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Version finale

30th Legislature, 3rd Session
(March 18, 1975 au December 19, 1975)

Tuesday, January 14, 1975 - Vol. 16 N° 1

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude des problèmes de l'industrie de la construction


Journal des débats

 

Commission permanente du travail,

de la main-d'oeuvre et de l'immigration

Etude des problèmes de l'industrie de la construction

Séance du mardi 14 janvier 1975

(Quinze heures dix-sept minutes)

M. Séguin (président de la commission permanente du travail, de la main-d'oeuvre et de l'immigration: A l'ordre, messieurs

Etablissement de l'ordre

Le Président (M. Séguin): J'ai intérêt, comme vous sans cloute, messieurs et mesdames, à faire commencer nos travaux. Tout de même, je voudrais, dès le début, même avant de commencer, demander à toutes les personnes qui n'ont pas de siège de bien vouloir s'asseoir dans la galerie, au fond de la salle. Les personnes qui sont ici pour s'intéresser aux travaux, mais sans vouloir y prendre part, celles qui le désirent, peuvent se rendre à la salle 81-A, au premier étage, la salle de séance que nous connaissons comme la salle des bills privés ou salle des commissions, où des haut-parleurs vous transmettront tout ce qui se passe dans cette salle-ci.

Je n'endurerai pas... je ne commencerai pas tant qu'il y aura des personnes debout. Les seuls à qui on permettra d'occuper un espace à l'intérieur de la table à l'avant, jusqu'ici, seraient, soit des députés, soit des fonctionnaires, ou le surplus de journalistes qu'il pourrait y avoir ici présents. Je ne veux pas que des membres ou des personnes qui sont ici, soit pour les syndicats, soit pour le côté patronal, se placent de ce côté-ci de la table. Nous commencerons aussitôt que cet ordre sera établi. Donc, personne debout.

Un instant s'il vous plaît. J'arrive à une seconde phase. Je sais ce que vous allez me dire après, mais j'arriverai à cette phase une fois que nous aurons rétabli l'ordre relativement aux sièges.

Nous suspendons pour quelques minutes, le temps nécessaire pour que tous se trouvent un siège. Les galeries latérales ne seront occupées que par des journalistes, d'un côté ou de l'autre; le public sera dans la galerie du fond, en face de moi.

Je demande aux agents de sécurité de voir à ce que cette recommandation, ou cette suggestion, soit mise en vigueur.

(Suspension de la séance à 15 h 20)

Reprise de la séance à 15 h 24

M. Séguin (président de la commission permanente du travail et de la main-d'oeuvre): A l'ordre, messieurs!

Est-ce qu'on pourrait m'indiquer, de la galerie, s'il reste encore des places libres? Vous en avez encore?

Deuxième phase. Au début des travaux de la commission, je vais appeler les personnes convoquées qui doivent paraître devant cette commission. Les représentants des groupes que je vais mentionner — ces groupes ou leurs représentants; pas nécessairement le groupe, mais les représentants de ces groupes — prendront place à la première table près de la commission.

Il faudra donc, au fur et à mesure que nous appellerons l'association patronale ou syndicale, que la place se fasse à la table pour ces personnes. C'est-à-dire que, dans la première rangée, immédiatement à l'arrière de cette première table, il faudra que vous soyez prêts — à moins que vous fassiez partie d'une délégation ou de représentants — à vous déplacer. Exception faite de la première table ou de la table à l'avant, s'il y en a dans la première rangée qui sont ici comme membres d'une association ou encore comme spectateurs ou auditeurs, peut-être serait-il bon qu'on s'occupe de leur trouver une place ailleurs, soit dans la galerie ou à l'arrière de la salle, s'il reste des places. Je ne voudrais pas, chaque fois qu'on voudra appeler quelqu'un, qu'on fasse déplacer toute une série de personnes. On essaie d'établir des règles de jeu ici, avant de partir, en ce qui concerne la commodité ou la facilité de se placer.

Les associations ou les groupements seront entendus dans l'ordre suivant: La Fédération de l'industrie de la construction.

Une Voix: La Fédération de la construction du Québec.

Le Président (M. Séguin): La Fédération de la construction du Québec. J'accepte votre correction. Merci!

Deuxièmement, la Fédération des travailleurs du Québec; troisièmement, l'Association de lacons-truction de Montréal; quatrièmement, la Confédération des syndicats nationaux; cinquièmement, l'Association des constructeurs d'habitations; sixièmement, la CSD; septièmement, la CME; huitièmement, les routes et grands travaux; enfin, la Corporation des maîtres mécaniciens en plomberie.

Ce sont les associations qui ont été appelées à comparaître devant cette commission. En ce qui concerne la table en avant, il faudrait qu'on fasse de la place pour permettre à ces personnes de se faire entendre. Premièrement, la Fédération de la construction du Québec.

Il s'agit ici de s'entendre un peu, je pense, pour céder une place et puis vous vous remplacerez, il n'y a pas de difficulté de ce côté.

A l'ordre, s'il vous plaît!

Je pense que cela peut se faire un peu dans le silence sans qu'il y ait d'autres commentaires.

Les membres de la commission pour la séance de cet après-midi sont les suivants: MM. Bellemare (Johnson), Bérard (Saint-Maurice), Lachance (Mille-Iles), Boudreault (Bourget), Burns (Maisonneuve), Charron (Saint-Jacques), Bellemare (Rosemont), Cournoyer (Robert Baldwin), Déziel (Saint-François), Tremblay (Iberville), Pelletier (Kamouraska-Témiscouata), Gratton (Gatineau), Malépart (Sainte-Marie), Roy (Beauce-Sud).

Le rapporteur pour la commission, est-ce qu'on a un élu?

M. Gratton: M. le Président, pourrais-je suggérer...

Le Président (M. Séguin): Je propose M. Gratton.

M. Gratton: M. le Président, j'allais vous suggérer que l'honorable député d'Iberville soit nommé rapporteur.

Le Président (M. Séguin): M. Tremblay (Iberville). Est-ce, qu'il y a consentement?

M. Burns: Consentement, M. le Président.

Le Président (M. Séguin): Est-ce que le député accepte?

M. Tremblay: M. le Président, j'accepte.

Le Président (M. Séguin): Merci.

La commission se réunit pour faire suite à une loi déjà sanctionnée, soit la loi no 201, qui dit: "Le lieutenant-gouverneur en conseil peut aussi, sur la recommandation du ministre, prolonger, abroger ou modifier le décret — et on s'entend sur le mot "décret", ce qui veut dire — sans le consentement des associations de salariés ou d'employeurs, quand il est d'avis que, dans l'intérêt public, cette solution est la seule qui puisse remédier à la situation existante. "Il ne peut toutefois modifier — le ministre et le lieutenant-gouverneur en conseil naturellement — ainsi le décret sans que les associations représentatives ne soient invitées à être entendues devant la commission parlementaire du Travail, de la main-d'oeuvre et de l'immigration, quant aux raisons motivant l'impossibilité de parvenir à une entente relativement aux modifications à apporter au décret. "Tout décret adopté en vertu de l'alinéa précédent est exécutoire pour tous les employeurs et pour tous les salariés à compter de la date qui y est indiquée. Il doit être publié sans délai dans la Gazette officielle du Québec."

Alors, dans le contexte de cette loi, il y avait pour le ministre et pour le lieutenant-gouverneur en conseil l'obligation, avant d'appliquer la loi no 201, et la nécessité d'entendre les parties en cause. Alors, c'est dans ce contexte que nous siégeons aujourd'hui, pourentendre les parties responsables ou les parties en cause, soit du côté patronal, soit du côté ouvrier.

M. Burns: M. le Président, vous me donnez la parole?

Le Président (M. Séguin): Le député de Maisonneuve, pas un discours.

M. Burns: Un discours, certainement pas, M. le Président.

Le Président (M. Séguin): Simplement un commentaire.

M. Burns: Ce n'est même pas un commentaire. Le Président (M. Séguin): J'ai un ordre à suivre.

United Aircraft et Canadian Gypsum

M. Burns: C'est une question préalable, M. le Président, préalable non pas au sens technique du mot, mais au sens préliminaire du mot.

Comme l'Assemblée nationale, en principe, ne devrait pas siéger avant le mois de mars — je ne sais pas à quel moment, mais, en tout cas, il semblerait qu'elle ne siégera pas avant le mois de mars — comme également c'est la première occasion, M. le Président, où nous sommes en commission parlementaire du travail et de la main-d'oeuvre et comme cette commission du travail et de la main-d'oeuvre a déjà le mandat d'examiner le problème de United Aircraft et le problème de Canadian Gypsum, je me demande si, au départ, avant qu'on entre dans le vif du sujet concernant les problèmes de l'industrie de la construction, le ministre du Travail ou encore le premier ministre qui est ici, ne pourrait pas nous dire exactement quelles sont les intentions du gouvernement relativement à ces conflits, entre autres celui qu'on a commencé à examiner, United Aircraft, et l'autre qu'on s'est engagé à examiner par la suite, celui de Canadian Gypsum.

Je pose cette question, M. le Président, étant donné que c'est la première occasion que j'ai de la poser effectivement, même si, dans les derniers jours de la session en décembre, j'avais soulevé le problème. A ce moment, en l'absence du ministre du Travail, le premier ministre m'avait répondu que c'étaient des questions que le gouvernement examinait actuellement, et surtout qu'on attendait l'avis du ministre du Travail.

Le ministre du Travail est là, le premier ministre est là. C'est le moment idéal, je pense, pour qu'on sache exactement quand on reprendra les travaux relativement à United Aircraft, à la commission parlementaire du travail et de la main-d'oeuvre.

Le Président (M. Séguin): J'interviens immédiatement et je dis au député de Maisonneuve que je ne saurais recevoir cette question. Je ne permettrai pas non plus, ni au premier ministre, ni au ministre du Travail d'intervenir ou de répondre à cette question, puisque déjà d'après l'énoncé que j'avais fait, il ne s'agit pas là de la préoccupation de cette commission. Je pense qu'il y a d'autres...

M. Burns: M. le Président, question de règlement.

C'est la première fois qu'on a l'occasion, M. le Président...

M. Boudreault: Ou calme!

M. Burns: Oui, du calme. On va en avoir, du calme, certainement. Je suis parfaitement d'accord,

mais vous avez un conflit qui pourrit et une grève qui a déjà un an d'existence à United Aircraft.

Le premier ministre, à deux reprises, quand je lui ai posé des questions, en Chambre, a dit: On va penser à cela et on va soumettre le problème au ministre du Travail.

M. Boudreault: Une question de règlement, M. le Président.

M. Burns: M. le Président, on est ici pour exposer des problèmes. Je suis d'accord que le problème de la construction est très important.

M. Boudreault: Une question de règlement, M. le Président.

M. Burns: On va le regarder tout de suite.

Le Président (M. Séguin): A l'ordre, s'il vous plaît.

M. Burns: Je pose simplement une question préliminaire. Le ministre est là et le premier ministre est là également. Je veux savoir quand la commission a l'intention de siéger relativement à ce problème. Ne faites pas d'enculage de mouches, M. le Président, sur des problèmes de procédure.

Le Président (M. Séguin): A l'ordre, à l'ordre!

M. Burns: Je demande simplement une chose, bien calmement et sans me choquer, sans que vous non plus vous m'empêchiez de poser le problème comme il doit être posé. Est-ce que le ministre du Travail, avant... Cela ne sera pas long, s'il me répond tout de suite. Cela va être très court, cela va être très bref. Après cela, on va écouter les gens de l'industrie de la construction qui sont devant nous.

Le Président (M. Séguin): Je regrette, M. le député. Je comprends votre intervention, je suis très concerné par ce que vous dites. Je crois tout de même que le sujet que vous avez apporté n'a aucun rapport avec la commission d'aujourd'hui. Je ne permettrai pas, même au début, cet écart à notre procédure qui dit qu'on doit demeurer à l'intérieur du bill 201. Nous sommes ici pour un problème et non pas les problèmes de United Aircraft ou de Canadian Gypsum ou d'autres problèmes, parce qu'il y en a beaucoup d'autres que vous n'avez pas mentionnés.

Je ne le tolérerai pas, je vous le garantis dès le début, je n'accepte absolument rien, à cette commission, à l'extérieur du problème qui nous confronte aujourd'hui.

M. Burns: M. le Président...

Le Président (M. Séguin): Je regrette, je n'accepte pas votre question.

M. Burns: M. le Président...

Le Président (M. Séguin): Vos commentaires, vous les avez faits.

M. Burns: Je n'ai pas de commentaires à faire, M. le Président, c'est une question que j'ai posée.

M. le Président, je demande le consentement unanime de la commission pour que le ministre du Travail ou le premier ministre réponde à ma question. Si le consentement unanime de la commission est accordé, M. le Président, votre opinion sera mise de côté, j'en suis convaincu. Alors, je demande le consentement de la commission pour que, soit le premier ministre, soit le ministre du Travail me donne une réponse sur la question que j'ai posée.

Le Président (M. Séguin): Puisque la commission est maîtresse de ses travaux et que j'ai déjà énoncé les principes ainsi que l'ordre que nous devions suivre dans ce qui se dit aujourd'hui, je vais mettre aux voix, immédiatement et sans autre débat, cette question posée par le député de Maisonneuve, à savoir pour ou contre la proposition faite par le député de Maisonneuve. M. Bellemare (Johnson)? M. Bérard (Saint-Maurice)?

M. Bérard: Contre.

Le Président (M. Séguin): M. Lachance (Milles-Iles)?

M. Lachance: Contre.

Le Président (M. Séguin): M. Boudreault (Bourget)?

M. Boudreault: Contre.

Le Président (M. Séguin): M. Burns (Maisonneuve)?

M. Burns: En faveur.

Le Président (M. Séguin): M. Charron (Saint-Jacques)?

M. Charron: Pour, M. le Président.

Le Président (M. Séguin): M. Bellemare (Rosemont)?

M. Bellemare (Rosemont): Contre, M. le Président.

Le Président (M. Séguin): M. Cournoyer (Robert Baldwin)?

M. Cournoyer: Contre.

Le Président (M. Séguin): M. Déziel (Saint-François)?

M. Déziel: Contre.

Le Président (M. Séguin): M. Tremblay (Iberville)?

M. Tremblay: Contre.

Le Président (M. Séguin): M. Pelletier (Kamouraska)?

M. Pelletier: Contre.

Le Président (M. Séguin): M. Gratton (Gatineau)?

M. Gratton: Contre.

Le Président (M. Séguin): M. Malépart (Sainte-Marie)?

M. Malépart: Contre.

Le Président (M. Séguin): M. Roy (Beauce)?

M. Roy: Pour.

Le Président (M. Séguin): Contre: 10. Pour: 3.

M. Burns: C'est bien simple, M. le Président, on ne veut pas nous répondre sur ce problème. C'est bien clair.

Le Président (M. Séguin): A l'ordre!

M. Burns: C'est très bien. C'est clair, c'est réglé.

Le Président (M. Séguin): A l'ordre! Avant le début de nos travaux, comme le règlement nous le prescrit, il y a une procédure à suivre. Un représentant de chaque parti reconnu peut faire les commentaires d'usage. Je passe donc la parole au ministre du Travail, le député de Robert Baldwin.

Remarques préliminaires

M. Cournoyer: M. le Président, nous sommes ici non seulement pour une question de procédure. Le bill 201 a été voté et ce bill comporte l'obligation, pour le gouvernement, d'entendre en commission parlementaire les représentants des associations représentatives sur les motifs du désaccord qui persiste entre eux.

La seule décision de convoquer la commission parlementaire a indiqué que le gouvernement était conscient que dans l'intérêt public, il s'agissait pour lui de la seule méthode, c'est-à-dire ne pas attendre le consentement des parties pour régler un différend qui persiste entre les parties. Nous croyons, comme gouvernement, que l'état actuel des parties, pour toutes les raisons qu'elles exprimeront, nous a permis de conclure qu'il semblait improbable, sinon impossible dans les circonstances, qu'elles s'entendent sur le problème particulier de l'indexation des salaires dans l'industrie de la construction.

C'est parce qu'il nous a semblé impossible que les parties s'entendent que nous avons décidé de convoquer la commission parlementaire et de les entendre sur les motifs de leur désaccord. J'imagine que chacune des parties explicitera ses positions, face au problème de l'indexation des salaires dans l'industrie de la construction.

Je crois bien, M. le Président, que nous devons procéder à cette commission avec la plus entière liberté pour les parties qui sont en face de nous, mais tout le monde doit être conscient du fait que le problème doit être résolu le plus rapidement possible et que nous avons l'intention de le résoudre.

Je crois bien que j'en ai assez dit pour le moment, M. le Président, j'attends que les parties aient fait leurs représentations pour redemander la parole, s'il y a lieu.

Le Président (M. Séguin): Merci. Le député de Maisonneuve.

M. Burns: M. le Président, nous avons été, lors de l'adoption du projet de loi no 201, contre ce projet de loi. Il est maintenant adopté. Je n'ai pas à remettre devant la commission tous les arguments qui motivaient notre intention de voter contre ce projet de loi. Nous avons réussi, par notre amendement, à atténuer les effets nocifs, à mon avis, du projet de loi no 201 en donnant, à la dernière minute au moins, la possibilité aux parties représentatives, concernées par l'amendement de ce décret, pars on abrogation ou par son prolongement, d'être éventuellement convoquées devant nous pour au moins nous donner les raisons qui sous-tendent leur objection à ces modifications.

Malgré cet amendement que nous avons fait adopter, nous trouvons encore aujourd'hui, avec toutes les motivations et toutes les raisons que nous avons exprimées au moment de l'adoption du projet de loi 201, qu'il y aurait eu une autre façon de procéder. Maintenant que le projet de loi 201 est devenu une loi, que cela s'appelle la loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans l'industrie de la construction et que cela a été sanctionné par le lieutenant-gouverneur en date du 24 décembre 1974, nous serons dans l'attente des commentaires des parties, tant patronale que syndicale. Nous serons surtout à l'écoute des solutions miracles que le ministre envisage pour régler le problème de la construction alors que ce que nous proposions au niveau de l'adoption du projet de loi no 201, c'étaient, il me semble, des solutions à plus long terme que des solutions à courte vue comme on semble vouloir — si les journalistes sont plus informés que nous — en apporter aujourd'hui.

J'imagine que, tôt ou tard, dans le courant de la journée, ou demain, si la commission doit continuer à siéger — ou à une autre date, si la commission ne doit pas siéger demain — le ministre devra nous dire ce qu'il envisage comme solution au problème de la construction, après qu'on aura eu la possibilité d'entendre les parties représentatives, tant syndicales que patronales.

A ce moment-ci, M. le Président, ce sont les seuls commentaires que je me permets et nous attendrons véritablement que l'exposé du dossier nous soit fait. A partir de là, nous aurons sans aucun doute d'autres commentaires à faire, mais j'insiste énormément là-dessus, c'est le ministre du Travail qui, actuellement, est dans le "spotlight", c'est le ministre du Travail qui devra nous donner sa solution miracle à la conclusion des travaux que nous commençons cet après-midi. C'est le ministre du

Travail qui devra nous dire comment la loi 201, dans sa première application pratique — c'est la première fois et à moins d'un mois de son adoption, à moins d'un mois de sa sanction — et aussi comment sa façon de l'utiliser vont régler le problème de l'industrie de la construction actuellement.

Pour le moment, M. le Président, je reste sur ces commentaires et je me réserve le droit de faire les autres commentaires appropriés en temps et lieu.

Le Président (M. Séguin): Le député de Beauce-Sud.

M. Roy: M. le Président, nous nous sommes opposés également à l'adoption de ce projet de loi 201 pour des raisons que nous avons fait connaître à l'Assemblée nationale. Aujourd'hui, nous sommes ici pour entendre les parties qui ont été convoquées afin que celles-ci puissent s'exprimer et fassent connaître aux membres de la commission leur point de vue sur le problème en cause, problème qui est de taille.

M. le Président, mon intervention va être très courte. Je veux tout simplement dire ceci à l'intention du gouvernement et à l'intention du ministre: En ce qui nous concerne, nous avons hâte de connaître les intentions du gouvernement, comment le ministère du Travail va procéder. C'est la situation que nous avons à envisager.

Je ne voudrais pas que les travaux de la commission parlementaire se prolongent pendant deux ou trois semaines et qu'on oblige ces gens-là à revenir et à revenir devant la commission parlementaire, de façon à pouvoir gagner du temps.

Je pense qu'il serait extrêmement malheureux que les travaux de la commission parlementaire se terminent à peu près de la façon qu'ils se sont terminés dans le cas de United Aircraft. On a fait promener des gens devant l'Assemblée nationale pendant deux semaines et jamais les membres de la cornmission — je dis bien jamais les membres de la commission comme tels — n'ont eu à se prononcer et à tirer des conclusions sur les travaux de la commission.

M. le Président, j'avise le gouvernement tout de suite que, si c'est de cette façon encore une fois que le gouvernement veut noyer le problème, noyer le poisson, cette fois-ci, nous ne marcherons pas et, en ce qui me concerne, j'ai bien l'intention de ne pas laisser le gouvernement sur cette question, procéder de la même façon qu'il a procédé dans le cas de United Aircraft.

Je ne reviendrai pas sur la motion tout à l'heure, mais il reste que c'est une perte de temps complète, une perte de temps totale, qui a coûté de l'argent à la province, aux unions, aux entreprises et à tous les gens concernés. Je pense que, cette fois-ci, le gouvernement est en face d'un problème. Cela fait quatre ans qu'on demande au gouvernement des modifications au code du travail, cela fait quatre ans qu'on demande au gouvernement de prévoir — puisque administrer c'est prévoir — le gouvernement est toujours arrivé à la dernière minute avec une petite loi de pompier en nous disant: il faut faire vite parce qu'il y a une conflagration.

Cette fois-ci, même si j'ai des doutes sérieux quant aux conclusions de la loi 201 — parce que le ministre ne pourra pas appliquer une loi à laquelle personne ne croit — j'espère quand même qu'après avoir entendu les parties intéressées, on pourra peut-être trouver une autre solution, une autre formule qui permettrait cette fois-ci de tirer l'épingle du jeu et de faire en sorte que cette question, pour laquelle les travailleurs et toute l'économie du Québec sont en otage actuellement, puisse être réglée à la satisfaction de tous.

M. le Président, j'aimerais, premièrement, avant de commencer, que le ministre nous dise clairement, avant que la commission ne soit ajournée sine die, qu'on pourra connaître les intentions du gouvernement, savoir ce qu'il a l'intention de faire; deuxièmement, que nous ayons l'occasion de faire des commentaires et de discuter les solutions que le ministère entend proposer à la commission.

Le Président (M. Séguin): Merci, M. le député. La Fédération de la construction du Québec.

M. Dion (Michel): Voici...

M. Burns: Je m'excuse auprès de M. Dion. Je pense que le député de Beauce-Sud a posé une question très valable. Si on examine le texte même de l'article 1 du projet de loi no 201, je la trouve tout à fait justifiée. Aujourd'hui, on est placé — vous l'avez dit vous-même, M. le Président — devant un mandat que nous confie l'article 1 du projet de loi no 201, en particulier, de la deuxième partie de ce texte qui nous dit: "II ne peut — c'est-à-dire le lieutenant-gouverneur en conseil — toutefois modifier ainsi le décret, sans que les associations représentatives ne soient invitées à être entendues devant la commission parlementaire du travail, de la main-d'oeuvre et de l'immigration, quant aux raisons motivant l'impossibilité de parvenir à une entente relativement aux modifications à apporter au décret."

J'aurais pensé un peu comme le député de Beauce-Sud, au moins, avant qu'on invite les associations représentatives à venir nous dire pourquoi elles ne consentent pas à un certain nombre de choses, que le ministre nous expose ce à quoi ces gens ne consentent pas. Il me semble que cela pourrait être d'un intérêt certain pour la commission de savoir quelle est la proposition gouvernementale, de savoir aussi, dans l'intérêt de la Fédération de la construction du Québec, de la FTQ, de la CSN, de la CSD ou des autres organismes patronaux qui doivent comparaître devant nous, en somme, il serait dans l'intérêt de tout le monde que vous nous disiez, M. le ministre, à ce stade-ci, quelles ont été les étapes préliminaires à cette commission, comment il se fait qu'il n'y ait pas consentement et ce sur quoi il n'y a pas eu consentement. Il me semble que c'est là un prérequis.

M. Cournoyer: C'est aux parties à expliquer pourquoi elles ne se sont pas entendues, ce n'est pas à moi de l'expliquer.

M. Burns: Non, non, mais il n'y a pas eu consen-

tement. Non, non. Il faut très bien lire le texte de l'article 1 que vous-même, M. le ministre, avez fait adopter à force de bras à l'Assemblée nationale, sinon à force de bras, à force de voix: "II ne peut toutefois — c'est-à-dire le lieutenant-gouverneuren conseil, je le répète — modifier ainsi le décret sans que les associations représentatives ne soient invitées..."

Alors, vous avez nettement et clairement l'intention de modifier le décret. Comment avez-vous l'intention de modifier le décret? C'est ça qu'on aimerait savoir, à ce moment-ci. Puis, les associations représentatives pourront nous apporter une contribution très constructive, très concrète, relativement au fait qu'elles ne consentent pas à votre façon de désirer modifier le décret. C'est pourquoi je trouve que la question du député de Beauce-Sud a parfaitement sa raison d'être, à ce stade-ci. Moi, il me semble qu'avant de dire à quelqu'un: Venez nous dire pourquoi vous ne pensez pas comme moi, il faut au moins que je m'assure que cette personne sache pourquoi elle doit être en désaccord avec moi. Elle doit surtout savoir quel est mon point de vue pour être en désaccord avec moi.

Le Président (M. Séguin): J'ai entendu le député de Maisonneuve. Il a basé son argumentation sur les commentaires qui avaient été faits au préalable par le député de Beauce-Sud. J'ai bien compris le député de Beauce-Sud lorsqu'il a posé cette question. Il a dit: J'espère qu'avant que la commission n'ajourne ses travaux sine die, le ministre puisse faire part à la commission justement des commentaires auxquels le député de Maisonneuve vient de faire allusion.

Je dois tout de même ici suivre une procédure qui est bien dictée dans la loi des procédures pour les commissions.

M. Roy: M. le Président...

Le Président (M. Séguin): Un instant, s'il vous plaît, un instant! On y dit bien ceci: Les étapes de l'étude d'un projet de loi en commission sont: Premièrement, l'exposé du ministre. Nous l'avons entendu.

M. Burns: Ce n'est pas un projet de loi. Il n'y a pas de projet de loi.

Le Président (M. Séguin): 201.

M. Burns: On n'étudie pas un projet de loi, on étudie en vertu de 201 le non-consentement des parties représentatives...

Le Président (M. Séguin): Je ne débattrai pas... M. Cournoyer: A quoi?

M. Burns: Bien, à quoi, on ne le sait pas, j'aimerais bien que vous nous le disiez.

M. Cournoyer: Entre elles, M. le Président. M. Burns: Bien oui...

M. Cournoyer: Ce sont elles qui ne se sont pas entendues.

M. Burns: ...c'est à vous de nous dire pourquoi vous nous convoquez ici.

M. Cournoyer: Je n'ai pas d'affaire...

M. Burns: Vous nous convoquez ici pour modifier le décret.

Une Voix: Oui, oui...

M. Burns: II n'y a pas d'autre façon.

Le Président (M. Séguin): On est convoqué... M. Burns: Ce n'est pas ça?

Le Président (M. Séguin): ...pour, avant la modification, entendre les parties. Bon.

M. Burns: Bon!

M. Roy: M. le Président, sur un point de règlement.

Le Président (M. Séguin): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Roy: Sur un point de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Séguin): Quel article?

M. Roy: Lorsque j'ai terminé...

Le Président (M. Séguin): Quel article?

M. Roy: L'article qui concerne un point du règlement.

Le Président (M. Séguin): Quel article? Donnez-moi l'article.

M. Roy: M. le Président, il y a des règles de pratique...

Le Président (M. Séguin): C'est ça. Donnez-moi l'article.

M. Roy: ... ici.

Le Président (M. Séguin): Je viens de vous le lire...

M. Roy: Bon.

Le Président (M. Séguin): ... et vous m'avez interrompu.

M. Roy: Alors, vous avez des règles de pratique...

Le Président (M. Séguin): Pas vous, mais... M. Roy: ... concernant...

Le Président (M. Séguin):... j'ai été interrompu pendant que je lisais ces règles.

M. Roy: ... les commissions parlementaires. Vous avez les articles 1, 2, 3, 4, jusqu'à 10. Ils concernent la procédure et, si vous voulez me permettre, M. le Président, vous l'ajouterez à l'article que vous voudrez.

Le Président (M. Séguin): Ah! Ah!

M. Roy: Non, ce que je pose comme question au ministre, et je veux rappeler à la présidence les derniers propos que j'ai tenus...

Le Président (M. Séguin): Oui.

M. Roy: J'ai posé une petite question toute simple au ministre. J'ai demandé une réponse avant qu'on interroge les parties en cause, à savoir si le gouvernement a l'intention de faire connaître ses positions devant la commission parlementaire, dès qu'on aura fini d'entendre les neuf groupes qui sont convoqués, de façon qu'on nous ne nous arrive pas pour procéder de la même façon que dans le cas de United Aircraft. Après avoir entendu le dernier mémoire, on a ajourné les travaux de la commission sine die et aucun des membres de la commission n'a pu se prononcer.

Ce que je veux savoir au début, c'est si le ministre a l'intention de faire connaître à la commission parlementaire les solutions qu'il entend proposer et, deuxièmement si on aura l'occasion de se prononcer là-dessus.

Je veux que ce soit déterminé dans la procédure de la commission, avant qu'on s'engage de ce côté.

Le Président (M. Séguin): Je demande à la Fédération de la construction du Québec de se présenter à la table.

M. Burns: Bien, M. le Président, moi, je veux avoir une réponse à ma question. Je veux avoir une réponse à ma question. Je veux savoir si le ministre du Travail ne devrait pas nous dire ce qu'il a l'intention de faire avant qu'on demande aux parties représentatives de venir témoigner devant nous.

Est-ce qu'il y a moyen...

M. Bourassa: Non.

M. Burns: M. le Président, cela fait deux ou trois fois que le premier ministre intervient. Je vous demande de vérifier s'il a le droit de parole à cette commission. Voulez-vous vérifier, s'il vous plaît, s'il a le droit de parole?

Le Président (M. Séguin): Le premier ministre...

M. Burns: II a le droit de parole? Oui?

Le Président (M. Séguin): Pas comme membre.

Une Voix: Quel article?

M. Burns: Quel article?

Le Président (M. Séguin): Pas comme membre.

M. Burns: Bon. Alors, je vous dis qu'il n'a pas le droit de parole.

Le Président (M. Séguin): Bon. C'est très bien. M. Burns: C'est aussi simple que ça.

Le Président (M. Séguin): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Burns: S'il veut avoir le droit de parole, qu'il représente un de ses "backbenchers" ; c'est à peu près...

Le Président (M. Séguin): A l'ordre!

M. Burns: ... d'ailleurs le niveau auquel...

Le Président (M. Séguin): A l'ordre!

M. Burns: ... il peut se situer.

Le Président (M. Séguin): A l'ordre!

M. Burns: Oui!

Le Président (M. Séguin): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Burns: Alors, je pose une question, M. le Président. Je demande au ministre du Travail...

M. Bourassa: Le président a dit: A l'ordre!

M. Burns: Laissez faire "A l'ordre!" vous, vous parlerez à une commission où vous avez le droit de parole. Vous n'avez pas le droit de parole à cette commission-ci.

M. Bourassa: Respectez le président. M. Burns: C'est aussi simple que ça.

M. Bourassa: C'est le minimum qu'on vous demande.

M. Burns: M. le Président...

M. Bourassa: Respectez le président.

M. Burns: ... est-ce que le premier ministre, le député...

Le Président (M. Séguin): A l'ordre!

M. Burns: ... de Mercier...

Le Président (M. Séguin): A l'ordre!

M. Burns: Est-ce que le député de Mercier a le droit de parole à cette commission-ci?

Le Président (M. Séguin): A l'ordre! J'ai dit que

le député de Mercier n'était pas membre de la commission.

M. Burns: Ce qui veut dire qu'il n'a pas le droit de parole, M. le Président, n'est-ce pas?

M. Bourassa: Comme le chef de l'Opposition.

M. Burns: Est-ce que vous avez vu le chef de l'Opposition intervenir?

Le Président (M. Séguin): Non, non. M. Burns: Bon.

Le Président (M. Séguin): Vous avez eu votre réponse sans qu'on y réponde.

M. Burns: Je vous demande simplement... Je demande au ministre du Travail s'il est capable, lui, le ministre du Travail, avant qu'il soit "dégommé" de là, de nous dire carrément, une fois pour toutes, s'il a un projet concret, s'il est capable de nous le donner avant. Ce n'est que ça que je lui demande.

M. Cournoyer: La réponse, c'est que je suis capable de vous le donner avant, et je ne vous le donnerai pas avant.

M. Burns: Bon. Cela est brillant. Vous allez demander à des gens...

M. Cournoyer: Je ne demande pas... M. Burns: ...de venir s'exprimer... M. Cournoyer: M. le Président,... Le Président (M. Séguin): A l'ordre! M. Cournoyer: M. le Président,...

M. Burns: Vous allez venir demander à des gens de s'exprimer...

Le Président (M. Séguin): A l'ordre!

M. Cournoyer: M. le Président,...

M. Burns: ... sur quelque chose censément...

M. Cournoyer: ...écoutez-le.

M. Burns: ...auquel ils ne consentent pas et vous ne voulez même pas...

M. Cournoyer: Vous allez lire le bill no 201... M. Burns: ...leur dire quoi que ce soit.

M. Cournoyer: ...que vous avez contribué à faire adopter.

M. Burns: J'ai voté contre.

M. Cournoyer: Lisez-le le bill no 201.

M. Burns: Oui, j'ai voté contre.

M. Cournoyer: Et le bill no 201, ce qu'il indique, c'est que les parties doivent expliquer qu'elles ne se sont pas entendues entre elles,...

M. Burns: Sur quoi?

M. Cournoyer: ... pas sur la formule du ministre,...

M. Burns: Sur quoi?

M. Cournoyer: ...ni la formule du gouvernement.

M. Burns: Elles ne se sont pas entendues sur quoi?

M. Cournoyer: Sur les problèmes qu'il y a dans l'industrie de la construction. Qu'elles expliquent les problèmes qu'elles ont.

M. Burns: Et vous allez...

M. Cournoyer: Les représentants des syndicats sont ici pour dire qu'il y a des problèmes d'indexation j'imagine...

M. Burns: Et on fait quoi ici?

M. Cournoyer: Les représentants des patrons sont ici pourdire pourquoi ils n'ont pas été capables de consentir à l'indexation.

M. Burns: Et pourquoi vous convoquez la commission, sinon pour modifier le décret?

M. Cournoyer: Pour entendre les motifs de ces gens de ne pas être capables de s'entendre sur un problème d'augmentation du coût de la vie.

M. Burns: Donc, vous avez l'intention de modifier le décret et sur quoi? C'est çaqu'on veut savoir.

M. Cournoyer: II est clair... M. Burns: Sur quoi?

M. Cournoyer: Ah! Là-dessus, M. le Président, il y a une chose certaine...

M. Burns: Bien, c'est cela.

M. Cournoyer: ...qu'il y a une procédure, et je ne réponds pas en cela à votre question, à savoir qu'est le contenu de la formule dont vous avez dit qu'elle était miraculeuse tantôt. Miracle! Il n'y a pas de miracle là-dedans, je tiens à vous dire ça, M. le Président. Il n'y a rien de miraculeux dans la formule que nous avons à proposer, non pas aux parties, mais parce qu'elles ne se sont pas entendues.

M. Burns: Sur quoi ne se sont-elles pas entendues?

M. Cournoyer: Sur le problème de l'indexation des salaires. Alors, si vous pensez aux délégués de chantiers...

M. Burns: Bon.

M. Cournoyer:... il n'en est pas question pour le moment.

M. Burns: Je ne pense même pas à cela, mais je pense à une chose, par exemple. Je pense que si vous nous convoquez — le président a été très explicite là-dessus — en vertu de la loi 201...

Une Voix: Oui.

M. Burns:... c'est parce que vous avez l'intention de modifier le décret. Si vous avez l'intention de modifier le décret, il me semble que cela ne serait que justice pour les patrons et pour les syndicats, à qui on demande de venir nous jaser de cela aujourd'hui, qu'on leur dise à peu près où vous vous en allez. Ce n'est que cela qu'on vous demande, voyons donc! Soyez sérieux, bonguienne!

M. Cournoyer: Moi, tout ce que je demande, c'est que la loi soit respectéee et que les patrons et les syndicats nous disent quels étaient leurs problèmes et pourquoi ils n'ont pas été capables de s'entendre sur ce problème qui a été soulevé par les travailleurs de la construction dans la province de Québec.

M. Burns: J'invoque le règlement, M. le Président. Ce n'est pas cela, la loi 201. C'est notre amendement. On sait drôlement comment cet amendement est fait.

M. Cournoyer: Lisez-le.

M. Burns: Ils ont le droit de venir nous exposer les raisons motivant l'impossibilité de parvenir à une entente relativement aux modifications à apporter au décret. C'est parce qu'il y a des modifications qui vont être apportées...

M. Cournoyer: ... et dont... Oui.

M. Burns: ... quelles sont les modifications au décret sur lesquelles ils ne s'entendent pas à moins que vous nous disiez, à un certain moment, que vous avez l'intention d'en apporter. Ce n'est que cela qu'on vous demande.

M. Cournoyer: Moi, tout ce que j'ai dit...

M. Burns: Je ne comprends pas du tout votre position là-dedans.

M. Cournoyer: M. le Président, les modifications...

M. Burns: Autrement, ils n'ont même pas de raison d'être ici.

M. Cournoyer: M. le Président, les modifications au décret sont très nettement souhaitées par les parties syndicales et elles sont refusées par les parties patronales. Quelles modifications au décret sont refusées par les parties patronales et quelles sont celles que demandent les syndicats? Pourquoi n'ont-ils pas été capables de s'entendre ensemble et pourquoi n'ont-ils pas été capables de s'entendre sur des modifications au décret? C'est ce qui est l'objet du problème qu'ils ont depuis déjà un certain temps, M. le Président.

Il faut quand même regarder ce qu'ils demandent. Vous voulez savoir ce qu'ils demandent? J'imagine que vous en avez quelques doutes. Vous savez un peu ce qu'ils peuvent demander. De l'autre côté, vous n'avez peut-être pas entendu le raisonnement des patrons sur la réaction qu'ils ont à ce genre de demandes qui leur ont été faites. A partir du moment où ils ne se sont pas entendus entre eux, le gouvernement devra prendre une décision. Avant de la prendre, il doit les entendre, du fait qu'ils n'ont pas été capables de s'entendre, sur les modifications requises, d'une part, par la partie syndicale, et refusées, d'autre part, par la partie patronale.

C'est de cette façon que je comprends le bill 201.

M. Burns: Je comprends que...

M. Cournoyer: J'imagine qu'au bout du compte, au nom de l'intérêt public — et c'est pourquoi il y a commission parlementaire — le gouvernement a annoncé son intention de trancher le litige, parce que, semble-t-il, c'était la seule façon de trancher le litige au nom de l'intérêt public. Le litige, il vous est exposé, non pas avec la formule gouvernementale, mais entre les parties.

M. Burns: Je comprends que vous n'avez donc pas l'intention de donner, d'avance, la solution miracle que vous voulez apporter au décret.

M. Cournoyer: C'est votre qualificatif.

M. Burns: Je comprends bien cela? Bon! Est-ce que vous avez l'intention — là, je pense que je fais front commun avec le député de Beauce-Sud — avant la fin des travaux de cette commission, de nous dévoiler votre solution miracle?

M. Cournoyer: D'abord, ce n'est pas une solution miracle. Deuxièmement, quand le conseil des ministres aura pris la décision, qui ne relève pas du ministre du Travail — tel que la loi 201 le dit, cela relève du conseil des ministres — le conseil des ministres me donnera les instructions.

M. Burns: Sur recommandation du ministre.

M. Cournoyer: Oui, mais c'est le lieutenant-gouverneur en conseil qui prend la décision. Ce n'est pas le ministre.

M. Burns: D'accord! Est-ce que vous avez l'intention de nous dire quelle va être votre recommandation à vous?

M. Cournoyer: Non.

M. Bourassa: Un peu de sérieux.

Le Président (M. Séguin): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Cournoyer: Mon intention...

Le Président (M. Séguin): Ecoutez! A l'ordre!

M. Burns: Vous n'avez pas l'intention...

M. Cournoyer:... je n'ai pas l'intention de vous la dire.

M. Burns: C'est-à-dire qu'on va ajourner les travaux de la commission et on va s'en aller chacun chez nous...

M. Cournoyer: C'est cela.

M. Burns: ... avec une belle grosse queue de poisson.

M. Cournoyer: C'est ce que vous pensez.

M. Burns: C'est exactement cela que vous nous dites? D'accord!

M. Cournoyer: Je n'ai pas dit cela.

Le Président (M. Séguin): A l'ordre!

M. Burns: Les parties vont savoir exactement à quoi s'en tenir. C'est ce pourquoi je voulais faire établir cela.

M. Roy: Sur la question préalable... M. Bourassa: C'est cela, la loi.

M. Roy: ... le règlement, M. le Président, ma question de tout à l'heure était plutôt une question préalable. J'ai demandé au ministre s'il avait l'intention de faire connaître, devant la commission parlementaire, les solutions qu'il entendait proposer pour tâcher de régler le conflit.

M. le Président, c'est une question préalable. C'est une question fondamentale. Nous sommes venus faire quoi, ici, en commission parlementaire? Entendre les parties, mais nous sommes venus pour plus que cela, M. le Président. Nous sommes venus pour entendre la solution ou les solutions que le ministre du Travail entend proposer et, comme parlementaires, il serait tout à fait normal que nous ayons le droit et le privilège de nous exprimer sur les recommandations que le ministre entend faire.

M. le Président, je constate, à la suite du député de Maisonneuve, que ce que le gouvernement veut faire est de convoquer les représentants de neuf groupes pour qu'ils se fassent entendre devant la commission parlementaire; une fois que le neuvième groupe se sera exprimé devant la commission parlementaire, celle-ci sera ajournée sine die, cela vient de finir et on n'a pas un mot à dire.

Alors, en quelque sorte, on veut se servir de la commission parlementaire, encore une fois, comme d'une espèce d'écran pour tâcher de protéger ou de cautionner le gouvernement sans que les parlementaires et les membres de la commission puissent s'exprimer et exprimer leur point de vue sur des problèmes, je pense, qui concernent tout le monde et pour lesquels nous avons quand même, nous aussi, reçu un mandat de la population.

M. Bossé: Une question de règlement.

Le Président (M. Séguin): La Fédération de la construction du Québec.

M. Burns: Vous avez une question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Séguin): Le député de Dorion.

M. Bossé: M. le Président, tout à l'heure, le député de Maisonneuve a soulevé une question, je crois, qui est assez importante, celle du droit de parole.

Le Président (M. Séguin): Ce qui s'est dit avant était irrégulier. J'ai permis la discussion pour essayer de...

M. Bossé: Mais celle du droit de parole des députés, justement...

M. Burns: J'invoque le règlement. Je m'excuse auprès du député de Dorion.

Le Président (M. Séguin): Non, il y a déjà une question de règlement.

M. Burns: J'invoque le règlement, parce que vous venez de dire, M. le Président, que ce que j'ai soulevé était irrégulier. Pas du tout, ce n'était pas irrégulier. Je soulevais la question pour savoir si le député de Mercier avait droit de parole à cette commission.

Le Président (M. Séguin): Question d'opinion. M. Bossé: La question de...

M. Burns: Ce n'est pas une question d'opinion. Est-il membre ou s'il n'est pas membre?

Le Président (M. Séguin): Je vous ai répondu. M. Burns: Alors, arrêtez...

Le Président (M. Séguin): J'ai répondu qu'il n'était pas membre de la commission. Le député de Dorion.

M. Burns: ...d'essayer de jouer sur des questions de règlement.

M. Roy: S'il n'est pas membre, il n'a pas d'affaire à prendre...

Le Président (M. Séguin): Le député de Dorion.

M. Roy: M. le Président, si le député n'est pas membre...

Le Président (M. Séguin): Le député de Dorion, sur un point de règlement.

M. Bossé: Ma question de règlement veut justement...

M. Roy: II n'est pas membre de la commission, M. le Président.

M. Bossé:... régler ce problème. En effet, dans le passé, aux commissions parlementaires, il y a une coutume établie, à peu d'exceptions près, à savoir que tous les députés, membres ou non ont droit de parole. Il y a peut-être une exception à cette règle cependant, généralement, il est convenu que, même si les députés ne sont pas membres, ils peuvent assister et, avec l'assentiment des membres de la commission, ils ont aussi le droit de prendre la parole.

Le Président (M. Séguin): Sans droit de vote.

M. Bossé: Sans droit de vote.

M. le Président, ma question est dans le sens suivant: Est-ce que la commission permet aux députés non membres la permission de prendre la parole? C'est une tradition, je pense, qui a toujours été respectée.

M. Roy: Non, non!

M. Burns: Une tradition qui n'a pas été respectée dans le bill 22, qui n'a pas été respectée...

M. Bossé: J'ai dit à peu d'exceptions près.

M. Burns:... dans le projet de loi no 87. Je vais vous en nommer d'autres si vous en voulez.

M. Bossé: J'ai dit à peu d'exceptions près. Le député de Maisonneuve sait très bien que, personnellement, je suis déjà intervenu, d'une façon très large, à son égard, lorsqu'il n'était pas membre de la commission, afin de lui permettre justement ce droit de parole.

Le Président (M. Séguin): II y a eu des occasions, M. le député...

M. Bossé: De multiples.

Le Président (M. Séguin):... où cette requête ou cette demande que vous faites a été mise aux voix et, de fait, c'étaient simplement les membres de la commission, reconnus comme membres de la commission, qui avaient le droit de prendre la parole.

M. Burns: C'est ça, le règlement.

M. Bossé: Alors, seuls les membres de la commission ont le droit de parole.

Le Président (M. Séguin): Vous avez fait valoir votre point, là.

M. Burns: C'est cela.

Le Président (M. Séguin): Vous avez fait valoir votre point.

Je demande donc à la Fédération de la construction du Québec de bien vouloir s'exprimer, s'il vous plaît.

M. Dion: Après plusieurs départs, je suis réellement sur un départ.

Le Président (M. Séguin): Ce n'est pas ma faute. J'ai essayé depuis longtemps de vous passer.

fédération de la construction du Québec

M. Dion: Je vois qu'il y a autant d'animation à l'assemblée des commissions qu'il peut y en avoir parmi les parties syndicales et patronales.

M. le Président, deux choses avant de commencer. La première, c'est que, malgré tous les voeux que vous avez pu énoncer au début, je pense qu'on n'a pas encore réussi à trouver de la place pour toutes les associations patronales qui ont à présenter un mémoire ici. Nous sommes encore, actuellement, devant quatre associations qui n'ont pas leur place à la table. Je pense qu'il serait totalement justifié de leur trouver une place à la table, comme les trois autres parties syndicales.

M. Burns: La CSD est en arrière.

M. Dion: Malheureusement, il semble que la CSD jouit du même privilège que nous.

La deuxième chose, M. le Président — et je suppose que la première a été entendue — c'est pour vous dire que les six parties patronales, qui se résument à cinq parce que deux des parties patronales sont représentées par un porte-parole, l'ASECQ, ont un mémoire commun. C'est une brève introduction aux cinq mémoires qui vous seront présentés. Nous aimerions, avant de procéder avec le mémoire de la fédération, pouvoir vous présenter cette introduction.

Le Président (M. Séguin): Malheureusement... Est-ce que vous adressez vos commentaires à moi directement?

M. Dion: C'est évident qu'on s'adresse à vous, M. le Président.

Le Président (M. Séguin): Un instant, s'il vous

plaît! C'est que, lors de vos derniers commentaires, malheureusement, j'étais pris à...

M. Dion: C'était une information et je préfère que vous reteniez la première, qui nous apparaît importante. La deuxième c'est d'informer la commission qu'on a un mémoire préalable...

Le Président (M. Séguin): C'est cela, je l'ai ici.

M. Dion: ... pour les parties. Non. Avant le mémoire de chacune des parties, il y a une brève introduction au nom des six parties patronales. Je suppose que, pendant que je lis, vous faites le nécessaire pour nous assurer la place.

Le Président (M. Séguin): Je dois faire...

M. Burns: Est-ce que ces six parties vont renoncer à leur droit d'intervenir étant donné ce préalable ou quoi?

Le Président (M. Séguin): Malheureusement, je ne l'ai pas fait tout à l'heure en donnant les explications au début, mais notre règlement, à l'article 8 de l'annexe, dit que la durée limite allouée à chaque personne ou groupe pour un exposé sommaire de son mémoire est de 20 minutes et le temps alloué aux membres de la commission pour la période des questions suivant le mémoire est de 40 minutes réparties équitablement entre les parties en cause à la table de la commission. Ces périodes peuvent être prolongées si la commission le juge à propos. C'est dire qu'étant donné l'intérêt qu'on peut apporter à votre mémoire ou à vos commentaires la commission peut fort bien décider de vous entendre plus de 20 minutes. Mais, normalement, vous avez une période de 20 minutes pour faire l'exposé de votre mémoire ou vos commentaires. C'est la réglementation que j'essaie de suivre depuis tout à l'heure. Allez-y.

M. Dion: Je suppose que le temps qui s'est écoulé durant vos discussions tantôt ne compte pas dans mes 20 minutes.

Le Président (M. Séguin): Trois minutes.

M. Dion: M. le Président, cela me surprendrait que nous dépassions le temps qui nous est alloué. Mais, effectivement, je dois vous dire que nous solliciterons, si nécessaire, le droit de vous faire connaître nos points de vue sur le problème.

M. le Président, messieurs les membres de la commission, une commission parlementaire pour étudier les problèmes de l'industrie de la construction est un événement assez spécial en lui-même, mais lorsqu'une telle commission est convoquée, non pas en vue de préparer une loi mais à la suite de l'adoption d'une loi de la catégorie du bill 201, elle revêt un caractère bien particulier.

Les quatre associations qui forment le front commun — soit l'Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec, l'Association de la construction de Montréal et du Québec, l'Association provinciale des constructeurs d'habitations d u Québec et la ration de la construction, ainsi que l'Association des sous-entrepreneurs en construction du Québec, porte-parole de la Corporation des électriciens et de la Corporation des maîtres mécaniciens en tuyauterie, lesquelles représentent tous les employeurs, se sont vraiment interrogées sur l'opportunité et le mode de représentation à faire. Devions-nous exposer généralement les nombreux problèmes que nous connaissons avant et depuis la requête en indexation? Fallait-il se restreindre à expliquer nos prises de position en regard de la requête en indexation? Etait-ce l'occasion de commenter le contenu et les conséquences de la nouvelle loi? La question est demeurée sans véritable réponse, sauf que tous nous sentions que le scénario actuel était monté en regard de la question d'indexation. Les six associations se sont donc penchées sur cette question et chacune a rédigé son propre mémoire. Subséquemment, nous nous en sommes informées mutuellement pour constater que, de façon tout à fait personnelle, nous cheminions vers la même conclusion. L'indexation est un problème créé de toutes pièces par les dirigeants syndicaux et elle est l'occasion d'une nouvelle démonstration de force contre les employeurs et même contre l'autorité gouvernementale.

Ceci ne nous surprend pas outre mesure, surtout si nous nous souvenons des déclarations des chefs syndicaux manifestant leur volonté de renverser le pouvoir ou encore incitant le travailleur à violer les lois. Vous pourrez constater par vous-mêmes que les six exposés s'accordent et se complètent.

L'Association de la construction de Montréal et du Québec résume l'évolution du conflit sur l'indexation en brossant une image exhaustive du climat qui s'est développé au cours des cinq dernières années. La fédération, pour sa part, analyse les sources du conflit actuel et expose sa position face à la tête en indexation. L'Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec traite de la question en fonction de la loi tout spécialement par l'entremise du principe de la liberté syndicale. L'Association provinciale des constructeurs d'habitations du Québec démontre que les salariés de la construction sont bien nantis etqu'il faut rejeter le principe de la violence et de la force comme principale source pour fixer les lignes de conduite à suivre.

Enfin, l'Association des sous-entrepreneurs en construction traite de la complexité des relations de travail dans l'industrie et des fréquentes interventions inefficaces, du gouvernement qui n'occasionnent que le pourrissement des conflits. Il est donc évident que nous aurions pu fondre nos représentations dans un seul document. Cependant, les associations ont préféré exposer dans toutes leurs particularités les vues de leurs membres. Au nom des six associations, nous désirons vous confirmer que nous sommes généralement en accord sur le contenu des documents de chacune des associations, soit l'Association de l'habitation, l'Association des routes, l'Association de Montréal, la Fédé-

ration de la construction et l'Association des sous-entrepreneurs en construction représentant les électriciens et les plombiers, en tenant compte qu'elles concluent toutes à la non-indexation.

Cependant, avant de procéder, nous croyons qu'il y a lieu de se poser la question suivante: Est-ce qu'il s'agit d'une tribune où les parties peuvent valablement se faire entendre ou est-ce une simple étape à franchir? Le seul fait que la commission entre dans le mécanisme du bill 201 nous justifie d'être prudents, d'autant plus que depuis quelques jours, nous pouvons lire et entendre manchette sur manchette disant que le ministre du Travail s'apprête à imposer un tel montant d'indexation.

Messieurs de la commission, il n'est pas de notre intention de devenir inconsciemment les principaux acteurs d'une comédie tragique dont l'unique conséquence serait, d'une part, faire rire aux larmes ceux qui ont de toutes pièces inventé ce faux problème et, d'autre part, être le début de la fin d'une foule d'entreprises qui, acculées au mur par une indexation quelle qu'elle soit, devront abandonner le combat. Il serait donc, selon nous, absolument essentiel que le ministre du Travail fasse immédiatement savoir à cette commission ses intentions finales. Pourquoi ne pas sauver à tous et à chacun d'entre nous le fardeau de la participation au massacre de nos dernières structures? Les nombreuses déclarations faites aux media d'information sont éloquentes.

Pardonnez-nous cette sincérité, mais il nous faut vous avouer que nous avons l'impression de venir devant vous avec des documents basés sur d'excellents et irréfutables principes de logique et de justice alors que, d'autre part, le scénario semble se compléter. La partie serait jouée et, à toutes fins pratiques, l'employeur serait encore appelé à être le dindon de la farce. Cette fois-ci, messieurs les membres de la commission, il nous faut malheureusement vous inviter, si c'est encore le temps, à bien peser le geste à poser, car la mesure est comble et votre geste pourrait être tout simplement la conséquence d'une augmentation subite du chômage dans la construction. Les employeurs n'en peuvent plus. Trop, c'est trop! Sans aucune compensation et sans aucune garantie future, garantie que le gouvernement devrait nous assurer, mais ne peut et ne pourra jamais offrir car elle dépend de la bonne volonté et de la bonne foi des parties syndicales. Or, jusqu'à ce jour, ni l'une ni l'autre de ces qualités n'ont existé. Nous avons plutôt fait connaissance avec la violence, l'intimidation, l'illégalité. Si l'on envisage dans le pseudo-intérêt du public, somme toute, de concourir à nous forcer le bras, nous vous déclarons que le véritable intérêt du public est d'arrêter immédiatement ce système de récompense à l'illégalité et la fourberie des chefs syndicaux. Car, individuellement, nos employeurs se chargeront d'éteindre le feu en prenant les dispositions qui s'imposeront.

Conséquemment, nous avons besoin avant tout d'une mise au point claire de la part de l'autorité gouvernementale. Cependant, si la présente commission veut réellement nous entendre pour évaluer objectivement les problèmes tels les arrêts de travail illégaux, la non-productivité sur les chantiers, les abus de pouvoir des délégués syndicaux, l'absence de liberté syndicale, etc., et chercher de véritables solutions à ces questions, nous sommes à votre entière disposition.

C'est signé l'Association de la construction de Montréal, l'Association provinciale des constructeurs d'habitation, l'Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec, la Fédération de la construction du Québec, la Corporation des maîtres électriciens du Québec et la Corporation des maîtres mécaniciens en tuyauterie du Québec.

Le Président (M. Séguin): Une simple question, pour éclaircir un peu. Puisque vous apportez ce document, que vous avez fait vos commentaires et que vous finissez par cette signature des six organismes, est-ce que je dois comprendre par là que les cinq autres ne se feraient pas entendre?

M. Dion: Dans le corps du document, je vous ai fait part que chacune avait l'intention de présenter ses propres vues.

Le Président (M. Séguin): Est-ce que vous avez l'intention de présenter des commentai res sur votre mémoire principal?

M. Dion: Si vous me permettez, M. le Président, j'aimerais lire ce document-là.

Le Président (M. Séguin): Vous avez encore du temps, une dizaine de minutes. Le lire au complet, vous n'en aurez pas le temps.

M. Dion: M. le Président, est-ce que vous pourriez...

Le Président (M. Séguin): A moins que la commission en décide autrement. Est-ce que vous permettez la lecture, messieurs? A ce moment-là, on le permet aux autres aussi.

M. Dion: II faudrait comprendre M. le Président, si vous me le permettez, que la présentation que je viens de faire a été faite au nom des six associations et que je ne voudrais pas pour autant pénaliser la fédération que je représente.

Le Président (M. Séguin): Dans ce contexte-là, prenez le temps qu'il faut pour lire votre texte.

M. Dion: Merci. Messieurs — et je parle maintenant au nom de la Fédération de la construction du Québec — nous voulons vous remercier de l'opportunité que vous nous accordez d'expliquer notre position face au conflit actuel. Cependant nous ne croyons pas qu'il y ait lieu de nous réjouir d'être devant une commission parlementaire après l'adoption d'une loi.

Nous aurions de beaucoup préféré nous faire entendre avant, car les positions que nous avons défendues jusqu'à ce jour sont, quant à nous, d'une part, justes et honnêtes et, d'autre part, appuyées

sur les vrais principes d'une saine législation en relations de travail.

Cette commission parlementaire est-elle le signe d'une incapacité des parties à régler leurs problèmes? Ou est-ce la rançon d'une accumulation de faits et gestes illégaux qui ont malheureusement été trop souvent et trop longtemps tolérés? Bien plus, faut-il croire que les nombreuses interventions législatives antérieures n'ont jamais remis de l'ordre, mais qu'elles ont plutôt transformé les problèmes, les ont extensionnés et même, souvent, elles en ont créé de nouveaux, malheureusement plus douloureux à subir par les employeurs.

Des situations difficiles, nous pourrions en vivre bien d'autres si la loi n'est pas sagement amendée, car, dans son état actuel, elle n'est plus apte à contrôler les situations.

Conséquemment, elle n'est plus respectée et, à toutes fins pratiques, il semble à plusieurs plus rentable d'agir sur le bras. La loi du plus fort domine et triomphe. Il n'est donc pas surprenant, d'autre part, de voir les employeurs refuser catégoriquement tout dialogue car il est prévu d'avance que leurs gestes, si raisonnables qu'ils pourraient être, ne seraient pas suffisants.

Etat de la question. L'industrie de la construction traverse avec une déconcertante régularité des problèmes d'envergure qui confrontent les parties entre elles et perturbent, à divers degrés, l'économie de cette province.

Depuis décembre 1968, nous sommes gouvernés par une législation spéciale qui devait prendre soin de l'aspect bien particulier de ce secteur important. Le code du travail ne pouvait répondre à nos besoins.

Dès la parution de cette loi, il était déjà acquis que des ajustements seraient souhaitables. Les événements vécus seraient inutiles à réciter car vous les connaissez. Mais nous croyons devoir souligner le manque de bonne foi de certaines parties devant la loi, les nombreuses interventions gouvernementales sans plan d'ensemble, l'utilisation de la législation pour des fins bien différentes de celles pour lesquelles elle fut adoptée.

Plus d'un mémoire présenté au ministère du Travail a été l'occasion pour formuler des propositions en vue de résoudre en dehors des périodes de fortes crises, les problèmes épineux de notre industrie. Mais, jusqu'à ce jour, les réactions ont été nulles.

A coup sûr, plusieurs diront que les périodes sereines ont été bien rares et que l'ordre n'a jamais vraiment régné. C'est sans doute en vertu de cette prétention que le ministère du Travail a présenté amendement sur amendement à l'Assemblée nationale toujours, comme le mentionnait M. Burns le 21 décembre 1974, devant l'Assemblée nationale, en vue de mettre de l'ordre.

D'une fois à l'autre, cependant, le marasme continua ou augmenta. Combien de fois n'avons-nous pas condamné ces interventions inadéquates? Spécialement lorsque les règles du jeu étaient modifiées pendant que la partie se déroulait et que souvent elle atteignait son point d'intérêt maximum.

Lorsque, lors de l'adoption du bill 38, le législa- teur faussa totalement le jeu des échanges à la table des négociations, le bill 9, pour sa part, changea les joueurs et leur donna des pouvoirs différents, légalisant ainsi tout ce qui était illégal. Enfin, nous ne parlerons pas ici du bill 14 qui a introduit un nouveau concept, celui de la rétroactivité.

Jusqu'à ce jour, ces gestes ont été posés après que les situations eurent longuement pourri, de telle sorte que, la plupart du temps, les pouvoirs demandés dans ces amendements nous apparaissaient comme extravagants. Bien sûr, il y a eu quelques tentatives pour freiner ce système, mais la modestie des gestes n'aura jamais eu gain de cause.

Aujourd'hui, nous sommes devant un nouveau conflit créé par une demande d'indexation, appuyé par une foule de gestes répréhensibles à tous les niveaux. Les jeux se font comme suit: La FTQ tente de signer des ententes illégales, selon des moyens bien connus: arrêt de travail, ralentissement des chantiers et menaces.

L'application des lois existantes est lente et peu efficace. Certains employeurs ne se sentent plus adéquatement appuyés et succombent.

En résumé, la situation se détériore et l'actualité démontre que les moyens d'action des attaquants sont durs à supporter, à certains niveaux, et trop peu efficacement réprimés. Le législateur intervient, non pas par une loi ou des moyens d'action qui permettraient de rétablir l'ordre, c'est-à-dire la situation qui devrait normalement exister, mais par une loi qui, à notre avis, annonce, sans l'ombre d'un doute, qu'il pourra y avoir changement au décret, comme le réclame le contestataire.

Nous ne pouvons que condamner une telle attitude en tant que partie patronale la plus représentative, nous rejetons, parce qu'insalubre pour notre industrie, tout geste posé en vue de régulariser des situations illégales, sans qu'au préalable des efforts aient été vraiment déployés pour les prévenir et les combattre. Il est devenu notoire que les travailleurs ou leurs chefs peuvent créer des situations illégales collectives, sans être trop dérangés et, dès qu'ils ont suffisamment exaspéré l'entourage, ils peuvent espérer gagner leurs points.

Selon nous, la paix dans la construction ne pourra être réalisée que par l'acceptation, de part et d'autre, de règles de jeu adéquates, établies avec le consentement ou, au minimum, par la consultation des parties, et en toute bonne foi, expérimentées sans plus d'intervention. Il faut en finir avec les lois à la dernière minute, lesquelles sont, la plupart du temps, de faux outils de travail, parce qu'issues de fausses situations, mais aveu la conséquence qu'elles détruisent lentement tout système qui aurait pu être valable.

Les principes en jeu. La construction n'est pas un champ expérimental. Il est insensé de conduire des expériences sur les détonateurs dans une chambre remplie de dynamite. Même s'il faut reconnaître que le climat est souvent survolté, l'industrie de la construction pourrait être civilisée, si tout le monde voulait bien y mettre l'effort nécessaire, et ceci inclut le gouvernement.

Il est cependant important, quant à nous, de fixer au préalable des principes et se donner des

moyens de les faire respecter. Parmi ces principes fondamentaux, il en est un qui, actuellement, est en jeu: le respect de l'entente conclue, prolongée par décret.

Evidemment, comment parler de relations de travail valables, si les intéressés ne se sentent aucunement liés par les ententes conclues et décrétées? A la moindre occasion, tentation ou omission, serait-il possible de passer outre que plus rien ne tiendrait? Est-il opportun de rappeler qu'à notre avis la loi vise à permettre aux parties de s'entendre sur certaines conditions de travail, que ni l'une ni l'autre des parties ne peuvent unilatéralement changer? Si nous n'admettions pas ce principe, il serait inutile de parler de relations de travail.

Bien plus, dans le projet de loi no 290, nous avions obtenu ce que nous appelions une règle de non-ingérance. Lors de l'adoption du projet de loi no 9, c'est-à-dire l'établissement de la règle de la majorité, il a été prévu que l'entente des parties pourrait être modifiée, pour éviter, en quelque sorte, les clauses préjudiciables. Bien qu'il se soit agi d'une modification au principe antérieurement stipulé, ce droit nous est paru comme valable. La masse du projet de loi no 201 vient cependant détruire totalement ce principe de la non-intervention. Le décret peut maintenant être modifié, amendé, abrogé s'il y va de l'intérêt public.

Il est à noter que les centrales syndicales sont, à notre avis, des spécialistes pour créer de toutes pièces des problèmes, en ce sens qu'elles montent facilement en épingle une situation, provoque le chaos et oblige le gouvernement, trop souvent complaisant, à agir dans l'intérêt public.

Le projet de loi no 201 et ses antécédents. Il n'est pas de notre intention de commenter en profondeur le projet de loi no 201, mais nous croyons qu'il y a lieu, cependant, de souligner que nous sommes totalement en désaccord sur l'opportunité de cette loi. Le projet de loi no 201 a-t-il pour but de régler le problème actuel de l'industrie de la construction? Quel est donc ce problème et quelle est sa justification? Est-ce l'indexation ou les arrêts de travail, ou la non-productivité sur les chantiers? Ce sont toutes ces choses à la fois, mais surtout la première, dont toutes les autres dépendent.

Pourquoi est-on devant un tel problème? La majorité des parties patronales ont refusé de modifier le décret pour indexer les salaires et, dès lors, des représailles syndicales ont débuté. Il est connu que les actions syndicales ont eu certains résultats, tout spécialement dans la région de Montréal, dans certains métiers, chez les électriciens et les plombiers.

Pourquoi certains employeurs ont-ils donné l'indexation ou son équivalent, alors que d'autres la refusent? Il serait enfantin de vous parler de ces "chaleureux moyens" de persuasion utilisés pour convaincre l'employeur. Il serait inutile de vous rappeler les positions délicates où sont souvent placés les employeurs vis-à-vis de leurs donneurs d'ouvrage. Il serait également superflu de vous raconter l'état précaire où sont placées les entreprises devant les ralentissements de travail ou les menaces de perte de main-d'oeuvre. Il est d'ores et déjà connu que certaines entreprises travaillent suivant des contrats qui ne leur permettent pas de passer la facture.

Enfin, faut-il ajouter que certains croient, malheureusement, que toute résistance dans un climat de jungle est souvent fatale à l'entreprise? Nous ne blâmerons sûrement pas ici les entreprises qui n'ont eu d'autre choix que celui de céder. Il s'agit souvent d'une évaluation prudente de la situation conditionnée la plupart du temps par une série d'expériences antérieures. Le patronat déplore l'absence de support législatif et l'impossibilité d'exercer ou de réclamer ses droits les plus fondamentaux. S'il y a lieu de déplorer ces abandons forcés ou volontaires, il y a aussi nécessité de souligner la complaisance d'une très faible quantité d'employeurs qui croient acheter ainsi la paix mais ignorent sans doute qu'ils préparent la guerre.

Le refus d'indexer. Depuis le dépôt de la demande d'indexation, la majorité des employeurs ont pris position en déclarant qu'une telle requête n'était nullement justifiée. Dans un premier temps, les associations, qui les représentent, se sont demandées s'il était réaliste de prétendre que les salariés étaient préjudiciés par l'inflation. Dans un second temps, ils ont évalué dans quelle mesure, s'il y avait un quelconque préjudice, il serait normal ou opportun de modifier le contrat.

Or, les conditions salariales sont adéquates.

Pour répondre adéquatement au premier point, nous avons, à l'aide des chiffres extraits des décrets et d'informations officielles, recherché dans quelle mesure la requête d'indexation, uniformément énoncée par les syndicats, était valable. Bien sûr que les syndiqués peuvent prétendre à une perte de l'amélioration de leurs revenus. Ce point, nous l'admettons volontiers. Mais cela est totalement différent que d'affirmer qu'ils subissent une perte de leur pouvoir d'achat comme tel.

A titre d'exemple, si, le 1er janvier 1974, une personne gagne $100 et qu'il est prévu que, le 1er juin 1974, elle aura droit à $10 d'augmentation pour atteindre la fin de l'année, il est clair que ces anticipations d'amélioration de revenu sont de 10%. Or, lorsque l'inflation provoque en 1974 que le coût de la vie augmente de 5%, il faut donc, en toute objectivité conclure que l'amélioration de son revenu subit une coupure de 50% et plus, mais pour autant son pouvoir d'achat réel n'est pas déficitaire. D'après les calculs que nous avons conduits au moment de l'évaluation de la demande syndicale, il nous est apparu absolument évident que la variation progressive du coût horaire du travailleur était nettement plus que suffisante pour absorber l'inflation. Encore aujourd'hui, ce phénomène peut être constaté. Il y a cependant deux points à considérer et ils sont les suivants: a) l'écart s'amincit continuellement; b)l'enveloppe de paie est faussée par le prélèvement des bénéfices marginaux.

Nous ne pourrions pas demeurer objectifs si nous n'admettions pas que, sur le premier point, la position absolument réaliste que nous avons défendue en mai 1974 est de plus en plus menacée. Il est, selon l'interprétation de plusieurs, des plus évidents

que le rythme accéléré de l'inflation gruge le différentiel rapidement, dans certaines régions. Mais la situation n'est pas la même partout. Cette admission faite, il faudra peut-être se demander pourquoi il n'est pas envisagé d'y remédier. Nous y répondrons plus loin.

Sur le second point, il y a, à notre avis, un malaise. S'il est vrai de prétendre que le salaire brut de M. X n'a pas subi de pertes réelles dues à l'inflation, il est cependant honnête de constater que, dans certains cas, le "take home pay" peut être si peu amélioré qu'au rythme de son évolution l'inflation pourrait ou a pu prendre le dessus. A titre d'exemple, si un salarié gagne $100 et que le contrat prévoit $10 d'augmentation, répartis comme suit: $5 sur la paie et $5 à un fonds de retraite et que, bien plus, son allocation en vacances, prélevable hebdomadairement, passe de 5% à 8%, il est, en tenant compte du phénomène de 5% d'inflation, un travailleur perdant car son enveloppe de paie ne sera pas maintenue et ce, malgré des avantages salariaux suffisamment améliorés.

Selon nous, ce cas peut se présenter dans la construction. L'amélioration des conditions salariales du travailleur a généralement surpassé le niveau de l'inflation, mais les différentes attributions de la masse salariale ont provoqué, dans certains cas, une perte de pouvoir d'achat qui peut être enregistrée.

Ce problème nous préoccupe encore. Une somme horaire assez importante est actuellement perçue en vue de procurer aux salariées un fonds de retraite. A notre avis, l'accumulation de cet argent ne paraît pas tellement valable. Il est facile de comprendre que ces cotisations donneront lieu plus tard à une pension plus ou moins adéquate, mais qui influencera les bénéfices généraux prévus par les lois fédérales et provinciales. Or, priver ainsi involontairement les gars de la construction d'un revenu qui leur serait utile aujourd'hui en vue de leur garantir un bénéfice qui sera, à toutes fins, inadéquat plus tard ne nous paraît pas justifié. Ne devrons-nous pas songer que, pour maintenir la valeur de ce régime, il faudra constamment augmenter la cotisation et, ainsi, indirectement restreindre de plus en plus le travailleur sur son salaire horaire? Evidemment, nous tenons compte ici que le coût horaire, directement influencé par les bénéfices marginaux du salarié, peut atteindre des niveaux prohibitifs, alors que le salarié n'en jouirait que partiellement.

Les deux annexes que nous joignons aux présentes parlent par elles-mêmes. Entre 1969 et 1975, les conditions salariales globales se sont améliorées au point qu'il est presque ridicule de soutenir l'argument de perte de pouvoir d'achat devant le public sur le plan provincial et encore plus sur le plan régional.

En effet, dans certaines régions, on peut constater des augmentations de 100% et même plus. Ces taux de salaires auxquels nous nous référons étaient déjà supérieurs à ceux du salaire minimum et, bien plus, ils étaient, en 1969, l'équivalent de ce que certains gagnent en 1975. N'est-il pas réel qu'en 1975 il y ait encore des travailleurs qui, pardes conventions négociées, gagnent $4 l'heure?

Le décret ne doit pas être modifié. Si dans certains cas particuliers il devenait évident qu'un léger déficit se réalise, comme nous l'avons admis antérieurement, il ne faudrait pas aussitôt sauter à la conclusion et consentir à modifier le décret. D'autres principes devraient être considérés.

Les motifs économiques. Le coût brut en salaire horaire est, selon nous, à un point maximum d'absorption par "Jos Public". Telle entreprise d'envergure est peut-être en mesure de payer plus, de même que tous les contribuables de cette province qui, finalement, paieront les Jeux olympiques. Mais tel industriel moyen ou petit, tel futur propriétaire d'une maison unifamiliale le peuvent-ils?

Un décret provincial avec des échelles de taux paritaires était peut-être souhaitable, mais cela a imposé en province des contraintes dont il faut tenir compte. Plusieurs pourraient avoir envie de sauter aux conclusions et de dire: Deux ou trois taux selon les secteurs, ce serait la solution, mais, à vrai dire, il y aurait encore des facteurs oubliés tels la concurrence intersecteurs au sujet de la main-d'oeuvre et de la capacité différente de payer des régions économiques. Sur ce point, peut-on prétendre que le revenu moyen des résidents de l'île de Montréal, donneurs d'ouvrage en puissance, est semblable à celui des gens de Rimouski, de Sherbrooke, de Drummondville?

Ce ne sont là que de simples énoncés qu'un économiste pourrait sûrement traduire en pourcentage significatif et qui nous justifient d'être prudents à l'extrême devant des solutions basées sur des secteurs.

Peut-on envisager le rétablissement des conditions salariales concordantes à l'économie régionale? Il est malheureux que l'imposition d'un décret provincial ait comme conséquence première, actuellement, de faire souvent supporter par la province des conditions spéciales de la région montréalaise. Il est évident que le système sera toujours préjudiciable aux régions économiquement faibles, malgré que, sur une autre base, il paraisse comme étant la conclusion logique de la prémisse "A travail égal, salaire égal". Pouvons-nous revenir en arrière? Au rythme actuel, il le faudrait peut-être.

A première vue, il peut sembler qu'aucune solution n'est facilement pensable, mais il nous paraît que, si une législation favorable et sécuritaire était adoptée avant les prochaines négociations, ceci pourrait permettre aux intéressés de s'asseoir et de chercher des solutions adéquates et objectives pour l'avenir. Nous sommes d'avis que ce n'est ni opportun, ni juste d'intervenir à ce moment.

Les motifs légaux. De 1969 à 1975, les conditions salariales se sont modifiées à un rythme tel que, globalement, le salarié y a son avantage. Au surplus, si, pour quelques sous et quelques mois, l'inflation devait jouer contre le travailleur assez bien nanti quant à son taux horaire, nous n'en serions pas pour autant convaincus de modifier le contrat.

Ceci nous conduit à considérer un point strictement légal qui, à notre avis, a des conséquences énormes: le respect, de part et d'autre, des ententes. Globalement, les employeurs n'ont d'autre choix

que de respecter la loi et le décret, toute dérogation signifiant pour eux poursuite, grève, ralentissement, etc. Les syndicats, qui contrôlent plus ou moins démocratiquement les travailleurs — la commission Cliche le prouve — ont plus souvent qu'à leur tour utilisé des moyens illégaux pour passer outre les conditions des ententes.

Malheureusement, le système a été, à plus d'une reprise, rentable, de telle sorte qu'il n'y a plus aucun scrupule à l'utiliser. D'un côté, tous les moyens sont bons et donnent actuellement lieu à des résultats. De l'autre, la règle est dure et sévère et la répression facile et rapide, ne serait-ce que l'arme de la législation qu'à tout coup l'on brandit contre le patronat.

Dans le problème actuel, pourquoi n'a-t-on pas pensé à une législation apte à forcer le respect des règles établies, plutôt qu'un bill 201 donnant le pouvoir d'amender le décret après maintes allusions à la valeur réelle de la demande d'indexation?

Conclusion. Notre opinion devant ce conflit demeure inchangée. L'indexation n'est généralement pas justifiée, mais la situation a été négligée par les autorités chargées de veiller au grain. Maintenant, on nous dit: Que faire? Les gars sont dehors et il n'y a pas d'autre solution. Il faut mettre de l'ordre.

Messieurs, nous sommes convaincus encore une fois que cette mise à l'ordre ne sera que le prélude à un nouveau désordre car ce nouveau précédent, soit celui d'amender le décret sans le consentement des parties, continuera de détériorer les relations patronales-syndicales.

Comment l'employeur pourra-t-il, à l'avenir, s'asseoir pour négocier, s'il retient que, par divers moyens — que nous vous laissons le soin d'apprécier — il est possible de modifier le contrat qui devrait servir de base stable pour donner des soumissions et signer des contrats?

Messieurs de la commission, il se peut que vous nous questionniez au sujet de notre position, mais il faudra quand même considérer que les employeurs que nous représentons font affaires avec les trois centrales syndicales, que nos employeurs sont majoritairement des entreprises moyennes et petites, faisant affaires avec des donneurs d'ouvrage souvent différents des entreprises comme la Société d'énergie de la baie James, le COJO ou telle raffinerie, que beaucoup de nos employeurs travaillent presque exclusivement dans des régions économiquement différentes de Montréal et qu'au surplus ils sont ainsi plus sensibles aux pouvoirs d'absorption régionaux.

Nous pourrions allonger la liste, mais nous croyons sincèrement vous avoir exposé suffisamment nos vues pour que vous soyez saisis de nos difficultés.

Avant de venir vous rencontrer pour bénéficier de cette pacifique occasion de vous faire connaître nos préoccupations, nous avons voulu vérifier honnêtement le pouls de nos gens. Les résultats de cette consultation de dernière heure accompagnent cette présentation. Nous sommes convaincus que vous y trouverez matière à réflexion car c'est l'expression des voeux de près de 4,000 employeurs formant le groupe le plus représentatif au niveau de toute la province et peut-être, à vous d'en juger, le groupe majoritaire hors de l'île de Montréal.

Nous vous remercions de nous avoir patiemment écoutés et sommes à votre disposition pour tout renseignement supplémentaire.

La Fédération de la construction du Québec. Signé: le président, M. Clément Fortier.

Le Président (M. Séguin): Merci beaucoup. Une Voix: Moi, je n'ai pas de question.

Une Voix: Le député de Maisonneuve s'en vient, M. le Président.

Le Président (M. Séguin): Je n'ose pas faire passer le député de Beauce avant lui, pour ne pas créer un autre débat.

M. Roy: Je ne vous l'ai pas demandé.

Le Président (M. Séguin): Non mais... La période des questions, le député de Maisonneuve.

M. Burns: Le ministre n'a pas de question? M. Cournoyer: Non.

M. Burns: Non? Il est sûr de ce qui va arriver comme amendement au décret, lui?

M. Cournoyer: C'est-à-dire qu'il est clair que la fédération souhaite qu'il n'y ait pas d'amendement au décret.

M. Burns: M. Dion, juste une question, sur le premier document que vous nous avez lu. C'est l'affirmation que vous faites, que je trouve grosse, soit dit en passant, énorme même.

Si vous avez lu les débats des derniers jours de décembre 1974, vous avez dû vous apercevoir que la mojorité des députés ne pense pas comme vous, lorsque vous nous dites que l'indexation est un problème créé de toutes pièces par les dirigeants syndicaux. J'ai entendu bien des députés se plaindre d u fait que l'indexation, c'est un problème réel. Nous n'avons pas de dirigeants syndicaux qui viennent nous dire quoi faire. Nous n'avons pas de dirigeants syndicaux qui nous disent: Faites la grève s'ils ne vous indexent pas. Il y a pourtant un paquet de députés à l'Assemblée nationale qui, pendant au-delà de trois semaines, se sont battus pour se défendre, ils ont presque déchiré leur linge sur la place publique pour montrer comment ils étaient malmenés vis-à-vis de la perte de leur pouvoir d'achat.

J'aimerais que vous me disiez un peu plus clairement comment, au nom de six associations, vous pouvez venir nous dire sans rire, sans faire de blagues, que l'indexation est un problème créé de toutes pièces par les dirigeants syndicaux et qu'elle est l'occasion d'une nouvelle démonstration de force contre les employeurs et même contre l'autorité gouvernementale, cette même autorité gouvernementale, M. Dion, soit dit en passant, qui a décidé de

voter une loi qui haussait eu égard à la perte du pouvoir d'achat, le salaire des députés. Pour votre information, seulement pour ne pas vous prendre par surprise, le salaire des députés était de $15,600 en 1972...

M. Boudreault: J'espère qu'il parle, comme son chef, à tête reposée. Est-ce que vous parlez à tête reposée?

Le Président (M. Séguin): A l'ordre, s'il vous plaît! Je demanderais au député de s'en tenir au mémoire en question.

M. Burns: Je ne veux pas le prendre par surprise. Le salaire des députés était de $15,600 en 1972 et il a été haussé à $21,000 à compter du 1er avril 1974, rétroactivement, et indexé aussi. J'aimerais que vous me disiez en quoi l'indexation est un problème créé de toutes pièces par les dirigeants syndicaux.

M. Dion: D'abord, je dois vous remercier de la longueur de votre question. Cela m'a donné le temps de reprendre mon souffle.

L'affirmation que nous faisons est dans le sens suivant et elle sera largement expliquée par chacun des autres mémoires qui vont suivre. Comme on l'a dit dans notre texte d'introduction, chacun des mémoires se complète et ils sont en accord les uns avec les autres. Evidemment, cette question sera effectivement beaucoup mieux traitée dans le mémoire, entre autres, de l'Association de la construction de Montréal. Je reprends à partir du début de la question.

Nous prétendons que le problème est créé de toutes pièces par les dirigeants syndicaux.

C'est évident que, si on regarde l'état actuel de la question, certains peuvent prétendre que ce n'est peut-être plus un problème des dirigeants syndicaux, mais, au départ, nous prétendons qu'on a offert ou qu'on a prétendu pouvoir offrir, aux salariés de la construction, de la crème glacée. Evidemment, comme tout le monde aime la crème glacée, tout le monde s'est dit: On veut de la crème glacée. C'est évident que c'est ce qu'on veut prétendre par là. Le problème a été présenté au départ, non pas à la suite d'une décision démocratique des syndiqués, mais à la suite d'une action des chefs syndicaux moussée par des mouvements de violence et d'intimidation, par des grèves illégales, par des moyens, qui vous seront clairement expliqués dans le mémoire de l'ACM, en vue de les convaincre à faire des arrêts de travail, de la non-productivité, etc.

Evidemment, nous sommes d'accord avec vous, quand on arrive maintenant au bill 201. On se retrouve aujourd'hui devant des gens à qui on a dit: II y aurait peut-être possibilité pour vous d'avoir un suçon. Les gens ont dit: C'est bon des suçons et on veut des suçons. Les chefs syndicaux ont créé de toutes pièces, au départ, un problème d'indexation.

Quant au salaire des députés, il ne m'appartient pas d'en discuter. Je veux quand même vous faire la remarque suivante, non pas que je sois en accord ou en désaccord sur l'augmentation qu'ont pu obtenir les députés de l'Assemblée nationale, mais je constate quand même, par les informations que vous me donnez qu'en 1972 vous gagniez $15,600, que la prochaine augmentation est venue en 1974 et que vous avez eu une augmentation d'environ 30%. Je vous dirai que la constatation que vous ferez dans nos mémoires, c'est que les gens de la construction n'ont jamais passé deux ans sans avoir d'indexation de leur salaire ou d'augmentation de leur salaire et que, bien plus, si vous les députés, avez eu la sagesse de vous contenter de 30% d'indexation pour deux ans, les ouvriers de la construction ont eu, dans certains cas, jusqu'à 130% et 140% d'augmentation.

Je vous invite chaleureusement à aller voir les annexes de nos mémoires, chacun des mémoires donne de l'information de ce côté. Si, sans étirer le débat, je pouvais vous reporter entre 1969 et 1975 — vous allez peut-être me dire que c'est cinq ans et non pas deux ans — mais si vous regardez en 1969, dans certaines régions, il y a des salariés qui étaient à $3 ou $3.50 ou $3.75 l'heure, en vertu de conventions collectives négociées sur la base des conditions économiques d'une région. Ces salaires sont rendus à $6 et $6.50 l'heure et les taux d'augmentation varient d'une région à l'autre entre 50% et 130%.

Moi, au nom de la fédération, je dois vous dire que c'est nettement supérieur à ce que vous, MM. les députés, avez eu la sagesse d'accepter.

M. Burns: Autre question...

Le Président (M. Séguin): A l'ordre, s'il vous plaît! Je voudrais, dès le début... A l'ordre, s'il vous plaît, à l'ordre!

M. Burns: Je suis convaincu qu'il y a des députés libéraux qui auraient aimé vous avoir à la commission quand on a augmenté le salaire.

Le Président (M. Séguin): Je voudrais, dès le début, si vous me permettez, faire remarquer au public ici présent qu'à une commission parlementaire nous n'avons pas le droit ni le privilège de nous exprimer par des applaudissements ou autres commentaires. Je vous demanderais donc de collaborer. Nous allons entendre ceux qui se présentent à la table devant la commission, nous allons entendre les questions des membres de la commission aux représentants, mais je vous demanderais de ne pas vous exprimer. Un sourire ne fait pas de bruit mais au moins essayez de vous restreindre à un sourire, mais pas d'applaudissements, s'il vous plaît, ni autres commentaires.

M. Burns: Je reviens à ma question, M. Dion, à laquelle vous avez aussi longuement répondu quand je vous l'ai posée. En somme, ce que je voudrais vous entendre dire, c'est que... Avant ça, je veux tout simplement vous poser une question. Vous dites qu'il y a un autre mémoire qui va traiter de ça; lequel?

M. Dion: J'ai mentionné, entre autres, celui de l'ACM mais je pense que tous les mémoires sont quand même la pensée générale, spécialement...

M. Burns: Je n'insisterai pas auprès de vous pour aller plus loin là-dessus mais si vous me dites sur quel mémoire je devrais insister...

M. Dion: Je pense que spécialement le mémoire de l'ACM, comme il est mentionné dans ce texte, va brosser un tableau bien exhaustif du climat de l'industrie de la construction et de quelle façon on peut monter en épingle un problème et en faire un problème censément d'intérêt public.

M. Burns: D'accord. Alors on entendra l'ACM là-dessus. Maintenant...

M. Dion: Si vous me permettez, M. Burns... M. Burns: Oui, M. Dion.

M. Dion: ...il y a une partie de votre question à laquelle j'ai omis de répondre tantôt. Vous me questionnez à savoir comment je prétends que c'est dû à l'autorité gouvernementale. Est-ce que vous tenez à ce que je vous réponde?

M. Burns: Oui.

M. Dion: La loi 290, évidemment, comme on l'a dit, au départ, avait peut-être quelques lacunes. Elle était nouvelle, elle devait avoir un essai de bonne foi par les parties. Mais nous croyons que, de cette loi, nous sommes maintenant rendus à une loi amendée à la course, malheureusement, amendée sans aucun plan d'ensemble, une loi — ce sera démontré dans certains mémoires — qui a permis la création de certains monopoles, qui a favorisé également la montée de l'illégalité comme étant un moyen pour régler tous les conflits, si on est assez fin pour la créer suffisamment importante pour impressionner le gouvernement. Or, nous, on dit qu'il y a une coopération du gouvernement par le moyen d'amendements aux lois, qu'il y a une coopération du gouvernement par une certaine complaisance devant les conflits.

Evidemment, je vais vous dire, nous ne sommes pas venus ici pour attaquer — je le dis publiquement parce que c'est peut-être intéressant — le ministre du Travail, on est venu attaquer une politique; la politique, du côté patronal, ne nous satisfait pas au niveau des relations de travail dans l'industrie de la construction. J'ai même dit, avant que la séance de la commission parlementaire commence, que j'aimais mieux ma place que la sienne.

M. Burns: De toute façon, on se fait la place qu'on veut bien, à un moment donné. Mais ça, c'est un autre problème.

Avant qu'on passe à autre chose, vous avez pris la peine d'affirmer dans ce document — c'est d'ailleurs le seul souligné qu'on y retrouve, donc, vous y avez accordé de l'importance, ce que je mentionnais tout à l'heure — que l'indexation est un pro- blème créé de toutes pièces par les dirigeants syndicaux. Est-ce que vous ne voudriez pas dire, dans le fond, que le problème, ce n'est pas l'indexation, c'est l'inflation? Vous ne nous avez pas dit que ce problème pouvait être l'inflation, et que l'indexation n'est qu'une conséquence , dans le fond, de l'inflation. Moi, je ne vous ai pas entendu parler de cela.

M. Dion: Evidemment, la demande d'indexation est concordante à une inflation qui se produit dans la province de Québec comme elle se produit partout ailleurs. Je n'ai pas de cours d'économique à donner là-dessus.

Il y a de l'inflation. On le reconnaît d'ailleurs — je pense qu'on l'a dit dans le document de la fédération, non pas dans celui-ci — quand on a dit qu'il y a réellement une inflation. C'est sûr et certain, tout le monde le sent, nous, comme les travailleurs de la construction.

Ce qu'on a dit, c'est que cette inflation-là, même si elle gruge une certaine partie de l'expectative d'amélioration de revenu des gens, n'est pas suffisante pour avoir dépassé cette amélioration du revenu qui est prévue dans les conditions de travail. Elle n'est pas suffisante pour justifier une demande d'indexation.

Evidemment, le gars peut prétendre qu'il avait une chance d'avoir $10 d'augmentation et, à cause de l'inflation, il lui en reste seulement $2, parce qu'il y a $8 qui sont partis dans l'inflation. Cela peut être le problème, mais cela ne justifie pas, quant à nous, que l'inflation soit suffisante pour avoir dépassé les augmentations consenties et nécessiter un nouvel ajustement par-dessus les ajustements déjà prévus au décret.

Je voudrais bien éclaircir un point du document de la fédération. Même si on dit à un moment donné que l'écart s'amincit, même si on parle peut-être, pour certaines régions, de quelques sous, on ne peut pas du tout conclure, d'après le mémoire de la fédération, que nous sommes favorables à ce que le gouvernement bouge un peu, parce qu'il y a quand même un petit danger à certains endroits, ou une petite réalité à certains endroits.

Sur un autre plan, on dit que même s'il pouvait être vrai qu'il y ait de légers problèmes, pour autant, il n'y a pas lieu d'amender le décret pour d'autres motifs qui sont des motifs économiques et légaux.

M. Burns: Je peux vous poser une question en tant que technicien du domaine du travail, M. Dion. Est-ce que la fédération que vous représentez considère que, lorsqu'une augmentation de salaire est décrétée dans une convention collective qui éventuellement devient décret, il y a une partie qui, naturellement, est affectée, selon votre philosophie des relations de travail, à l'augmentation du standard de vie du travailleur? Est-ce qu'il y a une autre partie qui est accordée à, tout simplement, une rencontre normale d'une éventuelle augmentation du coût de la vie?

Je résume ma question. Est-ce que, pour vous, lorsque des augmentations de salaire sont décrétées dans une convention collective, quelle qu'elle soit, cela ne tient compte que de l'augmentation du

coût de la vie ou si, au contraire, cela tient compte aussi — la proportion, je ne suis pas en mesure de vous la dire — d'une certaine augmentation du standard de vie de n'importe quel travailleur?

M. Dion: M. le membre de la commission, une masse salariale consentie au moment d'une négociation contient, selon nous, à la fois une augmentation de salaire et une expectative d'inflation. Cela a toujours été, je pense, le sentiment des gens qui ont été à la table de négociation.

Dans une certaine négociation, une fois la période du décret complétée, on peut se rendre compte que l'expectative qu'on avait eue vis-à-vis de l'inflation et vis-à-vis des augmentations de salaire a été quelque peu proportionnée. Par exemple, je peux avoir négocié, en 1972, $1 d'augmentation, prévoyant peut-être $0.25 d'augmentation du coût de la vie et $0.75 d'augmentation de salaire, il peut s'être produit que le coût de la vie n'a augmenté que de $0.20 et effectivement, à ce moment-là, je me dis: L'augmentation du salaire a été de $0.80.

L'inverse peut également se produire. C'est peut-être, malheureusement pour le travailleur, la situation en 1974, dans le décret actuel. Je pense que selon les déclarations mêmes des chefs syndicaux qui ont été à la table de négociation, on a prévu une forme d'augmentation de salaire et une forme d'appréciation de l'inflation.

Je me rappelle encore — on était des spectateurs assez calmes pour l'entendre dire, à ce moment — les paroles d'un chef syndical qui a négocié ces ententes "légales", dire qu'on a réglé le problème à la fois des augmentations et du coût de la vie. Je ne me rappelle pas exactement ses mots, mais ce sont des choses qui ont été dites. Il s'est déclaré satisfait et cela tenait compte de tout.

Evidemment, il y a aussi le jeu suivant: C'est que je peux prévoir que $0.80, c'est normal pendant un an et $0.25 d'indexation, c'est normal; donc, je peux prévoir que $1.05, c'est normal. Je fais un contrat, à ce moment, comme je fais une soumission, et je signe un contrat. Je peux prévoir que cela coûte $100,000 pour bâtir. A la fin, cela me coûte $105,000 pour bâtir. A ce moment, il y a quelqu'un qui, malheureusement, est obligé de subir le contrecoup d'un engagement contractuel. Or, il y a tous ces éléments qui, selon nous, jouent actuellement dans la question de l'industrie de la construction. Je n'ai peut-être pas prévu suffisamment d'indexation, peut-être trop d'augmentation, j'ai peut-être mal réparti la masse salariale, mais, globalement, j'ai donné aux salariés et, preuve à l'appui dans nos documents, beaucoup plus que ce que l'inflation peut gruger sur le salaire des travailleurs.

Evidemment, il y en a qui vont peut-être prétendre que, dans l'enveloppe, il y a un petit problème. Ecoutez, nous, on vous dit, dans un document — et c'est peut-être beaucoup dire — : C'est peut-être vrai, mais pour autant, cela ne veut pas dire que je change le décret.

M. Burns: Lors de vos négociations, M. Dion, est-ce qu'il a été question avec les représentants syndicaux de cette proportion accordée d'une part à l'augmentation du coût de la vie, et d'autre part, à l'augmentation du standard de vie?

M. Dion: Là, j'ai une réponse plate pour vous. Malheureusement, aux dernières négociations, nous étions des spectateurs de la négociation illégale qui se faisait à ce moment, je dois vous le dire — comme d'ailleurs d'autres parties en ont été également les spectateurs — dans d'autres négociations antérieures. Sur cette base, c'est assez rare actuellement que les gens disent: On va partager l'augmentation, mais je pense que celui qui a la formule en tient compte.

M. Burns: Je vous demande si cela s'est fait simplement.

Vous ne savez pas si cela s'est fait ou non.

M. Dion: Si je reprends les déclarations des gens du côté syndical qui ont fait le règlement, ils en ont tenu compte, eux, en signant leur règlement.

M. Burns: Sur un autre point, M. Dion, il y a une espèce de croyance qui a cours dans le domaine de la construction ou du moins de ceux qui évaluent ce qui se passe dans l'industrie de la construction, selon laquelle toute hausse salariale peut, à un moment donné ou à un autre, se transférer au niveau des coûts aux consommateurs que ce soit un demandeur de fabrication de route comme le gouvernement ou que ce soit un acheteur d'habitations, que ce soit un promoteur immobilier qui construit un complexe immobilier, en tout cas, toutes les situations qu'on peut imaginer. Est-ce que vous avez quelque chose à me dire sur cette croyance qui existe de la possibilité de transférer le coût d'une augmentation sur le consommateur éventuel, sur l'acheteur éventuel?

M. Dion: Je ne voudrais présumer sur aucun des autres mémoires qui vont être présentés, certains répondent en partie là-dessus et je pense que le tout finit par avoir une réponse complète. Je vais simplement vous dire ceci et je pense que c'est un bref résumé. Les contrats de construction ne sont pas tous effectués sur la même base. Certaines personnes vont contracter en vertu d'un pourcentage pour surveillance du contrat, cela est la gérance, excusez-moi. D'autres vont contracter suivant une formule de "cost plus". D'autres vont contracter simplement sur la base d'une soumission à prix fixe. Cette dernière formule est, habituellement très courante dans l'industrie de la construction. Spécialement sur cette formule, il est strictement faux de prétendre que l'employeur, l'entrepreneur quel qu'il soit, puisse passer la facture. Moi, je pense que, quand vous êtes devant un contrat fixe, et malheureusement, à moins qu'on interprète ces contrats comme on interprète actuellement peut-être d'autres contrats, ces contrats, nous devons les respecter. Il n'y a pas possibilité de les changer. Je pense qu'il faut aussi tenir compte — et cela vous sera souligné entre autres par l'habitation — d'autres lois qui devraient, dans le problème actuel, être considérées.

Par exemple, je signe une entente pour la cons-

truction d'une maison unifamiliale. C'est quand même, je pense, un élément très important dans là province actuellement, la construction de maisons unifamiliales, encouragée par toutes sortes de méthodes, par les gouvernements, tant fédéral que provinciaux. Au niveau de l'habitation, quand j'ai signé un contrat pour la construction d'un immeuble ou d'une maison unifamiliale, je pense que la Loi de la protection du consommateur m'impose des bornes, ou des guides, ou des limites qui m'empêcheraient possiblement — là, je ne ferai pas d'affirmation; je laisserai le représentant de l'habitation la confirmer — de passer la facture.

Donc, dire que dans l'industrie de la construction, même avec les contrats du gouvernement... Je dois vous dire qu'on en a eu l'expérience antérieurement, lors d'un bill no 38. Personnellement, je connais l'entrepreneur qui était le constructeur — je ne sais pas si c'est normal de faire valoir un point aussi particulier — d'un édifice gouvernemental, qui tombait sous la juridiction du ministère du Travail. Cet entrepreneur, qui bâtissait au moment où le bill no 38 a été adopté a présenté une demande de correction de son contrat parce que le gouvernement venait d'adopter un bill appelé le bill no 38, qui mettait en vigueur, avant que la négociation soit terminée des conditions sur lesquelles les échanges n'étaient pas complétés. Or, la demande de l'employeur n'a pas été admise. Plus d'un entrepreneur actuellement qui travaille avec les ministères du gouvernement...

M. Burns: Est-ce aussi vrai cela depuis ce temps-là, depuis le bill no 38?

M. Dion: Pardon. Je n'ai pas compris le début.

M. Burns: Est-ce aussi vrai, ce refus gouvernemental, depuis le bill no 38?

M. Dion: Ecoutez, je pense que, jusqu'à présent, les ministères du gouvernement procèdent également sous forme de soumissions publiques, sous forme de signatures d'un contrat. A mon avis, jusqu'à présent, selon mes connaissances — je ne veux pas en faire une règle de la Palice — ces contrats sont, la plupart du temps, à prix fixe; ils ne peuvent être modifiés, même si le gouvernement... Je ne vous dis pas qu'ils ne peuvent ou ne pourront... Il faut quand même que je fasse attention parce que des gens pourraient être intéressés, au moment où un changement des conditions se produit, à exercer un recours et peut-être que certaines gens pourraient avoir gain de cause, ou peut-être que le gouvernement pourrait consentir, à ce moment-là, à donner gain de cause aux gens sans que l'on soit obligé d'aller les défendre devant les tribunaux.

M. Burns: Maintenant, dans votre réponse générale, M. Dion, vous m'avez parlé de possibilités que, dans certains domaines, ce soit le système du "cost plus", dans d'autres "à prix fixe", etc. Est-ce que vous êtes en mesure, pour le bénéfice de la commission, de nous dire s'il y a des secteurs parti- culiers où telle ou telle habitude est plus en vigueur que d'autres?

M. Dion: Je pense que, lorsque vous parlez de constructions de grande envergure, de constructions où il y a de la gérance, à ce moment-là, vous avez des chances de retrouver de la construction à "cost plus". On s'excuse envers le bill no 22 pour les mots anglais.

M. Burns: On se comprend, on se comprend.

M. Dion: Mais je pense que vous allez retrouver cela plus dans les gros contrats; pas les gros contrats généralement, peut-être dans une certaine classe de gros contrats. Ecoutez, je ne voudrais pas vous donner l'image que c'est quelque chose qui puisse être répandu. C'est extrêmement limitatif. C'est un infime pourcentage des travaux de construction qui peuvent être fait à "cost plus".

M. Burns: Comme la baie James ou une histoire comme ça.

M. Dion: Je ne veux pas aller jusque-là. Je vais vous dire que les seuls détails que je connais de la baie James sont ceux que vous avez connus suivant les derniers troubles qui ont eu lieu.

M. Burns: Bon. Alors, j'ai encore deux questions, M. le Président. Je vais me limiter à ça pour ne pas prendre le temps des autres collègues.

Le Président (M. Séguin): J'allais vous le direl

M. Burns: Oui, avant que vous me le disiez, M., le Président.

D'une part, dans l'introduction de votre mémoire, celui de la fédération, vous nous laissez entendre qu'à toutes fins pratiques il n'y a pas de dialogue et qu'il n'est pas question qu'il y ait de dialogue entre les parties, dans le domaine de la construction. Je me réfère, entre autres, au bas de la page d'introduction de votre mémoire, lorsque vous dites: "La loi du plus fort domine et triomphe. Il n'est donc pas surprenant, d'autre part, de voir les employeurs refuser catégoriquement tout dialogue, car il est prévu d'avance que leur geste, si raisonnable qu'il pourrait être, ne serait pas suffisant.

Un peu plus loin, dans votre même mémoire, vous affirmez ceci: "Selon nous, la paix dans la construction ne pourra être réalisée que par l'acceptation, de part et d'autre, de règles de jeu adéquates, établies avec le consentement et, au minimum, la consultation des parties et, en toute bonne foi, expérimentées sans plus d'intervention".

Moi, j'aimerais que vous me disiez, comme une partie très importante au point de vue du nombre, au point de vue des gens que vous représentez, quelle est votre solution, à court, à moyen et à long termes, d'une saine politique de relations de travail dans le domaine de la construction, s'il n'y a pas de dialogue, si, d'autre part, vous dites qu'il va falloir qu'à un certain moment il y ait des règles du jeu qui soient adéquates et que ces règles soient établies.

Est-ce que vous avez une solution, vous, eu égard aux déficiences de la loi 290, eu égard aux multiples et je dirais aux interventions presque en série de la part du gouvernement, dans les relations de travail? Est-ce que vous avez une solution à long terme, à court terme ou à moyen terme encore?

M. Dion: J'aurais envie de vous répondre rapidement: Oui, j'en ai une. Là, je passerais dans les journaux en disant que je suis un petit génie.

C'est évident qu'il n'y a pas de solution, comme disait M. Cournoyer tantôt. Il n'y a pas de solution miracle à tous les problèmes de l'industrie de la construction.

Il y a actuellement une commission Cliche. Pour nous, la commission Cliche, c'est une partie de solution. C'est une partie de solution, parce qu'elle va éliminer l'un des plus importants facteurs du climat malsain qui existe dans l'industrie de la construction.

Cela peut peut-être paraître contradictoire, nos deux affirmations dans l'introduction et la page 2, mais voici ce qu'on veut dire par ces mots. On veut dire qu'en maintes occasions on a amendé la loi, mais après qu'une situation était rendue à un étal tel qu'il n'y avait plus moyen d'amender la loi sur des bases de principes sains. Il fallait amender la loi dans le but de calmer les gens, de faire rentrer les gens au travail, d'empêcher que cela aille plus mal, de remettre de l'ordre. Généralement, c'est l'argument courant.

Nous, on a présenté — toutes les parties patronales, même les parties syndicales, je pense, ont fait la même chose à l'occasion — mémoire sur mémoire. On a répondu à des commissions que je nomme privées, à ce moment, des commissions comme la commission Tobin-Boily. On a répondu à des questions, comment on pouvait faire de l'industrie de la construction une industrie où cela marche, où les gens ne se tirent pas de cailloux et où les gens réussissent à s'entendre et à négocier des décrets. Mais toujours, toutes ces représentations n'ont jamais donné, au moment opportun et non pas au moment où c'est explosif, des solutions législatives.

C'est évident que, si on attend, pour amender la loi, que cela revole en l'air, partout, que les chantiers soient vidés, que les gens se regardent comme des chiens et des chats, qui ne soient plus capables de se parler et de s'entendre, c'est évident qu'on ne sera jamais capable de faire de l'industrie de la construction une industrie où la paix règne. Il y a des périodes et elles sont courtes. On le dit dans le document. Elles ont été bien courtes, les périodes où on aurait pu... Il y a eu, au moins, des périodes où c'était moins mauvais, où c'était moins explosif, où on aurait pu, à ce moment, peut-être provoquer un certain remous, mais préparer peut-être un terrain stable pour l'avenir, un terrain valable pour l'avenir. On a donné mémoire sur mémoire, recommandation sur recommandation. On est heureux actuellement, extrêmement heureux. Moi, je pense qu'on doit remercier le gouvernement d'avoir mis la commission Cliche en place. On est heureux de voir que cette partie du problème a la possibilité d'être réglée, a la possibilité, pourquoi? Parce qu'on es- père, on croit de tout coeur que le résultat de la commission Cliche, vous allez en tenir compte d'une façon législative. Je pense que, déjà, on retrouvera dans ce phénomène qu'est la commission Cliche une bonne partie de la paix de l'industrie de la construction.

On fait un nettoyage actuellement. Il y a d'autres endroits où il y a du ménage à faire. Evidemment, on a vu des déclarations ministérielles disant que la CIC devait être nettoyée, etc. Moi, je vais vous dire que des parties font actuellement des efforts afin de refaire la commission, afin de lui redonner une image, afin de nettoyer la commission. C'est évident que, pour nous, la mise en régie de la commission, à ce moment-ci, ce serait encore un coup en bas de la ceinture. On veut et on demande instamment, on en profite à la commission, pour demander au gouvernement, aux responsables du ministère du Travail, de nous donner quelque délai. On va essayer. Si on manque, on va se tourner vers le gouvernement et on lui dira: II n'y a rien à faire! Mais nous, on croit actuellement que, là aussi, il y a quelque chose à faire. Nettoyez la liberté syndicale, nettoyez la commission, on se nettoiera peut-être aussi. Il y en a d'autres qui vont venir vous dire tantôt: II y a un petit nettoyage à faire dans le monde patronal. Si c'est vrai, on se nettoiera, nous aussi.

Qu'on nous donne la chance, à l'heure actuelle, qu'on nousdonne une loi mais qu'on nous la donne de façon à pouvoir se parler et s'entendre. Non pas des coups qui arrivent, tout simplement, non pas des chaudières d'huile sur le feu, à tout moment. On se retrouve continuellement, régulièrement, à deux périodes de l'année et, selon l'évaluation que quelqu'un a faite, je pense que c'est en juin et en décembre, devant des lois à la course. C'est presque régulier. Juin et décembre, fins de session, c'est le coup. On donne la claque. A chaque fois, on donne la claque, malheureusement sur les employeurs.

Ecoutez, évidemment, quand on négocie des relations de travail, il y a un gars qui mange la claque. C'est habituellement l'employeur. Jusqu'à maintenant, les gens qui assistent dans la salle, m'ont donné la chance d'exposer ce que j'ai à dire et je l'ai beaucoup apprécié.

M. Burns: Mais juste en terminant, sur ce point — j'ai une dernière question après — selon vous, est-ce qu'il y a des points chauds particuliers qu'il faudrait réviser dans la Loi sur les relations de travail dans l'industrie de la construction?

M. Dion: Evidemment, écoutez, est-ce qu'on doit reprendre ici...

M. Burns: Je ne vous demande pas une thèse. Je vous demande simplement de nous indiquer des endroits. Ce n'est pas le moment, d'ailleurs.

M. Dion: Evidemment, tout le problème, le régime syndical, relié à la liberté syndicale, au maraudage, relié au vote pour déclencher les grèves, tout ce phénomène, selon nous, qui pourrait peut-être être résumé en démocratisation réelle des syndicats ou des parties syndicales, toute cette partie, selon

nous, est une question assez prioritaire dans la Loi sur les relations de travail dans l'industrie de la construction.

M. Burns: La représentativité des parties patronales, est-ce que...

M. Dion: Je pense qu'à l'heure actuelle, même si, entre nous, on a un "fun" noir, je dois vous dire qu'à un moment donné on finit par se comprendre. En tout cas, je peux vous dire, avec peut-être beaucoup de joie, que j'ai réussi aujourd'hui, grâce à la bonne volonté de tout le monde, à vous lire un texte qui était au nom des six parties patronales dans la construction.

M. Burns: Vous avez réussi à rédigertrois pages et un quart au nom de six parties. C'est déjà beaucoup.

M. Dion: Je pense que, quand même, le document a de la viande.

M. Burns: Ah oui!

M. Dion: Je pense qu'il a réellement de la viande. On aurait pu écrire une belle lettre, en disant: Vous êtes bien fins de nous avoir reçus. Mais je pense que le document commun des six parties patronales a plus de viande que cela. Je pense qu'il y a réellement une idée dedans. Je pense que, pour plusieurs qui pensaient que les parties patronales ne pouvaient pas s'entendre, il y a eu des efforts de part et d'autre pour arriver au moins sur un certain point d'entente. On est heureux quand même de le manifester à tous ceux qui s'inquiètent des parties patronales.

M. Burns: Dernière question, M. Dion. Vous vous demandez, à la page 2 du mémoire commun, auquel vous venez de vous référer, si vous êtes ici devant une tribune où les parties peuvent valablement se faire entendre ou si c'est une simple étape à franchir. En vue de comprendre cela, je vous pose une question qui est peut-être bien simple mais qui pourrait peut-être nous donner la réponse à cela. Depuis le 24 décembre 1974, est-ce que vous avez eu des rencontres avec les parties syndicales ou les autres parties patronales en vue de discuter entre vous de modifications à être apportées au décret?

M. Dion: A partir du début de votre question, disons que, si nous avons mentionné cela, au départ, c'est qu'il n'y a eu aucune rencontre. Je pense que la dernière a eu lieu avant votre projet de loi. Cela a été la dernière rencontre avec la partie syndicale. Cela a été avant les Fêtes, avant Noël. Il n'y a pas eu d'autre rencontre.

Il faut comprendre, M. Burns et messieurs de la commission, que la position du monde patronal est telle que, si on nous convoque ou on cherche à nous convoquer sur l'unique problème d'argent et sur le problème d'argent parce qu'ils prétendent, de leur côté, qu'il y a un problème d'argent, c'est évident qu'il ne peut pas facilement y avoir, même que cela, il ne peut pas y avoir de dialogue entre les parties, tant et si bien que même des parties qui pourraient avoir une idée un peu plus conciliatrice que d'autres — je ne veux pas accuser personne — même ces parties reconnaissent, même certains employeurs qui pourraient avoir des idées plus larges que d'autres, même ces gens reconnaissent qu'à quelqu'argent que ce soit, on ne réglera pas les problèmes de l'ind ustrie de la construction qu'on vit actuellement, on ne réglera pas le problème de la productivité sur les chantiers, on n'empêchera pas les gars de faire de la violence et de sortir les gens des chantiers aussitôt qu'on a envie de faire autre chose. On n'empêchera pas non plus les délégués de chantiers, dans certains cas, d'abuser de leurs pouvoirs, etc.

Je vous le dis parce qu'on a pu l'entendre, à l'occasion, parce que c'est démocratique, les gens sont consultés chez nous. D'ailleurs, nous n'avons pas hésité à vous mettre en annexe la réponse de nos associations. Vous allez même constater qu'une de nos associations dit: Donne donc $0.25 et demande autre chose en retour. On aurait pu le cacher. On ne l'a pas caché, c'est démocratique. Les gens se sont prononcés. Même s'il y a des gens qui pensent qu'il y avait possibilité d'envisager un règlement, ils finissent clairement par penser qu'il n'y a rien qui peut acheter un règlement dans la construction à l'heure actuelle. On va peut-être dire: En réglant avec des dollars, cela va amener les gars à faire que... Je vous dis, et je pense que c'est un peu la conclusion de plus d'un mémoire que vous allez entendre, qu'on ne réglera rien. On reviendra vous voir dans peu de temps.

M. Burns: En somme, vous n'avez pas eu de rencontre relativement à la modification du décret depuis le 24 décembre?

M. Dion: II faut peut-être préciser ceci. A la dernière rencontre avant le mois de décembre, je ne voudrais pas être mal interprété, même s'il avait pu, dans l'esprit de certaines personnes, y avoir une possibilité de rencontre pour discuter, je dois vous dire que cette journée, la dernière où on s'est rencontré, nous avons fait face à un ultimatum: C'est 50%, 25% — 25% ou quelque chose de ce genre. On ne nous a pas dit: On vient négocier l'indexation, êtes-vous prêts à faire quelque chose? Ils ont dit: Les gars, c'est 50%, 25% — 25% ou à peu près quelque chose de ce genre-là. On a fermé la porte. Je ne vous dis pas pour autant — j'ai voulu mettre la réserve avant — que si on nous avait dit: On s'en vient négocier, etc.... On n'a pas parlé de négociation. Evidemment, on a fermé la porte à toute négociation.

M. Burns: II n'y a pas eu de rencontre depuis le 24 décembre. C'est cela?

M. Dion: Non. Vous avez voté le bill 201.

M. Burns: Le 24 décembre. C'est le 24 décembre qu'il a été sanctionné. Il n'y en a pas eu depuis.

M. Dion: Depuis?

M. Burns: Depuis la sanction de la loi 201.

M. Dion: Non. Je pense qu'il faut peut-être ensemble relire ce que vous avez I u à l'introduction et à la page 2. Comment voulez-vous, dans l'état actuel, que des employeurs pensent aller s'asseoir pour essayer de penser à un règlement?

M. Burns: Je ne vous demande pas que vous me contiez votre vie, M. Dion. Je vous demande simplement s'il y a eu ou s'il n'y a pas eu de rencontres avec les représentants syndicaux, depuis le 24 décembre? C'est tout ce que je vous demande. Il n'y en a pas eu.

M. Dion: Absolument aucune.

M. Burns: C'est cela, je n'ai pas d'autres questions.

M. Dion: II y en a eu entre les parties patronales.

Le Président (M. Séguin): Le député de Beauce-Sud.

M. Roy: A la page 7 de votre mémoire, dans les deux derniers paragraphes, vous faites référence aux annexes et vous dites qu'entre 1969 et 1975 les conditions salariales globales se sont améliorées au point qu'il est presque ridicule de soutenir l'argument de perte de pouvoir d'achat devant le public sur le plan provincial et encore plus sur le plan régional. Dans le dernier paragraphe, vous faites allusion au fait qu'il y a des augmentations dans certains secteurs qui dépassent 100%. Dans l'annexe 1, dans les deux pages, je remarque que, si je prends la région de Montréal et que je tente de faire des comparaisons avec les autres régions du Québec, je constate que, dans le cas des charpentiers-menuisiers, l'augmentation de décembre 1969 à janvier 1975 a été de 39%, alors que, dans la région du Bas-Saint-Laurent, elle est de 87%, dans les Bois-Francs et les Cantons de l'Est 88%, le Nord-Ouest 89%. Mais on dit: Joliette 73%, Côte-Nord 70% et on se rend compte qu'il y a une énorme différence entre l'augmentation qu'il y a eu pour la région de Montréal comme telle avec les autres régions du Québec. Si je vais plus loin et que je regarde au niveau du métier de peintre, je constate la même chose. A Montréal, pour décembre 1969 à janvier 1975, il y a eu une augmentation de 40% alors que, pour le Bas-Saint-Laurent, c'est 89%, le Nord-Ouest 95%, les Bois-Francs et les Cantons de l'Est 90% d'augmentation. Je pourrais faire la même comparaison avec les briqueteurs-maçons pour constater que c'est encore Montréal qui a eu le plus faible taux d'augmentation. Dans le cas de manoeuvres et des journaliers, c'est la même chose et, dans le cas de ferrailleurs — c'est un problème qui, jusqu'à maintenant, suscite énormément de questions. Je pense que c'est le point qui intéresse le plus la commission à l'heure actuelle, pour la région de Montréal, la hausse n'est que 41% alors que, dans le Saguenay, elle est de 75%, de 80% et 89% dans les BoisFrancs et les Cantons de l'Est, 98% dans le Nord-Ouest, 63% sur la Côte-Nord et un peu partout.

Si on regarde uniquement le cas de Montréal par rapport aux autres, on constate qu'il s'agit là d'une augmentation annuelle moyenne de 8% seulement. Et les problèmes, du moins ce que nous en savons jusqu'à maintenant, sont surtout à Montréal. Est-ce que cela veut dire que vous avez l'intention de recommander d'une façon plus précise l'argument que vous avez apporté à la page 8: "Peut-on envisager le rétablissement de conditions salariales concordantes à l'économie régionale"? Vous dites, à la dernière ligne, "Pouvons-nous revenir en arrière? Au rythme actuel, il faudrait peut-être".

J'aimerais qu'on me dise, premièrement, si, réellement, il y a eu une augmentation réelle du pouvoir d'achat — je vais prendre le cas particulier des ferrailleurs de la région de Montréal — depuis décembre 1969 à janvier 1975, en tenant compte de l'augmentation du fonds de retraite auquel vous faites allusion, en tenant compte des augmentations de l'impôt à la source, provincial et fédéral, toutes les autres augmentations qu'il y a eues à la source, en tenant compte du taux de l'augmentation moyenne du coût de la vie des cinq années. Est-ce que, d'après vous, dans ce cas particulier, il n'y a pas eu régression réelle au seul niveau du pouvoir d'achat?

M. Dion: Je vais préciser. D'abord, vous avez deux tableaux d'échelles de salaires. Le premier tableau ne comprend que les salaires; ça n'inclut pas les avantages sociaux, fonds de retraite, etc. Quand vous faites votre extrapolation des chiffres, 39% à Montréal, entre $4.54 et $6.30, ce ne sont que des salaires. Il faut aller à l'annexe suivante pour prendre en considération l'ensemble du coût horaire, c'est-à-dire salaires, avantages sociaux, vacances, etc. On se rend compte à ce moment qu'au lieu de $4.54, si on additionne les avantages sociaux, on arrive à $4.91. Si on additionne également les avantages sociaux en 1974, on est à $7.38, au lieu de $6.30. A cet endroit, on voit que l'écart est maintenant de 50%.

La réponse est la suivante: Pourquoi 50%, pourquoi 40%? Il y a un décalage entre Montréal et le reste de la province. Il y a eu évidemment le phénomène de la parité salariale. Le phénomène de la parité salariale, c'est le suivant. Dans des régions hors de l'île de Montréal, il y a eu, durant plusieurs années, des conventions négociées qui n'accordaient pas les mêmes salaires que ceux qui étaient accordés sur l'île de Montréal. Evidemment, cela a été une négociation dure, pour la parité salariale, c'est une chose qui a donné lieu à des augmentations phénoménales dans certaines régions. Les gens négociaient une convention collective dans le Bas-Saint-Laurent en fonction des conditions économiques du Bas-Saint-Laurent et à ce moment-là on croyait que c'était normal. Les gens étaient d'accord, signaient des conventions à $3.50 l'heure ou $3.25 l'heure. Mais le lendemain, on a dit: Ce ne sont plus les conditions économiques du Bas-Saint-Laurent qui vont s'appliquer dans le Bas-Saint-Laurent, mais c'est en fonction des conditions économiques de toute la province que vous allez avoir des taux de salaires. Evidemment, on a eu un phé-

nomène d'augmentation dû à une partie de rattrapage important en dehors de l'île de Montréal.

Si vous regardez plus loin dans les annexes, vous allez vous rendre compte, MM. les membres de la commission, que l'indice moyen des prix à la consommation, basé sur Montréal, de 1969 à 1974 — ce sont des chiffres que nous avons tirés de Statistique Canada — est passé de 121 à 154.9. C'est pour le mois de novembre, évidemment. On n'avait pas le mois de décembre. Nous avons fait les calculs suivant les méthodes reconnues. Nous arrivons à une inflation de 27.1%. Même si, sur l'île de Montréal, on vient prétendre, uniquement sur la base du salaire, sans les avantages sociaux, que le travailleur est pénalisé dans l'industrie de la construction, il faut quand même dire que le travailleur est allé chercher près de 40%, sur la base de ces années et que l'inflation n'a été que de 27%. Il n'est quand même pas encore, en théorie et en pratique, défavorisé par l'inflation. C'est tout le jeu que j'ai voulu vous expliquer en disant: Certaines années, je mise juste sur l'inflation; d'autres années, je peux miser mal sur l'inflation mais c'est le jeu d'une négociation, c'est le jeu de la signature d'une entente entre des parties.

Si je vous dis, demain matin que, pour aller à tel endroit, cela va nous coûter $5 à tous les deux et que, le lendemain matin, il y a quelqu'un qui peut intervenir et qui dit: Cela coûte $5.50; si on a signé un contrat à $5, je pense que, sur la stricte base des droits normaux des gens, du droit civil, on a un contrat à respecter. Je devrai peut-être, à ce moment-là, prendre une pilule.

Même cela, selon nous, ne se produit pas actuellement dans la construction. On pense que tout le monde dans l'industrie de la construction, à l'heure actuelle, a trouvé peut-être plus d'inflation que d'augmentation, mais les augmentations qui ont été prévues dans ces conditions ont pris soin de l'inflation.

Donc, il est faux de dire qu'il a perdu son pouvoir d'achat. Il faut quand même aussi reconnaître ceci: Si je parle de 25% sur $100 et si je parle de 20% sur $400, à un moment donné, il faut quand même comprendre le pourcentage. Si je compare des pourcentages, simplement des pourcentages, à ce moment-là, je peux fausser une réalité. Si je prends 10% de $100, cela fait $10, mais 10% de $200, cela fait $20.

Tout le jeu des échelles d'augmentations, quand je dis à un moment donné que Montréal a vu un accroissement de 39%, c'est 39% sur $4.54, comme vous avez là. L'autre qui a eu une augmentation de 62% sur $3.89, évidemment, c'est 62% sur un montant moindre.

M. Roy: Je comprends bien. Seulement, vous admettez quand même que ce sont les travailleurs de Montréal qui ont eu la plus petite augmentation depuis cinq ans?

M. Dion: Evidemment, parce que les travailleurs de Montréal, M. Roy, suivant les termes du décret, c'est eux qu'on rattrapait. Les gens de Montréal ne tentaient pas de rattraper le Bas-Saint-Laurent, parce que...

M. Roy: J'aimerais savoir, au niveau de votre association, de votre groupement, s'il y a des pressions qui sont faites de la part des entrepreneurs des différentes régions du Québec, d'autres régions économiques. A cause des problèmes économiques que vous avez soulignés tout à l'heure, est-ce qu'il y en a qui font pression sur votre association en disant qu'on ne doit pas augmenter les coûts de la construction, sous prétexte de voir un marché réduit et, par conséquent, d'avoir un accroissement du chômage, ce qui aurait pour effet, à ce moment-là, de paralyser en quelque sorte et de nuire aux négociations, de façon à assurer aux travailleurs de Montréal en particulier... On sait que les problèmes sont, à Montréal, plus aigus qu'ailleurs et que ceci influence la table de négociations du côté patronal. Est-ce qu'il y a une influence qui peut venir des entrepreneurs de l'extérieur — puisqu'il y a un principe qui est admis et je ne le remets pas en cause; je veux que ce soit bien clair, je ne remets pas le principe en cause — compte tenu du fait qu'on veut avoir une échelle de salaires égale dans tout le territoire du Québec? Est-ce que cela nuit? Est-ce qu'il y a une influence réelle?

M. Dion: Je pense que vous lisez, avec justesse, entre les lignes, à plusieurs endroits du document, que les employeurs, en province, qui font affaires avec certains donneurs d'ouvrage, sont facilement plus sensibles au problème de quelque augmentation qui peut se produire lors d'une négociation.

C'est évident que, si je m'en vais avec $1 dans une région économiquement très forte et si je m'en vais dans une région — sans vouloir pénaliser personne par mes paroles — assez éloignée sur la tête du fleuve, dans le haut du fleuve, en Gaspésie et même plus loin, et que je parle d'une augmentation de $1 l'heure, le donneur d'ouvrage de l'endroit ne l'absorbe pas de la même façon. Si je m'en vais dans une région beaucoup plus centrale, comme celle de Drummondville, de Sherbrooke, où les gens travaillent soit dans le textile, dans le meuble, où leur salaire à eux — on a les preuves à l'appui de cela à l'heure actuelle — est nettement inférieur à celui d'un travailleur de la construction, c'est évident que le pouvoir d'absorption de ces régions-là est nettement différent de celui d'autres centres.

C'est sûr et certain que, lorsque je négocie un décret provincial, cela donne, du côté syndical, l'avantage peut-être d'avoir des taux de salaires uniformes, parce qu'on se sert du plus gros et on dit: Tu donnes cela au plus petit.

Du côté patronal aussi, il nous faut considérer que ce que je donne au gros, je vais être obligé de l'imposer au petit. De part et d'autre, je pense que les gens devraient tenir compte de ces choses-là. Je pense que, dans certains cas, les gens en ont tenu compte. Je ne suis pas ici pour blâmer ce qui a été fait avant. Je pense qu'il faut réellement en tenir compte. L'absorption économique d'une région n'est pas la même partout.

Je ne cherche pas à donner des cours d'économique, mais je dois quand même vous souligner qu'il est clairement établi, par des statistiques connues — et qu'on pourrait illustrer, en faisant référence, je pense, à la revue Bâtiment — que le tra-

vailleur de la construction, comparativement au travailleur minier, comparativement au travailleur industriel, comparativement aux gens qui sont dans les services, est celui qui est le mieux nanti, c'est celui qui a le meilleur salaire.

Evidemment, je pense que ce sont là des statistiques, mais quand on parle de $250 par rapport à $230, par rapport à $180, je pense que c'est significatif. Nous, on pense, actuellement, que le jeu est tel que l'industrie de la construction, à des taux de $7 I heure, ne pourra pas jouer tellement longtemps comme cela en montant les taux de salaire, en montant le coût horaire, parce que le taux de salaire et le coût horaire, pour nous, c'est différent. Parce que le coût horaire, que je dois charger au donneur d'ouvrage public, industriel et tout le monde, inclut les bénéfices marginaux. Evidemment, si je donne $5 à un gars, puis je mets $4 dans le fonds de retraite à ce moment, le gars a $5 dans son enveloppe de paye, je suis d'accord, mais moi, je suis obligé d'exiger quand même $9, plus tous les autres coûts, plus tant pour cent pour les vacances, plus tant pour cent pour la sécurité sociale, plus tant pour cent pour les accidents de travail, etc., etc. Dieu sait qu'on en a un tas de déductions, les talons de chèques sont rendus longs comme ça. A partir de là, je pense qu'il faut en tenir compte.

M. Roy: C'est peut-être une question d'appréciation que je peux vous poser, mais sans remettre le principe en cause, je pense que ce serait quand même important qu'on puisse le savoir ici à la commission. Si les associations patronales avaient à négocier des taux uniquement pour l'île de Montréal, est-ce que ce serait plus facile pour vous autres — c'est une question importante et je dis bien que je ne remets pas le principe en cause, mais je veux avoir votre point de vue là-dessus — rde négocier de meilleurs taux pour les travailleurs de l'île de Montréal?

M. Dion: Ecoutez, je pense que vous allez trouver la réponse dans le mémoire de l'Association de la construction de Montréal. Moi, je pense qu'on ne peut pas dire que ce serait plus facile ou moins facile. Il faut quand même dire que l'entrepreneur de Montréal, entre autres, qui aurait, suivant une négociation — sur laquelle, je dois vous dire, nous ne sommes pas d'accord — des taux supérieurs à d'autres entrepreneurs, quand il promène sa main-d'oeuvre en province, il serait obligé de maintenir ce taux de salaire nettement supérieur et, à ce moment, vous vous retrouveriez encore devant le même problème. On n'est peut-être pas d'accord, si vous voulez, en pratiaue, en décret, en chiffres, sur le principe à travail égal salaire égal, mais en théorie, vous savez, c'est défendable, Les gens l'ont défendu, en tout cas, que ce soit raisonnable ou non, la chose est telle quelle aujourd'hui.

Qu'est-ce que vous voulez, moi, je ne peux pas argumenter sur cette partie. Est-ce que ce serait plus facile pour les gens de Montréal de prendre une, grosse augmentation? Moi, je dois vous dire que ces gens doivent avoir considéré le problème de la même façon que nous, nous l'avons considéré. Est-ce que c'est justifié de bouger? Est-ce que c'est justifié de modifier le contrat? Est-ce qu'on a raison de leur dire non? Moi, je dois vous dire qu'ils vous répondront eux-mêmes tantôt, ils sont arrivés à la même conclusion que tous les autres.

Je pense qu'il y a une réalité, à l'heure actuelle, qu'on a faussée par toutes sortes d'agissements illégaux, par des provocations, des menaces, de la violence, des sorties, des arrêts de travail, de la non-productivité, on a tout fait cela sur les chantiers et là on a provoqué un problème, on a créé un problème. A partir de là, on se retrouve devant une solution — excusez l'expression — si, aujourd'hui, on se mettait à tous se donner des claques sur la baboune, on s'en donne tous ensemble, on regarde cela et on dit: Tout le monde s'en donne, on va rendre cela légal, tout le monde a le droit de donner au moins une claque sur la baboune de son voisin, c'est rendu légal. C'est un peu un jeu de ce genre. C'est que les gens montent une situation et on dit: Regarde donc cela, tout le monde fait cela ou presque tout le monde, on va rendre cela légal. C'est cela le problème actuellement.

M. Roy: Ma question n'était pas sur ce point en particulier.

M. Dion: Bien, moi, je voulais vous le passer ceiui-là.

M. Roy: Vous avez réussi. Le point que je voulais voir, c'est parce qu'on entend dire un peu partout, dans différentes régions du Québec, que le problème est différent, les travailleurs se plaignent, dans certaines régions rurales, du fait qu'il y a un manque de contrats parce que les prix sont trop élevés, il y a un accroissement du chômage, dans certaines régions, à cause de cette égalité salariale et autre. C'est la raison pour laquelle, sans remettre le principe en cause, personnellement, je voulais bien avoir votre point de vue de ce côté, pour savoir de quelle façon les associations patronales envisageaient ou encore étudiaient la question.

Vous avez admis qu'il y avait effectivement des représentations et des pressions qui étaient faites au niveau patronal, par les entrepreneurs de certaines régions du Québec. Je pense que c'est important même si cela se discute devant la commission.

Dernière question, M. le Président. A la page 6, vous faites référence au second point, lorsque vous parlez du malaise. "Il est vrai de prétendre que le salaire brut de M. X. n'a pas subi de perte réelle due à l'inflation." Vous parlez de $5 et vous donnez un exemple: "A titre d'exemple, si un salarié gagne $100 et que le contrat prévoit $10 d'augmentation répartis comme suit: $5 sur la paie, $5 sur un fonds de retraite..." Est-ce que, jusqu'à présent, vous avez fait des études du côté patronal, pour savoir quel est le salaire réel net, l'augmentation de salaire nette que reçoit le travailleur de la construction en tenant compte non seulement des augmentations de salaire et des bénéfices marginaux mais en tenant compte également des déductions à la source? On sait une chose. C'est que nos amis d'en face, le gouvernement ici, lorsqu'il a augmentation de salaire, ils vont en chercher une partie sous forme d'impôt sur le revenu. Il y a des augmentations, des majorations d'impôt. Je suis un peu surpris que, dans votre mémoire, vous ne faites aucunement allusion à ce phénomène puisque c'est un phénomène réel, ils sont à pourcentage dans l'inflation.

J'aimerais savoir si, de votre côté, vous avez fait des études réelles, des études précises dans ce sens.

M. Dion: Bien, je vais vous dire que je pense que ces études se font journalièrement. Les employeurs paient leurs salariés le taux horaire en faisant les déductions, évidemment. Il y a des phénomènes qui se produisent. Ecoutez, on pourrait peut-être essayer d'éviter des questions. Je pense qu'on est quand même en mesure de vous dire honnêtement la vérité.

C'est évident que je me rappelle que, lors d'une négociation, lorsqu'elle a été terminée, on a vu certaines personnes arriver et se "retourner du bord" automatiquement et dire: Bien, on va faire un prélèvement de $0.27 l'heure sur le salaire des salariés. Cela avait comme conséquence automatique que le gars, après avoir eu des améliorations, trouvait son enveloppe de paie un peu plus mince.

Ecoutez, une augmentation de cotisation syndicale, évidemment, cela aussi peut faire diminuer la paie d'un gars. Evidemment, l'augmentation de l'impôt joue. Il y a eu des demandes de divers groupes de pression et même de partis politiques à l'effet d'indexer les impôts. Je pense que cela va être touché par les constructeurs d'habitations dans leur mémoire. Il y a eu des demandes. Je pense que, à ce moment-là, il y aurait eu moyen de régler peut-être généralement dans une province la question de l'inflation. Je pense que ces choses se produisent. Chaque fois que je donne $1 à mon salarié et que l'impôt du gouvernement vient chercher un tel montant, c'est évident que, à ce moment-là, lui aussi gruge la paie de l'employé, comme l'inflation la gruge. Lui aussi pourrait peut-être faire l'effort de compenser de ce côté.

Evidemment, il pourra y avoir des gens qui prétendront que, d'une augmentation à l'autre, les gens voient leu r salaire baisser. Je vais vous dire que je ne peux pas répondre, à ce moment-ci. Si vous voulez la réponse, on en a quand même probablement encore pour deux ou trois heures avec vous, je pense qu'on pourra faire la recherche et vous en donner les résultats. Mais je n'ai pas actuellement ces chiffres.

M. Roy: Alors, il serait peut-être bon qu'on en prenne note du côté patronal comme du côté syndical d'ailleurs et qu'on nous fournisse des chiffres à ce sujet. Je pense que ce serait important pourtous les membres de la commission. Merci, M. Dion. Je n'ai pas d'autre question.

Le Président (M. Séguin): Le député de Kamouraska.

M. Pelletier: M. le Président, je demande aux membres de la commission s'il y aurait possibilité d'annexer au journal des Débats l'annexe I et l'annexe II du mémoire de la fédération, puisqu'elles n'ont pas été lues à la commission.

Le Président (M. Séguin): Est-ce qu'il y a consentement?

M. Charron: Certainement.

M. Pelletier: D'accord. C'est pour l'information du Journal des Débats.

Le Président (M. Séguin): Consenti. Le député des Mille-Iles. (Voir annexes)

M. Lachance: M. Dion, dans le mémoire présenté par les six associations de la partie patronale, à la page 1, quatrième paragraphe, vous arrivez à la même conclusion. Je cite. Je vais vous lire cette partie. "L'indexation est un problème créé de toutes pièces par les dirigeants syndicaux, et elle est l'occasion d'une nouvelle démonstration de force contre les employeurs et même contre l'autorité gouvernementale". Je continue. "Ceci ne nous surprend pas outre mesure, surtout si nous nous souvenons des déclarations des chefs syndicaux manifestant leur volonté de renverser le pouvoir ou encore incitant les travailleurs à violer les lois".

En somme, c'est une affirmation —j'emploie le terme "affirmation" — des six associations.

A la page 3, quatrième paragraphe encore, à la fin du quatrième paragraphe, on reprend: "Car il dépend de la bonne volonté et de la bonne foi des parties syndicales".

Je veux exclure la commission Cliche. Dans votre mémoire, les six associations affirment cela. Vous blâmez la partie syndicale pour ce qu'on veut actuellement au niveau de la construction. Mais vous affirmez cela dans un mémoire assez succinct — trois pages — mais, toujours en excluant la commission Cliche, vous n'apportez rien de concret. De quelle façon en est-on venu là?

M. Dion: Ecoutez...

M. Lachance: Je parle toujours de la partie patronale vis-à-vis de la partie syndicale, parce qu'on blâme quand même les patrons, les syndicats, le gouvernement. De quelle façon en venez-vous à cette conclusion?

M. Dion: Disons que c'est évident qu'il s'agit là d'une couverture à six mémoires qui vont élaborer, en grande majorité, tous ces points.

Je pense que, quand on parle de déclarations de chefs syndicaux manifestant leur volonté de renverser le pouvoir, je pense que pour...

M. Lachance: Oui, mais cela va plus loin que cela.

M. Dion:... tous et chacun des membres de la commission, vous pouvez vérifier ces choses facilement. Quant à inciter les travailleurs à violer la loi, je pense, également, que le gouvernement comme tel, par l'entremise, peut-être, du ministère de la Justice, est également au courant de ces affirmations. Je ne veux surtout pas, malgré que je sois avocat, me mettre les pieds dans les plats; mais je pense qu'actuellement, le ministère de la Justice a, au minimum, en tout cas, pris certaines actions qui sont en fonction de la dernière partie "inciter les travailleurs à violer la loi".

Quant à la deuxième partie de votre question... j'essaie de retrouver le texte...

M. Lachance: Page 3, paragraphe 4, dernière ligne: "II dépend de la bonne...

M. Dion: "II dépend de la bonne volonté et de la bonne foi des parties syndicales".

Malheureusement, l'expérience que nous avons vécue, quant à nous, nous amène à faire cette conclusion. On s'est quand même rendu compte qu'au fur et à mesure qu'un problème était réglé, ou qu'une convention était signée par des mécanismes peut-être souvent irréguliers, d'autres fois plus réguliers, à partir de ce moment, les gens ne se collent pas à cette réalité qu'est la convention prolongée par décret. On s'en est rendu compte, et je ne veux pas discourir davantage du tout sur ce plan. Je veux simplement m'en remettre au mémoire de l'ACM, qui va vous décrire complètement, et je pense, avec d'excellents détails, comment se développe le climat dans l'industrie de la construction, qui permet de justifier cette affirmation.

Je pense que c'est un climat qui se développe. Depuis cinq ans, on voit tout l'agissement qui se produit de ce côté... Evidemment, certains sont plus responsables que d'autres, mais tout cela va vous être décrit en détails.

M. Lachance: Est-ce que vous pensez que l'action du gouvernement vis-à-vis justement de ce que vous avez mentionné est adéquate?

M. Dion: Que? Excusez-moi!

M. Lachance: Que l'action du gouvernement est adéquate. Vous avez parlé du ministère de la Justice vis-à-vis...

M. Dion: Je pense qu'on a mentionné, non pas dans ce mémoire collectif, mais dans notre mémoire particulier, que nous trouvions quand même que la réaction du gouvernement vis-à-vis des problèmes sérieux de l'industrie de la construction était, à certaines occasions, complaisante; à certaines autres occasions, la réaction était lente et, à d'autres occasions, c'était pratiquement inefficace.

Ecoutez, si demain matin on provoque tout un chaos dans une section de l'industrie de la construction et que la seule résultante est qu'il y a deux ou trois gars qui se retrouvent peut-être avec quelques petits problèmes et finissent peut-être, parfois, à s'en sortir, c'est évident qu'à ce moment-là, soit l'action, soit la loi ou soit la réaction gouvernementale ne nous paraît pas en mesure de régler le problème.

On a dit, à un moment donné, dans notre mémoire que, s'il y a eu des réactions gouvernementales, même législatives, ces réactions ont été d'une telle modestie qu'elles n'ont pas réussi à contrôler certains problèmes.

Pour nous — vous allez peut-être dire que ce n'est pas pareil pour l'autre côté de la clôture — quand le problème se pose, que certains gars font sortir d'autres gars sur un chantier, évidemment, on n'est pas pour "poigner" tout le monde et les envoyer en dedans. On n'est pas ridicule à ce point. Mais si, à un moment donné, on avait ce qu'il faut pour faire comprendre aux gens que ce n'est pas de cette façon que les problèmes se règlent! Ce ne sont pas 20 gars qui arrivent en auto- mobile à la course qui sortent 150 gars d'un chantier. Il y en a qui vont dire: Cela ne se produit jamais. Disons que cela se produit de temps en temps. On a vu cela. Je pense que ce sont des méthodes "gracieuses" de faire comprendre aux gens qu'il vaut mieux se retirer que de se faire casser la gueule. Je regrette d'être obligé de vous dire cela, mais ce n'est pas moi qui fais la commission Cliche, à l'heure actuelle. Ce n'est pas moi qui ai écrit le mémoire de l'ACM. L'ACM a écrit son mémoire. Les employeurs membres de cette association ont confié à leur association leurs problèmes, leurs expériences et tout cela a été compilé dans un mémoire.

Je pense que cela, c'est un problème réel pour les employeurs. En tout cas, on le vit, actuellement, et je pense que vous en entendez parler autour de vous.

Le Président (M. Séguin): Le député d'Iberville.

M. Tremblay: M. Dion, à la page 2 du mémoire de la Fédération de la construction du Québec, deuxième paragraphe, vous tentez, en quelques mots, d'établir une synthèse pour illustrer spécifiquement la nature du problème exact auquel, selon vous, selon votre mémoire, nous sommes confrontés. Je lis: "Aujourd'hui, nous sommes devant un nouveau conflit créé par une demande d'indexation appuyée par une foule de gestes répréhensibles à tous les niveaux". Vous les énumérez comme ceci: "Les jeux se font comme suit: "a) La FTQ tente de signer des ententes illégales selon des moyens bien connus: arrêts de travail, ralentissements sur les chantiers, menaces, etc.; "b) L'application des lois existantes est lente et peu efficace; "c) Certains employeurs ne se sentent plus adéquatement appuyés et succombent".

Ma question est à deux volets. Vous avez élaboré, tout à l'heure, sur le a) avec mon collègue des Mille-Iles. Je saute b) et je passe à c). Je vous demande ceci: Vous dites "certains employeurs".

D'abord, le mot "employeur" veut-il dire membre de votre association de patrons et quel sens donnez-vous à votre mot "succombe"? Certains employeurs ne se sentent plus adéquatement appuyés et succombent. D'abord, les employeurs sont-ils de vos membres? Ceux de qui vous parlez.

M. Dion: Dans cette partie de mon texte, je traduis une image provinciale du problème que vit l'industrie de la construction. Certains de nos employeurs...

M. Tremblay : Vous parlez d'un mémoire. Moi, je vous demande si vous parlez au nom des employeurs membres de l'association ou si vous parlez de tous les employeurs dans tous les domaines du Québec.

M. Dion: Non. Je parle de certains employeurs dont certains — excusez la répétition — sont membres chez nous, qui ne se sont plus sentis adéquatement appuyés et cette partie du texte veut dire

que, ne voyant plus aucun moyen de pouvoir s'en sortir, soit par des appuis législatifs, soit par une bonne foi de la part de la partie syndicale, ces gens ont succombé. Le mot "succombé", vous devez supposer derrière ce mot tous les moyens utiles pour amener un employeur à ne plus être capable de résister. Cela inclut lui enlever sa main-d'oeuvre, cela inclut des ralentissements...

M. Tremblay: Cela, vous nous l'avez dit dans le paragraphe a), mais quand vous dites que les employeurs ont succombé, cela veut dire quoi?

M. Dion: Cela veut dire tout simplement que certains ont été obligés d'accorder un certain montant pour régler le conflit, soit directement à l'heure, soit sous forme camouflée comme une allocation de temps supplémentaire qui n'existe pas, soit une allocation de frais de transport, des choses de ce genre-là. A la fédération, je suis obligé de vous avouer que c'est une infime minorité des employeurs qui ont honnêtement succombé et je vous répète encore... C'est mon document, d'accord, mais, dans mon document, je vous décris une constatation provinciale. Il y a également une chose qui vous sera peut-être dite à l'occasion par un autre mémoire, c'est que certains employeurs sont membres de plus d'une association. Certains employeurs chez nous sont également membres de l'ACM. Or, certaines entreprises qui sont membres de l'ACM sont également membres chez nous. Les problèmes ont peut-être été vécus dans des régions autres, comme, par exemple, la ville de Québec, mais la fédération est un organisme provincial. Alors, dans toute la province, certains de nos membres ont été obligés de céder au chantage, aux pressions, aux menaces, à la violence, aux restrictions de main-d'oeuvre, à la non-productivité sur les chantiers. Toutes sortes de choses comme cela.

M. Tremblay: A votre connaissance, est-ce que ces employeurs, qui sont vos membres, lorsqu'ils ont finalement décidé de se faire les complices, jusqu'à un certain point, de négociations illégales au fond, parce que la grève était illégale, s'il y avait grève ou chantage comme vous dites, c'est ce que ces gens ont accordé une certaine indexation des salaires ou des avantages sociaux en vue de sauver les meubles, lorsqu'un contrat était en exécution et le reste?

Est-ce que vous avez aussi indiqué peut-être dans vos autres mémoires, vous me le direz, la nature de l'ampleur de certains travaux concernés?

M. Dion: J'aime beaucoup l'allusion que vous avez faite en vue de sauver les meubles, parce que, quand vous dites que nos gens ont collaboré à ce problème, il faut dire qu'à notre connaissance, et ce sans jouer à l'autruche, il n'y a pas un seul employeur qui se soit garroché dans la rue en criant aux gars: Voulez-vous l'indexation? Je vais vous la donner. Dans tous les cas, l'indexation a été obtenue soit directement par des actes, soit indirectement, parce qu'on prévoyait des actes ou qu'on prévoyait des problèmes.

M. Tremblay: Une dernière question. Dans une occasion semblable, avez-vous eu connaissance que ces employeurs, par l'entremise de votre mouvement, ont fait des pressions auprès du gouvernement pour dire: Dans tel cas précité, nous avons tel syndicat qui nous accule au mur, qui veut...

M. Dion: Oui.

M. Tremblay: ... absolument avoir une indexation. Ils sont sortis du chantier illégalement; on est pris peut-être avec une faillite sur les bras, avec des problèmes majeurs. Est-ce que vous êtes arrivés au bureau du ministre en disant: Ecoutez, on est pris avec ce problème, c'est sérieux, faites quelque chose, aidez-nous. Ou, avez-vous préféré attendre et, vous aussi, n'avez-vous pas contribué un peu à ce que la situation pourrisse un peu plus, si vous appelez ça du pourrissement? . M. Dion: Je serais bien malheureux de vous dire qu'on a contribué. Je pense que la réponse à votre question se trouve dans le paragraphe b). Quand on dit: "L'application des lois existantes a été lente et peu efficace. Cela inclut que, dans pratiquement tous les cas où il y a eu une force de pression contre un employeur pour atteindre une indexation injustifiée, il y a eu des plaintes portées conformément aux moyens qu'on avait, c'est-à-dire aux lois qui nous permettaient d'intervenir dans ces choses. Evidemment, c'est ce qui nous amène à demander au paragraphe b), s'il y a assez de mordant dans la loi. Est-ce que la loi est suffisamment efficace pour réellement contraindre les gens qui ont cette habitude de passer outre à toutes les structures?

Il y a eu constamment des réactions. Je pense qu'il faut peut-être vous souligner que, tout dernièrement, un nombre impressionnant de poursuites ont été prises par le ministère de la Justice concernant des ralentissements de travail, des arrêts de travail ou même contre des signatures de miniententes. Il reste quand même que nous, comme employeurs, je vous le dis — je suis quand même un porte-parole d'un groupe d'employeurs — on a cette réaction: Maudit! Ça va mal et on n'a aucun outil pour se défendre. Qu'est-ce qu'on fait? Evidemment, on en a de petits outils, mais on a l'impression à ce moment-ci que nous sommes avec un couteau à froid pour abattre un arbre de 10 pouces.

C'est fatigant pour l'employeur, mais c'est cela. On n'a pas la scie qu'il faut pour couper l'arbre ou, en tout cas, empêcher que tout le monde nous monte sur la tête, pour se défendre un peu.

Du côté patronal, vous êtes drôlement à la merci d'un tas de choses actuellement. Malheureusement, c'est vrai, la situation est telle, à l'heure actuelle, que l'employeur n'est plus en mesure d'absorber. On vous dit, parce qu'on nous l'a dit, qu'il y a des gens qui vont tomber. Si c'est bougé, cette chose-là, il y a des gens qui vont tomber. Est-ce que c'est possible que l'on fasse des choses pour briser des entreprises? C'est la question qui découle de tout cela. Il y a des gens qui vont subir le contrecoup de tout geste qui pourrait être posé. C'est notre prétention. On peut peut-être vous dire: II y en a 242 qui vont faire faillite. Je ne sais pas si c'est 242, mais il y en a qui

vont subir le contrecoup. Selon ce qu'on nous dit, cela va être sérieux. On peut prendre cela pour du bon pain, mais on est honnête, on vous dit ce qu'on a entendu chez nos gens.

M. Tremblay: Je vous remercie.

Le Président (M. Séguin): La reprise des travaux de la commission: 20 h 15 ce soir. Nous entendrons dès la reprise...

M. Charron: J'ai des questions à poser à M. Dion.

Le Président (M. Séguin): Oh oui! vous êtes membre de la commission. Un instant, s'il vous plaît! M. Dion, vous êtes reconvoqué pour 20 h 15 parce qu'il y a un député de la commission qui a des questions à poser.

(Suspension de la séance à 18 heures)

Reprise de la séance à 20 h 21

M. Séguin (président de la commission permanente du travail, de la main-d'oeuvre et de l'immigration): A l'ordre, messieurs!

A l'ordre, s'il vous plaît. A l'ordre! A l'ordre!

Le député de Saint-Jacques.

M. Charron: Merci, M. le Président, il nous manque des joueurs, je pense qu'ils ne sont pas assez payés.

J'ai deux questions à vous poser, M. Dion. La première tient d'une des affirmations contenues dans le texte conjoint des associations patronales. Vous avez fait allusion, très discrètement dans le texte de la fédération et plus abondamment lorsque vous avez répondu aux membres de la commission qui vous ont interrogé avant moi sur la commission Cliche, à ce que vous attendiez de la commission Cliche, les conclusions que vous-même étiez à tirer à ce moment-ci, avant même qu'elle ait terminé ses travaux, sur certaines révélations, que je ne contesterai pas d'ailleurs moi non plus, sur ce qui a été annoncé à la commission Cliche. Je vous rappelle que la commission Cliche n'a pas fini ses travaux, qu'il lui reste, à tout le moins, deux côtés du triangle de la construction à étudier. Le côté patronal, on n'a pas encore eu le plaisir de le voir examiné à la commission. Le côté gouvernemental, le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il a beaucoup à faire dans le domaine de la construction, selon les mots mêmes que vous avez dits. Vous avez affirmé, de par la commission Cliche et aussi de par l'expérience concrète que certaines des gens que vous représentez ont vécue, la violence menée par certains syndicats dans certains chantiers de construction.

Toutefois, vous affirmez, à la page 3, dans le texte commun des associations patronales, dernier paragraphe: "Si l'on envisage dans le pseudointérêt public, somme toute, de concourir à nous forcer le bras, nous vous déclarons que le véritable intérêt public est d'arrêter immédiatement ce système de récompense à l'illégalité et à la fourberie des chefs syndicaux car, individuellement, nos employeurs se chargeront d'éteindre le feu en prenant les dispositions qui s'imposeront." Que veut dire, M. Dion, ce texte?

M. Dion: Le texte a le sens suivant. Jusqu'à maintenant, on s'en est toujours remis à essayer de se comprendre au sein des lois, au sein des règlements qui régissent l'industrie de la construction. On a tenté de se comprendre avec les gens de notre vis-à-vis, c'est-à-dire les parties syndicales. De plus en plus, nos employeurs se sont rendu compte que l'utilisation de ces moyens réguliers et normaux avait comme conséquence que la plupart du temps ils finissaient par payer la facture alors que, de l'autre côté, on utilisait toutes sortes de moyens qui ne sont pas, dans certains cas, illégaux, mais qui sont proches de la clôture et, dans d'autres cas, qui vont jusqu'à l'illégalité.

Or, il est évident que, de la part des employeurs, il faut quand même prévoir qu'un jour ou l'autre — je pense que ce jour est peut-être arrivé — le

climat ne sera plus tolérable. Il est quand même à craindre qu'un jour les employeurs disent: La seule façon de pouvoir régler nos problèmes, c'est peut-être de mettre la clef sur la porte c'est peut-être de dire que, demain matin, le chantier sera fermé; c'est peut-être... je ne le sais pas, je ne dirais pas un lock-out, parce que je ne voudrais pas prétendre à des lock-out, mais c'est peut-être une situation où notre capital ne peut plus être mis en jeu, où on ne peut plus fonctionner, où il faut absolument que les mesures disciplinaires et les méthodes prévues par les décrets et les lois soient mises de côté et qu'on prenne d'autres genres de méthodes.

Ecoutez, vous allez dire: Habituellement, le patronat utilise des méthodes qui sont, je dirais, peut-être beaucoup plus polies que d'autres méthodes qui sont utilisées. Mais c'est du monde qui, un jour, ne pourra plus endurer; c'est du monde qui, un jour, va en avoir soupé de subir les contrecoups des sautes d'humeur de certaines personnes.

Il est à prévoir — et je peux vous dire qu'il ne s'agit pas là d'une affirmation en l'air — que, si les coups continuent à pleuvoir toujours du même côté, les employeurs vont se tanner. Je vous dis que toutes les solutions, à l'heure actuelle, qui auraient pour fonction de faire porter encore le poids sur les épaules des employeurs, vont être extrêmement mal reçues. Si jamais elles étaient envisagées par le gouvernement, elles vont être extrêmement mal reçues par les employeurs.

Je ne veux pas — et je viens de souper — causer une indirgestion. Ce n'est pas du chantage, ce ne sont pas des menaces. On ne cherche à faire ni du chantage, ni des menaces. C'est simplement, peut-être, une réalisation plus complète des situations que les gens ne peuvent plus supporter.

M. Charron: Je retiens beaucoup de l'affirmation que vous venez de faire. J'ai l'intention de la reprendre tout à l'heure, mais j'en suis encore à l'éclaircissement de ce qui est contenu dans le texte que vous nous avez livré au nom, à moins de me tromper, de toutes les associations patronales intéressées dans la construction. C'est le premier texte, en tout cas, dans mon expérience, qui m'est remis entre les mains, aussi unanime de la part de toute la partie patronale et dans lequel on nous dit — je vous répète encore le libellé de votre texte, puisqu'il me semble avoir été très bien travaillé — "se chargeront d'éteindre le feu en prenant les dispositions qui s'imposeront."

Vous qui avez présenté ce texte, pouvez-vous indiquer à la commission, outre le lock-out qui est un moyen bien connu d'action du milieu patronal, si, quand on dit "prenant les dispositions qui s'imposeront", cela se limite au lock-out ou s'il y a d'autres dispositions prévisibles. Je vous demande, en plus, s'il est uniquement à prévoir, ce genre de chose. Pouvez-vous affirmer vous, ce soir, qu'aucune de ces dispositions n'a jamais été prise jusqu'à maintenant, que rien n'a été fait par la partie patronale, jusqu'à maintenant, face à un certain nombre d'actions dont vous avez repoussé la responsabilité sur le milieu syndical et sur lequel nous ne vous questionnons pas pour le moment?

Pouvez-vous nous dire, autrement dit, que le côté patronal, dans ce genre d'actions, dans ce genre de jungle, puisque c'est le mot que vous avez employé, est aussi blanc comme neige que vous nous le présentez dans ce texte?

M. Dion: Vous ne me demanderez sûrement pas, M. Charron, de nous accuser nous-mêmes. Evidemment, dans un groupe, il peut y avoir des brebis blanches, des brebis qui sont peut-être un petit peu tachées. Il peut même y avoir des brebis noires. Je ne vous dirai pas qu'il y en a plus dans un endroit que dans un autre. Evidemment, il y a des employeurs qui ont peut-être des moyens qui n'auraient pas dû être utilisés. C'est sûr et certain. On ne vient pas ici vous conter des peurs. Il y a de tous les genres chez nous, évidemment.

Mais il y a surtout, en tout cas, à l'heure actuelle, un groupe de gens qui en ont assez de la situation, qui, à toute occasion, se voient continuellement acculés au pied du mur, avec des moyens qui ont toujours été refusés du côté patronal, à l'heure actuelle, des moyens peut-être un peu plus énergiques pour combattre les situations.

Moi, je préfère vous dire que je n'ai pas prétendu, tantôt, qu'il y aurait des lock-out du côté des employeurs. Je me permettrai, si vous m'excusez, de ne pas prétendre aux moyens qui pourraient être utilisés par les employeurs mais je dois vous dire qu'il est temps, parce que les employeurs veulent que ce soit le temps, à l'heure actuelle, de changer nos méthodes de réaction. Effectivement, nous entendons changer nos méthodes de réaction. Quelles seront-elles? Je pense que, pour le moment, c'est extrêmement difficile de vous les préciser mais si, à un moment donné, on voit un employeur peut-être compatissant ou peut-être compréhensif devant un employé qui produit à 20% sur le chantier, peut-être que demain, il ne sera plus dans la même situation. Peut-être qu'il aura une nouvelle réaction.

Je ne sais pas, globalement, quelles seront les réactions mais je vous dis que l'attitude générale des gens, devant le conflit, c'est de sentir complètement frustrés, à l'heure actuelle, et ils se préparent à un esprit de réaction différent, à des réactions différentes de ce qu'il y a eu avant.

Remarquez que vous allez peut-être dire: J'ai hâte de voir, dans quinze jours, ce qu'il va arriver. Est-ce que vous allez sortir les tomahawks, etc.? Je ne le sais pas. Mais je pense que le climat est tel, à l'heure actuelle, que les gens en ont assez. On ne peut pas continuellement taper sur le même gars. A un moment donné, le gars en a assez.

M. Charron: Mais êtes-vous d'accord avec moi — je ne veux pas, M. le Président, me transposer à la place et au rôle de la commission Cliche, ce n'est d'ailleurs pas le but de cette commission, en vertu de la loi 201 — pour me dire... C'est parce qu'il y a certaines affirmations, dans ce texte conjoint, comme dans le texte de la fédération que vous représentez, qui me semblent excuser rapidement certaines actions du côté patronal. Puisqu'on est à discuter de modifications au décret, il serait peut-

être important de bien connaître chacune des deux parties qui sont en cause. Autant on a dit, par exemple, du côté du crime organisé, que le crime organisé, par définition, dans son nom même, n'existerait pas s'il n'y avait pas des gens, des gens bien placés, qui permettraient cette existence, d'actions criminelles organisées.

De la même façon, on a pu voir, devant les témoignages de la commission Cliche et par expérience dans le domaine de la construction, que, bien souvent, certaines affirmations que vous faites, à la partie syndicale, absence de démocratie, absence de liberté, contrôle de fiers-à-bras, etc., n'existeraient pas et seraient dans l'impossibilité d'exister matériellement s'il n'y avait, en quelque lieu et place, complicité intéressée de certains membres de la partie patronale. Seriez-vous prêt à affirmer ce soir, comme porte-parole de la Fédération de la construction du Québec, qu'il n'y a pas un patron dans le Québec — un, ce n'est peut-être pas assez — qu'il ne s'en est pas trouvé un certain nombre, à certaines occasions, une certaine partie des gens que vous représentez ce soir qui n'ont pas bénéficié, qui n'ont pas profité de cette absence — je ne remets pas en question vos affirmations — de démocratie, de cette absence de liberté, qui n'en ont même pas fait jouer les mauvais côtés à leur avantage, invitant une partie à passer outre à une autre, même si la loi ne l'interdisait pas, en fermant les yeux sur certaines actions, en ne choisissant pas d'avance quel syndicat allait opérer sur le chantier, même si eux-mêmes, les patrons, savaient très bien que c'était contraire à la loi 290 et même au lendemain à la loi 9 et même aux dispositions du décret?

Me diriez-vous que cette absence de démocratie syndicale que vous avez affirmée, au député de Maisonneuve, être la première malédiction du monde de la construction, ce système qu'on commence à connaître, qui existe et qui a été révélé par la commission Cliche, me diriez-vous qu'il n'a que nui à l'industrie de la construction et, en particulier, qu'il n'a que nui aux patrons de la construction? Pouvez-vous m'affirmer ce soir qu'il ne se trouve pas parmi les gens que vous représentez —je ne porte pas de blâme sur la majorité, je ne dis pas l'ensemble de la Fédération de la construction du Québec mais qu'il n'y a pas des gens, au moment où vous peut-être et d'autres combattiez ce système, qu'il n'y avait pas des gens de votre propre fédération qui le soutenaient, qui le maintenaient, qui le finançaient, qui l'engraissaient parce qu'eux, de leur côté, à cause de la région où ils étaient ou du genre de chantier ou d'opérations qu'ils avaient en profitaient largement? C'est la question que je vous pose.

M. Dion: Je pense que ce serait rêver en couleur de vous répondre carrément: Non, il n'y en a pas un. Nous sommes tous des vierges. Nous avons seulement des vertus chez nous. Dans un climat général qui se développe, dans une industrie, je pense qu'il peut se trouver des gens qui, voyant le climat et sachant que ce climat ne fait que se développer se font à l'idée qu'ils devront vivre avec, qu'ils le veuillent ou non.

Il y a des gens, effectivement, qui finissent par s'asseoir dans le système et disent: C'est aussi bien d'être dedans que d'être pris en dehors et de ne rien avoir. Honnêtement, je vais vous dire, c'est évident que quand je veux faire un mauvais coup, il faut que j'aie un gars qui veut le faire et un gars qui va le subir. C'est sûr et certain, vous allez pouvoir affirmer que, demain matin, il y a des employeurs qui ont peut-être bénéficié d'une certaine manière de ce marasme dans l'industrie de la construction. Evidemment, à un moment donné, le gars se voit dans un climat, se voit dans l'impossibilité d'en sortiret il finit par se dire: II vaut mieux en tirer le meilleur parti possible. Pourtirer le meilleur parti possible, il a l'air d'un gars qui devient complice du système. Il y a des employeurs qui, voyant le voisin qui s'est fait vider son chantier, qui a été trois semaines de temps à voir de la non-productivité, qui a perdu $50,000, $60,000, $100,000, il y a un gars de l'autre bord qui automatiquement dit: Je vais payer les $0.50 et je vais régler le problème. Je vais devenir peut-être plus efficace que l'autre. C'est peut-être ça la complicité que les gens pensent qu'il a pu y avoir chez les employeurs.

Si c'est cela qu'on pense être de la complicité, je vous dis que ce sont des gens qui, par la force des choses, dans un système souvent bien trop pourri, n'avaient pas d'autre choix, malheureusement et involontairement, que de devenir presque des complices d'un genre de système comme ça.

On va voir, comme vous le disiez tantôt, à la commission Cliche, certains employeurs, qu'on en voie 10, qu'on en voie 100, se retrouver devant la commission Cliche pour se faire dire: Vous avez donné des pots-de-vin; amenez vos livres, qu'on le voie dans vos livres, vous avez contribué à telle affaire et à telle affaire. Peut-être. Mais, automatiquement, est-ce que ça veut dire que je dois leur tirer une pierre? Est-ce que ça ne veut pas dire tout simplement que ces gens, dans une évaluation juste ou fausse, peut-être passablement fausse, se sont dit: II n'y a pas moyen de faire autrement, j'embarque? Une erreur de jugement, une erreur d'évaluation, il y en a qui ont pu la faire. Je ne voudrais surtout pas que la presse sorte en disant: Ah! la fédération a dit qu'il y avait des entrepreneurs malhonnêtes. Ecoutez, on n'est pas tous des saints. Il y a peut-être des employeurs qui ont eu une chance de profiter du système. Je vais vous dire: S'il y en a, nommez-les donc, nommez-les! Parce que je pense que ces gens, si jamais il y en a, font tort à l'industrie de la construction, tant patronale que syndicale.

A notre avis, il n'y a que des gens, à l'heure actuelle, pris dans un système, pris dans un climat et qui ont dû le subir. C'est ça qu'il y a dans l'industrie de la construction. Malheureusement, certains sont plus faibles que d'autres, évidemment, Succomber est le mot qu'on a mis dans notre document, j'ai aimé qu'on me demande de l'expliquer parce que c'est le mot "succomber".

M. Charron: D'accord, M. le Président. J'abandonne ce terrain parce que je pense qu'il y a des gens beaucoup plus qualifiés que celui qui vous parle pour continuer à l'approfondir. Je vous dis tout simplement, M. le Président, que je l'avais sou-

levé, parce que le caractère un peu pompeux de certaines affirmations de la partie patronale, caractère un peu virginal de la partie patronale dans ce genre d'affaires, avait quand même chatouillé mon attention.

M. Dion: Ma fille ne me dira pas qu'elle a perdu sa vertu tant que je ne m'en apercevrai pas.

M. Charron: II y a une autre question, M. Dion, que je veux vous poser. Elle fait suite aux questions du député de Maisonneuve. Vous nous avez informés, comme membres de la commission un peu rompus à ce genre de choses, que la plupart des entrepreneurs, du genre de ceux que vous représentez ce soir à cette table, fonctionnent à prix fixe, lorsqu'il s'agit de contrats par lesquels ils s'engagent et qu'ils signent; que ceux qui fonctionnent à "cost-plus" sont exceptionnels, et que toute autre méthode est aussi exceptionnelle. La méthode générale, nous avez-vous dit et affirmé, est celle du prix fixe. Si je vous demandais, pour la même construction, le même type d'édifice, que ce soit public, d'après un contrat avec le gouvernement ou avec une société de la couronne, ou entreprise d'habitations unifamiliales, par exemple, comme vous nous l'avez fait remarquer, ou autres grands travaux et routes; encore une fois, c'est public, me direz-vous s'il y a eu une progression dans les soumissions, est-ce que les entrepreneurs eux-mêmes, lorsqu'ils soumissionnaient, depuis le 1er mai 1974, n'ont pas prétexté ou utilisé eux-mêmes le phénomène de l'inflation et de la nécessité de l'indexation des coûts pour présenter un coût plus élevé qu'ils ne l'auraient présenté, par exemple, au 1er mai 1973?

Je vous donne un exemple: Construction uni-familiale. Au 1er mai 1973, un citoyen du Québec, n'importe qui, serait allé voir un des entrepreneurs que vous représentez, dans n'importe quelle région du Québec. Je fais abstraction des régions. Il aurait dit: Moi, je veux me construire une maison unifamiliale ici, sur le bord de telle avenue, dans telle municipalité du Québec, j'ai l'intention d'installer ma famille là-dedans, je veux être propriétaire de ma maison, j'ai l'intention de bénéficier d'un certain nombre de dispositions mises à mon avantage par le gouvernement fédéral et par le gouvernement provincial — comme vous l'avez vous-même noté tout à l'heure — combien me demandes-tu pour bâtir ma maison?

N'est-il pas exact de dire que, dans une soumission pour le même genre d'édifice, le prix que vous avez soumis, en juillet 1974, à ce donneur d'ouvrage n'était pas le même que le prix que vous auriez soumis, la demande vous fût-elle parvenue en juillet 1973? Mais, devant le fait que le gars, lui, se disait: Mais voyons donc, tu me demandes bien trop cher, cela n'a pas d'allure, je ne serai jamais capable de me bâtir une maison comme cela, vous avez vous-même utilisé comme argument l'inflation, la hausse des coûts et vous avez dit: Bonhomme, je te l'aurais peut-être bien fait pour tel prix l'année passée, c'est vrai, mais là, on fait face à une inflation galopante incroyable. Les matériaux me coûtent tant, ma main-d'oeuvre me coûte tant, il me faudra mettre autant, de sorte que, pour la même maison, par exemple, M. le Président — je parle en profane — je t'aurais demandé $15,000 l'année passée, mais je suis obligé, cette année, de t'en demander $18,000.

L'inflation, M. Dion, comme on nous l'a bien appris, de la part du gouvernement, c'est un phénomène qui est aussi psychologique qu'économique, c'est-à-dire que tout le monde se sent justifié d'invoquer une hausse nécessaire des prix, en se disant: Tout le monde s'y attend. Et, de fait, un citoyen qui va se présenter devant un entrepreneur aujourd'hui, au moment où le lait coûte $0.50 la pinte où tout a augmenté, est plus ou moins surpris — il peut l'être — de voir que le gars, lui aussi, a augmenté ses prix et, dans l'intervalle, a également augmenté son profit là-dedans.

Autrement dit, n'avez-vous pas invoqué dans vos prix, à la demande des donneurs d'ouvrage, l'inflation comme étant un phénomène qui vous obligeait à demander plus que vous ne l'avez fait? Si vous me répondez par l'affirmative — à moins d'être complètement ignorant, je crois que ce sera à peu près le contenu de votre réponse — croyez-vous que, lorsque vous invoquiez cette nécessité d'indexer les coûts, parce qu'il s'agissait d'indexer les coûts à l'inflation, c'était un problème créé de toutes pièces par les dirigeants syndicaux, à ce moment, dont vous vous serviez, à votre tour, face aux donneurs d'ouvrage?

M. Dion: C'est une question — réponse, parce que, dans votre première question, vous avez fait une réponse qui n'est pas du tout concordante avec celle que je vais vous donner. Je reprends au départ, en prenant la maison unifamiliale, et je vous cite en exemple simplement un rapport provenant d'un employeur. Je vous invite, si cela peut satisfaire la commission, à demander à un employeur de s'asseoir ici à la table et de vous vérifier certains chiffres qu'on pourrait vous donner. Je prends le cas d'un entrepreneur en construction d'habitations de la région de Sherbrooke qui produit, depuis plusieurs années, certains plans de maisons qui sont absolument réguliers d'année en année, c'est le même plan de maison. Evidemment, il fait plusieurs plans de maisons, mais certains plans de maisons sont reproduits d'année en année. L'exemple que je vais vous donner couvre la période de 1972 à 1974. L'employeur est obligé, pour vendre l'entrepreneur et pour vendre sa maison, assurément de vendre, en 1974, sa maison à un coût passablement plus élevé, qui peut laisser supposer à certaines personnes qu'il inclut dans son prix une espèce d'indexation en prévision de... etc.

Je vous donne certains chiffres. L'entrepreneur, en 1972, sur un plan déterminé qui s'appelle un plan G-2 — je vous donne le détail qui n'a peut-être pas de signification, mais qui pourra vous permettre, si vous le jugez à propos, de vérifier — ...

Une Voix: LG-2?

M. Dion: Non, pas LG-2, qui est beaucoup plus dispendieux, dont ce n'est pas le prix final de toute façon. C'est un plan d'une maison qui a un carré

d'environ 24 x 32, d'un étage et demi, de 912 pieds carrés de plancher, avec une chambre finie au sous-sol. En 1972, l'entrepreneur en question a produit 42 de ces maisons. Sur un groupe défini de travailleurs, qui ne comprend pas par exemple ceux pour les fondations et qui ne comprend pas les métiers spécialisés, comme la plomberie, le chauffage, etc., mais simplement sur la base de l'entrepreneur général, c'est-à-dire charpentiers, menuisiers et manoeuvres qui travaillent à faire le carré de la maison, 42 maisons, en 1972, ont pris 9,991 heures de travail, donc une moyenne de 237 heures par maison construite. A ce moment-là, le salaire était de $4.88, jusqu'à une variation de $5.38 l'heure.

En 1973, sur le même plan, identiquement le même plan, l'entrepreneur a produit 22 maisons, 5,848 heures pour les produire, une moyenne de 266 heures par maison, alors que le salaire était passé de $5.65 à $6.19 l'heure.

En 1974, 23 maisons, du même type toujours, 8,082 heures pour 351 heures de travail, en moyenne, par maison. Le taux du salaire était rendu à $6.32 jusqu'à $6.87 l'heure.

Ecoutez, je suis peut-être prêt à écouter des gens qui me parlent d'indexation, parce qu'on peut avoir une indexation, mais je dois vous parler de production, sérieusement. Parce que, si je fais une comparaison entre 1972 et 1974, je me rends compte qu'il y a presque le tiers de moins de productivité.

M. Charron: Juste une question, M. Dion. M. Dion: Oui.

M. Charron: Est-ce que la maison coûte la même chose en 1974 qu'en 1972?

M. Dion: Non, elle ne coûte plus la même chose. C'est impossible, je ne peux plus la vendre au même prix.

M. Charron: Elle coûte combien de différence?

M. Dion: Je peux vous dire honnêtement que je passe de $14,500 à $15,600, à $18,900 et peut-être, par extrapolation, à quelque $20,000 à la toute fin.

Sur un autre plan de maison, si cela peut aider la commission, j'ai un peu moins de détails sur le deuxième plan mais on pourra compléter au besoin; en 1972,huit maisons sont produites selon un plan qui s'appelle G-5, de 24 x 38, de 912 pieds carrés, toujours dans la région de Sherbrooke. Huit maisons pour 1,396 heures, soit 174 heures par maison, en moyenne, au taux de $4.88 à $5.38, toujours. En 1973,sept maisons pour 1,901 heures de travail, 272 heures en moyenne de travail sur chacune des maisons. En 1974, treize maisons, 3,875 heures de travail pour 298 heures par maison. Si on compare 1972 à 1974, vous passez de 174 heures, pour construire la maison, à 298 heures. Ou il y a moins de compétence, ou il y a moins de productivité. Mais une chose est sûre et certaine, c'est que la maison coûte plus cher. Elle coûte plus cher en plus pour ceci: Si, hier, cela me coûtait, pour une barre d'acier, X, aujourd'hui elle me coûte deux fois et trois fois le prix. Je n'ai même pas la garantie de la livraison. Je commande et, au moment où je commande, je ne sais pas combien elle va coûter lorsqu'elle va être livrée. Cela est comme ça pour tous les matériaux de construction. Je n'ai pas de cour... Je dois vous dire que je suis avocat, je suis loin d'être un constructeur.

Mais je pense qu'à l'heure actuelle, les matériaux de construction ont subi des hausses telles que seulement les hausses de matériaux de construction justifient tous les changements ou les augmentations de prix qu'on peut trouver dans l'industrie de la construction.

Je finis toujours de la même façon. Il y en a peut-être quelques-uns qui ont prévu X cents. Ecoutez! Il y en a peut-être, mais il y a surtout des gars qui sont obligés de suivre l'évolution des coûts de matériaux de construction, l'évolution de la productivité. Je n'irais pas poser des questions. Je laisserai le soin aux gars de Montréal de parler de la production à la place Desjardins. A un certain moment, il faudra peut-être se poser de nombreuses questions: Combien cela prendrait d'heures normalement, et combien cela va en prendre?

Le plus honnêtement possible, je suis obligé de vous répondre que, selon les démonstrations qu'on a, et si cela peut rendre service à la commission, je n'ai aucune objection à nommer l'entrepreneur. Il s'est dit prêt à vous démontrer beaucoup plus précisément ce qui a été lu ici. Effectivement, je le regrette, mais le fait que vous me posiez des questions, cela m'amène à prendre la place des mémoires d'autres parties. Cela me met mal à l'aise un peu. Mais en tout cas, je pense que c'était essentiel de faire voir au public, à l'heure actuelle, qu'il ne faut quand même pas... C'est facile de dire: Vous savez, les gens l'ont prévue, ils la mettent dans leur poche, ils font de gros profits. Je pense que si les gens de la commission parlementaire s'arrêtent cinq minutes... Je sais qu'à la commission parlementaire, il y a des membres qui sont d'anciens entrepreneurs en construction qui savent, aujourd'hui, quelle est la marge de profit d'une entreprise en construction. Il y a peut-être eu des temps où les gens faisaient 15%, 18% et 20%. Mais je vous dis qu'aujourd'hui la marge de profit des entrepreneurs en construction... Ecoutez! Il y en a qui ont préféré devenir députés, même des professeurs...

Une Voix: ... n'ai pas droit de parole!

M. Cournoyer: Seulement une question complémentaire, M. le Président.

M. Dion: Je ne veux pas que cela fasse partie de mes propos à la commission.

M. Cournoyer: Quand vous passez de 174 heures à 298 heures, j'imagine que c'est pour le même genre de maison, le même cubage, la même surface en pieds carrés? C'est le même modèle.

Est-ce que les entrepreneurs qui vous ont donné ces renseignements vous ont indiqué quelles étaient les causes de cette diminution? Parce qu'on

peut parler d'indexation, on peut en parler beaucoup, mais par ailleurs, vous avez établi, je pense bien, par l'exemple que vous avez donné, une diminution assez marquée de la production, indépendamment des coûts horaires. Parce que, si je comprends bien, malgré tout, la maison ne semble pas avoir augmenté par les coûts horaires que vous avez mentionnés tantôt. Cette diminution des coûts horaires dans le résidentiel en particulier, c'est-à-dire cette diminution de productivité de 174 heures à 298 heures pour la même maison serait due à quoi, selon l'entrepreneur en question?

M. Dion: Je préférerais de beaucoup quand même que la question puisse être posée à l'entrepreneur qui a fourni les chiffres, mais je me fais le porte-parole de son interprétation. Il y a un problème — j'ai voulu le souligner tantôt — de compétence, il y a un problème de productivité. Les deux concourent à provoquer une augmentation aussi sensible des taux horaires nécessaires pour la construction.

M. Cournoyer: M. Dion, j'aimerais, par exemple, rappelerque l'une des causes affirmées en public de la diminution de productivité, c'étaient les délégués de chantier. Là où vous m'arrivez, c'est dans le domaine résidentiel. J'aurais pensé que les délégués de chantiers avaient beaucoup plus d'influence dans le domaine industriel que dans le domaine résidentiel. Est-ce que, dans l'analyse des coûts différents, par rapport à la somme d'heures requises pour construire la même maison, on peut mettre le blâme sur les délégués de chantiers dans le cas du résidentiel?

M. Dion: Vous connaissez le problème comme ministre du Travail. Vous savez fort bien que les délégués de chantier dans l'industrie domiciliaire sont quand même assez rares.

M. Cournoyer: Bon! Mais...

M. Dion: Je dois dire quand même qu'il y a des problèmes...

M. Cournoyer: ... qu'est-ce qui cause...

M. Dion:... de délégués de chantiers qui ne sont peut-être pas dans le domaine domiciliaire, du moins sur la base, peut-être, des...

M. Cournoyer: M. Dion, l'augmentation du coût horaire. Si, par exemple, il avait été possible d'augmenter le coût horaire pour arriver à des proportions ordinaires, c'est-à-dire, qu'on tiendrait compte du coût de la vie; enfin, dans la formule que vous n'acceptez pas.

Supposons qu'il y ait des syndicats et des individus qui prétendent qu'ils ont perdu du pouvoir d'achat, si on était maintenu à 174 heures, est-ce qu'on ne peut pas prétendre que cela aurait coûté moins cher que 298 heures, pour mettre la même chose?

M. Dion: C'est évident.

M. Cournoyer: Mais qu'est-ce qui aurait pu causer, par exemple, cette augmentation dans le résidentiel? Comme je vous l'ai dit tantôt, je croyais — enfin, je croyais, il faut s'entendre sur les mots "je croyais" — que dans le domaine résidentiel, les délégués de chantier, comme vous l'avez affirmé, ce n'est peut-être pas là qu'ils ont une influence la plus marquée pour réduire les taux ou réduire la productivité, mais dans ce domaine, on est quand même passé, dans l'exemple que vous donnez, de 174 heures, pour une construction donnée, à 298 heures. Est-ce qu'il y a une raison, par exemple? Est-ce parce que les employés travaillent moins? Qu'est-ce qui aurait été donné comme exemple? Vous avez donné cet exemple vous-mêmes. De 174 heures, on est passé à 298 heures. Qu'est-ce qui a causé ce passage de 174 à 298, en une période aussi courte que celle-là?

M. Dion: Je ne sais pas si vous avez de la difficulté à m'entendre comme j'en ai à vous entendre, parce qu'on jase; mais j'ai répondu tantôt que, selon l'interprétation de l'entrepreneur, il y a une baisse de compétence. Cela prend plus de temps à faire le même ouvrage. Il y a une baisse de productivité. Ce sont les deux motifs qui ont contribué à faire de 174 heures, 280 heures environ.

Il faut quand même dire aussi ceci; c'est que même s'il n'y a pas de délégué de chantier d'une façon aussi répétée dans l'industrie domiciliaire que dans l'ind ustrielle, il y a quand même la présence de représentants syndicaux, qui peut avoir une certaine influence. Mais écoutez, je ne veux pas, pour l'instant — et vous allez me le permettre, je suppose — empiéter trop sur le champ de l'habitation. J'ai tout simplement voulu illustrer — parce qu'on avait pris l'exemple d'une construction familiale — par des chiffres une raison qui pourrait être plus longuement explicitée, j'ai voulu expliquer les raisons qui font qu'une maison peut passer de $15,000 à $20,000 en l'espace de deux ans. Je dois vous dire quand même que la société ou l'Association de l'habitation pourrait possiblement vous illustrer, avec des chiffres peut-être beaucoup plus précis, le problème tel quel.

M. Cournoyer: Moi, ce qui m'a surpris un peu, c'est que de 174 heures on passe à 298 heures. Baisse de compétence, avez-vous dit.

M. Dion: Est-ce que la commission serait d'accord pour entendre l'employeur?

M. Cournoyer: Ce serait extrêmement difficile, à ce moment-ci, M. Dion. Ce n'est pas parce que je refuse d'entendre les individus qui y sont intimement reliés, mais il arrive que vous ête.s le représentant de l'association la plus représentative du côté patronal et, en conséquence, vous avez...

M. Dion: On s'était parlé au début de la séance...

M. Cournoyer:... l'odieux et le fardeau de faire ce que vous avez à faire. Vous avez affirmé au député de Saint-Jacques, tantôt, que c'était passé de

174 heures à 298 heures. Cela m'intéresse. Je ne veux pas en dire davantage. Il s'agit, bien sûr, du carré de la maison. On ne prend pas en considération la plomberie, le chauffage et, j'imagine, l'électricité non plus, qui n'est pas incluse là-dedans. Il s'agit des menuisiers et des maçons.

M. Dion: Disons les menuisiers...

M. Cournoyer: Strictement l'entrepreneur général.

M. Dion: ... manoeuvres, en gros.

M. Cournoyer: Mais la construction des coûts... c'est-à-dire la composition des coûts va plus loin que les seules préoccupations de l'entrepreneur général dans le domaine résidentiel, comme dans le domaine industriel et le coût final de la maison dont vous avez parlé tantôt est quand même construit par l'électricité ou ce qu'on peut appeler, vous et moi, la mécanique, les métiers mécaniques. Quelle est la proportion des coûts des métiers mécaniques dans ce que vous avez dit tantôt?

M. Dion: M. le ministre, je pense que vous m'amenez réellement à être obligé de discuter du problème très spécifique d'une construction familiale. Je dois et, malheureusement, cela...

M. Cournoyer: Vous déclinez.

M. Dion: Je dois céder le micro à des spécialistes en habitation, pour deux raisons. D'abord, parce que je ne veux pas prendre... et cela, je pense, doit être une sécurité pour vous, de la commission, je me refuse à parler de choses que je ne connais pas. Alors je vous dis qu'à ce jour, c'est quand même une sécurité. J'ai essayé de parler de choses que je connaissais. Si vous voulez bien poser la même question aux gens de l'habitation, ils vont vous répondre.

M. Cournoyer: Aux représentants de l'habitation.

M. Dion: J'ai de la misère à vous comprendre, c'est effrayant!

M. Cournoyer: Je conviens que la même question peut être posée aux représentants de l'habitation.

M. Dion: Oui, je pense qu'ils vous répondront. On a essayé de me donner le tuyau, comme on dit dans la construction.

M. Cournoyer: Ils n'étaient pas capables de vous donner cela discrètement.

M. Dion: ... mais je préférerais que ce soit eux qui vous donnent l'explication. Je pense que le tout est justifiable.

M. Cournoyer: Très bien. M. le Président, c'est très bien. Je pense que vous avez raison, M. Dion.

Le Président (M. Séguin): La commission reconnaît certainement la réserve que vous apportez.

M. Dion: Je pense que c'est de l'honnêteté pour vous.

Le Président (M. Séguin): Me Dion, nous vous remercions beaucoup de vos explications.

M. Burns: Est-ce que je peux poser une dernière question, M. le Président, une dernière brève?

Le Président (M. Séguin): Allez-y. Le député de Maisonneuve.

M. Burns: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Séguin): Je ne vous remercie pas tout de suite, Me Dion, attendez.

M. Burns: On a parlé de compétence ou de non-compétence de certains employés dans le domaine de la construction par vos derniers chiffres que vous avez cités. Est-ce que votre fédération a examiné également, sinon la compétence, du moins la solvabilité douteuse d'un certain nombre d'entrepreneurs dans le domaine de la construction et, entre autres, ceux qui ne paient pas, par exemple, ce qui doit être payé à la Commission de l'industrie de la construction, que ce soit au niveau des vacances ou au niveau de tous les autres bénéfices? Est-ce qu'également vous vous êtes occupés de cet aspect et est-ce que vous avez pu pondérer, d'un côté comme de l'autre, ces deux aspects? Est-ce que vous avez examiné cela?

M. Dion: La question est excellente. Je pense qu'elle a peut-être des relations avec le problème qu'on étudie à l'heure actuelle. C'est évident qu'on est dans l'entreprise privée, dans une entreprise où les gens cherchent à vivre et à faire un profit dans l'industrie de la construction. On n'a pas, actuellement, dans l'industrie de la construction, de législation qui nous permette — je ne dirais pas de sélectionner parce que c'est peut-être aller beaucoup trop loin — mais qui évite et qui peut éviter qu'une personne qui n'a pas la compétence sur tous les plans techniques, solvabilité administrative, on n'a pas dans l'industrie de la construction une législation qui nous permette de faire, je reviens au mot "sélection" parce que quand même c'est celui qui me vient à l'esprit à l'heure actuelle. N'importe qui, demain matin, devient entrepreneur en construction. Je suis obligé quand même de vous avouer que, d'une part, devant les prétentions des parties syndicales a savoir qu'il y a des employeurs qui ne sont pas bons dans l'industrie de la construction, on peut facilement se défendre en attaquant le principe que nous n'avons pasde législation pour régulariser la situation. D'un autre côté, nous disons quand même depuis douze ans, et ceci a débuté avec monsieur le ministre du Travail alors qu'il était à l'emploi des parties patronales, on a commencé par demander une loi de qualification des entrepreneurs. J'au-

rais aimé qu'il entende parce que quand même cela devenait des félicitations...

M. Burns: Est-ce qu'il y a moyen...

M. Dion: Je faisais remarquer avec plaisir, M. le ministre du Travail, que nous, de l'industrie de la construction, du côté patronal depuis plus de douze ans, nous demandons dans l'industrie de la construction une qualification des entrepreneurs. Je faisais remarquer que M. le ministre du Travail, alors qu'il était à l'emploi des parties patronales, était un de ceux qui avaient écrit un mémoire disant que c'était la solution pour empêcher des entrepreneurs non solvables et non capables administrativement et ayant une absence ou une carence technique de venir dans l'industrie de la construction. Je n'ai rien contre les barbiers, mais le barbier du coin de la rue chez nous peut être entrepreneur en construction demain matin, sans aucune compétence technique, sans aucune solvabilité. Je vais vous dire que ce n'est pas la première fois qu'on revient sur le sujet. On sait aussi que les parties syndicales l'ont demandé, peut-être pour d'autres motifs que les nôtres, mais nous le demandons quand même pour la protection du public. On l'a toujours demandé pour la protection du public. Cela fait sourire certaines personnes parce qu'elles disent aussi pour la bonne concurrence. Evidemment, pour une concurrence saine, qui est une protection du public aussi, nous avons demandé une loi de qualification des entrepreneurs.

Je vous dis, que, si la question pouvait s'éloigner à un certain point de l'indexation, elle ne s'éloigne aucunement des conflits actuels. Parce que je pense que cela fait partie du conflit actuel.

M. Burns: Justement, c'est ce pourquoi je vous posais la question, M. Dion. Je vous remercie de votre franchise habituelle, d'ailleurs, dans vos réponses. Mais, depuis le moment où différents ministres, les uns après les autres, ont commencé à lancer le ballon de la non-productivité des travailleurs de la construction, est-ce que vous ne croyez pas, vous, M. Dion — je vous demande de me répondre avec la même franchise — que ces entrepreneurs qui, à toutes fins pratiques, ne devraient peut-être pas être entrepreneurs dans le domaine de la construction, ce n'est pas aussi un des éléments de non-productivité dans le domaine de la construction?

M. Dion: Ecoutez, c'est parce que...

M. Burns: Si oui, je vous demande si vous êtes en mesure de nous dire si vous avez fait une étude aussi exhaustive là-dessus que sur la non-productivité des travailleurs. Parce que, depuis qu'on parle de non-productivité, c'est toujours sur le dos des travailleurs qu'on a mis ça. Quand je m'aperçois qu'il y a des gars qui ne sont même pas capables d'assumer leurs obligations vis-à-vis de la CIC, vis-à-vis d'engagements qu'ils ont pris pour les vacances de leurs travailleurs et quand je vois que vous êtes obligés, vous autres — quand je dis vous autres, je parle des entrepreneurs sérieux — d'aller combler certaines lacunes, certaines déficiences financières, je me pose de très sérieuses questions aussi sur l'impact que peuvent avoir les espèces d'entrepreneurs bidons qui sont actuellement dans le domaine et qui peuvent, vous l'avouerez, M. Dion, avoir leur effet sur la non-productivité alléguée, surtout depuis quelque temps, par certains ministres, parce que cela pouvait aider certaines lois.

M. Dion: Ecoutez. Relier le problème de la non-productivité avec le problème d'employeurs que vous appelez bidons, que nous appelons chaudrons, je pense qu'il y a quand même une nuance à faire. Si un entrepreneur, en 1972, a la compétence de faire produire par ses hommes, une maison de 900 pieds carrés en 174 heures, il faudrait quand même me donner passablement de preuves pour démontrer que ce gars est incompétent en 1974, parce qu'il ne peut plus les faire produire en 174 heures. Cet entrepreneur a quand même fait ses preuves, il a prouvé qu'il était capable de produire, de rester sur le marché parce qu'il respecte ses obligations. Si, à côté de cet entrepreneur qui fait une maison de 912 pieds pour $20,000, j'en avais un autre, un bidon ou chaudron, comme vous voulez, qui, parce qu'il ne connaît rien dans la construction, fait une même construction à $22,000, je vais vous suivre. Evidemment, le gars manque de quelque chose; il manque de direction de son personnel, il manque de technique, il manque peut-être de connaissances administratives. Mais l'évolution de la production des employés d'un même entrepreneur, je pense que ça ne concorde pas.

A l'heure actuelle, le problème de la compétence chez nous — il y a la productivité évidemment aussi — se situe au point suivant: depuis quelques années, on est devant une loi qui s'appelle le bill 49 dans l'industrie de la construction; on est sujet à cette loi générale. Comme la loi générale n'a pas été acceptée par l'industrie en général, ceux qui voudraient en bénéficier sont handicapés, à l'heure actuelle, et sérieusement handicapés. On n'est pas placé à l'heure actuelle comme on pouvait même l'être il y a X années, avant le bill 49, pour former notre main-d'oeuvre compétente. On a des centres d'apprentissage qui sont pratiquement, à l'heure actuelle, utilisés pour faire couper de la viande ou des choses comme ça, mais on n'est presque plus capable de former réellement de la main-d'oeuvre compétente dans l'industrie de la construction ou d'en former en quantité suffisante.

Il y a deux choses; vous pouvez former de la main-d'oeuvre compétente, parce que vous enseignez bien et vous pouvez former une certaine quantité de main-d'oeuvre qui provoque, par la compétition entre les gens, une recherche de compétence. Je pense que les deux se provoquent.

On doit vous dire qu'on se trouve actuellement devant le problème d'une loi, comme toutes les lois — il ne faut pas être méchants — la loi 290 et la loi 49, qui avaient peut-être quand même pour but de régler, de faire une bonne situation mais qui est devenue totalement inopérante. Pour nous, de l'industrie de la construction, c'est réellement une si-

tuation pire que ce qu'on a pu jamais connaître lorsque les parties administraient elles-mêmes leur formation de main-d'oeuvre. On est moins bien servi qu'on ne l'était.

On n'est pas ici pour dire: C'est la faute de monsieur X ou la faute de monsieur Y. Mais c'est la situation. La faute de monsieur Y, c'est qu'on essaie de lui dire de l'amender et on veut qu'il l'amende; il faudrait peut-être qu'il comprenne cela. C'est seulement cela sa faute. La loi n'est pas mauvaise parce qu'il s'appelle monsieur X; la loi est mauvaise à l'heure actuelle parce qu'on ne peut pas l'utiliser. On demande de rendre la loi 49 sectorielle, c'est-à-dire de permettre à une industrie qui veut s'en servir de ne pas dépendre de l'industrie en général pour pouvoir s'en servir.

Actuellement, si je veux faire quelque chose avec la loi 49, je dépends de l'alimentation, des coiffeurs, des gens de l'automobile et je dépends de tout le monde. Si les autres gars ne veulent plus marcher, je ne peux plus marcher. J'ai des commissions de formation plus ou moins effectives, j'ai un organigramme de formation plus ou moins effectif et le tout ne marche pas bien. En tout cas, au minimum, cela marche moins bien qu'avant.

Pour nous, la réaction des employeurs, c'est qu'on a moins de main-d'oeuvre et la main-d'oeuvre est moins bien formée qu'avant. C'est un problème. Je vous le transmets aussi honnêtement que les employeurs nous le soumettent. On a des problèmes de main-d'oeuvre.

Le Président (M. Séguin): A nouveau, merci.

M. Dion: Je remercie infiniment la commission et surtout l'assistance. A un moment donné, on pourra craindre de se voir devant des situations difficiles. Tout le monde a coopéré, je vous en remercie infiniment.

Le Président (M. Séguin): Merci beaucoup. Nous entendrons immédiatement la Fédération des travailleurs du Québec. Le ou les représentants de la Fédération des travailleurs du Québec. Voulez-vous, s'il vous plaît, prendre la place de...

Fédération des travailleurs du Québec

M. Daoust (Fernand): Ici, cela peut aller, tous mes papiers sont ici. Cela ne me dérange pas. Cela va ici?

Le Président (M. Séguin): Si cela fait votre affaire, oui.

M. Daoust: M. le Président, je ne veux pas relever toutes et chacune des affirmations et déclarations de M. Dion. Il y a des endroits où nous aurons l'occasion de le faire et nous le ferons sûrement.

Par ailleurs...

Le Président (M. Séguin): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Daoust: ...il y a une déclaration qui n'est pas de M. Dion...

Le Président (M. Séguin): Pour le journal des Débats, voulez-vous, s'il vous plaît, vous nommer?

M. Daoust: Fernand Daoust.

Le Président (M. Séguin): Merci. Excusez-moi.

M. Daoust: II y a une déclaration qui n'est pas de M. Dion, mais plutôt du front commun patronal et qui justifie, de ma part, certains commentaires. Je vais la lire, je ne suis pas le premier à l'avoir sou levée et je la commenterai par la suite.

On la retrouve à la première page du document que nous a lu, au tout début de son intervention, M. Dion. "L'indexation est un problème créé de toutes pièces par les dirigeants syndicaux et elle est l'occasion d'une nouvelle démonstration de force contre les employeurs et même contre l'autorité gouvernementale. "Ceci ne nous surprend pas outre mesure, surtout si nous nous souvenons des déclarations des chefs syndicaux manifestant leur volonté de renverser le pouvoir ou encore incitant les travailleurs à violer les lois".

On trouve dans cette déclaration de principe, M. le Président, l'idéologie des associations patronales dans le secteur de la construction. Alors qu'un bon nombre des économies occidentales vacillent sous le poids de l'inflation, alors que le président des Etats-Unis s'arrache le peu de cheveux qui lui restent pour trouver des remèdes à l'inflation, alors que c'est le sujet des conversations quotidiennes dans tous les milieux, milieux d'affaires, milieux syndicaux, voilà que le front commun patronal nous accuse d'une vaste conspiration, prétend qu'on a quasiment inventé de toutes pièces le problème de l'indexation, nous assimile à des gens qui veulent renverser le pouvoir et est sur le point de mentionner que la FTQ-construction, au-delà de toutes les épi-thètes qu'on connaît à notre égard, serait infiltrée par des marxistes, des léninistes et des maoïstes.

C'est peut-être ce qui fait qu'on est ici devant vous, ce soir, c'est que ces gens ont systématiquement, depuis le début, refusé tout dialogue, afin de trouver une solution au grave problème de l'inflation dont les travailleurs sont les premières victimes.

Ce n'est pas d'aujourd'hui qu'on parle du problème de l'inflation au Québec et ce n'est pas seulement le secteur FTQ construction qui l'a abordé. Il ne serait peut-être pas mauvais de faire un bref historique de cette lutte de l'indexation.

Mentionnons d'abord la participation de la FTQ construction au colloque des trois centrales sur le problème de l'indexation des salaires au Québec, colloque qui eut lieu ici même dans la ville de Québec, à la fin du mois de mars. Par la suite, il y a eu une consultation des agents et des gérants d'affaires de tous les syndicats affiliés à la FTQ construction. Ceci a été suivi d'une consultation des membres, à l'occasion d'assemblées, dans la région métropolitaine. Par la suite, il y a eu rédaction d'une convocation et formulation de la demande syndicale. Ont

accompagné ces diverses consultations, d'autres consultations au niveau des centres éloignés. Le 30 mai dernier, il y avait une première rencontre avec les employeurs au Ramada Inn. Cela a été un échec, rencontre au cours de laquelle la FTQ Construction a présenté ses demandes dans le domaine de l'indexation des salaires. Début juin, première revendication des travailleurs sur certains gros chantiers, ralentissement, lock-out, 15,000 travailleurs sont.mis à pied. Par la suite, intensification des revendications, fermeture de certains gros chantiers, échec et tout cela — c'est un peu la chronologie des événements — de l'intervention du conciliateur du ministère du Travail, Yvon Dansereau, et création du front commun patronal qui s'est soldé par un refus de négocier des employeurs et la fermeture de certains chantiers. Par la suite, réouverture des chantiers et reprise du travail, le 26 juin. Devant le refus des associations patronales a négocier, il y a eu des conclusions d'ententes entre certains syndicats et certains employeurs pour l'obtention de compensations financières. Cette dernière pratique s'est intensifiée, au cours des mois d'août et de septembre. Et la situation est redevenue normale sur la plupart des gros chantiers.

Il y a eu par ailleurs des perturbations sur d'autres chantiers, à cause du mécontentement des travailleurs qui n'ont pas bénéficié de ces ententes d'indexation. Et la situation aété quelque peu chaotique. Fin novembre, débrayage des ferrailleurs. Ces derniers ont réclamé ce que d'autres travailleurs avaient déjà obtenu. Début décembre, à la suite de ce débrayage des ferrailleurs, discrète intervention du ministère et convocation par la FTQ d'une rencontre avec les employeurs. Le 16 décembre, nouvel échec, les patrons refusent de s'y rendre. Enfin, le 20 décembre, le ministère convoque les parties à une rencontre; les employeurs opposent un non catégorique à toute forme d'indexation. Le même jour, le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre, M. Cour-noyer, déposait le projet de loi no 201, qui était sanctionné le 24 décembre.

A l'égard de ce projet de loi, M. le Président, nos vues sont connues. Nous n'avons jamais souhaité une intervention gouvernementale. Nous aurions préféré pouvoir réglé le problème au niveau des parties. Il aurait toutefois fallu — et nous l'avons répété à satiété — que les associations patronales cessent de jouer au jeu de l'autruche et manifestent un grand réalisme à l'égard du problème de l'inflation et de l'indexation des salaires.

La FTQ l'a toujours dit publiquement, 70% de ses membres à travers le Québec ont obtenu, tout au cours de cette bataille autour du problème de l'inflation, cette bataille de l'indexation, des augmentations de salaire de $0.50 l'heure pour 1974, avec des engagements de $0.25 l'heure, à compter de janvier 1975 et des engagements de même type pour un montant identique, à compter de janvier 1976.

C'est donc, un peu et plus qu'un peu, la réalité dans laquelle nous sommes plongés.

Je vais maintenant vous lire et commenter, avec certains de mes collègues, le mémoire que nous avons fait distribuer ou qui va vous être distribué dans quelques instants. C'est fait.

La FTQ construction demande que les travailleurs de la construction n'aient pas à supporter seuls le fardeau d'une inflation dont ils ne sont pas responsables. Notre exigence est d'obtenir $0.50 d'indexation à partir de mai 1974, $0.25 en janvier 1975 et $0.25 en janvier 1976. Cette indexation doit couvrir tous les travailleurs de la construction au Québec.

Nous allons vous démontrer la justesse de notre revendication dans ce document. 1. Le salaire moyen: $5 l'heure. Nous utilisons comme base de calcul de l'évolution du salaire des travailleurs de la construction un salaire moyen de $5 en avril 1973. Ce salaire moyen est établi à partir des données sur les heures travaillées et la rémunération salariale totale pour l'année 1973, telles qu'établies par les études de la Commission de l'industrie et de la construction. La méthode du calcul du salaire moyen est présentée à l'annexe I.

Je ne pense pas que j'aie à vous lire cette annexe, vous pourrez la consulter. 2. L'indice des prix de Montréal. Nous avons établi nos calculs sur l'indice des prix à la consommation de Montréal. C'est l'indice de référence le plus fréquemment utilisé par les unités provinciales de négociation. Bien que l'indice de Montréal ait eu tendance à augmenter moins rapidement que celui de Québec depuis 1970, cet écart entre les principaux indices du Québec ne justifie pas la nécessité d'utiliser deux indices et ceci compte tenu de la forte concentration des travailleurs dans la région métropolitaine de Montréal. 3.Période de référence: avril 1973. Pour évaluer l'évolution du salaire réel, c'est-à-dire du pouvoir d'achat que les travailleurs obtiennent avec leur chèque de paie, il convient de déterminer une période de référence. Cette période de référence correspond au salaire et à l'indice des prix existants du mois précédant l'entrée en vigueur des nouvelles conditions salariales, c'est-à-dire avril 1973. C'est à partir de cette période de référence qu'on établit l'inflation survenue et à venir durant le décret et la dévaluation du salaire nominal, c'est-à-dire celui qui apparaît sur le chèque de paie. 4. Evolution du salaire moyen: $5 à $6.56. Le salaire moyen de la construction de $5 en avril 1973 augmentera successivement à $6.56 pour la dernière période du décret. Au graphique I, nous avons tracé l'évolution du salaire moyen selon les augmentations de $0.51 en mai 1973, en pourcentage, 10.2%; $0.50 en mai 1974, en pourcentage, 9.1%; $0.35 en mai 1975, en pourcentage, 5.8%, et $0.20 en octobre 1975, en pourcentage, 3.1%; soit une augmentation de $1.56 ou de 28.2% pour la durée du décret.

Vous avez le tableau, à la page suivante, qui décrit un peu ce que je viens de vous lire à la page 2 du document. 5.Contexte inflationniste de négociation et prévision d'inflation. Comme on le constate dans le tableau qui suit, le taux annuel d'augmentation de l'inflation dans les quatre premiers mois correspondants de 1972 se situait entre 4% et 5%. C'est donc dire que, dans le contexte inflationniste des négociations du présent décret, les prévisions d'inflation

de 5% semblaient réalistes pour les négociateurs syndicaux et c'est une amélioration des conditions de vie (salaire réel) de 5% qui fut recherchée par l'augmentation de 10% des salaires.

Vous avez la croissance du taux d'inflation par rapport aux douze mois précédents et selon l'indice de Montréal. Je ne vous lis pas ces chiffres, vous pouvez les consulter.

La prévision d'inflation que l'on peut faire maintenant pour le reste de la période que doit couvrir le présent décret est de 11.5%.

Cette prévision est établie à partir de la moyenne des taux annuels de croissance de l'inflation de mai 1974 à novembre 1974. Ces taux annuels d'inflation sont donnés dans le tableau ci-haut.

En projetante partir de décembre 1974 un taux d'inflation de 11.5%, ceci nous permettra de préciser jusqu'à la fin du décret l'évolution du salaire réel moyen de la construction. 6. Evolution du salaire réel, c'est-à-dire du pouvoir d'achat. Nous avons établi l'évolution du salaire réel de la construction, de façon précise, jusqu'en novembre 1974, et nous avons projeté au taux d'inflation de 11.5% l'évolution du salaire réel selon la méthode que nous venons de présenter.

On observe entre autres que la première augmentation de $0.51 fut entièrement rongée par l'inflation en avril 1974, alors que le salaire réel avait diminué à $4.98, d'où la demande immédiate de $0.50 d'indexation; à partir de juillet 1975 et pour le reste de la durée du décret, le salaire réel sera inférieur à $5.00, soit le salaire moyen antérieur au décret.

Ceci est établi dans le graphique qui suit, à la page suivante. Il y a une note qui indique la formule que nous avons utilisée pour établir le salaire réel. Le salaire réel, c'est la ligne qui n'est pas brisée, la dernière ligne. Elle est déclinante, comme on le voit, alors que le salaire actuel figure sur la ligne brisée, et on atteint le montant de $6.56.

Le tableau II constitue l'évolution de l'indice des prix de Montréal, du salaire nominal et du salaire réel des travailleurs de la construction selon l'hypothèse d'une inflation à 11.5%.

L'objectif salarial pour la durée du décret. Le contexte inflationniste durant les dernières négociations du décret, la volonté des parties d'améliorer le niveau de vie des travailleurs de la construction et la nécessité de conserver dans l'industrie des travailleurs compétents et qualifiés sont les principaux facteurs qui ont concouru à fixer un rythme de croissance d'amélioration du niveau de vie des travailleurs. Ce rythme est estimé à 5% par année, l'autre partie de l'augmentation salariale (5%) étant destinée à couvrir l'inflation.

Les travailleurs des régions à l'extérieur de Montréal qui ont connu des augmentations supérieures à 10% ne peuvent être traités différemment. C'est entre autres, depuis l'adoption du bill 290 en 1968 que l'objectif social de la parité salariale fut recherché par toutes les parties. La parité salariale qui sera atteinte à la fin du présent décret est une opération qui a consisté à redonner aux travailleurs de la province un pouvoir d'achat et un niveau de vie qu'ils avaient graduellement perdus au cours des années antérieures. Ce serait répéter une injustice sociale que de remettre en cause cet acquis. Le rattrapage visait à compenser une perte antérieure et accumulée et ne peut, en aucun cas, à ce moment-ci, être interprété ni utilisé comme une prévision pour protéger une perte future du pouvoir d'achat, sant: Vous êtes bien fins de nous avoir

Dans le graphique III, nous présentons l'objectif salarial de 5% par an pour le présent décret. C'est ainsi qu'il ressort que le salaire réel ou le pouvoir d'achat recherché était de $5.25 pour la première année du décret, de $5.51 pour la seconde, de $5.67 et de $5.75 pour la troisième année.

On remarque dans le graphique précédent, qu'à partir de septembre 1973, le salaire réel touché par les travailleurs est inférieur au salaire recherché pour l'amélioration du niveau de vie et ce, jusqu'à la fin du décret; qu'à la fin du décret, l'écart entre l'objectif salarial de $5.75 et le salaire réel de $4.70 sera de $1.05.

C'est avec cet objectif salarial et le salaire réel que touchent les travailleurs de la construction que nous pourrons déterminer l'indexation requise pour préserver l'amélioration du niveau de 5% par an.

L'indexation requise consiste à combler l'écart entre l'objectif salarial et le salaire réel. Pour déterminer le montant d'indexation requis pour conserver l'objectif salarial de 5%, il suffit de calculer la différence existant entre cet objectif salarial et le salaire réel (pouvoir d'achat) que reçoivent les travailleurs de la construction. En déterminant le salaire réel moyen et l'objectif salarial moyen, nous obtiendrons le montant d'indexation requis pour la période concernée.

A) Salaire réel moyen:

Mai 1973 à avril 1974: $5.20

Mai 1974 à décembre 1974: $5.19

Janvier 1975 à décembre 1975: $4.95

Janvier 1976 à avril 1976: $4.77

Pour chacune des périodes déterminées, ce sont donc respectivement et pour la pleine période, $0.05, $0.32, $0.68 et $0.98 qui sont requis pour préserver l'objectif salarial d'amélioration du niveau de vie de 5%. Voyons comment on peut répartir différemment durant le décret ces montants d'indexation requis. 9.Pondération de l'écart entre l'objectif salarial moyen et le salaire réel moyen pour la durée du décret.

La pondération des écarts nous permet de déterminer un montant uniforme d'indexation pour toute la durée du décret. Nous établissons cette première pondération pour pouvoir la comparer à celle de notre demande d'indexation. Cette comparaison nous permettra d'établir la justesse de notre revendication.

Calcul de la pondération des écarts: 1. $0.05 par 36 mois: $1.80 2. $0.32 par 24 mois: $7.68 3. $0.68 par 16 mois: $10.88 4.$0.98 par 4 mois: $3.92

Total: $24.28, divisé par 36 mois: $0.67 Ce sont donc $0.67 pour toute la durée du décret qui sont nécessaires pour maintenir l'amélioration du niveau de vie de 5% recherchée par les parties lors des dernières négociations. 10. Notre demande d'indexation est juste.

Nous demandions que les travailleurs de la construction, au Québec, obtiennent une indexation de $0.50 l'heure à partir de mai 1974, puis $0.25 en janvier 1975 et $0.25 en janvier 1976.

La pondération de cette demande s'établit ainsi:

Mai 1974, $0.50 par 24 mois: $12

Janvier 1975, $0.25 par 16 mois: $4

Janvier 1976, $0.25 par 4 mois: $1

Total: $17, divisé par 24 mois: $0.71

Nous croyons que notre demande d'indexation est donc tout à fait justifiée et que les $0.04 qui différencient notre demande sont une bien mince protection contre l'inflation débridée que nous connaissons depuis quelques temps. Il faut enfin noter que l'inflation des derniers mois nous oriente vers un taux de 14% de mai 1974 à mai 1975. Nos prévisions de 11.5% en ce sens sont conservatrices et nous ne serions pas surpris qu'elles s'avèrent être sous-estimées de 1% à 2% pour le reste du décret. Nous maintenons donc fermement et notre demande d'indexation de $1 l'heure répartie comme nous l'avons préconisé était juste et nécessaire.

Je ne vous lirai pas les tableaux 1 et 3, puisque, somme toute, vous pouvez les consulter. Nous estimons, M. le Président, qu'afin de rétablir un climat de paix sociale et de rétablir aussi des relations patronales-syndicales normales et saines, dans le milieu, il est indispensable que ceux qui auront à prendre une décision éventuellement — nous aurions souhaité, je vous le répète, qu'elle puisse se prendre au niveau des parties — alors, si éventuellement le lieutenant-gouverneur en conseil, sur les recommandations du ministre, doit prendre des décisions, nous pensons qu'on devra tenir compte de ces demandes que nous formulons, demandes qui ont été obtenues dans l'immense majorité des cas.

Nous devons ajouter qu'une autre condition au rétablissement normal des relations et d'un climat de paix dans le milieu est conditionné par un retrait du type de harcèlement que nous subissons. Je veux être un peu plus précis et vous parler des multiples poursuites qui découlent de certaines actions qui ont été posées au moment de la bataille de l'indexation. Plusieurs de nos syndiqués sont cités devant les tribunaux. Nous ne croyons pas que cet état de chose puisse être propice à un climat normal de bonnes relations entre les parties et au rétablissement de la paix dans le secteur de la construction.

En gros, c'est ce que nous avons à dire à ce moment-ci. Les travailleurs, quels qu'ils soient, s'ils se sentent lésés dans leurs droits et s'ils ont le sentiment profond qu'on rejette du revers de la main leurs revendications salariales et qu'on ne veut rien faire qui soit véritablement adéquat afin de contrer les méfaits de l'inflation, les travailleurs — je le disais il y a un instant — ne répondront peut-être plus aux mêmes automatismes que ceux qu'on connaissait dans le passé ou qu'on souhaite dans certains milieux. Ils ont le sentiment d'être spoliés dans leurs conditions salariales, d'être victimes d'une espèce de vol dans le fond. Ils ne portent pas d'accusations. Il ne s'agit pas de dire: C'est tel ou tel employeur, ou tel ou tel groupe qui est responsable, mais eux en subissent les conséquences. S'ils n'ont pas le sen- timent qu'on va tout mettre en oeuvre pour corriger cet état de choses, j'ai bien peur qu'on n'aura pas réglé grand-chose au Québec et qu'on aura des lendemains probablement plus chaotiques que ceux qu'on connaît depuis quelques semaines.

Ce n'est pas du chantage, ce ne sont pas des menaces; c'est un sentiment profond qui découle de consultations multiples que nous avons faites et des indications que nous avons reçues; le phénomène de l'inflation, ils le subissent. Ils ne sont pas les seuls à avoir bataillé. Ce n'est pas la première fois qu'au Québec il y a des batailles relativement à l'indexation. On a fait le bilan dans bien des centrales et chez nous on l'a fait. Ce bilan a été rendu public. Je pense que les travailleurs de la construction ne doivent pas être laissés pour compte.

Encore une fois, je rappelle à tous que nous soutenons que 70% des travailleurs de la FTQ construction ont déjà obtenu ces montants, et le fait de leur enlever serait interprété comme un geste de provocation.

Le Président (M. Séguin): Est-ce que vous avez terminé?

M. Daoust: Oui, monsieur.

Le Président (M. Séguin): Je vous remercie. Questions de la part des membres de la commission. M. le ministre?

M. Cournoyer: J'aurais peut-être une question. Vous avez entendu, M. Daoust, tantôt, la prétention de M. Dion voulant que de 1972 à 1974 la productivité à la construction d'un bungalow en particulier était passée de 237 heures à 351 heures. Est-ce qu'il serait possible, si nous consentions l'augmentation du coût de la vie, qu'on retourne à 237 heures?

M. Daoust: Vous citez M. Dion qui a signalé un cas fort précis, sans aucun doute...

M. Cournoyer: Très précis, très précis, j'en conviens.

M. Daoust: ...qu'il faudrait examiner à la loupe. Dieu sait qu'on aurait probablement...

M. Cournoyer: Je n'ai pas été dans le prix.

M. Daoust: ...beaucoup de commentaires à faire si on avait tous les documents devant nous.

M. Cournoyer: C'est-à-dire que je n'ai pas l'augmentation du prix, je n'ai pas touché au prix. J'ai juste pris l'exemple que M. Dion a donné où effectivement, semble-t-il, dans un cas précis d'un entrepreneur de la région de Sherbrooke, on est passé de 237 heures a 351 heures pour un bungalow. Il y a probablement un paquet de circonstances que M. Dion n'a pas eu à expliquer et que peut-être le représentant de l'Association des constructeurs d'habitations va expliquer. Parce qu'on va poser des questions tantôt sur les circonstances qui peuvent faire que ça prend plus de temps. Je ne veux pas du

tout blâmer le ministre de l'Industrie et du Commerce de prétendre qu'il y a eu une baisse de productivité. Je pense bien que vous et moi, M. Daoust, sommes obligés de convenir qu'il y a une baisse de productivité. On peut mettre la faute de la baisse de productivité, jusqu'à un certain point, sur les délégués de chantier.

Or, dans le cas qui m'occupait, il n'y a pas de délégué de chantier. Donc, on ne peut pas dire que ce sont les délégués de chantier qui ont réduit la productivité dans le cas de la construction d'habitations mais il y a eu baisse de productivité aussi. L'autre raison qui nous apparaît, c'est que les travailleurs de la construction, se sentant lésés, comme vous l'avez présenté tantôt, ont décidé que si, effectivement, ils devaient être les victimes d'une situation inflationniste comme celle qu'on observe, vous et moi, à ce moment-là ça coûterait plus cher de toute façon et ils resteraient plus longtemps sur le même job. C'est passé de 237 à 351 de 1972 à 1974. Est-ce que, si nous réglions le problème de cette compensation du coût de la vie, il serait possible, pour tous les gens concernés, d'espérer une augmentation de la productivité? Je ne veux pas vous faire répéter ce que vous avez déjà dit ailleurs mais il serait bon peut-être, pour le bénéfice de cette commission, que vous répétiez ce que vous avez dit ailleurs à ce sujet en particulier.

M. Daoust: Je ne veux pas entrer dans le détail de M. Dion, parce qu'encore une fois je n'ai pas les documents.

M. Cournoyer: De toute façon, c'est un après l'autre.

M. Daoust: Mais, de façon plus générale, nous avons déjà déclaré que, selon nous, il y a une espèce d'équation entre la productivité des travailleurs de la construction et la bataille de l'indexation. Des travailleurs qui se sentent lésés et qui ont le sentiment qu'ils n'obtiennent pas sur le plan salarial ce qu'ils estiment leur revenir de droit ne sont sûrement pas des travailleurs très heureux, ce sont des travailleurs mécontents. Je pense bien que de là à conclure que la productivité puisse en souffrir il n'y a qu'un pas. Je pense qu'on peut le franchir en toute honnêteté. Si le problème de l'indexation était résolu de façon fort satisfaisante, dans le sens des recommandations que nous vous avons soumises à l'occasion du mémoire que nous avons présenté, je crois que ce problème serait vite réglé. Moi, en tout cas, c'est mon sentiment qu'il y a sûrement une corrélation entre les phénomènes que nous connaissons dans la construction au Québec et tout le problème de l'indexation des salaires.

Maintenant, est-ce que c'est dans le pourcentage qui a été mentionné par le ministre de l'Industrie et du Commerce, 30%? Cela resterait à être démontré.

M. Cournoyer: D'après l'exemple que nous avons, en 1972 — là je m'adresse à tout le monde, il n'y avait pas de bill 9 en ce temps-là — la productivité était de 237. Elle est baissée, parce que le nom- bre d'heures observées en 1972 était de 237; en 1973, le nombre d'heures était de 266. A cette époque, je ne me souviens pas, si on parle de 1972 et de 1973, d'avoir entendu parler de l'indexation. Il y a eu quand même une baisse de productivité à cette époque. Mais la baisse de productivité a été plus forte en 1974 parce qu'on est passé de 266 à 351 heures. Ce que je vous demande, M. Daoust, j'imagine qu'on est obligé de le demander d'une façon générale.

Est-ce que le problème de l'indexation, actuellement, est une des causes de la baisse de productivité sur les chantiers de construction? Clairement, selon vous, parce que vous n'êtes pas sur les chantiers de construction.

M. Daoust: Je pense que oui.

M. Cournoyer: Je n'ai pas d'autre question à poser.

Le Président (M. Séguin): Le député de Maisonneuve.

M. Burns: Sur le même sujet, M. Daoust, est-ce que vous avez d'abord vérifié vous-même ce qui a semblé être une campagne de publicité concertée de la part du gouvernement relativement à cette baisse de la productivité? Quand je dis campagne concertée, c'est que j'ai été très étonné d'entendre même le ministre... Ça, c'est fort, pour un gars qui a déjà préparé un mémoire au nom de la Fédération de la construction, de venir se faire dire cela!

M. Cournoyer: Combien en avez-vous préparé au nom de la CSN?

M. Burns: Je n'ai jamais préparé de mémoires, pour aucune des parties qui sont ici.

M. Cournoyer: Aucune? M. Burns: Aucune.

M. Cournoyer: Vous les laissiez préparer par d'autres?

M. Burns: Non, j'ai déjà préparé des mémoires pour la FTQ et pour la CSN, mais pas dans le domaine de la construction.

M. Cournoyer: Dites-moi pas qu'on vous aurait exclu de ce domaine particulier des préoccupations syndicales?

M. Burns: Veux-tu qu'on jase? Est-ce que cela te tente ? Cela ne me fait rien. Alors, je reviens, M. le Président, à ce que je demandais à M. Daoust avant cette interruption du ministre. Cela le fatiguait quand je parlais de cette espèce de concertation gouvernementale. J'ai même entendu le ministre de la Justice, à l'occasion de l'examen du projet de loi qui reconduisait, pour une autre année, la loi concernant la Régie des loyers, affirmer encore une

fois que la productivité dans le domaine de la construction était descendue à 30%.

Quand c'est le ministre de la Justice qui est rendu, à l'occasion de la loi de la Régie des loyers, à dire cela, je me dis: II y a concertation, surtout que c'est parti depuis longtemps de la part du ministre de l'Industrie et du Commerce, en passant par le premier ministre qui a mis également le porte-voix là-dessus; le ministre du Travail s'en est servi à plusieurs reprises, lui aussi. Je me demande, M. Daoust, si votre centrale s'est posé la question réelle, à savoir si vous étiez en mesure de confirmer ou d'infirmer ces chiffres-là. Deuxièmement, si vous vous êtes penché là-dessus, est-ce que, dans les discussions que vous avez pu avoir avec le gouvernement, ce facteur-là a été un élément qui est entré en discussion avec les représentants du gouvernement?

M. Daoust: Nous n'avons pas les instruments voulus, ni les renseignements qui nous permettraient de conclure positivement ou négativement à l'égard des chiffres qui ont été mentionnés.

Vous avez parlé des négociations. Il n'y a pas eu de négociation, de cachette. Il n'y a pas eu de négociation, il n'y a pas eu de rencontre. On a lu les journaux comme tout le monde et on a entendu parler de diverses formules, mais il n'y a pas eu d'échange de vues sur ce problème-là avec le gouvernement.

Par ailleurs, pour revenir au problème de la productivité — je l'ai affirmé il y a un instant, mais je ne voudrais pas qu'on nous accable de tous les péchés d'Israël, par ailleurs — c'est un peu normal, quand on retrouve sur un même chantier des centaines de travailleurs appartenant à des métiers différents, qu'il y ait entre eux des échanges multiples sur tous les plans.

Quand un groupe de travailleurs s'aperçoit qu'il n'a pas eu le montant qu'un autre groupe de travailleurs a pu obtenir à la suite de la bataille sur l'indexation, cela crée des tensions et des perturbations. Tout cela est de nature, par voie de conséquence, à affecter la productivité d'un chantier. Ceux qui ne l'ont pas vont prendre les moyens qu'ils ont à leur disposition, les moyens de pression qu'on connaît tous, afin de l'obtenir.

Ceux qui l'ont de façon pas tout à fait identique à l'autre groupe — j'entends, pas de la même façon et peut-être pas dans la même dimension — vont, eux aussi, batailler pour améliorer leur sort. Les gens voient les mois venir et se disent: L'autre montant, à l'égard duquel il y a eu des engagements, est-ce qu'on l'aura? Ils entendent mille et une déclarations des associations patronales, ils ont vu l'échec des négociations aux 16 et 20 décembre, et tout cela a concouru abondamment au malaise que nous connaissons. Les travailleurs ont, eux aussi, des intuitions, ils sentent des mouvements qui se préparent et des attitudes qui se dessinent. Ils ont des moyens de défense qui sont les leurs. Ils n'ont pas besoin de mot d'ordre, ils n'ont pas besoin qu'on leur fasse des dessins. Ils sont assez imaginatifs pour avoir recours à des moyens de pression qui sont fort connus dans tous les milieux de travail.

Cela n'est pas exclusif aux travailleurs de la construction. C'est pareil dans les bureaux, c'est pareil dans les usines.

Dieu sait que depuis cette bataille qui a débuté au printemps, dans tous les milieux de travail, en Amérique du Nord — il n'y a pas seulement le Québec — les autres provinces, le Québec, on a connu le même type de phénomènes. C'est pour cela que je vous disais qu'il y a corrélation entre un règlement sur le problème de l'indexation des salaires, afin de contrer les effets de l'inflation et la productivité d'une masse de travailleurs. Mais est-ce que cette baisse de productivité a atteint tel ou tel pourcentage? Il n'y a pas eu d'étude réelle faite chez nous et cela nous prendrait des instruments et des méthodes de contrôle que nous n'avons pas.

M. Burns: Maintenant, M. Daoust, vous avez mentionné que déjà environ 70%, je pense, des travailleurs de la FTQ construction bénéficiaient, à toutes fins pratiques, de cette demande d'indexation de $0.50 au mois de mai 1974etque promesse leuraété faite — peut-être que c'est déjà fait — pour janvier 1975 et janvier 1976. Est-ce que je vous ai bien compris là-dessus, que déjà 70% des travailleurs affiliés à la FTQ construction ont déjà, comme assurance, ce montant?

M. Daoust: Oui, vous m'avez bien compris. Vous allez peut-être me demander de quelle façon on a établi ce chiffre. Il faut vous dire que nous avons procédé à des sondages à l'intérieur de chacun des 37 syndicats locaux qui, à leur tour, sont regroupés dans 23 grands syndicats à l'intérieur de la FTQ construction, sondage, étude et analyse qui ont été faits sur l'ensemble du territoire québécois. Les données que nous avons nous permettent de conclure que l'objectif était évidemment de 100%, mais qu'il a été atteint par 70% des travailleurs. Dans des cas, le montant est donné et il est complètement intégré au salaire, c'est-à-dire que les salariés reçoivent la rémunération en surtemps, sur ce montant de $0.50 qui s'ajoute au salaire. Dans d'autres cas, des formules différentes ont été arrêtées entre les parties. Mais de façon globale, c'est 70% des travailleurs...

M. Burns: Ce qui veut dire à peu près...

M. Daoust: ... qui sont à l'emploi de multiples entrepreneurs qu'on retrouve à l'intérieur des six associations patronales.

M. Burns: Ce qui veut dire à peu près combien de travailleurs, M. Daoust?

M. Daoust: Environ 50,000. C'est ce qui nous a permis, à certains moments, de contester la représentativité des associations patronales qui, ici, viennent nous dire non à l'indexation, qui opposent une fin de non-recevoir systématique aux demandes que nous formulons depuis déjà des mois, mais qui représentent des employeurs ou des entrepreneurs qui, eux, le consentent et ont consenti les $0.25, depuis le début de l'année.

M. Cournoyer: Septembre? M. Daoust: Oui.

M. Cournoyer: Avant qu'il commence à mouiller!

M. Burns: A part ce groupe-là... Le ministre veut-il intervenir?

M. Cournoyer: Non. M. Burns: Non?

M. Cournoyer: C'est parce que c'est dans la même ligne, M. le Président.

M. Burns: Bon. D'accord.

M. Cournoyer: C'est dans la même ligne.

M. Burns: Bon.

M. Cournoyer: Je vous laisse aller, M. Burns, M. le député de Maisonneuve.

M. Burns: Oui? Bon, tant mieux, merci. M. Cournoyer: Vous allez bien.

M. Burns: Dans le domaine de la construction, que vous représentez, M. Daoust, la FTQ construction, et, en particulier, dans les 70% des travailleurs que vous représentez et qui les ont déjà, est-ce qu'il y a des secteurs particuliers qui ne sont pas touchés ou des secteurs qui sont plus touchés que d'autres? C'est-à-dire est-ce qu'il y a des secteurs qui les ont de façon quasi uniforme ou qui ne les ont pas du tout? C'est ça que je veux dire. Par exemple, est-ce que, dans le domaine résidentiel, cela existe autant que dans le domaine industriel, ou dans le domaine des gros chantiers, ou dans le domaine des routes? C'est ça que je veux dire. Est-ce qu'il y a des secteurs particuliers de la construction que vous représentez, ou des employés de la construction que vous représentez, qui, de façon beaucoup plus claire, se sont vu accorder ce que vous demandez dans le fond, ces $0.50, $0.25, $0.25?

M. Daoust: On peut dire, de façon un peu globale, que les gros chantiers, cela n'a pas créé de difficulté et que, dans le secteur domiciliaire, il y a eu plus de difficultés.

M. Burns: Alors, s'il y a un endroit actuellement. M. Daoust: C'est peut-être là...

M. Burns:... des travailleurs que vous représentez, qui ne les ont pas, c'est peut-être là principalement...

M. Daoust: C'est peut-être là qu'on le retrouverait.

M. Burns: Maintenant, dans votre mémoire, à la

C'est un peu pour cela que je vous parlais de cette situation qui risque de devenir extrêmement troublée si le législateur n'en tient pas compte. S'il fallait qu'il soit obligé de décider lui-même et Dieu sait que toutes les tentatives que nous avons faites ont avorté et cela semble probablement inéluctable que le lieutenant-gouverneur en conseil, sur recommandation du ministre, soit obligé de trancher le différend.

M. Burns: Est-ce que je fais erreur, M. Daoust, en pensant que, entre autres, le problème, qui surgit actuellement et qui remonte quand même à la fin novembre 1974 sur le site des Jeux olympiques à Montréal, est en grande partie dû au fait que les gens qui ont débrayé ne sont pas dans les 70%...

M. Daoust: Exactement.

M. Burns: ... que vous avez mentionnés?

M. Daoust: C'est exactement pour ça. Les ferrailleurs n'ont pas eu les $0.50 et, encore une fois, je n'ai pas à vous faire un exposé très long...

M. Burns: Non.

M. Daoust:... les autres l'ont. Ils leur montrent leur chèque de paie. Ils leur disent: Bien, vous...

M. Burns: Les autres... M. Daoust: ... ne valez pas les $0.50. M. Burns: Sur le même chantier? M. Daoust: Sur le même chantier. M. Burns: Sur le même chantier.

M. Daoust: Nous, on les a. Alors, les travailleurs se sont fait faire ça, si vous voulez, pendant des semaines de temps et, une journée, cela a éclaté.

M. Burns: Alors, si on pense au site des Jeux olympiques en particulier, à Montréal, est-ce que les $0.50 en question auprès de ceux qui les ont déjà sont accordés depuis le mois de mai 1974 aussi?

M. Daoust: Cela peut varier dans certains cas. Il faudrait voir chacun des syndicats, chacun des métiers. Cela peut être au mois de juillet, cela peut être au mois d'août, cela peut être au mois de septembre. Cela peut varier.

Une Voix: Septembre.

M. Daoust: On me dit que c'est septembre dans ce cas-là.

M. Burns: Septembre.

M. Cournoyer: Revérifiez donc pour voir si ce n'est pas plus tard que ça.

M. Daoust: Septembre qu'on m'a dit.

page 5, je lis ceci: "La parité salariale... En tout cas, vous dites que les travailleurs des régions à l'extérieur de Montréal, qui ont connu des augmentations supérieures à 10%, ne peuvent être traités différemment. Et vous continuez un peu plus loin: "La parité salariale, qui sera atteinte à la fin du présent décret, c'est une opération qui a consisté à redonner aux travailleurs de la province un pouvoir d'achat et un niveau de vie qu'ils avaient graduellement perdus au cours des années antérieures. Ce serait répéter une injustice sociale que de remettre en cause cet acquis."

Je m'attache à cette dernière phrase. Est-ce que cette dernière phrase a été motivée ou est-ce qu'elle a été incitée dans votre mémoire parce que vous avez des indications que ce que s'apprête à faire le gouvernement est de, à toutes fins pratiques, changer cette parité qui a été acquise de dure lutte?

Je pense que là-dessus vos chiffres confirment les chiffres qui apparaissent en annexe de la Fédération de la construction du Québec qui a témoigné avant vous, où on s'aperçoit qu'à part, peut-être, deux régions, mais surtout, principalement, une région, en général, on a, dans les métiers principaux, peintres, ceux qui sont cités, en tout cas, dans... Je pense qu'on cite: Peintres, briqueteurs, manoeuvres, les points de repère dans l'échelle salariale. On a à peu près atteint la parité salariale, sauf peut-être au Nord-Ouest québécois et, dans certains cas, dans le Bas-Saint-Laurent.

Cette phrase, à laquelle je me suis accroché, veut-elle dire que vous avez des indications suivant lesquelles vous craignez sérieusement que cette parité, qui était acquise de dure lutte, soit brisée par des gestes à venir?

M. Daoust: II n'y a pas d'indication très précise, mais il y a des tentations auxquelles les gens pourraient peut-être succomber. On a voulu indiquer qu'il serait périlleux et dangereux de ne pas tenir compte de ces acquis qui découlent de la dernière négociation, et de ne pas faire disparaître cette justice sociale qui s'établit sur le plan de la parité des salaires.

Parmi ces principes, cela en est un. Il y en a un autre qu'on a mentionné, on ne l'a peut-être pas souligné dans le mémoire, c'est la date d'échéance du décret, ainsi que, le problème de certains articles, entre autres, celui qui a trait aux délégués de chantier. Notre position est la suivante: On estime que le décret doit demeurer inchangé dans chacun de ses articles, sauf en ce qui a trait aux problèmes de l'indexation des salaires et aux revendications salariales que nous vous soumettons, et que si, d'aventure, on se risquait à vouloir chambarder le décret, cela pourrait être extrêmement dangereux. Ce n'est pas le moment et ce n'est pas le temps. Cela doit découler des changements au décret d'une véritable négociation entre les parties et non pas d'un arbitrage puisque, somme toute, c'est une formule d'arbitrage qu'on retrouve dans la loi. Que les parties, en temps et lieu, s'assoient et abordent tous les problèmes, celui de la parité, de l'échéance. Evidemment, le décret se termine le 30 avril, il faudra bien en renégocier un autre, et le problème de la productivité relié aux délégués de chantier comme certains le font, cela ne peut faire l'objet que d'une véritable négociation dans le vrai sens du mot, où chacun reprend la force qui est la sienne et où il y a un véritable rapport de force qui s'établit entre les parties, duquel naît éventuellement une entente qui devient un décret par la suite.

Nous, on dit: Ce n'est pas le temps. Il ne faut pas jouer avec les articles du décret, sinon, on va provoquer des difficultés insurmontables, à mon sens, et qui vont être loin de résoudre quelque problème que ce soit.

A l'égard de la représentativité, puisque j'en ai parlé, il faudrait peut-être mentionner qu'elle se fait de la façon suivante: Pour chaque entrepreneur, il y a un vote au sein des associations auxquelles il adhère, de telle sorte que l'importance d'un entrepreneur, sur le plan du personnel qu'il emploie, sur le plan des contrats qu'il détient, peut être dix fois plus élevée que celle d'un autre entrepreneur. Par ailleurs, le vote qu'il aura au moment des décisions aura exactement le même poids. C'est peut-être pour cela qu'on voit des contradictions entre la réalité que nous vivons par les 70%, et l'attitude des associations patronales à cette table. Cela, je pense bien qu'un de ces jours — je ne dis pas que c'est le temps de le faire — il faudra trouver une solution à ce problème. Cela peut expliquer pourquoi les entrepreneurs ou du moins les associations patronales se mettent la tête dans le sable aujourd'hui et refusent de reconnaître une réalité qui est pourtant tellement évidente.

M. Burns: Une dernière question, M. Daoust. J'ai comparé votre point de vue, relativement aux augmentations de salaire, avec ce que m'a donné comme réponse M. Dion, qui a comparu avant vous. Il me semble que, là-dessus, vous vous entendez sur une chose, c'est-à-dire que, dans toute augmentation de salaire qui était prévue dans le décret, il y avait une partie qui devait être une espèce de prévision avant le coup de l'augmentation du coût de la vie et une autre partie qui était tout simplement une augmentation, une amélioration, si vous voulez, du niveau de vie du travailleur concerné.

Dans votre document, à la page 3, vous parlez de 5%, 5%, si je le comprends bien. Je peux vous citer le texte: "Des prévisions d'inflation de 5% semblaient réalistes pour les négociateurs syndicaux et c'est une amélioration des conditions de vie (salai re réel) de 5% qui fut recherchée par l'augmentation de 10% des salaires" .

Est-ce qu'à votre connaissance — j'ignore si vous avez participé aux négociations, la dernière fois — cet aspect a été discuté de facto à la table de négociations pour la partie, en tout cas, où il y a eu des discussions entre les parties, avant qu'un règlement vous soit imposé de l'extérieur?

M. Daoust: Non, vous savez que je n'ai pas participé aux dernières négociations, mais il me semble logique qu'on conclue que c'étaient là les prévisions ou les anticipations d'augmentation de l'indice des prix à la consommation. C'est ce qu'on établit dans le document, en se basant sur l'année

précédente, où on avait un taux d'inflation d'à peu près 5%. De là à conclure qu'on avait prévu cela pour la durée du contrat, c'est tout à fait normal et c'est la thèse de fond que nous soutenons à ce moment-ci pour justifier l'augmentation de $1 l'heure.

M. Burns: D'accord.

Le Président (M. Séguin): Le député de Beauce-Sud.

M. Roy: M. le Président, j'aimerais revenir sur les 70% qui auraient déjà obtenu l'augmentation. Ces 70% les retrouvez-vous surtout sur l'île de Montréal ou si vous les retrouvez proportionnellement dans les autres régions de la province?

M. Daoust: C'est sur l'ensemble des gros chantiers qu'on retrouve au Québec.

M. Roy: Comme les gros chantiers sont particulièrement à Montréal...

M. Daoust: II y en a sur la Côte-Nord, il y en a dans pas mal de régions du Québec.

M. Roy: Dans les 70%, est-ce que vous avez la même proportion de personnes qui ont obtenu l'augmentation... Par exemple, prenons la question des journaliers, la question des menuisiers par rapport aux métiers mécaniques, par exemple, comme les plombiers, les électriciens et autres. Est-ce que la proportion est sensiblement la même ou si le pourcentage de ceux qui ont obtenu cette augmentation est plus élevé chez les plombiers, entre autres, ou encore chez les électriciens?

M. Daoust: Sur les gros chantiers, la proportion est identique. Ils l'ont tous obtenue.

M. Roy: Et sur les petits chantiers?

M. Daoust: Là, j'ai l'impression que cela peut varier, peut-être, selon les métiers.

M. Roy: Vous n'avez pas de données statistiques précises là-dessus?

M. Daoust: Pas à ce moment-ci.

M. Cournoyer: II n'y a pas de distinction entre ces employés, si je me souviens bien de la façon dont ils se conduisent habituellement. Si c'est un entrepreneur électricien qui a de petits chantiers, mais qui a convenu de payer ce que vous dites qu'il a convenu de payer, il ne changera pas de politique s'il est sur un petit ou s'il est sur un gros chantier. L'entrepreneur n'est pas identifié à un petit ou à un gros chantier. Dans mes livres à moi, d'après ma réminiscence de l'industrie de la construction, c'est un entrepreneur. Il peut en prendre un petit et il peut en prendre un gros.

M. Daoust: Oui. On me souligne qu'en fait c'est au niveau de l'entrepreneur. Un entrepreneur qui le consent, il le donne partout.

M. Roy: II y a des entrepreneurs, mais il y a aussi des sous-entrepreneurs...

M. Cournoyer: Oui.

M. Roy: ...sur des mêmes chantiers. Vous trouvez les deux catégories.

M. Cournoyer: On parle particulièrement des sous-entrepreneurs parce que les entrepreneurs généraux... En fait, disons que ce que vous voudriez savoir, M. le député de Beauce... Est ou Ouest?

M. Roy: Sud. Ce n'est ni Est ni Ouest, c'est Sud.

M. Cournoyer: En fait, vous aimeriez savoir de quelle catégorie d'entrepreneurs il s'agit. Je pense bien, par des conversations que j'ai entendues à la radio à midi, où certaines personnes qui sont ici étaient présentes, qu'il y a ce qu'on appelle des sous-entrepreneurs et des entrepreneurs généraux.

Mais le genre de personnes qui font habituellement affaires dans l'industrie de la construction et qui règlent ce genre de problèmes comme entrepreneurs, ce ne sont pas des sous-entrepreneurs; ils sont des entrepreneurs, mais pas nécessairement des entrepreneurs généraux, mais des personnes qui ont des sous-contrats quelque part. Je me réfère, par exemple, à la possibilité que des entreprises de maîtres électriciens, qui habituellement sont des sous-entrepreneurs, n'ont jamais de contrats généraux. Est-ce qu'il y a des maîtres électriciens — sans les nommer parce qu'apparemment c'est une infraction — qui ont convenu de payer la même chose pour les maîtres mécaniciens en tuyauterie, la même chose pour les entrepreneurs en peinture, qui sont habituellement des sous-entrepreneurs aussi, mais à la face même, nous avons des entrepreneurs... Ils ne sont sous-entrepreneurs que vis-à-vis de l'entrepreneur général. Ils ne sont pas sous-entrepreneurs vis-à-vis de nous et ces entreprises. Ils sont tous pareils. Les six associations patronales qui sont ici représentent des entrepreneurs qui ont des relations entre eux, qui font qu'ils sont sous-entrepreneurs les uns vis-à-vis des autres.

M. Roy: Je comprends, mais ce que je veux savoir surtout, c'est dans un gros chantier de construction où il y a un entrepreneur général et des sous-entrepreneurs, y a-t-il des catégories de sous-entrepreneurs qui dans les mêmes chantiers de construction, avaient accordé l'augmentation et d'autres catégories ne l'avaient pas accordée? C'est surtout pour préciser davantage la question.

Vous avez cité le cas des ferrailleurs, tout à l'heure, cela en est un.

M. Daoust: Cela en est un.

M. Roy: Est-ce qu'il y en a d'autres à votre connaissance?

M. Daoust: II peut y en avoir d'autres, oui.

M. Roy: Mais vous ne pouvez pas, à ce moment-ci, nous donner des indications précises là-dessus?

M. Daoust: Non.

M. Roy: J'aurais une deuxième question, M. le Président. Je voudrais demander aux représentants de la FTQ construction, puisqu'on parle beaucoup d'indexation — c'est une formule qui est très à la mode à l'heure actuelle, d'ailleurs on en a eu certaines expériences assez récentes en ce qui nous concerne — si au niveau de la FTQ, vous considérez l'indexation comme étant une formule que vous voulez permanente ou si vous considérez la formule d'indexation comme une formule à court terme? Est-ce que vous avez d'autres suggestions? Est-ce qu'il s'est fait d'autres études à la FTQ pour venir à sortir les ouvriers — les travailleurs du Québec particulièrement, parce qu'en somme ce sont les travailleurs qui nous concernent à l'heure actuelle — de l'impasse et les sortir du "tournage en rond" dont ils sont les victimes jusqu'à maintenant? Si je vous pose cette question, c'est parce qu'on finit toujours par retrouver l'indexation dans les prix et, lorsque le tour de l'indexation est terminé, on se retrouve exactement au point de départ. Tout le monde paie des prix plus élevés. Je pense que tout le monde est d'accord là-dessus. Est-ce qu'au niveau de la FTQ, au niveau de votre centrale, vous avez poussé des études plus loin de façon à venir à présenter ou à demander d'autres mécanismes, d'autres formules, d'autres solutions de façon que les augmentations de salaire de l'ouvrier — il ne les retrouve pas toujours par le fait dans son augmentation, l'augmentation du coût de la vie à laquelle il a à faire face — puissent contribuer à lui donner une amélioration du niveau de vie réelle.

M. Daoust: Dans une période inflationniste, il n'est que normal qu'une centrale syndicale recommande à ses travailleurs d'obtenir, au moment des réouvertures de conventions collectives de travail ou pendant la durée des conventions collectives de travail, des formules qui vont permettre à ceux qui sont touchés par l'inflation de pouvoir passer à travers cette période. Depuis plusieurs mois déjà, depuis le début de 1974, les batailles autour de l'indexation ont été à la mode à l'intérieur du mouvement syndical nord-américain. Ce n'est pas nouveau. Remarquez, certains syndicats ont des formules d'indexation depuis des années et des années qu'ils ont développées avec le temps, au cours de négociations avec les employeurs. C'est entendu qu'au moment des réouvertures des négociations de conventions collectives, les syndicats ont tenté d'obtenir des formules très précises qui vont permettre à ces derniers de pouvoirs passer à travers une période ou une phase inflationniste.

Il y a donc une politique générale qui s'est développée chez nous dans le sens que vous avez mentionné, une formule ou des formules d'indexation dont le principe est essentiellement le même, mais qui est liée au salaire moyen d'un groupe de travailleurs donné et qui peut varier d'un secteur à l'autre.

M. Roy: Cela veut dire qu'à ce moment-ci vous vous êtes limités surtout au problème majeur qui confronte les travailleurs comme tels ayant à faire face à une inflation qu'on pourrait qualifier, sans se tromper, de pyramidale, vous avez axé votre travail au niveau de la négociation pour tâcher de trouver une formule d'indexation pour parer à l'insuffisance ou à la dépréciation du pouvoir d'achat, sans aller plus loin dans l'étude du système ou du régime économique de façon à venir à présenter ou à exiger d'autres solutions que celle que nous étudions à l'heure actuelle. Si je vous pose cette question, c'est que j'en ai une autre précise à vous poser après.

M. Daoust: C'est-à-dire qu'on s'est livré à des études des causes profondes de l'inflation, on a poussé des analyses dans le domaine, on a publié un tas de document, on a formulé des suggestions, mais aux tables de négociations, ce n'est pas l'endroit où on peut négocier un changement de système économique. On va gruger ici et là quelque peu, mais ce sont des solutions peut-être un peu plus globales auxquelles il faudra penser et auxquelles on pense afin de trouver une solution un peu plus permanente au problème de l'inflation.

M. Roy: Si je vous pose toutes ces questions, c'est que je m'interroge, surtout quand nous avons entendu M. Dion parler de la part des employeurs qui ont énormément de réticences, voire d'objections, quand on voit tous les efforts que les centrales syndicales ont faits, de façon à mener une dure lutte pour tâcher d'en venir à trouver une formule d'indexation qui est susceptible de respecter et de garantir la sécurité du revenu du travailleur, et quand je regarde le résultat que vous avez obtenu... Ce n'est pas un reproche que je vous fais, c'est une constatation. Je prends, par exemple, le cas d'un menuisier célibataire qui a obtenu ce printemps son augmentation de $0.50 l'heure, 40 heures par semaine, $20, et que je regarde de quelle façon la répartition de ces $20 a été faite, le montant qui lui est revenu, à toutes fins pratiques, c'est là que je m'interroge.

J'ai ici des chiffres, je remercie ceux qui m'ont fourni une feuille, pour me donner des indications. Je vois que l'impôt fédéral a pris $4.35 sur les $20 — c'est bon que ce soit noté — l'impôt provincial, $4; la Régie des rentes du Québec, $0.40; la Régie de l'assurance-maladie, $0.15; le fonds de retraite, $8; la Commission de l'industrie de la construction, $0.11. Cela fait $17.01; je n'ai pas inclus l'augmentation de ce qui est alloué automatiquement par le fonds de vacances, parce que les surplus que la personne pourra avoir. Mais sur $20 obtenus avec énormément de difficultés, le travailleur menuisier célibataire retire $2.99 par semaine de plus et je n'ai pas compté l'augmentation de contribution à l'union qui est un service qu'il doit payer normalement.

Je m'interroge à l'heure actuelle, sérieusement. Si je prends le cas d'un manoeuvre marié, la situation est encore pire. Pour avoir obtenu $20, il y a

l'impôt fédéral, $4.85; l'impôt provincial, $4.10; la Régie des rentes du Québec, $0.39; la Régie de l'assurance-maladie, $0.20; le fonds de retraite, $8, la Commission de l'industrie de la construction, $0.09; cela fait $17.63; il lui reste $2.37 par semaine. J'ai vu des travailleurs de Montréal comme d'autres régions du Québec qui, à cause de cette période inflationniste, ont été obligés d'assumer une augmentation de loyer de $15 ou $20 par mois. Cela veut dire que l'augmentation nette de ce qu'ils ont réussi à obtenir au niveau de l'industrie de la construction — parce que ce sont des travailleurs de la construction — le montant net qu'ils ont reçu par semaine ne leur permet même pas de payer l'augmentation du loyer seul. Le gouvernement provincial est plus bénéficiaire en ce qui le concerne de l'augmentation et de la bataille que les centrales syndicales auront livrée pour les ouvriers, puisque le gouvernement provincial retire $4.10 alors que l'ouvrier en retire $2.37. Ne croyez-vous pas que ce serait le temps — je vous pose une question — si on veut travailler dans l'intérêt des travailleurs du Québec, d'exiger qu'il y ait des modifications au niveau de l'impôt pour qu'il en reste peut-être un peu plus aux travailleurs?

Quand on rencontre des travailleurs qui nous mettent ces chiffres-là devant nous, qui nous placent devant cette réalité à laquelle ils doivent faire face, ils nous disent tout simplement: On se bat pour changer quatre trente sous pour $1. Encore faut-il qu'ils fassent les calculs assez serrés.

Le fonds de retraite, je ne le discute pas, mais tout le monde admettra que le fonds de retraite, les dollars qu'ils donnent aujourd'hui seront des $0.15 et des $0.20 qu'ils retireront dans 20 ans. parce qu'ils vont être dépréciés par l'inflation à 8%, 9%, 10% et 11% par année.

C'est là que je me pose plusieurs questions et je me demande si cela ne serait pas le temps qu'on commence à examiner pour trouver d'autres formules que celles-là, de façon que le travailleur, après avoir lutté, dépensé beaucoup d'efforts, d'énergie, s'être imposé énormément de sacrifices et avoir exigé beaucoup des leaders syndicaux — je comprends la situation dans laquelle peuvent se trouver les leaders syndicaux quand on voit des résultats comme on voit, après avoir fait, de façon objective, l'analyse des résultats réels — je commence à me poser des questions sérieuses. Je me demande si ce ne serait pas le temps qu'on commence à faire un examen de conscience de part et d'autre.

J'ai l'impression réelle qu'une autre augmentation — je ne suis pas contre une autre augmentation, au contraire — fera encore en sorte que le travailleur ne se retrouvera pas plus avancé, nous aurons gagné quoi? Est-ce que nous travaillons actuellement dans l'intérêt des travailleurs? Ou si on travaille tout simplement à provoquer une inflation pyramidale, alors que tout le monde est victime? S'il y a des victimes, il y a certainement des bénéficiaires quelque part.

M. Daoust: Votre intervention peut nous faire comprendre, pourquoi, dans une certaine mesure, il y a une certaine poussée de militantisme chez les travailleurs pour obtenir des formules et des montants qui leur permettront de pouvoir se réchapper un peu mieux. Vous avez soulevé tout le problème de l'indexation des impôts ou de l'impôt provincial. Nos vues sont connues là-dessus et on souhaiterait bien qu'un de ces jours il puisse être réglé, ce problème.

Il n'en demeure pas moins qu'indépendamment de toutes les déductions qui sont faites, il y a cette perte du pouvoir d'achat qu'il faut combler. A ce moment-ci, on n'a pas d'autre formule — à ce moment-ci, j'entends bien — à suggérer dans l'immédiat, pour résoudre le problème, que ces formules que nous vous avons présentées.

M. Roy: Ne croyez-vous pas qu'il serait quand même temps qu'on travaille pour aller un peu plus loin, de façon que la nouvelle augmentation qui sera accordée aux travailleurs ne subisse pas le même sort que celle qui a été obtenue pour un certain nombre d'entre eux? En réalité, je me suis fait dire...

M. Daoust: Pour indexer l'impôt provincial, cela ferait cela de pris.

M. Roy: Indexer et relever les exemptions de base.

M. Daoust: Complètement d'accord.

M. Roy: II y aurait certainement des formules, une formule mitigée, soit relever les exemptions de base en partie et indexer la différence, mais de façon que l'augmentation qui est négociée péniblement par les travailleurs puisse bénéficier aux travailleurs. A ce jour, ils n'ont rien de l'augmentation.

Je me suis fait dire par les travailleurs de la construction dans différentes régions du Québec: Cela ne nous a rien donné. Il nous reste deux ou trois dollars par semaine de plus et quand on regarde les chiffres, c'est exactement ce que cela donne.

M. Daoust: D'accord. Il y a un problème que j'aurais souhaité soulever. C'est un peu lié au problème de la productivité. On en a parlé quelque peu. Il y a des déclarations qui ont été faites au niveau ministériel et moi, je vous ai dit qu'on n'avait pas les instruments de contrôle, les moyens voulus pour établir des données précises là-dessus. Je pense bien que, dans les chiffres qui ont été donnés, il n'y a pas eu de preuves tellement réelles. Cela a été lancé comme cela, à un moment donné, 30%. Je crois bien qu'il faudrait aller au fond du problème et établir de façon beaucoup plus précise les moyens qu'on a pu employer pour en arriver à de telles données.

Il y a un exemple que je voudrais mentionner, c'est celui du mont Wright, où on n'a aucune donnée sur la productivité, puisque, somme toute, l'accès au chantier est complètement bloqué au syndicat. La compagnie refuse systématiquement que nous puissions avoir accès à son chantier pour vérifier si les conditions du décret sont véritablement appliquées. Cela aussi, dans le climat québécois de

la construction, est un problème qui devrait provoquer une intervention du ministre, afin que les syndiqués reprennent leurs droits, que les syndicats puissent avoir accès aux chantiers et puissent être en mesure de vérifier si toutes les conditions prévues au décret sont intégralement suivies par les employeurs.

Le Président (M. Séguin): Merci, M. Daoust. Le député de Bourget.

M. Boudreault: M. le Président, j'aimerais poser une question à M. Daoust. J'ai pris connaissance du mémoire de la Fédération de la construction du Québec et je remarque que toutes les associations d'entrepreneurs s'opposent à l'indexation ou à l'augmentation. M. Daoust, vous nous affirmez que 70% des employeurs ont accepté l'augmentation. J'aimerais savoir, afin d'informer aussi cette commission, quels sont les moyens que vous avez utilisés pour faire signer les entrepreneurs et leur faire accepter l'augmentation? Ils n'ont certainement pas accepté cela avec le sourire.

M. Daoust: II y a eu rencontre, il y a eu négociation, il y a eu échange de vues, il y a eu exposé de la situation, il y a des documents qui ont été soumis et il y a eu entente dans de multiples cas.

On aura beau dire, beau faire, et prétendre que les employeurs ont été pris sous le bras, c'est le genre d'accusations qu'on nous lance à tout vent, depuis un bon bout de temps au Québec, à l'égard de ce qui se passe dans la construction. S'il y a des employeurs qui n'ont pas le courage de dire carrément qu'ils ont consenti une augmentation et qui se réfugient en arrière de toutes sortes de rumeurs, ce n'est pas notre faute. Mais, moi, je peux vous assurer que les moyens auxquels les travailleurs ont eu recours, ce sont des moyens tout à fait normaux qu'on retrouve dans tous les milieux de travail.

Vous savez, quand un employeur vole ses travailleurs, ne respecte pas les conditions de sécurité sur les chantiers ou, comme la compagnie au mont Wright, empêche les syndicats de vérifier si oui ou non le décret est suivi, c'est prendre les travailleurs sous le bras. C'est prendre les travailleurs sous le bras du Québec, quand on leur refuse une formule d'indexation, c'est les voler — je pense que le mot, il faut l'employer — alors cela aussi c'est prendre les travailleurs sous le bras. Quand on vole quelqu'un et qu'on l'empêche d'obtenir des augmentations qui lui permettraient de maintenir son pouvoir d'achat, ce sont des gestes criminels. Mais ces gens, on ne les traduit pas devant les tribunaux, ces gens, on leur donne des doctorats honoris causa. C'est un peu cela le phénomène dans notre société. Quand un groupe de travailleurs se débat — que ce soit dans le secteur de la construction ou ailleurs — pour obtenir justice, il y a un tas de gens qui parlent de violence, de méthodes subversives et qui font des déclarations démagogiques comme celles que l'on retrouve dans le premier mémoire qui a été lu par M. Dion: renverser le gouvernement, et inventer de toutes pièces le problème de l'inflation. En fin de compte, cela n'existe pas, sauf pour l'ensemble de l'univers. Il n'y a rien que pour six associations patronales que le problème de l'inflation n'existe pas. Cela c'est prendre les travailleurs sous le bras. Quand on va raconter aux travailleurs qu'on va leur citer la phrase des associations patronales, ils vont se sentir bafoués et bousculés. Cela est grave dans le contexte social qu'on vit au Québec.

Le Président (M. Séguin): A l'ordre! Alors, messieurs, M. Daoust, nous vous remercions de votre intervention, de vos commentaires, vos explications.

Nous appelons à la table l'Association de la construction de Montréal.

Lorsque vous serez prêts à commencer, messieurs, voulez-vous s'il vous plaît vous identifier?

Association de la construction de Montréal et du Québec

M. Langlois (Jean-Pierre): Mon nom est Jean-Pierre Langlois, porte-parole de l'Association de la construction de Montréal et du Québec.

Si vous me permettez, M. le Président, on a une présentation, je pense que tout le monde ici a eu la copie.

Le Président (M. Séguin): Oui, elle a été distribuée.

M. Langlois: Je vais en faire lecture.

M. le Président, messieurs. Selon le texte de la loi 201, vous nous avez convoqués pour nous entendre "quant aux raisons motivant l'impossibilité de parvenir à une entente relativement aux modifications à être apportées au décret".

Pour ce faire, nous devons situer la soi-disant bataille de l'indexation dans le contexte qui est le sien. De cette façon, nous espérons que vous comprendrez pourquoi les entrepreneurs en construction ont opté pour ce que certains ont qualifié de ligne dure, face aux demandes syndicales.

C'est en observant l'essor rapide de la FTQ construction au cours des cinq dernières années que l'on peut comprendre l'évolution des relations du travail dans notre industrie jusqu'à ce qu'elles aboutissent à la jungle que nous connaissons aujourd'hui.

Ce faisant, on assiste à la mise sur pied d'une machine syndicale puissante, littéralement prise en main par un groupe de dirigeants syndicaux incapables de mettre à profit sainement les importants pouvoirs sociaux, économiques et politiques qu'ils s'étaient donnés.

Les gros chantiers industriels furent les premiers frappés mais le mal se propagea au point d'atteindre tous les chantiers de moyenne et grande envergures. Pour les employeurs et aussi pour les salariés, les contacts avec l'union devenaient synonymes de chantage, d'extorsion, de menaces, somme toute de violence utilisée comme moyen de pression en relations du travail.

Croyant, au début, que l'utilisation de ces méthodes et le non-respect systématique des lois et

des ententes collectives n'étaient que phénomènes passagers, les employeurs durent se rendre compte, avec le temps, que les leaders syndicaux avaient créé une machine d'une puissance telle que même le gouvernement n'était plus en mesure de la contrôler. Pour les entrepreneurs en construction, les dernières années furent remplies de frustration alors qu'ils assistaient impuissants à la détérioration des relations entre leurs salariés et eux-mêmes.

Administrant un budget annuel de près de $10 millions, qui ne sert pas de fonds de grève, dotée d'une force de frappe de 250 agents d'affaires et 2,000 délégués de chantier, contrôlant parfaitement ses 75,000 membres par les bureaux de placement syndicaux, la clique dirigeante pouvait se permettre toutes les extravagances.

En avril 1974, la CSN adoptait comme politique générale l'indexation des salaires de tous les travailleurs. Réagissant à cette nouvelle, le chef de la FTQ-construction, M. André Desjardins, déclarait publiquement que le règlement financier qu'il avait obtenu un an plus tôt était suffisant et couvrait largement les augmentations du coût de la vie. Toutefois, quelques jours plus tard, la FTQ déléguait des hommes clés sur les gros chantiers de la Côte-Nord et on promit aux ouvriers une augmentation de $1 l'heure sans arrêt de travail. La consultation était faite, les membres de la FTQ voulaient l'indexation.

C'est à ce moment que les employeurs se virent présenter cette demande. Réunis en assemblée générale, ils se voyaient en face d'un nouvel ultimatum. Cette fois, on leur demandait $1 l'heure et, pour la plupart de nos membres, l'expérience n'était pas nouvelle. Après tout, on leur avait bien imposé des pénalités de plusieurs dizaines de milliers de dollars pour l'absence d'étiquette syndicale; on leur avait imposé 185 délégués de chantier qui refusaient de travailler à Sept-lles; on leur avait imposé des équipes de plombiers pour assister en spectateurs à la pose des tuyaux d'égout et d'aqueduc faite par des journaliers. Maintenant, c'était $1 l'heure, c'est-à-dire $4,000 par semaine pour un entrepreneur ayant 100 ouvriers sur sa liste de paie.

Aussi, pour le moins dégoûtés par l'usage que la FTQ faisait de sa toute-puissance, les employeurs décidèrent d'entreprendre une lutte qui dure depuis ce temps. Bien sûr, ils étaient conscients que plusieurs d'entre eux auraient à subir des pressions individuelles et que, fort probablement, ils auraient à céder. Par contre, ils savaient que le fait d'accorder globalement l'augmentation en modifiant le décret ne réglerait en rien les problèmes de base auxquels ils faisaient face depuis plus de quatre ans.

L'absence complète du respect du décret et de la loi, la baisse de la productivité, qui atteignait 50% avant même le début de la bataille pour l'indexation, l'usage abusif fait des bureaux de placement syndicaux, l'attitude de saboteur de chantier adoptée par les délégués syndicaux, l'absence de main-d'oeuvre qualifiée et l'absence de formation professionnelle, la non-utilisation systématique des structures mises en place pour régler les conflits provenant de l'application quotidienne du décret et le recours à la violence pour les remplacer, voilà les problèmes de base de l'industrie de la construction.

C'est une mentalité qu'il fallait changer et une industrie qu'il fallait civiliser. Rien, somme toute, qui s'achète avec $1 l'heure.

Les employeurs n'apprirent que plus tard la stratégie précise de la FTQ.

La bataille de l'indexation visait à détourner l'opinion publique du saccage de LG-2 et à faire pression sur le gouvernement pour éviter les foudres d'une commission d'enquête qui irait au fond des choses. L'élite syndicale en profitait pour repolir son image, car la cause de l'indexation était bien vue de la presse et du public.

Au milieu de juin 1974, c'est la grève générale. Le 20 juin, le premier ministre demande aux entrepreneurs de retourner sur les chantiers. Selon M. Bourassa, la FTQ a compris le message et sera, à l'avenir, respectueuse des lois et du décret. Pendant ce temps, le ministre du Travail organise une rencontre des parties. Toutefois, la FTQ a une autre idée en tête, comme nous l'indiquent les propos tenus par M. André Desjardins à Me Fernand Morin, le 21 juin 1974, et nous citons: "Mais d'une manière ou d'une autre, quosque j'veux c'é que le Louis va les contrôler pour qu'y ait ben d'Ia perte de temps à table de négociations parce que j'ai rien à gagner à table de négociations. Ben que j'm'en aille par là pour que j'aille signer des conventions particulières, c'é ben plus profitable pour moé. J'ai pas d'affaire à aller là moé. Moé j'ai ainque à crier si s'assisent pas. Si s'assisent pis sont... pis sont réellement de bonne foi, chu fourré ben raide". Fin de la citation.

Fait à signaler, dans les semaines qui suivirent, le ministère du Travail participa à des rencontres privées entre des entrepreneurs industriels et la FTQ. L'objectif était la signature de miniententes qui, selon le ministère, seraient suivies d'amendements à la loi, qui les rendraient légales. Suite aux pressions exercées, plusieurs miniententes furent conclues, verbales ou écrites. Dès que certains ouvriers obtinrent les premiers $0.50, il devint facile de convaincre les autres qu'ils se devaient de l'obtenir eux aussi. Et les pressions se continuèrent ainsi, pour aboutir à l'adoption de la loi 201.

Aujourd'hui, le ministre du Travail s'apprête à modifier le décret de la construction. Devant ce fait et en conclusion à cet exposé, nous désirons faire les commentaires suivants:

La politique de laisser-faire et de règlements à tout prix du gouvernement, de même que l'absence de fermeté de ce même gouvernement dans la mise en application des lois expliquent, pour une large part, la situation anarchique que nous connaissons. Actuellement, le gouvernement s'applique à faire respecter toutes les lois sauf celles du travail parce qu'un conflit ouvrier présente presque toujours certains dangers d'ordre politique. On feint d'ignorer l'existence de conflits ouvriers, c'est pourquoi ils pourrissent indéfiniment. En présence de gestes carrément illégaux, le ministère du Travail, le ministère de la Justice, les tribunaux et la police se passent le problème comme s'il s'agissait d'une grenade sur le point de sauter. Ce disgracieux spectacle devait inévitablement aboutir à la situation anarchique qui afflige l'industrie de la construction de-

puis des années et qui commence à s'implanter dans d'autres secteurs. Nous ne sommes pas partisans du légalisme à outrance. Toutefois, nous sommes fermement convaincus que certaines règles du jeu devront être respectées pour que des relations de travail civilisées reprennent place dans l'industrie de la construction.

Les problèmes fondamentaux que nous avons énumérés plus haut et, en particulier, celui de la faible productivité ne peuvent pas trouver remède dans les amendements que le ministre va apporter au décret. De ce côté, l'espoir réside dans les futures recommandations de la commission Cliche.

Lorsque le porte-parole de la FTQ affirme que 70% des travailleurs de la construction ont déjà réussi à s'entendre sur une forme d'indexation avec leur employeur — ici, le porte-parole de la FTQ a dit tantôt que c'était 70% de ses membres; sans doute que dans certaines déclarations publiques il y a eu un lapsus, une erreur qui s'est glissée, du moins, suffisamment de lapsus pourque l'opinion publique soit convaincue que c'est 70% de tous les travailleurs — il cherche à induire en erreur les travailleurs eux-mêmes et à influencer le ministre du Travail par de fausses données. Nous sommes en mesure d'affirmer qu'un maximum de 20% à 25% des travailleurs ont des conditions de travail supérieures à celles du décret. De plus, ces traitements spéciaux ne sont pas le fruit d'entente à l'amiable, mais celui de pressions illégales faites sur les entrepreneurs.

Si, d'une part, nous constatons, comme tout le monde, une forte augmentation du coût de la vie en 1973 et 1974, il est également vrai que les salariés de la construction reçoivent déjà des salaires beaucoup plus élevés que ceux des autres industries. En six mois de travail, le salarié de la construction touchera $7,000 s'il refuse les heures supplémentaires. La plupart des travailleurs ne gagnent même pas autant en un an.

En plus d'avoir un taux de salai re élevé, l'ouvrier de la construction bénéficie d'augmentations annuelles supérieures à celles des autres industries. Au cours des cinq dernières années, les salaires ont augmenté de plus de 12% annuellement dans la construction, dans la province.

Puisque c'est le phénomène de l'inflation qui nous amène ici, il est intéressant de souligner que chaque augmentation nette des salaires pendant ces cinq années, c'est-à-dire la partie se situant au-dessus de l'augmentation du coût de la vie, était accompagnée d'une baisse de productivité constante.

Il faut aussi souligner le fait que, même si leur rendement est inférieur à celui des salariés des autres provinces, les ouvriers de la construction du Québec sont globalement mieux rémunérés. En effet, hors du Québec, environ 64% des travailleurs de la construction ne sont pas syndiqués et leur salaire se situe autour de $1.50 au-dessus du salaire minimum. Au Québec, la syndicalisation est obligatoire et tous bénéficient des taux du décret.

La loi 201 donne à l'Etat le pouvoir d'augmenter unilatéralement les taux du décret et, par conséquent, les coûts de la main-d'oeuvre. Qu'advient-il cependant des entrepreneurs qui ont des contrats à prix fixe et dont les soumissions furent basées sur les taux du décret actuel? Une augmentation de salaire de $1 l'heure signifie une augmentation des coûts de main-d'oeuvre de $100 millions à la fin de l'année, et ce chiffre est conservateur. A cela, il faut ajouter 25% d'avantages sociaux. Qui donc paiera la note?

Ce qui est plus important encore, c'est que toute augmentation consentie à ce moment-ci constituera une autre victoire pour les méthodes fortes de la FTQ construction, prouvera une fois de plus aux ouvriers que le chantage s'avère un moyen sûr d'obtenir satisfaction etque, plus le chantierest important, plus on peut être exigeant.

Souvenons-nous que, si le Québec se prépare à donner des dizaines de millions de dollars par année, il n'obtient en retour aucune garantie de paix syndicale. Après tout, le Québec, lui, n'est pas en mesure d'exiger quoi que ce soit de la FTQ construction. Par conséquent, messieurs, nous nous reverrons bientôt car le ministre du Travail ne tardera pas à être d'avis, à nouveau, que l'intérêt public le commande. Merci.

Le Président (M. Séguin): Je vous remercie. M. le ministre.

M. Cournoyer: Si je comprends bien, d'après l'opinion de l'Association de la construction de Montréal, la CSN ne demande rien. C'est seulement la FTQ qui demande quelque chose dans la question d'indexation.

M. Langlois: Non. Effectivement, le mémoire spécifie que la CSN a été, en fait, la première à demander l'indexation, au mois d'avril 1974.

M. Cournoyer: C'est ce dont je me souvenais mais, étant donné l'insistance sur la FTQ construction, je pensais que vous aviez oublié que la CSN était aussi partie, et la CSD aussi. Les trois parties du côté syndical demandent une formule d'indexation. On ne s'entend peut-être pas, mais elles demandent une formule d'indexation.

Est-ce que les trois parties demandent cela, du côté syndical?

M. Langlois: Oui, d'accord.

M. Cournoyer: II y a une question qu'il m'intéresse un peu de poser au représentant de l'Association de la construction de Montréal en particulier. Admettons que, pour une raison ou pour une autre, la FTQ construction n'aurait pas connu l'essor qu'elle a connu avec les moyens qui sont révélés devant la commission Cliche; est-ce qu'il n'y aurait pas quand même eu, à cause des formules de sécurité syndicale, une totale syndicalisation des employés de la construction?

M. Langlois: La sécurité syndicale, de fait, a été conclue dans le décret et, effectivement, ce n'est pas nécessairement le premier qui a amené l'autre mais plutôt le deuxième qui a amené le premier. C'est-à-dire que le système du bill 290 a créé, possiblement, je le répète, une sorte de monstre syndical.

M. Cournoyer: Mais est-ce que ce monstre syndical n'a pas été...

M. Langlois: Je parle en termes de nombre, évidemment.

M. Cournoyer: Oui, mais est-ce qu'il n'a pas été créé aussi du côté patronal, le même monstre? On est quand même en face, en vertu du bill 290, de personnes qui étaient nommées comme représentants exclusifs, du côté des employeurs, par un certain nombre d'associations qui y étaient nommées et, du côté des syndicats, par la FTQ et la CSN.

A partir de ce moment-là, la première convention qui a été signée, est-ce qu'elle ne comportait pas que tout ce monde devait appartenir à l'un ou à l'autre et que, du côté des syndicats...

M. Langlois: Oui.

M. Cournoyer: ... on convenait que tout le monde devait être dans la FTQ ou la CSN en vertu des principes de liberté syndicale qu'on avait établis dans la loi 290. Tout le monde devait être là. Après cela, on a fait un régime patronal où tout le monde devait être membre des associations patronales.

M. Langlois: Effectivement, du côté syndical, il y avait deux syndicats. Du côté patronal, à ce moment-là, il y avait cinq associations patronales représentatives.

M. Cournoyer: Si je suis votre raisonnement, serait-il préférable qu'il y ait cinq ou six syndicats? Comme cela, ils seraient bien divisés de l'autre bord. Non?

M. Langlois: Absolument pas. Ce n'est pas le point où nous voulons en venir.

M. Cournoyer: En fait, vous avez constaté l'augmentation, non pas éhontée... Je n'ai pas à mettre en doute, à ce moment-ci, les moyens utilisés pour obtenir des membres. Je pense que M. Bourdon va s'arranger avec cela tantôt; c'est son problème. Mais il reste une chose, à l'époque du bill 290, il y avait deux centrales syndicales qui se partageaient tout le monde ouvrier et il y avait cinq associations patronales qui se partageaient tout le monde patronal. Le problème qu'il y ait eu cinq associations patronales à l'époque, est-ce qu'on peut blâmer les syndicats d'avoir cinq associations patronales et seulement deux syndicats?

M. Langlois: Premièrement, il y avait cinq associations patronales et il n'y a pas eu, parmi ces cinq associations patronales qui sont maintenant six, création d'une structure uniforme ou, si vous voulez, d'une structure équivalente à la structure syndicale qui se créait, qui connaissait son essor pour qu'on arrive jusqu'au bill 9 où on a connu les résultats de tout cela, c'est-à-dire 72% à la FTQ construction et tout ce que cela pouvait...

M. Cournoyer: Avant le bill 9...

M. Langlois: ... impliquer au point de vue du droit de veto et de tout cela.

M. Cournoyer:... où est-ce que vous étiez, vous de l'Association de la construction de Montréal?

M. Langlois: Nous avions, à ce moment-là, une entente avec l'Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec pour fins de relations de travail.

M. Cournoyer: Mais avant cela, où étiez-vous?

M. Langlois: Avant cela, nous étions une des associations régionales, bien que je ne tienne pas à m'avancer là-dessus particulièrement, parce que vous savez que je n'étais pas là.

M. Cournoyer: Vous ne voulez pas. Votre compagnon de gauche était là, lui.

M. Langlois: Nous étions, à ce moment-là, avec la Fédération de la construction du Québec.

M. Cournoyer: Comment se fait-il que vous soyez partis de là? Vous avez augmenté le nombre d'associations patronales à ce moment-là, donc divisant davantage le monde patronal. Pourquoi êtes-vous partis de là?

M. Langlois: Cela n'a rien à voir avec la grosseur, l'importance, le rôle, la représentativité...

M. Cournoyer: C'est seulement une affirmation. C'est parce qu'il n'y avait que deux centrales syndicales qu'à un moment donné il y a eu un monopole à deux. C'est bien sûr que, lorsqu'on se divise 70,000 ou 80,000 personnes, il est possible qu'on arrive au moins à 40,000 de chaque côté, à 50%. Cela est possible. Mais, quand on se divise 15,000 employeurs en cinq, en six, en sept et en huit, il n'y a pas de facilité de créer des monopoles de ce côté, c'est pas mal sûr.

M. Langlois: Ce n'est pas une question du nombre de membres que la FTQ possède. Cela n'a rien à voir. Elle pourrait posséder le même nombre de membres et quand même, agir d'une façon complètement différente. On espère que ce sera...

M. Cournoyer: M. Langlois, on parle des méthodes et je lis ceci: "C'est en observant l'essor rapide de la FTQ construction au cours des cinq dernières années que l'on peut comprendre l'évolution des relations de travail dans notre industrie jusqu'à ce qu'elles aboutissent à la jungle que nous connaissons aujourd'hui".

M. Langlois: On fait référence aux méthodes et non pas...

M. Cournoyer: Maintenant, pourriez-vous me décrire la jungle qui existait avant le bill 290? Il devait y en avoir une à l'époque, étant donné que les cinq associations patronales qui y étaient nom-

mées, les deux centrales syndicales, ont décidé de mettre fin à la jungle qu'il y avait avant. Qu'est-ce que c'était, la jungle avant? Nous sommes peut-être dans une autre sorte de jungle, mais qu'est-ce qu'il y avait avant? Je suis bien sûr que M. Dion va vous donner la réponse à ma question. Qu'est-ce que c'était la jungle qu'il y avait avant, M. Langlois?

M. Langlois: Je ne suis certainement pas en mesure de vous parler de la jungle qu'il y avait avant; je n'étais pas là, je ne l'ai pas connue. Je l'ai connue à partir de 1970-71.

M. Cournoyer: Ce que j'essaie de vous dire, M. Langlois, ou ce que j'essaie de vous poser comme problème actuellement, c'est que le bill 290 qui est exécré par une grande foule de personnes — on peut se regarder, vous et moi, en face et se parler; il est exécré le bill 290 — était une réponse souhaitée et c'est indépendamment des personnes les unes en face des autres. Vous n'étiez pas là. Donc, je vous pose comme problème: Qu'est-ce que voulait faire le bill 290? Il voulait mettre de l'ordre, avec plus ou moins de succès, j'en conviens, dans une jungle qui existait.

Aujourd'hui, nous sommes en face d'une autre jungle, selon votre affirmation. Cette autre jungle, est-ce que vous voulez établir qu'elle est due aux gens de la FTQ construction? Est-ce que c'est ça que vous voulez établir actuellement? A leur attitude et à leurs méthodes?

M. Langlois: Exactement. Mais on a également souligné le fait que ça prend le respect de certaines règles du jeu pour qu'il n'y ait pas de jungle et qu'effectivement l'attitude assez complaisante du gouvernement, règle générale, face au respect de la loi, a largement contribué à expliquer la situation de jungle dans laquelle on se trouve présentement.

M. Cournoyer: D'accord. C'est notre faute. M. Burns: Une admission.

M. Cournoyer: Non, c'est-à-dire que j'admets qu'il dit que c'est ma faute. Même pas.

Le Président (M. Séguin): Le député de Maisonneuve.

M. Burns: Alors, M. Langlois, je ne me lancerai pas dans l'aspect, je dirais quasiment idéologique de votre mémoire parce que, en tout cas... Je pourrais vous demander, à vous, comment l'ACM — alors qu'elle reproche aux dirigeants syndicaux d'être incapables de mettre à profit sainement les importants pouvoirs sociaux, économiques, politiques qu'ils s'étaient donnés — a fait cela, mais j'ai l'impression que ça ne nous mènerait nulle part, à moins que vous vouliez absolument y répondre.

M. Langlois: Non, je n'y tiens pas particulièrement. J'attends vos questions avant d'y répondre.

M. Burns: D'accord. Non, mais je vous dis à quel genre de questions pourrait prêter votre mémoire, du moins dans ses grandes lignes. Je vais essayer de m'en tenir simplement à l'aspect factuel de votre mémoire et principalement à l'affirmation que vous faites à la page 7 de votre mémoire: "Nous sommes en mesure d'affirmer qu'un maximum de 20% à 25% des travailleurs ont des conditions de travail supérieures à celles du décret." Je relis cela également avec votre affirmation à la page 4 qui dit: "Par contre, ils savaient — évidemment vous parlez des employeurs — que le fait d'accorder globalement l'augmentation, en modifiant le décret, ne réglerait en rien les problèmes de base auxquels ils faisaient face depuis plus de quatre ans." En page 4, vous dites que les employeurs refusent d'accorder ces demandes parce qu'ils savaient que cela ne réglerait rien; vous dites, à la page 7, qu'il y a à peine 20% à 25% des travailleurs qui bénéficient déjà de conditions supérieures au décret contrairement à ce qu'a affirmé le représentant de la FTQ devant nous tout à l'heure.

J'aimerais savoir, M. Langlois, où vous prenez vos chiffres de 20% à 25% des travailleurs. Est-ce que vous prenez ça à la CIC?

M. Langlois: Non, il s'agit de chiffres que nous prenons à partir de la masse salariale payée...

M. Burns: Est-ce que c'est seulement pour votre association?

M. Langlois: Non, j'y arrive, la masse salariale payée par les membres de l'ACM et par les membres des deux corporations qui, jusqu'à maintenant, ont été les seules, à toutes fins pratiques, à être affectées par la bataille de l'indexation. A ce moment, selon les consultations que nous avons faites à l'intérieur de notre organisation et que les deux corporations, par l'entremise de l'ASECQ, ont faites dans leurs organisations, on arrive aux chiffres qu'environ la moitié des travailleurs, dans chacune des deux organisations qui sont à l'emploi des membres des organisations, reçoivent des taux supérieurs à ceux du décret. Ce qui veut dire que, dans notre cas, la moitié de 31% et, dans le cas des deux corporations, la moitié de 20% à 22%. C'est comme ça qu'on arrive à 20% à 25%. J'insisterais là-dessus, par contre...

M. Burns: Voulez-vous dire de l'ensemble des travailleurs de la construction?

M. Langlois: Oui.

M. Burns: Pour l'ensemble.

M. Langlois: Oui, dans mon cas, c'est l'ensemble des travailleurs de la construction. De ce côté, c'est très évident que ni du côté de la FTQ, ni d'aucun côté, actuellement, qui que ce soit ne possède le moyen de savoir avec exactitude et peut affirmer, autant d'une façon très précise, et c'est vrai aussi pour mes chiffres, en ce sens que c'est une consultation qu'on fait à partir de rencontres qu'on a avec des entrepreneurs, rencontres qu'on a constamment, des réunions de sections et de sous-sections où les gens viennent, et où on leur pose la question.

M. Burns: En somme, vous faites une espèce d'extrapolation sur certaines données que vous avez? Ou bien, au moins, à l'intérieur de votre association, avez-vous des chiffres précis? C'est ce que je veux dire.

M. Langlois: Non, on ne possède pas de chiffres précis sur...

M. Burns: Vous faites une extrapolation tout simplement.

M. Langlois: Je dis que c'est le résultat d'une consultation qu'on a faite, mais qui ne peut pas donner lieu à des chiffres précis, en ce sens que jamais on ne saura si l'entrepreneur nous dit qu'il le paie ou qu'il ne le paie pas. Dans le contexte où l'on se trouve, il y a beaucoup d'entrepreneurs qui, forcément, vont être très réticents à donner souvent, même à nous, des informations.

M. Burns: Justement, c'est l'autre question que je me posais. Est-ce qu'il n'est pas exact, M. Langlois, que beaucoup des employeurs que vous pouvez consulter sont réticents à vous donner ou à vous avouer qu'ils ont accordé cette augmentation parce qu'ils risquent, non pas du côté syndical pour une fois, mais du côté patronal, un certain nombre de représailles?

M. Langlois: Cela a pu être vrai pendant un bout de temps, mais plus maintenant.

M. Burns: Ce n'est plus vrai cela?

M. Langlois: Ce n'est plus vrai du tout dans ce sens que l'atmosphère a changé considérablement. Cela a été vrai au début, possiblement, lorsqu'ils ont commencé à avoir des pressions sur le dos pour payer l'indexation. A ce moment-là, tout le monde avait peur de tout le monde, mais aujourd'hui, ce n'est plus le cas.

M. Burns: Est-ce qu'il y avait effectivement de la pression qui s'exerçait sur les employeurs par vos associations patronales, pressions qui visaient à ce qu'ils n'acceptent pas d'accorder l'indexation? Et est-ce que cela ne serait pas une conséquence de vos chiffres différents de ceux de la FTQ, eux qui se basent sur les salaires qui — je présume que c'est comme cela que la FTQ est arrivée à ces chiffres — sont payés à leurs membres et sur la connaissance qu'ils ont eue de certaines modifications de conditions de travail, alors que vous, vous vous basez sur l'information que vous obtenez de vos entrepreneurs ou constructeurs membres?

M. Langlois: Qui eux, paient les salaires en question et, comme je vous le dis, non, cette méfiance-là, si elle a jamais existé dans de rares cas, il n'en est absolument pas question chez-nous.

M. Burns: M. le Président, je constate qu'il est onze heures, je vous propose qu'on suspende nos travaux. Non, M. le Président, je pense que je ne donnerai pas mon consentement si on dépasse onze heures.

J'ai dit au ministre du Travail, quand il m'en a parlé plus tôt, s'il était resté à peine une association à entendre et que cela aurait pris trois quarts d'heure ou une heure, je n'aurais pas eu d'objection à poursuivre jusqu'à onze heures; mais par contre, on est rendu à la troisième association, il y en a encore cinq ou six...

M. Cournoyer: M. le Président, y aurait-il moyen de finir celle-ci.

M. Burns: Non, je ne pense pas. Lui, il a des questions et moi je n'ai d'ailleurs pas fini.

M. Cournoyer: Je vous demandais s'il y avait moyen de terminer avec cette association.

M. Burns: On reviendra demain. M. Cournoyer: D'accord, d'accord!

M. Roy: M. le Président, je pense qu'étant donné que les gens vont être obligés de revenir demain...

M. Cournoyer: D'accord, il n'y a pas de problème.

M. Roy: La commission ne peut pas ajourner sine die ce soir.

M. Cournoyer: Non, on va ajourner demain.

Le Président (M. Séguin): Alors, c'est le consentement...

M. Cournoyer: C'est-à-dire que c'est le consentement qui n'est pas obtenu pour continuer. Je ne suis toujours pas pour donner mon consentement pour ne pas continuer.

M. Burns: Quelle heure, M. le Président? M. Cournoyer: Dix heures.

Le Président (M. Séguin): Alors la commission ajourne ses travaux à demain, mercredi, dix heures.

(Fin de la séance à 22 h 59)

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