisse acheter, en retour, notre produit? Je crois que c'est une question à laquelle il est assez difficile de répondre.

Ce n'est pas en augmentant toujours les coûts, soit par les avantages sociaux ou par les taux horaires que je crois qu'on résoudra les problèmes. On va se réveiller un bon matin où la construction ne sera plus rentable au Québec à part peut-être des acheteurs éventuels, comme les municipalités ou les gouvernements fédéral ou provinciaux.

Mais dans l'entreprise libre, on ne croit pas réellement que les gens vont pouvoir se payer le luxe d'acheter notre produit.

M. COURNOYER: Juste un instant. J'aimerais poser une question. En quoi la sécurité d'emploi augmente-t-elle vos coûts, pour le moment, telle que conçue ou telle qu'aperçue dans l'arrêté ministériel no 2711?

M. DAIGLE: La sécurité d'emploi, elle-même, c'est d'assurer aux travailleurs du travail-heure et d'assurer aussi un certain salaire au bout d'un an.

M. COURNOYER: Mais, dans l'état actuel de la législation ou des arrêtés ministériels. Je prends l'arrêté no 2711 qui cherche à identifier qui est travailleur de la construction, premier but de l'arrêté no 2711. Comment fait-on pour identifier un travailleur de la construction? Le moyen qu'on a choisi, c'est de comparer le nombre de ses heures de travail à celui qui est fourni dans l'industrie de la construction, dans une période, bien sûr, antérieure au moment où on parle. S'il a fait 1,200 heures, dans douze mois, cela ressemble à un travailleur de la construction. Cela n'a pas l'air d'un gars qui est cultivateur et qui vient faire un tour dans l'industrie de la construction. Cela n'a pas l'air d'être un occasionnel qui a besoin de travailler. Ce n'est pas celui-là. On veut identifier les travailleurs de la construction. Le seul moyen de donner une sécurité d'emploi, en fait, ce n'est pas de le garder à l'emploi, c'est de lui donner une priorité à l'emploi sur toute person- ne qui n'est pas un travailleur de la construction.

Pour commencer, il faut donc identifier qui est un travailleur de la construction, et une fois ceci fait, on a des mécanismes, à savoir: quand un travailleur de la construction n'a pas d'emploi, il a une préférence ou une priorité d'emploi sur celui qui n'est pas un travailleur de la construction. Qu'il s'appelle réserviste ou autrement, cela n'a pas tellement d'importance pour le moment. Celui qui n'est pas un travailleur de la construction ne peut prendre l'emploi de celui qui en a un et qui gagne sa vie dans la construction.

C'est la priorité d'emploi telle qu'elle est envisagé à peu près par l'arrêté en conseil 4119 pour donner une chance aux permanents avant d'en donner une aux réservistes, pour donner une chance aux réservistes avant d'en donner une aux autres, l'autre catégorie qu'il y avait. C'était cela la priorité d'emploi ou la sécurité d'emploi. Ce n'est pas de la sécurité d'emploi. On a appelé cela sécurité d'emploi parce que c'est la seule forme de sécurité d'emploi qu'on peut donner aux gens. On a dit: Priorité à l'emploi quand il y a du travail. Vous avez priorité parce que vous êtes un travailleur de la construction. Si vous n'en n'êtes pas un et qu'il y a des travailleurs de la construction qui ne sont pas au travail, on va faire travailler d'abord les gars de la construction. C'est la priorité d'emploi. C'est pourquoi je vous pose la question. Tel que c'est conçu actuellement ou tel que cela peut être modifié aussi, en quoi la priorité d'emploi ou la sécurité d'emploi devient-elle un bénéfice marginal plus coûteux qu'autrement? Vous me dites qu'on augmente les coûts d'une façon telle que les gens ne sont plus capables d'acheter votre maison. En particulier, vous vous référez aux taux de salaires très élevés, mais vous parliez d'abord et avant tout de la priorité d'emploi. Je vous pose la question sur la priorité d'emploi. En quoi cette priorité d'emploi cause-t-elle une augmentation de vos coûts qui n'est pas déjà causée par une augmentation du coût horaire très élevé qu'on retrouve dans l'industrie de la construction depuis particulièrement qu'on a essayé de planifier ou d'ajuster les salaires au taux de Montréal? Faites-vous une distinction entre les deux ou si, en fait, c'est le coût horaire qui vous coûte de l'argent?

M. DAGENAIS: C'est plutôt le coût horaire qui entre en ligne de compte dans le moment.

M. COURNOYER: Si vous trouviez une méthode pour réduire le coût horaire, vous seriez heureux?

M. GREGOIRE: Il y a autre chose qui entre en ligne de compte aussi. C'est la qualification. Supposons que vous ayez cinq ouvriers sur un chantier et seulement un apprenti. C'est la limite qui a été donnée. Avoir peut-être trois apprentis pour cinq personnes qualifiées, cela

abaisserait le coût. Mais, aujourd'hui, on limite les compagnons sur un seul chantier. Exemple: Une petite maison; c'est plutôt rare que vous aurez plus de quatre ou cinq menuisiers. Cela veut dire que ce sont toujours les menuisiers à haut prix qui construisent. Je me demande, de la façon que cela fonctionne, où nous irons chercher nos gens qualifiés dans quelques années si nous ne pouvons pas former de jeunes avec les ouvriers que nous avons à l'heure actuelle à notre emploi.

M. COURNOYER: C'est la recherche que nous faisons depuis le matin. On doit planifier notre main-d'oeuvre en fonction des besoins. A un certain moment, vous pouvez décider que le rapport apprenti-compagnon est établi de un à cinq. Mais vous pouvez très bien décider que, compte tenu des besoins de la main-d'oeuvre dans quatre ans, on est obligé de le mettre un à quatre, un à trois et un à deux, parce que, effectivement, on a besoin de plus d'apprentis. Mais sans planification ou sans expectative de ce qui peut se produire dans telle ou telle région, pourquoi nous donneriez-vous l'obligation comme gouvernement, de former des individus après quatre ans d'apprentissage pour les sacrer en chômage après?

M. GREGOIRE: A l'heure actuelle, dans notre région, nous avons tellement de difficultés à avoir de la main-d'oeuvre que je me suis référé à vous. J'ai déjà envoyé un télégramme disant que nous avions besoin de 35 à 40 hommes. Nous n'avons pas pu en trouver dans notre domaine. Il a fallu attendre et demander des prolongations aux propriétaires. Je pense que, à l'heure actuelle, c'est une chose assez grave que nous subissons.

M. COURNOYER: Je comprends cela mais pourquoi cela serait-il l'individu qui la subirait? Le rôle du gouvernement ici, c'est d'en faire subir le moins possible aux individus qui composent notre société. Il y a des individus qui vont travailler dans l'industrie de la construction. Je pense que cela se découvre dans la province de Québec, les rapports du comité conjoint sont assez clairs, une différence fondamentale existe entre les régions urbanisées comme Québec et Montréal et les régions semi-rurales ou plus éloignées comme la vôtre en particulier. Il y a donc des besoins qui peuvent être totalement différents dépendant des époques. Mais, pour établir ces besoins, nous avons l'obligation, comme gouvernement, d'avoir au moins un inventaire qualitatif et quantitatif de la main-d'oeuvre. Jusqu'ici, il n'y a rien qui vous a empêché de recruter de la main-d'oeuvre sauf que c'est plus difficile. Obtenir des permis de travail, ceux qui sont ici et qui représentent des mouvements syndicaux vous diront qu'il n'y a rien de plus facile. Quand la Commission de l'industrie de la construction ne vous en donne pas, vous en appelez au ministre et il vous les donne.

M. GREGOIRE: Mais c'est toujours l'entrepreneur qui paie le coût. Il est obligé d'aller en chercher dans d'autres régions. C'est une chose qui nous est arrivée assez régulièrement cette année d'être obligé de faire venir de la main-d'oeuvre d'une autre région et de payer le transport.

M. COURNOYER: Assez régulièrement?

M. GREGOIRE: ... assez régulièrement, cette année, d'être obligé de faire venir de la main-d'oeuvre d'autres régions et de payer le transport, de payer même le logement et ainsi de suite. Je pense qu'on est toujours pénalisé quand il s'agit de trouver de la main-d'oeuvre, dans la province de Québec. Si cela dure deux ou trois ans, ce sera l'entrepreneur qui paiera la note.

M. COURNOYER: Mais avez-vous déjà pensé que l'individu qui se déplace — je ne suis pas en train de faire un gros débat avec vous — qui part de Montréal pour aller travailler à Granby a aussi des coûts additionnels, parce qu'il se déplace pour aller chercher la construction là où elle est? Vous avez un besoin; il a un besoin. Le mariage des deux besoins se fait suivant un certain coût.

M. GREGOIRE: M. le Président, ce sont tous des facteurs qui apportent des coûts considérables dans le domaine de la construction.

M. COURNOYER: D'accord.

M. GREGOIRE: Comme le 'disait mon confrère tantôt, M. Daigle, cela s'ajoute au salaire horaire, aussi, de l'ouvrier.

M. COURNOYER: D'une façon pénible, quand il s'agit de la construction résidentielle ou domiciliaire. Ce qui m'a le plus frappé dans ce que vous avez dit — les députés des régions environnantes de Québec et d'autres députés, aussi, me l'ont mentionné à plusieurs reprises — c'est que, tant et aussi longtemps que le taux de salaire de celui qui travaille dans une manufacture de chaussures sera aussi bas qu'il l'est actuellement, il est impensable d'espérer que cet individu pourra se permettre d'acheter le produit que vous vendez, vous, comme entrepreneur et que les individus qui travaillent pour vous sont obligés de vendre, eux aussi. Lorsqu'ils vendent leurs services, ils les vendent à vous. C'est ce qui fait la composition de vos coûts. Je viens des Iles-de-la-Madeleine, mais le député n'est pas ici. Quand le salaire horaire d'un type qui travaille dans une poissonnerie, aux Iles, est à $1.63, il ne faut pas s'attendre qu'il soit capable de payer le salaire d'un plombier, à $6 l'heure, assez facilement. Il dit: J'ai mangé la moitié de ma semaine.

M. DAIGLE: Ensuite, il y a un autre problè-

me qui sévit là-dedans, c'est que les gens qui ont besoin d'entretien de maison n'ont plus les moyens de faire venir un entrepreneur chez eux. Nous passons pour des voleurs, à ce moment-là.

M. COURNOYER: Vous avez une tendance assez marquée — peut-être pas vous — à mettre la faute sur le ministère du Travail: C'est le ministère qui a fait cela, c'est le décret. C'est le ministre qui exige ces prix-là. Ils sont venus chez nous et ils m'ont dit que c'était le ministre! C'est aussi simple que cela. Ils m'ont dit: C'est le ministre qui a fait cela. Avec un apprenti et un profit au-dessus de cela, un "overhead", c'est $12 l'heure que cela coûte, un plombier, à Montréal. Ma femme a dit: Cela coûte bien trop cher. Cela n'a pas d'allure. On lui a dit: Parle de cela au ministre parce que c'est le ministre qui a fait cela.

M. DAIGLE: Oui, mais pensez-vous que c'est raisonnable qu'un homme travaille dans une industrie, dix heures dans sa journée, pour faire environ $18 et, qui, lorsqu'il fait venir un plombier chez lui, avec un "helper", environ une demi-heure, cela lui coûte $16? A ce moment-là, il y a quelque chose qui ne marche plus quelque part.

M. COURNOYER: Oui, cela ne marche plus. Nous sommes d'accord tous les deux. D'accord, c'est clair, pour vous et moi, que cela ne balance plus. Quand nous tentons de donner une sécurité d'emploi ou une priorité d'emploi, je vais déclarer, pour la première fois, ce que je recherche, mais les autres ne le recherchent peut-être pas en même temps que moi, cependant. Ce que je recherche, c'est un contrôle, pas de la part du gouvernement, mais de la part des gens qui négocient, pour dire: Ecoute, les taux de salaire horaire — ce sont ceux que vous exigez de l'individu — sont tellement élevés que cela n'a plus d'allure. Nous ne sommes plus capables de vendre notre service. Voulez-vous, nous allons les maintenir plus bas?

Je comprends que cela ne fait pas l'affaire de M. Desjardins et des représentants syndicaux de dire : On va maintenir les taux plus bas. On ne les descendra probablement jamais. Mais, quand vous aurez l'assurance que l'individu qui travaille dans cette industrie peut gagner décemment sa vie, sur une base annuelle, on peut espérer, on peut énoncer le voeu, comme gouvernement, vous, comme entreprise, et les individus comme travailleurs — tous les individus, pas seulement ceux de la construction — que les coûts horaires auront tendance à se normaliser quelque part, compte tenu des besoins du marché.

Vous pensez peut-être que c'est de l'utopie. Moi, je dis que cela arrivera lorsque des individus feront $12,000 par année dans l'industrie de la construction, ce qui est possible avec les taux de salaires horaires. Un type qui travaille 2,000 heures, il fait de l'argent. Regardez les chiffres. Ce n'est pas moi qui ai inventé ces chiffres-là. Regardez-les. Des salaires horaires même aussi élevés que ceux qui existent dans l'industrie de la construction — ils sont même moins élevés, et de beaucoup, que ceux qu'on retrouve ailleurs, j'en conviens — ne donnent pas un revenu annuel suffisant pour les gars de la construction. Par ailleurs, vous allez en trouver qui font $14,000, $15,000 et $20,000.

M. DAIGLE: Ici, dans les statistiques, je peux vous dire que tous les "opérateurs" de machinerie lourde, qui travaillent environ quatre mois, l'été, peut-être deux mois à l'entretien des machines dans les garages, et peut-être quatre mois au déblaiement de la neige.

Mais les 2 mois au déblaiement de la neige et les 2 mois dans le garage lui-même pour réparer la machine pour le printemps suivant ne paraissent pas dans le décret. Cela ne paraît pas non plus au ministère du Travail. Ce sont des chiffres...

Ensuite, le relevé, le vrai inventaire, — qu'il est possible de faire — pour tous les travailleurs de l'industrie de la construction, c'est de relever leurs T-4. Vous allez avoir le vrai salaire.

M. COURNOYER: Des 120,000?

M. DAIGLE: Prenez le 1/20 de 70,000 et vous allez voir si les chiffres que nous avons énoncés ce matin sont réels.

M. COURNOYER: Les chiffres ne peuvent pas...

M. DAIGLE: Moi, si j'engage quelqu'un comme conducteur de bélier mécanique, il va travailler durant 4 ou 5 mois l'été, mais il peut travailler dans le garage 2 ou 3 mois pour l'entretien de la même machine. Ensuite, il peut travailler au déblaiement de la neige pour 3 ou 4 mois. Cela ne paraît pas dans les statistiques de l'industrie de la construction.

UNE VOIX: M. le Président...

M. LE PRESIDENT: Un instant, s'il vous plaît. Je ne voudrais pas que la discussion qui est en cours dégénère en débat enflammé de part et d'autre. Je pense qu'il y a un droit de l'association qui présente le mémoire de répondre à ces questions qui sont posées par les membres de la commission.

J'ai une demande de la part d'un autre monsieur assis à la table devant moi, qui veut faire un commentaire. Pourriez-vous vous nommer, pour le journal des Débats?

M. DESJARDINS: Mon nom est André Desjardins, de la FTQ. Je crois que quand j'ai été convoqué ici, il y avait un ordre du jour. Je n'y ai jamais vu qu'on préparait les négociations, du tout. Présentement, je crois que c'est un problème de négociations pur et simple.

M. LE PRESIDENT: Vous avez peut-être rai-

son, mais j'entends quand même la délibération qui se fait. Et j'écoute attentivement, je vous assure.

UNE VOIX: Il vous a laissé tranquille.

M. DESJARDINS: M. le Président, il ne peut pas m'avoir laissé tranquille, je n'ai pas parlé.

M. LE PRESIDENT: Tout ce que je demande, c'est qu'on attende chacun son tour et chacun aura le droit de parler, de faire ses commentaires sur le sujet qu'il voudra, pourvu que ce soit à l'intérieur des décrets. C'est ce que je surveille, tout simplement. J'ai enlevé la parole au ministre, je pense.

M. COURNOYER: Avec toute déférence, M. le Président, vous aviez raison de m'enlever la parole.

M. LE PRESIDENT: Si vous avez terminé, je passe au député de Saint-Maurice qui a demandé de faire ses commentaires.

M. DEMERS (Philippe): Dans la sécurité d'emploi, M. Daigle vous avez semblé tantôt dire que vous étiez obligé de garder un employé à l'année. Non?

M. DAIGLE: Pas nécessairement. Il faut que l'employé fasse un minimum de salaire.

M. DEMERS (Philippe): Oui, mais comment dans ce cas-là, si vous n'êtes pas obligé de garder l'employé quand vous n'avez plus d'ouvrage, la sécurité d'emploi peut-elle augmenter le coût de la construction? Vous avez dit que la sécurité d'emploi en augmentait le coût. Je voudrais savoir comment elle peut l'augmenter. Que vous engagiez un homme qui a le droit de travailler ou un autre qui n'a pas le droit de travailler, vous les payez tous les deux quand même.

M. DAIGLE: Dans les comtés semi-ruraux, vous avez une construction qui va être d'environ 80 p.c. supérieure, du mois de mai au mois de novembre, à ce qui se passe l'hiver. C'est une mentalité établie chez les gens depuis de nombreuses années. Pourquoi? Parce que l'hiver, à l0o ou 15o sous zéro, vous n'êtes pas capables de faire une construction au même coût que l'été. Dans les comtés semi-ruraux ou ruraux, vous avez surtout de la construction domiciliaire.

Dans les villes de Québec et de Montréal, on n'a pas le même problème. Quand vous prenez un édifice en hauteur comme il s'en fait ici présentement devant le parlement, il n'y a pas de problème. C'est un contrat de deux ans ou d'un an et demi. Il n'est pas question de saison. Mais, dans nos comtés, il est question de saison. Parce que si nous travaillons durant l'hiver, cela augmente le coût et nous nous apercevons que l'acheteur n'a pas le moyen de payer cette augmentation. C'est pourquoi nous travaillons plus fort l'été.

L'été, par exemple, nous avons une pénurie de main-d'oeuvre, parce qu'il y a un rôle quantitatif à la main-d'oeuvre que nous voulons établir. Si l'été nous avons besoin, dans l'industrie de la construction pour nos 3 comtés, de 1,200 hommes et que l'hiver il y a de l'ouvrage pour 200, de quelle façon pouvons-nous donner de l'ouvrage aux 1,000 autres?

M. DEMERS (Philippe): Mais ça ne vous coûte pas plus cher.

M. DAIGLE: Cela ne nous coûte pas plus cher, mais seulement...

M. DEMERS (Philippe): Quand les gens ne travaillent pas vous ne devez pas les payer, je suppose, ça doit être comme ailleurs.

M. DAILGE: Non, mais je croyais que dans les rapports on demandait aussi d'avoir une garantie de salaire pour les ouvriers de la construction.

M. DEMERS (Philippe): Non, il n'est pas question de ça du tout et dans le décret non plus.

Le décret spécifie qu'on doit faire travailler les gens qui sont reconnus qualifiés, enregistrés, et qui ont des cartes de compétence, un point c'est tout. Puis ça quand il n'y a pas d'ouvrage, ils ne sont pas obligés de les prendre.

M. COURNOYER: Personne.

M. DEMERS (Philippe): Cela ne coûte pas plus cher, quand un gars ne travaille pas il n'est pas payé, quand il travaille il produit. Moi c'est comme ça que je comprends ça. S'il y a une autre raison que vous pouvez me donner en me donnant des explications, je vais m'y rallier, mais actuellement, je ne vois pas du tout comment la sécurité d'emploi peut augmenter le coût de la construction.

M. DAIGLE: Moi je croyais que, dans le bill 49, il était question de garanties de salaire, je ne sais pas si je fais erreur.

M. COURNOYER: Non. Aucunement. Ce dont il est question...

M. DEMERS (Philippe): Cela peut se faire actuellement avec le front commun pour autre chose.

M. COURNOYER: Oui, mais ce dont il est question, soyons clairs, dans l'arrêté 2711, c'est que le comité conjoint étudie une formule de stabilisation du revenu des travailleurs de la construction, c'est tout.

M. DAIGLE: C'est parce qu'on vous en

parle, nous, actuellement, plutôt que de recevoir la loi dans six mois d'ici puis venir vous voir après que la loi sera adoptée.

M. COURNOYER: Non je n'ai pas d'objection à ce que vous en parliez, mais si vous me dites, par exemple, que l'intention du gouvernement c'est de donner la garantie de salaire dans l'industrie de la construction, je vous dis non.

M. DAIGLE: Cela se fait comment?

M. LE PRESIDENT: Le député de Chicoutimi.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, j'aimerais avoir quelques renseignements, M. Grégoire, ou l'un de vous, là. Vous représentez une association, l'Association des entrepreneurs en construction Brôme-Missisquoi-Shefford Inc. Combien y a-t-il d'entrepreneurs dans votre association?

M. GREGOIRE: Il y en a 138 d'enregistrés à l'heure actuelle.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): 138 entrepreneurs. Bon, maintenant, vous avez parlé tout à l'heure de cette question de coût. Moi je voudrais savoir, selon les calculs que vous avez faits, puisque vous êtes venus ici pour discuter de ce problème de sécurité d'emploi avec nous, vous avez évoqué le problème des coûts en pourcentage selon les calculs que vous avez dû faire, quelle peut-être cette augmentation de coût qu'entraînerait la sécurité d'emploi ou la priorité d'emploi, pour parler plus exactement? Est-ce que vous avez fait des calculs là-dedans?

M. GREGOIRE: Entre 12 p.c. et 20 p.c. du salaire horaire actuel.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Entre 12 p.c. et 20 p.c. du salaire horaire actuel. Maintenant, est-ce que votre association accepte les taux qui sont déterminés par règlement, décret, etc. pour les diverses catégories de travailleurs du bâtiment?

M. GREGOIRE: Les taux existants à l'heure actuelle, nous sommes obligés réellement de les accepter, mais de la manière que ça va là, nous ne sommes pas prêts à accepter de payer le taux de Montréal et de Québec. La région des Cantons de l'Est, c'est-à-dire nos trois comtés, ce n'est pas une région comme les autres. Si la province n'est pas comme les autres, nous ne sommes pas une région comme les autres. C'est plutôt rare qu'on va voir des bâtiments agricoles se bâtir sur la rue Sainte-Catherine, sur la rue Dorchester à Montréal.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Alors, en pratique, ce qui vous préoccupe, à l'heure actuelle, c'est que lorsque vous avez besoin de faire appel à une main-d'oeuvre qui vient de l'extérieur, cela dérange vos projections en termes de coût, et c'est pour ça que vous parlez d'une augmentation de coût d'un pourcentage de 12 p.c. à 20 p.c.

Maintenant, je vais vous poser une autre question. Dans le cas des associations que vous regroupez, quels sont, grosso modo, pour l'année passée ou pour l'année en cours, vos besoins en main-d'oeuvre et quel est le pourcentage de main-d'oeuvre que vous devez importer parce que vous ne la trouvez pas dans votre région?

M. GREGOIRE: Dans les trois comtés, nous avons employé environ 1,200 à 1,500 personnes, c'est-à-dire qu'il nous a manqué de 400 à 500 personnes dans les trois comtés, selon les 138 entrepreneurs qui se sont plaints à l'association de la pénurie de main-d'oeuvre et de la difficulté qu'ils ont eue à trouver des menuisiers ou journaliers durant tout le cours de l'été.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): L'association regroupe, vous avez dit, au-delà de 100 entrepreneurs. Alors vous faites de la construction dont notamment de la construction résidentielle, des maisons, et vous prétendez que cette augmentation de coût, si on appliquait là les exigences de la priorité d'emploi, vous empêche de trouver preneurs pour les maisons que vous bâtissez.

M. GREGOIRE: C'est justement la mentalité.

Notre mode de vie à nous dans les comtés ruraux n'est pas d'habiter dans des maisons en hauteur, des gratte-ciel ou des tours comme on peut en voir dans la ville de Montréal ou dans la ville de Québec, mais dans des maisons individuelles. Cette sorte de maison, on la bâtit pour un travailleur du textile, de la chaussure, du vêtement. Plus ça ira, plus le coût de la maison sera élevé. Dans quelques années, d'après les statistiques, ce sera assez dur pour ces gens-là d'avoir un foyer.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Si je résumais vos propos — vous me corrigerez si je me trompe — le problème de la priorité d'emploi vous préoccupe parce que cela a une incidence importante sur les coûts, de 12 p.c. à 20 p.c, dites-vous. Cela parce que vous êtes obligés d'importer une main-d'oeuvre de l'extérieur, soit des grandes régions de Québec ou de Montréal, et de payer davantage les employés dont vous avez besoin.

Vous êtes ici, pour nous faire savoir cela, mais j'imagine que vous n'êtes pas venus ici simplement pour nous informer, mais aussi parce que vous avez envisagé des solutions que vous proposez à la commission ou au ministre, au gouvernement. Quelles seraient, selon vous, les solutions qui permettraient de répondre à vos besoins, de régler votre problème sans, d'autre part, chambarder tout le système que,

très péniblement, on est en train de monter pour régler le problème général de l'industrie du bâtiment au Québec via le ministère du Travail? Avez-vous des solutions concrètes à nous proposer aujourd'hui?

M. GREGOIRE: Les villes de Québec et de Montréal comptent des constructions immenses que le milieu rural ne peut pas se payer. S'il y a un nouveau décret qui émet de nouvelles conditions sur la sécurité d'emploi, avec tout le nouveau mécanisme qui entrera en ligne de compte, les régions rurales ne sont pas prêtes à le payer; elles ne peuvent pas payer cela.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Cela voudrait-il dire, M. Grégoire, que vous pensez demander au gouvernement ou à cette commission de concevoir un système qui serait à deux volets, de telle sorte que l'industrie du bâtiment aurait des normes pour les grands centres et des normes différentes pour les centres ruraux, semi-ruraux, semi-urbains? J'habite une région qui est dite semi-rurale et je sais que des problèmes analogues se posent, mais est-ce une solution que vous suggérez au gouvernement? Dans le cas où vous suggéreriez une solution comme celle-là, comment pouvez-vous l'articuler à l'ensemble des mécanismes que le gouvernement a commencé de mettre en place?

M. GREGOIRE: Pourquoi nos voisins des Etats-Unis dans l'industrie lourde, qu'on peut appeler la grosse industrie, peuvent-ils avoir un mécanisme plus serré, un mécanisme plus poussé qui entraîne des coûts énormes, alors que, dans la petite entreprise, c'est la liberté de l'entrepreneur et de l'individu qui veut travailler?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je ne comprends pas très bien ce que vous me dites là. Pourriez-vous expliciter votre pensée? Je ne comprends vraiment pas l'analogie qui peut exister.

M. LE PRESIDENT: Un instant, s'il vous plaît. Je voudrais qu'on comprenne dès maintenant que je n'accepterai aucune expression de la part de l'assistance, soit favorable ou défavorable à des commentaires. Nous sommes à une commission sérieuse et je voudrais qu'on s'en tienne aux commentaires entre les personnes qui se présentent devant la commission et les membres de la commission.

Si quelqu'un dans l'assistance a des idées contraires ou similaires, il aura le privilège de s'exprimer librement devant les membres de la commission, mais aucune manifestation, s'il vous plaît.

Sans ça je devrai agir autrement que nous ne l'avons fait depuis le début.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Alors je reprends, M. le Président, avec votre permission, la question que je posais à M. Grégoire. Vous m'avez parlé d'une situation qui existerait aux Etats-Unis; pouvez-vous m'expliquer exactement quelle est cette situation et de quelle façon, par analogie, on pourrait l'appliquer au Québec, dans le domaine précis de l'industrie du bâtiment?

M. GREGOIRE: Dans le bâtiment résidentiel à l'heure actuelle au Québec, si nous devons payer dans toutes les régions le même taux de salaire, c'est là qu'on verra commencer les difficultés. Si, sur l'île de Montréal, on érige une grosse bâtisse, un pont, un viaduc au coût de $2 millions ou $3 millions, un chantier peut peut-être absorber les salaires actuels ou d'autres salaires. Mais je crois que l'industrie de la construction de petites maisons ne peut pas absorber des coûts uniforme à travers la province de Québec. Il devrait y avoir une différence entre les gros et les petits chantiers. Il y a la maison domiciliaire et les chantiers qu'on peut appeler manufacturiers d'envergure.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Aux Etats-Unis, pour reprendre l'exemple que vous aviez commencé à donner, quelle est exactement cette situation qui vous paraîtrait peut-être non pas idéale mais pouvoir s'appliquer à la situation du Québec? C'est un exemple que vous avez commencé de donner et je voudrais savoir ce qui se passe aux Etats-Unis, ce que vous avez observé aux Etats-Unis, semble-t-il.

M. GREGOIRE: Dans plusieurs Etats voisins, on peut, si on veut, travailler dix heures par jour dans la petite industrie. Seuls les gros chantiers sont syndiqués et obligés de payer un salaire suivant le décret établi, mais la petite entreprise est libre.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Est-ce que vous mettez en cause alors tout le problème de la liberté d'association, liberté syndicale, etc.? Pourrions-nous conclure de vos propos que vous n'êtes pas en faveur de la syndicalisation des employés lorsqu'il s'agit d'une industrie de moindre envergure?

M. GREGOIRE: Les chantiers d'envergure, nous ne sommes pas opposés â ce qu'ils soient syndiqués, au contraire; ça prend des formalités des deux côtés, soit de l'employeur et du syndicat. Mais, sur le petit chantier de trois à quatre hommes, je vois mal le rôle que jouent les syndicats.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Evidemment, vous comprendrez que je ne puis pas accepter la proposition que vous faites, si c'est une proposition. Vous remettez en cause tout le problème de la syndicalisation et du droit des travailleurs à être membres d'un syndicat pour leur protection, qu'ils travaillent pour une grande entreprise, pour une moyenne ou pour une petite.

Alors, voudriez-vous être plus explicite là-dessus?

M. GREGOIRE: M. le Président, nous n'avons aucune objection à ce que l'employé fasse partie d'un syndicat mais qu'il n'y soit pas obligé.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Sur le plan du fonctionnement de votre entreprise, en ce qui concerne son financement, sa rentabilité, quels pourraient être les effets de cette liberté dont vous parlez pour les syndiqués?

M. GREGOIRE: Les chantiers d'envergure seraient syndiqués mais un chantier de moindre envergure pourrait prévoir des salaires inférieurs à ceux de la grosse entreprise, dans le domaine de la petite construction. A l'heure actuelle c'est comme ça que ça fonctionne aux Etats-Unis.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Grégoire, je reviens là-dessus, vous nous avez dit tout à l'heure que vous deviez importer de la main-d'oeuvre, 400 personnes, je pense, quelque chose comme ça. Ces 400 personnes, supposons qu'elles viennent de Montréal, qu'elles sont syndiquées et qu'elles ont droit au salaire prévu par les conventions collectives.

Que faites-vous des conventions collectives dans le cas de ces employés que vous importez ou que vous importeriez?

M. GREGOIRE: M. le député, vous touchez justement un bon point. A l'heure actuelle, on aurait pu remplir le vide de 400 autres personnes, des chômeurs de chez nous. J'ai même des voisins, carte en poche, qui n'ont pu se procurer un permis de travail. Je n'ai pu les engager. Je peux vous en citer et même vous apporter des faits que nous avons vécus chez nous. Plusieurs d'entre eux sont chômeurs malgré eux et sont même des assistés sociaux.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Maintenant, M. Grégoire, je vais vous poser une autre question. J'espère que ce sera la dernière, à moins que vous ajoutiez d'autres commentaires. Croyez-vous qu'un député comme je suis, comme sont tous mes collègues ici, accepterait, compte tenu de tout ce que vous proposez, que les employés dont vous parlez et qui sont chômeurs deviennent vraiment, par le truchement d'un mécanisme que je ne peux pas accepter, vous le comprendrez, du "cheap labor" et soient obligés d'accepter des conditions de travail qui ne soient pas, sinon égales, du moins équivalentes à celles que reçoivent les travailleurs dans des régions où il y a beaucoup plus de chantiers et des chantiers de beaucoup plus grande importance?

Messieurs, je n'ai pas de leçon à vous donner, bien entendu, mais il me parait qu'avant de nous faire une proposition de cette nature, il serait extrêmement important que vous réflé- chissiez aux conséquences sociales des propositions que vous nous faites et des réactions que pourraient avoir un jour les travailleurs qui se verraient défavorisés par les conditions de travail qui leur seraient imposées.

M. DAIGLE: Là-dessus, on se demande pourquoi il y a une multitude de nos menuisiers, de nos travailleurs dans l'industrie de la construction qui déménagent au Vermont, au New Hampshire, au Massachusetts, pour aller travailler dans l'industrie de la construction. Qu'est-ce qui arrive à ces gens-là? Là-bas, aux Etats-Unis, dans le New Jersey, dans le Vermont ou dans le Massachusetts, ils ne sont pas obligés de suivre des conventions collectives.

Ensuite, vous avez parlé du taux de salaire. On paie actuellement des gens plus cher que d'après les taux du décret. On peut vous en donner la preuve. On arrive présentement devant un manque de main-d'oeuvre. Cela fait, autrement dit, entre les entrepreneurs eux-mêmes, une meilleure... Je ne sais pas, mais si on offre un salaire plus haut pour avoir des hommes parce qu'on a des chantiers à finir pour telle date, sinon on a des amendes... Nous avons ici même un reçu d'un entrepreneur briqueteur qui a osé — il a seulement osé — engager son garçon pour aller travailler sur un chantier parce qu'il y avait pénurie d'hommes et voilà qu'on l'amène à la cour et qu'on lui fait payer $200 d'amende. A un type qui ose travailler, on fait payer l'amende! Moi, je me demande où on s'en va.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je suis d'accord avec vous...

M. COURNOYER: J'aurais une question à poser aussi.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... c'est un problème. Maintenant, lorsque vous parlez des ouvriers de votre région qui vont travailler dans des Etats américains à des conditions de salaires qui sont inférieures à celles qu'ils pourraient avoir ici, c'est un autre problème. Si ces gens-là veulent le faire, c'est leur problème. Mais en ce qui concerne les travailleurs qui sont au Québec, qui résident au Québec, je doute fort que le ministère du Travail favorise une initiative qui irait dans le sens de l'encouragement au "cheap labor". Ecoutez! A moins que les ouvriers veuillent absolument accepter cela.

M. DAIGLE: On ne veut en aucune façon du "cheap labor". Je vais vous le dire bien franchement, en aucune façon. Tout ce qu'on veut, c'est que lorsque les ouvriers de la construction veulent travailler, on les laisse travailler. On ne demande pas grand-chose. On demande seulement ça. Vous allez voir que les $2,600 de moyenne auxquels vous arrivez dans les statistiques vont remonter rapidement. On demande seulement de les laisser travailler.

Vous savez qu'on a un gros problème. On

marche avec le temps qu'il fait aussi et c'est un gros facteur dans notre industrie. Ici, dans le parlement, qu'il pleuve demain matin, qu'il fasse 40 sous zéro après-demain, qu'il y ait trois pieds de neige la semaine prochaine, cela n'empêche pas les gens de siéger. Mais sur un chantier de construction, s'il arrive une tempête de neige, les ouvriers n'entrent pas.

Par contre, s'ils peuvent remplacer leurs heures de travail pendant la période de mai à décembre où ils peuvent travailler réellement et qu'ils sont prêts à le faire, qu'ils sont prêts à travailler plus d'heures, à ce moment-là, ils auront leur salaire annuel et on n'aura tué personne. On va seulement aider la main-d'oeuvre, ici au Québec. C'est tout ce qu'on va faire.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je suis bien d'accord et personne ne le conteste. D'ailleurs, nous nous sommes réunis ici pour discuter de la possibilité pour un travailleur de trouver un emploi là où il y a des emplois disponibles. Nous sommes quand même obligés, à ce moment-là, de situer le problème dans le cadre des relations patronales-ouvrières, de tenir compte des décrets, des normes, des taux établis par le gouvernement à la suite de négociations souvent difficiles. Les propositions que vous nous faites, pour possibles — je ne dis pas valables — qu'elles soient en principe et même en pratique, ne me paraissent pas pouvoir être intégrées dans le cadre des mécanismes de nos relations patronales-ouvrières. J'en appelle au ministre pour qu'il nous dise exactement ce qu'il pense des solutions que vous nous suggérez. Quant à moi, je vous avoue que, même si je sais que dans ma région il y a des problèmes analogues à ceux que vous évoquez, je ne pourrais pas accepter les propositions que vous faites parce que je sais qu'à la fin du compte ce sont les travailleurs qui seraient défavorisés.

M. COURNOYER: Je n'ai pas d'opinion, mais j'ai l'impression que le genre de discussion que nous avons porte beaucoup plus sur le contenu de la convention collective et le décret lui-même qui ne sont pas encore négociés. Vous vous souvenez de l'histoire de ce matin, à l'effet que le bill 38 a été adopté pour mettre fin à un conflit, que le gouvernement a imposé un décret, un autre décret, et un autre décret après coup, pour remplacer la convention que les parties n'avaient pas pu conclure entre elles.

Ce décret, bien sûr, peut être critiqué par tout le monde. C'est normal qu'il en soit ainsi. On peut l'aimer ou ne pas l'aimer. Seulement, la loi qui existe actuellement donne aux parties le privilège de négocier une autre convention collective. Vous faites partie, si je comprends bien, de la Fédération de l'industrie de la construction, même si vous présentez un mémoire séparé. Or, la Fédération de l'industrie de la construction, jusqu'à preuve du contraire, est encore l'une des parties contractantes à une convention collective qui, comme on peut l'espérer, cette fois-ci, sera faite par les parties et non par le gouvernement.

A partir du moment où vous faites partie de cet organisme, je vous entendrais, mais à une autre époque. Cela serait sur le contenu de la convention collective qui est en train d'être négociée. Je ne peux pas remplacer ici la partie syndicale ou la partie patronale. Il n'est pas question pour nous de présenter des amendements au décret. Pas du tout. Les négociations devraient normalement reprendre au mois de janvier, si j'ai bien compris, selon la loi actuelle et selon le texte de la convention ou du décret actuels.

Ces problèmes que vous avez rencontrés pour la première fois d'une façon sérieuse, il faut que vous les gardiez en réserve pour pouvoir expliquer aux représentants syndicaux, lorsque viendra le temps de modifier les conventions actuelles, que cela a un effet désastreux sur votre industrie. Cette fois-ci, cela ne sera pas que des affirmations de votre part. Ce sont des constatations. Pour une fois, les taux de salaires ont été considérablement élevés dans vos régions, en particulier lors du dernier décret. Vous n'avez pas, je pense bien, tous rejoint le taux de Montréal, mais vous vous en approchez tellement sensiblement qu'on peut dire que c'est la quasi-parité entre les deux. Là, vous en avez senti, pendant un certain temps, les effets. C'est à cette préoccupation que vous devez vous attarder lors du début des prochaines négociations. Ce n'est pas ici, je pense bien, que nous allons régler la question des taux de salaires ou de la parité de salaires, même si c'est un des articles à l'ordre du jour de la commission parlementaire. Les effets des parités de salaire, c'est aussi là.

Nous en prenons bonne note ici, parce que, de votre côté, comme entreprise de construction, vous nous avez mentionné certains effets néfastes des parités de salaire, c'est à dire des salaires au taux le plus élevé au Québec.

Mais, prenons notre livre, tournons la page et disons: Il vous reste encore un point, dans votre mémoire, parce que vous vous étiez mis à trois. La première partie, les salaires. Je pense bien que nous pouvons nous satisfaire du fait que ces gens, en particulier, ont énoncé que cela causait des problèmes sérieux, du fait que les salaires étaient trop élevés. Quant à l'autre partie, sur la sécurité d'emploi, j'ai nettement eu l'impression que, du côté de ceux qui présentaient un mémoire, on considérait la sécurité d'emploi comme une garantie d'emploi, sur une base annuelle, et qu'un employé qui commence à travailler chez vous travaillera toute l'année et vous le paierez au taux de salaire en question pendant toute l'année. C'est de cette partie que je dis: Cela vous coûte de 12 p.c. à 20 p.c. de plus, à moins que ce soit une autre explication.

M. DAIGLE: Non. C'est pour la main-d'oeuvre que nous sommes obligés d'importer.

M. COURNOYER: Ah oui! C'est parce que vous êtes obligés de payer la pension en plus.

M. DAIGLE: C'est cela.

M. COURNOYER: Les 12 p.c. à 20 p.c., donc, c'est le chiffre du montant de la pension, lorsque vous êtes tenus d'aller ailleurs. Encore une fois, ce n'est pas la sécurité d'emploi mais c'est le fait que, n'ayant pas de main-d'oeuvre à un endroit, vous allez en chercher ailleurs. Si vous allez en chercher ailleurs, vous payez les frais de pension et de transport. C'est une disposition du décret que vous avez tout le loisir de réviser lors de la prochaine négociation. Il n'y a pas de décision gouvernementale là-dedans. Selon la loi, c'est aux parties à négocier leurs conventions collectives. Je répète que, du côté gouvernemental, on ne peut qu'espérer que le gouvernement n'aura pas encore à régler par décret une convention collective dans le domaine de la construction. On peut penser que, de part et d'autre, vous allez vous comprendre.

Quant au reste, il y a une partie que je n'ai pas entendue. S'il y en a une autre, ce sera parfait.

M. DAIGLE: Notre plus grande peur, au sujet du rôle quantitatif de la main-d'oeuvre, c'est que cela devienne une espèce de cartel.

M. COURNOYER: Cela, je pense que nous en avons parlé ce matin. Le gouvernement doit faire en sorte de ne pas mettre dans les mains des individus qui peuvent, à un moment donné, exercer un égoisme collectif des armes qui empêchent le développement économique du Québec. Mais — je pense bien que c'est dans ce sens que le député de Chicoutimi parle — nous ne formerons pas de la main-d'oeuvre pour votre région juste pour le plaisir de la former. On va espérer, tout le monde, que lorsqu'on aura formé de la main-d'oeuvre pour vous, pour vos besoins en particulier, cette main-d'oeuvre puisse travailler et gagner sa vie chez elle, et honorablement aussi, aussi honorablement que les autres.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, au moment où le ministre est intervenu — et avec raison, d'ailleurs — pour resituer le problème, je n'avais pas, si vous voulez, tenté de distraire l'attention de la commission mais, par une suite de questions, j'ai essayé de savoir pourquoi vous vous inquiétez de la priorité d'emploi. C'est au moment où je vous ai demandé quelles étaient les solutions que vous envisagez que nous avons discuté de tout ce problème de l'emploi, de la façon de payer, de la syndicalisation, etc.

Je retiens — et je pense que c'est l'aspect positif de ce que vous nous avez dit jusqu'à présent — que vous vous inquiétez de ces gens qui ne trouvent pas emploi chez vous et qui le pourraient s'il n'y avait pas toutes les tracasse- ries qui existent lorsqu'il s'agit d'avoir des permis de travail. Je suis parfaitement d'accord avec vous. Par ailleurs, je suis d'accord avec le ministre, lorsqu'il nous dit que nous avons un certain nombre de jeunes à former, à diriger vers le marché du travail mais que nous ne pouvons pas poursuivre un procédé ad infinitum. Nous devons établir des priorités, des besoins, des échéanciers, afin que ces gens qui se préparent à exercer quelque métier que ce soit, qui touche, par exemple, au domaine du bâtiment , ne se voient pas un jour fermer la porte parce qu'on a établi, ce dont nous parlions ce matin, certains contingentements.

Mais je retiens — et je vous le dis avec beaucoup de sympathie — la proposition que vous avez faite. Plutôt, je retiens l'expression d'inquiétude que vous avez formulée, à savoir que vous vous demandez comment vous allez pouvoir donner du travail à des gens qui pourraient trouver du travail chez vous et qui, à l'heure actuelle, en sont privés parce qu'ils ne peuvent pas obtenir ces cartes, ces permis, qui les habiliteraient à travailler dans votre région? Je pense — vous pourrez me corriger — que c'est, au fond, votre grande préoccupation. L'autre partie, salaires, etc., relève de ce que le ministre disait tout à l'heure, la négociation des conventions concernant les salaires et tout ce qui se rapporte de près ou de loin aux dispositions des conventions collectives à intervenir.

M. LE PRESIDENT: Le député de Dorchester.

M. GUAY: Très brièvement, j'aurais quelques questions à poser. Vous mentionniez tout à l'heure qu'il devrait exister une classification dans les genres de construction. Nous avons déjà discuté, à une commission parlementaire, de cette possibilité éventuelle. Classifier d'une façon quelconque, probablement ce que vous avez soumis, ce serait entre la construction domiciliaire, industrielle, commerciale, et ensuite ce qu'on appelle l'industrie lourde dans la construction: complexes ou grandes routes.

Vous avez également touché la liberté qui est exercée dans la petite construction aux Etats-Unis. J'aimerais demander à l'association que vous représentez le genre de construction bien spécifique que font les entrepreneurs que vous représentez aujourd'hui? Est-ce en grande partie domiciliaire, commerciale ou si c'est tout genre de constructions?

M. DAGENAIS: Dans notre région, c'est en grosse majorité domiciliaire.

M. GUAY: Etant donné que l'aspect climatique joue assez fortement dans nos régions, j'aimerais avoir une réponse assez précise: Est-ce possible pour les entrepreneurs que vous représentez de continuer en période hivernale de faire de la construction domiciliaire?

M. DAGENAIS: Pas dans la petite construction.

M. GUAY: Cela semble impossible?

M. DAGENAIS: Parce que le coût est trop élevé.

M. GUAY: Qui entraînerait nécessairement une augmentation du coût de la construction. Les employés qui travaillent pour les entrepreneurs que vous représentez travaillent combien de mois par année? J'inclus les travaux de construction, et vous avez mentionné que pour plusieurs travailleurs ce travail peut se poursuivre ensuite pour l'entretien de la machinerie. Mais est-ce que vous avez fait une moyenne des mois de travail pour l'ensemble des travailleurs qui sont à votre service?

M. DAGENAIS: Il y a 60 p.c. des entrepreneurs qui travaillent à l'année avec leurs hommes. Sur un potentiel de 1,500 employés, il peut y en avoir à peu près 700 qui travaillent l'hiver.

M. GUAY: En période d'hiver, ces employés font quoi?

M. DAGENAIS: C'est parce que l'employeur, ayant divers domaines de construction... Par exemple, chez moi, j'ai deux ou trois divisions et je peux envoyer un même employé dans une autre division, ainsi je viens à bout de garder le plein emploi chez nous à 80 p.c, l'hiver. Mais dans le domaine domiciliaire, c'est très dur de garder nos gens à l'emploi, à moins d'avoir d'autres divisions pour les y envoyer.

M. GUAY: Dans votre mémoire qui est très court, très clair aussi, vous traitez un petit peu de la qualification. Vous dites: "C'est l'employeur, en l'occurrence l'entrepreneur en construction, qui peut le mieux juger de la compétence d'un individu à son emploi." J'aimerais savoir si les entrepreneurs sont habilités premièrement à porter un jugement de valeur sur les travailleurs à leur emploi? Et de quelle façon?

M. DAGENAIS: Si vous arrivez sur un chantier, que vous allez chercher de la main-d'oeuvre extérieure, que vous avez cinq qualifications supposées, et que nous arrivent des gars qui ne sont même pas capables de planter un clou mais qui ont leur carte de compétence en main, je pense que le profit n'est pas très élevé à la fin du contrat. Au prochain contrat, nous sommes obligés de soumissionner plus haut, d'augmenter le prix à cause de ces qualifications médiocres. C'est ça qui se produit à l'heure actuelle. Peut-être que la théorie dans les écoles c'est bien, mais la pratique sur le chantier, c'est encore mieux.

Et quand on a enlevé aux apprentis le privilège de travailler, c'est-à-dire 1 par 5, c'est là qu'on s'est trompé.

Si nous avions continué d'avoir, au moins, 40 p.c. à 50 p.c. d'apprentis avec des compagnons compétents, on verrait une main-d'oeuvre plus qualifiée au bout d'un certain temps.

M. GUAY: Croyez-vous — vous êtes probablement habilités à en juger, car vous en avez sans doute connaissance — que le degré de scolarité d'un travailleur de la construction peut jouer un grand rôle dans l'obtention d'un certificat de qualification?

M. GREGOIRE: Oui, même si, à l'heure actuelle, je verrais plus un menuisier aller passer un examen réellement sur l'ouvrage qu'il fait manuellement et non théoriquement.

M. GUAY: Croyez-vous, d'autre part, que les examens de qualification sont trop sévères ou pas assez sévères?

M. GREGOIRE: Je ne sais pas quel examen on peut avoir aujourd'hui. Depuis que j'ai ma carte de qualification, je ne suis pas retourné en passer un autre.

M. COURNOYER: Dans ce temps-là, comment c'était?

M. GREGOIRE: On passait ça à Sherbrooke, à l'ancien comité paritaire. On nous faisait tailler un escalier, puis différentes choses. Il y a plusieurs points grâce auxquels on peut trouver si un ouvrier est vraiment bon.

M. GUAY: Maintenant, j'aimerais soulever une autre question, surtout parce que vous êtes dans la construction domiciliaire, dans l'habitation familiale. Les maisons fabriquées en usine semblent connaître une expansion assez vertigineuse actuellement. Est-ce que ce genre de construction peut facilement remplacer le genre de construction que vous faites? D'autre part, ce genre de construction en usine peut-il — le mot est peut-être fort — anéantir, dans un délai plus ou moins bref, la construction domiciliaire faite par les entrepreneurs que vous représentez?

M. GREGOIRE: La plupart des entrepreneurs sont obligés d'avoir, justement, une division pour des maisons préfabriquées, c'est-à-dire d'avoir une ligne qui répond à la demande du client et de lui proposer une maison préfabriquée. Sans ça, je pense qu'il n'y en aurait pas beaucoup qui auraient de l'ouvrage chez nous, parce que ça entre en ligne de compte assez profondément.

M. DAIGLE: Pour subvenir aux besoins présentement, on est obligé d'avoir une usine fermée, comme on l'appelle, pour faire des

murs préfabriqués ou des choses comme ça parce que le coût de construction est rendu trop dispendieux pour l'acheteur. Alors, on nous force à aller en manufacture. D'ici 20 ans, on croit que 80 p.c. de la construction va être faite en manufacture, parce que ça s'en vient à grands pas. Même pour les édifices en hauteur en béton, ce n'est plus un problème, parce qu'on amène cela par boîte.

Plus ça va aller vite dans le domaine de la construction sur les chantiers, plus que ça va aller vite en industrie. Ici, c'est l'offre et la demande et il faut être capable de donner ce que les gens sont capables de payer.

C'est tout simplement ça. Si vous remarquez le nombre d'industries manufacturières qui se sont établies dans le domaine de la construction, vous allez être surpris.

M. GUAY: Comme vous le dites vous-même, on vous oblige pratiquement à faire de la construction en usine. Est-ce qu'il y a une différence appréciable entre les coûts, par exemple, d'une maison familiale construite complètement en usine et celle qui est construite actuellement sur place? Si ma mémoire est bonne, les lois de la construction ne s'appliquent pas en usine fermée, alors qu'elles s'appliquent à l'extérieur. Maintenant, ce ne sont peut-être pas uniquement les lois qui s'appliquent qui viennent transformer les coûts. Il y a peut-être d'autres avantages pour la construction. Avez-vous des études de faites sur la différence qui existe entre le coût d'une maison de même dimension ou de même qualité construite en usine et sur place?

M. DAIGLE: Premièrement, le salaire que vous allez payer dans une usine est pratiquement le même que dans les autres usines. Dans la région des Cantons de l'Est, si on situe ça dans Shefford, Brome et Missisquoi, les salaires dans l'industrie sont d'environ $2 et $2.50 l'heure. Les mêmes salaires sont versés dans l'industrie de la préfabrication de maisons. Si ça vous coûte, au départ, 50 p.c. du salaire payé sur un chantier, sans aucune perte de matériel, c'est évident que la construction faite en usine revient beaucoup moins cher que sur le chantier. On ne peut pas s'en défaire: c'est ça.

M. COURNOYER: Pas seulement le taux de salaire, mais aussi le fait que vous ne perdez pas de matériaux. Quand vous commencez à couper vos 2 par 4, vous les coupez tous pareils, avec une belle scie et il y a bien moins de manutention.

M. DAIGLE: C'est ça. Il y a moins de manutention, puis la vitesse est doublée aussi pour la production elle-même.

M. COURNOYER: Au point de vue de la productivité, pour le même taux de salaire, vous sauvez de l'argent en usine.

M. DAIGLE: On est obligé de le faire.

M. COURNOYER: Parce que vous travaillez huit heures franches. Vous commencez à travailler le matin et vous allez jusqu'au bout, il n'y a pas de pluie dans l'usine.

M. DAIGLE: Il n'y a pas de pluie et les salaires sont comparables à ceux de l'industrie de la construction. Si jamais vous voulez voir les T-4 des employés que nous avons à l'usine et des employés de la construction, vous allez avoir des surprises.

M. COURNOYER: Quelle sorte de surprises?

M. DAIGLE: Les employés que nous avons à l'usine présentement et les employés que nous avons sur les chantiers de construction...

M. COURNOYER: Lesquels des deux font le plus?

M. DAIGLE: Ce sont les employés de l'usine qui font le plus.

M. COURNOYER: C'est ce que je dis depuis le début de la journée.

M. DAIGLE: Comment peut-on régler le problème? C'est le consommateur qui n'a pas les moyens de payer.

M. COURNOYER: Je vous ai dit tantôt ce à quoi nous visions par la sécurité ou la priorité d'emploi. C'est strictement d'en arriver à un salaire annuel décent pour les individus qui travaillent dans la construction. Leur taux de salaire horaire est rendu tellement élevé, compte tenu d'une foule de facteurs qui font qu'ils ne travaillent pas pendant douze mois...

M. DAIGLE: C'est cela.

M. COURNOYER: ... tandis que les autres, en usine, travaillent, on peut l'espérer, pendant douze mois... Au moins, quand ils commencent une semaine de travail, de votre côté, quand il s'agit de faire un assemblage de deux par quatre, soit pour un mur ou autre chose, ils vont le finir dans la même journée et il n'y a pas de problème. Vous avez de la machinerie en usine qu'on n'a pas sur un chantier de construction et il ne pleut pas dans l'usine, il n'y a pas de neige dans l'usine. La seule chose qui vous intéresse comme entreprise, c'est de vendre votre maison, elle est déjà faite.

M. DAIGLE: Il faut satisfaire le client. Pour donner aux gens de la province de Québec le moyen d'avoir une maison... Je dis qu'il n'y a aucune sorte d'industrie, quelle qu'elle soit, qui produira quelque chose que le consommateur n'est pas capable d'acheter.

M. COURNOYER: Vous avez parfaitement raison et c'est pourquoi les entreprises de construction ou d'habitation tentent de trouver les moyens pour que le coût soit réduit, par une fabrication différente, à des proportions susceptibles de faire le marché. Des manufactures comme celle de Saint-Joseph de Beauce, il y en a un certain nombre au Québec et je vous crois quand vous me dites que dans les vingt prochaines années ce sera encore pire. Il faut s'entendre sur le mot "pire".

M. DAIGLE: On y sera forcé.

M. COURNOYER: Entre vous et moi, on dirait qu'on veut vous y forcer par des taux de salaire élevés. Ce n'est pas cela. Pensez donc que nous sommes obligés de penser â l'individu qui gagne sa vie. Comme ministre du Travail, je suis en face d'individus de la construction mais je n'ai pas que les gars de la construction, j'ai aussi les gars qui travaillent dans le soulier, le textile, la mine. Je les ai tous. Dans leur cas, il faut qu'ils aient la possibilité de se loger parce que s'il y a une chose essentielle, c'est de se loger et de manger.

Il faut qu'ils aient la possibilité, de se loger; il faut donc que le coût soit de tel ordre qu'ils puissent acheter un logis. On peut tourner l'affaire à l'envers et augmenter leur taux de salaire pour qu'ils puissent acheter votre produit ou on peut réduire le coût de production, pas nécessairement le taux de salaire. C'est ce que vous faites et c'est ce que l'industrie vous oblige à faire. Avez-vous déjà demandé à la Société centrale d'hypothèques quelle était l'influence des taux de salaire sur le taux d'augmentation de la construction dans les vingt dernières années?

M. DAIGLE: La Société centrale d'hypothèques a des statistiques à travers le Canada et si vous saviez la différence qu'il y a entre le coût d'un logement qui se bâtit à Toronto, à Montréal, à Québec et à Cowansville, les cheveux vous dresseraient sur la tête.

M. COURNOYER: Vous me parliez tantôt de ce qui s'en vient, des possibilités de fabrication en usine, etc. Regardez le plâtre qu'il y a en haut aujourd'hui et cherchez-en dans les maisons d'aujourd'hui. Regardez-le, le plâtre. N'est-ce pas beau, cela?

M. DAIGLE: Justement.

M. COURNOYER: Il n'y en a plus dans les maisons d'aujourd'hui.

M. DAIGLE: Aujourd'hui, demandez à un plâtrier dans l'industrie de la construction de vous faire une colonne comme celle-là, pour voir.

M. COURNOYER: Il n'en est pas capable.

M. DAIGLE: Vous appelez cela "qualifié" à ce moment-là?

M. COURNOYER: Non, ce n'est pas cela. Vais-je lui faire faire des colonnes que personne ne va acheter?

M. DAIGLE: Non, justement.

M. COURNOYER: C'est le problème. Si ce sont les observations que vous pouvez faire sur la façon dont nous qualifions les gens, si le genre de travail qu'ils sont susceptibles de faire pour vous le lendemain est un travail qui ne se vend pas, je dis qu'il y a quelque chose qui ne va pas dans mon système de qualification et de formation professionnelle. Je ne vais pas former des gens qui font des colonnes de plâtre. On n'en achète plus, de colonnes de plâtre, à cause du taux de salaire ou d'autres considérations, le changement des goûts...

Pouvez-vous me dire si c'est la brique sur les murs qui est partie ou si c'est le "curtain wall" qui est arrivé? Lequel des deux est parti? Est-ce le coût de pose de la brique qui a fait qu'il n'y avait plus de brique qui se posait un certain temps ou si c'est le fait que la mode était au "curtain wall" pendant un bout de temps?

M. DAIGLE: Le "curtain wall" coûte certainement meilleur marché que la brique.

M. COURNOYER: Il coûte meilleur marché mais il y a encore de la brique qui se pose. Mais, durant un certain temps, il ne se faisait que du "curtain wall". Aujourd'hui, que so fait-il? Je regarde les grands murs de brique des grands, grands édifices de Montréal. Ce n'est peut-être pas la même chose chez vous, parce que vous m'avez dit depuis tantôt qu'il n'y a pas de gros édifices comme ceux que l'on construit à Montréal. Mais je regarde les murs de brique de 17 étages d'aujourd'hui alors qu'il y a cinq ans, quand on était en plein travaux de construction de l'Expo, ce n'était que du "curtain wall" que l'on avait avec une petite possibilité de précontraint qui commençait à entrer dans l'industrie dans ce temps-là.

M. DAIGLE: Je peux vous dire que vous allez avoir de la difficulté à trouver des briqueteurs pour le 17e étage avec les inspecteurs de la Commission de l'industrie de la construction.

M. COURNOYER: Pourquoi? Parce que ce n'est pas sécuritaire en haut?

M. DAIGLE: C'est rendu criminel de monter dans un échafaud.

M. COURNOYER: Pourquoi? Pour un briqueteur de monter dans un échafaud? Il y en a qui montent à Montréal.

M. DAIGLE: Venez vous informer dans notre coin et vous allez voir que les briqueteurs ne prennent plus des bâtisses bien bien hautes.

M. COURNOYER: Vous avez des inspecteurs épouvantables! Mais je retiens cette dernière remarque, compte tenu du fait que je suis un tueur, pour dire combien nous sommes efficaces.

M. LE PRESIDENT: Je retourne au député de Dorchester.

M. GREGOIRE: M. le Président, pour répondre à une question qu'a posée le député de Dorchester tantôt, n'allez pas croire que nous sommes venus ici seulement pour défendre le point de vue do l'Association des entrepreneurs en construction cet après midi. Nous défendons autant l'employé qui travaille pour nous. A l'heure actuelle, chez nous, moi-même, mes collègues dans une proportion de 60 p.c, nous avons tous une petite industrie à côté où nous pouvons faire le préfabriqué nous-mêmes. L'hiver, mes hommes, les hommes de Jacques travaillent dans l'industrie et ce n'est pas marqué dans les statistiques apportées aujourd'hui. La plupart de nos hommes chez nous, je le dis avec preuves à l'appui, se font entre $6,000 et $8,000 par année, à 90 p.c. la plupart de ceux des comtés ruraux à l'heure actuelle pensent la même chose.

M. DAIGLE: Nous pourrions, à ce moment-ci, prendre nos travailleurs dans nos trois comtés, regarder les statistiques que vous avez ici et les T-4, avec les numéros d'assurance sociale, sans le nom.

M. COURNOYER: Je suis parfaitement au courant que l'on peut faire tout ça et qu'il y a des gens qui gagnent leur vie ailleurs que dans l'industrie de la construction; il y en a un pourcentage assez considérable. De combien il est, je ne le sais pas. Mais tout ce que je sais c'est que 120,000 personnes travaillent là-dedans et ce n'est pas vrai que les 120,000 travaillent à l'année. Il y en a une petite proportion. Dans vos cas, que feriez vous avec les 500 supplémentaires dont vous avez besoin cette année? Pouvez-vous leur donner une garantie qu'ils vont travailler toute l'année, de la même manière que les autres? C'est du supplémentaire que nous parlons, surtout du supplémentaire, pas du noyau que vous avez chez vous. Le noyau, vous faites tout ce que vous voulez et il travaille toute l'année. Je suis convaincu que vous pouvez les garder sur votre "pay roll", en boutique ou autrement, durant toute l'année. Mais ceux que vous importez, ceux que vous rendez accessibles à l'industrie, ceux-là, êtes-vous capable de leur donner la même chose que vous donnez à votre noyau?

M. GREGOIRE: C'est justement, il ne faudrait pas être obligé d'importer des hommes qui, à l'heure actuelle, sont enregistrés au bureau d'assurance-chômage, soit provincial ou fédéral; les 400 sont là. Nous pouvons vous le prouver en tout temps.

M. COURNOYER: Dans votre région?

M. GREGOIRE: Oui, en tout temps. Au moins 400 à 500 de ces personnes sont aptes à faire l'ouvrage. Nous avons surtout manqué de journaliers cette année et non pas de menuisiers, c'est-à-dire que le journalier peut chauffer une pelle à main. Je me demande pourquoi, à cause d'un permis de travail, on en fait un chômeur ou un assisté social.

M. COURNOYER: Je pense que je vais retenir seulement cette dernière remarque. Je vous prie de croire que mon ministère, malgré les représentations de bien du monde, a émis, pendant le mois de mai, si je me souviens bien — la dernière question m'avait été posée dans ce temps-là — surtout dans les régions rurales ou semi-rurales, pas tellement à Montréal et à Québec même, de 6,000 à 7,000 permis pour travailler sur les chantiers de construction au grand désespoir de ceux qui voulaient arriver à mettre un certain ordre dans l'industrie.

Encore, pour l'ordre, monsieur, il n'y a pas de problème, mais dans le cas particulier que vous énoncez, s'il y a eu 400 personnes qui ont dit qu'elles ne pouvaient pas avoir de permis pour travailler dans l'industrie de la construction, elles n'en voulaient pas de permis. Parce que c'était assez facile d'en obtenir et je vous jure que c'était plus que facile. J'espère qu'on ne dira pas tout ce qu'on pense mais c'était plus que facile d'obtenir des permis de travail et trop facile, même. Ils n'en voulaient pas parce que vous avez dit, tantôt, où ils étaient: à l'assurance-chômage. Ils n'ont pas le goût de travailler, à l'assurance-chômage. Il y en a de ceux-là.

M. GREGOIRE: Mais il y en a au moins 200, sur les 400, qu'on a pu employer.

M. COURNOYER: Mais pourquoi, diantre! n'en entendons-nous parler qu'aujourd'hui? Vous m'avez déjà écrit...

M. GREGOIRE: M. le ministre, je vous ai envoyé un télégramme cet été. Je pense qu'il manquait à peu près 30 à 40 hommes, surtout des journaliers. Je voulais engager des étudiants. Les inspecteurs se sont mis après moi et ils m'en ont empêché, ils m'ont menacé de représailles, amandes etc. Je me suis "tanné". J'en ai payé, moi aussi, des amendes, et des amendes idiotes, comme on peut les appeler. C'est plutôt rare qu'un gars qui veut travailler soit obligé de payer une amende. C'est plutôt le criminel qui devrait payer une amende, non pas celui qui veut vraiment gagner sa vie. Pourquoi oblige-t-on un père de famille qui a des enfants, on en a la preuve ici, qui veut faire travailler ses garçons, à payer l'amende deux ou trois fois

dans le même mois? Parce qu'il avait un apprenti de trop sur son chantier.

M. COURNOYER: Monsieur, je vous ai dit tantôt que c'étaient des conditions qui ont été établies, qui ne tiennent pas compte de vos besoins particuliers à vous, mais qui doivent tenir compte du besoin général de la population. A un moment donné, il y a une responsabilité qui, pour vous, n'est pas la même que la mienne, mais pas du tout. Remarquez que je peux vous choquer. Je peux choquer votre voisin. Je peux en choquer d'autres. Je choque tout le temps tout le monde. C'est normal. Mais quand vous aurez quitté cette commission parlementaire, j'espère que vous allez comprendre que lorsque nous prenons une décision ici, ce n'est pas juste pour vous ou pour d'autres. Il y a des choses qui n'ont pas été dites encore mais qui vont peut-être être dites. Cela va sortir. Le chat va sortir du sac bientôt. Il y a des affaires qui vont sortir. Nous sommes calmes, calmes depuis le matin. C'est peut-être à cause du président, mais je trouve cela pas mal calme pour une commission parlementaire qui étudie les problèmes de la construction. C'est pas mal calme.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Est-ce que le ministre veut rester calme?

M. LE PRESIDENT: Un instant! Avant qu'on commence la chicane, si vous voulez, on va continuer avec le député de Dorchester.

M. COURNOYER: Vous pouvez vous organiser pour m'envoyer trois ou quatre pointes...

M. LE PRESIDENT: Le député de Dorchester.

M. GUAY: M. le Président, étant donné que...

UNE VOIX: Ça va bien.

M. LE PRESIDENT: Le député de Dorchester a la parole.

M. GUAY : M. le Président, étant donné que j'ai été coupé par le ministre, en quelque sorte, j'adresserai donc mes prochaines questions au ministre...

M. LAVOIE: Cela fait trois fois qu'il dit ça. J'avais compris que le ministre avait dit "calme". Ce n'est pas quatre, c'est calme.

M. COURNOYER: J'ai dit calme.

DES VOIX: C'est ça.

M. COURNOYER: Jamais je n'aurais dit ça.

M. LABERGE: Bien sûr, on ne peut pas parler.

M. COURNOYER: Chacun sa place; toi, c'est à la télévision.

M. LE PRESIDENT: Le député de Dorchester.

UNE VOIX: On va où on peut.

M. GUAY: Au sujet de la construction, surtout domiciliaire, en usine, qui connaît une expansion extraordinaire, j'aimerais savoir du ministre si les mêmes exigences, les mêmes normes s'appliquent pour les constructions en usine que pour les constructions sur place, ce qu'on appelle les chantiers de construction.

M. COURNOYER: Du décret proprement dit, les conditions de travail, non.

M. GUAY : Les normes de construction?

M. COURNOYER: Mais les normes de construction sont identiques à celles qui existent dans les codes du bâtiment un peu partout au Québec. La plupart du temps, avant qu'on arrive avec autre chose, les règlements municipaux pour la construction sont appliqués dans les manufactures. De là, d'ailleurs, le besoin d'uniformiser ces règlements. Cela vient du fait que lorsqu'on en construit une dans un endroit et qu'on l'exporte dans une autre municipalité, il faut que les règlements permettent de recevoir cette maison qui est construite un peu plus loin que l'endroit où elle est installée.

Mais ces règlements ne sont pas identiques partout au Québec. Les gens doivent se soumettre aux règlements de la construction pour pouvoir les installer.

M. GUAY: Il y a quand même des inspecteurs du ministère qui vont faire les vérifications d'usage sur les constructions.

M. COURNOYER: Oui, c'est une autre sorte d'inspecteurs. La Loi des électriciens, les installations électriques, s'applique de même que la Loi des plombiers.

M. GUAY: Maintenant, si on prend une construction en général, est-ce que les arrêtés ministériels dont on parle s'appliquent aux travailleurs de la construction en usine?

M. COURNOYER: Si vous me parlez, encore une fois, du décret de la construction...

M. GUAY: C'est cela.

M. COURNOYER: ... qui régit les conditions de travail, la réponse est non. A moins que l'usine ne soit à proximité du champ d'installation, comme cela a été le cas pour Habitat 67, en 1965.

M. GUAY: Est-ce qu'il y a beaucoup de plaintes au ministère du Travail relativement à

des défauts de construction par des clients propriétaires de maisons fabriquées en usine?

M. COURNOYER: Non. Premièrement, le ministère du Travail n'est pas un endroit où on porte plainte. Il s'agit de faire respecter certaines normes en électricité, en plomberie, en chauffage, de même que le code du bâtiment. Ce ne sont pas des édifices publics. C'est réglementé par les codes ordinaires du bâtiment. Non?

M. DESJARDINS: Non. J'aimerais donc cela jaser! Nous n'avons pas le droit de parler.

M. COURNOYER: La Loi des électriciens, des installations électriques s'applique.

M. DESJARDINS: Aucune carte de qualification n'est requise.

M. COURNOYER: Ce n'est pas de cela que je vous parle. Je vous parle de l'installation électrique. Le décret de la construction ne s'applique pas. La Loi de la formation professionnelle n'a pas d'application là-dedans.

M. DESJARDINS: Mais votre carte de qualification n'est pas régie par le décret?

M. COURNOYER: Non.

M. DESJARDINS: Elle est régie par votre bill 49. Elle ne s'applique pas partout.

M. COURNOYER: Ces deux lois ne s'appliquent pas.

M. DESJARDINS: Il n'y a rien qui s'applique.

M. COURNOYER: La Loi des installations électriques s'applique. Elle ne peut pas ne pas s'appliquer. Que voulez-vous? C'est une installation électrique. On est obligé d'en faire l'inspection.

M. DESJARDINS: Cela doit être la seule qui s'applique dans toute la construction.

M. COURNOYER: La vôtre ne s'applique pas?

M. DESJARDINS: Non.

M. COURNOYER: C'est parce que vous ne la faites pas appliquer. Occupez-vous donc de vos affaires un peu, de temps en temps.

M. DESJARDINS: Nous ne pouvons pas parler.

M. LE PRESIDENT: Le député de Dorchester.

M. GUAY: J'aurais une dernière question au ministre. Je vis encore un problème dans la localité de Saint-Léon-de-Standon —je donne l'adresse au cas où cela vous intéresserait où un groupe de personnes effectuent des déménagements de bâtisses. Il s'agit de maisons, de garages, de granges, etc. Ces personnes se demandent encore quel genre de qualification professionnelle elles doivent détenir. Actuellement, il est impossible de les classer parmi les travailleurs en usine. Je pense qu'il est également impossible de les classer parmi les travailleurs en construction, puisque ce n'est pas de la construction. C'est une question que j'ai déjà posée. J'attends toujours la réponse. Cela fait partie de la loi que nous discutons. Présentement deux de ces travailleurs sembleraient poursuivis parce qu'ils ne rencontrent pas les exigences du ministère du Travail ou de la Commission de l'industrie de la construction.

M. COURNOYER: La Loi 290 a été adoptée par le Parlement du Québec. Elle nomme un commissaire à la construction qui établit dans quelle juridiction se trouve telle ou telle opération. A ce moment-ci, je n'ai pas la dernière décision du commissaire, M. Bernier, mais, si la décision de M. Bernier dit que le déménagement, c'est de la construction, c'est de la construction. Une fois qu'il l'a décidé, c'est conformément à la loi et c'est sa juridiction. C'est comme si un juge avait décidé que telle chose doit être interprétée de telle manière. Tant qu'on n'en a pas appelé et que cela n'a pas été en cour Suprême, c'est la loi du milieu. Je ne le sais pas.

M. GUAY: Est-ce que nous pouvons quand même dire à ces gens de continuer à travailler et qu'il n'y a aucun danger qu'ils soient poursuivis?

M. COURNOYER: Pas du tout. On ne peut pas dire à ces gens de poser un acte illégal.

M. GUAY: Est-ce que réellement c'est illégal?

M. COURNOYER: Vous me demandez à brûle-pourpoint si du déménagement, c'est de la construction. Si c'est de la construction, le décret s'applique. Si la décision du commissaire-enquêteur est que ce n'est pas de la construction, le décret ne s'applique pas.

M. GUAY: D'accord.

M. COURNOYER: Si de son autorité — pas de l'autorité du ministre — il décide que cela est de la construction, à ce moment-là, je ne peux pas dire aux gens: Posez un geste illégal. Je ne suis pas capable.

M. ROY (Beauce): Pour préciser davantage la question posée par le député de Dorchester, pendant que nous discutons de toutes ces choses, qu'est-ce que ces gens doivent faire?

M. COURNOYER: On peut se poser la question suivante: Lorsque nous discutons du code criminel, est-ce que le code criminel continue d'exister? Pendant qu'on discute d'amendements au code de la route, est-ce que le code de la route continue d'exister? Il n'est pas bon, mais il reste là. C'est celui-là tant qu'il n'est pas changé par le Parlement. Actuellement, je n'ai pas le pouvoir de modifier les lois existantes qui ont été votées par un Parlement. Je peux être en désaccord avec telle ou telle loi, mais, quand elle existe, elle existe jusqu'à ce qu'elle soit remplacée par un autre acte du Parlement.

M. ROY (Beauce): Oui, mais que faire dans l'intervalle, M. le ministre? Je me permets, quand même, de faire une nette nuance, car je pense qu'une nuance s'impose. Lorsqu'on parle d'un travailleur qui serait de la construction ou pas de la construction, compte tenu des décisions juridiques qui peuvent être prises.

Mais, à ce moment-là, on place le travailleur qui gagne sa vie normalement — c'est un droit inné pour l'individu, que de gagner sa vie — au même rang qu'un criminel qui est "enfargé" avec le code criminel ou encore un type, à un moment donné, qui viole les lois de la route et qui met la vie des autres en danger, sous prétexte qu'il y a des conflits juridiques quelque part. Le problème va jusque là. C'est compliqué, l'affaire.

M. COURNOYER: Oui, mais quand il a été dit dans la loi que l'amende pour l'infraction était de $200, cela a été édité par un Parlement. Qu'est-ce que c'est l'autorité suprême, au Québec? Nous pouvons espérer tous les deux que, c'est le Parlement. Mais si le Parlement a dit: $200 d'amende, le juge ne peut pas administrer autre chose que $200 d'amende. Quand je retourne à la décision du commissaire, c'est le Parlement qui a confié au commissaire le pouvoir de décider. Je ne dis pas qu'il n'a pas décidé. Je dis qu'il a peut-être décidé. S'il n'a pas décidé, c'est une tout autre chanson, mais s'il a décidé, c'est le pouvoir que le Parlement lui a donné, à lui, parce qu'on ne voulait pas que le ministre fasse du patronage s'il avait le pouvoir, lui. On l'a donc donné à un autre. C'est un autre qui l'a. Ce n'est pas moi.

M. DESJARDINS: C'est un autre qui a le patronage.

M. ROY (Beauce): Justement, M. le Président, c'est que ces lois ont été adoptées par le Parlement. Les juges sont liés par une loi et les commissaires sont liés par les mandats qui leur ont été confiés.

M. COURNOYER: Par le Parlement, toujours.

M. ROY (Beauce): Par le Parlement. C'est pour cela que la commission parlementaire siège, justement pour trouver des moyens d'éviter les situations désagréables que nous vivons présentement, par suite des lois et réglementations qui ont été adoptées jusqu'à maintenant. C'est pour cela que nous sommes ici aujourd'hui, en quelque sorte. C'est là qu'on vous démontre jusqu'à quel point il peut y avoir des problèmes parce que, justement, on a tenté, par une solution qu'on a jugée la meilleure pour régler un problème qui se posait, alors que le problème est resté posé dans son entier et qu'on s'est retrouvé avec des dizaines et des dizaines de problèmes additionnels...

M. COURNOYER: Ce que j'essaie de faire comme distinction... Vous allez me le permettre, je ne suis pas tellement un parlementaire, vous savez que j'assiste très souvent à la session...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Hélas!

M. COURNOYER: Vous avez remarqué cela?

M. ROY (Beauce): Nous le déplorons, d'ailleurs.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous devriez venir plus souvent.

M. COURNOYER: Je devrais y aller plus souvent. Je comprendrais beaucoup plus de choses. Mais disons que tel que je conçois, moi, le Parlement, il a adopté une loi. Bonne ou mauvaise, cette loi doit être appliquée par les organismes qu'il a délégués pour la faire appliquer.

M. LABERGE: Il faut respecter les lois. M. COURNOYER: Vous avez compris. UNE VOIX: La justice a le bras long!

M. ROY (Beauce): Mais lorsque la loi peut être amendée, on doit travailler à amender la loi.

M. COURNOYER: Oui, mais dans l'intervalle, c'est la première loi du Parlement qui s'applique. On ne peut pas, par arrêté ministériel ou par décision du ministre, dire: Je vais mettre la loi du Parlement en veilleuse. C'est un ordre que je reçois du Parlement. Vous allez me dire que je sollicite l'ordre. Bien oui, je l'ai sollicité mais le Parlement me l'a donné. Après cela, je suis obligé de m'y conformer, comme ministre et comme administrateur.

M. GUAY: Si je soulève la question, M. le Président, c'est qu'on vient de conclure qu'il y a de plus en plus de fabrication de maisons en usines. Toutes ces usines ont des équipes pour transporter ces maisons. J'ai reçu ces équipes à mon bureau. Selon le décret de la construction,

je ne suis même pas en mesure de leur dire si cela fait partie ou non de la construction. Justement, je voulais avoir un éclaircissement.

M. COURNOYER: Ecoutez, il y a une autre séance de la commission parlementaire demain. Je vais m'informer auprès du commissaire à la construction à savoir s'il a pris sa décision. S'il l'a prise, je demanderai qu'on vous en distribue des copies pour que vous puissiez vous y conformer.

M. GUAY: Si cela peut vous aider dans vos recherches, je sais que le ministère des Transports impose certaines exigences. J'ai donc cru que les transporteurs travaillaient sous la responsabilité du ministère des Transports.

M. COURNOYER: Je ne parle que des miennes.

M. GUAY: C'est une autre chose, mais il y a peut-être trois ou quatre ministères qui peuvent intervenir dans ces cas-là. Il faut reconnaître que ce sont des cas litigieux. Il faudra quand même, à un moment donné, statuer là-dessus.

M. COURNOYER: Peut-on demander comment les gens d'en face verraient la solution à ce problème? Peut-être nous donneront-ils la solution.

M. DESJARDINS: C'est facile. Je vais lui donner ma carte et s'il ne sait pas si cela va dans la construction, qu'il m'appelle.

M. GUAY: Je pourrais poser la question tout de suite, cela m'exempterait d'appeler.

M. DESJARDINS: Je promets une réponse.

M. GUAY: Si vous voulez répondre tout de suite, je suis parfaitement d'accord.

M. COURNOYER: En fait, disons que M. Desjardins n'a aucune forme d'autorité pour décider ce qui est dans la construction!

M. DESJARDINS: Depuis quand ai-je été limogé?

M. LE PRESIDENT: S'il vous plaît, messieurs!

M. ROY (Beauce): M. le Président, j'aurais des questions à poser, justement, au représentant de l'Association des entrepreneurs en construction de Brome, Missisquoi... Peut-être que la question a été posée tout à l'heure, j'ai dû m'absenter quelques minutes. J'aurais des questions à vous poser.

Chez vos membres de l'association cette année — vous avez certainement fait des études — est-ce que vous êtes en mesure de dire devant la commission parlementaire si des travaux de construction n'ont pu être effectués à cause de toutes ces exigences? Est-ce que les travailleurs que vous avez estimé qualifiés, à cause du décret, de toute la procédure et des délais que cette procédure entraîne pour permettre à une personne d'avoir une carte, n'ont pu travailler? A la lumière de ces faits, pouvez-vous nous dire s'il s'est fait moins de construction à cause de cela? Y a-t-il des travailleurs que vous avez été obligés d'engager sans carte ou d'autres que vous avez été obligés de refuser parce qu'ils n'avaient pas de cartes?

M. GREGOIRE: Il y a eu plusieurs retards dans le domaine que vous évoquez. On a été obligé de demander aux propriétaires d'allonger le programme des travaux, dû à la pénurie et au manque d'hommes qualifiés dans certains domaines, etc. Cela a pu empêcher quelques entrepreneurs d'avoir un autre contrat, en demandant un délai. Si ça a pris un mois de plus, à cause de la pénurie, ça l'a brimé.

M. ROY (Beauce): En somme, il y a des travailleurs que vous auriez embauchés et que vous n'avez pas pu embaucher?

M. GREGOIRE: Oui. Il y a eu pénurie de journaliers et nous aurions pu embaucher des étudiants de la qualité exigée à l'heure actuelle par le centre de main-d'oeuvre. Plusieurs, dans les bureaux d'entrepreneurs, sont allés s'enregistrer, mais, n'ayant pas le permis de travail en poche, ils ne pouvaient pas avoir de l'emploi.

M. LE PRESIDENT: Au tout début de ces commentaires, nous avions trois représentants qui ont voulu présenter un mémoire en trois parties. On s'est écarté un peu de cette procédure au moment des questions. Je vois que l'heure avance. Est-ce que vous avez complété la présentation de votre mémoire maintenant? Peut-être pas de la façon que vous l'auriez voulu, mais avez-vous couvert les différents points? Il y avait une question de M. Laberge.

M. LABERGE: Cela découle de la dernière question et de la dernière réponse. Je pense que le ministre du Travail ne peut pas laisser passer ça. Quand ils disent que dans la construction on a manqué de main-d'oeuvre qualifiée, c'est qu'on voulait engager certains gars et qu'on n'a pas voulu engager des gars disponibles. Pour autant que nous sommes concernés nous, il y en avait au moins de 20,000 à 25,000 de disponibles qui avaient des cartes de compétence, etc. La question et la réponse, toutes les deux, c'est charrier un peu.

M. GREGOIRE: Pour aller chercher l'individu qui pouvait travailler dans une autre région quand on avait un contrat assez serré, qui aurait payé la note?

M. LABERGE: Vous n'avez pas besoin d'al-

1er les chercher, vous n'avez qu'à les demander, ils vont se rendre tout seuls.

M. GREGOIRE: Je l'ai fait ça, j'en ai demandé 5. Après ça, ils se sont servis de la Commission de l'industrie de la construction pour me faire payer leur transport et leur pension. J'ai des preuves à l'appui.

UNE VOIX: C'est le problème des négociations.

M. COURNOYER: Je pense que monsieur a parfaitement raison. Quand vous n'avez pas de main-d'oeuvre chez vous vous êtes obligé de l'importer et payer les transports et la pension. C'est ça que le décret dit.

M. DESJARDINS: Cela fait 22 ans que ça existe.

M. DEMERS: C'est la même chose à Montréal; s'ils n'en ont pas ils vont la chercher ailleurs et ils paient pour.

M. GREGOIRE: M. le Président, je ne trouve pas logique d'être obligé d'aller chercher de la main-d'oeuvre à l'extérieur quand on peut en avoir chez nous.

M. COURNOYER: C'est ça le principal problème. Vous m'avez parlé tantôt de main-d'oeuvre qualifiée — du moins, M. Laberge a parlé de main-d'oeuvre qualifiée — quand, en définitive, vous nous avez dit que vous pouviez avoir des étudiants et des journaliers.

M. GREGOIRE: Oui, dans le domaine du journalier, pour avoir ce qu'on appelle un "opérateur" de telle année, je pense que ça ne prend pas une grosse qualification pour avoir ça.

M. COURNOYER: Non. Justement, il y a une question de qualification dans ce domaine-là en particulier. Alors, s'il n'est pas question de qualification, c'est donc de gens non qualifiés que vous aviez besoin, de gens qui n'avaient pas de carte.

M. GREGOIRE: Non, le permis de travail l'empêchait.

M. COURNOYER: Il faut faire la distinction, encore une fois — j'en ai parlé — entre la qualification et le permis de travail. Le permis de travail, c'est la seule chose qu'on demande à un journalier. S'il n'en avait pas dans votre cas, je vous ai dit que quelqu'un avait manqué d'imagination, parce que j'en ai assez émis. Ils "garrochaient" ça par les fenêtres.

M. DAIGLE: Une chose, cependant, qu'il faut prendre en considération, c'est qu'on marche dans un système de concurrence. On vit dans un pays encore démocratique. On a un système de concurrence. Moi, je demanderais, si c'est permis, à M. Laberge ce qu'on peut faire... On va expliquer le cas devant la commission.

M. LE PRESIDENT: Adressez les questions ici, puis, si c'est nécessaire, on ira à M. Laberge.

M. DAIGLE: Un bon menuisier, qui est rendu dans les 45, 48, 50, 52 ans, mais qui n'est pas encore rendu à sa pension, sur un chantier de construction, c'est un homme qui est classifié âgé. Il faut comprendre les faits. Il y a une autre chose là-dedans: s'il arrive un jeune homme de 26 ou de 28 ans avec une carte de menuisier, puis un homme de 45 ans avec une carte de menuisier, vous savez qui va être embauché?

M. COURNOYER: Lequel des deux? M. DAIGLE: Celui de 26 ans, c'est sûr.

M. COURNOYER: Pourquoi donc? Parce qu'il est plus fort, qu'il va plus vite?

M. DAIGLE: C'est parce qu'il est plus vite, qu'il est plus fort. Ensuite, un homme qui a travaillé assez durement dans la construction, je vais vous dire bien franchement, à toutes les températures, puis aux quatre saisons, à 40 ans, n'a presque plus de reins. C'est un homme qui a mal dans le dos, c'est un homme qui est plus handicapé qu'un jeune homme. Qu'est-ce qu'on pourrait faire pour cet homme, nous? On ne tient pas à le mettre en chômage. Qu'est-ce qu'on pourrait faire pour cet homme-là? Cela devient tout un problème.

M. COURNOYER: Vous avez parfaitement raison. Ce que j'aime, c'est que ça vienne de vous, ce qui vient d'être dit.

M. DESJARDINS: M. le Président, on n'est pas venu ici pour faire rire de nous. Premièrement, on n'en veut pas au salaire de notre employé, mais à deux ou trois clauses du décret. Le salaire, on s'en foute. Si personne ne veut nous engager, nous sommes encore capables de gagner nos trois repas par jour. C'est le syndicat qui est en train de faire des chômeurs de nos employés.

M. COURNOYER: Revenons à la discussion de tantôt, sur la nature même du problème du gars de la construction. J'oublie le syndicat, puis les dernières remarques que vous avez faites. Ce pourquoi j'ai dit: "Ce qui me fait plaisir, c'est que ça vienne de vous," c'est que nous constatons assez rapidement qu'un travailleur de la construction n'a pas la même nature qu'un autre travailleur. Le genre de travail qu'il a fait et qu'il fait encore aujourd'hui, pour résultat qu'à un certain âge, beaucoup plus bas

que les autres, il se trouve dans la situation de ne pas pouvoir facilement gagner sa vie.

De là, un certain nombre de conséquences. Cette personne, qui est rendue à 53 ans, ni vous, ni moi — puis je le dis — ni un syndicat, malgré toutes les opinions que vous pouvez avoir, ne veut la mettre sur l'assurance-chômage.

M. DAIGLE: Nous non plus.

M. COURNOYER: En fait, ce que nous recherchons tous, c'est ce qu'il faut faire pour que cet homme-là en particulier — si vous me parlez d'un gars de 52 ans du même genre que celui dont vous m'avez parlé, d'un type de la construction, d'un professionnel de la construction qui a gagné sa vie dans la construction — on puisse le garder, comment faire pour qu'il puisse gagner sa vie décemment à un moment donné, quand il est harassé par le fait que celui qui a 26 ans, travaillant plus vite, étant plus robuste, prend vite sa place. M. Pepin n'est pas ici, mais s'il y était, il nous parlerait de l'ancienneté dans la construction. Les mots que vous avez dits tantôt, il les aurait sortis comme il les a déjà sortis. Si Louis avait parlé, il aurait parlé exactement comme cela.

Il vous aurait dit qu'il faut des clauses d'ancienneté dans la construction car autrement, le gars rendu à 53 ans "pète au fret".

M. DAIGLE: On revient toujours au même problème, le problème premier là-dedans. On veut que tout le monde vive. Nous, on veut que tout le monde ait un toit et qu'il ait le moyen de manger aussi.

M. COURNOYER: C'est notre préoccupation.

M. DAIGLE: Pourquoi s'acheter une maison, si on n'est pas capable de sortir ni d'acheter de la nourriture parce que la construction coûte trop cher? Je verrais bien plus les syndicats revendiquer actuellement, au lieu d'une augmentation de salaire qu'on va peut-être demander l'hiver prochain, une diminution du taux d'intérêt. Leurs syndiqués paient actuellement 9 3/4 p.c., l0p.c. et 10 1/4p.c, ça n'a pas d'allure.

Si les syndicats défendaient leurs ouvriers et disaient: Vous allez emprunter à 6 p.c. du gouvernement central pour vous bâtir une maison, s'ils nous demandent à ce moment-là $0.25 de l'heure d'augmentation, cela va nous faire plaisir parce que l'acheteur éventuel va avoir le moyen de payer la maison. Je vois le rôle des syndicats, à ce moment-là.

M. COURNOYER: Le débat ne porte pas nécessairement là-dessus aujourd'hui.

M. DAIGLE: On explique notre problème et on voudrait que le gouvernement se rappelle toujours une chose: C'est beau de faire des lois de toutes les façons qu'on voudra, mais rappelez-vous toujours que nous avons le consommateur à servir et il faut qu'il soit capable d'acheter notre produit. Cela règlerait tout notre problème. Faites les négociations que vous voudrez, c'est là qu'est notre plus gros problème.

Comme je l'ai dit tout à l'heure, on n'a pas de concurrence internationale dans le domaine de la construction. On peut payer nos hommes $10 l'heure, cela ne nous fait rien si le consommateur a le moyen de payer le produit que nous fabriquons. Que nous soyons avec M. Laberge, M. Pepin ou n'importe qui et qu'ils nous demandent $1 l'heure d'augmentation, ça ne nous fait rien de le payer parce que le consommateur va avoir le moyen de payer. Nous nous battons pour défendre l'homme qui travaille dans l'industrie, ce n'est pas pour nous défendre nous-mêmes, ce n'est pas nous que nous défendons ici.

Nous venons ici aujourd'hui pas pour nous défendre. Qu'il nous arrive 50 lois, nous allons les respecter. Qu'on augmente les salaires de 30 p.c, on va l'augmenter, nous, nous n'avons pas d'objection là-dessus, mais le consommateur, qui va s'en occuper? Qui va venir défendre le consommateur ici, dans le domaine de la construction? Est-ce qu'il y a des gens ici présents qui vont défendre le consommateur du coût excessif où en est rendue la construction? On parle toujours d'édifices publics que les gouvernements font; vos ingénieurs établissent quelquefois à $4 millions le coût d'un projet. Quand les soumissions sortent, c'est $4,600,000, et on se demande ce qui se passe là-dedans. Ce sont des faits réels; c'est dû à quoi? Parce que le gars aujourd'hui n'est plus capable de bouger sur un chantier. Il y a un inspecteur d'un bord, un inspecteur de l'autre.

L'un a oublié son casque, il va en cour, paie $200, paie $400 pour lui-même. Il va en cour le lendemain matin pour une question de toilette, le lendemain pour une autre affaire. Dans ces conditions, il faudra que le gars se protège, qu'il engage plus de contremaîtres ou de surintendants sur les chantiers pour vérifier les hommes. Quand un homme ne porte pas son casque de sécurité, ce n'est tout de même pas notre faute. Tous les hommes ont des casques mais nous payons quand même l'amende s'ils ne les ont pas sur la tête.

Ce sont des choses auxquelles il faudra faire attention. Je vous dis bien franchement: Ne tuez pas la construction, essayez de la garder debout. Il ne faut pas oublier que nous avons eu des parents, des arrières grand-pères, que le Canada existe depuis 300 ans et que nous sommes assis ici dans un parlement qui est la même bâtisse qu'avaient ces gens. Faites la même chose avec les outils qu'ils avaient, vous allez vous apercevoir que vous allez chercher de la main-d'oeuvre et que de la main-d'oeuvre qualifiée, vous allez en chercher longtemps, comme vous le faisiez remarquer tout à l'heure. Aujourd'hui, d'accord, nous avons des pans de

béton, c'est tout ce que nous avons, la structure n'est pas compliquée ni l'architecture. Mais regardez où nous en sommes rendus avec ces choses.

Là-dessus, je pense qu'il faudrait sincèrement regarder avant d'aller trop loin dans toutes ces choses et vouloir protéger tout le monde. Je dis qu'un homme qui veut travailler ici au Québec, son minimum vital de salaire n'est pas $2,600 par année. Il arrive trop souvent que nous voyons des gens, en décembre ou janvier, arrêter volontairement de travailler pour retirer leur assurance-chômage. Si vous faites le compte de tout. Au mois de mai, je me demande si le gars n'est pas gagnant à ne pas avoir travaillé parce que l'impôt qu'il aura payé en trop durant ces huit mois de travail plus le montant de $100 d'assurance-chômage qu'il retire durant la période où il ne fait rien, vous allez voir que ces chiffres s'équilibrent à peu près.

Il ne faut pas non plus penser que les gens sont innocents. Si on me donne le même salaire pour travailler huit mois par année plutôt que douze, je vais vous dire bien franchement que je vais hésiter un peu. Tout le monde est pareil, l'être humain est fait comme ça.

Il ne faut pas penser non plus, comme certains syndicats, que nous sommes contre eux. Ce n'est pas que nous sommes contre eux, en aucune façon. Le syndicalisme a apporté bien des choses ici au Québec, tout le monde s'en aperçoit. Par contre, je pense qu'on déroge un peu de la mentalité, qu'on s'en va en dehors vis-à-vis des syndicats. Ce ne devrait pas être nous qui viennent défendre les ouvriers ici, comme je l'ai expliqué tout à l'heure, ni venir défendre le coût de la construction. C'est sûr. C'est pourquoi je disais tout à l'heure que quand on fait des demandes d'augmentation de salaire on devrait penser aussi à ces autres syndiqués dans d'autres secteurs, savoir qu'eux aussi devront acheter ce produit-là.

C'est une chose bien normale. Je dis que ça ne prend pas non plus trois pages de calculs pour savoir que si dans un syndicat il y a des ouvriers qui oeuvrent dans un autre domaine et qui sont payés $2.25 l'heure, et que, quand on arrive aux gens de la construction, on dit qu'on va demander $1.20 d'augmentation parce qu'il n'y a pas de compétition internationale, à ce moment-là, c'est une autre affaire. Il faudrait devenir plus sérieux dans ces sujets.

Aussi toujours considérer l'entrepreneur, comme l'entrepreneur général, presque comme un hors-la-loi, de la part de tous les gens qui viennent sur les chantiers, je vous le dis bien franchement, ce n'est pas rose. Regardez le nombre de constructeurs qui laissent la construction et qui travaillent ailleurs, vous allez voir que vous allez avoir des surprises.

Qui va payer pour tout ça bientôt? Je pense que c'est le consommateur, le peuple québécois qui va être obligé de payer pour ces erreurs. Il s'agirait d'y penser bien sérieusement. C'est tout ce que nous demandons. Donnez-nous les salaires que nous aurons à payer. Nous nous y soumettrons et n'argumenterons avec personne. Mais pensez plutôt aux travailleurs du Québec et donnez-leur le droit primordial de manger et d'être logés. C'est tout ce que nous demandons.

M. LE PRESIDENT: Je pense que c'est justement le thème sur lequel on devrait terminer nos travaux de la journée.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): D'abord, M. le Président, il n'est pas tout à fait 5 heures et demi.

M. LE PRESIDENT: Restreindre le député de Chicoutimi à une demi-minute, c'est presque impossible.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Non, vous allez voir que c'est très possible. Je voudrais remercier les messieurs qui, au nom de l'Association des entrepreneurs en construction de Brome, Missisquoi, Shefford, ont posé des problèmes très sérieux, enfin le problème de la priorité d'emploi. Il y a eu d'autres discussions un peu marginales. Mais ils viennent de poser un problème très sérieux, soit le problème des relations entre le constructeur, le consommateur, etc. C'est un problème extrêmement important. Le problème de cette main-d'oeuvre qui est là, sans emploi, et qui pourrait trouver de l'emploi, c'est un autre problème important. Pour terminer, dans ma demi-minute, M. le Président, encore que j'aie une minute à moi, je reviens à la question que je posais au ministre et nous allons nous quitter là-dessus. De quelle façon le ministre entend-il, par voie législative, régler ce problème qu'ont exposé les divers participants à la commission aujourd'hui, notamment les représentants de l'association qui viennent de se faire entendre et dont les observations méritent une attention particulière? Elles touchent à des problèmes qui n'avaient pas été évoqués ou qui ont été présentés dans une optique nouvelle qui rejoint chacun des consommateurs dont nous sommes tous.

M. le Président, il est 5 h 30 et je propose l'ajournement.

M. LE PRESIDENT: La commission ajourne ses travaux à dix heures de la matinée, demain. Nous aurons l'association qui n'a pas pu se faire entendre cet après-midi, en plus de l'autre qui était absente. M. Laberge, est-ce que votre mémoire sera prêt demain?

M. LABERGE: Fort probablement, oui.

M. LE PRESIDENT: Si nous avions le mémoire, nous pourrions procéder.

(Fin de la séance à 17 h 28)

Séance du mercredi 13 septembre 1972 (Dix heures quatorze minutes)

M. SEGUIN (président de la commission permanente du travail, de la main-d'oeuvre et de l'immigration): A l'ordre, messieurs!

Pour la séance de ce matin et probablement pour cet après-midi aussi, les députés suivants sont membres de la commission: MM. Caron (Verdun), Faucher (Yamaska), Pelletier (Kamouraska), Burns (Maisonneuve), Croisetière (Iberville), Vincent (Nicolet), Cornellier (Saint-Hyacinthe), Lacroix (Iles-de-la-Madeleine), Demers (Saint-Maurice), Guay (Dorchester), Roy (Beauce), Harvey (Chauveau), Marchand (Laurier) comme rapporteur, Shanks (Saint-Henri), Gagnon (Gaspé-Nord).

Il y aurait des additions à cette liste qu'on me fait parvenir du côté ministériel, puisqu'on a le droit, entre les sessions, à deux fois plus de membres à la commission permanente. Ces personnes sont: MM. Perreault (L'Assomption), Vaillancourt (Stanstead), Houde (Fabre), Brown (Brome), Dionne (Compton), Assad (Papineau), Mailloux (Charlevoix), Carpentier (Laviolette).

Nous commençons nos délibérations, pour terminer la séance de ce matin à midi et reprendre à 2 h 30 jusqu'à 5 h 30; il n'y aura pas de séance ce soir. La même chose et les mêmes heures se répéteront demain, pourvu que nous ayons du pain sur la planche, soit des mémoires ou des commentaires de la part de personnes qui voudront s'adresser à la commission.

Est-ce que la Fédération de la construction du Québec a des représentations ce matin? C'est le mémoire 1-M, la Fédération de la construction du Québec. On a appelé cet organisme deux ou trois fois hier et il n'y avait pas de réponse; il n'y a personne ce matin, non plus.

Passons donc, pour entendre, si possible, les mémoires présentés à la commission. J'en ai deux, ici: l'Association provinciale des constructeurs d'habitations et l'Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec. Il y en a quatre, de toute façon, et on doit diviser en deux tranches la présentation de ces quatre mémoires. Pourriez-vous, s'il vous plaît, donner le nom de l'association que vous représentez et votre nom?

Association de la construction de Montréal

M. GAGNON: Jean-Yves Gagnon, de l'Association de la construction de Montréal. Nous avons, comme vous l'avez dit, deux mémoires à présenter: un sur l'arrêté en conseil no 2711 et un autre sur le bill 49. Je vais présenter celui sur l'arrêté en conseil no 2711 et mon voisin, M. Lebon, présentera celui sur le bill 49.

J'ai déposé, hier matin, un mémoire, que vous avez sans doute en main. Je n'ai pas l'intention de lire ce mémoire mais j'aimerais attirer votre attention sur certaines choses qui y sont contenues. Avant de procéder, j'aimerais vous rappeler que le mémoire est présenté au nom de quatre des cinq associations patronales reconnues dans le bill 290, soit l'Association provinciale des constructeurs d'habitations du Québec, l'Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec, la Corporation des maîtres mécaniciens en tuyauterie du Québec, la Corporation des maîtres électriciens du Québec ainsi que l'Association de la construction de Montréal, qui est affiliée à l'Association des constructeurs de routes.

Ces associations regroupent sûrement, ensemble, de 80 p.c. à 90 p.c. des employeurs de la construction, au Québec.

Avant de procéder à l'élaboration de certaines statistiques et de certains commentaires sur l'arrêté en conseil no 2711, j'aimerais vous rappeler brièvement, un peu comme l'a fait M. Pepin, hier matin, l'historique de cet arrêté en conseil. Comme vous le savez, au printemps de 1969, lors du renouvellement du décret de la construction, les parties syndicales, en particulier la CSN, avaient demandé une certaine forme de sécurité d'emploi.

Cette demande avait fait l'objet de plusieurs discussions et finalement d'une grève qui s'était réglée le 10 juillet 1969 par un mémoire d'entente que vous avez reçu hier parce qu'il était contenu dans son entier dans le mémoire de la CSN. Dans ce mémoire d'entente on disait que le tout ferait l'objet d'un arbitrage par le juge Gold. Cet arbitrage a eu lieu et, au printemps de 1970, la sentence arbitrale est devenue l'arrêté en conseil 4119 sur la sécurité d'emploi des ouvriers de la construction.

Cet arrêté en conseil — comme l'a dit M. Pepin aussi hier — comportait différentes modalités et divisait les ouvriers de la construction en trois catégories. Il a fait l'objet pendant à peu près un an d'une tentative assez sérieuse de mise en application. Malheureusement, il nous a paru à nous — en tout cas à la plupart des employeurs — que l'arrêté en conseil n'était pas tellement applicable parce qu'il était trop compliqué et qu'il contenait des modalités qu'il aurait été, entre autres, très dispendieux de mettre en application.

On s'est rendu compte, par exemple, que pour placer un ouvrier en vertu de l'arrêté en conseil 4119, il en coûtait à peu près $40 au Centre de main-d'oeuvre du Québec pour chaque placement. Je pense que le Centre de main-d'oeuvre du Québec ainsi que les parties ont vite réalisé que ce n'était pas tellement pratique.

A l'été de 1971, à la suite de certaines représentations par les parties patronales et les parties syndicales, le ministre du Travail a abrogé l'arrêté en conseil 4119 et l'a remplacé par l'arrêté en conseil 2711. Cet arrêté en conseil est — comme vous l'avez sûrement

réalisé — beaucoup plus simple que l'arrêté en conseil no 4119. Il stipule simplement qu'il faut être détenteur d'un permis de travail pour travailler dans l'industrie de la construction dans la province de Québec.

Si c'était seulement ce qui était contenu dans le no 2711, je pense qu'il n'y aurait pas de problème. Cependant, l'arrêté en conseil no 2711 prévoit un contrôle quantitatif de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction. C'est là qu'il devient assez difficile de travailler, parce que pour contrôler de façon quantitative les ouvriers de la construction, il faut d'abord connaître ceux qui sont là, le nombre d'heures qu'ils travaillent, les salaires qu'ils gagnent, etc.

Autrement dit, il faut des statistiques valables. La Commission de l'industrie de la construction, qui est chargée de l'application de l'arrêté en conseil, travaille depuis à peu près un an à essayer de trouver des statistiques valables pour la mettre en application.

Ces statistiques, comme vous allez le voir à la page 3 de notre mémoire, nous révèlent certaines choses qui sont assez précises et certaines autres qui sont peut-être beaucoup moins précises. J'aimerais attirer votre attention là-dessus. On sait, par exemple, que 105,000 permis de travail ont été émis par la Commission de l'industrie de la construction depuis qu'elle est chargée de l'application de l'arrêté en conseil 2711. On sait aussi que le ministère du Travail, de son côté, a émis 9,000 cartes d'identité et ceci, la plupart du temps, à la suite d'une demande expresse d'un ouvrier ou d'un député ou de quelqu'un qui se sentait lésé par l'application de l'arrêté en conseil 2711 par la commission.

On sait aussi qu'en 1972 le volume de construction est plus élevé qu'en 1971. Il faut en tenir compte lors de l'émission des permis de travail. On sait, en plus, qu'il y a encore au moins 7,500 salariés dans l'industrie de la construction, qui travaillent sans permis de travail. Evidemment, ils ont continué à travailler il n'y a jamais eu de procédures prises contre ces gens-là.

Un des gros problèmes en ce qui concerne les statistiques de la commission, c'est que, pour les statistiques sur les gains réalisés par les ouvriers — là, je suis à la page 4 — il y a une marge d'erreur de 31.9 p.c. La raison pour laquelle il y a une telle marge d'erreur, c'est que les rapport mensuels fournis par les employeurs, sur lesquels la commission se base pour trouver ces statistiques, n'indiquent pas toujours dans quelle région les salariés ont gagné leur salaire. Alors, concernant les statistiques qui, selon nous, seraient les plus importantes, soit celles nous donnant le nombre d'ouvrier de métier dans chaque région et combien d'heures ils ont fait dans chaque région pour chaque métier, la commission ne peut pas nous répondre parce qu'il y a une marge d'erreurs de 31.9 p.c. Je prends ça dans les chiffres de la commission elle-même.

On sait aussi qu'en ce qui concerne le statistiques par métier il y a une marge d'erreur qui est probablement plus grande que 31.9 p.c, parce que la commission, dans son travail de dépistage des hommes de métier, n'a pas réussi à trouver exactement combien d'hommes de métier il y a actuellement dans la province de Québec. Les statistiques nous disent qu'il y en a à peu près 38,000. Cependant, dans certains métiers, par exemple, les statistiques disent qu'il y a 4,000 électriciens dans la province de Québec, alors qu'on sait qu'il y en a à peu près 10,000.

Les statistiques disent qu'il y a à peu près 5,000 plombiers et l'on sait qu'il y en a à peu près 10,000. On dit, entre autres, qu'il y a une vingtaine de mécaniciens d'ascenseurs; on sait qu'il y en a 300.

Evidemment, on ne peut pas beaucoup tenir compte de ces statistiques et, selon nous, ça pose un grave problème. Si on ne connaît pas exactement combien d'hommes de métier il y a actuellement, on est assez mal placé pour décider à combien de nouveaux hommes de métier on va émettre des permis de travail. Une autre chose assez difficile c'est que la commission, du fait qu'elle n'a aucune autre source de données que les rapports des employeurs, n'a aucune idée du volume de construction dans la province de Québec. Elle ne peut pas prévoir à l'avance combien il va y avoir de cgnstruction d'un mois à l'autre, d'une année à l'autre. Evidemment, c'est une autre contrainte dont il faut tenir compte lorsqu'on émet des permis de travail.

Une autre chose que la commission ne connaît pas et qui impose une contrainte, c'est le fait que la mobilité géographique des ouvriers n'est pas connue. On ne sait pas, par exemple, combien d'ouvriers dans chaque métier sont prêts à se déplacer d'un bout à l'autre de la province pour aller gagner leur salaire. On sait que cela se fait, on sait que beaucoup d'ouvriers, lorsqu'il y a un gros contrat quelque part, vont se déplacer, vont faire 500 milles pour aller gagner un meilleur salaire mais on ne peut pas savoir exactement combien dans chaque métier le font. Selon nous, pour prévoir dans une région donnée combien d'ouvriers doivent détenir des permis de travail, il faut savoir combien il y a d'ouvriers dans cette région mais il faut aussi savoir combien d'ouvriers vont accepter de venir des autres régions pour travailler. Cela, on le sait pas.

Une autre chose qui a été mentionnée hier et qui nous préoccupe beaucoup — je crois que cela a été mentionné par l'Association des entrepreneurs en construction de Brome, Missisquoi, Shefford — c'est que la commission ne connaît pas du tout les gains que les ouvriers de la construction font ailleurs que dans la construction. On a mentionné hier le fait qu'en ce qui concerne les travaux de route, les opérateurs de machinerie surtout, ces gens-là, souvent, vont travailler dans les garages, dans les cours des entrepreneurs. Un autre groupe,

l'hiver, va travailler à l'enlèvement de la neige. Evidemment, c'est un revenu supplémentaire pour les ouvriers, dont les statistiques de la commission ne tiennent pas compte. La commission ne le sait pas.

On ne sait pas non plus combien d'ouvriers se retirent chaque année de l'industrie de la construction.

Combien y en a-t-il qui décident d'aller travailler en usine, combien y en a-t-il qui se retirent en raison d'âge, de maladie, de décès? On ne connaît pas non plus les moyennes d'âge des salariés de la construction. Selon nous, c'est très important. Par exemple, on nous dit que dans certains métiers, à Montréal, la moyenne d'âge pourrait être d'environ 45 à 50 ans, parce qu'il y a certains métiers qui ne sont pas renouvelés et où les jeunes n'acceptent pas d'aller travailler.

S'il est vrai qu'il y a des moyennes d'âge de 45 ans dans certains métiers, il faut prévoir la relève et ça, on ne le sait pas.

Une autre chose qui ne nous a pas paru tellement claire dans les statistiques de la commission, c'est le fait que la commission nous dit que sur 38,000 hommes de métier, les 38,000 sur lesquels elle a des statistiques, il y en aurait environ 25,000 qui auraient pratiqué, au cours de l'année, plus d'un métier. Selon nous, ce n'est presque pas possible. Nous avons passé deux jours à en discuter à la commission, il y a environ un mois. Que 25,000 ou les deux tiers des hommes de métier dans la construction aient travaillé dans deux, trois ou quatre métiers, ne nous paraît pas possible et, selon nous, cela devrait être clarifié avant d'aller plus loin.

On sait aussi, d'après les statistiques de la commission, qu'il y a au moins 16,000 ouvriers dans l'industrie de la construction qui n'ont pas travaillé en 1971 un minimum de 100 heures dans l'année. En ce qui nous concerne, pour ces 16,000 on ne verrait pas de grosses objections à ce que l'on procède tout d'abord à éliminer ces gens de l'industrie avant de dire qu'on élimine ceux qui font plus de 100 heures. C'est pourquoi, vous le verrez plus loin dans notre mémoire, nous avons suggéré certains critères d'émission des permis. Je n'ai pas l'intention d'en parler en détail ce matin mais nous allons insister beaucoup sur le fait qu'il faut éliminer tout d'abord les ouvriers marginaux.

On sait, entre autres, qu'il y a beaucoup de pompiers, de policiers, de fermiers, de bûcherons qui viennent travailler dans l'industrie de la construction quand ils n'ont pas d'ouvrage ailleurs. Si ces gens étaient éliminés au point de départ, je pense que ce serait déjà un gros pas en avant.

M. COURNOYER: M. le Président, parce que je ne voudrais pas que nous soyons mal placés, quand vous dites éliminés, est-ce éliminés des statistiques ou du marché?

M. GAGNON (Jean-Yves): Eliminés du mar- ché par le fait qu'ils n'auraient pas de permis de travail.

Il y a aussi certaines considérations d'ordre général que nous avons mentionnées dans notre mémoire, à partir de la page 7, qui ne sont pas nécessairement des considérations d'ordre statistique, mais dont il faut absolument tenir compte, selon nous.

La première est la suivante et, selon nous aussi, la plus importante. Avant de décider de l'émission des permis de travail, la Commission de l'industrie de la construction doit être en mesure de connaître exactement, à un moment donné, combien d'ouvriers se cherchent du travail dans chaque métier et dans chaque région.

Selon nous, si la commission ne sait pas combien il y a de gens en chômage, elle ne peut pas décider à combien de nouvelles personnes elle va émettre des permis. C'est une donnée qui n'existe pas du tout à la commission et c'est une contrainte très importante. On pourrait dire aujourd'hui: Nous n'émettons pas de permis dans la région X parce que, d'après nous, il y en a suffisamment. Si nous savions qu'il y a 1,000 ouvriers dans la province qui se cherchent du travail, qui sont sur des listes d'ouvriers en chômage et que ces listes étaient disponibles aux employeurs, nous pourrions dire: D'accord, vous avez raison de ne pas émettre de permis. Mais si nous ne savons pas combien de personnes sont disponibles, cela nous pose un problème et nous pouvons, nous, les employeurs, dire à la commission: Prouvez-nous qu'il y en a en chômage, parce que, sans cela, nous irons en chercher ailleurs. C'est une contrainte très importante.

Un autre problème se pose, je l'ai mentionné plus tôt. Les statistiques de la commission ne sont pas encore assez perfectionnées pour tenir compte du nombre d'hommes de métier dans chaque région qui travaillent ou le nombre d'heures que ces gens effectuent. Encore une fois, nous sommes beaucoup plus préoccupés par les besoins d'hommes de métier que nous le sommes par les occupations.

La distinction pour ceux qui ne la connaî-traient pas, les hommes de métier sont les gens qui ont besoin d'une carte de compétence pour travailler dans la construction. Les occupations, ce sont les journaliers, les opérateurs de machinerie légère. En ce qui nous concerne, le problème vient du fait que cela prend de trois à quatre ans pour former un homme de métier, d'après le système d'apprentissage. Etant donné que cela prend de trois à quatre ans, il faut prévoir, trois ou quatre ans à l'avance, combien d'ouvriers on aura besoin.

Pour un journalier, si la prévision n'est pas faite à long terme, il n'y a pas de problème. On peut partir, demain matin, et aller engager des journaliers n'importe où. Il n'y a pas de formation et il n'y a pas d'apprentissage. On va insister beaucoup sur le fait que dans l'émission des permis, dans le cas des hommes de métier, il

faut faire des prévisions au moins de trois à quatre ans à l'avance. Sans cela, le système ne fonctionnera pas.

On va se ramasser, à un moment donné, avec une pénurie d'hommes de métier qui va, évidemment, poser de graves problèmes, mais je peux vous dire, cependant, qu'actuellement dans certains métiers, à Montréal entre autres, il manque déjà de la main-d'oeuvre. Cet été, par exemple, des menuisiers, des ferrailleurs, des poseurs de gicleurs, des frigoristes, des cimentiers applicateurs, des couvreurs et des serruriers en bâtiment, il en a manqué à Montréal. Ce sont tous des métiers. On ne dira pas qu'il a manqué de journaliers — ce serait faux, parce que des journaliers, il y en a en masse — mais des hommes de métier, il en manque déjà et il faut en tenir compte.

C'est pour ça que, lorsque la commission va décider des critères d'émission des permis, il faudra peut-être avoir deux systèmes: un à long terme pour les hommes de métier et un à plus court terme pour les occupations.

Une autre considération qui, selon nous, est très importante, c'est le fait qu'avant de prévoir un système de contrôle quantitatif de la main-d'oeuvre extrêmement rigide, autrement dit un contingentement très rigide, nous croyons qu'il faut procéder de façon très lente, c'est-à-dire commencer peut-être, pour la première année d'activité, avec un système très flexible. Si on dit, par exemple, que, la première année d'application du système, on va éliminer tous les gens qui n'ont pas effectué 500 heures dans l'industrie de la construction l'année précédente, on sait tout de suite, d'après les statistiques de la commission, que ça va éliminer 46,000 personnes dans l'industrie de la construction. D'après nous, cela n'a pas de sens parce qu'on connaît les répercussions que ça va avoir.

Donc, les critères qui seront établis par la commission à la fin de septembre doivent tenir compte de cela. Il faut procéder lentement, éliminer tout d'abord ceux qui n'ont pas d'affaire du tout dans la construction et, par la suite, l'année suivante ou dans deux ans, on procédera au contingentement un peu plus sévère.

Une autre considération que vous allez retrouver à la page 10, c'est le fait qu'il y a une relation extrêmement serrée entre le contrôle quantitatif et le contrôle qualitatif de la main-d'oeuvre. Je crois que personne n'en a parlé encore. C'est beau de dire qu'on va contrôler le nombre d'ouvriers dans l'industrie de la construction, mais il faut aussi tenir compte de la durée de la formation et du rapport apprenti-compagnon. Je crois que M. Daigle, de Brome, Missisquoi, en a parlé hier. Actuellement les employeurs ont droit à un apprenti pour cinq compagnons ou cinq hommes de métier. Cela, c'est pour les menuisiers et pour la plupart de ces métiers. S'il y a un apprenti pour cinq hommes de métier, il faut se rendre compte qu'avec un apprentissage de trois ans ou de quatre ans il n'y a pas beaucoup d'apprentis qui sont formés.

Nous proposerions que le rapport apprenti-compagnon soit réduit de façon considérable afin de permettre, quand il y en a besoin, de former des apprentis. S'il faut qu'il y ait un ouvrier pour un apprenti, pour une période d'un an ou deux ans, tant mieux, on en formera. Au moment où il y en aura trop, on dira: Non, il n'y a plus de permis de travail d'émis, il n'y a plus d'apprentis.

Selon nous, il faut faire fonctionner les deux ensemble, le contrôle quantitatif et le contrôle qualitatif. Le contrôle qualitatif par le rapport apprenti-compagnon et le contrôle quantitatif par les permis de travail.

Vous allez voir dans notre mémoire, aux pages 11, 12, 13, qu'on a suggéré certains critères d'émission de permis.

Je n'en parlerai pas ce matin, parce que la Commission de l'industrie de la construction n'a pas encore terminé ses travaux là-dessus. Elle doit étudier cela vers la fin de septembre. C'était simplement à titre illustratif. Ce sont des suggestions que nous faisons, dans le mémoire, et que nous ferons également à la commission. Donc, je vais passer par-dessus cette partie du mémoire.

A la page 14, on parle d'un pourcentage de réserve. C'est une autre chose dont il faudra tenir compte, dans le contrôle quantitatif de la main-d'oeuvre. Je pense qu'il est possible, en vertu des statistiques que nous avons, de prévoir, jusqu'à un certain point, combien d'ouvriers sont requis dans l'industrie de la construction mais on ne peut pas prévoir, pas encore, du moins, les fluctuations du cycle économique. On ne sait pas combien de grosses industries viendront investir au Québec l'année prochaine, on ne sait pas combien d'édifices les gouvernements provinciaux, municipaux et le gouvernement fédéral décideront de construire en 1973-1974. Alors afin de prévoir, pour les fluctuations du cycle économique, nous prétendons qu'il faut absolument que le système de contrôle quantitatif tienne compte d'un pourcentage de réserve d'ouvriers disponibles.

Si, à un moment donné, il y a un nombre x d'ouvriers qui travaillent, selon nous, il faudra qu'il y ait au moins un nombre x, plus, disons, 20 p.c. de détenteurs de permis. Autrement, il suffit qu'il y ait une grosse industrie ou un gros édifice qui se construise à un endroit donné et il y aura tout de suite pénurie de main-d'oeuvre. Nous prétendons donc que continuellement, il devra y avoir une réserve de disponible. Ces gens, évidemment, ne travailleront peut-être pas 2,000 heures par année dans la construction, mais s'ils travaillent un nombre d'heures raisonnable et s'ils peuvent avoir un autre revenu ailleurs, tel que c'est le cas actuellement, je pense qu'il n'y a pas de problème.

La commission nous dit, dans ses statistiques, qu'il y a une possibilité de 55,700 emplois

à temps plein dans la construction. Je pense que le président de la commission a dit aussi que ce chiffre de 55,700 est très théorique, parce que, pour l'obtenir, on a simplement pris le nombre d'heures effectués dans l'année, on l'a divisé par 2,000 heures et cela nous a donnés 55,700 personnes, qui travailleraient 2,000 heures. Mais l'industrie de la construction, ce n'est pas cela, et tout le monde le sait. L'été, il faut plus de monde que l'hiver. Dans les routes, on travaille six mois par année. Il faut peut-être 20,000 personnes qui travaillent dans les routes, l'été. Ces gens-là, l'hiver, soit qu'ils travaillent dans des garages, sur la neige ou ailleurs. On n'en tient pas compte dans la construction. Alors des chiffres comme 55,700, à notre point de vue, sont des chiffres tellement hypothétiques que je pense qu'on ne devrait pas du tout en tenir compte.

Une autre chose dont il faudra tenir compte — actuellement, nous n'avons aucune donnée sur cela — c'est le fait qu'il y a plusieurs ouvriers de la construction — j'en ai parlé brièvement tout à l'heure — qui quittent l'industrie. Jusqu'à présent, cela a été une chose connue dans notre industrie qu'il y a beaucoup d'ouvriers qui ne demandent pas mieux que de quitter l'industrie de la construction pour aller travailler dans une manufacture, pour avoir un emploi à l'année. Cela a toujours été un fait, surtout dans les métiers un peu spécialisés, qu'aussitôt qu'un ouvrier pouvait se trouver un emploi à temps plein dans une usine ou dans une manufacture, il sautait dessus. Alors il faut tenir compte de ces départs. Nous espérons bien qu'à l'avenir, il y en aura moins. Lorsqu'on pourra leur assurer un meilleur revenu, ils resteront probablement dans l'industrie plus longtemps.

Mais, ils ne pourront pas rester dans l'industrie de la construction aussi longtemps que dans une autre industrie parce que, dans l'industrie de la construction, lorsqu'un ouvrier est rendu à 60 ans, malheureusement il n'est plus tellement efficace. Dans ce sens, il faudra prévoir des mécanismes qui vont permettre à ces gens soit de se recycler dans une autre industrie ou bien d'avoir un système de sécurité sociale adéquat qui leur permettra de se retirer à 60 ans. Peut-être même quelques années avant.

Ce sont des contraintes qui n'ont pas été mentionnées et qui, selon nous, doivent être retenues.

Une autre chose qui s'adresse beaucoup plus aux gouvernements qu'à n'importe qui, c'est le fait que jusqu'à présent les gouvernements du Canada n'ont pas fait beaucoup de planification économique. Il y a très peu de niveaux de gouvernement au Canada qui planifient 3, 4 ou 5 ans à l'avance leurs investissements dans l'industrie de la construction.

On sait par exemple qu'en période d'élections il y a beaucoup de contrats qui se donnent. Quand il y a beaucoup de chômage les gouvernements vont dire: Nous allons donner des contrats de route parce que cela emploie beaucoup de monde et va enlever les gens du chômage. Ce sont des choses qui nous posent de graves problèmes, parce que l'employeur ne peut prévoir combien de contrats il va avoir l'année suivante. La Commission de l'industrie de la construction non plus ne peut le savoir, parce que cela devient des considérations politiques.

Nous demanderions à tous les niveaux de gouvernement, et surtout à celui du Québec — parce que nous nous adressons ici au gouvernement du Québec — de mieux planifier les contrats qu'ils donnent dans l'industrie de la construction. Cela va nous aider beaucoup à établir un système de contrôle quantitatif dans l'industrie de la construction. Si nous savions un an à l'avance que le gouvernement va donner tant de contrats de route, tant de contrats de bâtiment, tant d'écoles, tant d'hôpitaux, cela nous aiderait beaucoup. Malheureusement, nous ne le savons pas. C'est une demande que nous adressons au gouvernement.

Il y a d'autres considérations dans notre mémoire qui concernent l'administration du système de contrôle quantitatif. Je n'ai pas l'intention d'en discuter ce matin non plus, parce qu'encore une fois cela concerne la Commission de l'industrie de la construction. C'est à ce niveau qu'il faudra en reparler. C'est pourquoi je me limiterai à vous dire en terminant que nous sommes d'accord aussi avec une suggestion qui a été faite par le président de la commission de mettre sur pied un comité permanent d'étude qui va viser à établir un contrôle quantitatif pour les années 1974-1975 et les suivantes, parce que — comme on l'a dit plus tôt — nous suggérons un système temporaire pour 1973, afin de savoir exactement ce que cela va donner. Par la suite, nous serions prêts à accepter un système permanent qui sera peut-être plus sévère et qui, pour les employeurs, est plus difficile à accepter, mais nous croyons que cela peut avoir certains avantages. Je pense que le ministre du Travail les a mentionnés hier. Lorsque les ouvriers de la construction auront un meilleur revenu dans leur industrie, peut-être que les demandes des parties syndicales à la table de négociation seront plus raisonnables.

C'est l'espoir qui nous fait approuver le système de contrôle quantitatif. Sinon, je pense que nous ne serions pas tellement d'accord.

Etant donné que c'est assez logique de penser que c'est ce qui va arriver dans l'avenir, on est d'accord avec un système de contrôle quantitatif.

Ce sont à peu près mes remarques pour ce matin. S'il y a des questions, je suis prêt.

M. LE PRESIDENT: Le député de Saint-Maurice.

M. DEMERS: M. Gagnon, d'abord, je vous remercie de votre mémoire et je me permets de vous poser quelques questions. Je me réfère à la

page 4 et à la page 3 où vous vous interrogez sérieusement sur les données qui nous ont été fournies hier par M. Morin. Il semble y avoir un peu contradiction entre les énoncés que vous formulez et les chiffres que M. Morin nous donnait hier. Est-ce que M. Morin peut nous dire aujourd'hui si la contradiction qui semble se dessiner dans le texte que M. Gagnon nous propose n'est qu'apparente ou bien si elle est réelle?

Je vois M. Morin en arrière, tous les deux, vous siégez à la même commission; je crois que M. Gagnon siège à la commission de la construction. Vous siégez au comité sur l'arrêté en conseil 2711?

M. GAGNON (Jean-Yves): Oui.

M. DEMERS: M. Morin nous donne des chiffres et, vous, vous les mettez en doute assez sérieusement et vous en venez à des conclusions qui sont peut-être un peu à l'opposé des siennes. Nous nous voulons savoir où est la vérité dans ces deux affirmations-là. Je ne veux pas que vous engagiez un débat entre vous, mais je voudrais que vous nous fournissiez, cependant, certaines explications en faisant un parallèle avec les chiffres de M. Morin, afin que nous puissions savoir â quoi nous en tenir.

M. GAGNON (Jean-Yves): Est-ce que je pourrais vous demander quels chiffres exactement, d'après vous, semblent en contradiction avec ceux de M. Morin?

M. DEMERS: Les données par métier. Lorsque, vous dites, par exemple, que les 55,700 ouvriers nécessaires, c'est un chiffre utopique, parce qu'il est le fruit d'une division par 2,000 heures.

M. GAGNON (Jean-Yves): Je pense que M. Morin a mentionné, hier, qu'il s'agit simplement d'un chiffre hypothétique. Je ne crois pas qu'il y ait de contradiction dans ce sens-là. Je pense bien qu'il peut exprimer lui-même son opinion.

M. MORIN: Oui, je vais exprimer moi-même ce que j'ai voulu dire. D'ailleurs, c'est écrit noir sur blanc à la page 8, en bas du rapport. On dit justement le contraire, qu'on ne peut pas et qu'on ne doit pas diviser 110 millions par 2,000. Donc, j'ai voulu dire ce qu'il fallait éviter. Je n'ai pas voulu dire le contraire.

M. DEMERS: Mais vous n'avez aucun moyen pour trouver le nombre, dans ce cas-là.

M. MORIN: Pour trouver le nombre exact? M. DEMERS: Oui.

M. MORIN: On ne l'aura jamais, le nombre exact. La conclusion que j'ai voulu signaler à la fin de ma présentation, M. le Président, c'est que justement il va falloir mettre sur pied un système relativement souple pour s'adapter à la conjoncture toujours changeante dans ce domaine, mais il y a un sommet que l'on sait. Il y a un seuil également que l'on sait. Alors, il faut oeuvrer entre ça, avec une mécanique souple. Chose certaine, il faut éviter de dire que, comme le maximum, c'est 85,000, il n'y en aura pas plus de 85,000 et, comme le minimum peut-être, à un moment donné, 50,000, de dire qu'il en faut au moins 50,000.

Je pense qu'on n'aboutit à rien en faisant ça. On n'aboutit à rien en faisant des divisions mathématiques pures également, où on arrive à 55,000 en divisant 110 millions par 2,000.

Ce qu'il faut, c'est un système souple qui va justement prendre en considération les variations qui sont différentes par région. Ce qui est vrai à Sept-Iles, compte tenu du bassin de main-d'oeuvre de Sept-Iles et de ses sources tout à fait différentes d'une autre région, peut-être tout à fait faux dans la Beauce ou tout à fait faux pour la baie James et pour Montréal. D'ailleurs, dans la lettre introductive de notre rapport à M. le ministre, on disait très bien: Il nous faut mettre sur pied — l'expérience est là, c'est une chose que l'on sait et qui, je pense, a été admise du côté de la commission — une mécanique souple qui s'adapte aux conjonctures et aux dimensions de chaque région tout en ayant un système centralisé de coordination puisque le permis de travail, ce n'est pas un permis régional mais un permis provincial et qu'on ne doit pas limiter l'action d'un travailler à une région, au départ.

M. GAGNON (Jean-Yves): M. le Président, je pense que dans ce sens-là il n'y a aucune contradiction entre notre document et celui de la commission. D'ailleurs, quand M. Morin dit qu'il faut un système souple, c'est exactement ce qu'on propose.

M. DEMERS: Pour régler les faits que vous constatez à la page 4, pour essayer de mettre un peu d'éclaircissement là-dedans, vous avez des suggestions précises lorsque vous dites, par exemple: Les données par métier, par occupation sont pratiquement inexistantes. Est-ce qu'il y a une façon de les trouver?

M. GAGNON (Jean-Yves): Je crois que la commission procède actuellement à un relevé et essaie de trouver exactement combien il y a d'ouvriers dans chaque métier, dans chaque région. Leur travail n'est pas terminé et il peut y avoir des problèmes parce qu'il semble qu'on n'ait pas toutes les données. Il se peut que ça prenne un an avant qu'on ait toutes ces données, c'est une autre raison qui fait que pour nous le système doit être temporaire pour le moment.

M. DEMERS: A la fin du même paragraphe...

M. MORIN: Est-ce que vous me permettriez de compléter?

M. DEMERS: Oui.

M. MORIN: On disait justement, à la page 2, au centre de notre rapport, que les données sur la qualification n'étaient pas exactes. Si vous vous souvenez, au mois de mai on avait bien dit qu'on entamait une opération de dépistage. Ce qui se fait de la part de la commission c'est qu'on trouve sur les chantiers ceux qui, malheureusement, exercent une activité tout en n'ayant pas le certificat de contrôle de leurs qualifications, compte tenu de l'activité qu'ils exercent.

Immédiatement, on leur donne un avis et on les invite fortement à se rendre au bureau de la main-d'oeuvre. Ceux-ci, par une équipe appropriée, leur font passer des examens. Actuellement, ceux qui ne se présentent pas, on les invite à nouveau, par une mise en demeure, à se présenter, et ainsi de suite dans chacune des régions. On le fait et on devrait terminer l'opération, si tout va bien, pour Noël.

M. COURNOYER: M. le Président, en attendant, il y a des obligations de la part du ministre et il y a des obligations de la part de la commission de l'industrie de la construction. Est-ce que ces imprécisions ou ce manque de données constatés par la commission de l'industrie de la construction, par les observations que vous avez faites hier comme les observations que je retrouve dans le mémoire des quatre associations patronales, voulez-vous suggérer — je m'attends à une sorte de recommandation — ou recommander de mettre en veilleuse le 2711?

En vertu de quels critères puis-je refuser d'émettre un permis à quelqu'un?

M. GAGNON: Vous posez la question à qui, à moi?

M. COURNOYER: A tout le monde, à n'importe qui. Vous répondrez quand vous voudrez.

UNE VOIX: Je peux vous répondre.

M. COURNOYER: Pas vous tout de suite, attendez, vous!

UNE VOIX: Je vais vous répondre.

M. COURNOYER: Pas tout de suite, dans le bon temps.

M. GAGNON (Jean-Yves): Je peux vous dire qu'en ce qui nous concerne nous n'avons pas demandé que le décret 2711 soit mis en veilleuse. Mais, étant donné que les chiffres que nous avons ne sont pas complets, nous disons que, pour la première année et peut-être même pour deux ans, il faudra que ce soit très flexible. C'est ce que nous demandons.

M. COURNOYER: J'entends beaucoup le mot souplesse, le mot flexibilité et ce n'est pas mon intention d'abolir le 2711, je vous rassure immédiatement. Seulement les mots souplesse et flexibilité, je les retrouve dans les faits. Actuellement, il ne me semble pas qu'il y ait une souplesse, une flexibilité telle dans le 2711 qui me permette d'espérer que ça soit souple et flexible.

M. GAGNON (Jean-Yves): Cela pourrait se décider au niveau des critères d'émission des permis.

M. COURNOYER: Alors, j'attends donc des critères.

M. GAGNON (Jean-Yves): D'accord.

M. DEMERS: J'aurais une autre question.

M. COURNOYER: Qu'est-ce que je fais avec mon droit d'appel, en attendant?

M. DEMERS: Vous l'appliquez. M. COURNOYER: Je l'applique?

M. DESJARDINS: Si vous avez une suggestion, faites-la à Desjardins.

M. DEMERS: M. le Président, je demanderais à M. Gagnon quelle est son opinion au sujet du contingentement. Est-il d'avis qu'on doive se limiter à certains métiers, dans nos polyvalentes? On enseigne la ferblanterie, toutes sortes de métiers et le jeune qui va entrer sur le marché du travail se trouvera en présence d'un marché saturé dans certains domaines. Ainsi, hier M. Morin, avec les statistiques, nous disait qu'il y avait 125,000 personnes qui étaient enregistrées ou à peu près, qui avaient travaillé dans la construction alors que le marché peut, si je ne tiens pas compte de ces divisions par 2,000, en absorber 60,000, 65,000. Que prétendez-vous que le ministère de l'Education et le ministère du Travail doivent faire dans le domaine de l'enseignement pour empêcher ces gens d'aller acquérir un métier de qualification qu'ils ne pourront jamais exercer?

M. GAGNON (Jean-Yves): Vous avez posé la question de la polyvalence dans les métiers de l'industrie de la construction et ça fait plusieurs années que les associations patronales demandent qu'il y ait beaucoup plus de polyvalence. De plus en plus on réalise que c'est une chose essentielle.

M. DEMERS: Je crois que vous m'avez mal saisi, je parle des écoles polyvalentes où on enseigne les métiers. Cela peut revenir à une polyvalence de métiers.

M. GAGNON (Jean-Yves): Oui, c'est ce que je veux dire. Pour nous, il faudrait que les

ouvriers de la construction soient polyvalents, par exemple que l'on n'ait pas un ouvrier qui ne fasse que poser des portes, qu'on n'ait pas un ouvrier qui ne fasse que poser des tuyaux ronds, mais qu'il soit capable de poser des tuyaux carrés. Alors, dans ce sens, nous sommes pour la polyvalence et ça aiderait aussi à leur assurer...

M. DEMERS: Vous venez de me donner un tuyau, là vous.

M. GAGNON (Jean-Yves): ... un plus grand nombre d'heures, si ces ouvriers étaient polyvalents, s'ils pouvaient passer d'une activité à une autre.

M. DEMERS: Pourriez-vous, dans l'application, essayer de cataloguer ça? Vous auriez tant d'hommes dans le domaine de la plomberie qui pourraient poser de la brique, les mêmes gens, s'ils étaient polyvalents?

M. GAGNON (Jean-Yves): Non. Si on lit l'arrêté en conseil 3606, sur le contrôle qualitatif, la formation de la main-d'oeuvre, on se rend compte qu'il y avait auparavant peut-être une quarantaine de métiers et, maintenant, je crois qu'il y a douze ou treize familles de métiers. C'est dans ce sens que nous parlons de polyvalence, par famille de métiers. Il y a les métiers de la truelle, de la tuyauterie, etc. Dans ce sens-là, il faut assurer une meilleure polyvalente à l'intérieur d'une famille de métiers, ce qui n'a pas été fait encore.

M. DEMERS: Vous avez dit, tantôt dans votre exposé, qu'à Montréal, dans le courant de l'été, dans certaines disciplines de la construction, vous aviez manqué de main-d'oeuvre.

M. GAGNON (Jean-Yves): Oui.

M. DEMERS: Me référant à votre énoncé, comment les gens, par exemple, en milieu semi-urbain, s'ils n'ont pas de main-d'oeuvre et qu'ils doivent se référer à la Commission du travail, peuvent-ils se procurer cette main-d'oeuvre?

M. GAGNON (Jean-Yves): C'est un des gros problèmes auxquels on a fait face cet été. Il y a eu une pénurie de main-d'oeuvre et certains travaux ont été retardés à cause de cela. Nous voyons aussi qu'il y a 7,500 personnes qui ont travaillé sans permis. Certains employeurs se sont dit: Si nous ne sommes pas capables de trouver des gens qui ont une carte de compétence et un permis dans leur poche, on va en engager qui n'ont pas nécessairement de carte de compétence et de permis. On sait, entre autres, que, sur la construction de la Transcanadienne à Montréal, on a manqué de menuisiers cet été. Il y a peut-être certains employeurs qui ont engagé des journaliers, qui les ont payés au taux des menuisiers et qui les ont fait travailler comme menuisiers. C'est inévitable quand il en manque, ou bien on retarde les travaux, ou bien on trouve des moyens.

M. DEMERS: Mais c'est quasi paradoxal. Il manque de main-d'oeuvre et vous avez trop d'ouvriers. Il manque de spécialisation?

M. GAGNON (Jean-Yves): Il manque d'hommes de métier.

M. DEMERS: Oui, d'hommes de métier.

M. GAGNON (Jean-Yves): On n'a pas dit qu'il manque de journaliers. Parce que, pour les journaliers, il n'y a pas de formation.

M. DEMERS: Oui, je comprends.

M. GAGNON (Jean-Yves): Pour les journaliers, que le contingentement soit peut-être un peu plus sévère, comme nous l'avons dit dans notre mémoire, je pense que cela ne pose pas tellement de problèmes.

M. DEMERS: Je vous remercie, M. Gagnon. M. LE PRESIDENT: Le député de Beauce.

M. ROY (Beauce): M. le Président, j'aurais également quelques questions à poser à M. Gagnon et à M. Morin à la suite des propos qui ont été tenus et des faits qui nous ont été déclarés. Je m'aperçois que, plus on avance, plus on veut parler de spécialisation et de qualification. On semble vouloir déboucher un peu vers la polyvalence. Je me pose de sérieuses questions. Quand on parle du contrôle quantitatif, on demande un contrôle, mais un contrôle souple qui permettrait que chaque poste disponible soit comblé par un ouvrier. Je pense que c'est ça. Sur le contrôle quantitatif, je me pose des questions.

Vous avez dit, à la fin de votre exposé, que vous reconnaissiez le principe du contrôle quantitatif de la main-d'oeuvre et, lorsque vous nous avez donné des détails concernant votre mémoire, vous nous avez dit que la Commission de l'industrie de la construction ne pouvait pas, à l'heure actuelle, avoir toutes les données nécessaires pour assurer un contrôle adéquat.

Je vais reprendre les points un par un. Vous avez dit, en premier lieu, que le nombre de travailleurs, actuellement dans l'industrie de la construction, était inconnu. Le nombre exact des personnes qui avaient travaillé dans l'industrie de la construction.

M. GAGNON (Jean-Yves): Non, ce n'est pas tout à fait ce que j'ai dit.

M. ROY (Beauce): Voulez-vous préciser, s'il vous plaît?

M. GAGNON (Jean-Yves): J'ai dit que, dans les statistiques où on parle des gains réalisés par région, il y avait une marge d'erreur de 31.9 p.c Ce sont les statistiques de la commission qui le disent.

M. ROY (Beauce): Mais est-ce que vous êtes d'accord, à l'heure actuelle, pour dire que la Commission de l'industrie de la construction aurait en main toutes les données concernant le nombre de travailleurs de la construction?

M. GAGNON (Jean-Yves): Sans doute, en ce qui concerne le nombre, ils ont les données, à moins que les rapports des employeurs ne soient pas bien faits et qu'il n'en manque, mais je ne le pense pas.

M. ROY (Beauce): Je me permettrai tout simplement d'ajouter quelque chose pour M. Morin. Je lui pose une question. Etant donné qu'il y a un très grand nombre de personnes qui travaillent dans les régions rurales et que ce sont des travailleurs artisans, des travailleurs autonomes, est-ce que vous avez fait un relevé complet, dans toutes les régions du Québec, des travailleurs autonomes et des travailleurs artisans qui ont travaillé et qui travaillent encore, du moins, je présume, dans l'industrie de la construction? Avez-vous tout cela en main? Il s'agit de gens qui n'ont jamais fait de rapport et qui n'ont à peu près jamais détenu de carte de qualification professionnelle et autre.

M. MORIN: En fait, c'est le problème des artisans. Techniquement, l'artisan est considéré, pour les fins du décret, comme un salarié. Vous êtes ou employeur ou salarié dans la construction. Il n'y a pas de troisième sexe, si vous voulez. Par conséquent, si ces artisans ne font pas de rapport, on ne le sait pas ou on le sait en les découvrant sur le fait. On en prend plusieurs, bien sûr.

M. ROY (Beauce): A l'heure actuelle, vous ne pouvez pas dire que le relevé a été fait de façon complète dans ce domaine?

M. MORIN: Sûrement pas.

M. ROY (Beauce): Alors, cela veut dire que vous ne connaissez pas actuellement le nombre total des travailleurs disponibles de la construction au Québec?

M. MORIN: Sûrement pas.

M. ROY (Beauce): Bon, premier point. Deuxième point, M. Gagnon a parlé tout à l'heure de prévoir les besoins. Est-ce qu'actuellement vous pouvez prévoir les besoins de l'industrie de la construction, je n'irai pas tellement loin, pour l'an 1973?

M. MORIN: Vous me demandez si on est capable de planifier et de prévoir la construction.

M. ROY (Beauce): A partir de maintenant. M. MORIN: Je vous dirai que non et que les employeurs seraient particulièrement heureux si on pouvait le faire.

M. ROY (Beauce): Vous ne pouvez pas prévoir à l'heure actuelle quelle est la marge, selon vous, selon l'expérience que vous avez, de jeu qu'il peut y avoir entre des prévisions qu'on pourrait faire aujourd'hui et la réalité du mois de juillet 1973?

M. MORIN: C'est exactement pourquoi il nous faut mettre sur pied un système qui va être régional et qui va pouvoir beaucoup mieux sentir les variations particulières de chaque région. Ce qu'on peut dire, par exemple, c'est que le coussin — si on peut l'appeler comme ça — entre le nombre maximum d'emplois réels et la marge de sécurité pour qu'il n'y ait pas un manque de main-d'oeuvre, la marge est différente selon les métiers.

Il y a des métiers, d'après la tradition où c'est une condition de travail d'être mobile. Il y a des gens dans certains métiers, comme les électriciens, les plombiers qui voyagent. Particulièrement ceux de Montréal qui n'ont pas de territoire. D'autres métiers ou d'autres occupations, au contraire, sont plutôt de caractère sédentaire. On y a un rayon d'action — c'est normal — qui est le comté ou la région. Par conséquent, le coussin est fort différent et doit être adapté selon la mobilité régionale de cette main-d'oeuvre par métier.

C'est pourquoi ce qui a été proposé et qui est à l'étude — je dis simplement ce qui est à l'étude et non pas encore décidé de la part de la commission — c'est que nous aurions, pour chaque région — à peu près onze régions administratives — un comité qui pourrait se subdiviser en métiers ou en familles de métiers pour comprendre ces réalités et s'y adapter.

En d'autres termes, le coussin pourrait être, j'imagine, un chiffre de 20 p.c. dans certaines familles de métiers et simplement de 10 p.c. dans d'autres. Donc, notre émission de permis de travail temporaire ou initial serait différente, plus libre dans certains métiers que dans d'autres, justement pour s'adapter à cela. Le pire à faire dans tout ça, c'est d'avoir un critère, une règle à l'échelle provinciale. C'est la pire chose à faire à mon avis.

M. ROY (Beauce): Pour ce qui est de prévoir, ayant établi tous les critères que vous venez de mentionner et ayant la meilleure formule de calcul et de prévisions, est-ce que vous seriez prêt à admettre — je ne veux pas vous mettre des mots ou des chiffres dans la bouche — qu'il peut quand même y avoir une variation qui pourrait aller jusqu'à 25 p.c. et même 35 p.c? A partir d'aujourd'hui, par exemple, pour pouvoir planifier pour le mois de juillet, août 1973.

Je m'explique. Vous avez à l'heure actuelle — je ne veux pas passer de commercial, M. le Président — des élections aux Etats Unis, vous

en avez au Canada. Des politiques nouvelles peuvent être apportées, des politiques d'investissement, des politiques de resserrement de crédit, notre économie étant tributaire de l'économie nord-américaine — je pense bien que ce n'est un secret pour personne — et advenant le cas, par exemple, que nous aurions à faire face à une restriction de crédit, à une nouvelle lutte anti-inflationniste en 1973 — tout le monde sait que c'est toujours l'industrie de la construction qui a servi de tampon pour essayer de régulariser un peu ce domaine — est-ce que vous admettez qu'en ayant les meilleures données, les meilleurs critères, il y a encore tellement d'impondérables dus à la dépendance que je viens de vous mentionner qu'il pourrait y avoir encore une marge de 25 p.c. de différence?

M. MORIN: Vous avez peut-être raison, je ne le sais pas. Ce qu'on fait, et c'est comme ça qu'on va arrêter les chiffres à la commission, c'est dire 20 p.c. et chercher rétroactivement, avec la banque de données que nous avons, ce que ça donne.

Si on avait augmenté ou réduit la population de la main-d'oeuvre de 20 p.c. ou de 30 p.c, dans certains métiers, quels auraient été les résultats si on avait appliqué rétroactivement ces règles, avec l'expérience et les données que nous avons de l'an passé? C'est un peu comme cela qu'on peut agir.

Sur un autre point — je pense l'avoir souligné hier — ce qui est parfaitement vrai, c'est que depuis janvier, la masse salariale, comparativement à l'an passé, augmente de 20 p.c. à 25 p.c. En janvier 1972, il y a à peu près 20 p.c. de plus qu'en janvier 1971, et ainsi de suite. Actuellement, sur ce point, nous avons des données seulement jusqu'au mois d'avril.

M. ROY (Beauce): Je vais poser la même question, en quelque sorte, à M. Gagnon. Etant donné que vous êtes dans le domaine de la construction, pouviez-vous prévoir, au début de l'année, que l'année 1972 — l'année que nous traversons présentement — connaîtrait ce boom, avec une augmentation de 25 p.c? Auriez-vous pu le prévoir?

M. GAGNON (Jean-Yves): Nous aurions pu le prévoir, jusqu'à un certain point, par certains investissements qui étaient annoncés à l'avance, mais nous ne pouvons pas tout prévoir. Nous pouvons prévoir, peut-être, à 50 p.c. Nous savions que l'année 1972 serait meilleure que l'année 1971, d'après tout ce qui avait été annoncé. Nous prévoyons que l'année 1973 sera sûrement aussi bonne que l'année 1972 mais ce n'est rien de précis.

M. ROY (Beauce): Admettez-vous que même en faisait les meilleures prévisions, tout en étant optimiste ou pessimiste, il peut quand même y avoir, à l'heure actuelle, selon les meilleures prévisions qu'on peut faire, une marge de 25 p.c. l'an prochain? Je prends le chiffre de 25 p.c. mais on peut en prendre un autre.

M. GAGNON (Jean-Yves): Sûrement. Pour une année donnée, peut-être que 25 p.c, ce ne sera pas assez et pour une autre, ce sera trop. On mentionne brièvement dans notre texte qu'il y a les jeux olympiques qui s'en viennent, à Montréal. Alors peut-être que pour les deux ou trois prochaines années, à Montréal, il faudra prévoir une marge un peu plus large. Par contre, dans une région où il semble y avoir une récession, peut-être que 10 p.c. seront suffisants.

M. MORIN : Si vous me permettez, M. le Président, je vous inviterais à voir, pour deux raisons, la page 39 de notre mémoire, où il y a l'annexe 2. Vous partez de là, par divisions par régions, si vous voulez, et non pas par comtés. Chaque région regroupe, bien sûr, un certain nombre de comtés. Vous voyez le nombre de permis par région et le nombre, par mois, de détenteurs de permis qui ont travaillé. Dans tous les cas, jamais on n'a eu un excédent. Bien au contraire, il y a toujours une marge ou un coussin, si vous voulez, entre les deux, qui est assez inconfortable, dans ce sens, compte tenu du fait que ce sont en grande partie, des gens qui sont sans travail. Cependant — je l'avoue immédiatement et c'est un de nos problèmes — cette donnée est fausse. Je vous dis bien le nombre de permis. Je vais prendre la première région. C'est plus simple. Ce sont des chiffres moins astronomiques: Les Iles-de-la-Madeleine. Vous avez 316 détenteurs de permis et au plus haut sommet, octobre 1971, on a 191 de ces détenteurs qui ont travaillé. On pourrait, bien sûr, conclure immédiatement qu'il y avait encore un bassin de personnes disponibles. C'est ce qui fausse les données, tant pour la commission, tant pour les employeurs, à savoir quelle est la main-d'oeuvre disponible. C'est entre la notion de travailleurs disponibles et de détenteurs de permis qu'il y a une marge. Il y a des détenteurs qui ne sont pas disponibles.

Si vous avez, disons, un pompier, un policier, un fonctionnaire ou toute autre personne qui occupe, en temps normal, un emploi mais qui a aussi un permis, nous le comptons, pour l'instant. Lorsque nous voulons savoir, dans une région, s'il y a ou non des gens disponibles, nous croyons que oui mais cette personne ne l'est pas. Il faudra donc, à mon avis, se pencher d'une façon bien particulière sur une des conditions pour l'émission d'un permis, c'est une personne qui est disponible. On ne peut pas dire, non plus, que pour être détenteur d'un permis, il faut attendre, dans son salon, qu'on soit appelé pour un emploi. Mais dans le cas d'une personne qui, en raison de la nature de la fonction qu'elle occupe principalement, on peut prouver là qu'elle n'est pas disponible, c'est plutôt une preuve de non disponibilité

qu'on peut faire et non une preuve de disponibilité.

M. ROY (Beauce): Puisque nous parlons...

M. LE PRESIDENT: Un instant, monsieur. Je voudrais faire remarquer au député de Beauce que M. Morin a présenté un mémoire hier. A la suite de sa présentation, on a demandé s'il y avait des questions de la part des membres de la commission. On a ensuite félicité M. Morin de la clarté et de la précision de sa présentation. Le député de Beauce n'y étant pas hier, je me demande si on doit revenir sur tout l'exposé de M. Morin.

Présentement M. Gagnon devrait être questionné sur le mémoire qu'il a présenté. Je ne voudrais pas faire un tour d'horizon, revenir chaque fois sur chaque mémoire qui a été présenté avant. Sans ça nous allons être ici jusqu'à Noël. Si on pouvait être plus concis dans les questions, faire moins d'hypothèses, rester avec la réalité des mémoires présentés, nous pourrions faire, avancer nos travaux. C'est une observation sans malice.

M. ROY (Beauce): Je vous remercie, M. le Président. Je tiens quand même à préciser que ce n'est qu'hier avant-midi que je n'étais pas à cette commission parce que j'étais à une autre. Aucun de mes collègues n'a pu poser de questions. Et comme M. Gagnon a présenté...

M. LE PRESIDENT: Non.

M. ROY (Beauce): Aucun de mes collègues, il n'y a que le député de Chicoutimi, dans l'avant-midi, qui a posé des questions.

M. LE PRESIDENT: Je m'excuse, je ne parlais pas de ce qui s'est passé cet avant-midi. J'ai parlé de ce qui s'est passé hier. Nous avons entendu la présentation de M. Morin, et il n'y eut aucune question d'aucun membre de la commission, ni du ministre. L'occasion y était. Ne revenons pas. Passons, si vous voulez.

M. ROY (Beauce): Parfait. M. Gagnon avait dit qu'il était difficile de prévoir à l'avance les besoins, et c'était sur ce point précis que mes questions étaient posées.

M. LE PRESIDENT: Le député comprendra que d'autres ont des questions à poser.

M. ROY (Beauce): Puisqu'on a parlé de la mobilité géographique et qu'on ne connaîtrait pas la mobilité des travailleurs, dans quelle proportion ce facteur peut-il influencer les émissions de permis de travail, déranger l'application du décret 2711?

M. GAGNON (Jean-Yves): Peut-être que ça ne découpera pas l'application dans ce sens-là, mais ça va sûrement être une chose dont il faudra tenir compte. Il faut tenir compte du fait que certains ouvriers sont prêts à se déplacer et d'autres ne le sont pas.

Il y en a qui se disent: Ma famille est à Montréal, moi je reste à Montréal avec ma famille. D'autres, ça ne leur fait rien. Ils se déplacent régulièrement. Il va falloir avoir des statistiques plus précises sur la mobilité réelle des ouvriers, afin d'être en mesure d'émettre les permis en accord avec les disponibilités de la main-d'oeuvre.

M. ROY (Beauce): Selon vous, ces enquêtes sur la mobilité ne sont pas suffisantes pour avoir des données précises.

M.GAGNON (Jean-Yves): Sûrement pas. M. Morin, dans son exposé hier, a mentionné un chiffre global selon lequel un nombre donné — je ne me souviens plus duquel — de travailleurs s'était déplacé dans l'année. Mais ce chiffre est tellement global qu'on ne pourra pas l'utiliser comme critère quand on va décider d'émission de permis.

M. ROY (Beauce): Vous avez parlé aussi de 16,000 ouvriers, en 1970, qui auraient eu moins de 100 heures de travail dans l'industrie de la construction. Lorsqu'on a parlé de 100 heures de travail, est-ce qu'on a tenu compte, selon vous, des heures de travail qui auraient été effectuées dans la construction et dans d'autres domaines? Je vais prendre comme exemple deux cas particuliers. D'abord, le cas de ceux qui auraient travaillé dans l'industrie de la construction, mais pour les agriculteurs. Vous touchez toutes les régions rurales du Québec.

M. GAGNON (Jean-Yves): On tient compte uniquement des heures effectuées dans la construction pour des travaux régis par le décret de la construction. Rien de plus.

M. ROY (Beauce): Vous ne tenez pas compte de toute la construction. Comme deuxième exemple, je voudrais parler des travaux qui se font à salaire pour les corporations municipales.

M. GAGNON (Jean-Yves): On n'en tient pas compte parce que ce n'est pas régi par le décret.

M. ROY (Beauce): Admettez-vous que des personnes auraient effectivement travaillé dans la construction, mais dans l'agriculture, pour les travaux municipaux, et qui ne seraient pas inclus à l'intérieur de cela?

Vous avez dit que ces 16,000 personnes pourraient ou devraient être éliminées de l'industrie de la construction. Comment pouvez-vous prévoir les conséquences du fait que ces 16,000 travailleurs se trouvent pénalisés parce que, justement, le secteur de la construction dans lequel ils travaillent n'est pas inclus dans le décret?

M. GAGNON (Jean-Yves): D'accord, je crois que c'est très important de faire un commentaire là-dessus. Comme je l'ai mentionné aussi dans mon exposé, il y a plusieurs ouvriers de la construction qui travaillent dans des domaines connexes. Toutes les heures que ces gens-là effectuent dans ces domaines ne sont pas mentionnées dans les statistiques de la commission, parce que la commission ne dispose pas de ces données.

Vous parlez des travaux municipaux. Il y a les travaux sur les fermes. Il y a les travaux dans les mines. Il y en a d'autres qui ne sont pas régis par le décret de la construction, mais qui sont, en fait, des travaux de construction...

M. ROY (Beauce): C'est ça.

M. GAGNON (Jean-Yves): ... et qui ne sont pas mentionnés dans les statistiques. Les personnes qui n'ont pas fait 100 heures dans la construction en ont peut-être fait 1,000 pour une municipalité quelconque. Cela, on ne le sait pas et c'est pour ça qu'on le mentionne. Avant de dire qu'on va établir un système rigide, peut-être qu'il faudrait le savoir.

M. Daigle, hier, a mentionné qu'il faudrait peut-être faire une étude en se basant sur les T-4 de chacun de ces ouvriers et nous, nous pensons que cela a du bon sens. On nous dit aussi que le ministère du Travail fédéral, je crois, est en train de faire une étude dans ce sens-là actuellement, puis on a bien hâte de voir les résultats.

M. ROY (Beauce): Vous avez parlé aussi des travailleurs de la construction qui, à un certain moment, travaillent comme bûcherons ou comme cultivateurs marginaux. Il y a beaucoup de cultivateurs marginaux présentement. Je pense que ce n'est pas un secret que ces gens seront obligés de quitter l'agriculture, mais qu'ils y demeurent en attendant de pouvoir se stabiliser ailleurs. Qu'arrivera-t-il si on leur ferme la porte dans la construction, alors que ce sont des gens qui ont vécu comme agriculteurs marginaux parce que, justement, l'industrie de la construction ne pouvait pas leur donner suffisamment de travail sur une période annuelle ou la majeure partie de l'année? Là, je ne parle pas du milieu urbain. Je parle du milieu rural, parce que c'est le cas qui nous concerne particulièrement. Justement, ce qui a déclenché tout le problème de l'industrie de la construction, c'est lorsqu'on a inclus le secteur rural, le secteur artisanal à l'intérieur de cela. Alors, comment concevez-vous pouvoir trouver une solution ou proposer quelque chose en face de ce problème qui regarde l'industrie de la construction et l'économie de la province, mais qui est quand même un problème social?

M. GAGNON (Jean-Yves): Il n'y a pas de doute qu'il y a un grand nombre d'agriculteurs, probablement des bûcherons, et des pêcheurs qui sont des marginaux, comme vous l'avez dit, mais il y en a qui sont des ouvriers de la construction marginaux, qui viennent dans la construction lorsqu'il n'y a rien ailleurs. Selon nous, ce serait les premiers à éliminer.

M. ROY (Beauce): Ou qui vont ailleurs parce qu'il n'y a rien dans la construction.

M. GAGNON (Jean-Yves): C'est ça. Il y a les deux.

M. ROY (Beauce): Comment déterminer cela?

M. GAGNON (Jean-Yves): Evidemment, la première chose qu'il faudra faire lorsqu'on parlera de contingentement sera de commencer par enlever ceux qui réellement n'ont pas d'affaire là. Avant d'éliminer les véritables ouvriers de la construction, nous prétendons qu'il faudra éliminer ceux qui n'en sont pas.

Cela pourra probablement affecter certains agriculteurs, certains pêcheurs, mais je crois, comme le disait le ministre du Travail hier, que c'est une conséquence inévitable du système. Il faudra en tenir compte et essayer de la rendre la moins pénible possible.

M. ROY (Beauce): M. le Président, j'ai seulement une question à poser. En guise de conclusion, vous favorisez en quelque sorte le contingentement, le contrôle quantitatif de la main-d'oeuvre, mais vous demandez beaucoup de souplesse tant et aussi longtemps que toutes ces données ne seront pas compilées.

M. GAGNON (Jean-Yves): C'est exact.

M. ROY (Beauce): Mais j'ai remarqué également que vous avez exprimé énormément de doutes sur la possibilité qu'il y aurait d'avoir toutes ces données. Alors, comment concilier le tout?

M. GAGNON (Jean-Yves): Pour le moment, j'ai plusieurs doutes, oui, c'est vrai, mais on a l'espoir que ce sera possible de réaliser quelque chose de valable quand même. Vous parlez de contingentement, mais j'ai dit, dans ma présentation tout à l'heure, qu'en ce qui nous concerne nous acceptons le contingentement à condition que ça mène, à plus ou moins long terme, à des conditions de travail plus raisonnables dans l'industrie de la construction.

M. ROY (Beauce): A un contingentement qui visera à donner la sécurité d'emploi aux travailleurs.

M. GAGNON (Jean-Yves): Oui.

M. ROY (Beauce): Mais si la carte, le permis de travail et le contingentement de l'industrie de la construction, en supposant qu'il y a

85,000 cartes données cette année, et que, l'an prochain, il y a une difficulté, une crise qui se produit dans ce secteur, à ce moment-là, s il y a seulement 65,000 travailleurs qui pourront avoir de l'emploi, qui va déterminer, et comment, l'élimination de 20,000 travailleurs?

M. GAGNON (Jean-Yves): Le problème, c'est exactement celui qu'on va discuter à la fin du mois à la commission, la détermination des critères d'émission des permis. Malheureusement, il faudra probablement tenir compte d'un système qui va être en retard sur la réalité parce que les statistiques de la commission sont toujours, au minimum, deux mois en retard sur la réalité parce qu'elles sont basées sur les rapports d'employeurs qui sont soumis un mois et demi après le mois terminé. Evidemment, il y aura toujours une marge d'erreurs mais je pense que c'est inévitable, qu'on ne peut faire autrement.

M. ROY (Beauce): Croyez-vous possible que la Commission de l'industrie de la construction puisse avoir toutes les données concernant les besoins de cette industrie dans toutes les régions du Québec? On a quand même 1,400 municipalités au Québec, 108 comtés répartis dans dix régions économiques. Est-il possible d'établir un système qui permettrait à la Commission de l'industrie de la construction de connaître tous ces besoins afin d'éviter les délais et d'éviter que des pères de famille, des travailleurs de la construction soient obligés d'attendre une réponse durant cinq, six, sept ou huit semaines et de ce fait être en chômage forcé quand ils auraient un emploi à portée de la main, un emploi disponible immédiatement qu'ils ne peuvent avoir a cause de tous ces délais de compilation, de contrôle, d'embêtements? La Commission de l'industrie de la construction pourrait-elle s'organiser de façon à ne pas pénaliser les travailleurs dans ce domaine-là, selon vous?

M. GAGNON (Jean-Yves): Je ne crois pas qu'il soit possible d'avoir un système parfait, je suis convaincu que ce n'est pas possible.

M. LE PRESIDENT: Le député de Laviolette. J'accepte votre réponse.

M. GAGNON (Jean-Yves): D'accord.

M. CARPENTIER: M. le Président, à plusieurs reprises, depuis hier, nous avons entendu répéter qu'il y a un manque de main-d'oeuvre dans certains territoires du Québec. Une chose est assez surprenante, c'est que nous avons certains employés, des ouvriers de la construction, qui seraient prêts à travailler et qui ne peuvent pas se placer dans certains coins de la province.

Quelle est votre façon de procéder pour faire appel aux travailleurs de la construction?

M. GAGNON (Jean-Yves): Je ne comprends pas votre question.

M. CARPENTIER: Lorsque vous manquez d'hommes quelque part, quelle est votre façon de procéder?

M. GAGNON (Jean-Yves): Pour trouver de la main-d'oeuvre?

M. CARPENTIER: Oui.

M. GAGNON (Jean-Yves): Il y a différentes façons, évidemment.

M. CARPENTIER: Quelles sont ces façons?

M. GAGNON (Jean-Yves): Il y a les bureaux de placement du gouvernement, les centres de main-d'oeuvre du Québec, les centres de main-d'oeuvre du Canada, les bureaux de placement syndicaux qui existent encore, la possibilité pour les employeurs de contacter directement les ouvriers chez eux, toutes les possibilités voulues parce que dans la construction il n'y a pas de système de placement obligatoire.

M. CARPENTIER: Comment pouvez-vous expliquer que certains travailleurs, dans certains coins de la province, vont au centre de main-d'oeuvre du Québec ou du Canada et qu'on leur répond tout simplement qu'il n'y a pas de demandes? Cela veut dire quoi?

M. GAGNON (Jean-Yves): Qu'il n'y a pas de demandes de la part des employeurs, vous voulez dire?

M. CARPENTIER: C'est cela.

M. GAGNON (Jean-Yves): Cela veut dire que probablement dans ces cas-là les employeurs s'adressent ailleurs.

M. CARPENTIER: Ils s'adressent où?

M. GAGNON (Jean-Yves): Dans certains métiers, ils vont s'adresser aux syndicats, et dans d'autres ils vont s'adresser directement aux ouvriers chez eux.

M. CARPENTIER: Il y a certainement quelque chose qui cloche dans ce domaine-là.

M. GAGNON (Jean-Yves): Bien,...

M. CARPENTIER: Quand je suis à mon bureau, le lundi matin, des ouvriers de la construction viennent me voir et me disent: Nous sommes prêts à travailler, nous avons nos cartes dans nos poches, nous allons au bureau de placement provincial et on nous dit qu'il n'y a pas de demandes. Vous venez ici, à la commission, et vous nous dites que vous manquez de personnel; qu'est-ce qui se passe?

M. GAGNON (Jean-Yves): Cela dépend.

M. LAVOIE (Léopold): M. le Président, une question de privilège. Est-ce qu'on peut savoir le comté du député, s'il vous plaît, afin de comprendre le problème?

M. CARPENTIER: Laviolette.

M. LAVOIE (Léopold): Bon, merci beaucoup.

M. LE PRESIDENT: Il n'y a pas de question de privilège là-dedans.

M. LAVOIE (Léopold): C'était pour éviter de dire: Je ne veux pas vous répondre.

M. CARPENTIER: Ce n'est pas une question de privilège, il n'y a rien à cacher dans cela, mon cher ami.

M. LAVOIE (Léopold): C'était un privilège pour vous, c'est ce que j'ai voulu dire dans ma question. Laviolette, d'accord.

M. GAGNON (Jean-Yves): Je voudrais apporter quelques précisions en ce qui concerne votre question. C'était un des avantages de l'arrêté ministériel 4119. D'après nous, l'arrêté n'était pas tellement applicable, mais un de ses avantages c'était qu'il y avait un certain contrôle sur le placement alors qu'actuellement il n'y en a plus, actuellement c'est volontaire. Les

employeurs s'adressent où ils le désirent pour obtenir leur main-d'oeuvre.

M. CARPENTIER: Est-ce que certains bureaux de placement relèvent des syndicats?

M. GAGNON (Jean-Yves): Oui.

M. CARPENTIER: Quel est le pourcentage de références que vous faites à ces bureaux?

M. GAGNON (Jean-Yves): Cela dépend des métiers. Dans certains métiers, c'est pratiquement la totalité; dans d'autres, c'est très peu fréquent.

M. DESJARDINS: Lui, il est contre ça. C'est pour ça qu'il dit qu'il ne manque pas de main-d oeuvre. Excusez-moi, M. le Président.

M. CARPENTIER: J'aimerais bien savoir d'une façon claire de quelle manière on procède pour trouver la main-d'oeuvre disponible dans tous les secteurs, dans tous les coins de la province, dans tous les comtés, sans aucune exception, que ce soit la Beauce, Laviolette, Saint-Maurice ou Gaspé, Verdun, n'importe où. Comment se fait-il qu'on vienne nous dire qu'on manque de main-d'oeuvre qu'on envoie nos ouvriers dans des bureaux de placement, des centres de main-d'oeuvre du Quebec où on nous répond qu'on n'a pas de demande et que vous nous dites que vous manquez de main-d'oeuvre? Quel est le joint qui manque dans ça?

M. GAGNON (Jean-Yves): C'est ce que nous avons mentionné dans notre mémoire. C'est le fait que la Commission de l'industrie de la construction ne connaît pas du tout qui est disponible au travail.

M. CARPENTIER: Lorsque le gars va s'offrir au bureau de placement provincial et qu'on lui répond qu'il n'y a pas d'ouvrage, qu'il n'y a pas de demande, qu'est-ce que ça veut dire?

M. GAGNON (Jean-Yves): Dans son métier à lui si c'est un journalier, il est bien possible qu'il n'y ait pas de demande parce que des journaliers, il y en a trop.

M. CARPENTIER: Je vous mentionne des ouvriers avec leur carte...

M. GAGNON (Jean-Yves): De compétence.

M. CARPENTIER: Des menuisiers, des charpentiers.

M. GAGNON (Jean-Yves): Peut-être que dans votre région il est possible qu'il y ait un surplus de main-d'oeuvre pour les menuisiers, mais l'on sait qu'à Montréal, il y avait une pénurie.

M. CARPENTIER: Comment cela se fait-il? Les gars sont prêts à aller travailler à la baie James.

M. GAGNON (Jean-Yves): Est-ce qu'ils ont demandé d'aller à Montréal?

M. CARPENTIER: N'importe où. Ils veulent tout simplement avoir une ouverture et le bureau de placement provincial ne le sait pas.

M. GAGNON (Jean-Yves): Je ne critiquerai pas ce bureau de placement proyincial, mais je pense que le ministre du Travail est certainement au courant du fait que.

M. CARPENTIER: C'est précisément ça, les organismes qui ont besoin d'hommes, à qui s'adressent-ils pour avoir leur main-d'oeuvre?

M. GAGNON (Jean-Yves): Cela dépend des métiers. Dans certains métiers, ils s'adressent tous aux unions.

M. CARPENTIER: Lorsque je vous parle d'un charpentier-menuisier, c'est un métier, ça.

M. LAVOIE (Léopold): Pour les députés, les meilleurs électeurs sont dans les bureaux d'union.

M. CARPENTIER: Dans les bureaux d'union. Ces bureaux ont-ils certains contacts avec les bureaux provinciaux?

M. LAVOIE (Léopold): M. le Président, je m'excuse, je retire ce que j'ai dit.

M. GAGNON (Jean-Yves): Dans le cas des menuisiers...

M. DESJARDINS: Je pourrais avoir une réponse.

M. GAGNON (Jean-Yves): Moi aussi, j'en ai une. Dans le cas des menuisiers, ça varie beaucoup. Des employeurs s'adressent à la FTQ, d'autres à la CSN, il y en a qui s'adressent aux bureaux de placement du gouvernement et il y en a beaucoup aussi qui procèdent en appelant directement les gens. C'est un des métiers où c'est très flexible.

M. CARPENTIER: Mais croyez-vous qu'il y a une certaine relation entre les bureaux de placement des syndicats — ou des organismes que j'appelle bureaux de placement — et les bureaux provinciaux de placement et les centres de main-d'oeuvre du Canada?

M. GAGNON (Jean-Yves): Il n'y a aucune relation.

M. CARPENTIER: Il n'y a pas de relation. Pourquoi?

M. GAGNON (Jean-Yves): Je pense que ce serait peut-être soulever une controverse que de parler de ça, mais les unions aiment bien faire du placement.

M. CARPENTIER: Ne croyez-vous pas, si on veut vraiment défendre les intérêts des ouvriers, que ce ne serait pas un point à régler, au départ?

M. GAGNON (Jean-Yves): Quand on parle de connaître les disponibilités de la main-d oeuvre dans notre document, je pense que c'est exactement de ça que nous parlons.

M. CARPENTIER: Mais lorsqu'il y en a des ouvriers dans nos comtés qui viennent nous voir, qui veulent travailler, des pères de famille, des garçons de 20 à 25 ans, des gars sérieux, qui veulent vraiment travailler, il n'y a pas moyen de leur trouver de l'ouvrage parce qu'il n'y a pas d'ouverture dans les centres de main-d'oeuvre. Est-ce que le gars...

M. LAVOIE (Léopold): Qu'ils voient d'abord les bureaux d'unions, c'est leur organisation professionnelle, c'est leur représentant professionnel. A ce moment, ils vont obtenir tous les services auxquels ils sont en droit de s'attendre comme citoyens et vous comme député. Et vous allez acquérir de bons électeurs.

M. CARPENTIER: Précisément, pourquoi ne communiquez-vous pas? Il faudrait peut-être mettre de l'ordre quelque part.

M. DESJARDINS: Nous appelons M. Ga-

gnon et nous lui disons que nous avons de la main-d'oeuvre de disponible, mais lui, il ne veut pas de cette main-d'oeuvre. Cela lui prend un gars qu 'il peut fouetter.

M. CARPENTIER: Mais reconnaissez-vous qu'il devrait y avoir une certaine liaison, un certain contact entre vos bureaux...

M. LAVOIE (Léopold): Je reconnais qu'il y a une certaine éducation professionnelle à faire de la députation et des représentants.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Continuez vos questions à M. Gagnon. Je suis convaincu que lorsque l'occasion viendra, M. Desjardins ou un autre représentant de l'union saura répondre à ces commentaires. De toute façon, si vous avez d'autres questions, M. le député, continuez avec M. Gagnon.

M. CARPENTIER: Certainement.

M. DESJARDINS: Juste une chose. Dans ce temps, moi, je vais répondre, mais lui ne pourra pas répondre et personne ne saura la vérité. C'est l'histoire. S'il y en a un des deux qui a des idées, qu'il le dise.

M. LE PRESIDENT: On déterminera autant que possible où se trouve la vérité, une fois qu'on aura fini les questions. Procédons avec un peu d'ordre, si vous le voulez. Continuez.

M. CARPENTIER: Vu que je veux rester dans l'ordre, M. le Président, est-ce que vous considérez mes questions comme hors d'ordre?

M. LE PRESIDENT: Non, pas pour le moment, pourvu qu'on ne se mêle pas de répondre à quatre ou à cinq. Je pense que votre question a été adressée à M. Gagnon.

M. LAVOIE (Léopold): Le député nous a regardés, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Cela ne veut rien dire. S'il fallait se fier aux regards!

M. COURNOYER: Il n'a pourtant pas les yeux croches.

M. CARPENTIER: Alors, vous considérez seulement les réponses comme hors d'ordre?

M. LE PRESIDENT: Les réponses venant de certains secteurs sont hors d'ordre, oui.

M. CARPENTIER: Voilà.

M. DESJARDINS: Mais le député est très bon.

M. CARPENTIER: J'aimerais avoir certaines précisions de ce côté-là. Je pense que cela informerait tous les membres de la commission, très honnêtement.

M. GAGNON (Jean-Yves): J'ai dit, tout à l'heure, dans ma présentation, qu'il y avait certains aspects positifs à l'arrêté en conseil no 4119. Selon nous, l'aspect le plus positif, est cette possibilité d'un certain contrôle sur le placement.

M. CARPENTIER: Est-ce que vous croyez que les organismes syndicaux auraient une certaine tendance à favoriser certaines régions plus que d'autres, les grands centres, disons, soit Québec, Montréal, Sherbrooke, au lieu de favoriser peut-être les centres ruraux où la main-d'oeuvre est peut-être plus diversifiée, mais en moins grand nombre?

M. GAGNON (Jean-Yves): Ils sont peut-être mieux organisés dans certaines régions. Ce n'est pas à moi de dire exactement s'ils favorisent quelqu'un. Je ne le crois pas. Je pense que c'est simplement une question d'organisation.

M. CARPENTIER: Ce que je ne m'explique pas — et je ne suis pas le seul, je crois, honnêtement parlant — c'est le fait que nous avons, dans nos comtés ruraux, des ouvriers disponibles, capables de travailler. Quand ils vont dans les centres de main-d'oeuvre du Québec et du Canada pour offrir leurs services, on leur répond tout simplement qu'il n'y a pas d'ouverture dans le moment. Quelle est la solution possible à cet état de choses? Est-ce qu'il y a une solution? En avez-vous une?

M. GAGNON (Jean-Yves): On a dit, tout à l'heure, que les bureaux de placement — je pense que le ministre l'a dit hier aussi — du Québec, malheureusement, n'étaient peut-être pas aussi efficaces qu'on le désirerait. C'est peut-être une des raisons. Peut-être que ce serait une solution, s'ils étaient plus efficaces. Peu importe que ce soit ceux du Québec ou du gouvernement fédéral, s'ils étaient plus efficaces, peut-être qu'il y aurait plus d'employeurs qui s'adresseraient à eux.

Il y a des employeurs qui ont essayé de s'adresser aux bureaux de placement du gouvernement et ils ont été un peu déçus par les services qu'ils ont obtenus. Alors, ils sont allés ailleurs.

M. CARPENTIER: C'est précisément cela. Pourquoi ne ferait-on pas appel aux bureaux de placement provinciaux?

M. GAGNON (Jean-Yves): Ecoutez...

M. CARPENTIER: Disons que vous avez besoin d'hommes à Gaspé, pourquoi ne pas appeler le bureau de placement de Grand'Mère, dans le comté de Laviolette, ou de Shawinigan,

dans le comté de Saint-Maurice, ou de Louiseville, dans le comté de Maskinongé?

M. DEMERS: Le député de Laviolette l'a fait transporter à Grand'Mère.

M. CARPENTIER: C'est couvert par les deux. Merci de l'information, mon cher collègue.

M. DEMERS: Quand on fait du patronage avec les bureaux de placement, ça fait cela.

M. GAGNON (Jean-Yves): Je peux vous dire que, le jour où les bureaux de placement du gouvernement, soit fédéraux ou provinciaux, pourront donner un bon service aux employeurs, je pense que les employeurs vont s'adresser à ces bureaux de placement.

M. CARPENTIER: Vous croyez que la seule façon possible, c'est d'avoir recours aux organismes syndicaux pour le placement des ouvriers en général, sans passer par les centres de main-d'oeuvre?

M. GAGNON (Jean-Yves): Malheureusement, dans certains métiers, c'est vrai. Mais, dans d'autres, ce n'est pas vrai. Je le répète: Si les bureaux de placement du gouvernement étaient plus efficaces, il y aurait plus d'employeurs qui s'y adresseraient. Dans le passé, il faut dire qu'ils n'ont pas été très efficaces.

M. CARPENTIER: Mais qu'est-ce qui vous fait dire qu'ils ne sont pas efficaces, quand ils n'ont pas de demandes?

M. GAGNON (Jean-Yves): Mais les employeurs ont essayé déjà...

M. CARPENTIER: Si j'ai besoin d'un médecin et que je ne vais pas le voir, cela ne veut pas dire que le médecin n'est pas efficace. Il faut s'informer et le demander.

M. GAGNON (Jean-Yves): L'arrêté en conseil no 4119 prévoyait que les employeurs devaient s'adresser aux bureaux de placement du gouvernement du Québec pour trouver de la main-d'oeuvre. Il y a beaucoup d'employeurs qui ont essayé. Quand je vous dis qu'ils ont essayé, ils ont essayé pendant presque un an.

M. CARPENTIER: Mais où ont-ils essayé et de quelle façon?

M. GAGNON (Jean-Yves): Dans les bureaux de placement du gouvernement du Québec.

M. CARPENTIER: Ce que je ne peux pas m'expliquer — je le répète encore une fois — c'est que, durant tout l'été, j'ai eu des employés qui sont venus à mon bureau de député. Je les ai référés au bureau de placement et moi-même, j'ai communiqué personnellement avec le bureau, mais ils n'ont jamais eu de demandes.

M. GAGNON (Jean-Yves): Oui, c'est ce que je vous dis.

M. CARPENTIER: Est-ce que ça fait exception dans ce coin-là ou bien s'il y en a d'autres qui sont comme ça?

M. GAGNON (Jean-Yves): Non, ça ne fait pas exception, c'est général dans toute la province et les employeurs ne recourent presque pas au bureau de placement du gouvernement. C'est vrai!

M. CARPENTIER: Pour quelle raison?

M. LAVOIE (Léopold): Si j'ai besoin du député, je vais voir le député; si le député a besoin de quelqu'un, qu'il aille voir son organisation professionnelle et il va obtenir tout ce qu'il veut. Chaque gars a sa place et chaque gars dans sa maison.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LAVOIE (Léopold): Je m'excuse, je retire ce que j'ai dit, M. le Président.

M. CARPENTIER: D'après ce que je peux voir, il y en a certains qui auraient beaucoup de chose à dire là-dessus. Peut-être que je poserai de nouveau ma question plus tard lorsque ces gens viendront à la barre. Je vous remercie.

M. LE PRESIDENT: Sur le même sujet, le député de l'Assomption.

M. PERREAULT: Vous avez parlé de l'inefficacité des centres de main-d'oeuvre du Québec, et aussi que, souvent, on s'adressait aux centres de main-d'oeuvre, aux bureaux du syndicat. Ne croyez-vous pas que la Commission de l'industrie de la construction, étant donné qu'elle contrôle l'émission des permis de travail, qu'elle contrôle le nombre, ne pourrait pas servir aussi de bureau de recrutement?

M. GAGNON (Jean-Yves): Selon moi c'est une suggestion très intéressante.

M. LE PRESIDENT: Est-ce sur le même sujet? Le député de Fabre.

M. HOUDE (Fabre): J'essayais de reprendre la discussion à l'inverse. Je voudrais savoir, pour mon information comme député, dans la partie est de ville Laval, si les centres de main-d'oeuvre — comme tout le monde l'a dit — n'ont à peu près jamais de travail à offrir aux gens de notre comté qui viennent nous voir, est-ce que vraiment la meilleure chose c'est ce que disait M.

Lavoie tantôt, de les envoyer à leur corporation professionnelle?

M. LAVOIE (Léopold): On aime bien ce que tu fais.

UNE VOIX: C'est hors du sujet.

M. LAVOIE (Léopold): Il me pose une question.

M. HOUDE (Fabre): Je pose la question. Pour éviter de perdre du temps, quand un gars vient vous voir, il a ses papiers ou il est diplômé du centre d'apprentissage, un des métiers de la construction, il a un papier, il est plombier, menuisier, il dit: Je cherche du travail. Nous, presque instinctivement, on dit: Appelle au centre de la main-d'oeuvre ou on lui fait une lettre, on appelle pour lui. Il revient trois jours après et il n'a pas d'ouvrage.

M. GAGNON (Jean-Yves): M. le Président...

M. HOUDE (Fabre): Par contre, vous dites que dans la région de Montréal il en manque. A ce moment-là on ne perdra plus notre temps à envoyer les gars à gauche et à droite, on va les envoyer carrément chez vous.

M. GAGNON (Jean-Yves): Je peux vous faire une suggestion: Pourquoi ne les envoyez-vous pas aux employeurs?

Dans certaines régions, vous connaissez probablement les plus gros employeurs, ceux qui ont des contrats. Vous savez sûrement qui, dans votre région, a des contrats de route, alors vous pouvez leur envoyer directement la main-d'oeuvre.

M. CARPENTER: C'est précisément ça, ce ne sont pas toujours des gens qui sont prêts à travailler dans notre région. Notre région est parfois saturée au point de vue travail. Mais il y a du travail ailleurs. Les gens, par exemple, de la région de la Mauricie sont prêts à aller travailler à Gaspé. Qui va nous dire à qui envoyer tel bonhomme à tel endroit, tel jour, telle date? C'est ce que nous n'avons pas. Plus précisément, les centre de main-d'oeuvre ont été fondés pour ça et il n'y a pas de communication entre vos organisations et les bureaux de placement. N'y aurait-il pas lieu d'avoir un genre d'organisme qui ferait la liaison entre vos organisations et les bureaux provinciaux et fédéraux de placement pour qu'on puisse savoir où envoyer nos gars et leur dire quoi?

M. GAGNON (Jean-Yves): Oui, ça devrait exister, et on est sûrement d'accord avec ça.

M. CARPENTIER: D'accord. Merci.

M. COURNOYER: Etant donné que c'est un sujet fort brûlant, et je pense que tout le monde a compris qu'il était brûlant, qu'est-ce qui vous empêche d'appeler les centre de main-d'oeuvre du Québec?

M. GAGNON (Jean-Yves): On a suggéré aux employeurs de les appeler, à plusieurs occasions et il y a des employeurs qui ont été déçus du service qu'ils ont obtenu.

D'autres, pour d'autres raisons, ont arrêté de les appeler. Je ne veux pas lancer un débat là-dessus, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Un instant, s'il vous plaît. C'est pour cela que je surveille assez étroitement les commentaires, pour ne pas que le tout ne dégénère en accusations de toutes sortes, de patronage, appelez cela comme vous voudrez. C'est ce que je surveille très étroitement.

M. GAGNON (Jean-Yves): C'est pour cela, M. le Président, que je ne veux pas lancer un débat là-dessus. Je peux vous dire une chose, c'est qu'on encourage les employeurs à s'adresser aux centres de main-d'oeuvre du Québec mais, malheureusement, peu le font.

M. LE PRESIDENT: Le député de Laviolette.

M. CARPENTIER: M. le Président, dans le même ordre d'idées, je pense que c'est une question très litigieuse. Si on ne la discute pas et si on ne la vide pas, on ne réglera jamais le problème. Je ne peux pas me faire dire qu'il y a de l'ouvrage, dans la province de Québec, alors qu'on a des chômeurs dans nos comtés qu'on n'est pas capable de placer. Quelle est la solution possible à ce problème? C'est très clair, cela.

M. LE PRESIDENT: M. le député, en ce qui concerne cette question, on a entendu dire d'un des représentants des employeurs que le service qu'on recevait des bureaux de placement provinciaux ou fédéraux — mais restons au provincial pour le moment — était défectueux ou non fiable et que les employeurs ne s'y présentaient pas pour des raisons variées. C'est ce que j'ai compris, c'est le sens de ce qui a été dit. En ce qui concerne M. Gagnon, on a épuisé ses réponses en ce domaine. Ces questions, non pas à cette commission-ci mais en d'autres endroits, devraient être adressées au ministère du Travail, par l'entremise du ministre. La question devrait maintenant être adressée au ministre.

M. DEMERS: Le député de Laviolette pourrait écrire au ministre et lui dire de rafraîchir ses bureaux de main-d'oeuvre.

M. CARPENTIER: Je retourne la question: Dans quel sens les bureaux des centres de main-d'oeuvre du Québec sont-ils défectueux ou non rentables?

M. GAGNON (Jean-Yves): Je peux vous dire qu'un des gros problèmes qui se posent, c'est que dans l'industrie de la construction, quand on a besoin de main-d'oeuvre, on ne peut pas attendre. Si un employeur a des travaux à commencer ce matin et qu'il a besoin de 25 menuisiers ou journaliers, il ne peut pas attendre une semaine. Il en a besoin ce matin. Dans les bureaux de placement, en général, on lui impose certains délais. Ces délais, évidemment, dérangent ses activités. Il a donc arrêté d'y aller. C'est surtout le problème. C'est une question de délais. Une autre chose est arrivée assez souvent. Les bureaux de placement ne connaissaient pas les métiers, ne connaissaient pas les ouvriers. Les employeurs demandaient des spécialistes — dans la construction, dans certains métiers, il y a des spécialités, des sous-spécialités — les bureaux de placement ne les connaissaient pas. Le bureau leur envoyait des gens qui ne pouvaient pas effectuer les travaux voulus. Evidemment, l'employeur à qui cela arrive deux ou trois fois arrête d'y aller.

M. CARPENTIER: Ecoutez, des gens ont donné leurs noms, dans des bureaux de placement, le printemps dernier, et n'ont pas été appelés de l'été.

M. GAGNON (Jean-Yves): Je vous l'ai dit. Les employeurs ne vont pas aux bureaux de placement.

M. CARPENTIER: Pour quelle raison n'y vont-ils pas?

M. GAGNON (Jean-Yves): Je viens de vous donner deux raisons.

M. CARPENTIER: Pour quelle raison n'y vont-ils pas? Il doit certainement y en avoir d'autres. Cela ne peut pas être ces deux uniques raisons qui motivent tous les constructeurs de la province de Québec de ne pas aller aux bureaux de placement du Québec.

M. GAGNON (Jean-Yves): C'est une raison importante et il y en a d'autres. Je pense que je suis obligé à ce moment-ci de répondre de la même façon que le président de l'assemblée; Peut-être que vous devriez vous adresser au ministre du Travail pour avoir les réponses à ce sujet.

M. CARPENTIER : Mais vous nous dites que vous avez des problèmes dans la construction. Nous vous demandons des réponses et vous nous dites de nous référer au ministre.

M. COURNOYER: C'est parce qu'il n'est pas responsable des centres de main-d'oeuvre. C'est ce qu'il nous dit. C'est moi qui suis responsable.

M. LE PRESIDENT: M. Gagnon peut défendre des points du mémoire qu'il a présenté, il peut défendre la position du mémoire, mais le questionner ou le rendre responsable des services ou des agissements d'un centre de main-d'oeuvre, je pense que cela dépasse un peu la raison pour laquelle il est ici.

Je suggérerais que le député pose la question au ministre. Peut-être à un autre moment qu'à cette commission, cependant.

M. CARPENTIER: Merci de l'information.

M. LE PRESIDENT: Lors d'un caucus, ou c'est une excellente question à poser en Chambre.

M. DEMERS: C'est ça.

M. CARPENTIER: Mais est-ce que vous admettez...

M. LAVOIE (Léopold): On peut toujours faire des représentations auprès du ministre pour que le député ait un bureau de placement chez lui.

UNE VOIX: Il en a un.

M. LAVOIE (Léopold): Mais chez lui, dans sa maison, à son bureau de député.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. BURNS: Me permettez-vous toujours de demander au ministre pourquoi ses bureaux de placement sont inefficaces? Qu'il le lui demande. Je suis bien d'accord. Cela fait longtemps que je veux le savoir moi aussi. Pas rien que dans le domaine de la construction, dans les autres domaines.

M. COURNOYER: Cette accusation d'inefficacité que je prends avec un grain de sel, je vous en prie, est une accusation fort gratuite. Elle vient des employeurs en particulier...

M. BURNS: Elle ne semblait pas être gratuite venant de M. Gagnon. Il donne de bonnes raisons précises pourquoi c'est inefficace.

M. COURNOYER: Elle est très gratuite. Je vous dis que c'est un jugement porté sur une période de temps, et qu'une fois cette période de temps passée, les employeurs ne sont plus retournés aux centres de main-d'oeuvre. Qu'ils y retournent aujourd'hui, il y a un service totalement différent de celui qu'il y avait avant.

M. BURNS: Ils ne sont pas plus efficaces dans les autres domaines que dans celui de la construction. Il vous donne des raisons additionnelles, à part ça.

M. COURNOYER: Comment, il donne des raisons additionnelles?

M. BURNS: Ils ne sont pas plus efficaces, vos centres de main-d'oeuvre.

M. COURNOYER: Mes centres de main-d'oeuvre? Ecoutez, je peux vous faire la preuve qu'ils sont plus efficaces que vous pensez et que le dit M. Gagnon actuellement. Ils ont été inefficaces dans un sens précis parce que pendant tout le temps que nous avons parlé de l'arrêté en conseil 4119 les gens se sont occupés d'une foule de choses...

M. BURNS: Ce que le député de Laviolette nous dit pour le domaine de la construction, on le fait à Montréal pour d'autres domaines — et Dieu sait qu'il y en a des centres de main-d'oeuvre à Montréal — pas pour les travailleurs de la construction. Les gars sont sur les listes depuis des mois et ils restent là. Et les gars, finalement se tannent et vont s'embaucher tout seuls.

M. COURNOYER: Si les employeurs n'appellent pas le centre de main-d'oeuvre, ne demandent pas de personnel, c'est un facteur d'inefficacité pour mon centre de main-d'oeuvre?

M. BURNS: Vous parlez du domaine de la construction, M. Gagnon nous a expliqué pourquoi.

M. COURNOYER: Même dans les autres domaines, M. le député de Maisonneuve...

M. BURNS: Pourquoi? Peut-être qu'ils ne s'y adressent pas dans d'autres domaines parce qu'ils sont inefficaces, justement. C'est pourquoi on tourne en rond dans cette affaire-là.

M. COURNOYER: Ils ont pu être inefficaces à une époque, ils sont peut-être plus efficaces aujourd'hui.

M. BURNS: Alors, prouvez votre efficacité aux employeurs et ils vont s'adresser à vous. Vous allez voir ça.

M. COURNOYER: Vous avez parfaitement raison, mais encore faut-il que quelques employeurs au moins s'adressent à nous. Il y en a un certain nombre qui commencent à le faire et on me disait hier que le taux de pénétration des centres de main-d'oeuvre du Québec a subi un accroissement considérable dans la dernière année.

UNE VOIX: Fin de la citation.

M. HOUDE (Fabre): M. le Président...

M. LE PRESIDENT: Un instant.

Cette question, pour cette séance-ci, est close. Passons aux autres questions. Le député de Frontenac.

M. LATULIPPE: J'aimerais revenir sur la question des familles de métiers que M. Gagnon a élaborée tout à l'heure. Est-ce une opinion qui est partagée par vos compagnons de travail du monde syndical? Deuxièmement, est-ce que vous avez déjà étudié la possibilité, avec le ministère ou avec d'autres organismes, d'introduire la théorie des modules pour l'émission des cartes, théorie qui a été développée au ministère du Travail?

M. GAGNON (Jean-Yves ): Mon mémoire porte sur l'arrêté en conseil 2711. Un autre sera présenté sur le bill 49, spécifiquement sur la formation professionnelle. Je ne veux pas discuter de ce sujet parce que j'ai un confrère qui va en discuter tout à l'heure lorsqu'il va parler de formation professionnelle en vertu du bill 49.

M. LATULIPPE: Dans ce cas-là j'y reviendrai.

M. LE PRESIDENT: Le député de Gaspé-Nord.

M. GAGNON (Gaspé-Nord): Pour revenir simplement sur les statistiques, vous avez dit tout à l'heure, lorsqu'on a établi l'effectif ouvrier, qu'on avait pris le nombre total d'heures dans la construction et qu'on l'avait divisé par la moyenne de 2,000 qu'on applique à chaque homme. Mais, lorsque vous avez parlé des statistiques concernant les électriciens, vous avez dit: On dit qu'il y en a environ 3,000, il y en aurait 10,000. Là je comprends mal parce que les électriciens, disons que c'est mieux structuré. C'est le ministère du Travail qui fait passer les examens obligatoires. La Corporation des maîtres électriciens, je crois, fait passer d'autres examens et il y a également les assurances. Si quelqu'un travaille en électricité et s'il n'a pas la compétence voulue, c'est dangereux au niveau des assurances pour la propriété. Alors, de quelle façon pouvez-vous établir qu'on n'a pas pu trouver les véritables statistiques concernant les électriciens et également les plombiers, qui sont à peu près dans le même cas?

M. GAGNON (Jean-Yves): Je pense que c'est simplement une question de temps dans le cas de ces métiers. La Commission de l'industrie de la construction n'a probablement pas eu le temps encore de dépister tous les détenteurs de cartes de qualification dans la province de Québec.

M. GAGNON (Gaspé-Nord): Oui, mais le ministère du Travail a tout. On n'a pas communiqué avec le ministère du Travail pour avoir toutes ces statistiques relatives à ces employés qui ont obtenu des cartes à la suite d'examens?

M. GAGNON (Jean-Yves): C'est parce qu'il y en a qui sont dans la construction depuis 25 ans. Avant de dépister tout le monde ça peut prendre un certain temps.

M. Morin a dit, tout à l'heure, qu'il s'attendait d'avoir les statistiques complètes là-dessus pour Noël. On espère bien que c'est ce qui va arriver.

M. GAGNON (Gaspé-Nord): Dans un autre ordre d'idées, êtes-vous au courant qu'il existe un arrêté en conseil qui dit que tout ouvrier qui veut obtenir une carte de compétence doit avoir travaillé au moins deux ans dans la construction, c'est-à-dire pour un total de 6,000 heures?

M. GAGNON (Jean-Yves): Ce n'est pas tout à fait ce que les arrêtés en conseil disent, à ma connaissance. Il y a des nombres d'heures ou des nombres de périodes d'apprentissage prévues dans l'arrêté en conseil 3606; cela dépend des métiers. Dans certains métiers, c'est 2,000 heures; dans d'autres, c'est 4,000 ; dans d'autres, c'est 6,000 et, dans d'autres, c'est 8,000 pour obtenir leur permis.

M. GAGNON (Gaspé-Nord): Pendant les deux dernières années, à partir de 1970, 1971, 1972. C'est ce que je me suis fait dire par les commissions de main-d'oeuvre ou quelque chose comme cela.

M. GAGNON (Jean-Yves): Les centres de main-d'oeuvre.

M. GAGNON (Gaspé-Nord): Par ailleurs, il y a des décrets ou des lois au ministère du Travail qui stipulent que la journée de travail est de huit heures, que la semaine de travail est de 40 heures, qu'il y a 52 semaines dans l'année, ce qui fait un total de 2,080 heures et, pour deux ans, un total de 4,160 heures. Comment pouvez-vous marier les arrêtés en conseil ou les lois qui disent que, dans tel métier, il doit y avoir 6,000 ou 8,000 heures de faites dans deux ans, alors que, par ailleurs, le ministère du travail a des lois qui, elles, empêchent l'ouvrier de faire un tel nombre d'heures durant une période de deux ans, si vous voulez?

M. GAGNON (Jean-Yves): Ce n'est pas tout à fait cela que l'arrêté en conseil dit. L'arrêté en conseil parle de périodes de formation de 2,000 heures; il ne parle pas nécessairement d'années de formation.

M. GAGNON (Gaspé-Nord): On m'a dit qu'à partir de 1970 et de 1971 il fallait avoir 6,000 heures au niveau de la construction pour pouvoir obtenir la carte de compétence. C'est la commission de travail de Rimouski qui donnait ces informations-là aux ouvriers.

M. GAGNON (Jean-Yves): Quand vous parlez de 6,000 heures...

M. GAGNON (Gaspé-Nord): J'ai même vérifié avec le bureau du ministre et avec son secrétaire.

M. COURNOYER: Mon secrétaire ne vous a certainement pas dit que c'était vrai.

M. GAGNON (Gaspé-Nord): J'ai demandé au ministre s'il changeait quelque chose et c'est à ce moment-là...

M. COURNOYER: Je n'ai rien dit.

M. GAGNON (Gaspé-Nord): ... que le ministre a fait une déclaration en Chambre, disant: Que les députés m'envoient les lettres...

M. COURNOYER: Un instant, on va faire immédiatement la distinction entre la période requise d'apprentissage depuis 1970-71; elle a maintenant été fixée à 2,000-2,000-2,000, mais c'est une période d'apprentissage qui va se prolonger durant le temps que ça prend pour faire 2,000 heures. Il n'y a pas de problème. Ils vont prendre un certain nombre d'heures pour acquérir la carte de compétence. L'apprentissage dure au moins deux, trois ou quatre périodes de 2,000 heures. Dans d'autres cas, il y a peut-être eu confusion quelque part. Il y avait au moins un certain nombre d'heures dans les 18 derniers mois pour obtenir le permis de travail. C'était dans l'arrêté en conseil 4119 et l'arrêté en conseil 2711 l'a pratiquement reproduit.

Mais quant à la carte de compétence, il y a quelque chose de totalement différent, c'est un apprentissage qui, depuis 1971-1972, est passé sur des périodes de 2,000. Ce n'est pas la même chose du tout.

M. LE PRESIDENT: A la reprise, à deux heures trente, nous entendrons le deuxième mémoire. Je remercie M. Gagnon pour son travail.

Un instant, s'il vous plaît. M. Gagnon, serez-vous ici cet après-midi?

M. GAGNON (Jean-Yves): Oui.

M. LE PRESIDENT: On me dit qu'il y aurait peut-être certaines questions.

La commission suspend ses travaux jusqu'à deux heures trente cet après-midi.

(Suspension de la séance 11 h 59)

Reprise de la séance à 14 h 37

M. SEGUIN (président de la commission permanente du travail, de la main-d'oeuvre et de l'immigration): A l'ordre, messieurs!

La parole avait été demandée par le député de Maisonneuve, qui voulait poser certaines questions à M. Gagnon, juste avant que nous suspendions à midi. Le député de Maisonneuve est absent. Est-ce que d'autres membres de la commission, désirent poser des questions à M. Gagnon? Il y a silence; donc, pas d'autres questions à M. Gagnon. Je vous remercie.

M. Lebon.

M. GAGNON (Jean-Yves): M. Lebon devait présenter un mémoire sur le bill no 49. Il a dû s'absenter pour l'après-midi et il demanderait de se faire entendre demain matin, à dix heures, si possible, ou dans la journée de demain.

M. LE PRESIDENT: Il nous fera plaisir de l'entendre dès dix heures, demain matin.

M. GAGNON (Jean-Yves): D'accord.

Conseil provincial des métiers de la construction

M. LE PRESIDENT: Je vous remercie. Mémoire présenté par le Conseil provincial des métiers de la construction, FTQ.

UNE VOIX: Enfin, il va avoir la parole. M. LE PRESIDENT: Exclusivement.

M. LAVOIE (Léopold): M. le Président, je m'excuse, de ce temps-ci...

M. LE PRESIDENT: Veuillez vous asseoir.

M. LAVOIE (Léopold): Non, je préfère rester debout; autrement, je ne suis pas capable. Alors, vous m'en excuserez bien, si vous n'avez pas d'objection. A moins qu'il n'y ait des règlements qui interdisent cela.

DES VOIX: Non, non!

M. LE PRESIDENT: Nous vous accordons tous les privilèges.

M. LAVOIE (Léopold): Vous êtes d'une grande amabilité et d'une grande compréhension, je vous remercie.

D'abord, vous m'excuserez, M. le Président, j'ai des problèmes de dentition.

M. LE PRESIDENT: Pour vous identifier correctement, pourriez-vous donner votre nom, s'il vous plaît, et l'association que vous représentez?

M. LAVOIE (Léopold): Léopold Lavoie, en l'occurrence porte-parole du Conseil provincial des métiers de la construction.

Je m'excuse, comme je l'ai dit, de ma dentition. Si cela fourche, j'espère que le ministre démontrera toute sa compréhension coutumière, surtout quand je m'emporte.

M. COURNOYER: Certainement.

M. LAVOIE (Léopold): Il y a une chose qui est certaine, c'est que nous n'avons pas l'intention d'abord d'embarquer...

M. LE PRESIDENT: Je ne sais pas, est-ce qu'il y a une difficulté technique? Non.

M. LAVOIE (Léopold): ... dans de grandes considérations statistiques. Je pense que d'autres avant nous l'ont fait et je voudrais éviter de compliquer les problèmes en ajoutant des statistiques à tout ce qui a été donné.

En ce qui nous concerne, sur l'importance statistique de la construction, de même que sur la force de travailleurs qui y sont engagés, nous nous en remettons à toutes fins pratiques, à ce qui a été déposé par la commission de la construction. Egalement, nous nous en remettons à ce que les parlementaires, par la voie de statistiques qui leur ont été données depuis un an ou deux, ont devant eux.

Si on soumettait d'autre chose, ce serait ajouter à ce qui est déjà soumis. Il y a plusieurs députés qui ont parlé avec beaucoup d'éloquence et avec beaucoup de sens des responsabilités de la défense...

M. LE PRESIDENT: Excusez-moi, M. Lavoie, j'ai négligé peut-être de le mentionner — je vois M. Pepin qui s'avance — on a changé un peu la procédure, c'est-à-dire que la table sera occupée par les personnes qui présentent des mémoires, ne vous en déplaise. Continuez, M. Lavoie.

M. LAVOIE (Léopold): Il y a plusieurs députés qui, avec beaucoup de compétence et beaucoup de sens des responsabilités face à leurs électeurs, ont posé à maintes reprises des questions directement liées à leurs électeurs. Nous avons l'intention cet après-midi de parler au nom de ces électeurs précisément, comme partie représentative et reconnue dans les métiers de la construction, représentant officiellement les travailleurs des métiers de la construction.

M. le Président, ce qu'on a l'intention de soumettre aux parlementaires ici, c'est ce que le gars de la rue pense, ce que le gars de la construction pense par voie de ses représentants d'affaires, par voie de son organisation syndicale et par voie des responsables qui, à tous les jours, face à la loi comme face à la négociation collective, ont la responsabilité de représenter ces gars-là.

Nous soumettons très respectueusement l'in-

tention de tous ceux qui sont ici, à savoir que nous représentons le gars de la construction, l'électeur du député et que nous sommes les seuls, pensons-nous, reconnus en tant que partie syndicale pour représenter les intérêts de ce gars-là.

Dans cet esprit, nous avons rédigé ce mémoire, qui est l'opinion du gars de la construction, de l'agent d'affaires et de l'union de la construction. Dans certains cas, M. le Président, MM. les parlementaires, ça va peut-être sembler un peu impératif, certaines choses, mais on vous dit la vérité toute crue, telle qu'on la conçoit. On veut que les députés, qui sont les responsables de la population, qui sont mandatés par elle, comprennent exactement ce que la population qui est impliquée dans l'industrie de la construction pense. Ils doivent comprendre ce que les gars désirent et veulent dire. Les gars donnent, en somme, leur opinion sur tous les problèmes qui actuellement les confrontent.

C'est l'opinion du travailleur de la construction. On vous le dit afin que vous compreniez exactement, sans arrière-pensée, sans préjugé aucun, ce que nous avons dans l'esprit comme représentants de travailleurs dans l'industrie de la construction. Avec votre permission, je lirai le mémoire.

Préambule. Messieurs, fort de sa force de représentation de plus de 70,000 membres, le Conseil provincial des métiers de la construction est conscient de ses responsabilités face à l'importance économique et sociale de l'industrie de la construction dans la province de Québec.

Il ne perd pas de vue le fait que la stabilité de ce secteur — c'est une responsabilité gouvernementale que d'essayer d'aider à assurer la stabilité des l'industrie de la construction, en vue d'en permettre sa prospérité — est largement liée à la paix des relations industrielles. Il accepte, en conséquence, une certaine intervention de l'Etat.

Cette intervention, toutefois, ne doit se faire qu'à la suite de consultation des parties. Le conseil félicite donc les responsables de cette commission parlementaire des métiers de la construction et se fera un devoir de participer à tous ses travaux.

L'industrie de la construction. L'industrie de la construction, dans la province de Québec, revêt, pour tous ceux qui ont la responsabilité de bâtir notre société et de consolider les bases de notre démocratie, une importance primordiale. Cette importance sera faite au plan économique, au plan social. L'importance économique de l'industrie de la construction ne peut être contestée par personne puisque des milliards et des milliards y sont investis par année. Les statistiques officielles nous démontrent, par exemple, qu'en 1971, plus de $3 milliards y ont été investis, dans la province de Québec. Les prévisions nous indiquent que jusqu'en 1976, la courbe d'investissements sera ascendante.

Le vieux proverbe dit: Quand la construction va, tout va. Oui, tout va, surtout si l'on considère les nombreuses entreprises, tant manufacturières, industrielles que commerciales, qui dépendent directement ou indirectement de ce secteur industriel de la construction. Ce secteur industriel, d'autre part, retient une proportion considérable de la main-d'oeuvre québécoise. En effet, en 1971, l'on compte plus de 161,000 travailleurs enregistrés, dont 85,000 ont travaillé d'une façon professionnelle et régulière.

Cette force exceptionnelle de travailleurs soutire des investissements totaux de plus de $1 milliard en salaires, directs ou indirects. A ces données de la puissance économique de l'industrie de la construction, il faut ajouter, il va de soi, des milliers de travailleurs qui travaillent dans des entreprises d'exploitation de ressources naturelles, de même que dans celles qui pourvoient aux matières premières ainsi qu'aux matériaux de construction.

De ce secteur, c'est donc tout près d'un million d'êtres humains qui vivent à cause de l'industrie de la construction.

Stabilité dans la construction. Le conseil provincial des métiers de la construction est conscient de ces réalités sociales et de ces réalités économiques. Il serait illogique de sa part de ne pas souhaiter cette prospérité économique, génératrice de paix sociale.

Le conseil provincial veut jouer pleinement son rôle dans la société et se déclare prêt, à ses titres de représentant officiel de plus de 70,000 travailleurs et d'au-delà de 300,000 êtres humains, à collaborer avec tous ceux qui le veulent bien. Ceux-ci toutefois devront être des interlocuteurs valables représentatifs des intérêts en cause.

Le conseil provincial est cependant convaincu qu'il ne peut y avoir de prospérité dans la construction si sa stabilisation n'est pas assurée.

La paix industrielle. Il ne peut y avoir de stabilité assurée si la paix industrielle est constamment menacée. La paix industrielle dans la construction ne peut pas exister à tout prix. S'il en était ainsi, ce serait, pour le Conseil provincial des métiers de la construction, pactiser au détriment des meilleurs intérêts des membres qu'il a le devoir de représenter.

La prospérité de l'industrie de la construction — et nous le répétons avec force — est instamment liée au respect des droits fondamentaux du travailleur professionnel. Il ne pourra pas y avoir de paix industrielle dans la construction tant et aussi longtemps que l'Etat ne tranchera pas une fois pour toutes le problème de la représentation syndicale. Il ne pourra pas y avoir de paix industrielle dans la construction tant et aussi longtemps que les périodes de maraudage syndical ne seront pas reconsidérées.

Il ne pourra pas y avoir de paix industrielle dans la construction tant et aussi longtemps que l'on fera, à cause de toutes sortes d'influences

et de pressions, des exceptions à la loi des relations du travail dans l'industrie de la construction et des exceptions au décret régissant l'industrie et les métiers de la construction.

Il ne pourra pas non plus y avoir de paix industrielle dans la construction tant et aussi longtemps qu'il y aura, à cause de toutes sortes d'influences et de réglementations, une concurrence déloyale sur le marché du travail, de même que dans les conditions du travail. Il ne pourra pas non plus y avoir de paix industrielle dans la construction tant et aussi longtemps qu'il y aura deux sortes d'employeurs professionnels et deux sortes de salariés affectés au travail de la construction.

Il ne pourra pas non plus y avoir de paix industrielle dans la construction tant et aussi longtemps que l'Etat interviendra d'une façon discrétionnaire en surface pour régler des problèmes dont les causes sont en profondeur.

Il ne pourra pas non plus y avoir de paix industrielle dans la construction tant et aussi longtemps que l'Etat, pour des raisons peut-être légitimes, étatisera des avantages financiers ou autres, avantages durement gagnés à la table de négociations.

Il ne pourra pas, non plus, y avoir de paix industrielle dans la construction tant et aussi longtemps que l'Etat, par des tiers ou fonctionnaires, se substituera à la volonté des parties. Il n'y aura pas, non plus, de paix industrielle dans la construction a) tant et aussi longtemps que, premièrement, le travailleur professionnel de la construction, reconnu comme tel par le précédent, reconnu comme tel par l'histoire et la compétence, ne sera pas le seul travailleur à travailler sur des chantiers de construction; b) tant et aussi longtemps qu'un salaire annuel garanti ne sera pas assuré aux travailleurs professionnels, par la sécurité et la stabilité d'emploi. Il n'y aura pas de paix industrielle dans la construction tant et aussi longtemps que des opportunistes sans conscience s'improviseront entrepreneurs en construction, déjouant ainsi le jeu de la concurrence parfaite, tout en menaçant la stabilité de revenu du travailleur.

Il ne pourra pas y avoir de paix industrielle dans la construction tant et aussi longtemps que la loi permettra le maraudage permanent. Il n'y aura pas de paix industrielle dans la construction tant et aussi longtemps que la procédure de négociations ne sera pas adaptée aux exigences nouvelles.

Il n'y aura pas de paix industrielle dans la construction tant et aussi longtemps qu'un seul décret ne prévaudra pas dans toute la province, uniformisant une fois pour toutes les conditions de travail, les conditions de salaire, les conditions de sécurité. Il n'y aura pas de paix dans la construction tant et aussi longtemps qu'il n'y aura pas un seul travailleur professionnel travaillant dans l'industrie de la construction, tant et aussi longtemps qu'il n'y aura pas un seul employeur professionnel de la construction, tant et aussi longtemps qu'il n'y aura pas une seule définition des travaux de la construction. Il ne pourra pas y avoir de paix industrielle dans la construction tant et aussi longtemps que ne disparaîtra pas de la table de négociations le droit de véto et que ne siégeront pas à cette table ceux qui sont vraiment en mesure de prendre des responsabilités, de délibérer et de régler des problèmes.

Enfin, il ne pourra pas y avoir de paix industrielle dans la construction tant et aussi longtemps qu'une seule représentation efficace des parties ne sera pas assurée au niveau des différents comités.

Il faut bien l'admettre, les problèmes sont là. Si l'autorité gouvernementale veut assurer la paix industrielle, elle n'a qu'à trouver les solutions. Quant à nous, nous sommes prêts à collaborer à trouver les solutions qui pourraient remédier aux causes que nous venons d'énumérer et qui sont une menace constante à la paix industrielle de la construction.

Maintenant, il est évident, M. le ministre, que, pour la nième fois, on soumet peut-être des choses qui ont été dites dans le passé et des situations sur lesquelles l'attention des parlementaires a été attirée dans le passé.

Cependant, je pense qu'une fois pour toutes — c'est la conviction profonde du Conseil provincial des métiers de la construction — il va falloir qu'en toute objectivité on regarde les causes qu'on vient d'énumérer et qu'on essaie d'y trouver des solutions. Comme le disait hier le confrère Pepin, il est beau de se présenter devant une commission parlementaire, il est beau de déplorer certaines choses mais les lendemains doivent être efficaces. Si tout le monde s'est rencontré pour se dire bonjour, ça ne règle pas les problèmes le lendemain.

Le travailleur professionnel de la construction continue d'être là, l'industrie de la construction continue d'être là, les problèmes continuent d'être là. Avec ce qui s'en vient dans les travaux de construction dans la province de Québec, avec la nécessité économique que cette industrie de la construction fonctionne à plein rendement, rendement garanti par une stabilité à cause de la paix industrielle, il va nécessairement falloir, si on veut se donner l'occasion de consolider une fois pour toutes quelque chose, qu'on prenne des décisions qui pourront être qualifiées d'audacieuses mais il va falloir que ces décisions on les prenne.

Dans certains cas, l'Etat intervient et pose un geste qui paraît audacieux et qui l'est, il le fait. Je pense que dans d'autres cas et dans d'autres situations, si on veut consolider toute l'industrie de la construction en réglant les problèmes sociaux, les problèmes syndicaux comme les problèmes économiques, il va falloir nécessairement qu'une fois pour toutes on regarde la situation en face et qu'on arrête de penser que demain ce sera dangereux. Qu'on arrête d'être des anxieux et qu'on se dise qu'il faut éviter le pire en prenant des positions pour régler des problèmes qui sont d'abord humains et qui ont

une importance économique. Autrement, on sera obligé, tôt ou tard, d'intervenir et ce sera peut-être, comme le ministre le disait hier, douloureux pour lui. Encore une fois, parce qu'on a à régler des problèmes, il sera obligé d'imposer des décisions qui ne sont pas toujours acceptables pour les parties et qui créent un préjudice à tous ceux-là qui doivent travailler ensemble, le gouvernement, le patronat et le syndicalisme.

La recherche d'une solution, le rôle des parties. Dans une société qui évolue et où les rapports sont de plus en plus difficiles, il est évident que l'Etat se doit d'intervenir non pas pour protéger les intérêts particuliers mais bien ceux de la grande masse de la population. Par définition, c'est le seul rôle de l'autorité gouvernementale et de l'Etat de protéger le bien commun et l'ensemble de la population sans vouloir protéger des biens qui, trop souvent, sont particuliers. Ceci ne règle pas les problèmes de l'ensemble.

Nous admettons l'intervention de l'Etat dans les relations ouvrières dans l'industrie de la construction, ceci afin, s'il y a lieu, la preuve devant être faite, d'y mettre de l'ordre en réglementant les rapports et en protégeant, par des mesures minimums, les travailleurs.

L'Etat ne doit pas, par ses fonctionnaires ou autrement, pousser trop loin son intervention. Ce serait alors une atteinte à la libre initiative des parties qui, généralement, s'y connaissent beaucoup mieux que les fonctionnaires. Il ne faudrait quand même pas, à cause d'une évolution radicale dans les relations ouvrières-patronales dans l'industrie de la construction, trancher d'un seul trait un passé hautement valable qui n'a pas à son crédit que des devoirs. En effet, qu'il nous soit permis ici de rappeler l'expérience bénéfique des centres d'apprentissage, celle des comités paritaires, l'expérience des bureaux de placement syndicaux, etc.

Quand je regarde les discussions que nous avons eues hier et que nous avons aujourd'hui, évidemment, il y a la jungle dans la construction à cause d'une évolution radicale, rapide et à cause peut-être, en temps approprié, d'un manque de décision de l'autorité gouvernementale, et ça sans préjudice et sans aucune arrière-pensée.

Mais une chose est certaine, c'est qu'avant aujourd'hui, l'industrie de la construction a existé, avant aujourd'hui, les organisations patronales de la construction ont existé, avant aujourd'hui, les syndicats, dans le domaine de la construction, ont également existé. Ce matin, certains membres de la commission parlementaire disaient: Nous voudrions avoir telle réponse, telle réponse à telle ou telle chose. Il ne faudrait quand même pas qu'on impute toute la responsabilité de la réglementation des problèmes dans l'industrie de la construction aux groupes intermédiaires et aux parties qui sont concernées. Dans le passé, des initiatives valables ont été prises et de ces initiatives valables et de ces expériences valables, l'Etat en a quand même retiré une richesse, je pense, très profonde où elle peut puiser pour aider à régler certains problèmes qui ne sont pas nouveaux, des problèmes qui ont déjà existé et qui se réglaient, à toutes fins pratiques. Il ne faut pas non plus perdre de vue ce point.

Il ne faudrait pas, et je me répète, oublier non plus que c'est dans la construction que les unions de métiers de même que les organisations patronales ont fait preuve, à cause de leurs structures hautement spécialisées, de la plus grande maturité en matière de relations entre représentants de syndicats et représentants patronaux.

Nous soumettons qu'il y a présentement trop de lois. Nos gars, nos agents d'affaires ne sont ni des parlementaires ni des juristes. Tout en admettant qu'ils doivent se recycler, ils ne doivent certes pas le devenir. Les représentants syndicaux ne doivent pas non plus devenir des fonctionnaires au service d'un Etat qui devient de plus en plus omnipotent.

Le rôle de l'Etat n'est pas de remplacer les syndicats, de se substituer aux parties en matière de relations industrielles. Le rôle de l'Etat est d'aider, de promouvoir, de suppléer, de proposer et d'inspirer.

Je pense, M. le Président, et nous le soumettons très respectueusement, que l'Etat va constamment penser pour ceux qui, en somme, sont les piliers d'une démocratie. Et ce même Etat, on va le mettre en danger, parce que le jour où il n'y aura plus de groupe intermédiaire responsable, le jour où il n'y aura plus de groupe intermédiaire qui soit capable de prendre des responsabilités, le jour où on va continuellement essayer de penser à la place de ces gens-là, on va détruire les piliers de base de la démocratie, de même que toutes les institutions qui y sont, y compris les gouvernements qui ont autorité pour agir.

La base de l'organisation syndicale, au point de vue action, c'est un peu l'agent d'affaires. On ne doit pas faire des agents d'affaires, des administrateurs de règlements, de lois, d'arrêtés ministériels, et on ne doit pas faire, des agents d'affaires, des administrateurs de conventions collectives, de décrets ou d'autres choses, parce que les gars deviennnet des fonctionnaires. Leur rôle traditionnel de participants à l'élaboration d'une politique sociale, dans une démocratie qui se respecte, disparaît. Dans la mesure où il disparaît, ce sont les piliers de cette même démocratie qu'on met en danger, et un de ces piliers, c'est le mouvement syndical fort, dynamique et responsable à l'intérieur du dynamisme de ceux-là qui le représentent et qui le composent.

Le rôle de l'Etat n'est donc pas de remplacer mais d'aider, de promouvoir, de suppléer, de proposer et d'inspirer. Avec force, le Conseil provincial des métiers de la construction, nous nous opposerons à une intervention additionnelle de l'Etat dans nos affaires. Qu'on repense

la législation actuelle, d'accord. Qu'on l'amende ou qu'on y ajoute, afin de permettre la disparition d'une kyrielle de lois ou de règlements inutiles, d'accord. Cependant, nous estimons avoir les compétences et l'expérience nécessaires. Qu'on nous laisse donc, en conséquence, avec les associations patronales et les autres groupes intermédiaires, régler les problèmes qui, en définitive, ne regardent que nous.

Recommandations: Dans l'esprit de ce qui précède et afin d'y atteindre des idéaux communs, nous recommandons, premièrement, au niveau de la représentation syndicale: Tant et aussi longtemps qu'il y aura deux syndicats reconnus, prétendant représenter la force des travailleurs dans l'industrie de la construction, il y aura source de conflit. Qu'une fois pour toutes l'Etat insiste afin que les parties syndicales fassent la preuve de leur force. L'Etat a une responsabilité urgente. Son hésitation à agir le rend responsable des troubles que nous avons connus et que nous connaîtrons s'il n'intervient pas.

Nous ne nous opposons pas, évidemment, au principe du pluralisme syndical. Il ne faudrait quand même pas, sous le prétexte d'une seule concurrence syndicale, qu'on perpétue plus longtemps un régime de pluralisme syndical qui n'existe pas dans les faits. Le droit de parler, la force de parler, le pouvoir de décider n'est pas en fonction de soi-même, mais bien en fonction de la force que l'on représente dans les faits. Autrement, l'on crée des problèmes en voulant s'accrocher à tout prix, en l'occurrence, problèmes d'organisation, inefficacité dans les négociations collectives, conflits intersyndicaux, bien souvent accompagnés de violence, paralysie totale de certains chantiers, etc.

En regard donc de ce qui précède, le Conseil provincial des métiers de la construction recommande avec beaucoup d'insistance qu'un vote d'allégeance syndicale soit décrété sans délai dans toute la province de Québec parmi les travailleurs de la construction dûment enregistrés à la Commission de l'industrie de la construction.

Si l'on n'en arrivait pas à cette conclusion d'un vote d'allégeance syndicale pour toute l'industrie de la construction, parmi tous les travailleurs professionnels dans la province de Québec, sans égard au métier et aux régions, il nous faudrait alors rechercher une formule de compromis pratique agissante et démocratique qui donnerait aux parties syndicales représentatives une voix provinciale forte et agissante.

A cet égard, nous estimons que nul, en vertu de la loi et sur une base provinciale, ne pourrait représenter les travailleurs de la construction s'il ne possède pas un minimum de 35 p.c. de la force provinciale totale des travailleurs professionnels de la construction. Ce pourcentage, que nous croyons plus qu'équitable, s'appliquerait à toutes les instances de représentation syndicale, c'est-à-dire à tous les comités qui travaillent à l'exécution des différentes lois ou des différents documents contractuels des parties.

Amendements proposés. Nous suggérons donc — ici, je pense que je n'ai pas besoin de me référer aux lois, vous les connaissez — d'amender l'article 4 au chapitre III, Associations représentatives, pour que ledit article se termine après les mots "territoire du Québec" au lieu de "par région". Amender l'article 6 du chapitre III, Associations représentatives, tel que ci-après: Rayer à la troisième ligne de l'article les mots "ou dans une région déterminée"; à la septième ligne, remplacer le nombre de 20 p.c. par 35 p.c; à la huitième ligne, enlever les mots "suivant le cas"; à la neuvième ligne, enlever les mots "ou dans cette région".

Si la FTQ ne représente pas 35 p.c. des travailleurs professionnels de l'industrie de la construction, elle doit disparaître. Si la CSN ne représente pas 35 p.c. des travailleurs de la construction dans toute la province de Québec, elle doit disparaître. Si la CSD ne représente pas 35 p.c. des gars de la construction dans la province de Québec, elle doit disparaître. Mais, une fois pour toutes, il y a une seule industrie de la construction dans la province de Québec, il y a une seule province qui s'appelle la province de Québec, il y a un seul travailleur professionnel de la construction dans la province de Québec. Si c'est vrai que tout ça est un, ça doit être également vrai au niveau démocratique et au niveau de la représentation syndicale. S'il y a une unité qui représente vraiment la majorité des travailleurs de la construction dans la province de Québec, c'est là un représentant valable vraiment en mesure de régler des problèmes et un représentant qui aura vraiment l'autorité de parler au nom des travailleurs de la construction de la province.

Le maraudage permanent. L'exercice de la démocratie ne consiste pas par la loi spéciale à distribuer des faveurs sans fondement. Ce petit jeu facile et intéressé pourrait provoquer l'anarchie, paralysant de ce fait le fonctionnement de la démocratie elle-même.

A cet égard, le Conseil provincial des métiers de la construction dénonce le bill 58 (article 33 a) de la loi) et demande instamment que ledit article soit rayé de la loi. Son existence constitue une source permanente de provocation qui ne peut qu'engendrer les conflits.

Le maraudage syndical, article 7, chapitre 3, associations représentatives. La société, les travailleurs, de même que J'industrie, voient toujours avec une certaine anxiété les périodes de maraudage syndical. Si le maraudage devait demeurer une mesure souhaitable, nous suggérons que soient changées totalement les périodes d'intervention, afin de permettre à ceux qui doivent vivre ensemble après des luttes intersyndicales souvent dures et amères une période de détente pour, ensuite, mieux travailler à l'efficacité de la négociation collective.

Amendements proposés: Amender l'article 7, chapitre 3, association représentative, pour

que les nombres soient tels que ci-après: -La négociation doit commencer 120 jours avant l'expiration du décret. -Cette période de négociation serait précédée d'une période de détente de 10 mois. -Cette période serait elle-même précédée de 40 jours, soit "période dite de maraudage".

La solvabilité des employeurs. Le travailleur travaille essentiellement pour vivre. Son travail complété, il doit être payé. L'employeur devra ou disparaître, ou faire la preuve de sa solvabilité avant d'obtenir de la main-d'oeuvre spécialisée. Il devra faire la preuve de sa solvabilité en déposant à la Commission de l'industrie de la construction un bond de fidélité couvrant les salaires directs et indirects devant être payés à l'ensemble de ses salariés sur tel ou tel contrat. Son bond de fidélité étant déposé, la Commission de l'industrie de la construction décidera alors de sa solvabilité et émettra un certificat de solvabilité, lequel sera placé bien à la vue du public. Ce certificat est renouvelable à chaque contrat.

Tous les nouveaux employeurs devront, avant d'opérer, obtenir leur certificat de solvabilité. Les statistiques nous disent qu'à tous les ans il y a 4,000 nouveaux venus dans la construction pendant que 4,000 disparaissent. Peut-on indéfiniment, sous prétexte de la libre initiative, tolérer plus longtemps une telle anarchie économique, une telle fraude du public, surtout si l'on considère qu'en 1971, à l'occasion de faillites dans l'industrie de la construction, il s'est perdu plus de $898,000 en salaires?

Intervention discrétionnaire de l'Etat, bill 15. Le Conseil provincial des métiers de la construction est profondément convaincu qu'il y a toujours une relation de cause à effet. L'Etat protecteur de l'intérêt commun se doit, avant d'imposer des mesures draconiennes et coercitives dans les conflits sociaux, de rechercher d'abord et avant tout les causes de ces malaises.

On ne forcera jamais le coeur et l'âme de l'individu. Cela va pour les parlementaires, comme pour n'importe quel groupe de la société. On ne forcera jamais, à longue échéance, la masse à accepter ce qu'elle ne veut pas par la force. On peut temporairement régler une situation en imposant la peur. Nous soumettons, cependant, que ce n'est qu'un cataplasme sur une jambe de bois.

Dans cet esprit, le Conseil provincial des métiers de la construction déplore l'adoption du bill 15 et, en conséquence, demande son rappel.

Fonds de pension des travailleurs de l'industrie de la construction (bill 81). Le Conseil provincial des métiers de la construction soumet que l'Etat n'avait pas le droit de s'approprier les fonds versés par les travailleurs pour des fins bien définies, soit le plan de pension.

En se servant de son autorité législative, l'Etat a fait preuve d'abus d'autorité digne de certains régimes autoritaristes. Ces sommes appartiennent aux travailleurs de la construction et doivent servir les besoins économiques et sociaux de ceux-ci. Ils devraient être les seuls à disposer de ces montants.

Nous reconnaissons, bien sûr, à l'Etat un droit de regard et de surveillance afin d'éviter certaines erreurs qui ne peuvent qu'être humaines. Pourquoi ces montants, par exemple, ne serviraient-ils pas à assurer une plus grande stabilité dans l'industrie de la construction? Pourquoi ne serviraient-ils pas à la construction de logements à prix modique à l'intention des gars de la construction?

Pourquoi cet argent ne permettrait-il pas l'accessibilité à la propriété des gars de la construction, en fournissant des prêts sans intérêt? Pourquoi pas des services de secours financiers sans intérêt pour les gars de la construction, etc?

Nous considérons qu'il y a là, de la part de l'Etat, usurpation de pouvoir. Le Conseil provincial des métiers de la construction soumet que ses membres paient des taxes pour l'administration de l'Etat. L'Etat ne peut pas plus longtemps, en gardant des fonds qui ne lui appartiennent pas, imposer par voie de conséquence pour ses propres fins une taxe spéciale indirecte aux gars de la construction.

L'Etat finance ses services avec nos taxes. Qu'on nous laisse administrer nos services avec notre argent.

En conséquence, nous demandons le rappel du bill 81.

La négociation collective. Il est évident, si l'on veut assurer la paix industrielle dans ce secteur de la construction, que la négociation se doit d'être efficace. Si tous les éléments nécessaires à la réglementation des conflits n'ont pas leur mot à dire, l'efficacité de la négociation est absolument impossible.

Le Conseil provincial des métiers de la construction s'élève contre le droit de veto de certaines associations patronales à l'occasion des négociations. Nous recommandons que la loi soit faite de sorte qu'il soit permis, lors des prochaines négociations: a)une table générale; b)une table sectorielle.

La table générale aura la responsabilité de négocier tous les problèmes du travailleur comme tel. La table sectorielle aura la responsabilité de négocier les problèmes particuliers à certains métiers, à certains secteurs.

Les affiliés des associations patronales au niveau de la table sectorielle devront avoir l'autorité de faire entendre leur voix avec pouvoir de décision. Un amendement à cet égard doit être apporté à la loi.

La table générale demeure l'autorité absolue en matière de procédures et de ratification de contrat. La représentation à la table centrale ou aux diverses tables sectorielles est conditionnée par le chiffre de 35 p.c, tel que déjà mentionné.

Les exceptions (article 69). Le Conseil provincial des métiers de la construction soumet qu'à cause de son caractère hautement spécialisé il ne devrait y avoir aucune exception à la Loi des relations du travail dans l'industrie de la construction, de même qu'au décret régissant les relations des parties et stipulant les conditions de travail et de salaires.

Tous doivent demeurer égaux vis-à-vis de la loi. La responsabilité qui découle de cette même loi doit être conditionnée: a)par la nature du travail à accomplir; b)par la compétence de celui qui doit accomplir le travail.

En conséquence, si un entrepreneur quel qu'il soit fait du travail de la construction, il est régi par la loi et sujet aux stipulations uniformes du décret. Si un travailleur est déclaré compétent pour accomplir un travail de construction, il est sujet à la loi et soumis aux stipulations générales et uniformes du décret. Par conséquent, aucune exception à la loi et, en l'occurrence, l'article 69 doit disparaître.

Le bill 68 (travailleurs occasionnels). Le bill 68, constitue, à notre sens, une négation complète de toute l'histoire humaine de l'homme de métier.

Il ne saurait y avoir, en effet, deux catégories de construction pas plus que deux catégories d'hommes à l'intérieur d'un même métier. L'homme de métier ne devrait jamais être le fruit du hasard ou celui des circonstances. L'existence de ce bill établit une concurrence déloyale et avilit le métier comme tel. L'existence de ce bill décourage la spécialisation de nos hommes de métier, crée du chômage, engendre des conflits de toutes sortes et place les spécialistes de métier dans des conditions d'absolue insécurité.

L'existence de ce bill ouvre la porte à toutes les influences indues et permet à des employeurs non professionnels d'embarquer dans un domaine qui ne leur appartient pas tout en obtenant des privilèges très substantiels en retenant bien souvent les services d'une main-d'oeuvre de seconde main à des conditions qui, à toutes fins pratiques, selon certaines informations, sont inférieures à celles du décret.

De plus, ce bill protecteur d'une industrie parallèle (employeurs non professionnels) (employés non spécialisés) dans la construction remet entre les mains de son fonctionnaire une autorité discrétionnaire qui a agi et qui ne peut que continuer d'agir que contre nous.

Avec cette évolution inévitable du préfabriqué, par exemple, où serons-nous demain ? Où seront nos plombiers, où seront nos électriciens, nos menuisiers, nos "millrights", etc.

Tout en acceptant le progrès, nous condamnerons toute législation qui serait de nature: a)à avilir la noblesse du métier; b)à établir des métiers parallèles; c)à engendrer le chômage; d)à provoquer une concurrence déloyale sur le marché du travail.

Le Conseil provincial des métiers de la construction soumet que l'existence de ce bill constitue une menace directe et permanente à la paix industrielle dans l'industrie de la construction. Son rappel est urgent. 10- Sécurité d'emploi et stabilisation des revenus (règlement 2711).

Ce bill, à notre sens, constitue un des pas les plus progressistes du législateur en vue de l'avancement et de la promotion sociale des gars de la construction.

A cause du caractère essentiellement saisonnier de l'industrie, la sécurité d'emploi du travailleur devient impérative. Il s'ensuit que les études et le travail doivent s'intensifier afin d'atteindre l'établissement d'un salaire vital minimum et annuel garanti.

Pour ce faire a) L'inventaire des ressources humaines doit être aussi régulière que possible. b)La loi, par tous les moyens, doit assurer au seul travailleur professionnel détenant un permis de travail le droit au travail dans cette industrie de la construction. c)L'offre de la main-d'oeuvre spécialisée ne doit pas être supérieure à la demande. d)Le permis de travail, qui doit demeurer la propriété exclusive des parties, constitue le seul élément de contrôle de la force des travailleurs. (Amendement au règlement 2711). e)Le permis de travail ne doit être accordé que par l'organisme désigné par la loi que dans des cas absolus, là où il y a insuffisance de main-d'oeuvre pour répondre aux exigences du marché. f ) Le permis de travail constitue un droit sacré, droit accordé à la compétence professionnelle de ceux qui gagnent leur vie exclusivement de l'industrie de la construction. g) Le gouvernement ne devrait avoir aucune autorité sur l'émission des permis de travail.

En résumé, disons que le règlement 2711 dans son application doit, à longue échéance, régler le problème de l'homme au travail dans ce secteur.

Nous estimons que l'existence de ce règlement, pour les gars de la construction est capitale, à tel point que nous en ferons une condition sine qua non à la signature de toute convention collective de travail.

Il est évident que le règlement 2711 dans son application et dans son apport à certaines questions qui relèvent effectivement de la négociation collective peut grandement et largement aider à la réglementation de certains problèmes qui sont de juridiction de la négociation collective.

Bill 49, formation professionnelle. Le Conseil provincial des métiers de la construction n'est pas, évidemment, contre la loi sur la formation professionnelle de la main-d'oeuvre.

Toutefois, nous disons que cette loi ne devrait pas avoir autorité sur l'industrie qui nous préoccupe. Son existence amène dans ce secteur une main-d'oeuvre additionnelle que nous ne pouvons accepter tant et aussi longtemps qu'il n'y a pas preuve de surabondance.

D'autre part, s'il s'agit d'une intervention d'une tierce partie dans la compétence professionnelle, nous réprouvons cette intervention.

Nous nous inspirons toutefois des principes de base du bill 49 en recommandant la formation d'un comité général de formation professionnelle des métiers, lequel comité sera sous la juridiction des parties contractantes.

Conclusion. Disons que chaque fois que l'Etat intervient il doit le faire surtout et avant tout en vue de protéger la compétence professionnelle en s'inspirant du principe suivant: Dans la construction, il ne doit y avoir qu'une seule catégorie de travailleurs. Celui qui possède la compétence professionnelle, celui qui gagne régulièrement sa vie, c'est lui le travailleur professionnel qui, chaque fois qu'il travaille, doit recevoir des conditions uniformes dans tout le Québec.

Messieurs, je dois vous faire remarquer que ce mémoire est l'expression unanime de tous les affiliés du Conseil provincial des métiers de la construction. Il est évident que dans certains cas nous avons attiré votre attention sur des choses qui, selon la présentation même, semblent être impératives. Nous avons à coeur, avec l'autorité gouvernementale et les parties concernées, de régler les problèmes si on veut assurer la prospérité d'une entreprise tout en assurant la prospérité du travailleur professionnel.

Dans cet esprit nous n'avons pas le choix, des positions doivent être prises. Je vous remercie.

M. LE PRESIDENT: Merci, M. Lavoie. Est-ce qu'il y a des questions?

M. ROY (Beauce): J'aurais quelques questions, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Le député de Beauce.

M. ROY (Beauce): Je constate que dans le mémoire il y a certains points sur lesquels nous nous approchons, surtout — je le dis sans malice — lorsque vous parlez de prêts sans intérêts et de revenu minimum annuel garanti. Je pourrai y revenir; il s'agit d'un mécanisme, M. le Président, pour votre information. Cela commence là.

D'après le mémoire, la sécurité d'emploi est le problème no 1, le problème qui vous préoccupe au plus haut point. Vous admettez quand même qu'il y aurait trois secteurs dans l'industrie de la construction: le secteur public, qui comprend les constructions de routes, les constructions gouvernementales; le secteur commercial et industriel et le secteur privé. Il est évident que ces trois secteurs connaissent des variations d'une région à une autre du Québec et le secteur privé a une prédominance très prononcée dans les milieux ruraux, dans les petits centres de la province de Québec.

A partir de ces trois secteurs il y a, comme je viens de le dire, trois milieux différents. Vous avez le milieu exclusivement urbain, le milieu semi-urbain et le milieu rural. Sommes-nous d'accord sur ces principaux points?

UNE VOIX: Oui.

M. ROY (Beauce): Il y a dix régions économiques au Québec, du nord au sud, de l'est à l'ouest. Vous avez 108 comtés dans lesquels se trouvent près de 1,400 municipalités qui ont des problèmes différents les unes des autres et qui ont également des besoins différents. Le Québec a une très grande étendue.

Si on admet ces choses, est-ce qu'on est d'accord — j'aimerais tout de même qu'on s'entende sur certains principes de base au départ, avant d'aller plus en détail — que les emplois dépendent premièrement directement de la demande des consommateurs? Deuxièmement, il y a les budgets publics, qui conditionnent en quelque sorte une certaine partie de la construction, et aussi la demande qui vient des investisseurs. A partir de là, il y a tout de même un conditionnement qui est imposé par les taux d'intérêts. D'ailleurs, je pense que M. Laberge l'a mentionné hier, il y a les politiques monétaires et gouvernementales, les conditions économiques, en général, et le pouvoir d'achat des consommateurs, plus les inconvénients du climat que nous avons au Québec.

Ceci dit, la question que je pose est globale parce que c'est un problème global:

Croyez-vous sincèrement qu'on peut, à la lumière de tout cela, régler le problème de la sécurité d'emploi dans l'industrie de la construction en élaborant un décret, une convention collective ou autre chose.

M. LABERGE : Oui, très certainement, il n'y a aucune raison pour que ça ne puisse pas se faire. Quand on parle du consommateur ou de l'aspirant propriétaire, on se réfère toujours — enfin, hier, il y a une association d'entrepreneurs qui en a parlé — aux salaires des gars de la construction. Le ministre se souviendra très certainement qu'à l'avant-dernière commission parlementaire sur l'industrie de la construction les statistiques avaient été sorties et il était clairement démontré qu'à Montréal, par exemple, ça coûtait moins cher qu'ailleurs pour construire. Il y a des raisons à ça. Il y a la compétence des entrepreneurs aussi et ça, c'est un point bien important.

Maintenant, si on veut encourager les citoyens du Québec à devenir propriétaires de leur maison, il y a des moyens que l'Etat se doit de prendre: arrêter l'exploitation éhontée sur les terrains, faire disparaître la surtaxe de 11 p.c. sur les matériaux de construction, s'arranger pour que le capital soit disponible pour les citoyens du Québec qui veulent devenir propriétaires de leur maison à des taux d'intérêt qui ont de l'allure et non pas à 9 p.c., 9 1/4 p.c. et 9 3/4 p.c, comme c'est le cas aujourd'hui.

Si l'Etat légiférait dans un domaine où il doit

légiférer, où il doit prendre ses responsabilités, ça aiderait, beaucoup plus que n'importe quelle autre mesure, les citoyens du Québec à devenir propriétaires de leur maison et ça assurerait, bien sûr, beaucoup plus de travail dans l'industrie de la construction, ce qui nous rendrait beaucoup plus facile l'obtention d'une sécurité d'emploi.

M. ROY (Beauce): Si j'ai bien compris, vous estimez qu'il y aurait lieu d'intervenir à l'intérieur d'un décret, d'une loi, mais qu'il y a, quand même, un problème sur lequel le gouvernement doit aller plus loin, avoir des politiques qui favoriseraient plus de stabilité, plus d'investissements dans le domaine de la construction.

M. LABERGE: Très exactement.

M. ROY (Beauce): Mais nous savons que ces politiques n'existent pas à l'heure actuelle et qu'il y a quand même — je ne sais pas si le terme serait approprié — une espèce de "free for all", si vous voulez, dans toutes les régions du Québec. A un moment donné, les conditions économiques le permettent et on a un boom dans la construction; à un autre moment, les conditions économiques ne le permettent pas, nous avons des restrictions et des problèmes dans l'industrie de la construction.

Le problème auquel nous avons à faire face à l'heure actuelle, c'est beaucoup plus l'arrêté en conseil 2711 que le décret de la construction lui-même ou encore la qualification professionnelle. Les problèmes cruciaux que nous avons connus, c'était dû, justement, à l'arrêté en conseil 2711. On a vu, ce matin, par les statistiques et par les réponses qui nous ont été données, qu'il manque énormément de données.

Je vais laisser, tout simplement, les questions dont vous venez de nous parler relativement aux autres politiques du gouvernement pour en venir à un décret.

Alors, comment, selon vous, y a-t-il possibilité de concilier tous les problèmes qui se posent dans toutes les régions du Québec, en tenant compte de tous les impératifs dont l'industrie de la construction doit nécessairement tenir compte? Comment concevez-vous l'élaboration d'un décret et quelle solution proposeriez-vous, à l'heure actuelle, pour être en mesure de régler ce problème de façon à permettre aux travailleurs de la construction d'occuper un emploi lorsqu'il y a des emplois disponibles, et ce non seulement à Montréal, non seulement à Québec, mais dans nos régions, dans nos comtés afin que nous soyons en mesure de faire face aux demandes additionnelles qu'il y a?

M. LABERGE: Je pense que nous vous le suggérons assez clairement dans le mémoire. Nous vous disons: Mettez les vraies parties en présence, à la table de négociations, et nous pourrons nous occuper de nos affaires, régler nos problèmes. Cela laissera au gouvernement le temps de régler les autres problèmes qu'il devrait régler, par exemple, l'exploitation des terrains, les intérêts éhontés, le taux de location de l'argent, les surtaxes et tout le reste.

Si vous suiviez nos suggestions de vous retirer d'un domaine qui vous regarde moins que le domaine d'intérêt public, ça vous laisserait peut-être plus de temps pour vous occuper des autres problèmes qui sont d'ordre purement législatif.

Evidemment, les partenaires dans l'industrie de la construction ne peuvent absolument rien faire. Cela prend de la législation, encore une fois, pour empêcher l'exploitation éhontée sur les terrains et régler la question des taxes, la question des surtaxes, le taux de location de l'argent. Ce n'est pas nous, à la table de négociations, qui pouvons régler ce genre de choses.

M. ROY (Beauce): M. Laberge, je suis heureux de vous l'entendre dire. Je pense bien qu'on n'apprend rien à personne en disant que la question des prêts sans intérêt, de la spéculation sur les terrains, ça fait longtemps que nous en parlons et que nous demandons au gouvernement d'agir dans ce sens.

J'espère que le ministre du Travail va prendre bonne note de ces représentations et qu'il verra, au conseil des ministres, à faire les recommandations qui s'imposent. Je crois que ce serait dans son intérêt et que cela lui permettrait de régler beaucoup de ses problèmes.

M. LABERGE: On va l'écouter avec plaisir.

M. ROY (Beauce): C'est une question qui nous préoccupe au plus haut point. Cette année, disons qu'il y a 120,000 travailleurs dans l'industrie de la construction, à cause des conditions économiques favorables. L'an prochain, s'il y a une restriction dans la construction, dans différentes régions du Québec, il y en aura moins. Il y a certaines variations. Si , par suite des études qui pourraient être faites par la Commission de l'industrie de la construction, seulement 80,000 travailleurs pouvaient trouver du travail, quel mécanisme proposeriez-vous pour que des milliers de travailleurs de la construction ne soient pas brimés de leurs droits? Comment pensez-vous qu'un mécanisme puisse être organisé de façon qu'on assure qu'il n'y ait pas trop de discrétion et qu'il n'y ait pas d'injustice commise?

Je pense qu'on a beaucoup parlé de la paix industrielle dans l'industrie de la construction. Je suis heureux qu'on en parle, parce que cela fait partie de ce qu'on pourrait appeler la paix sociale tout court. Mais s'il y a 20,000 travailleurs qui ont travaillé dans l'industrie de la construction depuis deux ans et qu'on leur refuse leur permis de travail, quels sont les problèmes? De quelle façon pourrait-on envisa-

ger de résoudre ces problèmes pour éviter le pire?

M. LABERGE: Je suis bien heureux que vous me posiez cette question. Vous me permettrez de vous dire que, quand les députés ou d'autres personnes se servent de leur influence pour embarquer d'autres gars dans l'industrie de la construction, cela n'atténue pas le problème, cela l'accentue. Ce qu'il nous faut absolument, c'est d'arrêter de faire des hommes de métier, alors qu'il existe déjà un surplus dans certains métiers. C'est la première chose à faire.

Bien sûr qu'on ne peut pas arriver du jour au lendemain et dire qu'il y a 20,000 gars de trop dans la construction, qu'on va en choisir 20,000 de façon arbitraire. On ne peut pas faire cela. Mais on peut arrêter d'en embarquer à tous les jours des nouveaux dans l'industrie de la construction et il y a des départs naturels. Il y a des gars qui, pour toutes sortes de raisons, peut-être par rapport à leur âge, à leur santé, vont sortir de l'industrie de la construction. Il y a évidemment l'attrition naturelle. Si on ferme le robinet au départ, avec le temps, cela va se stabiliser. On ne peut pas faire cela du jour au lendemain, comme vous le disiez. Il y a des droits acquis là-dedans. Même si les gars n'avaient pas travaillé dans l'industrie de la construction l'an dernier pour n'importe quelle raison, ce sont des gens qui ont gagné leur vie dans la construction, qui ont des compétences. On ne doit pas, arbitrairement, les empêcher d'y revenir.

Je pense que les parties contractantes peuvent facilement, entre elles, trouver des mécanismes qui permettront la réduction graduelle de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction, sans causer d'injustice ou de préjudice à qui que ce soit.

Il est évident que, même la meilleure formule, ne réglerait pas tous les problèmes. Cela se peut que dans certaines régions il y ait, à un moment donné, un manque de main-d'oeuvre dans certains métiers. Là aussi, ce n'est pas compliqué du tout de trouver des formules qui pourraient combler ce genre de lacunes, au fur et à mesure qu'elles se présenteront.

M. ROY (Beauce): Etant donné les problèmes auxquels nous avons à faire face et les délais qu'il faudrait à la Commission de l'industrie de la construction pour avoir un inventaire plus global, plus complet, est-ce que vous accepteriez, pour maintenir la paix industrielle dans l'industrie de la construction — je vais employer le terme de M. Lavoie, parce que c'est important, en somme — d'exclure les artisans et d'exclure aussi les régions rurales qui n'ont pas une certaine quantité de population? Je pense que nous sommes tous conscients que la construction qui se fait dans ces milieux est de type très artisanal. Ce sont des petits contrats qui n'intéressent pas les gros entrepreneurs et qui n'intéressent pas les gens.

Il y a de grandes difficultés qui peuvent causer des préjudices assez sérieux aux employés professionnels qui travaillent dans la grosse industrie de la construction, que ce soit le secteur public ou commercial ou industriel. Des problèmes sont amplifiés par le fait qu'on a tenté de prendre peut-être la bouchée trop grande, en incluant toutes les régions rurales du Québec et tous les travailleurs artisans.

Pour avoir plus de paix sociale, pour permettre de franchir une étape, est-ce que la FTQ serait prête à accepter que les artisans soient exclus — en tenant compte des régions rurales comptant, par exemple, (je vais mettre un certain chiffre) 3,000 ou 5,000 âmes — de l'arrêté en conseil 2711?

M. LABERGE: Quand vous parlez des artisans, vous parlez de la plaie véritable de l'industrie de la construction. Il n'y a rien de pire que ça pour l'industrie. Ce sont" des gens qui ne respectent aucun règlement de sécurité. Quand il arrive des accidents sur des chantiers, c'est surtout à cause de ces gens-là. Ils font de la concurrence déloyale parce qu'ils ne respectent pas les taux du décret, ils font ce qu'on appelle des "jobbines", ils prennent des contrats à meilleur marché que les entrepreneurs qui veulent respecter les taux du décret, qui veulent respecter les normes de sécurité. Ils se dépêchent comme des fous, la qualité de la construction s'en ressent parce qu'ils prennent des contrats à tellement bon marché qu'ils sont obligés de travailler quasi jour et nuit pour les faire et pour gagner au moins un salaire un peu raisonnable.

Les artisans, c'est la plaie de l'industrie de la construction. Non seulement on ne serait pas d'accord pour les exclure mais si on pouvait trouver un moyen pour les empêcher de fonctionner, ce serait bien. Parmi les 4,000 qui apparaissent et disparaissent chaque année, la plupart sont de ces gens-là qui, parfois, travaillent avec un ou deux autres et qui, à un moment donné, arrêtent de prendre des contrats, ils déclarent faillite, et il y a des travailleurs qui y perdent.

Là-dessus, au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, unanimement — et ce n'est pas souvent que les patrons et les travailleurs s'entendent au conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre — on s'est entendu à l'unanimité sur le bill 51 qui essaierait de mettre de l'ordre dans l'industrie de la construction en ce qui a trait aux entrepreneurs.

On en parle, dans notre mémoire, qu'il devrait y avoir un bon de fidélité. Dans le bill 51, il y avait une autre formule, ça n'a pas tellement d'importance, la formule. Ce qui est important toutefois c'est qu'on mette de l'ordre là-dedans et qu'on s'assure que ceux qui veulent entreprendre des travaux dans l'industrie de la construction soient des employeurs responsables. Le bill 51 est prêt depuis trois ans, en autant que je puisse me souvenir. Vous adoptez beaucoup de lois chaque année, vous en changez

surtout beaucoup; peut-être bien qu'un jour vous pourriez adopter celle-là qui réglerait un très gros problème dans l'industrie de la construction.

M. ROY (Beauce): Vous n'êtes pas d'accord qu'en ce qui a trait aux artisans il serait quand même bon de faire une distinction entre un entrepreneur artisan qui va faire de la concurrence aux entrepreneurs dans les grands centres et le petit entrepreneur artisan dans les régions rurales. Quand même, je ne suis pas d'accord avec ce que vous venez de dire que les artisans ont fait de la mauvaise construction dans tout le Québec. Venez dans la région rurale, venez dans mon comté en particulier, dans les autres comtés, vous allez trouver de très belles résidences qui ont été faites par des artisans.

Le problème est là. Supposons que, à une distance de 75 ou 100 milles de la ville de Québec, une personne désire se construire une résidence, un professeur d'école, par exemple, qui enseigne au niveau primaire dans une petite municipalité; va-t-il faire venir un gros entrepreneur pour construire la maison? Comment régler le problème?

M. LABERGE: Le professeur d'école dans une petite municipalité gagne le même salaire que le professeur d'école dans une grosse municipalité et il est capable de payer le même prix pour sa maison.

M. ROY (Beauce): Oui, mais là je pense qu'il y a quand même l'entrepreneur qui va partir de la ville pour venir construire une maison.

M. LABERGE: Oui, c'est ça.

M. ROY (Beauce): La maison ne coûtera pas le même prix dans une petite municipalité qu'en ville. Vous avez dit vous-même, tout à l'heure, que la construction coûte moins cher à Montréal qu'ailleurs, qu'il y a plus de facilités.

M. LABERGE: Par rapport à la compétence des entrepreneurs justement. Encore une fois, la plaie de l'industrie, enfin une des plaies de l'industrie de la construction ce sont les artisans. Les artisans qui vont aller acheter cinq livres de clous à la fois au lieu d'acheter un baril de clous, ça ne revient pas au même prix. Et c'est nous qui payons pour ça. Nous ne sommes pas en faveur de faire disparaître tous les entrepreneurs ou enlever toute chance à un nouvel entrepreneur d'entrer dans l'industrie de la construction, mais nous voudrions que tous les entrepreneurs soient régis par les mêmes lois et soient obligés de respecter les mêmes règlements que tous les autres. Il ne devrait pas y avoir de faveur spéciale. On dit justement, dans le mémoire, qu'il ne devrait pas y avoir d'exception et vous nous demandez si nous voudrions les exclure. On ne veut pas les exclure, on croit qu'il y a déjà de l'injustice parce qu'il y a des exceptions. Il ne devrait pas y en avoir.

M. ROY (Beauce): Quand j'ai parlé de les exclure, c'est en vertu de l'arrêté ministériel 2711, ce n'est pas en vertu du décret de la construction comme tel, et ce n'est pas en vertu de la loi de la qualification professionnelle.

C'est en vertu de l'arrêté en conseil no 2711, relativement aux permis de travail. C'est uniquement sur ce point, parce que j'avais pris la peine de dire, auparavant, que le problème que nous avions eu à envisager surtout et qui avait compliqué tout le problème, dans tout le Québec, et qui est en train de causer des préjudices très sérieux aux employeurs du secteur industriel et du secteur commercial, dans l'industrie de la construction, c'était justement le fait qu'on avait obligé les artisans, les petits entrepreneurs et les travailleurs des régions rurales à être régis par le même décret, alors que la Commission de l'industrie de la construction admet elle-même ne pas avoir été capable d'avoir toutes les données pour faire l'inventaire des travailleurs disponibles ou de ceux qui avaient travaillé.

J'avais proposé cela. Je vous avais demandé si vous seriez d'accord sur ce point, pas sur la question de la qualification professionnelle, pas sur la question du décret de la construction, mais en vertu de l'arrêté en conseil no 2711.

M. DESJARDINS: Cela désiquilibre tout notre système, si vous admettez que ces gars sont exclus de la construction. Prenez Montréal, par exemple. Pour 50 p.c, peut-être, et dans certains métiers, pour beaucoup plus que cela, ce sont des gars des régions rurales qui travaillent là. Ces gars deviendront des gars de la construction. Quand il n'y aura plus d'ouvrage, ils s'en viendront à Montréal avec des droits acquis, ou à Québec, ou dans les grandes centres. Comment voulez-vous que nous fassions la rationalisation du revenu si tous les travailleurs de la province de Québec ne peuvent pas être englobés dans une seule analyse?

M. ROY (Beauce): A ce moment-là, je reprends vos propos. Si vous donnez un permis de travail à ce travailleur, parce qu'on a démontré la nécessité de lui en accorder un, à ce moment-là, il va aller à Montréal, mais si vous ne lui donniez pas de permis de travail et si on le laissait travailler dans les régions rurales, il n'irait pas vous déranger en ville.

M. LABERGE: De deux choses l'une: Ou bien il sera couvert et il aura des droits, ou bien il ne le sera pas. S'il est couvert et a le droit de s'en venir à Québec, à Montréal, à Trois-Rivières ou à Drummondville et de réclamer son statut de travailleur de la construction, vous ne pouvez pas, pendant trois, quatre ou cinq mois, lui dire: Tu es exclu. Il faut qu'il soit ou dedans, ou dehors.

Nous, nous figurons que, dans l'intérêt des travailleurs eux-mêmes, il faut qu'ils soient dedans, parce que c'est là qu'ils établiront leurs droits acquis, c'est là qu'ils en obtiendront,

pour pouvoir aller travailler ailleurs. Parce que, dans sa région, le gars aura peut-être une maison à construire, mais il peut attendre plusieurs mois avant d'en avoir une autre. Il faudra qu'il aille travailler ailleurs.

Nous ne pouvons pas avoir deux sortes de travailleurs professionnels dans l'industrie de la construction. Il faut en avoir rien qu'une sorte.

M. ROY (Beauce): Mais en partant encore du milieu rural, pour ce même travailleur de la construction qui travaille dans un secteur artisanal du milieu rural, il y a quand même 50 p.c. de la construction, dans le milieu rural, qui se fait au niveau de l'agriculture, des bâtisses de fermes et autres. Or, ce n'est pas dans le décret, ce n'est pas régi par le décret.

M. LABERGE: Ce n'est pas régi.

M. ROY (Beauce): Vous avez quand même énormément de municipalités qui font des travaux municipaux, qui, à l'heure actuelle, ne sont pas régis par le décret et dont on ne reconnaît même pas les heures pour les classifier. J'ai eu à débattre des cas et à faire parvenir des lettres au ministre. Il y a des gens qui ont besoin d'un permis de travail pour conduire des camions dans le secteur de la baie James. Le type a toujours travaillé dans l'industrie de la construction avec des camions. Il travaillait, par exemple, pour des municipalités depuis quatre et cinq ans. Il est donc habitué dans ce domaine. Mais parce que le secteur de la construction dans ce domaine n'est pas reconnu par les lois, ce type se trouve pénalisé.

M. LABERGE: C'est en plein ce que je vous disais tantôt. C'est qu'il aurait dû être reconnu, au temps où il travaillait dans de petites municipalités. Il n'aurait pas de problèmes maintenant. Mais parce qu'il n'a pas été reconnu, il a des problèmes.

Si vous ouvrez la porte toute grande, comment ferez-vous pour contrôler la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction? Il faut qu'il y ait un certain contrôle. Je n'ai rien contre le gars qui a une terre et qui travaille sur sa terre huit mois par année. Mais les quatre autres mois, quand il vient dans l'industrie de la construction, je n'ai rien contre cela non plus, sauf qu'il empêche un gars qui gagne sa vie dans l'industrie de la construction de travailler. Ce n'est pas une question de donner des chances à quelqu'un. Il y a 60,000 ou 70,000 emplois dans l'industrie de la construction et il y a 120,000 gars d'enregistrés. Il n'y a pas d'ouvrage pour les 120,000. C'est aussi simple que cela.

Si on veut essayer un jour de donner de la stabilité d'emploi, une sécurité d'emploi aux gars de la construction — et nous tenons mordicus à leur en donner — il faut qu'on contrôle la main-d'oeuvre. Pour contrôler la main-d'oeuvre, il faut que tout le monde qui travaille dans l'industrie de la construction soit régi par la loi et par le décret qui dirigeront toute l'industrie de la construction. Autrement, il n'y a pas moyen d'établir de contrôle.

M. ROY (Beauce): Vous parlez d'établir un contrôle de cette façon, mais vous avez quand même admis, je pense, tout à l'heure, que lorsqu'il y a du travail dans l'industrie de la construction, on doit s'efforcer de voir à ce que les gens puissent exécuter ce travail.

M. LABERGE: C'est bien sûr.

M. ROY (Beauce): A partir de là, le problème se pose au moment où il y a régression dans l'industrie de la construction. C'est là que je me demande sérieusement et en toute honnêteté de quelle façon on va procéder, de quelle façon les travailleurs pourront être traités avec justice, le jour où la Commission de l'industrie de la construction, ou le ministère du Travail, ou la FTQ, ou la CSN, peu importe, dira: Toi, tu ne travailleras pas parce qu'il y a une restriction mais c'est l'autre qui va travailler à ta place. Le problème est là.

Vous l'avez souligné tout à l'heure, il faudrait qu'il y ait des politiques incitatrices...

M. LABERGE: D'accord.

M. ROY (Beauce): ... pour donner une meilleure stabilité et que l'industrie de la construction ne fasse pas ça, mais qu'elle ait une courbe ascendante.

M. LABERGE: Moi, je suis convaincu que la Commission de l'industrie de la construction va pouvoir régler ce problème. Il faut se rappeler qu'il n'y a pas tellement longtemps — ça fait un an et demi environ — vous aviez 14 ou 18 décrets dans l'industrie de la construction. A ce moment-là, les conditions et les salaires étaient différents, la mise en application des décrets variait d'une région à l'autre. Dans certaines régions, les décrets étaient respectés, tandis que, dans d'autres, ils ne l'étaient pas.

La Commission de l'industrie de la construction est née, il y a environ un an et demi. Les 15 décrets sont devenus un. La Commission de l'industrie de la construction n'a peut-être pas encore en main toutes les informations nécessaires, mais moi, je suis convaincu qu'elle va les obtenir. Maintenant, vous avez un seul décret pour le Québec et vous avez une seule façon d'appliquer le décret. C'est extrêmement important. Cela ne varie pas d'une région à l'autre.

Il y a encore, bien sûr, un certain rodage à faire. Il y a encore des représentants qui ne sont pas, peut-être, tout à fait expérimentés dans la façon de mettre en application le décret, mais, moi, je suis convaincu que la Commission de l'industrie de la construction pourra, dans un avenir très rapproché, nous donner toutes les informations, nous dire que, dans telle région, il y a pénurie de tel métier et un surplus de tel

autre métier. De cette façon, on sera beaucoup plus en mesure de voir à combler ces lacunes et à changer de certains métiers à d'autres pour essayer de donner une stabilité dans l'industrie de la construction.

Il y a des formules que nous ne pourrons pas trouver, bien sûr, cet après-midi, mais nous sommes d'accord qu'un gars qui travaille dans l'industrie de la construction ne devrait pas être empêché d'y gagner sa vie parce qu'il a travaillé dans une petite municipalité. C'est pourquoi nous estimons que tout le monde doit être couvert. Si nous faisons des exceptions, des exclusions, c'est là qu'on commence à être obligé d'agir de façon arbitraire.

M. ROY (Beauce): Alors, de quelle façon suggérez-vous, à l'heure actuelle, que ce problème crucial que nous vivons à l'heure actuelle dans nos petites régions puisse être réglé, de façon à éviter que des personnes ne soient obligées d'attendre 5 à 6 semaines avant de pouvoir exécuter le travail pour lequel on est prêt à les engager maintenant?

M. LABERGE: Cela ne relève pas de nous.

M. DESJARDINS: Si ce sont de nouveaux gars de la construction, ils ont de la difficulté à entrer dans la construction. Peut-être que ça leur prend 7 à 8 semaines avant d'obtenir le permis, comme vous le dites. Par contre, il y a des gars qui, après 6 ou 7 mois, des vrais gars de la construction, ne sont même pas capables d'entrer, parce que justement il y en a des nouveaux qui entrent. Et ça, nous en avons à la tonne.

M. ROY (Beauce): Je comprends, mais il y a un autre point. Je l'ai mentionné tout à l'heure. Il y a 1,400 municipalités dans la province de Québec. Allez dans la municipalité de Saint-Y, par exemple, où il se construit deux résidences. Est-ce que les gens de l'endroit vont accepter...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! C'est le deuxième tour avec les 1,400 municipalités. Est-ce que la commission peut accepter qu'il y a une différence d'opinion entre le député de Beauce et les représentants de la FTQ, mais qu'il y a accord commun sur les valeurs de la Commission des métiers de la construction? Nous pourrions continuer. Nous ne réglerons pas, je pense bien, le problème, à savoir si les artisans ont une valeur ou s'ils n'en ont pas, s'ils devraient être inclus ou pas. On en discute, tout le monde est d'accord.

M. ROY (Beauce): Oui, nous en discutons. Pourquoi sommes-nous ici? Nous avons demandé la convocation de la commission pour discuter de ce problème.

M. LE PRESIDENT: Il y a un désaccord, c'est admis. Nous le reconnaissons. Eux ne changeront pas d'idée, vous ne changerez pas d'idée, non plus. A quoi sert de se répéter?

M. BROCHU: Ce n'est pas une question de désaccord ou d'accord, M. le Président. Il s'agit de trouver une lumière à travers la discussion. Je pense que la commission parlementaire a été convoquée à cet effet.

M. LE PRESIDENT: Cela ne regarde pas la FTQ de prendre la décision ou de trouver la façon de régler cela. Vous êtes d'accord que c'est la commission qui doit le faire. Passez donc à autre chose.

M. ROY (Beauce): Mais je veux savoir de la part de la FTQ, étant donné qu'elle est...

M. LABERGE : Il faut comprendre que nous, nous sommes ici, à votre demande, pour vous dire ce que nous en pensons. S'il y a des questions, nous allons essayer d'y répondre. Ce n'est pas à vous de régler ce problème.

M. LE PRESIDENT: Oui, la roue tourne, mais elle n'est pas nécessairement toujours à la même place. Si vous avez d'autres questions, posez-les. Disons que, pour le moment, il y a un désaccord, nous le reconnaissons tous. Passez à un autre sujet.

M. ROY (Beauce): Ce n'est pas une question de désaccord. Je voulais, tout simplement, préciser et souligner le problème réel qui explique pourquoi nous avons fait notre motion en Chambre. C'est moi qui ai présenté cette motion. Je reconnais que ça ne me donne pas de droit particulier, mais, quand même, nous en arrivons au point crucial. Il s'agit de la mobilité de la main-d'oeuvre. Les gens ne veulent pas aller d'une région à l'autre. Les gens du milieu, qui sont en chômage — je parle de paix industriel — n'acceptent pas que des gens de l'extérieur viennent prendre leur emploi chez eux, alors qu'ils sont justement capables de faire les travaux, qu'ils les ont déjà faits dans le passé.

Mais, à cause des délais administratifs, on ne reconnaît pas leur compétence et leurs droits.

C'est tout simplement ça. M. le Président, je termine là-dessus. Je pourrai y revenir plus tard.

M. LE PRESIDENT: Je suggère, comme je l'ai fait ce matin, de passer par-dessus le discours de deuxième lecture, le discours de troisième lecture. Posons des questions, obtenons des réponses brèves et procédons. C'est ce que je demande. S'il faut faire un tour d'horizon chaque fois qu'on pose une question, on sera ici jusqu'à Pâques. Il y en a d'autres qui attendent, c'est une question de respect. Je regardais tout à l'heure; nous étions pas mal endormis, je pense. Alors, il faudra peut-être reconnaître les droits des autres.

M. BROCHU: Il ne faut pas faire de projection.

M. LE PRESIDENT: Non, je ne suggère rien.

M. ROY (Beauce): Nous, nous ne dormons pas.

M. LE PRESIDENT: C'est entendu, vous ne pouvez pas dormir en parlant, c'est aussi clair que ça. Alors, est-ce que vous avez d'autres questions?

M. LABERGE: On ne voudrait pas que les députés se chicanent à l'occasion de notre mémoire.

M. LE PRESIDENT: Non, non. Le député de Saint-Maurice.

M. DEMERS: Merci, M. le Président. A la page 9 du mémoire, on nous dit qu'il faudrait que le gouvernement prenne position et qu'on choisisse un représentant syndical.

M. LABERGE: Ce n'est pas tout à fait ce que nous disons.

M. DEMERS: Bien, vous dites...

M. LABERGE: Le gouvernement devrait permettre la tenue d'un vote dans tout le Québec et ce sont les travailleurs qui choisiront le syndicat qu'ils veulent avoir, pas le gouvernement.

M. DEMERS: Non, vous voulez que le gouvernement prenne une décision pour que les parties intéressées puissent voter. C'est ça que vous voulez.

M. LABERGE: Cela fait au moins trois ou quatre fois que nous avons l'occasion de le répéter. Nous sommes convaincus que, pour avoir véritablement une paix durable dans l'industrie de la construction, il faut qu'il y ait un syndicat fort et véritablement représentatif.

M. DEMERS: Un seul?

M. LABERGE: Un seul. Nous sommes convaincus de ça. Nous vous l'avons dit à trois ou quatre reprises. Nous n'avons pas changé d'idée.

M. DEMERS: Vous voudriez que le gouvernement traite, dans une loi ou un règlement, les travailleurs de la construction de la même façon que nous allons traiter les cultivateurs dans la loi 64 en ayant simplement un organisme représentatif?

M. LABERGE: Vous avez déjà décidé qu'il y aurait un vote chez les fonctionnaires, par exemple, pour qu'il n'y ait qu'un syndicat. Soit dit en passant, nous avions été exclus du vote. Vous avez déjà décidé ça pour les fermiers, je ne vois pas que ça soit scandaleux que vous décidiez qu'il y ait un vote dans l'industrie de la construction. Si vous ne le faites pas, nous sommes en train de le faire nous.

M. DEMERS: Vous considérez que c'est prioritaire qu'actuellement le gouvernement prenne position?

M. LABERGE: Cela l'est peut-être moins que ça l'était mais enfin.

M. DEMERS: Oui.

M. COURNOYER: Si je comprends bien, malgré le fait que vous requérez que le gouvernement fasse la loi qui permettrait qu'il y ait un vote de représentation syndicale, vous temporisez un peu par rapport à vos premières opinions en parlant des 35 p.c. qui sont là. Comment est-ce que je marie un vote avec les 35 p.c? C'est quoi?

M. LABERGE: Pour qu'un syndicat soit représenté à la table de négociation aux différents comités, il devrait au moins avoir 35 p.c. des travailleurs. Si on est pour être plus d'un syndicat dans l'industrie de la construction, si on est pour être deux, que ce soit deux qui soient au moins représentatifs. S'il y en a un troisième qui n'est pas représentatif, qu'il ne soit pas là, qu'on ne l'ait pas dans les jambes toujours.

M. COURNOYER: En fait, est-ce que vous n'arrivez pas à la même conclusion dans les deux cas? Qu'est-ce qui arrive s'il n'y a pas de 35 p.c? Si j'ai bien compris la diatribe tantôt, le syndicat disparaît.

M. DESJARDINS: C'est ça.

M. COURNOYER : Donc, ça veut dire que le vote devrait avoir lieu. Après le vote, ceux qui ont 35 p.c. demeurent à une table de négociation et ceux qui ne les ont pas décollent.

UNE VOIX: Du tout.

M. LABERGE: On risque de décoller.

M. DESJARDINS: A la table, ah oui, regardez bien ça.

Il y a le maraudage de 40 jours. Après le maraudage, vous comptez les effectifs de part et d'autre et là vous dites si oui ou non l'un demeure, qui demeure, ainsi de suite.

M. COURNOYER: Non, mais il disparaît disons...

M. DESJARDINS: Ce n'est pas un vote entre les autres. Après ça vous allez voir les effectifs de chacune des centrales.

M. LABERGE: Vous n'aimeriez pas prendre cette chance de nous voir disparaître si on perd les élections?

M. COURNOYER: On s'interroge. M. DESJARDINS: On se sacrifie.

M. COURNOYER: Oh! C'est un gros sacrifice.

M. LE PRESIDENT: Le député de Dorchester.

M. COURNOYER: Vous parlez au nom de combien de personnes?

M. DESJARDINS: Pardon?

M. COURNOYER: Vous parlez avec autorité et démocratie, mais combien êtes-vous?

M. DESJARDINS: Voulez-vous qu'on aille les chercher? Vous pourrez même les voir. Laissez-nous faire des appels téléphoniques. Vous m'avez dit de venir tout seul. Je suis venu tout seul et vous dites encore que ça ne veut rien dire.

M. COURNOYER: Non, je n'ai pas dit cela. Je demande au nom de combien de personnes vous parlez.

M. DESJARDINS: Tout à l'heure, dans notre mémoire, nous avons parlé de 70,000 personnes.

M. COURNOYER: Vous représentez 70,000.

M. DESJARDINS: Nous sommes prêts à vous présenter nos dossiers n'importe quand.

M. COURNOYER: Je ne veux pas faire la preuve; je veux savoir au nom de combien de personnes vous parlez. 70,000?

M. DESJARDINS: On représente 70,000 travailleurs.

UNE VOIX: Si vous voulez les rencontrer. M. COURNOYER: Sur 120,000?

M. DESJARDINS: Si vous le dites, ce doit être ça.

M. COURNOYER: J'ai compris ça.

M. LABERGE: 120,000 enregistrés. Il y a une petite différence. On ne représente pas que des chômeurs. Sur 120,000, il y en a 85,000 qui travaillent. Nos 70,000 ne travaillent pas tous les jours, toutes les semaines.

M. DESJARDINS: Chez nous, un membre, c'est un travailleur qui paie continuellement, qu'il travaille ou non. Si le gars ne travaille pas pendant trois, quatre ou cinq mois, il n'est plus considéré comme membre, suivant nos statuts. C'est pour cela qu'on dit que ceux qui paient toute l'année, les cotisants en règle, sont compris dans ce chiffre. On ne va pas chercher ceux qui ont signé avec nous, mais qui, par contre, paient seulement lorsqu'ils travaillent.

M. LABERGE: Ai-je besoin de vous faire remarquer, M. le ministre, que j'étais bien heureux de votre question.

M. COURNOYER: Ce doit être difficile de les réunir tous en assemblée générale; ça doit prendre une grande salle.

M. DESJARDINS: On fonctionne par métier. N'importe quand, si vous voulez rencontrer des métiers particuliers, vous nous le laisserez savoir et nous vous inviterons.

M. COURNOYER: M'inviter pour aller à votre assemblée générale?

M. DESJARDINS: Oui, n'importe quand. Parfois, il y a justement des gars qui se demandent où est Me Cournoyer pour pouvoir lui parler.

M. COURNOYER: Il est visible un peu partout, M. Cournoyer.

M. DESJARINS: A des places particulières. Si vous doutez de leur nombre, venez les rencontrer.

M. COURNOYER: Je ne doute pas du nombre. Vous représentez 70,000 personnes et je dis que ce doit être dur de les réunir en assemblée générale, c'est tout.

M. DESJARDINS: D'après nos structures, non. Nous le faisons par région, par métier.

M. LABERGE: C'est évidemment un peu compliqué, mais c'est plus facile que de réunir les électeurs.

M. COURNOYER: C'est plus facile de prendre le risque du vote aussi. Quand on en a 70,000 comme ça, on peut dire: Je prends le risque du vote.

M. LABERGE: Nous sommes "gamblers", nous.

M. DESJARDINS: On récolte, ça fait longtemps.

M. DEMERS: Cela fait une base. J'aurais une autre question. Sur le maraudage permanent, il y a à l'article 2: "L'exercice de la démocratie ne consiste pas, par la loi spéciale, à distribuer des faveurs sans fondement." Pourriez-vous nous préciser ce que cela veut dire exactement? Cela veut dire quoi, à la page 10? "Ce petit jeu facile et intéressé pourrait provoquer...

M. LABERGE: Quelle page?

M. DEMERS: Page 10, le maraudage permanent, article 2, premier paragraphe. "... l'anarchie, paralysant, de ce fait, le fonctionnement de la démocratie elle-même? C'est lorsque vous demandez le rappel du bill 58.

M. LABERGE: C'est la reconnaissance de la LSD.

UNE VOIX: La CSD.

M. LABERGE: Il y avait une procédure établie dans la loi qui disait à quelle période une autre centrale syndicale pouvait se faire reconnaître dans l'industrie de la construction. La procédure est toujours dans la loi. Nous, nous disons: Pas de faveur spéciale; il y a déjà des procédures d'établies. On vous suggère de les changer, mais, si vous ne les changez pas, les centrales syndicales qui veulent se faire reconnaître devront au moins suivre les procédures déjà établies par la loi. C'est ce dont on parle, pas de faveurs spéciales.

M. LE PRESIDENT: Le député de l'Assomption, sur le même sujet.

M. PERREAULT: Vous avez dit que vous désireriez qu'un seul organisme représente tous les travailleurs tie la construction. Advenant ce cas, quel serait le pourcentage que vous demanderiez, 51 p.c?

M. LABERGE: Le pourcentage?

M. PERREAULT: Oui, le pourcentage requis pour être le seul organisme représentatif.

M. LABERGE: Evidemment, s'il n'y avait qu'un syndicat; il faudrait qu'il représente au moins la majorité des travailleurs, bien sûr. Encore là, on ne demande pas un régime de faveur, ni un régime spécial. Maintenant, 50 p.c. c'est loin d'être trop fort. C'est pour ça que nous pouvons prendre ce risque.

M. VEILLEUX: C'est pas fort.

M. LABERGE: On ne sait jamais. Vous savez que l'on ne connaît le résultat d'un scrutin qu'une fois que les votes sont comptés.

M. DEMERS: Est-ce pour ça que vous ne voulez pas qu'il en entre d'autres?

M. LABERGE: Non, nous ne voulons pas des cotisations...

M. JOBIN: Nous voulons avoir de l'ouvrage pour nos membres à la place.

M. LABERGE: C'est ça.

M. JORON: C'est très facile de dire: laissez- en entrer; nous on se bat pour ne pas ouvrir les portes. Par contre, si nous voulions, ça nous ferait beaucoup plus de cotisations. Mais ce n'est pas des cotisations que nous voulons.

M. LABERGE: Justement, et je suis bien heureux que vous ayez posé la question. Si nous étions égoïstes, nous serions sans doute en faveur d'augmenter le nombre de travailleurs enregistrés dans l'industrie de la construction. Ce n'est pas ce que nous voulons. Ce que nous voulons, c'est que les gars, des professionnels dans l'industrie de la construction puissent gagner honorablement leur vie dans l'industrie de la construction sans être obligés de s'expatrier, comme ils sont obligés malheureusement de le faire trop souvent.

M. LE PRESIDENT: Le député de l'Assomption.

M. PERREAULT: Une deuxième question, seriez-vous prêt à accepter un référendum pour déceler cette tendance, comme le bill 64, pour prouver que vous avez la majorité?

M. LABERGE: Oui, nous sommes prêts à accepter un vote référendum, d'accord.

M. LE PRESIDENT: Le député de Dorchester.

M. GUAY: M. le Président, je tiens à dire au tout début que si tout le monde était d'accord, il est bien sûr que la commission parlementaire ne siégerait pas aujourd'hui; c'est pour ça qu'elle siège, parce que nous ne sommes pas tous d'accord.

Ai-je le droit de faire des commentaires, M. le Président, je vous demande la permission avant?

M. LE PRESIDENT: Non.

M. GUAY: Uniquement poser des questions?

M. LE PRESIDENT: Oui.

M. GUAY: Je le retiens et je me ferai un plaisir de vous l'indiquer quand d'autres se permettront de faire des commentaires.

M. LE PRESIDENT: Non, posez vos questions.

M. GUAY: M. le Président, vous dites, dans votre mémoire, que vous acceptez jusqu'à un certain point l'intervention de l'Etat. J'aimerais savoir, M. Laberge, clairement, où doit commencer et où doit finir, dans les relations patronales-ouvrières, l'intervention de l'Etat?

M. LABERGE: C'est-à-dire que quand nous acceptons l'intervention de l'Etat, là aussi je pense que notre mémoire est assez clair, nous

disons que l'Etat doit intervenir le moins possible.

Il est évident que l'Etat doit toujours avoir un droit de regard, de surveillance, nous sommes entièrement d'accord avec ça. Mais les parties devraient régler elles-mêmes leurs problèmes. Et une fois le problème crucial réglé, le droit de veto à la table de négociation, qui rend toute négociation futile, la représentation syndicale, une fois ces problèmes réglés, nous sommes convaincus que les parties contractantes dans l'industrie de la construction pourront régler les problèmes. Maintenant, nous ne disons pas à l'Etat: Ne vous en occupez pas du tout. L'Etat, encore une fois, doit avoir un droit de regard, un droit de surveillance parce qu'il doit surveiller l'intérêt commun.

M. GUAY: Merci.

M. COURNOYER: Dans le même ordre d'idée, M. le Président, l'intervention de l'Etat n'est pas souhaitée, et je pense bien que c'est normal de l'entendre dire de la part de ceux qui ont présenté le mémoire, sauf dans certaines limites. On se pose la question quand même. Admettons qu'un autre conflit se dégage, et que vous ne pouvez pas vous entendre malgré l'absence du droit de veto? Si tout le monde avait la garantie que sans droit de veto ça réglerait tout! Cela dépend du droit de veto de qui? Il y a toujours un veto dans cette histoire, il y en a un qui ne veut pas signer et il y en a un qui veut qu'il signe. C'est comme ça le veto, en plus du droit de veto à l'intérieur des parties, qui existe dans la loi actuelle et qui est construit...

M. LABERGE: ... la dernière fois, vous allez comprendre, quand les constructeurs de routes, par exemple, s'objectaient et usaient de leur droit de veto, pour empêcher les conditions de travail des constructeurs d'ascenseurs, ça fait un peu drôle. Les ascenseurs, il n'y en n'a pas beaucoup sur les routes.

M. COURNOYER: Oui mais ça fait aussi parfois un peu drôle, semble-t-il, que les constructeurs d'ascenseurs décident comment on construit des routes, c'est pareil dans les deux cas.

M. LABERGE: Oui, cela n'aurait pas été plus logique.

M. COURNOYER: C'est universel. Mais la question que je veux poser, c'est quand vous dites non à l'intervention de l'Etat, dans la loi actuelle des relations de travail, il y a des mécanismes, lorsque vous ne vous entendez pas, il y a l'intenvention du ministère du Travail, j'imagine, comme c'est le cas ailleurs.

M. LABERGE: Et c'est pour ça, M. le ministre, que nous n'avons pas dit aucune intervention de l'Etat. Mais nous disons le moins possible. D'ailleurs, la dernière fois, si vous vous souvenez, lorsque vous avez imposé un décret, on a dit que nous n'étions pas d'accord avec l'imposition d'un décret mais que nous reconnaissions que, dans les circonstances, il n'y a quasiment pas d'autre solution. On a reconnu cela.

M. COURNOYER: Oui, tout le monde l'a reconnu à plus ou moins brève échéance, mais il reste que, de toute façon, ce que nous avons fait a été d'intervenir dans des contenus. Quand je dis que tout le monde l'a reconnu, je veux dire que les gens ont accepté l'état de fait du décret sans vouloir accepter qu'il y ait décret et sans aimer cela, mais on l'a pris.

M. LABERGE: Si on a besoin de vous autres, on viendra vous le demander. Mais ce qu'on vous suggère, c'est d'attendre qu'on vous le demande.

M. COURNOYER: Oui, mais attendez un peu. Un instant! Un instant! Je comprends, mais j'ai le droit de penser que vous demandez à l'Etat d'intervenir lorsque vous n'êtes plus capables de régler vos problèmes tout seuls.

M. LABERGE: C'est un peu normal, non?

M. COURNOYER: Mais ce que vous recherchez, c'est de les régler tout seuls, sans intervention de l'Etat?

M. LABERGE: C'est ça.

M. COURNOYER: Mais êtes-vous capables de régler vos problèmes tout seuls?

M. LABERGE: On va essayer. Ce sera la première fois depuis un moment que nous serons capables de faire ça.

M. COURNOYER: Si vous aviez l'assurance et la garantie que l'Etat n'interviendra pas, est-ce que cela vous aiderait à régler vos problèmes seuls?

M. DESJARDINS: Avec les lois actuelles qui sont promulguées...

M. LABERGE: Un gars a-t-il le droit de prendre son souffle?

M. COURNOYER: Non, mais avec les lois telles qu'elles sont, je n'ai aucun pouvoir...

M. LABERGE: Quelle était la question? UNE VOIX: C'était une bonne question.

M. COURNOYER: Je ne voudrais toucher personne. Je dis: Cette loi, en fait, si je pouvais m'assurer qu'au prochain voyage il y aura des

amendements, possiblement... Nous sommes ici pour discuter des révisions possibles aux lois actuelles qui vous régissent, mais il y a une chose qu'il y a dedans et qui n'y est pas en même temps, c'est qu'il y a toujours cette possibilité de décret de l'Etat, à la fin. Ce que personne n'aime, de votre côté, de façon habituelle, mais ne pensez pas que nous aimons cela de notre côté.

M. LABERGE: Attendez un peu. C'est un peu différent. Il y a la possibilité dans la loi que l'Etat finisse par donner le décret à la demande des parties. Ce n'est pas la même chose.

M. COURNOYER: Oui, mais je ne parle pas de ce décret.

M. LABERGE: Ah bon! D'accord.

M. COURNOYER: Je parle de ne pas régler vos différends par décret. C'est de cela que je parle. Je ne parle pas de ne pas passer de décret.

M. LABERGE: Si vous adoptez les amendements qu'on vous suggère et si vous réglez le problème de la représentation syndicale, nous sommes convaincus que nous n'aurons pas besoin de votre intervention. On va régler nos problèmes tout seuls.

M. COURNOYER: A bon entendeur, salut! A ceux qui pensent que j'ai à coeur la paix sociale au Québec, devant une telle déclaration de bonne foi et le fait qu'il n'y aura pas de problème dans la construction au mois de mars ! Je suis placé dans la drôle de situation de dire qu'en refusant le vote, je m'engage à ce qu'il y ait une grève au mois de mars. Parce que cela ne se réglera pas au mois de mars.

M. LABERGE: Non, pas du tout. Non, nous pensons que cela peut se régler avant.

M. COURNOYER: Vous le pensez. Il y a une autre chose qui me trouble un peu. J'aimerais savoir ce qu'il y a de si mal dans le bill no 15. Cela fait deux ou trois fois que je me fais accuser par les différentes parties syndicales et on me dit qu'il faut que je retire le bill no 15. Qu'est-ce qu'il y a dans le bill 15? Est-ce la manière dont il a été adopté?

M. LABERGE: Au sujet du bill 15, il y a eu une situation malheureuse à un endroit donné au Québec, vous avez adopté une loi générale censément pour régler ce problème et vous avez enfargé tout le monde avec le bill no 15.

M. COURNOYER: Dans quel sens?

M. LABERGE: Je vais essayer de...

M. COURNOYER: S'il vous plaît.

M. LABERGE: Le bill 15 empêche directe- ment les gars de la construction de régler leurs problèmes. Vous connaissez assez bien l'industrie de la construction pour savoir que, dans l'industrie de la construction, si quelque chose ne marche pas à un chantier, vous ne pouvez pas faire de griefs comme cela se fait dans l'industrie ordinaire. Parce que quand cela fait trois mois que le grief court, le chantier est terminé ou l'entrepreneur a déjà fait faillite. Cela ne marche pas comme ça.

Dans plusieurs cas, surtout quand il s'agissait de la sécurité des travailleurs, le délégué du chantier faisait des représentations et si la situation n'était pas corrigée, dans plusieurs cas, il y avait un arrêt de travail, parce que la vie des gars était en danger. Le bill no 15 nous empêche de faire ce genre de chose. Encore une fois, ce que nous avons trouvé de pire dans le bill no 15, c'est que voulant régler un problème particulier à Sept-Iles, vous avez adopté le bill no 15 pour tout le Québec, sans aucune consultation, bien sûr. Pourtant, vous nous aviez donné l'assurance, à plusieurs reprises, que lorsqu'il y aurait des lois affectant les travailleurs, ce serait avec plaisir que vous entendriez leurs revendications.

M. COURNOYER: Oui.

M. LABERGE: Mais le bill no 15 a été voté une fois le problème réglé.

M. COURNOYER: Ah oui?

M. LABERGE: Le chantier était ouvert. Vous avez dû le faire fermer pour voter votre loi. Vous avez envoyé un télégramme à la compagnie lui ordonnant de fermer le chantier. Il était ouvert.

M. COURNOYER: Ah! on est bien! UNE VOIX: Cela, c'est fort.

M. COURNOYER: Est-ce que le problème était réglé?

M. DESJARDINS: Oui, et très bien à part ça. Bien plus, l'entrepreneur lui-même, j'étais là, le matin concerné, pas le matin de la bagarre, parce que j'étais dans l'avion, j'étais même à Montréal.

Dans vos avertissements, vous disiez: Dédé, reste tranquille, mais Dédé n'était même pas là. Avec l'habitude, on entend son nom de même et on dit: C'est ça, les gens mangent avant de se coucher et ça les porte à rêver.

Tout en acceptant ça, le matin même, je suis arrivé environ deux heures après, par avion, et on a rouvert la "job", le lendemain matin. Cela allait très bien, il n'y avait aucun problème. Même, il y avait des ouvriers de la CSN et de la FTQ qui étaient rentrés travailler côte à côte le matin et il n'y avait plus de bataille. A midi, l'entrepreneur m'appelle et dit: André, je suis obligé de fermer la "job". Pourquoi? Qu'est-ce

qu'il y a? Il dit: Je sais que c'est une folie, mais je suis obligé; j'ai les ordres de plus haut. C'est là qu'on a appris qu'il y avait eu, le matin, des sorties à l'emporte-pièce, disant: C'est effrayant; il faut régler l'anarchie de Sept-Iles. Or, il n'y en avait plus.

M. COURNOYER: Qu'est-ce qui vous a fait régler ça si vite que ça?

M. LABERGE: Les pompiers arrivaient une fois le feu éteint.

M. COURNOYER: Une chance qu'on n'est pas à un procès; tout le monde aurait le droit de parler pour savoir s'il était vraiment réglé, le problème.

M. LABERGE: Nous aimerions ça, malgré que nous ne soyons pas juristes.

M. COURNOYER: Sans être juriste, là, je suis en train de m'obstiner avec vous.

M. LABERGE: Est-ce qu'il y a d'autres problèmes à Sept-Iles présentement? Ce n'est pas le bill 15 qui a réglé les problèmes.

M. COURNOYER: Il y a d'autres problèmes: les bouts de tuyaux qui sont coupés, les affaires qui disparaissent.

M. DESJARDINS: Les gars le regrettent. M. COURNOYER: Ils regrettent quoi?

M. DESJARDINS: Cela ne me donnerait rien de plaider non coupable; vous ne me croiriez pas.

M. LE PRESIDENT: C'est la vertu qui prédomine. Autres questions?

M. PERREAULT: Ce bill 15, avec l'article 33 à la fin, ne vous aide pas en vertu de la qualité de vos services, à recruter la majorité des membres parmi les travailleurs?

M. DESJARDINS: J'aimerais bien que vous me donniez l'interprétation de l'article 33 a). On lui donne cette interprétation et, par contre, de côté, on dit: Ce n'est pas ça que ça veut dire. Dites-nous que ça veut dire. C'est l'interprétation que je lui donne, avec la décision rendue à Hull. Par contre, les parties patronales, par le truchement de leur avocat, disent que jamais cela ne veut dire ça. On rencontre le gouvernement et celui-ci nous dit: Ah! Peut-être que ça veut dire ceci, peut-être que ça veut dire ça. Des patins très affilés!

M. PERREAULT: Vos avocats, à vous, qu'est-ce qu'ils disent?

M. LABERGE: On pense que c'est couvert, mais on nous dit que non.

M. DESJARDINS: On est des "chums", pourvu qu'on paie.

M. LE PRESIDENT: Autres questions? M. DESDARDINS: M. le ministre... M. COURNOYER: Oui, mon cher.

M. DESJARDINS: ... pourriez-vous répondre à la question du député sur l'interprétation de l'article 33 a), s'il vous plaît?

M. COURNOYER: Je peux toujours vous dire comment, moi, je l'interprète. Les patins! Je peux vous dire honnêtement comment, moi, je l'interprète. Maintenant, je ne suis pas juge et vous le savez. Ce n'est pas sub judice, il n'y a pas de jugement en cours actuellement? Est-ce qu'il y a des procédures en cours? Je ne voudrais pas tout mêler, là.

M. DESJARDINS: Vous allez très bien.

M. COURNOYER: Le voilà, mon patin, c'est sub judice. Je ne peux pas parler.

M. DESJARDINS: Tiens, tiens! Est-ce que ça répond à votre question, M. le député? Après ça, si on fait quelque chose parce qu'on pense que la loi veut dire ça, il va dire: Reste tranquille Dédé, fâche-toi pas, laisse-nous faire avec nos lois. Ils ne veulent rien dire, seulement quand ça leur tente.

M. COURNOYER: Ah non!

M. PERREAULT: En admettant que ça rencontre votre point de vue, ce n'est pas bon pour vous autres, ce bill 15 là?

M. LABERGE: Pour répondre très directement à votre question, en supposant que ce soit ouvert comme nous pensons que ça l'est, ça rend la période de maraudage plus longue. C'est le seul effet que cela a.

M. COURNOYER: Cela vous aide.

M. LABERGE: Nous ne sommes pas contre. S'ils nous disent que ça compte, ceux qu'on signe présentement, on est correct, on est gras dur.

M. DESJARDINS: On va vous dire que ce n'est pas la solution, le maraudage permanent, par exemple. Ce sont des batailles continuelles sur les chantiers et on ne veut même pas ça. Cela peut nous aider à aggraver la situation; ce n'est pas ce que nous voulons.

M. COURNOYER: D'accord.

M. DESJARDINS: Même s'il y en a d'autres qui pensent le contraire. On a dit: Il y a quarante jours. Pourquoi demander quarante

jours un an avant les négociations? Que pensez-vous que vous faites? Les quarante jours ça finit dans le milieu de décembre. Le 1er janvier, vous dites aux deux gars: Asseyez-vous ensemble et soyez raisonnables, ne faites pas les fous. C'est effrayant, les gars, ne pas s'entendre plus que ça! Ils nous entraînent pour quarante jours. Belle loi!

M. LE PRESIDENT: Le député d'Iberville.

M. CROISETIERE : A la page treize de votre mémoire, vous demandez le rappel du bill 81, le fonds de pension des travailleurs de la construction. Au septième paragraphe, vous mentionnez: Pourquoi ne servirait-il pas à la construction de logements à prix modiques à l'intention des gars de la construction et pourquoi cet argent ne permettrait-il pas l'accessibilité à la propriété aux gars de la construction, en fournissant des prêts sans intérêt? Vous demandez pourquoi ces sommes ne serviraient pas. Pourriez-vous nous dire si vous aviez des projets en veilleuse ou des programmes d'établis auxquels ce fonds de pension aurait pu servir?

M. DESJARDINS: Nous avions des projets à prix modiques, à Boucherville. La seule place qu'on peut obtenir de l'argent, c'est aux prêts hypothécaires. Nous avions notre argent, mais nous ne l'avons plus. Nos projets sont donc à l'eau. Il faut aller ailleurs. Ailleurs, ils ne veulent pas.

M. CROISETIERE: Je voulais savoir si vous aviez des projets.

M. DESJARDINS: Oui. Nous avons acheté des terrains, nous avons tout acheté. Les plans ont été déposés, ainsi de suite. Nous pouvons vous montrer tous nos projets.

M. LABERGE : Pour votre information, au niveau de la FTQ, il y a un comité d'habitation, qui avait préparé de très beaux et de très bons projets, qui ont été refusés par la Société centrale d'hypothèques. D'ailleurs, nous allons sortir cela bientôt. Cela fait partie du scandale de la Société centrale d'hypothèques, qui accepte des projets épouvantables alors qu'on construit des taudis et qu'on les vend une fortune. Nous autres, nous avions de bons projets, qui ont été refusés. D'ailleurs, nous allons sortir cela bientôt.

Dans le bill 81, vous le savez, il y a un comité consultatif des gars de la construction, qui peut suggérer. Ce que nous voulons, c'est l'argent des gars de la construction. Pourquoi n'auraient-ils pas le droit de décider quoi faire avec leur argent? D'ailleurs, je peux vous dire que la Régie des rentes et la Caisse de dépôt n'ont pas fait merveille avec cela. Je ne sais pas si le ministre du Travail est au courant mais, selon le dernier rapport que j'ai eu, il y aurait plusieurs millions — $4 millions, $5 millions ou $6 millions, je ne le sais pas — qui auraient été perçus des travailleurs de la construction et ils ne savent pas à qui cet argent doit être crédité. C'est la situation actuelle.

M. DESJARDINS: Dans le bill 81, il était dit qu'une fois par année le travailleur serait informé de son fonds de pension, des contributions et de combien elle étaient. Nous n'avons encore rien reçu d'eux. Rien, rien reçu.

M. CROISETIERE: Pourriez-vous informer la commission du montant qui était en fonds, lors du transfert?

M. DESJARDINS: Présentement, on n'est pas loin des $100 millions.

M. LABERGE: Présentement, mais, dans le temps, c'étaient, grosso modo, $50 millions. Cela était seulement pour la région de Montréal.

M. DESJARDINS: Présentement, dans toute la province, c'est $100 millions. Et nous avons des prêts. Présentement, ils nous rapportent 6.4 p.c. ou 6.9 p.c. Par contre, il y a 0.5 p.c. qui s'en va pour l'administration. Nous autres, présentement, nous sommes capables d'avoir 7 3/4 p.c. et 8 1/4 p.c. en n'importe quel temps.

M. CROISETIERE: Est-ce qu'il y a des personnes que vous aviez pour...

M. DESJARDINS: Nous avions le Trust général du Canada.

M. CROISETIERE: C'est très bien.

M. LE PRESIDENT: Je m'excuse auprès du député de l'Assomption, qui n'avait pas terminé. J'avais passé la parole au député d'Iberville.

M. PERREAULT: J'avais une autre question à poser. On a vu, depuis le début des auditions, que certaines entreprises ont de la difficulté à recruter de la main-d'oeuvre. On a vu que certains vont au Centre de main-d'oeuvre. Cela semble être la minorité. La majorité va au bureau de placement des centrales syndicales. Quelle est votre position? Voyez-vous, éventuellement, la disparition de vos bureaux de placement pour les confier soit au Centre de main-d'oeuvre, soit, comme je l'ai mentionné ce matin, à la Commission de l'industrie de la construction?

M. DESJARDINS: Présentement, qu'est-ce qui reste aux unions pour s'occuper de leurs ouvriers? Le plus beau service que nous puissions donner, à l'employeur comme à l'ouvrier, c'est de trouver de l'emploi. Dans chaque métier, il y a environ cinq ou six spécialisations. Demain matin, si vous mettiez n'importe où des centres de main-d'oeuvre pour faire du placement, jamais ils ne seront capables d'avoir autant d'efficacité que nous autres. Je vais

prendre mon métier, par exemple. Il y a à peu près cinq ou six spécialisations. Pour un gars de 55 à 60 ans, je connais l'entrepreneur qui appelle, je sais ses besoins à lui. Je ne peux l'envoyer chez cet entrepreneur parce que deux jours après il sera congédié et cela lui coûtera un montant d'argent respectable. Quant à nous, nous gardons nos gars dans leur juridiction. Cela aide très bien soit le travailleur, soit l'employeur. L'employeur aime beaucoup mieux nos services. C'est prouvé jusqu'ici.

M. PERREAULT: Je suis bien content de vous l'entendre dire.

Etant donné que je me suis occupé de la baie James un certain temps, j'ai eu beaucoup de personnes de la région du nord-ouest qui sont venues me voir pour travailler. Le Centre de la main-d'oeuvre pour l'Abitibi n'avait pas d'emplois pour elles, alors je les ai référées à la FTQ et elles ont eu des emplois.

M. DESJARDINS: Je vais vous dire autre chose; je demande à tous les membres du Parlement, n'importe quand qui voudront avoir la preuve du fonctionnement de nos bureaux de placement — j'espère un jour qu'ils vont nous dire oui — de venir et de s'asseoir pour voir comment fonctionne notre bureau de placement et nous allons être bien contents de leur prouver son efficacité. Depuis qu'il y a la chicane entre les bureaux de placement syndicaux et les centres de main-d'oeuvre, personne n'a répondu à notre appel. Et nous avons fait cet appel à tous les niveaux. Venez voir comment ça fonctionne, et nous n'en avons pas honte. Vous n'avez pas besoin de payer $10 ou $15 pour avoir un emploi.

M. PERREAULT: Pour la construction, dans votre optique, le centre le main-d'oeuvre pourrait ne pas exister et ce serait aussi bon?

UNE VOIX: Cela équivaut à ça. UNE VOIX: C'est très clair.

M. BURNS: Ils l'ont dit eux-mêmes, ce matin. Il me semble que j'ai entendu M. Gagnon dire ce matin que ce n'était pratiquement pas possible, les centres.

M. MARCHAND: Nous aimons mieux l'opinion de M. Laberge.

M. BURNS: Laissez faire, nous parlons entre gens intelligents, le député de l'Assomption et moi.

M. MARCHAND: C'est ce que nous faisons actuellement.

M. DESJARDINS: Il est bien entendu que certains employeurs aiment mieux le centre de main-d'oeuvre. S'il y a un travailleur qui s'est plaint qu'on avait chargé le temps et demi, ils se disent: Nous sommes mieux d'aller au centre de main-d'oeuvre parce qu'aux bureaux syndicaux, on va nous envoyer des gars qui se plaignent des conditions de travail et nous allons être obligés de les payer suivant le décret. Il y en a, de mauvais employeurs. Les bons employeurs trouvent très bons les bureaux syndicaux de placement.

M. LABERGE: Et on peut affirmer que, généralement, les associations patronales dans l'industrie de la construction sont très heureuses du service rendu par les bureaux de placement. Certaines peuvent se plaindre de certaines choses, c'est bien sûr, il n'y a rien de parfait en ce bas monde; mais de façon générale, elles sont très satisfaites.

M. MARCHAND: Des vierges offensées, nous en avons assez.

M. COURNOYER: Avant d'aller plus loin sur les bureaux de placement, ce matin le député de Maisonneuve a posé une question. Il y a 51,000 travailleurs qui ont postulé un emploi aux bureaux de placement du Québec depuis le mois de janvier. Là-dessus, il y en a 15,000 qui ont été placés par les centres de main-d'oeuvre du Québec. C'est une pénétration meilleure que l'année dernière, parce qu'il y a eu les imbroglios, la qualification. Bien sûr, les gens étant occupés dans les centres de main-d'oeuvre — et vous le savez en particulier, vous...

M. BURNS: Des gens de tous les secteurs? Seulement de la construction.

M. COURNOYER: Seulement de la construction.

M. BURNS: Il y en a eu 15,000 qui ont été placés sur 51,000.

M. COURNOYER: C'est le rapport que j'ai ici.

M. BURNS: Est-ce que c'étaient des hommes de métier ou des journaliers?

M. COURNOYER: Je n'en ai aucune idée sur les rapports que j'ai ici.

M. LABERGE: Cela vous donne une réponse. Maintenant, nos informations sont que nous, nous en plaçons à peu près ça par mois, 15,000. Ce n'est pas de la vantardise. Apparemment, c'est un fait.

M. PERREAULT: Est-ce que vous ne croyez pas qu'il serait utile de donner une priorité régionale aux détenteurs de permis de travail avant de penser à d'autres régions?

M. LABERGE: Nous sommes entièrement en faveur de donner la préférence d'emploi régionale. Comme vous le savez, André Desjardins vient de mentionner le métier de plombier. Il y a cinq spécialisations là-dedans et ça se peut que dans une région, il y ait un plombier en chômage mais qu'il ne satisfasse pas aux exigences du poste qui est vacant et il faut prendre un gars d'en dehors. Mais nous sommes — et ça irrévocablement — en faveur d'une préférence d'emploi aux gars de la région.

M. COURNOYER: Disons que...

M. DESJARDINS: Advenant le cas présentement qu'un métier spécialisé a besoin d'environ 20 personnes pour Sept-Iles — il y a bien des demandes pour Sept-Iles — et est divisé à travers la province de Québec, deux dans certaines régions où nous avons des rapports par nos bureaux de placement qu'il y a des gars à ne rien faire, dépendant de la demande au prorata des travailleurs régionaux qui sont envoyés dans la région donnée, nous faisons ça nous-mêmes.

M. COURNOYER: D'autre part, sur la priorité régionale qui existait dans le no 4119 — si je me souviens bien — elle avait été remplacée par l'obligation de payer des frais de transport et des frais de pension.

M. DESJARDINS: C'est ça.

M. COURNOYER: Ce qui a le même effet, à toutes fins utiles. Un employeur aime mieux employer les gens de la région parce qu'il ne paie pas les frais de déplacement.

M. PERREAULT: La critique s'adresse à l'ouvrier artisan qui travaille seul. J'ai connu des cas, l'an dernier, où je pense qu'on est rendu à des cas de folie pure. J'ai vécu un cas, chez moi. C'est une vieille femme qui a fait réparer ce qu'on appelle un comptoir dans sa cuisine. Elle a employé un menuisier et on l'a poursuivie par rapport à ça. Alors, quand on va dans des cas de rénovation d'un montant minime, je crois qu'on va trop loin.

M. LABERGE: Là, évidemment, ça dépend aussi des règlements, des lois, du décret. Si c'est un cas particulier... Qui l'a poursuivie? Est-ce que c'est la Commission de la construction?

M. PERREAULT: La Commission de la construction.

M. LABERGE: On serait bien prêt à regarder les cas particuliers.

M. PERREAULT: Je crois que, dans l'habitation, les cas minimes d'entretien et de rénovation mineure ne devraient pas entrer dans le décret de la construction.

M. LABERGE: Bien, justement, c'est de là que vient la difficulté. Où est-ce que ça arrête le "mineur"?

M. PERREAULT: Mettez un montant.

M. DESJARDINS: Pas longtemps après, mettons que c'est $500 le montant, puis c'est un travail de $5,000, on la donne en dix sections. Jusqu'ici ç'a été prouvé que c'est l'abus complet.

M. LABERGE: Si vous permettez, on a eu l'expérience de ça quand il y avait 14 ou 15 décrets. Il y avait des contrats en bas de $50,000, je pense, qui n'étaient pas couverts. Ce qui arrivait, c'est que l'entrepreneur général les donnait à dix entrepreneurs et ça faisait des contrats en bas de $50,000.

M. PERREAULT: Oui, mais il faut distinguer entre un petit cas de rénovation dans une habitation qui coûte $10,000 une fois construite. Je ne mentionne pas la construction de la maison; je parle de rénovation, finir une chambre, finir un comptoir, changer une porte de place; ce sont des cas de rénovation, j'entends. Et en agissant comme ça, ce qui arrive, c'est qu'au lieu d'avoir plus d'emplois, on en a moins parce que les gens en se faisant écoeurer comme ça, ont dit: On ne fera pas de rénovation.

M. LABERGE: Oui. Quand il y a de la réglementation, il y a toujours une possibilité d'abus, c'est sûr. Par contre, quand vous allez voir un médecin, même s'il ne vous soigne pas, il vous charge le même prix. Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise? Si vous avez besoin d'un homme de métier pour un petit travail, il mérite le même salaire pour le temps qu'il passe sur le travail. Si c'est un petit travail, ça devrait lui prendre moins de temps. Il devrait être régi quand même.

M. PERREAULT: Je ne nie pas qu'il devrait être régi de quelque manière que ce soit mais en le régissant comme sur les gros travaux et en mettant les mêmes restrictions, je crois qu'on va faire fausse route.

M. LABERGE: Il y a plusieurs milliers de travailleurs qui sont régis par le décret de la construction mais qui ne font jamais de construction. Ils ne font que de l'entretien et de la rénovation. Il faut qu'ils soient régis ceux-là aussi. Il faut les protéger.

M. LE PRESIDENT: Le député de Maisonneuve.

M. BURNS: J'aimerais revenir avec le ministre à l'article 33 a) qui a été adopté par le bill 58 et qui semble fatiguer un peu la FTQ et également la CSN puis les employeurs et en tout cas qui me fatigue moi aussi.

Quand le ministre a proposé cet amende-

ment au bill 58 reconnaissant ou formant en constitution, en vertu de la Loi des syndicats professionnels, la Centrale des syndicats démocratiques, je me souviens que le ministre nous avait promis, à ce moment, qu'il y aurait une revision de l'ensemble de la législation et que cette espèce de disposition de l'article 33 a) était uniquement temporaire, c'est-à-dire jusqu'à l'automne.

Ce que j'aimerais que le ministre nous dise, en tout cas pour me rassurer moi, sinon les gens de la FTQ, si ça semble être un problème pour eux, c'est quand a-t-il l'intention d'introduire une législation qui va régler ce problème?

Est-ce que c'est à l'automne ou...

M. COURNOYER: Il faudra probablement que ce soit à l'automne, dépendant de l'urgence de certaines autres matières qui sont dans les représentations qu'on fait devant nous aujourd'hui mais qui ne sont pas totales. Si j'ai bien compris les mémoires qui ont été présentés devant la...

M. BURNS: Plus particulièrement concernant l'article 33 a)...

M. COURNOYER: Disons l'article 33 a) et les autres articles. Normalement, je me dirige vers une législation cet automne, mais les parties contractantes, les parties impliquées savent qu'actuellement il y a un "task force" de chez nous qui les rencontre et qui essaie de trouver un consensus quelconque dans les amendements à la loi 290 et aux amendements qui y ont été apportés. Actuellement, il y a le bill 53 enfin l'article 33 a).

Il y a aussi celle dont on parle dans le bill 68, celle dont on parle ici, qui modifiait et créait le poste de commissaire à la construction pour déterminer si c'était de la construction ou si ça n'en était pas. Des représentations sont faites ici par la FTQ, pour le moment, mais ailleurs il s'en fait également par les différentes parties sur les modifications qui doivent être apportées à ce bill 290 et ses amendements.

Je ne peux pas promettre plus que ce que je peux dire mais, normalement, il devrait y avoir des amendements au bill 290 pour la prochaine session, c'est-à-dire celle qui commencera au mois d'octobre ou au mois de novembre. Il y a certaines choses qui doivent être faites avant que ne se terminent les négociations qui seront en cours bientôt, à l'occasion de cette présentation. C'est bien écrit dans l'article 33 a), qui est à côté de la période du maraudage...

M. BURNS: Le 33.

M. COURNOYER: ... mis à côté de la suggestion de la FTQ, qu'on devrait faire cela dix mois avant, c'est-à-dire 120 jours de négociation, 40 jours pour faire une période de maraudage. Il y a aussi d'autres représentations de la FTQ qui demandent qu'un vote soit tenu qui élimine, à toutes fins utiles, la nécessité de l'article 33 a) tel qu'il est écrit. Quand il n'y aura plus qu'un syndicat là-dedans, si jamais nous acceptions le vote, qu'est-ce que vous voulez, la liberté n'existe plus, au moins jusqu'au quarantième jour, et ce n'est que dans cette période qu'on peut changer de syndicat.

M. BURNS: Est-ce que le ministre est en mesure de répéter, sans se mêler du sub judice, la présentation qu'il nous avait faite de l'article 33 a) à l'effet que — il me corrigera si j'ai tort de l'avoir interprété comme cela —...

M. COURNOYER: Non, je n'ai aucunement...

M. BURNS: Laissez-moi terminer, vous me corrigerez si j'ai tort.

M. COURNOYER: Je ne vous corrigerai pas et je ne répéterai rien, c'est transcrit dans les débats. Cela n'a pas été prononcé dans la rue.

M. BURNS: On parle du problème de la construction, et les gens de la FTQ semblent se poser des questions quant à l'article 33 a) aussi. J'aimerais que vous nous disiez quand vous avez présenté l'article 33 a) — qui, soit dit en passant, n'était pas plus légal que l'autre amendement que vous avez proposé, mais en tout cas, avec la bousculade de la fin de la session, ça a passé dans le paquet; c'est une opinion personnelle — comment il se fait qu'on nous l'ait présenté à ce moment-là — c'est là-dessus que je vous demande de me corriger si j'ai tort — comme étant une précision de l'article 33, c'est-à-dire devant s'opérer dans le cadre de la période de chasse, de la période de changement possible qui est prévu à l'article 33. Est-ce toujours votre opinion?

M. COURNOYER: Je maintiens l'opinion que j'ai exprimée en Chambre au sujet de l'article 33 a).

M. BURNS: A l'effet que 33 a) était...

M. COURNOYER: Je maintiens l'opinion que je vous ai donnée en Chambre parce que je ne l'ai pas devant moi.

M. BURNS: Est-ce que je me trompe en disant que votre opinion était que c'était une précision de l'article 33, étant donné qu'on lui avait justement donné le numéro 33 a)? Je ne me trompe pas quand je vous dis cela?

M. COURNOYER: Vous ne vous trompez pas.

M. LE PRESIDENT: Le député de Saint-Jean.

M. VEILLEUX: Disons que la dernière fois

que j'ai posé une question à cette commission ç'a engendré un débat assez houleux. J'espère que ça ne se reproduira pas.

M. LE PRESIDENT: On va surveiller.

M. VEILLEUX: Pourriez-vous nous donner des exemples, relativement au bill 68 — les travailleurs occasionnels — de secteurs ou de catégories d'hommes que cette loi frappe?

M. DESJARDINS: Prenons, par exemple, une certaine compagnie d'électricité de Trois-Rivières. Etant donné qu'elle a une compagnie qui répare des moteurs, elle va, à contrat, sur des chantiers de construction faire de l'électricité et elle n'est pas couverte parce que son entreprise principale n'est pas de la construction. Elle fait cela à $2 moins cher que le décret et rien ne s'applique.

M. VEILLEUX: Vous mentionnez...

M. DESJARDINS: Je peux vous donner le nom de la compagnie tout à l'heure, en particulier.

M. VEILLEUX: Non, non!

M. LABERGE: Vous avez d'autres exemples. Mais cela, c'est réellement une plaie pour l'industrie de la construction. Les mécaniciens d'équipement lourd, par exemple. Vous avez cela malheureusement à bien des endroits, alors que la compagnie qui loue ou qui vend l'équipement envoie de ses hommes sur le chantier de construction. Nous trouvons que ce n'est pas correct. Cela ne devrait pas être permis.

M. DESJARDINS: Il faut entretenir cette machinerie-là pour des contrats qui ne durent pas qu'une journée. Ces travailleurs de la construction ne sont pas à pied d'oeuvre une journée seulement, mais pendant quinze mois, 18 mois. Or, ils ne sont pas couverts par le décret.

M. LAVOIE (Léopold): Pour l'information du député également, il y a une codification assez considérable des décisions du commissaire. Alors, fort probablement qu'en référant au ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre vous pourriez obtenir toutes ces informations; il y a une infinité de cas.

M. VEILLEUX: Non, c'était un exemple que je voulais avoir. Vous mentionnez, à la page 16, au deuxième paragraphe: "Avec cette évolution inévitable du préfabriqué, où serons-nous demain? " Je vous pose la question: Est-ce que, dans votre esprit, ça veut dire que le bill 68 s'applique pour les usines de préfabriqué?

M. DESJARDINS: Non, l'usine de préfabriqué peut faire ce qu'elle veut, mais, lorsqu'elle vient installer à pied d'oeuvre ses matériaux, elle le fait au prix de l'usine, sans aucun rapport avec les conditions de travail établies au décret.

M. VEILLEUX: C'est parce que j'ai un exemple, dans mon comté. Je ne nommerai pas l'industrie, mais vous serez capables de la situer. A Saint-Luc, il y a une usine où l'on fabrique des escaliers en ciment pour la porte d'entrée. C'est fabriqué en usine. Le propriétaire me disait que, comme il ne peut pas engager l'employé à l'usine, à temps plein exclusivement pour faire des escaliers en ciment, il s'en servait pour faire le transport et déposer le matériel sur les chantiers. Cela lui créait de fichus problèmes. Il se demandait même, à un certain moment, s'il n'y aurait tout simplement pas lieu pour lui de mettre la clef dans la porte de son usine, compte tenu qu'il se devait soit de payer un autre salaire au gars en question, lorsqu'il sortait pour aller poser le perron, ou encore d'engager un gars de la construction à un salaire tellement élevé pour lui que son usine n'avait plus sa raison d'être. Ce sont d'autres problèmes et le gars, ce n'est pas un des 4,000 qui font faillite et qui reviennent. Il est à l'usine et il fait ça depuis de nombreuses années et ça lui crée un problème.

M. LABERGE: L'industrie de la construction a changé ses méthodes énormément, surtout depuis quelques années. Cela a pour effet, bien sûr, de déplacer l'emploi. Ce qui se faisait auparavant sur le chantier se fait en bonne partie en usine. Je peux vous donner l'exemple des armoires de cuisine dont quelqu'un parlait tantôt. Les armoires de cuisine arrivent toutes assemblées et on les fixe au mur. Il y a un tas de choses semblables.

Evidemment, les gars de la construction, qui voient leur métier grugé de jour en jour par cette méthode, essaient, au moins, de se garder le travail qui doit être fait sur le chantier. Je pense que c'est normal. Nous ne pouvons pas empêcher le progrès, bien sûr, et nous ne désirons pas essayer de l'empêcher. Ce qui se fait en usine, c'est fait par des travailleurs d'usine mais, au moins, l'installation sur les chantiers de construction, doit relever des gars de la construction. Les occasionnels, justement, enlèvent pas mal de travail qui devrait appartenir aux gars de la construction.

M. VEILLEUX: Sans prendre parti pour l'employeur dans le cas que je vous mentionnais tout à l'heure, je pense que vous admettrez avec moi que, dans certains cas particuliers, ça peut créer des préjudices à un type qui est en affaires depuis longtemps, ce que vous mentionnez là.

D'une part, je vois le problème que ça vous cause, mais, d'autre part, je pense que vous voyez aussi le problème que ça peut causer ailleurs.

M. LABERGE: D'accord, comme ça peut

causer préjudice au gars qui gagne sa vie dans l'industrie de la construction depuis 25 ans.

M. LAVOIE (Léopold): Ce sont des problèmes inévitables de transition et d'adaptation, auxquels il faut faire face, de part et d'autre.

M. VEILLEUX: Dans ce cas, je pense qu'il faut se poser la question: Est-il mieux de faire fermer l'usine du gars ou d'essayer de prévoir?

M. DESJARDINS: L'industrie de la construction n'est pas une industrie manufacturière. Les produits, c'est bien entendu que nous ne les fabriquons pas nous-mêmes. Si toutes les compagnies manufacturières peuvent venir installer leurs produits sur l'emplacement de la construction, à leurs conditions de travail, quand travaillerons-nous? Tous nos gars ont appris des métiers, à partir de l'apprentissage. Ils ont fait des sacrifices à bas salaires et ils sont devenus compétents. Les gars ont des fonds de pension, de l'assurance santé-salaire, tout s'applique. Aujourd'hui, ils voient un autre qui va voir le commissaire de l'industrie de la construction et qui obtient, comme travailleur occasionnel, un permis pour aller faire du travail. Le même commissaire juge la compétence du gars. Comment voulez-vous qu'il juge la compétence de 20 métiers, quand il n'a jamais travaillé lui-même sur la construction?

J'espère que vous voyez un peu le jeu.

M. LABERGE : Si vous le permettez, c'est un problème universel. Cela ne se limite pas seulement à l'industrie de la construction. Vous avez le même problème dans les usines, alors que les conventions collectives couvrent les travailleurs d'usines.

Le patron, pour essayer de "sauver" une piastre, essaie de donner cela en sous-contrat pour échapper aux obligations des conventions collectives.

M. VEILLEUX: Soit "sauver" une piastre ou sauver son industrie.

M. LABERGE : Bien oui, mais enfin vous pouvez prendre les termes que vous voulez.

M. LAVOIE (Léopold): Si on exploite quelque part, il faut se conformer aux documents d'intérêt commun qui existent.

M. VEILLEUX: Non, mais, dans le cas que je vous mentionnais tout à l'heure, je pense que c'était une condition vitale pour le propriétaire de l'usine en question.

M. LABERGE: Oui, mais ils arrivent toujours avec des conditions vitales comme celles-là. Je ne doute pas que c'est peut-être un cas. Enfin, il y a des cas typiques. Il y a des exceptions à toute règle. Il y a certaines machines spécialisées, par exemple, dont l'installation se fait par des ouvriers du fabricant avec les gars de la contruction. Ce sont des choses qui arrivent.

M. DESJARDINS: Il est même déjà arrivé que le commissaire est allé voir de nos agents d'affaires pour leur dire d'arrêter de se plaindre, qu'ils seraient mieux vus du gouvernement. Je répète très tranquillement. Le commissaire est allé voit de nos agents d'affaires pour leur dire qu'ils seraient beaucoup mieux vus, s'ils arrêtaient de se plaindre. Arrête donc, c'est une bonne manufacture. J'ai offert, comme délégué, lors du bill no 68, d'amener l'individu en question et on m'a refusé tout cela.

M. LABERGE: Il faut se rappeler une chose. Vous savez...

M. COURNOYER: J'espère qu'on n'entrera pas dans un conflit de personnalités.

M. DESJARDINS: Non, non, mais j'essaie de vous dire que le bill no 68 est une trappe pour les gars de la construction.

M. COURNOYER: Combien de permis d'occasionnels ont été émis depuis un certain temps?

M. DESJARDINS: Il y a tous ceux qu'on est capable de prendre sur les chantiers. Mais il y en a qui sont plus vites que nous autres.

M. COURNOYER: Il y en a 250.

M. DESJARDINS: Oui, mais d'autres y vont. Il y a des décisions de rendues. Cette compagnie n'est pas couverte par l'industrie de la construction et elle continue à venir sur les chantiers de construction. Le travail qu'elle fait n'a plus de limite. C'est une décision permanente et on peut vous en montrer d'autres. Il y a le gars, par exemple, qui travaille 95 p.c. sur le chantier et 5 p.c. sur la construction, pour la même compagnie, et un autre qui travaille 60 p.c. ou 75 p.c. à l'entretien et le reste sur la construction. On dit que ceux qui travaillent jusqu'à un certain pourcentage pour la même compagnie sont couverts par l'industrie de la construction et les autres ne le sont pas. C'est dans la même compagnie.

Comment voulez-vous, écoutez bien, que nos inspecteurs de chantiers surveillent adéquatement les conditions de travail?

M. COURNOYER: C'est difficile, mais il y a une chose que M. Laberge a dite tantôt. C'est que toute règle souffrait d'exception, d'accord?

M. DESJARDINS: Pardon?

M. COURNOYER: Une règle souffre d'exception. Vous êtes d'accord sur ça?

M. DESJARDINS: Oui, ça souffre.

M. COURNOYER: Une règle souffre toujours d'exception, mais qui détermine quelles sont les exceptions?

M. LABERGE: M. le ministre, je ne sais pas si vous vous souvenez, mais au bureau de la FTQ...

M. COURNOYER: J'ai pensé à M. Desjardins, à un moment donné, pour les déterminer mais il y en a qui m'ont dit: Ne fais pas ça de même.

M. LABERGE: Attendez! ... au bureau de la FTQ, après de très longues discussions — parce que bien sûr on a un gros secteur dans la construction, mais on a aussi un gros secteur dans l'industrie — on a suggéré un amendement au règlement no 1 qu'on a fait parvenir, il y a au moins six mois...

M. COURNOYER: Trois mois... M. LABERGE: Non, non, enfin...

M. COURNOYER: Oui, six mois. Réglons donc pour sept, on sera sûr.

M. LABERGE: Au moins six mois, et cela aurait réglé en partie ce problème. Enfin, on ne s'obstinera pas pour un mois.

M. COURNOYER : Non, non. Disons que cela aurait réglé en partie ce problème.

M. LABERGE: ... en partie ce problème. Encore une fois, nos gars de la construction et nos gars représentant les travailleurs industriels, se sont entendus sur une formule qui, tout en protégeant les emplois des gars de la construction, n'allait pas non plus gruger de l'autre côté. Je pense que c'était une bonne formule.

M. LAVOIE (Léopold): M. le Président, si vous me le permettez, pour répondre à une question du député, qu'on soit député ou n'importe qui, il faut quand même se mettre dans la tête — dans la mesure où on vit dans une société — qu'il y a des priorités, qu'il y a des choses qu'on peut faire si on s'adapte à certaines autres choses. Mais, parce qu'on veut faire cette chose, on ne peut pas dire qu'on va refuser tout ce qui est là. L'entrepreneur qui dit vouloir exploiter une entreprise de telle ou telle chose devra s'informer, avant de partir. Il doit tenir compte de certaines réalités sociales ou humaines. S'il ne le fait pas, il ne peut pas être dans le secteur.

M. VEILLEUX: Je suis d'accord avec vous.

M. LAVOIE (Léopold): Une chose est vraie. Je regardais une décision qui a été rendue dernièrement et personnellement, même si je ne suis pas du métier, cela me révolte.

L'affaire du député, ce métier, je pense que ça ne s'apprend pas du jour au lendemain. On peut devenir du jour au lendemain député mais on n'est pas bon du jour au lendemain, c'est avec le temps qu'on devient bon député. C'est la même chose dans tous les domaines, au niveau professionnel comme ailleurs.

Une chose est certaine, l'homme de métier ce n'est pas le gars d'hier, d'avant hier, d'il y a un an, deux ans, trois ans qui a dit: Moi, je te dis que tu es telle personne et que ton titre c'est d'être tel gars, qui fait tel métier. Ce n'est pas ça, ça s'est établi avec le temps, ça s'est établi avec l'expérience, ça s'est établi avec la tradition, avec l'histoire.

En somme, le métier, sur tout le continent nord-américain, sans donner un cours de métier comme tel, c'est quand même défini à coup de discussions, à coup de dialogues des parties, par des gens directement impliqués sur tout le continent nord-américain. Il y a des volumes exceptionnels qui établissent la jurisprudence, la juridiction d'un "millwright". Qu'est-ce qu'un "millwright", quelles sont ses capacités, quelles sont ses compétences? Cela s'est établi par le temps, par l'évolution, à la suite d'un paquet de débats, de discussions sur les personnes directement intéressées.

Aujourd'hui, on rend une décision en vertu d'un bill, dans une décision qu'on a vue dernièrement et ça ne peut pas être acceptable, parce que c'est un défi à l'homme professionnel qui est là, qui est consacré par le temps, par l'histoire et par la tradition. On dit dans une sentence, dans une décision qui a été rendue, en se prévalant d'une autorité conférée par le bill 68: Ecoute, toi, le "millwright", on connaît ton affaire, tes capacités, tes compétences, ton habilité, c'est défini, discuté et entendu depuis des années à la suite de discussions. Un moment donné, on t'a coiffé de ton titre professionnel, le titre de "millwright". Un moment donné, un petit employeur qui évidemment pense s'adapter au temps, ou jouer le jeu de la concurrence déloyale sur le marché, arrive devant un commissaire qui est en exécution ou en autorité d'une loi et dit: Monsieur, écoutez, est-ce que je pourrais, parce que je fais des convoyeurs en usine, faire poser mes convoyeurs par les gars de mon usine? Bien non, traditionnellement, une des responsabilités du convoyeur, parce que c'est un travail hautement spécialisé, ça appartient au "millwright".

Voilà qu'en vertu d'un bill, une personne qui est en autorité, sans préjudice à la personne qui est là, dit: Ecoute, l'employeur, je pense que tu as raison; toi, le "millwright" qui es là, tu es en chômage, reste chez vous. On va dire à cause des arguments allégués par l'employeur: D'accord. Ton petit gars que tu paies $2, $2.25 peut faire ça ce travail de "millwright".

C'est un métier traditionnel, noble et hautement important, mais on dit: Toi, le "millwright", reste chez toi, reste en chômage. C'est contre ça que nous sommes. Le travailleur

professionnel, c'est une chose essentielle dans une société. Si on ne veut pas le respecter, on va tout avilir du haut jusqu'en bas, on va avilir le travailleur, on va le décourager, il va disparaître et les premiers qui s'en plaindront seront les employeurs eux-mêmes. C'est une réalité qui a un horizon beaucoup plus considérable que la particularité du moment ou que l'exception de quelques individus qui doivent s'adapter strictement à des intérêts provisoires et temporaires et qui sont bien souvent égoïstes.

Les horizons de tout ça, c'est bien plus haut. Il faut qu'on se mette quand même tout ça dans la tête, tous les gars qui sont ici, qu'on soit de n'importe quelle parti ou de n'importe quoi, on a le devoir de travailler ensemble, mais si on n'accepte pas certaines priorités au départ, tous vont manquer leur coup. Ce n'est pas un problème d'exception, c'est un problème de respect, une chose fondamentale.

M. VEILLEUX: Disons qu'en principe, M. Lavoie, avec tout ce que vous venez de dire, je ne peux pas m'y opposer. Si, aujourd'hui, par exemple, pour reprendre mon exemple de tout à l'heure, l'usine, je décide de lancer une usine de perrons de ciment, d'usiner des perrons en ciment, que j'obéisse au décret et aux lois qui sont là, je suis parfaitement d'accord avec vous. Si, d'autre part, ça fait dix ans que je fais ça, que je végète dans mon affaire et que j'arrive à force de travailler et que mon type à l'intérieur se rende poser les perrons, est-ce que vous admettez avec moi qu'à ce moment-là on ne pourrait pas étudier le cas d'espèce?

M. LAVOIE (Léopold): Je n'admets rien, le jour où ça vient à l'encontre de choses fondamentales, on doit disparaître plutôt que continuer, parce qu'on transgresse des choses fondamentales et on nuit à l'intérêt commun. C'est là qu'on crée des problèmes sociaux et ça se réflète sur toute la société. C'est bien plus important que l'individu, avec tout le respect que je lui dois évidemment, qui réside dans telle ou telle région, dans telle ou telle chose et qui a son affaire bien à lui.

M. VEILLEUX: C'est ainsi qu'il y a plusieurs propriétaires d'usines qui s'en vont au bien-être social.

M. LABERGE: Regardez ce qui s'est produit avec le bill 68.

M. LE PRESIDENT: Un instant, je vous demanderais, messieurs, de parler un à la fois. C'est très difficile de contrôler le débat lorsqu'on intervient l'un par-dessus l'autre.

M. LABERGE: On prend l'habitude des...

M. LE PRESIDENT: Je me demandais aussi, messieurs, si en réalité, à la question du député, on avait déjà obtenu amplement de réponses?

M. LABERGE: Je voudrais juste ajouter deux mots. Je serai très, très bref. C'est qu'avec le bill 68, vous avez des entrepreneurs en construction qui ont fondé des compagnies à côté — le même argent, le même gars, un autre nom — pour se permettre de ne pas respecter le décret, justement. Le travail qui était fait avant par ses employés, selon le décret, il les fait maintenant faire par ces mêmes employés, mais à meilleur marché.

M. VEILLEUX: Là, je suis d'accord avec vous que je ne fonctionnerais pas dans cela.

M. DESJARDINS: Ceux-là sont très bien vus.

M. COURNOYER: Par le gouvernement? M. DESJARDINS: Par le commissaire. M. COURNOYER: Ah bon!

M. LE PRESIDENT: Le député de Saint-Jean a-t-il terminé?

M. VEILLEUX: J'ai terminé, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Le député de Fabre.

M. HOUDE (Fabre): M. le Président, j'aimerais savoir de la part de messieurs Lavoie, Desjardins ou Laberge si la profession — soit dit en passant, j'aime bien l'expression "ouvrier professionnel" ou "travailleur professionnel" — est présentement satisfaite de ceux qui forment ces professionnels? Je voudrais peut-être donner le fond de ma pensée. Il n'y a pas tellement d'années, je travaillais pour le comité paritaire des métiers de la construction, au centre d'apprentissage, au centre culturel, sur le boulevard Saint-Joseph. A ce moment-là, il se donnait des cours. On travaillait avec acharnement à rendre ces étudiants très fiers de leur métier. A ce moment-là, ma question paraîtra peut-être naïve — il y avait un peu de confusion, à savoir est-ce le ministère de l'Education, est-ce le ministère du Travail qui donne des cours?

Avec le début d'une année académique, je lisais encore hier, dans les journaux, et je lisais également un dépliant, qu'on a livré à la porte de mon appartement, d'une régionale de la région de Québec, qui offrait une multitude de cours. Je n'ai pas compté mais cela arrive sûrement dans la centaine. Je n'ai jamais vu, dans ma vie, autant de cours offerts qu'en septembre 1972, par toutes sortes d'organisations: éducation des adultes, commissions scolaires, CEGEP, écoles privées, écoles pour la lecture de plans. J'imagine que c'est bien important car j'en entendais parler quand j'étais au centre d'apprentissage. Mais si c'est vrai que tous ces gens réussissent à vivre en enseignant comment lire des plans et des "blue prints"

d'après moi, dans deux ans, toute la population de la province va être capable de lire des plans. Tout cela me paraît à moi, en tout cas, un peu confus. C'est peut-être naiï, mais qui est l'autorité, actuellement, dans la province? Qui donne le diplôme de menuisier, de plombier, de charpentier? Et vous autres, êtes-vous contents de cela?

M. LE PRESIDENT: Si le député me permet, sans vouloir lui couper la parole ou encore restreindre les commentaires, c'est que cet après-midi, nous devions, avant la lecture du mémoire de la FTQ, justement traiter de ce sujet de la formation et des qualifications professionnelles de la main-d'oeuvre.

M. HOUDE (Fabre): On en parle à la page 18, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Oui, je sais, mais je voudrais vous faire remarquer que demain matin, je pense, M. Lebon doit revenir.

M. HOUDE (Fabre): Ah bon!

M. LE PRESIDENT: Ce sont les employeurs. On me dit qu'il y aurait une différence. Je voulais simplement faire...

M. DESJARDINS: Je pense que la FTQ a son opinion sur cela.

M. LE PRESIDENT: Oui, oui.

M. DESJARDINS: L'opinion des employeurs, je la respecte, sans savoir sa portée. Par contre, nous avons la nôtre dans cela.

M. LE PRESIDENT: Oui, je regrette. Mes commentaires s'adressaient au député. Puisqu'il n'était pas ici un peu plus tôt, cet après-midi, je voulais simplement mentionner que ce sujet devait revenir. Maintenant, la question est posée, quitte, présentement, à recevoir les réponses que vous pourrez donner.

M. DESJARDINS: Je n'irai pas dire que présentement, c'est une confusion complète, qu'il y a des problèmes entre le ministère de l'Education et le ministère du Travail. C'est bien entendu. J'ai été moi-même président du Centre de formation Montréal Metro. Présentement, il y a des CEGEP, par exemple, qui donnent des cours, disons, en "sheet-metal", et ces cours sont donnés par des professeurs en réfrigération ou vice versa. Alors n'ayant aucun droit de regard, et ces cours étant donnés par n'importe qui, je n'ai pas besoin de vous dire que, présentement, on est loin d'être content de ce qui se passe dans la construction.

Vous avez des CCR, par exemple, qui sont des comités consultatifs régionaux de métiers. Mais étant donné que nous ne pouvons pas siéger comme nous le voudrions, il est bien entendu qu'il n'y a plus aucun métier qui est assis et qui règle ses problèmes. Nous avons entendu parler, à travers la province de Québec, souvent, que des personnes disaient: Comment peut-on condamner un gars qui a une carte de compétence à $200 d'amende quand vous n'avez rien pour faire passer les examens? Auparavant, on le faisait dans nos centres d'apprentissage. Si le gars n'avait pas l'éducation nécessaire, s'il n'avait pas la théorie, il avait la pratique parce que c'étaient des gars des métiers qui les faisaient passer.

Nous, nous vous disons que, la journée où nous prendrons en main notre formation professionnelle, vous pouvez être assurés que la confusion qui existe présentement va être au bénéfice de tous les travailleurs. Cela va revenir dans nos mains et le travailleur lui-même va faire attention. Il va voir à ce que, s'il a besoin du recyclage, etc., ça lui soit donné suivant ses besoins.

M. COURNOYER: Est-ce à dire que vous sortiriez du ministère de l'Education la formation professionnelle qu'on y donne dans les métiers qui sont représentés dans la construction?

M. DESJARDINS: Certainement. Plus que ça, Montréal-Métro a déjà pris une injonction contre certains CEGEP. Vous le savez, M. le ministre.

M. COURNOYER: Je le sais. Et contre certaines commissions scolaires aussi.

M. DESJARDINS: Pour la même raison.

M. COURNOYER: Nous ne sommes pas sortis du bois.

M. VEILLEUX: D'après vous, il s'agirait de trouver une autorité, mais une, pas trois ou quatre, pour régler ce problème.

M. DESJARDINS : On nous a dit, tout à l'heure: Vous avez l'arrêté en conseil 2711 qui s'en vient. Nous avons dit: Quels sont les besoins? Si nous organisons dans la province des CCR métiers et que nous ayons l'autorité, nous allons produire ce dont nous avons besoin. Si nous avons besoin de poseurs de métal en feuille, de frigoristes, de plombiers, etc., nous allons voir à ce que les gens concernés soient en classe suivant nos besoins.

Présentement, étant donné que c'est sous le ministère de l'Education, ils disent à un gars: Toi, tu t'en vas dans telle classe, etc. Quels sont nos besoins? Pourquoi faites-vous perdre trois ou quatre ans à un gars pour apprendre un métier, quand on ne sait même pas si, oui ou non, il y a des ouvertures pour lui?

M. VEILLEUX: C'est le problème que vous rencontrez dans les différents métiers. Ce même

problème se retrouve dans tous les autres secteurs.

M. DESJARDINS: Je vous parle du nôtre, présentement.

M. LABERGE: C'est pour ça que, dans le mémoire — si vous permettez, M. le Président — ils demandent de reprendre en main la formation professionnelle. Encore une fois, pourquoi former des travailleurs de métal en feuille, s'il y en a déjà trop? Pourquoi créer d'autres plombiers, s'il y en a déjà trop? Si les parties contractantes avaient la main haute là-dessus, connaissant les besoins de l'industrie de la construction, puisqu'elles sont dedans à longueur de journée, elles pourraient décider quelle sorte de formation on devrait donner.

M. DESJARDINS: Je vais vous donner un exemple. Auparavant, dans mon métier, celui de plombier, on commençait comme apprenti. Pendant l'hiver, on était obligé d'aller 140 heures à l'école pour des cours du soir. Même si quelqu'un suivait les cours requis pour tomber dans la deuxième classe, s'il n'allait pas à 85 p.c. au moins de ses cours, il ne pouvait pas tomber dans la deuxième catégorie, c'est-à-dire qu'il était retardé. En même temps, il n'avait pas le salaire. Mais, depuis qu'on a tout perdu, la formation s'en fait sentir, parce que ça n'existe plus ça. Souvent, on entend des parties patronales nous dire: Les gars ne sont pas qualifiés. Redonnez-nous nos pouvoirs et nous allons les qualifier comme nous le devons.

Auparavant, on les qualifiait. Il faut croire qu'on en est encore capable. N'oubliez pas que nous les dirigions dans des cours préparés par nous. Le comité, c'était syndical-patronal. Lorsque vous parlez de l'arrêté en conseil 2711 et de tous vos problèmes, il n'y a rien de nouveau dans ça. Annuellement, nous nous assoyions tous ensemble et nous calculions combien il y avait d'ouvrage qui s'en venait et combien il en disparaissait. Nous disions: Cette année, dans la région de Montréal, on a besoin de 65 apprentis et nous faisions 65 apprentis.

Le manque de qualification de la main-d'oeuvre, c'est un peu à cause de l'arrêté en conseil 2711 que vous voyez là. Nous faisions ça il y a cinq ans. Par contre, aujourd'hui, nous sommes empêchés de le faire par la nouvelle loi. J'irais plus loin que ça. Je suis prêt à dire que M. le ministre était là lorsque nous avons négocié notre comité d'apprentissage.

M. COURNOYER: Bien sûr que j'étais là. J'étais contre vous, à part ça. Cela fait déjà quelques années.

M. DESJARDINS: Je le sais. Il n'y a rien de nouveau!

M. COURNOYER: C'est encore pareil aujourd'hui.

M. DESJARDINS: C'est une habitude que vous avez prise.

M. COURNOYER: Mais nous l'avions négocié, sans qu'il nous soit imposé par décret.

M. DESJARDINS: C'est ça. Mais il y avait un ministre du Travail dans ce temps-là qui n'a pas imposé de loi. Il nous a laissés négocier.

M. LAVOIE (Léopold): Remarquez bien que la construction, à cause des centres d'apprentissage, ne s'en est pas plus mal portée sur le plan de l'exécution du travail. Nous n'en subissons pas actuellement, et nous n'en avons pas subi préjudice. Là, on centralise et on dépersonnalise. A ce moment-là, on ne rend service à personne.

M. COURNOYER: Est-ce que vous demanderiez au ministère de l'Education de sortir de ce domaine-là?

M. DESJARDINS: Certainement.

M. LAVOIE (Léopold): Pourquoi y serait-il?

M. DESJARDINS: Avant, il n'y était pas. Nous ne lui demandons pas de sortir, mais nous lui demandons de continuer ce qu'il faisait auparavant.

M. LAVOIE (Léopold): Est-ce qu'il y a des raisons sérieuses, sauf le prétexte de la centralisation et d'un contrôle étatique? Cela règle quoi?

M. LABERGE: Justement, vous faites de la consultation et, parfois, je me demande pourquoi.

M. COURNOYER: Moi, j'en fais.

M. LABERGE: Nous avons présenté des mémoires là-dessus à la commission qui a été chargée d'étudier ce problème-là.

Dans les mémoires, on disait que le ministère de l'Education ne devrait pas se mêler de la formation professionnelle, que ça devait relever du ministère du Travail et de la Main-d 'Oeuvre. On l'a dit très clairement il y a plusieurs années lorsque la commission a été formée et aujourd'hui on voit les résultats. Qu'un CEGEP essaye de former des plombiers, c'est bien beau mais il va être obligé d'aller chercher un gars qui connaît un peu le métier pour enseigner. Quand on avait ça ensemble, la formation professionnelle, les métiers, vous savez fort bien que c'étaient des gars de métier connaissant l'évolution des métiers. Un gars qui s'est retiré complètement de l'industrie peut connaître le métier tel qu'il l'a appris déjà, mais il n'est pas au courant de l'évolution des métiers.

On forme des gars comme ils étaient formés

il y a quinze ans et on devrait les former selon les besoins de 1973, 1974 et 1975.

M. VEILLEUX: M. le Président, on avait envoyé les autres.

M. LABERGE: Et il y avait des périodes d'entraînement pour tous les enseignants.

M. LE PRESIDENT: Le député de Bourget.

M. LAURIN: Une question sur vos recommandations à la page 17, les recommandations e) f) et g). Les échanges qu'on vient d'avoir constituent déjà un embryon de réponse à la question que je voulais poser, mais je voulais aborder ça sous un autre angle. Est-ce que c'est votre position que la réalisation de ces trois recommandations e), f) et g) et même ce que vous venez de dire sur la formation professionnelle exigent qu'il y ait une seule centrale?

S'il y en a trois centrales, est-ce que c'est possible d'appliquer e), f ) et g)?

M. LABERGE: C'est beaucoup plus difficile parce qu'on parle toujours là d'un comité paritaire. Ce n'est pas le syndicat seul, ça serait le syndicat et les associations patronales. Evidemment, si vous êtes deux ou trois syndicats, c'est très difficile. Cela a déjà assez bien fonctionné dans certains coins mais, dans d'autres coins, ça n'a pas fonctionné du tout. Alors e), f), g) ça s'appliquerait avec beaucoup plus de difficultés s'il y a deux centrales puis encore plus s'il y en a trois.

M. LAURIN : A ce moment-là ça prend presque un organisme d'arbitrage, un organisme qui est au-dessus des trois centrales. Cela peut être un centre de main-d'oeuvre, ça peut être un bureau de placement du Canada, ça peut être une commission.

M. LABERGE : Ces organismes-là nous les jugeons moins efficaces que les partenaires de l'industrie de la construction, qui vivent à coeur de jour les problèmes de l'industrie de la construction. L'industrie de la construction, encore une fois, est une industrie qui est bien particulière. A moins que ce soit quelqu'un qui s'y connaisse, les décisions qui sont prises ne sont ni dans l'intérêt de l'industrie de la construction ni dans l'intérêt des travailleurs. C'est pour ça que c'est tellement délicat.

Comme ça va là, avec les fameux droits de veto, vous avez des situations aberrantes. Des comités peuvent être paralysés pendant des semaines et des mois parce qu'une des parties s'oppose à ce qu'il y ait des décisions qui se prennent. C'est courant, ce n'est pas par hasard que ça arrive. Cela arrive assez souvent.

M. LAURIN: Pour que e), f) et g) soient complètement et facilement applicables, ça exigerait presque qu'il n'y ait qu'une seule centrale?

M. LABERGE : Véritablement représentative.

M. LAURIN: Vous parlez de la création d'un comité général de formation professionnelle des métiers mais vous ne parlez pas de son mandat, de ses fonctions; est-ce que vous pourriez en parler un peu plus?

M. DESJARDINS: C'est justement ce que j'ai défini tout à l'heure par métier, cours patronal syndical par région.

M. LAURIN: Pourriez-vous expliciter son rôle un peu et son mandat?

M. DESJARDINS: Son rôle serait d'établir les besoins en main-d'oeuvre et les qualifications requises. Ce serait d'établir aussi tout ce que comportent leurs besoins, les cours ainsi de suite, la même chose que les anciennes écoles d'apprentissage. J'ai déjà entendu souvent des députés dire: Ecoutez, dans nos places nous autres, qui va nous entendre avec l'étendue immense et le nombre de villes? Alors je leur dis que, dans toutes les régions importantes, il y aura des CCR de métier qui centraliseront leurs décisions.

M. LAURIN: C'est ce que vous suggérez pour remplacer les conseils régionaux de formation professionnelle à toutes fins pratiques.

M. DESJARDINS: C'est cela.

M. LAURIN: A la conclusion de votre mémoire, vous avez cette phrase où vous dites qu'il ne doit y avoir qu'une seule catégorie de travailleurs. Est-ce que je vous comprends bien lorsque je dis que pour vous il n'y a que des travailleurs spécialisés dans la construction, qu'il n'y a pas de journaliers?

M. LABERGE: Des travailleurs occasionnels, non. Nous demandons que les travailleurs de la construction qui ont leur carte de compétence, dont la compétence est reconnue, soient les seuls qui puissent travailler...

M. LAURIN : Que ce soit des travailleurs spécialisés ou non spécialisés.

M. DESJARDINS: Le journalier de la construction est reconnu.

M. LAURIN: Là, ça dépendrait donc du nombre d'heures de travail qu'il a fait dans le métier de la construction, que ce soit dans un métier spécialisé ou non spécialisé.

M. LABERGE: Exactement.

M. LE PRESIDENT: Le député de Frontenac.

M. LATULIPPE: Pourriez-vous me dire ce

que vous pensez du concept des familles de métiers et si vous entrevoyez la possibilité, comme quelque chose de valable, d'introduire le système modulaire comme définition pour remettre des cartes de qualification?

M. DESJARDINS: Bien entendu, avec les nouvelles méthodes de construction présentement, c'est bien dur de faire des familles de métiers; par contre, si les gars s'assoient ensemble et voient la réalité en face, on est assuré qu'à certaines places il va falloir repenser nos structures, mais pour le moment, on est prêt à étudier les problèmes qu'il y a en autant qu'on aura le mandat pour se diriger vers ce point-là.

M. LATULIPPE: Lorsque vous acceptez de régionaliser votre action, est-ce que vous accepteriez, dans une région où c'est plus pratique, d'avoir une formule de famille des métiers, de la retenir alors que dans d'autres régions vous pouvez avoir une diversité de métiers beaucoup plus accentuée?

M. LABERGE: C'est beaucoup plus difficile parce qu'encore une fois, les statistiques données par la Commission de l'industrie de la construction hier matin vous démontrent qu'il n'y a que 15 p.c. des travailleurs de la construction qui ne sortent pas de leur région; 85 p.c. vont travailler dans d'autres régions. Si la formation professionnelle diffère d'un endroit à l'autre, vous allez avoir des travailleurs qui seront écartés tantôt et qui ne pourront pas remplir les exigences d'autres régions.

Si cela se fait, il faut que ça se fasse au niveau de la province, ça ne peut pas se faire par région.

M. LATULIPPE: Donc, à prime abord, vous n'êtes pas contre mais vous exigeriez une étude plus approfondie de la situation.

M. DESJARDINS: Une étude plus approfondie.

M. LABERGE: C'est très complexe.

M. LAVOIE (Léopold): On ne refuse jamais de discuter.

M. LATULIPPE: Merci.

M. LE PRESIDENT: Y a-t-il d'autres questions?

M. HOUDE (Fabre): M. le Président... M. LE PRESIDENT: Le député de Fabre.

M. HOUDE (Fabre): ... pour mon information personnelle, est-ce qu'il y a au conseil quelqu'un qui fait de la recherche? Est-ce que la recherche existe dans le cas des métiers de la construction pour connaître les nouveaux procédés, la nouvelle façon de travailler, les outils?

M. LABERGE: On se fie sur les patrons et je tiens à vous dire qu'ils connaissent toutes les nouvelles méthodes, parce que ça va plus vite, parce que, bien souvent, ça coûte meilleur marché et puis, bien souvent, c'est d'une meilleure qualité aussi. Je tiens à vous dire qu'ils font cela.

M. LAVOIE (Léopold): Dans nos départements de recherche, nous avons tous les outils, toutes les revues que nous demandent l'évolution et les tendances du métier. Le Conseil provincial des métiers de la construction a quand même un service de recherche hautement spécialisé sur tout ce qui se fait de nouveau, les tendances, l'évolution, etc. Quant au contrôle de la main-d'oeuvre comme telle, on respecte certaines données de la commission par les pouvoirs du 2711.

M. DESJARDINS: Je vais vous donner un exemple: Lorsque sont sorties les machines semi-automatiques pour la soudure, aussitôt qu'on a su que c'était arrivé aux Etats-Unis, par nos confrères, et que ça s'en venait au Canada, nous avons nous-mêmes acheté des machines semi-automatiques pour la valeur d'environ $4,000; on les a installées à l'Ecole d'apprentissage, qui était notre école dans ce temps-là; cela a été payé par notre union et on a vu à ce que nos gars se spécialisent immédiatement.

Quand le produit est arrivé dans le Québec, nos gars étaient prêts et il n'y a pas eu besoin de main-d'oeuvre d'ailleurs, nos gars ont fait le travail eux-mêmes, en hommes qualifiés.

M. LAVOIE (Léopold): Le recyclage est inévitable, il est là.

M. DESJARDINS: Ce fut payé par nous, même pas par le centre d'apprentissage, par personne d'autre. On a même donné les machines au centre d'apprentissage, notre coeur est grand.

M. HOUDE (Fabre): Vous allez me faire pleurer.

M. LE PRESIDENT: Je vous remercie, MM. Laberge, Desjardins et Lavoie, pour votre présentation. Je remercie les membres de la commission qui ont voulu participer au débat.

Bien entendu, par exemple, à la suite des commentaires de cet après-midi, que je devrai permettre à toute autre association qui voudrait passer une petit commercial de temps en temps de le faire. Puisqu'il s'en est passé au cours de l'après-midi, nous permettrons aux autres d'en faire autant.

M. LABERGE: Nous n'avons rien contre ça.

M. LE PRESIDENT: Absolument pas, puisque c'est déjà fait.

M. LAVOIE (Léopold): ... nous le respectons.

M. LABERGE: M. le Président, au nom du Conseil provincial des métiers de la construction, FTQ, je tiens à vous remercier ainsi que les députés pour leur attention. Si ça peut vous aider, vous éclairer dans une situation qui est quand même fort complexe, nous sommes bien heureux et s'il y a d'autres informations dont vous pourriez avoir besoin, nous sommes à votre entière disposition.

M. LE PRESIDENT: Je vous remercie; le tout pourrait devenir une association d'admiration mutuelle. La commission ajourne ses travaux à dix heures demain matin.

(Fin de la séance à 17 h 11)

Séance du jeudi 14 septembre 1972 (Dix heures vingt minutes)

M. SEGUIN (président de la commission permanente du travail, de la main-d'oeuvre et de l'immigration): A l'ordre, messieurs!

Les membres de la commission pour la séance du 14 septembre sont les suivants: M. Pelletier, M. Veilleux, M. Brown, M. Cornellier, M. Cournoyer, M. Marchand, M. Harvey (Chauveau), M. Shanks, M. Perreault, M. Caron, M. Bacon, M. Carpentier, M. Mailloux, M. Faucher, M. Houde (Fabre), M. Dionne, M. Burns. On me dit qu'il doit se présenter. M. Croisetière, M. Demers, M. Roy (Beauce), M. Latulippe, M. Tremblay (Chicoutimi), M. Vincent doit venir lui aussi, d'ici quelques minutes. Est-ce qu'il y a des membres qui ont été oubliés?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Faucher.

M. LE PRESIDENT: M. Faucher a été nommé, oui. M. Marchand est le rapporteur de la commission et il sera ici d'ici quelques minutes.

M. VEILLEUX: Il est en train de discuter de déménagement.

M. LE PRESIDENT: Merci pour l'information.

M. VEILLEUX: Il y a des envahisseurs au troisième.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Est-ce qu'il déménage ses outils?

M. LE PRESIDENT: Avons-nous un ou des représentants de la Fédération de la construction du Québec? Le mémoire M-l. Alors, pour la troisième fois, c'est non. Nous sommes donc rendus à entendre les commentaires de M. Lebon, mémoire présenté à la commission parlementaire du travail et de la main-d'oeuvre relativement au chapitre 51, bill no 49, Loi sur la formation et la qualification professionnelles de la main-d'oeuvre. M. Lebon.

Association provinciale des constructeurs d'habitations

M. LEBON: M. le Président, MM. les membres, tout d'abord, je dois m'excuser et vous remercier d'avoir bien voulu retarder l'audition à ce matin, étant donné que j'ai dû m'absenter hier.

On a évidemment effleuré la formation de la main-d'oeuvre lorsqu'on a discuté de l'arrêté en conseil 2711. Vous avez devant vous un mémoire que je n'ai pas l'intention de lire. Je vais essayer plutôt d'en faire un bref résumé.

Tout d'abord, je dois dire que le mémoire est présenté par les quatre associations mentionnées, à savoir: l'Association provinciale des

constructeurs d'habitations du Québec, l'Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec, la Corporation des maîtres mécaniciens en tuyauterie du Québec et la Corporation des maîtres électriciens du Québec. Par contre on a remarqué aussi dans le mémoire de la Fédération de la construction que, elle aussi, appuie celui que nous présentons ce matin.

C'est donc dire que c'est tout le patronat de l'industrie de la construction qui vous présente ce matin ce mémoire.

La formation professionnelle de la main-d'oeuvre a constitué une préoccupation des gouvernements depuis au moins 20 ans pour essayer de rendre rentable les investissements faits dans ce domaine. Mentionnons en passant qu'on investit au-delà de $100 millions par année dans la formation de la main-d'oeuvre. Dans l'industrie de la construction, il s'agit d'environ $10 millions. Evidemment, ces sommes incluent les allocations données aux étudiants et le coût de la formation proprement dite.

En 1945, le gouvernement du Québec adoptait la Loi de l'aide à l'apprentissage. Celle-ci permettait aux employeurs et aux employés de former en commissions d'apprentissage, selon les besoins, selon les secteurs, des commissions pour voir à la formation et administrer la formation de leur propre main-d'oeuvre. On avait à ce moment-là des comités consultatifs de métiers qui informaient les commissaires au niveau des commissions d'apprentissage des besoins de chacun des métiers dans chacune des régions. Malgré les aspects positifs de la loi, il y avait quand même quelques carences. Il manquait de toute évidence de coordination provinciale entre les centres d'apprentissage et entre les secteurs. Il y avait à ce moment-là, avant l'adoption du bill 49, une commission d'apprentissage de l'industrie de la construction à peu près dans toutes les régions, commissions d'apprentissage de la chaussure, de l'automobile, de la coiffure, de l'imprimerie, du verre plat et s'en venait aussi la commission d'apprentissage en alimentation.

Deuxièmement, il n'existait aucune relation entre les commissions d'apprentissage et les institutions du ministère de l'Education qui avaient, elles aussi, leur système de formation professionnelle. En fait, si nous, les parties, tant syndicales que patronales, nous établissions, par exemple, le nombre d'apprentis à former dans un domaine — je prends Montréal en particulier — disant: Nous avons besoin de 50 électriciens, nous formons 50 électriciens, parallèlement, le ministère de l'Education pouvait en former 150, à côté, sans aucune espèce de consultation avec les parties.

Le troisième point négatif de la Loi de l'aide à l'apprentissage, c'est qu'il y avait, de toute évidence, un désintéressement de la majorité des secteurs, sauf ceux que j'ai mentionnés tout à l'heure. Pour pallier ces difficultés, le gouver- nement a adopté, en juin 1969, le bill 49 ou le chapitre 51, Loi sur la formation et la qualification professionnelles de la main-d'oeuvre. Le but de la loi était évidemment de corriger les erreurs de la Loi de l'aide à l'apprentissage mais, après trois ans d'expérience, on doit malheureusement constater qu'aucun des objectifs qui avaient été fixés par le chapitre 51 n'a été atteint, principalement à cause de l'approche irréaliste de cette législation.

Mentionnons, entre autres — un seul exemple, si vous voulez — la juridiction qui est donnée aux commissions de formation professionnelle par le bill 49, à savoir que la formation professionnelle n'inclut pas seulement les ouvriers, mais aussi jusqu'aux universitaires. Il s'agit de formation professionnelle des adultes. Cela voulait dire qu'on englobait, théoriquement, la formation de toutes les professions et non seulement celle des ouvriers, comme on le faisait avec la Loi de l'aide à l'apprentissage.

Avec la Loi de l'aide à l'apprentissage, les parties avaient leurs centres, leurs professeurs, leurs propres programmes de formation. Somme toute, nous gérions nos propres affaires. Les parties syndicales et patronales étaient présentes à titre de consultées et à titre d'exécutantes dans la formation de leur main-d'oeuvre. Evidemment, cela faisait que notre main-d'oeuvre était formée selon les besoins du marché du travail.

On pensait que le bill 49 allait améliorer la situation. Malheureusement, comme je le disais tout à l'heure, après trois ans, et selon l'application pratique de la loi, les pionniers des centres d'apprentissages que nous étions, c'est-à-dire les parties patronales et syndicales de l'industrie de la construction, on ne peut retrouver, par le biais du bill 49, le strict minimum du rôle que nous avions lorsque nous avions la commission d'apprentissage.

Théoriquement, le bill 49 prévoyait des comités consultatifs régionaux qui devaient permettre d'établir un système de communications entre la formation et le marché du travail. Ces comités n'ont, à l'heure actuelle, aucune responsabilité, principalement à cause des raisons suivantes.

Premièrement leur composition est hétérogène puisqu'elle regroupe des secteurs d'activité. Autrement dit, au lieu d'avoir des comités consultatifs de métier comme nous avions avant, nous avons des comités consultatifs de secteurs. Ce qui veut dire, par exemple, que dans les services on va retrouver un balayeur assis avec une sténo-dactylo pour essayer de dire ce dont leurs secteurs ont besoin.

Or, dans l'industrie de la construction, on retrouve, assis autour d'une même table, les parties syndicales et patronales en nombre limité et qui peuvent parler d'un métier qui est absent à la table. Le problème du manque d'homogénéité de ces comités consultatifs fait qu'ils ne sont pas capables de remplir leurs mandats.

Deuxièmement, le rôle qui avait été donné à ces comités consultatifs était d'établir les besoins quantitatifs et qualitatifs de la main-d'oeuvre, toujours théoriquement selon le bill 49. Or, ce rôle est tout à fait aléatoire parce que chaque comité consultatif — aucun devrais-je dire — n'a les données nécessaires pour statuer sur les besoins.

Troisièmement, ces comités consultatifs, au lieu de relever des commissions — comme cela se faisait dans le cas des commissions d'apprentissage — relèvent du ministère du Travail et ne sont convoqués que sur demande du ministère du Travail. En trois ans, ces comités ont siégé au maximum deux fois.

Le quatrième aspect, c'est que ces comités de consultation ne sont coordonnés d'aucune façon au niveau provincial. C'est-à-dire qu'une région peut dire: Nous avons besoin de X individus dans tel domaine, et l'autre région immédiatement à côté peut dire qu'ils ont besoin de Y individus et il n'y a aucune coordination au niveau provincial.

Les membres qui siègent à ces comités consultatifs ne semblent pas, exception faite de la construction, avoir le mandat de leur secteur. On se rappelle que le CPQ — le Conseil du patronat — s'est opposé violemment à la façon utilisée pour nommer les individus à ces comités consultatifs régionaux.

La base même du bill 49, ce sont les comités consultatifs régionaux, c'est-à-dire ce qu'on appelle communément les CCR.

L'autre palier prévu au bill 49 était, évidemment, la commission de formation professionnelle elle-même. Elle devait, selon la loi, constituer régionalement l'autorité de dernière instance pour coordonner toute la formation dans la région. Ce mandat visait à tenter d'éviter, en fait, les problèmes qu'on avait rencontrés avec la Loi de l'aide à l'apprentissage et à essayer de coordonner les travaux faits par les différentes institutions, qu'elles relèvent du ministère de l'Education ou du ministère du Travail. Or, le ministère de l'Education n'a jamais reconnu ce rôle aux commissions de formation professionnelle. Par conséquent, les commissions de formation n'ont pas pu remplir le mandat qui leur était théoriquement donné. Pour votre information, il y a eu sept comités interministériels qui ont siégé pour essayer d'en arriver à une entente.

Il y en a un septième, d'ailleurs — je pense que le ministre peut le confirmer — qui siège à l'heure actuelle pour tenter d'arriver à une entente entre les deux ministères. Je ne sais pas si, cette fois, on arrivera à un résultat positif, mais, malheureusement, chaque fois ces comités ont fait un fiasco. Le bill 49 relevait du ministère du Travail, alors que la formation, selon d'autres interprétations, relevait aussi du ministère de l'Education, ce qui fait qu'il y a toujours eu conflit depuis le bill 49 et avant même le bill 49.

Il y a eu trois ententes interministérielles, mais, quand on arrivait pour interpréter l'enten- te, les fonctionnaires ne s'entendaient pas. C'était un autre facteur aussi, je pense, qu'il faut soulever. En bref, il faut dire que le bill 49 confère à la commission le rôle de coordonatrice pour éviter les duplications en disponibilités physiques et humaines. C'est sûr que c'était, selon nous, nécessaire au niveau d'une région qu'on établisse un organisme qui puisse décider à quel endroit on va acheter tel équipement et dans quelle institution on va engager tel professeur, pour ne pas faire de duplication dans les coûts de formation.

Conséquemment, on ne peut que constater l'échec total du bill 49, tant au niveau des consultations des parties syndicale et patronale que dans l'éxécution des mandats théoriquement donnés. Si l'on regarde maintenant l'industrie de la construction, cette loi-là nous a défavorisés complètement, puisqu'elle nous a enlevé les structures en matière de formation sans même coordonner et éviter les duplications en ce domaine, au niveau régional et provincial.

De plus, et selon les dires du Conseil du patronat, elle n'a même pas pu satisfaire les secteurs autres que ceux de la construction. Globalement, les objectifs de la loi étaient certainement et incontestablement louables mais, dans la pratique, ils ont été impossibles à atteindre à cause d'une situation de fait qui a été négligée dans l'établissement des prémisses de ces mêmes objectifs.

Qu'on nous permette, entre autres choses, de souligner encore une fois l'opposition acharnée du CPQ aux articles 42, concernant la certification obligatoire, et 45, relativement au licenciement. En ce qui concerne l'industrie de la construction, en plus des difficultés précédemment énoncées on souligne les difficultés que peut nous causer cette loi en établissant, par règlement, le rapport compagnon-apprenti; ceci constitue un contrôle quantitatif de la main-d'oeuvre. En même temps, on a l'arrêté en conseil 2711, qui traite du même sujet. D'où, évidemment, une superposition de lois pour traiter d'un contrôle. De plus, on conçoit très mal qu'une loi de formation statue sur les salaires des apprentis.

C'est brièvement l'historique de la situation. Les parties patronales se sont penchées sur différentes suggestions et n'en font qu'une avec des modalités. La recommandation se lit comme suit: Compte tenu des difficultés d'application du chapitre 51, nous recommandons que des amendements soient apportés à cette loi pour permettre de rendre sectorielle l'application de cette loi et pour régler, une fois pour toutes, les disputes interministérielles au sujet de la formation de notre propre main-d'oeuvre.

C'est la recommandation globale. Quant aux modalités, nous suggérons ce qui suit: A) la formation de comités provinciaux de métiers patronaux-syndicaux qui auraient les mandats suivants: 1) établir les normes d'apprentissage de ce métier au sein d'un secteur, ces normes étant provinciales et obligatoirement suivies au niveau de toutes les institutions de formation, y

inclus les institutions relevant du ministère de l'Education; 2) établir une méthode de contrôle de la qualité de formation donnée. A cet effet, ce comité provincial pourrait élaborer des examens uniformes à travers la province pour un métier donné et surveiller les émissions de cartes de compétence ou certificats de qualification; 3) évaluer provincialement les besoins de perfectionnement de la main-d'oeuvre, incluant la recyclage et évidemment aussi la polyvalence. 4) coordonner les besoins quantitatifs de la main-d'oeuvre en fonction des données régionales et provinciales et compte tenu de la mobilité de cette main-d'oeuvre au sein de cette même spécialité.

On voit ici qu'on pourrait faire une espèce de carrefour où se rencontreraient le mandat du comité provincial de métiers et peut-être l'application des critères de l'arrêté en conseil 2711 que l'on voyait tout à l'heure, étant donné que ce seraient les mêmes parties et que les contrôles quantitatif et qualitatif ne peuvent être dissociés.

Toujours au niveau provincial, nous recommandons aussi la formation d'une commission professionnelle de l'industrie de la construction formée de délégués des comités de métiers provinciaux, de délégués du ministère du Travail et de délégués du ministère de l'Education qui auraient le mandat suivant: 1) Voir à la coordination des disponibilités physiques et humaines relatives à la formation dans chaque métier; 2) Octroyer au niveau régional des commandes de formation selon les besoins établis dans chacun des métiers. a) Nous recommandons de coordonner au niveau provincial les disponibilités physiques et humaines. Qu'on pense, par exemple, au domaine des routes où l'équipement coûte énormément cher — si on achète des pelles ou de l'équipement lourd, ça coûte très cher — ou il faut une coordination provinciale pour dire que dans une telle région, dans un district donné on va s'équiper seulement à un endroit et non pas à deux ou trois endroits, même si c'est dans des régions économiques différentes.

Au niveau régional, nous suggérons en fait une structure parallèle à celle du provincial soit la création de comités régionaux de métiers relevant directement de la commission de formation et ayant le mandat de faire rapport au comité provincial de métiers de besoins de formation existants en perfectionnement et en recyclage. b) En tenant compte des données de la commission de l'industrie et des critères régionaux, faire part au comité de métiers provincial des besoins quantitatifs de la main-d'oeuvre. Encore là on peut remarquer en fait la parenté avec l'arrêté en conseil 2711 sur le contrôle quantitatif. 3) Participer directement à la structure de la CFP régionale par voie de délégation directe au conseil d'administration de celle-ci.

Toujours au niveau régional, nous suggérons la création d'une commission de formation professionnelle régionale. Mais cette commission, contrairement à ce qui existe à l'heure actuelle, serait premièrement sectorielle, les secteurs qu'ils désirent.

Si l'industrie de la construction veut une commission, qu'elle en ait une. Si l'industrie des mines n'en veut pas, elle n'en a pas. Alors, c'est une situation optionnelle, si vous voulez, soit de former des délégués des comités de métiers, de représentants du ministère du Travail et de représentants du ministère de l'Education.

Cette commission aurait plein pouvoir de coordonner régionalement l'octroi des cours aux différentes institutions. Selon nous, c'est ça qui réglerait peut-être le problème, une fois pour toutes, des disputes interministérielles ou devrais-je dire peut-être interfonctionnaires. Je ne porterai pas de jugement là-dessus. Il semble que les ministres s'entendent puisqu'ils signent des ententes, mais les fonctionnaires ne s'entendent pas.

Deuxièmement, gérer les disponibilités physiques et humaines de son ressort. On ne suggère pas ici que chaque commission s'équipe en bâtisses. La commission peut facilement siéger sans avoir de personnel à son emploi, au point de vue formation, mais elle constitue l'autorité pour désigner quelle institution va donner tel cours.

Troisièmement, voir à l'exécution des commandes émises par la CRP provinciale. Alors, c'est la CRP provinciale qui dirait à la CRP régionale, vous allez former tant d'électriciens, tant de plombiers, etc.

Quatrièmement, voir au contrôle de la qualification, l'émission des certificats en fonction des normes établies provincialement.

Quelques remarques à ce dernier point. Nous croyons nécessaire que tout amendement au bill no 49 constitue une décision concertée des ministères du Travail et de l'Education, afin d'éviter la répétition de nombreux conflits que nous avons connus depuis trois ans. En effet, toute décision unilatérale d'un ministère ou d'un autre ne peut que créer la confusion chez les fonctionnaires et freiner la participation du monde du travail par les parties patronale et syndicale.

Nous sommes d'avis que l'industrie de la construction via notre commission pourrait peut-être, et dans une certaine mesure, participer au financement des commissions de formation professionnelle régionales, afin d'éviter que certains secteurs prétendent que notre industrie est favorisée par l'Etat par rapport aux autres industries. De plus, cette méthode d'action nous permettrait peut-être une plus grande autonomie dans nos propres décisions.

Comme on soulignait tout à l'heure les difficultés de la Loi de l'aide à l'apprentissage, on disait qu'il manquait de coordination intersectorielle. Pour pallier cette difficulté, nous suggérons que soient institués des comités intersectoriels de familles de métiers qui au-

raient comme mandat d'établir des profils de carrières, d'élaborer des suggestions aux différents comités de métiers et de chaque secteur, d'établir des programmes de recyclage en fonction des besoins des différents secteurs et faire part aux différentes CRP provinciales de leurs recommandations.

M. le Président, il y a, à la fin du mémoire, une conclusion et un sommaire. Je pense qu'on peut s'en passer. Il y a peut-être une chose. Je voudrais souligner, c'est la troisième fois que je le dis, qu'il est nécessaire que le ministère du Travail et le ministère de l'Education s'entendent avant de faire des amendements à une loi, parce que les conflits, c'est nous qui les payons à l'heure actuelle. On ne peut participer nulle part à cause de ces conflits. Je vous remercie, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Merci, M. Lebon.

M. COURNOYER: Je voudrais seulement savoir où on prend les sept comités interministériels? Vous avez affirmé tantôt qu'il y avait eu sept comités interministériels ou six comités, qu'est-ce que c'est? Est-ce qu'on parle des mêmes comités?

M. LEBON: Malheureusement, je n'ai pas les dates. J'ai la liste ici.

D'abord, au tout début, il y a eu le comité Savard, où je siégeais, qui a donné naissance à des recommandations au CCTM pour l'adoption du bill 49. Le bill 49 a été adopté. Il y a eu, ensuite, la mission OPFS pour informer les gens des buts de la loi qui, je pense, sont conformes à ce que nous disions tout à l'heure. Il y a eu une lettre entre le ministre Bellemare et le ministre Cardinal; ensuite, il y a eu une entente entre le ministre Cournoyer et le ministre Saint-Pierre, suivie d'un comité interministériel et d'un autre comité interministériel restreint à cause des difficultés du comité interministériel précédent. Ensuite, un accord est intervenu entre MM. Cournoyer et Saint-Pierre pour amender l'entente. Il y a eu un comité du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre pour l'opérationnalisation de l'accord. Après ça, il y a eu un comité du ministère de l'Education — il avait le même mandat que le précédent, mais chacun avait sa façon de concevoir les choses — suivi d'un comité conjoint du ministère du Travail et de l'Education pour unifier le travail et élaborer ce qui avait été prévu.

M. COURNOYER: Pour élaborer les nouvelles ententes.

M. LEBON: Est-ce que vous en avez assez, M. le ministre?

M. COURNOYER: En masse, en masse! On a la "comitomanie", la comitose, pardon!

M. DEMERS: C'est cancéreux.

M. LE PRESIDENT: Le député de Saint-Maurice.

M. DEMERS: M. Lebon, je vous remercie et vous félicite de votre mémoire. J'aurais une couple de petites questions à vous poser relativement à la loi 49. Est-ce que vous trouvez quelque chose de bon ou de présentable dans cette loi?

M. LEBON: Théoriquement, M. le Président, je pense que la loi est excellente.

M. DEMERS: Théoriquement, elle est excellente. C'est la pratique qui est nulle?

M. LEBON: C'est la pratique qui ne fonctionne pas.

M. DEMERS: Vous nous donnez des suggestions. Est-ce que, d'après vous, les suggestions que vous formulez dans votre mémoire la rendraient efficace et effective?

M. LEBON: Je crois que oui. Disons que, principalement, il s'agit de rendre, au niveau des secteurs, son application possible. Autrement dit, qu'on n'essaie pas de nous faire croire, par exemple — je prends Montréal parce que je suis président de la CFP de Montréal — que moi et un autre individu représentons tout le patronat de la région de Montréal métropolitain, c'est faux! On est quatre individus à un bureau de direction, deux qui représentent tous les salariés de Montréal et deux qui représentent tout le patronat de Montréal, pour parler de tous les secteurs. Quand on dit tous les secteurs, ça englobe deux millions de personnes. Je pense que c'est absolument théorique et qu'on ne représente rien, finalement. Au niveau d'un secteur, par exemple celui de la construction, nous aurions, assis à la même table, des individus de la construction, qui parleraient des besoins de la construction.

M. DEMERS: Comment envisage-t-on dans le monde syndical les suggestions que vous formulez?

M. LEBON: Il faudrait peut-être demander ça aux parties syndicales.

M. DEMERS: C'est encore un autre comité probablement.

M. COURNOYER: Dans un des mémoires, M. le Président, hier, on avait une suggestion qui ressemblait à celle-là.

M. DEMERS: Cela se ressemblait joliment. C'est pour ça que je trouve qu'il y aurait peut-être une entente à faire pour qu'on puisse cohabiter et arriver à quelque chose de concret. Le voilà.

M. COURNOYER: L'agneau si doux!

M. LEBON: De la part de la FTQ, c'est la première fois dans ma vie qu'ils me font dire qu'ils sont d'accord.

M. DESJARDINS: C'est la première fois que vous parlez comme du monde.

M. DEMERS: On voit qu'il y a une compréhension mutuelle; les gens parlent mieux et les autres entendent mieux. Comprenez-vous, et ça va nous amener des suggestions pratiques. C'étaient les questions que j'avais à poser.

M. LE PRESIDENT: Le député de Chicoutimi et, après le député de Beauce et le député de Maisonneuve.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Lebon, à la page 4 de votre mémoire, vous déplorez le fait qu'en ce qui concerne la juridiction cela englobe non seulement la formation des ouvriers, mais aussi celle des universitaires. Est-ce que vous pourriez nous expliquer un peu le problème que cela pose, selon vous?

M. LEBON: Evidemment, je ne voudrais pas me faire poursuivre par le Barreau; c'est peut-être une interprétation qu'on a faite de la loi. D'ailleurs, je pense même que le ministre du Travail a fait la même interprétation. Etant donné qu'il est avocat, je vais m'y fier.

Le bill 49 porte sur la qualification professionnelle des adultes. Cela veut dire à partir de l'ouvrier jusqu'au diplômé universitaire. Je vois mal comment les parties, syndicale et patronale, vont décider quelle formation un avocat devrait avoir.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): On parle ici de formation universitaire. Voyez-vous des difficultés dans la formation qui est donnée par les CEGEP?

M. LEBON: Selon notre expérience — je parlerai exclusivement du secteur de la construction — malheureusement, les institutions du ministère de l'Education n'ont jamais établi de liens concrets entre les besoins du marché et les idées théoriques que les professeurs peuvent avoir sur les besoins de ce marché. Par conséquent, si vous voulez, le produit fini, une fois sur le marché du travail, ne satisfaisait pas la demande des employeurs, en tout cas au point de vue de la qualification.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Cela revient à dire que la détermination des options, par exemple, qui sont offertes dans les CEGEP est faite sans que soient consultés des organismes comme le vôtre, ceux que vous représentez ce matin.

M. LEBON: C'est tout à fait juste.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): On établit certaines options, on définit un profil de formation ou de carrière mais on ne s'occupe pas de savoir s'il y aura des débouchés pour ces étudiants qui sont formés en fonction de tel ou tel métier ou profession. Cela pose une difficulté majeure dans le cas de l'organisation de votre main-d'oeuvre.

M. LEBON: C'est tout à fait exact. Si vous me permettez, le problème est double. Il s'agit aussi — vous l'avez souligné — du problème quantitatif et du problème qualitatif.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'entends bien que les deux aspects soient compris. Vous parlez des difficultés, avec le ministère de l'Education, et de celles que vous avez lorsqu'il s'agit de faire se rencontrer — remarquez que c'est une vaste et douloureuse entreprise — les divers comités ministériels. Vous n'avez pas songé à suggérer au ministre de créer des centres de formation des fonctionnaires qui s'occupent des divers comités ministériels? Ils sont combien de millions ou de milliers, je ne sais plus. Le ministre le sait peut-être. A ce jour, naturellement. Je ne compte pas ceux qui seront créés ce matin.

M. COURNOYER: Il y a une progression géométrique par rapport au nombre de fonctionnaires que nous avons. Les comités ne sont pas nécessairement intimement reliés au nombre mais il y a une progression géométrique.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui.

M. COURNOYER: S'il y a 35,000 fonctionnaires, on devrait normalement multiplier...

M. DEMERS: Indirectement proportionnel à l'efficacité.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Pour revenir à des choses plus sérieuses, M. Lebon, qu'est-ce qui fait, à votre avis, que ces comités ne se rencontrent pas? Cela me rappelle une pièce de Labiche, où deux personnages devaient se rencontrer et, jusqu'à la fin de la pièce, ils finissent par ne jamais se rencontrer. Cela se retrouve au gouvernement très souvent. Ayant été ministre, je le sais. Quelles sont les objections que met, par exemple, le ministère de l'Education à ce que cela fonctionne, à ce qu'il y ait des rencontres et à ce que vous établissiez, d'un commun accord, les besoins quantitatifs et qualitatifs dans le domaine de la main-d'oeuvre? Avez-vous eu des rencontres récentes, ou il y a quelque temps, avec les responsables du ministère de l'Education?

M. LEBON: Je dois dire non. Par contre, M. Tremblay, je n'ai jamais été ministre. Evidemment, je peux pas savoir quelles sont les difficultés qu'éprouvent les fonctionnaires.

M. DEMERS: Je vous félicite! Moi non plus.

M. LEBON: C'est un problème de juridiction, en fait. Je pense — je vous donne mon opinion personnelle — que vous êtes encore mieux placé que moi pour savoir quels sont les problèmes internes entre les fonctionnaires. Mais une chose que nous savons, c'est qu'ils ne s'entendent pas. Ils se rencontrent mais ils ne s'entendent pas.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ils se rencontrent mais ils ne savent pas pourquoi.

M. LEBON: Chacun a une interprétation de l'entente que son ministre a signée.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Maintenant, M. Lebon, je vais m'adresser à mon excellent collègue, le ministre du Travail. Le ministre pourrait-il nous dire si, à sa connaissance, il y a eu des rencontres de ces divers comités interministériels?

M. COURNOYER: Régulièrement.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Avez-vous assisté à ces rencontres?

M. COURNOYER: Pas du tout.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Avez-vous eu des rapports?

M. COURNOYER: Nous avons régulièrement des rapports.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Est-ce que vous les avez lus?

M. COURNOYER: Ils se ressemblent les uns les autres. Quand on en a lu un on en a lu deux.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): En substance, pourriez-vous les résumer?

M. COURNOYER: Pas du tout. Je pense que M. Lebon les a parfaitement résumés. Il y a des ententes entre le ministre de l'Education et le ministre du Travail, et la minute où on vient pour mettre ça en application, on entre dans deux structures qui sont totalement différentes. Pas nécessairement opposées, mais deux structures totalement différentes. Il ne faudrait pas passer sous silence le rôle que jouent encore les commissions scolaires dans la province de Québec, le rôle que jouent les CEGEP et qui leur sont donnés par la loi, de faire de l'éducation. En éducation, ils ont des options entre le professionnel, etc. Et cela relève du ministère de l'Education.

De notre côté, nous faisons de la formation professionnelle à des niveaux d'enseignement qui sont peut-être un peu différents, peut-être même en dehors de ces niveaux d'enseignement au collégial et dans les écoles polyvalentes. Il y a toujours — et ça a été vrai avant et c'est vrai aujourd'hui — les conflits de deux structures qui sont parallèles et qui devraient être convergentes. Le genre d'entente que le ministre du Travail et celui de l'Education font c'est de tenter de faire des structures convergentes.

Mais quand, d'un côté, des fonctionnaires disent: Je ne veux pas qu'elle converge de cette façon-là, il y a des tournoiements dans la ligne qui font qu'on fait ça comme ça. On essaie de se reprendre par l'autre bord, mais ça va toujours rester comme ça tant et aussi longtemps qu'une décision ne sera pas prise de remettre soit sous l'autorité totale du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre ou du ministère de l'Education l'organisation de l'enseignement professionnel des adultes ou de l'enseignement professionnel tout court.

Nous avons l'enseignement professionnel aux adultes. Cela relève du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre. Du ministère de l'Education, nous avons l'enseignement point, qui comporte aussi de l'enseignement professionnel, mais qui s'adresse d'abord aux enfants, à l'élémentaire, au secondaire et au collégial. Il y a des adultes maintenant qui sont au collégial, mais il reste que l'essence même de l'opération du ministère de l'Education, ce n'est pas nécessairement la même clientèle que nous avons. Je ne parle pas de l'employeur, je parle du ministère du Travail, nous n'avons pas la même clientèle du tout, quoiqu'on parle souvent de la même chose.

Si le ministère de l'Education consultait peut-être un peu mieux que nous consultions les mêmes structures que vous préconisez pour que le ministère du Travail consulte l'industrie, les véritables responsables, ceux qui connaissent l'industrie, il y aurait peut-être moins de problèmes de coordination. Mais le ministère de l'Education n'a pas les mêmes obligations ou les mêmes tendances que nous, il n'a pas le même matériel que nous à éduquer — si on peut parler de matériel pour le moment — ce n'est pas le même genre de personnes qu'il éduque, quoique le produit qui sort au bout sert à la même place.

Cela c'est la difficulté que nous avons. Le produit qui sort au bout sert à la même place. Mais actuellement je suis non pas étonné parce que je suis un peu au courant de ce qui se passe encore dans mon ministère, je ne suis pas étonné que vous remarquiez un échec au moins presque total de la théologie du bill 49 dans la pratique des faits.

Il semble bien que ce dont vous accusez le ministère du Travail, c'est de peut-être se conduire maintenant comme vous accusiez auparavant le ministère de l'Education de se conduire.

M. LEBON : A ce que je sache, nous n'avons accusé de rien le ministère du Travail, sauf de ne pas être capable de s'entendre avec le ministère de l'Education.

M. COURNOYER: Mais il y en a un autre petit bout qui dit que, par exemple, il y a eu trois réunions des comités consultatifs régionaux en deux ans ou deux en trois ans.

M. LEBON : Deux en trois ans.

M. COURNOYER: Si ce n'est pas un blâme, je ne comprends rien.

M. LEBON : C'est une constatation, M. le ministre.

M. COURNOYER: Donc, il n'y aurait pas besoin de réunions.

M. LEBON: Nous autres, nous pensons que...

M. COURNOYER: Vous croyez utile de dire qu'il ne peut y avoir de réunion que sur convocation du ministère du Travail. Si vous dites qu'il n'y en a eu que deux dans les trois dernières années, ce n'est pas un blâme, ça?

M. LEBON : Si vous voulez le prendre comme ça.

M. COURNOYER: Je le prends comme ça. Mais ce n'est pas une félicitation non plus.

M. LEBON: Ce n'est sûrement pas une félicitation.

M. COURNOYER: Mais à toutes fins utiles vous constatez que ce qui était prévu théoriquement dans le bill 49, c'était la consultation. On m'a parlé, quand je suis arrivé comme ministre du Travail, d'un vaste réseau de comités consultatifs régionaux de consultation, et qu'on ne ferait plus rien sans consulter les gens les premiers impliqués en matière de formation professionnelle. Il doit s'être fait quelque chose pendant les trois dernières années. Et je n'ai pas consulté grand monde si j'ai fait des réunions deux fois en trois ans. C'est ça que vous voulez dire.

M. LEBON: C'est sûr que nous...

M. COURNOYER: Je ne prends pas ça pour un blâme que vous n'avez pas le droit de faire. Ne vous mêlez pas. Vous avez le droit de le faire.

C'est une constatation de fait que je constate, moi aussi.

M. LEBON: Le problème ne se situe pas seulement là, quand même. Il faut réaliser que c'est un aspect. Si des comités consultatifs avaient siégé plus souvent, on aurait peut-être été plus satisfait mais même là les mandats des comités consultatifs étaient trop larges et leur composition hétérogène, comme on l'a dit tout à l'heure. Peut-être avez-vous bien fait alors de ne pas les convoquer, cela n'aurait rien donné.

M. COURNOYER: C'est peut-être pourquoi on en est venu à cette conclusion à un moment donné.

M. LEBON: C'est ça.

M. COURNOYER: C'est pourquoi je dis que ce n'est pas un blâme.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Bon, si l'on se resitue dans le cadre des discussions que nous avons eues jusqu'à présent, et pour lesquelles d'ailleurs la commission a été convoquée, il y a un problème. C'est la question de la possibilité pour un certain nombre de travailleurs de travailler lorsqu'ils sont appelés et d'obtenir le droit de travailler, c'est-à-dire des permis pour travailler, une carte de travail que le ministre, actuellement, décerne ou octroie, paraît-il, à un rythme assez extraordinaire. Dans cette perspective-là, est-ce que les amendements que vous proposez à la loi 49 pourraient apporter une solution? Vous savez, la commission est née d'une demande qui a été présentée et qui a été acceptée par la Chambre pour examiner la question des gens qui, étant en mesure de travailler, ayant souvent eu l'occasion de décrocher des emplois disponibles, ne pouvaient pas les occuper faute d'avoir des permis.

Vous nous présentez ce matin un mémoire qui est d'un ordre assez général qui est très bien fait, d'ailleurs, sur l'appréciation du fonctionnement de la loi 49. Mais ce pourquoi la commission est réunie, c'est pour s'enquérir des moyens de régler la question des travailleurs qui ne peuvent pas obtenir de permis de travail à l'heure actuelle. Donc, dans cette optique-là, je vous pose la question suivante: Est-ce que vous croyez que les amendements que vous proposez seraient de nature, sinon à faire disparaître complètement, du moins à atténuer la rigueur de ce problème qui est posé aujourd'hui à la commission parlementaire par ses propres membres, les membres de l'Assemblée nationale.

M. LEBON: Tout d'abord, je pense que la commission parlementaire avait quand même trois sujets. A moins que je me trompe, M. le Président, il s'agissait de l'arrêté en conseil 2711 sur les permis, du bill 49 sur la formation et de la liberté syndicale. C'est ce qu'on a vu dans les appels d'offres.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Dans les convocations que vous avez reçues.

M. LEBON: Oui, c'est un appel d'offres.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Excusez-moi, si vous permettez, je vais préciser. Tout cela, d'accord, a été englobé dans les objectifs du travail que devait poursuivre la commission ici, mais à partir d'un problème précis, celui de l'incapacité dans laquelle se trouvent des travailleurs d'exercer leur métier en raison de l'absence de permis de travail. Or, vous nous présentez

une critique ou une appréciation du fonctionnement de la loi 49, mais, dans l'optique que je viens d'indiquer, est-ce que ces propositions partent d'une préoccupation qui rejoint celle de la commission lorsqu'elle a été convoquée?

M. LEBON: Evidemment, le mandat que nous avions ici était de traiter du bill 49, à savoir la formation de la main-d'oeuvre. Par contre, vous avez pu, je pense, réaliser que nos recommandations tenaient aussi compte, justement, de l'arrêté en conseil 2711, à savoir le contrôle quantitatif de la main-d'oeuvre.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui.

M. LEBON: Comme on l'a dit hier et avant-hier, la commission de l'industrie de la construction siège le 22 et le 25 pour établir des critères qui pourraient facilement se marier avec les recommandations qui sont ici.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je vois que vous saisissez bien le problème. D'ailleurs, vous avez une proposition dite globale voulant que des amendements soient apportés à cette loi pour permettre de rendre sectorielle l'application de cette loi 49. Dans les modalités, vous dites notamment, à la page 12 de votre mémoire: "Voir à la coordination des disponibilités physiques et humaines relatives à la formation dans chaque métier" et, ensuite, "octroyer, au niveau régional, des commandes de formation selon les besoins établis dans chacun des métiers". Vous posez ici, en parlant de cette "sectorialisation" — si je peux me permettre ce néologisme qui est familier aux fonctionnaires du gouvernement — le problème de contingentement dans les différents métiers de la construction ou autres.

Quelle est la conception que vous vous faites de ces "commandes de formation selon les besoins établis dans chacun des métiers"? Entendez-vous qu'il faudrait faire un inventaire des besoins régionaux et, ensuite, demander que les centres de formation — appelons-les comme on voudra — tiennent compte de ces inventaires qui établissent qualitativement et quantitativement les besoins dans les différents corps de métiers?

M. LEBON: M. le Président, je ne veux certainement pas retourner au débat sur l'arrêté en conseil 2711; je répète que les normes et les critères d'émission de permis seront établis soit par la commission d'ici à la fin du mois ou par le ministre, si la commission n'en vient pas à une entente. Je suis peut-être optimiste. Je crois que les parties vont en arriver à une entente d'ici à la fin du mois pour établir des critères d'émission de permis.

Quant au quantum de la formation, à savoir le nombre d'individus qu'on doit former au niveau régional et au niveau provincial, je pense que, quels que soient les critères, il est évident que le système de formation doit tenir compte de la quantité d'individus qu'il faut former dans chaque métier, comme on l'a dit, basée sur les statistiques de la Commission de l'industrie de la construction qui seront meilleures, évidemment, d'année en année.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est un objectif à court ou à moyen terme, appelez-le comme vous le voulez. Il y a, quand même, un problème pratique qui a fait l'objet des discussions de la commission depuis le début, c'est le problème des travailleurs qui, actuellement, ne peuvent pas travailler dans les corps de métiers parce qu'ils n'ont pas de permis de travail. Vous nous proposez un système, par voie d'amendements à la loi 49, qui réglerait l'ensemble du problème de la formation par des relations, mieux suivies entre les divers ministères intéressés en vue d'en arriver à établir des quanta de travailleurs dûment formés. C'est l'objectif que vous poursuivez.

Nous avons un problème pratique et concret qui a été évoqué à l'envi par tous les députés qui ont participé à ces discussions, c'est le problème des gens qui, à l'heure actuelle, sont capables d'exercer un métier et ne peuvent pas le faire parce qu'ils n'ont pas de permis de travail. Qu'est-ce que vous répondez à cela?

M. LEBON: Les parties, patronale et syndicale, et le ministre lui-même ont dit que, si le contingentement était une conséquence d'un contrôle quantitatif, il fallait le subir. C'est évident que, pour la formation, ce qui nous intéresse, c'est que les parties soient consultées pour le qualitatif et qu'il y ait une certaine coordination sur le quantitatif. Il y avait un député hier qui ne comprenait pas pourquoi il ne pouvait avoir de main-d'oeuvre dans une région par rapport à une autre, etc. Est-ce qu'on tient compte de la mobilité de la main-d'oeuvre quant au système de formation? Je parle toujours en fonction du système de formation.

Si, par exemple, les électriciens sont mobiles à 90 p.c., c'est sûr qu'il y aura beaucoup plus de coordination au niveau provincial sur le quantum que sur les manoeuvres qu'on sait n'être pas mobiles. Ce sera un besoin régional dans un métier particulier qui, lui, ne déménage pas, tandis que, dans un métier où il y a beaucoup de mobilité, ce sera plutôt des directives émises au niveau provincial pour ne pas noyer le marché du travail et faire des chômeurs, c'est sûr.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Lebon, vous avez répondu à quelques-unes des questions que je voulais vous poser. Votre mémoire se situe dans la perspective d'amendements à la loi 49. J'aimerais savoir du ministre — c'est la dernière question que je veux poser — ce qu'il pense de ces recommandations qui nous sont faites ce matin et qui me paraissent pertinentes.

Qu'est-ce qu'il a imaginé pour améliorer la pratique de la loi 49 dont on a dit qu'en principe c'était une bonne loi?

M. COURNOYER: J'ai demandé, il y a déjà un certain temps, au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre de réexaminer totalement la loi 49. Au moment où nous nous parlons, vous avez en face de vous l'industrie de la construction et c'est d'abord un problème de construction que nous discutions aujourd'hui. Mais M. Lebon a mentionné tantôt que l'une des carences de cette loi était qu'elle ne prévoyait pas une participation plus forte des différents secteurs d'activité dans l'industrie sur une base autonome. Actuellement c'est une commission de formation professionnelle, dont vous avez décrit tantôt les effectifs. Comme représentants patronaux, vous êtes deux pour représenter l'ensemble des patrons du Montréal métropolitain et c'est la même chose pour les représentants syndicaux qui siègent à la même commission. C'est une constatation qui m'a amené, moi au moins, à penser que, malgré toute la bonne volonté de ceux qui ont conçu le bill 49, certaines choses se découvrent à l'usage comme pas aussi pratiques, aussi intéressantes qu'au point de départ on aurait voulu qu'elles le fussent.

J'ai demandé au conseil consultatif une révision de toute la loi. Les choses qui sont dites au nom de la construction aujourd'hui, il est possible que dans d'autres secteurs or. dise exactement la même chose ou le contraire. Le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre est un peu mieux équipé, si je peux m'exprimer ainsi, au point de vue de la représentation que les seuls membres de la construction pour faire un examen global de ça.

Remarquez que je ne blâme pas le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre de ne pas avoir commencé encore cette étude. Il y a l'article 45, dont vous avez parlé tantôt, qu'il est très important, à mon sens, de modifier bientôt; c'est sur les licenciements collectifs. L'article 45 a causé beaucoup plus d'ennuis dans l'industrie que dans la construction. On a parlé de structure; celle qui est en place actuellement ne semble pas donner satisfaction aux gens qui vivent dedans, et nous devons réviser cette loi. Mais quand à savoir comment la réviser, je me passe de commentaire actuellement, étant donné que j'ai demandé qu'on la révise et qu'on me fasse des recommandations.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je remercie le ministre de nous dire qu'il a demandé de réviser cette loi parce que j'estime — et je tiens à vous le dire, M. Lebon, et à ceux que vous représentez — que vos recommandations sont basées sur un examen lucide et sur une appréciation pratique, concrète de cette mise en application de la loi 49. Nous sommes d'accord, en principe, avec vous, il restera à définir les modalités des amendements que vous proposez. Mais je retiens que vous déplorez d'abord cette absence de coordination entre des ministères qui devraient se préoccuper de coordonner leur activité afin que la formation professionnelle dont vous parlez dans votre mémoire ne soit pas conçue et organisée au hasard sans tenir compte des besoins actuels du Québec. Surtout que l'on n'aille pas commettre cette erreur magistrale de former des gens qui ne trouveront pas emploi. C'est extrêmement important et je crois qu'il faut retenir cet aspect de votre mémoire. Je vous remercie de nous l'avoir présenté.

M. LE PRESIDENT: Le député de Beauce.

M. ROY (Beauce): M. le Président, j'ai remarqué, à la lecture du mémoire de M. Lebon, qu'on a souvent fait référence à l'échec du bill 49, l'échec des décrets, l'échec des comités, l'échec des pourparlers, l'échec des ententes, l'échec dans les tentatives de collaboration entre les ministères. Ne croyez-vous pas que, si nous en sommes rendus là, tout ceci découlerait du fait qu'il a été à peu près impossible à tous les organismes existants de connaître les données essentielles, c'est-à-dire les besoins exacts de chaque secteur d'activité, dans chaque région du Québec?

Est-ce que le problème fondamental ne découle pas de ce problème de connaître d'abord les besoins de chaque région, dans chaque secteur?

M. LEBON: Evidemment, me limitant toujours au bill no 49, c'est-à-dire à la formation professionnelle je pense que nos recommandations veulent tenir compte des besoins régionaux par la formation de comités de métiers régionaux.

M. ROY (Beauce): Oui, mais, jusqu'ici, cela n'a pas été possible, si j'en juge par ce que vous avez dit tout à l'heure.

M. LEBON: Antérieurement, par la Loi de l'aide à l'apprentissage, nous avions ces comités régionaux. Maintenant, le bill no 49 les a abolis pour de bonnes raisons. Nous croyions que c'étaient pour de bonnes raisons. Comme on le dit dans le mémoire, après trois ans, on se rend compte que cette loi, qui était théoriquement bonne, est inapplicable.

Nos recommandations tiennent compte, comme vous le dites, des besoins régionaux par métier.

M. ROY (Beauce): Puisqu'on parle de besoins régionaux par métier, est-ce que vous pouvez faire des projections pour deux ans à venir des besoins qu'il y aura dans chaque secteur dans l'industrie de la construction et cela, dans chaque région? Je ne parle pas sur le plan du permis de travail. Je parle au niveau de la qualification professionnelle, parce qu'il y a

quand même de grandes variances dans l'industrie de la construction, d'une année à l'autre.

On sait que, l'année dernière — je pense que vous l'admettez et que vous le savez encore mieux que nous — dans l'industrie de la construction, cela a été une période de crise, alors que l'année 1972 connaît une expansion assez considérable. Est-ce que vous pouvez prévoir quels seront les besoins? Si on parle de formation professionnelle, au niveau des CEGEP, à l'intérieur du Québec, il faut pouvoir planifier sur une période de cinq ou dix ans. J'estime que ce doit être d'au moins cinq ans. Est-ce que vous pouvez prévoir toutes les conditions économiques, les fluctuations, les politiques monétaires gouvernementales, les problèmes que doivent rencontrer l'économie nord-américaine, l'économie canadienne, l'économie québécoise, etc?

M. LEBON: Toujours en m'en tenant à la formation professionnelle, je pense que les parties syndicale et patronale peuvent faire des projections sur les besoins technologiques de la main-d'oeuvre.

M. ROY (Beauce): Ils peuvent faire des projections, mais elles peuvent varier.

M. LEBON: Faire des projections sur les besoins de connaissances techniques de la main-d'oeuvre pour deux, trois, quatre, cinq ans, je pense que c'est assez facile.

M. ROY (Beauce): Mais avec une variance.

M. LEBON: Je ne parle pas — il faut bien s'entendre — du quantitatif. Je pense qu'on a épuisé le sujet hier.

M. ROY (Beauce): Non, je ne parle pas du quantitatif.

M. LEBON: Les besoins de formation en main-d'oeuvre, c'est-à-dire l'aspect technique de la formation, à savoir les nouvelles méthodes de construction qui viennent, je pense qu'on peut facilement prévoir cela, afin de former la main-d'oeuvre pour qu'elle soit apte à jouer le rôle qu'elle aura à jouer dans un, deux ou trois ans.

M. ROY (Beauce): Je vais prendre un exemple. Est-ce que vous pouvez faire une projection, à l'heure actuelle, sur les investissements qu'il pourrait y avoir au Québec, par exemple, dans le domaine de la construction industrielle, dans le domaine de la construction commerciale? Si vous pouvez prévoir ces besoins pour cinq ans à venir, de quelle marge de variation devez-vous tenir compte pour être le plus juste possible?

M. LEBON: Je regrette, encore une fois, je pense qu'on tente de parler indirectement du règlement no 2711.

M. ROY (Beauce): Je ne parle pas du règlement 2711; je parle de la qualification professionnelle. Cela fait deux fois que je le dis.

M. LEBON: Sur la qualification professionnelle, il est facile de prévoir cela, oui.

M. ROY (Beauce): Vous pouvez le prévoir! Alors, vous êtes en mesure de savoir, vous autres, quels seront les investissements qui pourront se faire au Québec? Vous pouvez prévoir aujourd'hui, au point de vue qualitatif et sur le plan professionnel, quelles seront les politiques du gouvernement fédéral, du gouvernement provincial ou encore les conditions de l'économie nord-américaine! Vous savez que les taux d'intérêt et les politiques monétaires influent grandement sur le domaine de la construction. Vous pouvez prévoir tout cela?

M. LEBON: Je pense que j'ai déjà répondu à la question. Je ne veux pas m'embarquer sur les investissements, parce qu'il est question de connaissances. Pour ma part, le mandat que j'ai ici, c'est de parler de formation professionnelle. Les connaissances, je pense, sont facile à prévoir. Maintenant, dans quelle proportion les investissements vont tomber en électronique plutôt qu'en je ne sais quoi? C'est bien sûr qu'il y a une variance et c'est aussi relié au contrôle quantitatif, qu'on le veuille ou non.

M. ROY (Beauce): Si vous faites des contrôles quantitatifs à partir des politiques, des connaissances et des données que vous avez aujourd'hui. A ce moment-là vous risquez... Je prends un exemple: en supposant que le décret 2711 — ce n'est pas pour vous amener à discuter du décret 2711 — ait été appliqué à la lettre cette année, comment pensez-vous qu'il aurait été possible de répondre à la demande dans l'industrie de la construction? Parce que, en somme, il y a aussi la question des permis de travail qui concerne également les travailleurs professionnels.

Est-ce que vous avez des données à l'heure actuelle sur ceux qui sont qualifiés et qui ne sont pas reconnus par les lois de qualification? Il y en a dans tout le Québec. Je vais parler des travailleurs autonomes, des travailleurs artisans qui ne sont pas connus, qui ne sont pas enregistrés ou encore qui ne peuvent se qualifier parce qu'ils ne répondent pas aux normes établies, mais qui ont quand même vingt ans d'expérience dans l'industrie de la construction et qui peuvent être très mobiles. Est-ce que vous avez des donnés là-dessus?

M. LEBON: Le prérequis pour un individu, dans un métier qualifié, c'est évidemment d'obtenir son certificat de qualification. Je ne pense pas qu'on puisse empêcher un individu d'aller chercher son certificat de qualification. Si l'individu en cause est qualifié, il n'aura, selon nos recommandations, qu'à aller chercher son certificat de qualification.

M. ROY (Beauce): S'il ne peut pas l'avoir? Parce que, par exemple, c'est une question de scolarité au point de départ.

M. LEBON: Evidemment, s'il n'est pas compétent il ne l'aura pas.

M. ROY (Beauce): Ce n'est pas une question de compétence, je parle d'une question de scolarité. Ce n'est pas une question d'arithmétique et de comptabilité, si vous voulez, qui peut influencer énormément un travailleur, un peintre, par exemple, ou encore un menuisier ou un autre.

M. LEBON: Monsieur...

M. COURNOYER: Là-dessus, il y a deux choses qui peuvent se produire. Il y a déjà un avis de publié pour parler d'attestation de compétence et non pas de certificat de qualification. Pour ce qui est du certificat de qualification, vous ne me ferez pas dire à un type qu'il satisfait aux mêmes standards que quelqu'un d'autre et qui peut s'offir n'importe comment, s'il ne satisfait aux mêmes standards que quelqu'un d'autre. C'est exactement ce que M. Lebon dit. S'il n'est pas compétent dans le sens de qualifié suivant des règlements de qualification, il ne l'aura pas mais on va lui donner une attestation de compétence qui va être l'équivalent. Il va avoir le droit de travailler quand même.

M. ROY (Beauce): Il va avoir le droit de travailler, mais est-ce que ce droit va être limitatif?

M. COURNOYER: Il peut être limité par l'autre règlement 2711 qui n'a rien à voir avec celui-là.

M. ROY (Beauce): C'est par le règlement 2711 que vous allez le limiter?

M. COURNOYER: C'est le règlement 2711 dont on a discuté hier toute la journée et avant-hier aussi, qui traite du contrôle quantitatif de la main-d'oeuvre une fois qu'un individu a subi avec succès les examens de qualification ou a reçu l'attestation de compétence dont il est question dans les amendements au règlement no 1 ou 2, je ne sais pas lequel, ils ont été publiés dans la Gazette officielle du 8. Nous voulons reconnaître l'individu qui a une expérience par une attestation d'expérience. On peut dire: Lui, c'est un menuisier. On ne lui donnera pas un certificat de qualification pour autant, on va lui donner une attestion d'expérience parce qu'il ne satisfait pas aux standards établis pour les autres. Il n'a pas la neuvième année ou la dixième année, mais il est capable de travailler quand même, il a travaillé pendant vingt ans, on va reconnaître ça. On ne peut pas lui donner un certificat de qualification.

Quant à savoir s'il va travailler sur des chantiers de construction, quant à savoir s'il va prendre la place d'autres personnes qui y sont depuis longtemps, c'est le règlement 2711, quantitativement. Un type peut fort bien avoir son certificat de qualification comme maître électricien, comme électricien actuellement, et ne pas avoir le droit de travailler sur un chantier de construction parce qu'il n'a pas travaillé dans les deux dernières années, si j'applique le règlement 2711 tel qu'il est rédigé.

M. ROY (Beauce): C'est ça.

M. COURNOYER: S'il n'a pas travaillé, il n'était pas dans l'industrie de la construction et ce dont on a parlé hier au sujet du règlement 2711, c'est exactement ça.

M. ROY (Beauce): Est-ce que le ministre pourrait nous dire s'il compte alors modifier les règlements concernant la qualification professionnelle de façon qu'on accorde beaucoup plus d'importance à l'expérience et à la grande expérience dans le travail pour lequel on qualifie l'ouvrier qu'à des questions secondaires? Je vais prendre un exemple en particulier pour dire qu'il devrait y avoir quelque chose de fait, l'exemple une personne qui est reconnue comme étant un artiste avec 25 ans d'expérience, qui a toujours été un travailleur autonome et qui se présente au centre de qualification professionnelle, passe les examens à deux reprises et les manque. Pourquoi? Parce qu'il y a des détails techniques, on lui a demandé des choses qui ne concernent pas son métier.

Je vais prendre un autre exemple, M. le Président, dans le domaine des opérateurs de machinerie lourde puisqu'on parle de qualification professionnelle en général.

Il y a des gens qui sont qualifiés pour actionner certaines machines lourdes et leurs patrons les font travailler soit sur un bélier ou une pelle mécanique. Quant à la qualification, on lui demande d'être compétent pour faire fonctionner à peu près cinq ou six machines. Il y a même de ces machines que les entrepreneurs qui les emploient n'ont pas, n'ont jamais eues. Ils n'en ont pas besoin non plus. D'ailleurs, vous avez eu des lettres. Il y a eu énormément de correspondance d'échangée à ce sujet.

Je vous pose donc une question. Il ne s'agit pas d'être cynique avec ces choses. L'expérience, à ce jour, nous a démontré que, concernant la qualification professionnelle, il y a trop de chinoiseries — je prends ce terme — pour qualifier un homme compétent.

M. COURNOYER: Là-dessus, disons que l'endroit où vous êtes assis et celui où je le suis, ce n'est pas tout à fait la même place. Je suis, comme ministre du Travail, responsable de la qualification professionnelle. Je suis obligé de prévoir un peu ce qui va se produire. Toute la philosophie du règlement no 1, c'est la polyvalence.

M. ROY (Beauce): Mais qu'est-ce que vous faites de la spécialisation? On veut faire de la qualification au niveau de la spécialisation. Et, aujourd'hui, on parle de spécialisation et on nous arrive avec la polyvalence des travailleurs!

M. COURNOYER: Qui a fait quoi au sujet de la spécialisation?

M. ROY (Beauce): On a beaucoup parlé de spécialisation. On a demandé aux ouvriers de se spécialiser.

M. COURNOYER: Qui a demandé cela?

M. ROY (Beauce): Ils doivent avoir des cartes de qualification professionnelle et se spécialiser dans tel domaine.

M. COURNOYER: Ces cartes ont justement un caractère de polyvalence. Actionner de la machinerie lourde, c'est actionner de la machinerie lourde. Je suis bien sûr que le type qui est capable de faire fonctionner de la machinerie lourde, avec bien des manettes, est capable d'actionner celle qui a moins de manettes. Et quand celle qui a moins de manettes ne travaillera pas, il pourra aller travailler sur celle qui a plus de manettes. Ce n'est pas être cynique que de dire cela. J'ai pris un exemple très précis. Quand il y a plus de manettes, cela prend plus de temps à apprendre le métier. Mais je peux lui donner un certificat de qualification comme opérateur de machinerie lourde. Il se présente chez'le même entrepreneur, qui veut l'avoir aujourd'hui, et il dit: Moi, je suis capable d'actionner de la machinerie lourde. C'est ce qui est marqué sur mon certificat. Et ce n'est pas vrai, il conduisait un rouleau compresseur sur la route. Conduire un rouleau compresseur et conduire un D-8, ce n'est pas pareil. Actionner une grue mobile et actionner une pelle, ce n'est pas pareil. Il faut que nous donnions des bases générales. C'est, je pense, ce que nous recherchons un peu partout. Il faut trouver un métier, l'identifier, faire des modules, comme on le fera probablement dans l'automobile, et dire: Quand vous aurez tous les modules, nous vous donnerons un certificat de qualification.

M. ROY (Beauce): Mais en attendant?

M. COURNOYER: En attendant, nous allons vous reconnaître les capacités dans ce module. Je parle d'attestation d'expérience, je parle de certificat d'un module. Je dis que ce n'est peut-être pas facilement applicable dans l'industrie de la construction. Quand on est menuisier, on est menuisier, mais allez voir la différence. Un menuisier, c'est un menuisier, pour vous et pour moi. Mais, pour pendre une porte, il y a des menuisiers à qui je ne donnerais pas de bois. Mais ils ont le certificat de qualification dans les mains, par exemple. Quand ils se présentent chez l'employeur, ils demandent le même salaire que les autres. Ils prennent le salaire de $4.50 ou $5 l'heure et ils peuvent briser trois portes en les posant. Le président me racontait hier que des menuisiers, aux Barbades, il n'y en a pas tellement. Quand il a été aux Barbades — le président sort de temps en temps — il y a des gens qui ont posé des pentures et des poignées de portes sur le même bord ! Cela n'a l'air de rien !

M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est arrivé au parlement! Je souligne au ministre qu'on a posé ma porte à l'envers, au parlement.

M. COURNOYER: Voilà! Ce n'est pas une farce!

M. ROY (Beauce): Etait-on qualifié par votre ministère?

M. COURNOYER: Aux Barbades, non!

M. DEMERS: Il n'y a qu'un inconvénient, aux Barbades: Il n'y a pas de bois!

M. COURNOYER: Je pense, M. le Président, que le député a parfaitement raison de se préoccuper. Ce n'est pas une question de sourire pour sourire. Vous avez raison de vous préoccuper. Mais, à la place où je suis assis, je dois me préoccuper de ce qui arrive avec les changements technologiques assez nombreux. Si un individu est très spécialisé et que je lui ai donné un certificat de qualification très spécialisé, quand il arrive au bout et que son métier disparaît, qu'est-ce que je fais avec lui? Qu'est-ce que je fais avec les briqueteurs, aujourd'hui?

M. ROY (Beauce): Je pense qu'il y a un point que nous oublions. C'est peut-être là une source de confusion. On veut, en quelque sorte, imposer aux entrepreneurs des individus. Je pense que le problème, c'est la "contingentomanie".

C'est un grand mot, mais je pense qu'à l'heure actuelle nous sommes en face d'une querelle de technocrates qui sont atteints de "contigentomanie". On veut tout organiser l'affaire pour l'avenir envers la "contingentomanie". Les employeurs ont assez de jugement pour savoir quand un ouvrier pose les poignées de portes du même côté que les pentures. Mais est-ce qu'on fait confiance aux employeurs ou si on ne leur fait pas confiance? Il y a tout de même des contremaîtres dans l'industrie de la construction...

M. COURNOYER: Oui, très confiance aux employeurs. Mais il y en a un paquet d'employeurs qui disent: Compte tenu du fait qu'on emploie et qu'on met à pied dans ça, que quand ils emploient un ouvrier, il est compétent pour travailler dans le métier qu'il dit qu'il est compétent pour travailler dedans. C'est en anglais pas mal ça, M. le député de Chicoutimi?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ce n'est pas du français exemplaire.

M. COURNOYER: N'oubliez pas qu'il y a des règles dans les décrets qui ne sont peut-être pas bonnes pour certains individus, mais qui sont là quand même. Lorsque j'emploie quelqu'un, je le paie. Quand ça me coûte trois fois plus ou que ça prend trois gars pour remplir la fonction, que j'en ai payé trois pour pendre la même porte, je prends mes précautions, et les employeurs sont intéressés autant que les représentants syndicaux. Il n'y a pas de problème.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous pendez le gars?

M. COURNOYER: Les employeurs, le système de formation, c'est pour mieux servir les employeurs. Ce n'est pas pour leur nuire. Mais quend ils changent d'emploi continuellement, l'individu qui part avec sa carte de compétence, d'artisan dont vous parlez, probablement extrêmement compétent, il est compétent pour le client que vous aviez. C'était parfait. Vous avez expliqué ça hier. Vous avez dit: Nous autres, nous construisons des granges, des porcheries...

M. ROY (Beauce): Pas seulement ça.

M. COURNOYER: Non, mais un gars qui construit ça il devrait avoir le droit de faire ça. Si je lui donne le certificat de qualification de menuisier parce qu'il a construit des granges, c'est normal. Et après ça il va le vendre à Montréal son certificat de menuisier et il va dire: Moi je suis un menuisier, employez-moi. Vous avez besoin de menuisiers à Montréal, on m'a dit qu'il en manquait. Je prends votre certificat à vous, je prends le type qui n'a aucune forme d'expérience là-dedans, dont la formation est inexistante, il n'en a pas de formation. Mais parce qu'il se servait d'un marteau, on le prend et on lui donne un certificat de qualification. Il se promène avec ce certificat à travers la province pour chercher de l'emploi, et lorsque l'employeur l'emploie il le retourne chez lui au bout de trois jours parce qu'il a perdu de l'argent avec lui. Et moi je l'ai sur les bras.

Il dit: Je suis qualifié, j'ai mon certificat. Trouve-moi un emploi comme menuisier, Cournoyer.

M. ROY (Beauce): Je pense qu'on vient justement de toucher un point fondamental. La qualification professionnelle devrait être une chose bien précise. Nous y croyons et nous sommes d'accord avec la qualification professionnelle. Mais lorsque la qualification professionnelle veut se mêler de contingentement, je pense que c'est là qu'arrivent un peu les difficultés. Je vais prendre un exemple.

Nous avons, dans le sud-est du Québec — et pas seulement la région chez nous, dans plu- sieurs régions — plusieurs personnes, pour ne pas dire des centaines de travailleurs, qui se sont spécialisées dans le posage de gyproc aux Etats-Unis. C'est un exemple que je cite à l'intention du ministre. Pour poser du gyproc dans la province de Québec, ils ont besoin d'une carte de menuisier. Il y a des entrepreneurs qui sont intéressés à leur faire poser du gyproc parce que c'est une spécialité. Les cartes de qualification professionnelle sont en retard sur le développement de la spécialisation. Il arrive énormément de complications.

Même il y a eu des annonces à la radio récemment, dans lesquelles on demandait, pour aller travailler dans l'Ontario, des travailleurs spécialisés dans le posage de gyproc. Il n'y a pas de problèmes pour aller travailler en Ontario, ou aux Etats-Unis. Mais lorsque ces gens veulent exercer le même métier dans la province de Québec, il y a complications par-dessus complications et ces gens perdent leur temps et énormément d'argent.

Je voudrais revenir à M. Lebon sur ce point. Etant donné que vous avez fait des études sur la qualification professionnelle, est-ce que vous prévoyez faire d'autres recommandations — par exemple au ministère du Travail — dans ce domaine de façon à ce que la polyvalence — comme disait l'honorable ministre tout à l'heure — empêche la spécialisation d'ouvriers? Je vais prendre un exemple en vous posant cette question. Vous avez quand même des menuisiers qui sont spécialisés dans les finitions extérieures de bâtiment. Et vous en avez d'autres qui sont spécialisés dans les finitions intérieures.

Si l'employeur se base uniquement sur la carte de qualification professionnelle et qu'il engage des gens qu'il ne connaît pas, de quelle façon prévoyez-vous être capables de remédier à cette situation, pour atteindre les objectifs que vient d'énumérer le ministre, de façon que vous puissiez offrir aux employeurs une main-d'oeuvre experte?

M. LEBON: Je m'excuse, mais je représente quand même 20,000 employeurs. Le fait que les employeurs veulent participer à l'élaboration des normes, c'est sûrement, comme le ministre le dit aussi, pour nous satisfaire. C'est sûr qu'on ne pénalisera pas les employeurs qu'on représente. Les comités consultatifs provinciaux de chaque métier vont avoir à régler toutes les difficultés qui peuvent survenir dans ce métier, de façon à bien servir les employeurs, puis en même temps à donner du travail à ceux qui sont qualifiés.

M. ROY (Beauce): Combien y a-t-il de métiers reconnus, à l'heure actuelle, dans l'industrie de la construction?

M. LEBON: Vingt-sept.

M. ROY (Beauce): Combien de spécialisations maintenant?

M. COURNOYER: Qu'est-ce que vous entendez par spécialisation?

M. ROY (Beauce): Un poseur de tuile, un poseur de gyproc, une personne qui va se spécialiser, par exemple, dans les couvertures.

M. COURNOYER: C'est un métier.

M. ROY (Beauce): Oui, il est inclus dans un métier, mais est-ce que le ministère ou encore votre association ou quelqu'un d'autre a fait un inventaire de tous les genres de travaux qu'il y a à faire dans l'industrie de la construction?

M. COURNOYER: Disons qu'il y a les plans de carrière que nous faisons chez nous. Cela peut vous donner une idée de ce que c'est. Pour chaque métier, on peut dire quelles sont les opérations ce que ça prend, pour tous ceux dont les plans de carrière sont terminés. C'est épais comme ça.

M. ROY (Beauce): Il y en a.

M. COURNOYER: On me dit qu'il y avait 573 classifications avant.

M. ROY (Beauce): Puis, vous voulez entrer 573 classifications dans 25 cadres.

M. COURNOYER: On ne veut pas, c'est fait.

M. ROY (Beauce): En reconnaissant à peu près 25 métiers. Vous voulez entrer 573 spécialisations dans à peu près 25 métiers. Alors, celui qui se spécialise dans un domaine, parce qu'il travaille pour un gros entrepreneur, lui n'a pas de possibilités.

M. COURNOYER: Il se spécialise, mais après avoir acquis les connaissances de base dans un métier.

M. ROY (Beauce): Oui, mais pourquoi perdre du temps à étudier pendant cinq ans toutes sortes de choses, vu qu'il peut gagner sa vie dans un métier? Je vais prendre un autre exemple, M. le Président; c'est quand même important. Il y a des gens qui se spécialisent dans le posage de tapis; ils voudraient avoir une carte pour poser du tapis. Le type veut poser uniquement du tapis, parce qu'il est vendeur de tapis en même temps. Il est obligé de suivre des cours pour apprendre le posage de prélart, le posage de tuile, tous les revêtements mous possibles et impossibles. Il n'en a pas besoin.

M. COURNOYER: Cela va peut-être lui éviter de découvrir, lorsqu'on passera du tapis à un autre matériel, qu'il n'a plus rien à faire. Il aura appris un métier pondant le temps qu'il pouvait l'apprendre; il pourra peut-être se placer ailleurs, ce qu'il ne pourra pas faire si je le spécialise trop et qu'après on change de matériau.

Il y a quelqu'un qui a affirmé hier que le préfabriqué s'en venait à grands pas. Quand on va être entré dans le préfabriqué de plain-pied, encore plus profondément que nous y sommes actuellement, bien, le tapis va être posé en boutique, puis le type ne le posera plus dans la maison. Il n'y en aura peut-être plus du tout, du tapis, ça change les matériaux.

M. ROY (Beauce): Oui, mais, à ce moment-là, comment lui faire suivre un cours pour des produits qui ne sont pas encore connus?

M. COURNOYER: Je lui donne des éléments de base.

M. ROY (Beauce): Vous parlez d'avenir.

M. COURNOYER: M. le Président, je donne à l'individu les éléments de base communs. On peut bien dire qu'il n'a pas besoin d'une 10e année pour poser du tapis entre vous et moi. Dès que vous avez une règle, que vous pouvez mesurer et que vous l'avez appris techniquement, vous n'avez pas besoin d'une 10e année. Une 2e année, ça fait; une 3e forte, c'est un peu mieux, mais, à part ça, ça fait. On n'a pas besoin de ça. Le cultivateur n'avait pas besoin d'éducation, non plus, pendant un bout de temps. Ce n'est pas mauvais qu'il en ait.

M. ROY (Beauce): Je n'ai pas parlé de questions d'éducation ni de 9e année.

M. COURNOYER: C'est le même principe, ça procède de la même chose. Il n'y a pas de différence pour moi entre instruire quelqu'un dans un métier; une fois qu'il y a des données de base, il est plus libre, l'individu. Il est plus libre de subir les avatars technologiques qui peuvent se produire dans ce qu'il exerce. Il a plus de formation de base. Si je ne saisis pas les opportunités que j'ai à ce moment-ci, quand vous serez au pouvoir, vous allez me blâmer royalement de ne pas l'avoir fait. Vous allez me dire: Il n'a pas planifié, ce gouvernement-là; regardez ça, le paquet de menuisiers qu'on a ici. Regardez donc les poseurs de gyproc, par exemple. C'est sorti depuis pas tellement longtemps, ça fait une dizaine d'années.

On avait des poseurs de gyproc, on avait des tireurs de joints de gyproc, on avait toutes sortes de métiers.

A un moment donné on ne tire plus les joints, des planches de gyproc font le pan de mur; il n'y a plus de joints. Qu'est-ce que je fais avec mes tireurs de joints, moi?

M. ROY (Beauce): C'est un autre exemple qu'on pourrait vous signaler.

M. COURNOYER: Je suis au courant de tous ces exemples. Les solutions qui sont sur la table sont des solutions qui, à court terme, font mal. Je ne peux pas m'empêcher d'avoir de la

sympathie pour le député quand il me parle au nom d'un de ses commettants qui gagne sa vie dans une spécialisation très forte mais, comme ministre du Travail et pas nécessairement à cause de ceux qui sont en face, je suis obligé aussi de penser à ceux qui ont étudié, qui ont été éduqués en vertu d'un système et qui, à cause d'une spécialisation à outrance, perdent les possibilités qu'ils ont de travailler.

Entre vous et moi, il y a tellement de choses qui se font au point de vue technologique aujourd'hui, particulièrement dans la construction, que ce n'est pas de l'aberration. Ce qui s'en vient, c'est que les gens qui n'auront pas de base... Regardez la diminution du nombre de salariés dans l'industrie de la construction malgré tout, le nombre d'emplois en même temps que l'augmentation des investissements. On augmente les investissements et on réduit le nombre d'emplois. Pourquoi? Parce qu'effectivement il y a la technologie moderne. Comme je le disais, il ne se fait plus de plâtre; on a trouvé autre chose. De la brique, il ne s'en pose presque plus, on a trouvé autre chose parce que c'est plus économique, probablement, et le consommateur a des goûts qui changent.

Les barbiers, ceux qui sont coiffeurs pour hommes, qui sont spécialisés là-dedans, quand les petits gars ont décidé que leurs cheveux seraient plus longs que ceux des dames, en "arrachent" sur le coin de la rue. Ils sont spécialisés dans cela et on ne leur a jamais demandé autre chose que de coiffer des hommes. Aujourd'hui, parce que la mode a changé et que les gens ont les cheveux longs, le coiffeur pour hommes dit: Moi, j'aimerais coiffer les dames. Le petit gars va se faire friser chez la coiffeuse pour dames. J'ai le conflit de juridiction actuellement. Ce n'est pas un conte, je ne ris pas de cela. Le conflit est que les gars vont se faire arranger les cheveux chez le coiffeur pour dames.

M. DEMERS: Cela fait des hommes forts.

M. COURNOYER: A ce moment-là, il n'y a qu'une façon de procéder, il faut enlever les culottes en entrant parce qu'ils n'ont pas le droit de le faire.

M. ROY (Beauce): Mais cela, votre ministère ne l'avait pas prévu.

M. COURNOYER: Non, monsieur. Alors là, on tente de prévoir; ne me blâmez pas de le faire.

M. ROY (Beauce): Sur les objectifs que poursuit le ministère et que tout le monde désire, nous sommes entièrement d'accord. On a beaucoup parlé du côté théorique tout à l'heure, mais lorsqu'on touche au côté pratique, il y a un énorme fossé à combler. Nous essayons, en ce qui nous concerne, de trouver des solutions pour permettre aux gens qui ont des familles, qui ont des responsabilités, qui ont la compétence pour travailler dans l'industrie de la construction de travailler au lieu de les en empêcher et les obliger à vivre du bien-être social.

Je vous remercie, M. Lebon, du mémoire que vous nous avez présenté. Nous notons que les remarques que vous avez faites ont été considérées par d'autres et nous comptons que vous allez continuer à travailler de façon qu'on puisse — c'est un voeu que j'exprime — trouver des solutions pour simplifier un peu l'affaire. Dans la construction, il y a toujours eu des complications dans la province de Québec. Plus on avance, plus on a l'impression que c'est compliqué à un point tel que si on regarde ce qui se fait dans l'industrie de la construction cette année et les problèmes que nous avons, nous sommes en droit de nous demander si ce n'est pas le médecin qui est malade plutôt que le patient.

M. LE PRESIDENT: Le député de Maisonneuve.

M. BURNS: M. Lebon, je ne vous poserai pas de question sur votre mémoire parce qu'en ce qui me concerne, je le trouve très bien. Je vous en félicite. Je trouve qu'il contient des suggestions très intéressantes.

Je voudrais vous parler de quelque chose qui ne se trouve pas dans votre mémoire et que j'aurais aimé vous voir développer, particulièrement en matière de recyclage. Tout le monde sait que le gouvernement fédéral a des pouvoirs plus particulièrement en matière d'orientation et de sélection des individus.

Dans une politique globale de contrôle qualitatif et quantitatif de la main-d'oeuvre, envisagez-vous que vos solutions proposées puissent avoir autant d'efficacité que vous le désirez si ce pouvoir de recyclage, ou d'initiation du recyclage qui est actuellement entre les mains du gouvernement fédéral, continue à exister? Je vous donne un exemple concret, on parlait tantôt des briqueteurs. Si, par exemple, le pouvoir de recyclage ou d'orientation et de sélection des individus est entre les mains d'un autre organisme que ceux préconisés en vertu du bill 49 et des amendements que vous suggérez, si, par exemple, au niveau de la sélection et de l'orientation on se met à fabriquer des briqueteurs, dans un niveau où vous n'avez aucun contrôle, pensez-vous que vos suggestions peuvent être très efficaces?

M. LEBON: M. le Président, si j'étais député péquiste c'est la question que j'aurais posée, moi aussi.

M. BURNS: Remarquez que le ministre du Travail la pose, cette question-là, depuis deux ans dans plusieurs domaines. Il en parle moins depuis quelque temps mais j'imagine qu'il va repartir en guerre bientôt.

M. COURNOYER: J'ai décidé de ne pas me mêler de la campagne fédérale.

M. BURNS: Vous attendez que ce soit fini, vous.

M. LE PRESIDENT: Je pense qu'il faudrait revenir aux métiers de la construction.

M. BURNS: J'y étais, je pense; M. Lebon aussi y était.

M. LEBON: M. le Président, on ajoute une dimension au mémoire; on l'a soulignée par une phrase où on parle de la complexité des ententes fédérales-provinciales au niveau de la formation. C'est sûr que ça complique davantage le système. M. Burns n'aimera pas ma réponse, mais à l'heure actuelle les relations sont assez bonnes, je pense, entre les délégués des commissions de formatiom professionnelle et les centres de main-d'oeuvre du Canada dans ce domaine.

M. BURNS: Remarquez que je ne veux pas une réponse qui me fasse ou ne me fasse pas plaisir, M. Lebon; je veux une réponse qui est exacte, tout simplement. Une fois que vous et tout le complexe qui tourne autour de la Commission de l'industrie de la construction les comités régionaux, les comités de formation locaux, tel que vous le suggérez, une fois tout ça mis en branle, vous pensez, avec la collaboration que vous avez actuellement des organismes fédéraux, que vous seriez en mesure d'imposer vos normes quant au Québec?

M. LEBON: Je pense qu'à l'heure actuelle le fédéral respecte nos normes. Cela va assez bien, je vous le dis, franchement.

M. BURNS: Je suis bien heureux de l'entendre.

M. LEBON: C'est sûr que la négociation proprement dite entre le ministère du Travail québécois et le fédéral, c'est peut-être un peu compliqué. Mais, une fois qu'on a les sommes d'argent du fédéral pour la distribution, ça va assez bien, pour les normes aussi.

M. BURNS: Alors, je pose ma question au ministre. Si ça va si bien dans le moment, si dans le fond c'est au Québec que se prennent ces décisions, du moins si on donne un peu d'extension à ce que vient de dire M. Lebon, qu'attendez-vous pour demander que ce pouvoir de recyclage soit remis entre les mains du ministre du Travail du Québec?

M. COURNOYER: C'est déjà fait.

M. BURNS: C'est déjà fait et quelle est la réponse?

M. COURNOYER: Il y a du "noui" là-dedans mais...

M. BURNS: Il y a plus de n que de oui.

M. COURNOYER: Disons que je n'ai pas encore analysé toute la réponse sur le document, que j'avais fait remettre d'ailleurs aux députés, celui du mois de février qui avait été proposé et qui disait à peu près ce qui vient d'être dit mais qui se ferait dans la pratique. On veut tout simplement faire consacrer cela dans un document et je n'ai pas analysé...

M. BURNS: Si je pose la question, c'est que je la trouve importante en vue d'une véritable planification. J'ai l'impression que c'est ce pourquoi nous sommes ici. Si, véritablement, on veut planifier, sur le plan quantitatif et qualitatif, la main-d'oeuvre, particulièrement dans le domaine de la construction, il faudrait que l'organisme qui, déjà a de la difficulté à se coordonner avec d'autres organismes — on a le même problème entre deux ministères, cela semble ressortir très clairement de ce document et le ministre ne le nie pas. D'ailleurs, c'est su et connu de tout le monde. Ce ne sont pas seulement ces deux ministères, il y en a d'autres, celui des Affaires culturelles et tous ceux que vous voulez. Même dans le temps où le député de Chicoutimi était ministre des Affaires culturelles, il n'avait pas réussi à s'entendre complètement avec le ministre de l'Education.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Pardon! Pardon!

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Cela s'est gâché depuis que Mme Kirkland-Casgrain est là. On en parlera dans l'intimité.

M. BURNS: En somme, c'est tout simplement pour vous dire que je ne pense pas qu'il puisse y avoir de véritables et sérieuses planifications. Même une fois aplanies les difficultés entre ministères, si vous avez deux niveaux de gouvernement qui prennent des décisions quant à la sélection, quant à l'orientation, si, comme je le disais tantôt, on se met à fabriquer en série des briqueteurs, alors que le métier est sinon disparu, du moins en nette régression, vous avez un sérieux problème, et tous les efforts que vous allez faire du côté des commissions de formation professionnelle vont être pratiquement annihilés. Vous aurez vos briqueteurs sur les bras.

M. COURNOYER: Oui.

M. BURNS: Ce que vous raconte concernant les briqueteurs, je ne l'ai pas choisi comme exemple au hasard, c'est quelque chose qui se

faisait, en tout cas à venir jusqu'à récemment, où on formait des briqueteurs. C'est absolument ahurissant et incompréhensible.

M. COURNOYER: Mais il est bien possible aussi qu'on en forme dans nos commissions scolaires régionales et dans les CEGEP. Je ne sais pas, mais la liste des métiers ou des options dont on a parlé hier, est une longue liste. Il doit y en avoir quelques-uns qu'on retrouve. Et la commission de formation professionnelle trouve peut-être qu'il y en a trop ou qu'il ne devrait y en avoir là-dedans. C'est à l'intérieur et remarquez que nous avons nos difficultés. Avec le gouvernement fédéral, M. Lebon me dit, actuellement, que l'autorité est dans les mains de la commission de formation professionnelle, à toutes fins utiles. A un moment donné, s'il y a un conflit, qui gagnera? C'est à peu près ça.

M. BURNS: C'est ça le problème.

M. COURNOYER: Il n'y a pas de conflit, touchons du bois! Mais, à toutes fins utiles, ce que nous avons demandé, c'est la consécration, dans les textes des ententes, de ce qui devrait se faire et de ce qui se fait. On en fait peut-être l'expérience avant de le consacrer dans un texte.

M. BURNS: Mais imaginez-vous, si vous ne pouvez pas vous entendre au niveau des fonctionnaires de deux ministères dans un même gouvernement, quel conflit est à prévoir entre les fonctionnaires de ministères différents de deux gouvernements? C'est le problème que je pose.

M. COURNOYER: Si je prends votre solution, on sépare les ministères.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui, mais il me semble que cela a été réglé à Hull, avec les fonctionnaires.

M. BURNS: Oui, cela a été réglé à Hull mais c'est pour après 74, pas pour le moment.

M. DEMERS: ... jobs qui ont été créés...

M. BURNS: Oui, ne vous inquiétez pas, on s'occupera de cela. D'ailleurs le ministre du Travail, à ce moment, sera peut-être le ministre du Travail dans ce cabinet et ça fera son tour du chapeau.

UNE VOIX: C'est de la polyvalence.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Mais le député de Maisonneuve pourrait nous demander, si, pour élever la muraille autour du Québec, on aura besoin de briqueteurs.

M. LE PRESIDENT: Je présume que le député a terminé?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui.

M. LE PRESIDENT: Le député de Frontenac.

M. LATULIPPE: M. le Président...

M. LE PRESIDENT: Ensuite, ce sera le député de Fabre.

M. LATULIPPE: ... j'aimerais demander ceci à M. Lebon: Hier, on a entendu les gens de la FTQ nous dire qu'autrefois ils avaient fait une expérience au niveau de la formation de la main-d'oeuvre à même leurs propres unités et que les employeurs ne s'en étaient pas plaints, que l'expérience avait été valable. Est-ce que vous partagez cette opinion?

M. LEBON: Je pense qu'on l'a mentionné dans le mémoire: Les anciennes commissions d'apprentissage étaient formées non seulement de la partie syndicale, mais aussi des parties patronales. Nous collaborions donc pour établir les normes que nous appliquions nous-mêmes. Evidemment, c'était supérieur à ce qu'on a aujourd'hui, parce qu'on n'est pas là.

M. LATULIPPE: D'accord, je vous remercie. Le décret est en quelque sorte le prolongement d'une convention collective entre des patrons, d'une part, et les syndicalistes, d'autre part. Est-ce que vous concevez que le rôle du décret peut s'étendre jusqu'à dire qu'à même les conditions qu'on va stipuler dans le décret on va en arriver à faire du contingentement? Je trouve que, dans la construction, le décret qu'on a actuellement fait en quelque sorte qu'on spécule et sur l'aspect qualitatif et sur l'aspect quantitatif. D'une certaine manière, on fait du contingentement par le prolongement des règles de jeu qu'on a introduites dans le décret.

M. LEBON: Si je comprends bien votre question, lorsqu'on parle de formation professionnelle, il ne s'agit pas d'application du décret, mais bien d'une collaboration de bonne foi, si vous voulez, entre les parties syndicales et patronales pour établir des normes d'apprentissage.

M. LATULIPPE: De toute façon, les décrets ne disparaîtront pas.

M. LEBON: Pour moi, c'est un autre sujet.

M. LATULIPPE: J'estime que le décret devrait se limiter exclusivement à des questions salariales. D'autre part, les mécanismes que vous nous avez proposés devraient sans doute s'appliquer dans le domaine de la construction. Il faudrait qu'il y ait une nette démarcation, pour qu'à chaque convention collective on ne puisse pas, par le biais du décret, remettre en cause des modalités au niveau de ce qui pourrait être

acquis par exemple, au niveau d'un conseil régional qui pourrait travailler et sur l'aspect quantitatif et sur l'aspect qualitatif de la main-d'oeuvre.

M. LEBON: Au point de vue qualitatif, c'est sûr qu'on ne pense pas qu'il devait y avoir des dispositions dans le décret. Comme je le disais tout à l'heure, il s'agit d'une collaboration entre les parties syndicales et patronales, pour une meilleure main-d'oeuvre. Partant de là, c'est sûr que le décret, c'est une chose et que la formation de la main-d'oeuvre, c'en est une autre.

M. LATULIPPE: Est-ce que, dans les revendications que vous faites, sous-jacent à ce que vous entendez, vous concevez, pour les espèces de sociétés régionales que vous voulez introduire, leur donner suffisamment de pouvoir et d'initiative pour qu'elles puissent prévoir et exécuter en tenant compte d'une nouvelle situation qui se produit?

Je vais vous donner un exemple. Dans certains secteurs assez reculés, en milieu rural, une industrie disparaît par le feu, comme cela s'est vu assez récemment. On doit reconstruire assez rapidement. Il n'y a pas, sur place, la main-d'oeuvre requise et il faut agir rapidement. Concevez-vous que vous pouvez donner suffisamment d'initiative et de pouvoir aux sociétés régionales que vous voulez introduire pour être capables à la fois de prendre des mesures au niveau de la qualification pour introduire certaines normes temporaires et également d'agir sur l'aspect quantitatif?

M. LEBON: Evidemment, la formation de la main-d'oeuvre, ce n'est pas comme du café instantané. On ne peut pas dire du jour au lendemain qu'on forme 50 menuisiers. C'est évident. Si on prend votre exemple d'un feu, il est sûr qu'au point de vue formation, je pense que nous n'avons rien à voir là-dedans. Nous parlons, encore une fois, du contrôle quantitatif de la main-d'oeuvre et de la mobilité de cette main-d'oeuvre.

Quant à la question à savoir quelle serait l'autorité de la commission régionale, elle dépend, évidemment, des comités de métiers qui, eux, statueront sur les besoins de la formation dans la région en coordination, au niveau provincial, avec un comité de ce même métier. Ce qui veut dire que les besoins régionaux seront assurément retenus avant d'établir des normes quantitatives sur la formation de la main-d'oeuvre dans la région.

M. LATULIPPE: Je crains qu'un mécanisme trop lourd au niveau régional, qui n'aura pas de pouvoir et pas suffisamment d'autorité, ne puisse remplir son rôle et qu'on se retrouve dans le même processus que nous avons, où c'est l'Etat qui devra prendre les décisions, où on devra encore aller voir le ministre pour régler les problèmes pertinents, les situations bien particulières. Finalement, on n'aura pas assez de souplesse au niveau régional et le système retombera dans la décadence que nous avons actuellement.

M. LEBON: Je pense qu'on a souligné dans le mémoire que les normes à être établies, au niveau de la région, doivent tenir compte de la mobilité de la main-d'oeuvre. Il est sûr qu'on ne peut pas se permettre de former en grande quantité des menuisiers à un endroit, par exemple à Saint-Hyacinthe, tandis qu'il y en a trop à Montréal. Si on tient compte de la mobilité de la main-d'oeuvre — ce sont les données que nous espérons avoir — au sein de chaque métier, c'est là que naît le besoin d'une coordination provinciale.

Mais c'est sûr que ça tient compte quand même des besoins régionaux. A Montréal — si on sort des autres secteurs — je pense qu'on ne formera personne pour les mines. Parce que c'est assez rare les mines à Montréal. Je vous donne un exemple plutôt simpliste, mais il faut quand même tenir compte des besoins de la région, c'est sûr.

M. LATULIPPE: Je vais vous donner un exemple pratique. C'est pour m'éclairer. Disons que dans ma région il se construit une polyvalente, ça englobe une grosse partie de la main-d'oeuvre. Parallèlement, il y a encore un petit peu de construction domiciliaire. On fait appel à des ouvriers, il n'y en a pas de disponibles dans la région. Il y a d'autres gars qui sont en formation, qui ont une carte modulaire et qui n'ont pas encore une carte d'ouvrier. Est-ce que vous acceptez qu'ils fassent un travail pour lequel ils n'ont pas de carte, sur un plan temporaire, de façon à remplir un besoin bien spécifique? Des permis temporaires de travail sont accordés actuellement. Mais il faut se rendre à Québec pour obtenir des choses comme ça.

M. LEBON: Je m'excuse, mais je pense qu'on glisse encore sur le 2711.

M. COURNOYER: Cela ne relève pas de lui ça. Il fait de la formation. Vous parlez d'une constatation de fait.

M. LATULIPPE: Oui, mais je veux savoir si le mécanisme qu'ils veulent introduire a suffisamment de souplesse pour tenir compte de ces cas.

M. COURNOYER: Le mécanisme dont il parle est strictement pour organiser la formation professionnelle et prévoir des besoins, et le député de Beauce, tantôt, demandait s'il était possible de prévoir cinq ans à l'avance. La réponse c'est qu'on peut peut-être projeter, mais on ne peut pas prévoir. Si on savait tous les projets de construction, on saurait exactement le nombre de personnes dont on a besoin. On a dit hier que c'était pratiquement impossi-

ble de contrôler et prévoir tout ce qui peut se produire. Mais ça n'est pas de l'autorité ou de la juridiction du mémoire qui nous est présenté. Ce sont des révisions à la Loi sur la formation et la qualification professionnelles pour permettre une meilleure formation qui servirait mieux les intérêts de cette industrie en particulier. Et c'est de la formation.

M. LATULIPPE: Donc, si je comprends bien, le comité proposé au niveau régional n'irait pas jusqu'à agir. Je trouve que ce sont deux aspects indissociables, les aspects qualitatif et quantitatif. Si ce n'est pas le même comité qui régit ça,...

M. COURNOYER: Après votre polyvalente construire, les gens que j'aurais qualifiés pour cette polyvalente, qu'est-ce que j'en fais?

M. LATULIPPE: Ils n'auraient pas été qualifiés. Ils n'auraient eu qu'un permis temporaire pour travailler.

M. COURNOYER: Donc, il s'agit des permis de travail de l'arrêté en conseil no 2711, celui dont nous avons parlé toute la journée d'hier et d'avant-hier.

M. LATULIPPE: Je ne peux pas concevoir qu'il y ait un organisme régional réellement valable, alors qu'on dissocie deux notions, les aspects qualitatif et quantitatif.

Il faut donc dire qu'un organisme va régler seulement l'aspect quantitatif, puis qu'un autre organisme provincial va s'occuper de l'aspect qualitatif. On va se retrouver avec des situations difficiles, puis ça va être encore lourd d'articulation.

M. COURNOYER: Très bien. Je pense qu'on en reparlera à un autre moment. On pourra avoir une autre réunion de la commission parlementaire où on aura une discussion entre nous, remarquez. Actuellement, ce sont les mémoires des gens. Le mémoire qui est en face de nous, porte sur la formation professionnelle et sur la façon de l'organiser pour l'industrie de la construction et non pas sur la façon d'émettre des permis ou de ne pas émettre des permis, de consentir que telle personne, vienne travailler dans l'industrie de la construction ou qu'elle ne vienne pas. Cela, c'est l'arrêté en conseil 2711 au complet.

M. LATULIPPE: M. le ministre, moi, je voyais cela comme un ensemble, un tout qui aurait pu être réglé.

M. COURNOYER: Bien disons qu'il y en a un, tout; il s'appelle le ministre du Travail.

M. LATULIPPE: Il est débordé aussi. M. LE PRESIDENT: Le député de Fabre.

M. HOUDE (Fabre): M. le Président, je voudrais revenir à la formation professionnelle et au texte de M. LeBon. On vit dans un système où on est appelé, qu'on amende ou qu'on conserve le bill 49 tel quel, à avoir encore de la participation et du dialogue, qu'on le veuille ou non. J'essaie de comprendre. La base a, depuis quelques années, voulu améliorer la formation professionnelle. Cela, c'est acquis par le milieu, syndicats et associations professionnelles.

D'autre part, à un autre échelon, vous avez les hommes politiques élus qui ont également consenti à améliorer le système. La preuve, c'est que tout le monde semblait d'accord il y a trois ans, sur le bill 49. Entre les deux, c'est-à-dire entre la tête et la base, il y a unanimité. On veut améliorer la formation professionnelle, en particulier les métiers de la construction.

Ces deux groupes-là confient un mandat à des fonctionnaires à qui on dit: Vous autres, faites le travail, mais, là, ça bloque. Moi, j'ai de la difficulté à comprendre ça. Je voudrais savoir, de la part de ceux qui ont l'expérience de ces comités, si par hasard — je ne le sais pas; je ne veux pas blâmer les fonctionnaires — parmi les fonctionnaires qui ont à régler le problème d'une façon pratique, ceux du ministère de l'Education et ceux du ministère du Travail par exemple, il n'y a pas trop de théoriciens et pas assez d'hommes pratiques. Est-ce qu'il en existe des fonctionnaires qui connaissent le métier, qui ont travaillé vraiment dans le métier ou si ce sont seulement des intellectuels ou, encore une fois, des théoriciens?

On ne sait pas si le bill 49 sera amendé. On ne sait pas s'il va continuer, le bill 49. Mais il y a une chose dont on est certain, c'est qu'il va falloir continuer à avoir des réunions. Le rapport de M. LeBon dit que, dans certains cas, il n'y en a pas eu suffisamment et que, dans d'autres cas, il y en a eu.

On a parlé de milliers de comités interministériels, c'est vrai. Si on est appelé à avoir des comités encore pour X années, est-ce qu'il n'y aurait pas un inventaire à faire parmi ceux qui doivent dialoguer avec le milieu? Je parle des fonctionnaires. Pour ces fonctionnaires qui doivent dialoguer ou essayer d'appliquer ce que les ministres ont consenti, ce que la base veut et ce sur quoi elle est d'accord, il faudrait peut-être réviser certaines normes, certains critères dans la fonction publique. Il faudrait donner la possibilité à des ministres d'engager dans leur personnel des gars du milieu qui connaissent le métier et pas nécessairement des gars qui ont fait 12 ans ou 20 ans d'université. Je me pose cette question.

M. LEBON: Je me demande si je peux y répondre. Aux comités des parties syndicales et patronales, je pense qu'on n'a pas eu de problème, quand on parlait de formation de main-d'oeuvre. On en a un peu plus à la table de négociation, c'est sûr. Lorsque vous parlez de

comités interministériels, je n'y ai jamais siégé, je regarde les résultats et il n'y en a pas. Peut-être que vous pourriez vous adresser au ministre de la Fonction publique ou au ministre du Travail; ils pourraient peut-être répondre à votre question car je ne suis pas en mesure d'évaluer le potentiel des individus qui siègent à ces tables.

M. HOUDE (Fabre): Vous, qui faites affaires avec ces fonctionnaires, que ce soit à l'Education ou au Travail, considérez-vous que parmi eux — je n'en connais pas un seul, il n'est pas question pour moi de faire des personnalités — il y a trop de théoriciens, pas assez d'hommes pratiques?

M. LEBON: Selon l'expérience que j'ai personnellement, je peux dire que le monde du travail s'entend beaucoup mieux avec les fonctionnaires du ministère du Travail qu'avec ceux du ministère de l'Education; peut-être que les fonctionnaires du ministère du Travail ont une approche plus pratique que ceux du ministère de l'Education. C'est pour cela que nous suggérons que les amendements au bill 49 soient une chose concertée des deux ministères et non seulement l'oeuvre d'un seul ministère, parce qu'on va recommencer la chicane. Pour éviter la chicane, que les deux ministères statuent, une fois pour toutes, sur les amendements à être apportés au bill 49. Les fonctionnaires vont suivre ce que la loi va dire.

M. HOUDE (Fabre): Quant à moi, c'est terminé. Je demande l'ajournement sine die.

M. LE PRESIDENT: A moins qu'il y ait des questions additionnelles, la commission ne siégera pas cet après-midi et nous ne siégerons pas la semaine prochaine aux dates déjà indiquées au calendrier. C'est un manque de pain; nous n'avons pas d'autres mémoires. Mais je sais que plusieurs organisations ont exprimé le désir de se faire entendre. Nous allons attendre d'avoir de leurs nouvelles.

Je pense bien que nous pourrions rappeler la commission. En ce qui concerne le programme que nous suivons depuis trois jours, il se terminerait immédiatement.

M. ROY (Beauce): M. le Président, comme cette commission parlementaire devait étudier également la question des garages, n'y aurait-il pas lieu d'annoncer une séance spéciale pour inviter les gens des garages à se rendre à cette commission? Après en avoir discuté avec quelques uns, tout le monde a l'impression que la présente commission étudie uniquement la question de la construction. La motion avait été scindée en deux, en Chambre, si on se souvient, la première partie concernait les garagistes, la deuxième partie, l'industrie de la construction. En ce qui concerne les garagistes, quelle est l'intention du ministère et le président pourrait-il nous dire quelles sont les intentions du gouvernement à ce sujet?

M. COURNOYER: Mon intention n'est pas modifiée, il s'agissait encore une fois, des qualifications chez les garagistes en particulier. J'ai promis aux députés de la commission parlementaire qu'ils recevraient, avant que je le soumette au conseil des ministres le règlement de qualification chez les garagistes. Celui qui a été publié et au sujet duquel on a reçu des objections. Une fois que je serai prêt à le présenter au conseil des ministres, je dois le passer d'abord à la commission parlementaire, mais je ne suis pas prêt encore à passer ce règlement-là.

C'est, en fait, ce règlement en particulier que nous devions discuter. Alors aussitôt que je serai prêt moi-même, parce que je ne le suis pas présentement, je le ferai parvenir aux députés membres de la commission, et il y aura réunion de la commission et auditions s'il y a lieu.

Pour le moment, je dis que je m'en tiens à la résolution, je n'ai pas de problème.

M. ROY (Beauce): Si je comprends bien, ça veut dire que pour le moment, il n'est pas question d'inviter les représentants des garagistes à la commission.

M. COURNOYER: Non, pas pour l'instant, je n'ai pas encore le règlement mais vous allez le recevoir, et à ce moment-là, nous les inviterons, s'il y a lieu.

M. ROY (Beauce): Parfait.

M. LE PRESIDENT: Je voudrais remercier tout d'abord les membres de la commission de leur coopération, ainsi que tous ceux qui se sont présentés devant la commission ou qui ont contribué à nos travaux d'une façon directe ou indirecte. Merci et à la prochaine fois.

(Fin de la séance à 12 h 10)

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