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Version finale

31st Legislature, 2nd Session
(March 8, 1977 au December 22, 1977)

Tuesday, May 10, 1977 - Vol. 19 N° 62

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude des crédits du ministère du Travail et de la Main-d'oeuvre


Journal des débats

 

Etude des crédits du ministère du Travail

et de la Main-d'Oeuvre

(Seize heures quarante minutes)

Le Président (M. Marcoux): A l'ordre, messieurs!

La commission du travail, de la main-d'oeuvre et de l'immigration est réunie pour étudier les crédits budgétaires du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre.

Nous en étions au programme 2. Y a-t-il encore des questions, ou des commentaires généraux sur le programme 2, avant que nous passions à l'étude des éléments?

M. Bellemare: J'avais presque fini. J'avais attendu un peu...

Le Président (M. Marcoux): Vous aviez la parole, si je ne me trompe. Alors, le député de Johnson, avec plaisir. Je tiens ma promesse et je vous donne la parole.

M. Bellemare: Merci, si l'Opposition n'a pas d'objection.

M. Forget: On apprend, à vous écouter.

Normes de travail (suite)

M. Bellemare: J'étais rendu à vous dire que dans les projets de loi sur les conditions minimales de travail, après avoir cité plusieurs documents et avoir surtout répondu à plusieurs questions qui sont d'ailleurs enregistrées au journal des Débats, on avait parlé de paiement de salaire, on avait parlé de salaire minimum, on avait parlé de la période de repos qui devait être assurée aux salariés, d'une pause journalière, du droit à un certain nombre de jours fériés payés par année, qui devrait être institutionnalisé et non pas reconnu dans des conventions collectives pour amener des discussions aux tables de négociations qui ne servent à rien. On les accorde, en fin de compte, parfois c'est sept, parfois huit congés de jours fériés. Il y a une discussion. La loi devrait prévoir ces jours fériés, comme condition minimale. Le congé de maternité, je pense, l'octroi d'un congé sans salaire pour un accouchement, d'une durée de quinze semaines, qui est prévu par l'assurance-chômage est déjà limité par la Loi de l'assurance-chômage. Il devrait y avoir une interdiction formelle de congédier, pour quelque motif que ce soit une femme enceinte. Cela devrait être aussi inscrit, pour que ce ne soit pas répété dans les conventions collectives. Il y a un tintamarre, surtout dans l'industrie de la robe, quand le décret se renouvelle. Il y a des plaidoiries qui se font pendant des jours et des jours, sur ce point du congé de maternité. A mon sens, c'est reconnu, dans un pays civilisé comme le nôtre et avancé au point de vue syndicaliste; il y a du syndicalisme partout.

Il y a aussi les conditions de travail féminin le soir, dans les équipes du soir. On a voulu l'introduire. C'est nous qui l'avons introduit en 1968 ou 1969 comme permissible dans les équipes de nuit, mais à certaines conditions que l'on ne respecte pas. On fait travailler les femmes le soir, à deux heures du matin, le travail est fini, on les congédie. On dit: C'est fini. La condition sine qua non qui existe dans le Code du travail, dans la Loi des établissements industriels et commerciaux, exige qu'il y ait quelqu'un qui aille les reconduire. C'est clair. Ce n'est pas toujours les "chums" qui viennent les chercher.

Il y a des conditions minimales qui sont là, qui devraient être au moins dans les conditions minimales.

Les études sérieuses ont-elles été faites par le ministère, au sujet de ces différents points que j'ai soulevés? On ne voudrait pas que l'ensemble des propositions ajoute, pour les industriels, pour la masse salariale, et particulièrement pour la petite et la moyenne industrie, des charges supplémentaires, parce que cela ne serait pas raisonnable, je pense. Le ministre a dit, dans un article du Devoir, que j'ai ici: Les précisions demeurées inaperçues, ce que pourrait être un régime universel de nouvelles normes de travail. Cela a été cité dans le Devoir du 21 février 1977. Il terminait en disant: L'ensemble de toutes ces propositions qui contribuerait, à mon avis, à améliorer notamment le climat de travail, au Québec, par des meilleures conditions de travail, n'ajouterait pas à la masse salariale de l'entreprise, exception faite des jours fériés payés, le mieux-être des travailleurs résidant dans le respect de leur dignité.

M. le Président, je pense que cela termine mon exposé sur les questions minimales. Le ministre pourrait peut-être me donner, tout à l'heure, quand il le voudra, certaines réponses à toutes ces questions.

Le Président (M. Marcoux): Peut-être M. Mackasey immédiatement avant la réponse du ministre... M. le ministre?

M. Couture: Est-ce pour ajouter...? Est-ce sur le même sujet?

M. Mackasey: Cela ne durera pas trop longtemps, M. le ministre. C'est naturellement sur les normes de travail.

M. Couture: Si c'est pour ajouter, sûrement.

M. Mackasey: Quelques observations, quelques questions, s'il vous plaît. Je commence en disant que nous avons au niveau fédéral une loi qu'on peut appeler les normes de travail, je le mentionne, non pas parce que cela existe depuis dix ans, mais tout simplement pour porter à votre attention les problèmes, très sérieux dans beaucoup de cas, que posent les normes du travail au niveau fédéral et qu'on a été obligé d'amender à

quelques reprises et qui existent peut-être encore. Là, je parle des difficultés à appliquer les normes de travail dans le domaine des transports, par exemple, du grand problème de limiter les camionneurs à huit heures de travail par jour ou quarante heures par semaine, du principe impératif de respecter les droits de ces hommes dans le domaine de la santé, et en même temps, du problème de l'employeur qui, peut-être, justement, à la septième heure est obligé, dans le domaine de la construction, de charger le ciment parce que, naturellement il ne peut pas attendre au lendemain. C'est un secteur, M. le ministre, que je porte à votre attention. Il y a d'autres domaines du transport qui ne relèvent peut-être pas du domaine provincial — mais je pense que vous avez un chemin de fer quelque part au Québec — mais moi, je parle de ce qui existe réellement au Québec à l'heure actuelle. Vous aurez encore, dans ce domaine, le même problème, problème de huit heures par jour, quarante heures par semaine. Mais c'est le domaine du salaire minimum qui m'intéresse et si la question a déjà été posée par mes collègues, je ne la poserai pas. Vous avez suggéré, il y a quelques mois, d'augmenter le salaire minimum par un ordre du cabinet et non par la loi, selon une formule, si je me rappelle bien, basée sur le coût de la vie. Est-ce encore votre intention?

M. Couture: Voulez-vous que je réponde maintenant?

M. Mackasey: Oui.

M. Couture: Je vais d'abord, si vous permettez, faire quelques commentaires sur ce que disait le député de Johnson à propos des conditions minimales. Je pense qu'il a couvert à peu près l'ensemble des dispositions que nous avons l'intention de proposer. On voudrait lui faire remarquer que la restriction est enlevée pour le travail féminin la nuit, sauf pour les personnes de moins de 18 ans.

Les études sérieuses ont-elles été faites pour analyser l'impact économique possible pour les industries?

Il y a eu au ministère depuis plusieurs mois, sinon deux ou trois ans, un travail de recherche là-dessus. Comme je l'ai dit au début de la commission parlementaire, je crois que dans l'ensemble des entreprises québécoises, finalement, on a à peu près ce cadre. Ce qu'on recherche dans le projet de loi, c'est vraiment mettre fin à l'exploitation parfois honteuse dans un certain nombre d'industries québécoises où le travailleur non syndiqué, donc non protégé, à toutes fins pratiques, est laissé à lui-même pour des conditions de travail aussi fondamentales que nous proposons.

J'ajouterais aussi que, même si dans certain cas cela pourrait être un peu pénalisant, à un moment donné, on doit faire des choix politiques, c'est-à-dire: Est-ce qu'on doit accepter facilement un seuil assez bas de conditions de travail pour sauver certaines entreprises? Je l'ai dit et je le di- rai peut-être jusqu'à la fin de ma vie: II faut répondre à ce problème autrement. On doit s'entendre, en 1977, pour dire ce qu'il faut exiger dans notre société québécoise, notre richesse nationale, ce qui a été acquis par convention collective, notre standard de vie, le "wealth right" du Québécois, ce qu'on peut exiger des entreprises pour les salariés québécois.

C'est évident que cela peut être pénalisant pour certaines entreprises, mais c'est la responsabilité du gouvernement d'y pallier autrement.

J'ajouterais que, pour nous, c'est un régime de base, mais c'est aussi un régime de suppléance, c'est-à-dire, avec les déclarations qui ont été faites par plusieurs membres du gouvernement, ce qu'on a dans notre programme politique, il restera toujours que le meilleur instrument des travailleurs sera le syndicalisme.

Notre régime de condition minimale est le cadre de base, mais c'est aussi, pour nous, une façon de dire à tous les salariés: C'est vraiment minimal, votre véritable protection sera le syndicalisme.

La question du député de Notre-Dame-de-Grâce à propos du salaire minimum, la formule que nous retenons actuellement, et, éventuellement, assez rapidement vous en aurez des nouvelles, c'est une formule d'indexation au salaire moyen. Nous acceptons, nous nous rallions à la recommandation du groupe Castonguay qui a étudié toute la politique du salaire minimum, son impact économique et aussi sa philosophie. C'est cette formule que nous retenons.

M. Mackasey: le ministre, est-ce que vous avez quelques mots à dire? Est-ce que vous avez déjà eu l'occasion de décider quelles seront les normes de travail qui seront appliquées dans le domaine des transports? Je le demande, par exemple, parce que je me rappelle le cas d'une compagnie de paquebots qui a été en Cour supérieure, même en Cour suprême, je crois. Elle a gagné une cause où elle n'était pas affectée par les normes de travail du fédéral. Elle a trouvé dans les normes provinciales qui existent à l'heure actuelle...

Pour cette raison, les gens n'ont pas le même salaire ni les mêmes conditions de travail. Est-ce que vous voulez peut-être passer cinq minutes sur ce point-là?

M. Couture: II y a un conflit de juridiction avec le fédéral sur...

M. Mackasey: Ce n'est plus un conflit maintenant, parce que la cour a décidé que c'est provincial et là on discute les normes de travail provinciales. Tout ce que je demande, c'est si vous décidez comment appliquer les normes de travail dans le domaine des transports, des paquebots. Comme vous le savez, c'est un problème tout à fait spécial et très difficile à régler.

M. Couture: Les conditions minimales s'appliqueront à tous les salariés québécois, sauf que la

loi permet à certains égards des exclusions par règlement selon la nécessité et l'analyse que nous pouvons faire dans ce secteur. Par rapport au transport lui-même, le camionnage provincial, ces normes vont aussi s'appliquer mais je dois dire que, dans ce domaine, cela dépasse de façon assez importante ce qu'on offre. Dans le camionnage, on est drôlement plus avancé que ce qu'on offre comme conditions minimales, on est au-dessus de ça.

M. Bellemare: Prétendez-vous que la Loi du salaire minimum va demeurer?

M. Couture: Non, c'est la Loi des conditions minimales de travail. Et dans cette loi, nous incluons le principe, ou le mécanisme de fixation du salaire minimum semestriel. Nous adoptons deux choses. Dans la loi, par règlement, il sera loisible au gouvernement, annuellement, de réviser possiblement la formule dans le contexte socio-économique, parce que je pense que, par mesure de prudence, nous devons faire cela. Nous ne pouvons pas lancer une formule automatique en disant: Nous n'y touchons plus. C'est par règlement que nous allons nous donner ce pouvoir de réévaluer annuellement cette formule. Mais le salaire lui-même est une des conditions minimales prévues au projet de loi.

M. Bellemare: Dans un article paru le mercredi 16 février 1977, vous donnez deux critères de base. Le premier, on vient de le voir, est une indexation sur le salaire moyen observé dans tout le Québec; le deuxième point prévoit que cet ajustement du salaire minimum se fera automatiquement tous les 1er janvier et 1er juillet. Et, en arrière de vous, quelques mois plus tard, le 4 mai, il y a quelques jours, un membre de la Chambre, M. Chevrette, l'ex-négociateur des enseignants dans le front commun intersyndical en 1972, est par ailleurs d'avis que la Commission du salaire minimum devrait disparaître au profit d'un organisme qui chapeauterait l'application de la future loi sur les conditions minimales de travail et une loi modifiée du salaire minimum dont les hausses seraient basées sur l'accroissement du coût de la vie et de la richesse collective plutôt que sur les prétentions politiques annoncées au préalable.

M. Couture: Je comprends très bien.

M. Bellemare: Je me demande — je ne veux pas vous faire contredire les uns les autres, cela ne serait pas beau — .

M. Chevrette: Vous ne réussirez pas.

M. Bellemare: Non. Et ce ne serait pas beau.

M. Chevrette: Ce sont des hypothèses. Si les journalistes avaient tout écrit, je vais faire partie de la confrérie des mal cités...

M. Bellemare: Ah bon!

M. Chevrette: Mais je vais vous dire que j'ai émis toutes les hypothèses. Il n'y a pas d'hypothèse strictement arrêtée. J'ai dit, j'ai même prétendu strictement ce que M. Couture avait dit la semaine précédente, le salaire moyen, j'ai dit que cela pourrait être aussi la question de l'indexation à l'augmentation du produit national brut. J'ai parlé de toutes les hypothèses. Il a cité celle-là, mais c'est le droit le plus strict du journaliste de prendre ce qu'il veut, mais c'est aussi mon droit le plus strict de rectifier les faits, mon cher monsieur le député de Johnson.

M. Bellemare: Ecoutez, M. le député, M. le Président, je ne cherche pas à les mettre en contradiction, mais, quand c'est évident, que je lis dans un journal, le 17 février, la déclaration d'un ministre et que je lis, le 4 mai, cela fait quelques jours, la déclaration d'un adjoint parlementaire, je me demande lequel a raison. Je pose simplement la question. Qu'on m'éclaire, qu'on me le dise. Je suis réceptif, je suis bien disposé.

M. Chevrette: On voit cela.

M. Bellemare: Je ne voudrais pas vous mettre en conflit.

M. Couture: Mais je pense que c'est justement très intéressant que, dans le débat, avant que le Conseil des ministres, le gouvernement, ait arrêté sa position...

M. Bellemare: ...

M. Couture: C'est fort intéressant d'alimenter le débat en parlant d'hypothèses, en permettant aux intervenants de réagir. C'est d'ailleurs ce qu'ils ont fait; on a reçu des mémoires du Conseil du patronat, du conseil des travailleurs, d'un certain groupe de syndicats...

M. Bellemare: Parce que vous êtes complètement à droite, lui s'en va dans une autre direction et je ne sais pas lequel va faire le "between".

M. Couture: Je pense qu'on n'a pas la même définition de la droite et de la gauche.

M. Bellemare: Oui. C'est cela. Je pense que vous êtes pas mal plus sage, vous avez l'expérience du peuple du trottoir, la philosophie du trottoir. Vous la comprenez peut-être un peu mieux que lui parce que, lui, il est un peu plus jeune et peut-être va-t-il apprendre vite par exemple.

M. Couture: On se comprend très bien.

M. Bellemare: Oui, mais vous comprenez-vous dans vos déclarations?

M. Couture: Lisez-le comme il le faut. Vous allez voir que cela se complète.

M. Bellemare: Je l'ai lu et je comprends aussi quand je le lis.

M. Couture: Vous citez toujours seulement les bouts qui font votre affaire.

M. Bellemare: Ah non! le salaire minimum, l'indexation du salaire moyen.

M. Couture: J'ai huit ans en commission parlementaire.

M. Bellemare: Ah non! Ce n'est pas parce que l'autre jour j'ai cité qu'il y avait un petit vieux. C'était seulement pour badiner. Quand c'est sérieux comme cela, qu'un ministre déclare formellement que c'est cela et qu'un adjoint parlementaire vient dire presque le contraire deux mois plus tard...

M. Couture: Qu'est-ce qui est contraire?

M. Bellemare: ...Ce n'est pas la même orientation.

M. Couture: Quelle partie est contraire?

M. Bellemare: L'indexation du salaire minimum qui dit, premièrement, on vient de le voir, que c'est l'indexation du salaire moyen observé dans tout le Québec. Le deuxième point prévoit que c'était, justement, le salaire minimum, que cela se fera automatiquement tous les mois. Vous dites le contraire de cela.

M. Couture: Non. M. Bellemare: Non?

M. Couture: Vous téléphonerez à Me Côté, qui est directeur général...

M. Bellemare: Je n'ai pas à faire vos commissions et à faire vos appels téléphoniques. Si vous avez des renseignements à me donner, écrivez-moi.

M. Couture: Ce n'est pas une commission.

M. Bellemare: Je les prends dans la lecture quotidienne de mes journaux.

M. Couture: C'est parce que je considère que vous lisez...

M. Bellemare: Selon M. Chevrette, le monopole de la FTQ dans la construction doit cesser. C'est une autre affaire qu'on va discuter. Cela va loin, et c'est vous qui l'avez dit. Vous n'allez toujours pas changer une lettre de ce qui a été écrit.

M. Couture: Cela, ce n'est pas si mal. C'est en gros titre, cela devrait se lire assez bien.

M. Bellemare: Cela devrait être vrai aussi.

M. Couture: Cela devrait se lire assez bien. Si vous sautez une ligne...

M. Bellemare: Cela devrait être vrai dans le fond aussi et le ministre ne dit pas cela.

M. Couture: ...on vous le dirait.

M. Bellemare: Le ministre ne dira pas que la FTQ doit cesser. Ah non! il ne dira jamais cela.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Johnson, est-ce qu'on pourrait revenir aux normes de travail?

M. Bellemare: Oui, on revient à cela. Je m'apaise.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Notre- Dame-de- Grâce.

M. Mackasey: Sur les normes de travail, à la question des congés annuels, vous avez parlé de quatre semaines, je pense. Est-ce que ce serait dans la loi, dans les normes de travail pour tous les travailleurs de la province?

M. Couture: A ma connaissance, je n'ai pas parlé de quatre semaines. Ce n'est pas exclu qu'on n'en parle pas un jour, mais vous auriez de la difficulté à trouver une déclaration dans ce sens.

M. Mackasey: Je l'ai vu dans votre programme, au lieu de votre parole; sur cela vous avez raison.

M. Couture: Ah oui, oui! dans le programme.

M. Mackasey: Dans votre programme, vous dites: II faut assurer à chaque employé à temps plein une période minimale de quatre semaines de vacances par année, qu'il peut prendre consécutivement s'il le désire. Cela, c'est une norme de travail.

M. Couture: C'est dans le programme. Il faut s'orienter vers les quatre semaines un jour ou l'autre. Quand est-ce que le moment sera venu...

M. Mackasey: Vous voulez dire que vous avancez tranquillement vers les quatre semaines.

M. Couture: Oui, il faut avancer tranquillement. En France, les gens ont leur mois de vacances depuis quelques années, je pense.

M. Mackasey: Je le sais, je suis allé là au mois d'août.

M. Couture: A ce point, on est pas mal en retard au Québec. C'est évident qu'avant de promulguer quatre semaines pour tous les salariés québécois, il faut d'abord y aller progressivement. On a à peine deux semaines...

M. Bellemare: II faut de l'ouvrage.

M. Couture: On a à peine deux semaines.

M. Bellemare: II va falloir leur trouver de l'ouvrage pendant l'année.

M. Couture: Oui, parce que, sans cela, ils sont en vacances à l'année.

M. Bellemare: Oui, il y en a 11%.

M. Couture: Ils n'y tiennent pas. C'est un objectif social auquel je me rallie facilement.

M. Mackasey: Je n'ai pas dit que j'étais contre non plus. La question qu'on appelle en anglais, je ne sais pas la traduction "severance pay", avez-vous discuté de cela?

M. Couture: La paie de séparation?

M. Mackasey: "Severance pay" oui, en avez-vous discuté?

M. Couture: Je prends bonne note. C'est une bonne suggestion.

M. Mackasey: C'est une bonne suggestion, mais êtes-vous en faveur? Est-ce que nous l'aurons dans les normes de travail?

M. Couture: Je ne peux pas vous le dire...

M. Mackasey: La "severance pay" n'existe pas actuellement, pour ceux qui ne sont pas, comme vous le savez...

M. Couture: Sauf pour les cadres.

M. Chevrette: Dans la jurisprudence québécoise, nous allons être une autre petite ville...

M. Mackasey: II y en a dans les conventions collectives, mais...

M. Couture: Je me répète là-dessus. Il y a un cadre qu'on essaie de définir. Au-delà de ce cadre, il y a un tas de dispositions qu'il serait intéressant d'exiger des employeurs pour les travailleurs. Les travailleurs, les salariés — évidemment, il faut aussi que le gouvernement les aide par de nouveaux mécanismes — et que ceux-ci saisissent l'importance de se syndiquer pour obtenir une convention collective qui réponde à leurs véritables besoins. Si on prévoit tout pour eux, ils n'auront pas de forts stimulants à se syndiquer.

Dans notre philosophie, cela reste un régime de suppléance. C'est un régime de base, mais qui supplée au moment où il y a des gens qui ne sont pas syndiqués, qui ne peuvent pas se syndiquer ou qui, pour toutes sortes de raisons, ne le sont pas.

M. Mackasey: Vos normes de travail s'appliquent-elles à tous les gens qui travaillent, même ceux qui sont syndiqués, ou sont-elles seulement pour ceux qui ne sont pas membres du syndicat?

M. Couture: Cela s'appliquerait à tout le monde, jusqu'à nouvel ordre. J'aimerais, à un moment donné, que nous ayons un bon débat là-dessus.

M. Mackasey: D'accord.

M. Couture: Je ne sais si ce pourrait être maintenant ou quand nous étudierons le projet de loi en commission parlementaire, mais je suis porté à dire, à ce moment, que cela devrait couvrir tous les salariés québécois.

Le Président (M. Marcoux): Le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Sur les mêmes sujets, M. le Président, M. le ministre a indiqué, tout à l'heure, qu'il s'inspirait généralement de la philosophie d'un rapport publié il y a environ un an ou un an et demi, sur les conditions minimales de travail. Relativement aux emplois qui comportent des pourboires — il y a quand même une possibilité de variations sur ce thème — peut-il nous indiquer s'il envisage d'imposer dans tous ces emplois, l'hôtellerie, la restauration, le pourboire ou la charge de service "mandatoire" pour les établissements et de tenir compte des pourboires dans la rémunération des employés de la restauration et de l'hôtellerie?

M. Couture: A court terme — vous allez dire: Encore un autre comité — j'avoue que je ne vois pas très clair dans ce problème. Je ne sais pas s'il y en a qui voient clair. Qu'est-ce qui est mieux? Est-ce préférable de laisser tout le secteur des employés à pourboires aller chercher ce supplément de salaire, selon le service qu'ils donnent, selon la dimension de l'établissement? Ou, est-ce mieux de statuer par une loi, que ce soit 10% ou 15% ajoutés à la facture et de donner la responsabilité de le repartager aux travailleurs, aux employés de table, etc? Je n'ai pas d'idée précise. Ce n'est pas facile de le savoir. Il faut aussi tenir compte des gens sur place. Les filles de restaurant nous disent qu'elles ne veulent pas en entendre parler. Elles ne veulent pas avoir le système européen.

Par ailleurs, comme gouvernement, nous devons aussi nous interroger sur le fait qu'il y a des sommes, parfois assez considérables, sur lesquelles nous n'avons aucune prise au niveau de l'impôt ou autrement, des bénéfices marginaux qui pourraient être partagés autrement. C'est la raison pour laquelle, en collaboration avec le ministère de l'Industrie et du Commerce, nous, le ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre, nous avons un groupe de travail qui commencera prochainement, avec un mandat de six mois... Eventuellement, nous allons aussi consulter les gens dans le milieu pour leur demander de nous faire des recommandations. Je ne sais pas où nous allons nous orienter, mais je pense qu'il va falloir, à un moment donné, essayer de rationaliser ce milieu.

C'est un fait qu'il y a des petits restaurants où les gens ne font pas tellement d'argent avec leurs pourboires et pour d'autres, c'est devenu délirant.

II y a des gros restaurants — je ne suis pas jaloux d'eux — où les gens font $150 à $200 par jour de pourboires. Ce n'est pas imposable du tout. C'est peut-être une façon aussi d'éviter le partage du fardeau fiscal qui doit revenir à tous les citoyens, quels qu'ils soient, sur les revenus qu'ils gagnent. Sur cette question, je vous dis que nous avons un groupe de travail interministériel. J'y réfléchirai, au ministère, avec d'autres ministres, mais nous n'avons pas d'idée arrêtée. J'aimerais bien avoir votre opinion, si vous voulez la donner là-dessus, cela pourrait nous éclairer, éventuellement.

M. Forget: Comme je n'ai pas le privilège d'avoir accès à des comités d'étude sur ce sujet, tout ce que je peux faire, c'est d'exprimer ma curiosité à ce moment et prendre note, si vous me permettez cette paraphrase, que le ministre semble favorablement préjuger en faveur d'une réglementation qui porterait sur les pourboires. Dans le fond, le comité qui permettra de voir si c'est réalisable et acceptable.

M. le ministre, vous avez indiqué tout à l'heure je pense, dans votre réponse au député de Johnson, au sujet des problèmes économiques que pourrait, par hypothèse, créer un certain niveau de salaire minimum à certaines entreprises marginales qui sont un peu chambranlantes, vous avez dit: II n'est pas absolument impossible que ces situations se trouvent, même si ce n'est pas généralisé, mais il y a d'autres moyens pour résoudre le problème qui est ainsi créé de la perte possible d'emplois.

Je sais par exemple que, dans certaines régions, dans les Cantons de l'Est, dans la région de Sherbrooke, on a entendu parler au cours de l'hiver de parcs industriels dans des Etats américains, juste de l'autre côté de la frontière, avec des entreprises qui vont là, dans le fond, parce que le salaire minimum dans les Etats du Vermont et d'autres Etats semble substantiellement inférieur à celui qu'on a au Québec. Le problème existe donc probablement d'une façon ou d'une autre pour quelques entreprises. Pouvez-vous nous indiquer quels sont les autres moyens sur lesquels on pourrait compter pour pallier ces pertes d'emplois qui peuvent affecter les petites villes de façon assez lourde parfois?

M. Couture: J'ai suggéré au Comité de développement économique qu'on puisse entendre les entreprises en question et je pense qu'on est encore à l'état de réflexion à ce niveau-là. Il s'agit de rester cohérents dans notre façon d'aborder le problème. C'est-à-dire qu'on ne demande pas aux petits salariés de subventionner la petite entreprise, l'entreprise déficitaire ou qui a des problèmes économiques, mais c'est notre responsabilité sociale de déterminer le niveau acceptable, étant donné le coût de la vie et la richesse nationale. J'ai suggéré — ce serait certainement la responsabilité économique du gouvernement — qu'on puisse entendre les entreprises en question. Je vous ai fait part au début de la commission parlementaire — je ne sais pas si je vous en ai fait part — qu'on a fait une enquête au ministère pour évaluer l'impact économique du salaire minimum. Le député de Saint-Laurent, qui était au gouvernement, a dû en prendre connaissance, je ne sais pas, en 1975, je crois, avant l'augmentation du salaire minimum et après l'augmentation, on a pris un bloc d'entreprises, environ 875, on a fait un sondage avant. Le salaire minimum, à ce moment-là, était haussé de 20%. C'était la plus haute hausse depuis 1970. On a été les voir avant, puis le salaire minimum a été haussé. On est retourné chez les mêmes entreprises. Ce qui est assez étonnant, c'est que, dans la première enquête, avant que le salaire soit haussé, on demandait aux entreprises: Si le salaire minimum augmente, qu'allez-vous faire? Un tas d'entreprises ont dit ce qu'on entend habituellement: On ferme les portes; on licencie les gens; on augmente les prix, ou: Vous nous ruinez, etc. On a invoqué un tas de raisons. On leur disait: Quelles sont les mesures précises que vous allez prendre? Certains disaient: on va licencier du monde; d'autres évidemment disaient: On va hausser les prix; on va baisser les profits — il y avait beaucoup moins de promesses de ce côté — on va étaler les heures. Enfin, il y avait quelques mesures dans ce style.

Après, on est retourné vérifier, de fait, chez les mêmes entreprises qui avaient promis un certain réaménagement à cause de la hausse du salaire minimum ce qui était arrivé, et c'est ce qui est étonnant, il y avait un écart de 50% à 60% entre les mesures annoncées et les mesures appliquées.

M. Bellemare: Jusqu'à 75.

M. Couture: C'est cela. Cela dépend des secteurs. Dans certains, c'est plus ou moins. Cela dépend des mesures. Entre autres, ce qui nous intéressait beaucoup pour l'emploi, ce qui intéresse tous les gens, c'est la principale objection qu'on fait: Vous allez hausser le salaire minimum et vous menacez alors l'emploi au Québec, parce qu'il y aura des licenciements; les entreprises se plaignent et le reste. Or, cela les affectait pour à peine 0,3%. Sauf que, dans certaines petites entreprises, qui sont évidemment fragiles, je pense que la démonstration peut être faite. Ce que j'ai suggéré au Conseil de développement économique, c'est qu'on puisse éventuellement avoir, je ne dirai pas un tribunal économique, mais une espèce de commission, qui étudierait, qui, au moins, écouterait les cas précis d'entreprises qui pourraient faire la démonstration, mais la faire, cette démonstration, que telle hausse du salaire minimum les affecte tellement que cela les menace carrément. Des mesures économiques pourraient alors être prises en conséquence.

C'est-à-dire que, je pense, le gouvernement qui, d'une part, veut pallier des écarts au niveau des salaires et répondre à certains objectifs sociaux, doit aussi contribuer au maintien de l'emploi et aider les entreprises. Je dis que si des démonstrations pouvaient être faites sur des entreprises à ce moment-là il pourrait, il devrait y avoir

une aide, un soutien économique de la part du gouvernement pour permettre à l'entreprise de s'ajuster à cette hausse. Parfois, l'enquête révélait aussi que, après quelques mois, cela donnait à la compagnie... cela la forçait à avoir un nouveau dynamisme et elle s'ajustait. Mais je suis tout à fait conscient qu'il y a des types d'entreprises fragiles et que ce passage d'un niveau de salaire, d'un coût de main-d'oeuvre à un autre, est parfois vraiment difficile.

M. Forget: M. le Président, je ne veux pas rester longtemps sur ce sujet, mais puisque le ministre a disserté assez longuement... j'ai également pris connaissance de cette étude à laquelle le ministre vient de faire allusion et tout en reconnaissant que les conclusions qu'il résume sont exactes, il faut aussi se méfier de faire dire à une étude comme celle-là plus qu'elle ne dit, parce que dans le fond on n'aura jamais d'une étude comme celle-là plus que ce qu'on peut y mettre comme données, comme méthode de travail et comme méthode d'analyse. N'importe qui lit l'étude se rend compte qu'elle a été faite dans un contexte qui était susceptible de minimiser l'impact d'une hausse du salaire minimum, c'est-à-dire un contexte inflationniste assez général et un contexte où, pour les années en cause en particulier, l'économie était en assez bon état, était plutôt dans une phase ascendante, une phase de croissance. Evidemment, les entreprises ne se retrouvent pas toujours dans ce contexte. Donc, une autre étude exactement de la même sorte, entre deux autres dates, mais dans un contexte économique différent, pourrait aboutir à des résultats complètement différents.

Il y a donc cette mise en garde qui est nécessaire sur un plan simplement technique. Cela dit, j'aimerais aussi mettre le ministre en garde contre les cures qu'il envisage, les autres moyens. Je ne crois vraiment pas que l'offre à une entreprise de l'entendre si elle est, de façon adverse ou négative, affectée par une hausse du salaire minimum, soit véritablement ce qui aide une petite entreprise. Vous allez dire à un bonhomme qui engage cinq ou six personnes et qui a tout juste l'argent pour pouvoir les payer à la fin de la semaine, payer les fournitures, etc. qu'il peut se présenter à Québec avec un mémoire et faire la preuve qu'il est affecté par cette hausse, il faut qu'il engage un comptable, un analyste en coût de revient etc. pour pouvoir faire sa démonstration à la satisfaction des fonctionnaires qui vont être très nombreux et qui vont lui poser des questions, il va dire tout de suite qu'il aime mieux ne pas essayer.

Dans le fond, il y a derrière cela une question de principe. C'est que tout gouvernement qui prend des décisions dans le domaine du salaire minimum doit faire face à ses responsabilités dans le sens suivant: C'est que s'il croit vraiment que des conditions de travail doivent être assurées à tous ceux qui ont un emploi, il doit également se rendre compte que cela peut faire disparaître des emplois et que la solution ne réside pas dans les entreprises ou les secteurs d'activité où les em- plois vont disparaître. C'est bien dommage, mais ces entreprises vont disparaître. Il faut faire un X dessus. Il a, d'un autre côté, le devoir de contribuer à un climat général, au point de vue politique et économique, qui va permettre la création d'emplois à plus haute productivité, qui eux vont permettre de satisfaire aux lois. Se mettre à subventionner les salaires, c'est une aventure dans laquelle je souhaite bonne chance au gouvernement.

M. Couture: Oui, si vous permettez...

M. Forget: Mais une fois commencé, cela ne finira pas demain.

M. Couture: Ce n'est pas directement subventionner les salaires. L'intérêt de ce genre de proposition aux entreprises, d'ailleurs, c'est que cela permettrait, parfois, de leur donner un bon coup de main au niveau de l'expertise et du soutien technique. C'est aussi le rôle du ministère de l'Industrie et du Commerce. Parfois on n'a pas l'information suffisante dans ces entreprises au sujet de ce qui se passe.

S'il y avait un peu plus d'ouverture dans ce sens pour les aider à s'exprimer et à faire part de leurs problèmes, ne serait-ce que cet avantage, il faudrait peut-être retenir, au moins étudier la proposition.

Je voudrais quand même signaler que je suis très heureux de vos dernières phrases. Vous répétiez presque mot à mot certaines remarques du groupe Castonguay sur la philosophie du salaire minimum. J'espère que vous allez maintenir votre approche parce que, peut-être prochainement, vous aurez à réagir là-dessus.

M. Forget: Oui. Je suis bien d'accord, mais...

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Johnson.

M. Bellemare: M. le Président, je ne voudrais pas interrompre le ministre. C'est très intéressant, cette discussion. Dans le rapport du ministère du Travail, il a été question de l'étude de l'impact du salaire minimum, à la page 31, de ce qu'avait produit, en 1975, cette hausse, la relance du salaire minimum. Il est dit les études d'impact sur le salaire minimum ne peuvent mesurer que les effets directs sur les salaires et les prix.

Les effets indirects doivent être des enquêtes auprès des firmes avant et après une hausse donnée. C'est pourquoi nous avons lancé une étude spéciale sur ce sujet, en 1975, après la hausse.

On a eu une hausse en 1977. C'est le rapport 1975-1976. Est-ce qu'il y a eu une étude particulière de faite et qui sera faite sur la hausse à $3 à partir du 1er janvier 1977, pour répondre aux interventions du député de Saint-Laurent?

Deuxième question. On n'en posera plus. Il reste que le salaire minimum amène sûrement des problèmes terribles dans nos petites municipalités, particulièrement. J'ai reçu, au mois de février,

une délégation d'une vingtaine de petits employeurs de paroisses et de comtés. Ils sont venus me porter un mémoire. Dans le mémoire, ils parlaient de la hausse terrible de $3... et de l'inflation... Il y avait une suggestion qui était heureuse — je me suis dit que j'allais en parler en commission parlementaire quand le temps viendra — qu'un pourcentage soit accordé pour chaque nouvel employé qu'on aura greffé au groupe de travail qui, pendant l'année précédente, aura augmenté de 1, de 2, de 3, de 4, de 5.

M. Couture: Une prime à l'emploi, oui.

M. Bellemare: Ils mettaient une prime à l'emploi. C'est-à-dire si vous avez augmenté de 1, de 2 ou de 3 ou de 5, jusqu'au maximum d'un quart.

M. Couture: Comme le fédéral faisait dans les zones désignées.

M. Bellemare: Pardon?

M. Couture: Comme le fédéral faisait dans les zones désignées.

M. Bellemare: Pas tout à fait, pas tout à fait comme pendant la guerre dans les zones désignées. Mais eux disent ceci: Qu'on nous donne un pourcentage, par exemple, d'indexation sur notre revenu, par année, qu'on paie en impôt, pour chaque employé nouveau. Nous serons protégés contre la hausse possible du salaire minimum. C'est sûr et certain que ce qu'on gagne en surplus, on le gagne pour notre industrie et pour nos travailleurs. On réalise un salaire juste et raisonnable, c'est sûr, mais, quand le salaire minimum augmente et il va continuer d'augmenter, on risque de fermer notre industrie.

Si le gouvernement nous disait: On va vous indexer votre impôt sur le revenu pour chaque nouvel employé. Si vous en avez cinq, vous aurez droit, disons, à 5%. Si vous en avez dix de plus, on vous donnera 10% d'indexation sur votre impôt sur le revenu.

Ils prétendent, et avec raison, que le surplus qu'ils pourraient produire et qu'ils pourraient payer avec un salaire de $3, de $3.50 ou de $4, par le retour de l'indexation, cela ferait que la petite industrie serait protégée énormément. C'est une suggestion qui...

M. Couture: Cela ne rejoint-il pas un peu ce que le ministre de l'Industrie et du Commerce a annoncé à propos de ce qu'on appelle les congés fiscaux où c'est lié aussi au maintien de l'emploi et au développement des entreprises? Je n'ai pas les renseignements, à moins qu'il y ait quelqu'un qui ait des détails là-dessus, mais le principe est là quand même. Une diminution de l'impôt par rapport à...

M. Bellemare: II est bien simple de faire étudier le cas.

M. Couture: Oui, je note ce que vous m'appor- tez comme proposition et cela mérite une étude, en effet.

Le Président (M. Marcoux): Le député de Joliette-Montcalm.

M. Chevrette: M. Bellemare, j'aurais une question. Si une telle mesure venait, à mon sens, il faudrait que le salaire minimum soit augmenté automatiquement pour avoir une solution automatique comme vous le dites, sinon, ça pourrait contribuer...

M. Bellemare: C'est annoncé qu'il va augmenter.

M. Chevrette: Tant que ce n'est pas fait, on ne peut pas envisager...

M. Bellemare: Deux fois par année. Il l'a annoncé en janvier et en juillet. Ces gens ont fait un mémoire, me l'ont présenté, j'ai dit: Je vais en parler à la commission parlementaire. Une indexation d'un pourcentage peut-être minimum de 1% pour chacun des employés. Si une industrie a dix employés et qu'à la fin de l'année, elle en a onze, elle aura droit à 1% de rabais. Si elle en emploie cinq et qu'elle est obligée de payer le salaire minimum tel qu'indexé le premier janvier et le 1er juillet, elle aura 5% de déduction sur son impôt. Ce sera un contrepoids pour permettre à l'industrie de vivre. Mais, si vous ne lui donnez jamais rien et qu'elle est obligée de toujours prendre à même le fonds de son revenu, vous allez la paralyser, c'est sûr, parce qu'elle n'a pas les moyens, comme une grande industrie, de porter indéfiniment des augmentations, à part les conventions collectives qui peuvent venir.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Mackasey: M. le ministre, j'ai une petite observation à faire sur la question du salaire minimum et une dernière question. Il ne faut pas, je pense, indexer le salaire minimum au niveau du coût de vie. Vous savez que cela ne fait qu'accélérer l'inflation. Il faut prendre en considération les relations avec l'accélération de la productivité. Vous trouverez une formule.

M. Bellemare: Ce n'est pas indexé selon le coût de la vie. C'est vous qui l'avez dit.

M. Mackasey: Je sais que je l'ai dit, mais ce n'est pas fait encore. C'est une suggestion. La chose qui m'embête peut-être le plus, M. le ministre, c'était avant votre temps, alors, ce n'est pas un reproche à vous faire, mais peut-être pourrait-il être fait à mon collègue, si vous voulez, ou à moi-même. Qu'est-ce que cela vaut d'établir un salaire minimum, si nous n'avons pas assez de fonctionnaires pour assurer que la loi est respectée? Je fais référence aux commissions, je sais que vous avez lu, sinon vous, au moins vos fonctionnaires, les articles parus dans le Montreal Star, l'année passée, sur les industries du centre-ville,

où vraiment il n'y a pas assez d'inspecteurs. Il y a des maisons, des boutiques, des petits manufacturiers, employant 15, 20 ou 50 personnes, où on ne voit jamais un inspecteur de toute l'année, peut-être en trois, quatre ou cinq ans. Ils ont même encore des affidavits, où c'est réglé, l'employeur remet le chèque à un immigrant, si vous voulez, et cinq minutes après que l'inspecteur est parti, le chèque est retiré par l'employeur.

Je me demande, dans vos estimations, je n'en trouve pas, mais je n'ai pas étudié cela en profondeur, si vous avez des chiffres, pour cette année, de l'augmentation du nombre d'inspecteurs pour appliquer la loi. Pour mettre votre loi à $3, s'il n'y a personne pour protéger ceux qui sont obligés de travailler pour le salaire minimum, je me demande comment vous voulez que la loi soit respectée, parce que les employés sont craintifs, surtout les nouveaux Canadiens, ils ont peur de faire des plaintes, quand ils travaillent dans les petites industries.

M. Couture: Je vais répondre à votre question. J'ai remarqué, dans mes notes, que j'avais oublié de répondre à une question assez précise aussi du député de Johnson. Il demandait s'il y avait eu, après la hausse du salaire minimum, en janvier, une enquête sur les effets de cette hausse.

M. Bellemare: C'est votre rapport qui n'en parle pas, c'est sûr, parce qu'il est imprimé, pour 1975/76.

M. Couture: II y a actuellement, à la Commission du salaire minimum, une enquête qui se fait sur les effets indirects de cette hausse.

M. Bellemare: De 1977?

M. Couture: C'est cela, du 1er janvier 1977. Par rapport aux remarques du député de Notre-Dame-de-Grâce, j'aurais les observations suivantes à faire. Dans le fond, c'est un peu comme la charte de la langue française. On s'excuse presque d'être obligé de faire une Loi du salaire minimum, d'être obligé de statuer sur le salaire minimum. Dans une société idéale, les gens qui emploient du monde doivent donner le service...

M. Mackasey: Vous associez cela à des normes, oui ou non, M. le ministre?

M. Couture: Je voudrais faire quand même mon observation. Les gens qui emploient du monde se donnent un salaire. Un chef d'entreprise vit en 1977, il va au coin de la rue acheter du beurre, des vêtements, il achète toutes sortes de choses. Ce chef d'entreprise réalise très bien, en 1977, quand il y a un salarié chez lui, que celui-ci aussi achète probablement de temps en temps une livre de beurre, des aliments, des vêtements...

M. Bellemare: II y a du salaire dans les dix provinces, il y en a dans le Canada et il y en a aux Etats-Unis.

M. Couture: M. le Président, je voudrais continuer.

M. Bellemare: Ce ne sont pas des imbéciles qui ont fait les lois du salaire minimum. Jamais dans cent ans. N'allez pas dire cela.

M. Couture: Je veux signaler à la commission que...

M. Bellemare: Ce n'est pas un argument de dire qu'il ne faut pas de salaire minimum.

M. Couture: Si on regrette presque de légiférer là-dessus, c'est parce que, idéalement, quelqu'un qui emploie du monde pourrait lui-même faire l'analyse qu'il travaille pour moi et devrait avoir un salaire qui est possible dans la société d'aujourd'hui, en 1977.

M. Mackasey: M. le ministre, on ne vit pas dans une société idéale...

M. Couture: On ne l'est pas. C'est pour cela qu'il faut légiférer.

M. Mackasey: Si c'était le cas, vous n'auriez pas besoin de normes de travail.

M. Couture: Exactement. Vous avez raison et c'était ma deuxième observation.

M. Mackasey: Je pense que j'ai assez de formation pour comprendre cela. Je vous pose une question, si vous voulez. Etes-vous content du nombre d'inspecteurs que vous avez à votre disposition, oui ou non?

M. Couture: Je n'ai pas fini mon observation. J'y arrive, cela va être ma troisième observation.

M. Mackasey: Ce n'est pas tellement difficile.

M. Couture: Je vais répondre à votre question, mais j'ai une deuxième observation à faire. C'est que le jour où...

M. Mackasey: Alors, je vais moi-même faire une autre observation, si vous ne voulez pas répondre à la question!

Le Président (M. Marcoux): A l'ordre, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce! Laissez le ministre répondre. Ensuite...

M. Couture: L'observation va vous aider à comprendre la vraie réponse. Je vais dire que, finalement, si on réforme le Code du travail, si on a de meilleurs mécanismes de syndicalisation, nécessairement, à la limite, on n'aura plus besoin de statuer sur le salaire minimum si, éventuellement, et c'est là l'objectif aussi, tous les travailleurs réalisent que c'est dans la même unité de travail qu'ils ont des conditions communes à négocier et que c'est leur force collective qui leur permet d'al-

ler négocier des conditions raisonnables. Toute l'histoire des conventions collectives nous démontre que c'est le meilleur moyen pour des travailleurs d'obtenir des conditions raisonnables. La raison pour laquelle la Loi du salaire minimum et son application risqueront d'être toujours insatisfaisantes, c'est parce qu'à moins d'avoir un policier devant chaque entreprise et d'avoir un...

M. Mackasey: Etes-vous satisfait du nombre d'hommes à votre disposition? C'est la seule question que j'ai à poser.

M. Couture: Je ne suis pas satisfait. Ma réponse est non. Je ne suis pas satisfait.

M. Mackasey: Alors, vous auriez pu me dire cela il y a quinze minutes. Si vous mettez votre salaire à $5 et que c'est impossible pour les nouveaux Canadiens ou les Américains de percevoir les $5, vous êtes aussi bien de le mettre à $10. Vous avez dit non. Dans son budget, le Conseil du trésor a-t-il mis à votre disposition assez d'argent pour en engager un nombre plus réaliste?

M. Couture: Comme je l'ai dit, nous sommes quand même dans une année de transition. Nous allons vivre avec ce budget et j'essaierai éventuellement, avec la nouvelle loi qui entraînera une transformation de la Commission du salaire minimum et de meilleurs mécanismes d'application, de défendre au Conseil du trésor une augmentation du nombre des inspecteurs. Mais, comme je l'ai dit plusieurs fois, je crois beaucoup à la responsabilité du milieu, des syndicats, des citoyens mêmes pour que, dans le milieu, on prépare les mécanismes de représentativité et d'intervention, pour qu'eux-mêmes disent. Finalement, les non-syndiqués qui sont dans les entreprises, on a une certaine responsabilité sociale envers eux. Il y a des lois qui sont votées par notre gouvernement, on va essayer aussi de veiller à leur application.

Le Président (M. Marcoux): Le député de Joliette.

M. Chevrette: Je voudrais ajouter qu'il y a un certain soir où M. Mackasey a dû s'absenter déjà et où on a touché cet aspect de l'inspectorat. Il semblait se dégager un consensus au niveau de la commission parlementaire, que c'était bien souvent dû à un manque d'information et à une méconnaissance des droits.

On pourrait doubler le nombre d'inspecteurs sans donner d'information publique. Cela ne changerait pas grand-chose. Si on avait des programmes d'information publique pour faire connaître leurs droits aux citoyens, on aurait probablement beaucoup...

M. Couture: On va avoir ces droits.

M. Chevrette: ...beaucoup plus de gens qui seraient conscients de leurs droits. Automatiquement, on pourrait répondre à plusieurs plaintes à ce moment.

Dans le domaine de l'hôtellerie, j'avais souligné que ce serait toujours un problème très difficile parce que, dans certaines...

M. Mackasey: J'ai des factures à votre disposition.

M. Chevrette: Si vous permettez, je vais corriger, j'ai fait une erreur. J'ai dit quelque chose qui n'est pas exact. Pour l'augmentation du nombre des inspecteurs, on n'a pas besoin d'allerau Conseil du trésor. C'est la Commission du salaire minimum qui, par le prélèvement, s'administre elle-même. Il suffirait, dans son budget, d'augmenter le prélèvement et de trouver les sommes nécessaires pour augmenter les inspecteurs.

M. Bellemare: M. le Président, la base n'est pas là. Il y a un tiers de travailleurs syndiqués et il y en a deux tiers qui ne le sont pas. Il y a 2,4 millions de travailleurs et il y en a seulement 800 000 qui appartiennent à un syndicat. Il y en a 1,6 million qui n'ont jamais été syndiqués et qui ne le seront jamais.

M. Couture: Ils ne le seront jamais...

M. Bellemare: Ils ne le seront jamais, sauf si vous leur imposez la syndicalisation par une loi. Encore là, vous allez voir combien il y aura de trous. C'est impossible. La syndicalisation ne se fait pas par la force.

M. Couture: II y en aura toujours qui ne seront pas syndiqués.

M. Bellemare: Ceux qui ont voulu la faire par la force ont manqué leur coup. Il y a eu des grèves qui ont duré pendant des années.

M. Couture: Je suis d'accord avec vous là-dessus.

M. Bellemare: II y a 1 600 000 non-syndiqués. Cela va être par la loi générale et il va falloir être assez tolérant pour ne pas faire périr les industries à force de mettre des conditions normatives trop exigeantes; il faudra les mettre assez floues pour qu'on puisse s'adapter. Les 800 000 syndiqués sont protégés mais 1 600 000 ne le sont pas. C'est là tout le problème.

Le Président (M. Marcoux): Le député de Joliette-Montcalm.

M. Chevrette: Je voudrais dire au député Bellemare que...

M. Bellemare: Le député de Johnson. Merci.

M. Chevrette: Au député de Johnson, excusez, je parle en mon nom personnel. Il y a une dimension qui n'est pas discutée tellement. C'est l'accréditation dans le domaine de la syndicalisation. Vous parlez souvent des 1 600 000, mais lorsqu'on sera capable de se syndiquer au Québec

sans agir d'une façon clandestine, on aura peut-être un taux accru de syndicalisation.

Je n'en reviens pas encore qu'en 1977 on soit obligé de se cacher dans des sous-sols pour signer une carte de membre, de subir les foudres de l'employeur et de traîner devant le Tribunal du travail des mois et des mois. Vous savez comment cela se passe. C'est une autre dimension qu'il faudrait peut-être envisager.

M. Bellemare: On a changé le Code du travail pour mettre des commissaires-enquêteurs et pour que l'accréditation soit plus rapide.

M. Chevrette: Cela n'a pas changé.

M. Bellemare: Cela a changé énormément, mais ce n'est pas encore là qu'est le mal.

M. Chevrette: Ce n'est pas la question.

M. Bellemare: C'est dans la tête des gens que la syndicalisation n'est pas entrée.

M. Chevrette: Mon problème n'est pas...

M. Bellemare: Tant et aussi longtemps que cela ne sera pas véritablement infusé dans le cerveau des gens, on aura toujours un groupe de gens contre la syndicalisation.

M. Chevrette: M. le Président, je ne prétends pas que le ministère du Travail n'a pas fait d'efforts. Ce n'est pas cela que je mets en doute. Je dis que, pour moi, le processus même qui conduit à la demande de l'accréditation force les gens, dans la conjoncture et dans la mentalité actuelle, à agir clandestinement. J'en ai des exemples quotidiens. Il nous arrive quotidiennement des lettres nous disant: J'ai été mis à pied parce que j'ai voulu fonder un syndicat. Cela prend des enquêtes qui durent des mois et des mois; le gars s'écoeure bien souvent, excusez le terme, mais il ne pousse pas au bout son histoire. Il ne se rend pas jusque devant les tribunaux parce que, entretemps, il se tanne et il se choisit un autre emploi ailleurs. C'est une dimension importante de la syndicalisation.

Le Président (M. Marcoux): Programme 2, élément 1.

M. Forget: M. le Président, je n'avais pas terminé mes questions, tantôt...

Le Président (M. Marcoux): Le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Avant de poursuivre, j'aimerais préciser, M. le Président, contrairement à ce qu'indique le député de Joliette-Montcalm, qu'il n'y a pas eu de consensus l'autre soir lorsque nous avons discuté de la question des inspecteurs. Je me souviens de cette discussion. J'avais d'ailleurs posé au ministre plusieurs questions re- lativement à cette suffisance ou insuffisance des mécanismes. Il avait, à ce moment, élaboré fort longuement sur les comités régionaux qu'il souhaite voir s'établir en conjonction avec les centres de main-d'oeuvre du Québec comme élément d'application.

Mais il est bien évident qu'on n'a pas à exprimer d'opinion comme commission, on n'a pas à en exprimer non plus tant qu'on ne les voie pas fonctionner dans ces comités tripartites régionaux qui sont censés jouer un rôle d'application des lois.

Il n'est pas exclu qu'ils aient un certain rôle à jouer, mais il est clair que la commission du salaire minimum ou son successeur va avoir à multiplier son inspectorat d'une façon très considérable, parce que non seulement, comme il vient de l'indiquer, le chiffre actuel est peut-être insuffisant, mais les conditions telles qu'on les envisage qui débordent simplement le taux nominal de paiement horaire va s'appliquer à 2 500 000 travailleurs au Québec, potentiellement au moins.

Alors il va falloir faire dix fois plus d'inspection qu'il ne s'en fait dans le moment. Ce n'est peut-être pas 200 inspecteurs que ce groupe va avoir, c'est peut-être 2000 dont il aurait besoin. Et quand on cite des chiffres ainsi, cela peut avoir l'air fantaisiste, mais qu'on se demande combien il y a de délégués syndicaux qui s'occupent dans tous les syndicats, dans toutes les unités d'accréditation, de vérifier si les droits qui leur sont reconnus par leur convention collective et le Code du travail sont assurés dans les faits. Ces gens sont occupés une partie du temps, mais évidemment ils ne travaillent pas à temps plein pour la plupart sur les questions syndicales, ils sont également des employés, ils exercent leur travail dans leur emploi, mais ils sont libérés pour une partie de leur temps. Une partie de leur temps est consacrée à assister à des réunions, etc. Mais il reste que l'autre partie est consacrée à recevoir des griefs, à parler aux membres du syndicat, donc à être un peu l'équivalent des enquêteurs dans un contexte différent. Mais il y en a combien de milliers de ceux-là? Il y en a des milliers et des milliers, mais il va falloir des milliers et des milliers d'inspecteurs si on veut avoir des conditions minimales de travail qui visent tous azimuts, toutes les directions.

M. Couture: Quel est le point d'information? Vous semblez laisser entendre que là où il y a des conventions collectives, les inspecteurs de la régie auraient aussi à surveiller, à vérifier l'application des conditions minimales. Ce qui va se passer, c'est que les conventions collectives auront à s'ajuster si nécessaire aux conditions minimales de travail au Québec. Quand il y aura un problème d'interprétation, c'est la régie qui statuera. L'application de la convention collective...

M. Forget: Avant de statuer, il va falloir qu'elle envoie ses inspecteurs. Si vous recevez d'un syndicat local une plainte indiquant que les dispositions quant aux congés, aux vacances, aux

pauses-café, etc., qui sont prévues ou pas prévues dans la convention collective, sont par hasard encore en contradiction avec la loi...

M. Couture: Pas...

M. Forget: La commission ou la régie que vous avez l'intention de créer ne se prononcera pas sur simple réception d'une plainte. Elle va envoyer quelqu'un vérifier. Alors, il faut des inspecteurs pour faire cela.

M. Couture: Mais il ne faut quand même pas trop charrier là-dessus. L'étude des conventions collectives a été faite. On sait à peu près dans l'ensemble des conventions collectives au Québec ce qu'il y a comme conditions minimales. Alors dans le cadre qu'on présente, dans la très grande majorité des cas, ils ont ces dispositions.

Ce qui va se passer dans des conventions collectives où ce n'est pas sûr...

M. Forget: Quand vous les prenez une à une. Mais rien ne vous dit que quand vous prenez une condition, que ce soit par exemple le nombre de congés fériés par année et que vous dites qu'il y a plus de 50% des unités de négociations et plus de 75% des employés qui ont cette clause, cela reste malgré tout, disons par hypothèse, 50% des unités de négociation qui ne l'ont pas et qui n'ont pas quelque chose d'aussi généreux et 25% des employés syndiqués qui ne l'ont pas. Dans ce cas, cela va être le travail de l'inspecteur.

M. Couture: Par l'information.

M. Forget: Si vous prenez la même convention collective sur une autre clause, elle peut être complètement silencieuse sur un sujet qui est couvert par la loi des conditions minimales. Alors ce n'est pas nécessairement cumulatif, tous ces pourcentages; ce qui veut dire que vous avez un potentiel, de toute façon. Je comprends qu'on peut aller d'hypothèse en hypothèse. Il serait peut-être intéressant de savoir ce que cela implique en fait, quel est l'objectif que vous formulez quant au nombre d'inspecteurs requis. Cela se calcule.

M. Couture: Je pense qu'on ne peut pas parler en termes d'inspecteurs sans situer ces inspecteurs dans un cadre d'application de la loi.

M. Forget: Oui, je comprends, vous avez insisté longuement là-dessus. Situez-le dans le cadre que vous voulez. Il faut quand même arriver à un chiffre quelconque. Est-ce 200, 400, 800, 1200? Vous arriveriez avec 1200 ou 1800, que je ne serais pas du tout surpris.

M. Couture: La régie, quand elle sera en place, une fois que la publicité sera faite, l'information donnée... les mécanismes qu'on ajoute pour l'application de la loi, à un moment donné, il va falloir en faire une évaluation. Vous avez bien raison de dire...

M. Forget: II ne faut pas attendre qu'on ait adopté une loi pour ensuite se demander quelles en sont les applications; il faudrait peut-être le savoir avant.

M. Couture: Un instant! On ne part pas de zéro. Il y a déjà tout un organisme en place qui s'appelle la Commission du salaire minimum, avec des effectifs, avec des services. Et c'est dans ce cadre qu'on met notre régie en place. C'est évident que...

M. Forget: Ce n'est pas dans le même cadre. Une question que je vous ai posée à ce sujet, c'est: Avez-vous l'intention qu'on conserve la même méthode de travail, c'est-à-dire toujours agir seulement quand on reçoit une plainte.

M. Couture: On va plus loin que cela.

M. Forget: Vous m'avez dit: Non, on peut envisager que ces gens prennent l'initiative. Mais s'ils prennent l'initiative ils vont avoir plus de travail à faire, pas moins.

M. Couture: Cela sera leur responsabilité d'engager les inspecteurs nécessaires.

M. Forget: Je suis bien d'accord avec vous.

M. Couture: Mais, à ce moment-ci, je ne peux pas aller dans le détail; je vous dis que nous avons des objectifs. Face à ces objectifs-là, la future régie, si elle s'appelle comme cela, prendra ses responsabilités et elle aura la volonté politique de se prononcer face à cela.

Le Président (M. Marcoux): Le député de Joliette.

M. Chevrette: M. le ministre, théoriquement, il n'y a rien qui empêcherait — pour répondre à la question de M. le député de Saint-Laurent — d'avoir une disposition dans la loi qui dise: Lorsqu'une condition de normes minimales entre en vigueur et qu'elle ne fait pas partie intégrante d'une convention collective existante, elle est de facto reconnue comme une clause des conventions existantes et c'est traité par les syndicats, à ce moment-là. Ce qui empêche un nombre accru d'inspecteurs à la régie. Cela pourrait se faire par une mesure législative, à mon sens.

M. Bellemare: C'est déjà dans les responsabilités du ministère d'accepter ou de refuser les conventions collectives, de voir à ce que les conventions collectives qui passent par les relations de travail soient conformes. Et n'oubliez pas que les syndicats y voient, à cela. Ils n'ont pas besoin d'inspecteurs, eux.

M. Chevrette: Oui, mais M. Bellemare...

M. Mackasey: J'ai posé une question au début, d'au moins ne pas appliquer des normes de travail dans les secteurs qui sont syndiqués. Parce que souvent...

M. Chevrette: Même si la chose n'existe pas?

M. Couture: A la limite, savez-vous ce que cela veut dire?

M. Mackasey: Je parle d'employés qui sont déjà membres d'un syndicat. Ils ont en leur pouvoir, s'ils ont un syndicat, le moyen, par les négociations, d'établir les normes selon ce que désirent leurs membres. Si vous vous amenez avec un code du travail, des normes de travail qui s'appliquent dans ce domaine, vous niez souvent même les demandes des syndicats. Vous n'avez qu'à prendre le UAW qui préfère n'avoir aucun avis tout en ayant le changement des modèles en échange d'un salaire fixe. Je me rappelle quand on arrivait avec des normes de travail de huit jours de congé par année, il y a beaucoup de contrats qui n'en avaient que quatre ou cinq. On préférait cela à d'autre chose. Alors, au moment où on arrive avec des normes de travail dans les milieux syndiqués, on arrive souvent — c'est de l'indifférence si vous voulez — dans un domaine, M. le ministre, qui marche toujours mieux avec moins d'indifférence de la part du gouvernement, autant que possible.

M. Couture: Je suis bien d'accord avec vous. Mais à la limite, vous savez ce que cela veut dire, pratiquement. Cela voudrait dire que pour le salaire minimum, entre autres, on accepterait l'hypothèse qu'un syndicat puisse négocier ou s'entendre avec une compagnie pour que celle-ci paie moins cher. Ils s'entendraient pour qu'il n'y ait plus de congé férié. Est-ce que...

M. Mackasey: Vous savez mieux que moi, M. le ministre qu'un tel syndicat n'existe pas.

M. Couture: II y a une question de philosophie, M. le Président, j'aimerais terminer.

Le Président (M. Marcoux): M. le ministre.

M. Couture: II y a une façon philosophique d'aborder le problème. Lorsque l'on statue sur un certain nombre de conditions minimales, il ne faut pas oublier qu'il est reconnu, dans notre société québécoise, en 1977, qu'il y a un certain nombre de conditions minimales — en effet, cela porte son nom — elles s'appliqueront d'abord et avant tout, comme élément de suppléance chez les gens non syndiqués, mais c'est évident qu'on soutient en même temps, là où il y a des conventions collectives, qu'on suppose, si on ne le suppose pas, on l'exige, qu'il y ait au moins cela au point de départ.

Si on laissait simplement le jeu de la négociation, et comme les hypothèses sont possibles, il faut quand même les prévoir, par pure hypothèse, il pourrait arriver que des travailleurs, à cause d'un syndicat qui n'est pas militant ou qui se fait acheter ou autrement, négocient des choses qu'on ne trouve pas raisonnables en 1977.

M. Mackasey: Vous avez raison, M. le ministre, mais j'ai seulement une chose à dire. Si un syndicat est tellement faible, il ne peut pas négocier le salaire minimum qui existe dans le secteur qui n'est pas syndicalisé. Il ne devrait pas exister non plus. Il n'existera pas longtemps. Vous le savez autant que moi. On choisit là seulement des normes, d'abord. Il y en a bien d'autres. Je n'ai pas d'autres questions.

Le Président (M. Marcoux): Programme 2, l'élément 1 est-il adopté?

M. Bellemare: Est-ce que le député de Saint-Laurent a bien d'autres choses?

M. Forget: Oui, j'ai plusieurs questions. M. Bellemare: Dans le programme 2? M. Forget: Oui, oui, dans le programme 2.

M. Bellemare: Je voudrais juste citer quelque chose qui va mettre la paix.

M. Forget: Oui, oui, M. le député j'en avais au début, mais...

M. Bellemare: Oui, d'accord, allez-y, M. le député de Saint-Laurent. J'ai eu bien ma part grâce à votre générosité.

M. Forget: J'aimerais savoir...

M. Bellemare: Je vais donner une copie au ministre du discours de son sous-ministre. C'est dans cela qu'on retrouve le bons sens, les meilleures applications qui soient. Vous allez voir que c'est dans cela... Ah! là, je ne parle plus. Je vais en donner une copie au ministre.

M. Forget: J'aimerais savoir, si c'est le ministre qui introduira ce projet de loi à l'Assemblée nationale ou si cela fait partie des mandats qui ont été confiés au ministre d'Etat responsable du développement social?

M. Couture: J'aurai la joie et la fierté de le présenter moi-même.

M. Forget: Dans le programme 2, je crois que c'est pertinent, il y a un certain nombre de questions, je n'aurai probablement pas le temps de les poser, mais au moins on peut amorcer la discussion.

Relativement à la loi des décrets, la loi de la convention collective, dans tout le contexte des lois qui sont envisagées, le Code du travail en trois étapes et la loi des conditions minimales du travail, j'aimerais que le ministre nous dise quelle est son évaluation du fonctionnement de cette loi à ce moment et de quelle façon il voit que cette loi pourra jouer son rôle dans le domaine des relations de travail et l'établissement de normes de travail.

M. Couture: Je vais vous dire bien modestement, sinon humblement, qu'au niveau de cette loi

des décrets, de son application, de ses mécanismes, des cadres de cette loi, je n'ai pas encore d'opinion précise.

Effectivement, dans la grande réforme du Code du travail, j'attendrai avec impatience et j'espère qu'on aura des recommandations intéressantes à ce sujet. Il faudra vraiment bien situer ces mécanismes d'extension juridique de convention collective dans cette espèce de vision des relations de travail au Québec.

Je sais qu'actuellement cela joue quand même un rôle assez important. Cela permet dans plusieurs secteurs d'activités de faire profiter tout le secteur d'une convention collective négociée. Cela permet aussi de rationaliser des secteurs. Je ne peux pas vous dire comment je m'oriente face à cela. Je veux vraiment que ce soit un sujet d'étude important dans la réforme du Code du travail. Ce sera sûrement une pièce à prévoir ou une loi à modifier, mais je n'ai pas d'opinion précisé actuellement.

M. Forget: Je suis un peu surpris, M. le Président, de la réponse du ministre. Il me semble que, dans le contexte d'une vision globale des lois sur le travail, et particulièrement, lorsqu'on a entendu le ministre nous parler des voeux qu'il formulait quant à la sectorisation, des négociations et peut-être même de l'accréditation, quand il nous parle de l'élargissement des conditions minimales de travail, il faut déboucher sur toutes sortes de clauses qui, traditionnellement, n'en ont pas fait partie.

On se demande un peu si, dans le fond, la loi d'extension par décret n'est pas en train de tomber complètement en désuétude. N'y a-t-il pas eu, de fait, une désuétude graduelle de cette loi? Ne s'applique-t-elle pas de moins en moins? Et à un nombre plus restreint d'employés?

M. Couture: Je pense que, de toute façon, l'avenir n'est pas de ce côté-là. C'est le moins qu'on puisse dire. Face au programme du Parti québécois aussi, où on a l'orientation de l'accréditation sectorielle, j'imagine que cela ira effectivement de plus en plus en désuétude. Mais, par rapport à ces milieux-là justement, je ne voudrais pas actuellement donner d'indication précise sans avoir un peu l'ensemble des orientations qu'on nous proposera dans la réforme. Mais, le constat que je peux faire, ne serait-ce que par l'application de notre programme, il n'y a pas d'avenir pour ce secteur-là. C'est évident.

M. Forget: Cela fait-il partie du mandat du comité de réforme des lois du travail ou si le ministre fait allusion à des recommandations qui seraient même postérieures au dépôt du rapport de ce comité?

M. Couture: Le mandat global va évidemment couvrir ce secteur. Mais on ne fait pas de travaux immédiats sur cela, actuellement. Sauf que je pense que ce que je vais demander au ministère, c'est une bonne analyse de ces décrets et des sec- teurs visés. On a des problèmes dans l'industrie de la robe et du vêtement. On sent qu'on n'a pas prise, on n'a vraiment pas prise sur les secteurs. Je veux d'abord avoir une bonne analyse de ce qui est vécu là-dedans, des problèmes que cela soulève, des aspects de la loi qui pourraient être inopérants ou désuets, avant de me prononcer sur les modifications que j'aurais en vue là-dessus.

M. Forget: Est-ce que, par exemple, pour rendre les deux lois complémentaires, je veux dire la Loi de la convention collective et la future loi des conditions minimales de travail, on peut envisager qu'il n'y aura pas de clauses communes en ce sens que les conditions de travail qui seraient couvertes par la loi sur les conditions minimales de travail seraient, à l'avenir, radiées des extensions par décret?

M. Couture: Cela s'ajoute à ce que les conditions minimales apporteraient. Je ne vois pas comment cela pourrait se contredire.

M. Forget: Tantôt vous avez parlé de philosophie. Sans vouloir faire de philosophie, malgré tout, plaçons-nous sur le plan de la syndicalisation des secteurs où il y a des extensions par décret, où toutes les entreprises ne sont forcément pas syndiquées, c'est le genre de situation que cela vise. Vous avez à ce moment-là, sur le plan de la syndicalisation, de plus grands intérêts. Pour les entreprises non syndiquées, si vous avez des conditions minimales qui s'appliquent, plus l'extension par décret, entre les deux, cela devient assez théorique, l'idée de favoriser la syndicalisation des travailleurs. Je comprends qu'il y a des avantages qui en découlent pour les employés. Mais, si, à force de leur donner des avantages, par la main droite et par la main gauche, finalement on enlève tout espèce de raison d'être du syndicat dans ces secteurs-là, alors, cela va un peu contre la philosophie que vous défendez.

M. Couture: C'est la raison pour laquelle il faut réévaluer un peu tous ces mécanismes, ce cadre d'extension juridique, et le situer dans la philosophie générale des relations de travail que nous voulons appliquer.

Mais les conditions minimales, entre autres, par rapport au décret, l'analyse qu'on en fait, c'est que les décrets débordent dans bien des cas les conditions minimales. Cela ne pose pas de problème de ce côté.

M. Forget: Pour les conditions salariales, oui. Mais pour les autres conditions aussi?

M. Couture: Cela dépend des dispositions, mais ce n'est pas toujours...

M. Bellemare: II n'y aura pas de problèmes.

M. Mackasey: Ne trouvez-vous pas, M. le ministre, que les décrets ont tendance à créer des zones, des disparités de pauvreté? Par exemple,

votre salaire minimum va-t-il s'étendre à travers toute la province? Les décrets ne sont pas toujours les mêmes pour une entreprise de Montréal, pour Granby, pour Drummondville, pour la Gaspésie.

M. Couture: La philosophie du salaire minimum, c'est qu'on veut de moins en moins lui donner une connotation régionale. La tendance sera de généraliser le salaire minimum dans tous les secteurs de l'activité. Il restera quand même, je pense, qu'il faut, par prudence, garder certaines exclusions, certaines ordonnances particulières pour certains secteurs, mais ce qu'on retient, c'est aussi le rapport Castonguay qui nous oriente de ce côté, c'est...

M. Mackasey: Je pense, M. le ministre, que tous les ministres, vous voulez le meilleur des deux mondes.

M. Couture: On n'est pas là...

M. Mackasey: Vous avez parlé des travailleurs dans le salaire minimum. Nous avons un salaire minimum national et vous ne voulez pas un salaire minimum à travers la province. Vous voyez des secteurs dans la province où un homme qui va faire le même travail va gagner moins. Non?

M. Couture: Je pense qu'on se comprend mal. Le salaire minimum est provincial.

M. Mackasey: Exactement.

M. Couture: II n'y a qu'une catégorie, ce sont les employés à pourboire...

M. Mackasey: Cela, je veux le savoir. Il n'y aurait qu'une catégorie...

M. Couture: II y a une distinction entre décret et salaire minimum.

M. Mackasey: C'est bien au décret, parce que c'est de cela qu'on parlait. Est-ce qu'on l'enlèvera la journée où il n'y a plus de décret...

Le Président (M. Marcoux): Je m'excuse auprès du député de Notre-Dame-de-Grâce, mais la commission suspend ses travaux jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 2)

Reprise de la séance à 20 h 12

Le Président (M. Marcoux): A l'ordre, s'il vous plaît!

La commission du travail, de la main-d'oeuvre et de l'immigration est réunie pour poursuivre ses travaux et étudier les crédits budgétaires du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre.

Les membres de la commission, que j'ai oublié de nommer cet après-midi, au début de nos travaux, sont: M. Bellemare (Johnson) qui est remplacé par M. Brochu (Richmond); M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Chevrette (Joliette) qui est remplacé par M. Fallu (Terrebonne); M. Couture (Saint-Henri), M. de Belle-feuille (Deux-Montagnes), M. Forget (Saint-Laurent), M. Godin (Mercier), M. Gosselin (Sherbrooke), M. Jolivet (Laviolette) qui est remplacé par M. Gravel (Limoilou); M. Lacoste (Sainte-Anne), M. Laplante (Bourassa), M. Lavigne (Beauharnois) qui est remplacé par M. Marquis (Matapédia); M. Lefebvre (Viau), M. Mackasey (Notre-Dame-de-Grâce), M. Pagé (Portneuf), M. Roy (Beauce-Sud).

Nous en étions à l'étude du programme 2. La parole était au député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président, je n'ai pas l'intention de rester longtemps là-dessus. J'aimerais simplement terminer ce qu'on a fait peut-être un peu abruptement. L'impression que je garde de tous ces échanges de questions et réponses au sujet des conditions minimales de travail est une impression générale de confusion — je me permets de le dire — pour les raisons suivantes; D'une part, vous avez un principe que le moyen ordinaire de défense des travailleurs devrait être la syndicalisa-tion. D'un autre côté, vous avez des mesures qui ont un effet concurrent et dont on étend d'une façon sensible le champ d'application, les conditions minimales de travail. On s'interroge, sans avoir de réponse, sur l'avenir de la loi d'extension par décret des conventions collectives. Il me paraît qu'on n'a pas une notion très claire de la relation que doivent avoir tous ces principes, la syndicali-sation, l'extension par décret, les conditions minimales de travail, et qu'on va procéder un peu dans l'ordre inverse, en réglant un problème ad hoc, celui des conditions minimales de travail sans comprendre dans quel contexte général cela s'inscrit, celui d'une loi d'envergure sur l'ensemble des conditions de travail, y compris celles qui sont déterminées par la négociation.

Egalement, sur le plan de l'application des conditions, on nous a dit: C'est la commission ou la régie à venir qui déterminera les moyens nécessaires pour mieux appliquer que présentement les lois existantes. D'un autre côté, dans le même souffle, on nous dit qu'on n'a aucune idée de ce que cela peut impliquer, en termes d'objectif, au moins. Ce n'est évidemment pas un engagement ferme, à ce moment-ci, mais on n'a même pas d'objectif clair, chiffré sur les implications administratives d'une loi qui est très ambitieuse par le nombre de gens qu'on veut couvrir.

Au niveau des juridictions, il y a aussi une confusion. Je comprends la fierté du ministre du Travail de dire qu'il sera le parrain du projet de loi sur les conditions minimales de travail, mais il est le parrain d'un projet de loi et un autre ministre sera celui qui pilotera d'autres lois, avec toutes les difficultés de coordination et de cohérence que cela pause, d'autant plus qu'on les adopte dans l'ordre inverse du bon sens, il me semble. Tout cela me permet de dire que nous sommes devant une situation qui ne pèche certainement pas par abus de clarté, où les risques d'incohérence sont considérables. Il y a également les risques de l'effet que cela peut avoir sur l'économie. Encore là, on parle de la partie la plus faible, la plus chambranlante de notre économie et du risque qu'elle soit affectée, dans une mesure peut-être pas significative, si on prend l'ensemble du Québec, mais peut-être significative, quand on parle de petites localités, de petites communautés.

Je ne suis pas du tout rassuré par les références à d'autres moyens de parer à cela, quand cela prend la forme soit de concessions fiscales, soit de mesures d'assistance technique, connaissant malheureusement le peu d'efficacité de ces moyens pour modifier des conditions générales et permanentes qui découleraient d'actions gouvernementales qui seraient prises dans un contexte peut-être un peu irréaliste, un peu trop idéaliste et peut-être inconséquent, étant donné les autres principes qu'on veut défendre.

Je suis réellement inquiet, mais d'un autre côté, je comprends qu'on a suffisamment exploré ce domaine pour ne pas tirer grand avantage en poursuivant plus en détail. Je peux simplement noter cela, en espérant que, d'ici à ce que les projets de loi soient déposés, le gouvernement ou le ministre ait poursuivi sa réflexion pour trouver des réponses là où il n'y en a pas encore, ou, celles qui s'esquissent ne me semblent pas satisfaisantes.

Je n'aurai pas d'autres questions générales. J'aurai cependant seulement des questions spécifiques sur les éléments du programme 2. Si je comprends bien, d'après l'en-tête du programme, il s'agit des effectifs et des budgets consacrés à l'administration de la loi de l'extension par décret des conventions collectives spécifiquement et exclusivement. Si c'est le cas, j'aimerais que le sous-ministre ou le ministre nous explique la distinction entre l'élément 1 et l'élément 2, étant donné que l'élément 2, en particulier, nous réfère au soutien administratif et technique. Ceux qui ne sont pas familiers avec le ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre pourront peut-être s'interroger quant à la distinction qu'il faut faire entre l'élément 2 du programme 2, et, dans le fond, l'ensemble du programme 3, qui est consacré à la gestion interne et au soutien, qui semble répéter la même rubrique plus globalement, pour l'ensemble du ministère. Ce sont des dépenses à caractère administratif, mais, évidemment, elles sont importantes, il s'agit de plusieurs millions.

M. Couture: Je vais laisser le sous-ministre répondre, au niveau technique, sur la différence entre l'élément 2 et le programme 3.

Je voudrais quand même simplement faire quelques remarques, à la suite des observations du député de Saint-Laurent. Ce qu'il appelle confusion, je le traduirais en termes de prudence. C'est relativement facile de prétendre vouloir donner des réponses précises à tout d'avance, sur des programmes qui méritent quand même une certaine expérience et qui méritent une évaluation le long de leur application. L'interprétation du député de Saint-Laurent, je la respecte. Je dis simplement que c'est de la prudence. De fait, avec les conditions minimales de travail, nous allons présenter, pour la première fois peut-être en Amérique du Nord, une loi extrêmement importante, dont on connaît les objectifs poursuivis, mais on aura besoin de l'expérience du milieu même pour nous en indiquer les paramètres et les mécanismes précis d'application.

Nous avons évidemment prévu un organisme pour appliquer cette loi et certains types d'instruments. Même si cela ne plaît pas directement à tous les membres de la commission parlementaire, je dois vous dire à ce stade-ci, que notre réflexion se poursuit sur ce projet de loi important, qui peut avoir une portée considérable au niveau économique. Nous cherchons à analyser toutes les implications.

Une fois la structure en place, pendant au moins les premiers mois, nous vérifierons, nous évaluerons l'impact du type d'intervention que nous ferons.

J'ajouterais qu'au niveau de la syndicalisation, c'est un objectif du programme du Parti québécois. C'est notre objectif au gouvernement, mais il reste que nous ne voulons justement pas l'imposer, cette syndicalisation. Ce sera le choix des travailleurs.

Ne sachant pas quel sera le choix des travailleurs, même si les mécanismes deviennent plus faciles, et c'est notre intention d'y arriver, ne sachant pas si ce choix se fera, parce que, effectivement — le député de Johnson le faisait remarquer, cet après-midi — dans bien des cas, il peut arriver que les travailleurs ne veulent pas se syndiquer. C'est leur choix. C'est notre responsabilité de maintenir des types d'interventions comme l'extension juridique des décrets, de les maintenir et de ne pas préjuger de l'avenir, s'il sera autre. C'est une question... je dirais que c'est une forme de respect, là aussi, pour le milieu concerné. C'est une façon de ne pas préjuger de l'avenir même si, pour nous, au gouvernement, nos objectifs sont clairs. C'est là notre orientation, mais on respecte celle des intervenants.

M. Forget: Personne ne conteste que vous ayez une responsabilité vis-à-vis des non-syndiqués et des non encore syndiqués. Vous parlez de prudence. Si c'était de la prudence, une façon de la caractériser, je serais bien d'accord. Dans le fond, lorsque mon collègue, le député de Notre-Dame-de-Grâce, a souligné que la critique la plus grande, la plus affective ou la plus persua-

sive qu'il y ait eue vis-à-vis de la législation sur le salaire minimum, concernait l'imperfection de son application. Vous reconnaissez cela avec moi. Cela a été appliqué de façon très pauvre.

Je comprends que vous dites qu'il y aura d'autres mécanismes etc., mais ces autres mécanismes tels que comités etc., peuvent être bons, mais cela ne fera pas tout le travail, sans aucun doute. Cela va laisser, par exemple, le besoin d'une inspection, d'un inspectorat. C'est de ce côté qu'est la faiblesse. Je me demande comment on peut expliquer qu'on s'engage dans une avenue nouvelle où on aura beaucoup plus de choses à vérifier qu'avant, donc, à inspecter, auprès d'un plus grand nombre de personnes et d'entreprises sans avoir une estimation concrète, précise, basée, bien sûr, sur des hypothèses quant à l'efficacité des comités, de la participation de tous ceux qui sont impliqués dans ce milieu et dans celui de l'information. Je veux bien croire que tout cela va être là, mais qu'on ait au moins un certain nombre d'hypothèses, relativement à ces éléments nouveaux qui nous permettent de dire combien d'inspecteurs on aura besoin. Est-ce que ce sera le double, le triple, cinq fois ce qu'on a? Est-ce que les inspecteurs actuels seront suffisants?

Cela va revenir, de toute façon, dans la discussion de la loi. I! faudra, à ce moment, pouvoir dire aux gens: Comme vous avez admis que c'est autofinancé, cette histoire, s'il faut cinq fois ou huit fois plus d'inspecteurs, supposé qu'on puisse les recruter rapidement, mais indépendamment de cela, la cotisation, le prélèvement de la Commission du salaire minimum va aussi être multiplié par dix, par vingt etc. Cela devient une chose non négligeable.

Dans le fond, si tout ce qu'on se pose comme question... la question prédominante, c'est celle de l'efficacité de l'application de la loi. Il faut commencer par cela. Ce n'est pas très rassurant de dire qu'on va créer un nouvel organisme et que celui-ci verra ce qu'il a à faire, en temps et lieu.

Il me semble que la première responsabilité, justement si on veut protéger les non-syndiqués, c'est de voir ce que cela implique que de se donner les moyens de faire appliquer la loi actuelle, d'autant plus que la loi est beaucoup plus ambitieuse que vous ne le pensez.

M. Couture: Je vais vous rassurer, M. le député de Saint-Laurent, si vous le permettez, M. le Président.

Quand je disais — peut-être que la formulation de ma réflexion là-dessus n'était pas suffisamment claire — quand je disais que l'organisme qui part de ce qu'on a actuellement, la Commission du salaire minimum, c'est-à-dire, on a quand même des effectifs présents.

On a une série d'inspecteurs; déjà, on a une volonté politique de faire, non seulement de l'inspection sur plaintes, mais de l'inspection régulière et systématique. Mais il y a des éléments qu'on introduit et dont on ne peut pas mesurer l'efficacité actuellement. Je regrette, mais je ne suis pas capable de vous dire à quel point...

M. Forget: ... efficacité.

M. Couture: Je fais des hypothèses suivant lesquelles cela va être bon. Les éléments qu'on introduit, c'est, par exemple, l'élément d'information du milieu, une information systématique, peut-être dix fois meilleure que ce qu'on a actuellement. Les gens eux-mêmes, les non-syndiqués vont bien connaître les implications de cette loi, leurs droits. Les syndicats, les groupes d'une région donnée, d'un village, d'un quartier, d'une ville, on aura la préoccupation non seulement de les informer, mais de les rendre responsables du milieu des non-syndiqués en leur disant que, justement parce qu'ils sont isolés, non protégés, ils méritent cette attention. En plus de cela, il y a les comités tripar-tites que nous chercherons à rendre les plus efficaces possible. Je pense que vous ne trouveriez pas cela sérieux de ma part de dire d'avance que tout va marcher à merveille. Il faut quand même attendre un certain usage. Ceci dit, l'organisme qui régira, qui appliquera la loi des conditions minimales de travail, en partant de ces structures d'inspection, de vérification, en ajoutant cette dimension d'inspection systématique qui, semble-t-il, n'était pas présente dans la Commission du salaire minimum... Je dis que, dans les mois qui suivront, il nous sera plus facile de vérifier, de déterminer lors de l'application de la loi, la régie en question qui aura cet objectif d'appliquer la loi. Elle se donnera les instruments que la loi lui permettra de se donner, les instruments nécessaires pour l'application de cette loi. Mais, là-dessus, je ne peux pas en dire plus. Je pense que j'indique assez clairement que les objectifs étant présents, l'organisme étant bien déterminé, certains types d'intervention étant précisés, nous avons quand même un certain nombre de garanties, d'avance, qui nous permettent de dire que tout est en place et qu'au fur et à mesure, on développera, si nécessaire, de nouveaux instruments de vérification et d'application.

M. Forget: Je pense que votre langage dépasse votre pensée. Nous sommes loin d'avoir des garanties que tout est en place. Dans le fond, ce que vous nous dites, c'est que nous n'avons qu'une assurance, c'est qu'il y a une loi qui exige certaines choses. Mais nous n'avons aucune assurance que les moyens qui sont prévus et anticipés, sauf sur un plan théorique, se réaliseront. Ce à quoi le gouvernement s'engage, c'est dans un travers qui, bien sûr, n'est pas sans précédent, malheureusement, dans les actions gouvernementales, et cela s'applique, malheureusement encore une fois, à des gouvernements même antérieurs. On nous invite à nous engager dans une aventure, en faisant miroiter un objectif qui est désirable en soi, mais sans avoir aucune idée précise si c'est réalisable, comment et à quel coût. Ce n'est pas la voie de la prudence. C'est la voie, si l'on veut, d'un certain idéalisme qui peut s'expliquer, bien sûr, qui est en soi fort justifiable et fort compréhensible. Mais il n'y a pas de réponse concrète qui nous est même suggérée là-dessus. Je pense qu'il y a

pour cela des raisons, le travail n'a pas pu se faire, etc., mais il reste que le problème reste entier. On a beau le réexaminer sous tous les angles, on reste avec des questions sans réponses. Mais...

M. Couture: Pour la deuxième partie, vous permettez que...

M. Forget: Oui.

M. Couture: Voici. Le programme 2, normes de travail, est divisé en deux. Vous avez l'administration des comités paritaires et l'extension juridique. A l'extension juridique, vous avez aussi le soutien administratif et technique. Peut-être que le titre de l'élément 2 n'est pas exact, mais on doit le souffrir depuis que le ministère est ministère.

En fait dans l'élément 2, vous retrouvez les effectifs qui doivent administrer le programme normes de travail.

M. Forget: L'élément 1 se trouve à ce moment, si vous pouvez répéter...

M. Couture: L'administration des comités paritaires administre l'élément 2 qui est l'extension juridique de la convention collective.

M. Forget: Je vois, je vois.

M. Couture: Ce qui arrive, c'est que vous avez une demande de décret, le décret c'est l'extension d'une convention collective. Cela, c'est l'élément 2 qui le fait. L'administration du décret est faite par des comités paritaires qui est l'élément 1 du programme.

M. Forget: Je vois. Ces comités paritaires ne sont pas des salaires, j'imagine.

M. Couture: Non.

M. Forget: Ce sont essentiellement les frais de fonctionnement, de déplacement, de secrétariat, etc.

M. Couture: C'est cela. Ce sont leurs propres frais d'administration.

M. Mackasey: Est-ce que les comités paritaires existent encore au Québec?

M. Couture: II y en a 55 ou 58 actuellement.

M. Mackasey: Est-ce que leur rôle c'est encore d'appliquer un salaire uniforme dans une région, par exemple?

M. Couture: Dans un secteur donné, ils appliquent un certain type de normes. Le décret qui comporte les salaires, les heures qui comportent le temps supplémentaire, les jours fériés, un certain type de conditions de travail.

M. Mackasey: Le mot que j'ai essayé de trouver à 6 heures, c'était comité paritaire. C'est cela que j'ai mêlé. Est-ce que le salaire minimum va être au même niveau, soit $3, à la grandeur de la province, par exemple?

M. Couture: Sauf avec les ordonnances spéciales qu'on garde encore...

M. Mackasey: ... les groupes d'apprentis... M. Couture: ... les travailleurs forestiers.

M. Mackasey: Les montants décidés par la commission du salaire et jugés nécessaires par les comités paritaires ne sont pas précisément les mêmes dans toute la province?

M. Couture: Non. Il y a des comités paritaires qui ont des... Chez les coiffeurs justement, il y a des extensions juridiques qui concernent des régions déterminées. Cela dépend.

M. Mackasey: Le point que je veux faire, M. le ministre, c'est contradictoire un peu, dans le sens qu'il y a une différence de salaire entre quelqu'un, par exemple, qui est travailleur sur une machine à Montréal et celui qui travaille sur la même...

M. Couture: En fait ce qui arrive, c'est ceci. Vous pouvez avoir des décrets de trois ordres. Vous pouvez avoir un décret professionnel, régional ou provincial.

Si vous avez un décret régional, évidemment, le comité paritaire administre le décret de la région. Exemple, dans la coiffure, vous avez 15 ou 16 décrets.

M. Mackasey: Dans l'imprimerie, par exemple.

M. Couture: Dans l'imprimerie aussi. Le décret est spécifiquement l'extension d'une convention collective négociée. On ne peut pas par le décret changer le taux de salaire qui a été négocié à la convention collective.

M. Mackasey: Excusez-moi, cela je le comprends. Je me demande souvent pourquoi les deux. Je connais bien la raison pourquoi il y avait des comités paritaires quand il n'y avait pas de syndicat. Il me semble que tout bon fonctionnaire n'aime pas, M. le ministre, faire disparaître les organisations qui vraiment sont difficiles à convaincre le peuple. Elles ont vraiment une raison d'être.

Je cherche ce que vous voulez faire exactement au niveau des salaires pour tous les travailleurs du Québec. Même à travers la province, c'est toujours contre le concept. Quelqu'un qui travaille à Montréal, qui fait un tel ouvrage sur une machine dans une imprimerie gagne plus que quelqu'un qui ferait le même travail à Drummondville ou le double montant que quelqu'un de la Gaspésie.

C'est seulement une extension, si vous voulez, ou une garantie qu'il y aura toujours un niveau de pauvreté dans la province. C'est pour cela que le salaire minimum national en Colombie-

Britannique est exactement la même chose. Turner et vous-même avez suggéré cet après-midi que ce n'était pas la fin du monde pour les petites usines. Turner existe encore. Bell Telephone il y a eu un temps où elle avait huit ou neuf hommes si vous voulez, alors je me demande la raison maintenant pour laquelle il existe encore des comités paritaires dans le sens d'une application régionale. J'avais dit qu'il y en a quelques-uns qui existent à travers la province.

M. Couture: C'est une façon de répondre à la demande. C'est une façon de respecter la volonté des intervenants dans le milieu. Comme nous l'avons dit cet après-midi, l'avenir n'est pas de ce côté, l'avenir vient éventuellement de ce que les gens d'un même secteur vont vouloir probablement, nous l'espérons, se regrouper et défendre leurs droits solidairement et chercher des unités de type provincial ou national pour défendre leurs intérêts. Ce que nous faisons — je pense que c'est aussi l'interprétation du rôle de l'Etat — c'est d'être un instrument pour aider des gens qui entre eux négocient des conditions de travail, dans une région donnée, de reconnaître ce fait qu'eux-mêmes ayant négocié, ils rejoignent les travailleurs de toute une région, et de faire profiter d'autres personnes de ce qu'ils ont eux-mêmes négocié.

Mais j'avoue que moi-même, c'est évident que je trouve que l'avenir n'est pas là. On respecte quand même actuellement historiquement cette façon de faire bénéficier d'autres travailleurs de ce qu'une région elle-même, de ce que des conventions collectives nous donnent dans une région donnée, mais il y a une tendance actuelle d'élargir ce champ.

M. Mackasey: Si vous avez un salaire minimum ajustable une ou deux fois par année — je pense que vous l'avez dit — selon une formule dont on ne discutera pas pour le moment, et si vous en avez des normes de travail qui n'existent pas maintenant, sans doute est-ce là la priorité, je crois. Et si vous encouragez avec raison le mouvement syndical à représenter plus de 40%, mettons, de la population, qu'est vraiment le rôle du comité paritaire? Quelle fonction va-t-il remplir?

M. Couture: II joue un rôle à un moment donné dans le cas...

M. Mackasey: Quel rôle il va jouer?

M. Couture: Oui, mais évidemment, dans l'avenir, nous ne souhaitons pas que ce régime dure éternellement. Nous souhaitons qu'éventuellement, par les mécanismes que nous prévoyons dans la réforme du Code du travail, les travailleurs eux-mêmes pourront, d'une façon, sectorielle, trouver un mécanisme de défense et de protection qui est le syndicalisme, mais nous ne voulons pas imposer aux intervenants du milieu notre formule. Nous voulons simplement progressivement leur faciliter le choix des instruments.

M. Mackasey: Alors, les comités paritaires vont disparaître si vous réussissez à arriver à la conclusion que vous voulez.

M. Couture: Je ne le sais pas, moi, ils peuvent disparaître éventuellement. Si...

M. Mackasey: Pour quelles raisons le peuvent-ils?

M. Couture: Ce seront eux qui décideront, qui choisiront autre chose.

M. Mackasey: Qui va décider cela?

M. Couture: Les intervenants dans un milieu donné, les travailleurs qui se sont entendus avec la partie patronale dans un secteur puis qui demandent l'extension juridique dans tout le milieu. S'ils procèdent autrement, s'ils utilisent le syndicalisme comme instrument, ils l'étendent à toute une région donnée et éventuellement à toute la province, à tout le Québec. Cela change complètement le paysage.

M. Mackasey: Vous parlez de la...

M. Couture: Est-ce qu'ils ont intérêt à...

M. Mackasey: Je ne sais pas...

M. Couture: Ce sera leur décision à eux.

M. Forget: Oui, mais dans une entreprise qui est visée par un décret, quel intérêt les employés ont-ils à adhérer à un syndicat?

M. Couture: D'ailleurs on a quand même l'exemple de comités paritaires qui satisfont plus ou moins les gens concernés.

Je pense donc qu'il y a des travailleurs qui peuvent éventuellement choisir le syndicalisme comme meilleur défenseur de leurs intérêts. Mais vous avez raison de soulever la question, parce qu'il est évident qu'il y en a qui profitent de l'extension juridique. Pour eux, c'est une façon de se libérer de l'effort de la syndicalisation et de la mobilisation des gens. Je pense que plus les conditions de travail s'amélioreront au Québec, plus les gens découvriront que c'est leur instrument privilégié, le syndicalisme.

M. Forget: Vous dites que, dans les révisions à court terme du Code du travail, vous allez introduire la formule Rand, c'est-à-dire la perception obligatoire des cotisations. Vous allez avoir, parmi les entreprises couvertes par un décret, une entreprise sur six où il y a une convention collective et, là, les gens vont être forcés de contribuer en vertu de la formule Rand. L'entreprise qui peut être de l'autre côté de la rue, dans la même industrie, elle bénéficie du décret et les employés de cette entreprise vont payer aussi de la même façon? Est-ce que la formule Rand va s'appliquer à eux?

M. Couture: Non, elle ne s'appliquera pas à eux. Elle est liée directement à l'unité de travail qui devient une unité de négociation.

M. Forget: Cela fait un régime assez curieux, 90% des avantages.

M. Couture: C'est un régime de transition. Vous avez bien raison de trouver cela curieux. Moi-même je le trouve curieux. C'est un régime de transition.

M. Mackasey: Vous avez parlé du "sectorial bargaining". Je ne connais pas la traduction.

M. Forget: Des négociations sectorielles.

M. Mackasey: Quelles sont les normes de ce secteur, la grandeur, les compagnies? Est-ce que ce serait volontaire de la part des employeurs d'être membres d'une association qui représenterait tous les employeurs qui ont des intérêts communs pour négocier avec un syndicat ou deux syndicats?

M. Couture: Si vous me le permettez, M. le Président, la négociation sectorielle comme telle est un objectif du gouvernement et de notre parti. Comme ministre du Travail actuellement, je dis que c'est un projet à moyen terme. Si on garde les mêmes catégories du début: court terme, moyen terme et long terme, c'est un projet à moyen terme. Nous en sommes au stade de la réflexion, au stade de l'étude des modalités de cette négociation sectorielle. Je peux vous dire en partant qu'éventuellement, quand on voudra que ce régime d'accréditation sectorielle ou de négociation sectorielle s'applique au Québec, les employeurs auront à se regrouper autour d'une association dans le secteur. C'est évident.

M. Mackasey: La cotisation se fera par l'entremise de quelle organisation? Votre ministère?

M. Couture: Si vous me le permettez, je ne veux pas débattre cette question maintenant. Peut-être l'an prochain, lors d'une commission parlementaire. Mais c'est encore un projet à moyen terme.

Le Président (M. Marcoux): Programme 2, élément 1?

M. Brochu: Ici, à l'élément 1, j'aurais peut-être une question en ce qui concerne l'administration des comités paritaires. L'année dernière, je sais que l'industrie de la robe avait connu certains problèmes. On avait annoncé, l'an passé, qu'une commission d'enquête sur l'industrie de confection pour dames avait recommandé la mise en tutelle du comité conjoint de l'industrie de la confection pour dames dans la province. Je sais que la situation a quand même évolué depuis ce temps. J'aimerais que le ministre à ce stade-ci, s'il est en mesure de le faire, nous fasse un peu le point sur cette situation et nous indique de quelle façon il a l'intention d'intervenir dans ce secteur actuellement, s'il juge qu'il a besoin de le faire.

M. Couture: Effectivement, j'ai reçu un rapport d'un enquêteur du ministère sur l'industrie de la robe. Parlez-vous de la confection pour dames ou de la robe?

M. Brochu: La confection pour dames. M. Couture: La confection pour dames.

M. Brochu: Excusez, je me suis mal exprimé au début. Je pensais à un autre secteur. C'est la confection pour dames.

M. Couture: II y a eu un commissaire-enquêteur qui a fait enquête dans le milieu, dans ce secteur, il y a un an et demi. Il y a eu une tutelle, on a découvert une fraude, il y a eu une condamnation et on peut dire que la tutelle se poursuit. On prévoit éventuellement libérer le comité paritaire de la tutelle. L'objectif poursuivi par cette tutelle a été de découvrir cette fraude; on l'a identifiée, il y a eu poursuite et, éventuellement, la tutelle sera libérée.

M. Brochu: Etant donné que l'enquêteur a fait son rapport et que le ministre a pu identifier le problème en question...

M. Couture: C'est l'autre ministre, cela vient de l'autre gouvernement.

M. Brochu: Oui, je prends le mot "ministre" dans son sens le plus large. Maintenant, je dois m'adresser à vous, comme personne, puisque vous occupez le fauteuil.

M. Couture: C'est votre droit le plus strict.

M. Brochu: Oui. Est-ce que le ministre pourrait nous indiquer — peut-être par la voix de son haut fonctionnaire — de quelle nature s'agissait la fraude en question, dans un premier temps? Dans un deuxième temps, pourrait-il nous indiquer quand il prévoit la levée de la mise en tutelle? Au cours de l'année qui s'en vient?

M. Couture: La précision sur la fraude, je vais demander au sous-ministre d'y répondre; pour la deuxième partie, dès que le ministre actuel recevra une recommandation, un rapport du tuteur, lui indiquant... Je vais quand même prendre connaissance de sa recommandation, dans l'état actuel des choses, et dès que le tuteur sera en mesure de dire que la tutelle doit être libérée, je le ferai certainement. Sur la fraude, je vais demander au sous-ministre de répondre.

Quant à la première partie, au sujet de la fraude, le secrétaire-gérant a été condamné pour détournement de fonds, à des fins personnelles, pour un montant d'environ $350 000. Il purge actuellement une peine de 14 ans de prison, de pénitencier.

M. Brochu: D'accord.

Le Président (M. Marcoux): Programme 2, élément 1.

Une Voix: Adopté.

M. Brochu: Pour toucher, si vous me permettez, plus précisément la question de l'industrie de la robe, est-ce que le ministre a été saisi des problèmes qui peuvent exister, en ce qui concerne le comité paritaire, plus particulièrement les problèmes qui peuvent exister dans l'industrie de la robe, en ce qui concerne les petites manufactures, par exemple, qui sont obligées, de temps à autre, de faire des mises à pied temporaires — je ne parle pas des manufactures dans les centres comme Montréal ou ailleurs, mais de celles dans nos régions plus rurales — par exemple, à l'époque du temps des Fêtes alors qu'elles arrêtent pendant deux, trois semaines ou un mois. Apparemment, pour réengager le personnel elles doivent, à ce moment-là, leur rembourser leurs Fêtes et leur donner certains bénéfices comme cela. Ce qui semblerait, d'après les informations que j'en ai, les mettre dans des positions assez difficiles à certains égards puisqu'il s'agit de toutes petites entreprises qui fonctionnent presque à la pièce. Est-ce que le ministre a été mis au courant de ces problèmes?

M. Couture: Ce type de problème que vous soulevez est-il récent? Actuellement, il y a un administrateur, un tuteur dans l'industrie de la robe, suite à l'enquête qui a été faite en janvier, et ce tuteur administre le comité paritaire.

M. Brochu: Le problème s'est présenté au cours de l'hiver dernier.

M. Couture: Je ne vois pas le lien entre les problèmes que vous soulevez et le comité paritaire lui-même. C'est quand même un problème d'entreprise, et que ce soit un bon ou un mauvais comité paritaire, il ne peut pas intervenir dans ce domaine.

M. Brochu: Mais c'est sur le principe...

M. Couture: L'entreprise, l'offre et la demande et les fluctuations économiques, cela n'a rien à voir avec le comité paritaire.

M. Brochu: ... du fonctionnement. Apparemment, le comité paritaire obligeait l'entreprise à fournir à ses employés tous ces avantages marginaux même s'il s'agissait d'une petite entreprise, à l'extérieur des grands centres.

M. Couture: Oui, c'est justement lié à l'enquête qu'on a faite là-dessus.

M. Brochu: Cela les place dans une situation fort délicate au point de vue administratif juste- ment parce qu'elles étaient obligées d'arrêter un mois ou deux, en période hivernale, parce qu'elles n'avaient pas suffisamment de travail. Pour réembaucher leur personnel, qui était d'ailleurs d'accord pour reprendre le travail aux conditions présentées, elles devaient se plier aux normes et exigences du comité paritaire et verser ces compensations rétroactivement.

M. Couture: Quant aux normes, le comité paritaire administre un décret librement consenti par une convention collective et proposé au secteur et, quand on propose l'extension juridique, on reçoit des objections et le reste. Le secteur qui accepte le décret accepte toutes les modalités du décret, c'est-à-dire la façon d'appliquer les redevances qu'ils doivent aller chercher, les montants d'avantages sociaux, etc. Je ne vois pas comment on peut demander au comité paritaire de répondre de ce type de problème quand cela a été librement accepté auparavant. Mais, si c'est lié au fait qu'il y a eu de la fraude présumée dans l'industrie de la robe, c'est une autre question, et c'est pour cela que l'industrie en question est en tutelle. Le rapport du commissaire-enquêteur nous indiquait qu'effectivement il y avait des prélèvements qui étaient douteux et suspects.

M. Brochu: Pour ma part, je ne lie pas les deux questions, je les ai mises l'une à la suite de l'autre mais je ne les lie pas. La première question, en ce qui concerne la confection pour dames, était une chose dans mon esprit et l'autre était complètement à part.

M. Couture: II y a une tutelle là.

M. Brochu: Oui, de ce côté. Par contre, ma question concernait surtout le mode d'application du comité paritaire...

M. Couture: Mais ils appliquent des choses que les gens ont acceptées.

M. Brochu: ... ou de son intervention dans ce domaine. Je voulais savoir si le ministre avait des choses précises à...

M. Couture: Tout ce que je peux vous dire, c'est que le comité paritaire ne peut pas déborder l'application du décret, qui est le reflet d'une convention collective librement négociée et l'extension juridique, après avoir entendu les parties et les objections. Les parties en présence sont en principe d'accord sur l'application des modalités du décret.

M. Brochu: En principe.

Le Président (M. Marcoux): Le programme 2, élément 1, est-il adopté?

Une Voix: Adopté.

Le Président (M. Marcoux): Adopté. Le programme 2, élément 2, est-il adopté?

Une Voix: Adopté.

Le Président (M. Marcoux): Adopté. Le programme 3. Cela va bien.

M. Forget: J'ai quelques questions. Cela va aller bien. Il va falloir que le ministre se rassure parce que les premiers chapitres sont peut-être les plus lourds de conséquences.

M. Couture: Ce sont des traditions.

Gestion interne et soutien

M. Forget: Celui-ci, qui est de gestion interne et de soutien, ne nous retiendra pas longtemps. J'ai trois questions, si je peux relire mes notes, je vais vous les formuler. D'abord, j'aimerais savoir si le ministre pourrait nous communiquer une analyse de l'activité des recherches qui sont faites au Travail et à la Main-d'Oeuvre. Il y en a pour $1 129 000, donc il doit y avoir une production abondante. Je ne sais pas si c'est disponible actuellement, sinon on pourra nous la faire parvenir subséquemment.

Ma deuxième question ce sont des choses relatives, avec la permission du président, à la question des tutelles qu'on a touchée tantôt, parce que c'était relatif à un domaine où il y a un comité paritaire. Je comprends que ce sont des crédits statutaires. Malgré tout, je ne vois pas d'autre occasion de poser la question. Cela peut aussi bien aller ici qu'ailleurs présumément. Il y a eu la tutelle d'un certain nombre de syndicats par la loi spéciale, en particulier celle qui s'applique encore, je pense bien, aux mécaniciens d'ascenseurs. J'aimerais que le ministre nous explique comment il peut se faire et comment on peut concilier le fait qu'un syndicat en tutelle organise parmi ses membres une grève illégale.

M. Couture: Ce n'était pas une grève illégale.

M. Forget: Elle n'était pas techniquement illégale mais est-ce qu'elle n'était pas, dans le fond, hors de l'esprit des lois du travail? Elle n'était pas illégale parce que le décret n'était pas promulgué mais est-ce que ce n'est pas forcer un peu l'interprétation du cadre juridique de dire qu'elle n'était pas illégale?

Le Président (M. Marcoux): Est-ce que vous avez une troisième question?

M. Forget: Oui, j'ai une troisième question, c'est encore sur la question des ascenseurs, de la tutelle, enfin c'est un problème qu'on a vécu récemment. Selon certaines informations, l'industrie de l'ascenseur — si on peut appeler cela une industrie, probablement que cela en est une; c'est l'installation et l'entretien des ascenseurs — serait la scène d'un certain nombre d'opérations illégales. Jusqu'à quel point y a-t-il des coordinations...

M. Couture: Pouvez-vous préciser les opérations illégales?

M. Forget: Oui. Les opérations illégales sont les opérations qui... Encore une fois, il faudrait une enquête pour le déterminer, mais ce sont des faits qui sont, comme cela, allégués, peut-être sans support suffisant, mais selon lesquels les entreprises qui vendent les ascenseurs sont également celles qui font l'entretien, que ces entreprises, par un système de zonage, etc., plus ou moins officieux, ont des territoires réservés où, effectivement, la concurrence ne joue pas. Un système, également, selon lequel il est presque impossible d'obtenir l'entretien d'un ascenseur sauf par la compagnie qui l'a posé. Tout cela, ce sont des ententes illégales, dans le sens de la loi fédérale des mesures prises en restriction de la concurrence. Et là où c'est plus grave, c'est que, dans le fond, tout ceci est renforcé et appuyé par une espèce de conspiration analogue à celle qui se passe entre les employeurs, entre les employés également. C'est-à-dire que le syndicat dans le domaine est partie prenante à cette espèce de conspiration pour frauder le public.

Tout cela, c'est au moins une hypothèse qui est avancée dans certains milieux et cela complique singulièrement, bien sûr, les problèmes des relations de travail qui se posent dans ce domaine. Cela a probablement provoqué, en partie au moins, a fourni au moins l'élément de contexte qui a mené à la tutelle de ce syndicat et à la difficulté que le tuteur a eue à exercer son mandat. Est-ce qu'il n'y a pas lieu que le ministère du Travail s'abouche de façon très continue avec le ministère fédéral qui s'occupe de ces choses — je crois que c'est le ministère des corporations, des consommateurs, ou des choses de ce genre, à Ottawa — de manière qu'une action concertée soit menée pour restaurer à cette industrie des modes de fonctionnement un peu plus normaux? C'étaient mes trois questions. La première, sur la liste des études. La deuxième, sur les ascenseurs; comment concilier le comportement de ces gens avec leur statut de syndicat en tutelle, et est-ce qu'il n'y a pas d'autres manoeuvres qui mériteraient une relation intergouvernementale plus étroite?

M. Couture: Pour la première, on a une série de recherches qui doivent effectivement couvrir le budget dont vous avez parlé; recherches, $1 114 500. Nous avons les documents avec les titres suivants qui ont été étudiés. On a étudié le tribunal de la famille, les donations, la substitution, le cautionnement; c'est dans les rapports de l'Office de la révision du Code civil. On a examiné, au service de recherche, les rapports, d'abord, de l'Office de la révision du Code civil sur les sujets suivants qui avaient une incidence sur le domaine du travail: le tribunal de la famille, les donations, la substitution, le cautionnement, la preuve, le nom et l'identité physique de la personne, le domicile. Ensuite, on a étudié les conventions internationales telles que publiées par l'Organisation internationale du travail, entre autres les travailleurs ruraux, les travailleurs migrants, l'administration du travail. On a étudié le livre blanc du ministère de la Justice en ce qui concerne ses rapports avec

le droit du travail. On a examiné le bill 7..., C-73, relativement au programme anti-inflation et aux amendements à l'assurance-chômage. Cela, d'ailleurs, je pense bien que c'est extrêmement important pour le Québec, quand on a vu jusqu'à quel point cela pouvait pénaliser...

Vous, député de Saint-Laurent, comme ancien ministre des Affaires sociales, pouvez comprendre l'incidence sur l'aide sociale du nouveau projet de loi. Il y a eu aussi des statistiques concernant l'arbitrage des griefs, statistiques sur la liste annotée des arbitres, la meilleure connaissance de l'arbitrage des griefs au Québec, les principaux objets de litige, les délais encourus, les secteurs d'activité concernés, etc.

Il y a eu une recherche concernant le personnel cadre, menée conjointement avec l'Immigration et le Centre des dirigeants d'entreprise. C'est un inventaire des politiques mises de l'avant dans certaines entreprises à l'égard du personnel cadre et l'analyse de la mise en oeuvre des programmes pour ce personnel de cadres et leur degré de satisfaction.

Le service a participé à plusieurs colloques et congrès. Je ne sais pas si cela a coûté de l'argent, mais il a participé à beaucoup de congrès. Il a participé à des comités aussi, comme celui sur l'implantation du système métrique. Il a étudié l'impact du salaire minimum, ce qui nous a aidés dans la préparation — on a parlé cet après-midi de l'enquête qui a été faite en 1975 — de notre prochaine politique.

On a commenté le projet de loi C-69 sur l'assurance-chômage. On a étudié les caractéristiques de la main-d'oeuvre québécoise par rapport à la participation des femmes au marché du travail.

Il y a eu une étude sur les taux d'activité des parents de familles à faible revenu, en collaboration avec la Commission du salaire minimum. L'étude a été faite sur un échantillon de 500 familles. Le rapport n'est pas terminé là-dessus. Je pense que tous seront intéressés à le connaître.

M. Forget: Le ministre lit à même le rapport annuel pour l'année terminée à la fin de mars 1977.

M. Couture: A moins que je ne vous réfère à ce rapport, parce qu'on donne exactement la série d'études qui ont été faites par le service de recherche qui rend compte de ce $1 million de dépenses. Voulez-vous que je vous renvoie simplement à ce rapport?

M. Forget: Si c'est déjà dans une publication, cela pourrait être plus simple.

M. Couture: Toutes les études qui ont été faites sont là.

M. Forget: Je pense que le rapport a été distribué récemment.

M. Couture: II a été déposé en Chambre.

M. Forget: Sur le même sujet, M. le Président. Le ministre vient d'énumérer une série d'études sur des problèmes juridiques, la révision du Code civil. N'est-ce pas plutôt normalement du contentieux, dans chaque ministère, qu'on s'attend à ce genre de commentaires sur les rapports de différents organismes, particulièrement des organismes qui font des recommandations de modification de textes, comme le Code civil?

M. Couture: Je pense que le contentieux peut faire une commande au service de recherche — c'est peut-être ce qui est arrivé — pour voir les implications sur les conditions de travail et les relations de travail.

M. Forget: Est-ce que le ministre considère que les études sur chacun des sujets qui sont énumérés dans le rapport annuel sont a priori — elles sont faites parce qu'elles sont d'intérêt public; autrement, un ministère ne les entreprendrait pas — essentiellement disponibles sur demande?

M. Couture: Je pense que le service des communications vous dira qu'une grande partie de nos études est publiée déjà.

M. Forget: Quant à celles qui ne le sont pas, toute personne intéressée peut les obtenir. Je ne parle pas seulement des membres de l'Assemblée nationale.

M. Couture: Sur demande, je ne pense pas qu'on ait de réserves sur aucune de ces études. C'est d'intérêt public et elles peuvent être obtenues sur demande.

M. Forget: Est-ce que le ministre accepterait une suggestion à l'effet de demander au service financier de son ministère, pour l'exercice qui vient de commencer, d'établir la pratique de déterminer le coût de revient de chaque étude? On a, évidemment, beaucoup parlé des coûts de consultation, etc.

Ce serait bien intéressant de voir combien coûte chacune de ces études, lorsqu'on répartit les salaires, les bénéfices marginaux, enfin, je ne demande même pas de parler de loyer, quoique ce serait un élément substantiel, mais ce n'est pas comme tel dans la comptabilité du ministère. Je pense que cela pourrait être intéressant — ce n'est pas une critique, remarquez bien — je pense que cela aiderait aussi ceux qui planifient la recherche, dans chacun des ministères, d'adopter cette pratique. Il y a bien peu d'organismes de recherche, en dehors des gouvernements, même au niveau universitaire, qui bénéficient d'une espèce de fonds de $1 million qu'ils peuvent utiliser librement. C'est beaucoup pour la recherche, quand on ne parle pas de recherche biologique, etc., il n'y a pas d'instrumentation là-dedans, c'est seulement des salaires pour dactylographier les rapports. C'est énormément d'argent, $1 million. Les gros organismes qu'on connaît dans le monde entier n'ont

pas beaucoup plus d'argent que cela pour faire énormément de choses.

Je crois qu'il serait peut-être intéressant qu'on développe une conscience du coût social de ces travaux faits à l'intérieur du gouvernement. Cela pourrait peut-être aider à faire certains choix. C'est une suggestion que je lui fais, je ne sais pas s'il est prêt à la considérer.

M. Couture: J'ai presque envie de vous rappeler la boutade qu'on m'a déjà dite là-dessus, et j'y crois passablement. On me disait que dans un ministère, finalement, ce qui compte avant tout, c'est d'avoir quelques hommes clés puis un bon service de recherche. Je serais porté à croire que c'est vrai, parce que dans des ministères aussi importants que celui du Travail et de la Main-d'oeuvre, évidemment, sans minimiser les Affaires sociales, l'Education et bien d'autres, je pense que le service de recherche est un soutien extrêmement important pour préparer nos politiques, pour les appuyer et aussi pour, éventuellement, les coordonner avec un ensemble plus global. De fait, $1 million semble peut-être assez important comme chiffre, mais quand on regarde les études — j'ai eu l'occasion d'en parcourir quelques-unes, entre autres celle du salaire minimum — c'est très fouillé, c'est un instrument que nous avons, et que je serais porté à maintenir aussi fort qu'il est, sinon à le développer. Cela nous permet éventuellement de légiférer en bonne connaissance de cause.

M. Forget: Je suis d'accord avec le ministre. L'objet de mes remarques, ce n'est pas de l'inviter à diminuer ses crédits. Je suis tellement d'accord avec lui que je lui dis qu'il aurait probablement intérêt, justement parce que c'est très important, ce travail, à avoir peut-être une meilleure planification de la distribution des efforts. Ce qui me frappe, quand on entend la liste des sujets, c'est peut-être un peu la dispersion de l'effort. Il y a une certaine marge critique d'effort, un domaine, pour que ce soit payant, en termes de production. C'est vrai pour la recherche comme c'est vrai pour autre chose. J'ai l'impression que si on faisait une évaluation du prix de revient — dans le fond, c'est une façon de comptabiliser la proportion des ressources de ce service qui est consacrée à certains sujets, des fois, c'est peut-être secondaire par rapport à d'autres — on se rendrait compte que le rendement n'est pas du tout proportionnel à l'investissement. On serait probablement étonné de ce que peut coûter parfois un rapport qu'on a fait, justement, parce que tout à coup, quelqu'un dans le service de recherche a eu l'idée que cela pourrait intéresser quelqu'un. Il y a des ressources importantes.

M. Couture: Les commandes sont données. Elles ne s'en vont pas dans la nature comme cela.

M. Forget: Parfois, mais l'expérience du gouvernement que j'ai, me dit que ce n'est pas toujours aussi conscient que cela et que la planification des services de recherche est souvent très mal faite. Il y a beaucoup d'inclinations personnel- les, d'intérêts personnels de ceux qui sont là qui persuadent leur supérieur que cela doit être fait, etc. Mais on commence à jouer dans des sommes importantes. Au niveau du gouvernement, on a une vingtaine de ministères qui dépensent chacun au moins $1 million probablement pour faire de la recherche. Vous savez, cela commence à faire des masses importantes. Je suis persuadé qu'on n'a pas le rendement qu'on devrait avoir de cet investissement en termes de qualité et en termes aussi de concentration sur des sujets importants.

Je le dis, parce que j'en ai eu l'expérience, et il y a une chose dont je n'étais pas conscient et qui me frappe beaucoup, justement dans l'énumération que vous avez faite, c'est que je me rends compte que vous avez probablement une dizaine de ministères qui ont reçu les rapports du comité de révision du Code civil et qui chacun pour soi, ont entrepris de les analyser. Cela a été fait au ministère des Affaires sociales, cela a été fait au ministère du Travail, cela a probablement été fait au ministère de l'Education, etc. Ce n'est pas toujours absolument pertinent. D'un autre côté, je vous posais tout à l'heure une question sur un sujet très précis, et, dans le fond, entre nous et sans reproche, je pense que c'est une question qui n'a jamais été étudiée comme telle. Quelles sont les conditions concrètes pour s'assurer que les lois qu'on a, on les applique avec efficacité. Mais, d'un autre côté, parfois on se met à étudier de façon...

M. Couture: Au sujet d'études, je prends en note.

M. Forget: Oui. On se met à étudier des sujets qui ont un intérêt plutôt hypothétique. Je crois que le ministre trouverait un grand intérêt, au cours des deux, trois prochaines années, à donner beaucoup d'attention à la façon dont ces études sont entreprises.

M. Couture: J'accepte parfaitement votre suggestion. Je pense que c'est une proposition que je retiens. Je peux quand même — vous avez vous aussi l'expérience des ministères — vous dire qu'au ministère du Travail, les recherches se font à partir de commandes et des directions générales qui sont acceptées d'avance. Comme je le disais tout à l'heure, ils ne s'en vont pas dans la nature en disant: Cela me tenterait de faire telle ou telle recherche. Mais je crois que c'est important de faire cette analyse du coût de revient. Je prends note, M. le Président.

Le Président (M. Marcoux): Le député de Richmond.

Vous avez d'autres questions? D'accord!

M. Forget: Et la question de la tutelle, au moins de façon générale?

M. Couture: Oui, vous aviez trois questions. Sur la tutelle des syndicats, vous vous demandiez comment il peut y avoir en même temps tutelle pour les syndicats, les deux locaux des mécaniciens d'ascenseurs — je crois que c'est un peu vo-

tre question — et qu'ils puissent, malgré la tutelle, faire une grève qu'on a prétendue illégale, mais qui en fait était légale.

Je pense que le rôle d'une tutelle n'est pas nécessairement d'éteindre toute vie syndicale. C'est avant tout de la réanimer et de préparer, c'est vraiment le rôle d'une tutelle, d'aider les travailleurs et les syndicats à retrouver une vie démocratique et saine. Parfois, les tutelles sont là parce qu'il y a des problèmes économiques. Effectivement, il peut y avoir des choses suspectes au niveau des finances. Il y a aussi des tutelles qui sont là parce qu'au niveau de la démocratie syndicale, cela laisse à désirer. Je ne me surprends pas qu'il puisse y avoir tutelle et en même temps vie syndicale, et c'est ce qui est arrivé dans le cas des mécaniciens d'ascenseurs.

Dans la troisième question, par rapport à l'industrie des ascenseurs, les opérations illégales, les entreprises qui, semble-t-il, exercent un certain monopole, des chasses gardées, c'est un peu l'objet de votre question, vous vous interrogez là-dessus, et moi aussi, je m'interroge là-dessus! La tutelle nous permettra peut-être d'avoir un éclairage plus précis. Je pense que, comme bien d'autres, j'ai été peu informé, même avant d'être au ministère, de ce type d'opérations qu'il y avait chez les employés d'ascenseurs. Même au niveau syndical, cette espèce de protection d'un type de travailleurs au détriment de certains autres, c'est un peu le mandat donné aussi à la tutelle de nous faire des recommandations précises là-dessus. Maintenant, si vous me donnez deux minutes, je vais demander à mon sous-ministre s'il a des informations additionnelles.

Si j'ai bien compris, vous me demandez s'il y avait une espèce de connivence entre le syndicat et les constructeurs d'ascenseurs sur la pose et l'entretien de ces mêmes ascenseurs. Il s'avère que, depuis un an et demi ou deux ans que les tutelles sont en place, on n'a eu aucune preuve à cet effet. Effectivement, dans plusieurs cas, l'entretien des ascenseurs et la construction des mêmes ascenseurs ne se fait pas par la même compagnie. Il s'est développé des compagnies qui ne font pratiquement que l'entretien et ce sont les grosses compagnies qui construisent les ascenseurs. Cela ne semble pas être probant du moins.

Le Président (M. Marcoux): Le député de Richmond.

M. Brochu: Sur le même sujet, M. le Président, étant donné que vous avez ouvert la porte à la discussion au député de Saint-Laurent en ce qui concerne le problème des tutelles, j'aimerais demander au ministre, à ce stade-ci, étant donné les péripéties qu'a connues jusqu'à maintenant le rapport Ryan, s'il a pris connaissance du rapport de façon exhaustive à ce stade-ci et, deuxièmement, si c'est son intention d'utiliser le rapport Ryan pour mettre en place certaines structures pour s'en servir de quelque façon dans l'application. Enfin, j'aimerais savoir de sa part quelles sont ses intentions en ce qui concerne la responsabilité qui avait été octroyée à M. Ryan lui-même.

M. Couture: II y a eu en effet un rapport que j'ai reçu du tuteur en chef, M. Ryan. J'ai aussi demandé à un groupe de députés, sous la direction de M. Chevrette, d'étudier le fonctionnement de ces tutelles et de me faire des recommandations. Comme vous m'avez demandé à ce stade-ci ce que j'entends faire, je dois dire que, pour certains cas, peut-être assez prochainement, j'ai l'intention de libérer des syndicats de ces tutelles. Vous me permettrez de ne pas spécifier quels syndicats entre autres, mais je pense qu'effectivement la tutelle a permis à certains syndicats de revenir à un fonctionnement plus normal et plus acceptable. Le rapport Ryan, au niveau des structures, nous donne aussi des indications, entre autres sur les modifications possibles à la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction et éventuellement une nouvelle évaluation du règlement no 1. Je pense que je n'ai pas autre chose à dire là-dessus. Nous en sommes là. Je pense que certaines tutelles seront levées et l'exercice de ces tutelles nous permet de nous dire qu'il y a des améliorations à faire à la Loi des relations du travail dans la construction et aussi même en ce qui concerne le Code du travail, car on voit certaines déficiences d'opération dans le syndicalisme de la construction.

M. Brochu: De façon plus précise, le rapport Ryan suggère différents amendements à la loi, d'abord la question de la mise en tutelle de l'Association sportive du local 144 des plombiers; deuxièmement, l'interdiction formelle de cotisations syndicales parallèles dans les syndicats sous sa juridiction; troisièmement, étendre la tutelle de l'Association unie des ouvriers en tuyauterie du Québec, un syndicat qui regroupe officiellement la moitié des syndicats du local 144, sans que ses ouvriers le sachent; quatrièmement, élargir le mandat de la tutelle à tout organisme qui prendrait la place des syndicats existants, et enfin, cinquièmement, demander l'augmentation de leur budget. Est-ce que, à ce stade-ci du moins, le ministre serait en mesure de préciser davantage sa pensée en ce qui concerne l'application de ces recommandations? Est-ce que le ministre peut nous dire si certaines de ces recommandations, jusqu'à maintenant, sont déjà retenues dans son esprit en ce qui concerne les changements qu'il veut apporter?

M. Couture: L'année dernière, il a été dépensé $275 000 et on prévoit $500 000 pour l'année à venir. Effectivement, en ce qui concerne le local 144, je ne prends pas un grand risque en vous disant que ce sera un bébé chéri du ministère et de la tutelle tellement ça risque aussi d'être élargi.

Les autres recommandations, nous les analyserons. Je veux dire, quand on parle d'associations sportives, que nous avons quelques regards de ce côté

Oui, les recommandations dont vous nous avez fait part, nous les analysons avec attention.

M. Brochu: Si je comprends bien, le ministre ne veut pas aller trop loin, à ce stade-ci, dans ce

domaine. Il se réserve pour un peu plus tard la possibilité...

M. Couture: Non, pour ne pas préjuger des décisions qu'on prendra, mais c'est une base de recommandation très importante pour nous.

M. Brochu: Pour continuer plus loin, j'ai sous les yeux un article qui a paru dans la Presse du 25 décembre 1976 et qui est signé par Pierre Vennat, qui est quand même quelqu'un d'assez bien connu dans le domaine pour sa compétence, et qui indique: "Le simple fait de savoir qu'André Desjardins a été le négociateur de facto sinon officiel des plombiers lors des négociations qui viennent de se terminer et que William Baxter a été vu à maintes reprises dans le sillage des négociateurs syndicaux, du moins pour ce qui concerne son métier, prouve bien que la tutelle n'a pas changé grand-chose dans ces deux corps de métier."

M. Couture: A moins qu'on pense que personne ne puisse se reconvertir à une vie plus normale.

M. Proulx: Vous ne croyez pas aux miracles?

M. Couture: Je ne peux pas porter de jugements sur les individus, mais il reste que l'image ou les préjugés par rapport à certains individus risquent de rester assez longtemps dans l'opinion publique. Mais, en fait, je ne veux pas, en partant, surtout au ministère, d'avance, décider que ce que certains hommes ont fait, ils vont le faire toute leur vie. Ce qui m'intéresse davantage, c'est que les travailleurs, à la base, eux-mêmes, aient toute la protection nécessaire; on a vu d'ailleurs, chez les journaliers, à quel point il y a eu un renversement intéressant. Je veux que les travailleurs, à la base, eux-mêmes, aient des conditions favorables à un exercice démocratique de la vie syndicale et puissent librement choisir leurs représentants, librement.

Ce n'est pas à moi à dire que tel président de syndicat est bon ou mauvais, mais c'est peut-être à nous autres à s'assurer que toutes les conditions sont réunies pour que les travailleurs, librement, exercent ce droit.

M. Mackasey: Excusez, vous avez mentionné librement...

Le Président (M. Marcoux): Sur le même sujet, le député de Richmond.

M. Mackasey: Question supplémentaire.

Le Président (M. Marcoux): A moins qu'il ne le permette.

M. Brochu: D'accord.

M. Mackasey: Vous avez trois ou quatre fois mentionné le mot "librement". Avez-vous quelque chose en vue: M. le ministre, pour assurer aux tra- vailleurs à la base qu'ils peuvent faire ce choix librement? Parce qu'il me semble, jusqu'à maintenant, que votre philosophie n'a donné presque aucune priorité au domaine des négociations; la priorité est allée aux conditions de travail, aux normes de travail. Le Code du travail est révisé, mais comment voulez-vous que le simple ouvrier, le membre ordinaire ait la protection qu'il devrait avoir pour faire ce choix librement?

M. Couture: Ce que j'ai déjà dit là-dessus, c'est que je pense que c'est peut-être notre rôle de persuader, si besoin est, les autorités syndicales à prendre leurs responsabilités dans ce domaine et à effectuer les changements qui s'imposent ou à mettre en place les règles internes qui permettent aux travailleurs d'exercer leurs droits légitimes librement et démocratiquement. Je crois que, quand même, nous avons été témoins de certains exemples fort impressionnants dans ce domaine.

Une fois que les autorités syndicales voudront prendre leurs responsabilités... Parce que c'est aussi une des philosophies qui m'est chère. Je pense que le gouvernement, l'Etat n'a pas à jouer un rôle d'interventionnisme dans tous les domaines, partout et toujours, tout le temps, 24 heures par jour. Je pense que l'Etat a le rôle de mettre en place des conditions favorables pour l'exercice des droits des individus et des collectivités.

Si, effectivement, les milieux syndicaux, comme d'autres d'ailleurs, ne prennent pas leurs responsabilités selon l'avis des élus du peuple qui ont le mandat de rechercher le bien commun et de le protéger, je crois que nous agirons. Ce n'est même pas exclu, dans les amendements que nous proposons au Code du travail qu'effectivement, nous puissions peut-être intervenir dans ce domaine.

M. Mackasey: Ce n'est pas que je ne partage pas vos sentiments, mais vous me laissez encore l'impression que c'est par l'entremise, peut-être, de changements nécessaires dans la constitution d'un syndicat qu'on va régler les conflits, mais que chaque membre prenne ses responsabilités... Cela laisse quand même place à des questions. Si votre ministère propose, dans le Code du travail, que nous ayons l'an prochain, plus de protection pour l'ouvrier... Il y a autre chose à laquelle je pense: dans quelques syndicats, au moins, il est nécessaire — même la constitution dit que c'est de cette manière qu'on doit procéder — de procéder par vote secret, vous savez autant que moi que ce n'est pas toujours le cas. Il faut que nous soyons réalistes, le ministre autant qu'un autre. Quelquefois, je pense que la population, et même les membres des syndicats, d'après les lettres que j'ai reçues comme simple député ici, comme ministre, auparavant, et aussi comme employeur, si vous voulez, que les travailleurs, dans beaucoup de cas, cherchent plus de sécurité de la part de votre ministère. Si chacun ne prend pas ses responsabilités, à la fin du compte, c'est la collectivité dont vous parlez, la population en général, qui va souffrir et non seulement les membres du syndicat.

Nous avons aussi une responsabilité. Je me

demande si vous pensez que c'est nécessaire, comme ministre du Travail, de prendre des responsabilités dans ce domaine, ou est-ce que la solution entière se trouve dans la volonté de chaque membre des syndicats de prendre ses responsabilités?

M. Couture: Les deux, M. le Président. Je pense que c'est aussi la responsabilité des uns et des autres, mais, dans un premier temps, je souhaiterais que ce soit au niveau syndical que ces responsabilités s'exercent d'abord.

Le Président (M. Marcoux): Le député de Richmond.

M. Brochu: Merci, M. le Président. Pour revenir à tout à l'heure, cela m'a fait un peu curieux de voir que le ministre se sentait peut-être un peu apôtre auprès de M. Desjardins pour régler la situation. Il me semble aussi, à la suite de ses propos, que les problèmes en ce qui concerne les tutelles demeurent actuellement entiers.

Je comprends que le ministre, en arrivant au ministère, se retrouve face à un problème qui n'est pas facile, qui est complexe et qui est surtout présent et bien imprégné.

M. Chevrette a fait un travail assez considérable dans ce sens-là. Il a maintenant terminé son rapport et il l'a remis au ministre. Le ministre, tout à l'heure, dans la réponse qu'il m'a faite, indiquait, dans le même sens que l'avait fait son collègue, M. Chevrette, qu'il souhaitait davantage une tutelle par la base, c'est-à-dire que les syndiqués eux-mêmes s'imposent une forme de tutelle, plutôt qu'elle ne leur soit imposée par le haut.

J'aimerais que le ministre nous dise s'il peut nous donner certaines indications en ce qui concerne la nature et le contenu du rapport qui lui a été fait par son collègue, M. Chevrette, à ce sujet, et quelles sont ses intentions en ce qui concerne l'application de ce rapport.

M. Couture: Le rapport sur quoi?

M. Brochu: Sur la question des tutelles. M. Chevrette vous a remis...

M. Couture: En effet, j'en ai parlé tout à l'heure.

M. Brochu: Oui.

M. Couture: Globalement, je souscris assez facilement aux recommandations et j'ai des réserves sur l'une et l'autre de ces recommandations, mais je ne peux pas dire ici ce que je vais retenir.

M. Brochu: Est-ce que le ministre pourrait nous indiquer, à ce stade-ci, quelles sont les recommandations qu'il retient, du moins celles qu'il retient?

M. Couture: Je ne veux pas vous le dire à ce stade-ci, parce que ce sont des recommandations que je veux étudier et discuter avec M. Chevrette, d'abord. Ensuite, on vous dira ce qu'il en est.

M. Brochu: Y a-t-il déjà eu des premières rencontres à ce stade-ci, en ce qui concerne ce rapport?

M. Couture: Oui, il y a eu une rencontre et il y en aura une autre. M. Chevrette, c'est mon adjoint parlementaire, on se voit très souvent. Cela entre dans la série de discussions que nous avons sur ce problème.

M. Brochu: Le ministre peut-il nous indiquer aussi s'il y a eu des rencontres avec M. Ryan, de la même façon?

M. Couture: J'ai eu des communications téléphoniques et écrites avec M. Ryan. J'avais mandaté M. Chevrette de le rencontrer plus directement. Il a eu une longue discussion avec lui. C'est à la lumière de cette rencontre que je prendrai une décision.

M. Brochu: Si je comprends bien, vos relations avec M. Ryan se font surtout par la bande...

M. Couture: Elles sont très discrètes. Oui, c'est exact.

M. Brochu: ... par l'intermédiaire de M. Chevrette.

M. Couture: Pas seulement cela, mais aussi à travers les rapports qu'il me donne et les communications téléphoniques que j'ai eues avec lui, mais il n'est pas exclu que je le rencontre éventuellement avant de prendre une décision sur la levée des tutelles ou leur prolongation.

M. Brochu: Mais, étant donné que, géographiquement, vous êtes plus rapproché de M. Chevrette que de M. Ryan, est-ce que vous pourriez nous dire, à ce stade-ci, si vous êtes d'accord avec l'opinion qu'a émise M. Chevrette voulant que le rapport Ryan soit un constat d'impuissance dans la question qui nous préoccupe.

M. Couture: Je ne fais aucun commentaire là-dessus.

Le Président (M. Marcoux): Programme 3, élément 1, adopté? Excusez-moi, le député de Terrebonne.

M. Fallu: II est peut-être de mauvais aloi qu'un député du côté ministériel pose des questions à son ministre.

M. Couture: Ah non!

M. Fallu: Cela retarde les travaux, c'est connu. Habituellement, on laisse plutôt la scène à nos collègues d'en face. Si vous permettez, néanmoins, j'aurais quelques questions à poser.

Etant donné notamment que le ministère que vous patronnez vous est tombé d'assez fraîche date entre les mains et qu'à la limite, vous n'aviez peut-être pas pleine autonomie, j'allais dire dans ce premier budget, la première question, M. le Président, est une question d'ordre très général. Je veux faire un tout petit status quaestionis auparavant, si vous permettez.

Il existe donc l'étude des crédits qui représente une partie de l'administration publique, mais il y a une frange très importante de l'administration publique qui n'est jamais étudiée en commission parlementaire, à moins de commissions parlementaires de nature très spécifique sur des dossiers qu'on doit d'ailleurs énoncer à titre très particulier.

J'allais dire que ces crédits qu'on appelle généralement péripublics représentent, à toutes fins pratiques, quelque 105% ou 110% du budget réel effectif, mais non nécessairement enregistrés sous forme de crédits de l'Etat du Québec.

C'est ainsi, entre autres, que relèvent du ministère — pardon, premier lapsus... du ministre directement des organismes comme la Commission du salaire minimum, la Commission des accidents du travail, l'Office de la construction, pour ne nommer que ces trois-là, de sorte que ces organismes reposent directement sur les épaules du ministre. Jamais ne fait-on l'étude des crédits, ici en commission parlementaire, à moins que l'on convoque, d'une façon spécifique, le président de l'une ou l'autre de ces commissions ou offices.

Ma question est d'abord une question structurelle. Ces commissions ou offices relèvent directement du ministre en personne et non pas du ministère. Il m'apparaît — l'affirmation, je la fais, si vous permettez, sous forme de question — que, sur le plan institutionnel, il y a là un très grave lapsus, en ce sens qu'il n'y a aucune possibilité de relance pour ainsi dire à travers ces organismes, du fait que seul le ministre peut, à l'occasion, poser une question sur le fonctionnement interne, sur le budget, sur l'administration ou autre.

Jamais ne peut-il, par le biais de son ministère ou des organismes même de son ministère, aller, par exemple, faire enquête directement, comme il le fait à l'intérieur d'une direction de son ministère? Alors, ces commissions ou offices agissent, à toutes fins pratiques, comme des compagnies privées, rattachées avec un tout petit lien ombilical, pourrais-je dire, au ministre. Est-ce que cela vous apparaît normal?

Le Président (M. Marcoux): Avant de céder la parole au ministre, veuillez indiquer le type de questions que vous abordez. Le ministre est entièrement libre d'y répondre, puisque, normalement, elles ne relèvent pas de l'étude des crédits budgétaires et elles auraient dû être abordées lors de l'exposé général, en plus des livres d'examen de crédits budgétaires de ce ministère. Comme, évidemment, le ministre est libre de répondre aux questions qui lui sont posées, je vais lui céder la parole, mais je croyais bon d'indiquer...

M. Forget: Me permettez-vous une petite in- tervention découlant de ce que vous venez de dire? Je crois que si on regarde l'étude des crédits des années passées, je ne sais pas si on peut dire que c'est une tradition, mais cela m'a semblé être une tradition, au cours de l'étude des crédits du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre, quelqu'un faisait ordinairement motion ou alors même demandait, sans plus de formalité, au ministre de bien vouloir inviter le président de ces différents organismes, en particulier la Commission du salaire minimum. C'est peut-être un peu théorique dans le contexte où on va changer la Commission et tout modifier, sauf, pour lui demander son avis sur sa disparition, mais à cela, on peut s'attendre à avoir une réponse très prévisible. Certainement, la Commission des accidents du travail et l'Office de la construction du Québec, je crois que même, si techniquement, vous avez raison, ne sont pas couverts par le budget. En s'inspirant de cette tradition, je me proposais, à un stade ultérieur du débat, de faire la demande au ministre de bien vouloir consentir à les convoquer, de manière qu'on puisse leur poser quelques questions, d'autant plus que s'il y a des questions passablement d'actualité dans le domaine...

Le Président (M. Marcoux): Si je suis bien informé, on demandait qu'ils soient convoqués, mais c'était finalement laissé à la discrétion du ministre. Ce n'était pas automatique qu'ils soient convoqués.

M. Forget: Non, ce n'était pas automatique, mais c'était traditionnellement accordé.

M. Brochu: M. le Président, sur le même sujet, si vous permettez, une remarque là-dessus pour appuyer le voeu que le député de Saint-Laurent émet à la suite de vos directives à ce sujet, et en particulier en ce qui nous concerne, on serait intéressé d'entendre ces hauts fonctionnaires, en particulier ceux de l'Office de la construction du Québec aussi. Je pense que, dans les circonstances, ce serait peut-être de nature à porter un bon éclairage sur la situation que de faire venir ces personnes. J'en fais la recommandation, comme mon collègue de Saint-Laurent, au ministre pour peut-être continuer cette bonne tradition qui avait été instaurée.

M. Fallu: M. le Président, si j'ai fait mon intervention à ce stade-ci de l'étude des crédits, c'est en relation directe avec la direction du ministère, parce que ma question n'est pas une question de fond sur les organismes, mais bien sur la relation qui existe entre le ministre lui-même et ces organismes. Toutefois, je me range très volontiers à la demande des députés, et selon les besoins pressentis à la commission, qu'on fasse comparaître certains de ces organismes.

M. Couture: A ma connaissance, les présidents des commissions ne sont jamais venus à l'étude des crédits, non seulement à ma connaissance, c'est l'information que je reçois.

M. Forget: Mon information est contraire. Regardez dans le journal des Débats de l'année dernière, vous allez voir qu'il y en a qui étaient ici.

M. Couture: Ce n'est pas exclu, mais on me donnait ce renseignement. Au Travail et à la Main-d'Oeuvre, cela ne s'est jamais vu.

M. Forget: Je vais vous trouver les références précises et je vous les donnerai demain.

M. Fallu: La semaine dernière, aux Finances, effectivement, divers organismes relevant directement du ministre des Finances étaient présents, la Curatelle publique, notamment.

M. Forget: Cela s'est fait dans toutes les commissions. Aux Affaires sociales, le président de la Régie de l'assurance-maladie, le président de la Régie des rentes sont traditionnellement présents et répondent aux questions des membres de l'Assemblée nationale. Je sais que cela s'est fait dans le passé. Il me semble que c'est l'année dernière ou c'est peut-être les années précédentes, mais je suis sûr de l'avoir vu dans le journal des Débats.

M. Couture: Je ne vois pas d'objection de principe. En fait, je voulais simplement vous signaler qu'ayant une commission parlementaire sur la construction, sur le décret, dans quelques semaines, on aura le loisir d'aborder, au long et au large, certains problèmes de la construction. La grande loi qui se prépare sur la sécurité et la santé des travailleurs et la loi aussi sur l'amiantose nous permettront, en commission parlementaire, de débattre assez à fond ces instruments du ministre, parce que ce ne sont pas les instruments du ministère, en effet.

Ceci dit, je pourrais réfléchir... Vous en faites une motion?

M. Forget: Remarquez que je ne suis pas dogmatique là-dessus. Si vous nous dites qu'avant l'ajournement d'été, nous allons pouvoir, à l'occasion du...

M. Couture: Dans les deux commissions...

M. Forget: ...relativement à l'étude du décret de la construction et si le ministre, à ce moment-là, est, disons, large d'esprit quant à la nature des questions qu'on pourra soulever à cette commission parlementaire, lorsque l'office viendra devant nous, parce qu'on pourrait le faire aux crédits sans être évidemment restreints par un texte réglementaire précis, moi, je suis bien d'accord pour le faire de cette façon. C'est la même chose pour l'autre organisme, lors de l'étude de l'amendement à la loi 52, à la Commission des accidents du travail, on pourra questionner le nouveau président, également d'une façon assez générale.

M. Couture: Je n'ai pas d'objection. Vous permettez que j'y réfléchisse?

M. Forget: Oui, bien sûr, on va se revoir.

M. Couture: Je vais réfléchir à cette proposition. Je veux répondre au député de Richmond.

M. Brochu: Pour continuer sur le même sujet aussi. Je voudrais quand même qu'on nous donne peut-être cette assurance, parce qu'il ne faut quand même pas oublier que le rôle de la commission parlementaire au stade de l'étude des crédits, c'est de regarder les problèmes dans leur ensemble. C'est la tribune la plus large de discussion, de questions et de réponses, en ce qui concerne la situation d'un ministère donné, et c'est la situation privilégiée pour le faire. Je pense que cela a toujours été le cas, par définition, de la commission parlementaire de l'étude des crédits. Si on laissait en suspens la décision du ministre à ce stade-ci, il faudrait peut-être quand même avoir une certaine assurance, de la part du ministre, du moins qu'il va nous donner une réponse en ce qui concerne cette question, parce qu'il ne faut pas non plus se mettre dans l'esprit que lorsqu'on va arriver à l'étude d'un projet de loi précis, il faudra, à l'intérieur du débat même de la loi, peut-être reprendre le débat, à savoir si on peut l'étendre à d'autres domaines qui nous intéressent. Je prends le cas, par exemple, de l'Office de la construction du Québec. Ce serait peut-être la tribune idéale actuellement, surtout avec tous les remous qui se passent dans le secteur actuellement, pour faire venir les gens intéressés, M. Mireault, poser nos questions, débattre la question avec le ministre, avec les membres de l'Opposition, les membres du gouvernement, ce qu'on ne pourra peut-être pas faire avec autant d'ampleur à l'intérieur de l'étude d'un projet de loi.

Le Président (M. Marcoux): Sans préjuger de la décision du ministre ou de la commission, je tiens à répéter ce que j'ai signalé tantôt. Normalement, ces questions générales viennent au moment des remarques générales sur l'ensemble des activités du ministère et, encore là, ces institutions ne sont pas reliées, comme telles, leurs activités ne sont pas reliées aux crédits budgétaires.

M. Forget: Non, M. le Président, je dois exprimer ma dissidence à ce sujet. Encore une fois, depuis trois ou quatre ans, même cinq ans, que je fais l'étude des crédits et que j'y participe d'une façon ou d'une autre, cette question des organismes, des régies d'Etat, des sociétés d'Etat se pose à tout stade de la procédure en commission parlementaire. Parfois, on termine avec ça; d'autres fois, on commence avec ça, mais ce n'est pas du tout restreint aux remarques d'ouverture. Du moins, si ça l'était maintenant, ce serait, à mon avis, un précédent.

M. Mackasey: Par exemple, M. le Président, à l'élément 1 du du programme no 6, on traite de la sécurité au travail et dans les lieux publics. On discutera sans doute la question des ambulances. On continue à en discuter dans les journaux. Pro-

bablement qu'en même temps, on peut profiter de l'étude du programme no 6 pour convoquer quelqu'un de la Commission des accidents du travail ou une commission appropriée pour savoir exactement ce qui passe ou ce qui ne passe pas.

M. Couture: Bon! Ceci dit, je pense que ce n'est pas exclu. A la réunion subséquente, je vous dirai l'orientation que je vais prendre de ce côté.

Pour revenir à la question du député de Richmond, c'est un très vaste programme comme dirait l'autre... Je crois, en effet, qu'il est fort opportun, peut-être, à ce moment-ci ou à cette époque de vie du gouvernement, de se poser des questions sur la structure du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre et de ses commissions et régies qui sont attachées à la personne du ministre.

Je remarque, d'une part, qu'il est important qu'il y ait des commissions ou régies autonomes pour certains types d'intervention. Il y a d'abord ce premier avantage qui est de permettre un prélèvement dans le milieu concerné par l'application d'une loi; cela permet aussi d'apporter une certaine autonomie de gestion qui ajoute à la crédibilité des interventions à certains points de vue, parce que comme on le disait au début des travaux de la commission, cela dépolitise les interventions dans un milieu donné.

Il reste que la structure mériterait peut-être d'être repensée dans le sens suivant: Je crois qu'en effet ce qui est frustrant pour les élus du peuple et peut-être, au fond, est-ce la préoccupation du député de Terrebonne, c'est cette impression qu'on a au sujet de politiques énoncées, ratifiées et votées au Parlement. Certaines de ces politiques sont administrées, appliquées par des régies et l'impression qui s'en dégage, c'est qu'on semble perdre le contrôle direct sur ceux qui appliquent ces politiques et l'organisme lui-même qui en est l'instrument.

Le ministre est là pour répondre de tout ce monde, mais je pense que rapidement les gens ne se sentent pas quand même, à certains points de vue, directement impliqués dans l'application de telle ou telle politique. Ils en sont responsables, mais l'administration est confiée à d'autres.

Je pense que cela est justifié de déléguer des pouvoirs dans une administration aussi lourde que l'administration publique. Cela permet de mettre en oeuvre un certain type de décentralisation administrative. Cela a aussi l'avantage de faire partager les intervenants du milieu, syndicats et employeurs, selon le type de régie, de les faire participer à une certaine forme de gestion et à un certain contrôle des politiques, mais je sens que chez des députés et aussi parmi la population, on a l'impression parfois que trop d'autonomie leur est laissée ou le contrôle n'est pas suffisant sur les organismes.

Je vous ai fait part de ma réflexion à ce stade-ci. Je pense que, éventuellement, nous aurons à réfléchir sur le rôle de ces commissions. Je pense qu'il y a une cohérence dans ce que j'ai déjà dit au début. Je suis tout à fait en faveur qu'on donne des pouvoirs, qu'on délègue des pouvoirs parce que c'est nécessaire, mais ce qui me préoccupe, c'est qu'en déléguant des pouvoirs, cela ne doit pas être l'occasion d'isoler des types d'intervention et peut-être d'empêcher une coordination nécessaire dans certaines politiques. Je parle, entre autres, de la main-d'oeuvre, de la sécurité. Si, au ministère, on applique telle forme d'intervention et qu'à la CAT, on en applique une autre, si à l'Office de la construction, concernant le placement, on a une orientation différente de celle du ministère, même si tout passe, éventuellement, par le lieutenant-gouverneur en conseil, il reste que des habitudes se prennent, et parfois, des empires se créent.

M. Forget: M. le Président, j'aimerais donner une information au ministre. Je pense que les propos qu'il tient reflètent une préoccupation qui, évidemment, peut paraître partagée par plusieurs personnes, mais il y a des solutions à cela, sans changer grand-chose. Il y a d'abord la façon dont les lois sont faites. Elles ne sont pas toutes faites avec le même bonheur. Il y en a qui sont relativement mieux faites que d'autres. Finalement, ces régies, ces sociétés doivent respecter les lois. Elles doivent respecter les objectifs déterminés dans les lois qui sont confiées à leur administration. Si les objectifs sont mal formulés, s'ils sont trop vagues, s'ils donnent trop de place à l'arbitraire, si tout est laissé à des réglementations à venir qui ne sont pas spécifiées et que l'organisme en question est chargé d'élaborer, évidemment, on abandonne, on démissionne avant de commencer. C'est la raison pour laquelle il faut être nécessaire...

Je ne le mentionne pas pour revenir sur le sujet, mais dans une loi sur les conditions minimales de travail, il ne faut pas dire: Ce sont les normes, les conditions, c'est dans la loi. D'un autre côté, dans le pouvoir réglementaire, il ne faut pas dire: Quand cela ne fait pas l'affaire, la régie en question pourra faire des règlements pour exempter tout le monde, sans donner les critères utilisés pour les exemptions. C'est évident que si on fait cela, on se prépare à des situations absolument sans issue.

Il y a la rédaction des lois. Il faut qu'elles soient bien rédigées. Si elles sont bien rédigées, l'organisme n'a pas d'autre choix que de les exécuter, de les respecter. Il conserve le choix des moyens, mais c'est pour cela qu'on décentralise. Il y a une autre chose qui a été instaurée dans nos lois. Pour la première fois d'ailleurs, cela a été fait lors d'une révision de la Loi de la Régie de l'assurance-maladie. J'ai eu le plaisir, si on peut dire, d'introduire cette modification, à l'époque. C'est un pouvoir de directive, non pas un pouvoir de directive privé, secret et utilisé par le ministre, selon son bon plaisir, mais un pouvoir de directive qui prend la forme d'une recommandation faite par le ministre, approuvée par le lieutenant-gouverneur en conseil et déposée à l'Assemblée nationale pour forcer le respect des institutions, et également, pour bien asseoir la responsabilité de ces orientations là où elles doivent se retrouver.

Un de ses collègues — de mémoire, je ne me souviens plus lequel — la semaine dernière, a dé-

posé ce qui est, je crois, la première de ces directives. Le principe a été approuvé, encore une fois, à l'automne 1974, pour la première fois dans nos lois québécoises, relativement à la Régie de l'assurance-maladie, mais dans toutes les lois subséquentes où on a modifié la charte d'organismes du genre de la Commission des accidents du travail, etc., on a introduit le pouvoir de directive. Ce n'est pas une création québécoise. Il y a plusieurs Etats dans le monde qui ont des sociétés analogues et qui avaient le pouvoir de directive, notamment le gouvernement britannique, vis-à-vis de tout l'ensemble des sociétés nationalisées. Pour la première fois, en 1974, on l'a introduit. C'est un amendement qui, à l'époque, a suscité un peu de questions et de remous, mais, à l'usage, on se rend compte qu'on n'en a pas abusé.

M. Couture: Quel amendement est-ce?

M. Forget: C'est l'amendement à la Loi de la Régie de l'assurance-maladie, à l'automne 1974. Encore une fois, chaque fois qu'une régie a vu sa loi constitutive modifiée depuis ce temps, d'après ma mémoire, du moins, on a introduit un pouvoir de directive analogue.

Pour les organismes qui dépendent du ministre du Travail, il serait possible d'avoir ce pouvoir de directive, avec les mêmes modalités. C'est devenu presque une clause de style, qu'on peut introduire dans les lois. Elle est déjà faite. A mon avis, cela répond parfaitement à la double préoccupation du ministre, soit d'assurer un mécanisme de participation des milieux, dans la gestion de certains programmes, de certaines décentralisations, c'est bon. Ce n'est peut-être pas toujours approprié, cependant. Dans des cas, on peut vouloir la remettre en question, mais là où c'est bon, cela peut se faire, tout en étant compatible avec l'autre préoccupation du ministre, soit de ne pas perdre le contrôle, parce que le contrôle et la responsabilité vont ensemble. Le ministre ne peut pas être responsable d'une chose qu'il ne contrôle pas. Avec ces instruments, des lois bien faites et un pouvoir de directive, il n'y a véritablement pas de problème, à mon avis, d'assurer que nos institutions politiques ne sont pas à la remorque de toutes sortes d'organismes permanents qui obéi-aient à des fins particulières.

M. Fallu: M. le Président, j'aimerais également ajouter, pour l'information du ministre — et je ne voudrais pas ici abuser de mon immunité parlementaire pour faire des personnalités, pour dire ce que beaucoup de gens pensent — qu'il y a aussi la nomination des responsables de ces commissions ou offices...

M. Couture: En effet.

M. Mackasey: M. le Président, j'ai une ou deux petites questions. Voulez-vous m'expliquer le transfert, la transaction de $75 000? Nous l'avons, dans le programme no 3.

Le Président (M. Marcoux): A la demande des membres de la commission, nous allons suspendre deux ou trois minutes. D'accord?

M. Mackasey: Jusqu'à demain?

Le Président (M. Marcoux): Deux ou trois minutes seulement.

(Suspension de la séance à 21 h 56)

(Reprise de la séance à 22 heures)

Le Président (M. Marcoux): Le député de Terrebonne.

M. Fallu: Elément 1, c'est encore une question de structure administrative. A la direction du ministère, c'est à ce poste-là, effectivement, je crois, que le salaire du ministre se rattache. J'ai toujours trouvé étrange de voir que, d'une part, les salaires de députés se rattachent à la Régie de l'Assemblée nationale, mais que les salaires de ministres se rattachent à leur propre ministère, en partie, c'est-à-dire la partie supplémentaire, le double.

M. Forget: II y a seulement les dépenses de déplacement du ministre, je pense.

M. Couture: La direction du ministère, c'est $1 466 755. Mon salaire n'est pas là, il est au budget de l'Exécutif.

M. Fallu: De l'Exécutif?

M. Couture: C'est cela, monsieur? C'est cela.

M. Brochu: Votre salaire de député est sur la Loi de l'Exécutif et tout ce qui est...

M. Couture: Le salaire de député, c'est l'Assemblée nationale... C'est cela.

M. Brochu: Tout ce qui est l'excédent en ce qui concerne votre poste de ministre, je pense que cela se rattache, à ce moment-ci, aux crédits, vos dépenses de voyage...

M. Couture: Ce sont simplement les frais de voyage, je pense, qui entrent là-dedans.

M. Brochu: Je pense que oui.

M. Fallu: Faudra poser la question à la commission de l'Assemblée nationale.

M. Forget: Est-ce que le député voulait réduire le salaire du ministre à un dollar symbolique?

M. Mackasey: Pour le bonheur de notre session.

Le Président (M. Marcoux): Programme 3, élément 1, adopté?

M. Brochu: M. le Président, j'aurais, à ce stade-ci, une question à poser au ministre, programme 3, élément 1: Direction du ministère. J'aimerais demander au ministre la nature et la portée des réformes qu'il entend faire au niveau des structures internes du ministère comme telles. Je sais que le ministre, dans ses commentaires, dans son préambule, à l'ouverture de cette commission pour l'étude des crédits de son ministère, a fait certaines remarques d'ordre général à ce sujet-là.

J'aimerais peut-être qu'il précise davantage sa pensée à ce stade-ci, étant donné que cela se rattache à cet élément. Est-ce son intention de séparer l'élément main-d'oeuvre de son ministère et de l'affecter à un autre ministère? Est-ce qu'il y a un comité interministériel qui s'est penché ou qui va se pencher sur la question? Est-ce que le ministre a l'intention de scinder en deux le ministère, celui du Travail d'un côté et l'Immigration de l'autre? Quelles sont, de façon peut-être plus précise, les vues du ministre à ce sujet?

M. Couture: II y a certaines de vos questions qui devraient être posées au premier ministre. Je dois dire que, quand je suis entré à ce ministère, il y avait un énorme document qui n'est toujours pas loin de moi qui s'appelle Réorganisation du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre.

M. Mackasey: II est toujours présent?

M. Couture: II est là depuis combien d'années?

M. Forget: II y a un document analogue dans tous les ministères.

M. Couture: Je pense que c'est le premier document qu'on donne à un ministre quand il entre en place.

M. Mackasey: Je vais vous donner quelques conseils, M. le ministre. La première chose que les fonctionnaires essaient de faire avec le nouveau ministre, c'est de lui passer ce maudit livre-là. Une bonne journée, ils vont réussir.

M. Couture: Je sais que c'est un document qu'on m'a remis assez rapidement quand je suis arrivé au ministère!

M. Mackasey: Dans le document, il y a une recommandation, l'élimination complète du ministre!

M. Couture: Cela peut arriver. On ne s'en aperçoit pas quand on lit trop vite. Il est éliminé à la troisième page.

M. Mackasey: Exactement. Ils vont réussir. Si vous connaissez les fonctionnaires comme moi, une bonne fois, ils vont réussir.

M. Couture: II ne faut pas minimiser non plus la résistance des ministres. Je pense que l'appro- che que j'ai de ce côté est que, en fait, il y a des travaux considérables qui ont été entrepris par les fonctionnaires sous l'ancien gouvernement, des travaux fort intéressants sur la réorganisation du ministère.

Je me suis dit, avec prudence, je crois, qu'avant de statuer ou de prendre des décisions dans ce sens, il serait peut-être mieux de connaître la structure même du ministère, les gens en place, les mécanismes, les services, de me familiariser avec le ministère lui-même. Cela prend un certain temps. Alors, les délais que je me donnais dans cette évaluation de la réorganisation possible ou non de ce ministère, ce sont des délais d'un an, en fait. J'entends bien que, pendant mes vacances d'été, si jamais il y en a, que ce soit un de mes livres de chevet. Alors, ce que je peux vous dire actuellement, après quelques mois dans ce ministère, c'est évident, entre autres faits, que je sois ministre de l'Immigration en même temps, que, de plus en plus, je vois — je me demande si je ne défonce pas des portes ouvertes, mais ce sont des choses qui se disent depuis plusieurs années au gouvernement — des liens étroits entre la Main-d'Oeuvre et l'Immigration. C'est tellement le cas qu'au fédéral, il y a un seul ministère pour cela, ce qu'on peut véhiculer sous le titre de ressources humaines. Il est non moins évident aussi qu'on ne peut pas carrément séparer — au fédéral, on le fait, parce qu'il n'a pas juridiction sur les relations de travail comme telles, il l'a sur ses services fédéraux, mais il n'est pas l'intervenant principal dans les relations de travail. Il y a quand même un lien évident entre les relations de travail et les conditions de travail et la main-d'oeuvre. Je pense que ce n'est pas difficile à démontrer. Donc, je peux ajouter à cet énoncé l'idée que je chéris de dépolitiser certains services, dont les relations de travail.

Je pense que c'est un programme fort abondant qui nous est demandé au gouvernement non seulement de réévaluer le ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre, mais d'essayer de mieux cerner le rôle de ce ministère et les responsabilités qui devraient y être attachées. Je ne peux pas vous satisfaire dans ma réponse à votre question directe, mais, pour moi, c'est une des prochaines priorités de rendre beaucoup plus fonctionnelle les services du ministère, de mieux préciser le domaine du travail et de la main-d'oeuvre. Là, je vais vous dire quelque chose de plus personnel et de plus concret, je veux vraiment, dans les prochains mois, revaloriser la Main-d'Oeuvre. Je pense que c'est un secteur qui a peut-être souffert un peu de l'omniprésence du Travail. C'est un secteur qui mériterait d'être drôlement revalorisé, surtout quand on songe aux services à la clientèle et aux interventions dans le milieu. C'est vraiment une priorité pour moi.

Le Président (M. Marcoux): Programme 3, élément 1, adopté?

M. Mackasey: J'avais posé une question très simple tout à l'heure. C'était une question de transfert d'argent; $75 000, ce n'est pas beaucoup...

Le Président (M. Marcoux): Qu'est-ce que c'était, la deuxième question?

M. Mackasey: C'était la même. Une question supplémentaire, il y a aussi...

M. Couture: ...$75 000?

M. Mackasey: Je pense que...

M. Forget: C'est la supercatégorie, transfert, la supercatégorie 3. Dans chacun des éléments du programme 3.

M. Mackasey: ...$75 000.

M. Forget: Des transferts à des organismes parapublics, je suppose. Est-ce qu'on peut les identifier?

M. Couture: Ce sont des subventions qu'on donne à l'IRAT, qu'on donne à l'Université McGill pour l'étude des conventions collectives, des organismes comme ceux-là.

M. Mackasey: ...aux universités...

M. Couture: II y a des universités, il y a des organismes privés aussi.

M. Mackasey: ...

Le Président (M. Marcoux): Le député de Terrebonne.

M. Fallu: M. le Président, le rapport du Vérificateur général remis le 31 mars 1976 suggérait entre autres la création d'un nouveau poste au ministère, celui de vérification interne. Cela a-t-il été étudié? Cela a-t-il été mis en place?

M. Couture: C'est suggéré dans la réorganisation du ministère.

M. Fallu: Merci, M. le ministre.

M. Couture: Cela fait partie de nos méditations.

Le Président (M. Marcoux): Programme 3. Elément 1. Adopté.

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Marcoux): Adopté. Elément 2.

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Marcoux): Adopté.

M. Brochu: A l'élément 2, j'aimerais peut-être demander au ministre... Si je me réfère au rapport annuel de 1975/76, ici, à l'élément 1, programme 3, page 30, on dit qu'au cours de l'année 1975/76, un complément a été apporté à un ensemble de tableaux comparatifs des impressions et termes des lois du travail au Québec, en Ontario et au niveau fédéral.

Serait-il possible d'obtenir copie de ces tableaux comparatifs afin d'en faire une étude comparative et, deuxièmement, de voir un peu aussi quelles sont les lois qui sont, de façon générale, à un palier ou l'autre, les plus transgressées?

M. Couture: On prend note!

M. Forget: M. le Président, j'ai deux brèves questions.

Le Président (M. Marcoux): Le député de Saint-Laurent. Vous avez terminé?

M. Brochu: D'accord. Le ministre a dit, si j'ai bien compris...

M. Couture: Je prends note, et on donnera suite à votre demande.

M. Brochu: Merci.

Le Président (M. Marcoux): Le député de Saint-Laurent.

Assurance-chômage

M. Forget: A l'élément 2, vous avez énuméré les études parmi lesquelles on en retrouvait une sur les implications des modifications à la loi fédérale de l'assurance-chômage. Pourriez-vous nous dire quelles sont les conclusions auxquelles on en arrive dans cette étude, relativement aux modifications suggérées en termes d'impact sur la clientèle de l'aide sociale?

M. Couture: Je me suis laissé dire que cela pourrait rejoindre — on me corrigera s'il y en a qui ont des meilleurs chiffres — 50 000 à 70 000 travailleurs québécois, c'est-à-dire que le fait pour le gouvernement fédéral de raccourcir la période de prestation, éventuellement...

M. Forget: ... la période de qualification.

M. Couture: ... ce sont des gens qui deviendraient assujettis à l'aide sociale.

M. Forget: Quand vous dites 50 000, cela veut-il dire une addition permanente de 50 000 bénéficiaires à l'aide sociale?

M. Couture: Hélas, oui! S'il n'y a pas de nouveaux emplois pour ces gens.

M. Forget: C'est ce qu'il faut assumer. Si ce sont les modifications à l'assurance-chômage, par définition, ils seraient en chômage. 50 000... Suit-on de près l'évolution du débat pour savoir quel sera l'impact si les modifications qui semblent en voie de réunir un consensus, si c'est le bon terme, s'appliquent au lieu de celles qui étaient envisagées originalement dans l'amendement?

M. Couture: Si vous permettez, je pense que la question est fort importante et elle mérite une réponse exacte.

M. Forget: Oui, parce qu'on va retrouver cela dans les journaux demain.

M. Couture: Si vous permettez, demain matin, je vous apporterai les éléments nécessaires, d'abord sur le nombre exact des gens impliqués, avec les correctifs parce qu'il y a des régions désignées maintenant par le nouveau projet de loi, qui tient compte de la réalité des régions où il y a plus de chômage. De ce point de vue, je pense que c'est une amélioration. Ce sont des amendements intéressants au projet de loi.

Demain ou jeudi au plus tard, je vous apporterai les réponses.

M. Forget: D'accord. Je pense que c'est extrêmement important dans le contexte actuel, parce que cela peut avoir un impact majeur sur le budget de l'aide sociale.

M. Couture: Je dois vous dire que j'ai écrit une lettre à mon homologue fédéral là-dessus et que j'ai établi un peu la position du Québec dans ce domaine.

M. Mackasey: Avez-vous des chiffres, M. le ministre, du nombre de chômeurs? S'il y a un changement à huit semaines, ce n'est pas la longueur. C'est une autre section de la loi. Il y a possibilité de rendre plus difficile encore. Je ne suis certainement pas d'accord sur le concept... Huit semaines, même si vous êtes voleur, dix semaines ou douze semaines, ou vingt-deux semaines, vous l'êtes.

M. Couture: Vous auriez dû rester au gouvernement fédéral.

M. Mackasey: Excusez-moi?

M. Couture: Vous auriez dû rester au gouvernement fédéral.

M. Mackasey: Je n'ai jamais été gêné de le dire quand j'étais ministre... C'était d'abord le concept. Vous savez, j'étais l'architecte avec Gal-braith. Le concept était de passer de huit semaines à neuf semaines, dix semaines, onze semaines, douze semaines... J'étais plus intéressé à voir un climat en prenant en considération la possibilité de dépister du chômage. Si j'étais électricien à Terre-Neuve, à côté d'un électricien vivant en Al-berta, à Toronto ou à Montréal, c'est plus difficile à Terre-Neuve, si vous voulez comme en Gaspésie. Pour savoir qui était un employé permanent, on a décidé que c'était huit semaines d'ouvrage, vous savez, M. le ministre, pendant 52 semaines. Mais ça ne permettrait pas à quelqu'un de vivre pendant 52 semaines ou de retirer des prestations pendant 52 semaines, mais seulement pendant 15 semaines et, au bout de 15 semaines, là, il fallait prendre en considération le niveau de chômage dans une région. On a soulevé l'autre jour la question de Sherbrooke et du niveau national. Passer de huit semaines à dix semaines, douze semaines ou quatorze semaines, ça change la conception et la philosophie, et ça rend l'état des chômeurs plus difficile.

Je voudrais savoir, si vous avez des chiffres, tant mieux, quelle est la raison du changement de huit semaines à douze semaines ou à quatorze semaines?

M. Couture: C'est ça qu'on va vous apporter comme réponse.

M. Forget: Au programme 3, j'avais une autre question sur le service de recherche.

Le Président (M. Marcoux): On va suspendre deux minutes.

M. Forget: Sous réserve de pouvoir y venir quand ça va me revenir, parce que j'ai perdu le fil de ma question.

Le Président (M. Marcoux): Le député de Richmond. Je m'excuse, j'avais reconnu le député de Richmond, je vous reconnaîtrai par la suite.

M. Brochu: Merci, M. le Président, j'ai deux questions. Premièrement, j'aimerais demander au ministre s'il peut prendre note et déposer la lettre qu'il a envoyée aux autorités fédérales en ce qui concerne l'assurance-chômage. Est-ce que le ministre pourrait déposer à cette commission la copie de cette missive?

Le Président (M. Marcoux): II n'y a pas de dépôt de document lors des travaux d'une commission parlementaire. Le ministre peut distribuer un document ou le faire parvenir aux membres de la commission, mais il n'y a pas de dépôt de document au sens parlementaire du terme.

M. Brochu: Disons que j'ai une réserve là-dessus, parce qu'en commission parlementaire, il peut y avoir sur demande, des dépôts formels de documents.

M. Couture: Je pourrai vous préparer un document qui résumera notre position face au projet de loi fédéral et l'argumentation qu'on développe pour s'opposer à certains de ces aspects.

M. Brochu: Est-ce que le ministre aurait objection à déposer en même temps la copie de la lettre comme telle qui a été envoyée aux autorités fédérales, qui contient en substance, la position du gouvernement du Québec?

M. Couture: Je vous le dirai demain.

Le Président (M. Marcoux): Je dois le rappeler de nouveau pour clarifier cette question, en commission parlementaire, il n'y a pas de dépôt de document au sens parlementaire, c'est-à-dire où on numérote les documents et ils sont déposés

aux archives. Un ministre peut distribuer un document, peut le donner aux membres de la commission, mais il n'y a à proprement parler de dépôt de documents qu'à l'Assemblée nationale comme telle, suite à des demandes, nous recevons nos règlements de l'Assemblée nationale.

M. Brochu: Le ministre a exprimé son désir, supposons que votre directive soit exacte, le ministre a dit qu'il avait l'intention de déposer une copie de...

M. Couture: L'essentiel de l'argumentation que je développe est dans la lettre à M. Cullen.

M. Brochu: Pourquoi, à ce stade-ci, est-ce que le ministre aurait objection à déposer la lettre telle quelle? C'est ce que je comprends mal.

M. Couture: Je crois que c'est mon droit de choisir la forme de document à déposer en commission parlementaire. Pour le moment, ce que vous cherchez, ce sont les chiffres et la position du Québec là-dessus, c'est ce que je vous donnerai.

M. Brochu: Le ministre est libre de ne pas la déposer, c'est un fait acquis. Maintenant, je peux quand même me poser des questions, surtout avec la transparence...

M. Couture: Posez-vous des questions.

M. Brochu: ...supposée du gouvernement actuel.

M. Couture: C'est peut-être une question de délicatesse pour le ministre...

Le Président (M. Marcoux): Ce n'est pas une question de libre arbitre du ministre. Même si le ministre le voulait, à proprement parler, il peut distribuer ou communiquer un document; à proprement parler, même si le ministre voulait déposer un document en commission parlementaire, il ne le peut pas. Ce n'est pas prévu aux règlements. J'insiste peut-être sur des distinctions verbales, mais je pense qu'on commence tous, on est un nouveau Parlement, à fonctionner ensemble, etc. Je pense que c'est important de clarifier cette question.

M. Brochu: Considérez d'abord la question de mon dépôt comme un geste de présentation du document à la commission et non pas comme une interprétation légale d'une demande. J'arrive à ma deuxième question, M. le Président, et je me réfère encore au rapport annuel 1975/76, à l'article 1-6 qui concerne la recherche sur le personnel de cadre. Je me réfère aussi au programme du Parti québécois qui suggère d'autoriser le syndicalisme de cadre en permettant aux employés dits de cadre de choisir leur syndicat et de jouir de tous les droits reconnus aux autres syndiqués. J'aimerais demander si le ministre a recommandé une étude à son service de recherche pour étudier les impli- cations d'une syndicalisation des cadres telle que le stipule cet article du programme, soit l'article 1-6 concernant la recherche de personnel cadre ou à l'intérieur d'autres programmes d'étude, le ministre aurait-il demandé que lui soient fournis des renseignements supplémentaires en ce qui concerne l'établissement d'un tel système?

M. Couture: D'abord, la recherche est au stade de la période des données, comme on dit d'ailleurs dans le rapport, et cette recherche n'est pas reliée directement au syndicalisme de cadre, ce qui ne m'empêche pas de vous répondre là-dessus, si c'est vraiment votre question. La recherche elle-même ne concerne pas directement le syndicalisme de cadre; elle concerne le personnel de cadre, mais elle n'est pas orientée directement vers le syndicalisme. Le programme du Parti québécois est clair là-dessus. Il favorise la syndicalisation des cadres. Nous avons un mandat de réaliser autant que possible le programme du parti, à moins qu'il ne soit révisé dans les congrès nationaux. C'est un projet que je caresse à moyen terme et non à court terme. C'est-à-dire que, dans les prochains mois, il n'y aura pas de législation là-dessus, mais justement, dans ce domaine comme dans certains autres, je veux qu'il y ait une bonne analyse de l'impact, surtout des modalités qu'on devrait retenir pour le syndicalisme de cadre. Ce n'est pas si simple que cela en a l'air. Parce qu'à un moment donné, il y a une frontière entre ce qui est cadre et ce qui est directement affecté à la direction de l'entreprise. Alors, je pense que cela mérite quand même une étude assez longue. C'est ce que nous allons entreprendre, mais ce ne sera pas à court terme.

M. Brochu: Eventuellement, est-ce que vous envisagez d'accorder certains crédits à l'intérieur de ces programmes pour l'étude précise de la mise en application de cet article de votre programme?

M. Couture: Cette recherche est pour l'avenir, ce sera dans le programme budgétaire de l'année prochaine. Cela n'entre pas dans le programme de cette année. Les recherches que l'on pourrait commander là-dessus seraient dans un programme budgétaire subséquent.

M. Brochu: Seulement en 1978/79, par exemple.

M. Couture: Oui, 1978/79.

M. Brochu: D'accord, merci. Maintenant, M. le Président, j'aimerais revenir sur une question de règlement, sur la question que vous avez soulevée tout à l'heure, peut-être pour clarifier aussi un point, au cas où la situation pourrait se reproduire. Je me réfère ici à notre livre de règlement. Tout d'abord, l'article 163 dit qu'à moins de dispositions contraires, les règles relatives à l'Assemblée s'appliquent aux commissions. D'autre part, à la page 81 de notre livre de règlement, l'article 177

dit ceci: Quand un ministre cite, ne serait-ce qu'en partie, un document, il peut être requis, sans autre formalité de le déposer immédiatement, à moins qu'il ne déclare qu'il est contraire à l'intérêt public de le faire. Je voulais quand même souligner ce point en ce qui concerne la directive qui a été émise pour clarifier, à l'avenir, les situations qui pourraient survenir à ce sujet.

M. Mackasey: Le ministre a sûrement fait allusion à une lettre. Il avait pris une lettre et il en avait lu un paragraphe. Là, on a le droit de lui demander de déposer le document, n'importe quel document, même un journal, même les journaux, par exemple, de M. Bellemare. On peut lui demander de le déposer pour lui faire... On est obligé de tout recommencer. Si c'était un document, il faut le déposer, si quelqu'un vous le demande, mais vous avez sûrement fait allusion à une correspondance.

M. Brochu: Elle n'est pas citée. D'ailleurs, je pense que la question de la citation, on peut en donner une interprétation restrictive ou large. Lorsqu'on dit, à l'article 177, qu'un ministre cite un document, je pense qu'on peut, à ce stade-ci, en discuter fort longuement pour savoir ce que c'est que de citer un document. Est-ce que c'est y faire référence? Est-ce que c'est de le nommer? Est-ce que c'est de le lire? Est-ce que c'est de le présenter aux membres de la commission sans le déposer comme tel? Je pense qu'à ce moment-ci, on pourrait même faire une argumentation sur la question, à savoir ce que c'est que citer un document.

Même à ce stade-ci, le leader du gouvernement avait déposé au feuilleton de la Chambre une motion visant à restreindre l'article 177 du règlement, justement. M. Burns a d'ailleurs retiré, depuis ce temps-là, cette motion, peut-être pour éviter les dépôts de documents. Je demeure convaincu que le point serait débattable, à l'effet que lorsqu'un ministre cite, fait appel à un document, on peut lui demander, à ce moment-là, de le déposer.

M. Forget: M. le Président...

Le Président (M. Marcoux): Pour revenir sur la question, compte tenu des deux articles du règlement que vous avez cités, je pense que cela ne change pas l'interprétation que j'ai faite suite à votre demande, que les deux articles confirment la décision que j'ai prise, non seulement la décision, mais l'interprétation de la question que je donnais.

M. Forget: M. le Président, j'ai retrouvé la question dont j'avais perdu le fil. C'est au sujet de l'élément 2.

Le Président (M. Marcoux): Je m'excuse. Auparavant, j'avais dit que je reconnaîtrais le député de Sherbrooke.

M. Forget: On va écouter le député de Sherbrooke.

Recherche

M. Gosselin: On était à discuter du service de recherche au ministère, simplement pour marquer une préoccupation générale qu'a d'ailleurs soulevée le député de Saint-Laurent tout à l'heure, à savoir que la recherche est très importante, la recherche qui est à faire, principalement concernant la main-d'oeuvre, pour qu'on ait des données très factuelles et qu'on puisse établir et connaître révolution des choses pour les prochaines années et aviser en conséquence, en regard des autres lois sociales concernées, comme l'aide sociale et tout cela.

Ma première expérience comme député ministériel qui cherche à se documenter au gouvernement du Québec et qui s'adresse à divers ministères pour tenter d'obtenir ces données factuelles qui pourraient l'amener à dégager des visions, des conclusions formelles sur certaines réalités constatées plutôt que sur des intuitions, montre qu'on a énormément de difficulté à se composer un portrait global des situations, parce qu'on a l'impression que les recherches sont éparpillées ou isolées au sein de divers ministères qui touchent souvent des champs parallèles très complémentaires. Par exemple, des affaires sociales au travail, il y a un très net champ de complémentarité dans la question de sécurité du revenu, liée à la question de main-d'oeuvre.

C'est juste pour questionner. J'ai l'impression que parfois, ces services de recherche fonctionnent d'une manière relativement isolée et parcellaire. Dans les plans de réaménagement de ces services de recherche, je voudrais simplement signaler qu'il serait important qu'on puisse en arriver à "fonctionnaliser" nos services de recherche en fonction des conclusions qu'on cherche à avoir.

Du même coup, j'aimerais souligner qu'au gouvernement du Québec, M. Parizeau le signalait dans le discours sur le budget, je crois que 5% de toutes les dépenses budgétaires sont affectées, entre autres, à l'informatique ou aux services de recherche, si je ne m'abuse. Je crois que c'était la mention que M. Parizeau faisait. Je ne sais pas comment fonctionne le gouvernement d'Ottawa ou le gouvernement des autres provinces, mais on a quand même l'impression d'une "parcellisation" des données dont tout législateur aurait besoin pour vraiment amener les politiques conséquentes au phénomène constaté.

Sur cette question du chômage, l'évolution de l'aide sociale au Québec, des incidences, des lois qui changent au niveau canadien et qui créent des modifications aux dépenses budgétaires d'un gouvernement comme celui du Québec. On a l'impression d'être constamment en train de rattraper l'information, de toujours l'avoir en retard, de toujours être en train de constater, une fois que les phénomènes se sont produits, qu'ils se sont produits, et d'avoir à adopter constamment des politiques correctives, plutôt que des politiques incitatives et directionnelles pour l'avenir.

C'est simplement une observation d'une première expérience de député dans les efforts de re-

cherche qu'on tente de déployer pour se faire une idée globale sur certaines réalités et pour postuler qu'il est important de s'appliquer à mieux cerner et à mieux "fonctionnaliser" les services de recherche des divers ministères, et même les "complémentariser" dans la réorganisation que M. Parizeau a d'ailleurs annoncée dans tout le champ de l'informatique. Je crois que c'est vivement espéré, et sans des renseignements clairs, ponctuels, complets, on peut difficilement gouverner d'une manière éclairée.

Le Président (M. Marcoux): Le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Un dernier point, M. le Président. Sous la rubrique recherche, je me demande jusqu'à quel point le ministère du Travail est disposé ou est actuellement en mesure de relever un défi qui me semble important. Le ministre a fait allusion souvent au problème de l'information. Les gens ne sont pas au courant des lois. C'est peut-être ce qui rend leur application moins efficace, moins générale. C'est sans aucun doute vrai. Il y a un domaine, en particulier, de l'application des lois du travail, la négociation de conventions collectives, où, je pense, une information objective, neutre, non biaisée peut être extrêmement importante pour aider les parties dans un conflit de travail, pour comprendre le contexte dans lequel leurs négociations se situent. C'est dans le cas de négociations et de conflits de travail. Il y a donc une information qu'il serait utile de communiquer aux parties et de rendre disponible également aux conciliateurs, médiateurs et arbitres qui, selon les moments, sont appelés à intervenir. Parce que je crois qu'un des défauts dans lequel il faut éviter de s'enfoncer, c'est le juridisme des processus de règlement de conflits de travail. Une des caractéristiques du juridisme, c'est qu'on ne tient compte de rien d'autre que ce dont les parties réussissent à faire la preuve devant le juge, le médiateur ou l'arbitre. C'est une notion où la tierce partie qui intervient a des oeillères et regarde seulement ce qu'on lui met sous le nez, et doit faire table rase de toute autre connaissance. A mon avis, c'est un rétrécissement regrettable de la façon d'aborder les conflits de travail, et c'est négliger l'apport très considérable que peut comporter l'introduction d'une information sur le contexte, etc. Donc, il y a cette utilisation de l'information à une période de négociations, une information qui serait articulée en termes d'industries, de secteurs industriels, positions concurrentielles, etc., profitabilité, évolution de tous ces facteurs, de manière que les syndiqués et les patrons puissent comprendre un peu les éléments et que les tierces parties puissent les utiliser.

Il y a aussi, à plus long terme, une information et pratiquement des instruments de formation ou d'information, des permanents syndicaux, de même que des porte-parole patronaux, des patrons, du patronat sur certaines réalités économiques et sociales qu'ils peuvent plus ou moins bien saisir. Il y a le rôle d'éducation. Donc, il y a des instruments d'éducation à préparer.

Est-ce que ce ne serait pas la fonction du service de recherche du ministère du Travail de jouer un rôle de leardership dans ce domaine? Je crois qu'il y a beaucoup d'ignorance souvent à la base de certaines positions prises d'un côté ou de l'autre, et des fois, des deux côtés — c'est encore pire, enfin, je ne sais pas si c'est pire, mais de toute façon, ce n'est pas mieux — il me semble qu'il y aurait des moyens à trouver pour aider les gens a digérer une information qui est accessible, si on veut, d'une certaine manière, mais qui n'est pas vraiment accessible concrètement par les gens qui sont dans des situations très particulières, qui n'ont pas accès à des bibliothèques et qui n'ont pas l'habitude de consulter des documents savants. Peut-être que cela se fait déjà, mais j'ai l'impression que cela ne se fait pas suffisamment si cela se fait déjà. Est-ce que le ministre envisagerait de développer ce genre d'orientation?

M. Couture: Je voudrais dire d'abord qu'au gouvernement, l'événement du sommet économique est déjà un lieu privilégié d'informations mutuelles sur les réalités économiques du Québec. On verra ce que cela donnera, mais cela me paraît être à la base de toute intervention rationnelle et intelligente dans quelque domaine que ce soit. Le droit à l'information, les sources d'information, les mécanismes d'information doivent devenir de plus en plus prioritaires.

Vous avez, je pense, posé une question, mais vous avez davantage, à mon avis, disserté sur une recommandation précise pour le ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre. Il y a peut-être un peu de naïveté dans votre proposition dans le sens suivant: Je pense qu'à l'occasion de conflits de travail, il y a beaucoup de syndicats qui souhaiteraient ardemment avoir l'information véritable sur la situation économique de la compagnie et ils ne l'ont pas. Les compagnies disent souvent: On ne peut pas donner cette information. Nos concurrents vont la connaître. On ne peut pas tout dire, etc. Ce qui fait que cela fausse drôlement le type de négociations qui doit se passer dans certains lieux de travail. Peut-être. Je suis un peu perplexe sur le soutien qu'on pourra apporter directement au niveau des conflits de travail, mais, pour ma part, comme bien d'autres, je déplore que, dans plusieurs conflits de travail, la véritable analyse économique de l'entreprise, du milieu ne soit pas suffisante, ce qui fait qu'à un moment donné, il y a des syndicats qui se lancent dans des grèves et que cela ne mène nulle part, parce qu'ils connaissent mal la véritable force de l'autre partie ou bien ils connaissent mal la véritable fragilité de la partie patronale.

Pour être bref, je retiens votre suggestion, mais je reste un peu sceptique sur les chances de succès. Je crois que cela doit se faire d'une façon beaucoup plus globale. Si le sommet économique, entre autres, permettait que les intervenants sociaux et économiques du Québec s'entendent sur des faits — comme dit souvent M. Lévesque, les faits sont têtus — si, au moins, on pouvait s'entendre sur un certain type de faits, ce serait un bon départ et cela pourrait, je pense, peut-être se pro-

longer autrement dans d'autres rencontres, mais directement au niveau des conflits de travail, je suis un peu sceptique.

M. Mackasey: Moi aussi, je pense, M. le Président, qu'il faut faire une distinction entre le secteur privé et le secteur public. Je suis d'accord avec le ministre, parce que ma simple expérience dans ce domaine est que c'est très rare, comme employeurs... Ils n'étaient pas dans la position primordiale, dans la position de force dans les négociations. Ce ne sont pas exactement des amateurs; ils ont des experts, des avocats, ils savent exactement ce qu'ils peuvent payer et ce qu'ils veulent payer et, normalement, ils sont bien placés pour se défendre contre les syndicats. Le problème, je pense, pour nous, M. le ministre, tombe dans un autre secteur, le secteur public ou parapublic. C'est un service où il y a en même temps le ministre et le représentant du peuple qui a la responsabilité de régler une grève qui cause beaucoup d'injustices à des innocents, si vous voulez. Je pense que c'est une approche complètement différente de celle du secteur privé. Je ne sais pas encore si vous êtes d'accord avec moi, mais j'ai été fort surpris aujourd'hui d'entendre le ministre, durant la période des questions, dire qu'il était pour suspendre les annonces ou contrôler quelque chose concernant des postes de radio, parce que cette entreprise privée a profité de son droit de se mettre en grève. Je ne sais pas si j'ai mal compris, mais je pense qu'il y a une grève dans le secteur de la radio...

M. Couture: Radio-Mutuel.

M. Mackasey: Radio-Mutuel. Je ne sais même pas quel poste. Cela ne m'intéresse pas, mais c'est dans l'entreprise privée. Je ne sais pas si la grève est légale ou illégale. Si la grève est légale ou le lock-out est légal, il me semble que le gouvernement ne devrait pas prendre position ouvertement pour ou contre une des parties, parce que ou vous êtes le ministre du Travail ou vous êtes le ministre pour le travail, je ne sais pas exactement encore, mais il y a une différence, surtout dans l'entreprise privée. Il faut...

M. Couture: Excusez. Me permettez-vous une question?

M. Mackasey: Oui.

M. Couture: S'il y a une grève dans un poste de radio et que ce poste de radio vous demande d'aller faire une entrevue et que devant le poste, il y a une ligne de piquetage, est-ce que vous allez franchir la ligne de piquetage...

M. Mackasey: Je vais répondre par une question — je n'ai pas peur de répondre — quel est le but du piquetage, M. le ministre? Est-ce que c'est pour l'information? Pour empêcher quelqu'un de franchir la ligne, après avoir étudié l'information que donnent les pancartes des piqueteurs? La ligne de piquetage est là pour informer le public qu'il y a une grève et dont voilà la cause. Elle n'est pas là pour empêcher le citoyen de s'intéresser à la grève et de faire ce qu'il peut faire normalement. Est-ce que vous n'êtes pas d'accord, oui ou non?

M. Couture: M. le Président, je ne veux pas entrer dans ce débat, mais, enfin, je dois dire que moi, je ne traverserais pas une ligne de piquetage.

M. Mackasey: Je sais, M. le ministre. Je me souviens d'une grève où les premiers qui ont traversé la ligne de piquetage, c'étaient les hommes qui étaient en grève, pour aller chercher leur chèque. Ils m'avaient demandé, par téléphone, s'il n'y avait pas moyen d'entrer par la porte d'en arrière. J'ai dit: Non. Votre salaire est là. Vous n'avez qu'à franchir la ligne. Ils l'ont franchie. On peut avoir des philosophies idéalistes, si on veut. Mais si on veut "law and order" et pas de violence dans le domaine des relations industrielles, il faut comprendre ce qu'est le piquetage. Le piquetage, c'est le moyen légal pour que les travailleurs puissent demander à tout le monde, ou informer tout le monde, si vous voulez, à savoir quel est le problème ici. Cette compagnie est en grève et voilà la raison. Je crois que c'est le but exact du piquetage.

Le Président (M. Marcoux): Programme 3, élément 2...

M. Brochu: M. le Président... Le Président (M. Marcoux): Oui.

M. Brochu: ... une question ici au sujet des informations disponibles en ce qui concerne les négociations collectives. Il semble que, souvent, il peut y avoir des problèmes de communication justement à cause d'un manque d'information, comme l'indiquent les questions qui ont été soulevées tout à l'heure. Il semble qu'à ce sujet-là, au niveau du gouvernement fédéral, il pourrait y avoir, d'ici quelque temps, un centre de données pour aider ces négociations collectives. Certaines déclarations ont été faites à ce sujet, entre autres, par le secrétaire parlementaire du ministre du Travail, M. Jacques Olivier, qui disait, et je cite, ici, le Soleil du mercredi 9 mars 1977: "II est grand temps de mettre sur pied un centre d'information sur la négociation collective". A son avis, les syndicats et le patronat n'ont pas accès à des données pertinentes et sûres pour engager la négociation collective. Il continue en disant qu'un centre de données ferait mieux connaître ce que le système économique peut supporter et, ainsi, la négociation collective deviendrait un instrument pour le bien commun.

J'aimerais savoir du ministre... Pardon?

M. Forget: Le ministre vient de dire tout à l'heure que c'était naïf, selon lui.

M. Couture: II y a des naïvetés qui sont bon-

M. Brochu: Je pense que, si on regarde la situation, un fait demeure, c'est qu'on doit reconnaître, au point de départ, qu'un manque d'information suffisante peut souvent amener les parties en cause bien loin des discussions pertinentes et bien loin des données fondamentales du problème aussi.

Si on regarde de façon générale la situation économique, par exemple, qui prévaut actuellement, et non seulement au Québec ou au Canada, mais c'est sur le plan international, qu'il suffise de regarder le sommet de Londres actuellement pour réaliser les difficultés qui se présentent. Cela nous oblige peut-être à réaliser davantage l'importance que ceux qui ont à s'asseoir à une même table de négociation soient au courant de plus en plus des données exactes du problème, non seulement strictement du secteur de la négociation en cause, mais également de tout le contexte économique à l'intérieur duquel ils discutent pour une convention collective, de toutes les données pertinentes directes ou indirectes sur lesquelles leurs décisions auront des effets, de sorte qu'ils puissent arriver de part et d'autre à prendre des décisions peut-être plus éclairées.

Ce n'est quand même pas si loin le temps où l'Angleterre, entre autres, a demandé à ses syndicats de collaborer face à une situation économique, qui se détériorait, qui continue, malheureusement, de se détériorer. Je pense que dans un climat comme celui-là — c'est peut-être plus évolué en termes de difficultés que cela peut l'être ici, mais cela doit nous servir d'exemple — il est important et nécessaire que toutes les données pertinentes au problème soient connues par les parties en cause parce qu'autrement, on peut philosopher sur la question et dire qu'un tel centre de données n'est pas souhaitable, parce que c'est peut-être une idée qui vient du fédéral, mais regardons la réalité en face et, tôt ou tard — et il semble que la situation évolue dans ce sens — on aura à se rendre compte, qu'on soit du côté syndical, du côté patronal, du côté de l'entreprise ou du côté du travailleur, qu'on a des problèmes communs et si on ne se place pas sur une même base afin, de regarder la réalité comme telle pour résoudre nos problèmes, on risque non seulement de faire durer les situations difficiles, mais aussi peut-être d'aggraver certaines situations par des décisions qui seraient mal éclairées.

Alors, je comprends que le ministre peut avoir son opinion personnelle à ce sujet, mais je lui demanderais s'il serait prêt à considérer l'importance d'un centre de données. Dans son domaine d'activité, en ce qui concerne plus particulièrement la province de Québec, serait-il prêt à regarder les possibilités d'adopter un système similaire ou un système mieux adapté aux besoins du Québec dans ce sens?

M. Couture: Je veux bien qu'on ait un centre de données..., je pense que M. Olivier est adjoint parlementaire...

M. Brochu: C'est exact.

M. Couture: Si le député veut créer un centre de données pour les secteurs de juridiction fédérale, je ne suis pas du tout contre cette idée. Si cela peut nous inspirer, nous aussi, on n'a pas à refuser de bonnes idées d'où qu'elles viennent. Je disais tout à l'heure qu'il y a bien des gens qui souhaiteraient qu'à la table de négociation, effectivement, on puisse avoir des connaissances précises sur la situation économique de la partie d'en face. Cela ne se fait pas toujours. Ce n'est pas facile et souvent, les compagnies résistent beaucoup à donner cette information.

On peut ramasser des données sur les secteurs. C'est évident que dans les pâtes et papiers ou dans le textile, là-dessus, j'acquiesce facilement à cette suggestion et, il arrive que de fait, les conciliateurs et les syndicats, lorsqu'ils sont sur le terrain, font souvent appel au ministère pour demander: Envoyez-nous une monographie sur tel secteur, ou l'étude que vous avez faite dans tel ou tel domaine. Ce service pourrait être plus systématique. Mais la question fondamentale est peut-être une question qu'on devrait poser au sommet économique: Le monde patronal est-il disposé à nous dire la vérité sur sa situation économique?

Prenez les pâtes et papiers...

M. Mackasey: Si oui, les syndicats vont-ils le croire?

M. Couture: Les syndicats croiront oui ou non, mais on a quand même des instruments de vérification. Je pense qu'on peut être outillé pour savoir si c'est vrai ou non dans certains secteurs. Au moins, cela fait un document de base. Si on veut jouer ce jeu, il faut que toutes les parties en présence acceptent vraiment de le jouer honnêtement et à fond, mais j'en doute.

A certains points de vue, ils ont parfois des raisons de refuser en disant: Si on annonce qu'on fait beaucoup d'argent ou si cela va très mal notre compétiteur exploite la situation, etc. C'est plus difficile qu'on ne le pense.

M. Brochu: Cela fait surtout appel à une question d'attitude plutôt qu'à une question de confiance de ce côté. Est-ce que cela veut dire, dans l'esprit du ministre, que cela ne serait pas possible que tant qu'il n'y aurait pas de situations graves ou alarmantes pour les deux parties, alors il accepterait de mettre sur la table les données du problème comme tel et d'y faire face de façon commune?

M. Couture: C'est discutable, mais c'est difficile.

Le Président (M. Marcoux): Programme 3, élément 2, adopté?

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Marcoux): Programme 3, élément 3.

M. Forget: L'élément 3, M. le Président, je pourrais l'adopter presque tout de suite. Je demande un seul éclaircissement technique, c'est que, dans tous les programmes, on a des soutiens administratifs et techniques et, tout à l'heure, au sujet du programme 2, le ministre a indiqué qu'il y avait des raisons spécifiques pour lesquelles on avait: Soutien administratif et technique au programme 2 relié à l'administration et à l'extension des décrets. Dans tous les programmes on trouve, dans le fond, des charges administratives. Quand on arrive au programme 3, on a un peu l'impression que c'est de la redite. Est-ce que ce sont les services généraux comme le personnel, l'information etc? Le service "staff".

M. Couture: C'est cela! C'est tout le service "staff" du ministère.

M. Forget: Je vois.

Le Président (M. Marcoux): Programme 3, élément 3, adopté.

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Marcoux): Programme 4.

M. Forget: Je ne sais pas, étant donné l'heure qu'il est.

Le Président (M. Marcoux): Je pense qu'il va y avoir une suggestion d'ajourner.

Des Voix: Oui.

Une Voix: Ce ne serait peut-être pas une mauvaise idée.

Le Président (M. Marcoux): La commission ajourne ses travaux jusqu'à demain, dix heures, et elle reprendra ses travaux à la salle 91 A pour étudier le programme 4.

(Fin de la séance à 22 h 52)

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