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Version finale

30th Legislature, 3rd Session
(March 18, 1975 au December 19, 1975)

Tuesday, May 20, 1975 - Vol. 16 N° 95

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Projet de loi no 30 — Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans l'industrie de la construction


Journal des débats

 

Commission permanente du travail,

de la main-d'oeuvre

et de l'immigration

Etude du projet de loi no 30

Loi modifiant la Loi sur les relations

du travail dans l'industrie de la construction

Séance du mardi 20 mai 1975

(Dix heures quarante-deux minutes)

M. Séguin (président de la commission permanente du travail, de la main-d'oeuvre et de l'immigration): A l'ordre, messieurs! Deuxième séance de la commission sur l'étude du projet de loi no 30. Les membres de la commission pour la séance de ce matin sont MM. Bellemare (Johnson), Bérard (Saint-Maurice), Boudreault (Bourget), Burns (Maisonneuve), Morin (Sauvé), Ciaccia (Mont-Royal), Cournoyer (Robert-Baldwin), Déziel (Saint-François), Harvey (Charlesbourg), Lachance (Mille-Iles), Bédard (Montmorency), Malépart (Sainte-Marie), Roy (Beauce-Sud), Verreault (Shefford).

Il semble y avoir une indication que M. Roy (Beauce-Sud) ne serait pas présent pour raisons de mortalité dans sa famille. Je n'ai pas de confirmation, alors je n'annonce rien de la sorte. Je dis tout simplement que son absence est probablement due à cela.

M. Choquette: Je pourrais le remplacer. Il s'y opposerait peut-être.

Le Président (M. Séguin): Nous avons convenu, si ma mémoire est fidèle, vendredi après-midi d'ajourner nos travaux à ce matin afin de bénéficier de la présence et des renseignements que pourrait fournir à la commission le ministre de la Justice. Il est invité par la commission, invité je dis bien, et non pas convoqué. Il n'est pas question de l'entendre ou de ne pas l'entendre, même s'il n'est pas membre de la commission.

Si j'ai bien interprété nos actions de vendredi, nous reprendrions ce matin, à la page 2 de votre projet de loi, au deuxième alinéa, où on lit: L'article 24 de ladite loi est remplacé par le suivant...

M. Morin: M. le Président, je m'excuse d'interrompre mais nous n'avions pas adopté l'article premier...

Le Président (M. Séguin): Non, non!

M. Morin: ...dans lequel il est question de l'exclusion. Nous avions suspendu cet article premier dans l'attente de la présence du ministre de la Justice. Puisqu'il est là ce matin, pourquoi ne commençons-nous pas dans l'ordre que nous fournit le projet de loi no 30, c'est-à-dire pourquoi ne commençons-nous pas par l'article premier?

M. Cournoyer: C'est parce que le ministre de la Justice a un autre amendement à apporter en plus de ceux que je vous ai suggérés sur l'article premier. Comme il n'est pas prêt ce matin, tout de suite, il s'en vient cet amendement-là, il va vous le soumettre avant de le discuter.

M. Morin: Alors on peut s'attendre à ce que cela vienne cet après-midi?

M. Choquette: Ou ce matin dans le cours de la matinée. Il est en train d'être rédigé à l'heure actuelle.

M. Morin: Je n'ai pas d'objection à ce qu'on passe à l'article 2 dans ce cas, M. le Président.

Le Président (M. Séguin): Le député de Bourget.

M. Boudreault: Est-ce que je pourrais vous demander une directive, M. le Président? Vous avez mentionné les noms des membres de la commission qui doivent siéger aujourd'hui. Est-ce qu'il serait possible d'inclure le nom du premier ministre et même du chef de l'Opposition, aujourd'hui? Je sais que le chef de l'Opposition est membre de cette commission. N'y aurait-il pas lieu d'inclure le nom du premier ministre, de sorte que s'il vient à la commission, il puisse au moins avoir le droit de parole?

M. Burns: Sur la question de règlement, M. le Président, je peux vous dire que j'ai participé personnellement, je n'étais pas le seul d'ailleurs, les leaders parlementaires du temps, M. Fabien Roy, le député de Beauce-Sud, l'ex-député de Maskinongé, M. Rémi Paul et le leader parlementaire du gouvernement actuel, M. Gérard-D. Levesque, avons participé, avec le président, à l'amendement de nos règlements qui a donné le règlement actuel.

Je me souviens de m'être débattu comme un diable dans l'eau bénite...

M. Choquette: Un chien dans un jeu de quilles.

M. Burns: Un chien dans un jeu de quilles? C'est plutôt comme un diable dans l'eau bénite, pour que justement quelque député que ce soit ait le droit de parole à une commission, même s'il n'en est pas membre. Cela a été refusé, mon cher député de Bourget, par la partie gouvernementale, et c'est bien dommage, on va être obligé de subir les conséquences de cette attitude-là.

Ce que vous demandez, cela demanderait un amendement au règlement auquel je serais, je vous le dis d'avance, totalement favorable. Seulement, si on joue les règles du jeu d'un côté, on va les jouer des deux côtés. Je vous rappelle, par exemple, le débat qui a eu lieu en décembre 1973, relativement à l'augmentation de salaire des juges. Je me rappelle très bien qu'unanimement, outre les membres de l'Opposition officielle qui étaient en l'occurrence le chef de l'Opposition et moi-même, unanimement, les députés ministériels ont refusé le droit aux autres députés de l'Opposition

qui n'étaient pas membres de la commission d'avoir droit de parole.

Alors c'est bien de valeur, on va subir les conséquences de nos gestes du côté ministériel. Le premier ministre est un député comme les autres quand il arrive à cette commission. Le cas du ministre de la Justice est spécial, on l'a invité à venir. C'est un peu comme personne ressource, si on peut dire, qu'il est ici ce matin. Il n'est pas là comme témoin, mais il est là comme député, personne ressource.

En tout cas, je ne vois pas en quoi le premier ministre pourrait être une personne ressource à cette commission parlementaire.

M. Boudreault: Vous admettrez avec moi qu'il est anormal que le chef de l'Opposition ou le premier ministre viennent s'asseoir à la table de négociations...

M. Burns: Je vais aller plus loin que cela: II est anormal pour quelque député que ce soit qui se présente à une commission, parce qu'il y a une technicalité à l'effet qu'il n'est pas membre de la commission, de ne pas avoir le droit de parole. Quand vous voudrez changer le règlement, vous le changerez pour le premier ministre comme pour tout autre député.

M. Boudreault: Est-ce que le règlement ne permet pas à la commission de décider elle-même de le faire?

M. Burns: Mais moi, je m'y oppose. On changera le règlement.

M. Lachance: On ne s'est pas opposé, nous, pour le chef de l'Opposition, vendredi.

M. Burns: Le chef de l'Opposition me remplaçait, vendredi.

Le Président (M. Séguin): Toujours sur le point de règlement, le député de Montmorency.

M. Bédard (Montmorency): Le député de Maisonneuve parlait, tout à l'heure, de changer le règlement. A l'intérieur de notre règlement, il est prévu que, par l'unanimité, on puisse accepter de donner le droit de parole à un député.

M. Burns: Oui, mais je vous dis que vous n'aurez pas l'unanimité, en ce qui me concerne.

M. Bédard (Montmorency): Je vous demande d'y repenser dans le cas du premier ministre, pour cette commission-ci, car, dans le cas du chef de l'Opposition, nous aussi serions d'accord.

M. Boudreault: Pour les deux.

M. Bédard (Montmorency): Pour les deux. On ne parle pas seulement du premier ministre; on parle d'avoir les deux représentations, une de chaque côté. Peut-être pourrions-nous avoir l'unanimité; étant donné que le parti ministériel est d'accord pour le chef de l'Opposition, on demande à l'Opposition si elle est d'accord pour le premier ministre dans le cas de cette commission qui est très importante. Je redemande au député de Maisonneuve s'il peut y repenser et revenir sur sa décision dans le cadre du règlement.

M. Burns: Non, moi, c'est tout pensé.

Le Président (M. Séguin): Messieurs, j'ai déjà fait l'interprétation de l'article tel que je le voyais et c'est vrai que les membres seulement de la commission ont droit de parole ou tout autre député ayant reçu le consentement de la commission. Il ne s'agit pas d'un consentement unanime, puisque, l'article ne le dit pas; peut-être qu'il faudrait voir ce point-là aussi. Il s'agirait donc, pour que la commission se prononce, qu'il y ait une mise aux voix. S'il y a mise aux voix, la majorité l'emportera et on pourra accorder la parole, de cette façon, à quiconque. Maintenant, tout en respectant une procédure bien reconnue et traditionnelle, il y a deux personnages, en Chambre, qui occupent des postes distincts des autres députés; ce sont le premier ministre et le chef de l'Opposition. Je n'assujettirai pas, tant que je serai au fauteuil, l'un ou l'autre de ces deux personnages au vote d'une commission pour savoir s'ils doivent parler ou non.

Donc, on se tourne du côté du consentement unanime pour interpréter le règlement, supposant qu'il serait donné librement et sans débat. S'il y a débat, à ce moment, je dois nécessairement refuser le droit de parole à l'un et l'autre de ces messieurs comme je le ferais pour tout autre député.

M. Burns: M. le Président, le chef de l'Opposition est membre de la commission.

Le Président (M. Séguin): Oui, je parle de toute autre occasion que ce matin en ce qui concerne le chef de l'Opposition.

M. Burns: Moi, je vous dis que c'est une motion qui serait débattue si jamais elle était faite.

Le Président (M. Séguin): Oui. C'est pour cela que je ne soumettrai pas... Tant que la loi ne sera pas changée, je l'interpréterai à la lettre en refusant toute motion du genre. Je dirai: II n'est pas membre de la commission; s'il n'y a pas le consentement unanime il ne parlera pas. C'est de cette façon que je l'ai interprété.

Maintenant, on changera la loi pour l'éclaircir, pour renverser ma décision, pour faire ce que vous voulez, mais dans le moment, si le premier ministre se présente ici, n'étant pas membre de la commission, et qu'il veuille s'adresser à la commission, je demanderai s'il y a consentement. S'il y a consentement, il aura toute la liberté que le texte lui permet d'utiliser.

M. Boudreault: Si je comprends bien votre directive, M. le Président, cela veut dire que vous n'accepteriez pas de débat sur une motion.

Le Président (M. Séguin): Je n'accepterai pas un débat autour de deux personnages, soit le premier ministre ou le chef de l'Opposition officielle, lorsqu'il s'agit de parler à une commission parlementaire ou de parler en Chambre. Je reconnais pour ces deux personnes les privilèges de postes en Chambre qui ne sont occupés, d'aucune façon, par aucun autre personnage en Chambre, si ce n'est le président de l'Assemblée nationale qui, lui aussi, a des prérogatives.

Vous saurez aussi qu'au point de vue du protocole, le chef de l'Opposition, par exemple, a préséance sur n'importe quel ministre, à part le premier ministre. Donc, je réserve pour ces deux personnages une position ou une place spéciale. Qu'on amende la loi.

Le président de l'Assemblée nationale est déjà prévenu des difficultés qui se posent. En ce qui me concerne, cela fait deux fois en six mois, quand je préside, que je refuse la parole au premier ministre puisqu'il n'est pas membre de la commission et qu'il n'y a pas de consentement unanime. Je ne soumettrai ni l'un ni l'autre de ces deux personnages à un vote.

M. Boudreault: Si notre règlement nous le permet, M. le Président?

Le Président (M. Séguin): Blâmez-moi si vous voulez, la décision a été prise et je la maintiendrai ce matin si le premier ministre se présente ici et veut s'adresser à la commission ou si on lui pose des questions. Je ne permettrai pas de question, d'ailleurs, s'il n'a pas droit de répondre.

J'ai fait erreur l'autre soir en permettant des commentaires autour du premier ministre qui, lui, devait rester bouche bée. Cela lui était impossible de répondre.

M. Boudreault: C'est surtout à ça qu'on voulait en venir.

M. Bédard (Montmorency): M. le Président...

Le Président (M. Séguin): Bon! C'est une injustice qui ne se répétera pas, cela je vous l'assure, tant que je serai ici.

Le député de Montmorency.

M. Bédard (Montmorency): M. le Président...

Le Président (M. Séguin): Bien, j'ai pensé avoir tiré la conclusion...

M. Bédard (Montmorency): Oui, oui, d'ailleurs...

Le Président (M. Séguin): ... et on voudra procéder.

M. Bédard (Montmorency): ... tel que le règlement le stipule...

Le Président (M. Séguin): Bon.

M. Bédard (Montmorency): ...je ne reviendrai pas sur votre décision et je me plie à l'autorité. Mais je voulais vous demander...

Le Président (M. Séguin): Ne revenez pas sur ma décision.

M. Bédard (Montmorency): Non, non je ne reviens pas sur votre décision.

Le Président (M. Séguin): ... un privilège, ça.

M. Bédard (Montmorency): Je veux vous demander, M. le Président, si, dans tous les membres de la commission que vous avez mentionnés tout à l'heure, il y a des postes vacants.

Le Président (M. Séguin): Non.

M. Bédard (Montmorency): II n'y a aucun poste vacant.

Le Président (M. Séguin ): Non, à moins qu'au cours de la séance des membres s'absentent.

M. Boudreault: Alors, M. le Président, j'accepte votre décision mais je pensais que l'Opposition aurait un geste aimable ce matin.

M. Burns: Je suis prêt à poser un geste aimable, j'ai dit dans quel cadre: Amender le règlement mais pour tout le monde. Cela va me faire bien plaisir, je vais applaudir à deux mains.

M. Boudreault: Je ne suis pas d'accord pour tous les députés mais pour le chef de l'Opposition et le premier ministre, je pense que...

M. Bédard (Montmorency): C'est réglé.

M. Boudreault: D'accord, c'est réglé.

M. Bédard (Montmorency): On s'en souviendra.

Une Voix: On s'en souviendra.

Le Président (M. Séguin): A /ordre! L'article 24 de ladite loi est remplacé par le suivant, sous-article no 24, page 2.

M. Burns: Oui.

Poursuite en cas d'arrêt de travail

Le Président (M. Séguin): Suspendu à notre dernière séance et la parole serait au ministre de la Justice.

M. Choquette: Oui, M. le Président, je vous remercie de me donner la parole à ce moment-ci. Il s'agit de remplacer l'article 2 du projet de loi par un article qui comportera trois articles différents, l'article 24, l'article 24 a) et l'article 24 b).

L'article 24, tout d'abord, traite du renversement du fardeau de la preuve sur le contrevenant

ou l'inculpé au cas d'une grève illégale. Cet article nous vient d'une recommandation de la commission Cliche. On se rapellera que nous en avons discuté l'autre soir lors du débat en deuxième lecture. Le chef de l'Opposition a soulevé des arguments de principe à l'égard de l'adoption d'un article qui ferait reposer le fardeau de la preuve sur l'inculpé ou le contrevenant.

Je lui ai répondu que cette façon de procéder n'était pas sans précédent dans nos lois. J'ai attiré son attention sur un certain nombre de cas où le fardeau de la preuve se trouve à reposer sur l'accusé ou le contrevenant, que ce soit en vertu du droit criminel ou du droit statutaire.

Je veux bien croire, avec le chef de l'Opposition, que généralement parlant, il est opportun de faire en sorte que le fardeau de la preuve repose sur la poursuite ou sur la couronne car le principe de notre législation, que ce soit en matière de droit criminel ou de droit statutaire, est bien qu'il appartient au poursuivant de décharger ce fardeau de la preuve et que l'accusé ou le contrevenant à une disposition statutaire n'a, pour sa part, qu'à soulever un doute. Dans le domaine du droit criminel, si l'accusé soulève un doute quant à sa culpabilité, il a droit de bénéficier du doute raisonnable. Dans le cas du droit statutaire, la théorie du doute raisonnable est beaucoup moins claire. On peut même se demander si, dans le domaine du droit statutaire, il ne s'agit pas d'une question de prépondérance de la preuve.

Quoi qu'il en soit de cette discussion en matière de droit statutaire, une chose est certaine, nos tribunaux, généralement parlant, même dans le droit statutaire, imposent un fardeau de la preuve considérable à la poursuite. Or, la commission Cliche, devant les problèmes qui ont surgi depuis quelques années dans le domaine de la construction en particulier et après avoir analysé les problèmes que soulèvent les grèves illégales, soit durant la période de convention collective, soit durant la durée de décrets, soit les difficultés de la preuve qui résultent d'un ralentissement de travail durant la vie des conventions collectives ou des décrets, a suggéré qu'il fallait, pour rendre efficace l'application des lois, dans ces cas, imposer le fardeau de la preuve au contrevenant ou à l'accusé, et je suis de cet avis aussi.

Comme j'ai eu l'occasion de l'expliquer l'autre soir, ceci ne veut pas dire qu'il s'agit d'une condamnation automatique des personnes qui pourraient être traduites devant les tribunaux car elles conserveront tous leurs moyens de défense. J'ai cité le cas, par exemple, l'autre soir, d'un employé qui pourrait être malade, retenu chez lui par la maladie et qui n'aurait pas participé, par exemple, à un mouvement de grève. Il est évident que, dans sa défense, cet accusé pourrait dire: J'ai été malade à la maison. Je souffrais de fièvre. Il m'était impossible de me rendre au travail. Par conséquent, il pourra, de cette façon, décharger le fardeau de la preuve.

D'autre part, il pourra aussi soulever toute une série d'autres circonstances de fait qui expliquent qu'il n'était pas présent à son travail ce jour-là.

Je tiens à dire que ce n'est pas de gaieté de coeur que je propose l'adoption du renversement du fardeau de la preuve sur le contrevenant dans le domaine de la construction. Si nous avions pu nous en passer, j'aurais été le premier à m'en réjouir. Je ne recherchais pas, je tiens à le dire, en principe, une application excessivement stricte de nos lois. J'aurais été satisfait des principes généraux qui prévalent en la matière. Mais, devant le fait que nous avons dû faire face, en de nombreuses occasions, à des grèves ou à des ralentissements de travail où la preuve est extrêmement difficile à décharger pour la couronne ou pour la poursuite, nous n'avons pas d'autre choix que d'introduire cette façon de procéder dans nos lois.

D'autre part, il y avait une absence dans le rapport de la commission Cliche et c'était relativement au fardeau de la preuve en ce qui concerne les employeurs qui peuvent, à un moment donné, imposer des lock-out à leurs employés. Comme il ne s'agissait pas d'avoir deux poids, deux mesures dans ce domaine, mais d'assurer une discipline ou un ordre dans ce secteur extrêmement important de l'économie — ceci, je pense bien, autant pour le bien-être de ceux qui sont activement engagés dans la construction que pour la société en général qui retire des avantages indirects de la poursuite normale des activités dans le domaine de la construction — il m'a semblé que, devant le désordre actuel qui prévaut, il fallait que le principe, qui veut que la grève ou le "lock-out" soient interdits durant la durée d'une convention collective ou d'un décret, soit appuyé sur des moyens d'action efficaces devant les tribunaux.

On me demande, à de nombreuses occasions, de faire respecter les lois et j'essaie du mieux que je le peux de le faire. Mais, tant et aussi longtemps qu'on ne donnera pas au procureur général des moyens appropriés pour faire respecter les lois dans un domaine qui, dans le passé, a souffert de nombreux arrêts ou ralentissements de travail sans que nous puissions en faire une preuve convaincante devant les tribunaux, en raison de tous les motifs que vous connaissez, l'existence d'intimidation, la peur que les témoins ont de parler les uns à l'égard des autres; enfin, tout un climat qui est raconté avec beaucoup de détails dans le rapport Cliche.

Eh bien! tant qu'on ne me donnera pas les moyens d'agir efficacement, il est bien beau de demander au procureur général d'exercer une action qui soit de nature à permettre le fonctionnement normal de l'économie... Si la situation, dans l'avenir, devait se normaliser et que les parties, de part et d'autre, devaient ressentir l'impératif du respect des lois — dans tout ce domaine il est bien beau de réclamer une action sévère et efficace de la part du procureur général, de la police, des tribunaux, mais tant que les gens eux-mêmes ne sont pas convaincus que le bien commun requiert un sens profond du respect des lois, il faut avouerque nous sommes, qui que nous soyons autour de cette table qui avons des responsabilités législatives, dans une situation qui offre des difficultés incontestables — si, éventuellement, un climat de respect des lois devait s'instaurer en gé-

néral, je voudrais bien que plus tard dis-je, nous puissions changer cette législation pour revenir au principe général dont a fait état le chef de l'Opposition dans son intervention de l'autre soir.

Pour le moment, je considère que, compte tenu de la situation qui existe, il nous est absolument nécessaire d'avoir ces moyens d'action que constitue le renversement du fardeau de la preuve sur le contrevenant, qu'il soit employé ou employeur.

Finalement, pour éviter des abus, pour faire en sorte que ces articles ne servent pas de moyens de pression entre employeur et employé dans des situations de grèves ou de "lock-out" et qu'on n'invoque pas la loi à son profit dans un but tout à fait égoïste comme manière de vaincre l'adversaire, nous avons cru nécessaire de proposer l'article 24 b) qui réservera ce genre de poursuites au procureur général. Il est évident, et je n'ai pas à le cacher, que ceci impose un fardeau très lourd au procureur général. Il est évident que ceci lui impose une responsabilité très lourde car, avant de commencer des poursuites, il devra se convaincre, à la lumière des éléments de preuve qu'il a, qu'il s'agit là véritablement d'une situation où il y a lieu d'instituer des poursuites et d'invoquer une présomption de culpabilité ou le renversement du fardeau de la preuve sur le contrevenant.

Je pense que laisser ceci entre les mains du procureur général est la meilleure solution dans les circonstances car il devra quand même rendre compte de ses actions devant le Parlement et devant l'opinion publique. Il devra se placer au niveau de l'intérêt général et je crois que l'intérêt général au Québec, à l'heure actuelle, requiert qu'on se convainque de la nécessité du respect des lois. Il devra ne pas prendre des poursuites parce que ceci pourra faire l'affaire ou ne pas faire l'affaire de l'une ou de l'autre partie, mais exclusivement analyser la situation en fonction de la preuve qui est disponible et, d'autre part, de l'intérêt et de la nécessité même qu'il y a de faire respecter la loi qui interdit des grèves, des ralentissements de travail ou des lock-out pendant la durée d'un décret.

Alors, je pense qu'à tout considérer, même si les mesures préconisées dans ces articles sont assez énergiques, malgré tout elles ne devraient pas donner lieu à des injustices à l'égard des parties qui pourraient faire l'objet des poursuites en question.

Le Président (M. Séguin): Avant de donner la parole au député de Sauvé, est-ce qu'il y a un texte, M. le ministre?

M. Choquette: Le texte, je crois, a été déposé par le ministre du Travail, vendredi. Il n'a pas été adopté, mais c'est sur ce texte que je parle.

M. Burns: M. le Président, m'étant assuré du consentement du député de Sauvé, j'aurais juste une question, si j'ai votre consentement à vous, à poser au ministre de la Justice.

M. Choquette: Oui, oui, sans doute.

M. Burns: Depuis la mise en application de la loi no 290, la Loi des relations du travail dans l'industrie de la construction, à votre connaissance comme ministre de la Justice ou, en tout cas, depuis que vous êtes en poste, c'est-à-dire depuis 1970, est-ce qu'il y a eu un nombre quelconque de poursuites pour grèves illégales? Si oui, quel est ce nombre et quel a été le résultat des poursuites?

M. Choquette: II y a eu un certain nombre de poursuites prises en vertu du bill 290 et du bill tel qu'amendé. Je pense que le député de Maisonneuve pourra aussi considérer qu'il y a eu le bill I5 ou le bill I9 — je ne me souviens plus trop trop des numéros — qui ont été adoptés.

M. Burns: Le bill I5.

M. Choquette: Le bill I5, oui. Le député aussi devrait se rappeler un certain nombre de poursuites que nous avons prises, par exemple, dans le domaine des ascenseurs, où nous avons été bloqués par un bref d'évocation qui est allé en cour Supérieure, puis en appel, puis à la cour Suprême du Canada.

Il y a eu, donc, un nombre assez considérable de plaintesqui ont été portées, mais nous nous retrouvons très fréquemment devant des difficultés de preuve et cela était absolument incontestable. Je ne peux pas, vous savez, donner de chiffres absolument précis au moment où je réponds au député, parce que je n'ai pas devant moi toutes les données sur cela.

M. Burns: Cela me semblait être un élément important de votre argumentation. Vous argumentiez qu'il était impossible ou à peu près impossible d'intenter des poursuites dans l'état actuel de la loi, dans les cas de grèves illégales. C'est difficile de le prouver s'il n'y a pas eu d'exemples précis. Est-ce qu'il y aurait eu des cas, par exemple, où vous auriez poursuivi la plainte jusqu'au jugement final et où le juge vous aurait dit tout simplement: Je ne peux pas rendre jugement à l'effet qu'il y a eu grève illégale ou, tout au moins, s'il y a eu grève illégale, je ne peux pas relier M. Untel, M. Untel, accusés, à cette affaire.

M. Choquette: II y a eu des cas, mais là je n'ai pas de souvenir précis. Vous comprenez que tout cela s'étend sur plusieurs années.

M. Burns: Vous me permettrez, M. le ministre. Le changement est tellement radical — je pense que comme ministre de la Justice, surtout comme avocat, vous vous en rendez compte — tellement important d'inverser le fardeau de la preuve dans des cas comme ceux-ci qu'il faudrait, tout au moins, avoir la justification qui existait lorsqu'on a amendé le code du travail pour imposer le fardeau de la preuve, suivant certaines conditions, d'autre part, à l'employeur qui congédiait un employé pour activités syndicales.

Avant que la présomption s'applique, il y a quand même un élément de preuve qui doit être fourni par le poursuivant, c'est-à-dire le salarié qui prétend avoir été injustement congédié.

Comme dans le cas, par exemple — vous avez peut-être cité ce cas — de la Loi fédérale des drogues ou si, à un moment donné, la poursuite est "possession en vue d'en faire le trafic", il s'agit, pour la couronne, de prouver la possession d'abord et là le fardeau de la preuve est inversé, c'est-à-dire que la personne doit prouver qu'elle ne voulait pas en faire le trafic.

Je ne veux pas argumenter sur le fond, le chef de l'Opposition veut le faire. Je me réserve le droit d'argumenter plus tard. C'est simplement au niveau des questions préliminaires que je me posais.

M. Choquette: II faut, dans le cas actuel, le cas des amendements que nous proposons, qu'il y ait effectivement une grève ou un ralentissement de travail. Il y a quand même un élément de fait qu'il incombera à la poursuite de prouver avant de faire jouer la présomption. Si je suis le député de Maisonneuve dans son raisonnement juridique, il dit qu'il faut qu'il y ait un élément de fait qui donne naissance à la présomption. Par exemple, dans le cas de possession de drogue ou de possession d'effets volés, on sait que c'est la possession de ces choses-là qui fait naître la présomption.

M. Burns: Oui, mais je ferais la distinction suivante, M. le ministre. Dans les cas de possession de drogue, par exemple, ou dans les cas d'application de la doctrine de la possession récente, dans un cas de recel ou de vol, où le fardeau de la preuve, je l'admets, est inversé, il y a déjà une preuve qui est personnalisée à l'endroit de l'accusé. Ici, vous aurez une preuve qui n'est aucunement personnalisée, c'est-à-dire qu'il s'agira, de la façon dont je comprends le texte, de prouver qu'il y avait grève illégale. On ne relie pas l'individu techniquement à cela. Dans le cas de congédiement pour activités syndicales, il faut qu'il y ait non seulement preuve d'un congédiement; il faut qu'il y ait congédiement et une fois qu'on a admis qu'il y avait congédiement, qu'on a prouvé qu'il y avait congédiement, il faut que le commissaire enquêteur ou le tribunal du travail, si c'est un cas en appel, soit saisi du fait que la personne congédiée exerçait un droit prévu par le code du travail. On personnalise la preuve avant d'exercer la présomption, ce qui ne me semble pas évident dans le texte qu'on nous soumet ici.

M. Choquette: Si le député de Maisonneuve me le permet, je lui dirai ceci. Advenant le cas où je prendrais des poursuites en vertu de l'article 24, il est bien évident que les poursuites seraient dirigées contre les chefs et contre les représentants syndicaux bien d'être dirigées contre les employés eux-mêmes.

M. Burns: Ce n'est pas ce que le texte dit.

M. Choquette: Non, non, le texte comprend tout le monde; cela, je l'admets. Je tiens à vous dire, cependant, que c'est beaucoup plus conforme, disons donc, à ma façon de procéder, à ma conception des choses, dans ces cas-là, de di- riger des poursuites contre ceux qui détiennent l'autorité dans les syndicats. Vous savez, il est trop facile d'envoyer des messages clandestins à la base en disant: II y a un débrayage d'ordonné pour une heure et l'après-midi ou pour demain matin, huit heures, et qu'à ce moment-là il soit impossible pour nous d'en faire la preuve devant une absence totale de faits.

Il va de soi que les critiques qu'on pourrait formuler à l'égard des articles qui sont proposés seraient beaucoup moins fortes parce qu'on comprendra qu'à la lumière de la situation décrite dans le rapport Cliche, il faut éviter des ordres clandestins ou secrets de débrayage contrairement à la loi 290 et au code du travail en général, qui interdisent ce genre de choses pendant la durée d'une convention collective.

Maintenant, il se fait aussi...

M. Bellemare (Johnson): M. le Président, je pense qu'on est au coeur du débat. On devrait laisser aller le député de Sauvé parce que, moi aussi, je voudrais participer à cette discussion. On voudrait bien entendre le député de Sauvé, puis après on ferait ce débat. Parce que j'ai un discours, moi aussi sur le principe même et sur les modalités d'application, si ce sera appliqué devant les tribunaux généraux ou devant le tribunal du travail, si c'est une loi temporaire ou permanente, si c'est une loi d'exception, et que le ministre nous apporte des preuves, et le reste, et le reste.

Si le député de Sauvé pouvait nous faire son exposé, après cela, chacun notre tour, on pourrait faire notre intervention.

M. Burns: D'accord, c'étaient simplement quelques questions que je posais et on s'est laissé entraîner, le ministre et moi, dans un argument de fond.

Le Président (M. Séguin): Je vous aurais interrompus il y a longtemps si ce n'est que le chef d'Opposition m'avait déjà informé, à ma demande, que lui reconnaissait le bien-fondé des questions que posait le député de Maisonneuve. Dans ces conditions, je n'ai pas interrompu.

M. Burns: M. le Président, on va régler le problème, je cesse tout de suite mes questions; si vous le voulez bien, remettez la parole au député de Sauvé.

Le Président (M. Séguin): Oui et la parole sera, après le député de Sauvé, au député de Johnson.

Entre-temps, selon ce que dira le député de Sauvé, si le ministre doit répondre immédiatement, on le reconnaîtra. Ecore là, ce n'est pas un délai...

Le député de Sauvé.

M. Morin: Merci, M. le Président.

En deuxième lecture, j'ai fait valoir, au nom de l'Opposition officielle, les arguments qui nous paraissaient militer contre le changement tout à fait fondamental que le ministre du Travail, appuyé par

le ministre de la Justice, entend apporter dans notre système législatif.

Il y a des arguments de principe qu'on peut faire valoir, à l'encontre d'un tel renversement du fardeau de la preuve. Il y a aussi des arguments concrets qui tiennent à la vie telle qu'elle se déroule sur les chantiers de construction.

Je crains que, tant sur le plan des principes que sur le plan des réalités concrètes, cet article nouveau qu'on nous propose n'entraîne des difficultés considérables. Sur le plan des principes, j'ai déjà exposé l'attitude de l'Opposition, en deuxième lecture, et je ne vais pas reprendre toute l'argumentation. La règle tout à fait fondamentale, aussi bien en droit pénal qu'en droit statutaire, la règle qui veut que l'accusé soit présumé innocent, jusqu'à ce qu'on fasse la preuve de sa culpabilité, cette règle ne doit être écartée que dans des cas extrêmes, et pour des motifs qui peuvent être clairement déterminés. Cela ne nous paraît pas être le cas en l'occurrence. C'est peut-être exact de dire que le principe du doute raisonnable ne joue peut-être pas un rôle aussi fondamental en droit statutaire qu'en droit pénal; néanmoins, les tribunaux l'ont appliqué, généralement, ce principe, en droit statutaire. J'estime que, sur le fond, il n'y a pas lieu de faire une distinction entre droit pénal et droit statutaire lorsque l'on s'en prend au principe du doute raisonnable.

Il me paraît que l'accusé — surtout dans les circonstances sociales où il risque d'être plongé — doit avoir toute la protection que le droit pénal accorde à un accusé dans quelque circonstance qu'il se trouve. Je ne vois pas dans les arguments du ministre ou dans la situation qui a été décrite par le ministre du Travail, à plusieurs reprises, la semaine dernière, de faits qui justifient un tel accroc — parce que c'en est un — au droit commun.

Si on nous avait démontré qu'il y avait vraiment péril national, que la sécurité publique était en danger, peut-être aurions-nous pu conclure qu'il y avait une urgence telle que ce principe fondamental dû être écarté.

Mais ce n'est pas le cas. On aura beau dire que les chantiers de construction, c'est bien essentiel à l'économie, je n'arrive pas à me persuader que cette partie de l'économie doit être perçue comme étant tellement sensible qu'on doive s'écarter des règles générales pour y faire prévaloir une présomption de culpabilité.

C'est d'autant plus grave que je ne serais pas surpris que, de la construction, on passe à d'autres secteurs. D'ailleurs, pas plus tard que la semaine dernière, un éditorialiste faisait allusion au fait qu'une telle présomption devrait valoir pour tous les secteurs et non pour les seuls travailleurs de la construction. Il ajoutait, cependant — il s'agit du directeur du Devoir — que l'application éventuelle d'une telle présomption devrait être rigoureusement restreinte à des situations précises, comme dans les cas d'urgence. Si je suis d'accord avec la deuxième partie de ce court paragraphe, je dois dire que je serais très inquiet si le geste, que le ministre nous invite à poser aujourd'hui, devait servir de précédent et qu'on aille imposer à d'au- tres secteurs du travail une présomption comme celle-là.

Il n'y a pas que sur le plan des principes que ce renversement du fardeau de la preuve me paraît dangereux, me paraît constituer un dangereux précédent. Il y a sur le plan des réalités concrètes. Je ne sais pas si le ministre se rend compte des possibilités de chantage que recèle l'établissement d'une telle présomption de culpabilité, possibilités de chantage et de pression de l'employeur sur les employés, surtout dans une époque où on a volontiers tendance à pousser les cadences à vouloir terminer les projets à temps. Je pense à un exemple qui me vient à l'esprit, qui viendra certainement à l'esprit de plusieurs personnes ici, je pense au chantier olympique, où, pour diverses raisons et à la suite de divers retards, on pourrait être tenté de forcer la cadence pour arriver à finir à temps, sur le dos des travailleurs.

Alors, dans une perspective comme celle-là, le ministre doit se rendre compte que cette présomption constitue une arme entre les mains de l'employeur, beaucoup plus qu'elle ne constitue une arme en faveur de l'employé en cas de lock-out.

Bien sûr, le ministre va nous dire que l'adjonction de l'article 24 b), qui subordonne la mise en accusation ou la poursuite pour contravention à son consentement, en fait, effectivement, c'est le procureur général lui-même ou toute personne qu'il autorise généralement ou spécialement à cette fin qui pourra prendre la poursuite, le ministre va peut-être prétendre que ce nouvel article peut tempérer la présomption. Je pense que c'est l'esprit dans lequel il l'a fait, pour rassurer les victimes éventuelles de ce système.

Mais, à mon avis, cela n'arrange rien.'Je dirais même au ministre que cela ouvre la porte à l'arbitraire. Même si j'avais la plus grande confiance dans sa droiture, dans son jugement — ce sur quoi je ne ferai pas de déclaration ce matin — il se pourrait bien qu'il ait des successeurs qui possèdent moins de jugement, qui soient moins détachés à l'égard des milieux de la construction qu'il ne peut l'être.

Dans cette perspective, l'intervention du procureur général ne me rassure pas. Je dirais même qu'elle devrait nous rendre plus inquiets à l'égard du renversement du fardeau de la preuve. On a prétendu mettre sur un pied d'égalité les employés et les employeurs. En réalité, si les poursuites prises par les uns ou par les autres doivent l'être par le truchement du procureur général, on voit que cela peut ouvrir la porte à des choix arbitraires.

En ce qui me concerne, M. le Président, l'article 24b), loin de me rassurer, m'inquiète davantage. Quand on se donne, par l'esprit, l'ensemble du tableau du système de présomption, plus le choix arbitraire que comporte l'article 24b), je pense qu'on doit commencer à être fort inquiet du système qui nous est proposé, des possibilités de chantage, de pressions sur les chantiers, des possibilités de choix qui s'offrent par la suite au procureur général d'approuver ou de désapprouver, de poursuivre ou de ne pas poursuivre lorsque des employeurs ou des employés victimes, dans un cas, d'un ralentissement de travail et dans l'autre,

d'un lock-out, voudront obtenir son intervention.

M. le Président, je dirais presque que l'article 24b) aggrave le système de présomption qui nous est proposé parce qu'il peut comporter une inégalité d'employeurs et d'employés devant le droit. Au plan des principes, je pense qu'on doit écarter le plus possible ce genre d'arbitraire, ce genre de possibilités d'arbitraire entre les mains du procureur général.

Sur un ou deux points de détail, et pour ne pas retenir indûment la commission, je voudrais ajouter une ou deux réflexions avant de proposer un amendement. Tout d'abord, si le ministre insiste que ce renversement du fardeau de la preuve, que cette présomption est absolument nécessaire et qu'il y a état d'urgence, une telle urgence qu'on doive s'éloigner du droit commun, je dirais au ministre qu'à ce moment-là, il devrait peut-être s'en prendre aux dirigeants mais s'en prendre aux salariés eux-mêmes, je crois que cela crée une situation où les pressions et où le chantage dont je parlais tout à l'heure seront d'autant plus faciles pour l'employeur. Je m'inquiète de voir, dans le premier paragraphe de l'article 24, cette expression "ou nul salarié". J'admettrais, à la rigueur, si le ministre insiste, dans l'hypothèse où le ministre insiste — parce que j'ai dit qu'au plan des principes, nous étions contre ce renversement du fardeau de la preuve — s'il n'y a pas moyen de fléchir le ministre... Je dois dire que je n'admets pas qu'à côté des dirigeants, des délégués de chantiers, des agents d'affaires ou des représentants d'associations, on fasse peser une telle présomption contre les salariés eux-mêmes, c'est-à-dire l'ensemble des travailleurs. Je ne peux pas l'admettre. Je ne m'explique pas que le ministre se soit laissé influencer au point d'établir une présomption comme celle-là à rencontre de la masse des travailleurs. Là encore, je vois une possibilité d'extension du domaine de la construction à d'autres secteurs du travail. On imagine facilement — il n'est pas besoin d'avoir une bien grande imagination — les possibilités de chantage et de pressions qui pourraient s'exercer sur la masse des travailleurs grâce à un article comme celui-là s'il devait, par la suite, prendre de l'extension.

M. le Président, ce n'est pas qu'une simple règle anodine applicable au seul domaine de la construction que nous sommes en train d'adopter. C'est un changement de principe fondamental éventuellement extensible à d'autres secteurs de l'industrie, d'autres secteurs du travail. Je pense qu'on doit peser de tels changements fondamentaux dans notre droit, fût-il statutaire, avant de les proposer.

Je m'étonne même que le ministre de la Justice, qui connaît sans doute plus que ses collègues les exigences des principes dans le domaine juridique, — j'aurai également l'occasion de le dire à l'article 1er — se soit laissé entraîner dans ce que je considère comme des égarrements.

Dernière considération avant de céder la parole à d'autres, M. le Président, si le ministre est absolument convaincu que cette règle est essentielle, ce que je conteste encore une fois, et s'il justifie ce renversement du fardeau de la preuve par une situation d'urgence, n'y aurait-il pas lieu de prévoir que ce renversement du fardeau de la preuve serait limité dans le temps et pourrait durer, par exemple, ce que dureront les tutelles? Ce que je crains c'est que ce système devienne permanent et généralisé. Le ministre admettra avec moi que cela comporte plusieurs dangers.

Enfin, j'ai bien dit que, dans mes deux dernières observations, je prenais l'hypothèse que le ministre va insister pour maintenir le renversement du fardeau de la preuve. Mais j'ose encore croire qu'il est temps de l'amener à penser que c'est un système abusif et qui comporte, de façon inhérente, des dangers pour l'ensemble du monde du travail.

C'est pourquoi je proposerais que cet article 2 soit amendé de façon à retrancher les deux seconds alinéas de l'article 24 et 24 a), ou si vous le voulez, M. le Président, le présentant de façon formelle, que l'article 2 soit modifié en retranchant les deuxièmes alinéas des articles 24 et 24a). Je vous donne copie dudit amendement.

Voilà, j'ai terminé, pour l'instant, l'ensemble de mes réflexions, mais il est évident que le député de Maisonneuve et moi-même nous réservons de revenir sur les détails au fur et à mesure du déroulement de la discussion.

M. Bellemare (Johnson): M. le Président.

Le Président (M. Séguin): Un instant, s'il vous plaît, vous parlez sur le sous-amendement?

M. Bellemare (Johnson): Oui, d'accord, le sous-amendement.

Le Président (M. Séguin): J'ai déjà devant moi un sous-amendement, je dirai que ce sous-amendement est recevable, donc il n'y a pas de débat sur la recevabilité. On peut discuter sur le sous-amendement, soit de retrancher les deux alinéas mentionnés dans le sous-amendement.

M. Bellemare (Johnson): M. le Président, parlant sur le sous-amendement, je voudrais simplement poser une question, au début de mes remarques, au ministre.

C'est une loi d'exception très grave, dans un domaine bien particulier qui peut, comme dit le chef de l'Opposition, s'étendre demain, d'ailleurs c'est pressenti dans bien des milieux, cette crainte qui demain, se servant de ce précédent établi dans une loi générale, causerait des préjudices véritables à tout le syndicalisme.

Mais puisque c'est une loi d'exception, le ministre est mal préparé ce matin, n'ayant devant lui aucun fait probant. Je pense que, comme bon plaideur, il se doit, lui personnellement, ce matin, en corollaire, à cette loi d'exception, dire: Voici, je vous apporte une loi d'exception... Oui d'accord, je l'ai lu à la page 279, et les commentaires qui sont faits à la page 269 pour faciliter la trouvaille au ministre, j'ai lu ça, moi aussi.

Mais je dis que le ministre est mal préparé ce matin pour venir nous demander cet amendement sans nous donner des preuves justificatives,

c'est-à-dire pour nous dire, depuis deux ans, depuis trois ans, même depuis l'adoption du bill 290 et même du bill 15 et du bill 9, amendant le bill 290, combien de cas spécifiques ont attiré l'attention du ministre et sur lesquels le procureur général a intenté véritablement uneaction, il y en adeux, il y aen quatre, il y en a cinq, il y en a douze, il y en a 20? Cela, M. le Président, c'est très important pour établir le débat qu'on fait.

Le Président (M. Séguin): Sur le sous-amendement.

M. Bellemare (Johnson): Sur le sous-amendement parce que le sous-amendement, M. le Président, revient à appliquer une infraction générale, sans le fardeau de la présomption de la preuve. Je pense que c'est sur cela que je parle.

M. Choquette: Je trouve la question présomptueuse.

Le Président (M. Séguin): II est question dans les deux...

M. Bellemare (Johnson): Pour parler avec connaissance de cause sur l'amendement, tout à l'heure, il faudrait que le ministre nous donne un certain nombre de causes qui ont été entendues. M. le Président, la commission Cliche dit que l'interprétation du bill 290 amène souvent des complications et fait voir dans la législation certaines déficiences. "Le manque de clarté et de cohésion dans la rédaction de la loi 290 en rend souvent l'interprétation hasardeuse. Les tribunaux, par exemple, sont fréquemment contraints de rejeter des plaintes pénales pour le motif que les termes de la loi n'instituent pas clairement les infractions reprochées aux intimés." Et il recommande, à la page 279, l'institution dans la loi 290 de présomptions de culpabilité à l'encontre des employeurs accusés... et cela se continue.

M. Choquette: Est-ce que le député veut une réponse? Voici, le député mentionne les conclusions de la commission Cliche à la page 269. Je crois que je devrais les relire pour bien en pénétrer...

M. Bellemare (Johnson): Non, non, écoutez, M. le Président...

M. Choquette: ...les membres de la commission ici.

M. Bellemare (Johnson): ...je ne voudrais pas laisser sortir le ministre de la question que je lui ai posée.

M. Choquette: Non, je vais répondre à toutes vos questions.

M. Bellemare (Johnson): La commission Cliche a fait un travail; nous en faisons un autre, celui du législateur qui est différent, en respectant toutes les décisions. D'ailleurs, je pense que quelqu'un a dit dernièrement que ce rapport aurait dû faire l'objet d'une législation globale. Là, on en prend des parties et c'est ce que contestent souvent les membres mêmes de la commission Cliche, en particulier M. Chevrette qui, dernièrement, disait: Je reproche au gouvernement de ne pas avoir fait une législation globale au lieu d'en prendre des parties qui font son affaire pour en propulser certaines idées.

Je pose au ministre la question suivante: Est-ce que le ministre a en main une liste de causes qui ont été faites durant l'année dernière, il y a deux ans, de grèves illégales, de "lock-out" ou de manquements au décret? Est-ce que cette liste existe...

M. Choquette: Voici...

M. Bellemare (Johnson): ...pour invoquer ce matin deux choses: la question d'urgence et, deuxièmement, la question d'exception à la loi?

M. Choquette: Sans doute.

M. Bellemare (Johnson): Bon, si le ministre a ces documents, est-ce qu'on pourrait les avoir pour le constater nous aussi? Si le ministre nous arrive avec un nombre considérable de plaintes qui ont failli, qui ont tombé à cause de l'inapplication de la loi 290, je serai peut-être personnellement... J'ai vécu le système du bill 290 et je sais qu'il y a quelque chose là-dedans. Mais, entre la loi de l'exception qui veut établir une présomption de preuve et celle de l'infraction ordinaire, il y a tout un monde.

M. Choquette: Bon, M. le Président, je voudrais répondre aux questions du député...

M. Bellemare (Johnson): Je n'ai pas fini, M. le Président, mon intervention. Le ministre est impatient. Le ton de ma voix ne lui plaît pas peut-être, je vais l'adoucir.

M. Choquette: M. le Président, je pense que la commission Cliche a vu la situation bien clairement, lorsqu'elle a dit ceci: "L'efficacité des différents recours est encore diminuée par des difficultés de preuve découlant de deux facteurs principaux: le climat particulier à l'industrie de la construction et la piètre rédaction des textes législatifs. Ces déficiences portent particulièrement atteinte à l.'efficacité des poursuites pénales. Compte tenu des exigences de la preuve en cette matière, il peut s'avérer très onéreux d'établir la culpabilité de certains contrevenants. La principale pierre d'achoppement réside dans le climat de terreur qui règne sur les chantiers de construction. C'est une constatation faite par tous ceux qui ont eu à y enquêter."

Tous ceux qui ont eu à y enquêter. Par conséquent, il s'agit bien de policiers ou d'autres fonctionnaires qui ont été appelés à enquêter.

Le ministre de la Justice en a lui-même fait état au cours de sa déposition. Les témoins ont la mémoire courte, au point qu'il leur arrive de tout

oublier au moment de comparaître devant le tribunal. Un instant, M. le Président...

M. Bellemare (Johnson): Non, non! M. le Président, je ne permet pas cette intervention qui ne donne absolument rien au débat, parce que j'ai la parole...

M. Boudreault: Cela répond à vos questions.

M. Bellemare (Johnson): ... et cette intervention, c'est simplement pour lire le rapport que j'ai lu moi-même. Si le ministre se satisfait de ce rapport, moi je me satisferait de statistiques me montrant l'urgence de dévier d'un principe général de nos lois et d'invoquer une présomption de preuve par une loi d'exception. Je continue donc...

Le Président (M. Séguin): Vous posez des questions, vous avez demandé quelles preuves le ministre pouvait avoir...

M. Bellemare (Johnson): Oui, mais qu'il prenne des notes, comme moi; je n'ai pas le droit de parole sans prendre des notes puis attendre son tour. C'est long, mon tour.

Le Président (M. Séguin): II vous donne des réponses de base aux questions que vous avez posées. On reviendra, vous n'avez pas terminé, je vous remettrai la parole immédiatement après qu'il aura terminé. Il n'y a pas d'argument...

M. Bellemare (Johnson): M. le Président je ne suis pas...

Le Président (M. Séguin): Ne posez pas des questions pour ensuite l'empêcher de répondre.

M. Bellemare (Johnson): Non, non! mais dans mon intervention, je peux poser plusieurs questions, le ministre prend des notes et il me répondra comme je le fais personnellement. M. le Président, c'est difficile, pour un homme comme moi, de ne pas perdre le fil et de revenir quand j'ai...

Le Président (M. Séguin): On va vous rendre la tâche très facile. Le ministre répondra en bloc lorsque vous aurez terminé. Très bien, terminez vos commentaires.

M. Bellemare (Johnson): Très bien, merci, M. le Président.

Le Président (M. Séguin): Question no I, avez-vous des preuves en main? Attendez pour répondre...

M. Choquette: M. le Président ...

Le Président (M. Séguin): Non, le député de Johnson peut continuer. Très bien, vous allez voir.

M. Bellemare (Johnson): M. le Président, pour établir dans une loi un régime d'exception aussi sévère, je ne dis pas qu'il n'y a pas de bonnes rai- sons, mais je dis qu'on n'a pas la preuve suffisante pour légiférer.

Cet amendement dont il est question actuellement veut simplement essayer de prouver que, d'abord, on n'a pas les statistiques voulues pour établir un régime d'exception. Deuxièmement, M. le Président, c'est ce que le ministre nous a dit tout à l'heure, que la loi sera peut-être temporaire, si le climat s'améliore, mais comme il n'est pas convaincu que le climat peut s'améliorer prochainement, elle pourra demeurer dans notre législation. Troisièmement, c'est le chef de l'Opposition qui l'a dit et je le répète, elle couvrira peut-être, à cause des circonstances, plusieurs autres syndicalistes dans d'autres domaines. Cela serait aussi extrêmement grave.

Mais le point particulier que j'invoque ce matin, c'est que je ne crois pas que le ministre puisse venir devant nous sans nous apporter des preuves véridiques démontrant qu'il y a état d'urgence.

Il y a un état de panique, c'est vrai, mais cela ne veut pas dire qu'il y a un état d'urgence. Le nombre de grèves légales et les lock-out, depuis trois ans au moins, il me semble que c'est raisonnable. Le nombre de poursuites qui ont failli à cause des difficultés de la preuve, cela aussi c'est important pour nous... Un instant, un instant, je le vois faire des... Non, un instant, je vais terminer. Est-ce que cette loi ne pourrait pas être seulement temporaire, pour la période que durera le mandat du bill 29. Est-ce qu'on ne pourrait pas au moins la limiter; pas la prolonger ad vitam aeteram sur le bon plaisir du gouvernement?

Elle pourra durer, durer, durer, durer et peut-être s'étendre à d'autres domaines. Alors pourquoi cette loi ne serait-elle pas, si elle doit être adoptée, au moins limitée à un certain nombre d'années, puisque le ministre lui-même a dit tout à l'heure qu'à cause des circonstances particulières, si le climat s'améliorait, elle pourrait être temporaire?

M. le Président, il y a un principe dans la législation qui prévaut aujourd'hui et qui veut qu'un accusé n'est jamais condamné sans être entendu, n'est pas coupable sans être entendu et jugé. Là, vous allez obliger énormément de petits syndiqués à établir une preuve, parce qu'en vertu de l'article 1, vous établissez la présomption "at large". Cela devient peut-être extrêmement difficile à résoudre.

Je pense à un fait. Si, dans une grève ordinaire, un lock-out ordinaire ou une grève illégale, certaines personnes sont en vacances ou ne participent pas, voici une preuve ou une présomption de preuve qui est difficile à faire. Comment allez-vous rejoindre ces individus pour faire la présomption de la preuve? C'est difficile. Je pense que, si la loi doit demeurer, cela ne devrait pas être sous la juridiction des tribunaux ordinaires. C'est dans la recommandation Cliche, que ce ne soit pas sous la juridiction des tribunaux ordinaires, mais que ce soit, en vertu d'une loi administrative, une division du tribunal du travail, qui serait peut-être plus expéditive et qui donnerait peut-être un meilleur service.

Que soit organisée, dit le rapport, de façon définitive par le ministère de la Justice une direction

générale exclusivement chargée d'instituer ces poursuites et d'en assurer une audition rapide par le tribunal de la commission. On devrait savoir aussi si le ministère va répondre à cette invitation. Si vous suivez le processus de la présomption de la preuve, il faudrait savoir si ces deux recommandations vont s'appliquer. J'ai demandé des statistiques au ministre; il va me répondre que dans le rapport Cliche il y en a de nombreuses, de nombreuses preuves, mais ce n'est pas cela que je veux voir. C'est facile, pour le ministère du Travail ou le ministère de la Justice, de nous donner des chiffres pour deux ans ou trois ans d'application. Il y a eu tant de grèves illégales, il y a eu tant de lock-out, il y a tant de poursuites qui ont failli, qui ne se sont pas rendues à terme; voici la preuve pour laquelle nous demandons une loi d'exception pour répondre à l'argumentation qu'a faite le juge Cliche dans son rapport. A partir de là, cela me satisferait, s'il y avait des statistiques.

M. Choquette: Est-ce que le député a terminé? D'abord, je veux situer cela dans son contexte. Premièrement, il ne s'agit pas, contrairement à ce qu'a dit le député de Johnson, d'enlever à qui que ce soit, le droit d'être entendu. Je crois que le député de Johnson a eu des mots qui ont légèrement dépassé la portée des amendements que présente le gouvernement. En aucune façon ces amendements n'ont-ils pour effet d'enlever à l'accusé ou au contrevenant...

M. Bellemare (Johnson): D'accord, faire la preuve sans être entendu.

M. Choquette: ... son droit...

M. Bellemare (Johnson): Ce n'est pas agréable, n'est-ce pas?

M. Choquette: M. le Président...

M. Bellemare (Johnson): Ce n'est pas agréable? Je veux lui faire sentir comme ce n'est pas agréable.

M. Choquette: Oui, mais, M. le Président...

Le Président (M. Séguin): Ce n'est pas agréable. Répondez.

M. Choquette: ... je suis interrompu constamment alors que j'essaie de donner des réponses au député.

M. Bellemare (Johnson): Vous ne me l'avez pas donné, ce privilège-là, tout à l'heure.

M. Choquette: II maugrée encore, M. le Président.

M. Bellemare (Johnson): Je n'ai parlé à personne, je me suis parlé.

M. Choquette: Oui, mais vous maugréez.

M. Bellemare (Johnson): Vous l'avez entendu? Tant mieux.

M. Choquette: Oui.

M. Burns: Ce n'est pas sa faute, il maugrée près du micro.

M. Choquette: Je dis d'abord une chose, il faut être bien clair. Ces amendements n'ont aucunement l'effet d'enlever à qui que ce soit le droit de se défendre pleinement devant le tribunal. Je pense que c'est assez évident. Deuxièmement, l'amendement proposé par le chef de l'Opposition aurait pour effet de revenir à la situation actuelle car dans l'état actuel des choses...

M. Morin: On ne peut rien vous cacher.

M. Choquette: ... il y a une défense de faire la grève ou de faire un lock-out pendant la durée d'un décret ou d'une convention collective. Donc, l'Opposition, en nous présentant cet amendement, revient au statu quo; elle ne cherche pas ou elle n'a pas pour but de faire avancer la situation. C'est la raison pour laquelle je ne pourrais pas me rallier à ce qui est proposé.

Pour répondre spécifiquement aux questions posées par le député de Johnson, j'invoque tout d'abord les constatations qui se trouvent au rapport de la commission Cliche, aux pages 269 et 270. Je n'en ferai pas lecture de nouveau, même si le député de Johnson m'a interrompu indûment pendant que je lisais le texte pertinent. Or, la commission Cliche a eu en main tout un volume des poursuites ou des incidents ou des situations qui ont demandé enquête de la part du ministère de la Justice.

Ce volume qui fait la synthèse de tous les événements qui se sont produits, depuis cinq ans, dans le domaine des relations de travail dans la construction, démontre qu'il est extrêmement difficile, non seulement d'entreprendre une poursuite devant le tribunal pour un arrêt illégal de travail, pendant la durée d'un décret ou d'une convention collective, mais qu'il est même difficile de faire une enquête dans ce domaine. Il est même difficile, pour le ministère de la Justice et les forces policières de faire une enquête pour vérifier s'il y a eu arrêt illégal de travail ou non.

Nous nous trouvons devant des situations où à cause de l'intimidation qui a pu exister dans ce milieu, et que j'ai hâte de voir disparaître, nous nous trouvons devant des situations où même les témoins refusent de parler, non pas par crainte de s'incriminer eux-mêmes, car la majorité des travailleurs dans l'industrie de la construction sont des gens parfaitement honnêtes à l'égard desquels il n'y a rien à redire, mais ils refusent de parler de peur que ceci ne leur soit reproché par les gens qui utilisent la violence. Ce qui nous démontre que si je devais vous apporter des chiffres au point de vue des poursuites entreprises par le ministère de la Justice, dans ce domaine, cela ne vous donnerait pas une image complète de la réa-

lité pour la simple et bonne raison qu'il faudrait aller plus loin, pousser la question plus au fond et voir quelles sont les difficultés du ministère de la Justice, à même faire une enquête sur des actions illégales qui sont posées.

Maintenant, j'ai parlé évidemment d'arrêts illégaux de travail. J'ai parlé de ce sujet, puisque c'est cette situation...

M. Bellemare (Johnson): Est-ce que vous pouvez le déposer...

M. Choquette: M. le Président, encore une fois, non.

M. Bellemare (Johnson): ... ce document?

M. Choquette: Je ne veux pas le déposer parce qu'il y a tellement de renseignements policiers dans ce rapport, que je ne voudrais pas le déposer et le rendre public. Mais, je peux le montrer, et on pourra voir qu'il y a eu tout un travail en vertu duquel nous avons colligé toutes les situations qui ont surgi dans l'industrie de la construction, depuis les cinq dernières années. Il ressort de ce document très volumineux, que la commission Cliche a eu en main, pour la préparation de ses conclusions, qu'il y a des difficultés quasi insurmontables, à l'heure actuelle, quant à la poursuite des enquêtes par le ministère et quant à apporter des preuves valables devant les tribunaux. C'est la situation devant laquelle nous nous trouvons.

Je suis parfaitement d'accord sur la philosophie libérale exprimée autant par le chef de l'Opposition que par le député de Johnson. Je n'aime pas plus qu'un autre apporter ce genre de texte de loi. Je souhaite, pour ma part, qu'il soit limité au point de vue de son efficacité — je parle du domaine de la construction — et que ce ne soit pas une loi qui s'étende à tout le domaine des relations de travail. Je suis également de votre avis que je trouverais bien préférable que ce genre de texte de loi ait une application limitée dans le temps, c'est-à-dire que cela dure quelques années, le temps de pacifier, de régulariser, d'amener ce domaine des relations de travail dans la construction à la normale. Je suis parfaitement de votre avis.

Par contre, je ne peux pas me contenter de vivre au niveau des grands principes. Je dois voir quand même à l'action efficace des enquêtes du ministère de la Justice, je dois voir à l'action efficace des enquêtes du ministère du Travail, non pas que j'aie une responsabilité directe, mais je dois quand même prendre ce que le ministère du Travail fait comme enquête et m'en servir d'une façon valable devant les tribunaux, c'est donc que j'ai une responsabilité partagée avec le ministre du Travail, à ce point de vue. Je dois voir à ce que nous rétablissions un climat normal dans ce secteur de la construction.

Je soumets que cette mesure, qu'on pourra peut-être qualifier de draconienne, peut-être que de votre côté on pourra trouver que c'est draco- nien, mais je vous soumets que c'est nécessaire dans l'état actuel des choses, malgré que je n'aie pas du tout de goût à voir cet état de choses se prolonger et se généraliser surtout aux autres secteurs du domaine du travail.

Alors, c'est ça, la situation; c'est ma réponse à votre question.

M. Burns: M. le Président...

M. Bellemare (Johnson): Je vous remercie des statistiques.

Le Président (M. Séguin): Le député de Maisonneuve.

M. Burns: ... peut-être que, parlant sur la motion, j'aurai à rappeler des choses qui ont été dites, soit par le député de Sauvé ou par le député de Johnson. Mais je pense que le geste qu'on s'apprête à poser, en permettant un tel accroc aux règles normales de preuve, me force à ne pas passer sous silence un certain nombre de choses avant qu'on adopte cela, en tout cas, bien à regret pour nous, car il semble que le ministre de la Justice n'est pas ébranlable là-dessus. Je vais essayer de faire un dernier effort pour l'ébranler.

Il y a une chose qui m'a frappé dans ce que le ministre de la Justice a dit dans sa première intervention, pas dans cette dernière, mais dans la première.

Le ministre a parlé de clandestinité de l'ordre de grève, dans les cas de grèves illégales. Je pense que c'est méconnaître le mouvement syndical de penser que toutes les fois où il y a une grève illégale, cela se fait par des ordres clandestins, par en dessous de la table. Là, je vais vous parler de ma propre expérience de négociateur syndical. J'ai eu, dans mes dix années actives de syndicalisme, à faire face à des dizaines et des dizaines de grèves illégales, si on veut, selon la loi, grèves qui ne sont pas faites dans la durée où c'est permis, alors que j'étais le chef négociateur.

Je peux vous dire que, dans ces dizaines et dans ces dizaines de cas, j'étais à peu près le dernier à apprendre que les gars ou les filles pour qui je négociais avaient débrayé en dehors des délais. Je pense que le ministre du Travail est en mesure de me confirmer ça. Je peux vous dire que, de nombreuses fois, je me faisais réveiller la nuit parce que, à un moment donné, on me disait: A l'usine où tu négocies, où tu as une séance de négociation prévue pour ce matin, les gars ont débrayé. Alors, je sautais dans mes culottes, comme on dit, et je me rendais sur les lieux pour m'enquérir de cette raison qui avait globalement fait sortir les gens.

Ce que j'ai constaté, c'est que ce sont, dans 90%, je dirais même peut-être plus que ça, des cas de mouvement collectif spontané. Ce n'est pas pour rien qu'on appelle cela des grèves spontanées. C'est effectivement ça. Ce sont des choses qui, d'abord, se font collectivement. Evidemment, il y a des leaders dans une usine ou dans un chantier. Il y a toujours des gens qui entraînent les au-

très, c'est sûr. Il y a des chefs naturels. Mais c'est bien rare que ces choses sont organisées dans la clandestinité, d'avance.

Cela, je pense, qu'il ne faudra jamais l'oublier quand on étudiera le mode de preuve ou, si vous voulez, le genre de fardeau de preuve qu'on doit imposer aux gens, les dirigeants, les agents d'affaires et même les salariés. Ce sont des espèces de vagues de fond qui se créent. Je pense, par exemple, à des cas bien spécifiques dans le domaine de la construction où je peux pratiquement vous jurer qu'il n'y a pas un agent d'affaires qui est allé dire à qui que ce soit de débrayer.

Je pense aux cas de sécurité au travail. Les cas où vous voyez le plus souvent des débrayages, c'est quand il y a mort d'hommes ou blessures très graves à cause du fait que les règles de sécurité minimum ne sont pas appliquées sur tel et tel chantier. Pensez au cas, peut-être le plus lointain auquel je pense, de l'échangeur Turcot, à Montréal. Pensez à un cas peut-être plus récent, le phénomène du Mont-Wright. Il y en a d'autres, il y en a partout, dans d'autres domaines que dans celui de la construction. Vous avez le cas de Chromium Mining et vous en avez une série qu'on pourrait énumérer.

Qu'est-ce que vous voulez? Le travailleur se sent solidaire de son compagnon de travail qui vient de se faire tuer, selon lui, injustement, qui vient de se faire assassiner. Il est placé, lui, devant une situation où même le code criminel, semble-t-il, ne le protège pas, où même le code criminel, au dire de vos procureurs, de vos substituts du procureur général... Je pourrais même citer Me Robi-chaud qui m'a déjà écrit une lettre il y a quelques années. D'ailleurs, j'avais son autorisation de le citer publiquement. Il me disait: L'état actuel du code criminel ne permet pas de poursuite pour négligence criminelle.

Je n'ai pas entendu le ministre de la Justice se plaindre de cette situation auprès de son homologue fédéral et demander un amendement au code criminel en matière de négligence criminelle dans ces cas. Pourtant, Me Robichaud comme tant d'autres procureurs de la couronne permanents se plaignent du fait que le code criminel actuel ne permet pas de poursuivre un employeur pour négligence criminelle dans les cas où il y a mort d'homme et lorsque les règles de base de la sécurité ne sont pas appliquées. Je pensais au cas de l'échangeur Turcot, où tout simplement l'étayage — je ne connais pas le mot technique exact, l'étayage, est-ce comme cela qu'on l'appelle? — d'un caisson à ciel ouvert n'avait pas été fait conformément aux règles normales de sécurité. Le caisson a défoncé et il y a des gens qui se sont fait enterrer là-dedans. Bon! Pensez à ce qui s'est passé au Mont-Wright. C'est sûr que n'importe quel coroner, quand il va se pencher sur la situation, malgré les interventions nombreuses du mouvement syndical dans ce domaine, va regarder la loi et dire: II y a des éléments de négligence, il y a les règles de sécurité qui n'ont pas été appliquées, mais je ne peux pas dire qu'il y a négligence criminelle. Les procureurs de la couronne à qui on va transmettre le dossier — c'est sûr que l'opinion du coroner n'est pas définitive, le ministère peut toujours continuer malgré l'opinion du coroner — sont tous convaincus, sans doute le ministre de la Justice l'est-il aussi, que l'état actuel du droit criminel ne permet pas de prendre des poursuites criminelles contre les patrons qui contreviennent aux règles de base de sécurité.

Alors, qu'est-ce qui arrive? Il reste cette espèce de sentiment de frustration de la part du travailleur qui se dit: Mais qu'est-ce qu'il me reste à faire? A qui vais-je gueuler cette espèce de désapprobation de la situation actuelle? Il le fait de façon spontanée. Il dit: Je vais la crier avec la seule façon que j'ai de la crier. Je vais arrêter de travailler. Et il le fait collectivement, à ce moment.

Cela, je pense qu'il ne faudra jamais l'oublier parce que, vous savez, dans des cas semblables, il va continuer à y avoir des grèves soi-disant illégales. Moi, je n'appelle pas cela des grèves illégales, dans des cas comme ceux-là. Je ne me pose même pas la question de la légalité, comme, dans le temps, quand je voyais les gens pour qui je négociais débrayer spontanément. Je me posais la question de la légitimité de leurs réclamations. C'est beaucoup plus important parce qu'on est dans un domaine de relations humaines. On n'est pas dans un système pur de droit. Le danger, c'est qu'avec l'amendement qu'on s'apprête à adopter, on se place dans un cadre de système pur de droit. La preuve, c'est que, probablement, le ministre de la Justice, à la suite des demandes que je lui ai formulées et que le député de Johnson a formulées, pourrait nous citer nombre de cas de grèves illégales qui ont eu lieu depuis qu'il est en poste comme ministre de la Justice, soit depuis cinq ans, où véritablement il n'a pas cru bon intervenir parce que les parties avaient réglé cela entre elles, parce qu'on n'est pas dans un domaine de droit pur. Les relations ne sont pas du droit strict. Vous avez des relations humaines, vous avez des gens qui, même s'ils se détestent, même si, par frustration, du côté syndical, décident de débrayer, se disent tôt ou tard: Le patron que je hais, le patron qui me traite mal, à mes yeux, le patron qui ne fait pas les choses qu'il devrait faire, je vais être obligé de continuer à vivre avec lui, et les relations se normalisent. C'est cela parce que, dans le fond, le droit du travail, c'est beaucoup plus — je n'aime pas l'expression "la paix sociale", qui vient constamment dans la bouche des chambres de commerce et tout ce que vous voulez — des règles pour normaliser des relations de travail. C'est beaucoup plus cela.

Alors quand on impose un changement en matière juridique, en matière légale, dans un contexte strictement de droit, à mon avis, on fait une grave erreur.

La deuxième erreur, à mon avis, c'est que dans toute l'argumentation en faveur de la modification, tant dans le rapport Cliche que dans les paroles que j'ai entendues de la part du ministre de la Justice et, d'ailleurs, aussi de la part du ministre du Travail l'autre jour, on envisage les difficultés de preuve eu égard à la situation actuelle.

Vous allez me dire: Ce n'est pas sûr, ce que vous dites. Si je reprends mon argument de tout à l'heure, peut-être allez-vous dire: Ce ne sont pas toutes les grèves qui sont spontanées, qui sortent vraiment des tripes des travailleurs. Je vais vous dire: Oui, c'est vrai.

Peut-être que dans certains cas on peut trouver, sur des chantiers de construction, que ce sont des fiers-à-bras; je ne vous dis pas que c'est la majorité des cas mais je pense qu'on peut en trouver, je vais l'admettre publiquement. Mais c'est la situation actuelle. Or, on nous a littéralement vendu l'idée, je pense même qu'on l'a vendue à la FTQ, si j'entends les récentes déclarations de M. Laberge, que la tutelle serait une solution, sinon la solution, une solution très importante pour régler ce problème. Que vise la mise en tutelle des quatre syndicats? Simplement dans des cas bien précis où des abus ont été constatés à cet égard principalement — il y en a eu d'autres, il y a des questions de fond, etc., mais c'est clairement réglé par une mise en tutelle — je pense qu'on tente de nous vendre l'idée que la mise en tutelle va changer cette situation.

Or, je m'arrête aux mots mêmes de la commission Cliche à la page 269; je m'excuse de le répéter, même si le ministre l'a cité: "L'efficacité des différents recours est encore diminuée par des difficultés de preuve découlant de deux facteurs principaux: le climat particulier à l'industrie de la construction et la piètre rédaction des textes législatifs".

Je prends tout de suite la deuxième. Si les textes sont mal rédigés, qu'on les modifie, je n'ai pas d'objection là-dessus. Mais modifier un texte parce qu'il est piètrement rédigé, ça ne veut pas dire de changer les règles normales de poursuite, ça ne veut pas dire d'imposer un fardeau de la preuve à quelqu'un qui a normalement à se défendre. Deuxièmement, je reviens au premier argument, le climat particulier à l'industrie de la construction plus loin décrit comme un climat d'intimidation, etc. Ou bien vous êtes logiques, M. le ministre du Travail et M. le ministre de la Justice, avec le projet de loi 29 que vous avez fait adopter avec la majorité gouvernementale et, à ce moment-là, il faut accepter que les règles particulières que vous avez mises en place vont changer la situation actuelle. Ou bien nous avons fait un geste qui n'est pas normal pour un législateur, c'est-à-dire que nous avons posé un geste totalement inutile en adoptant le projet de loi no 29. Je prends votre parole, je prends la parole de la majorité. Maintenant le projet de loi est adopté, j'étais contre en principe, je suis toujours contre. Mais maintenant que ça devient une loi — elle n'est pas encore sanctionnée, je pense, elle va l'être bientôt, dans quelques heures, dans quelques jours — comme n'importe quel citoyen du Québec je suis obligé de dire: Le législateur a tranché la question, il est censé avoir posé un geste intelligent, donc un geste qui va changer la situation dans l'industrie de la construction. Que vient faire alors le changement proposé sur l'inversion du fardeau de la preuve?

Voici un autre point que je trouve particulièrement grave dans l'approche de ce texte, et le ministre de la Justice va très bien comprendre ce que je veux dire; d'ailleurs n'importe qui ayant le moindrement l'habitude des tribunaux va comprendre. Je ne dis pas que les autres ne comprendont pas, mais disons que c'est très facile quand vous avez eu l'expérience de plaider quelque chose et de faire une preuve devant un tribunal.

La preuve, une fois qu'on aura inversé le fardeau, qui restera à faire à l'association de salariés, aux dirigeants, aux délégués, à l'agent d'affaires, aux représentants de l'association ou aux salariés, avez-vous remarqué que c'est une preuve négative qu'on devra faire? On devra prouver, peu importe à qui on s'adresse, qu'on n'a pas ordonné, encouragé, appuyé la grève ou le relentissement de travail et qu'on n'y a pas pris part. C'est la preuve à peu près la plus difficile à faire devant un tribunal pour qu'elle soit crédible. Si je suis représentant syndical, je n'ai qu'une chose à faire. Disons que les gens que je représente ont débrayé de façon spontanée, et je suis accusé en vertu de cette nouvelle règle de l'article 24. Je me présente devant le tribunal, on fait la preuve que je suis le représentant syndical de ce groupe-là et qu'il y a eu grève, arrêt de travail en dehors de la période permise, c'est-à-dire avant l'expiration du décret. Que me reste-t-il à faire? J'arrive devant le tribunal, vous m'imposez le fardeau de la preuve, je vous dis, M. le juge, que je n'ai pas encouragé cette grève-là, je ne l'ai pas ordonnée. Je me rassois. Bien sûr, on pourra me contre-interroger, me dire: A quelle date avez-vous rencontré les gens et tout ça? Chaque fois je devrai dire non et mes non cumulatifs vont même entacher ma crédibilité devant le tribunal.

Cela commence à être grave à partir du moment où vous dites: J'inverse le fardeau de la preuve et je donne à cette personne l'obligation de faire une preuve négative.

Je fais tout de suite le parallèle. Dans le cas des dispositions du code du travail où il y a un fardeau de preuve inversé, celui dont on parlait tout à l'heure, c'est-à-dire un salarié congédié supposément pour activités syndicales, je résume la situation, il s'agit d'une part que le salarié prouve au départ son congédiement ou sa suspension, ou son changement de conditions de travail, mais, en deuxième lieu, comme je le disais aussi, il devra prouver autre chose, c'est-à-dire qu'il exerçait un droit prévu en vertu du code du travail. Ce qui, habituellement, est le fait d'être devenu membre d'un syndicat. Il faut qu'il prouve qu'il était membre, il faut qu'il prouve qu'il allait à des assemblées ou qu'il a même été un élément d'instigation de la formation du syndicat. En tout cas, il y a une série d'éléments qui sont reconnus par la jurisprudence du code du travail.

Mais là, une fois que c'est fait, que le commissaire-enquêteur dit: je suis satisfait, le salarié congédié exerçait un droit, là il y a automatiquement inversion du fardeau de la preuve, et le patron doit prouver quoi? Qu'est-ce qu'il doit

prouver? Il ne fait pas une preuve négative; il ne dira pas: je vais vous établir que je ne l'ai pas congédié pour des activités syndicales. Non, il va établir une preuve positive qu'il avait une autre cause juste et suffisante de congédier l'individu.

Ce sont là les faits et on n'est pas du tout dans le même domaine. Quand on a tendance à faire le parallèle entre cette inversion du fardeau de la preuve dans le cas de l'association, du salarié et même dans le cas du "lock-out", je ne suis pas plus d'accord que le patron doive venir devant un tribunal et faire une preuve négative qu'il n'a pas fait de "lock-out", ce qui s'applique. C'est d'ailleurs pour cela que la motion du chef de l'Opposition vise les deux paragraphes. On n'est pas plus d'accord sur les patrons qu'on est d'accord sur les associations de salariés, etc.

Mais on est dans deux mondes de preuve tout à fait différents. C'est ce qui est ahurissant. Le patron se fera dire, parce qu'il a congédié quelqu'un, qu'il a maintenant le fardeau de la preuve d'établir que le salarié a été congédié pour une cause juste et suffisante. Il va dire: Cela fait six mois qu'il arrive en retard à tous les matins, ou bien il se présente soûl au travail. Et cela se prouve. C'est facile à prouver par témoins, si c'est exact dans les faits.

Je m'adresse particulièrement au ministre de la Justice. Pas que je ne pense pas que le ministre du Travail ne soit pas en mesure de comprendre cela, au contraire. Mais je pense que le ministre de la Justice est peut-être celui qui tient le plus à cet amendement puisque c'est lui qui doit éventuellement voir, en tout cas dans l'immédiat, à ce que ces plaintes soient menées à bien. Je pense que ce seul argument devrait vous faire réviser votre position ou, tout au moins, trouver une autre approche. En tout cas, pour moi, je pense que c'est l'aspect peut-être le plus grave, c'est la conséquence la plus grave. Pourquoi, justement, dans la majeure partie de nos textes législatifs, le fardeau de la preuve est-il toujours sur le dos du poursuivant? C'est parce que, justement, on doit, la plupart du temps, envisager une preuve positive et non pas donner la contrepartie à un autre qui, lui, est poursuivi, et peut dire: non, ce n'est pas comme cela. Ce dont on m'accuse, ce n'est pas cela. A moins d'arriver avec un élément positif comme celui-là. Et dans le climat actuel, comme me souligne le député de Johnson, qui est appelé à changer.

Si je tiens pour acquis — encore une fois, je m'excuse de le répéter — que le législateur a bien agit en adoptant le projet de loi no 29, c'est pour changer la situation. Si on change la situation, il est à prévoir que ce qui est décrit aux pages 269 et suivantes de la commission Cliche devrait aussi changer. Les fiers-à-bras ne devraient plus être ceux qui décident qui travaille et qui ne travaille pas. Il me semble que cela va être un des premiers gestes des tuteurs de voir à ce que ces quatre syndicats qui sont mis en tutelle fonctionnent démocratiquement — c'est d'ailleurs le but — démocratiquement et dans l'ordre le plus total.

D'autre part, je ne peux pas m'empêcher de souligner cet argument, encore une fois, qui a été établi par le député de Sauvé et par le député de

Johnson. Ce que je crains, c'est, quand on commence à imposer des textes exceptionnels comme ceux-là, qu'on se retrouve à les imposer à l'ensemble du mouvement syndical.

Or, dans le fond, la commission Cliche, elle s'adresse à qui? Elle a constaté des irrégularités à quel endroit? Même pas à l'endroit de tous les syndicats de la construction, même pas à l'endroit de quelque syndicat que ce soit de la CSD ou de la CSN. Non, puis même pas à l'endroit de toute la construction FTQ. Alors, c'est pour quatre syndicats, les quatre seuls qui sont nommés, le local 144, le 791, le 1667 et les deux locaux des ascenseurs, 89 et 101.

Alors, pour ces quatre locaux, on change les règles de l'ensemble de la construction. Je vous dis que, malgré ce texte, il va y en avoir encore des grèves spontanées. Il va y avoir encore du monde qui va se tuer sur la construction. Je vous prie de me croire, c'est habituellement le cas le plus évident et le plus clair de grèves spontanées. Est-ce que vous allez poursuivre dans chaque cas? Vous allez me dire: Je vais me servir de ma discrétion. Vous n'êtes pas capable de vous servir de votre discrétion légale. Je sais bien que vous êtes capable de discerner le bien du mal, etc. Vous êtes censé pouvoir le faire, en tout cas.

Je dois vous accorder la bonne foi au départ, jusqu'à preuve du contraire.

M. Morin: Le jugement, ça?

M. Burns: Le jugement, je vais dire comme le chef de l'Opposition, c'est... Mais je veux dire qu'à ce moment-là vous ne serez pas en mesure de faire preuve de discernement. Autrement, vous risquerez de vous faire dire que vous n'appliquez pas bien la loi. On va vous dire: On vous les a donnés. Il y a des gens de certains milieux...

M. Choquette: Ce ne sera pas la première fois.

M. Burns: ...si jamais vous voulez faire preuve de discernement, qui vont vous regarder aller, puis qui vont — je parle de certains milieux; on peut les nommer, du côté patronal par exemple — vous blâmer de ne pas poursuivre dans un cas similaire à celui de Mont-Wright ou dans un cas similaire à celui de l'échangeur Turcot.

Peut-être que vous, vous auriez le goût, à ce moment-là, d'agir avec discernement et de dire: Quand même, il y a eu sept ou huit gars qui se sont fait tuer. Je comprends leurs compagnons de travail d'être en maudit, puis de vouloir se plaindre, de crier tout haut leur désapprobation face à la situation, mais vous n'aurez pas cette possibilité. On va vous dire: Vous avez demandé des pouvoirs spéciaux. Vous les avez, exercez-les. Là, vous aurez des gens, des simples travailleurs qui seront obligés de venir devant le tribunal et de dire au juge: Je m'excuse, moi, j'ai été embarqué par cette affaire, puis je n'ai pas voulu y participer, mais j'y ai participé et je ne suis pas coupable, puis je suis coupable, etc.

En tout cas, je trouve qu'à long terme c'est nocif pour l'esprit même des relations

patronales-ouvrières. C'est quelque chose qui va même, si c'est appliqué à la lettre... On est en droit de s'attendre que ce soit appliqué à la lettre. Moi, je ne pense pas que quiconque, autour de la table ici, veut voir des lois adoptées qui ne soient pas appliquées par la suite. C'est, d'ailleurs, une des raisons pour lesquelles on fait ces modifications profondes dans le cas de l'industrie de la construction.

Alors, je me dis que cela va être nocif pour l'histoire même, pour le contexte même des relations du travail dans l'industrie de la construction — encore une fois, on ne dira jamais assez souvent — où on applique une règle pour quatre syndicats, alors qu'il y en a des vingtaines et des trentaines de syndicats dans l'industrie de la construction. Tous vont être visés par cela et, ensuite, je vois le jour, pas loin d'ailleurs, où on va appliquer ces amendements à l'ensemble des syndicats au Québec, c'est-à-dire qu'on fera un amendement au code du travail qui leur imposera le même fardeau.

Je vous demande sincèrement, M. le Président, je plaide...

M. Morin: Les galères.

M. Burns: ...simplement que je ne voudrais pas personnellement, avec un texte comme celui-là, retourner à la fonction que je détenais avant 1970 et me retrouver devant une situation... Quand je vous disais, tout à l'heure, que j'en avais connu des vingtaines et des vingtaines, je n'exagérais pas. Je ne les ai jamais comptées, les grèves illégales auxquelles j'ai "participé" comme négociateur, mais je vous avoue que j'aurais probablement des vingtaines et des vingtaines de jugements contre moi.

Il est évident qu'il y a une certaine solidarité naturelle, disons-le, qui s'exerce, une fois le fait accompli, une fois le débrayage fait, entre le dirigeant syndical ou le représentant syndical et le groupe de gens qui, de façon juste, dans le sens légitime, ont une réclamation normale à faire valoir.

Je vous demande sérieusement tout au moins d'y repenser, de ne pas adopter un texte avec ce poids, ce contrepoids avant d'y avoir véritablement songé, avant d'en avoir soupesé toutes les conséquences pratiques parce que c'est là qu'elles sont. C'est évident qu' on peut se battre sur le principe et dire que c'est contre les principes de droit. On n'ira pas loin là-dessus parce que vous allez nous citer des cas, j'en connais et vous en connaissez sans doute plus que moi, où le fardeau de la preuve est inversé. Donc, sur le principe, on peut dire qu'il y a eu accroc au principe cinq, six, sept ou huit fois; donc, il peut y en avoir une neuvième. Je ne me bats pas sur le principe comme tel, bien que le principe me soit cher et qu'à chaque fois qu'on passe à côté de ce principe, il faut qu'on ait de véritables bonnes raisons.

Comme on l'a mentionné, le député de Johnson et moi-même, au ministre de la Justice, je ne peux pas, de façon concrète, me rendre compte que ce texte est absolument nécessaire, eu égard au passé. Excepté peut-être l'énoncé général que la commission Cliche fait, je n'ai pas de cause devant les yeux où, véritablement, le juge peut dire: C'est bien malheureux, mais dans l'état du droit actuel, je ne peux pas condamner M. Untel pour grève illégale. Je n'ai pas de jugement comme cela sous les yeux alors que j'ai un tas de jugements où vous avez des tribunaux qui ont dit: Je ne peux pas trouver coupable M. Untel, patron, de négligence criminelle même s'il n'a pas suivi les règles de sécurité et qu'un travailleur est mort. Pourtant, on se dépêche à amender une loi sans avoir des textes ou sans avoir quelque chose de précis, de concret qui appelle un tel amendement. D'un autre côté, il n'y a pas d'amendement pour ce qui est de la négligence criminelle et il y a un travailleur de la construction par semaine qui se fait tuer. Ce n'est pas plus grave que cela, c'est juste du monde qui meurt.

M. Choquette: Oui, mais écoutez...

M. Burns: Tandis que là, c'est important, il y a des patrons qui perdent des piastres, ça, c'est grave! C'est bien plus grave. Quand c'est du monde qui meurt, on est moins pressé d'amender la loi. Je ne vous blâme pas, M. le ministre, de ne pas amender la loi, je sais que ce n'est pas de votre juridiction, mais ce serait de votre juridiction, lors des conférences des ministres de la Justice, de plaider en faveur d'un tel amendement au code criminel auprès du fédéral, comme vous le faites d'ailleurs avec raison — on vous appuie là-dessus — pour récupérer certaines sommes pour l'administration policière au Québec. Cela pourrait faire partie de vos réclamations à l'endroit du fédéral parce que vous faites des demandes d'amendement au code criminel.

C'est ce que j'avais à dire, M. le Président. Il me semble qu'on est bien pressé pour changer les règles du droit lorsque ça touche la piastre de quelqu'un et qu'on est moins pressé lorsque cela touche la vie, la santé des travailleurs.

M. Choquette: J'ai écouté, je dois le dire, avec beaucoup d'intérêt l'intervention du député de Maisonneuve de même que l'intervention du député de Johnson ainsi que celle du chef de l'Opposition. Je suis parfaitement conscient du fait qu'il s'agit là de mesures qui constituent des exceptions par rapport à notre système de droit. Je suis parfaitement d'accord avec le député de Maisonneuve sur le fait que nous aimerions, de part et d'autre j'en suis sûr, voir le domaine des relations de travail, en particulier dans le secteur de la construction, tenir compte de ces aspects humains qui existent entre le patronat et le travail et qu'il y ait une certaine flexibilité dans toutes ces règles de droit qui s'impose à ce domaine mais, malheureusement, telle n'est pas la situation à l'heure actuelle dans le domaine de la construction.

Nous n'avons pas eu une enquête par la commission Cliche, une enquête sur l'exercice de la liberté syndicale pour ne rien faire et pour ne rien conclure à la suite de cette enquête.

II me semble que ce que les commissaires ont constaté devrait être suffisant pour nous dire que nous sommes devant une situation exceptionnelle dans le domaine de la construction, que nous sommes devant une situation qui a atteint un point de pourrissement avancé au point qu'il faille que le législateur prenne des grands moyens.

Maintenant, je suis aussi très conscient du fardeau que ceci va m'imposer comme procureur général. Le député de Johnson incline de la tête en signalant son approbation. Le député de Maisonneuve l'avait signalé tout à l'heure dans son intervention. Je pense que le moment est venu de prendre des grands moyens adaptés à la situation que nous avons à maîtriser et que nous ne pouvons plus faire confiance, comme on le fait ordinairement dans les autres domaines des relations de travail, à l'échange entre patron et employés, à l'ajustement de leurs rapports dans ce domaine, au fait qu'ils tiennent compte des particularités propres à leur industrie, qu'il y a des compromis qui se font de façon à tenir compte de toutes sortes de situations qui peuvent surgir au cours de la durée d'une convention collective.

Je suis bien d'accord sur cette philosophie générale qu'il faudrait quand même avoir une certaine latitude entre les parties qui sont signataires à une convention ou qui sont soumises à un décret. Mais, malheureusement, dans le domaine de la construction, cela a atteint un point extrême de pourrissement et qui est constaté universellement au Québec...

Une Voix: Dans quatre syndicats.

M. Choquette: Plus que dans quatre syndicats. Je comprends que la commission Cliche a suggéré la mise en tutelle de quatre syndicats en particulier, mais cela ne veut pas dire que les autres syndicats ne souffrent pas à des degrés peut-être moins avancés de certaines situations dont il est fait état dans le rapport de la commission Cliche. Ce n'est pas tout de nous dire: Mettez ces quatre syndicats en tutelle et vous aurez réglé le problème dans le domaine de la construction. Donc, je ne peux pas vraiment me rallier à une argumentation qui est valable au point de vue de la portée générale, me rallier à cette argumentation dans le domaine de la construction. Malheureusement, je ne peux pas m'y rallier.

Maintenant, le député de Maisonneuve fait état des problèmes qui surgissent dans la construction au point de vue des accidents du travail, au point de vue de la sécurité sur les chantiers. Je pense qu'il a raison de soulever cette question et je serais le dernier à lui reprocher de soulever cette nécessité d'assurer que les normes de sécurité soient respectées bien plus qu'elles ne l'ont été dans le passé. Mais si elles n'ont pas été respectées; si elles l'ont été bien mal, souvent, dans certaines occasions, ce n'est pas seulement dû au gouvernement, ce n'est pas seulement dû à la CIC et ce n'est pas seulement dû aux patrons, non plus. C'est souvent dû aux propres délégués de chantiers, aux propres représentants des syndicats qui ne faisaient pas leur travail, s'intéressant souvent bien plus à tirer avantage personnel de leur situation d'autorité.

Par conséquent, on ne peut, lorsqu'on parle de sécurité sur les chantiers et de normes pour sauvegarder la santé et la vie de nos travailleurs, faire porter exclusivement la responsabilité sur un point. Je pense que, là, il y a une responsabilité pas mal générale et que tout le monde doit prendre sa part des responsabilités dans ce domaine. Je n'ai pas entendu le ministre du Travail, au contraire, dire qu'il ne donnerait pas à ce domaine de la sécurité sur les chantiers toute l'attention voulue, et rapidement. Je n'ai pas entendu le ministre du Travail dire qu'il extrayait de ce rapport de la commission Cliche exclusivement des mesures contraignantes à l'égard du mouvement syndical et que tout le reste, il en faisait abstraction, qu'il y verrait et que cela allait être renvoyé aux calendes grecques. Au contraire, je pense que le ministre du Travail, dans son exposé, lors de la deuxième lecture du projet de loi 30, a énuméré tous les secteurs qui requéraient une action gouvernementale, ceci avec la collaboration des différents milieux intéressés, qu'il s'agisse du patronat ou des syndicats.

M. Morin: Est-ce que je pourrais poser une question au ministre?

M. Choquette: Tout à l'heure, vous me poserez des questions. Je vais terminer mon intervention.

Je dirais que dans l'affaire du Mont-Wright, à laquelle le député de Maisonneuve a fait allusion, c'est moi-même qui ai ordonné la réouverture de l'enquête, qui a été extrêmement longue et extrêmement fouillée.

Ce n'était sûrement pas parce que j'écartais l'importance que peuvent représenter les normes sur les chantiers de construction. On sait qu'il y a eu une enquête extrêmement longue et complète, à laquelle ont participé non seulement les procureurs du gouvernement mais les représentants du ministère du Travail, les représentants des syndicats et les entrepreneurs.

Dans d'autres cas où la vie de travailleurs a été mise en danger, je signale simplement quelques cas récents...

M. Burns: Me permettez-vous une question?

M. Choquette: Non. ... à la Canadian Coppers...

M. Burns: Juste une brève question.

M. Choquette: Non.

M. Burns: Juste une question...

M. Choquette: Je n'interromps pas mes collègues...

M. Burns: D'accord.

M. Choquette: ... quand ils parlent.

M. Burns: J'ai le droit de vous demander si vous me permettez de vous poser une question, par exemple.

M. Choquette: Après. Vous me la poserez après et je vous répondrai.

Dans le cas de la Canadian Coppers, nous avons ordonné une enquête complète par un commissaire ad hoc, un coroner ad hoc, qui a fait une enquête très complète sur le décès d'un ou de deux travailleurs par des gaz.

A Hull, l'année dernière, j'ai ordonné une enquête du coroner sur un chantier de construction et nous avons même pris des poursuites, au criminel, pour négligence criminelle contre l'employeur, suivant les recommandations du commissaire qui était le juge Emile Trottier.

Alors, c'est donc dire qu'il y a énormément à faire dans ce domaine de la construction, énormément. Et je pense que l'énumération, qui est contenue dans ce rapport de la commission Cliche, l'énumération qu'en a faite le ministre du Travail devrait nous convaincre que nos travaux législatifs, et, pour nous, du côté du gouvernement, sur le plan administratif, ne sont pas terminés. Au contraire, ils viennent simplement de commencer. Ce n'est pas parce que nous avons commencé par ces mesures que nous avons l'intention de nous arrêter en chemin et dire: Maintenant que nous avons affirmé l'autorité du gouvernement, ceci, c'est la fin, en somme, de nos responsabilités. Au contraire...

M. Morin: On voit quand même où sont vos priorités.

M. Choquette: Et nous avons été obligés de commencer par le plus pressé.

M. Morin: Oui.

M. Choquette: J'attire l'attention du chef de l'Opposition sur le fait suivant. C'est qu'il y a eu un débrayage, enfin à peu près général, dans la région de Montréal aussitôt qu'on a annoncé, je pense, le dépôt du rapport de la commission Cliche.

M. Burns: C'est parce qu'il y a eu des fuites.

M. Choquette: Non. Un instant, un instant. Laissons faire la question des fuites. J'attire l'attention de nos honorables collègues sur le fait qu'aussitôt qu'il a été question que le rapport de la commission Cliche serait déposé ou était déposé, tout de suite il y a eu des débrayages sur les chantiers dans la région de Montréal.

Moi-même, personnellement, je suis allé sur certains chantiers. J'ai parlé à des gens qui avaient été des observateurs de ces débrayages. Ils m'ont expliqué comment cela s'était produit. Eh bien, dans un certain nombre de chantiers, où je suis allé, il y avait eu des visiteurs, le jour même ou la veille, pour dire: Vous débrayez forcément et obligatoirement.

On est donc encore saisi du problème dans toute son ampleur: de la coercition qui existe dans le domaine de la construction contre les travailleurs, de la coercition qui joue contre les intérêts véritables des travailleurs. Et si le rapport Cliche prouve une chose, il prouve la trahison des leaders syndicaux dans le domaine de la construction. Je comprends qu'il n'exonère pas tout le monde. Je comprends qu'il y en a pas mal qui en prennent pour leur blâme. Mais il y en a, certains d'entre eux, qui ont véritablement trahi les intérêts réels des travailleurs. Et, l'intérêt des travailleurs, actuellement, ce n'est pas de ne pas travailler. Au contraire, l'intérêt des travailleurs de la construction, actuellement, c'est de travailler quand on a de belles journées, de gagner de l'argent pour faire vivre leurs familles, alors qu'ils bénéficient, je pense bien que tout le monde va l'admettre, au point de vue de salaire, de conditions qui sont quand même passablement plus avantageuses que d'autres domaines dans les relations de travail au Québec.

Alors, le travailleur, occupons-nous donc de son intérêt réel et ne nous occupons pas de l'intérêt des chefs ou des prétendus chefs syndicaux qui l'ont trompé. C'est ce qui ressort des conclusions de la commission. Ce sont les leaders syndicaux qui en prennent l'essentiel...

M. Burns: Certains.

M. Choquette: Certains, pas tous. Non, non! ne faisons pas trop de généralités. Mais il faut admettre que...

M. Burns: Quatre syndicats sur 18 ou 20, ce n'est pas pire.

M. Choquette: En tout cas, il y avait un monsieur, un nommé Dédé Desjardins, qui avait une influence qui dépassait de beaucoup les quatre syndicats en question. Je pense que le député de Maisonneuve va l'admettre. Le dénommé Desjardins est en train de refaire surface en voulant se faire nommer président du Conseil de la construction de la FTQ.

Alors, il faut admettre qu'il y avait, dans ce domaine, un poison, un mal qu'il faut guérir.

Je comprends que cela puisse requérir beaucoup de moyens pour le faire; d'accord. Je comprends qu'on puisse nous dire: Vous pourriez peut-être essayer telle mesure et, si elle ne marche pas, vous passerez à telle autre mesure. Cela se discute, cela se discute.

Pour le moment, cela fait trop longtemps que cela dure. Pour le moment, cela fait trop longtemps que les travailleurs, au fond, paient un peu la négligence, sinon la trahison, d'un certain nombre de leurs leaders et peut-être des négligences à différents niveaux.

Alors, moi je pense qu'il faut prendre le taureau par les cornes. Pardon?

M. Morin: Je dis: Qu'en termes élégants ces choses-là sont dites.

M. Choquette: II faut prendre le taureau par

les comes, et ceci pour le bien-être des travailleurs; pas contre eux, d'aucune espèce de façon. Je pense que, si on crée les conditions voulues où le travailleur se sent appuyé quand il va travailler, ne se sent pas la victime de quelques "goons" ou de quelques fiers-à-bras qui viennent lui dire: Toi, tu débraies et, si tu ne débraies pas, tu ferais mieux de faire attention à ton camp d'été ou tu ferais mieux de faire attention à ta femme et à tes enfants, comme je l'ai vu trop souvent, à ce moment-là, on aura rétabli, au moins dans ce secteur, un certain ordre. Si on légifère pour l'ordre, à l'heure actuelle — parce que c'est bien cela, comme me le disait le député de Montmorency tout à l'heure — ce n'est pas légiférer contre les travailleurs et ce n'est pas légiférer pour l'intérêt des employeurs, parce que ce n'est pas l'intérêt des employeurs qui est notre principe, qui est notre lignede conduite. L'intérêt que le gouvernement a dans la situation actuelle, c'est de rétablir l'ordre et de rétablir la paix. Ce n'est peut-être pas la paix sociale telle que comprise par peut-être certains employeurs, mais nous voulons rétablir la paix, faire en sorte que tout le monde puisse user de ses droits individuels, faire en sorte que tout le monde puisse bénéficier du climat de liberté que nous voulons rétablir au Québec. Mais ce climat de liberté n'existe pas à l'heure actuelle.

Maintenant, ceci n'enlève rien, comme je l'ai dit et, au risque de me répéter, je le dis encore, à l'importance de s'occuper de tous les autres aspects de ce rapport de la commission présidée par le juge Cliche. On peut être assuré que, pour notre part, ce n'est pas parce qu'on a dû commencer par ces éléments de législation que cela veut dire que notre tâche se termine là.

M. Burns: Est-ce que je peux vous la poser, ma question? Une seule question, M. le Président. Il n'a pas voulu que je l'interrompe pendant son intervention. Mais puis-je lui poser ma question?

Le Président (M. Séguin): Voici.

M. Burns: C'est parce qu'elle ne sera plus d'actualité tout à l'heure.

Le Président (M. Séguin): Je me suis abstenu de me référer à l'article 160 de votre règlement. Vous le connaissez puisque vous êtes un des rédacteurs du code, de notre réglementation. Donc, ces temps sont dépassés depuis quelque temps déjà. J'ai des demandes de parler de certains autres membres de la commission. Alors, votre question nécessitera une réponse. La réponse demandera une autre question et puis...

M. Burns: Une question, moi, je vous le dis. Une seule question, très courte. Je veux juste demander ceci au ministre de la Justice, parce qu'on a fait le parallèle entre la négligence criminelle, d'une part, et tout cela. Je vous pose la question suivante: Est-ce que vous seriez prêt, lors de la prochaine conférence fédérale-provinciale des ministres de la Justice, sans craindre de faire rire de vous, à demander au ministre de la Justice d'amender le code criminel de la façon suivante: Lorsqu'un travailleur décède sur un chantier, il incombe à l'employeur de prouver qu'il n'y a pas négligence criminelle de sa part? Est-ce que vous seriez prêt à faire cela?

M. Choquette: Bon, voici...

M. Burns: Si oui, à ce moment-là, je vote pour cela, moi.

M. Choquette: Non, non! Nous avons étudié le problème. Nous avions préparé plusieurs textes. J'ai été moi-même à Ottawa, avec mon sous-ministre, et nous en avons discuté avec des fonctionnaires supérieurs du ministère de la Justice, à Ottawa. Il y a des problèmes, en somme, juridiques dans ce domaine, mais je vais vous dire ce que je suis prêt à faire. Je suis prêt à l'étudier avec vous. Je suis prêt à l'étudier avec vous, parce que, s'il y a des travailleurs qui sont tués sur les chantiers par négligence, soit au point de vue de l'application des normes de sécurité, soit au point de vue des exigences des employeurs à l'égard de leurs employés dans certaines circonstances, je suis prêt à prendre les moyens pour tenter de faire apporter des amendements au code criminel. Je sais que le député de Maisonneuve connaît la question. Je n'ai aucune espèce d'objection à lui montrer les travaux du ministère, à en discuter avec lui et à tenter d'en arriver à une formule...

Une Voix: C'est fort.

M. Choquette: ... qui garantisse beaucoup mieux la sécurité de nos travailleurs sur les chantiers.

Le Président (M. Séguin): Le député de Mont-Royal.

M. Burns: Vous n'iriez pas jusqu'à la présomption.

M. Choquette: A la présomption, c'est... M. Ciaccia: M. le Président...

M. Burns: C'est déjà beaucoup une présomption, n'est-ce pas?

Le Président (M. Séguin): Le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: M. le Président... M. Burns: C'est cela, c'est cela.

M. Ciaccia: ... il n'y a aucun doute que le principe de la présomption d'innocence est inculqué dans nos lois. C'est un principe qui nous vient des lois britanniques. C'est un principe qui est inclus aussi dans notre code civil, avec certaines exceptions.

On ne devrait pas faire de changements à un principe si important à moins d'avoir des raisons

très graves. Mais un système de lois qui inclut ces principes de loi n'est bon que si les gens acceptent ce système. Si aujourd'hui il y a des gens qui ne veulent pas accepter la tutelle de la loi et qui veulent se mettre en dehors des lois, alors je crois que le ministre de la Justice, que le ministre du Travail ont raison d'amener certaines recommandations, certains changements à la loi pour trouver une solution à des conditions qui sont très spécifiques et qui s'appliquent très spécifiquement dans une industrie.

On nous suggère un sous-amendement parce qu'on dit que dans la loi, telle que rédigée, il y a la possibilité de chantage; on peut faire des pressions, on ouvre la porte à l'arbitraire. Quand j'entends de tels arguments, je me demande si les gens ont vraiment lu le rapport de la commission Cliche.

Le chapitre 5, par exemple, qui parle de l'étiquette syndicale ou l'extorsion légalisée, dit que l'étiquette syndicale revêt une importance considérable parce qu'elle est le prétexte à la violence, au sabotage, aux grèves perlées et aux chantages. Ce n'est pas dans le bill 30, dans le texte de loi ou dans l'application du bill 30 qu'il y aura du chantage. Ces conditions d'arbitraire, de chantage ou de pressions existent maintenant. La seule chose qu'on veut faire avec le texte de loi c'est d'essayer de trouver une solution à ces conditions qui existent présentement. On nous dit aussi qu'il n'y a pas que dans l'industrie de la construction que c'est important. Quant à moi, je ne vote pas pour les recommandations de la commission Cliche ou le bill 30 parce que l'industrie de la construction est importante. Ce n'est pas ça, la raison à ces mesures d'urgence. On vote pour ces mesures d'urgence parce qu'il existe des conditions dans cette industrie qui sont brutales, qui existent dans ce secteur et on veut y apporter des solutions.

On devrait se demander, si on n'apporte pas ces solutions, si les habitudes, les méthodes qu'on a commencées, dans notre société, vont faire partie de nos moeurs. C'est le danger si on ne les arrête pas.

Le Président (M. Séguin): Je m'excuse de vous interrompre indûment mais vous êtes très très près de faire le débat sur la deuxième lecture, sur le principe du bill 30. Je vous demanderais, puisque nous sommes à débattre un sous-amendement à un amendement apporté par le ministre, ce matin, sur deux sous-paragraphes, sur le fardeau de la preuve, si vous pouvez y rattacher ça.

Je ne voudrais pas vous interrompre, vous comprenez, cela nous fait perdre le fil de notre pensée mais vous êtes joliment près, dans le moment, du débat de principe.

M. Claccia: M. le Président, je réponds seulement aux remarques qui ont été faites par les différents députés autour de la table, notamment le chef de l'Opposition, le député de Maisonneuve. Alors, si mes remarques sont hors d'ordre parce qu'elles ne se rattachent pas au sous-amendement, je dirais que votre intervention au- rait dû être faite initialement à l'endroit du député de Maisonneuve, du chef de l'Opposition et du député de Johnson.

Le Président (M. Séguin): Elle a été faite au moins à trois reprises à ces messieurs. Ils ont dû rattacher ensuite leur argumentation au sous-amendement.

M. Ciaccia: ... argument, M. le Président. Quant au sous-amendement qui veut enlever le fardeau de la preuve et qui veut rendre la loi inopérante, les remarques qu'on apporte autour de la table veulent créer l'impression que le gouvernement veut apporter certaines lois seulement contre les syndicats, seulement contre les travailleurs. Je voudrais corriger cette impression; c'est entièrement faux. Si on apporte une loi qui va changer le fardeau de la preuve, ce n'est pas parce qu'on est contre les travailleurs ou qu'on est pour la partie patronale.

Personnellement, comme membre de cette commission, je partage les remarques du rapport de la commission Cliche, à la page 216, et je crois que c'est important que je les lise: "Le cancer qui ronge l'industrie de la construction n'aurait pas pris des proportions aussi alarmantes si le patronat, pour un, avait offert une résistance énergique et organisée. Même lorsqu'on recherche le profit, il n'est pas défendu de manifester du courage et de la conscience sociale." M. le Président, si vous lisez le texte de nos lois, en imposant le fardeau de la preuve au travailleur on l'impose aussi aux dirigeants, au patronat. Je partage entièrement ce sentiment de la commission Cliche.

Le but du bill 30, le but de ce sous-amendement, d'un côté on nous dit: Vous ne faites pas une approche globale. Mais.quand on essaie d'introduire plus qu'une loi pour donner effet aux recommandations de la commission Cliche, là on nous dit: Bien! vous l'avez dans le projet de loi no 29. Pourquoi l'amendement, pourquoi le sous-amendement du projet de loi no 30? Il ne faut pas regarder seulement un élément séparé de la situation globale. Quand on enlève, ou on impose le fardeau de la preuve, ce n'est pas parce qu'on a besoin qu'on regarde les statistiques pour savoir combien de lois illégales il y a eu dans la dernière année.

Si on regardait seulement chaque sujet individuellement, peut-être que ces lois pourraient paraître avoir une plus grande portée. Mais quand on regarde la situation globale de l'industrie, la situation globale du rapport Cliche, là on voit la nécessité de chacune de ces lois et de la position du gouvernement, du ministre de la Justice et du ministre du Travail.

Il ne faut pas oublier, M. le Président, que beaucoup des membres de cette commission ont eu des expériences avec des groupes défavorisés, des groupes désavantagés, et ces groupes de gens n'ont pas utilisé les moyens qu'on rapporte dans le rapport Cliche pour faire valoir leurs droits. Même s'il y a eu des différends entre ces groupes et le gouvernement, on a pu procéder

d'une façon amicale, sans nécessiter de loi spéciale.

Mais aujourd'hui, ce n'est pas la situation. C'est pour cela que je dois être contre et rayer, d'après vos instructions, le sous-amendement apporté par le chef de l'Opposition. Je considère que le nouveau texte du ministre de la Justice est pleinement en ordre pour répondre aux exigences qui existent et qui nécessitent d'agir aujourd'hui.

Le Président (M. Séguin): Merci, M. le député. Est-ce qu'il y a d'autres députés qui ont des commentaires? Le proposeur de la motion a une brève réplique à faire.

M. Morin: Oui, M. le Président, je voulais simplement conclure, avant de passer au vote sur cet amendement. Le ministre, pour toute réponse, nous a dit qu'il fallait prendre les grands moyens — aux grands maux, les grands remèdes — comme si, dans son esprit, déjà, la tutelle qu'il a imposée à ces quatre syndicats n'était pas un grand moyen suffisant pour assainir la situation de la construction.

Ne faut-il pas présumer, avec le gouvernement, au contraire, que la tutelle va déjà éloigner du milieu de la construction les éléments indésirables et que la situation, une fois assainie de la sorte, il n'est pas besoin de ces autres grands moyens que nous propose maintenant le ministre, qui sont plus que des grands moyens? Ce sont des moyens extrêmes. Ne faut-il pas présumer que la tutelle est suffisante, et que ce renversement du fardeau de la preuve amène le ministre a confondre les chantiers avec les galères?

Sur les galères, quand un rameur arrête de ramer, la présomption est effectivement contre lui et c'est vite réglé. J'ai l'impression que c'est un peu le régime que le ministre et le gouvernement veulent imposer aux chantiers de construction.

Je lui soumets respectueusement, au moment de prendre le vote, que ce genre de disposition, dans la mesure où cela va briser les réactions spontanées qui font suite, par exemple, à des débrayages à la suite d'accidents mortels sur les chantiers, dans la mesure où cela va pouvoir servir d'instrument de pression, d'instrument contondant, littéralement, entre les mains des employeurs, cela va créer beaucoup plus de désordre que cela ne va pouvoir permettre de restaurer l'ordre.

Quelquefois, en allant trop loin dans le sens de l'ordre tel que le conçoivent peut-être certains milieux dirigeants, on provoque, au contraire, le désordre. Comme il l'a fait observer, je pense, dans l'une de ses excellentes interventions, dans l'une des meilleures interventions qu'il m'ait été donné d'entendre de la part du député de Maisonneuve, dans de nombreux cas, les grèves illégales et les ralentissements de travail sont le fruit de mouvements spontanés. On a mentionné le cas de l'échangeur Turcot, le cas du Mont-Wright. Il y en aurait sûrement d'autres peut-être moins célèbres, mais qui montreraient que, souvent, les débrayages, les ralentissements de travail ne sont pas des choses qui ont été complotées à l'avance par des agents syndicaux ou des délégués de chantier. On pourrait mentionner d'autres cas.

M. Boudreault: Est-ce que c'était spontané?

M. Morin: II est évident que, dans certains cas, il peut y avoir des débrayages qui sont organisés, mais, en voulant mettre ordre à cela on va beaucoup plus loin; on s'attaque à toute la psychologie qui peut régner sur les chantiers de construction dans les cas où les normes de sécurité ne sont pas employées.

Quels moyens restera-t-il aux travailleurs pour protester contre le genre d'abus qu'on a pu voir de la part des employeurs sur certains chantiers? On poursuivra, avec renversement du fardeau de la preuve, ceux qui ont vu périr leur camarade, quelquefois, par la négligence grossière des employeurs, Qu'ils aient des complices ou non chez les délégués de chantier, cela n'enlève rien. J'ai pu, autrefois, lorsque je pratiquais le droit, moi-même voir passer devant moi un certain nombre de plaintes pour non-application des normes de sécurité. Le ministre sait très bien comment cela se passe. Les plaintes s'accumulent sur les bureaux des avocats et, à un moment donné, on règle tout cela.

On propose un règlement global, une amende qui ne paie même pas la paperasse, la pile de paperasse sur laquelle les plaintes ont été portées.

M. le Président, je regrette que le ministre persiste dans cette mesure qui me paraît antisociale, qui n'est pas réaliste et qui me paraît, encore une fois, confondre les chantiers avec les galères.

Le Président (M. Séguin): Sur la motion de sous-amendement de M. Morin, qui se lit comme suit: Que l'article 2 soit amendé en retranchant les deuxièmes alinéas des articles 24 et 24 a), pour ou contre.

M. Bellemare (Johnson): En faveur.

Le Président (M. Séguin): M. Bérard (Saint-Maurice)? M. Boudreault (Bourget)?

M. Boudreault: Contre.

Le Président (M. Séguin): M. Burns (Maisonneuve)?

M. Burns: En faveur.

Le Président (M. Séguin): M. Morin (Sauvé)?

M. Morin: En faveur.

Le Président (M. Séguin): M. Ciaccia (Mont-Royal)?

M. Ciaccia: Contre.

Le Président (M. Séguin): M. Cournoyer (Robert-Baldwin)? M. Déziel (Saint-François)?

M. Déziel: Contre.

Le Président (M. Séguin): M. Harvey (Charlesbourg)?

M. Harvey (Charlesbourg): Contre.

Le Président (M. Séguin): M. Lachance (Mille-Iles)?

M. Lachance: Contre.

Le Président (M. Séguin): M. Bédard (Montmorency)?

M. Bédard (Montmorency): Contre.

Le Président (M. Séguin): M. Malépart (Sainte-Marie)?

M. Malépart: Contre.

Le Président (M. Séguin): M. Roy (Beauce-Sud)? M. Verreault (Shefford)?

M. Verreault: Contre.

Le Président (M. Séguin): Trois en faveur, huit contre. Le sous-amendement est rejeté.

Avant de proposer la suspension, je voudrais, pour le journal des Débats, reconfirmer que M. Lachance (Mille-Iles) est toujours le rapporteur pour cette commission.

Nous suspendons nos travaux.

M. Bédard (Montmorency): On ne vote pas l'amendement?

Le Président (M. Séguin): Je reviendrai après sur l'amendement.

Je suggère donc la suspension, puisqu'il y a raison de croire que nous reviendrons après la période des questions, jusqu'après la période des questions, cet après-midi.

(Suspension de la séance à 12 h 58).

Reprise de la séance à 16 h 15

M. Séguin (président de la commission permanente du travail et de la main-d'oeuvre et de l'immigration): A l'ordre, messieurs!

Pour la séance de cet après-midi, les membres de la commission sont: MM. Bellemare (Johnson), Choquette (Outremont), Boudreault (Bourget), Burns (Maisonneuve), Morin (Sauvé), Bédard (Montmorency), Cournoyer (Robert-Baldwin), Déziel (Saint-François), Harvey (Charlesbourg), Lachance (Mille-Iles), Lecours (Frontenac), Malépart (Sainte-Marie), Roy (Beauce-Sud), Verreault (Shefford).

Il est entendu que le même rapporteur fait partie de cette commission.

Au moment de la suspension de nos travaux, nous avions disposé d'une motion de M. Morin. Je dois maintenant revenir, si vous le voulez, messieurs, à la motion d'amendement principale proposée par le ministre du Travail.

M. Morin: M. le Président, avant que nous en venions à la motion d'amendement principale du ministre du Travail, j'aimerais faire une autre proposition de sous-amendement, avec votre permission.

Le Président (M. Séguin): Est-ce que vous vous rapportez à la motion précédente?

M. Burns: Non, non. Elle a été défaite, celle-là.

M. Morin: Non. Elle a été défaite, M. le Président. Je vous avais donné...

Le Président (M. Séguin): Non, pas celle-là.

M. Morin: ...l'ensemble de nos propositions d'amendement. Voici celle que j'ai l'intention de proposer maintenant. Elle porte sur le premier paragraphe et sur l'expression "ou nul salarié". Me permettez-vous d'exposer mes raisons?

Le Président (M. Séguin): Oui, c'est d'accord. D'ailleurs, je vous en avais parlé avant.

M. Morin: Bien. M. le Président, nous pensons qu'il est abusif d'inclure parmi les personnes qui ne doivent ordonner, encourager ou appuyer une grève ou un ralentissement de travail ni faire subir à ces personnes les conséquences du renversement du fardeau de la preuve qui, en raison du fait que mon amendement de ce matin a été battu, demeure le principe de l'article 2, nous pensons, dis-je, qu'il est abusif de faire peser le poids de ces dispositions non seulement sur les dirigeants, les délégués, les agents d'affaires ou les représentants d'associations mais également sur la masse des travailleurs, sur la masse des salariés.

En effet, M. le Président, et je serai bref dans la présentation de ce sous-amendement, le salarié, le travailleur, c'est lui, s'il faut en croire d'ailleurs plusieurs déclarations du ministre du Travail et du premier ministre, qui subit les pressions qui tendent à lui faire quitter le travail. C'est lui qui

chante, si vous me permettez l'expression, c'est lui qu'on fait chanter, qu'on soumet à des menaces directes ou tacites, brutales ou subtiles, qui est coïncé littéralement entre ce qu'on pourrait appeler deux terreurs.

Le ministre du Travail me suit-il?

M. Cournoyer: Très bien.

M. Morin: Je serais très heureux qu'il m'écoute parce que j'estime que ces trois mots "ou nul salarié" ont des conséquences graves. Le salarié, le travailleur, dans cette affaire — et nous ne sommes pas les premiers à l'avoir dit, je l'ai entendu dans la bouche du ministre à plusieurs reprises — c'est lui qui est la victime des circonstances. On nous a dit à je ne sais combien de reprises qu'il s'agit de mettre de l'ordre chez les indésirables. Il s'agit d'assainir le milieu, de libérer le travailleur, le salarié pour qu'il puisse enfin travailler. Je paraphrase à peine le langage qu'on entend dans la bouche des ministériels ces temps-ci.

Le travailleur, dans tout ça, nous savons qu'il est coïncé, d'une part, entre le patron, qui veut un rendement maximum, qui souvent le bouscule et, d'autre part, les indésirables dont nous parlons depuis quelques jours, qui, ayant pénétré sur les chantiers, donnent des consignes à certains travailleurs, font évacuer les chantiers, ordonnent des ralentissements de travail et ainsi de suite.

Pourquoi s'en prendre à ceux qu'on fait chanter, qu'on terrorise? Ne serait-il pas plus sage, et c'est le sens de ma proposition, de nous en tenir à ceux qui font chanter les travailleurs, qui ont introduit sur les chantiers les techniques de persuasion que nous connaissons?

C'est pour ces raisons, et pour d'autres sur lesquelles je reviendrai si le ministre n'est pas satisfait de nos explications, c'est pour ces raisons, dis-je que je voudrais supprimer de l'article 2", cette matraque en puissance, cette épée de Damoclès qu'on va faire pendre sur la tête de tous les salariés, de tous les travailleurs de la construction. Double épée de Damoclès d'ailleurs. Non seulement une infraction est-elle prévue mais on fait porter le fardeau de la preuve sur le prévenu "qu'il ne l'a pas ordonnée, encouragée ou appuyée, ou n'y a pas participé", lorsqu'il s'agit d'une grève illégale ou d'un ralentissement de travail.

M. le Président, pour ces raisons et avec l'espoir que les deux ministres, du Travail et de la Justice, après avoir maintenu ce matin la présomption, inique à notre sens, qu'ils font peser sur les travailleurs, c'est avec l'espoir qu'ils vont faire preuve de discernement et ne pas appliquer cette présomption à l'encontre de tous les travailleurs de la construction visés par le projet de loi no 30, que je propose que l'article 2 soit modifié en retranchant, dans le premier alinéa, aux deuxième et troisième lignes, le membre de phrase "ou nul salarié". Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Séguin): Le député de Johnson.

M. Bellemare (Johnson): M. le Président, je n'ai pas beaucoup de choses à ajouter à ce qui a été dit par le chef de l'Opposition, mais je ne saurais trop répéter les arguments qu'a employés ce matin l'honorable député de Maisonneuve, quant aux relations humaines qui doivent exister dans ce domaine plus qu'ailleurs, et particulièrement les relations patrons et ouvriers.

Il a été dit ce matin, avec beaucoup de bon sens et d'à-propos, que dans ces relations de travail, il y avait un climat qui s'établissait et particulièrement le climat humain. S'il y a des grèves spontanées, cela le ministre du Travail le sait, il y a de nombreuses grèves spontanées, je n'ai pas besoin de le lui dire ici, combien il y a de faits probants qui au ministère du Travail, nous arrivent souvent. On dit qu'une grève est illégale, on fait faire immédiatement enquête, on fait les appels et on s'enquiert. On s'aperçoit, M. le Président, que ce débrayage n'a pas été prémédité, n'a pas été délibérément voulu deux ou trois jours auparavant.

Mais, à cause d'un fait probant qui arrive et qui, à un moment donné, trouble toute l'atmosphère du travail, il y a une grève illégale. Les gens sortent et, dans un geste de solidarité vis-a-vis d'un de leurs compagnons ou vis-à-vis d'un non-respect de la convention collective par le patron, on n'emploie pas la formule des griefs et on se fait justice soi-même.

Et cela, M. le Président, cela n'a pas été prémédité, mais, par la loi — l'amendement dit "ou nul salarié" — on va jusqu'au tréfonds du principe de l'association des syndicalistes.

Cet amendement est certainement bon, parce que je ne pense pas que c'est le salarié qu'on visait lorsqu'on a défini dans la loi que nulle association de salariés, de dirigeants, de délégués, agents d'affaires, représentants de telle association, on nul délégué ne doit ordonner, encourager ou appuyer une grève. Ecoutez, un petit syndicaliste dans l'industrie du papier au Cap-de-la-Madeleine, qui, à un moment donné, s'aperçoit qu'un de ses amis vient de tomber d'une échelle, probablement après bien des pressions auprès des autorités pour qu'il y ait une garde d'établie.

Il n'y en a pas, l'homme se tue. Imaginez-vous la réaction de tous les gens dans l'atelier. A ce moment-là, ils disent: Ecoutez, cela fait assez longtemps qu'on le dit au patron, on sort. C'est illégal M. le Président, c'est sûr que c'est illégal. Mais, selon l'article qui est là, on va le poursuivre et on va lui imposer, à cause de la présomption, le fardeau de la preuve. Il dira: Monsieur, écoutez, on se rend bien loin. Je pense que ce n'est pas le but que vise le ministre du Travail de pénaliser surtout le petit syndicaliste qui, lui, de bonne foi, sous l'impression du moment ou à l'occasion d'une grève spontanée ou d'un mouvement qui n'est pas concerté, pose un geste illégal.

Le ministre vise plutôt les fauteurs de désordre, ceux qui délibérément sont des agents presque de la pègre, qui, pour toutes sortes de raisons, veulent faire du bruit ou mettre une entrave à la production ou à la continuation des travaux.

Je pense que je voterai en faveur de l'amendement qui me semble bien justifié.

Le Président (M. Séguin): Le député de Maisonneuve.

M. Burns: Sans revenir sur la discussion que nous avons eue ce matin, je suis quand même obligé de retenir les réponses qui nous ont été faites par le ministre de la Justice qui laissait entendre lui-même que cette présomption, maintenant qu'elle a été adoptée et même si on est contre, n'était pas principalement une arme pointée en direction du salarié, mais beaucoup plus une arme pointée en direction de gens qui, selon la situation actuelle qui devrait normalement changer par la mise en vigueur des tutelles, du moins si j'en crois les arguments donnés par le gouvernement, sont en poste, qui sont des cadres syndicaux, à toutes fins pratiques, disons-le de façon très large.

Sans revenir sur l'existence même de la présomption, il est quand même bon de se rappeler que la recommandation de la présomption elle-même — qu'on retrouve d'abord dans le rapport Cliche à la recommandation no 53, à la page 279, dans le corps du rapport et non pas dans l'énumération, à la fin, des diverses recommandations — se situe dans un cadre que, je pense, on a omis de placer dans la discussion. Tout ce qui prépare la recommandation no 51 et à la fin, si vous voulez, j'oublie le numéro de la recommandation où cela paraît, à la toute fin, c'est peut-être la même... C'est bien cela, c'est la même recommandation, à la fin... La commission Cliche, à la page 279, aborde cette recommandation mais la fait précéder des pages 263 à 278.

Sans avoir l'air de parler d'autre chose que de l'amendement du chef de l'Opposition, il est bon qu'on regarde certaines remarques qu'on retrouve des pages 263 à 278 de la commission Cliche.

Entre autres, sous le grand titre: Les recours: une justice plus souple et expéditive pour les travailleurs, on lit à la page 263, le texte suivant de le commission: On peut s'étonner qu'une législation aussi prolifique, en matière de recours de la construction, dit la commission, ait effectivement failli à garantir l'épanouissement de la liberté syndicale et à proscrire l'utilisation systématique de la violence.

Il me semble que ce paragraphe nous indique, dès le départ, ce que tout le monde a l'impression d'être en train de faire, M. le Président, de sauver le pauvre travailleur de la construction.

J'ai entendu, à de nombreuses reprises, les ministres qui sont intervenus, que ce soit le ministre de l'Industrie et du Commerce, le ministre de la Justice, le ministre du Travail, le premier ministre et les autres qui sont intervenus, les autres membres du groupe ministériel dire: Ce n'est pas contre un certain nombre de gens, c'est pour les travailleurs. Remarquez que je n'en suis pas en- core convaincu, mais en tout cas. La commission Cliche aborde ce chapitre des recours en cadrant, de façon bien spécifique, ses recommandations à l'endroit du travailleur. Mais plus loin, M. le Président, elle arrive à dégager — c'est le paragraphe suivant qui aborde cet aspect — la multiplicité des recours qu'on retrouve dans le domaine de la construction et, d'ailleurs, que les lois actuelles he changent pas du tout. C'est d'ailleurs ça le but de mon propos.

Toujours à la page 263, au bas de la page, on dit ceci: II ne suffit pas que la loi soit juste, elle doit être efficace aussi. En ce sens qu'elle doit prévoir des moyens pratiques et rapides d'obliger les récalcitrants à remplir leurs obligations et respecter les droits des autres.

Dans les pages qui suivent, la commission se met à décrire les différents recours qui existent actuellement dans la construction. On nous parle de l'arbitre unique nommé par le ministre du Travail dans le cas d'atteinte à la liberté syndicale, du comité de juridiction des métiers qui tranche les conflits des métiers. On nous parle des plaintes qui sont portées à la diligence de la CIC dans l'exécution des mandats de surveillance et d'application qui lui sont confiés. On nous parle des autres plaintes pénales qui relèvent du ministère de la Justice. On en arrive à cette constatation qui est assez éloquente, à la page 266 du rapport, toujours en prévision des recommandations 51 et suivantes: La simple sélection du bon remède au sein de cette panoplie de recours requiert souvent une compétence spécialisée, qui n'est pas le fait du travailleur ordinaire, ni même d'un agent de relations de travail ou d'un représentant syndical.

La dispersion des recours, jointe à l'éparpillement des juridictions, tend à faire des relations de travail du secteur de la construction un domaine soustrait à l'application de la loi."

Or, toute la thèse à l'appui du présent texte, c'est-à-dire de cette présomption de culpabilité à l'endroit non seulement des représentants syndicaux ou des associations, etc., mais du travailleur, du salarié lui-même, est basée sur une plus grande efficacité.

Or, est-ce que les deux ministres, qui sont ici, à la commission, ont remarqué la première recommandation que la commission Cliche nous donne sous ce chapitre des recours? C'est la recommandation 51, qui dit ceci: "Le regroupement, sous la juridiction d'une instance spécialisée, appelée Tribunal de la Construction, étant une division du Tribunal du Travail, de toutes les plaintes pénales, infractions à la loi 290, au décret et aux normes en matière d'hygiène et de sécurité physique, etc.". C'est la première de ces recommandations, no 51, sous ce chapitre des recours et des recours plus expéditifs.

Or, vous allez peut-être dire que je passe par Toronto pour me rendre à Québec.

Le Président (M. Séguin): Par le déluge.

M. Burns: Vous pensez que c'est par le déluge?

Le Président (M. Séguin): Oui.

M. Burns: Vous allez voir, M. le Président, que ce n'est pas par le déluge, je passe par chez nous, je passe par le Québec...

Le Président (M. Séguin): C'est entré dans vos 20 minutes. D'accord. Allez-y.

M. Burns: Bon. Non, non, M. le Président, je n'aime pas votre remarque, je vous le dis bien honnêtement.

Le Président (M. Séguin): L'article I60, vous l'avez écrit vous-même, M. le député.

M. Burns: Je n'ai rien écrit là-dedans, M. le Président. Ce n'est pas ça que je vous dis. Je vous dis qu'il y a un esprit qui préside à la rédaction de ce chapitre des recours de la commission Cliche. Cet esprit, il me semble qu'il est clair par les extraits que je viens de vous citer. C'est qu'avant même de mettre en application les autres recours, on considérait, entre autres — c'est très important dans ce chapitre, aux yeux de la commission, si je l'interprète bien — la formation d'un tribunal spécialisé, que je ne vois nulle part dans les deux pièces de législation que nous sommes appelés à discuter actuellement.

La présomption, si elle doit être examinée, il me semble que la commission Cliche la faisait ou la soumettait, cette proposition de présomption, dans le cadre de l'existence d'un tribunal spécialisé.

Je vous donne l'exemple du tribunal du travail actuel. Cela me permet de féliciter le député de Johnson, au passage, qui était ministre du Travail lorsque cette loi audacieuse, d'ailleurs, a été mise en vigueur, en 1969, même si on a été obligé de la corriger immédiatement au début de l'année 1970. C'était normal. C'était un changement tellement radical de ce système à trois étages, de l'enquêteur ordinaire, du commissaire-enquêteur et du tribunal du travail, qu'il était normal qu'il y ait des trous dans cette première loi et qu'il était normal qu'on fasse les ajustements.

M. Beliemare (Johnson): Je l'avais dit, d'ailleurs.

M. Burns: Oui, vous l'aviez mentionné, d'ailleurs, lorsque vous avez présenté le projet de loi. C'était normal que, faisant un changement tellement important, mais dans un but spécifique, celui d'améliorer l'expédition des recours, on risque un certain nombre, disons, de problèmes de parcours. On s'est aperçu très rapidement, je pense dans les six mois de la mise en vigueur de cette nouvelle loi, qui est actuellement encore très efficace, d'ailleurs, de ce système à trois paliers, enquêteur, commissaire-enquêteur et tribunal du travail, qu'il faudrait l'ajuster.

Mais il y a une chose qui est ressortie de cela. C'est qu'on formait un groupe de gens spécialisés qui avaient pour unique but d'améliorer l'expédi- tion du recours ou, si vous voulez, la durée pendant laquelle le travailleur, que ce soit au niveau d'une plainte pour congédiement pour activités syndicales ou encore d'une demande d'accréditation, pour que tout cela diminue au point de vue des délais. Je pense que le ministre du Travail est en mesure de confirmer qu'effectivement cela a eu cet effet.

La commission Cliche a examiné ce problème et c'est tout à fait fantastique, je pense, comme révélation. En effet, c'est la recommandation no 53 qui contient, justement, cette présomption derrière laquelle le ministre de la Justice se place, en disant: La commission Cliche nous a fait cette recommandation; il faut absolument la mettre en application. On n'est pas pour mettre de côté le travail de la commission Cliche. Mais on a oublié de nous dire que la recommandation no 51, elle — il me semble qu'elle était importante, c'était la première de ce chapitre — instituait ce tribunal spécialisé. On se disait: Un tribunal spécialisé va être capable de jauger la situation, va être capable de poser le pour et le contre dans cette affaire, comme le tribunal du travail le fait actuellement. Par exemple, le commissaire-enquêteur ne se casse pas la tête avec des problèmes qui, dans le passé, faisaient l'objet de longues discussions. Le tribunal du travail a, dès la première année, établi sa jurisprudence et il y a des choses qui ne se discutent même plus, même par les avocats patronaux les plus rétrogrades, devant le tribunal du travail.

Ce que je crains, c'est que vous ne mettiez simplement en vigueur une partie de ce chapitre qui comporte quand même un certain nombre d'autres recommandations, soit celles qui vont du no 51 ou no 65. Ce chapitre des recours, on en extrait une des recommandations, la recommandation no 53, et on ne s'occupe même pas de l'idéologie qui a présidé à la rédaction du chapitre. Il n'y a pas de division tribunal de la construction affiliée au tribunal du travail et on met la charrue avant les boeufs, la présomption en vigueur parce qu'on dit: On en a besoin. C'est ce que j'appelais, la semaine dernière, lorsqu'on a discuté de ces projets de loi en deuxième lecture, la sélection discrétionnaire que fait le gouvernement.

Or, dans le but de limiter les dégâts — et je pense ne pas me tromper en interprétant la motion faite par le chef de l'Opposition dans ce sens-là — après s'être déclaré contre cette présomption, cette présomption sortie "out of the blue", comme on dit en anglais, qu'on sort du contexte, qu'on met en application sans mettre en application la première des recommandations, c'est-à-dire ce tribunal spécialisé qui serait probablement plus apte à juger du contexte dans lequel s'exerce une grève illégale, un peu comme je le disais ce matin, de cet aspect de spontanéité, de la difficulté de contrôle de ces mouvements spontanés... Non, on va soumettre ça aux tribunaux réguliers. On va donner à un tribunal régulier, qui juge, à un moment donné, de voies de fait simples entre mari et femme, qui, par la suite, jugera d'un vol de $75, qui, par la suite, jugera d'une conduite en état

d'ivresse, qui, par la suite, jugera d'une cause qui se présente dans le cadre d'une fraude, tout à coup, dans ce paquet de causes-là, une cause à caractère particulièrement syndical, patronal-syndical ou de relations de travail. On s'imagine qu'une présomption aussi extraordinaire que celle-là va être jugée par un tribunal de droit commun qui juge de cet éventail de causes et qu'il va pouvoir accorder à ce problème une attention et peut-être même, je dirais, une approche spécifique qui est demandée par le type de relations dont on discute. Moi, je prétends que non. Je dis, dans le but de sauver les meubles — et c'est, je pense, dans ce sens-là que le chef de l'Opposition a fait cette motion — au moins ne visez pas la grande catégorie de ceux qui peuvent être visés par votre texte; au moins excluez le simple salarié de cette présomption; au moins, si un salarié participe à une grève, poursuivez-le, si vous croyez que c'est nécessaire de le faire, en vertu des règles ordinaires. Le salarié n'y échappera pas en vertu des règles actuelles de la Loi des relations de travail dans le domaine de la construction, sauf qu'à son égard on va au moins établir ou appliquer les règles normales de la preuve; on va au moins accepter, avec toute la discussion que ça peut comporter relativement au droit statutaire — le ministre de la Justice a élaboré là-dessus, je n'irai pas là-dedans, l'aspect prépondérance de preuve plutôt que le bénéfice du doute — ces règles-là à l'égard du salarié. Ce que vous demande le chef de l'Opposition, c'est qu'au moins dans le texte actuel de l'article 24, on enlève les mots "nul salarié". Il me semble que dans le contexte, et là je reviens de Toronto, d'après vous, en passant par Québec, il me semble... Cela fait déjà seize minutes que je parle? Mon Dieu! que ça passe vite...

M. Bédard (Montmorency): Cela passe vite.

M. Burns: Quand c'est bien dit comme ça, je gage que ça vous a paru être deux minutes.

M. Bédard (Montmorency): II me semble que vous venez de commencer.

M. Burns: II me semble, M. le Président, en tout cas que c'est l'effort qu'on devrait faire. C'est dans le fond la dernière demande que nous vous faisons — pas la dernière au point de vue du nombre de motions parce qu'il y en a d'autres — dans le but de restreindre la portée de cet article, qui déborde vraiment les cadres du droit habituel, de ce droit d'exception, justement, comme dit le chef de l'Opposition.

Il me semble que si on avait encore confié à un tribunal spécialisé, qui s'appellerait le tribunal de la construction et qui relèverait du tribunal du travail, déjà un tribunal spécialisé, cela aurait été moins difficile d'accepter que le simple salarié puisse se faire juger avec ses règles d'exception, même si on aurait été aussi contre ce projet. Mais il me semble que c'est l'argument additionnel qui fait qu'un tribunal de droit commun en matière pénale va avoir la difficulté à se pencher sur ce que peut comporter la présence ou, si vous vou- lez, comme le dit l'article, la participation du travailleur à un arrêt de travail considéré comme illégal lorsque, justement, le fardeau de la preuve est inversé.

Comme le disait le chef de l'Opposition, il me semble que cela il ne faudrait pas l'oublier quand on décidera de voter en faveur ou contre l'amendement du chef de l'Opposition. Il me semble qu'on s'attaque, selon tous les arguments qui nous ont été donnés du côté ministériel, à la victime. Il me semble que, depuis ce matin et depuis le début de l'étude de ce projet de loi, j'entends dire que le pauvre travailleur c'est toujours lui qui est magané et c'est toujours lui qui n'est pas capable d'aller travailler, lui qui veut, lui qui sait que c'est son gagne-pain.

C'est lui qu'on veut protéger par cette affaire? Bien, qu'on l'enlève de cela. Et si, véritablement, on est capable de faire une preuve que, de propos délibéré, de façon très intentionnelle, il a participé à cette grève illégale, les règles existent déjà aux articles 23 et suivants de la loi et on le poursuivra selon les règles habituelles, surtout qu'on le soumet au tribunal habituel. Encore si on l'avait soumis à un tribunal spécialisé, on aurait peut-être pu comprendre que ce tribunal spécialisé examine cette preuve inversée ou ce fardeau de preuve inversé à la lumière de la spécialisation même qui le concerne. Les juges, entre autres, de la cour des Sessions de la paix, ne m'en voudront pas si je dis que, dans la plupart des cas, ils ne comprendront pas la situation qui prévaut sur un chantier de construction; ils ne comprendront pas le fait que le travailleur qui voit la majorité de ses collègues, de ses confrères de travail quitter le chantier va sans plus d'intimidation prendre son coffre d'outils et s'en aller. Et il va dire: Moi, je ne veux pas avoir de problèmes et je m'en vais.

Et ce gars-là, on va lui demander, présomption à l'appui, de venir expliquer à un tribunal qui n'est pas spécialisé dans ce domaine pourquoi il a quitté le chantier? C'est vraiment ne pas comprendre ce qui se passe dans le domaine de la construction. On ne changera pas la mentalité des travailleurs de la construction en deux jours, c'est bien sûr. A chaque fois qu'il y aura une collectivité assez importante de travailleurs qui va quitter le travail, il y en a d'autres qui, sans aucune intimidation, sans aucune menace, vont dire: Le chantier se vide, où est mon coffre d'outils? Je m'en vais chez moi. C'est bien de valeur, j'aime mieux partir tout de suite, perdre une couple de journées de paye que d'avoir des problèmes d'une autre catégorie qui peuvent m'en faire perdre peut-être plus de temps de paye.

Cette mentalité existe, bon. Je vous parle de cela, ça existe. Ecoutez, je voyais la semaine dernière à la télévision les travailleurs qui quittaient le chantier olympique; il n'y avait pas de gros gars de six pieds et quatre en arrière d'eux, ils s'en allaient et ils disaient: Nous autres on a vu tout simplement qu'il y avait un arrêt de travail.

M. Cournoyer: Ils nous ont dit qu'on était malades.

M. Boudreault: ...

Le Président (M. Séguin): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Burns: Ils ont dit qu'ils étaient malades...

M. Cournoyer: Ils nous ont dit qu'on était malades.

Le Président (M. Séguin): A l'ordre!

M. Cournoyer: Ils nous ont dit qu'on était malades.

Le Président: A l'ordre!

M. Burns: Que vous autres, vous étiez malades?

M. Cournoyer: Les travailleurs disaient cela.

Le Président (M. Séguin): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Cournoyer: Ils nous ont dit: On est malades.

M. Burns: Que vous autres vous étiez malades, cela fait quelque chose comme cinq ans qu'on vous dit que vous êtes malades.

Le Président (M. Séguin): A l'ordre!

M. Burns: C'est une autre affaire.

M. Bédard (Montmorency): ... bien portant.

Le Président (M. Séguin): La parole est au député de Maisonneuve.

M. Cournoyer: Pour le Journal des Débats, étant donné que c'est inscrit, j'ai bien dit...

M. Burns: Si je peux faire passer...

M. Cournoyer: ... que je parlais des travailleurs qui disaient: Ils nous ont dit qu'on était malades...

M. Bédard (Montmorency): On n'est pas malade.

M. Cournoyer:... et non pas qu'ils nous ont dit que nou autres on était malades.

M. Bédard (Montmorency): Non, non! M. Burns: Non, il n'a pas l'air malade.

M. Bédard (Montmorency): Je n'ai pas l'air malade, non.

M. Burns: Cela c'est sûr. D'ailleurs, M. le Président, si on parle d'intimidation, vous savez j'ai ce voisin qui s'appelle le député de Montmorency, et si je parle un peu fort, je suis obligé de regarder à ma gauche pour voir si...

M. Bédard (Montmorency): Vous allez m'intimider.

M. Burns: Non, mais j'ai peur que vous m'intimidiez.

M. Bédard (Montmorency): II vous a demandé de rester chez vous.

M. Burns: Non, je dois dire que le député ne m'a pas intimidé encore, mais s'il voulait m'intimider il en serait bien capable. Je dis tout simprement, en revenant à l'aspect sérieux, que si on impose de ces règles à des gens qui sont placés dans la partie la plus large des différents cercles de la collectivité, il faut au moins qu'on ait des prérequis, c'est-à-dire un tribunal spécialisé. Si vous ne l'avez pas ce tribunal spécialisé, je ne vois pas comment vous pouvez décemment dire: La victime, s'il y a victime, va être placée au même niveau que celle à qui on pourrait véritablement faire des reproches. Toujours en sous-tendant cette opinion de ce que je vous disais ce matin relativement au fait que s'il y a tutelle, si vous avez cru bon, du côté gouvernementale, de faire adopter une tutelle, c'est parce que vous pensez que cela va régler un aspect très important du problème. Et si cela doit régler un aspect très important du problème, c'est sûr que cela devrait aussi en soi, normaliser un certain nombre de relations dans le domaine de la construction.

A ce moment-là, au moins épargnez le simple travailleur, épargnez le salarié et adoptons l'amendement qui est proposé par le chef de l'Opposition.

Le Président (M. Séguin): Est-ce qu'il y a d'autres députés qui veulent parler? Le député d'Outremont, le ministre de la Justice.

M. Choquette: Au cours des interventions qui ont été faites à l'appui de l'amendement proposé par le chef de l'Opposition, on a fait état d'une recommandation de la commission Cliche, relativement à la création d'une section spécialisée du tribunal du travail, section spécialisée qui aurait pour fonction de juger des litiges dans le domaine de la construction et en particulier des actions pénales qui pourraient être prises pour appliquer la loi no 290 et toutes les autres lois qui l'ont amendée par la suite.

Je comprends qu'on puisse soutenir une telle thèse. On peut même aller jusqu'à prétendre, avec un certain bon sens, que tout le domaine du droit pénal, en autant qu'il s'applique aux relations de travail et pas seulement aux relations de travail dans la construction, pourrait être jugé par le tribunal du travail. Je tiens à dire que je ne suis pas, de prime abord, hostile à un tel point de vue. Que ce soient des juges ayant une spécialité dans le domaine des relations de travail qui jugent même des infractions aux lois du travail en général et pas

seulement des infractions au code du travail comme c'est le cas à l'heure actuelle — car on sait que, par exemple, un congédiement illégal est jugé par le tribunal du travail, tandis que l'application d'un certain nombre d'autres lois qui visent à réglementer toute l'industrie de la construction, je parle par exemple des normes de sécurité, vont devant la cour des Sessions de la Paix ou la cour Provinciale, lorsqu'il n'y a pas de cour des Sessions de la Paix — on peut sans doute le soutenir. Je pense que la commission Cliche a indiqué une certaine sympathie, au moins en ce qui concerne le domaine propre de la construction.

Mais il y a des problèmes quand même pratiques à surmonter, si on doit en arriver à une telle solution. Je pensait seulement au nombre de juges à pourvoir au tribunal du travail pour s'occuper dorénavant de tous ces litiges...

M. Burns: Vous avez une liste d'attente.

M. Choquette: M. le Président, oui... Un instant.

M. Burns: Vous ne savez même plus quoi en faire.

M. Choquette: Un instant. M. le Président, je n'ai pas interrompu le député de Maisonneuve durant sa harangue, je lui demande la même politesse.

M. Burns: Je dis que vous avez une liste d'attente.

M. Choquette: Oui, mais vous m'interrompez quand même. La liste d'attente, vous savez, elle n'est pas toujours composée des personnes les plus compétentes qui soient aptes à devenir juges dans ce tribunal, là ou un autre tribunal. Alors je ne suis pas pour nommer n'importe qui, juste pour le plaisir de remplir des postes de juge et de me dire qu'en fait "we got through the motion", faire un gros tribunal et puis voir comment cela marche par la suite.

Des spécialistes dans les relations de travail ne sont pas si faciles que cela à trouver dans le Barreau actuel. Je ne dis pas qu'il n'y en a pas. Oui, il y en a, sans aucun doute, mais il faut quand même regarder aussi les éléments humains que nous avons à notre disposition pour meubler un tel tribunal et lui donner le prolongement de la juridiction qui est annoncé ou qui est suggéré par la commission Cliche. C'est donc dire que je ne rejette pas la proposition de la commission Cliche. Si cette proposition était de nature à améliorer le climat des relations du travail dans l'industrie de la construction, je pense qu'il faudrait y donner suite. Toute solution, qui nous permet d'entrevoir une amélioration des rapports entre la justice et les justiciables, entre la justice et le syndicalisme, entre la justice et les syndiqués, entre la justice et le patronat, doit être examinée avec le plus vif intérêt. Je n'ai pas d'hésitation à l'affirmer aujourd'hui, à tel point qu'avec la collaboration du ministre du Travail nous avons mis sur pied deux comités qui ont pour fonction d'examiner toute la législation statutaire et d'abord la législation qui s'applique au domaine du travail, avec l'optique de nous suggérer un certain nombre d'amendements à ces lois comme à la Loi des poursuites sommaires pour en faire des lois véritablement efficaces, pour en faire des lois utiles et pour amener des améliorations dans ce domaine suivant les recommandations et les constatations faites par la commission Cliche qui a critiqué la rédaction d'un certain nombre de lois qui pèchent par ambiguïté ou ont d'autres défauts. C'est donc dire que le comité a été mis sur pied et il est composé d'un certain nombre de personnes qui connaissent le domaine. Je pense qu'elles pourront nous suggérer des améliorations de ce côté.

Nous avons également mis sur pied — il me fait plaisir de le dire au député de Maisonneuve — un comité pour examiner tout le problème de l'injonction et de l'outrage au tribunal, pour autant qu'ils s'adressent au domaine des relations du travail, avec l'idée d'envoyer possiblement ces recours au niveau du tribunal du travail, si nous pouvons surmonter certains obstacles constitutionnels à cela. C'est justement pour faire en sorte que le recours en injonction ou le recours qui sanctionne la violation de l'injonction et qui, actuellement, est l'outrage au tribunal, devienne un recours qui soit nettement plus acceptable par les parties, car il faut bien dire qu'à l'heure actuelle, et heureusement, le tribunal du travail bénéficie d'une opinion favorable de la part du syndicalisme en général et de la part du patronat. Pour ma part, je suis heureux que ce soit la situation. Si nous pouvions envoyer ces recours spéciaux devant les juges du tribunal du travail, est-ce que nous ne gagnerions pas au point de vue de la crédibilité des jugements qui pourraient être rendus à l'occasion de l'exercice de tels recours?

Le système judiciaire est une matière complexe et difficile. Le modifier d'une façon rapide représente des difficultés incontestables. Actuellement, il nous faut faire face au plus pressé et c'est la raison pour laquelle nous présentons ces amendements. Maintenant, j'attire l'attention des honorables députés sur le fait que l'article 53 de la loi 45 comprend déjà une sanction non seulement à l'égard du chef ouvrier, de l'association ou du représentant d'une association qui incite ou encourage un ralentissement de travail.

M. Burns: 96.

M. Choquette: Cet article comprend également des sanctions qui se dirigent vers ceux qui, sans l'ordonner, l'inciter, y participent d'une certaine façon à titre strictement individuel. C'est dans l'article 53 qu'on trouve, dans tous les autres cas, une amende de $25 pour chaque jour ou partie de jour et la sanction qui est déjà imposée à l'heure actuelle pour la participation à une grève illégale ou à un lock-out illégal, tandis que l'incitation ou l'ordre donné d'une grève illégale comporte une sanction de $5,000 à $50,000, ce qui est, évidemment, nettement plus considérable.

Ceci, je pense, fait tout à fait la part des cho-

ses entre les responsabilités relatives de ceux qui ont un poste de commande, à l'intérieur du syndicalisme, et ceux qui ne sont que des travailleurs ordinaires. Donc, nous n'avons pas modifié les sanctions. Nous n'avons pas ajouté aux sanctions déjà existantes.

M. Morin: Sauf la présomption.

M. Choquette: Mais que le chef de l'Opposition soit patient et m'entende jusqu'au bout.

Nous n'avons pas, en somme, voulu accentuer le caractère des infractions qui s'y trouvent. Mais il est nécessaire, à tout considérer, sur le plan législatif, qu'il y ait autant une sanction forte contre ceux qui ordonnent des grèves illégales ou des ralentissements illégaux qu'une sanction relativement faible et modérée à l'égard de ceux qui ne font qu'y participer.

Je donne l'exemple suivant: Dans le domaine du trafic de la drogue, on sait que le trafiquant de drogue peut essuyer des sanctions très graves, peut se voir condamner à des années de prison pour avoir fait le trafic de la drogue. Tout le monde, je pense, réprouve ce genre d'activité et tout le monde approuve, du moins dans l'état actuel des choses, des sentences sévères à l'égard de ceux qui s'adonnent à ce genre de choses.

Par contre, l'usager de la drogue, on sait qu'il est également coupable, en vertu du code criminel actuel. Les tribunaux pourraient très bien lui administrer des sentences quasi aussi fortes que celles qui sont administrées aux trafiquants de drogue, mais telle n'a pas été la jurisprudence des tribunaux. La jurisprudence des tribunaux a été plutôt de considérer que celui qui ne fait qu'un usage a peut-être un certaine culpabilité, mais n'est sûrement pas coupable au premier titre et ne doit sûrement pas être mis sur un pied d'égalité avec le trafiquant de drogue. Pourtant, les deux se voient imposer le renversement de la preuve, les deux se voient imposer la présomption ou une présomption sensiblement identique à celle que nous proposons dans ce projet de loi.

De toute façon, M. le Président, autant nous sommes sympathiques au travailleur ordinaire qui fait son travail et qui peut, à un moment donné, être victime d'ordres donnés d'en haut ou d'intimidation ou de violence, autant il faut lui donner une directive juridique et législative dans le sens que les lois doivent être observées et que les arrêts illégaux — j'irais même plus loin — les arrêts injustifiés de travail ne doivent pas recevoir l'assentiment ou la reconnaissance du législateur en aucune façon. Ceci même si nous n'imposons pas des sentences très fortes, puisque la seule sentence possible, en vertu de l'article 53, est une sentence de $25 par jour. Par conséquent, pour être conséquent dans notre façon de légiférer, même si on impose des sentences très vigoureuses à ceux qui ordonnent ces arrêts illégaux de travail, il faut, d'autre part, prévoir un minimum de sentence à l'égard de celui qui participe à un arrêt de travail illégal. Ceci n'est qu'être logique sur les principes que l'on pose, c'est-à-dire que les conventions collectives, les décrets doivent être respectés pendant leur durée.

Je sais bien qu'on va tenter, encore une fois, de faire pleurer le ministre de la Justice sur le cas des travailleurs qui, voyant, par exemple, un échafaudage dangereux, voyant un accident de travail, se refusent à continuer le travail. Je sais qu'on va trouver toutes sortes de situations humaines pour m'inciter, encore une fois, à ramollir, à réduire la portée du projet de loi et à indiquer une certaine faiblesse des législateurs.

Mais, M. le Président, nous ne céderons pas à ce piège de l'Opposition. La volonté du gouvernement est ferme. Le gouvernement ne se laissera pas malmener ni d'un côté...

M. Burns: Vous êtes aussi démagogique que votre chef.

M. Choquette: Je ne suis pas démagogique. M. Burns: Ahl mon Dieu, vous êtes pire. M. Choquette: Enfin...

M. Burns: Vous êtes censé connaître cela plus que votre chef.

M. Choquette: Je pense que le député de Maisonneuve exagère, M. le Président...

M. Burns: Ah! non.

M. Choquette: ...lorsqu'il me traite de démagogue. Je n'ai pas l'intention de faire de la démagogie. On parle du respect des lois.

J'entendais, l'autre soir, le député de Johnson nous parler avec beaucoup d'éloquence sur ce sujet; sinon avec un peu d'exagération, du moins avec beaucoup d'éloquence quand même. J'admirais, M. le Président, son énergie et s'il avait peut-être été membre d'un autre gouvernement, j'aurais vu en lui le foudre de la légalité capable de devenir le ministre de la Justice.

Je riais un peu parce que j'ai vu, par la suite, que le député de Johnson...

M. Bellemare (Johnson): C'est le député de...

M. Choquette: Non, non!

M. Bellemare (Johnson): ...Johnson qui a offert le premier poste du tribunal du travail au juge Cliche.

M. Choquette: Mais tout ce que le...

M. Bellemare (Johnson): C'est moi, personnellement, qui est allé voir M. Cliche, qui était avocat...

Le Président (M. Séguin): A l'ordre!

M. Bellemare (Johnson): ...pour le nommer juge du nouveau tribunal du travail.

Le Président (M. Séguin): A l'ordre!

M. Bellemare (Johnson): Cela prouve une chose.

M. Choquette: Mais non, mais tout ce que le député...

Le Président (M. Séguin): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bellemare (Johnson): ...de la suite dans mes idées.

M. Choquette: Mais non, tout ce que le député de Johnson a fait n'a pas été mal fait. Je tiens à le dire pour que ce soit bien clair.

M. Bellemare (Johnson): Oui!

M. Choquette: Je suis sûr que le député de Johnson a fait d'excellentes choses dans sa carrière. Mais je dis une chose...

M. Bellemare (Johnson): Surtout de revenir en politique.

M. Choquette: Oui!

Le Président (M. Séguin): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Choquette: Je dis une chose. Le Président (M. Séguin): A l'ordre!

M. Choquette: Nous sommes dans la partie peut-être la plus pénible d'un tel projet de loi, c'est-à-dire où il nous faut indiquer des sanctions et des façons de faire la preuve. Cela n'est jamais agréable pour qui que ce soit que de proposer qu'on reserre la vis, qu'on ait un peu plus de force dans l'exercice et l'application des lois; ce n'est jamais une chose intéressante à faire. Mais il nous faut le faire compte tenu des développements qui ont eu lieu dans cette industrie de la construction.

Pour ma part, je pense que ce serait une échappatoire beaucoup trop facile, encore une fois, de laisser tomber, par mollesse, par faiblesse, encore une fois de reculer. Encore une fois il faut montrer que le gouvernement et même le Parlement sont résolus à faire respecter la loi, à faire respecter l'ordre dans l'industrie de la construction. C'est la raison pour laquelle je me dois de demander aux honorables collègues, une fois de plus, de rejeter un autre amendement de l'Opposition qui a pour but de miner la législation qui nous vient du rapport de la commission Cliche, rapport qui a été coûteux. Je ne parle pas seulement du coût, du million de dollars que cela a coûté pour avoir cette commission, mais je parle de tout ce que l'industrie de la construction a connu depuis des années. Je parle de tout cet état pitoyable dans lequel est tombée cette industrie avec toutes sortes de mouvements incontrôlés, incontrôlables. Il est temps...

M. Burns: Avec la complicité de qui?

M. Choquette: La complicité, nous n'allons pas débattre les responsabilités...

M. Burns: Ce n'est pas vrai ça.

M. Choquette: ...de qui que ce soit. Nous ne sommes pas là pour ça. A l'heure actuelle, cette situation s'est développée dans la construction et elle est devenue évidente pour tout le monde. Je pense que la commission Cliche, à ce point de vue, a fait l'excellent travail d'en montrer, en somme, toutes les vicissitudes et tous les points faibles.

Il est nécessaire que l'Etat intervienne. Je crois que si nos honorables collègues avaient exactement nos positions au gouvernement, à l'heure actuelle, ils proposeraient exactement ce genre de mesures.

M. Morin: Ah bien, pardon!

M. Burns: On n'aurait pas laissé faire ça.

M. Choquette: Je pense ça, M. le Président.

M. Burns: C'est ça la différence.

M. Morin: Tout de même!

M. Choquette: Ah!

M. Burns: On n'aurait pas fait des "deals " en dessous de la couverte avec des gens de la construction.

M. Choquette: M. le Président...

M. Burns: Quand il y a des gens corrompus, il y en a qui les corrompent.

Le Président (M. Séguin): A l'ordre!

M. Choquette: Le député de Maisonneuve...

Le Président (M. Séguin): A l'ordre!

M. Choquette: ...se flatte, à juste titre...

Le Président (M. Séguin): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Choquette: ...d'être un spécialiste de notre règlement. Je suis...

M. Burns: Je ne me flatte pas de ça. M. Choquette: Oui, il se flatte de ça. M. Burns: Non.

M. Choquette: II en tire un légitime orgueuil et je ne lui en fais pas querelle...

M. Burns: Pas du tout parce que le règlement n'est pas si extraordinaire que ça.

M. Choquette: Non, non, je ne lui en fais pas querelle car, tout d'abord, il y a contribué, comme l'a dit le leader tout à l'heure. Il a participé à la rédaction. Deuxièmement, il l'a étudié et il le connaît bien. Alors, ce n'est pas un défaut. Mais, je lui demanderais une chose, de ne pas interrompre ses collègues quand ils ont la parole.

Le Président (M. Séguin): Je profite...

M. Choquette: Je dis donc que nous ne pouvons pas accepter cet amendement de l'Opposition.

Le Président (M. Séguin): Alors, je vous remercie.

M. Burns: En vertu des articles 95 et 96...

Le Président (M. Séguin): Simplement pour votre information, il resterait au ministre trois minutes.

Un instant s'il vous plaît, je n'ai pas compris le député de Maisonneuve.

M. Burns: En vertu des articles 95 et 96...

Le Président (M. Séguin): De...

M. Burns: J'aimerais prendre la parole.

Le Président (M. Séguin): ...du code du travail?

M. Burns: Non, non, de notre règlement, que je suis censé connaître tellement.

Le Président (M. Séguin): Vous n'avez même pas pris tout votre temps, alors il n'y a pas de problème de ce côté. Qu'est-ce que c'est? Les articles 95 et 96.

M. Burns: Pages 35 et 36.

Le Président (M. Séguin): C'est ça.

M. Burns: C'est pourquoi je dois me servir des articles 95 et 96.

Le Président (M. Séguin): Mais exercer le droit de réplique, je pense que ce serait au proposeur...

M. Bellemare (Johnson): ...rectifier certains propos tenus.

Le Président (M. Séguin): Un instant, s'il vous plaît! Vous me parlez de l'article 95.

M. Bellemare (Johnson): 96.

M. Burns: C'est ça. Voulez-vous lire les articles 95 et 96? L'article 95, c'est...

Le Président (M. Séguin): Non, non.

M. Burns: ...le principe et l'article 96, c'est la modalité.

Le Président (M. Séguin): Je sais lire. M. Burns: Bien, j'espère.

Le Président (M. Séguin): Je vous ferai remarquer, M. le député, aussi, tout en reconnaissant ce droit de reprise, qu'on vous fait part aussi que les explications que vous devez donner sur ce commentaire doivent être brèves, ne doivent apporter aucun élément nouveau dans la discussion et ne peuvent engendrer un débat.

Si vous vous rappelez cela, je pense qu'il n'y a aucun problème.

M. Burns: Je n'ai pas du tout l'intention d'amener des éléments nouveaux mais...

Le Président (M. Séguin): Je ne vous prête pas d'intentions.

M. Burns: ... ce que je voulais dire, M. le Président, c'est que cela peut, selon les dispositions du ministre de la Justice, engendrer un débat. Cela, ce n'est pas de ma faute et ce n'est pas moi qui va décider cela.

Le Président (M. Séguin): "Et elles ne peuvent engendrer un débat". Donc, il y a...

M. Burns: C'est au ministre de la Justice qu'il faut dire cela, pas à moi.

Le Président (M. Séguin): C'est à vous à surveiller vos commentaires.

M. Burns: M. le Président, vous avez bien dit...

Le Président (M. Séguin): Je n'entrerai pas dans le débat d'abord pour contredire ce que je viens de dire. Le député de Maisonneuve a une mise au point à faire, je crois, sur ce qu'il a déjà dit et qui aurait pu être mal compris ou mal saisi par les membres de la commission.

M. Burns: M. le Président, je pense que je ne m'adresse pas à tous les membres de la commission, même si, techniquement, je m'adresse à tous les membres de la commission. Mais les paroles ou les citations qui me provoquent, si vous voulez, certaines explications, en vertu des articles 95 et 96 de notre règlement, viennent du ministre de la Justice.

Si j'ai été compris comme cela,je me suis — je le dis en toute honnêteté — ou bien mal exprimé, ou bien, à l'autre bout de mes paroles, on m'a mal compris. Je n'ai à aucun moment laissé entendre qu'à partir du moment où l'amendement que le chef de l'Opposition propose était adopté, il n'y aurait plus aucun recours, pour un salarié, contre un salarié qui participait à une grève. L'article 53 de la Loi des relations de travail dans l'industrie de la construction, le bill 290, est très clair là-dessus

et vous l'avez même cité, M. le ministre de la Justice. Je ne pense pas qu'en acceptant l'amendement du chef de l'Opposition, on amende l'article 53.

D'ailleurs, on peut aller aussi loin que de dire que l'article 23 lui-même continue à subsister, l'article 23 qui nous dit que la grève et le lock-out sont prohibés pendant la durée du décret. Cela s'applique aux travailleurs cela aussi. Elle est prohibée, la grève. Et la définition d'une grève, c'est une espèce de concertation pour arrêter le travail. S'il y a participation du travailleur à l'endroit d'un arrêt de travail concerté, il y a grève. Et si cette grève intervient avant l'expiration du décret, il y a techniquement grève illégale et il y a sanction, selon l'article 53, qui dit: "Quiconque déclare, provoque une grève ou un lock-out, contrairement aux dispositions de la présente loi ou y participe..." Il continue à y avoir des pénalités, même si elles sont moindres, pour ceux qui y participent.

Ce que j'ai dit, c'est qu'au moins, devant ce fait, et sans changer cette situation... Je ne vous demande pas de rendre la loi moins dure. Là, cela vous tente de m'interrompre, n'est-ce pas?

M. Choquette: C'est une question de règlement.

M. Burns: Allez-y donc.

M. Choquette: Au fond, le député de Maisonneuve veut reprendre son argumentation...

M. Burns: Non.

M. Choquette: ... sous couvert de faire une mise au point en vertu des articles 95 et 99, M. le Président...

M. Burns: Non. M. le Président...

M. Choquette: ...alors qu'il a épuisé son temps de parole.

M. Burns: Pas du tout.

Le Président (Séguin): J'ai dit des commentaires brefs. Alors...

M. Burns: Mais, M. le Président, j'arrive au point central.

Le Président (M. Séguin): Non, c'est correct. Procédez.

M. Burns: C'est que le ministre de la Justice, à mon argument...

Le Président (M. Séguin): Oui.

M. Burns:... qui appuyait la motion du chef de l'Opposition, a répondu tout simplement: Cela n'a pas de raison d'être parce que, de toute façon, il continue à y avoir des pénalités à l'endroit des salariés. Oui, et je l'ai dit, je suis parfaitement conscient de cela. Cela ne changera rien à cela.

Mais je dis: Au moins, la façon dont on va traiter la preuve, la façon dont on va examiner le fardeau de la preuve, eu égard au fait qu'il n'y a pas de tribunal spécialisé — je ne vous demande pas d'en créer un dans cette loi, je vois bien que ce n'est pas possible, actuellement — étant donné ce fait, n'y a-t-il pas lieu, justement, qu'à l'endroit de celui qui, habituellement, selon les dires du ministre de la Justice et même du ministre du Travail, est la victime de ces arrêts de travail, au moins on applique les règles ordinaires de juger une plainte? C'est rien que cela que j'ai dit. Je n'ai pas dit qu'il fallait changer l'article 53, qu'il fallait enlever toute plainte, tout recours à l'endroit du salarié qui y participe.

Sauf, qu'à ce moment-là vos procureurs qui poursuivront, puisque, apparemment le procureur général se réserve exclusivement ce droit de poursuivre, feront la preuve claire et nette; tout au moins, selon une certaine théorie en droit statutaire, ils accepteront de faire une prépondérance de preuve que le travailleur a participé de plein gré à cet arrêt de travail défendu par la loi. Je ne dis pas qu'on doive enlever ce recours-là; je dis tout simplement: Enlevons cette présomption qu'on impose tout au moins à l'endroit du travailleur.

Le Président (M. Séguin): II y a le député de Sauvé, le proposeur, qui va utiliser son droit de réplique.

M. Morin: Très brièvement, M. le Président, pour dire que je m'attendais à autre chose de la part du ministre de la Justice. Il m'a beaucoup étonné dans ses propos tout à l'heure. Il ne devrait pas oublier qu'il a la responsabilité non seulement d'administrer la justice, mais de maintenir la légitimité du droit et sa concordance avec la justice sociale. Or, le ministre est en train de laisser utiliser le droit comme instrument de lutte de classes, je pèse mes mots, contre la masse des travailleurs et je trouve son attitude fort hypocrite. D'une part, il nous dit: Nous voulons protéger la masse des travailleurs contre...

M. Boudreault: M. le Président...

M. Morin:... les gens qui veulent les intimider.

M. Boudreault: ... un point de règlement. Est-ce que le mot hypocrite est parlementaire?

M. Morin: Je n'ai pas dit hypocrite; j'ai dit hypocrisie.

M. Boudreault: Non, vous avez dit hypocrite. M. Morin: M. le Président...

Le Président (M. Séguin): II a été question d'attitude; le ministre n'a pas été accusé d'hypocrisie. Disons que je l'ai compris de cette façon-là. Continuez.

M. Morin: Je vous remercie, M. le Président.

Je dis que le ministre de la Justice, en se comportant comme il le fait cet après-midi, par le genre d'arguments qu'il utilise à rencontre d'une proposition tout à fait raisonnable que j'avais l'honneur de soumettre à la commission, se sert du droit ou laisse utiliser le droit comme instrument de lutte de classes contre la masse des travailleurs. Et l'hypocrisie réside en ceci: d'une part, on nous dit qu'on veut protéger la masse des travailleurs contre ceux qui constitueraient une minorité et qui se serviraient des syndicats de la construction à des fins autres que celles de protéger le travailleur.

D'autre part, dans les faits, ce projet de loi se tourne, en fait, contre la masse des travailleurs en leur imposant une présomption et des sanctions qui vont les coïncer littéralement. Ce matin, nous avons tenté d'écarter le renversement du fardeau de la preuve. Du moins, espérions-nous, après que le ministre eut écarté la proposition que nous faisions, qu'il se montrerait souple dans les modalités. Je disais que le ministre confond les chantiers avec les galères. Cet après-midi, en insistant pour maintenir la présomption non seulement à l'en-contre des dirigeants, des délégués, des agents d'affaires ou des représentants, mais également à l'encontre de la masse des travailleurs, je crains bien qu'on ne confonde travailleurs et galériens.

Il faut bien se rendre compte que ces dispositions vont coincer les travailleurs entre deux séries de gardes-chiourme: d'une part les bras, dont on a beaucoup parlé depuis quelques temps, et aussi les employeurs, les tontons macoutes, comme le disait un collègue il y a un instant, à qui, je pense, nous avons remis une arme redoutable de pression et de chantage en faisant peser sur eux la présomption du second paragraphe de l'article 24.

Mais le meilleur garde-chiourme et fier de l'être par-dessus le marché, à ce que je vois, c'est le ministre de la Justice. Je ne peux faire autrement que de m'en étonner. Je pensais qu'il se nourrissait d'une autre philosophie du droit que celle-là.

Il voit là une occasion de montrer sa force et ses biceps, mais le malheur est qu'il le fait à l'en-contre de la masse des travailleurs dans cet article. Il aura beau faire des contorsions intellectuelles pour essayer de nous prouver le contraire, le texte est là et il parle par lui-même. C'est à l'en-contre du moindre salarié que va s'appliquer cette présomption, M. le Président. Je pense que le ministre surtout nous montre sa faiblesse et la faiblesse de la philosophie sociale dont il s'inspire dans cette disposition. On aurait pu lui pardonner à la rigueur d'instaurer une présomption à l'encontre des dirigeants — et encore, je ne suis pas prêt à le faire — mais je ne saurais excuser chez lui son attitude à l'encontre du commun des travailleurs, à l'encontre de qui va jouer pleinement également cette présomption. J'avoue que je ne comprends pas ce qui peut alimenter la réflexion du ministre de la Justice lorsqu'il en vient à de telles conclusions. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Séguin): Merci M. le chef de l'Opposition. Pour ou contre la motion présentée par le chef de l'Opposition.

M. Burns: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Séguin): Le député de Maisonneuve.

M. Burns: Est-ce que c'est de façon délibérée que, lors de ces deux amendements, celui de ce matin et celui de cet après-midi, le ministre du Travail a été absent pour démontrer qu'il serait autrement d'accord sur les amendements de l'Opposition? Parce que là, cela fait deux fois, je tiens à le signaler.

Le Président (M. Séguin): Voici, si je faisais demander à ce moment-ci le ministre...

M. Burns: Je me pose la question.

Le Président (M. Séguin): Posez-la, vous, ne la posez pas à moi. Je ne peux répondre ni pour un ministre, ni pour un autre membre de la commission, vous le savez fort bien.

M. Burns: Est-ce que j'ai le droit de me poser cette question, M. le Président?

Le Président (M. Séguin): Vous avez le droit de vous la poser, mais posez-la en silence et demandez...

M. Burns: Qu'il ne soit pas intervenu sur les amendements du chef de l'Opposition et qu'il ne soit pas présent pour voter à aucune des deux occasions?

Le Président (M. Séguin): Vous le lui demanderez.

M. Burns: Peut-être qu'il serait gêné de voter contre?

Le Président (M. Séguin): J'ai demandé le vote.

M. Burns: Non...

Le Président (M. Séguin): II n'y a pas de débat.

M. Burns: Comment se fait-il que vous n'êtes pas là pour les votes?

Le Président (M. Séguin): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Cournoyer: Je peux voter, enregistrer mon vote exactement comme le ministre de la Justice. C'est une décision collégiale.

M. Morin: On aurait aimé avoir votre sentiment quand même.

Le Président (M. Séruin): Bien, je préfère à ce moment-ci, puisque aucun autre membre de la commission n'a exprimé le désir de parler, demander si on est pour ou contre le sous-amendement qui se lit comme suit: Que l'article 2 soit amendé en retranchant, dans le premier alinéa, les mots "ou nul salarié". M. Bellemare (Johnson)?

M. Bellemare (Johnson): En faveur.

Le Président (M. Séguin): En faveur. M. Cho-quette (Outremont)?

M. Choquette: Contre.

Le Président (M. Séguin): M. Boudreault (Bourget)?

M. Boudreault: Contre, M. le Président.

Le Président (M. Séguin): Contre. M. Burns (Maisonneuve)?

M. Burns: En faveur.

Le Président (M. Séguin): M. Morin (Sauvé)?

M. Morin: En faveur.

Le Président (M. Séguin): M. Bédard (Montmorency)?

M. Bédard (Montmorency): Contre, M. le Président.

Le Président (M. Séguin): M. Cournoyer (Robert-Baldwin)?

M. Cournoyer: Contre.

Le Président (M. Séguin): M. Déziel (Saint-François)?

M. Déziel: Contre, M. le Président.

Le Président (M. Séguin): M. Harvey (Charlesbourg)?

M. Harvey (Charlesbourg): Contre.

Le Président (M. Séguin): M. Lachance (Mille-Iles)?

M. Lachance: Contre, M. le Président.

Le Président (M. Séguin): M. Lecours (Frontenac)?

M. Lecours: Contre, M. le Président.

Le Président (M. Séguin): M. Malépart (Sainte-Marie)?

M. Malépart: Contre.

Le Président (M. Séguin): M. Roy (Beauce-Sud)? M. Verreault (Shefford)?

M. Verreault: Contre.

Le Président (M. Séguin): 3 en faveur, 10 contre. Le sous-amendement est donc rejeté et j'appelle maintenant la motion principale.

M. Morin: M. le Président, avant que vous appeliez la motion principale et l'amendement, j'aimerais proposer un dernier sous-amendement à l'article 2.

Le Président (M. Séguin): Le député de Sauvé.

M. Morin: M. le Président, je pense que tous les amendements que nous avons soumis...

Une Voix: ...un filibuster.

M. Burns: Si c'en avait été un, vous ne seriez même pas en commission actuellement, vous ne seriez même pas rendus à cet article. La loi 29 ne serait même pas adoptée. Voyons donc! Voyons donc! Vous n'avez jamais vu cela un filibuster?

Le Président (M. Séguin): Messieurs, je vous prierais, ayant donné la parole au...

M. Burns: II ne faut pas être plus niaiseux qu'il faut, M. le Président.

Le Président (M. Séguin): J'ai donné la parole au député de Sauvé.

M. Morin: M. le Président, on prendra cela comme on voudra, mais je pense que les amendements que nous avons proposés jusqu'ici étaient sérieux. Qu'il s'agisse d'un filibuster ou pas, les amendements sont sérieux. Je ferai remarquer que lorsque nous avons fait des filibusters dans le passé, cela a duré un peu plus longtemps que cela n'a duré sur le projet de loi no 29.

M. le Président, on nous a dit que cette loi, ce projet de loi...

M. Burns: M. le Président j'invoque le règlement. Je m'excuse auprès du chef de l'Oppositon; est-ce que j'ai bien compris que c'est le député de Mille-Iles qui est rapporteur de cette commission? C'est lui qui est rapporteur?

Le Président (M. Séguin): C'est ça. M. Lachance: C'est moi.

M. Burns: Cela va être bien rapporté avec les opinions qu'on vient d'entendre. Est-ce qu'on peut, à ce stade-ci, changer de rapporteur?

Le Président (M. Séguin): Je préférerais, M. le député de Maisonneuve, tout en reconnaissant votre question...

M. Burns: Moi je pense entre autres que le député de Sainte-Marie, qui a assisté à toutes les séances, qui ne nous a pas fait valoir d'opinions aussi stupide que celles qu'on vient de recevoir de la part du député des Mille-Iles, serait peut-être le rapporteur idéal.

Le Président (M. Séguin): Le règlement, voici... A l'ordre! A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Burns: J'aimerais bien cela, M. le Président, qu'il nous dise tout de suite si dans le rapport il y aura une mention que l'opposition a décidé de faire un filibuster. J'aimerais bien savoir cela. C'est lui qui est censé faire le rapport.

Le Président (M. Séguin): A l'ordre! A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lachance: J'ai droit à mon opinion.

Le Président (M. Séguin): Le règlement prescrit tout simplement que la commission nomme un rapporteur pour les travaux de la commission. Elle ne juge d'aucune façon de quelle manière le rapporteur doit se comporter. Sa fonction ne l'empêche d'aucune façon d'exprimer une opinion pour ou contre. Il est complètement libre et tout simplement membre comme tout autre membre de la commission.

Je ne reconnais pas réellement le point de règlement. Je redonne la parole au député de Sauvé. Le chef de l'Opposition officielle peut continuer ses commentaires.

M. Burns: Heureusement que je me fie plus au rapport qui va être fait de toute façon par les fonctionnaires que par le député de Mille-Iles.

Le Président (M. Séguin): ...que ma décision, je le regrette.

M. Morin: M. le Président, depuis le début de l'étude de ce projet de loi, on nous dit qu'il s'agit de mesures d'exception, de mesures exorbitantes du droit commun, qu'il s'agit de remettre de l'ordre et que cela ne saurait durer éternellement. On nous dit qu'il faut employer les grands moyens, montrer sa force, serrer la vis, comme disait le ministre de la Justice tout à l'heure. Mais on insiste aussi pour nous dire qu'aussitôt que la paix sera revenue, aussitôt que les bras auront disparu des chantiers tout devrait rentrer dans la normale et rien ne saurait être plus beau que la démocratie qui régnera au Québec à ce moment-là.

M. le Président, s'il s'agit effectivement de mesures d'exception, de grands moyens temporaires, s'il s'agit d'assainir l'industrie de la construction, et non pas d'instaurer de nouvelles règles permanentes de comportement, je crois que cet article 2 ne devrait s'appliquer que durant la période de remise en ordre dont nous a parlé le ministre du Travail. J'ai fait observer, ce matin, que le texte de l'article 2 nous inquiétait parce que le principe pourrait en être étendu par la suite, pour peu que l'Opposition n'y prenne garde, à d'autres secteurs du monde du travail, à d'autres secteurs de l'industrie. J'estime que ce danger est suffisamment clair, suffisamment explicite, dans le projet de loi qui nous est présenté pour qu'il soit dit expressément que cet article 2 ou le nouvel article 24 et I et le nouvel article 24 a) qu'il nous propose ne s'appliqueront que durant la période de remise en ordre.

Je voudrais qu'il soit clair, l'oppositon voudrait qu'il soit clair que ce droit d'exception, avec toutes les conséquences qu'il comporte même pour le simple travailleur, qui se verra désormais suspendre au-dessus de la tête cette épée de Damoclès du renversement du fardeau de la preuve, je voudrais qu'il soit clair que ce droit d'exception n'est pas destiné à durer, qu'il n'est pas un principe permanent de la législation du travail, ne serait-ce que dans le domaine de la construction.

C'est pourquoi je propose que l'article 2 soit modifié en insérant, au début du deuxième alinéa, tant de l'article 24 que 24-a) proposés par ledit article 2, ce qui suit: Tant que la loi sur la mise en tutelle de certains syndicats ouvriers — là, il faudrait insérer le numéro de chapitre du projet de loi no 29 adopté en 1975 — restera en vigueur.

Autrement dit, l'article 2, avec les sanctions qu'il propose, les présomptions qu'il engendre et qu'il fait peser sur la tête des travailleurs, demeurerait essentiellement une mesure d'exception, de portée temporaire. Aussitôt que les tutelles seraient terminées, donc aussitôt que la normale, telle que la conçoit le gouvernement, serait revenue sur les chantiers, alors il n'y a plus de raison de maintenir un droit d'exception comme celui-là, de faire peser des présomptions de cet ordre, des sanctions de cet ordre. C'est pourquoi j'estime que le gouvernement a l'occasion, grâce au sous-amendement que je viens de soumettre, de nous démontrer que son droit d'exception en est véritablement un d'exception et qu'il ne saurait durer dès que les choses auront pris un cours plus favorable. Ce sont les motifs que je soumets à l'appui de mon sous-amendement. Je vous en donne quelques exemplaires que vous pourrez faire passer aux ministres concernés. Il y en a aussi un exemplaire pour vous, M. le Président.

Le Président (M. Séguin): L'honorable ministre de la Justice.

M. Choquette: Je pense que l'amendement proposé par le Parti québécois et par le chef de l'Opposition en particulier procède sûrement d'une excellente intention. Je ne voudrais pas, par mon intervention, lui signaler un désaccord absolu à l'égard de la philosophie qui l'inspire en apportant cet amendement au projet de loi. Sans aucun doute, de ce côté-ci, considérons-nous qu'il n'y a pas lieu d'étendre cet article à tous les autres domaines du travail et à faire en sorte que nous ayons des dispositions identiques dans le droit du travail en général. Il s'agit d'une mesure qui s'applique spécifiquement au domaine de la construction, et ceci en raison de ce qui a été constaté.

D'autre part, on nous demande de rattacher, d'une certaine façon, la portée de l'article I du projet de loi à la longueur des tutelles. Je ferais remarquer au chef de l'Opposition que les tutelles, à l'égard de quatre syndicats ou quatre locaux de la FTQ, ne sont pas et ne constituent pas tout le problème de la construction. Il peut y avoir, à l'extérieur de ces quatre unités syndicales, des problèmes de la nature ou semblables à ceux qui se sont manifestés de façon beaucoup plus aiguës dans les quatre syndicats en question.

C'est la raison pour laquelle, pour ma part, je ne peux abonder dans le sens de donner, dès immédiatement, un terme dans te temps à l'application de ces présomptions ou l'imposition du fardeau de la preuve. Je pense que dans quelques années d'ici on sera en bien meilleure position que nous aujourd'hui pour apprécier les effets de ces présomptions, pour apprécier en quoi les présomptions auront réussi a assainir le domaine de la construction, sans compter les autres mesures qui pourront être adoptées soit par ce Parlement-ci, au moment où nous légiférons, soit à d'autres occasions.

C'est donc dire que je crois que la suggestion du chef de l'Opposition, même si je suis enclin à abonder personnellement dans le sens de désirer une limitation dans le temps je pense que nous serions fort malvenus de l'accepter aujourd'hui, au moment où on légifère dans une situation qui est avancée au point où il faut prendre les moyens que nous sommes obligés de prendre, de mettre immédiatement un terme fixe, artificiel, arbitraire d'une certaine façon, à l'évolution dans ce domaine.

Mais je pense que dans quelques années, on sera en meilleure position que nous, lorsqu'on fera la revue générale de cette législation, pour supprimer cette note discordante par rapport à notre droit général, si les législateurs, à cette époque, le jugent opportun.

C'est la raison pour laquelle je dois malheureusement inscrire ma dissidence à l'égard de la suggestion du chef de l'Opposition.

Le Président (M. Séguin): Est-ce que d'autres membres de la commission désirent intervenir?

M. Morin: Le député de Johnson, je pense, voulait intervenir.

Le Président (M. Séguin): Le député de Johnson.

M. Bellemare (Johnson): J'avais préparé le même amendement, M. le Président.

Le Président (M. Séguin): Avez-vous des commentaires à faire sur l'amendement proposé?

M. Bellemare (Johnson): Oui, dès ma première intervention, ce matin, j'avais dit au ministre que je voyais là une disposition que lui-même trouvait fort à point, mais qu'elle devrait être temporaire, à cause de l'implication que cela pourrait avoir dans d'autres juridictions, dans d'autres syndicats et dans d'autres participations.

Je suis parfaitement d'accord, parce que ma motion se lisait presque au texte comme celle du chef de l'Opposition qui l'a présentée a priori, c'est son droit.

Le Président (M. Séguin): Est-ce que d'autres membres de la commission désirent s'exprimer sur le sous-amendement?

M. Burns: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Séguin): Le député de Maisonneuve.

M. Burns: M. le Président, ce n'est pas tellement pour renchérir sur ce que vient de dire le chef de l'Opposition, parce que je partage entièrement ses vues, par rapport à ce qu'il vient de soumettre, ni pour appuyer sa proposition d'amendement. C'est beaucoup plus quant à la réponse qui a été donnée par le ministre de la Justice, tant maintenant, il y a quelques minutes, que ce matin.

J'ai entendu le ministre de la Justice et, entre autres, j'ai noté l'expression "d'ici quelques années", c'est-à-dire que dans l'esprit du ministre de la Justice, sinon la lettre de l'amendement du chef de l'Opposition, du moins l'esprit de l'amendement est partagé par le ministre de la Justice. Je ne pense pas partir une fausse prémisse en disant cela, je l'ai entendu dire: "D'ici quelques années, c'est une chose qui devrait disparaître". Or, M. le Président, je réfère le ministre de la Justice à ses officiers légistes — qui, à diverses occasions, sont nombreux dans cette salle, peut-être pas actuellement, mais en tout cas, il y en a quelques-uns — je réfère le ministre de la Justice, dis-je, à ce type d'expression que justement les officiers légistes, à bon droit d'ailleurs, réprouvent. Lorsque nous légiférons — je viendrai à l'aspect exception après — il est, en principe, très mauvais de dire: D'ici quelques années, dans un délai raisonnable, aussitôt que possible, selon les circonstances, etc. Dans le fond, sans le dire dans le projet de loi, le ministre nous laisse entendre que le projet de loi est infiniment temporaire, du moins, que cette mesure est infiniment temporaire. Je ne suis pas l'autorité qui dit cela, je pense qu'il y a de nombreux juristes, beaucoup plus compétents que je puis l'être, qui vont vous dire qu'il n'est jamais bon d'arriver avec une pièce de législation à laquelle on accorde un caractère temporaire ou dans laquelle on impose un délai qui n'est pas, de façon précise, déterminé.

Je vous fais la proposition inverse. Lorsque le ministre de la Justice nous dit: C'est pour une couple d'années, quelques années, cette législation, pourquoi, dès maintenant, en bons législateurs, n'arriverions-nous pas à adopter l'amendement du chef de l'Opposition, quitte, si jamais ce délai n'était pas suffisant, à revenir, à amender la loi et dire: On avait fixé deux ans, trois ans — en fait, la durée des tutelles, c'est trois ans — on avait fixé trois ans, mais ces trois ans ne sont pas suffisants?

L'avantage de l'amendement du chef de l'Op-

position — si je peux vous en citer les mots exacts, "tant que la Loi sur la mise en tutelle de certains syndicats restera en vigueur" — c'est que, déjà, c'est un amendement qui attache à la mise en tutelle, laquelle est mobile dans le temps. Trois ans, c'est le maximum. Il est possible qu'au bout d'un an, comme nous l'a dit le ministre du Travail, on juge que l'oedre est rétabli. Il est possible que ce soit revenu et qu'à ce moment-là on ne sente plus le besoin d'une telle disposition.

Je reviens à mon raisonnement de ce matin. Si véritablement la loi 29 a un sens, la présomption elle-même n'en a pas, parce que, pour justifier sa mise en application, on ne parle que du passé; on ne parle pas du futur.

Il me semble qu'on a dilué pas mal notre position, en vous disant, d'une part, qu'on était contre la présomption; d'autre part, que cette présomption, une fois qu'on décidait quand même de l'appliquer, ne devait pas s'appliquer aux salariés. Quand on a rejeté cette position, il me semble qu'on devient encore moins exigeant, en vous disant: Bien, au moins, faites-la suivre la durée de la tutelle, si la tutelle, encore une fois, doit être une solution ou bien vous ne croyez pas que la tutelle est une solution au problème.

Il me semble que l'avantage principal de la motion d'amendement faite par le chef de l'Opposition serait, d'une part, de rassurer le mouvement ouvrier que le gouvernement n'a pas l'intention d'étendre cette présomption à l'ensemble du mouvement ouvrier, mais qu'elle est promulguée pour des fins très spécifiques et très temporaires. Il me semble que vous n'auriez pas l'air, si c'est ça qui préoccupe le ministre, si c'est une question d'image, d'être moins ferme dans votre désir de mettre de l'ordre dans le domaine de la construction, si le gouvernement acceptait l'amendement du chef de l'Opposition. Il me semble que vous auriez l'air, cependant, beaucoup plus raisonnable, beaucoup plus pratique, beaucoup plus dirigé vers le problème que vous voulez régler. Je vous dis que lors — je vous fais une prédiction — des prochaines discussions— je ne sais pas quand elles vont avoir lieu — les amendements du code du travail, je suis sûr qu'il y a une partie quelconque, qui est habituellement patronale, qui va venir vous demander d'appliquer cette même règle — il y en déjà qui le font — à l'ensemble du mouvement syndical.

Il me semble que ce serait vous garantir contre des intrusions de cette nature, puisque — je comprends et je prends la parole du ministre — ce n'est pas l'intention du gouvernement d'étendre cette disposition à d'autres au point de vue de la compétence, mais au point de vue de la durée aussi. Sur cela — vous allez peut-être dire que je fais un sophisme — je vais vous parler d'une loi semblable qui existait en Colombie-Britannique. Le "Labour Relations Act" de 1973, qui imposait ce fardeau de la preuve dans les cas de ce qu'ils appelaient, en général, les "complaints" pour les actes interdits, avait été mis en vigueur.

Dés la deuxième session de l'automne 1973, le "Labour Relations Act" avait été remplacé par le "British Columbia Labour Code". On avait, quelque huit mois plus tard, rétabli une situation parce qu'on s'était dit — évidemment, il y avait eu un changement de gouvernement entre les deux, je pense. Oui. Mais il ne faudrait pas, quand même, attendre qu'il y ait un changement de gouvernement pour avoir un changement de disposition comme celle-là. Remarquez que cela peut avoir lieu plus vite qu'on pense. De toute façon, ce n'est pas mon rôle de parler de changement de gouvernement ni quoi que ce soit à ce stade-ci. Je pense qu'on légifère de façon à accorder une certaine permanence. On pourrait accorder une certaine permanence à la position prise par le ministre de la Justice en lui donnant, dans le temps, une durée fixe, c'est-à-dire qu'on n'aurait pas besoin de revenir avec une nouvelle loi abolissant celle-ci ou encore avec une nouvelle loi, si nécessaire, pour l'étendre. Il me semble que ce serait normal d'arriver à dire: Cela aura une durée fixe, laquelle durée, déjà, est mobile, laquelle durée sera dépendante du succès plus ou moins grand de la tutelle qui est imposée par le bill 29.

Il me semble que c'est très raisonnable ce que le chef de l'Opposition vous propose actuellement. Il n'y a rien d'exagéré là-dedans, surtout quand vous savez qu'au fond nous sommes contre l'existence même de cette présomption, que nous avons bon gré mal gré été obligés d'accepter cette majorité gouvernementale qui, régulièrement, défait les motions d'amendement à trois contre huit ou neuf, peu importe. C'est la proposition, je pense, raisonnable à l'endroit de cette mesure d'exception que nous vous faisons, de façon claire, de rendre cette disposition temporaire et surtout, ce faisant, d'admettre, par un texte législatif, qu'elle ne sera pas étendue à d'autres domaines qu'à ceux de la construction.

En tout cas, il me semble que ce serait une drôle de bonne garantie, si jamais l'amendement du chef de l'Opposition était adopté.

M. Choquette: M. le Président, est-ce que je peux prendre la parole de nouveau?

Le Président (M. Séguin): Oui, oui. Vous n'avez pas pris tout...

M. Choquette: M. le Président, je suis intéressé par le point de vue exprimé par les honorables députés de l'Opposition mais mon intérêt ne va pas jusqu'à abonder dans leur sens, et je le regrette. Je vois quand même une façon pour eux d'attirer l'attention du gouvernement, des législateurs, sur les problèmes relatifs à l'applicalion de ces dispositions, qui sont exorbitantes du droit commun. C'est la raison pour laquelle je serais le dernier à leur faire les reproches de tenter de circonscrire la portée de ces dispositions.

Je vois une autre façon où l'on pourra, dans l'avenir, je pense, intervenir assez facilement pour faire tomber ces présomptions s'il s'avérait qu'elles soient excessives, s'il s'avérait qu'elles soient inefficaces, et voici comment.

M. Morin: II sera trop tard.

M. Choquette: Non, il ne sera pas trop tard. Au

cours des années qui vont suivre, la loi 290, proposée par l'honorable député de Johnson alors qu'il était ministre du Travail, en 1968, telle qu'amendée plus tard par le chapitre 45, telle qu'amendée par le projet de loi actuel, telle qu'amendée par d'autres lois, il est fort prévisible que ce problème des relations de travail dans le domaine de la construction va requérir une nouvelle législation du gouvernement.

Et je pense que dans l'intervalle, d'ici à ce que cela se produise, on pourra apprécier la portée de ces présomptions et voir si on en a besoin ou non. Et à ce moment-là, je pense que l'Opposition sera en terrain plus solide pour proposer des amendements qui pourraient réduire cette présomption à néant, si on juge qu'elle ne s'est pas révélée ce que nous pensons qu'elle va donner, ou la limiter dans le temps, si cela s'avère nécessaire, en la faisant disparaître.

Donc, même si on peut exprimer de l'intérêt dans les paroles qui viennent d'être prononcées par nos collègues, personnellement je ne pense pas qu'il faille, à ce moment-ci, lui fixer un terme, et c'est la raison pour laquelle je ne peux pas abonder dans le sens des représentants de l'Opposition.

Le Président (M. Séguin): Alors, messieurs! Le député de Sauvé.

M. Morin: M. le Président, le ministre nous dit qu'il n'est pas en désaccord avec nous, sur la philosophie dont nous nous inspirons en présentant cette proposition, mais dans les faits il se comporte comme s'il était en désaccord. Il ne nous en voudra pas de le juger sur ce qu'il fait et non pas sur ce qu'il raconte. En tout cas, nous ne nous leurrons pas. Il est bien clair, à la suite de tout le débat que nous avons eu cet après-midi, tant sur l'application de la présomption à l'ensemble des salariés que maintenant, à l'attitude du ministre relativement à l'extension dans le temps de cet article 2, il est bien clair que le ministre s'inspire d'une philosophie autoritaire de l'Etat, mobilise l'Etat, c'est bien clair, à l'en-contre de l'ensemble des travailleurs. Oh! je sais bien qu'il va vouloir nous rassurer en nous disant que, bien sûr, ça s'appliquera surtout aux dirigeants, aux délégués, aux agents d'affaire. Il n'en reste pas moins que nous lui avons donné l'occasion de circonscrire l'application d'une règle d'exception qui peut s'avérer odieuse dans son application. Non, le ministre ne nous fera pas croire, en nous disant qu'il partage notre philosophie, qu'il est sincère s'il agit comme s'il ne la partageait pas. La Colombie-Britannique a eu son "Wacky " Bennett dans le domaine du travail. Il semble bien que nous allons avoir notre "Wacky" Choquette. Et, en ce qui me concerne...

M. Choquette: Ce n'est pas parlementaire.

M. Burns: II n'y a rien d'antiparlementaire là-dedans.

M. Morin: C'est un parlementaire dont vous semblez vous inspirer, je ne vois pas pourquoi vous considéreriez ça comme antiparlementaire.

M. le Président, je voudrais relever un argument utilisé par le ministre et qui me paraît techniquement inexact. Il a dit que nous proposons un terme qui est fixe et arbitraire. Précisément c'est ce que nous avons voulu éviter. Si j'avais voulu proposer un terme fixe et arbitraire j'aurais dit: Cette loi ne s'appliquera que pendant un, deux ou trois ans, et ainsi de suite. Mais ce n'est pas cela que nous avons fait. Nous avons, au contraire, proposé quelque chose de mobile, qui suit l'application du bill no 29, qui est lié à la durée des tutelles, laquelle n'est pas arbitraire, à moins évidemment que le ministre ne veuille nous dire que la tutelle est arbitraire. Elle ne peut évidemment pas dépasser trois ans mais si, par hasard les tutelles se terminaient en six mois ou en un an, ces présomptions n'auraient plus leur raison d'être.

J'imagine que si on mettait fin aux tutelles c'est qu'on estimerait que la situation est revenue à la normale.

Donc, nous avons voulu lier le terme à un événement qui peut se produire à n'importe quel moment d'ici trois ans. Bien sûr, si, dans trois ans, la situation n'est pas réglée, j'imagine que le ministre va nous proposer le renouvellement des tutelles et, forcément, il nous proposerait le renouvellement de cette législation.

M. le Président, si le ministre veut démolir nos arguments, qu'il emploie au moins des arguments qui sont techniquement exacts. Nous n'avons pas proposé un terme arbitraire ou un terme fixe: au contraire, un terme mobile, lié aux conditions qui prévalent sur les chantiers. M. le Président, je ne puis qu'exprimer une dernière fois, avant que nous passions au vote sur mon sous-amendement, ma déception de voir le ministre se comporter de la façon dont il le fait. Je m'attendais franchement à autre chose de lui. Nous lui avons proposé des amendements qui sont raisonnables et même il s'est dit d'accord sur la philosophie qui nous inspire. Alors, pourquoi ne pas...

M. Choquette: Mais j'aimerais voir la situation avec...

M. Morin:... accepter ce que nous proposons?

M. Choquette: J'aimerais voir la situation avec les lunettes rosées qui sont les vôtres, tandis que moi, j'ai l'impression que je la vois telle quelle. C'est évident qu'on peut regarder la situation avec des lunettes roses et dire: Cela pourrait être mieux et cela va être mieux, et c'est ci et c'est cela.

M. Morin: Ce n'est pas une question de lunettes roses ou de lunettes fumées...

M. Choquette: Mais oui, mais oui!

M. Morin: ... comme celles que vous semblez porter, M. le ministre. Ce n'est pas cela du tout. Il s'agit de trouver une législation qui n'aille pas à l'en contre des droits fondamentaux des travailleurs. C'est ce que vous êtes en train de proposer.

M. Choquette: M. le Président, je pense que

notre législation ne va pas à l'encontre des droits fondamentaux des travailleurs. La législation peut être assez rigoureuse, j'en conviens, mais elle est commandée par une situation que nous n'avons pas créée; elle est commandée par une situation qui prévaut et qui existe au vu et au su de tous. Tant qu'on se paie d'illusions et qu'on fait semblait que la situation n'est pas telle que décrite dans le rapport de la commission Cliche, eh bien, on va légiférer d'une façon inefficace.

M. le Président, je regrette qu'on en soit au point d'être obligé d'adopter des projets de loi comme ceux-là. Je ne le dis pas pour flatter nos honorables collègues, mais j'ai écouté ce qu'ils ont dit avec beaucoup d'intérêt. Je partage, disons donc, cette philosophie ouverte qu'ils ont apportée ici à la table des discussions, mais, malheureusement, le temps ne s'applique pas pour cette philosophie ouverte.

Actuellement, les exigences sont au contraire; il faut faire preuve d'une certaine rigueur dans l'application des lois et nous n'avons pas le choix. Si nous voulons rétablir l'ordre, il faut y passer.

Dans quelques années, quand la situation sera rentrée dans l'ordre, dans la normale, à ce moment-là, je serai heureux que le chef de l'Opposition propose de faire disparaître ces présomptions. Si la situation le commande, on le fera avec plaisir, mais pour le moment, cela ne sert à rien d'aller prévoir ce qui va se passer dans quelques années alors que je l'ignore.

M. Morin: Je n'ai pas terminé, M. le Président, j'ai laissé le ministre m'interrompre, parce que je pense que ce n'était pas inutile qu'il le fasse à ce moment-là, mais le ministre nous a dit lui-même que c'étaient des dispositions qui sont exorbitantes du droit commun. Il nous dit maintenant que dans trois ans, dans deux ans, quand c'aura changé, l'Opposition pourra proposer qu'on modifie le droit. Or, il sait très bien la force d'inertie du droit et il sait très bien qu'une fois que ces règles exorbitantes du droit commun — c'est lui-même qui a admis qu'elles l'étaient — seront entrées dans le droit, il va être bien plus difficile de les en extirper, parce qu'il se trouvera toujours, dans son parti et autour de son parti, des esprits conservateurs pour nous imposer ces dispositions de façon permanente.

M. Choquette: II y a un engagement ferme que je peux prendre vis-à-vis du chef de l'Opposition et ses collègues, qui parlent éloquemment aujourd'hui, de grands principes. C'est de confier, dans quelque temps d'ici, dans un an peut-être, à la future commission de réforme du droit toute la question de l'examen de cette législation en matière de construction. Elle nous fera les recommandations qu'elle voudra bien nous faire, à la lumière de la situation telle qu'elle prévaudra.

Je veux prendre cet engagement ferme et je le prends au nom du gouvernement. Ce n'est pas qu'un engagement personnel. D'ici peu de temps j'apporterai une loi pour créer la commission de réforme du droit. Elle sera composée de juristes respectables et respectés et je n'ai aucune espèce d'hésitation à dire à nos collègues de l'Opposition que nous aimons si peu être obligés d'adopter des lois aussi rigoureuses que celles-là, que je vais leur confier la question, pour un rapport qu'ils feront à l'Assemblée nationale. Là on pourra juger en fonction de la situation sociale telle qu'elle existera, de la situation économique telle qu'elle prévaudra dans le domaine de la construction, et des avis juridiques pourront nous être donnés par une commission de réforme du droit, ce qui montre jusqu'à quel point, M. le Président, je ne suis pas du tout fermé à des améliorations éventuelles pour enlever ce qu'on ressent comme des aspérités et des exceptions à notre droit habituel.

Le Président (M. Séguin): Le député de Maisonneuve.

M. Burns: M. le Président, je me rappelle — vous allez peut-être penser que je suis hors d'ordre, mais je vous demande de patienter quinze secondes — qu'en décembre 1970, le même ministre de la Justice nous avait promis un changement majeur dans le domaine des lois concernant la conciliation entre propriétaire et locataire.

Il nous l'avait promis pour l'année suivante. Nous avons pu enfin bénéficier de ce changement, et encore que partiel, en I974. On attend toujours la création du tribunal des loyers annoncée en I970. A chaque année, à un point tel que je pensais radoter, je revenais avec cela en disant: J'ai dit cela l'année passée, j'ai dit cela l'année d'avant et j'ai dit cela encore avant. A chaque fois, le ministre me répondait: Cela s'en vient.

M. Morin: Des engagements formels.

M. Barns: Encore avec des engagements formels. Le ministre, à chaque fois, je ne le blâme pas, avait de bonnes raisons à nous faire valoir. A chaque fois, il nous disait: II y a tel élément du puzzle, si vous voulez, du remaniement de l'ensemble de l'administration de nos tribunaux qui n'est pas encore en place; il a probablement, à son point de vue, des positions très valables, encore qu'on n'était pas dans un domaine de droit d'exception comme tel. On était quand même dans un domaine où on tentait de normaliser les relations entre locataire et propriétaire. Cela, c'est l'historique du ministre.

Je ne porte pas de jugement là-dessus, je suis très conciliant à l'endroit du ministre quand je dis cela. Je dis que, dans les faits, ce qu'il nous a promis en I970 n'est pas encore, dans ce simple domaine, réalisé. Cela va encore plus loin parce que j'ai encore moins confiance au fait qu'on est en train de discuter, à la commission du travail et de la main-d'oeuvre, et là je vais prendre des éléments récents, des éléments urgents et récents. Nous avons actuellement deux mandats: je prétends, en tout cas, que nous en avons deux. Peut-être que le président de l'Assemblée nationale va différer d'opinion sur une, je ne le sais pas, je l'ignore, j'attends toujours sa directive.

Nous avons deux mandats, en ce qui me concerne, celui relativement à la grève à la United Aircraft, où on nous a promis, dès le départ, apparemment pour se débarrasser de nous autres, des séances relativement à la commission de la United Aircraft tant qu'on ne viderait pas le problème. On en a eu combien, M. le ministre? On en a eu deux. On a eu des ordonnances faites par cette même commission, dans le cadre de ce mandat, qui n'ont jamais été exécutées.

On a eu une autre commission parlementaire, avec un autre mandat, toujours en matière de travail et de main-d'oeuvre. J'ai soulevé la question, cet après-midi, à l'Assemblée nationale, relativement à la Commission des accidents du travail. Cela non plus n'est pas récent. C'est un mandat qui a été confié à la commission par une motion du député de Beauce-Sud, l'année passée, qui a été mise en exécution seulement cette année, qui a eu deux commissions. Comment voulez-vous que j'aie confiance? Ce n'est pas à l'individu Jérôme Choquette que je retire ma confiance — l'individu peut, dans certaines circonstances, avoir ma confiance — ni à l'individu Jean Cournoyer, c'est au ministre puis à tout ce qui, actuellement, les embête. Quand j'entends dire le ministre de la Justice: Nous n'avons rien fait pour contribuer à cette situation. Demandez-vous si ce n'est pas une équation faisable de dire: Les noms qui sont sortis à la commission Cliche, ce sont également les noms qui ont agi comme organisateurs libéraux. Ne nous le cachons pas. Sur la rive sud en particulier.

Le Président (M. Séguin): A l'ordre!

M. Burns: Non, non, mais ce sont des contingences...

Le Président (M. Séguin): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Burns: ... vous allez être obligés d'en tenir compte.

Le Président (M. Séguin): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Burns: On vous demande là plus de "wishy-washy", pas de patentes à moitié faites et pas de fausses promesses.

Le Président (M. Séguin): A l'ordre! A l'ordre!

M. Burns: On vous demande simplement de nous donner des assurances.

Je m'aperçois qu'il est six heures, M. le Président, je demande la suspension, et je présume que c'est moi qui aurai la parole en revenant, M. le Président.

Le Président (M. Séguin): Non, vous vous êtes déclaré hors d'ordre avant de commencer à parler, alors je vous ai donné le temps...

M. Burns: Non, non, M. le Président...

Le Président (M. Séguin): Non, non, vous vous êtes déclaré hors d'ordre...

M. Burns: Non, non, j'ai dit: Donnez-moi quinze secondes, vous allez voir où je m'en vais.

Le Président (M. Séguin): Alors vous avez pris les quinze secondes...

M. Harvey (Charlesbourg): ...avait quinze secondes...

Le Président (M. Séguin): Vous avez pris quinze secondes...

M. Burns: C'est cela, elles sont prises mes quinze secondes, à six heures moins quinze secondes.

Le Président (M. Séguin): Sur le sous-amendement, pour ou contre?

M. Burns: II est six heures, M. le Président, je m'excuse, il est même dépassé six heures, on n'a même plus le droit de siéger. M. le Président, j'ai encore le droit de parole puis on reviendra...

Le Président (M. Séguin): La commission suspend ses travaux jusqu'à huit heures quart.

Une Voix: D'accord. (Suspension de la séance à 18 h 3)

Reprise de la séance à 20 h 20

M. Séguin (président de la commission permanente du travail, de la main-d'oeuvre et de l'immigration): A l'ordre, messieurs! Nous considérons que les membres de la commission présents et nommés pour la séance de cet après-midi continuent d'être les mêmes membres à la commission ce soir, ainsi que le rapporteur. La parole était au député de Maisonneuve au moment de la suspension.

Le député de Maisonneuve, sur son point hors d'ordre.

M. Burns: M. le Président, je ne suis pas certain que j'étais hors d'ordre.

Le Président (M. Séguin):: C'est vous qui l'avez dit.

M. Burns: Non, j'ai dit que le début de mon intervention vous paraîtrait hors d'ordre, mais...

M. Bédard (Montmorency): Vous avez une meilleure physionomie qu'à six heures.

M. Burns: ... qu'au bout de quinze secondes... Je suis aussi de bonne humeur qu'à six heures.

M. Bédard (Montmorency): Ah! non. Là, vous êtes de bonne humeur.

M. Burns: Ah! non. C'est parce qu'à un moment donné on a tenté de me bousculer vers les six heures. Je n'aime pas ça me faire bousculer; à ce moment, je prends ma physionomie de gars qui n'aime pas se faire bousculer, c'est tout. Bon.

J'étais à dire à six heures, tout en étant dans l'ordre, que, malgré les promesses qui nous sont faites, malgré que le ministre de la Justice nous dise que, de son côté, ce n'est que temporaire, malgré que, j'imagine, le ministre du Travail endosse la position du ministre de la Justice, nous aimerions davantage avoir dans la loi une certaine assurance du style...

Je présume que le chef de l'Opposition serait de mon avis. Si c'est une question de phraséologie, mais qui rend la même idée que la motion du chef de l'Opposition, je pense que nous serions prêts à examiner cette situation.

Ce que nous voulons dans le fond, il me semble que le ministre de la Justice ne devrait pas le mettre de côté pour des raisons de pressions de la part de son caucus, de la part du cabinet, de la part des patrons, de la part des anciens organisateurs libéraux qui maintenant sont presque tous directement visés par le projet de loi no 30. Je pense que le ministre de la Justice, comme je l'ai déjà dit lors de l'étude des crédits antérieurs, se devrait d'être non seulement le protecteur de la société, mais le protecteur généreux de la société. Malheureusement, je pense que, jusqu'à maintenant, le ministre de la Justice n'a réussi à projeter ni l'une ni l'autre des deux images.

Nous vous demandons simplement de reconsidérer votre point de vue, alors que, semble-t-il, vous partagez nos vues là-dessus, vous ne voulez pas vous rendre au texte suggéré par le chef de l'Opposition.

Mon intervention se termine ici, M. le Président. Je n'ai pas autre chose à ajouter. Il me semble que ce que le député de Johnson et le chef de l'Opposition ont dit là-dessus devrait nous suffire. Il me semble que le ministre du Travail, qui nous fait la faveur de se joindre à nous dans ce débat, devrait être en mesure de nous donner son point de vue relativement à l'amendement formulé par le chef de l'Opposition et il me semble aussi que vous devriez être logique avec l'attitude que vous avez prise relativement au projet de loi no 29. C'est rien que cela que j'avais à dire.

M. Choquette: M. le Président, si vous me permettez de prendre la parole, je dois dire que j'ai réfléchi aux interventions du chef de l'Opposition, appuyé par son collègue de Maisonneuve, moralement appuyé, je pense, par le député de Johnson, s'il me permet...

M. Bellemare (Johnson): Pas rien que moralement. Je l'ai dit.

M. Bédard (Montmorency): Physiquement.

M. Choquette: Alors physiquement et moralement, intellectuellement.

M. Bellemare (Johnson): Et sans contrainte.

M. Choquette: Et sans aucune contrainte, pas du tout, mais non. J'y ai réfléchi, M. le Président, et je dois avouer que je n'ai pas changé d'avis par rapport à ce que j'exprimais avant la suspension des travaux. Je suis bien prêt à admettre que la loi que nous proposons aujourd'hui dépasse les standards traditionnels qui s'imposaient en la matière et je suis très prêt aussi à dire aux honorables intervenants que, sans aucun doute, dans quelques années, tout cela méritera d'être revu, d'être réexaminé à la lumière de l'expérience, mais, pour le moment, je ne crois pas devoir changer la position que j'ai exprimée. Ceci pas parce que je suis en désaccord sur les principes généralement exprimés par nos collègues et qui, sans doute, devront continuer à s'appliquer dans nos lois en général, mais seulement parce que nous avons un domaine très particulier à traiter aujourd'hui en vertu de ce projet de loi no 30, c'est-à-dire ce domaine de la construction. Je ne peux pas, à ce sujet, restreindre tout le mal à quatre centrales, à quatre locaux ou à quatre unités syndicales de la FTQ qui, en fait, vont avoir une tutelle qui leur sera imposée. Je crois que le mal déborde.

C'est la raison pour laquelle il nous faut, devant cette situation particulière, employer des moyens qui sont plus draconiens qu'à l'accoutumée.

Alors, malgré que dans quelque temps nous pourrons revoir tout cela et peut-être changer d'opinion, rédiger les textes de loi différemment, pour le moment je crois qu'il ne serait pas vraiment dans la nature des choses, dans l'ordre d'en atténuer la portée en la limitant dans le temps.

J'ai pensé à diverses solutions comme, par exemple, celle de permettre au lieutenant-gouverneur en conseil de lever, à un moment donné, cette présomption qui a été imposée, mais c'est substituer le lieutenant-gouverneur en conseil comme législateur à l'Assemblée nationale et cela ne m'a pas semblé une bonne solution.

Je préférerais que, au moment où des amendements interviendront à cette loi 290 ainsi qu'à toutes les lois qui l'ont amendée par la suite, on saisisse l'occasion peut-être de faire le point par rapport à l'efficacité et aux résultats qui ont découlé de l'adoption des textes que nous proposons ce soir.

Possiblement que ce sera le moment indiqué pour réviser, s'il y a lieu, suivant l'expérience. Je réitère cet engagement de ma part de confier dans quelque temps à la Commission de réforme du droit toute cette question pour un avis sur le plan juridique.

Le député de Maisonneuve m'a fait grief de ne pas avoir donné effet à certaines promesses que j'avais faites au sujet d'une législation générale dans le domaine des loyers. Il va quand même admettre avec moi que j'y ai donné effet en partie puisque...

M. Burns: ...effet.

M. Choquette: Non, mais je pense que le député de Maisonneuve va quand même admettre que nous avons un chapitre entier du code civil au sujet du louage de choses qui est une reprise complète de la vieille législation centenaire que nous avions. Le député de Maisonneuve devra aussi admettre que nous avons couvert l'ensemble des logements locatifs au Québec, ce qui n'était pas le cas avant que je sois ministre de la Justice. Donc, même si nous fonctionnons avec une loi en matière de conciliation entre propriétaires et locataires qui est imparfaite, je l'admets, et qui a été amendée à de nombreuses reprises, et de cela découle la nécessité d'unifier un peu l'ensemble de cette législation, il devra quand même admettre que des pas ont été faits dans la bonne direction.

Ce n'est peut-être pas une protection parfaite que nous donnons aux locataires mais nous donnons une protection beaucoup plus complète que celle qui existait avant. Donc, des pas ont été accomplis.

Etant donné que nous devons apprécier la situation dans la construction telle qu'elle est, telle qu'elle est décrite dans le rapport de la commission Cliche, M. le Président, je pense que l'amendement que je proposais ne pourrait pas souffrir le sous-amendement qui est proposé par nos honorables collègues de l'Opposition.

Le Président (M. Séguin): Le député de Johnson.

M. Bellemare (Johnson): M. le Président, juste un mot parce que presque tout a été dit dans ce domaine. Je voudrais particulièrement attirer l'attention sur cette motion, qui se veut temporaire, simplement dire à l'honorable ministre qu'il applique, comme ont dit ce matin le chef de l'Opposition et le député de Maisonneuve, les recommandations de la commission Cliche par morceaux. Le juge Cliche va probablement faire une déclaration ces jours-ci, mais d'autres commissaires l'ont fait, en particulier M. Chevrette, avant-hier, à Trois-Rivières et à Shawinigan où il a dit: Le gouvernement n'a rien compris au rapport Cliche. Il a dit pourquoi et il a cité des faits.

Mais là, le juge Cliche a dit, aux Bermu-des — il est arrivé hier à Montréal — qu'il ferait lui-même une déclaration, que c'est global, qu'on ne peut prendre un article qui fait notre affaire et laisser d'autres articles, parce que c'est un plan d'ensemble. C'est tellement vrai que c'est un plan d'ensemble que, lorsqu'on veut faire un amendement sur le temporaire, le ministre lui-même l'a dit ce matin, cela devrait être pour un temps bien limité, en autant que la paix sociale serait revenue.

Qu'on considère la recommandation 51, par exemple. Et la recommandation 52 vient justement avant les "présomptions de culpabilité à rencontre des employeurs accusés de discrimination dans l'embauche..." et l'autre: " de travailleurs ou officiers syndicaux accusés d'avoir organisé des arrêts ou des ralentissements de travail illégaux." Mais si le ministre veut véritablement faire une législation coordonnée et suivre véritablement le rapport Cliche, il faudrait qu'il mette en place le regroupement sous la juridiction d'une instance spécialisée appelée le tribunal de la construction, qui ferait partie — peut-être une partie intégrante — d'une division du tribunal du travail.

Le tribunal du travail, Dieu sait qu'il a fallu un certain courage pour l'organiser, parce qu'on avait bien des gens qui étaient contre ce tribunal. Comme je l'ai dit cet après-midi, une des premières personnes que j'ai contactées, à ce moment-là, fut le juge Cliche; il était avocat, en ce temps, en pratique personnelle. Je lui ai demandé personnellement de venir accepter, chez nous, cette responsabilité d'être un des premiers juges du tribunal du travail.

Il m'a dit qu'il y pensait très sérieusement. Il m'a envoyé une lettre, quelques jours plus tard, pour me dire que c'était impossible dans les circonstances d'accepter, mais qu'il était honoré de la confiance que je lui faisais de devenir un des premiers membres du tribunal du travail. Mais, lui qui a suivi cette évolution encore plus que tout autre, lui qui a pris part à plusieurs instances devant le tribunal du travail même, au sujet des accréditations ou des griefs, enquêteur, commissaire-enquêteur et devant le tribunal, il a perçu une solution, une voie nouvelle dans le domaine de la construction.

Comme le disait le ministre cet après-midi, même il pense à diriger les injonctions et l'outrage au tribunal du côté du tribunal du travail. Mais cela fait partie d'un tout et, quand on parle de la présomption de culpabilité, on dit que cette pré-

somption de culpabilité devra être plaidée devant une cour, devant un tribunal de la division du tribunal du travail.

C'est cela qu'a voulu dire le juge et je serais content de le questionner ce soir, si vous aviez répondu à ma demande. M. le juge, est-ce bien cela? Est-ce bien ce que vous voulez dans votre recommandation, quand vous parlez de présomption de culpabilité? Est-ce que c'est bien cela? Vous voulez que ce soit jugé, pas par les tribunaux ordinaires, mais par une instance spécialisée qui dépendrait ... J'entends le juge Cliche dire: Exactement, M. le député de Johnson. C'est justement cela, c'est le tout, c'est l'ensemble global de mes recommandations qui font que, là, je commence à avoir moins d'oppositon à la présomption. Mais, quand ça va aller devant une cour, par exemple une cour ordinaire à cause des délais et à cause de tout ce qui entoure la cour, je trouve que vous ne suivez pas les recommandations telles quelles.

Vous en prenez une là, parce que vous dites: J'ai une arme qui m'est recommandée par l'autorité d'une commission et je m'en sers de celle-là. Et c'est à regret que vous le faites, vous qui êtes un légiste de droit constitutionnel reconnu, surtout un homme conservateur dans la tradition du droit, cela vous répugne de faire cela.

Vous n'aimez pas cela et cela paraît depuis le matin. On voit que vous êtes obligé, par quelque chose, d'obéir à un diktat qui vient du gouvernement ou d'autres influences qui vous obligent à le faire. Ce n'est pas dans votre goût; vous n'êtes pas un bon plaideur aujourd'hui, pas du tout. Dès le début, on vous a demandé des statistiques et vous avez dit: Des statistiques, il y en a plein le livre, de cela.

Le Président (M. Séguin): A l'ordre!

M. Bellemare (Johnson): Qu'est-ce que j'ai fait, encore? Pourtant, j'allais bien.

Le Président (M. Séguin): J'aimerais que le député...

M. Bellemare (Johnson): Que je parle du temporaire?

Le Président (M. Séguin): ... parle sur le sous-amendement.

M. Bellemare (Johnson): Ecoutez, M. le Président, je n'ai pas parlé de la régie des loyers.

Le Président (M. Séguin): Je ne sais pas si vous voulez...

M. Bellemare (Johnson): Je n'ai pas parlé de la régie des loyers.

Le Président (M. Séguin): ... faire exprès pour que je vous rappelle à l'ordre, mais je vous ai laissé aller un bout de temps. Vous avez dit deux mots. Je m'attendais que ce soit sur le sous-amendement mais vous n'y avez pas touché depuis le début. Voulez-vous y revenir, s'il vous plaît?

M. Bellemare (Johnson): Je pense que j'y ai touché continuellement parce que j'ai cité le rapport Cliche au texte qui dit que, premièrement, on devrait refaire le regroupement sous la juridiction d'une instance spécialisée pour que l'article 53 s'applique. Lui, le ministre, nous dit que c'est à regret... "Je vous dis bien sincèrement que c'est à regret que je marche aujourd'hui et je ne peux pas vous accorder cette motion qui est faite pour la durée de la tutelle en vertu du bill 29".

Le Président (M. Séguin): On discute toujours du même sous-amendement, tous les deux, n'est-ce pas?

M. Bellemare (Johnson): C'est cela.

Le Président (M. Séguin): Cela se lit: Tant que la loi sur la mise en tutelle de certains syndicats ouvriers restera en vigueur...

M. Bellemare (Johnson): Cela veut dire quoi?

Le Président (M. Séguin): C'est cela que je me demande.

M. Bellemare (Johnson): Je vais vous l'expliquer, M. le Président.

Le Président (M. Séguin): Si vous discutez de ce sous-amendement...

M. Bellemare (Johnson): Je vais vous l'expliquer, dans ce cas-là, je pensais que vous aviez compris. Cela veut dire que ce serait temporaire.

Le Président (M. Séguin): Non, non, j'accepte vos commentaires.

M. Bellemare (Johnson): D'accord, je continue donc.

Le Président (M. Séguin): Sur le sous-amendement.

M. Bellemare (Johnson): Sur le sous-amendement.

Le Président (M. Séguin): C'est cela.

M. Bellemare (Johnson): Tant que la loi sur la mise en tutelle de certains syndicats ouvriers durera, c'est-à-dire trois ans, par exemple, nous voudrions que cela ne soit pas inscrit dans notre loi comme étant à perpétuité, parce que quelque chose qui est inscrit dans nos lois, c'est bien rare qu'un gouvernement, quel qu'il soit, le retire pour l'amender.

Avant moi, d'autres l'ont répété. Le député de Maisonneuve, ce matin, dans un des exposés les plus brillants que j'aie entendus, a dit cela. Je le répète parce que moi aussi, dès le début, j'avais dit que c'étaient des conditions extraordinaires. D'abord, une loi d'exception est une loi, sûrement, qui devrait être prouvée par des statistiques. On nous a dit: II n'y en aura pas. Quand on regarde le

rapport Cliche et qu'on l'examine consciencieusement, on trouve une suite dans les recommandations qu'il fait.

Premièrement, regroupement sous la juridiction d'une instance spécialisée, appelée Tribunal de la construction, étant une division du Tribunal du travail, et il l'établit.

Deuxièmement, M. le Président, l'organisation définitive, par le ministère de la Justice, d'une direction générale exclusivement chargée d'instituer ces poursuites et d'en assurer une audition rapide par le tribunal de la construction. Deux choses, avant de passer à la présomption. Après ça il arrive à la présomption pour le patronat, le lock-out, et pour le syndicalisme, dans les grèves perlées, dans les grèves où il y a des ralentissements de travail.

M. le Président, je pense que le ministre, qui, aujourd'hui, a refusé tous les amendements jusqu'à maintenant, pourrait peut-être ce soir nous en donner un, et qui lui ferait plaisir, dans le fond, M. le Président.

M. Choquette: Oui, j'en cherche un. M. Bellemare (Johnson): Pardon? M. Choquette: J'en cherche un.

M. Bellemare (Johnson): Oui, mais c'en est un, vous l'avez, l'occasion, sous la main...

M. Choquette: Ce n'est pas un bon.

M. Bellemare (Johnson): ...d'établir dans la législation. Si M. Lesage était ici, vous ne l'adopteriez pas. Non, M. le Président, je connais Jean Lesage, puis vous ne l'adopteriez pas, parce que lui c'est un avocat qui a toujours respecté, surtout cela, ces lois d'exception. Cela c'est mauvais dans la Législature, c'est mauvais dans le Parlement.

M. Boudreault: Vous ne voulez pas qu'on vous parle de Duplessis, ne nous parlez pas de Lesage.

M. Bellemare (Johnson): Pardon?

M. Boudreault: Si vous ne voulez pas qu'on vous parle de M. Duplessis, ne nous parlez pas de M. Lesage.

M. Bellemare (Jonhson): Ecoutez, M. Lesage est encore vivant.

M. Boudreault: Oui, mais...

M. Bellemare (Johnson): Je n'en parle pas en mal.

M. Boudreault: Nous autres non plus on ne parle pas de M. Duplessis.

M. Bellemare (Johnson): Vous autres quand vous parlez de M. Duplessis c'est avec dédain.

M. Boudreault: Voyons donc! Voyons donc! Il est encore vivant pour vous.

M. Bellemare (Johnson): Vous avez encore peur de M. Lesage?

M. Boudreault: Non, voyons donc, c'est un bon gars.

M. Bellemare (Johnson): M. le Président, c'est un dialogue.

Le Président (M. Séguin): Je commence à me poser encore des questions.

M. Bellemare (Johnson): J'ai fini, M. le Président...

Le Président (M. Séguin): Vous êtes difficile... Ah! vous avez terminé.

M. Bellemare (Johnson): Ne vous en posez plus de questions.

Le Président (M. Séguin): D'accord.

M. Bellemare (Johnson): Je vous dis, M. le Président, j'irai jusqu'au dernier instant, jusqu'au dernier souffle, puis je vais dire comme le député de Maisonneuve, je vais me mettre à genoux s'il le faut M. le Président, pour supplier le ministre de nous consentir cet amendement.

M. Bédard (Montmorency): On n'est pas près de voir le dernier souffle du député de Johnson.

M. Bellemare (Johnson): Je vais faire comme le député de Maisonneuve, je vous supplie à genoux de nous entendre, au nom des travailleurs, de nous comprendre...

M. Boudreault: Là, vous charroyez.

M. Bédard (Montmorency): On n'est pas près de voir le dernier souffle du député de Johnson.

M. Bellemare (Johnson): Qui?

M. Bédard (Montmorency): On n'est pas près de voir le dernier souffle du député de Johnson.

M. Bellemare (Johnson): Ah! non.

M. Bédard (Montmorency): II a l'air trop en forme.

M. Bellemare (Johnson): II est revenu.

Alors, M. le ministre, puisque vous acceptez cet amendement si logique, si plausible, pour un homme de droit comme vous, si vous voulez véritablement rendre service, j'attends avec anxiété cette réponse que nous trois attendons depuis le matin, ce souffle de vie, cette lueur d'espoir au moins qu'il va nous donner. Je suis convaincu que le ministre va le faire aussi.

M. Choquette: Oui, je voudrais dire quelque chose au député de Johnson.

Le Président (M. Séguin): Le député d'Outremont, je présume que c'est sur le sous-amendement.

M. Choquette: Tout à l'heure, le député de Johnson parlait de la suggestion ou la recommandation de la commission Cliche d'envoyer au tribunal du travail les infractions commises aux lois relatives à la construction.

Est-ce que le député de Johnson réalise que le tribunal du travail siège à peu près à deux endroits au Québec, Montréal et Québec? Est-ce qu'il réalise qu'en envoyant tous ces litiges, tous ces procès des tribunaux en général, que ce soit de la cour Provinciale ou de la cour des Sessions de la paix, au tribunal du travail on vient en pratique, du moins dans l'état actuel des choses — je ne dis pas que ça ne peut pas être changé, tout peut être changé — de forcer d'une certaine façon les justiciables à venir répondre à des accusations loin de chez eux, en dehors de leur district judiciaire. Le député de Johnson qui...

M. Burns: Mais le tribunal du travail peut se déplacer.

M. Choquette: Je comprends qu'il peut se déplacer mais avec les effectifs actuels...

M. Burns: ...

M. Choquette: Oui, mais vous avez des réponses à tout, je suis sûr...

M. Burns: Bien non, c'est la loi qui dit ça.

M. Choquette: Oui, mais...

M. Bellemare (Johnson): Bien, voyons.

M. Choquette: Je sais, mais, avec les effectifs que j'ai au tribunal du travail, il n'est pas possible dans l'état actuel des choses d'envoyer ces compétences, du jour au lendemain d'un trait de plume, au tribunal du travail. Il y a quand même l'aspect pratique dont il faut tenir compte dans tout ça. Et c'est la raison pour laquelle, sans écarter la recommandation de la commission Cliche à ce sujet, il faut y penser sur le plan pratique, il faut y penser aussi dans un plan général de réorganisation des tribunaux judiciaires.

Je ne dis pas ça pour atténuer la portée de la recommandation de la commission Cliche à ce sujet, mais seulement pour apporter au député de Johnson cette réserve à ses observations, réserve qui est celle-ci: II nous faut tenir compte des conditions pratiques de l'organisation actuelle du système judiciaire.

Que le député de Maisonneuve ne m'interrompe pas, M. le Président...

M. Burns: Je ne vous ai pas interrompu.

M. Choquette: ... je suis très agressif ce soir. Au cas où. Que le député de Johnson prenne ça en considération, il est bien beau de voter des textes de loi, mais après ça il va falloir s'occuper de les faire passer devant les tribunaux. Moi, actuellement, ce n'est tout simplement pas possible d'envoyer ça du système général des tribunaux au tribunal du travail.

A part ça, même si je voulais faire plaisir au député de Johnson et atténuer d'une certaine façon les articles proposés, je ne suis pas pour légiférer juste pour lui faire plaisir. Et pour moi, c'est une mesure nécessaire, qui découle de la situation actuelle dans le domaine de la construction, qui est peut-être déplaisante à adopter, mais il faut l'adopter, et c'est le seul critère que j'ai.

Si les députés de l'Opposition ont de meilleurs amendements que ça à nous proposer, je suis bien prêt à les écouter et à les adopter, mais je ne trouve pas que c'est un amendement qui va améliorer la situation que celui qui nous est proposé.

M. Burns: M. le Président...

Le Président (M. Séguin): Le député de Maisonneuve.

M. Burns: ... ce que je trouve assez fantastique dans les dernières paroles du ministre de la Justice c'est que, d'une part, il nous dise que, pour une question d'ordre pratique, il n'est pas capable d'envisager la mise en place d'un tribunal de la construction, question d'ordre pratique qui se traduit par le fait qu'il n'a pas suffisamment de juges ou d'avocats spécialisés dans le domaine du travail pour devenir juges, pour donner le personnel nécessaire au tribunal du travail dans ce sens de la recommandation Cliche.

D'autre part, il doit penser à cette recommandation no 5I de la commission Cliche et, sans y penser davantage, sans donner, d'ailleurs, de cas précis, sans donner de raison solide à l'appui de ce changement, on ne pense pas davantage à la recommandation no 53 de la commission Cliche. Cela m'étonne énormément. C'est ce que j'ai compris de la dernière intervention du ministre de la Justice. Vous nous dites, à toutes fins pratiques: Je ne peux pas mettre en place immédiatement, sans y penser, sans en voir les conséquences pratiques, un tribunal de la construction, mais je n'ai aucune réticence à imposer un changement radical de notre façon d'approcher les lois de la preuve, c'est-à-dire d'inverser le fardeau de la preuve en matière de grève ou de participation à une grève ou d'encouragement ou, en tout cas, tous les termes qui sont utilisés à l'article 24. Moi, cela m'étonne.

M. Choquette: Avez-vous pensé au volume de causes que cela implique d'envoyer de la cour Provinciale et de la cour des Sessions de la paix au tribunal du travail? En effet, il n'y a pas juste les arrêts de travail illégaux qui passeraient d'un tribunal à l'autre. Il y a toutes les poursuites qui sont intentées en vertu de toutes les lois du travail dans

le domaine de la construction, qu'il faudrait envoyer au tribunal du travail. C'est un volume énorme de causes. C'est pour cela que, sans dire que la recommandation n'est pas bonne — elle est peut-être très bonne — je crois que, pour le moment, ce n'est tout simplement pas réalisable.

M. Burns: Mais c'est un principe que vous changez, un principe de base.

M. Choquette: Mais oui, mais des principes...

M. Burns: Et avec des applications pratiques graves.

M. Choquette: Oui, je suis d'accord que c'est...

M. Burns: Vous ne m'avez pas répondu encore, M. le ministre, sur le fait suivant: Comment fait-on une preuve négative devant un tribunal, lorsque le fardeau de la preuve est inversé? Quelle crédibilité l'accusé peut-il avoir de dire: Je n'ai pas participé à une grève, je n,'ai pas encouragé une grève, je n'ai pas ordonné cette grève, etc.? Prenez tous les verbes qui sont là, à l'article 24: ordonner, encourager, appuyer une grève ou un ralentissement ou y participer ou y prendre part. Comment fait-on une preuve comme cela? Est-ce que vous avez pensé à la crédibilité de l'accusé quand il arrive devant le juge et dit: M. le juge, en défense, maintenant que le fardeau de la preuve repose sur moi, je suis obligé de vous dire que je n'ai pas ordonné cette grève, si c'est un représentant syndical; je ne l'ai pas encouragée, je ne l'ai pas appuyée, et, si c'est un travailleur, je n'y ai pas pris part?

Quelle sorte de crédibilité l'accusé a-t-il, à ce moment-là? Comment peut-il procéder, sinon par une preuve d'alibi? Il est possible qu'il n'y ait pas une preuve d'alibi dans tous les cas. Il est possible que la personne qui n'a pas pris part à cette grève se soit fait arrêter justement à la porte du chantier. C'est possible. Et il va dire: J'étais à la porte du chantier. Je suis arrivé là, j'ai vu qu'il y avait du monde qui sortait du chantier. Je ne suis pas entré, je n'y ai pas pris part.

C'est, dans le fond, quelque chose d'aussi fantastique que cela que vous allez demander aux gens, surtout aux salariés. Vous avez défait cet amendement, je n'y reviens pas, mais c'est surtout aux salariés qu'on va demander de prouver qu'ils n'ont pas pris part à un arrêt de travail. Surtout, quand vous allez demander au représentant syndical, à l'officier, au délégué, à l'agent d'affaires et à l'association de salariés qui, dans le fond, est une personne morale, donc, aux officiers de cette association de venir prouver, de façon négative...

Oui, c'est cela. Vous ne m'avez pas répondu là-dessus. Je pense que c'est un argument sérieux. Je ne vous ai pas entendu réfuter cela, comme ministre de la Justice. Je ne vous ai pas entendu dire comment l'association de salariés, l'officier, le délégué, l'agent d'affaires ou le représentant d'une association pourra prouver, dans les faits et être sûr d'avoir justice, être sûr d'être cru, qu'il n'a pas ordonné, qu'il n'a pas encouragé, qu'il n'a pas appuyé la grève ou le ralentissement de travail. Je ne vous ai pas entendu me répondre là-dessus.

M. Choquette: Je ne vois pas en quoi c'est...

M. Burns: Vous n'êtes pas capable de me répondre là-dessus.

M. Choquette: Bien non! Si je ne vous ai pas répondu, c'est tout simplement parce que le témoin, l'accusé ou le contrevenant, devant une telle accusation, peut très bien expliquer en quoi il n'a pas participé, en quoi il n'a pas conseillé, en quoi il n'a posé aucun geste en vue de favoriser cette grève.

M. Burns: Mais le ministre admet-il que c'est la preuve la plus difficile à faire devant le tribunal, la preuve négative?

M. Choquette: Ce n'est pas nécessairement la preuve la plus difficile à faire. Elle se fait dans un certain nombre de cas. Le congédiement pour activités syndicales par un employeur...

M. Burns: Non, je vous ai dit, au contraire, que c'était une preuve positive que faisait l'employeur.

M. Choquette: Bien non.

M. Burns: Bien voyons donc, relisez le code du travail ou demandez au ministre du Travail. Le code du travail dit actuellement que la présomption qui est imposée à l'employeur peut-être renversée lorsque l'employeur prouve qu'il y avait une autre cause juste et suffisante. L'autre cause juste et suffisante, je vous l'ai dit, c'est l'employé qui, à un moment donné, bat son contremaître, l'employé qui est constamment en retard, l'employé qui ne fait pas son travail.

M. Choquette: Dans le cas actuel, vous aurez exactement des faits de même nature.

M. Burns: Vous faites du sophisme. M. Choquette: Mais pas du tout. M. Burns: C'est incroyable!

M. Choquette: Je pense que vous vous obnubilez.

M. Burns: Ou bien vous vous forcez pour ne pas comprendre ou bien vous comprenez encore moins que je pensais que vous compreniez.

M. Choquette: Ecoutez, c'est votre opinion, ce n'est pas la mienne. Je pense que le texte de loi fait simplement déplacer le fardeau de la preuve. Il ne ferme pas la preuve à ce que le contrevenant

démontre qu'il n'a pas posé un des gestes qui sont mentionnés dans l'article, et ce sera à lui de le démontrer à la satisfaction du tribunal.

M. Burns: II va arriver devant le tribunal et il va dire: Je n'ai pas encouragé cette grève-là, M. le juge.

M. Choquette: Bien oui.

M. Burns: C'est cela, et le témoin qui va venir lui accorder de la crédibilité va dire: Non, M. Joseph Latrimouille n'a pas encouragé cette grève-là. Qu'avez-vous à prouver après que vous avez dit ça? Comment prouvez-vous que vous n'avez pas fait quelque chose, sinon en le disant et sinon en le faisant appuyer par quelqu'un qui dit: Non, c'est vrai, il ne l'a pas fait?

M. Choquette: C'est ça.

M. Burns: Bien, c'est ça. Même s'il y avait 52 personnes qui disaient: Non, M. Untel ne l'a pas fait, ça n'ajoute pas de crédibilité à qui que ce soit à partir du moment où vous avez une présomption.

Le Président (M. Séguin): A l'ordre!

M. Choquette: Je ne comprends pas pourquoi le député de Maisonneuve...

Le Président (M. Séguin): A l'ordre! A l'ordre!

M. Burns: Bien, voyons donc! Vous avez été assez souvent devant les tribunaux, M. le Ministre, pour comprendre ce que je veux dire.

Le Président (M. Séguin): A l'ordre! A l'ordre!

M. Burns: Cela ne se fait pas, une preuve négative avec crédibilité normale.

Le Président (M. Séguin): A l'ordre! A l'ordre!

M. Burns: Cela se fait avec des faits...

Le Président (M. Séguin): A l'ordre!

M. Burns:... qui sont collatéraux, qui sont tout à fait reliés à la situation.

Le Président (M. Séguin): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Burns: Prouver quelque chose de négatif, ce n'est quasiment pas possible.

Le Président (M. Séguin): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Burns: A moins de prouver qu'on n'était pas là...

Le Président (M. Séguin): A l'ordre! A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Burns: ... et ce sont des cas rares.

Le Président (M. Séguin): Je demande tout simplement un peu de coopération de la part des membres de cette commission.

M. Burns: M. le Président, c'est de base, c'est central, ce que nous discutons.

Le Président (M. Séguin): Nous n'argumentons pas sur la base présentement; nous argumentons, depuis cet après midi, sur un sous-amendement présenté par le député de Sauvé, chef de l'Opposition. Je vous demande, messieurs, comme c'est dans l'ordre normal de faire les choses, de procéder selon cet ordre normal.

Si vous voulez faire un débat — et je ne fais aucune menace — si on doit transformer la poursuite de nos travaux à cette commission en un débat général chaque fois qu'il y a une motion ou un amendement de présenté, un débat sur les principes en cause et enfin tout ça...

M. Bellemare (Johnson): ... c'est ça.

M. Burns: On ne sépare pas ces affaires-là.

Le Président (M. Séguin): C'est entendu, tout cela dépend du ministère du Travail.

M. Bellemare (Johnson): Bien non, mais...

M. Burns: Tout cela dépend de la présomption, M. le Président.

Le Président (M. Séguin): Non, je ne puis être convaincu de cet argument-là, messieurs.

De toute façon, exception faite pour celui qui a présenté le sous-amendement, puisqu'il n'y est pas assujetti, pour autant que je puisse interpréter largement le texte de l'article 160, le temps est écoulé pour tout le monde depuis déjà quelque temps.

M. Bellemare (Johnson): M. le Président, je n'ai parlé que trois minutes.

M. Burns: M. le Président...

Le Président (M. Séguin): II faudra prendre votre temps d'avant le souper, M. le député, et votre temps d'après le souper...

M. Burns: Combien ai-je pris de temps avant le souper, M. le Président?

Une Voix: Vingt minutes.

Le Président (M. Séguin): Le débat a commencé... vous avez commencé à six heures moins quart...

M. Burns: Non, M. le Président, je m'excuse, j'ai commencé à six heures moins deux minutes.

M. Bellemare (Johnson): Oui, oui, oui.

M. Burns: J'ai même été...

M. Boudreault: Vous avez demandé quinze secondes.

M. Burns: J'ai demandé quinze secondes pour être hors d'ordre et après cela revenir.

J'ai commencé à six heures moins trois, exactement, M. le Président.

Le Président (M. Séguin): Je pécherais en continuant d'argumenter justement sur ce que j'essaie d'empêcher.

M. Burns: Ecoutez, c'est important...

Le Président (M. Séguin): Je demande votre coopération.

M. Burns: ... c'est un des éléments... M. le Président, est-ce que je peux vous vendre l'idée que ce qu'on est en train de discuter, l'article 2, plus l'article I qui n'a pas été discuté, c'est le coeur de ce projet-là...

Le Président (M. Séguin): Bien, discutez... M. Burns: Oui, mais...

M. Bellemare (Johnson): Nous le prenons morceau par morceau.

Le Président (M. Séguin): Ne le discutez pas sur le sous-amendement.

M. Burns: Ce n'est pas de notre faute, que voulez-vous. On n'a pas le don d'ubiquité. Je ne peux pas vous diviser ce projet, on n'a même pas le droit, en vertu de la motion qui a été adoptée en Chambre, de diviser le projet de loi. On pourrait faire quatre projets de loi avec ce qui nous a été présenté relativement à l'article 30.

Le Président (M. Séguin): II s'agit du principe du projet. Vous êtes contraire au règlement...

M. Burns: On discute du projet, chaque article est un principe. Que voulez-vous, M. le Président, et on nous a défendu de diviser ces principes-là. Le projet de loi no 29 avait au moins cet avantage qu'il avait une unité, c'était la mise en tutelle, c'était cela le projet de loi no 29. C'était facile à cerner et le problème était facile à régler en deuxième lecture, dire: on est pour, on est contre, mais au moins de parler du sujet. Là, M. le Président, je vous défie de passer l'article I et de trouver une communauté de principe entre l'article I et l'article 2. Je vous demande cela, M. le Président. Et si vous me dites, à ce moment-là, ne parlez plus de principe, cela veut dire que je ne parle plus du projet de loi parce qu'à chaque article vous avez un nouveau principe.

Vous avez la même chose quand vous arrivez à l'article 3 où on discute de la fonction de délégué et tout ce que vous voulez qui s'applique. Cela a quelle commune mesure avec l'article I et cela a quelle commune mesure avec l'article 2? C'est ce que je vous demande, M. le Président. Moi, ce n'est pas de ma faute, les règles ont été imposées par la majorité ministérielle; je m'y plie, que voulez-vous, il ne me resterait plus qu'à m'acheter une carabine et tirer quelque chose comme 75 députés ministériels. Ce n'est pas du tout mon intention. Alors je dis...

M. Bédard (Montmorency): C'est pas mal dur à tirer.

Le Président (M. Séguin): Vous comprenez, voici, messieurs...

M. Burns: Bien, je veux dire, un bon viseur là, il y en a quelques-uns qui sont visables en maudit. En tous cas, ce n'est pas là mon intention. Je vous dis tout simplement, je procède par absurde, ce n'est pas du tout mon intention.

Mais qu'est-ce qui me reste à faire sinon de vous dire, M. le Président, une fois qu'on m'a dit: on ne divise pas un projet de loi; s'il y a un projet de loi par excellence depuis que je siège à l'Assemblée nationale qui est divisible, c'est celui qui s'appelle le projet de loi no 30. Vous avez le premier qui concerne les actes criminels; vous avez le deuxième qui concerne le droit de grève; vous avez le troisième qui concerne la fonction de délégué syndical. Que voulez-vous que je vous dise? Ce sont des problèmes épars qu'on nous met dans un projet de loi et ensuite on nous dit: ne discutez plus du principe. Bien, voyons donc, M. le Président.

Le Président (M. Séguin): Ce n'est pas dans ce contexte...

M. Burns: Ne charriez pas!

Le Président (M. Séguin): Un instant, s'il vous plaît! Tout d'abord, je n'ai pas le droit de prendre part au débat, vous le savez fort bien. Alors j'évite bien de toucher à quelque secteur ou section de la loi que ce soit, c'est toujours sur la question de pouvoir posséder ou de s'avancer dans l'étude.

Hier soir, nous avons commencé l'étude du projet de loi no 30. On s'est vite rendu compte que déjà, à l'article I, on a demandé la suspension. Au sous-paragraphe de l'article I, on a demandé la suspension. Nous sommes...

M. Burns: Ce n'était pas hier soir, c'était vendredi.

Le Président (M. Séguin): Bien, la séance précédente. A l'article 2, le même phénomène s'est produit. Alors, à ce moment-là, il a été décidé ou convenu...

M. Burns: Parce que le ministre de la Justice n'était pas ici et on avait besoin de ses ressources là-dessus.

Le Président (M. Séguin): C'est cela.

M. Burns: C'est cela.

Le Président (M. Séguin): Je n'argumente aucunement, la commission est venue d'accord sur cela. D'ailleurs, cela a été proposé de part et d'autre, cela a été suggéré d'un côté ou de l'autre mais accepté des deux côtés.

M. Bellemare (Johnson): ...on aurait pu l'employer à régler le problème.

Le Président (M. Séguin): Justement, non, je voudrais être bien clair sur ce que vous voulez faire, messieurs. Alors, est-ce que je dois comprendre qu'une fois — et encore là, je ne demande pas de dévoilement de secrets, je dois prendre les choses au fur et à mesure mais puisque nous avons convenu déjà ce matin de reprendre, dû la présence du ministre de la Justice, l'article 2, et à ce moment-là il y avait devant nous l'amendement proposé par le ministre du Travail, avant que nous puissions entreprendre cette étude, il y a eu plusieurs sous-amendements.

M. Burns: Trois.

Le Président (M. Séguin): Bien, trois...

M. Burns: Trois.

Le Président (M. Séguin): ...je n'argumente pas sur le nombre. Est-ce que je dois comprendre, messieurs, qu'une fois que nous aurons terminé ces sous-amendements ou l'étude des sous-amendements, nous devons nécessairement retourner à la motion principale puisque, déjà, elle est devant nous, la motion du ministre du Travail mais qu'à ce moment-là, nous considérions comme adoptés et l'article I et l'article 2, tels qu'amendés, si l'amendement va?

Est-ce que c'est cela le cas?

M. Burns: Non, M. le Président, vous êtes dans l'erreur.

Le Président (M. Séguin): Alors, est-ce que nous devons reprendre tous les débats que nous avons eus, en revenant à l'article I?

M. Burns: C'est ce qu'on va voir. D'ailleurs l'article I n'est pas adopté, M. le Président; on n'en a même pas discuté.

Le Président (M. Séguin): C'est pour cela que je vous demande, messieurs...

M. Morin: Nous l'avons suspendu, M. le Président.

Le Président (M. Séguin): Mais est-ce que vous pourriez revenir avec tous les arguments que nous entendons présentement? C'est ce que je veux éviter.

M. Morin: Dans la mesure où ils sont pertinents à l'article premier.

M. Burns: Où ils sont pertinents, c'est cela. C'est cela.

M. Morin: Est-ce que vous reconnaissez mon droit de parole? Je n'avais pas épuisé mon temps.

Le Président (M. Séguin): Ah oui! Non, non, je n'ai pas tout à fait dit au député de Maisonneuve de s'arrêter. J'ai voulu lui rappeler qu'il y avait une période de temps limité, c'est-à-dire qu'il avait droit à 20 minutes et que ses 20 minutes, à mon point de vue, à ma façon de compter, achevaient. C'est ce que j'ai voulu lui dire. J'ai fait exception dans votre cas. C'est de cette façon que je procède même si ce n'est pas très clair dans le règlement. Puisque vous avez présenté le sous-amendement, j'interprète sous-amendement comme le mot loi. Ce n'est pas pareil, mais je pense que le principe est le même. Alors vous auriez le droit quasi exhaustif ou sans limite, d'après le règlement, de parler.

Pour les autres membres de la commission, il y a une limite imposée par l'Assemblée nationale.

M. Burns: On peut vous dire, M. le Président, qu'on n'abusera pas de votre patience. Ce n'est pas du tout notre intention. Nous voulons tout simplement qu'on ait des réponses du ministre de la Justice, qui est ici actuellement pour nous éclairer sur la façon dont son ministère va appliquer cette loi, puisque c'est lui, semble-t-il, et son ministère qui auront à l'appliquer. Alors, c'est uniquement dans ce sens.

Le Président (M. Séguin): Continuez. Je comprends, mais j'ai voulu faire certaines précisions. Le député de Johnson se rappellera fort bien, il n'y a pas tellement longtemps il était ministre du Travail et leader parlementaire, qu'à toutes les cinq minutes il était debout en Chambre avec son livre rouge. Il y en a qui se le rappellent. Alors je vous le dis...

M. Bellemare (Johnson): Voyons donc! M. le Président, pourquoi nous rappeler de si bons souvenirs? Souvenirs émouvants.

Le Président (M. Séguin): Qu'il ne soit pas offensé parce que des fois je suis obligé de l'interrompre, pour des raisons qu'il connaît fort bien.

M. Bellemare (Johnson): Non, non, vous êtes infiniment bon et infiniment aimable; que les rouges continuent à vous déplaire.

Le Président (M. Séguin): Acte de contrition. M. Bellemare (Johnson): C'est cela.

Le Président (M. Séguin): Le député de Maisonneuve.

M. Burns: Non, M. le Président, moi je disais à la toute fin que le ministre ne m'avait pas convaincu. Peut-il ne peut-il pas me convaincre, c'est fort possible. Ce n'est pas parce que je n'ai

pas d'ouverture d'esprit. Le ministre le sait fort bien, lorsqu'il a présenté des projets de loi intelligents, des projets de loi à caractère social, comme la Loi de l'aide juridique, comme la Loi des petites créances, comme certaines améliorations à la Loi pour favoriser la conciliation entre propriétaires et locataires, je l'ai toujours appuyé. Je pense que je ne me suis pas gêné à ce moment-là.

Pourquoi? parce que le ministre m'amenait des arguments qui étaient valables. Jusqu'à maintenant, je ne suis pas convaincu sur la preuve négative qu'il serait si facile aux yeux du ministre de faire, la preuve qu'un représentant syndical n'a pas encouragé une grève. Je vois le député de Dorion qui était autrefois, dans ses bonnes années, représentant syndical. J'aimerais bien cela aujourd'hui le voir se débattre avec la grève de l'hôpital Untel; je ne veux pas nommer d'hôpitaux où il y a eu des grèves particulièrement illégales, où le député de Dorion était le représentant.

J'aimerais bien cela le voir se débattre avec ce texte-là, devant prouver qu'il n'a pas appuyé, encouragé et ordonné cette grève, comment il arriverait à avoir une crédibilité devant le tribunal, surtout un tribunal qui n'est pas voulu par la commission Cliche. Ce n'est que cela le problème que je pose, comment moi je me retrouverais, avec tel ou tel organisme, à dire je n'ai pas appuyé, je n'ai pas fait cela. Encore pire que cela. Les représentants syndicaux, à un moment donné, ont des responsabilités qui sont dues à leurs charges, puis ils savent fort bien qu'ils sont constamment en danger à cet égard.

Mais le simple travailleur qui est là pour gagner sa vie, à lui on va demander: Viens nous prouver, Ti-Gus, que tu n'y étais pas, que tu n'as pas participé, que tu n'as pas pris part à cet arrêt de travail. Le fardeau de la preuve est inversé, c'est à toi maintenant de nous dire que tu n'as pas participé, que tu n'as pas pris part à cette grève. Je vous demande simplement de nous éclairer là-dessus.

M. Choquette: Ecoutez, le député de Maisonneuve fait mine d'ignorer toute la latitude qu'un contrevenant ou un accusé peut avoir, devant les tribunaux, de démontrer qu'il n'a pas posé un acte, qu'il n'a pas participé à un acte qui, par ailleurs, est réprouvé par la loi.

Je veux dire qu'il peut le faire à la fois négativement et positivement. C'est évident qu'il peut plaider toutes sortes de circonstances qui font que sa responsabilité n'est pas engagée par la présomption qui a été adoptée par le législateur. Il est vrai que le fardeau de la preuve lui appartient. Je serais le dernier à le nier, c'est la portée du projet de loi. Il peut trouver des éléments positifs pour dire: J'ai été contraint, par exemple, de quitter le chantier parce que j'ai reçu des menaces de M. Untel; ou encore: On a menacé ma famille d'une certaine façon. Il pourrait soulever une preuve positive comme celle-là pour atténuer sa responsabilité.

M. Burns: ...

M. Choquette: Deuxièmement, il peut également prouver qu'il n'a pas posé les gestes qui, par ailleurs, sont réprouvés et constatés. D'ailleurs, il faut admettre qu'il y a une part du fardeau de la preuve qui demeure à la couronne dans ce cas-là puisqu'il faut qu'il y ait eu un arrêt concerté de travail.

M. Burns: Oui.

M. Choquette: II est très facile pour lui de dire: Moi, je n'ai pas participé à cet arrêt de travail. Je ne vois pas pourquoi le député de Maisonneuve veut situer ce débat, de la nature de la preuve qui incomberait au contrevenant, sur le plan d'une preuve dite négative ou d'une preuve positive, en faisant miroiter qu'il est extrêmement difficile de prouver négativement qu'on n'a pas commis un acte. Au contraire, je pense que, généralement parlant, il est assez facile de démontrer qu'on n'a pas commis un acte.

La simple dénégation de la commission d'acte est au moins un commencement de preuve, surtout quand c'est appuyé par le serment du contrevenant. Je ne vois pas pourquoi le député de Maisonneuve voit, dans le fardeau imposé au contrevenant, une chose tellement lourde qu'au fond le contrevenant ne peut pas s'en décharger d'une façon adéquate si c'est la réalité qu'il n'a pas participé à un tel arrêt de travail concerté.

M. Burns: Dans les faits, ce n'est pas cela, M. le ministre.

M. Choquette: Mais oui.

M. Burns: Est-ce que je puis vous poser la question suivante? Vous êtes-vous' rendu compte que, dans tous les autres cas où il y a inversion du fardeau de la preuve, ce sont toujours des gestes individuels qui sont reprochés à l'accusé, si on peut dire. Dans le seul cas que je connaisse, à part peut-être celui de la Colombie-Britannique qui a été, comme je vous l'ai dit, ramenée à la situation normale récemment, en 1973, le seul cas, à ma connaissance, de geste collectif — parce que c'est cela, une grève — ... Une grève, ce n'est pas moi qui décide cela, ce n'est pas mon compagnon de travail, ce n'est pas le représentant syndical tout seul. Même s'il le décide tout seul, si les travailleurs ne marchent pas, cela ne marchera pas.

M. Harvey (Charlesbourg): La commission Cliche n'est pas de votre avis.

M. Burns: Non, ce n'est pas vrai. C'est être absolument irréaliste, c'est ne pas connaître le domaine des relations patronales-syndicales, c'est surtout ne pas connaître la façon dont les syndicats fonctionnent et c'est surtout — cela est bien plus grave pour un député — ...

M. Harvey (Charlesbourg): Voulez-vous que je vous cite juste un paragraphe...

M. Burns: ... ne pas savoir comment les collectivités fonctionnent.

M. Harvey (Charlesbourg): Voulez-vous que je vous cite juste un paragraphe de la commission Cliche?

M. Burns: II n'y a pas une collectivité qui fonctionne sans connaître, à un moment donné, qu'un but commun peut être atteint ou sans qu'il y ait un geste qui semble avantageux à l'ensemble de la collectivité. C'est ce qu'on fait actuellement, on dit: Pour un geste collectif. C'est cela, pour un geste collectif qui est la concertation. Déjà, cela prend au moins deux personnes pour qu'il y ait concertation. Bon. Pour qu'il y ait arrêt de travail concerté, ce geste collectif, on l'impose à un individu et on lui dit: Défends-toi à l'endroit de ce geste collectif. Dis-nous que tu n'y as pas participé, dis-nous que tu n'as pas ordonné, encouragé, etc. Tous les verbes qui sont dans l'article. C'est la différence, par exemple, entre le possesseur des cinq livres de marijuana qui, à un moment donné, se fait accuser de trafic.

Je profite de l'occasion, M. le ministre, pour vous dire que dans le cas de simple possession de drogue, il n'y a pas inversion du fardeau de la preuve. Il n'y a inversion du fardeau de la preuve en matière de drogue que lorsqu'il y a, en deuxième lieu, le but de trafiquer, de vendre la drogue prise en possesssion de l'individu. Je vous le mentionne parce que cela peut peut-être aider vos procureurs de la couronne si jamais ils partent sur des mauvaises lignes. Cela pourra peut-être les ramener sur la bonne que de leur dire: Ne vous énervez pas, la simple possession, c'est $25 d'amende de ce temps-là et il n'y a personne qui inverse le fardeau de la preuve nulle part. Mais si jamais quelqu'un entre au Canada, reçoit au Canada ou se promène au Canada avec quelque chose comme cinq livres, dix livres ou vingt livres d'héroïne ou de n'importe quelle drogue, là il y a habituellement une plainte de possession en vue d'en faire le trafic. Et là, s'il y a preuve de possession, il y a inversion du fardeau de la preuve. La même chose en matière de congédiement pour activités syndicales; je n'y reviendrai pas, je pense que j'en ai parlé assez longtemps, ce matin.

Mais tout ça, M. le Président, ce sont toujours des gestes individuels. La possession de drogue, par exemple, ça s'applique à moi si c'est moi qui l'ai ou si je l'ai dans un local qui m'appartient. Le fait, à un moment donné, de congédier, si je suis un patron, un individu, na s'applique à moi ou à un de mes préposés, mais à des gens dont j'ai le contrôle. Ce n'est pas cela que vous faites actuellement. Vous vous adressez à une collectivité de gens qui sont égaux en soi. Des travailleurs, c'est égaux en soi dans un syndicat. La meilleure preuve, c'est que chacun de leur vote est important quant à l'accréditation de leur syndicat. Ils sont égaux, il n'y a personne de plus grand ni de plus petit là-dedans.

M. Choquette: Quand il y a un vote.

M. Burns: Non, pas quand il y a un vote. Quand je parle de vote, je parle de leur adhésion, je le dis au sens large. Là, vous prenez un geste collectif, vous l'appliquez à un individu et vous dites: Défends-toi à l'égard de ce geste. C'est ça qui est la grosse différence de tous les autres cas. En matière de lois fiscales, vous avez également une inversion du fardeau de la preuve, mais c'est encore une fois à l'endroit de l'individu qui a fait son rapport d'impôt, qui a fraudé l'impôt.

M. Choquette: Mais le grand problème ici, c'est justement de réconcilier la responsabilité individuelle vis-à-vis de la responsabilité collective. Lorsqu'il y a des ensembles ou des collectivités qui agissent dans l'illégalité en déclenchant un arrêt de travail, sans aucune justification, strictement comme mode de pression sur l'employeur ou autrement, ou pour d'autre motifs, comment faire en sorte que la responsabilité individuelle et la responsabilité collective se rejoignent? On comprendra qu'il est trop facile de dissimuler sa propre responsabilité individuelle sous des actions qui ont été prétendument déclenchées par la collectivité. C'est la raison pour laquelle le texte de loi et les pénalités s'attaquent bien plus vigoureusement à ceux qui sont les leaders, les représentants syndicaux ou les chefs, parce que, évidemment, la responsabilité doit être nettement plus lourde à ce point de vue. Mais ceci ne fait pas que l'on puisse, sous couvert d'actions de masse ou d'actions collectives, couvrir sa responsabilité individuelle. Je conçois que ce soit difficile de faire la réconciliation entre les deux. Je pense qu'à ce point de vue, le député de Maisonneuve nous met devant le noeud du problème, mais cela ne veut pas dire que la responsabilité individuelle est complètement disparue devant des actions collectives. Parce que sinon...

M. Burns: Vous avez l'article 53 qui s'applique.

M. Choquette: Un instant... Sinon... M. Burns: L'article 53.

M. Choquette: ...devant toute action collective, on se trouverait toujours automatiquement devant une situation où les responsabilités individuelles seraient devenues inexistantes.

M. le Président, il est exact que réconcilier quelles sont les responsabilités de l'individu vis-à-vis des actions du groupe, représente certainement un problème. Mais devant des phénomènes d'arrêts intempestifs des activités sur les chantiers de construction, devant les difficultés, justement, de faire la preuve des responsabilités individuelles — puis si on se reporte au rapport de la commission Cliche, c'est bien ce que la commission nous dit — il est extrêmement difficile, devant des actions de portée collective, de rechercher et de trouver les responsabilités individuelles. C'est la raison pour laquelle la commission a justement suggéré d'imposer ce renversement du fardeau de

la preuve pour nous permettre de rejoindre les individus qui sont des éléments de la collectivité.

Sans ignorer les dimensions du problème — je ne les ignore en aucune façon, je les constate — je pense qu'il faut trouver un moyen législatif de rétablir un certain ordre dans un monde qui est rempli de confusion. Cela est un des moyens parmi d'autres.

Le député de Johnson nous disait, tout à l'heure, que nous avions choisi dans le rapport Cliche des éléments qui faisaient notre affaire. Ce ne sont pas des éléments qui faisaient notre affaire que nous avons cherchés; c'étaient des éléments qui seraient de nature à rétablir un certain ordre, au moins préliminaire, dans ce domaine, mais ceci sans ignorer d'autres lois qui vont venir et qui vont aller plus profondément dans les problèmes mêmes du domaine de la construction. Parmi ces lois, il y a peut-être celle touchant le tribunal du travail qui pourrait statuer sur ce genre d'infractions; il y a sûrement la question du placement.

Je sais qu'au cours du débat il a été largement question, par exemple, du placement.

M. Burns: C'est leur recommandation centrale.

M. Choquette: Je suis bien d'accord, mais comment réviser, en une ou deux semaines, la politique de placement, alors que nous sommes devant des institutions qui ont été mises en place par les syndicats de part et d'autre parce qu'on sait que chaque syndicat a ses bureaux de placement par rapport aux bureaux de placement du Québec ou du Canada? Comment pourvoir à toute l'organisation matérielle? Comment avoir tous les mécanismes de placement justes que recommande la commission Cliche, qu'il faut mettre en place justement pour faire en sorte qu'il n'y ait pas de favoritisme et qu'on tienne compte des particularités de chaque travailleur? Ce sont des problèmes considérables auxquels il n'est pas possible de remédier à brève échéance ou très rapidement.

Donc, ce n'est pas que nous ayons choisi ces choses. Il s'impose que, par la force des choses, il nous faut commencer quelque part et nous avons choisi de commencer par là, quelles que soient les difficultés inhérentes. D'ailleurs, s'il s'avère que ça ne marche pas cette présomption, on la laissera tomber, on l'abandonnera.

M. Morin: Cela risque de marcher trop bien.

M. Choquette: On verra suivant l'expérience et on pourra en juger. C'est pour ça qu'on a mis une réserve à la fin, en disant que les poursuites seraient prises par le procureur général. C'est justement pour que ça ne soit pas l'instrument de chantage et de pression dont parlait le chef de l'Opposition dans plusieurs de ses interventions aujourd'hui; pour que ça ne soit pas entre les mains d'un employeur pour faire pression sur ses employés, alors qu'il pourrait utiliser cette méthode justement pour des fins qui sont inqualifia- bles. C'est pour ça que nous l'avons mis entre les mains du procureur général.

Donc, il nous faut y procéder, nous n'avons pas le choix. Je ne veux pas revenir sur ce long débat sur les effets de faire porter le fardeau de la preuve sur le contrevenant, mais le contrevenant gardera tous ses modes de preuve pour se disculper, que ça soit par des méthodes négatives ou par de l'apport positif de preuves pour démontrer qu'il n'a pas participé à l'action collective.

C'est la meilleure, en somme, approximation, la meilleure solution qu'il soit possible d'envisager à une situation d'une confusion extrême qui prévaut dans le domaine de la construction où il est extrêmement difficile de situer les responsabilités et de dire à qui elles appartiennent.

Comme législateurs, nous n'avons pas d'autre choix que d'adopter cette recommandation de la commission Cliche.

M. Morin: M. le Président...

Le Président (M. Séguin): Le député de Sauvé.

M. Morin: ...si vous me le permettez, je voudrais revenir sur la question de la présomption une fois de plus et essayer de pousser le raisonnement du député de Maisonneuve un peu plus loin avec le ministre. C'est évident que c'est une présomption qui peut être repoussée. Ce n'est pas une présomption juris tantum qui serait irréfragable, mais, dans les faits, il va être presque impossible, dans certaines circonstances, de réfuter la présomption, même si un travailleur a été poussé à agir par la présence de bras, par exemple.

On va imaginer le petit scénario suivant et je vais voir si le ministre peut me rassurer sur la portée de sa présomption. Imaginons que le ministre est un salarié de la construction; il en a la forte constitution. Voilà qu'un bon matin il est entré au travail, avec sa boîte à outils et sa boîte à lunch. Vers onze heures, arrive un groupe de personnages plus mastocs encore que le ministre, des armoires à glace, qui lui disent: On vide les lieux. Le brave travailleur qu'est le ministre de la Justice ne désire pas quitter les lieux.

Il voudrait continuer à travailler. Mais, ce que voyant, les armoires à glace donnent un coup de pied dans sa boîte à lunch, un coup de pied dans ses outils et commencent à les disperser aux quatre vents, comme cela se produit sur les chantiers. Ce que voyant, le brave travailleur de la construction qu'est le ministre de la Justice décide de ramasser ses outils et d'obtempérer, comme beaucoup d'autres l'ont fait avant lui, et il quitte le chantier. S'il quitte le chantier, il a techniquement participé. Il n'a pas ordonné, peut-être, il n'a pas encouragé, il n'a peut-être même pas appuyé, mais il a participé.

Alors techniquement — je tiens à poser la question au ministre parce que, tout à l'heure, je n'ai pas été satisfait du tout des réponses évasives qu'il a données là-dessus au député de Maisonneuve — le travailleur qui est sorti d'un chantier

parce qu'il était contraint de le faire ou parce que tous ses collègues, d'un mouvement unanime, l'ont amené avec eux, ce travailleur a participé à un arrêt de travail. Comment va-t-il réfuter ce simple fait?

Il ne peut pas dire: Je n'étais pas d'accord. On ne lui demande pas d'être d'accord, on lui demande seulement d'avoir participé pour que la présomption joue contre lui. Alors je mets le ministre de la Justice, converti, pour les fins de l'hypothèse, en travailleur sur les chantiers, devant son juge, qui lui dit: Vous avez participé. Défendez-vous. Faites la preuve que vous n'avez pas participé. Je ne veux pas savoir si vous étiez d'accord ou pas, ce n'est pas pertinent. Ce qui est pertinent, c'est: Avez-vous participé, oui ou non? Qu'est-ce que le brave travailleur répond? J'ai hâte de l'entendre.

M. Choquette: Mais, M. le Président, il me semble que le député de Sauvé a très peu eu affaire au bon sens de nos juges et que le député de Sauvé, en somme, essaie de me mettre en contradiction avec le projet de loi en disant qu'au fond...

M. Morin: J'essaie de vous prendre au piège de votre propre projet de loi.

M. Choquette: Je sais que vous essayez cela. Mais le député de Sauvé semble essayer de s'imaginer des situations où le travailleur ne serait pas responsable mais, pourtant, aurait été obligé d'adopter une ligne de conduite qui serait contraire à la loi. Il me semble qu'il va de soi que, dans de telles circonstances, le juge aurait le bon sens d'interpréter la loi et d'interpréter la conduite de ce travailleur comme n'ayant pas été volontaire mais comme ayant été imposée de par une force extérieure. Le bon sens demeure. La présomption n'est pas une présomption absolue. Si un travailleur a été obligé, à un moment donné, de poser des gestes qui sont une contrainte à sa volonté, une contrainte à sa liberté, ce travailleur va être exonéré.

A part cela, qu'on donne donc le crédit à ceux qui vont intenter des poursuites dans ces cas, de ne pas diriger des poursuites contre des travailleurs qui ne peuvent pas avoir été responsables de ce qui s'est passé. Nous sommes aussi conscients que vous, vous savez, que l'industrie est malade, qu'il y a des "goons" qui circulent, et qu'il y a des gens qui font des pressions indues sur les travailleurs. Nous en sommes aussi conscients que vous mais nous voulons nous en débarrasser une fois pour toutes. Si nous mettons des dents dans cette loi, c'est justement pour nous en débarrasser. Ce n'est pas pour opprimer les travailleurs et pour empêcher les travailleurs d'exercer leur liberté comme ils l'entendent. C'est parce que nous voulons les empêcher d'être obligés d'obéir à des ordres ou à des contraintes qui peuvent être variables au point de vue de l'efficacité, suivant les circonstances.

Pour revenir à la question spécifique du député de Sauvé, je suis sûr que dans ces condi- tions, le travailleur pourrait démontrer qu'il a été obligé, dans ces conditions, de laisser le travail.

M. Morin: M. le Président, vous n'avez pas répondu à l'aspect technique de ma question. Il peut démontrer qu'il a été obligé, qu'il n'a pas consenti à quitter le travail. Mais la loi ne dit pas cela. La loi ne dit pas qu'il a participé volontairement. Elle dit qu'il doit démontrer qu'il n'y a pas participé, point. Je sais bien que...

M. Choquette: II y a les défenses traditionnelles qui sont relatées dans Lagarde, le droit pénal canadien.

M. Morin: M. le Président, on est en droit statutaire et les questions de mens rea ce serait un beau débat de savoir si elles s'appliquent ou pas. En droit statutaire, c'est de l'interprétation stricte. En ce qui me concerne, le ministre ne m'a pas rassuré là-dessus. Même, je dois dire que je suis plus inquiet que lorsque j'ai commencé à lui poser la question. S'il veut me laisser finir, il va peut-être comprendre où je veux en venir. D'abord, il n'a pas répondu à ma question. Techniquement, le travailleur qui sort, forcé par des bras à sortir, a participé. Il n'a peut-être pas appuyé, il n'a pas encouragé, il n'a pas ordonné mais il a participé. Donc, cela peut constituer un moyen de pression sur lui, un moyen de pression considérable. Le travailleur, je ne parle pas du chef syndical, du délégué de chantier, de l'agent d'affaires, je parle du travailleur ordinaire, comme il s'en trouve des milliers sur les chantiers de construction.

Ces gens vont se trouver coincés entre, d'une part, l'employeur ou ses délégués et, d'autre part, entre ses camarades de travail ou des bras qui vont venir lui dire de sortir. Comment est-ce que le pauvre gars va se tirer d'affaire? Le ministre se met-il dans la peau du travailleur ordinaire? Est-il capable de faire cela dix minutes et d'imaginer l'impasse, le dilemme dans lequel va se trouver le travailleur sur les chantiers de la construction?

Si le ministre voulait admettre qu'il y a là un danger de pression indue, ne serait-ce que morale, sur le travailleur, le ministre pourrait peut-être être convaincu qu'on devrait supprimer la référence au moins à la participation. Je ne dis pas, s'il a ordonné, encouragé ou appuyé, c'est une autre affaire...

M. Choquette: M. le Président, pour l'avantage des membres de la commission, je voudrais dissiper tout de suite toute impression que pourrait laisser le savant discours du chef de l'Opposition à l'effet que la contrainte que pourrait avoir subie un travailleur ne serait pas une défense pour lui devant les tribunaux.

Je voudrais, en somme, qu'on lise ce texte de loi avec les notions de droit qu'on rattache généralement au droit statutaire. Il y a des défenses en droit statutaire. Par exemple, lorsque les circonstance sont incontrôlables et expliquent pourquoi une infraction a été commise, ces défenses-là valent devant les tribunaux.

Par exemple, un individu passe un feu rouge. Il a quand même un certain nombre de défenses, il pourrait par exemple plaider qu'il est tombé victime d'une crise cardiaque juste avant d'arriver au feu rouge. C'est une défense absolue en droit statutaire. Supposons que quelqu'un le menaçait avec un révolver et lui a dit: Monsieur, vous êtes le conducteur, vous passez au feu rouge, c'est une défense absolue pour le conducteur. N'importe qui, qui a étudié le droit, sait cela; il n'y a rien d'absolu, d'une façon totale, en droit, ce sont des degrés. Je ne suis pas pour donner un cours de droit au chef de l'Opposition ce soir, parce que j'ai l'impression que ce serait peine perdue que d'essayer de lui démontrer qu'il peut y avoir des obligations statutaires de nature stricte dans nos lois. Mais ces obligations statutaires de nature stricte souffrent quand même des exceptions telles que la contrainte, par exemple. Mais justement, le législateur, ayant placé une contrainte sur les chefs syndicaux de ne pas donner d'ordres d'arrêts illégaux de travail, ayant imposé des pénalités sévères sur ceux-là, veut aussi du côté des travailleurs renforcer la volonté du respect des lois. C'est la raison pour laquelle il y a cette pénalité prévue à l'article 53, et qui est renforcée par la présomption qui est suggérée dans le projet de loi.

Je ne pense pas que cette présomption, comme l'a laissé entendre, au début de ses observations, le chef de l'Opposition, serait absolue, irréfragable, une présomption juris tantum, c'est-à-dire qui ne peut être renversée en aucune façon par celui qui porte une accusation.

M. Burns: Juris et de jure.

M. Choquette: Juris et de jure, je remercie le député de Maisonneuve de sa correction.

M. Burns: Cela fait moins longtemps que vous que j'ai quitté les planches de l'université. A part cela, j'ai un professeur de droit à ma droite...

M. Choquette: C'est une présomption, par conséquent, qui souffre au contraire d'être contredite par l'intéressé, excepté qu'elle déplace sur lui le fardeau de faire la démonstration. Nous pensons qu'en adoptant cette façon, peut-être exceptionnelle, dans les circonstances, d'envisager le problème de la poursuite des infractions devant les tribunaux, cela va aider le climat à éviter justement ces arrêts intempestifs, qui proviennent d'ordres émis par on ne sait qui parce que tout le monde va savoir qu'il a une responsabilité individuelle au cas d'un arrêt illégal de travail. Et nous pensons que c'est un instrument juridique nécessaire dans l'état actuel des choses.

M. Burns: Est-ce que je peux, M. le Président? Cela va être très bref, trente secondes.

Le Président (M. Séguin): Le député de Maisonneuve.

M. Burns: Le ministre semble croire que le travailleur qui quitte le chantier, lorsqu'il y arrêt de travail, est nécessairement intimidé, voit nécessairement de gros hommes, d'immenses hommes qui lui disent: Si tu ne sors pas, on va te fendre le crâne en quatorze; que tout ce monde est armé de .38, quand ce ne sont pas des .12, des .401 ou des .3030, ou je ne sais quoi. Mais le ministre, qui disait tout à l'heure qu'il offrait des cours de droit au chef de l'Opposition — ce que, je pense personnellement, le chef de l'Opposition n'a pas besoin de recevoir, surtout pas du ministre qui ne se rappelle même pas que c'est la présomption juris tantum qui peut être renversée, alors que juris et de jure, elle, ne peut pas l'être et que nous sommes en présence d'une présomption juris tantum — ne devrait-il pas recevoir lui, d'autre part, une leçon de faits? J'aimerais bien cela qu'à un moment donné on fouille cet aspect.

Il arrive très souvent, j'oserais dire dans la majorité des cas, qu'un travailleur quitte le chantier sans aucunement être intimidé. Savez-vous pourquoi? C'est une habitude.

M. Bédard (Montmorency): II voit tous les autres...

M. Burns: Non, cela fait tellement longtemps que c'est comme cela dans la construction.

M. Bédard (Montmorency): ... sortir.

M. Burns: II n'ira pas devant le juge dire: II y a quelqu'un qui s'est présenté avec un manche de hache devant moi, pas du tout. Il va dire: Quoi, le chantier est fermé? Ah! le chantier est fermé, merci, je retourne avec ma boîte à outils. Et il s'en retourne chez lui. Cela se fait régulièrement. C'est une leçon de choses qu'il faut donner peut-être au ministre du Travail.

M. Cournoyer: Vous ne voulez pas corriger cela?

M. Burns: Vous n'avez pas connu cela?

M. Cournoyer: Non, non! je vous demande si vous ne voulez pas corriger cela.

M. Burns: Non! je ne veux pas corriger cela. M. Cournoyer: II y a combien de personnes...

M. Burns: Je vous dis qu'il y a beaucoup de cas.

M. Cournoyer: M. le député de Maisonneuve, combien de personnes se souviennent qu'il y a cinq ans, il y en a un qui s'est fait casser les jambes, qui ont encore ce souvenir dans la tête, et qui arrêtent de travailler?

M. Burns: Je vous dis qu'il y a une espèce d'habitude.

M. Cournoyer: Bien, l'habitude, présentement...

M. Burns: Et cela va vous prendre du temps... M. Cournoyer: ... de se casser les jambes.

M. Burns: ... à corriger cela. Très souvent, j'ai vu des gars pas mal plus gros et pas mal plus grands que le monde qui était sur la ligne de piquetage et qui disaient: Ah! bon, on ne travaille pas ce matin; on revire de bord. Le gars recharge son coffre d'outils, le met dans l'auto et s'en va chez lui et il ne se pose pas d'autres questions. Il va aller prouver qu'il est intimidé, ce gars-là? Il va aller dire qu'il a peur?

M. Bédard (Montmorency): Est-ce que je peux vous poser une question?

M. Burns: Non, non, il va tout simplement dire: Moi, quand ça ne travaille pas à mon chantier, je ne travaille pas, c'est tout.

M. Bédard (Montmorency): Me permettez-vous une question?

M. Burns: II y a une question que vous oubliez, qui s'appelle — et c'est une chose dont vous devrez tenir compte; vos tuteurs devront tenir compte de cela aussi — la solidarité syndicale qui existe dans la construction, qui est bien au-delà de ce qu'on essaie de dramatiser actuellement, comme étant les "goons" et les bandits de la construction.

M. Cournoyer: On n'essaie pas de dramatiser.

M. Burns: II y a quelque chose que vous ne traverserez jamais, qui s'appelle la solidarité des travailleurs de la construction, particulièrement...

M. Cournoyer: Regarde donc cela, toi.

M. Burns: ... dans le domaine... Bien, voyons donc, M. le ministre. Ne me charriez pas, ne me faites pas brailler. Voyons donc!

M. Cournoyer: Moi non plus, tu ne me feras pas brailler, ce soir.

M. Burns: Bien non, tu ne me feras pas brailler, toi non plus.

M. Cournoyer: Pas ce soir certain. M. Burns: Bien, voyons donc!

M. Cournoyer: La solidarité syndicale, mon oeil!

M. Burns: Bien oui, c'est cela. Cela s'adonne qu'il y a quelque chose d'impondérable là...

M. Cournoyer: II faudrait que tu lises les mêmes affaires.

M. Burns: Oui, c'est bien facile, c'est bien le "fun".

M. Cournoyer: II faudra que tu lises les mêmes affaires que moi.

M. Burns: C'est sûr qu'il y en a du monde qui a été intimidé. C'est sûr qu'il y en a eu des jambes cassées, je ne nie pas cela. Je ne suis pas assez aveugle pour ne pas me rendre compte de cela.

M. Bédard (Montmorency): II y a plus d'intimidés que d'autres?

M. Burns: Je ne le sais pas, je n'ai pas de statistiques là-dessus. Je dis justement qu'il serait intéressant de savoir cela.

M. Choquette: Mais ce qui nous intéresse, c'est de restaurer un certain climat normal.

M. Bédard (Montmorency): C'est nécessaire.

M. Choquette: Et on est obligé de prendre des moyens, peut-être, qui dépassent le sens dans lequel on légiférerait ordinairement, justement parce que nous sommes devant une situation qui a trop avancé dans cette tradition de "goons", de pressions et d'intimidation. Ecoutez, je ne suis pas un spécialiste des chantiers de construction, mais je suis allé en voir deux en fin de semaine, vendredi soir, pour être précis, et les gars avaient débrayé, parce qu'ils avaient eu de la visite. On savait ce que cela voulait dire. Je me le suis fait dire par des gens qui les avaient vus. La visite ne s'est pas amenée avec des bâtons de baseball et des chaînes, cette fois-là. Ils ne sont qu'arrivés en auto, quelques-uns, et, vous savez, donner le signal. On sait ce que cela veut dire. On comprend le langage syndical, on n'est pas des imbéciles.

M. Burns: Le langage syndical! M. Choquette: Non, non... M. Burns: Quelle écoeuranterie... M. Choquette: ... un pseudo...

M. Burns: ... quel langage vous venez d'utiliser, vous!

M. Choquette: Un instant, un instant!

M. Burns: Incroyable!

M. Choquette: Un pseudo-langage.

M. Burns: Le langage syndical, c'est un langage d'intimidation?

M. Choquette: J'espère que ce n'est pas cela.

M. Burns: Bien, c'est ce que vous venez de dire.

M. Choquette: Mais dans la construction, cela fait...

M. Burns: Savez-vous ce que vous dites?

M. Choquette: Je l'ai dit en caricaturant. Dans la construction, c'est devenu cela.

M. Burns: Oui, je ne voyais pas la caricature, moi.

M. Choquette: Mais vous ne voulez pas l'admettre. Votre solidarité syndicale, elle vous mène à l'aveuglement de ne pas voir la situation telle qu'elle est. Je suis sûr que le député de Maisonneuve, qui était un bon chef ouvrier dans le temps que c'était son travail, un bon avocat de syndicat ouvrier, très sincère, je ne mets pas du tout cela en question.

Le député de Maisonneuve, a tellement la foi dans le mouvement, cela je le comprends, mais il faudrait qu'il se rende compte que la situation dans le domaine de la construction n'est pas celle qu'il imagine, mais que cela va mal. Les travailleurs qu'il veut protéger, il pense que nous, on est en train de les opprimer d'une certaine façon. Ce n'est pas le cas. Ce sont les travailleurs qu'on veut protéger contre une clique avec laquelle le député de Maisonneuve n'a rien à faire, à laquelle il n'a jamais appartenu, je lui donne ce crédit. Mais le député de Maisonneuve est pris par sa foi syndicale. Remarquez que les commissaires de la commission Cliche avaient la même foi que le député de Maisonneuve. J'ai entendu dire que le commissaire Chevrette, que le député de Maisonneuve connaît bien, qui est un syndicaliste sincère...

M. Burns: Je les connais très bien tous les trois, d'ailleurs.

M. Choquette:... et le président Cliche, au début, ont eu de la difficulté à s'ouvrir les yeux devant ce qu'ils voyaient et ce qui leur était apporté. Ceci se concevait, ils voyaient la situation comme des gens, des libéraux de gauche, mettons, des gens qui ont des idées larges, généreuses et tout cela, toutes sortes de qualificatifs que le député de Maisonneuve m'incite à adopter comme attitude, et c'est très bien de sa part. Ils voyaient donc la situation comme cela, mais peu à peu ils ont eu la preuve devant les yeux que des moyens de pression extrêmes étaient exercés contre les travailleurs. Il faut que l'Etat réagisse.

M. Burns: Nous ne nions pas cela.

M. Choquette: II faut que l'Etat réagisse.

M. Morin: On ne le nie pas, nous disons que vous ne prenez pas les bons moyens pour en venir à bout.

M. Bédard (Montmorency): On verra. M. Choquette: On en reparlera. Une Voix: On prendra l'autre...

M. Morin: II y a eu de l'intimidation syndicale puis maintenant vous êtes en train de mettre sut pied un système d'intimidation gouvernementale puis d'intimidation de l'employeur avec votre présomption. C'est cela la question.

M. Burns: C'est un système de "goons" inversé que vous êtes en train de faire.

M. Choquette: Je crois que vous dramatisez. M. Burns: Bien, voyons donc!

M. Choquette: Sincèrement je crois que vous exagérez la portée, que vous voyez toutes sortes de méfaits comme devant résulter de cela, mais cela fait trop longtemps que la situation dure sut les chantiers de construction, cela fait trop longtemps que la commission Cliche s'est penchée sur le problème. Qu'est-ce que vous voulez, i faut avaler la pilule, même si elle est amère!

M. Bédard (Montmorency): A part cela, M. le Président, je veux seulement ajouter un mot...

Le Président (M. Séguin): Le député de Montmorency.

M. Bédard (Montmorency): ... dans le discussion. Je n'ai pas ambitionné, je n'ai pas dit un mot encore aujourd'hui. M. le Président, je voudrais seulement ajouter le mot suivant; c'est que, de toute façon, une loi semblable touche seulement la personne récalcitrante. Le journalier, le menuisier, le ferrailleur qui fait son ouvrage, il n'est pas touché par cela, lui.

M. Burns: Justement, c'est là votre inconscience. Cela touche tout le monde.

M. Bédard (Montmorency): M. le député de Maisonneuve, j'ai pris la parole pour la première fois.

Le Président (M. Séguin): Qu'on permette au député de faire...

M. Burns: Vous avez raison.

M. Bédard (Montmorency): Je vous ai entendu parler toute la journée, laissez-moi donc deux minutes.

M. Burns: Plus que cela si vous voulez le faire.

M. Bédard (Montmorency): Hier, j'ai visité deux grands chantiers dans le comté du Lac-Saint-Jean. J'ai rencontré des journaliers, des opérateurs, des ferrailleurs qui me demandaient: M. Bédard, est-ce qu'on est garanti cette semaine de pouvoir faire nos 50 heures puis d'avoir notre paye jeudi? C'est ce qu'on me demandait. Ils ont dit: Qu'est-ce qui se passe à l'heure actuelle? Ils ne sont au courant de rien. C'étaient des bons travailleurs. Ce sont ceux qui veulent amener le pain à la

maison, ceux qui partent le matin à six heures avec leur boîte à lunch et qui veulent faire leurs dix heures par jour. Ce sont des bons ouvriers. Tandis que les récalcitrants, les monteurs de gang puis ceux qui viennent fermer des chantiers... parce que tous mes chantiers, avant que je sois député en 1973 et 1972 et 1971, ont tous été fermés.

Puis quand les chantiers étaient fermés, c'est parce que c'était deux, trois gangs qui arrivaient dans trois automobiles séparées, qui venaient dire aux gars: Au bout d'une heure, si ce n'est pas fermé ici, il va se passer quelque chose de grave. Il y a eu des gars poussés dans la tranchée. Moi je ne l'ai jamais été, par exemple, parce que c'aurait été dur, mais c'est comme cela qu'on fonctionnait. Tantôt, vous vouliez des statistiques, je vous en donne.

Tous les chantiers ont été fermés par menace. Cela veut dire quelque chose. Il y a des gars qui ont travaillé dans cela. Je vois un gars comme Chevrette qui est pas mal plus syndicaliste que je peux l'être, qui a été obligé de signer un rapport comme cela. Cela a dû faire mal au coeur avant de signer. A l'heure actuelle, les lois qu'on a, on a beau les appliquer, ça ne marche pas. Si ça ne marche pas, on va en adopter d'autres qui vont être plus sévères.

Quant à moi, les lois ne seront jamais assez sévères. Je regarde ça un peu avec le ministre. Vous allez avoir l'article 3 tout à l'heure, puis je ne suis pas encore convaincu que cela va faire mon affaire, parce que je veux les avoir les plus sévères possible. Je ne voudrais plus qu'on passe à côté. Dans la construction, la majorité, je dirais 80%, 85% des travailleurs ne sont pas au courant de ce qui se passe.

Ils veulent avoir leur gagne-pain, travailler 50 heures par semaine et rapporter le chèque à la maison le jeudi soir. C'est tout ce qu'ils demandent, de leur trouver de l'ouvrage.

C'est tout ce que j'avais à dire. Je suis prêt à passer au vote.

M. Boudreault: Moi, j'ai vécu à peu près la même expérience hier.

Le Président (M. Séguin): Le député de Bourget.

M. Boudreault: J'étais avec I00 ouvriers de la construction qui m'ont dit qu'ils veulent la paix, qu'ils veulent travailler. C'est ce qu'ils veulent, ces ouvriers. On me demande de lire quelque chose. "Souvent, dans l'industrie de la construction, les associations syndicales ont refusé de consulter leurs membres, et quand elles faisaient un scrutin, seule une certaine élite pouvait voter car les dirigeants avaient décidé à l'avance ce qui était bon pour les travailleurs. En somme, seuls les petits "gangsters" syndicaux possédaient la vérité." Cela, c'est vrai.

M. Bédard (Montmorency): Tantôt, on va régler cela.

M. Burns: Cela vient de qui?

M. Harvey (Charlesbourg): Le rapport Cliche, page 16.

M. Boudreault: Les ouvriers, les travailleurs veulent la paix. Les lois, ça ne les fatigue pas du tout, ils n'ont pas peur de cela. Ils demandent même qu'elles soient très sévères. C'est le message que j'avais à faire aujourd'hui de la part de cent travailleurs de l'industrie de la construction, des gars qui travaillaient avec moi dans la construction.

M. Burns: Mais cela n'a rien à faire avec la présomption, ce que vous dites là. C'est sûr que tout le monde...

M. Boudreault: Vous dites qu'on brime les travailleurs, c'est faux. Ils disent qu'ils veulent avoir la paix. Cela touche seulement les petits bandits syndicaux.

M. Burns: C'est vrai que les travailleurs veulent la paix et je suis entièrement d'accord pour qu'ils l'aient. Je suis entièrement d'accord pour qu'ils travaillent. Je suis entièrement d'accord pour qu'ils travaillent dans la paix la plus totale et qu'ils gagnent le plus d'argent possible sur la construction durant les périodes de pointe. Tout le monde sait que la construction fonctionne moins l'hiver que ça ne fonctionne au printemps, en été et en automne; tout le monde sait que la période de pointe, pour gagner de l'argent, c'est septembre, octobre et un peu novembre, tout le monde sait cela. On n'a rien contre cela, on n'a rien contre le fait que vous nettoyiez les milieux syndicaux qui méritent de l'être. Ce n'est pas cela qu'on est en train de vous dire.

On est en train de vous dire que vous vous apprêtez à rendre permanente — c'est cela la motion du chef de l'Opposition — une mesure d'exception qui, en soi...

M. Bédard (Montmorency): M. le Président...

M. Burns: Je me suis excusé de vous avoir interrompu, tout à l'heure.

M. Bédard (Montmorency): Je m'excuse aussi.

M. Burns: D'accord, on s'entend. Ce qu'on vous demande tout simplement, c'est de ne pas rendre permanente une mesure d'exception alors que vous avez une mesure parallèle soi-disant qui doit régler le problème, c'est-à-dire la mise en tutelle, le projet de loi no 29. Je vois le ministre du Travail qui s'apprête à me répondre. J'ai hâte qu'il me réponde parce qu'il n'a pas parlé fort aujourd'hui, franchement.

M. Cournoyer: Je voulais juste faire une boutade, en définitive. Il n'y a pas de loi permanente. Quand vous serez au pouvoir, vous allez les changer. Je suis convaincu de cela.

M. Burns: II n'y a pas de loi permanente?

M. Cournoyer: Avez-vous décidé de ne pas être là dans trois ans?

M. Burns: M. le ministre, vous savez fort bien qu'il y a un caractère de permanence que vous êtes en train de donner...

M. Cournoyer: Jusqu'à ce que vous soyez au pouvoir.

M. Burns: ... à cette mesure jusqu'à ce qu'on soit au pouvoir, c'est bien sûr. On va peut-être l'être dans six mois, dans un an, dans deux ans ou dans trois ans; cela, je ne le sais pas.

M. Bédard (Montmorency): Là, on peut dire que c'est permanent.

M. Burns: Je n'ai pas le droit...

M. Cournoyer: II n'y a pas de permanence là-dedans.

M. Burns: Je n'ai pas le droit, même comme député de l'Opposition qui s'imagine qu'il va être au pouvoir dans un an ou dans six mois, de faire entrer cela en considération.

M. Cournoyer: Mais vous allez enlever cela aussitôt que vous allez être au pouvoir.

M. Burns: Arrêtez donc, maudit, de niaiser là-dessus!

M. Cournoyer: Voyons donc! Vous allez tout enlever cela aussitôt que vous allez être au pouvoir.

M. Burns: Voyons donc! Ce n'est pas cela.

M. Choquette: On va vous donner la chance de réviser cela avant.

M. Burns: Vous savez fort bien que je n'ai pas le droit d'embarquer dans ma considération de votre projet de loi le fait que l'Opposition officielle soit au pouvoir dans six mois ou ne le soit pas. Je manquerais à mon devoir de député. Je m'excuse, mais actuellement je suis obligé de me rendre compte que je suis un député de l'Opposition.

M. Morin: C'est une boutade facile.

M. Burns: C'est une boutade qui est facile, tout le monde sait que quand on fait de la législation, je n'ai pas le droit de m'imaginer que je vais être au pouvoir la prochaine fois parce que sans cela, vous savez ce que je ferais? Je resterais chez nous jusqu'aux prochaines élections. Chez nous, cela veut dire dans mon comté, et je préparerais mes prochaines élections au lieu de venir perdre mon temps à essayer de convaincre des ministres qui ne comprennent rien.

M. Choquette: Vous nous convainquez souvent.

M. Burns: C'est cela que je fais.

M. Choquette: Vous nous convainquez souvent. Ne diminuez pas votre force de persuasion.

M. Burns: Je pense que mon rôle... M. Choquette: Vous êtes trop modeste.

M. Burns: ... en conscience, de député de l'Opposition est que, malgré que j'aie affaire à des têtes dures, des gens bouchés des deux bouts, je dois m'efforcer de leur faire comprendre. Si je ne leur fais pas comprendre cette affaire-là, peut-être que l'ensemble de la population va comprendre. C'est cela.

M. Choquette: Oui, et personne ne vous le reproche, non plus.

M. Burns: Bien non, mais il y a des gens...

M. Boudreault: On est prêt à prooéder au vote.

M. Choquette: On va vous donner votre chance...

M. Burns: ... qui nous disent: Laissez faire cela, vous réglerez cela quand vous serez au pouvoir.

M. Choquette: ... avant votre élection.

M. Bédard (Montmorency): M. le Président...

M. Choquette: Ecoutez, le bill 290, ce n'est pas le dernier mot qui est dit là-dessus.

M. Burns: Sur la présomption, c'est sans doute le dernier mot avant les élections.

M. Choquette: Non! mais sur le bill 290, et cela fait partie du bill 290, on sait très bien qu'il va y avoir d'autres amendements à cette loi. On sait très bien que, quand on va se mettre à prendre le rapport Cliche dans son ensemble, le bill 290 va revenir sur le tapis; on pourra juger à l'expérience. Si vous avez eu raison, vous aurez eu raison, on le changera puis ça finira là. Mais pour le moment il faut prendre la situation comme elle est; à mon sens, on n'a pas d'autre choix que celui de procéder.

M. Burns: En tout cas, ce n'est pas qu'on n'aura pas essayé de vous faire comprendre.

M. Choquette: Vous avez essayé avec beaucoup d'énergie, et puis il faut dire que les principes siègent dans l'Opposition. C'est normal que l'Opposition nous rappelle aux principes du droit, je le conçois parfaitement, mais l'Opposition n'a pas la responsabilité et nous autres on a la responsabilité...

M. Burns: Voyons donc!

M. Choquette: C'est nous qui avons la responsabilité...

M. Bédard (Montmorency): C'est nous qui avons la responsabilité, parce que nous perdrons le pouvoir si nous avons mal agi.

M. Choquette: C'est nous qui avons l'ultime responsabilité.

M. Morin: On a au moins la responsabilité de vous empêcher de faire des bêtises.

M. Bédard (Montmorency): M. le Président... M. Choquette: Oui, oui.

M. Burns: La responsabilité qu'on a, c'est qu'on va être poigné avec ces lois quand on va prendre le pouvoir.

M. Cournoyer: Vous n'avez qu'une chose à faire, c'est de les changer...

M. Burns: Cela est une maudite responsabilité.

M. Cournoyer: C'est de les changer. M. Burns: Bien oui.

Le Président (M. Séguin): Le député de Montmorency.

M. Bédard (Montmorency): Ma seule intervention, M. le Président, c'est...

M. Burns: Avec tout ce que ça comporte, à ce moment-là, puis vous le savez...

M. Cournoyer: Vous pourrez les changer après.

M. Bédard (Montmorency): Qui c'est qui a la parole?

M. Burns: Vous n'avez rien fait depuis que vous êtes là, vous êtes censé être le gars qui doit régler cela.

M. Cournoyer: Regarde donc ça toi, il va recommencer sa petite...

M. Burns: Oui, je vais recommencer, j'ai une petite motion.

Le Président (M. Séguin): Le député de Montmorency.

M. Bédard (Montmorency): M. le Président, c'est la dernière intervention pour montrer...

Le Président (M. Séguin): Chacun m'a dit la même chose. Cela a été dit à cinq heures...

M. Bédard (Montmorency): Pourquoi vous me reprenez?

Le Président (M. Séguin): Non, non, allez-y, je vous en prie.

M. Bédard (Montmorency): Je vois qu'on perd notre temps, je suis aussi bien de continuer moi aussi.

Le Président (M. Séguin): Allez-y.

M. Cournoyer: Vous perdez le mien en même temps.

M. Bédard (Montmorency): Tout ça pour dire que, de toute façon, la responsabilité, M. le Président, c'est nous qui l'avons. Dans le comté de Montmorency, c'est le député de Montmorency. Toutes les personnes que j'ai vues, au bout d'une semaine, savez-vous ce qu'elles m'ont dit, concernant ce rapport Cliche et les lois qu'on a à adopter? Il y a seulement d'une chose qu'on a peur, Marcel, c'est que vous ne vous rendiez pas au bout. D'accord, c'est clair?

M. Burns: Marcel, t'es complètement "foui bail".

M. Bédard (Montmorency): Cela veut dire là... M. Burns: C'est ça ton problème.

M. Bédard (Montmorency): Cela veut dire qu'ils ont peur qu'on reste debout. Et de toute façon, M. le Président...

M. Burns: Ce n'est pas de cela qu'on discute.

M. Bédard (Montmorency): ...à la prochaine élection, c'est eux autres qui vont régler ça.

M. Burns: As-tu déjà vu un gars frapper dans la mite de même?

M. Bédard (Montmorency): Lorsqu'on parle, M. le Président...

Le Président (M. Séguin): Le député de Maisonneuve, voulez-vous répondre?

M. Bédard (Montmorency): Comment cela se fait que...

M. Burns: Non, je veux juste dire à Marcel qu'il est "foul ball". Ce n'est pas ça l'affaire. On est d'accord...

M. Bédard (Montmorency): "Foul ball", on réglera ça.

M. Burns: Faut-il le répéter? On est d'accord pour que l'ordre soit remis dans la construction...

M. Bédard (Montmorency): Je suis en train de me le demander.

M. Burns: On est d'accord pour que les travailleurs puissent travailler en paix...

M. Bédard (Montmorency): Depuis dix heures ce matin...

M. Burns: ...qu'ils ne soient pas intimidés. Mais on ne veut pas que vous rendiez permanente une présomption comme celle-là, sans l'attacher à la durée qui, elle, est purement temporaire, la durée des tutelles. C'est ça le but de la motion. C'est tout. Quand même le député en question me dirait que Marcel s'est fait dire que les gars de la construction, ils veulent continuer, moi je vais dire à Marcel encore qu'il n'a pas compris le sens de la motion.

M. Bédard (Montmorency): J'ai compris le sens de la motion.

M. Burns: Bien non.

M. Bédard (Montmorency): J'aime autant vous dire cela.

M. Burns: Cela n'a pas l'air, par les arguments que vous nous donnez.

M. Bédard (Montmorency): Je l'ai compris le sens de la motion. On n'est pas avocat, mais on est capable de comprendre ce qui est écrit.

M. Burns: Bien, je veux dire, je ne pense pas que les seules personnes qui comprennent soient des avocats.

M. Bédard (Montmorency): Je reviens à l'intervention que j'ai déjà faite, s'il y en avait moins d'avocats à l'Assemblée nationale...

M. Burns: Je n'ai jamais dit cela, bien au contraire.

M. Bédard (Montmorency): ...cela irait pas mal plus vite.

Le Président (M. Séguin): Ce sera le débat pour une autre journée.

M. Bédard (Montmorency): Exactement, M. le Président.

M. Burns: II paraît d'ailleurs que le bons sens d'un habitant vaut bien des fois le doctorat d'un avocat, je suis bien d'accord là-dessus.

Le Président (M. Séguin): On est rendu dans les crédits de l'agriculture. C'est ce qui arrive.

M. Burns: Cela je sais bien cela.

Le Président (M. Séguin): Sans présomption de ma part, êtes-vous prêts à voter?

M. Bédard (Montmorency): Je suis prêt à voter.

M. Burns: II faut bien, M. le Président.

Le Président (M. Séguin): Pour ou contre, la motion de sous-amendement du chef de l'Opposition. On en a tellement parlé de près et de loin, je ne la relis pas.

M. Bellemare (Johnson): ?

M. Bédard (Montmorency): II est parti.

Le Président (M. Séguin): II va falloir recommencer le vote tout à l'heure.

M. Burns: II m'a dit qu'il voterait pour.

Le Président (M. Séguin): Bon, c'est ça. M. Choquette (Outremont)?

M. Choquette: Contre.

Le Président (M. Séguin): M. Boudreault (Bourget) ?

M. Boudreault: Sans hésitation, contre.

Le Président (M. Séguin): S'il vous plaît, ne me faites pas de discours chaaue fois. M. Burns (Maisonneuve) ?

M. Burns: En faveur.

M. Morin: Si encore il hésitait.

Le Président (M. Séguin): M. Morin (Sauvé)?

M. Morin: En faveur.

Le Président (M. Séguin): M. Bédard (Montmorency).

M. Bédard (Montmorency): Contre.

Le Président (M. Séguin): M. Cournoyer (Robert-Baldwin).

M. Coumoyer: Contre.

Le Président (M. Séguin): M. Déziel (Saint-François).

M. Déziel: Contre.

Le Président (M. Séguin): M. Harvey (Charlesbourg).

M. Harvey (Charlesbourg): Contre.

Le Président (M. Séguin): M. Lachance (Mille-Iles).

M. Lachance: Contre.

Le Président (M. Séguin): M. Lecours (Frontenac).

M. Lecours: Contre.

Le Président (M. Séguin): M. Malépart (Sainte-Marie).

M. Malépart: Contre.

Le Président (M. Séguin): M. Roy (Beauce-Sud). M. Verreault (Shefford).

Deux en faveur, neuf contre. Le sous-amendement est donc rejeté. A la motion principale, article 2, remplacer cet article par les suivants. Vous en avez copie, je présume, messieurs. Cela a été distribué vendredi.

M. Burns: M. le Président, je n'ai pas parlé encore sur l'article 2, bien que vous pensiez que j'ai parlé sur l'article 2.

Le Présidant (M. Séguin): Mais j'ai un amendement.

M. Burns: C'est ça.

La Présidant (M. Séguin): Alors, parlez-en.

M. Burns: Je n'ai pas parlé sur l'amendement.

La Président (M. Séguin): Vous demandez la parole là-dessus?

M. Burns: Oui.

M. Morin: Sur l'article 2.

Le Président (M. Séguin): Sur l'article même?

M. Morin: Oui.

Le Président (M. Séguin): II est remplacé par celui-ci.

M. Burns: C'est pour ça que je le considère comme l'article 2, parce que c'est l'amendement proposé par le ministre à toutes fins pratiques, il remplace.

Le Président (M. Séguin): C'est ça.

M. Burns: On peut techniquement dire que c'est un amendement. Mais, à toutes fins pratiques, quand c'est le ministre qui est parrain du projet de loi qui nous propose un amendement, moi je le considère comme l'article. D'accord?

Le Président (M. Séguin): C'est indiqué bel et bien, remplacer cet article 2 par les suivants.

M. Burns: C'est ça, nous nous comprenons, M. le Président.

Le Président (M. Séguin): Alors, nous parlons de l'article 2.

M. Burns: C'est ça.

Le Président (M. Séguin): C'est ça.

M. Burns: Là-dessus, je n'ai pas exprimé mon droit de parole.

M. Cournoyer: Sur l'article 2? M. Burns: Sur l'article 2. M. Cournoyer: C'est bien.

M. Burns: Là il n'y a plus d'amendement sur la table sauf le vôtre...

M. Cournoyer: Vous avez totalement raison.

M. Burns:... qui, à toutes fins pratiques, à mes yeux équivaut à l'article nouveau que vous proposez.

Le Président (M. Séguin): C'est ça.

M. Cournoyer: II est proposé. C'est cela. Vous retournez à la motion principale en fait.

M. Burns: Bon. Je peux vous dire, M. le Président, au départ que j'aurai une motion, mais ce n'est pas une motion d'amendement. D'accord? Il faut s'entendre. Donc, je vous annonce que nous n'avons plus d'amendement à proposer. Le rapporteur pourra marquer que le filibuster est fini à compter de maintenant, si ça fait son affaire.

M. Bédard (Montmorency): Ah! non, je ne suis pas prêt à dire ça. Je ne suis pas prêt à dire qu'il est fini.

M. Burns: Si ça fait son affaire, il pourra marquer que le député de Maisonneuve, à dix heures moins cinq presque, a déclaré qu'il n'y avait plus de 'filibuster ...

M. Lachance: Chez nous, c'est à moins sept.

M. Burns:... contrairement à ce que pensait le député de Mille-Iles. Cependant...

M. Lachance: Je ne suis pas encore convaincu.

M. Burns: ... sans revenir sur tous et chacun des arguments, je suis obligé de revenir sur l'article I, qui, malheureusement, peut-être a été perdu dans cet écheveau d'arguments, pas inutiles, à mon avis, je pense qu'ils ont été de part et d'autre examinés, scrutés. Nous ne sommes pas satisfaits des réponses que le ministre de la Justice nous a données, mais peut-être que le ministre va se coucher en paix ce soir et qu'il va dire: Je ne pourrai jamais satisfaire l'Opposition. C'est possible.

M. Choquette: ...

M. Burns: Peut-être que nous sommes des

gens qui sont difficilement satisfaits par des arguments, ça c'est aussi possible. Mais, dans tout ça, j'ai, cet après-midi, très brièvement touché à l'aspect que la commission Cliche, à mon avis, proposait la présomption en question, qui paraît à la recommandation no 53, dans un cadre particulier. Il me semble que ce cadre n'est pas respecté par le projet de loi.

Il me semble même, au contraire, comme on en a fait le reproche sur l'ensemble des projets de loi qui actuellement sont soumis à l'attention de l'Assemblée nationale — cela vaut pour les nos 29 et 30, et cela vaut aussi pour les nos 27 et 28, je pense — c'est, à notre avis, une sélection d'un certain nombre de recommandations; il y en a 134, tout le monde admet ce chiffre. Malheureusement, c'est une sélection qui a le caractère, je dirais, de provoquer certaines réactions qui ne sont pas, à mon avis, de nature à améliorer l'atmosphère des relations de travail dans l'industrie de la construction.

Cela, c'est la critique générale que nous avons faite à l'endroit des projets de loi nos 29 et 30. Mais on peut la faire cette critique à l'endroit particulièrement de l'article 2 dans le projet de loi no 30.

Je vous ai cité des extraits des pages. J'inviterais en particulier les deux ministres qui participent à nos travaux, le ministre de la Justice et le ministre du Travail, ainsi que les autres collègues ministériels à lire les pages 263 à 279 inclusivement du rapport Cliche. Il semble qu'on ait fait du rapport Cliche notre bible depuis le début, pour autant que cela fasse notre affaire.

Je suis sûr qu'à un moment ou un autre de nos débats on tentera de demander au gouvernement d'appliquer certaines recommandations de la commission Cliche et qu'on nous répondra, de l'autre côté: Vous savez, la commission Cliche, il ne faut pas la prendre au pied de la lettre. Il ne faut pas appliquer verbatim tout ce qui est écrit dans le rapport de la commission Cliche. Si jamais on me répond cela du côté ministériel, je vais avoir tendance à dire: Vous avez parfaitement raison. Vous avez raison, parce qu'il faut absolument envisager le rapport Cliche comme — je le dis sans vouloir augmenter ni diminuer la valeur du rapport Cliche — une oeuvre globale.

Particulièrement au chapitre des recours que nous discutons actuellement à l'intérieur de l'article 2, je pense qu'on néglige très sérieusement les recommandations nos 51 et 52 qui précèdent la recommandation no 53. Avec votre permission, M. le Président, je vais me payer le luxe de vous lire à nouveau la recommandation no 53 et la recommandation no 52. Je pense qu'il est important de situer dans quel cadre la commission Cliche envisageait la présomption qu'on se propose d'adopter à l'article 2.

La recommandation no 51 dit: "En conséquence, la commission recommande: Le regroupement, sous la juridiction d'une instance spécialisée, appelée Tribunal de la construction, étant une division du Tribunal du travail, de toutes les plaintes pénales". On énumère les plaintes: "infractions à la loi 290", etc. "52.- L'organisation définitive, par le ministère de la Justice, d'une Direction générale exclusivement chargée d'instituer ces poursuites et d'en assurer une audition rapide par le Tribunal de la construction".

La recommandation no 53 arrive immédiatement après ces deux: "L'institution dans la loi 290 de présomptions de culpabilité à rencontre: a) des employeurs accusés de discrimination dans l'embauche ou le congédiement d'employés pénalisés pour avoir adhéré à une centrale plutôt qu'à une autre" Soit dit en passant, cela existe déjà, en principe, dans les lois qui nous régissent en matière de travail. L'aspect nouveau, paragraphe b): "de travailleurs ou officiers syndicaux accusés d'avoir organisé des arrêts ou des ralentissements de travail illégaux".

J'ai peut-être tort, M. le Président, ou le côté ministériel a peut-être tort. Je l'ignore. J'ai eu beau lire et relire les pages — je vous les ai citées — 263 à 279, j'ai l'impression, en tout cas c'est l'impression qui se dégage chez moi, que la commission envisageait toutes les recommandation nos 51 à 65 inclusivement comme faisant partie d'un tout sur les recours. J'ai peut-être tort ou j'ai peut-être raison, mais je considère que le fait d'extraire une recommandation de ces recommandations nos 51 à 65 constitue une erreur grave à l'endroit de la pensée qui présidait à la rédaction de ces recommandations nos 51 à 65.

Pour savoir véritablement si j'ai tort ou si j'ai raison, M. le Président, il me semble que la meilleure façon serait d'inviter les commissaires de la commission Cliche, MM. Cliche, Chevrette et Mulroney, à venir, sur ce point précis... Je fais bien la distinction, M. le Président. Il y a déjà eu une motion, faite par le député de Johnson, mais qui était beaucoup plus globale que celle-là. Je restreins énormément la portée de la mienne.

Même si j'ai entierementièrement appuyé la motion du député de Johnson, ce n'est pas du tout la même motion, de sorte que je veux que ce soit clair au point de vue de la procédure que cette motion-ci, que je m'apprête à faire, se dissocie de celle qui a été faite...

M. Bellemare (Johnson): Ce n'est pas sur la même loi.

M. Burns: Non, ce n'est pas du tout sur la même loi, d'ailleurs. Le député de Johnson me fait remarquer à bon droit, très sagement d'ailleurs, que la motion qui avait été faite par lui était relative au bill 29. Ici je ne veux pas, M. le Président, qu'on élargisse la discussion. Ce n'est pas que je n'aurais pas aimé le faire avant qu'on discute des projets de loi nos 29 ou 30, il en a été décidé autrement par la majorité, mais au moins sur ce point important, à mon avis, crucial pour — encore une fois, je m'excuse de me répéter, mais on ne le dira jamais assez souvent — les relations de travail dans le domaine de la construction, je pense que c'est essentiel qu'on clarifie ce que la commission Cliche a voulu faire comme recommandation.

La commission Cliche, en somme, si elle était ici, je lui poserais cette question: Avez-vous envi-

sage votre recommandation no 53 comme pouvant faire partie d'une réforme autonome sans que les recommandations 51, 52, 54, jusqu'à 65 soient mises en application?

J'ai tendance à croire que la commission me dirait non, étant donné la façon dont j'ai lu son rapport, mais encore une fois je n'ai pas le monopole de l'intelligence, donc je risque fort bien de ne pas comprendre le rapport Cliche dans ce chapitre-là comme les commissaires l'ont envisagé.

Comme député de l'Opposition, ce serait la meilleure façon de m'assurer que je le comprends bien ou qu'encore je l'ai mal compris, et à ce moment-là je dirai: D'accord, ça va, on va tenir pour acquis que la commission Cliche a plus d'expérience, a examiné les faits de plus près que moi, et je pourrai lui poser d'autres questions sur cette présomption, sur cet article 2. De sorte que je vous propose, M. le Président, et vraiment je le dis bien sincèrement, dans le but qu'on ne se mette pas les pieds dans les plats relativement à cette extraction unique, autonome qu'on fait d'une recommandation du chapitre des recours prévus au rapport Cliche, qu'avant d'adopter l'article 2, les commissaires Cliche, Chevrette et Mulroney soient invités à témoigner devant cette commission relativement à leur recommandation no 53. Je vous dis tout de suite, que je n'ai pas l'intention par cette motion — et je vous le dis à vous, M. le Président, principalement, vous me rappellerez à l'ordre si jamais vous vous rendez compte que dans les faits, ma motion étant adoptée, je fais indirectement ce que directement je n'ai pas le droit de faire — je n'ai pas du tout l'intention, dis-je, de questionner les commissaires de la commission Cliche sur l'ensemble de leur rapport. Il y aura probablement, si jamais le ministre du Travail donne suite à la promesse qu'il a faite, en particulier à la FTQ et aux députés de l'Opposition, à l'Assemblée nationale, des occasions pour examiner l'ensemble du rapport en dehors du cadre des lois que nous examinons actuellement.

Mais sur ce point majeur, important, à mon avis, il serait essentiel de savoir de la commission Cliche si la présomption envisagée à la recommandation 53 de son rapport était considérée comme une chose qui pouvait exister en soi sans que ce qui est mis autour puisse être un élément important de réforme.

Je vous avoue que connaissant justement le juge Cliche, connaissant M. Chevrette et Me Mulroney, connaissant l'intérêt et l'aspect de recherche qu'ils ont mis dans ce phénomène qui s'appelle la présomption, je suis convaincu qu'ils n'ont pas fait cette recommandation à la légère.

Encore une fois, on n'a pas besoin d'être d'accord sur toutes les recommandations de la commission Cliche pour dire que le rapport Cliche a une certaine valeur. Mais connaissant cet intérêt que les commissaires ont, je suis convaincu qu'ils n'ont pas pu faire cette recommandation de façon autonome sans qu'il y ait dans leur esprit une réforme globale, du moins quant au recours. Et, pour moi, il me semble que le prérequis était la formation d'un tribunal spécialisé, le tribunal de la construction. Si j'ai tort à ce moment-là, je dirai: D'accord, j'ai tort, et là je demanderai cependant aux commissaires des explications sur la possibilité qu'ils envisagent qu'une telle mesure puisse être bénéfique pour l'industrie de la construction, particulièrement pour le domaine des relations patronales-ouvrières.

J'apprends, comme tout le monde, que le juge Cliche doit revenir bientôt. Il est revenu? Bon, alors c'est encore mieux. J'apprends immédiatement que le juge Cliche est revenu, que le juge Cliche également se déclarerait prêt à expliciter certaines parties de son rapport. Je ne lui demande pas de nous récrire un rapport, je lui demande tout simplement, à lui et à ses deux collègues, de venir nous expliquer dans quel contexte il envisage la mise en application de la recommandation 53 et, en particulier, de la recommandation 53 b).

C'est ce pourquoi, M. le Président, je fais cette motion, et j'espère qu'avant l'adoption de cet article 2, on mette au moins de notre côté toutes les chances de succès de ces amendements. Qu'on ne prenne pas le risque de créer un problème plus grave que celui qu'on veut créer. Qu'on n'essaie pas, à toutes fins pratiques, de jeter la maison à terre parce que le toit est peut-être chambranlant. Il y a peut-être des choses, non seulement il y a peut-être, il y a sûrement de très bonnes choses dans le rapport Cliche; je verrais très mal qu'on prenne ici et là des recommandations de façon individuelle, sans envisager le problème global. On en a un actuellement qui peut être traité rapidement; cela ne peut pas prendre des journées entières, des semaines entières à discuter de la recommandation 53.

Il y a juste à examiner si, dans leur esprit, cela faisait partie d'un tout, ces recours, et si la présomption s'insérait dans ce tout. C'est ce pourquoi, M. le Président, je fais cette motion.

Le Président (M. Séguin): Est-ce qu'il y a d'autres personnes qui veulent parler de la recevabilité ou non-recevabilité de la motion? En ce qui me concerne, je suis prêt à rendre ma décision immédiatement. Je la considère comme recevable.

M. Bellemare (Johnson): Alors, M. le Président...

Le Président (M. Séguin): Alors, vous parlez non pas sur la recevabilité de la motion.

M. Bellemare (Johnson): Non, si vous l'avez acceptée.

Le Président (M. Séguin): C'est cela.

M. Bellemare (Johnson): Alors, M. le Président, je parle sur la motion?

Le Président (M. Séguin): C est cela.

M. Bellemare (Johnson): Je n'ai pas besoin

de répéter les arguments que j'ai employés tout à l'heure, quelques minutes avant l'adoption. Je regrette de ne pas avoir été ici pour le vote, M. le Président, parce que j'aurais voté en faveur de la motion. Je me...

M. Burns: ... M. le Président?

M. Bellemare (Johnson): Oui, monsieur, j'aurais voté en faveur de la motion. Mais j'étais pris ailleurs avec une autre question d'urgence. Je suis obligé d'en régler plusieurs dans la même journée, on est rien qu'un. Alors, M. le Président, j'aurais voté sûrement en faveur de la motion. Non, pas le congrès, quelque chose de plus dangereux que cela pour vous.

Le Président (M. Séguin): Pour moi?

M. Bellemare (Johnson): Pour le parti. M. le Président, je voudrais donc répéter les mêmes arguments que j'ai employés tout à l'heure. Je saisis mal que la commission, après de longues études, en vienne à une conséquence et, en conséquence, elle décide de faire une recommandation sage. Elle dit, M. le Président, que le regroupement est nécessaire sous la juridiction d'une instance spécialisée qui s'appellerait le tribunal de la construction, et elle trouve le nom. Elle trouve le nom et elle dit: Cela devrait être cela.

Est-ce que la commission Cliche, à ce moment-là, dit: Ce sera le tribunal des instances ordinaires? Non, elle n'a pas pris cette option. Elle n'a pas dit: Ce seront les cours de justice ordinaires qui, en vertu de notre code du travail, jugent, en vertu de 53 et des autres articles dans le code du travail, tous les manquements à la loi. Les commissaires ont dit, non. Ils ont dit: On va faire un regroupement et cela va s'appeler — on vous le recommande — le tribunal de la construction et, à partir de là, ce sera certainement une division du tribunal du travail.

M. le Président, est-ce que ça ne peut pas être plus clair; pour le ministre et pour tout le monde? La commission étudie tout le problème, toutes les relations du travail, toutes les pressions qui se font, toutes les intrigues qui se créent, dans le domaine de la construction, puis, après avoir vu tout ce tralala, les commissaires disent: Maintenant, on va rendre une décision opportune. On va dire au gouvernement: Premièrement, on vous recommande une instance spécialisée appelée le tribunal de la construction. Ils le trouvent, le nom, et ils disent que cela s'appellera le tribunal de la construction, puis ce sera une division du tribunal du travail.

Ils ont même placé l'instance au tribunal du travail, comme lieu de départ. Est-ce que ces gens l'ont fait exprès ou bien si ce n'est que pour rire du monde? Est-ce que c'est seulement pour narguer le ministre de ne pas y avoir pensé? Est-ce que c'est seulement pour narguer le ministre du Travail de ne pas y avoir pensé avant? Bien non, jamais. Ils ont été, eux, désignés par le gouvernement pour faire la suggestion. La suggestion qu'ils font, c'est qu'ils recommandent au ministère l'établissement d'un tribunal de la construction qui doit émaner, bien sûr, de la division du tribunal du travail.

Pour cela, deuxième phase de leurs recommandations, ils disent au ministre de la Justice: Bien plus que cela: vous, le ministre de la Justice, vous allez établir une direction générale, exclusivement chargée d'instituer ces poursuites.

Ces poursuites où? Devant les tribunaux de droit commun ou en vertu du code du travail devant le tribunal ordinaire? Non, devant le tribunal de la construction.

M. Bédard (Montmorency): La motion.

M. Bellemare (Johnson): La motion, c'est de faire venir les membres de la commission. Je demande au député de me laisser la paix. M. le Président, il commence à se faire tard, puis je ne voudrais pas manquer de patience.

M. Bédard (Montmorency): Question de règlement, M. le Président. J'ai demandé au député de Johnson de revenir à la motion, parce que la motion parle de l'article 53 et non pas des articles 51 et 52. Je comprends qu'il est tard. J'ai la parole, M. le Président...

M. Bellemare (Johnson): M. le Président, le député n'a pas le droit...

M. Bédard (Montmorency): ... sur la question de règlement. J'ai demandé au député de Johnson de revenir à l'article 53.

M. Bellemare (Johnson): Ce n'est pas vous qui allez me faire revenir à l'article 53.

M. Bédard (Montmorency): Je demande au président de faire revenir le député de Johnson à l'article 53.

M. Bellemare (Johnson): M. le Président, je dis que je suis dans l'ordre, parce que j'ai entendu mon collègue de Maisonneuve qui a fait exactement les mêmes raisonnements que je fais présentement pour en arriver à l'article 53. Cela fait mal, par exemple. Cela, par exemple ça fait mal, quand on met le doigt sur le bobo et qu'on dit que vous avez choisi délibérément les articles qui font votre affaire. Le juge Cliche va probablement le déclarer "ad sum" prochainement, il va le dire.

M. Bédard (Montmorency): Atchoume.

Le Président (M. Déziel): M. le député de Johnson, j'aimerais vous souligner que le député de Maisonneuve, tout à l'heure, a décidé de parler sur la motion qui dit ceci: Qu'avant d'adopter l'article 2 les commissaires Cliche, Chevrette et Mulroney soient invités à témoigner devant cette commission relativement à leur recommandation à 53. Je vous demanderais de parler sur l'article 53.

M. Bédard (Montmorency): Qu'on respecte l'autorité, cela va bien aller.

M. Bellemare (Johnson): M. le Président, si la commission Cliche était invitée à venir témoigner devant nous, sur l'article 53, je demanderais aux commissaires pourquoi ils ont, dans leur rapport, demandé le regroupement de toutes les plaintes pénales sous la juridiction d'une instance spécialisée appelée tribunal de la construction. Si les commissaires Cliche, Chevrette et Mulroney étaient devant moi, je leur demanderais si c'est vrai qu'ils ont pensé d'établir une direction générale dans la recommandation 52, pour que le ministre de la Justice puisse exclusivement charger quelqu'un d'instituer des procédures et d'en assurer une audition rapide par le tribunal.

M. Choquette: Est-ce que le député de Johnson me permettrait une interruption? C'est simplement pour dire que j'approuve entièrement la recommandation 52, sans réserve. D'ailleurs, il y a une recommandation identique dans le livre blanc publié récemment par le ministère de la Justice, c'est-à-dire qu'on a un organisme, à l'intérieur du ministère, une direction générale chargée justement de s'occuper de ces poursuites pénales ou statutaires.

Donc, le député de Johnson peut être sûr que de ce côté-ci de la table nous approuvons entièrement cette suggestion qu'il semble adopter lui-même. Quant au tribunal de la construction, là, je ne suis pas convaincu que la commission ait raison.

M. Bellemare (Johnson): Bon. C'est un point de plus pour faire dire à la commission qui sera devant nous si, vrai ou faux, elle veut un tribunal de la construction et pourquoi elle a choisi un tribunal de la construction émanant d'une division du tribunal du travail. Là, on aurait l'occasion de le dire avant de statuer sur la présomption de culpabilité contenue à l'article 53 et particulièrement à l'article 53-b). Cela rendrait service au législateur. La pensée même de la commission Cliche devant nous pourrait être étayée de manière concrète et bien précise. Cela nous donnerait peut-être la facilité, à nous, de mieux comprendre pourquoi elle veut avoir un tribunal appelé le tribunal de la construction.

C'est une motion que j'ai faite sur l'autre bill, le no 29, quand il s'est agi de la tutelle. J'aurais aimé, là aussi, pouvoir poser certaines questions. Quant à la motion qui est faite présentement, je pense personnellement qu'avant d'établir une présomption de culpabilité, la commission Cliche n'aurait pas donné le recours aux tribunaux ordinaires, mais parce qu'elle établit, elle, dans ses recommandations, un tribunal de la construction, ce serait plus facile, plus aisé, plus rapide aussi dans les décisions et elle séparerait cela complètement des autres tribunaux qui, actuellement, jugent les infractions.

Je suis parfaitement d'accord parce que la commission Cliche n'a pas pu inventer cela seule. Cette recommandation n'est pas venue comme par miracle. La commission a longuement réfléchi; elle a surtout lu le rapport volumineux que le ministre ne veut pas nous remettre sur les statistiques des nombreuses causes qui ont été perdues devant les tribunaux ou des causes qui ont été reconduites. Elle dit: Ce n'est pas bon. Devant les tribunaux ordinaires, ce n'est pas bon, il va falloir qu'on pense à autre chose. Ces hommes, qui ont eu le mérite de travailler intensément pour rétablir l'ordre et la paix dans les relations patronales-ouvrières, disent: On a une suggestion heureuse. Si le tribunal du travail, que personne ne voulait en I968... Tout le monde était contre le tribunal du travail, surtout... J'allais nommer quelqu'un que je vois pas loin de moi et qui a participé à la rédaction de cette loi du code du travail, lorsqu'on a fait les amendements quant aux commissaires enquêteurs et au tribunal du travail, qui a travaillé énormément. On est venu à bout de persuader toute la Chambre d'adopter ce tribunal du travail et combien cela a-t-il rendu service dans les relations patronales-ouvrières quant à l'accréditation, quant au procédé de grief, etc.

La décision que rend un enquêteur est supervisée par un commissaire enquêteur et si ça ne rejoint pas l'assentiment général, on peut aller devant le tribunal du travail. Le tribunal du travail, aujourd'hui, remplit une mission merveilleuse dans un domaine qui lui est bien exclusif, alors que c'était, devant les tribunaux ordinaires, une farce monumentale.

M. Choquette: Ce n'était pas devant les tribunaux ordinaires, c'était devant la commission des relations...

M. Bellemare (Johnson): La CRT.

M. Choquette: Ce n'est pas la même chose, ce ne sont pas les tribunaux ordinaires, cela. Là, vous dénaturez la situation qui existait a ce moment-là.

M. Bellemare (Johnson): Je ne la dénature pas...

M. Choquette: La commission des relations de travail...

M. Bellemare (Johnson): ... je prends les faits tels qu'ils sont. La CRT rendait des décisions judiciaires. Elle rendait presque des décisions judiciaires et tout le monde ne voulait pas que ce soit changé.

On a établi à ce moment le tribunal du travail. Comme alors, le ministre essaie de trouver des arguments pour que l'on n'ait pas un tribunal de la construction. Je lui dis qu'avant longtemps, malgré lui, il en imposera un tribunal de la construction dans le domaine des relations patronales-ouvrières. Malgré lui, cela viendra. Et vous le verrez encore bien plus vite que ne le pense le ministre. La commission Cliche est le résumé de toute une synthèse de bon sens, de choses absolument logiques qui se tiennent l'une l'autre. Mais si on en prend seulement une au milieu et qu'on dise:

Celle-là fait notre affaire et l'autre, le tribunal de la construction, ne fait pas notre affaire, eh bien je ne vois pas comment les commissaires peuvent recommander l'institution de la présomption de culpabilité dans l'article 53.

C'est devant la commission, devant ces hommes qui ont pensé à un regroupement, à l'organisation d'un tribunal de la construction qu'on pourrait dire les objections que vous avez et l'approbation que j'ai personnellement de cela. Je pense que ce n'est pas si difficile que cela de faire venir ces hommes. Ils sont sûrement très bien disposés à venir devant une commission parlementaire, particulièrement pour venir nous dire: Bien, messieurs, nous allons éclairer le législateur. D'ailleurs M. le commissaire Chevrette dit: Le gouvernement se sert de ce qui fait son affaire. Le commissaire s'est ouvert pas mal. M. Cliche a dit, à son arrivée: Ecoutez, nous allons probablement faire une déclaration publique très prochainement. Cela dépasse ce que le premier ministre disait l'autre jour: Le juge Cliche n'a plus rien à dire; tout ce qu'il avait à dire, il l'a écrit. Je pense bien que, d'ici quelques jours, on peut avoir une déclaration du juge Cliche qui fasse peut-être mal à quelqu'un. En tout cas, je ne suis pas prophète de malheur, je ne suis pas M. le juge Cliche, mais je le laisse à sa responsabilité.

M. le Président, je dis que la motion que présente le député de Maisonneuve est parfaitement sensée et dans l'ordre. Que des hommes comme M. Cliche, M. Mulroney et M. Chevrette, qui ont travaillé intensément avec des comités d'action, avec des secrétariats et avec des compétences dignes du rapport qu'ils nous ont présenté, viennent nous éclairer, viennent à nous, les législateurs, nous parler, à la veille d'adopter une loi qui pourra causer bien des tergiversations dans le monde ouvrier et puis perturber peut-être l'ordre public. J'aimerais cela les entendre. Vous avez dit que vous seriez prêt à accepter presque 99% des recommandations; peut-être que cela est vrai. On a une occasion bien fortuite, dans la motion qui est faite, ce n'est pas une motion maligne, qu'on entende les membres de la commission Cliche nous dire pourquoi ils ont demandé un regroupement, pourquoi ils ont suggéré un tribunal de la construction, pourquoi ils ont dit qu'une direction générale au ministère de la Justice serait souhaitable pour s'occuper des poursuites, d'en assurer l'audition rapide et l'exécution rapide. Pourquoi, surtout, on a voulu changer l'économie de nos lois en matière de relations de travail et imposer une loi d'exception? Une loi d'exception, c'est le ministre qui l'a répété toute la journée, qu'il vote à regret. C'est contraire aux principes généraux. Il l'a dit, il l'a redit combien de fois.

M.le Président, pour éclairer la conscience du ministre et la nôtre, je pense que cela ne serait pas un péril d'inviter ces membres de la commission à venir nous dire juste un petit mot. Nous allons les questionner, comme le disait le député de Maisonneuve, simplement sur l'article 53. Pourquoi la présomption? Et pour l'article 51, pourquoi le regroupement? Ils vont nous dire si cela est vrai.

Puis on va leur poser la question: Est-ce que vous seriez d'avis d'imposer l'article 53, même s'il n'y a pas un tribunal de la construction, même s'il n'y a pas une direction générale au ministère de la Justice pour organiser les poursuites? On va leur demander cela. Je fais un pari avec le ministre. Si la commission dit: Ma recommandation 53 est attachée directement à la recommandation 51, au tribunal de la construction, que fera le ministre?

Une Voix: Cela ne peut pas être ça.

M. Bellemare (Johnson): Cela ne peut pas être cela? Attendez donc, laissez-les venir. Avez-vous peur qu'ils viennent?

M. Choquette: Non.

M. Bellemare (Johnson): Non. Pourquoi vous vous opposez?

M. Choquette: Non, non, j'ai dit que ça ne peut pas être ça.

M. Bellemare (Johnson): Pourquoi vous ne voulez pas qu'ils viennent?

M. Choquette: Non, mais c'est parce que vous nous opposez les recommandations 51 et 53.

M. Bellemare (Johnson): Parce qu'elles sont en ligne directe.

M. Choquette: Je comprends qu'elles sont dans le même chapitre.

M. Bellemare (Johnson): C'est la pensée des commissaires.

M. Choquette: Je comprends qu'elles sont dans le même chapitre à part cela.

M. Bellemare (Johnson): Oui, dans le même chapitre et surtout qu'elles font une suite directe.

M. Choquette: Je comprends...

M. Bellemare (Johnson): La présomption ne sera pas accordée devant les tribunaux ordinaires.

M. Choquette: Pourquoi pas?

M. Bellemare (Johnson): Ils vont nous le dire.

M. Choquette: Quelle différence cela fait?

M. Bellemare (Johnson): Pourquoi ont-ils décidé que cela ne devrait pas être ça?

M. Choquette: Mais ils n'ont pas dit ça.

M. Bellemare (Johnson): Ils n'ont pas dit ça, non, sous la juridiction d'une instance spécialisée.

M. Choquette: Ils ont dit ça, oui, mais ils n'ont

pas dit que la recommandation no 51 était nécessaire à la recommandation no 53.

M. Bellemare (Johnson): Voyons donc. M. Choquette: Mais non.

M. Bellemare (Johnson): Le ministre qui est habitué à faire l'analyse des textes...

M. Choquette: Non. Non. Je fais l'analyse.

M. Bellemare (Johnson): ... il sait bien que c'est corollaire l'un à l'autre, pour employer des termes scientifiques.

M. Choquette: Ils sont dans le même domaine, si on veut. Ils sont un peu dans le même secteur.

M. Bellemare (Johnson): Et dans la même idée.

M. Choquette: Dans la recommandation...

M. Bellemare (Johnson): Je ne pense pas que la commission Cliche ait erré quand elle a préconisé un tribunal de la construction.

M. Choquette: C'est votre opinion, peut-être que c'est la bonne, je n'ai pas dit le contraire. J'ai dit que je réfléchissais.

M. Bellemare (Johnson): Bon. Alors, si c'est la bonne, faites-la donc confirmer par la commission.

M. Choquette: Oui, mais écoutez, je n'ai pas besoin de demander à tout moment l'opinion de la commission Cliche sur la manière d'interpréter ses recommandations. Elle les a faites ses recommandations. Nous le savons ce que ses membres pensent. C'est marqué. Ils ont pondu ça, ç'a pris 600 pages.

M. Bellemare (Johnson): M. le Président, nous sommes seulement aux pages 279 et 280, nous ne sommes pas sur les 600 pages. Et nous avons devant...

M. Choquette: Pourquoi prendre ça... M. Boudreault: Lisez le rapport.

M. Choquette: ... de l'autre chapitre avant et l'autre chapitre après.

M. Bellemare (Johnson): M. le Président, il faut beaucoup de patience pour être dans l'Opposition, et j'espère que les membres du gouvernement vont comprendre ça.

M. Boudreault: Cela nous en prend énormément pour...

M. Choquette: Quand vous étiez au gouver- nement, vous étiez bien plus impatient que maintenant. J'ai souffert beaucoup de votre impatience dans ce temps. Je ne vous l'ai jamais dit, mais dans le temps...

M. Bellemare (Johnson): M. le Président...

M. Choquette: ... que vous nous meniez, vous vous rappelez quand vous faisiez des colères en Chambre...

M. Bellemare (Johnson): ... ce que dit présentement...

M. Choquette: ... nous nous cachions en dessous de nos pupitres.

M. Bellemare (Johnson): Je suis bien content de vous avoir fait peur, et de cette confession que fait ce soir l'honorable ministre devant tout le monde. Il devrait avoir aussi le ferme propos de ne plus recommencer, et ça c'est plus difficile pour le ministre. Parce que si c'était mal de mon temps, c'est un bien mauvais exemple que suit le ministre actuellement.

M. Choquette: ... pas.

M. Bellemare (Johnson): Est-ce que le ministre trouvait qu'il y avait de l'ordre dans ce temps?

M. Choquette: Oui.

M. Bellemare (Johnson): Oui. Dites-le fort.

M. Choquette: Un certain ordre.

M. Bellemare (Johnson): ... de l'ordre. Quand...

M. Choquette: Cela a amené à l'élection du 29 avril 1970.

M. Bellemare (Johnson): Quand j'étais ministre du Travail, je n'ai pas à justifier mes actes pendant cette période, d'autres l'ont fait pour moi. Les témoignages éloquents que j'ai reçus à l'occasion de mon départ du ministère du Travail sont inscrits encore en grosses lettres dans tous les journaux de la province. Et ce ne sont pas seulement les syndicalistes, le monde patronal, le monde industriel et ouvrier, tous à ce moment nous ont rendu justice en disant qu'on avait mis de l'ordre.

M. Choquette: Je vois que vous êtes capable de faire votre propre éloge. ... qualités. Cela n'enlève rien à ce que vous avez fait, non plus.

Le Président (M. Déziel): Un instant, s'il vous plaît. Je pense que présentement vous êtes hors du sujet. Si vous voulez, nous allons revenir à la motion du député de Maisonneuve.

M. Bellemare (Johnson): Alors, M. le Président, pour terminer, à la grande satisfaction des honorables messieurs d'en face, je dois dire que la motion est parfaitement sensée. Elle a un carac-

tère d'actualité, elle décrit d'une manière bien concrète notre pensée à connaître le bien-fondé de ces recommandations nos 51 et 52 pour arriver au no 53 qui est la présomption de culpabilité. Et je pense que c'est avec beaucoup de plaisir que je voterai pour que MM. Cliche, Chevrette et Mulro-ney soient invités à venir témoigner, particulièrement sur la recommandation no 53.

Le Président (M. Déziel): Est-ce que d'autres membres de cette commission voudraient s'exprimer sur la motion du député de Maisonneuve?

M. Bellemare (Johnson): Ce serait le temps, là.

M. Boudreault: Nous allons voter. ... assez forts.

Le Président (M. Déziel): Nous allons passer au vote.

M. Boudreault: On a tous le rapport.

M. Morin: Si le ministre n'a rien à dire, moi j'aurais quelques mots à ajouter. Je ne retiendrai même pas les recommandations nos 51 et 52 du rapport. La 53e recommandation suffit à elle seule à m'intriguer, et j'aimerais en savoir plus long sur les intentions réelles des commissaires en ce qui concerne la présomption de culpabilité.

Je remarque d'ailleurs deux choses.

Tout d'abord, les commissaires avaient entendu établir une sorte de quid pro quod dans la recommandation no 53, en ce sens que, s'ils établissent, dans le paragraphe b), une présomption à rencontre des officiers syndicaux et des travailleurs, ils en établissent également une, dans le paragraphe a), à rencontre des employeurs qui seraient accusés de discrimination.

M. le Président, on pourrait, je pense, avec profit, demander aux commissaires si le système de présomption prévu dans le projet de loi que nous avons sous les yeux, à l'article 2 et puis, si je ne m'abuse, à l'article 4, est exactement celui qu'ils avaient à l'esprit. Je ne suis pas sûr, à la lecture de l'article 4 notamment, que le système qu'on fait prévaloir dans le cas des employeurs constitue une véritable présomption, telle que celle qui est récommandée ici, dans le paragraphe a).

En second lieu, je pense qu'on peut se demander si, dans le paragraphe b), l'intention des commissaires n'a pas été de restreindre l'application de la présomption aux cas où des officiers syndicaux, des travailleurs ont organisé des arrêts ou des ralentissements de travail illégaux.

Si, comme j'ai lieu de le penser à la lecture du paragraphe b), ce à quoi pensait la commission, c'étaient les organisateurs de ralentissements de travail, cela rejoindrait l'argumentation que nous faisons valoir, depuis le début de la journée, a l'encontre du projet que le ministre nous a soumis vendredi.

M. le Président, je ne serai pas long, parce que je pense que mon collègue de Maisonneuve a fait valoir tous les arguments qui militent en faveur d'une convocation et d'une consultation des trois commissaires. J'aimerais seulement faire observer que le projet de loi me paraît dénaturer profondément le système de présomption proposé dans la recommandation no 53. Il serait intéressant de comparer le système que les commissaires avaient à l'esprit avec le système tel qu'il nous est proposé par le gouvernement où l'équivalence ne porte plus, en matière de présomption, entre, d'une part, l'organisation des ralentissements de travail et, d'autre part, le congédiement, mais dans le projet tel qu'il nous a été soumis, à l'article 2, l'équivalence veut être établie entre, d'une part, les ralentissements de travail et la participation aux ralentissements de travail et, d'autre part, le lock-out.

Je ne sais pas dans quelle mesure le ministre va prétendre que ce projet d'article 2 est tiré de la recommandation no 53. Je ne sais pas s'il oserait soutenir cela. Quand on prend connaissance du rapport Cliche et du projet du gouvernement, on dirait qu'on se trouve devant deux choses qui ont très peu à voir l'une avec l'autre, très peu à voir. C'est pourquoi, M. le Président, j'appuie la proposition du député de Maisonneuve à l'effet de convoquer devant cette commission, le plus tôt possible, les commissaires Cliche, Chevrette et Mulroney pour qu'ils puissent nous donner leur pensée exacte en ce qui concerne les présomptions qu'ils ont recommandées dans la recommandation no 53 de leur rapport.

Le Président (M. Séguin): Le ministre de la Justice.

M. Choquette: M. le Président, je voudrais simplement attirer l'attention du chef de l'Opposition et des honorables collègues de l'Opposition sur les dispositions de l'article 4 du projet de loi qui est actuellement à l'étude. Je sais que le chef de l'Opposition y a fait allusion, mais il ne semble pas avoir extrait de cet article 4 la substance, la pensée qui traduit la disposition no 53 a), de telle sorte que le gouvernement a adopté ou propose qu'on adopte l'ensemble de la recommandation no 53 et non pas seulement une partie de la recommandation no 53.

Cette recommandation 53 vise les travailleurs ou officiers syndicaux à l'égard desquels nous proposons qu'une présomption existe dorénavant ou à l'égard desquels nous proposons qu'il y ait un renversement du fardeau de la preuve. Nous avons fait de même en ce qui concerne la discrimination dans l'embauche ou le congédiement d'employés pénalisés pour avoir adhéré à une centrale plutôt qu'à une autre. C'est la raison pour laquelle, dans ce cas-là, pour justement donner effet à la recommandation 53 a) de la commission Cliche, le ministre du Travail a inscrit dans son projet de loi l'article 4, qui est une nouvelle rédaction de l'article 38, avec un renversement du fardeau de la preuve contre l'employeur.

M. Morin: Vous voulez parler du paragraphe

d'interprétation "est réputé intimider une personne, etc." Vous appelez cela un renversement, du fardeau de la preuve, M. le ministre?

M. Burns: C'est un article d'interprétation.

M. Choquette: Je pense que le chef de l'Opposition ne sait pas de quoi il parle.

M. Morin: Eh, eh, eh!

M. Burns: Vos conseillers juridiques sont-ils là...? Venez à l'aide

M. Choquette: Un instant, un instant. Vous n'allez pas interpeller mes conseillers juridiques; ils me conseillent, ils ne vous conseillent pas. Nous allons nous comprendre.

M. Burns: Je veux qu'il vous donnent une chance pour que vous ne fassiez pas de gaffe.

M. Choquette: Je n'en fais pas, de gaffe, ne vous inquiétez pas, je sais lire les textes.

M. Burns: Ce n'est pas une présomption, c'est un article d'interprétation, ça: "Est réputé..."

M. Choquette: "Le présent article n'a pas pour effet d'empêcher un employeur de ne pas embaucher, de mettre à pied, de congédier ou de déplacer un salarié pour un motif juste et suffisant dont la preuve lui incombe..."

M. Burns: C'est déjà dans la loi, cela.

M. Choquette: Quand même ce serait dans la loi... "Dont la preuve lui incombe", c'est-à-dire que le fardeau de la preuve est sur l'employeur dans les cas de congédiement ou de discrimination dans l'embauche d'un employé. Vous avez donc le même renversement du fardeau de la preuve. De toute façon, M....

M. Burns: Voulez-vous lire l'article 43, vous allez voir que ce n'est pas le même genre d'inversement du fardeau de la preuve.

M. Choquette: M. le Président, de toute façon, je considère que nous avons donné effet aux dispositions contenues à l'article 7...

M. Burns: Vous riez de nous.

M. Choquette: M. le Président, voulez-vous, s'il vous plaît, rappeler le député de Maisonneuve à l'ordre et le prier de ne pas m'interrompre constamment?

Le Président (M. Séguin): Je pense que ce serait dans l'ordre que vous continuiez et que le député de Maisonneuve attende son droit de réplique.

M. Burns: Vous avez raison, M. le Président.

M. Choquette: M. le Président, je considère donc, à la lumière du texte proposé de l'article 4 et du texte de l'article 2, que nous donnons effet à la recommandation no 53. Evidemment, le chef du parti de l'Union Nationale, je pense, Unité Québec...

M. Morin: Ne faites pas de politicaillerie.

M. Choquette: Je ne sais pas, là... le député de Johnson.

M. Bellemare (Johnson): Ne faites donc pas... Pourquoi ces sarcasmes?

M. Choquette: II n'y a pas de sarcasmes là-dedans.

M. Bellemare (Johnson): Pourquoi cette insulte que vous me faites pour rien?

M. Choquette: Non...

M. Bellemare (Johnson): Je ne vous ai pas jeté l'opprobre, pourquoi me faites-vous cela? Vous êtes bien plus gentilhomme que ça, voyons donc, M. le Président. Pourquoi ramener cela à des petites...

M. Choquette: Je ne veux pas blesser...

M. Bellemare (Johnson): C'est un grand bonhomme...

M. Morin: C'est parce qu'il ne sait trop que dire.

M. Choquette: M. le Président, je voudrais simplement dire au député de Johnson...

M. Bellemare (Johnson): De Johnson.

M. Choquette: Au député indépendant de Johnson.

M. Bellemare (Johnson): Non, pas indépendant.

M. Choquette: Qu'est-ce qu'il est, d'abord?

M. Bellemare (Johnson): Député de l'Union Nationale de Johnson.

M. Choquette: Bon, alors...

M. Bellemare (Johnson): Qu'avez-vous à rire de mon nom?

M. Choquette: Je n'ai pas ri, je n'ai pas ri.

M. Bellemare (Johnson): Essayez de faire des petites niaiseries.

M. Choquette: M. le Président, je n'ai pas ri.

M. Bellemare (Johnson): Je vais vous en sortir des bonnes.

M. Choquette: M. le Président... M. Bellemare (Johnson): Attendez. Le Président (M. Séguin): A l'ordre! M. Bellemare (Johnson): Cela allait bien.

M. Choquette: M. le Président, je voudrais dire à notre estimé collègue, le député de-Johnson...

M. Bellemare (Johnson): Bon, bon. M. Choquette: ...que...

M. Bellemare (Johnson): Vous avez repris votre souffle, vous avez retrouvé votre argument.

M. Choquette: ...oui...

M. Bellemare (Johson): J'espère, cela a pris du temps.

M. Choquette:... que les présomptions que la commission Cliche nous propose d'introduire dans les lois en vertu de l'article 53 ne sont pas liées d'une manière absolue à la création d'un tribunal de la construction. Le tribunal de la construction c'est peut-être une bonne idée. C'est peut-être une idée que le gouvernement adoptera après y avoir réfléchi, mais je ne vois pas comment on puisse affirmer sérieusement que des présomptions qui sont suggérées dans certaines lois à l'occasion de certaines activités spécifiques sont liées au fait qu'on envoie ça devant un tribunal ou un autre.

Je ne vois pas, M. le Président, comment même la commission Cliche pourrait dire que la recommandation 53 est nécessairement liée à la recommandation 51. D'autre part, je n'ai pas eu d'objection à dire au député de Johnson que je trouve que la recommandation 52 est excellente. Mais cela ne veut pas dire que la recommandation 53 est nécessairement liée à la recommandation 52 non plus.

Il est vrai que pour donner plus d'efficacité aux poursuites pénales devant les tribunaux où qu'ils soient, que ce soit le tribunal de la construction ou les tribunaux généraux, on peut et on doit, je pense, dire que la création d'une direction générale des poursuites pénales ou statutaires au ministère de la Justice est une bonne solution. Je pense qu'on peut le dire facilement. Mais l'un n'est pas nécessairement lié à l'autre.

Maintenant, j'attire l'attention du député de Johnson sur le fait qu'il n'y a pas que ces recommandations qui sont liées entre elles. Comme on l'a signalé en d'autres circonstances, il y a beaucoup d'autres recommandations dans ce rapport qui sont liées les unes avec les autres. Il faut bien commencer quelque part; le gouvernement a commencé quelque part. Mais ce n'est pas une raison de dire: Tant qu'on n'aura pas obtenu une opinion définitive sur toutes les conclusions, toutes les recommandations de la commission Cliche, ne légiférez pas. A ce moment-là, M. le Président, je pense qu'on se condamnerait à l'inaction pendant de longs mois alors qu'il y a un problème assez urgent qui nous attend.

Donc, M. le Président, je ne vois pas en quoi la motion du député de Maisonneuve serait vraiment utile pour faire avancer le débat ici. Ce n'est plus la commission Cliche qui a les responsabilités, c'est le Parlement et c'est le gouvernement qui ont les responsabilités à l'heure actuelle. Quand même les commissaires diraient ce qu'ils voudront maintenant, ils sont dessaisis de leur rapport à l'heure actuelle. Cela ne leur appartient plus, ils ne sont pas propriétaires de ce rapport; ce ne sont pas eux qui vont dire au Parlement, au législateur et au gouvernement: Faites ceci, ne faites pas cela et liez telle affaire à telle chose. Ce sont des citoyens comme d'autres maintenant; ils ont terminé leur fonction, qu'ils ont bien remplie d'ailleurs, je tiens à le dire. Mais, en fait, le gouvernement et le Parlement n'ont aucune obligation de se sentir liés par des opinions personnelles de la part des commissaires.

Le Président (M. Séguin): Etes-vous prêts à vous prononcer, messieurs, sur la motion d'amendement?

M. Burns: Non, M. le Président, juste une seconde.

Le Président (M. Séguin): Le député de Maisonneuve.

M. Burns: On a débordé la discussion, je pense, de ce que j'avais proposé. C'est sûr que la commission Cliche n'est plus saisie de son rapport; c'est sûr que la commission Cliche ne doit pas — et cela a toujours été notre thèse depuis le début — nous servir de bible à laquelle on fait un acte de foi aveugle. Ce n'est pas cela, un rapport de commission d'enquête. Un rapport de commission d'enquête c'est fait pour nous éclairer; par la suite, le Parlement doit exercer sa fonction législative, l'exercer de la façon la plus éclairée possible cependant.

Je vous dis, et c'est la base de ma motion, que nous avons l'impression que ce n'est pas dans le sens que la loi nous est présentée. En somme, la recommandation 53 de la commission Cliche a été trahie par la loi pour la simple et unique raison que la commission Cliche voyait cette mesure dans un cadre.

Maintenant, il ne faut pas s'énerver, M. le Président, avec le fait que la commission Cliche, à l'article 4, fasse une recommandation qui, à mon avis, sauf tout le respect que je suis censé avoir pour le ministre de la Justice, ne crée pas de présomption qui n'existait pas dans la loi. D'abord, disons que le paragraphe véritablement nouveau à l'article 4 — même si on n'est pas rendu là, M. le Président, le ministre vient d'en parler — c'est:

"Est réputé intimider une personne, celui qui, pour les fins ou raisons susdites, refuse de l'embaucher". C'est un cas d'interprétation, ce n'est pas une présomption.

Quant à la présomption, elle existe déjà dans la loi. Ce que la commission Cliche nous propose dans la recommandation 53, paragraphe a), se retrouve essentiellement aux dispositions de l'article 40, lu en conjonction avec l'article 43 de la loi actuelle. Si on veut les lire, l'article 40 dit: II est interdit à un employeur de refuser d'embaucher un salarié pour la seule raison que ce dernier ne lui a pas été présenté par l'entremise d'une association de salariés ou du bureau de placement de telle association.

Cela veut dire à peu près la même chose; en tous cas c'est peut-être là que la commission Cliche suggérait d'améliorer les textes. Cela veut dire à peu près la même chose que la recommandation 53 a).

Le fardeau de la preuve quant à cet employeur, c'est à l'article 43 qu'on le retrouve, qui est, mutatis mutandis, le fardeau de la preuve inversé qu'on retrouve aux articles 14 et suivants du code du travail.

On y lit tout simplement que si le salarié établit à la satisfaction de l'arbitre qu'il exerce un droit lui résultant du présent chapitre, il incombe à l'association de salariés — parce qu'il y a aussi des possibilités de discrimination, à l'article 39, d'associations de salariés contre des travailleurs — ou à l'employeur, suivant le cas, de prouver qu'il avait un motif juste et suffisant pour poser le geste dont le salarié se plaint. Je vous dis que, mutatis mutandis, c'est la même chose que ce qu'on retrouve à l'article 38, tel que suggéré dans le projet de loi. On ne nous amène rien, sauf qu'on précise ce qu'est une forme d'intimidation; sauf qu'on nous dit, soi-disant, pour faire un cadeau au côté syndical, qu'on va imposer un fardeau de la preuve inversé à un employeur, alors qu'il est déjà dans la loi.

La seule chose nouvelle qui paraît à la recommandation 53 qui n'est pas dans la loi des relations de travail dans l'industrie de la construction, dans le bill 290, c'est cette présomption qui paraît à l'article 53 b) concernant les travailleurs ou leurs officiers. C'est juste cela qu'il y a de nouveau. Je veux dire qu'essentiellement, il n'y a pas grand-chose de changé. C'est là-dessus uniquement, pas sur l'article 4, pas sur l'article 38 de la loi, pas sur l'article 43, pas sur l'article 40 qu'on aimerait entendre la commission Cliche. C'est sur le pourquoi de cette nouvelle présomption qui n'existe pas dans la loi, et qui est d'ailleurs beaucoup plus draconienne si vous me passez l'expression, que la présomption qu'on impose, si vous voulez, à l'endroit des employeurs ou encore des associations de salariés dans les cas de discrimination dans l'emploi.

C'est là-dessus qu'on demande à la commission Cliche de venir maintenant. Si vous ne voulez pas vous faire éclairer avant d'utiliser un des éléments des recommandations; si vous ne voulez pas avoir l'arrière-plan de la recommandation de la commission; si vous voulez piger au hasard, dans les recommandations de la commission Cliche, celles qui font votre affaire, allez-y. A ce moment-là, on risque d'être moins éclairé, on risque d'adopter des lois qui sont moins bonnes et on risque de faire ce qu'exactement la commission Cliche reproche à la législation actuelle, c'est-à-dire de ne pas avoir d'unité de pensée.

Là, ce qu'on va faire, c'est prendre un petit bout ici, puis un petit bout là, puis on va essayer de mettre tout cela ensemble puis on va s'imaginer qu'on bâtit un nouvel édifice, alors qu'on rafistole une vieille affaire, en prenant les côtés qui font notre affaire et en se demandant, dans un mois peut-être, si la maison va tenir le coup.

Si c'est ce que vous voulez, si c'est votre type de législation, si c'est comme cela que vous visez à améliorer le système de législation, qualifiée d'ailleurs par la commission Cliche... Ce n'est pas moi qui le dit, si vous lisez, à la page 269, ce que la commission dit des textes législatifs dans le domaine de la construction, vous allez trouver l'expression suivante: La piètre rédaction des textes législatifs.

Je pense que la commission Cliche nous indique qu'on ne doit surtout pas, dans ce domaine, prendre des pièces détachées, surtout dans un chapitre clair comme celui des recours. Si c'est ce que vous voulez, allez-y. A ce moment-là, on aura fait notre effort pour vous faire comprendre, puis vous viendrez à nouveau dans quelques mois nous dire: On s'est trompé encore une fois. Vous ne nous direz pas, remarquez, que vous vous êtes trompés. Vous allez simplement nous dire: Enfin, nous avons trouvé la solution au problème de la construction, comme vous nous l'avez dit pour le projet de loi 201, comme vous nous l'avez dit pour le projet de loi no I5, comme on nous l'a dit pour le bill 8, le bill 38, le bill 9, tous les projets de loi concernant la construction, qui soit dit en passant étaient tout à fait par hasard des projets de loi d'exception. Depuis ce temps, nous autres, on s'époumonne à vous dire que c'est un problème global, un habit sur mesure qui doit être fait en matière de relations patronales-ouvrières dans le domaine de la construction. Or, un habit sur mesure, quand tu mets une "patch" ici puis une "patch" là, cela ne fait pas un habit qui tombe mieux. Je ne le pense pas. Moi, je pense qu'à ce moment-là tu dis: Comment il mesure, le gars sur qui on va mettre un habit? C'est quoi, la largeur de ses épaules puis la longeur de ses bras? Puis on s'aperçoit que son habit aura toujours une manche...

M. Cournoyer: C'est préférable de mettre ses souliers avant de mettre ses culottes ou bien donc après?

M. Burns: ...plus courte que l'autre, que le gars se sentait donc mal là-dedans, parce qu'il avait une poche dans le dos, puis une poche dans le ventre, puis une poche un peu partout.

Nous autres, en tout cas, la solution qu'on vous propose, c'est, au moins, si vous faites cela partie par partie, de demander l'avis d'un tailleur

qui a pris les mesures du gars avant. Ce n'est que cela qu'on vous demande de faire. Le tailleur, qui a pris les mesures du gars avant, entre autres, c'est la commission Cliche.

M. Coumoyer: Etes-vous sûr?

M. Burns: Quant au fait d'ajouter une poche gauche...

M. Cournoyer: A-t-il les bonnes mesures?

M. Burns: On va voir. S'il n'a pas pris les mesures, on va dire: D'accord, on va mettre cela entre les mains d'un autre tailleur.

M. Coumoyer: C'est cela.

M. Burns: C'est cela que je voudrais.

M. Cournoyer: Moi, je n'ai pas l'intention de mettre cela dans les mains d'un autre tailleur.

M. Burns: Vous reviendrez, M. le ministre.

M. Cournoyer: II s'agit de savoir si le tailleur, c'est nous ou si c'est la commission Cliche.

M. Burns: Bien oui.

M. Cournoyer: Elle a pris les mesures, la commission Cliche, et elle a fait des recommandations.

M. Burns: C'est cela.

M. Cournoyer: Ces recommandations...

M. Burns: Si, à un moment donné, vous ne comprenez pas...

M. Coumoyer: ... si vous étiez prêt...

M. Burns: ... le patron qui vous est présenté...

M. Coumoyer: C'est vous qui ne comprenez pas le patron; moi, je peux le comprendre à ma façon et vous pouvez le comprendre à votre façon.

M. Burns: D'accord. Justement, on est deux personnes qui s'apprêtent à faire un habit, nous autres, et on ne comprend pas le patron de la même façon. C'est peut-être qu'il faudrait rappeler le gars qui a pris les mesures et lui dire: Les mesures, est-ce qu'on les a bien comprises ou si on ne les a pas comprises comme il faut? C'est tout.

M. Bellemare (Johnson): Est-ce qu'on est à la mode ou si on n'est pas à la mode?

M. Burns: Est-ce qu'on est à la mode? Faut-il se mettre des pattes d'éléphant ou pas?

M. Morin: Des pattes d'éléphant, il y en a au ministère.

M. Cournoyer: C'est de savoir si on met ses souliers avant ou après avoir mis ses culottes.

Le Président (M. Séguin): Messieurs, la question se pose. Le texte proposé par le député de Maisonneuve se lit comme suit: Qu'avant d'adopter l'article 2, les commissaires Cliche, Chevrette et Mulroney soient invités à témoigner devant cette commission relativement à leur recommandation no 53. Pour ou contre la proposition? Le député de Johnson?

M. Bellemare (Johnson): En faveur.

Le Président (M. Séguin): M. Choquette (Outremont)?

M. Choquette: Contre.

Le Président (M. Séguin): M. Boudreault (Bourget)?

M. Boudreault: Contre.

Le Président (M. Séguin): M. Burns (Maisonneuve)?

M. Burns: En faveur.

Le Président (M. Séguin): M. Morin (Sauvé)?

M. Morin: En faveur.

Le Président (M. Séguin): M. Bédard (Montmorency)? M. Cournoyer (Robert-Baldwin)?

M. Cournoyer: Contre.

Le Président (M. Séguin): M. Déziel (Saint-François)? M. Harvey (Charlesbourg)?

M. Harvey (Charlesbourg): Contre.

Le Président (M. Séguin): M. Lachance (Mille-Iles)? M. Lecours (Frontenac)?

M. Lecours: Contre.

Le Président (M. Séguin): M. Malépart (Sainte-Marie)?

M. Malépart: Contre.

Le Président (M. Séguin): M. Roy (Beauce-Sud)? M. Verreault (Shefford)? Trois en faveur, six contre. La motion est rejetée. Article 2, adopté?

M. Burns: M. le Président, je veux juste dire ceci. Je n'ai plus d'amendement. Ne vous inquiétez pas, M. le ministre, je n'en ai plus.

M. Cournoyer: Une petite motion.

M. Burns: Non, je n'ai plus de motion sur l'article 2.

Le Président (M. Séguin): Le député de Maisonneuve, oui. Allez-y. Point de règlement.

M. Burns: Je veux juste dire, sur le texte qu'on s'apprête à adopter, qu'on va adopter, j'imagine, selon les votes différents qui ont été faits, que je pense avoir dit tout ce que j'avais à dire relativement à l'article 2. J'ai l'impression que le chef de l'Opposition a dit tout ce qu'il avait à dire là-dessus. Je ne veux pas parler en son nom et je ne veux pas parler au nom du député de Johnson, mais il me semble qu'on a vidé notre sac. Comme conclusion, j'ai nettement l'impression que vous commettez une grave erreur en adoptant cet article dans sa forme actuelle et sans les précautions qu'on vous a suggérées. On vous en a suggéré en moses des précautions aujourd'hui. On vous a, d'abord, demandé de mettre de côté la présomption et vous dites non.

Ensuite, on vous a demandé de la limiter quant à sa juridiction, au moins de ne pas l'appliquer aux salariés, et de la limiter dans le temps; vous avez encore dit non. On vous a dit: Avant de prendre la décision finale, voyez donc les gens qui vous font cette recommandation pour voir si c'est possible de l'appliquer, extraite de son contexte. Chaque fois, vous nous avez dit non. Je n'ai jamais entendu d'arguments valables, comme ceux que mes deux collègues de Johnson et de Sauvé, et moi-même, nous vous avons fournis. Je n'ai pas trouvé, du côté gouvernemental, de raisons positives, sinon une vague atmosphère qu'on trouve dans la construction, à l'appui d'un tel texte.

Je pense que le gouvernement s'apprête à faire une erreur et je m'en voudrais de ne pas le dire au moment où on va voter en faveur de l'article 2. On s'en reparlera, M. le ministre, dans quelque temps, si vous êtes encore ministre du Travail.

M. Cournoyer: Avec votre motion privilégiée, mais je veux juste mentionner une chose qui se passe actuellement, pendant qu'on est ici. Apparemment, cette préoccupation de l'Opposition de faire une bonne législation c'est arrangé par le ministre du Travail pour éviter que demain, étant donné que j'ai réglé cela probablement avec M. Laberge, les présomptions puissent servir si les gars s'en vont en grève. J'ai entendu cela à la radio, tantôt. C'est très édifiant, c'est le ministre du Travail qui arrange votre participation à cette recherche du côté de l'Opposition.

M. Burns: Ce n'est pas moi qui dis cela.

M. Cournoyer: Non, non, c'est à la radio qu'on annonce qu'effectivement, Cournoyer a fait un "deal" avec Laberge pour qu'on n'adopte pas la loi ce soir, de façon que la présomption ne serve pas demain.

M. Burns: Bon en tout cas, en ce qui concerne...

M. Cournoyer: Vous pourriez peut-être le noter parce que je sais que vous avez fait ça avec la meilleure bonne foi et qu'il n'était pas question de cela de votre côté, mais apparemment, moi j'ai organisé ça.

M. Morin: En rassurant le ministre, s'il fallait écouter toutes les élucubrations...

M. Burns: M. le ministre, qu'il soit dit publiquement qu'il n'y a pas eu d'entente là-dessus, ni quoi que ce soit.

M. Cournoyer: J'espère que c'est clair.

M. Burns: Comme vous l'avez dit, j'apprécie que vous le mentionniez. Nous avons fait...

M. Cournoyer: Votre devoir.

M. Burns: ...notre devoir pour tenter d'améliorer la loi. On n'a pas réussi, alors à ce moment...

M. Bellemare (Johnson): ...ce n'est pas un coup d'épingle qu'il reçoit, parce qu'il reçoit à la journée des coups de poignard.

M. Cournoyer: Celui-là en particulier.

Le Président (M. Séguin): Est-ce que l'article 2 sera adopté sur division ou voulez-vous un vote enregistré?

M. Burns: J'aimerais avoir un vote enregistré, M. le Président.

Le Président (M. Séguin): Un vote enregistré. M. Bellemare (Johnson)?

M. Bellemare (Johnson): Contre.

Le Président (M. Séguin): M. Choquette (Outremont)?

M. Choquette: Pour.

Le Président (M. Séguin): M. Boudreault (Bourget)?

M. Boudreault: En faveur.

Le Président (M. Séguin): M. Burns (Maisonneuve)?

M. Burns: Contre.

Le Président (M. Séguin): M. Morin (Sauvé) ?

M. Morin: Contre.

Le Président (M. Séguin): M. Bédard (Montmorency)? M. Cournoyer (Robert-Baldwin)?

M. Cournoyer: Pour.

Le Président (M. Séguin): M. Déziel (Saint-François)?

M. Déziel: Pour.

Le Président (M. Séguin): M. Harvey Charlesbourg)? M. Lachance (Mille-Iles)? M. Lecours (Frontenac)?

M. Lecours: Pour.

Le Président (M. Séguin): M. Malépart (Sainte-Marie)?

M. Malépart: Pour.

Le Président (M. Séguin): M. Roy (Beauce-Sud)? M. Verreault (Shefford)?

M. Burns: M. le ministre, est-ce que je peux poser... Excusez, M. le Président, vous n'avez pas fini le décompte.

Le Président (M. Séguin): Non, un instant là. C'est parce que j'emploie des symboles, il s'agit de compter mes symboles pour chaque voix.

Pour: 6 — Contre 3.

M. Burns: Cela diminue l'autre bord. A deux heures ils vont lâcher.

Le Président (M. Séguin): La motion est adoptée.

M. Burns: Est-ce que je peux poser une question justement, puisque je parle de deux heures, M. le Président? C'est une question incidente. Quelle est l'intention des ministres qui représentent le gouvernement et les ministériels, je présume, quant à la durée de notre séance de ce soir? Comme tout le monde le sait, on peut siéger de façon illimitée jusqu'à sept heures et quart demain matin.

M. Choquette: On n'est pas pour épuiser l'Opposition. Le ministre du Travail, d'autre part, a des engagements très précis et contraignants.

Je pense que le ministre du Travail aimerait qu'on aborde ce soir l'article pertinent aux délégués de chantier, si possible le faire adopter, je pense bien.

M. Cournoyer: C'est possible.

M. Choquette: En fait, il ne s'agit pas d'être au feu dans des affaires comme ça. On remettrait la séance à demain matin, on recommencerait à siéger à dix heures demain matin, si vous êtes d'accord.

M. Burns: D'accord.

M. Choquette: Et on continuera le projet de loi. Si ça vous satisfait comme programme.

M. Morin: Cela va.

Délégués de chantier

Le Président (M. Séguin): Si nous procédons de cette façon, alors j'appelle l'article 3, sous-article 3, si ma mémoire est fidèle.

M. Cournoyer: Mais, regardez, M. le Président, j ai incorporé, dans un projet d'amendement, les préoccupations que le chef de l'Opposition officielle nous avait mentionnées l'autre jour sur deux points en particulier, 3 b), et un autre sur l'un des sous-articles, je pense que c'est le sous-article 6 de l'article 3.

Le Président (M. Séguin): Est-ce qu'il est déposé?

M. Cournoyer: Non, je vais le déposer. Par ailleurs, j'ai incorporé aussi la préoccupation du député de Montmorency sur la question du vote majoritaire. Je vais distribuer ces amendements. J'ai peut-être fait un accroc assez considérable, mais je pense que je me dois d'interpréter le rapport Cliche, comme ça m'arrive quelquefois, quant à la portée qu'il a sur les délégués de chantier par rapport aux différents syndicats qui se partagent la représentation des syndicats à l'intérieur des associations représentatives.

L'amendement que je vous propose au texte de loi original tient compte du fait que les syndicats en particulier auraient droit à des délégués de chantier par tranches de sept et non pas les associations représentatives. Pas par tranches de sept, mais un minimum de sept personnes seraient appliquées au syndicat et non pas aux associations représentatives. Je vous propose ces modifications.

M. Morin: ... mais pas les associations représentatives.

M. Cournoyer: Cela veut dire qu'il faut être affilié à une association représentative, mais un syndicat affilié a droit à... J'ai donc introduit une définition du mot syndicat ou union, c'est dans l'article 32 m). Vous verrez la nouveauté ici, on définit syndicat ou union comme étant une union ou une association de salariés affiliée à une association représentative. Dans le texte original on parlait d'association représentative, ce qui est beaucoup plus englobant que le syndicat ou l'union. Et dans les textes qui suivent, nous utilisons plutôt l'expression "tout syndicat ou union " plutôt que "l'association représentative " qui rapproche un peu plus le délégué de chantier du corps de métier dans lequel il se trouve à agir habituellement.

Je sais que ça peut être un grand nombre de délégués de chantier par rapport au premier nombre, mais nous conservons la limitation de 50 qui avait été proposée par la commission Cliche — 57, si je comprends bien le député M. Bédard — pour un deuxième délégué de chantier, mais pour un même corps de métier.

Le Président (M. Séguin): Remplacer l'article 3 par le suivant. Et vous avez copie de la suggestion.

M. (tournoyer: Ils sont inclus.

Le Président (M. Séguin): Cela touche à tout l'article 3.

M. Burns: M. le Président, je peux peut-être faire une remarque générale concernant la grande majorité de l'article 3. Je sais que le chef de l'Opposition veut ajouter des remarques particulières relativement au paragraphe 32 r) de l'aticle 3; je me garderai de faire mes commentaires relativement au paragraphe 32 r).

Quant au reste, je peux vous livrer, au nom de l'Opposition officielle, notre satisfaction devant les amendements que vous avez acceptés de faire — je n'oserais pas dire de façon pompeuse — à notre demande, mais quand même ce soir, quand je vais me coucher, je vais dire: C'est quand même à notre demande, pour une fois, que nous avons quelque chose qui a été accepté.

Entre autres, nous trouvions, dans le projet original que le ministre avait déposé, relativement aux délégués de chantiers, la bizarrerie suivante qui, dans les faits, à notre avis, posait des problèmes d'applicabilité. C'était en particulier le fait que, sans distinction aucune, on nommait, par sept travailleurs, un délégué de chantier sans égard au fait que les sept travailleurs pouvaient être composés, disons, de cinq journaliers, d'un plombier, de deux électriciens, etc. Bon! en tout cas, prenez tous les exemples que vous voulez.

En pratique, comme tout le monde le sait, comme les premiers qui arrivent sur un chantier sont habituellement les journaliers, cela donnait à peu près comme résultat que la plupart des délégués de chantiers auraient été des journaliers et il y aurait eu, également, par la suite, d'autres bizarreries qui auraient pu se présenter. Par exemple, je vois mal qu'un groupe de neuf plombiers aient comme délégué de chantier un plâtrier qui aurait pu se retrouver leur délégué à cause de sa préséance sur le chantier et à cause de son élection dans la forme actuelle. Le grand avantage de l'amendement, c'est que, maintenant, on reconnaît le fait qu'à l'intérieur des associations représentatives, il y a des syndicats ou des unions qui, pour la plupart, ont des juridictions de métier. Je pense qu'il est beaucoup plus normal qu'un électricien soit délégué d'un groupe d'électriciens parce qu'il connaît davantage les problèmes du métier, etc.

Alors nous pensons que cet amendement est une amélioration nette. Egalement, le fait que le délégué de chantier doive être élu à la majorité des membres du syndicat ou de l'union déjà à l'emploi de l'employeur, je pense que cela améliore le texte.

Je m'attacherai également au fait qui, à mon avis, me semblait au départ, dans le texte original, ne pas être une préférence d'emploi à l'endroit du délégué de chantier. Le texte du départ nous disait que le délégué de chantier jouissait de la préfé- rence d'emploi sur son chantier à l'égard des travailleurs qui étaient embauchés après lui au point de vue durée. A toutes fins pratiques, ce qu'on faisait, ce n'était que reconnaître une certaine ancienneté au délégué de chantier alors que maintenant, le nouveau texte lui donne une préférence d'emploi. Je pense que les travailleurs qui votent en faveur d'un de leurs compagnons de travail comme délégué de chantier admettent d'avance que, peu importe son ancienneté, il sera normalement le dernier à quitter le chantier si, évidemment, les conditions des sept salariés, et s'il y a du travail dans son métier, sont existantes. Je pense que là-dessus, on a reconnu véritablement une préférence d'emploi et je pense que nous devons applaudir à cet amendement.

Finalement, la précision qui a été apportée à l'article 32 n), malgré le fait que toute convention collective ou tout décret relatif à la fonction de délégué de chantier devrait être réputé non écrit, permet quand même qu'un différend quant à l'application des paragraphes 2, 4, 5 et 6 de l'article 32 m) donne ouverture au recours prévu à la convention collective ou au décret nous satisfait. D'ailleurs, je pense que, sauf erreur, c'était textuellement la proposition que nous nous apprêtions à faire.

Alors, je pense que globalement, sous réserve des remarques que le chef de l'Opposition s'apprête à vous faire relativement à l'article 32 r), je me déclare, en ce qui me concerne et en ce qui concerne l'Opposition officielle, en accord avec l'article 3, des articles 32 m) à 32 q) inclusivement. Je laisse — si c'est votre désir, M. le Président, de lui céder la parole — le soin au chef de l'Opposition de vous faire ses commentaires relativement à l'article 32 m).

Le Président (M. Séguin): Je vous remercie tout d'abord et je lui cède immédiatement la parole. Pour ceux qui étaient de la séance de vendredi, nous avions adopté deux amendements suggérés par l'Opposition et j'ai tout simplement constaté que, réellement dans le nouveau texte proposé, ces deux motions déjà adoptées par la commission se trouvent intégralement comprises.

Je pense que vous l'avez dit, mais en passant beaucoup plus loin que j'ai pu le faire.

M. Burns: De Caïphe à Pilate.

Le Président (M. Séguin): C'était pour rassurer les membres de la commission que ce que vous aviez adopté vendredi, c'étaient ces deux points-là et nous les trouvons dans la proposition faite par le ministre du Travail, ce soir. La parole est au chef de l'Opposition officielle, le député de Sauvé.

M. Morin: M. le Président, je vais soulever, mais sous forme de question seulement, deux difficultés qui me paraissent surgir de l'article 32 r) qui définit la procédure de quo warranta, c'est-à-dire la procédure de destitution en cas d'usurpation de charge.

Lorsque s'applique l'inhabilité prévue à l'article 2 g) dont nous traiterons demain, on nous dit que cela donne ouverture — on dit donne lieu, mais cela doit vouloir dire donne ouverture — à "la procédure prévue à l'article 838 du code de procédure civile, c'est-à-dire à la procédure de quo warranto, à la suite d'une requête présentée par tout membre de l'association ou par le procureur général."

Les difficultés sont les suivantes. C'est surtout au ministre de la Justice que je m'adresse, puisqu'il a, parmi ses fonctions, la surveillance de l'application des lois, en particulier du code de procédure civile. S'il veut bien avec moi lire les articles qui suivent, au chapitre consacré au quo warranto, l'article 838 et en particulier l'article 840 qui nous dit que le jugement qui fait droit à la demande peut, en outre, condamner le défendeur à une amende n'excédant pas $500. Or, il y a déjà une amende prévue dans le projet de loi actuel pour toute personne qui commet une infraction à l'article 2 g) et c'est l'article 54 c) qui est ajouté à la législation existante par l'article 5 du projet actuel.

On nous dit que "toute personne qui contrevient à l'article 2 g) est passible d'une amende d'au moins $1,000 pour chaque jour ou partie de jour que dure l'infraction ou d'un emprisonnement d'au plus deux ans, ou à la fois de l'amende et de l'emprisonnement." Ce que j'aimerais savoir, comme première question, comme première clarification de la part du ministre de la Justice, c'est laquelle des deux amendes s'applique. Est-ce que les deux s'appliquent de façon concurrente? Est-ce que l'une exclut l'autre? Ce n'est pas clair dans la législation. Je serai satisfait si le ministre me dit qu'il a l'intention d'y repenser et de nous présenter un nouveau texte demain, ou encore d'étudier la question avec ses conseillers.

Cela ne me paraît pas clair et je trouve qu'en faisant une transposition peut-être un peu forcée, on pourrait avoir un cas de "double jeopardy", comme on dit en anglais, c'est-à-dire deux amendes appliquées pour la même infraction. C'est la première difficulté. Il y en a une autre et elle tient à l'article 84I. Cette fois-là, je pense que ça va être encore un petit peu plus grave. On nous dit, à l'article 84I, toujours au chapitre du quo warranto, que, "lorsque le jugement est fondé sur le motif que le défendeur aurait commis un acte criminel, il est exécutoire immédiatement, et nonobstant appel. " C'est la suite qui fait difficulté: "Néanmoins, la charge ou la franchise n'est réputée vacante que du jour où le jugement est devenu définitif, à moins qu'elle ne le devienne plus tôt pour quelque autre cause prévue par la loi, etc."

Or, la situation pourrait donc être celle-ci: d'une part, le jugement est exécutoire, nonobstant appel, mais la charge, elle, demeure vacante jusqu'à ce que jugement intervienne sur l'appel. Alors, comment va-t-on procéder pour élire, par exemple, un délégué de chantier qui se serait rendu coupable d'une infraction prévue à l'article 2 g) et qui se trouverait destitué par voie de quo warranto, par exemple, à la demande du pro- cureur général? La charge ne serait pas vacante avant que le jugement intervienne sur l'appel, mais le jugement serait déjà exécutoire nonobstant appel. Donc, il peut se trouver une période transitoire durant laquelle il n'y aurait personne qui pourrait remplir les souliers, les chaussures du délégué de chantier ou de l'autre fonctionnaire syndical. Je pose la question au ministre. C'est une deuxième difficulté d'ordre technique. Il n'est pas obligé de me répondre ce soir, mais il me semble que ça vaut une clarification.

M. Choquette: M. le Président, je trouve que les questions du chef de l'Opposition sont très pertinentes, comme d'habitude d'ailleurs. Quant à la première...

M. Morin: Vous n'admettez pas toujours ça aussi facilement.

M. Choquette: Je l'admets toujours facilement. Cela ne veut pas dire que j'abonde dans le sens de vos solutions, mais j'admets qu'en général, quand vous vous intéressez à la législation, vous savez où mettre le doigt sur des aspects qui méritent au moins discussion.

Quant aux pénalités, en réponse à la première question posée par le chef de l'Opposition, à savoir si c'était la pénalité prévue par la loi que nous adopterions incessamment ou la pénalité prévue par l'article 840, il me semblerait que c'est la pénalité spécifique qu'impose la législation actuellement à l'étude qui s'imposerait, à l'exclusion de la pénalité de portée plus générale prévue à l'article 840. En matière d'interprétation des lois, lorsqu'une loi prévoit une peine particulière, spécifique, c'est celle-là qui exclut les pénalités qui sont édictées généralement pour ce genre d'actes.

Peut-être y aura-t-il lieu de clarifier ce point de façon que ça ne souffre pas d'ambiguïté.

Quant à la deuxième question soulevée par le chef de l'Opposition, à savoir le délai qui peut s'ensuivre par suite d'un jugement qui accueille un bref de quo warranto pendant la période d'appel, période durant laquelle on n'aurait pas autrement pourvu à la désignation d'un délégué de chantier, eh bien, j'admets qu'il y a une difficulté à laquelle il faudra probablement remédier par une clarification du texte. Si le chef de l'Oppositon le permet, je vais prendre en considération les deux points qu'il a soulevés et nous verrons jusqu'à quel point il nous est possible de les clarifier pour lui demain matin.

M. Morin: Dans le premier cas, M. le Président, je pense que ça ne poserait peut-être pas de difficulté. Il suffirait d'indiquer que l'article 840 ne s'applique pas.

M. CHoquette: Oui.

M. Morin: Cela écarterait la difficulté. Dans le deuxième cas, c'est plus difficile. Il va sans doute falloir une disposition additionnelle, parce que le ministre sait que le jugement en appel peut se

faire attendre quelque temps et qu'on pourrait se trouver devant une vacance, littéralement. Supposons qu'il y aurait tout à coup plusieurs délégués de chantier qui seraient accusés, à la suite d'événements qu'on peut imaginer, d'avoir enfreint la loi, qui se trouveraient en même temps destitués et qui en appelleraient, on pourrait se trouver devant une véritable vacuum sur les chantiers.

M. Choquette: D'accord. Demain, je pense pouvoir apporter des modifications au texte de cet article 32 r) pour obvier aux difficultés d'interprétation qui peuvent résulter de l'adoption de cet article en regard des articles du code de procédure civil relatifs au quo warranto.

Le Président (M. Séguin): C'est le dernier sous-article de cet article, est-ce que le député a d'autres commentaires à faire?

M. Morin: Non, je ne pense pas, M. le Président, je n'ai rien à ajouter à ce que dit le député de Maisonneuve. Je ne sais pas si on peut procéder à l'adoption de l'article 3. Cependant, étant donné qu'il ne nous reste plus que cela à faire, on pourrait peut-être attendre à demain que le ministre nous ait apporté les clarifications. Je n'ai pas voulu proposer d'amendement parce que je me disais: Tout à coup le ministre apporte des éclaircissement qui me satisfont ... mais je vois qu'il convient lui-même qu'il y a lieu d'y repenser. Peut-être pourrait-on adopter l'article 3 demain matin, dès la reprise de la séance.

Le Président (M. Séguin): Je reconnais l'argumentation du chef de l'Opposition. Tout de même, je crois qu'il y a une possibilité tout à fait logique de suspendre le paragraphe r) de l'article 3 et d'adopter l'article.

Nous aurions cela de fait...

M. Morin: Oui, je n'ai pas d'objection.

Le Président (M. Séguin): ... et demain matin, l'argumentation portera sur les changements que le ministre apporterait au sous-article 32 r).

M. Morin: Si mon collègue de Johnson n'a pas d'objection, je n'en ai pas.

M. Bellemare (Johnson): Pas du tout, au contraire, j'en aurais eu une sur l'affaire des choix, des votes quant aux délégués de chantier représentant des ferblantiers ou des plombiers, mais avec l'amendement qui est apporté, cela me rend absolument justice et puis je pense que cela rend justice aussi aux délégués de chantier qui seront choisis par secteurs et par syndicats.

Le Président (M. Séguin): Alors le sous-article 32 r) de l'article 3, l'article relatif à la procédure du code civil, aux articles 838 et 839 contenus dans ce texte, nous le suspendons. Maintenant pour tous les autres articles de la proposition d'amendement changé pour l'article 3, nous adoptons cet article. Excusez, le député de...

M. Bédard (Montmorency): J'aurais quelques commentaires à faire, M. le Président. D'abord l'article 1, élection, je veux m'assurer d'une chose. "Le délégué de chantier doit être élu au scrutin secret, à la majorité des membres du syndicat ou de l'union déjà à l'emploi de l'employeur et parmi ses membres". On se comprend bien, cet article veut dire — et j'apporterai un exemple pour que ce soit plus facile à comprendre — que sur un chantier de 100 employés, il y aura 51 employés qui voteront pour un délégué de chantier. Est-ce que c'est comme cela qu'on l'interprète, M. le Président?

M. Cournoyer: C'est comme cela.

M. Bédard (Montmorency): D'accord. Le paragraphe 3 de l'article 1: "Chaque augmentation subséquente de 50 employés de chantier chez un même employeur donne aux employés le droit d'élire un délégué supplémentaire". Je me demande si ce ne serait pas plus clair de dire que c'est 50 employés supplémentaires d'une même union pour le même corps de métier. C'est bien cela, M. le Président?

Donc, est-ce qu'il aurait objection à dire que chaque augmentation subséquente de 50 employés de chantier, et tout de suite après, membres d'un même syndicat ou union chez un même employeur donne droit aux mêmes... Ce serait plus explicite. Je ne sais pas si je comprends bien le français, mais d'après moi ce n'est pas clair que c'est 50 employés de la même union, du même corps de métier.

M. Burns: La définition est donnée au premier article.

M. Bellemare (Johnson): Le premier article: Tout délégué de chantier doit être élu au scrutin secret...

M. Bédard (Montmorency): II faut faire attention, cela va être mis en application tantôt puis on va avoir des troubles.

M. Bellemare (Johnson): Non, non, mais du syndicat ou de l'union déjà à l'emploi de l'employeur. Vous l'avez la désignation. Et quand vous arrivez au paragraphe 3, "chaque augmentation subséquente", on a...

M. Bédard (Montmorency): Des employés de chantier.

M. Bellemare (Johnson): Ah oui, on a pris comme base les délégués de chantier, à la majorité des membres du syndicat ou de l'union déjà à l'emploi de l'employeur et parmi ses membres. Là cela continue. Chaque augmentation subséquente...

M. Cournoyer: II serait plus clair de dire: Chaque augmentation subséquente de 50 employés de chantier, membres d'un syndicat ou union.

M. Bellemare (Johnson ): On répète.

M. Cournoyer: Oui, on répète, mais c'est parce qu'ici c'était peut-être dans le contexte, avant "d'une association représentative", tandis qu'en changeant le texte du point de départ, en disant ce sont des syndicats, ce n'est pas pareil. Si on prenait l'association représentative, celle des employés de chantier, indépendamment de leur métier, ils sont sur le chantier, ils sont journaliers, comme disait le député de Maisonneuve tantôt, comme vous disiez vous-même le député de Johnson, ce sont des employés. On ne distingue pas le corps de métier et on part dans la nouvelle formulation, on part du corps de métier. Alors, on dit dans le même métier, donc d'un même syndicat, parce que la plupart sont des syndicats de métier.

Le Président (M. Séguin): Alors vous voulez, après le mot chantier...

M. Cournoyer: En changeant l'employé de chantier, membre du syndicat ou de l'union. Parce qu'on part toujours du point de départ du syndicat.

M. Bédard (Montmorency): Entre virgules.

M. Cournoyer: Membre du syndicat ou de l'union, entre virgules.

M. Bédard (Montmorency): Entre virgules après l'employeur. Chez un même employeur, donne aux employés la loi de...

Le Président (M. Séguin): Merci.

M. Bédard (Montmorency): D'autres commentaires, M. le Président, ce n'est pas long.

Le Président (M. Séguin): Le député de Montmorency.

M. Bédard ( Montmorency): L'article 3, paragraphe d): "Lorsque, par exception, le délégué doit s'absenter de son poste de travail pour une période plus longue que celle fixée à l'entente, il doit justifier cette prolongation d'absence auprès de son employeur", et j'ajouterais: et obtenir la permission de ce dernier.

M. Cournoyer: Est-ce que la permission n'est pas prévue tout de suite en dessous?

M. Bédard (Montmorency): Non, mais vous comprenez, regardez disons dix minutes, je vais donner un exemple. Moi demain matin, je peux justifier auprès du whip que je m'en vais à Montréal, je m'en vais aux courses à Blue Bonnet, alors que la commission va siéger. Je me suis justifié, mais cela ne veut pas dire...

M. Burns: Demain matin, vous allez être tout seul.

M. Bédard (Montmorency): Je donne cela comme exemple. Non il ne faut tourner cela en ridicule, j'essaie d'être sérieux. Je n'ai pas parlé souvent.

M. Morin: L'exemple est un peu ridicule.

M. Bédard (Montmorency): Non, il n'est pas un peu ridicule. Non, parce que si vous aviez travaillé sur des chantiers de construction, vous ne le trouveriez pas ridicule. C'est facile, se justifier. On peut se justifier pour n'importe quoi. Quand je dis obtenir la permission de ce dernier, n'oubliez pas qu'au dernier article, l'article 5, on dit: le délégué doit préalablement obtenir l'autorisation de l'employeur, laquelle ne doit jamais être refusée, sans motif raisonnable.

Pourquoi l'a-t-on mis à l'article 5 et ne le met-on pas à l'article 3?

M. Bellemare (Johnson): Lorsque vous dites: Lorsque, par exception, le délégué doit s'absenter de son poste de travail, pour une période plus longue que celle fixée à l'entente, il y a déjà eu une entente entre l'employeur et l'employé?

M. Bédard (Montmorency): Oui, la première entente.

M. Bellemare (Johnson): Là, il n'a pas besoin de le justifier.

M. Bédard (Montmorency): Une entente de trois heures.

M. Beltemare (Johnson): Une entente de trois heures?

M. Bédard (Montmorency): Oui. Les délégués de chantier travaillent trois heures par jour.

M. Bellemare (Johnson): D'accord. Vous dites qu'il doit justifier cette prolongation d'absence, mais si c'est deux minutes, dix minutes ou vingt minutes...

M. Bédard (Montmorency): On ne parlera pas de deux minutes.

M. Bellemare (Johnson): ... auprès de son employeur.

M. Burns: Le problème, c'est qu'il arrive des faits — je pense que c'est comme cela et qu'on a sagement rédigé le texte — qui empêchent le délégué de chantier de quitter ce qu'il est en train de faire, professionnellement, comme délégué de chantier, professionnellement au sens restreint du mot. Ce serait bête de sa part de dire: Le grief n'est pas tout à fait réglé, je m'excuse, M. le contremaître avec qui je suis en train de discuter, pour mon travailleur, je vais aller voir mon employeur pour...

C'est comme cela que je le comprends, sauf erreur; s'il n'est pas capable de justifier que cette prolongation d'absence a été effectivement faite, d'abord par exception, et pour les fins pour les-

quelles on l'a libéré, il me semble qu'à ce moment-là il est sujet à des mesures qu'on peut lui appliquer.

M. Bédard (Montmorency): En tout cas, ce sera inscrit au journal des Débats. On s'en reparlera dans l'exécution, au cours des six prochains mois.

M. Burns: Oui.

M. Bédard (Montmorency): On ne veut pas faire le changement.

M. Burns: On va vous parler de choses bien plus graves que cela dans les six prochains mois.

M. Bédard (Montmorency): Article 5, formation professionnelle. On parle d'une période de formation professionnelle qui doit être négociée entre les parties.

Je me suis posé une question: Que faire avec un chantier qui change de délégué tous les mois? Je vois sourire le ministre, mais vous savez qu'au point de vue de l'application cela peut arriver. N'oubliez pas que, par cet article, formation professionnelle, il n'y a aucune période qui est mentionnée. On parle de période négociée.

Etant donné que, dans le rapport, on a dit que la majorité des délégués de chantier n'avaient aucune compétence, il faut donc s'attendre que les employeurs soient obligés d'en envoyer aux études.

Si le gars s'en va aux études pendant quinze jours et qu'au bout d'un mois on décide, toujours à la base — par l'article qu'on a adopté au début, 51% vont voter pour — de changer le délégué de chantier, parce que celui qu'on avait s'en va, ou qu'il y a un autre chantier qui démarre à Mont-Wright. On est donc obligé d'avoir un autre délégué de chantier.

L'autre qui a été élu par la base n'a pas plus de connaissances que le premier; on l'envoie étudier encore quinze jours. On peut avoir des délégués de chantier aux études pendant toute l'année.

M. Cournoyer: Ce n'est pas drôle.

M. Bédard (Montmorency): Ce n'est pas drôle, certain. C'est pour cela que je dis qu'il faut mettre une période. Il faut faire quelque chose. Je ne suis pas prêt à adopter la formation professionnelle en noir et blanc comme cela.

M. Burns: Ce que vous posez comme problème, c'est l'élection versus la nomination. Les deux ont des avantages; les deux ont des désavantages. Vous soulignez un des désavantages de l'élection.

M. Cournoyer: C'est un désavantage de l'élection.

M. Burns: Bien oui.

M. Bédard (Montmorency): Mais on ne cherche pas à trouver un paragraphe, une formule pour améliorer cela. On dit que c'est un désavantage et on ne fait rien; moi, je ne suis pas prêt à faire cela.

M. Cournoyer: Les avantages dont il est question ici se trouvent à corriger un désavantage qui a été découvert par la commission Cliche.

M. Bédard (Montmorency): Le fait qu'ils n'étaient pas élus par la base.

M. Cournoyer: C'est cela. A partir du moment où nous décidons que le délégué de chantier doit être élu par la base, nous mettons 70,000 à 80,000 personnes candidates au poste de délégué de chantier.

Quand on met 80,000 personnes candidates au poste de délégué de chantier, on met effectivement 80,000 personnes candidates à des cours de formation professionnelle.

Comme les chantiers de construction sont habituellement de courtes durées — il y en a des grands qui sont de longue durée — nous sommes en voie, en appliquant ce raisonnement, de trouver à peu près 70,000 cas en formation professionnelle de délégué de chantier.

Mais, étant donné que la démocratie a de ces avatars, mais aussi de ces avantages, il semble que la démocratie se porte plutôt vers l'élection des meilleurs, ce qui se produit habituellement.

M. Bédard (Montmorency): Les plus populaires.

M. Burns: Avec quelque cent exceptions.

M. Cournoyer: On peut espérer que les gars, à la majorité, ne se débarrasseront pas d'un excellent délégué de chantier, strictement parce qu'un petit groupe minoritaire voudrait qu'il disparaisse.

M. Morin: De toute façon, l'éducation des adultes est à la page, M. le ministre.

M. Cournoyer: Pardon?

M. Morin: L'éducation des adultes est à la page.

M. Cournoyer: Ce que j'essaie de dire, c'est qu'il est difficile pour une minorité de forcer la majorité à se débarrasser d'un excellent délégué de chantier.

M. Bédard (Montmorency): M. le Président, je n'accepte pas les arguments qui sont fournis pour l'article 5. Je vais essayer de trouver autre chose parce que je viens de les recevoir.

Quant à l'article 6, préavis de mise à pied. J'ai fait le petit calcul souvent, parce que dans la pratique c'est cela qui va se faire. Je me demande jusqu'à quel point cela peut servir. On parle de donner un préavis de trois jours et, à défaut de ce faire, on parle d'une indemnité à être payée par

l'entrepreneur, soit un maximum de quatre heures par jour pour trois jours. Cela veut dire que l'entrepreneur a douze heures de pénalité. La façon dont ce sera appliqué, ce préavis, je comprends que cela n'intéresse pas du tout les membres de l'Opposition, parce qu'il y en a seulement un qui écoute, le député de Johnson, mais, de toute façon, M. le Président je vous adresse la parole. Ce calcul d'indemnité de douze heures, cela équivaut à une journée et demie de perte de travail. Pour ce qui est de la première partie, le préavis de trois jours ne sera jamais donné, parce qu'on sait que pendant les trois derniers jours, le gars ne travaille pas trop fort, il se traîne les pieds. C'est seulement pour dire qu'au point de vue de l'application, la première partie du paragraphe ne s'applique pas. Ce seront toujours les douze heures qui seront payées en pénalité par l'entrepreneur, qui avertira du jour au lendemain. C'est la façon dont on procède, à l'heure actuelle, dans les chantiers et je pense qu'il faudrait changer ce préavis de mise à pied.

Après l'avoir scruté assez vite, M. le Président, c'est à peu près les seules recommandations que j'ai à faire à cet article 3 concernant les délégués de chantier. Je vous remercie de m'avoir donné la parole.

M. Morin: Le rapport Bédard est destiné à compléter le rapport Cliche.

Le Président (M. Séguin): La question se pose quand même. Article 3, adopté, moins le sous-article 32 r). Agréé?

M. Bédard (Montmorency): M. le Président, je n'ai pas compris.

Le Président (M. Séguin): Je revenais à la question préalable. Article 3, adopté, excepté 32 r) qui est suspendu jusqu'à demain, présumément.

M. Bédard (Montmorency): Vous noterez, M. le Président, la dissidence du député de Montmorency sur l'article 5, principalement, et l'article 6.

Le Président (M. Séguin): Voici, au moment de...

M. Bédard (Montmorency): II demande d'agréer l'article 3.

Le Président (M. Séguin): Non, non, voici...

M. Burns: On va simplifier le problème, je demanderais le vote sur l'article 5.

Le Président (M. Séguin): Non, non, voici...

M. Bellemare (Johnson): Un député a le droit de demander un vote.

Le Président (M. Séguin): Oui, je ne dis pas non dans ce sens. Je pensais à une autre formule, M. le député, qui peut-être vous satisferait. Si vous lisez le journal des Débats, vous aurez votre dissidence déjà inscrite et indiquée.

M. Burns: La meilleure façon de l'indiquer, c'est de demander le vote. Je demande le vote.

Le Président (M. Séguin): Vous demandez le vote Je suis obligé de le faire article par article.

M. Burns: Non, pour l'article 5.

Le Président (M. Séguin): Sur l'article 5, Formation professionnelle? Sur l'article 5.

M. Choquette: J'aimerais qu'on ait l'avis du ministre du Travail sur la suggestion fournie par le député de Montmorency. Ce n'est pas parce que je n'ai pas confiance au député de Montmorency. Je pense qu'en général ses suggestions sont bonnes, mais étant donné que cela s'inscrit dans un contexte général de délégués de chantier, peut-être que le ministre du Travail pourrait nous exprimer son point de vue sur la modification suggérée. Je ne sais pas si les membres de l'Opposition sont de cet avis aussi?

M. Burns: Pas d'objection.

Le Président (M. Séguin): La commission suspend ses travaux à loisir.

A l'ordre! M. le ministre, il y avait des observations faites par le député de Montmorency sur l'article 5 et on a cru bon — cela a été une suggestion du ministre de la Justice — que vous ayez l'occasion d'entendre ses revendications.

Le député de Montmorency, s'il vous plaît, pourriez-vous...

M. Bédard (Montmorency): Oui.

Le Président (M. Séguin): ... maintenant reprendre un peu votre argumentation sur l'article 5?

M. Bédard (Montmorency): L'argumentation était la suivante, c'est que de la façon que c'est composé, il y a une période de formation professionnelle qui est entendue pour envoyer un délégué de chantier étudier. Le problème qui peut se poser pratiquement, tel que l'article est composé, c'est qu'après ses études le délégué de chantier revienne au chantier concerné et, après deux ou trois semaines comme délégué de chantier, le syndicat décide qu'il en a besoin ailleurs sur un autre chantier. On est pris à refaire d'autres élections à la base; ça ce n'est pas un problème. Mais le problème est le suivant, c'est que le deuxième délégué de chantier qui devient élu — étant donné que le rapport Cliche nous dit que la majorité des délégués de chantier à l'heure actuelle n'ont aucune compétence, on est obligé de les envoyer étudier — on l'envoie aux études encore.

Le même processus continue indéfiniment et ça peut être sur tous les chantiers de la province

de Québec. Et le cas du délégué de chantier — vous allez excuser mon expression — ça va être "fucké" complètement.

Que faire avec un chantier qui change de délégué à tous les mois?

M. Morin: Le député demande d'excuser l'expression.

Le Président (M. Séguin): Vous voulez dire que ça pourrait créer des embêtements quelconques.

M. Bédard (Montmorency): De gros embêtements.

Le Président (M. Séguin): C'est ça, des ambiguïtés.

M. Boudreaull: M. le Président...

Le Président (M. Séguin): J'attends peut-être...

Une Voix: Le ministre...

M. Boudreault: J'ai la parole?

Le Président (M. Séguin): Le député de Bourget.

M. Boudreaull: Quand on parle de compétence pour un délégué de chantier, est-ce qu'il y a des critères d'établis pour être délégué de chantier ou si on parle de compétence dans un métier donné?

M. Cournoyer: Une compétence de délégué de chantier.

M. Boudreault: Quels sont les critères pour être délégué de chantier?

M. Burns: II n'y en a pas, c'est l'élection.

M. Bédard (Montmorency): C'est un gars populaire.

M. Boudreault: II passe par l'élection par la base, par les travailleurs? Cela prend un ouvrier compétent dans un métier?

M. Morin: Intelligent, remuant.

M. Boudreault: Cela prend déjà un homme qui est...

M. Burns: ... dans son métier.

M. Boudreault: Qui est dans son métier.

M. Bédard (Montmorency): ... dans son métier et populaire. Cela finit là.

M. Burns: Mais en principe, s'il est sur le chantier et s'il est dans son métier, c'est parce qu'il a une carte de compétence pour son métier.

M. Bédard (Montmorency): Ah, cela ne veut rien dire la carte de compétence.

M. Burns: Sauf peut-être un journalier.

M. Boudreault: Si on exigeait la compétence dans un métier donné dans un local pour qu'il soit délégué.

M. Cournoyer: II l'a.

M. Boudreault: Non, non, il n'y a pas de critère...

M. Cournoyer: Jusqu'à preuve du contraire...

M. Boudreault: ...on dit qu'il doit être populaire.

M. Cournoyer: ...la personne qui a un certificat de qualification dans ses poches et qui est membre d'un syndicat donné est compétente. Mais au strict point de vue de la compétence professionnelle, elle a son certificat de qualification dans ses poches. Comment l'a-t-elle obtenu? Cela, c'est une autre chanson, on est censé y voir par le règlement no I. Mais au strict point de vue de son métier, la personne qui est membre d'un corps de métier, elle est compétente à sa face même, c'est-à-dire qu'elle n'est peut-être pas capable de faire votre travail de latteur, mais c'est un bon menuisier.

M. Boudreault: Enfin, ce qui est important, je pense, et ce dont je veux être assuré, c'est que le délégué de chantier soit déjà un homme qui est sur le chantier et qui a une compétence professionnelle dans un métier donné.

M. Cournoyer: Cela, je pense que par la seule décision que nous avons prise ce soir de faire en sorte que les délégués de chantier soient élus par le corps de métier nous assure qu'ils seront élus par les gens qui sont compétents dans leur métier.

M. Boudreault: Cela va réglar bien des problèmes.

M. Cournoyer: Si vous prenez sept électriciens — on va y aller avec les entrepreneurs électriciens, les entrepreneurs latteurs, c'est un métier apparemment appelé à disparaître — mais prenons les entrepreneurs électriciens. Vous avez sept électriciens, au point de vue certificat de qualification, ils l'ont tous.

Le Président (M. Séguin): Le député de Saint-François.

M. Déziel: Dans ce cas, qu'entend-on par la pertinence des cours qu'il pourrait suivre par la suite?

M. Harvey (Charlesbourg): Un cours sur le syndicalisme.

M. Cournoyer: C'est sur sa fonction et moi, je pense bien que, juste à lire le décret tel qu'il est écrit, apparemment il est mal écrit, ce n'est pas moi qui l'ai écrit, c'est parti. Je vous dis ça en passant. L'une des recommandations c'est de fondre tout ça.

M. Burns: Vous avez tellement joué dedans que vous êtes responsable.

M. Cournoyer: Ah! que j'ai donc joué dedans. M. Burns: Oui, c'est vrai.

M. Cournoyer: Encore une affirmation présumée, une présomption que vous alléguez et je suis obligé de me défendre.

M. Burns: Ce n'est pas une présomption. M. Cournoyer: C'est une présomption.

Une Voix: Juris et de jure.

M. Cournoyer: Oui, ça c'est juris et de jure, il n'y a pas moyen de...

M. Burns: Pas moyen de la défendre celle-là.

M. Cournoyer: Irréfragable, comme dirait le petit juge Bissonnette. Ce que je veux dire c'est qu'en fait il semble que les délégués de chantier doivent apprendre très souvent, non seulement les règlements tels qu'ils sont écrits, mais parfois vulgarisés aux règlements de sécurité ou encore les termes mêmes du décret.

Et l'une des grandes difficultés que nous avons c'est toujours l'incompréhension des individus par rapport aux droits et aux obligations qu'ils ont. Il est clair que parfois il peut arriver qu'un délégué de chantier qui a été élu, et en particulier s'il a été élu, il ne possède pas — quoi qu'il possède la popularité — une connaissance suffisante des droits et obligations qu'il a selon le décret.

Il s'agit de lui enseigner ça. Je pense bien que la question principale ici ce n'est pas la formation elle-même, c'est le moment de la formation, parce qu'on peut s'attendre et espérer que délégués de chantier et employeurs aient une connaissance plus forte encore des législations, des décrets ou des règlements qui s'appliquent à eux.

Ce qui est recherché par cet article, d'après l'interprétation que j'en ai, c'est qu'on veuille donner des connaissances, non pas de métier mais de décret et des connaissances de règlements aux individus qui sont en fait représentants des employés face à l'employeur.

Le moment cependant qui est suggéré par la commission Cliche, c'est que c'est sur les heures de travail.

M. Déziel: Est-ce que ça pourrait...

M. Cournoyer: Ce qui voudrait dire qu'un employeur paierait, parce qu'il y a un paiement quelque part, pour la formation d'un individu — si je suis le raisonnement du député de Montmorency — qui, le lendemain, va s'en aller ailleurs et il n'aura plus besoin de formation, il va travailler pour un autre employeur.

Je ne sais pas si le député de Montmorency a une suggestion à faire sur ce sujet. Pour ma part, je suis prêt à l'écouter parce qu'elle remplirait une carence que j'ai découverte avant aujourd'hui sur la question de la formation professionnelle.

M. Déziel: M. le ministre, que ces cours soient prodigués, ces cours de perfectionnement, en dehors des heures premièrement, ce serait une solution ça. Parce que toute personne qui veut se perfectionner dans une ligne, je pense qu'il doit le faire sur son temps, en dehors des heures de travail. C'est normal, d'une part.

D'autre part, s'il y avait une clause à savoir si l'ouvrier délégué de chantier voulait se perfectionner concernant ces cours pertinents, il lui faudrait peut-être prendre l'engagement d'y demeurer pendant toute la durée du chantier.

M. Cournoyer: Je pense bien que c'est à peu près ce que recherchait la commission. Je présume qu'elle ne voulait pas additionner des coûts inutiles à un employeur particulier. En fait, on peut penser aussi qu'il est possible que le syndicat paie ces cours-là, étant donné qu'il s'agit d'un représentant des salariés. Au lieu de s'absenter tout seul comme ça et tout nu, on pourrait dire: II pourra s'absenter sans solde de son travail pour assister aux cours pertinents. En effet, il est possible que ces cours ne soient donnés que le jour et la permission, c'est une permission d'absence pour pouvoir revenir. Si, parce qu'il est absent, il ne peut plus revenir, ça ne sert à rien de l'envoyer suivre des cours. Mais si, par ailleurs, l'employeur en particulier ne paie pas son temps d'absence, le problème que ce soit le soir ou le jour, ça n'a pas tellement d'importance pour l'employeur, pourvu qu'il puisse permettre à cet individu de s'absenter pour aller prendre ces cours-là. Par ailleurs, on dit: "La durée de cette absence devra être négociée", à cause du fait qu'on doit le remplacer. Donc, on doit prévoir un remplacement temporaire. Quand on dit "l'employeur paie le délégué pour le temps que celui-ci vaque aux cours," ce serait le contraire de ce qui est écrit là.

M. Bédard (Montmorency): M. le Président, suivant cette dernière trouvaille du ministre qui en est toute une, je serais prêt à accepter cette modification à l'article 5.

Le Président (M. Séguin): Maintenant, il faut que je fasse le tour de la table.

M. Burns: Attendez un peu.

M. Bédard (Montmorency): Vous n'avez pas écouté, vous ne pouvez pas le savoir. Il faudra recommencer.

M. Cournoyer: J'ajoute s'absenter sans solde

et j'enlève, bien sûr, le paragraphe qui dit qu'on paie.

M. Burns: Actuellement, ce sont des gens à plein temps, n'oubliez pas.

M. Cournoyer: Où des gens à plein temps? M. Burns: Les délégués de chantier.

M. Cournoyer: Ils sont à temps plus que plein, d'après ce que j'ai lu.

M. Burns: Ils ne font que ça.

M. Bédard (Montmorency): Plus suivant la loi.

M. Cournoyer: J'espère que vous comprenez.

M. Morin: II va falloir les former professionnellement.

M. Burns: Vous êtes en train de négocier à rabais, là.

M. Cournoyer: Non, ce n'est pas à rabais. M. Burns: Bien, voyons.

M. Cournoyer: Loin de moi l'idée de négocier à rabais; je n'ai jamais fait ça de ma vie.

Le Président (M. Séguin): Le député de Montmorency.

M. Bédard (Montmorency): M. le Président, il faut se référer au projet de loi que nous sommes en train d'adopter article par article. Avant, le délégué de chantier était à plein temps, payé par l'entrepreneur, mais le projet de loi mentionne que c'est trois heures par jour, à moins d'entente dans des cas spécifiques.

M. Burns: L'entrepreneur y gagne à ça, avec votre loi.

M. Bédard (Montmorency): Peu importe. Ce n'est pas l'histoire que l'entrepreneur y gagne; c'est que, souvent, de la façon dont c'est composé, vous admettez aussi que, sur un chantier, alors que cela a été critiqué dans la loi, de 161 personnes vous pourrez avoir 23 délégués de chantier. Imaginez-vous, 23 qui s'en vont suivre des cours pendant 15 jours et qu'au bout de 15 jours on fait encore 23 élections et qu'on envoie tout le monde aux études.

M. Burns: Ce serait vraiment un chantier idéal, ce que vous êtes en train de décrire.

M. Lachance: C'est mentionné dans le rapport de la commission.

M. Burns: J'espère qu'un ingénieur ne tombera pas dans cette facilité-là.

M. Bédard (Montmorency): II y en a qui sont tombés, M. le député de Maisonneuve. C'est mentionné des chantiers 161, 23 délégués de chantier. C'est sérieux.

M. Morin: Ecoutez, M. le ministre, pensez-y à deux fois.

M. Cournoyer: Cela fait longtemps que j'y pense, je tiens à vous le dire. Dans le décret actuel, dans l'article actuel tel qu'il est écrit, il n'est pas question de cours de perfectionnement. C'est une introduction d'une notion de formation qui est probablement excellente en soi. Par exemple, au lieu de un délégué par association représentative, on ne parle plus de la même chose lorsqu'il s'agit, dans la plupart des cas, d'un nombre de syndicats qui se trouvent à être justement des gens élus. Théoriquement, sur un chantier de 50 personnes, normalement, dans la formulation originale de la commission, vous aviez un délégué de chantier, tandis que, maintenant, vous avez plus d'un délégué de chantier.

Il est possible que, normalement, si je replace le plâtrier dans la cédule des travaux, vous avez, au début des travaux, des journaliers avec des menuisiers qui entrent et il y a probablement un délégué de chantier qui va être élu pour les sept premiers, et les sept premiers seront sans doute des journaliers. Mais immédiatement après, il y a peut-être des plombiers qui vont venir pour un bout de temps faire le "rough" dans la cave et ils vont revenir un jour, mais vous avez les électriciens qui vont entrer après et puis les plâtriers qui vont suivre les latteurs, M. le député, de votre bout. Tout ça implique des délégués de chantier alors qu'avant on impliquait un délégué de chantier.

Je pense que dans le nouveau contexte que nous avons suggéré ici, qui est un contexte plus normal et plus représentatif de l'industrie de la construction, on doit penser à l'effet d'un congé de formation syndicale. C'est quoi?

M. Morin: Est-ce que ce ne serait pas mieux, au lieu de dire un congé sans solde, M. le ministre, de limiter la durée de l'absence? Je veux dire que vous imposeriez un maximum à la durée de l'absence. Je trouverais ça plus réaliste que de dire un congé sans solde, parce que si c'est sans solde, j'ai l'impression que vous allez faire échouer dans les faits votre objectif de formation professionnelle.

M. Bédard (Montmorency): J'ai pensé à ça, M. le député de Sauvé, mais j'arrivais toujours avec le même problème qu'il pouvait y avoir la rotation des délégués. J'avais pensé à un congé sans solde d'une semaine. Dans 40 heures, un gars peut brasser pas mal. Mais si vous faites la rotation, ça ne règle pas ma rotation de délégués de chantier. L'entrepreneur peut être obligé de payer 26 semaines par mois pour une rotation de délégués de chantier. Ecoutez un peu, ils ne sont pas si heureux d'avance avec ces lois, dites-vous une chose,

on a parlé de les avoir les moins percées possible... En tout cas, je me crois justifié d'être obligé de mentionner ça, parce que si on me posait la question: Es-tu au courant, avec ce que vous avez adopté, Marcel, de ce qui peut arriver? Je ne pou-rais pas répondre.

M. Cournoyer: Sans me référer au rapport de la commission Cliche, en plus du rapport, il y a quand même ce que nous avons entendu. Ce que nous avons entendu, c'est qu'un certain nombre de délégués de chantier ne travaillaient pas du tout. On s'en débarrassait rapidement et, parfois, c'était de concert avec les hautes instances des différents syndicats.

Voici une porte ouverte à un type qui est élu délégué de chantier et qui, une fois élu délégué de chantier, ne fait pas l'affaire de ces gentils messieurs des syndicats qui décident qu'il doit partir. Comment doit-il partir? Il s'en va en formation professionnelle. C'est très simple de dire qu'il s'en va en formation professionnelle. On dit que la durée de cette absence devrait être négociée entre les parties en tenant compte des particularités de l'industrie. Combien de négociations y a-t-il sur des chantiers de construction au Québec, qui ne sont pas rapportées dans le rapport, mais dont nous avons tous entendu parler, pour se débarasser de quelqu'un tout simplement? La durée de l'absence était directement proportionnelle au pouvoir d'ennuyer que la personne pouvait avoir sur le chantier de construction.

C'est assez simple pour la partie patronale qui ne veut pas avoir tel délégué de chantier de s'entendre bien avec le syndicat pour dire: Lui, il s'en va, on ne veut plus le voir ici, il s'en va aux études. Il s'en va faire un cours de formation professionnelle qui va durer le temps qu'il faut. Le temps qu'il faut, c'est quoi? Pour chaque individu, il peut être variable et il était variable dans certains cas, parce que tous les individus délégués de chantier n'étaient pas de la même nature que ceux qui ont abusé du système.

Si nous mettons aujourd'hui, à cause du nouveau contexte, les mots "sans solde", c'est probablement parce que je n'ai jamais entendu encore, dans ma petite expérience — pas grosse, j'en conviens — un syndicat demander que la formation des délégués de chantier soit payée par les employeurs. Je n'ai jamais entendu ça.

Ils vont dire: On va aller donner un cours sur le chantier. Sur les gros chantiers, le délégué va vouloir aller donner un cours à un groupe. Si vous avez 2,000 personnes, il peut donner un cours à ces 2,000 personnes. Dans ces chantiers, il est possible que la durée du chantier soit de telle nature qu'on ne modifie pas rapidement le nombre de délégués de chantier, ni même les délégués de chantier. Ils sont élus pour une période de temps assez longue, on ne fait pas exprès, et surtout si l'union a payé pour les former, elle ne veut pas en former 25.

Moi, je pense que la suggestion du député de Montmorency mérite qu'à ce moment-ci, on dise, "sans solde" et qu'on évite au syndicat l'odieux de se faire payer par l'employeur la formation de ses propres représentants.

M. Bédard (Montmorency): D'ailleurs, ils ne l'ont pas à l'heure actuelle.

M. Cournoyer: Bien moi je ne négocie pas à rabais mais...

M. Bédard (Montmorency): Ce n'est pas un rabais parce qu'il ne l'ont pas.

M. Cournoyer: II y a des syndicats très indépendants là-dedans, ils ne veulent pas être payés par l'employeur.

M. Burns: On a eu bien de la difficulté à...

M. Cournoyer: Pardon? Pas de sécurité. Ah bien cela, des cours de sécurité obligatoires sont prévus dans une autre section du rapport Cliche et, je vous en prie, ils ne seront pas seulement pour les délégués de chantier. Ils vont être pour tout le monde. Un cours de sécurité suivi par les délégués de chantier, j'imagine que tout le monde connaissant ses droits en même temps, le délégué de chantier a moins de problèmes. Mais si nous réussissons à faire, avec le règlement no I, le module sécurité tel que recommandé par la commission Cliche, si on dit: Dans le cours de formation professionnelle, le cours doit comporter un module sécurité; si, par ailleurs, nous obligeons tous les journaliers par exemple à avoir suivi un cours de sécurité avant de mettre les pieds sur un chantier de construction, nous avons divisé ou réduit la préoccupation sécuritaire des travailleurs à ce moment-là et surtout des délégués de chantier.

Moi je suis convaincu que si nous le laissons tel quel, après les modifications que nous avons apportées au début, nous invitons à des abus que la commission Cliche ne pouvait pas prévoir, parce qu'elle n'avait pas la même conception que nous du nombre de délégués de chantier de construction. Les associations représentatives il y en a trois. Il est possible qu'il y en ait quatre ou cinq, à l'automne prochain, je ne le sais pas. Toutes les associations peuvent être reconnues comme représentatives, si elles satisfont aux critères de la loi.

Alors, chacune des associations sera constituée d'une telle manière. Mais si nous avions dit: Un délégué par association représentative, à condition qu'i y ait sept travailleurs, nous aurions eu un problème. Mais si nous disons: Chaque syndicat affilié à une association représentative, nous avons une autre sorte de problème. Et, l'autre sorte de problème, c'est justement le nombre de délégués de chantier qui vont être susceptibles de suivre des cours de formation. Là-dessus, je pense bien que le député de Montmorency a parfaitement raison. A moins que l'Opposition ait encore quelque chose à dire, je demanderais qu'on vote sur la modification du député de Montmorency, à l'article 5, ajouter: Sans solde, et enlever le deuxième paragraphe.

M. Morin: M. le Président, l'Opposition officielle n'est pas d'accord. On aurait préféré que le ministre procède en imposant peut-être un maximum à la durée de l'absence. Si le député de Montmorency veut obtenir une modification, qu'il fasse une proposition formelle. Je ne crois pas qu'il l'ait fait déjà.

M. Bédard (Montmorency): Une proposition...

M. Morin: Vous l'avez faite formellement? Bon, alors qu'on vote. Nous allons voter contre.

Le Président (M. Séguin): Alors vous avez à l'article 5...

M. Bédard (Montmorency): Une proposition en l'occurrence.

Le Président (M. Séguin): A l'article 5...

M. Harvey (Charlesbourg): Si vous permettez, M. le Président, il pourrait peut-être relire la proposition. Oui, si vous permettez, M. le Président, ce serait peut-être une bonne chose qu'il relise sa proposition globalement pour fins du journal.

C'était la suggestion du ministre; remarquez que personnellement je sais pourquoi je vais voter.

Le Président (M. Séguin): Ecoutez, il n'y a pas de débat là-dessus. Le député de Montmorency. Votre voix est claire et...

M. Bédard (Montmorency): L'article 5, formation professionnelle, la 4e ligne, après le mot s'absenter, l'on y ajoute, sans solde, et dans le même article 5, le 2e paragraphe, l'employeur paye le délégué pour le temps que celui-ci vaque aux cours, c'est annulé; aboli, retranché, appelez cela comme vous voudrez.

M. Lachance: Retranché.

Le Président (M. Séguin): Alors, vous avez un sous-amendement à l'article 5. Pour ou contre le changement projeté. M. Bellemare (Johnson)?

M. Bellemare (Johnson): Contre.

Le Président (M. Séguin): M. Choquette (Outremont)?

M. Choquette: Pour.

Le Président (M. Séguin): M. Boudreault (Bourget)?

M. Boudreault: Pour.

Le Président (M. Séguin): M. Burns (Maisonneuve)?

M. Burns: Contre.

Le Président (M. Séguin): M. Morin (Sauvé)?

M. Morin: Contre.

Le Président (M. Séguin): M. Bédard (Montmorency)?

M. Bédard (Montmorency): Pour.

Le Président (M. Séguin): M. Cournoyer (Robert-Baldwin)?

M. Cournoyer: Pour.

Le Président (M. Séguin): M. Déziel Saint-François)?

M. Déziel: Pour.

Le Président (M. Séguin): M. Harvey (Charlesbourg)?

M. Harvey (Charlesbourg): Pour.

Le Président (M. Séguin): M. Lachance (Mille-Iles)?

M. Lachance: Pour.

Le Président (M. Séguin): M. Lecours (Frontenac)?

M. Lecours: Pour.

Le Président (M. Séguin): M. Malépart (Sainte-Marie)?

M. Malépart: Pour.

Le Président (M. Séguin): M. Roy (Beauce-Sud)? M. Verreault (Shefford)?

Neuf en faveur, deux contre. L'amendement est adopté.

L'article 3, exception faite de 32 r), adopté?

M. Lachance: Adopté.

Le Président (M. Séguin): Voulez-vous un vote?

M. Morin: Non, ce n'est pas la peine, M. le Président.

Le Président (M. Séguin): Article 3 adopté, à l'exception de 32 r).

La commission ajourne ses travaux à demain, 21 mai, à dix heures.

M. Morin: Dix heures trente.

Le Président (M. Séguin): Dix heures trente, si vous le préférez.

M. Choquette: D'accord.

(Fin de la séance à 0 h I)

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