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Version finale

32nd Legislature, 4th Session
(March 23, 1983 au June 20, 1984)

Friday, February 17, 1984 - Vol. 27 N° 255

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Audition de personnes et d'organismes sur le projet de loi 42 - Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles


Journal des débats

 

(Dix heures dix minutes)

Le Président (M. Rancourt): À l'ordre, s'il vous plaîti

Nous allons reprendre les travaux de la commission élue permanente du travail qui a pour mandat d'entendre les représentations des personnes et des groupes intéressés au projet de loi 42, Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.

Les membres, aujourd'hui, sont M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Cusano (Viau), M. Dean (Prévost), M. Fréchette (Sherbrooke), Mme Harel (Maisonneuve), M. Lafrenière (Ungava), M. Lavigne (Beauharnois), M. Doyon (Louis-Hébert), M. Léger (Lafontaine), M. Mathieu (Beauce-Sud), M. Polak (Sainte-Anne), M. Baril (Arthabaska).

Les intervenants sont M. Champagne (Saint-Jacques), M. Fortier (Outremont), M. Leduc (Fabre), M. Pagé (Portneuf), M. Payne (Vachon), M. Proulx (Saint-Jean), M. Vaugeois (Trois-Rivières).

Aujourd'hui, nous recevons comme premier groupe l'Association des manufacturiers canadiens. Je demanderais au vice-président exécutif de bien vouloir s'approcher et de nous présenter les membres qui l'accompagnent.

Association des manufacturiers canadiens

M. Dessureault (Claude): M. le Président, M. le ministre, mesdames, messieurs, mon nom est Claude Dessureault, vice-président exécutif de l'Association des manufacturiers canadiens. J'aimerais vous présenter les membres de notre délégation. À ma droite, M. Gérard Lesage, président de Les pianos Lesage; ensuite, M. Pierre Comtois, conseiller juridique chez General Motors Canada Ltd; M. Sarto Paquin, notre directeur des relations industrielles à l'AMC division du Québec; M. Mario Lavoie, notre président du comité de législation à l'AMC division du Québec; M. Gilles Lemieux, secrétaire, conseiller juridique des Laboratoires Ayerst; M. Jean-Paul Lacoursière, ingénieur, directeur de la santé et de la sécurité chez Union Carbide. Tous ces messieurs sont membres de notre comité de législation et je demanderais à M. Paquin de faire la présentation au nom de l'AMC.

Le Président (M. Rancourt): M. Paquin, vous avez la parole.

M. Paquin (Sarto G.): Merci, M. le Président. M. le ministre, MM. les députés. Bien sûr que mes premières paroles seront pour remercier les membres de cette commission de nous recevoir ici. Vous allez me permettre, M. le Président, de lire une partie du mémoire; on en sautera quelques paragraphes. Et, bien sûr, nous sommes prêts et disposés à répondre à toutes les questions que vous voudrez bien nous formuler.

Un bref rappel des origines de la division du Québec de l'Association des manufacturiers canadiens. Cela remonte à l'union de l'Association des manufacturiers de Montréal avec l'Association des manufacturiers canadiens de Toronto, en 1900, et avec l'Association des manufacturiers de la ville de Québec, en 1902. Notre association regroupe des entreprises de fabrication de toutes tailles et de tous genres situées dans les régions les plus diverses du Québec. Composée uniquement de manufacturiers de tous les secteurs de l'industrie, son effectif représente plus de 75% de la production manufacturière globale du Québec. Enfin, l'AMC représente également 90% de la grande entreprise et 75% de ses sociétés membres appartiennent à ce que nous appelons la petite et moyenne entreprise.

M. le Président, dans le cadre de sa préoccupation constante vis-à-vis de l'importance des ressources humaines, nous tenons à préciser que l'AMC souscrit au principe fondamental de l'indemnisation des travailleurs victimes d'un accident ou atteint d'une maladie professionnelle. Effectivement, l'AMC a contribué à l'instauration de certains de ces régimes, il y a plusieurs années, dans d'autres provinces canadiennes. Et si vous me permettez d'ouvrir une petite parenthèse, M. le ministre, je me suis laissé dire, car c'est bien avant votre temps et bien avant le mien, que dans les années 1925 à 1930 l'AMC-Québec, sans doute la seule association patronale du temps, a contribué largement à la création individuelle de ce que nous avons appelé en 1931 la Commission des accidents du travail. C'est donc dire que c'est un sujet auquel nous sommes vraiment intéressés.

M. le ministre, le secteur industriel admet qu'il lui incombe de verser une compensation adéquate aux travailleurs qui se blessent au travail. Cependant, ce qu'il importe aujourd'hui d'analyser, c'est l'équilibre entre cette obligation et la

nécessité de contrôler les coûts pour pouvoir d'abord être en mesure de créer des emplois. (10 h 15)

M. le Président, nous voudrions porter une attention tout à fait particulière aux coûts. Je sais que plusieurs associations avant nous en ont discuté ici, mais nous aimerions possiblement amener des éléments nouveaux. Nous tenons donc à vous faire part de la préoccupation que nous cause la montée vertigineuse du coût d'indemnisation des accidents du travail. En 1980, ce coût direct ou cotisation pour les employeurs québécois, en sus des revenus de placement et intérêt engendrés par les versements de ces mêmes employeurs, était d'environ 540 000 000 $. Pour 1984, ce montant représentera près de 1 000 000 000 $.

La montée en flèche de ces coûts, ajoutée à d'autres programmes statutaires, comme l'assurance-chômage, les pensions publiques, etc., affecte gravement la compétitivité des industries manufacturières québécoises. Elle se produit au moment où nos manufacturiers ont à subir une concurrence de plus en plus intense sur les marchés nationaux et également sur les marchés étrangers. La hausse des cotisations affecte non seulement la compétitivité des entreprises pour le marché québécois, mais augmente le coût des produits, ce qui les rend plus difficiles à exporter et, en conséquence, diminue notre compétitivité sur les marchés étrangers.

M. le ministre, contrairement à certaines croyances, nous sommes d'avis que rares sont les fabricants qui, aujourd'hui, sont en mesure de faire absorber, même partiellement, ces hausses de coûts par leurs clients. Conséquemment, ces contributions diminuent considérablement la rentabilité de nos entreprises et leurs moyens d'investir à des fins d'expansion et de création d'emplois. Ces coûts étant cachés, le travailleur et le public en général ne se rendent pas compte de leurs effets.

Selon le Bureau de la statistique du Québec, près de 20% du produit intérieur brut québécois provient de nos exportations. Il y a quelque temps, comme vous le savez, le gouvernement québécois créait le ministère du Commerce extérieur. N'est-il pas ironique de constater que, d'une part, le gouvernement dépense des millions pour aider les entreprises à commercialiser leurs produits et ainsi augmenter leurs exportations pendant que, d'autre part, il sape leur pouvoir concurrentiel en leur imposant des augmentations substantielles au chapitre du coût de la main-d'oeuvre?

Examinons, si vous le voulez bien, quelques causes d'augmentation des coûts. Aujourd'hui, le problème no un et une des causes des hausses de coûts sont les changements législatifs visant les prestations. Vous conviendrez sûrement que l'on ne saurait tenir l'entreprise directement et entièrement responsable des coûts de l'évolution sociale et économique.

Le plafond du salaire admissible. Des plafonds de plus en plus élevés pèsent lourdement sur les coûts et se traduisent par des prestations d'indemnisation trop coûteuses pour les moyens de l'industrie manufacturière québécoise. Il n'y a pas si longtemps, alors que la performance économique était beaucoup plus vigoureuse, nous pensions tous que c'était possible. La réalité d'aujourd'hui, c'est que nous ne pouvons plus penser en ces termes. Il est clair que nous ne pouvons consentir à ces bonds arbitraires et que notre priorité doit consister à restaurer la croissance économique en améliorant la compétitivité industrielle.

Au mieux, le plafond devrait équivaloir au salaire industriel moyen et rester à ce niveau. Ainsi, les normes internationales parce qu'il ne faut pas oublier encore une fois que l'on concurrence dans le village terrestre - seraient respectées et l'indemnisation des travailleurs serait semblable aux autres régimes auxquels l'entreprise est tenue de contribuer, par exemple, l'assurance-chômage.

Quelques mots sur les régimes d'assurance-santé et d'assurance-hospitalisation. Un pourcentage très élevé d'employeurs paient la plus grande partie, sinon la totalité, des primes des régimes d'assurance-santé et d'assurance-hospitalisation pour leurs employés.

Si seulement des soins médicaux sont nécessaires dans le cas d'une blessure ou d'une maladie professionnelle, ces frais devraient être payés par le régime provincial et non puisés à même le fonds des accidents du travail, comme c'est habituellement le cas. Voici pourquoi: Les employeurs paient une double prime, c'est-à-dire, d'une part, leur contribution à la CSST et, d'autre part, les primes d'assurance-santé pour finalement n'obtenir qu'un seul service.

Ces exemples, M. le ministre, M. le Président, vous donnent une idée des sérieux problèmes qu'il y a lieu d'examiner dans le domaine de l'indemnisation des travailleurs et nous n'avons pas encore parlé des abus, des manques de contrôle et du recours croissant à ce régime en tant que programme de sécurité sociale apparenté à l'assurance-chômage.

Cédant trop souvent, selon nous, aux pressions constantes du monde syndical et de la main-d'oeuvre, les politiciens ont changé et continuent de changer la Loi sur l'indemnisation des travailleurs au point où cette dernière dépasse maintenant l'esprit initial. J'aimerais bien qu'on en revienne à un certain moment du fameux contrat social auquel on fait référence dans les années trente. Nous nous retrouvons donc dans un système qui ressemble davantage à un

coûteux régime de bien-être social.

Enfin, répétons qu'il ne s'agit ici que des coûts directs qui ne représentent, selon nous, que 25% du coût total des accidents industriels. Le coût réel pour l'employeur se traduit par une perte de productivité comprenant le temps consacré au recyclage, aux dommages matériels, à la qualité du produit fini, etc. Pour l'employé victime d'une lésion professionnelle, nous sommes conscients que cela peut représenter une perte de motivation et d'habilité. Je pense que nous nous devons de résoudre ensemble autant ce problème humain que le problème des coûts.

Le projet de loi 42. Quelques commentaires généraux.

D'abord, au sujet de la rédaction du texte, tous nos membres consultés sont d'avis que le texte du projet de loi n'a pas été inspiré par la maxime de Boileau à savoir que les choses que l'on sait s'énoncent clairement. L'AMC-Québec ne peut admettre qu'une loi aussi importante soit rédigée de façon aussi confuse et ambiguë. Le texte semble être un cafouillis de principes, d'exceptions, de règles de procédure et de directives administratives mêlés les uns aux autres dans un pot-pourri inextricable.

L'AMC-Québec recommande fortement qu'une révision complète du texte soit faite de façon à établir une structure claire et simple, à rédiger les principes de façon ordonnée et à regrouper les exceptions à ceux-ci afin que nul ne soit ignorant de la loi.

À cet effet, M. le Président, M. le ministre, permettez-nous de vous faire la suggestion suivante: le comité de législation de l'association est prêt à vous offrir son entière collaboration dans le but de rédiger beaucoup plus clairement et de façon beaucoup plus précise plusieurs sections de ce présent projet de loi.

Le point d'accord. En janvier 1982, l'AMC-Québec prenait publiquement position lors d'un colloque sur une réforme éventuelle concernant la Loi sur les accidents du travail. En effet, l'AMC supportait le principe de remplacement du revenu par un montant forfaitaire afin de régler les problèmes occasionnés par le fameux article 38.4 de la loi. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire de revenir sur tout le problème de l'article 38.4 puisqu'on en a parlé longuement. Cependant, l'AMC rejetait toute autre bonification du système actuel. Or, nous constatons à regret que le législateur entend par le projet de loi 42 réécrire en entier le livre sur la question des accidents du travail et des maladies professionnelles, y ajoutant de nombreux principes qui ont pour seul effet de bonifier le système.

M. le ministre, nous disions dans notre mémoire, lorsque nous l'avons rédigé, qu'il était bien difficile pour nous d'évaluer le coût de cette législation. J'ai, pour ma part, obtenu hier après-midi, alors que je siégeais ici au conseil d'administration de la CSST, le rapport, qui a sans doute été commandé par le ministère, sur les implications financières de ce projet de loi. M. le ministre, nous vous disons, sous réserve bien sûr - vous allez comprendre que nous n'avons pas fait l'étude complète de ce document assez imposant quand même - que nous sommes des plus sceptiques quant aux chiffres qu'on y retrouve, à savoir une économie supposée ou une supposée économie de 18 000 000 $. J'aimerais pouvoir expliciter davantage mon idée lorsque viendra la période des questions.

Attardons-nous quelques instants sur quelques points du projet de loi 42, entre autres, la nouvelle notion d'accident du travail. Le deuxième paragraphe des notes explicatives mentionne: "Ce projet de loi définit la lésion professionnelle comme étant une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle;..."

Cependant, on constate que le projet de loi modifie de façon substantielle la notion d'accident du travail en élargissant le nombre d'événements accidentels indemnisables en vertu de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles. Cet élargissement des événements accidentels donnant droit à indemnisation, car on ne peut plus réellement parler d'accident du travail, se fait de façon très subtile, tout au long du projet, par des omissions ou des ajouts. Nous vous citons quelques exemples: l'omission du mot "imprévu", l'ajout d'une nouvelle présomption à l'effet que la blessure qui arrive sur les lieux du travail est présumée être une lésion professionnelle, l'ajout du principe que le réclamant a droit aux indemnités sans égard à sa responsabilité, enfin, l'ajout à la notion d'accident du travail donnant droit aux indemnités pour toute blessure, maladie à l'occasion de ou en l'absence de soins ou de traitements prescrits.

Selon l'AMC, cet élargissement à multiples volets ne peut se justifier surtout lorsqu'on considère les autres mesures administratives introduites par le projet de loi. Quoique l'effet cumulatif de ces élargissements soit principalement à craindre, chaque volet, permettez-le-nous, mérite d'être commenté.

L'omission du mot "imprévu". La loi actuelle sur les accidents du travail stipule qu'un accident est un événement imprévu et soudain attribuable à toute cause, etc. Le projet de loi 42 omet le terme "imprévu" dans la définition d'accident du travail, à l'article 2.

Cette modification, en apparence mineure, s'attaque néanmoins à la notion même d'accident telle que généralement acceptée, non seulement par les employeurs,

mais par la société en général. En effet, un dictionnaire qu'on connaît tous, un dictionnaire usuel, le Petit Robert, définit le terme "accident" comme étant un événement fortuit, imprévisible, ou encore comme un événement imprévu et soudain qui entraîne des dégâts, des dangers, etc., et on parle d'accident de personnes, d'accident du travail. Le terme "accident" tire donc son sens véritable tant de l'imprévisibilité de l'événement que de sa soudaineté.

L'omission de ce terme par le législateur sera fort probablement considérée par les tribunaux comme l'expression d'une volonté de changement radical quant au type d'événement accidentel à être considéré et ce, indépendamment des autres modifications.

Certains argumenteront que des gestes aussi dramatiques que le suicide ou l'automutilation se produisant sur les lieux du travail serait désormais compensables et ce, même si ces événements sont en soi prévisibles par leurs auteurs. Nous alléguons que ce changement aura pour effet d'empêcher les manufacturiers d'argumenter que certaines situations prévisibles ne sont pas de véritables accidents du travail et, à ce titre, permettez-nous de vous donner un exemple vécu.

L'exemple est le suivant: un employé constate une diminution sur son chèque de paie et demande des explications à son contremaître. Ce dernier, après vérification, confirme qu'il n'y a pas d'erreur. L'employé, alors en furie, frappe le bureau du contremaître de son poing se causant ainsi des blessures sur les lieux du travail. Cet événement, considéré comme un accident du travail par la Commission des affaires sociales, est contesté devant un tribunal supérieur, notamment au motif que la lésion subie était prévisible par son auteur et qu'en conséquence elle n'était pas un accident du travail. Sont également prévisibles les lésions subies par deux belligérants à la suite d'une bousculade ou une bagarre mineures sur les lieux du travail. M. le Président, cela arrive dans nos usines, on doit l'admettre. De telles lésions, prévisibles sinon souhaitées, ne doivent pas donner ouverture à une indemnisation, en vertu d'une loi sur les accidents du travail. L'AMC-Québec ne voit aucune, mais vraiment aucune justification pour cette omission, l'imprévisibilité étant un élément essentiel à la notion même d'accident. D'autres exemples pourraient vous être fournis pour illustrer ce fait.

Un deuxième élément contribue également à l'élargissement substantiel de la notion d'accident du travail.

Tout d'abord, le texte du projet omet de reproduire l'exclusion qui apparaît à l'article 3.1 de la loi actuelle à savoir: "L'employé n'a pas droit aux indemnités si la lésion est imputable uniquement à son imprudence grossière et volontaire, à moins qu'elle n'entraîne son décès ou lui cause une incapacité grave." De tels événements prévisibles devraient être exclus de la loi.

Nous croyons, M. le ministre, non seulement que le terme "imprévu" devrait être réintroduit dans la définition, mais les situations abusives déjà expérimentées sous la loi actuelle, devraient être spécifiquement exclues de la notion d'accident du travail.

Examinons, pendant quelques instants, la présomption sur les lieux du travail. Le deuxième volet à l'élargissement substantiel de la notion d'accident du travail se retrouve à l'article 26 du projet qui stipule qu'une blessure qui arrive sur les lieux du travail est présumée être une lésion professionnelle.

On argumentera sans doute que cette présomption n'est que l'inclusion dans la loi d'une situation de fait clairement établie par la pratique de la CSST. L'AMC-Québec soumet que cette présomption reflète de fait l'approche de facilité introduite par certains niveaux de la CSST, laquelle est nuisible à la saine administration du régime. (10 h 30)

Les tribunaux supérieurs ont pourtant développé des critères pour venir compléter ou définir la portée de termes tels que "lieu de travail" et "à l'occasion du travail". Une blessure qui arrive sur les lieux du travail n'est considérée comme un accident du travail donnant droit aux indemnités prévues par la loi que lorsqu'elle est le résultat de l'accomplissement d'une tâche concomitante, nécessaire et profitable aux intérêts de l'employeur qui exerçait alors une forme de surveillance. Il faut donc l'existence d'un lien réel, même s'il n'est qu'indirect, entre l'exécution du travail et l'activité exercée lors de l'accident, cette dernière activité étant sous le contrôle et la subordination directs ou indirects de l'employeur.

Nous soumettons respectueusement que ces critères ont été développés par les tribunaux par un souci certain d'équité qu'ils se doivent d'exercer dans le cadre de leurs fonctions judiciaires. Cette équité peut, à l'occasion, et de bon droit, favoriser l'employeur manufacturier. La présomption telle que proposée dans le projet de loi aurait pour effet de présumer comme accident du travail des événements tels qu'une brûlure survenue alors que l'employé est dans sa voiture dans l'aire de stationnement des lieux du travail; une crise cardiaque, alors que l'employé retourne à son travail en provenance de la cafétéria ou d'un autre restaurant; des lésions causées à l'occasion d'une bagarre mineure entre deux employés.

Il est important de vous souligner que ces autres critères jurisprudentiels mentionnés ci-haut sont loin d'imposer une barrière infranchissable aux véritables accidentés. Ainsi, par exemple, cette exigence n'a pas empêché la Commission des

affaires sociales de conclure qu'un mécanicien ayant un accident dans l'aire de stationnement réservée aux employés une heure avant le début de son travail aurait effectivement subi un accident du travail puisque la barrière d'accès au stationnement est surveillée et l'accès est limité aux employés. Le mécanicien se trouvait, dès lors, sous le contrôle de son employeur selon la commission.

L'encadrement législatif d'une telle présomption ne pourra qu'entraîner une plus grande abdication de responsabilité de la part de certains agents d'indemnisation et de bureaux régionaux lors de la soumission d'une réclamation. Dès que le réclamant alléguera que l'événement accidentel s'est produit sur les lieux du travail, la présomption sera établie et l'agent sera justifié sans autre enquête à accorder la réclamation et même avancer les versements puisque la réclamation sera fondée à sa face même au sens de l'article 117 du projet de loi. La reconsidération administrative ne comportant pas nécessairement enquête non plus, les faits quant à l'existence d'un véritable accident du travail ne seront vérifiés qu'au dernier niveau d'appel prévu, soit à la Commission des affaires sociales, ce qui nous semble également inadmissible.

L'article 26 du projet de loi, enfin, consacre le fameux principe du bénéfice du doute que la CSST a toujours accordé à un travailleur. Aussi bien dire que la version d'un travailleur est plus crédible que celle d'un employeur. Pour l'ensemble de ces raisons, M. le ministre, la nouvelle présomption mentionnée à l'article 26 se doit d'être retirée du projet de loi.

Finalement, à ce chapitre, l'ajout des blessures ou maladies à l'occasion ou en l'absence de soins ou à l'occasion de traitements prescrits. Ce dernier volet à l'élargissement du terme "accident du travail" est prévu à l'article 27 du projet de loi. Ainsi, sera un accident du travail - c'est intéressant - toute nouvelle blessure ou maladie contractée, premièrement, à l'occasion de soins reçus, deuxièmement, à la suite de l'omission de certains soins et, troisièmement, à l'occasion de tout traitement prescrit. Ainsi, si un professionnel de la santé omet de prescrire certains soins, l'employeur serait également responsable. Cette erreur professionnelle que l'on qualifie de nouvel événement accidentel devient un accident du travail. Il en va de même pour l'employé qui se fait prescrire, dans le cadre de son traitement, certains exercices à la maison ou un peu de jogging, par exemple. Toute nouvelle maladie contractée ou blessure subie à ces occasions seront dorénavant considérées comme des accidents du travail.

L'employeur, n'ayant aucun contrôle sur les agissements des travailleurs en dehors de son entreprise, n'ayant aucun contrôle sur l'administration de la CSST et n'ayant non plus aucun contrôle sur les soins que reçoit un travailleur, vous comprendrez que l'élargissement de la portée de la définition d'accident du travail ne peut que permettre un abus qui, au lieu d'être particularisé comme sous l'ancienne loi, pourra être facilement généralisé.

La portée de cette disposition, à sa face même, déborde largement du cadre de la notion d'accident du travail. L'employeur québécois se voit donc imposer le fardeau de financer une nouvelle mesure sociale qui s'apparente beaucoup plus à l'assurance tous risques.

Le principe, tel que rédigé, a une portée beaucoup trop générale pour couvrir les quelques situations légitimes - nous le reconnaissons - qui pourraient se présenter. De plus, d'autres mesures d'indemnisation sont souvent disponibles pour couvrir ces circonstances particulières et la responsabilité est alors imputée plus justement à la source de ce nouveau fait accidentel. Cet ajout à la notion d'accident du travail, tel que proposé à l'article 27, est, selon nous, totalement inapproprié et doit être retiré.

En conclusion à ce chapitre, l'AMC-Québec soumet que la nouvelle notion d'accident du travail proposée par le projet de loi doit être révisée à la lumière des commentaires sus-mentionnés. Nous recommandons fortement que les changements suivants soient apportés au projet: 1° réintroduire le terme "imprévu" dans la définition d'accident du travail; 2° exclure de façon spécifique de la notion d'accident du travail les circonstances précisées par les tribunaux supérieurs comme ne pouvant constituer un accident du travail; 3 réintroduire le concept que, si la lésion est imputable uniquement à l'imprudence grossière et volontaire du travailleur, l'accidenté ne peut être indemnisé tant et aussi longtemps que les employeurs seront seuls à défrayer les coûts de cette loi; 4 éliminer la présomption voulant qu'un événement accidentel se produisant sur les lieux du travail soit un accident du travail, à l'article 26, ainsi que les dispositions de l'article 27.

Les maladies professionnelles. La liste des maladies professionnelles reconnues par le projet de loi correspond à celle du Bureau international du travail, mais elle n'est pas présentée de la même façon dans le projet de loi. Les experts internationaux ont fait précéder cette liste d'un préambule déclarant - et je cite - que "la symptomatologie des affections d'origine professionnelle n'est généralement pas spécifique et qu'en principe, en ce qui concerne la relation de cause à effet, l'on devrait s'attacher aux symptômes valides d'une maladie définie." Il

apparaît donc nécessaire, aux yeux de ces experts, "d'établir clairement la relation causale entre l'agent chimique, physique ou biologique du milieu de travail et l'atteinte à la santé du travailleur."

Le projet de loi 42 qui nous est soumis aussi bien que la loi actuelle, d'ailleurs, font fi de cette prémisse fondamentale. Il suffit de lire l'article 28 du projet de loi pour voir que c'est exactement le contraire. L'article 28 est donc à bannir parce qu'il donne lieu à des injustices extrêmement coûteuses. En revanche, par contre, l'article 29 correspond au préambule du BIT et c'est lui seul que l'on devrait retrouver dans la loi si on veut respecter la pensée des experts internationaux qui se sont prononcés au BIT. S'il y a relation de cause à effet dans une maladie donnée, il sera toujours possible de le démontrer sans l'aide d'une présomption acquise d'abord au réclamant.

M. le Président, M. le ministre, au sujet de la réassignation, le Conseil du patronat du Québec et d'autres associations se sont prononcés longuement sur ce sujet. C'est, bien sûr, un sujet qui nous préoccupe grandement. Quand on lit l'article 78, on doit comprendre qu'il s'agit d'un emploi -lorsqu'on parle de retour - qui ne comporte pas de danger pour sa santé, sa sécurité ou l'intégrité physique du travailleur. C'est donc ce qu'on appelle la fameuse norme de risque zéro, ce qui est, selon nous, irréaliste et on vous invite à relire les passages du mémoire du CPQ ainsi que celui de l'Association des mines d'amiante qui vous ont été présentés.

L'article 80, M. le ministre, vient couronner cette situation en donnant à la CSST les pouvoirs de déterminer les conditions de travail en cas de réassignation, un rôle que la CSST avait pour les bénéficiaires de la LIVAS mais qu'elle n'a jamais exercé. Nous sommes en face d'un ensemble d'articles qui font que la réassignation est carrément utopique dans le cadre du projet de loi et, pis encore, en vertu de l'article 78, elle peut devenir impossible aussi bien pour les accidentés que pour les malades.

Le cadre de réassignation proposé par le projet de loi 42 est donc totalement irréaliste. Nous croyons que l'employeur avec son médecin constituent l'équipe disposant des meilleurs moyens pour prévoir la réassignation des personnes touchées par accident, maladie, imprégnation ou signes précoces d'affections. La réassignation doit se faire autant que possible dans l'établissement.

Ce n'étaient que quelques commentaires et, à ce sujet, nous demandons avec insistance que les articles 30, 31, 48, 78 et 80 soient modifiés à la fois pour corriger la situation actuelle et pour rendre la réassignation réalisable.

L'indemnité de remplacement du revenu. Le principe général, comme vous le savez, se retrouve à l'article 48. Il nous semble que le travailleur victime d'une lésion professionnelle a droit à une indemnité de remplacement du revenu tant et aussi longtemps qu'il est incapable de travailler en raison de sa lésion, dans les limites stipulées à l'article 56.

Par ailleurs, l'article 53 stipule que l'employeur doit verser au travailleur victime d'une incapacité 90% de son salaire net régulier pendant les quatorze jours complets suivant le début de l'incapacité. La commission rembourserait ce montant à l'employeur. Toutefois, dans le cas où la réclamation serait refusée, dit le projet de loi, la commission demanderait un remboursement au travailleur. À ce sujet bien précis, nous vous invitons à lire attentivement - et nous savons que vous le ferez - le mémoire de la General Motors du Canada Ltée.

Le paiement de l'indemnité des quatorze premiers jours par l'employeur est inacceptable, selon l'AMC-Québec. Nous sommes conscients que près de 80% des réclamations sont pour des indemnités de un à quatorze jours seulement. Toutefois, nous savons pertinemment que bon nombre de travailleurs reçoivent des prestations pour cinq jours, prétextant un malaise dont on ne peut vérifier le bien-fondé. Nous faisons référence ici, entre autres, aux douleurs dorsales.

Si on accepte une indemnité de quatorze jours payée par l'employeur, on encourage des abus plus considérables que ceux qui sévissent déjà dans le présent système administratif de la CSST.

Enfin, l'AMC propose donc de conserver l'article 44 de la loi actuelle et d'y ajouter l'obligation du travailleur à rembourser les indemnités à l'employeur en cas de rejet de la réclamation.

M. le ministre, si vous me le permettez, j'ai une dernière remarque à faire sur ce sujet. Je vous disais que nous sommes extrêmement conscients des fameux 80% de réclamation que la CSST rembourse pour la période de un à quatorze jours. Je peux vous dire très honnêtement qu'en tant qu'administrateur de la CSST, ce fut pour moi un dilemme. D'une part, en tant qu'administrateur, je me dis: Bravo! Si je peux lester la CSST de 80% d'une bonne partie du travail. Nous y avons réfléchi très longuement, mais je dois admettre qu'après consultations, et, croyez-moi, plusieurs consultations auprès de nos membres qui, eux, sont dans le champ, nous en arrivons malheureusement à la conclusion que même si, d'une part, nous épargnions des sommes d'argent à la CSST, ce qui, en tant qu'administrateur, fait mon affaire, nous en arriverions toutefois à la conclusion que cela va nous coûter plus cher de l'autre côté à

cause des abus que cela pourrait occasionner.

Par exemple, pourquoi un travailleur est-il toujours prêt à revenir au travail le lundi matin? Pourquoi pas le vendredi matin? Pourquoi le travailleur, bien souvent - et je ne vous dis pas que c'est nécessairement sa faute, le système le permet - pour des maladies ou des accidents qui autrefois duraient deux ou trois jours dans les années soixante-dix requiert-il, aujourd'hui cinq jours? Ce que l'on craint, M. le ministre, c'est que cela devienne ce qu'on pourrait peut-être appeler de l'automatisme. Sans vouloir porter préjudice à aucune profession, et on s'entend, on craint, et quand je vous dis qu'on craint, je vous parle vraiment au nom des membres que nous représentons, que cela devienne de l'automatisme. Alors, nous ne croyons pas que ce serait une économie pour la CSST.

Le travail exécuté par les étudiants. M. le Président, voici un exemple parfait de bonification du système auquel nous nous référions au début. On vous en a longuement entretenus, nous en sommes conscients, et nous nous limiterons tout simplement à vous dire que l'AMC-Québec ne peut être d'accord avec la portée de cet article et le principe qu'il soutient. Quel sera le coût pour l'entreprise de l'indemnité à laquelle l'étudiant aura droit pour compenser la perte d'un emploi qu'il n'aurait possiblement d'ailleurs jamais occupé? Quoi qu'il en soit, si l'étudiant devait rester avec des séquelles importantes - c'est le message principal qu'on veut vous laisser ici - d'un accident du travail ou autre, nous croyons que la Loi sur les personnes handicapées devrait couvrir une telle éventualité, si ce n'est pas déjà prévu. (10 h 45)

Au niveau de l'indemnisation, en tant qu'employeurs, nous ne pouvons qu'être d'accord avec le principe énoncé au premier alinéa de l'article 75. Toutefois, je pense que tous, dans cette salle, conviendront que les alinéas 2, 3 et 4 de cet article ne brillent pas par leur clarté.

L'AMC-Québec est prête à endosser le principe s'il a uniquement pour objet d'offrir une indemnisation équivalente. Cependant, si l'article a pour objet d'offrir une gratification aux travailleurs accidentés, l'AMC s'y oppose vigoureusement. Le législateur doit énoncer clairement ce qu'il veut. Je peux vous dire que nous avons travaillé très fort à essayer de comprendre l'article 75 et je vous dis bien honnêtement qu'on n'est pas certain qu'on l'a compris.

Sur le retour au travail. Jointe à l'article 48, la section relative au retour au travail - articles 145 à 170 - concrétise le droit du travailleur à son emploi. À la lecture de ces articles, on retient que le droit du travailleur à son emploi signifie le droit pour le travailleur accidenté de réintégrer le travail précis avec toutes ses caractéristiques et son environnement que le travailleur occupait au moment de son accident. Évidemment, cette notion fige dans le temps les caractéristiques du poste occupé par le travailleur accidenté. M. le ministre, on ne comprend pas cela. Le principe tel qu'énoncé ne permet pas de modifications au poste. Ce n'est pas possible, M. le ministre. Au surplus, cette fixation devrait durer pendant un an si l'établissement comptait 20 travailleurs ou moins. Pourquoi 20? Enfin! Doit-on conclure que les postes des travailleurs accidentés ne pourraient changer pendant un an? Mais si l'établissement comptait 20 travailleurs au plus - 21 par exemple - cette obligation devrait durer pendant deux ans. Où est la logique? On la cherche encore. Pourquoi, M. le ministre?

Il semble que la flexibilité nécessaire à administrer les entreprises a donné place au privilège du travailleur accidenté de conserver son emploi sans changement autre que l'abolition du poste pendant une ou deux années. À l'heure du virage technologique et de l'encouragement à la productivité par tous les moyens, il est fort étonnant de constater que cette législation exige que l'employeur gèle les postes de tout travailleur qui a trois mois de service continu dans le même établissement et ce, pendant de longues périodes.

D'ailleurs, le principe énoncé dans cette section peut créer de graves injustices tant aux accidentés qu'aux employeurs. En effet, qu'advient-il du travailleur qui, avant son accident, avait travaillé pendant dix ans à l'établissement A de l'employeur mais qui, au moment de son accident, était transféré depuis un mois à l'établissement B? Qu'est-ce qu'on fait? On ne sait pas.

Par ailleurs, qu'advient-il si un poste devient disponible à l'établissement B mais que l'accidenté travaillait à l'établissement A qui est situé tout près? Nous n'avons pas la réponse.

Encore une illustration de l'omniprésence de la législation dans les prises de décision les plus simples du milieu du travail. On ne fait plus confiance à l'intelligence des parties et à leur intention et intérêt à régler la difficulté à partir d'un principe. Le législateur doit tout légiférer avec le résultat que les parties sont encarcanées dans un système qui leur cause mutuellement préjudice. Il nous semble, d'ailleurs, que cet état de fait se ressent tout au long du texte du projet de loi.

Sur le même thème, nous notons de plus que le législateur a omis d'insérer le corollaire à l'obligation de réintégrer le travailleur dans son emploi, à savoir l'obligation pour le travailleur de retourner au travail. L'article 153 fait un effort dans cette direction - nous le reconnaissons -mais s'arrête à mi-chemin. Le travailleur qui, sans raison valable, fait défaut de

réintégrer son emploi dans les cinq jours de la date indiquée par la CSST est présumé renoncer à son droit. Cette présomption est qualifiée de juris tantum puisque le texte ne dit pas que le travailleur a renoncé à son droit. Que doit donc faire l'employeur? Peut-il accorder le poste en permanence à un autre travailleur? Doit-il attendre une décision finale du travailleur accidenté ou de la CSST?

Une autre situation aberrante à l'article 159. En effet non seulement cet article institutionnalise le "bumping", mais il le fait sans tenir compte des catégories d'emplois. Ainsi, le travailleur accidenté qui ne peut réintégrer son emploi pourrait alors occuper n'importe quel poste y compris un poste de gérance - pourquoi pas - ou, à la limite, un poste de haute direction. Comment l'en empêcher? Il suffit que le poste soit disponible et que la CSST estime que le travailleur est capable de l'exercer, aucun autre critère n'est requis par le projet de loi. Puisqu'en vertu des articles 146 et 147, le travailleur peut attendre deux ans avant de réintégrer son emploi, il peut, selon notre compréhension du texte, refuser tout emploi que son employeur aura réussi à adapter à ses restrictions. Cette approche soulève toute la question du travail léger. À ce sujet, je vous dis que l'AMC partage la position prise par le CPQ et nous vous référons à son mémoire. N'avons-nous pas vécu assez longtemps avec les difficultés posées par la loi actuelle à ce sujet?

L'article 154. À cet article, le législateur traite d'"un autre emploi disponible". Doit-on comprendre qu'il s'agit d'un emploi vacant? À ce chapitre, comme au titre de la période de protection -l'article 147 - doit-on comprendre que ces dispositions font échec aux clauses similaires existant dans les conventions collectives? Par exemple, si une convention prévoit plus que la loi, est-ce la loi ou la convention qui s'applique? Ne pourrait-on pas préciser que les dispositions des conventions en vigueur seront maintenues du moins jusqu'à leur expiration?

Enfin, l'article 155 requiert que l'employeur informe le travailleur et la CSST de tout emploi qui devient disponible dans l'établissement. Cette disposition est tout à fait inconciliable avec le droit fondamental de l'employeur de gérer son entreprise - on fait référence à nos droits de gérance. L'AMC du Québec s'oppose formellement à cette proposition. À la limite, le travailleur accidenté - il pourrait s'agir de n'importe quel travailleur avec plus de trois mois de service - pourrait requérir n'importe quel poste disponible afin de choisir celui qui lui convient le mieux, peu importent les aptitudes du travailleur et les exigences du poste.

L'AMC du Québec admet le droit du travailleur accidenté à retourner au travail et favorise d'ailleurs son retour dans les meilleurs délais. À la rigueur, ce droit de retour au travail pourrait s'exercer dans l'emploi qu'il occupait au moment de son accident pour autant que l'employeur n'est pas obligé de geler toutes les caractéristiques du poste et de l'environnement pendant la période où l'accidenté n'est pas au travail. En d'autres termes, l'employeur doit maintenir son droit de modifier lescaractéristiques du poste de travail selon les besoins de l'entreprise. Il est impensable que les employeurs soient contraints de maintenir sans modification aucun des postes de travail des travailleurs accidentés.

À ce stade, j'aimerais vous donner deux petites illustrations. Une va peut-être vous faire sourire, mais, selon la compréhension du texte, voici des exemples qu'on aimerait vous formuler. Supposons qu'un député de l'Assemblée nationale dans son comté décide d'aller faire un discours quelque part. Malheureusement, il tombe en bas de l'estrade. Cela pourrait sans doute être qualifié d'accident du travail et ce serait certainement qualifié d'accident du travail. Le point que je veux faire, c'est qu'on peut geler le poste pendant trois mois. C'est bien sûr que le député ne pourra revenir à un poste de sous-député. On n'a pas de ces postes, mais, à la rigueur, s'il était ministre et que le poste de premier ministre, pour une raison quelconque, était disponible, je ne suis pas sûr que le ministre ne pourrait pas dire: Je suis capable de remplir le poste de premier ministre.

Un exemple un peu plus réaliste, si vous me permettez l'expression: prenons le cas d'un fonctionnaire, et sans aucun préjudice. Un fonctionnaire avec un accident du travail, c'est malheureux, mais vous pouvez sans doute beaucoup plus facilement geler le poste d'un fonctionnaire et encore plus s'il est sur une tablette. C'est bien sûr que vous pouvez geler son poste six mois, un an, mais ce qu'on veut vous dire, c'est que, dans l'industrie manufacturière, cela n'est pas possible. On ne peut absolument pas geler de postes. Vous allez nous empêcher de faire fonctionner nos usines, comme on a le droit fondamental de le faire. Je pense que c'est un droit que tout le monde reconnaît.

Je pense que ces exemples vous font comprendre... à moins qu'on n'ait rien compris dans le texte, mais je ne suis pas sûr qu'on n'ait rien compris. Encore une fois, on vous réitère notre invitation de tantôt. Tout ce chapitre - je pense que ce sont les articles 145 à 170 - on vous offre notre collaboration totale pour vous aider, avec vos écrivains, à les rendre un peu plus clairs pour qu'on puisse les comprendre. Si les trois exemples que je vous relate sont bons, on a un problème.

Enfin, l'AMC recommande que le droit

de retour au travail pour le travailleur accidenté soit limité au travailleur qui justifie un an de service continu chez l'employeur. Enfin, l'AMC considère que la distinction faite à l'article 147 entre les établissements comptant 20 travailleurs ou moins et ceux comptant plus de 20 travailleurs est discriminatoire, arbitraire et sans fondement. Si le législateur estime qu'il est nécessaire de déterminer une période durant laquelle le travailleur peut exercer le retour au poste qu'il occupait au moment de son accident, nous recommandons que cette période soit égale pour tous les travailleurs peu importe dans quel établissement ils travaillent et, en conséquence, nous recommandons que cette période soit d'au plus un an.

Le processus de reconsidération et d'appel. Je pense qu'il est très important de consacrer quelques minutes à ce sujet. D'abord, la reconsidération administrative. L'adoption du projet de loi aura pour effet d'abolir les bureaux de révision actuellement en place. Ces bureaux, composés uniquement d'employés de la CSST, révisent, par voie d'appel, la décision rendue par un autre employé du même bureau régional. Cependant, cette révision se fait par une nouvelle enquête et auditions des parties.

Le projet de loi propose en lieu et place un système de reconsidération administrative. Il est à noter que certains bureaux régionaux de la CSST ont déjà commencé à appliquer le système de reconsidération administrative proposé par le projet de loi.

L'article 245 stipule qu'une personne peut demander ou la CSST peut procéder à une reconsidération administrative, mais aucun autre article de ce projet ne vient préciser les modalités ou la portée de cette reconsidération. On peut donc légitimement se poser les questions suivantes: 1) La même personne qui a rendu la première décision pourra-t-elle la reconsidérer? 2) La décision peut-elle être révisée par une personne du même niveau que celle qui a rendu la décision originale? 3) Les parties pourront-elles soumettre des arguments? Le projet de loi ne semble pas l'indiquer. 4) La personne qui reconsidère le dossier procédera-t-elle à une nouvelle enquête? Doit-elle, au moins, consulter l'ensemble du dossier ou seulement la décision? 5) La reconsidération peut-elle être faite d'office par cette personne, et ce, à l'insu des parties impliquées?

Le délai de 90 jours pour demander la reconsidération est extrêmement long alors que l'on veut les réduire.

L'AMC-Québec ne peut que constater l'inutilité de cette procédure de reconsidération administrative telle que proposée. Aucune nouvelle expertise n'est ajoutée, le dossier n'est pas plus approfondi et les personnes impliquées ne sont appelées à faire part de leurs prétentions ni même présenter des éléments qui mériteraient d'être considérés. Le processus tel que proposé ne fait que répéter, une deuxième fois, et de façon encore moins parfaite, ce qui doit d'abord être fait à la première étape.

Dans l'intérêt de l'accidenté, de l'employeur et de l'administration de la CSST, il y a lieu d'éliminer les étapes inutiles ou répétitives dans tout processus de révision. Conséquemment, l'AMC-Québec recommande fortement l'abolition de cette étape de reconsidération administrative. Que le dossier de l'accidenté soit soumis dans les plus brefs délais aux niveaux qui pourront vraiment faire une révision utile et complète.

À défaut par le législateur d'abolir cette reconsidération administrative, permettez-nous de vous suggérer le libellé suivant: "La partie qui se croit lésée par une décision d'un agent d'indemnisation de la commission pourrait, dans les 30 jours de la notification de cette décision, demander soit une reconsidération médicale, soit une reconsidération administrative."

La distinction est la reconsidération médicale. Cette reconsidération médicale s'inspire généralement de l'expérience des comités conjoints. Elle serait faite par un médecin choisi par la CSST auquel se joignent deux autres médecins choisis à même une liste approuvée, par exemple, par le Collège des médecins.

La décision du comité de reconsidération médicale est celle de la majorité de ses membres.

Le comité devrait nécessairement procéder à un examen médical de l'accidenté et se prononcer sur un minimum de questions précises établies par règlement telles que: a) l'état médical du travailleur; b) l'existence ou la non-existence d'une incapacité; c) la nature et l'étendue de l'incapacité; d) s'il y a incapacité, la cause ou les causes de celle-ci et dans quelle proportion sont-elles responsables de l'incapacité; e) s'il y a incapacité, la durée appropriée de celle-ci et une date de retour au travail s'il y a lieu. f) s'il y a incapacité partielle permettant un retour au travail, quelles sont les restrictions appropriées.

Ce comité pourrait considérer toute question qu'il juge appropriée incluant celles soumises par écrit par la commission, par le médecin traitant ou expert du travailleur ou par le médecin de l'employeur.

Avant de procéder à l'examen du travailleur et à la reconsidération médicale du dossier, chaque partie doit être avisée de la possibilité de soumettre, dans un certain délai, toute expertise médicale pertinente au dossier.

La décision du comité doit être rendue par écrit, être motivée et s'appuyer sur l'expertise conjointe. Toute dissidence doit également être motivée.

Enfin, la décision du comité peut être portée en appel par l'une ou l'autre des parties à un tribunal administratif indépendant de la CSST. (11 heures)

La reconsidération administrative. À ce sujet, la reconsidération administrative ne serait possible que dans les circonstances où seuls les aspects administratifs, juridiques ou factuels mais non médicaux seraient à reconsidérer. Elle serait alors faite par un membre de la CSST d'un échelon supérieur à celui qui a pris la décision originale, ayant une expérience certaine dans le domaine administratif ou juridique. La demande de reconsidération administrative doit également être faite dans les 30 jours de la notification de la décision initiale. Cette demande doit être accompagnée d'un exposé complet des événements administratifs, juridiques ou factuels à être reconsidérés selon le requérant. Copie de cette demande est transmise par la commission à l'autre partie qui doit avoir l'occasion de soumettre par écrit ses commentaires et ce, dans un certain délai. Copie de ces commentaires est soumise par la commission au requérant qui a alors un droit de soumettre une réplique dans un délai, cette fois maintenant plus court.

La commission peut considérer tout autre élément jugé approprié et référer le dossier à la reconsidération médicale si elle le juge approprié. Enfin, une décision écrite et motivée doit être rendue par la personne procédant à cette révision administrative. Il y a appel par l'une ou l'autre des parties à un tribunal administratif, encore une fois, indépendant de la CSST.

L'appel. Le projet de loi, à l'article 250, confirme le monopole que la CSST entend maintenir et même agrandir sur toute décision ayant trait à un accident du travail. On pourrait croire, à la lecture de cet article, que les auteurs ont été inspirés par la bulle décrétant l'infaillibilité pontificale. Dans les faits, les paragraphes 1 et 3 de l'article 250 permettront à la commission, de sa propre initiative ou grâce à une demande d'une partie, de reprendre contrôle du dossier et modifier toute décision que l'organisme d'appel indépendant aurait pu rendre au détriment de la CSST. La partie qui n'aura pas gain de cause en appel aura sûrement l'intérêt et la perspicacité suffisante pour recommencer le processus ainsi que la commission lorsqu'elle aura l'impression qu'une de ses sacro-saintes directives administratives n'est pas respectée par le tribunal extérieur. Les motifs aux paragraphes 1 et 3 sont suffisamment vagues pour permettre la réouverture en toute occasion désirée. Ce sera notamment très facile de prétendre qu'une preuve inconnue lors de la décision initiale a maintenant été découverte et que ceci ne pouvait être fait avec toute la diligence raisonnable. Considérant que la CSST a déjà décidé que le fait d'être en vacances pour un représentant du travailleur alors que le délai d'appel courait ou que le travailleur n'avait pas réussi à contacter son conseiller syndical ne constituait par une absence de diligence et justifiait l'extension des délais, on peut facilement présumer, M. le ministre, de l'interprétation libérale que fera la commission ou la partie perdante des dispositions de ces deux paragraphes. Le processus peut se répéter à l'infini jusqu'à l'épuisement de l'une des parties. Seul le tribunal administratif qui a rendu la décision finale pourrait se permettre d'annuler sa décision et procéder à une nouvelle audition dans le cas de production de faux documents ou lorsque la production a été empêchée par le fait d'une des parties.

La loi actuelle stipule que toute personne qui se croit lésée par une décision rendue par un bureau de révision peut interjeter appel de cette décision à la Commission des affaires sociales qui en dispose. Cette approche semble parfaitement légitime permettant à la partie lésée d'obtenir une révision de cette décision par des personnes autres que de la CSST. Le projet de loi porte atteinte à cette approche légitime en limitant la possibilité d'obtenir un appel à l'extérieur de la CSST aux seuls trois cas mentionnés au premier paragraphe de l'article 247.

Cette nouvelle phraséologie devra être interprétée par ce tribunal administratif et les tribunaux supérieurs afin d'en déterminer la portée, ce qui va entraîner des litiges parfaitement inutiles. Pour ces raisons, l'AMC considère que le premier paragraphe de l'article 247 doit être amendé afin de reprendre le libellé de la loi actuelle.

Le tribunal administratif d'appel. En ce qui concerne la nature du tribunal administratif d'appel, l'AMC considère que ce tribunal doit néanmoins respecter les critères minimaux suivants: être totalement indépendant de la CSST et non lié par les directives administratives de celle-ci; avoir juridiction complète sur la totalité des questions qui peuvent être soulevées par la décision en reconsidération administrative ou médicale; avoir une expertise appropriée dans le domaine des accidents du travail, principalement sur le plan médical et juridique; enfin, avoir un nombre suffisant de

décideurs et le personnel administratif et de soutien nécessaire pour éviter des délais indus.

De plus, l'article 247 du projet devrait être amendé, selon nous, afin de tenir compte du minimum mentionné au paragraphe b.

En raison de la spécialisation requise et du volume actuel et à venir des appels en matière d'accidents du travail, l'AMC considère, M. le ministre, qu'il serait approprié de remplacer la Commission des affaires sociales par un autre tribunal administratif indépendant ayant juridiction uniquement sur les accidents du travail. Cette approche permettrait, selon nous, fort probablement d'éliminer ou de réduire les délais à ce niveau d'appel.

Les tribunaux supérieurs. L'intervention des tribunaux supérieurs doit, à notre avis, être permise. Sur des questions de principe et afin de permettre tant aux parties qu'à la CSST de réorienter leurs politiques, directives ou pratiques sur la foi d'une autorité compétente détachée des contraintes du milieu, l'AMC recommande l'inclusion d'un droit d'appel à un tribunal de droit commun, sur permission seulement, sur des questions de droit ou des questions de fait et de droit.

L'AMC soumet que ce droit d'appel ne conduira pas nécessairement à une judiciarisation outrancière du système puisque cet appel ne pourra être accordé que sur permission. Par contre, elle permettra aux parties et à la CSST d'obtenir des interprétations ou directives appropriées afin de corriger des situations de principe et ce, dans l'intérêt de la meilleure administration du régime d'indemnisation.

En conclusion, M. le Président, malgré le temps considérable que nous avons consacré à l'étude de ce projet de loi, son ampleur et la qualité de sa rédaction nous ont fait perdre un temps énorme et nous n'avons pu préciser davantage d'autres points essentiels. Nous vous référons donc au mémoire du CPQ qui traite de plusieurs de ces éléments et, entre autres, à ses études article par article car nous y avons participé très étroitement.

Le projet de loi 42 se veut le deuxième volet de la grande réforme entreprise en 1979 concernant tout le domaine de la santé et de la sécurité du travail. La Loi sur la santé et la sécurité du travail en constituait la première étape et ses effets sont loin d'être pleinement connus.

Rares sont les employeurs québécois qui n'ont pas quotidiennement un doute raisonnable de croire qu'un certain nombre de leurs employés ont bénéficié des largesses du système d'indemnisation. Nous ne voulons pas insinuer, M. le Président, que les travailleurs sont malhonnêtes. Cependant, nous croyons pouvoir affirmer qu'un contrôle plus adéquat du système d'indemnisation doit être institué afin de mieux contrôler les coûts. Le législateur, selon nous, n'est pas justifié d'ouvrir davantage la porte aux abus tout en laissant aux employeurs le soin d'en défrayer totalement le coût.

Rien dans le projet de loi nous aidera à atteindre les buts visés par la Loi sur la santé et la sécurité du travail, à savoir l'élimination à la source des dangers pour la santé, la sécurité et l'intégrité physique des travailleurs. Absolument rien!

L'AMC n'accepte, dans ce projet de loi, que l'introduction de la notion de remplacement du revenu pendant une certaine période pour ensuite verser un montant forfaitaire à l'accidenté victime d'une lésion professionnelle, le tout sujet à l'acceptation par le législateur des contrôles et modalités exprimés par le patronat à ce sujet.

M. le Président, nous pouvons vous garantir que les membres de l'AMC veulent eux aussi éliminer à la source les abus et les largesses du système actuel. Nous croyons qu'ensemble, c'est-à-dire employés, employeurs et législateurs, nous devons coordonner nos efforts afin d'assurer l'essort économique du Québec en permettant à l'entreprise de devenir plus concurrentielle dans le village terreste. Selon nous, le projet de loi 42 va carrément à l'encontre de cet objectif.

M. le Président, voilà, en résumé, les propos que nous voulions tenir à cette Assemblée. Nous sommes, comme je vous le disais au tout début, disposés à répondre à vos questions. Vous allez sans doute me permettre de déférer certaines questions aux collègues qui m'entourent. Merci M. le Président, merci M. le ministre.

M. Fréchette: Bien sûr.

Le Président (M. Rancourt): Bien sûr. Merci, M. Paquin.

M. le ministre du Travail.

M. Fréchette: Merci, M. le Président. Mes premiers mots seront pour dire mon appréciation à l'Association des manufacturiers canadiens d'avoir consacré le temps qu'elle y a consacré à la préparation des suggestions qu'elle voulait nous faire dans le cadre de l'étude de la loi 42. Sous réserve de la conclusion finale de votre rapport, je comprends que vous souhaitez que nous puissions, ce matin, établir des échanges, un dialogue, en relation avec les aspects particuliers que vous avez soulevés. Je veux profiter aussi de l'occasion qui nous fait nous rencontrer ce matin pour dire publiquement combien cette association est toujours très intéressée à toutes nos lois du travail, à toute la réglementation qui touche le domaine des relations du travail. Je vous signale également que sa collaboration a

toujours été acquise. Je pense qu'il était important de le signaler publiquement.

Ce préambule étant fait, il est un premier aspect sur lequel j'apprécierais entendre nos invités. Il concerne globalement le principe même de la loi. J'ai noté - on le retrouve d'ailleurs dans votre mémoire - à un moment donné, que vous faites un genre d'association entre le régime de la Loi sur les accidents du travail et un programme de sécurité sociale apparenté à l'assurance-chômage. Vous nous avez dit, M. Paquin, que vous aviez participé étroitement à la préparation du mémoire du Conseil du patronat et, à l'intérieur de son mémoire, le Conseil du patronat nous dit vouloir lancer un débat public quant à l'opportunité ou à l'inopportunité que l'on songe maintenant à demander aux travailleurs de participer à la cotisation du régime des accidents du travail et des maladies professionnelles.

Je veux bien que l'on lance le débat sur la place publique, qu'on entreprenne ce débat, qu'on l'alimente, cela ne peut que faire avancer la discussion, mais je vous signale que, jusqu'à maintenant, en tout cas, je n'ai pas été convaincu qu'il faille arriver à cette décision ou à cette conclusion. Je souhaiterais pouvoir connaître ce que pense votre association de cette suggestion à partir, évidemment, des deux principes qui ont été retenus par les deux parties au début des années trente, ce que M. Paquin a appelé le contrat social de l'époque, les travailleurs renonçant au recours de droit commun et les employeurs acceptant de cotiser, du moins sur le plan strictement économique, pour compenser les accidents du travail. Est-ce que vous avez à cet égard des réflexions à nous transmettre?

Le Président (M. Rancourt): M. Paquin.

M. Paquin: M. le ministre, vous allez me permettre d'essayer de vous convaincre. Vous avez tout à fait raison lorsque vous dites - on va employer le terme, si vous voulez, de contrat social - qu'en 1930 et 1931, il y a eu effectivement un contrat social, ce qu'on pourrait appeler un "deal", qui s'est fait entre les employés et les employeurs. Vous l'avez bien résumé en disant que les employeurs, d'une part, payaient la prime. Par contre, ils ne pouvaient se faire poursuivre. D'autre part, les employés bénéficiaient de ce qu'on appelait à l'époque de l'indemnisation. Donc, la balance était équilibrée selon nous en 1931. Mais, regardons - enfin, je ne passerai pas année par année parce que je vous l'ai dit, c'est avant votre temps, c'est avant le mien - brièvement ce qui s'est passé depuis ce temps, depuis 53 ans. On a quand même connu une évolution extraordinaire. Je pense que vous allez convenir avec nous, M. le ministre, qu'on a changé radicalement les règles du jeu. On a changé radicalement le "deal" initial. On a ajouté des clauses au contrat social, si vous me permettez l'expression. On a, par exemple, ajouté tout l'aspect de la prévention. On a ajouté tout l'aspect de la réadaptation. On a ajouté, permettez-moi, l'Institut de recherche en santé et sécurité du travail. On a ajouté le paritarisme avec les pouvoirs de décision. Enfin, on a ajouté un paquet d'affaires. (11 h 15)

Ce qui fait, selon nous, en d'autres mots, qu'aujourd'hui, la balance qui était équilibrée n'est certainement plus équilibrée; cela penche plus d'un bord que de l'autre. On vous suggère de revenir au "deal" de 1931 - on a signé le contrat, enfin, nos prédécesseurs l'ont fait - c'est-à-dire de rééquilibrer la balance. Maintenant, de quelle façon le fait-on? Vous allez convenir qu'il y a un tas de possibilités. J'ai été très intéressé par les propos de la FTQ, par les propos de M. Laberge et j'y étais, dans cette salle, non, je m'excuse, je n'y étais pas, parce qu'il n'y avait pas assez de place, mais j'ai suivi la séance religieusement à la télévision. Je suis très intéressé quand M. Laberge parle de certaines responsabilités de la société. Pour moi, la société, c'est nous tous y compris les travailleurs. Bien sûr que, quand vous posez la question à la FTQ, et je ne m'attendais pas à autre chose: Êtes-vous d'accord pour que les travailleurs contribuent? Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais la réponse est venue vite: Non. Mais il y a quand même eu une ouverture d'esprit, à mon avis, fort intéressante. Je ne veux pas faire dire à M. Laberge des choses qu'il n'a pas dites, mais quand il parle de responsabilités de la société, j'interprète cela comme étant une ouverture intéressante.

Cela dit, dans le but de rééquilibrer et de revenir à notre contrat social qu'on a tous signé en 1931, je pense que nous sommes légitimement autorisés aujourd'hui à vous dire qu'on doit regarder cela de près. Et je pense que le législateur ne devrait pas, dans un premier temps, se fermer complètement à l'idée. D'ailleurs, vous n'êtes pas fermés à l'idée, puisque vous préconisez la discussion.

Un deuxième élément possible qu'on peut ajouter à la discussion, c'est qu'en 1931, M. le ministre - selon ce qu'on me dit - la compétitivité de nos entreprises n'était pas celle d'aujourd'hui. On pratique la concurrence dans le village terreste; on ne fait plus concurrence au voisin d'en face. Et je vous jure que ceux qui font les verres ici font concurrence aux gens de l'Europe, de l'Asie et d'un peu partout. Toute augmentation de nos coûts fait que, finalement, vous ajoutez à la main-d'oeuvre, on devient moins compétitif et on ne peut plus "compétitionner", pour prendre un terme

global. L'important, selon nous, aujourd'hui, c'est une responsabilité de la société, ce n'est pas seulement et uniquement à cause des employeurs si l'indice du coût de la vie a augmenté de façon phénoménale. Je pense que personne dans cette salle peut dire que c'est strictement notre faute. Écoutez, si vous me permettez une analogie, une comparaison, c'est un exemple que je donne; je ne veux pas qu'on prenne cela comme une proposition concrète. Supposez pour un instant que tous les travailleurs au Québec, vous et moi inclus - parce que nous sommes des travailleurs - on contribue en donnant 1 $ par semaine. À 2 000 000 de travailleurs, cela fait 100 000 000 $ par année. Si je calcule vite, c'est à peu près cela. C'est un beau fonds de relance, M. le ministre.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Fréchette: Remarquez que je ne voulais qu'alimenter un peu le débat, savoir à quelle enseigne vous logiez à cet égard. Je ne voudrais pas qu'on prenne tout notre temps et qu'on le consacre exclusivement à cette discussion, parce qu'il y a d'autres aspects que vous avez touchés sur lesquels je voudrais revenir.

M. Paquin: Je voulais vous convaincre, M. le ministre.

M. Fréchette: Mais je prends bonne note de votre observation. M. Paquin, comme plusieurs autres intervenants - je vous signale que ce sont autant des intervenants issus des milieux syndicaux que des milieux patronaux - vous avez mis beaucoup d'insistance sur ce qu'on est convenu d'appeler un pouvoir-réglementaire discrétionnaire, un pouvoir discrétionnaire, des pouvoirs administratifs exorbitants. Enfin, les termes peuvent varier, mais j'ai carrément l'impression qu'on revient toujours au même phénomène. Je voudrais bien que l'on sache - vous qui êtes au conseil d'administration allez peut-être en convenir - que ce n'est pas précisément pour le plaisir de la chose que ces dispositions sont dans les lois. En d'autres mots, il faut bien que quelqu'un, quelque part, amorce un processus, décide de quelque chose à un moment donné, si on veut que le système lui-même fonctionne raisonnablement bien. Et dans ce processus, il est inévitable qu'à une étape ou l'autre, quelqu'un va se sentir frustré et ne sera pas heureux des décisions qui seront prises. Alors, je vous signale sans aucune réserve que ce n'est ni celui qui vous parle, ni les gens qui travaillent à la Commission de la santé et de la sécurité du travail qui vont s'opposer à ce que les pouvoirs discrétionnaires - qu'on les qualifie de la façon qu'on voudra - qu'on retrouve actuellement dans la loi en sortent, mais en aucune espèce de façon. Cependant, la question fondamentale est: Qu'est-ce qu'on fait avec tout cela? Ou bien il n'y en a pas du tout, mais je pense qu'ensemble on va convenir que c'est pousser la situation à l'absurde. Personne ne conviendra qu'il faille ouvrir les vannes à tout vent. À ce sujet, on va facilement et rapidement s'entendre. Ou alors, l'alternative, et on a un peu amorcé la discussion là-dessus hier, tout pouvoir qu'on identifie actuellement comme discrétionnaire devient incorporé directement dans la loi, puis on vit avec après. Par exemple, hier soir, on parlait des politiques de réadaptation et on nous disait que cela faisait problème au niveau de l'interprétation. Faudrait-il retenir qu'on incorporera dans la loi ce que sont actuellement les politiques administratives en termes de réadaptation? C'est effectivement préoccupant comme processus. Je vous signale, par exemple, qu'actuellement il y a 20 règlements adoptés sous l'empire de la loi actuelle sur les accidents du travail qui ont été incorporés dans le projet de loi 42. C'est un des motifs pour lesquels la loi est maintenant d'environ 300 articles. À partir de ce phénomène très pratique qu'on peut constater, il nous faut déboucher sur la conclusion suivante: chaque fois qu'un pouvoir discrétionnaire doit disparaître, on va l'incorporer dans la loi, ce qui implique nécessairement que chaque fois aussi la loi va engraisser à tous égards.

Alors, je suis tout à fait disposé qu'on envisage cette hypothèse-là. Je vous réitère que ce n'est pas nécessairement par plaisir que c'est là parce que les gens qui doivent l'administrer sont quotidiennement aux prises avec des conflits de toutes sortes. Ils sont aux prises avec des gens insatisfaits des décisions rendues. Donc, si on les incorpore dans la loi, cela évitera ce genre de situation. Cela va éviter sans doute de longues discussions au conseil d'administration, mais cela va considérablement, encore une fois, engraisser la loi. À ce sujet, je suis ouvert à considérer les hypothèses que vous avez à mettre sur la table.

Le Président (M. Rancourt): M. Paquin.

M. Paquin: M. le Président, si vous me le permettez, j'aimerais passer la parole à Me Comtois.

Le Président (M. Rancourt): Me Comtois.

M. Comtois (Pierre): M. le ministre, vous avez abordé dans la même envolée deux points: la réglementation comme telle et l'aspect des pouvoirs discrétionnaires accordés à la CSST dans le cadre du projet de loi. D'abord, au niveau de la réglementation, le problème n'est pas unique

au Québec, c'est évident. On regarde le problème, la déréglementation, si vous me permettez l'expression, dans l'industrie aéronautique aux États-Unis et les avantages et les désavantages que cela peut créer. On ne pourra jamais éviter totalement d'accorder des pouvoirs réglementaires à un organisme gouvernemental afin de pouvoir administrer une loi. Une des positions de l'AMC à ce sujet-là, c'est que le pouvoir réglementaire doit être quand même précis. On donne à l'organisme gouvernemental le pouvoir de réglementer, mais pas le pouvoir de légiférer. Une des dispositions du projet de loi 42 permet à la CSST d'adopter tout règlement que l'organisme peut juger approprié dans le cadre de l'application de la loi. Ce n'est plus qu'un pouvoir réglementaire à ce moment-là. On donne une discrétion illimitée. C'est le rôle d'incorporer les mesures législatives qu'on veut prendre dans la loi pour qu'elles soient débattues par les personnes appropriées devant les forums appropriés. C'est sûr que cela implique, M. le Président, des lois un peu plus lourdes. C'est le prix à payer, je crois, et il est important de l'incorporer, à ce niveau, pour s'assurer que le débat entre les parties et la société se fasse sur ces différentes mesures. On ne peut pas tout incorporer dans la loi. C'est pourquoi nous reconnaissons qu'il y a un certain pouvoir réglementaire qui doit être accordé, une certaine discrétion, mais que celle-ci soit encadrée afin que l'organisme sache l'orientation à prendre.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Fréchette: Cela va, cela répond très précisément à la question que je posais. C'est évident que c'est sous cet angle que l'évaluation va se faire par rapport aux représentations qui nous ont été soumises depuis le début. D'ailleurs, ce n'est pas nécessairement à l'occasion de la commission parlementaire qu'on a été sensibilisé à ce genre de choses.

Vous avez également, dans votre argumentation, M. Paquin, commenté la politique de droit de retour au travail et vous nous avez invités à faire une lecture attentive du mémoire de General Motors. Je dois vous dire, quant à moi, que cette lecture est déjà faite et que les représentations qu'on retrouve dans le mémoire de General Motors nous apparaissent très sérieuses. Il va effectivement falloir y jeter un coup d'oeil de très près parce que General Motors met le doigt sur des processus . d'application qui pourraient effectivement faire problème. Il n'y a aucune espèce d'hésitation à regarder cela dans le sens que vous le suggérez.

Il y a un chapitre sur lequel - me semble-t-il, en tout cas, c'est ma première réaction - nous allons nous entendre sans aucune espèce d'hésitation, c'est la suggestion que l'on retrouve à votre mémoire, à la page 28, qui concerne le processus de reconsidération et d'appel. Si on s'était assis ensemble, M. Paquin ou M. Dessureault, à une même table pour écrire un texte, on n'aurait pas pu mieux s'entendre. D'ailleurs, cela aussi, c'est constamment revenu dans les préoccupations de tous ceux et de toutes celles qu'on a entendus jusqu'à maintenant. L'objectif lorsqu'on a inscrit, dans la loi, une disposition dont l'effet aurait été de faire disparaître les bureaux de révision, était uniquement un processus pour accélérer l'appel compte tenu du fait que la moyenne du délai pour se retrouver devant le bureau de révision, actuellement, est d'à peu près six mois, qu'il y a, devant ce bureau, maintenant, des débats juridiques qui s'engagent et qui ont comme effet de retarder, parfois considérablement, des décisions que tout le monde attend, c'était l'objectif que nous visions en suggérant la disparition des bureaux de révision. Sur cela, les opinions sont très partagées. Les uns concourant à la suggestion qui est faite, les autres disant: Non. On veut garder ce processus, cette institution d'appel. Ce sur quoi, cependant, tout le monde s'entend, c'est que le bureau de révision, par la force des choses et dans l'état actuel des choses, étant politiquement, au sens large du terme, directement relié à la commission elle-même, cela crée des réserves sérieuses chez bien des gens. Quand vous faites la suggestion de procéder à la mise sur pied d'une commission d'appel - en matière de santé et sécurité au travail - qui serait complètement indépendante de la commission elle-même avec les éléments dont vous parlez quant à son fonctionnement, en ajoutant et en y modifiant peut-être certains des éléments auxquels vous nous référez, sur le plan du principe, au moment où on se parle, cela ne m'apparaît faire de problème. Je vous dis que c'est mon opinion à ce stade-ci. Nous avons encore huit jours d'audition, nous allons demander aux autres parties qui doivent venir témoigner quelle est leur appréciation de la suggestion et, ensuite, nous allons arrêter une décision. Je vous signale que c'est une suggestion à laquelle je n'ai aucune difficulté à concourir. Comme je vous le signale, il faudra attendre et voir comment les autres parties apprécient et évaluent la suggestion. Les autres me semblent tout à fait disposées aussi à y concourir, mais retenons pour le moment que cela fait son chemin. (11 h 30)

Une autre situation où une espèce de... enfin, est-ce qu'on peut appeler cela un consensus? où une rencontre d'idées est en train de se faire, c'est sur le processus de

l'assistance médicale. Il y a actuellement dans la loi - la loi 42 contient des dispositions semblables - des mécanismes qui font en sorte qu'à un moment donné la commission doit prendre certaines décisions. Cela a aussi comme conséquence de créer des embêtements dans bien des milieux et à l'endroit de bien des personnes.

La suggestion a initialement été faite par la Fédération des médecins spécialistes du Québec. Elle a été reprise par plusieurs autres organismes qui sont venus. Ce qui semble être en train de se dégager maintenant, ce serait - je n'aime pas utiliser le terme "tribunal" dans ce genre d'opération. Mais, pour les fins de la discussion, parlons de commission, d'arbitrage ou... Enfin. N'allons pas perdre notre temps dans l'identification.

Mais le mécanisme de cette institution pourrait être le suivant: demander à la Corporation professionnelle des médecins de fournir une liste de 100, 150, 200 professionnels qui seraient disposés à agir comme personnes habilitées à trancher des litiges d'ordre médical. À partir des suggestions qui nous seraient faites, nous pourrions demander une espèce d'accréditation, si vous me prêtez l'expression, ou bien au Conseil consultatif du travail ou alors au conseil d'administration de la commission elle-même, qui retiendrait parmi les noms suggérés un certain nombre de noms de gens agréés par les parties et qui accepteraient de fournir ces services professionnels et qui seraient l'instance décisionnelle en matière médicale.

En d'autres mots, toute décision quant à l'état de santé - l'état de santé s'entendant au sens le plus large du terme -d'un travailleur ou d'une travailleuse accidenté serait dévolue à des professionnels de la santé. Là-dessus, il y a aussi très clairement, sinon unanimité, une opinion très majoritaire qui se dégage vers l'adoption d'une semblable politique. À moins qu'en cours de route, il nous arrive des objections telles qu'on nous convainque que cela ne doit pas être fait; je pense pouvoir vous dire ce matin qu'à cet égard, nous cheminons très rapidement vers une décision qui satisferait à votre suggestion.

Est-ce que mon temps est terminé, M. le Président?

Le Président (M. Rancourt): II vous reste environ une minute.

M. Fréchette: Alors, s'il me reste une minute, je n'entreprendrai pas d'autre sujet. J'espère avoir le temps de revenir avant 13 heures. Je vais passer la parole à mon collègue du comté de Viau.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Viau.

M. Cusano: Merci, M. le Président. On parle beaucoup de contrôle de coûts et je crois que c'est une préoccupation assez importante. Vous, de l'association, lorsque vous parlez de contrôle de coûts, est-ce que vous parlez du contrôle sur l'administration de la CSST, qui est souvent accusée d'être très généreuse? Parlez-vous d'un contrôle ou d'un manque de contrôle sur la CSST, qui commet une multitude d'erreurs administratives, ceci résultant du fait que des sommes déboursées ne sont pas récupérées? Parlez-vous de mesures sociales qui ne devraient pas être imputées aux employeurs? Parlez-vous de l'indemnisation à 90% qui serait peut-être trop élevée? Pourriez-vous nous faire un commentaire très précis sur cet aspect des coûts?

Le Président (M. Rancourt): M. Paquin.

M. Paquin: Je ne sais pas si je vais tout couvrir car, comme vous le dites, M. le député, vous avez beaucoup d'éléments dans votre question. Lorsque l'on parle des coûts, si vous me le permettez, on pourrait essayer de regarder cette question de façon globale. Commençons, si vous le voulez bien, par les coûts que pourrait éventuellement engendrer le projet de loi que l'on nous soumet. M. le ministre a fait état mardi du fait que le projet de loi 42 ferait économiser un montant d'environ 18 000 000 $; c'est-à-dire que cela diminuerait d'autant les cotisations actuelles des employeurs. Vous allez comprendre que nous n'avons pas eu le temps - je vous admets bien honnêtement que je ne suis pas un actuaire - mais...

M. Cusano: Pas plus que nous, de notre côté, d'examiner l'étude, M. Paquin.

M. Paquin: Vous allez donc comprendre qu'on n'a pas eu le temps de regarder ce document. Je peux vous dire qu'on va le regarder et qu'on vous fera part de nos commentaires. Le commentaire que j'aimerais vous apporter à ce stade-ci est le suivant. Le hasard ou les circonstances ont voulu que nous ayons un conseil d'administration de la CSST hier. À ce conseil, sans doute guidées par la prudence et par l'expérience que nous avons - j'y suis depuis 1980 - sur le plan de l'administration les parties ont convenu de ne pas diminuer, au moment où on se parle, le taux moyen de cotisation que nous avions prévu un peu plus tôt dans l'année. Je comprends qu'au point de vue technique, ce n'était pas possible.

Laissez-moi vous expliquer ceci, si vous me le permettez. Le taux de cotisation moyen des employeurs au Québec en 1983 était de 2,05 $, comme vous le savez. Au cours de l'année - c'est une décision unanime du conseil de modifier tout le système de capitalisation de la CSST, mais je ne veux

pas entrer dans ces détails - notre taux, qu'on le veuille ou non, tombait automatiquement à 1,79 $. Quand est venu le temps de préparer le budget, une des premières questions que nous avons posées -le projet de loi 42 s'en venait - était la suivante: Est-ce qu'on a prévu quelque chose en termes de coût dans le projet de loi 42? On nous a dit: Oui, on a prévu 0,10 $, ce qui fait que l'on prévoit en 1984 un taux moyen de 1,89 $. Donc, on s'est donné un coussin avec les 0,10 $, en termes populaires, dans le projet de loi 42.

Pour votre information, 0,01 $, à la CSST, cela est l'équivalent de 4 000 000 $ ou 4 500 000 $. On prévoit 40 000 000 $ ou 45 000 000 $ de coussin. En plus de cela, par prudence, je ne crois pas que le conseil serait avisé d'enlever ces 0,10 $ si, techniquement, il pouvait le faire - je fais abstraction pour un instant aux problèmes techniques - mais cela me surprendrait énormément. Enfin, du côté patronal, on ne serait pas prêt à le faire. On ne serait pas du tout avisé, si on pouvait techniquement le faire, d'enlever les 0,10 $, puis encore 0,05 $, ce qui représente 18 000 000 $. C'est 0,10 $, puis 0,05 $ pour un total de 0,15 $; soit 60 000 000 $. On parle de 60 000 000 $ et 65 000 000 $.

C'est pour cela qu'on est sceptique face à l'étude commandée par le ministère du Travail, sans doute. L'expérience nous dit que - ce n'est pas scientifique, ce que je vais vous dire - même si on était bien heureux à la fin de l'année d'avoir 18 000 000 $ de moins, on en doute beaucoup. Le contrôle des coûts, bien sûr qu'on déplore qu'il fasse défaut, par exemple au niveau de l'indemnisation. Je ne veux pas refaire le débat qui a pu se faire à la commission parlementaire du mois de décembre. Nous croyons qu'il serait possible de contrôler davantage les coûts; permettez-moi de reformuler une demande qui avait été faite au mois de décembre lors de la commission parlementaire: donnez-nous au moins la chance de pouvoir dire à nos membres de l'AMC, que c'est un peu plus contrôlé parce que, maintenant, on a un comité de vérification interne. Donnez-nous au moins cet argument-là, car on ne l'a pas encore; on n'a pas voulu accéder à cette demande.

Vous faites également référence, M. Cusano, aux mesures sociales. Je pense qu'on en a un exemple frappant dans le projet de loi 42 avec la question des étudiants. Vous n'êtes pas sans savoir que les employeurs engagent des étudiants. Les employeurs sont d'accord pour protéger les étudiants en cas d'accident du travail. Mais on vous dit qu'à partir du moment où on a un projet de loi qui nous suggère une possibilité de compenser en fonction de ce que pourrait devenir un étudiant en médecine ou en architecture, si c'est une décision politique, je suis bien d'accord avec celle-ci, mais on va admettre que c'est une mesure sociale qui ne doit pas être imputée aux employeurs.

Vous avez aussi la situation de la femme enceinte au travail. Bien sûr, nous sommes prêts à la protéger, nous ne nous posons même pas la question, quitte à ouvrir un petit volet. On parle de femme enceinte au travail en fonction de la loi 126, la Loi sur les normes minimales du travail; on en parle en fonction de la Loi sur la santé et la sécurité du travail; on en parle possiblement en fonction d'autres choses. C'est une mesure sociale qu'on accepte. Si c'est relié strictement au fait, qu'il y a, comme on l'expliquait un peu dans le mémoire, un lien entre le travail qu'elle fait et le fait qu'elle soit enceinte, bien sûr qu'on est prêt à prendre nos responsabilités. Mais on dépasse une certaine frontière qu'on peut qualifier de mesures sociales. Si ces mesures sociales sont une volonté politique, on est bien d'accord pour les accepter, mais on est moins d'accord que ce ne soit qu'un segment de la population qui paie, à savoir les industries qu'on représente.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Viau.

M. Cusano: M. Paquin, juste une petite précision. Lorsqu'on parle de la capitalisation à 90%, c'est seulement remettre à plus tard le vrai coût des accidents. Est-ce que je me trompe?

Le Président (M. Rancourt): M. Paquin.

M. Paquin: Non, vous ne vous trompez pas. Nous sommes d'avis que le fait d'avoir accepté cette capitalisation, à l'effet de baisser immédiatement les taux, une génération future devra les payer effectivement.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Viau.

M. Cusano: Merci. Vous dites aussi -plusieurs autres l'ont indiqué - que si on accepte dans le projet de loi le fait que l'employeur soit tenu de payer les quatorze premiers jours au lieu des cinq premiers jours, il y a déjà des abus sur la question des cinq jours, parce que des individus prétextent une maladie dont on ne peut pas vérifier le bien-fondé. Vous vous inquiétez du fait que ces maladies qui ne sont pas fondées pour cinq jours s'allongeront jusqu'à quatorze jours. Avez-vous des statistiques ou des études qui démontrent la relation directe entre le nombre de jours payables par l'employeur et le nombre de jours d'accidents mineurs?

Le Président (M. Rancourt): M. Paquin. (11 h 45)

M. Paquin: J'aimerais clarifier un point immédiatement, si vous me le permettez, M. Cusano. Le fait de passer de cinq à quatorze jours ouvrables - si je l'ai dit, j'aimerais corriger une chose, si c'est ce que vous avez compris - je ne dis pas que ça va automatiquement permettre aux employés de dire: D'accord, maintenant je peux en avoir dix, je vais m'en aller à dix. Ce qu'on dit, c'est que ça va inciter drôlement nos employés ou d'autres personnes à accepter le fait que maintenant c'est dix jours. Ça me surprend toujours de constater que les employés reviennent au travail le lundi matin. Pourquoi pas le jeudi après-midi ou le vendredi matin?

Vous me demandez un exemple d'abus. J'aimerais vous donner un exemple et vous allez comprendre que je ne peux vous donner trop de précisions. Nous avons l'exemple d'une compagnie qui a environ 300 employés, qui a un excellent record d'accidents, qui a annoncé dernièrement la fermeture de son usine à cause de la loi 126 et de beaucoup d'autres choses. On accepte que des préavis se donnent, etc. Ce qui nous fatigue un peu, c'est que pendant une courte période de temps il y a eu à peu près 160 demandes à la CSST. Il y en a sûrement qui sont fondées, mais je ne peux pas m'empêcher de croire qu'il n'y a pas quelque chose qui ne marche pas là-dedans.

Aujourd'hui, à cause du chômage, à cause de nos conditions économiques, à cause de beaucoup de facteurs, c'est tentant pour le travailleur qui se voit un jour face à la situation de se dire: J'ai le choix entre 66% de mon salaire à l'assurance-chômage ou à 90% du net. Je n'accuse personne, mais l'exemple que je vous donnais tantôt commence à me fatiguer.

J'aurais bien voulu pouvoir vous amener des statistiques sur des abus, mais vous allez comprendre qu'il est difficile de compiler les abus.

M. Cusano: Non, pas nécessairement des abus.

M. Paquin: Si vous me permettez M. Cusano, à ce sujet, j'aimerais passer la parole à M. Comtois.

Le Président (M. Rancourt): Me Comtois.

M. Comtois: M. le Président, M. le député, un seul point pour démontrer de façon encore plus concrète l'incitation que crée cette avance de cinq jours ou de quatorze jours lorsqu'on parle et on la relie au calcul de 90% du revenu net du travailleur. Je vous réfère à la partie 1 du mémoire du Conseil du patronat du Québec où vous avez trois tableaux très concrets démontrant trois situations familiales différentes où il est clair que l'avantage du travailleur est substantiel en partant sur le régime d'avance à 90% du net, il retire un revenu supérieur à son revenu net que s'il était au travail. C'est tout.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Viau.

M. Cusano: Merci. Toujours sur la question des coûts, on est préoccupé par la productivité et la concurrence que le Québec doit faire avec d'autres provinces canadiennes et nos amis du Sud. Pouvez-vous nous faire une comparaison, si c'est possible, entre une industrie du Québec semblable à celle de l'Ontario qui produit exactement le même produit fini, à savoir quels sont les coûts de l'employeur au Québec par rapport à celui de l'Ontario?

Le Président (M. Rancourt): M. Paquin.

M. Paquin: À ce sujet, M. le Président, c'est bien sûr qu'il y a des coûts qui sont répétitifs d'une province à l'autre. À ma connaissance, les primes d'assurance-chômage sont les mêmes partout. Il est dangereux et pour le moins délicat de répondre à cette question pour une des raisons suivantes. Par exemple, je pourrais vous dire qu'une fonderie au Québec paie un taux de X dollars des 100 $ pour la CSST, alors que cette même fonderie en Ontario paie moins ou plus, peu importe, disons, moins pour le moment. En 1984, ce sera probablement plus, mais c'est pour l'exemple. Le danger, c'est qu'on risque de comparer des pommes avec des bananes.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Viau.

M. Cusano: C'est pour ça que j'ai dit: Si elles sont comparables.

M. Paquin: Je dirais qu'à plusieurs égards ce n'est pas comparable parce que, encore une fois - je me permets l'expression - on compare des pommes avec des bananes. Bien sûr, il y en a d'autres qu'on peut comparer, que ce soit, comme je vous le disais, l'assurance-chômage ou les régimes de retraite, etc. Si vous me permettez d'ajouter à votre question: les employeurs qui nous contactent, qui nous appellent, qui nous rencontrent, je peux vous dire qu'ils sont drôlement préoccupés par les coûts, et c'est normal, les coûts globaux, ce qu'il en coûte de venir s'installer au Québec, c'est bien sûr, et ils font la même chose dans les autres provinces. Remarquez bien, ils s'informent. Il y a autre chose qui s'ajoute à cela aussi: par exemple, quel est le climat des relations du

travail au Québec? Enfin, tous les sujets que vous connaissez auxquels on fait référence occasionnellement, que ce soient les droits successoraux ou autres. Je peux vous dire que cela les préoccupe beaucoup. À tort ou à raison - c'est malheureux et nous le déplorons - bien souvent, il y a des choses qui sont mal dites et il y a des choses qui sont mal rapportées qui font que cela ne nous aide pas en termes d'investissement.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Viau.

M. Cusano: Merci. Vous dites, à la page 21 de votre mémoire, que vous ne voulez pas que la CSST vienne gérer vos entreprises. Vous dites que les caractéristiques d'un poste peuvent changer lorsqu'on parle de retour au travail. J'ai de la difficulté à comprendre cela. Dans le domaine de la construction, je comprends cela. Dans vos entreprises, vos manufactures, et particulièrement sur les chaînes de production, je ne peux pas concevoir que ces caractéristiques d'emploi vont changer d'un jour à l'autre, d'un mois à l'autre, d'une année à l'autre. Je crois que le changement se fait sur une période assez longue. Quels sont vos commentaires sur cela?

M. Paquin: J'aimerais passer la parole à Me Lavoie.

Le Président (M. Rancourt): Me Lavoie.

M. Lavoie (Mario): M. le Président, la réponse à cela, est que cela change plus vite qu'on ne le croit. Il y a des chaînes de montage qui sont très spécialisées. Les entreprises font appel à des robots. Les entreprises font appel à de nouveaux appareils. La tâche d'un travailleur qui était, il y a quelques années, égale, identique jour après jour, mois après mois, année après année change énormément. C'est cela le danger que l'on voit dans cette partie du texte. C'est qu'on ne nous donne pas la possibilité justement, dans l'éventualité où les caractéristiques du poste changeraient... Hypothèse: vous installez une nouvelle machine qui fait une nouvelle tâche. Elle est là. Est-ce qu'on peut le faire, est-ce qu'on ne peut pas le faire? Ce n'est pas précisé dans le texte. Ce que je tente de vous dire, finalement, c'est que ce que l'on a mentionné à la page 21 du texte, c'est le vécu de nos membres. C'est cela que nos membres nous disent. C'est cela la situation dans les entreprises. Ce qu'on croyait voir, il y a 10, 15 ou 20 ans, des postes qui ne changent plus d'une année à l'autre, cela existe de moins en moins, de là le commentaire que l'on faisait à la page 21.

Le Président (M. Rancourt): M. Paquin, comme complément de réponse.

M. Paquin: Me Comtois aimerait compléter cette réponse.

Le Président (M. Rancourt): D'accord. Me Comtois.

M. Comtois: M. le Président, juste un aspect complémentaire. Dans plusieurs entreprises, les parties à l'entreprise, le syndicat, les travailleurs et les employeurs, se sont négocié déjà des systèmes afin de prévoir une certaine réassignation dans les cas d'accidents du travail. Ces parties ont réussi à adapter un mécanisme suivant leurs fonctions, leur donnant une certaine flexibilité propre aux caractéristiques de l'entreprise. Une des craintes de l'AMC, c'est que le projet de loi, dans ce domaine, va venir purger ces systèmes du jour au lendemain parce qu'ils ne pourront se conformer à la lettre de la loi et il y a le risque encore que ce soient les dispositions du projet de loi sur la réassignation qui... Honnêtement, après une lecture attentive, je ne la comprends pas cette disposition. Nous en avons discuté en comité à plusieurs reprises avec des juristes et des non-juristes et nous ne sommes pas capables de la voir mise en pratique cette disposition.

La crainte que je vous exprime, c'est que, oui, la réassignation est possible dans le cadre des chaînes de montage et des usines de ce type, sauf que ce n'est pas aussi facile qu'on peut le croire à l'extérieur à cause des changements technologiques. Si je me permets encore d'insister, c'est qu'il est important de laisser aux parties du milieu le soin de déterminer quel est le processus approprié à leur entreprise et non de dicter quelque chose de l'extérieur.

Le Président (M. Rancourt): Bien. M. le député de Viau.

M. Cusano: Une chose qui m'inquiète dans le projet de loi et qui est reliée un peu à ce que M. Paquin disait tout à l'heure, c'est la question des étudiants. Au moment où une maladie professionnelle est diagnostiquée, la commission, selon le projet de loi, doit tenter de distribuer la responsabilité de cette maladie professionnelle entre les entreprises où l'individu a occupé un poste auparavant. J'ai une crainte de ce côté-là et j'aimerais avoir vos commentaires. Prenons le cas d'une personne âgée de 45 ou 50 ans qui bénéficie de l'assurance-chômage, qui n'a pas eu d'accident de travail ni de maladie professionnelle détectée; elle est simplement en chômage. Elle va frapper à la porte d'une compagnie pour se faire engager. Ce que je crains - peut-être que ma question devrait plutôt être adressée au ministre qu'à vous,

M. Paquin - c'est que, non seulement on exigerait de cet individu un examen médical, mais on lui demanderait de passer quatre ou cinq jours dans un hôpital pour s'assurer qu'il n'y a rien dans son sang ou dans son corps qui pourrait être, un jour, imputé à l'entreprise telle quelle. Quels sont vos commentaires là-dessus?

Le Président (M. Rancourt): M. Paquin.

M. Paquin: Vous apportez deux aspects. D'abord, les étudiants. Pour être bien honnête avec vous, nous avons une crainte fondée à ce propos parce que l'interprétation que nous faisons du projet de loi actuel concernant la question des étudiants pourrait donner le résultat suivant: un employeur qui engagerait un étudiant pour une période de deux semaines ou pour une période d'une semaine ou peut-être d'un mois et que cet étudiant subirait un accident, on va facturer cela à qui, d'autant plus si c'est un accident grave, s'il y a une mutilation, par exemple? La question qu'on se pose: Est-ce qu'il est équitable - dans le sens que parce que c'est vraiment un employé à temps partiel, ou vraiment temporaire pour une période bien déterminée, versus un employé qui travaille pour nous depuis 5 ans, 10 ans, 15 ans ou 20 ans - est-ce qu'il est vraiment correct, en somme, de faire supporter par l'employeur, pour le reste de la vie de l'entreprise, les coûts qui seraient occasionnés par un accident grave chez un étudiant? Comme je le disais tantôt, bien sûr que nous comprenons le principe de protéger. Je vais donner l'exemple classique: l'étudiant qui est en troisième année de médecine, qui va obtenir son diplôme dans six mois, qui vient chez nous, qui se blesse sérieusement et qui ne peut plus pratiquer la médecine. Je comprends qu'il y a mis beaucoup d'efforts et je formule l'hypothèse que, s'il avait continué ses études, il serait devenu médecin. Je veux bien embarquer dans le jeu, mais ce que je vous dis, c'est que, selon nous, il s'agit d'une mesure sociale qu'on ne rejette pas totalement, mais on n'est pas prêt à l'assumer en tant qu'employeur. Je pense que, si tel est le désir du législateur et du gouvernement, c'est une responsabilité de la société.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Viau. (12 heures)

M. Cusano: Ma deuxième question -peut-être que vous ne l'avez pas saisie -portait sur le fait que la loi prévoit, pour la maladie professionnelle, qu'au moment où elle est détectée, le coût de cette maladie professionnelle serait imputé aux employeurs précédents. Ma crainte, comme je le disais, c'est que si on prend quelqu'un qui est en chômage, qui a 45 ou 50 ans, ses chances de se faire employer quelque part peuvent diminuer dans le sens que ce ne sera pas un simple examen médical pour voir si la pression est bonne, si la vision est bonne, si le coeur bat comme il devrait. Je crains de ce côté-là qu'on pourrait se ramasser avec la situation que l'employeur, avant d'engager l'individu, va l'envoyer une semaine à l'hôpital pour passer tous les tests possibles sur toutes les maladies possibles avant qu'il soit engagé.

Le Président (M. Rancourt): M. Paquin.

M. Paquin: Vos craintes sont partagées, M. le député.

M. Cusano: Une dernière question.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Viau.

M. Cusano: On nous a souvent dit que les employeurs ont pris les dispositions nécessaires pour éliminer les accidents à la source. Je crois que les accidents majeurs ont diminué depuis quelques années. Tout le monde est préoccupé par les accidents considérés comme mineurs. Je me demande si des membres de votre association ont tenté des expérimentations comme il s'en fait dans certains pays où il y a des mesures incitatives à la prévention, c'est-à-dire, premièrement, on va afficher un calendrier quelque part et on dira: À cet endroit, cela fait dix jours qu'il n'y a pas eu d'accidents, ou cela fait quinze jours, ou cela fait vingt jours. Ce programme est relié à une somme qui sera distribuée par après aux employés dans l'usine au complet ou dans un secteur particulier de l'usine. Cette expérience a-t-elle été tentée? Si elle n'a pas été tentée, est-il possible de l'envisager?

Le Président (M. Rancourt): M. Paquin.

M. Paquin: M. le député, vous avez raison lorsque vous dites qu'il y a eu effectivement depuis quelques années diminution d'accidents graves, mais au détriment toutefois d'une certaine augmentation au profit des accidents qu'on pourrait appeler mineurs. Il y a plusieurs années, il était fréquent de voir des employeurs adopter ce que vous appelez des mesures incitatives. On met des grands tableaux et on dit: Cela fait 114 jours qu'on n'a pas eu d'accident et cela va bien. Mais la venue de la loi 17, Loi sur la santé et la sécurité du travail, a au moins eu un effet bénéfique. Enfin, il y en a eu plusieurs, mais il y en a eu au moins un. C'est d'éveiller tout le monde à l'importance à accorder à la santé et à la sécurité de tout le monde. Je ne vous dis pas qu'il ne s'en faisait pas avant. Cela a, en somme, sensibilisé tout le

monde à l'importance de cette chose-là. Je pense qu'aujourd'hui les employeurs, et quitte à ce qu'on complète ici, ont plutôt adopté l'attitude suivante: mettre beaucoup d'effort au niveau de la prévention et de l'élimination des dangers à la source ou des conditions dangereuses. C'est prouvé par le fait qu'on a eu, comme vous le disiez tantôt, une diminution de nos accidents graves, par contre, au profit d'une augmentation d'accidents mineurs. Là, il faudrait peut-être se poser la question: pourquoi? Je serais porté à vous dire qu'il est à ce stade-ci, même si la loi 17 est en vigueur depuis 1980, peut-être encore un peu trop tôt pour évaluer vraiment ce que cela a donné, finalement, la loi 17 en termes de résultats et de buts poursuivis. Je pense qu'on s'en va toutefois dans la bonne direction. Mais, pour répondre finalement à votre question, je pense qu'il est de moins en moins populaire pour les employeurs d'adopter des programmes comme, par exemple: Si tu n'as pas d'accident pendant un an, je vais te donner une dinde pour Noël. Enfin, c'est un exemple un peu charrié. Je pense qu'on laisse cette mentalité qui existait auparavant au profit, par contre, de sensibiliser davantage nos travailleurs à la prévention. Les employeurs, croyez-moi, y mettent les efforts et l'argent, et ce sont des coûts indirects. Je pense qu'on s'en va dans la bonne voie. Je ne crois pas, quitte à ce que je me fasse dédire par mes confrères, qu'il serait de bon augure de dire: Voici, on va vous donner une carotte à la fin de l'année si vous n'avez pas d'accident. D'abord, l'employé, le premier, n'est pas intéressé à en avoir un.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Prévost.

M. Dean: Merci, M. le Président.

M. Paquin, brièvement, en réponse aux questions de mon collègue, vous avez parlé d'un coussin de 0,10 $ entre 1,79 $ et 1,89 $. Est-ce que ce coussin n'était pas gardé aussi dans l'hypothèse - à ce moment, c'était l'acceptation par le monde patronal -d'une augmentation des coûts de 25 000 000 $?

Le Président (M. Rancourt): M. Paquin.

M. Paquin: D'accord. Il y avait une telle hypothèse, si on se réfère au projet de loi 42. Cela ne contredit pas ce que je disais tantôt; les employeurs ont toujours été d'accord pour accepter le principe du remplacement du revenu, etc. Selon les évaluations de l'époque - parce qu'il y en a eu plusieurs - à un certain moment, le fait de modifier la Loi sur les accidents du travail pouvait représenter un montant d'environ 25 000 000 $, comme vous le dites. Les employeurs ont toujours été prêts à payer cela. Ces 25 000 000 $, cela peut représenter à peu près 0,04 $ ou 0,05 $, mais il y avait quand même 0,05 $ additionnels.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Prévost.

M. Dean: Dans la définition de l'accident, avec les mots "imprévu" ou "soudain", etc., cela semble être accepté dans la jurisprudence non seulement au Québec, mais ailleurs, qu'il existe des conditions de diminution de la santé ou de l'intégrité physique des travailleurs attribuables à des gestes répétitifs pendant une longue période de temps, de gestes qui impliquent la force, les vibrations d'outillage, la position de torsion du corps qui ne provoquent pas un incident soudain ou imprévu, mais qui produisent quand même une diminution incontestable de l'intégrité physique du travailleur. Par vos remarques, est-ce que vous nous indiquez que vous niez l'existence d'un tel phénomène en ce qui regarde le débat autour de la définition de l'accident?

Le Président (M. Rancourt): M. Paquin.

M. Paquin: Non, M. Dean. Bien sûr, je ne nie pas ce que vous venez de dire en ce sens qu'à un certain moment - je ne veux pas reprendre vos paroles - un travail répétitif peut faire qu'une condition quelconque se développe et que cela devienne un accident du travail. Ce n'est pas ce que l'on veut dire. Par exemple, tu ne deviens pas sourd du jour au lendemain, ce n'est pas possible, c'est parce que tu as travaillé ailleurs, c'est parce que tu as travaillé longtemps chez vous, enfin, il y a un paquet de facteurs. Dans les explications qu'on vous a données sur toute la notion d'accident du travail, avec ce qu'on a enlevé et ce qu'on a ajouté, on ne veut pas enlever ou minimiser cet aspect de la question.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Prévost.

M. Dean: M. Prévost, député de Dean.

Le Président (M. Rancourt): Bien sûr, on pourrait faire des échanges.

M. Dean: Comme vous, j'aime jouer avec les textes, peut-être pour les mêmes raisons, une expérience des relations du travail. Je vous poserai une question très hypothétique qui ne représente aucunement un engagement ou une indication d'engagement de la part du ministre ou du gouvernement. Si on définissait l'accident simplement par le fait ou l'occasion de

l'accident et qu'on laissait au dictionnaire et à la jurisprudence le soin de déterminer ou de préciser le sens à donner à un accident du travail, est-ce que c'est quelque chose qui vous sourirait ou si vous préférez vous tenir plus près de ce qui existe actuellement?

Le Président (M. Rancourt): Me Comtois.

M. Comtois: M. le Président, M. Dean, ce ne serait pas préférable pour la raison suivante. Il y a déjà une définition d'incorporée depuis moultes années dans le cadre de la loi. Les tribunaux supérieurs ont dû se pencher sur cette définition incluant le mot "imprévu"; des sommes d'argent et des énergies ont été dépensées, tant par les travailleurs que par l'appareil gouvernemental et les employeurs, afin de cerner ces définitions. En modifiant la définition comme elle est proposée dans le projet de loi 42 ou comme vous le suggérez, vous repartez le processus de réinterprétation de cette nouvelle définition d'accident ou de cette absence de définition d'accident.

Je ne crois pas qu'il soit approprié de rouvrir l'ensemble du débat à ce niveau. Par contre, il nous semble approprié de codifier ce que les tribunaux supérieurs ont déjà interprété dans ce sens, dans la mesure où c'est approprié, et de l'incorporer, ne serait-ce que pour l'avoir dans un seul texte au lieu de faire référence à dix textes différents. C'est dans ce sens que la recommandation de l'AMC s'exprime.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Prévost.

M. Dean: Seulement pour préciser une chose dans ce débat. N'est-il pas vrai que certaines des interprétations d'un accident du travail que le monde patronal semble déplorer sont plutôt le résultat de décisions des tribunaux supérieurs et non des décisions d'application ou d'administration de la part de la CSST ou de la Commission des accidents du travail du passé?

Le Président (M. Rancourt): Me Comtois.

M. Comtois: M. le Président, M. Dean, là-dessus je pense avoir une différente opinion. Les décisions qui nous semblent plus ou moins bizarres à ce niveau de la définition d'accident proviennent d'organismes administratifs et, plus rarement, des tribunaux judiciaires de droit commun. Est-ce attribuable au fait qu'ils sont un peu plus distants des contraintes du milieu? Ils déterminent avec des principes qui permettent de guider des employeurs par la suite et les travailleurs. Je ne crois pas que ce soient les tribunaux supérieurs qui ont créé les problèmes d'interprétation. Au contraire, ils en ont éliminé plusieurs.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Prévost.

M. Dean: M. Comtois a répondu en bonne partie tantôt à une question que je voulais poser en ce qui regarde le retour au travail et son implication sur les clauses d'ancienneté et les doutes qu'on peut avoir quant à l'interprétation à donner aux articles du projet de loi. J'ai déjà eu la même réflexion du monde syndical, soit que l'interprétation à donner à ces textes peut prêter à plusieurs conflits d'interprétation.

Vous avez aussi évoqué le fait qu'il existe dans de nombreuses conventions collectives des clauses négociées par les parties qui prévoient d'une façon ou d'une autre une réhabilitation, la possibilité d'une entente patronale-syndicale pour réaffecter les travailleurs, blessés ou souffrant d'une incapacité partielle, à d'autres travaux et comment on arrime cela avec les clauses d'ancienneté dans l'entreprise en question. D'après vos conseillers juridiques, M. Paquin, si on essayait de trouver une formule par laquelle la loi consacrerait le principe de l'obligation... du droit de retour au travail -je sais que vous aimeriez l'obligation; c'est un lapsus...

M. Paquin: C'est bien. C'est bien.

M. Dean: Si la loi encadrait clairement le droit de retour au travail, mais incitait ou obligeait les parties, par négociation collective ou par convention patronale-syndicale de légiférer en quelque sorte les modalités de l'exercice de ce droit selon les conditions applicables à l'entreprise, pensez-vous qu'une telle approche soit possible?

Le Président (M. Rancourt): Me Comtois.

M. Comtois: M. le Président, M. le député, c'est un concept qui mérite certainement notre attention et notre intérêt. C'est nettement préférable à ce que le projet de loi 42 prévoit actuellement. Tel qu'exprimé plus tôt par M. Paquin, l'AMC se ferait un plaisir de s'asseoir avec vos représentants et représentantes du gouvernement afin de travailler sur une telle hypothèse plus avant, parce que nous croyons qu'elle mérite une attention définitive.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Prévost.

M. Dean: Dans son mémoire, l'autre jour, la Fédération des travailleurs du Québec a évoqué une question - c'est le premier groupe à l'évoquer dans le contexte

de nos discussions sur ce projet de loi -celle de l'alcoolisme et son impact dans le monde du travail. On note avec intérêt que votre organisation, votre association, représente 1700 entreprises manufacturières au Québec et 9500 au Canada. Ma question comprend deux volets: Est-ce que votre association a déjà effectué des travaux d'évaluation, de recherche sur cette question de l'alcoolisme et de son impact dans le milieu du travail? Sinon, seriez-vous prêts à contribuer à un tel effort de recherche dont le ministre a dit l'autre jour, en réponse à la FTQ, qu'il était disposé à le susciter dans notre milieu québécois? (12 h 15)

Le Président (M. Rancourt): M. Paquin.

M. Paquin: M. Dean, le hasard veut que j'aie effectivement travaillé dans une distillerie pendant six ans.

M. Dean: Vous en êtes sorti debout?

M. Paquin: Une petite anecdote: après avoir encouragé les gens à prendre un peu de boisson, je suis allé dans le domaine pharmaceutique où je les ai encouragés à prendre des pilules. Maintenant, je suis dans une association pour essayer de les réhabiliter.

Ceci dit, M. le ministre, la remarque que je me permettrai de vous faire est la suivante: pour votre information, alors que je siégeais comme représentant de ma compagnie au sein d'une association de distillateurs canadiens, je peux vous assurer -je ne pense pas que cela ait changé depuis ce temps - que toutes les distilleries, que je sache, ont des programmes intensifs pour combattre l'alcoolisme chez elles. Vous allez comprendre que c'est un bel endroit pour en prendre, pour ceux qui le veulent.

En complément à votre réponse, j'ai pris connaissance du discours du ministre Fréchette tout dernièrement à ce sujet - je vais oublier la tribune où vous étiez, M. le ministre. Je peux vous dire que l'AMC est prête à contribuer à une telle étude sur l'alcoolisme et les effets que cela peut avoir sur le travail. On est prêt à y collaborer, d'autant plus que presque tous les distillateurs canadiens, sinon tous, sont membres de notre association. Je suis sûr qu'on pourrait même rendre service à toutes les autres provinces si on faisait une excellente étude.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Prévost.

M. Paquin: M. le Président, M. Dessureault pourrait compléter, si vous le lui permettiez.

Le Président (M. Rancourt): Bien sûr, M. Dessureault, en complément de réponse.

M. Dessureault: Un commentaire à deux volets, M. le Président: pendant qu'on parle d'accidents du travail, il y a beaucoup plus de jours d'absence causés par les accidents à l'extérieur du travail. C'est une grande préoccupation des employeurs. À ce niveau, l'absentéisme est causé non seulement par l'accident, mais aussi par ces maladies dont l'alcoolisme, les drogues, etc. Je suis certain que, si on faisait oeuvre de concertation à ce niveau et des travaux de recherche... L'AMC a déjà un document qu'on pourrait mettre à votre disposition sur l'absentéisme. Peut-être que mes confrères ne l'ont pas encore regardé, mais on va le mettre à votre disposition. Nous sommes aussi à votre disposition pour faire ce genre d'étude ou de recherche pour en arriver à des solutions qui permettront d'éliminer ou de diminuer l'absentéisme qui est un fléau, non seulement au Québec, mais partout en Amérique du Nord et peut-être partout dans le monde, qui réduit énormément la productivité de nos entreprises, non seulement les entreprises manufacturières, mais aussi les entreprises commerciales et les services. Si on peut travailler à augmenter notre productivité pour assurer notre essor économique, on fera vraiment oeuvre de concertation utile.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Prévost.

M. Dean: Merci. D'ici à la fin de mes 20 minutes, j'aimerais qu'on discute un peu de cette question des coûts comparatifs qui me fatigue toujours et autour de laquelle, je pense, il y a - à défaut de recherches précises - beaucoup de charriage, même s'il y a un fond de vérité. Il faut être aveugle, surtout dans la situation économique mondiale d'aujourd'hui, pour ne pas prétendre que l'existence même de nos industries, de nos emplois, de nos profits dépend beaucoup de notre compétitivité internationale. On n'a aucun doute que l'efficacité et la qualité de notre production au meilleur prix possible est un facteur important de création et de maintien d'emplois pour toute notre vie économique.

Je sais que c'est très difficile de couvrir tous les éléments d'études de coûts comparatifs. Je le sais pour avoir essayé de le faire et m'être fait dire par des actuaires et des économistes très réputés que c'était très difficile. Comme vous l'avez dit tantôt, comparer des pommes avec des oranges n'est pas toujours facile. Il me semble que notre discussion des coûts comparatifs est beaucoup influencée par le fait qu'on essaie de comparer des lois avec d'autres lois ou une absence de loi dans d'autres provinces ou dans d'autres États voisins, mais peut-être pas les coûts totaux d'avantages sociaux

donnés par des lois ou fournis dans les faits par les entreprises à leurs employés.

Il y a un chiffre qui semble incontestable et dont j'ai entendu parler dans l'industrie automobile que vous me pardonnerez de connaître un peu; on a égalité d'équipement, de productivité, d'outillage; à outillage égal et à équipement égal, à organisation du travail égale, les chiffres dont je dispose indiquent à salaire et à avantages sociaux égaux, dans les entreprises multinationales de l'automobile -je ne leur en veux pas, cela nous favorise, tant mieux - il y a une différence d'environ 5 $ l'heure dans les coûts de production entre le Canada et les États-Unis. La moitié de cette différence est due au taux de change et l'autre moitié est due au fait que justement la somme des avantages sociaux au Canada, à cause de nos lois, réduit substantiellement le coût pour l'entreprise de donner des avantages d'assurance collective ou de régime de retraite. Ces faits ne sont peut-être pas les mêmes dans chaque industrie. Il peut y avoir des différences d'outillage ou d'équipement, mais j'aimerais que vous nous disiez quelques mots en réplique à mes remarques.

En terminant mes remarques à ce sujet, je fais référence au document de l'Association des manufacturiers canadiens que j'estime beaucoup. Tout en étant très intéressé au quatrième volet qui touche les ressources humaines, je n'ai pas omis de lire les volets 1, 2 et 3 où l'Association des manufacturiers canadiens a fait l'espèce de confession publique très louable que beaucoup de problèmes de l'industrie canadienne étaient sûrement dus aux défauts de financement, de technologie, d'administration et de gestion des entreprises. Je pense qu'on se trouve sur le même terrain ou autour d'une même table de discusssion sur ce point.

Je voulais savoir si vous pourriez préciser ou infirmer les affirmations que je fais sur cette question de coûts comparatifs entre les provinces et les États voisins.

Le Président (M. Rancourt): M. Paquin.

M. Paquin: Je vais commencer avec la dernière remarque du député de Prévost, M. Dean. Vous faites référence à la publication que nous avons sortie il y a un an, un an et demi et qui s'intitulait La concurrence dans le village terrestre, où vous dites que les employeurs canadiens et, par conséquent, les employeurs québécois ont fait un genre de confession publique. Vous pouvez le cataloguer, lui donner ce titre-là; on ne le refuse pas. Le message que...

Le Président (M. Rancourt): Je m'excuse. M. le député de Prévost.

M. Dean: Je veux préciser, je ne voulais aucunement que ma remarque soit interprétée comme une critique ou une condamnation. C'est peut-être ma terminologie qui fait défaut mais...

M. Paquin: Ce n'est pas...

Le Président (M. Rancourt): M. Paquin, vous avez la parole.

M. Paquin: Je voulais ajouter à ceci, M. Dean, vous connaissez maintenant assez bien, je pense, l'Association des manufacturiers canadiens pour savoir que depuis plusieurs années nous prônons ce que nous appelons la concertation, la collaboration avec tous les milieux intéressés. À la suite de cette référence que vous faites de confession publique, je souhaite - je peux vous dire que plusieurs et même la majorité de nos membres souhaitent la même chose -que tous les intervenants fassent cette même confession publique. Peut-être ainsi serons-nous assis à une table égale et il sera agréable de parler de collaboration.

En réponse à vos remarques initiales, je pense que c'est la Chambre de commerce de la province de Québec qui, au tout début, mardi, vous faisait part de coûts de main-d'oeuvre. Je pense qu'on citait les chiffres de 3 000 000 000 $ ou 3 500 000 000 $. Je ne voudrais pas tomber dans un cas particulier, à savoir le cas de l'automobile au Québec. Vous avez sans doute raison mais je pense qu'il y a des personnes ici plus habilitées que moi pour y répondre. Je voudrais simplement garder le sujet dans un ensemble global, en ce sens que je pense qu'il est de l'intérêt de tous, tout en s'assurant d'une protection juste et adéquate pour tout le monde, que ce soient les travailleurs, nos employeurs, nos compagnies... On doit tous travailler ensemble et voir à ce que - je m'excuse du terme - ce soit "le fun" ici. C'est possible de faire ça, si on peut s'asseoir et commencer à regarder tout ça ensemble.

Sur la question des coûts, je pense que vous seriez le premier surpris - et je ne voudrais pas vous voir tomber de votre chaise et vous blesser - si on ne vous disait pas, à toutes les fois qu'une loi nous coûte quelque chose: Essayez donc d'en diminuer les coûts un petit peu!

Si je reviens aux coûts de la santé et de la sécurité au Québec, partant du principe qu'on accepte tous les objectifs - je pense que vous nous connaissez assez pour savoir que, lorsqu'on dit quelque chose, "we mean it" - le fait demeure qu'on est rendu à un point où, en 1984, ça va coûter 1 000 000 000 $, quand on prend tous les revenus. On dit: C'est déjà pas mal. Il y a, bien sûr, des choses dans le projet de loi 42 qu'on pourrait faire éventuellement, mais on

vous dit aussi que ce n'est peut-être pas le temps de le faire. On commence à sortir du tunnel, économiquement parlant. C'est d'ailleurs un peu le même discours qu'on vous tenait en septembre 1979, lors de la commission parlementaire sur la loi 17. On vous disait: N'y allez pas trop vite! On a eu une certaine écoute. On sait qu'on y va progressivement, mais on sait aussi ce que ça coûte de façon directe. Ce que vous ne savez peut-être pas, c'est ce que ça coûte de façon indirecte.

Quand on vous dit, dans le mémoire, que la santé et la sécurité du travail, de façon directe, coûte à peu près 1 000 000 000 $, on figure que c'est à peu près 25% du coût. Cela commence à s'additionner, à un certain moment. Je ne sais pas si on peut résumer sur cette question des coûts, M. le Président, mais je peux vous dire que vous pouvez être assuré qu'on va toujours être ici, si on y est invité, pour parler de coûts. L'important, il ne faut pas l'oublier, c'est qu'on le dit dans un contexte de maintien d'abord et de création d'emplois après. C'est ce petit bout qu'il ne faut pas oublier.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: Merci, M. le Président. M. Paquin, je voudrais justement parler des coûts. Vous avez fait référence, au début de votre exposé, à ce rapport qu'on a reçu hier ou avant-hier. Au début des travaux, mardi, l'élément des coûts a été mentionné très fréquemment. On commençait par des estimations très vagues. Personne n'était au courant à savoir combien ça pouvait coûter. À un moment donné, le ministre nous annonce l'heureuse nouvelle, avec le rapport des actuaires, une autre brique - on compare le projet de loi 42 avec la situation actuelle - "Messieurs, il n'y a pas d'augmentation, il y a une réduction." On a économisé 18 100 000 $. Je ne suis pas actuaire, mais je sais une chose. Les actuaires sont comme les avocats. Vous demandez une opinion à trois avocats et vous avez trois opinions différentes. Le ministre est au courant, il y a même des lois où le gouvernement est avisé que légalement la loi est parfaite, c'est ridicule d'attaquer ça et, un an ou deux plus tard, c'est décrété inconstitutionnel. Il faut être prudent aussi avec les actuaires.

J'ai commencé à lire un peu ce rapport de l'actuaire pour voir que ça ne tient pas debout. J'ai lu le projet de loi et ma première réaction a été qu'il faut que ça coûte plus que ça m'en coûte maintenant. J'étais très surpris d'en arriver à cette conclusion.

Je reviens à votre mémoire. Ce matin, vous avez parlé - aux pages 7 et 11 de votre mémoire - de la nouvelle définition du mot "accident". C'est très important. Pour moi, la conclusion est qu'on élargit la définition et, par le fait même, on élargit le nombre de ceux qui vont devenir des victimes ou des personnes qui peuvent réclamer en vertu de la loi. (12 h 30)

Vous avez parlé des ajouts de blessures aux pages 11 et 12. C'est un tout nouveau concept et ça va sans doute encore ajouter, peut-être pas au nombre d'accidentés, mais à la définition et au point de vue des paiements qu'on doit faire.

On a parlé des maladies professionnelles. L'article 266 du projet de loi donne le droit à la commission d'ajouter à la catégorie des maladies professionnelles. On a parlé ce matin de la catégorie des étudiants. J'ai regardé dans ce rapport d'actuaires et je me dis: Est-ce qu'ils ont fait une étude sur tous les éléments de nouveauté dans le projet de loi, soit par l'élargissement des définitions, comme vous l'avez dit, ou d'autres domaines? Je vais vous lire un passage de la page 3 de l'annexe A de cette brique des actuaires, où on dit: Les données des années 1976 à 1982 ont constitué la base des données servant à projeter le nombre de victimes pour 1984. Ils le disent carrément: on a pris les données de 1976 à 1982 et on a pris cela comme base pour déterminer le nombre d'accidentés pour 1984.

Ils disent: Nous avons fait l'hypothèse que la nouvelle définition du terme "lésion professionnelle" - et j'ajoute "accident" parce que le terme "lésion professionnelle" fait référence à la définition du mot "accident" -n'aurait pas d'impact sur le nombre de victimes. Donc, l'actuaire dit: Selon nous, cela n'a pas d'impact sur le nombre de victimes. Je ne suis pas d'accord avec cela du tout. J'aimerais savoir de vous, parlant de la nouvelle définition de "accident", "catégories d'étudiants", "maladies professionnelles"... Aux avantages sociaux, par exemple, l'actuaire dit clairement: C'est un coût qui a été pris directement par l'employeur. Cela veut dire que ce sont des avantages sociaux qui sont payés dans le cas de l'exercice du droit de retour au travail. On admet que cela n'est pas inclus dans les calculs. C'est le seul élément. Tous les autres éléments s'y trouvent. Avez-vous d'autres renseignements à donner, M. Paquin, concernant une étude qui existe ou qui a été commandée auprès de la CSST sur les nouveautés dans le projet de loi 42, le coût de toutes ces nouveautés?

Le Président (M. Rancourt): M. Paquin.

M. Paquin: À ma connaissance, M. le député, je n'ai pas d'information, à savoir si d'autres études ont été faites sur le genre

de coût que pourraient présenter les hypothèses que vous venez de formuler. Je ne sais pas, je ne dis pas qu'il n'y en a pas, mais, non, à ma connaissance, la CSST n'aurait pas commandé une telle étude.

J'aimerais, par contre, si vous me le permettez, ajouter ceci: si, en 1980, juste un peu avant le début du processus de la CSST, on avait dit qu'en 1980 il en coûtait 500 000 000 $ et que quatre ans plus tard il en coûterait 1 000 000 000 $, je ne suis pas sûr que la réaction aurait été la même de la part de plusieurs personnes. L'étude que nous avons actuellement sur les implications financières des dispositions du projet de loi 42, encore sous réserve du fait que je ne l'ai pas analysé en détail... je ferai remarquer également qu'il y avait des hypothèses formulées, à savoir que, bon, on n'a pas tenu compte de telle et telle chose. Il va falloir un jour qu'on en tienne compte. S'il n'y a pas d'étude de faite, que ce soit par la CSST, par le ministère, par nous ou par d'autres organismes pour évaluer cette chose, ce qu'on sait, c'est que cela va être au moins plus cher. De combien? Je pense que votre boule de cristal est aussi bonne que la mienne: 25 000 000 $, 50 000 000 $, 75 000 000 $, on ne le sait pas.

En 1980, au meilleur de ma souvenance, je pense que personne en commission parlementaire, fin 1979, début 1980, n'a dit: Cela va coûter à peu près 500 000 000 $ tout de suite et 1 000 000 000 $ quatre ans plus tard. Là, je ne vous dis pas qu'en 1984 c'est 1 000 000 000 $ et qu'en 1988 cela va être 2 000 000 000 $, mais on ne le sait pas. Cela nous inquiète énormément. On déplore énormément le fait - j'insiste là-dessus - que nous n'ayons pas eu le temps, avant d'arriver en commission parlementaire, de pouvoir jeter un coup d'oeil sérieux là-dessus et, de ce fait, si on avait pu le faire, on aurait peut-être pu vous arriver nous autres aussi avec des chiffres, mais on n'a pas pu.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: Est-ce que vous appuyez la demande de M. Dufour qui disait ou qui réclamait justement une telle étude qui vraiment essaie, au meilleur des possibilités, d'estimer l'impact financier de tous ces changements. Et plus on entend des mémoires, plus on en trouve. Je n'avais jamais réalisé, par exemple, que la définition du mot "accident" avait un tel impact, mais, de la manière que vous expliquez cela dans votre mémoire, il n'y a pas de doute qu'avec la nouvelle définition du mot "accident", il y aura augmentation du nombre de réclamants. On a probablement des dizaines d'exemples. Est-ce que votre organisme appuie une telle étude pour savoir quel serait le coût réel, approximatif, de ces nouveautés, de ces changements?

Le Président (M. Rancourt): M. Paquin.

M. Paquin: Le Conseil du patronat, comme vous le disiez, réclamait une étude et bien sûr nous sommes d'accord. Je vais essayer de vous donner un élément additionnel à ce qu'il aurait pu apporter comme argument. Au moment où on se parle, malgré le fait que la loi 17 existe depuis quatre ans, on découvre encore des choses et on n'en connaît pas l'impact réel. Par exemple, combien vont coûter les comités de santé et de sécurité qui entrent en vigueur et qui sont entrés en vigueur depuis quelque temps? Je n'ouvre pas un débat pour savoir si on en veut ou non. Cela va coûter combien tantôt des représentants à la prévention? Il y a des statistiques, des chiffres qui ont été publiés là-dessus. On nous les a soumis, mais je ne suis pas sûr que ces chiffres sont bons. Sans être péjoratif vis-à-vis de ceux qui les ont produits, je ne suis pas certain qu'on a tout considéré. Qu'est-ce que cela coûte à un employeur de réunir son comité de santé et de sécurité pendant deux heures chaque semaine? Multipliez cela par les 145 000 employeurs qu'on cotise.

Je reviens à votre question. Il serait, selon moi, primordial - je vous fais une suggestion - de donner le mandat au conseil d'administration de la CSST d'étudier en profondeur les coûts de cela avant d'aller trop loin dans l'adoption du projet de loi 42. Cela dit, je vous dis tout de suite que l'article 38.4, demain matin, si vous le voulez, on est prêt à le régler. Mais, quant à toute autre bonification qui peut susciter des coûts, avant de vous dire qu'on ne veut rien savoir, on aimerait pouvoir vous dire: Voici ce que cela va coûter. Je pense qu'à ce titre-là il serait des plus sage, si le législateur - et c'est une suggestion que je vous fais; elle méritera votre attention ou non... Peut-être que le conseil d'administration devrait avoir le mandat de regarder de près les implications financières de cette chose-là.

M. Polak: Dernière question.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: Merci, M. le Président. À propos du problème du droit de retour au travail, de la manière que j'ai lu le texte du projet de loi, c'était vraiment un droit que le travailleur avait de reprendre sa fonction. Quand j'ai questionné M. Laberge à ce sujet, j'ai été surpris qu'il dise non et que, selon lui, c'était seulement au cas où l'emploi était encore disponible. Je lui ai posé la

question: Qu'est-ce qui arrive dans un cas où l'emploi doit être rempli par un nouvel employé? Est-ce qu'il y a un "bumping" de celui qui prend la place? Donc, j'imagine qu'au point de vue syndical c'est un peu difficile de promouvoir l'idée que l'ancien va remplacer forcément quelqu'un qui a peut-être autant le droit de travailler. Donc, M. Laberge faisait la distinction, à savoir que c'est seulement dans le cas où l'emploi était encore disponible.

Le Président (M. Rancourt): Me Lavoie.

M. Polak: Je voudrais savoir, après avoir lu votre mémoire, de quelle manière vous accepteriez ce droit de retour au travail ou bien si vous dites que c'est impossible de travailler avec cette formule.

Le Président (M. Rancourt): Me Lavoie.

M. Lavoie: Merci, M. le Président. En ce qui a trait à la première partie de votre question, je suis un peu étonné des commentaires qu'a faits M. Laberge. En lisant les articles 145 à 170 du projet de loi, il semble clair, quant à moi, que ce droit n'existe pas uniquement dans le cas où l'emploi est toujours disponible puisqu'on crée un droit à son emploi. Ensuite, on nous dit, à l'article 147, par exemple, que cet emploi, il pourra l'occuper pendant une période ou qu'il pourra retourner à cet emploi dans l'année qui suit, si c'est dans un établissement de 20 travailleurs ou moins, ou dans les deux ans qui suivent, si c'est un établissement de 20 travailleurs ou plus. De plus, je vous avoue que nous étions plusieurs pour examiner tout cet aspect de la loi et que nous nous sommes posé un grand nombre de questions dont seulement quelques-unes sont reflétées dans notre mémoire. Il semble à première vue qu'il y a beaucoup d'ambiguïtés qui mériteraient d'être éclaircies. De là la suggestion que M. Paquin faisait tout à l'heure que l'on révise tout cet aspect du retour au travail. Comme vous l'avez constaté dans notre mémoire, nous ne nions pas ce droit, tout ce que l'on dit, c'est que la façon dont il est articulé et la façon dont on veut que les gens retournent à leur travail, c'est loin d'être clair et facile à comprendre. Il nous semble qu'il y a peut-être d'autres façons de procéder. Pour ce faire, il faudrait qu'on ait une espèce de concertation. C'est la première partie de votre question.

La deuxième partie de votre question, le "bumping". En lisant l'article 159, je regrette, mais je le vois le "bumping" dans l'article 159, à moins qu'on nous donne une autre interprétation qui serait différente. Mais, s'il y a deux interprétations différentes, comme on est au stade du projet de loi, pourquoi ne pas l'éclaircir? Pourquoi ne pas écrire clairement ce que l'on veut dire?

M. Polak: Merci bien.

Le Président (M. Rancourt): Vous avez terminé, M. le député de Sainte-Anne?

M. Polak: Oui, parce que je voudrais laisser la chance au député de Louis-Hébert de parler.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: Merci, M. le Président. Le mémoire qui nous est présenté aujourd'hui à cette commission parlementaire nous permet de mettre le doigt sur de nombreuses lacunes qui sont soulignées de façon très claire. Il nous permet de nous poser des questions qui sont, finalement, des questions fondamentales. Je retiens, en autres choses, que l'Association des manufacturiers canadiens s'inquiète du fait qu'elle ne voit dans le projet de loi 42 aucune disposition qui soit de nature directement et d'une façon prouvable à améliorer la santé et la sécurité du travail. C'est quelque chose d'important. On a devant nous un projet de loi qui s'intitule Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles. On devrait retrouver en filigrane partout, dans ce projet de loi, la traduction d'une volonté précise par des mesures précises d'augmenter la santé et la sécurité du travail. Cela ne me semble pas être facilement vérifiable dans le projet de loi que nous avons devant nous.

L'inquiétude que vous manifestez et le scepticisme, devrais-je dire, que vous manifestez concernant l'économie présumée de 18 000 000 $ ou 20 000 000 $ avec l'application du régime qui nous est proposé dans le projet de loi me laisse fort songeur aussi. Pour pouvoir faire une projection de ce que va engendrer ce genre de projet de loi, il faut se référer au passé. À la page 5 ou 6 de votre mémoire, je note l'augmentation fulgurante des coûts qui sont passés de 1980 de 550 000 000 $, je crois, à 1 000 000 000 $. Ce que je voudrais savoir de vous, et c'est là ma première question: Vous avez examiné ce qui s'est passé par un calcul des chiffres que vous aviez en main entre l'année 1980 et l'année 1983. Faisons abstraction du projet de loi qu'on a entre les mains. Quels auraient été les coûts? Qu'est-ce qu'on aurait retrouvé comme coûts dans deux ans, par exemple, pour l'administration du régime de protection ou de sécurité et de santé au travail qu'on a actuellement? En avez-vous une vague idée? Est-ce que la projection qu'on a et que vous avez identifiée entre 1980 et 1984 se serait poursuivie au même rythme, ou à peu près,

ou si vous n'avez pas eu l'occasion de regarder ce qui se serait produit? (12 h 45)

Le Président (M. Rancourt): M. Paquin.

M. Paquin: Avec toutes les précautions que cela prend quand on parle de projection, puisqu'on formule quand même des hypothèses, pour être honnête, il faut quand même dire ceci. Si je ne l'ai pas dit tantôt, c'était un blanc de mémoire, et non pas un oubli volontaire. Bien sûr, quant à la progression de 540 000 000 $ à 1 000 000 000 $ dont je fais mention dans le mémoire, il ne faut pas oublier qu'on est quand même dans un processus d'implantation d'autres lois, ce qu'on appelle la loi 17 sur la santé et la sécurité du travail. Ces mesures d'implantation font qu'au niveau des montants qu'on va investir dans les DSC, les CLSC, etc., pour toute la question de la santé, on s'attend que cela augmente un petit peu. Il faut implanter ce qui est d'abord dans la loi 17.

Lorsqu'on dit, dans notre mémoire, que ce projet de loi 42 ne fait absolument rien en termes de santé et de sécurité du travail, il faut aussi dire que c'est un peu normal parce que c'est cette loi qui établit des mécanismes pour pouvoir administrer l'autre. En somme, c'est cette loi qui nous dit comment payer, etc. Le but de cette loi, ce n'est pas nécessairement de protéger la santé et la sécurité, mais on disait dans notre mémoire que cela va nous occasionner encore beaucoup de coûts. Ces coûts ne pourront pas être affectés à la santé et à la sécurité des travailleurs; c'est dans ce sens qu'il faut le prendre.

Quant aux projections pour les années à venir, ce qu'on peut dire - là, il faut y mettre toutes les réserves quand on parle de projections - c'est que ce sont des hypothèses que l'on formule. Bien sûr, il reste encore un degré d'implantation, il y a encore une période d'implantation, dois-je dire, pour l'autre loi, la loi 17. On n'en connaît pas encore les coûts exacts. Je vous disais tantôt, en réponse à une des questions, qu'on ne connaît même pas encore les coûts exacts, par exemple, des comités de santé et de sécurité, des représentants en prévention et un paquet d'autres choses.

De notre part, ce qu'on peut souhaiter - c'est un souhait que l'on formule en espérant qu'il se réalise - c'est que la progression de 1980 à 1984 ne soit pas aussi forte entre 1984 et 1988. C'est un souhait qu'on formule et on espère qu'il va se réaliser. Mais ce qu'on sait, c'est que le projet de loi 42, adopté tel qu'il est maintenant, va certainement ajouter à la progression que nous aurions normalement connue si on ne "dealait" - si vous me permettez l'expression - qu'avec la loi 17.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: Pour continuer de parler de coûts, une question vous a été posée tout à l'heure par le député de Prévost. Je me demande si ce n'était pas plutôt mon collègue de Viau qui a fait une comparaison. Il vous a demandé s'il y avait moyen de procéder à une comparaison avec l'Ontario. Vous avez dit que c'était extrêmement difficile, qu'on comparait très souvent des pommes et des oranges et que, finalement, il était difficile de tirer des conclusions de telles comparaisons.

Si vous me permettez, je vais présenter la question d'une autre façon. De la même manière qu'on peut établir que le fardeau fiscal québécois par rapport au fardeau fiscal ontarien s'établit dans telle proportion de revenu qui est supérieure à celle qui est versée en Ontario, on a établi - le ministre des Finances l'a lui-même reconnu - que cela représentait, grosso modo, 13%. Il reconnaissait que tout pris ensemble dans une espèce de "package", si l'on faisait le tour de tout, cela nous coûtait 13% de plus en taxes au Québec. Il apportait toutes sortes d'explications à cela.

De votre côté, est-ce qu'on pourrait avoir une idée à savoir s'il y a un désavantage et, si c'était le cas, dans quelle proportion il serait concernant les coûts de la nature de ceux qui sont impliqués pour fins de santé et sécurité au travail? Là il me semble qu'il y aurait un calcul qui serait possible à faire si on prend le produit national brut de l'Ontario et le montant qui y est consacré pour fins de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs et qu'on en arrive à un tel montant - ce n'est peut-être pas la bonne façon, je suis loin d'être un expert - mais qu'on prenne aussi le produit national brut québécois et qu'on dise: Pour cela, nous donnons un montant X du produit national brut. On pourrait faire à ce moment-là une comparaison. Est-ce que ce genre de calcul a été fait par vous de façon qu'on puisse savoir si, au Québec, pour finalement accorder une protection... Il faudrait peut-être discuter à savoir si la protection est semblable. C'est là une autre question. Laissons de côté qu'elle soit semblable ou non. Quelle est la proportion de notre produit national brut que nous consacrons à la santé et à la sécurité au travail par rapport à la proportion qui est consacrée, à titre d'exemple, à la province soeur qui est l'Ontario?

Le Président (M. Rancourt): M. Paquin.

M. Paquin: M. le Président, je n'ai pas de statistiques précises dans le sens que M. le député de Louis-Hébert le mentionne, à savoir le produit national brut contre les

montants qu'on y consacre pour la santé et la sécurité au travail.

Au risque de me répéter, il est dangereux de faire des statistiques. Mais ce que je sais et ce que nous regardons, c'est ce que cela coûte au Québec. C'est ce qui nous intéresse ici. Je comprends qu'on est une association nationale mais on est ici, AMC-Québec.

C'est bien sûr que je pourrais vous dire qu'à certains égards, possiblement, dans la province de la Colombie britannique ou nos voisins de gauche quand on regarde en face en Ontario... Possiblement qu'ils ont des choses plus avantageuses, peut-être qu'ils en ont moins. Ce qui me dérange un peu c'est ce qui se passe au Québec en termes de coûts. Si nos voisins d'à côté, du Sud ou à l'autre bout du pays veulent des mesures qui vont leur coûter cher, ce sera leur problème. Ce que je vous dis, c'est qu'on semble dénoter de plus en plus une difficulté de faire concurrence à cause de nos coûts. Je ne parle pas seulement des coûts de santé et de sécurité. Je parle de tous les coûts. Surtout, dans le contexte où on peut admettre qu'on n'est plus en 1931 et qu'on a fait un bon bout de chemin depuis ce temps.

M. Doyon: M. le Président...

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: Pour poursuivre un peu dans la même veine et pour... Je comprends que c'est peut-être un travail qui n'a pas été fait. Je me demande si ce serait trop demander à l'Association des manufacturiers de se pencher sur cette question et peut-être d'informer cette commission... Ce qui m'amène à cela - M. Dessureault a quelque chose à dire; dans deux minutes, si vous permettez - c'est qu'on a l'occasion, à différentes commissions parlementaires, de discuter de coût, parce qu'on en vient toujours là. À un moment donné, on discute du coût de l'éducation. Pour éclairer notre lanterne, on se demande, pour éduquer un enfant, quel est le prix en Ontario, et quel est le prix au Québec. Cela nous permet de nous guider un peu. Ce n'est pas une base infaillible, mais cela nous permet de nous guider.

On fait un peu la même chose quand on discute de coût général de santé dans la province de Québec. On dit: Voici les hôpitaux de l'Ontario et ceux du Québec pour des services qui, somme toute, semblent donner relativement satisfaction à la population puisque les gouvernements sont réélus, qu'il n'y a pas de révolution, pas de révolte. Alors, les gens s'accommodent de ces services. On arrive très souvent, nous, avec des constatations, à savoir que, malheureusement, avec un produit national brut moins élevé au Québec, avec une richesse moins grande, on consacre une plus forte proportion de cette richesse moindre aussi bien aux fins de l'éducation qu'aux fins de la santé.

Je me demandais si, comme on a pu faire ces calculs pour ces domaines, votre association pouvait, pour le bénéfice de cette commission - c'est le moment ou jamais, bien sûr - se pencher sur cette question et nous amener des coûts comparatifs.

Le Président (M. Rancourt): M. Dessureault.

M. Dessureault: Sur la question des coûts, j'aimerais faire un recul et vous suggérer ceci: lorsqu'un manufacturier décide d'investir une somme d'argent pour produire un produit ou pour construire une manufacture, il s'est posé la question: Est-ce que j'ai le moyen de le faire? Lorsqu'au gouvernement, dans un ministère donné, on décide de dépenser une somme d'argent, on se pose la question: Est-ce qu'on a le moyen de le faire comme gouvernement? J'aimerais, si le gouvernement le pouvait, poser la question: Est-ce que l'employeur a le moyen? La clé de la question est là.

Si on nous propose une nouvelle loi, par exemple, sur la santé et la sécurité, et qu'on nous dise: Cela va vous coûter, pour 25% du coût, 1 000 000 000 $ et, pour 75% du coût, 3 000 000 000 $ de plus en coûts indirects, on sait que cela coûte 4 000 000 000 $. Si on nous propose dans un autre domaine un nouveau régime quelconque et qu'on nous dise que cela va coûter seulement un demi-sou, si on pouvait, au gouvernement, avoir une personne responsable pour faire la coordination de tous ces coûts à l'employeur, pour faire l'addition de toutes ces nouvelles lois qu'on a connues depuis dix ans et tenter d'évaluer ce qu'il en coûte à l'employeur et, si on faisait la même chose dans toutes les provinces, on pourrait peut-être avoir des chiffres pour comparer. La première responsabilité incombe à ceux qui peuvent, autour d'une table, se poser la question avant même que le projet de loi soit présenté. On aimerait bien se concerter avec les législateurs, avec les employés et essayer de déterminer - c'est beau, on est tous pour la vertu - combien il en coûtera. Combien pour l'employé? Combien pour le gouvernement? Combien pour l'employeur? Et, ensuite, est-ce qu'on a le moyen de se permettre cette dépense?

Le Président (M. Rancourt): Merci beaucoup. M. le député de Louis-Hébert, le temps qui vous était alloué - 20 minutes -est écoulé.

M. le ministre, votre dernier commentaire.

M. Doyon: Mes 20 vingt minutes ne sont pas vraiment écoulées, mais je me rends...

Le Président (M. Rancourt): Le partage du temps.

M. le ministre.

M. Fréchette: M. le Président, je voudrais simplement tenter de faire valider des chiffres qui concernent le secteur manufacturier en relation avec l'incidence de la possible ou éventuelle augmentation du nombre d'accidents quand on parle des quatorze jours. Le motif pour lequel on arrive à la conclusion qu'augmenter à quatorze jours pourrait avoir une incidence sur l'augmentation du nombre d'accidents, c'est évidemment à partir du phénomène qui s'est produit au moment où les cinq jours ont été incorporés dans la loi.

À cet égard, je vous signale qu'il est exact que dans les mois qui ont suivi l'adoption des cinq jours il y a eu effectivement une recrudescence d'absences pour une période de cinq jours et moins. Cependant, il semble aussi - cela pourrait être à vérifier - que quelques mois, une année après l'introduction de cette mesure, l'incidence des accidents de moins de cinq jours a diminué. J'ai des chiffres ici qui concernent le secteur manufacturier, qui sont tirés des statistiques de la commission elle-même à partir des dossiers qu'elle a traités, des dossiers qui lui ont été soumis. Je vais vous les soumettre rapidement et j'aimerais entendre votre évaluation de la page 3-3. J'en ai fait le résumé ici sur une feuille à part, M. Paquin; je vais prendre cette feuille-là, si vous me le permettez.

Dans le secteur manufacturier au Québec - je prends les années 1981-1982 -en 1981, la main-d'oeuvre totale était de 535 000. Elle a diminué, en 1982, à 471 000; donc, une diminution de 12%.

Si on regarde le tableau de la fréquence des lésions professionnelles et de leur durée dans le même secteur pour les mêmes années, en 1981, dans le secteur manufacturier, il y aurait eu 42 717 accidents obligeant de un à cinq jours d'absence et, en 1982, 31 531, ce qui nous amènerait à une diminution de 26%, la relation étant faite entre 1981 et 1982. De six à dix jours, toujours d'après nos chiffres, il y aurait eu 15 326 accidents en 1981 et, en 1982, 11 792, pour une diminution de 23%. Onze jours et plus: 1981, 2404 et 1982, 19 951. Tout ça nous amène à un total de 82 047 en 1981, 63 274 en 1982, soit une diminution de 23%. Or, ce qui attire particulièrement mon attention, c'est que la proportion de diminution la plus marquée se retrouverait, si les chiffres dont je me sers sont exacts, au chapitre des accidents de cinq jours et moins. Est-ce que vous êtes en mesure de valider, d'infirmer et de commenter ces chiffres-là? Comment doit-on se situer par rapport au tableau que je viens de vous brosser rapidement?

Le Président (M. Rancourt): M. Paquin, en considérant que la commission devait suspendre ses travaux à 13 heures, je vous laisse quand même l'autorisation de poursuivre. (13 heures)

M. Paquin: Merci, M. le Président. Très brièvement, je pense que vous faites référence, M. le ministre, à la page 3-13. C'est un cahier d'information que nous avons quand même eu assez dernièrement. Je ne voudrais ni vous dire que les chiffres sont bons, ni vous dire qu'ils ne sont pas bons. Ils sont probablement bons, mais on aimerait les regarder de plus près. Vous avez quand même dit une chose fort intéressante qui se doit de ne pas être oubliée. Vous avez dit, à juste titre d'ailleurs, que dans les premiers mois où on a changé, il y a eu recrudescence quant au nombre de jours indemnisés. Je vous rappellerai qu'à cette période - je pense qu'on fait référence à 1976, 1977 ou à peu près - nous n'étions absolument pas dans le contexte économique actuel avec une crise de chômage à 14%. Je souhaite, M. le ministre, que du fait de changer de cinq à dix, ou de six à quatorze, s'il y a recrudescence il n'y aura pas recrudescence pour des périodes d'année au lieu de périodes de mois. Vous savez, c'est tentant de se faire payer d'autant plus qu'il n'y a pas de maximum assurable pendant ces quatorze premiers jours. C'est tentant. Je pense qu'on pourrait en parler jusqu'à demain matin et seule l'expérience va nous dire finalement ce qui va arriver.

Si vous me le permettez, M. le Président, il est déjà 13 h 01, ce sera mon dernier commentaire, si on ne me pose pas d'autres questions. J'aimerais, au nom de tous ceux qui sont autour de cette table, remercier tout le monde de son attention. Je voudrais remercier spécialement le ministre de son ouverture d'esprit évidente lors des discussions que nous avons eues. Nous ne pouvons que réitérer notre désir d'aller nous asseoir avec vous, de vous aider - on ne dit pas que vous n'êtes pas capable - peut-être de vous faire profiter de notre expérience parce que les personnes qui m'entourent ont l'expérience du vécu. Si vous décidiez dans votre sagesse de donner suite à d'autres choses dans votre projet de loi que le remplacement du revenu, nous sommes tout à fait prêts, "on call" comme on dit en bon français, à aller vous rencontrer avec vos acolytes, avec vos adjoints, avec vos amis, dans le but de vous aider à mettre cela un peu plus clair parce qu'il y a beaucoup de choses qu'on ne comprend pas. Je vous remercie.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Fréchette: M. Paquin, je vous remercie également...

Le Président (M. Rancourt): Avant de vous laisser terminer pour vrai, il y a M. le député de Viau qui voudrait aussi remercier très rapidement. M. le député de Viau.

M. Cusano: Si vous voulez, M. le ministre, vous pouvez remercier avant moi, mais selon la tradition...

M. Fréchette: Allez.

M. Cusano: M. Paquin, messieurs, j'aimerais vous remercier au nom de ma formation politique. Je vous inviterais, comme vous avez dit que vous allez le faire, à étudier la brique actuarielle et j'apprécierais, en tant que membre de cette commission, que vos commentaires sur cette brique soient envoyés aux membres de la commission pour qu'on puisse en prendre connaissance et comparer avec nos propres études.

Je ne peux pas ne pas le dire: cette étude a été promise le 10 mai dernier et elle a été déposée le 15 février 1984, le lendemain du début de nos travaux.

En terminant - parce qu'on a dépassé l'heure - je tiens encore à vous remercier de votre collaboration.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre du Travail.

M. Fréchette: M. le Président, je me suis juré, au moment où nous avons commencé nos travaux en commission, de ne mordre à aucun hameçon. Et je vais garder cette ligne de conduite jusqu'à la fin pour éviter que cela tourne en un genre de situation que personne ne souhaite, finalement.

Je veux simplement m'associer au député de Viau pour vous remercier, d'abord du temps que vous avez consacré à la préparation de ce mémoire, des explications additionnelles que vous nous avez soumises ce matin, et de votre offre de collaboration qui ne fait que confirmer ce qu'on a toujours senti chez vous. Et nous aurons très certainement l'occasion de nous revoir bientôt.

Le Président (M. Rancourt): Merci. Cela termine la présentation du mémoire de l'Association des manufacturiers canadiens. Nos travaux sont suspendus jusqu'à 15 heures et à ce moment, nous accueillerons l'Assemblée des travailleurs et des travailleuses accidentés du Québec. Merci.

(Suspension de la séance à 13 h 6)

(Reprise de la séance à 15 h 8)

Le Président (M. Rancourt): À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons reprendre les travaux de la commission élue permanente du travail, qui a pour mandat d'entendre les représentations des personnes et des groupes intéressés au projet de loi 42, Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.

Voici l'ordre du jour de cet après-midi. À 15 heures - il est 15 h 8 - nous devons entendre, en premier lieu, l'Assemblée des travailleurs et travailleuses accidentés du Québec; ce sera suivi, sans interruption, par le Conseil conjoint no 91 des Teamsters du Québec et par le Conseil régional de développement de l'Abitibi-Témiscamingue. Donc, j'invite l'Assemblée des travailleurs et travailleuses accidentés du Québec à bien vouloir prendre place à la table.

M. Lafrance (Roch): M. le Président, on aimerait...

Le Président (M. Rancourt): Oui?

M. Lafrance: ...peut-être un petit délai parce qu'il y a encore des gens, qui sont censés venir à la table pour lire le mémoire, qui sont en bas. Ce qui fait qu'on ne peut pas commencer tant que ces gens ne sont pas rentrés.

Le Président (M. Rancourt): Donc, il y a consentement pour que nous suspendions jusqu'à l'arrivée de ces personnes? Dans combien de temps?

M. Lafrance: Bien, cela ne dépend pas de nous.

Mme Lefebvre (Marie-Claire): On vient de nous dire qu'ils auraient reçu ordre de monter.

Le Président (M. Rancourt): Cela veut dire combien de personnes à la table?

Mme Lefebvre: II reste deux personnes.

Le Président (M. Rancourt): D'accord. Nous allons suspendre...

M. Fréchette: Pour cinq minutes.

Le Président (M. Rancourt): ...pour cinq minutes, afin de leur permettre de prendre place.

(Suspension de la séance à 15 h 9) (Reprise de la séance à 15 h 17)

Le Président (M. Rancourt): À l'ordre, s'il vous plaît! Après cette suspension de

quelques minutes pour permettre justement de recevoir à la table les personnes qui doivent présenter le mémoire, nous accueillons maintenant l'Assemblée des travailleurs et travailleuses accidentés du Québec. Je demanderais au porte-parole officiel de présenter les membres qui l'accompagnent et de les nommer, s'il vous plaît.

ATTAQ

Mme Lefebvre: D'accord. À ma droite, M. Roch Lafrance, du comité des travailleurs accidentés de l'Estrie; à ma gauche, M. Denis Bourdeau, du comité d'appui aux travailleurs accidentés de Valleyfield, et, à l'extrême gauche, Mme Ginette Champoux, du comité des travailleurs accidentés de Saint-Michel-des-Saints. Je m'appelle Marie-Claire Lefebvre, de l'Union des travailleurs accidentés de Montréal.

Le Président (M. Rancourt): D'accord. Mme Lefebvre, est-ce que vous présentez le mémoire?

Mme Lefebvre: Oui, je vais le présenter en partie et une autre partie sera présentée par chacune des personnes.

Le Président (M. Rancourt): Vous pouvez débuter.

Mme Lefebvre: D'accord, je vous remercie. Ce mémoire présente la position de l'Assemblée des travailleurs et travailleuses accidentés du Québec, l'ATTAQ, qui regroupe neuf associations d'accidentés du travail: de Montréal, l'Union des travailleurs accidentés de Montréal et le Comité des travailleurs et travailleuses d'Hochelaga-Maisonneuve; de l'Estrie, le Comité des travailleurs accidentés de l'Estrie; de Valleyfield, le Comité d'appui aux travailleurs accidentés; de l'Outaouais, le Comité des accidentés de l'Outaouais; du comté de Berthier, l'Association des travailleurs accidentés du Petit Brandon et l'Association des travailleurs accidentés du Matawin; de Joliette, le Comité des travailleurs accidentés de Joliette-Lanaudière, et de Thetford, le Comité d'appui aux travailleurs et travailleuses accidentés de la région de l'amiante.

Ce n'est pas avec un grand enthousiasme ni une confiance sans borne que les accidentés de l'ATTAQ se présentent aujourd'hui . devant vous en commission parlementaire. Nous sommes ici par obstination et nous interviendrons ici avec la ténacité des victimes qui ne se résignent pas parce qu'elles ont la conviction ferme que leur cause est juste et que tous les moyens doivent être pris pour que justice leur soit faite.

En nous présentant devant cette instance parlementaire, nous sommes conscients que nous nous adressons à des personnes qui, à des degrés divers, souffrent d'une maladie dont l'origine professionnelle n'a pas encore été prouvée, quoiqu'elle ne fasse plus de doute pour nous, et que nous pourrions appeler la surdité unilatérale due, non pas au bruit, mais à l'exercice ou à la convoitise du pouvoir. Cette maladie n'atteint qu'une des deux oreilles, celle qui est affectée à l'écoute du point de vue des revendications des travailleurs, des accidentés, de la population ordinaire, l'autre étant grande ouverte et fort sensible au moindre bruissement provenant du patronat, de l'entreprise, d'une minorité économiquement puissante.

Cette maladie, qui ne figure pas à l'annexe A du projet de loi 42 et que, par conséquent, la CSST n'indemnise pas, n'en est pas moins compensée cependant de bien d'autres manières. Malgré cela, nous intervenons ici en misant sur le fait que votre surdité n'est peut-être pas encore totale et qu'elle puisse parfois céder au martèlement continu; parce que cette tribune nous permet aussi de faire connaître à toute la population la justesse et la légitimité de nos revendications, produisant ainsi en retour un effet de pression qui pourra, nous l'espérons, constituer un traitement efficace, quoique temporaire, de votre maladie.

En votant la Loi sur les accidents du travail, en 1931, le législateur confirmait, en l'institutionnalisant, un principe qui avait déjà fait son chemin depuis quelques années, celui de la responsabilité patronale en matière d'accidents du travail. C'était un pas important, pour les travailleurs et travailleuses de l'époque, que de voir leurs patrons, qui détenaient et détiennent encore un droit de gérance exclusif sur l'entreprise, sur les conditions de travail qui leur sont imposées, obligés par la loi de cotiser à un fonds d'indemnisation collectif dont la gérance était confiée à une commission chargée d'en garantir les bénéfices aux victimes éventuelles.

En même temps qu'elle reconnaissait ce principe de responsabilité patronale, cette loi de 1931 en réduisait, du même coup, la portée en imposant, de fait, un second principe contradictoire, celui de la pénalité pour la victime. L'indemnisation garantissait ni le plein salaire - à l'époque, c'étaient 75% du brut, la première journée n'était pas payée, le salaire était gelé au moment de l'accident, il y avait un maximum assurable -ni les avantages sociaux: assurance, pension, vacances, ni le retour à l'emploi, ni la réadaptation sociale. Elle ne prévoyait pas non plus les mécanismes nécessaires à l'application équitable des droits reconnus.

n'a pas la même signification, ne veut pas dire la même chose pour le patron et pour le travailleur. Notre travail est, pour les employeurs, une source de profit avant tout, la seule façon de rentabiliser leurs investissements, et, depuis trois jours, ils sont venus nous le dire. Pour nous, c'est l'unique moyen de gagner notre vie. Nous n'avons donc aucun intérêt à la risquer, à la perdre ni à en amoindrir la valeur. Nous ne pouvons pas en dire autant d'eux. Et les risques qu'ils nous forcent à prendre leur rapportent beaucoup dans l'ensemble, malgré les coûts élevés des accidents qui en résultent, dans un certain nombre de cas.

Pour toutes ces raisons, nous affirmons leur responsabilité pleine et entière et nous exigeons qu'ils assument la totalité des coûts qui en résultent. Vous nous direz: c'est déjà fait, c'est cela le fonds d'indemnisation. C'est partiellement vrai, mais ce fonds d'indemnisation fonctionne à rabais et nous n'acceptons pas de rabais sur la valeur de nos vies. Nous en venons donc au second principe que nous voulons voir inscrit et concrétisé dans cette loi, le principe de non-pénalité pour les accidentés.

Perdre au travail sa santé, son intégrité physique, sa vie même est déjà suffisamment pénalisant pour les victimes. Pas besoin d'y ajouter des pénalités supplémentaires. Le salaire et les avantages que nous nous sommes gagnés au travail, le statut social, la qualité de vie qui y sont rattachés, rien de tout cela ne doit être touché, amoindri à la suite d'un accident ou d'une maladie du travail. Nous n'accepterons jamais, après des années de dur labeur au profit de nos employeurs, qu'on nous traite comme des fainéants, des fraudeurs, des profiteurs qu'il faudrait pénaliser, priver de leur dû, forcer à retourner au travail.

Nous n'acceptons pas davantage qu'on joue sur nos faibles revenus, sur nos immenses besoins insatisfaits, pour nous attirer insidieusement vers un retour au travail prématuré qui ne garantirait aucunement une réelle réhabilitation. Je parle ici de l'incitatif sur lequel on reviendra un peu plus loin dans le mémoire. Nous tenons à nos vies, à notre santé, à notre travail, à notre autonomie. Nous ne sommes pas responsables des accidents et maladies qui surviennent dans des conditions que nous ne contrôlons pas. Nous voulons tout simplement être soignés convenablement, être payés équitablement et être recyclés au besoin. Nous voulons le droit de réintégrer notre emploi sans condition, sans restriction, ou un emploi garantissant les mêmes avantages si notre handicap nous empêche de le conserver. Nous voulons le droit de vivre décemment si nos capacités de travail nous ont été définitivement enlevées. Rien de tout cela ne nous est reconnu, ni dans la loi actuelle, ni dans le projet de loi. En passant, je voudrais souligner - parce que j'ai entendu beaucoup d'intervenants du côté patronal dire que le projet de loi 42 avait ceci de bon qu'il permettait de régler l'article 38,4 - à cette commission que l'article 38,4 n'est nullement réglé par la présentation du projet de loi, dans le sens où toutes les victimes de cette illégalité pendant 50 ans, il n'y a absolument rien de prévu pour leur accorder un déficit de capacité de travail. La pénalisation des victimes est un principe que nous n'accepterons jamais. La plus élémentaire justice l'interdit.

Le troisième principe: des droits fondés sur la justice et l'équité envers la victime et non sur la capacité de payer de l'agresseur. C'est le troisième principe que nous voulons voir reconnu à la base de cette loi. Nous en avons assez d'être traités comme des marchandises, des produits dont on décide de la qualité en fonction du coût de revient. Vous pourrez toujours consulter la première déclaration à l'annexe V qui traite de la qualité de la main-d'oeuvre en fonction de la qualité du produit.

On nous instruit plus ou moins selon les besoins de l'entreprise en main-d'oeuvre plus ou moins qualifiée. À la suite d'un accident, on nous expédie à l'atelier de réparation où des évaluateurs médicaux et comptables décident unilatéralement de réparer ou de "scrapper", selon le cas. C'est la plus basse soumission qui l'emporte.

C'est assez. Nous ne sommes pas des produits de consommation. Nous sommes des producteurs, c'est-à-dire des hommes et des femmes qui exigent que leurs droits soient établis et reconnus sur la base de ce que notre société considère juste de satisfaire comme besoins pour l'ensemble de ses citoyens, sans distinction de race, de sexe, de statut social ou d'âge.

Nous n'accepterons jamais que nos droits fluctuent selon la supposée capacité de payer de nos employeurs, que les inégalités déjà existantes soient encore amplifiées à la suite d'un accident ou d'une maladie du travail.

On nous dira, bien sûr, que nous manquons de réalisme, que si nous exigeons trop, les entreprises feront faillite et fermeront. On nous l'a dit à plusieurs reprises depuis mardi.

Nous croyons qu'une entreprise qui ne peut pas fonctionner sans tuer, mutiler ou "scrapper" ses travailleurs ne devrait pas avoir le droit d'exister. Nous pensons aussi qu'un gouvernement qui cautionne une économie, qui ne peut garantir à ses producteurs leurs droits fondamentaux au travail, à la santé, au respect de leur vie, court inévitablement à la faillite, de toute façon.

Nous avons assisté depuis trois ans à la production de plusieurs versions successives d'un projet de réforme de la loi actuelle. À

chaque version, l'étude des coûts entraînait la disparition de certains de nos droits.

Le patronat avait dicté l'objectif à ne pas dépasser. On nous a rappelé, avant-hier et hier, que c'était autour de 25 000 000 $. Le gouvernement n'avait plus qu'à jouer avec ces chiffres et à modifier les articles de loi énonçant nos droits. Par exemple, on décidait de retirer les rentes aux veuves, prévues dans la huitième version, pour épargner 10 700 000 $ la première année; de réduire progressivement les indemnités à partir de 65 ans et épargner ainsi 39 200 000 $, toujours la première année; de maintenir à 90% plutôt qu'à 100% l'IRR, après cinq ans, une mesure contenue dans la huitième version, et d'épargner ainsi 12 600 000 $ la première année. Et on voudrait que nous acceptions un tel marchandage.

Les travailleurs et travailleuses du Québec font déjà vivre et, dans bien des cas grassement, l'ensemble des entreprises dont d'autres qu'eux et elles assument le contrôle et tirent les profits. C'est la moindre des choses qu'une partie de ces profits soit consacrée au respect de leurs droits fondamentaux.

Si les coûts semblent trop élevés au patronat, peut-être cela lui servira-t-il d'incitatif à la prévention, à l'élimination des dangers à la source? Ce principe ne devrait-il pas être à la base non seulement de la Loi sur la santé et la sécurité du travail, mais aussi de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles?

C'est donc sur la base de ces principes que nous allons maintenant aborder en cinq chapitres l'analyse des cinq grandes questions soulevées par la réforme de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles: le système d'indemnisation; le droit au retour au travail et à la réadaptation; les pouvoirs de décision en matière médicale; les maladies professionnelles versus les maladies du travail et le droit d'appel.

On va d'abord présenter nos critiques à l'égard du système actuel et mettre en présence les dispositions du projet de loi 42 ainsi que les revendications que nous avons pour ce qui a trait à la future Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.

Je vais céder la parole à M. Roch Lafrance, du Comité des travailleurs accidentés de l'Estrie, pour la présentation du chapitre sur le système d'indemnisation.

M. Lafrance: Pour ce qui est du système d'indemnisation, la situation actuelle est la suivante. Le système actuel d'indemnisation prévoit deux formes d'indemnités au travailleur accidenté: une indemnité temporaire non revalorisable, mais dont la durée n'est pas limitée en droit, qui ne couvre que partiellement la perte de revenus occasionnée par l'incapacité totale de travailler; une indemnité permanente versée sous forme de rente viagère et dont le pourcentage est établi à partir de deux types de déficit, soit le déficit physique et le déficit de capacité de travail. L'indemnité temporaire et l'indemnité permanente s'excluent mutuellement, les deux ne pouvant être cumulées en même temps. Ce système est extrêmement pénalisant pour les victimes. Elles sont, premièrement, privées, dès le départ, de 10% de leur revenu net; elles sont privées aussi de tous les avantages sociaux à court et à long terme, comme l'assurance-chômage, le fonds de retraite, les vacances, le Régime de rentes du Québec, l'ancienneté, etc.; elles sont privées de toute augmentation de salaire ou indexation pendant toute la durée de leur arrêt de travail. Ce gel du salaire pénalise très durement les travailleurs les plus gravement blessés.

La détermination de la base de salaire servant au calcul de la compensation est bien peu souple, pénalisant ainsi considérablement certaines catégories de travailleurs. On peut regarder l'annexe III où il y a l'exemple d'un travailleur d'usine gagnant un salaire nettement au-dessus de la moyenne, qui, pendant une période de mise à pied collective, est allé travailler en forêt comme bûcheron et s'est vu compenser, à la suite d'un accident survenu quelques jours après son embauche dans ce deuxième emploi, sur la base du salaire minimum, la CSST prétextant qu'elle ne pouvait inclure dans la base salariale annuelle le salaire gagné dans le premier emploi puisqu'il ne s'agissait pas, dans les deux cas, du même employeur et du même emploi.

On compense donc sur la base du salaire minimum un travailleur accidenté dont le revenu habituel dépasse les 30 000 $. De telles situations sont inadmissibles et nous tenons à ce que le projet de loi rende ces injustices impossibles.

Le système actuel prive également les accidentés de leur rente pour déficit corporel pendant tout le temps que dure l'incapacité totale temporaire. Ils sont particulièrement pénalisés pendant la durée de la réadaptation sociale.

Lorsqu'ils sont inscrits à des programmes de recherche d'emploi ou de formation, ils doivent assumer à même les 90% de leur ancien salaire net gelé les dépenses relatives à ces programmes: transport ou matériel scolaire.

Lorsqu'ils sont inscrits au programme de stabilisation sociale ou allocation long terme, ils voient leur revenu gelé pour de bon à 90% du salaire net au moment de l'accident et ce, y inclus le déficit permanent et la rente d'invalidité de la Régie des rentes du Québec, c'est-à-dire que le revenu se détériore chaque année et

conduit inévitablement, à plus ou moins long terme, à l'assistance sociale qui soustraira, bien sûr, le montant de l'allocation des prestations qu'elle versera.

Lorsqu'ils sont inscrits au programme appelé paradoxalement allocation financière pour perte de revenu, plus communément appelé complément de revenu, au moment où ils retournent en emploi à un salaire moindre, ils sont privés de leur rente pour déficit physique et déficit de capacité de travail, qui est soustraite, de même que le nouveau salaire, de 90% du salaire net gagné au moment de l'accident, le résultat de cette soustraction constituant le complément de revenu versé par la CSST, quand il reste quelque chose.

Si l'arrêt de travail dure assez longtemps, ces victimes perdent aussi leur admissibilité au régime de rente invalidité de la RRQ pour n'avoir pu cotiser cinq ans au cours des dix dernières années.

Le déficit pour dommages corporels est calculé sur la base d'un barème très incomplet et nettement insuffisant.

Quant au déficit de capacité de travail prévu au paragraphe 4 de l'article 38, la CAT en a privé complètement les accidentés pendant 50 ans et cela, illégalement, et la CSST qui s'est vue obligée d'en tenir compte a établi, hors la loi - comme on l'a entendu plusieurs fois pendant la présente commission parlementaire et la dernière au mois de décembre - un barème d'évaluation ridicule qui assure un traitement injuste pour tous.

Les conjointes et les conjoints des travailleurs et travailleuses décédés sont, sans contredit, les plus injustement traités. La loi, telle que modifiée en décembre 1978 par l'adoption du projet de loi 114, ne leur assure qu'une mince rente représentant un pourcentage infime de la compensation déjà étriquée qu'aurait reçue l'accidenté s'il avait survécu, renvoyant un grand nombre d'entre elles à l'assistance sociale qui déduit leur rente ridicule de ses prestations, naturellement. (15 h 45)

Voilà le tableau très incomplet des pertes de revenu considérables que subissent les accidentés aujourd'hui, sans compter la perte de leur emploi, la difficulté, sinon l'impossibilité d'en trouver un autre, les brimades et l'humiliation que la CSST leur fait subir, la diminution de la qualité de vie qui viennent s'ajouter aux douleurs et à la diminution des capacités physiques et cela, pour la vie.

En résumé, ce système a le mérite et, en même temps, le défaut de reconnaître et de nier pratiquement ce droit, en raison du pouvoir discrétionnaire de la CSST, à une indemnité de remplacement de revenu très incomplète et non revalorisée, à durée non limitée en droit, même si, en fait, elle est retirée prématurément en raison des pouvoirs décisionnels d'évaluation exclusifs à la CSST, organisme payeur; aussi à une indemnité permanente versée sous forme de rente à vie pour dommages corporels, mais comme nous l'avons vu, les pourcentages sont trop bas, et soustraits de l'incapacité totale temporaire. Le barème aussi est très incomplet. À une indemnité permanente, versée sous forme de rente à vie pour déficit de capacité de travail - dans les faits, ou bien elle n'a jamais été versée ou bien elle est scandaleusement sous-estimée par la CSST; et, finalement, une rente à vie pour les veuves d'accidentés - ces rentes sont partielles, beaucoup trop basses, souvent inférieures aux prestations d'aide sociale, et soumises à des restrictions discriminatoires liées à l'âge et à l'état civil. Ce régime se révèle très injuste, dans les faits, à l'endroit de l'ensemble des accidentés.

Alors, comment le projet de loi 42 va-t-il modifier la situation des victimes d'accidents et de maladies du travail? Le système d'indemnisation qu'il propose est-il plus juste? Le système proposé dans le projet de loi 42 prévoit aussi deux formes d'indemnité. La première est une indemnité de remplacement de revenu temporaire, à durée limitée en droit, revalorisable annuellement, qui ne couvre que partiellement la perte de revenu occasionnée par l'incapacité totale de travailler et qui peut continuer d'être versée sous une forme réduite, dans certaines circonstances définies par la loi, mais que seule la CSST a le pouvoir d'évaluer.

Aussi, une indemnité forfaitaire très basse pour dommages corporels permanents, douleur, préjudice esthétique et perte de jouissance de la vie, versée en bloc dès la fin de l'arrêt de travail ou, au plus tard, deux ans après l'accident. L'indemnité pour déficit de capacité de travail disparaît, sous sa forme de rente à vie, pour s'intégrer à l'indemnité de remplacement de revenu, sous sa forme réduite, et dont le montant est fixé par la CSST qui a le pouvoir exclusif de l'évaluer.

Le système proposé rend-il davantage justice aux accidentés? Il a certes le mérite d'affirmer le principe que le revenu du travailleur doit être compensé par la CSST, à la suite d'un accident du travail, et qu'en conséquence, son indemnité doit faire l'objet d'une revalorisation annuelle. Mais, il a le défaut de prévoir toutes les modalités d'application qui garantiront le non-respect de ce principe. Ce système est, tout autant que le régime actuel, animé par le principe de pénalité pour l'accidenté.

Cela se manifeste de diverses façons pour les victimes qui se verront attribuer au départ une indemnité inférieure de 10% de leur salaire net, ne bénéficieront pas, en cours de route, des augmentations de salaire de leur milileu de travail, supérieures à

l'indice des prix à la consommation, ne pourront pas déterminer à leur avantage la base de salaire devant servir au calcul de leur indemnité de remplacement de revenu, se verront privées du revenu du deuxième emploi qui leur était assuré avant l'accident, se verront privées de leur indemnité de remplacement de revenu complète, déjà réduite de 10%, après trois ans, qu'elles soient ou non rétablies, à moins d'être reconnues invalides à vie à 100% par la CSST; verront, dès qu'elle le jugera opportun, la CSST réduire leur indemnité d'un montant égal au salaire qu'elle juge qu'elles pourraient gagner si elles occupaient un emploi qu'elle les juge capables d'accomplir et cela, qu'elles soient vraiment rétablies ou non et que cet emploi soit disponible ou non; verront aussi leur indemnité réduite de 25% par année, à partir de 65 ans, ou avant s'il y a préretraite, et retirée complètement à 68 ans, même si elles sont encore en traitement médical à la suite de leur accident; perdront aussi tous les avantages sociaux auxquels elles auraient normalement souscrit, à moins d'avoir elles-mêmes versé leurs cotisations à même leur revenu net; devront se contenter d'un montant forfaitaire ridicule en compensation des dommages corporels subis et pour lesquels aucune rente à vie ne leur sera versée malgré le caractère permanent de cette invalidité. Je vous réfère à l'annexe IV. On a ici deux exemples. On aurait pu faire des calculs à l'infini de cette proposition qui est contenue dans le projet de loi 42. On a regardé deux petits exemples de ce que cela donne, le projet de loi 42, à comparer avec ce que l'on a actuellement. Bon, c'est pour un travailleur de 38 ans et, l'autre exemple, c'est pour un travailleur de 25 ans. On a choisi un salaire brut de 20 000 $, qui est à peu près la moyenne au Québec. Là, on a mis des taux d'incapacité, un à 8%, l'autre à 20%; on a regardé ce que cela donnait concrètement, le projet de loi 42, par rapport à ce que l'on a actuellement.

À 38 ans, quelqu'un qui a 8% d'incapacité, actuellement, a droit à une rente mensuelle, ce qui lui donnerait 98 $ par mois; ce qui fait une capitalisation de 14 000 $ par année. Quand on regarde le projet de loi 42, on s'aperçoit que le montant forfaitaire qui lui est accordé lui donnerait 3148 $, ce qui fait quand même une petite différence, c'est-à-dire 11 170 $ d'économie pour la CSST. Si on met ce travailleur accidenté à 20% d'incapacité, cela lui donne une rente mensuelle actuellement de 245 $, la capitalisation donne 36 000 $; le montant forfaitaire accordé serait de 7872 $, soit une économie encore pour la CSST de 28 484 $. On va regarder cela à tous les âges, dans toutes les situations. Il y a des pertes partout. On regarde à 25 ans, encore pour les mêmes pourcentages. Il y a des économies de 12 000 $ et de 30 000 $. Plus le salaire va être élevé, naturellement plus les économies de la CSST vont augmenter. Ces économies-là peuvent atteindre dix fois la rente actuelle. Ce qui est quand même une petite différence.

Quand on regarde la rente pour les veuves qui est prévue dans la loi actuelle et le forfaitaire qui est proposé dans le projet de loi 42, on peut prendre le cas d'une veuve de 40 ans qui est sans enfant et qui pourrait décéder à 70 ans. Voici ce que cela pourrait donner si le salaire brut du travailleur décédé était de 20 000 $; la rente mensuelle qu'elle aurait actuellement serait de 8036 $, c'est-à-dire 55% du salaire; le total de la rente, c'est-à-dire si l'on fait la capitalisation, c'est 241 000 $. Le projet de loi 42, avec son forfaitaire, propose 60 000 $, ce qui est une économie assez appréciable de 181 000 $ pour la CSST.

Continuons dans les pénalités. Après ces montants forfaitaires ridicules, les accidentés devront se soumettre aussi au diktat de la CSST quant à la date de retour au travail prescrite, à la nature de ce travail, cela même si leur traitement médical n'est pas terminé; se verront aussi privés, après trois ans ou peut-être même avant, de toute prestation pour réadaptation sociale à moins que le plan de réadaptation ne se réalise après le retour au travail et sur les heures de travail. Cela est contenu à l'article 54 du projet de loi; se verront privés des prestations de la rente d'invalidité du Régime de rentes du Québec malgré qu'ils y aient cotisé toute leur vie à même leur salaire.

Quant aux veuves d'accidentés, comme on vient de le voir, elles devront se contenter du forfaitaire qui leur sera dévolu et n'auront droit à aucune indemnité de remplacement du revenu du conjoint décédé. Qui donc oserait encore parler de justice pour les accidentés avec un tel système? Ce système rogne en partant 10% de nos revenus; nous interdit d'être malades plus de trois ans; ne nous garantit aucune indemnité de réadaptation; nous prive de rentes à vie pour dommages corporels permanents et pour décès; redonne à la CSST des pouvoirs plus considérables encore pour couper nos indemnités quand elle le veut sur la base des critères qu'elle détermine et du montant qu'elle juge approprié.

Non seulement ce système n'améliorera pas la condition actuelle des accidentés, mais il leur garantit la détérioration de ces conditions. À quoi sert-il de revaloriser le salaire de base d'un accidenté encore sous traitement médical alors qu'on le privera du même coup de la majeure partie de l'indemnité qui en découle sous prétexte que la CSST aura jugé qu'il devrait, selon elle, être capable maintenant d'effectuer tel ou tel travail? À quoi sert d'accélérer le

versement de l'indemnité pour dommages corporels, si le corollaire de cette accélération est de recevoir une indemnité trois, cinq ou dix fois plus petite? Pourquoi dire que la CSST versera une indemnité de remplacement de revenu quand toutes les dispositions sont mises en place et tous les pouvoirs accordés à la commission pour refiler à l'assistance sociale ses bénéficiaires les plus gravement atteints? Par quoi le gouvernement veut-il donc remplacer le revenu d'un travailleur à la suite d'un accident? Par une aumône? Par l'assistance sociale?

Nous ne voulons rien savoir d'un tel régime qui nous garantit moins encore que les miettes auxquelles nous avons droit présentement. Nous ne sommes pas contre le principe d'une indemnité de remplacement de revenu, en soi, mais à condition qu'elle fasse ce qu'elle dit, c'est-à-dire qu'elle remplace notre revenu au complet.

Nous revendiquons un système d'indemnisation basé sur les principes énoncés plus haut, qui nous reconnaisse le droit: 1° à une indemnité complète de remplacement du revenu que nous aurions touché normalement si nous n'avions pas eu d'accident ou de maladie du travail, c'est-à-dire 100% du salaire net de l'emploi ou de la totalité des emplois assurables que nous aurions normalement continué d'occuper, ajustée selon les augmentations en vigueur dans notre milieu de travail et, si cela est impossible, par exemple, à cause de fermeture et d'abolition de poste, revalorisée annuellement selon l'indice des prix à la consommation, et cela pendant toute la durée de l'arrêt de travail relative à l'accident, telle que prescrite par notre médecin traitant.

Si notre handicap permanent nous empêche de reprendre le même travail, que cette indemnité de remplacement de revenu complète continue de nous être versée tant que nous n'aurons pas été complètement réadapté et n'aurons pas repris un autre travail approprié à notre condition, selon l'avis du médecin traitant, et présentant des conditions équivalentes. Si les conditions ne sont pas équivalentes, que la CSST comble la différence entre le nouveau salaire et l'ancien salaire ajusté ou revalorisé, de même qu'elle verse en argent l'équivalent des bénéfices non recouvrables liés à l'ancien emploi, c'est-à-dire les vacances, les primes pour travail de nuit, etc. Dans le cas où le salaire à verser n'est pas clairement établi, que la détermination de la base de salaire servant au calcul de l'indemnité de remplacement du revenu se fasse à l'avantage de l'accidenté, soit le contrat de travail ou salaire horaire, mensuel ou annuel et qu'il soit tenu compte au besoin de tous les emplois exercés dans l'année qui précède.

Je vous réfère encore à l'annexe 3.

L'article 73 du projet de loi 42 qui permet à la commisison de "déterminer le revenu d'un travail d'une manière autre que celle que prévoient les articles 63 à 72, si elle le croit plus équitable..." ne nous offre pas de garanties suffisantes. Nous demandons que ce pouvoir de la commission soit transformé en devoir pour la commission et en droit pour l'accidenté. En conformité avec le principe de non-pénalité pour la victime, l'accidenté devrait avoir la garantie que son indemnité de remplacement de revenu remplacera réellement le salaire qu'il aurait gagné s'il n'avait pas eu d'accident et que la base de salaire déterminée par la CSST le sera à son avantage et en tenant compte, contrairement à l'article 66, de tous les revenus d'emploi dont il est privé à la suite de l'accident et qu'il toucherait ou qu'il aurait normalement touchés sans cet accident quelles que soient la nature de l'emploi et l'identité de l'employeur. (16 heures)

Le droit du travailleur accidenté au remplacement du revenu complet ne doit en rien être affecté par les contraintes administratives qu'entraînerait la répartition des coûts entre les employeurs.

Ce que nous demandons aussi, c'est qu'une indemnité de remplacement du revenu réduite soit effectuée à chaque changement de revenu d'emploi du travailleur, que ce soit à la hausse ou à la baisse; qu'aucun emploi non occupé réellement par l'accidenté ne donne à la CSST le droit de réduire l'indemnité de remplacement du revenu, c'est-à-dire de retirer les conditionnels des articles 75 et 79; qu'aucune limite de temps ne soit arbitrairement fixée à la durée des traitements médicaux ni à celle de la réadaptation sociale; que tous les avantages pour lesquels nous cotisons, directement ou indirectement avant l'accident, soient obligatoirement maintenus tels quels par l'employeur sans que ne soit, en aucune façon, diminuée l'indemnité de remplacement du revenu égale au revenu net que nous recevons. Quand on parle de ces avantages, on parle évidemment de l'assurance-chômage, de la régie des rentes, du fonds de retraite, etc.

Nous revendiquons que nous soit reconnu le droit à une indemnité permanente pour le déficit de capacité de travail dans certains cas où l'indemnité de remplacement du revenu serait difficilement applicable. Par exemple, un pourcentage de déficit de capacité de travail devrait être automatiquement évalué et versé à vie, sous forme de rente mensuelle, pour tout travailleur ayant déjà été recyclé à la suite de son accident et ayant repris un travail régulier, c'est-à-dire non subventionné, depuis plus d'un an, qui se voit à nouveau privé de son travail pour des raisons autres que son handicap physique, c'est-à-dire fermeture, licenciement collectif, etc. Dans tous les autres cas -

perte d'emploi en raison du handicap, emploi subventionné, durée de l'emploi non subventionné inférieure à un an - nous exigeons que la CSST reprenne en charge ce travailleur et que l'indemnité de remplacement du revenu soit à nouveau versée aux mêmes conditions que l'indemnité initiale de remplacement du revenu.

Nous revendiquons aussi le droit à une rente à vie, capitalisable à volonté, pour compenser la perte d'intégrité physique, la douleur, la perte de jouissance de la vie et les préjudices esthétiques.

Nous revendiquons, en cas de décès, le droit à une indemnité complète de remplacement du revenu ajusté ou revalorisé, selon le cas, et ce, durant toute la vie du conjoint survivant, sans aucune restriction liée à son âge ou à son état civil. Qu'on ait tout au moins la décence de garantir au conjoint ou à la conjointe survivante qui se remarie ou cohabite avec un nouveau conjoint, son droit à l'indemnité de remplacement du revenu complète ou réduite, selon le cas, pendant toute la période ultérieure de sa vie où le revenu de ce dernier ne remplacera pas ou ne remplacera que partiellement le revenu du conjoint décédé. À cela, devrait s'ajouter un montant forfaitaire compensant pour le décès du conjoint de même que le remboursement de tous les frais occasionnés par ce décès.

Nous demandons que nous soit reconnu, dans tous les cas, le droit à toute autre indemnité à laquelle devraient nous donner droit normalement les cotisations ou contributions que nous avons versées au cours de notre vie. On parle encore de l'assurance-chômage, du régime des rentes, du fonds de retraite, etc.

En résumé, nous exigeons que le système d'indemnisation mis en place respecte notre droit à une indemnité complète de remplacement du revenu que nous aurions gagné si nous n'avions pas eu d'accident ainsi que notre droit à une indemnité à vie pour la perte d'intégrité physique et les dommages corporels permanents liés à cet accident.

Où est l'exagération? Nous voulons tout simplement être traités sur un pied d'égalité avec tous les autres travailleurs qui ont eu la chance d'échapper aux accidents et aux maladies que nos conditions de travail rendent inévitables.

Nous ne demandons ni cadeau, ni surplus, ni privilège, seulement une indemnisation juste et équitable pour salaire, avantages et capacité perdus au travail.

Mme Lefebvre: Le chapitre suivant vous sera présenté par M. Denis Bourdeau, du Comité d'appui aux travailleurs accidentés de Valleyfield.

Le Président (M. Rancourt): M. Bourdeau, vous avez la parole.

M. Bourdeau (Denis): Merci, M. le Président. Le droit au retour au travail et à la réadaptation. D'abord, la situation actuelle. La loi actuelle ne prévoit absolument rien à ce chapitre. En se taisant, elle incite les employeurs à se débarrasser en douce du maximum de travailleurs et travailleuses à la suite d'un accident du travail.

Dans les milieux non syndiqués l'avis de congédiement précède bien souvent la sortie de l'hôpital. La CSST n'a jamais cru bon de tenir des statistiques sur le nombre d'accidentés qui perdent leur emploi à la suite d'un accident, mais on sait qu'ils sont légion.

Les gouvernements successifs n'ont absolument rien fait jusqu'ici pour obliger les patrons à maintenir à leur emploi les victimes des mauvaises conditions de travail qu'ils imposent quotidiennement à leur main-d'oeuvre. Ce laisser-faire reconnu à la libre entreprise constitue, sans aucun doute, la plus grave pénalité pour un accidenté, surtout si son accident laisse des séquelles permanentes parce qu'il se voit ainsi privé de la possibilité de gagner sa vie, même une fois rétabli. Pourquoi embaucher un handicapé quand le libre marché des chômeurs permet de sélectionner les plus endurants, les plus productifs?

Non seulement la loi actuelle n'oblige pas l'employeur à reprendre le travailleur accidenté mais elle n'oblige même pas la CSST à réadapter, à recycler ce travailleur, à le prendre en charge une fois son handicap physique stabilisé. Depuis 1978, la loi modifiée reconnaît tout au plus à la CSST le pouvoir de le faire, mais cette disposition ne se traduit aucunement pour le travailleur par le droit de l'exiger. À la suite des pressions du mouvement ouvrier et des accidentés, la commission a donc mis en place, par directive, un simulacre de réadaptation, un ensemble de programmes limités dans le temps et en termes d'avantages aussi il va sans dire, qu'elle met généreusement à la disposition de ceux et celles qu'elle déclare élligibles, selon ses critères.

Un programme de recherche d'emploi d'une durée maximale d'un an, période pendant laquelle elle oblige les accidentés à coup de menaces de coupures à se chercher eux-mêmes un emploi à un rythme que même la CEI, qui en paie la plus grande partie, n'a jamais eu l'audace d'imposer aux chômeurs en santé. Dans certains cas, elle intervient en cours de route pour faire à l'accidenté une offre qu'il ne peut pas refuser, sous peine de voir définitivement fermer son dossier pour refus de collaborer à sa réadaptation. C'est ainsi qu'elle alimente en main-d'oeuvre à bon marché un certain nombre d'agences de sécurité, de gardiens de nuit et de personnel volant d'entretien ménager. Elle appelle cela de la

réadaptation.

Un programme dit de complément de revenu qui, prétend-elle, permettra à l'accidenté de combler le salaire perdu s'il accepte un emploi moins rémunérateur. Cela paraît équitable à première vue. Mais cela ne comble que la différence entre le nouveau salaire et 90% du salaire net gagné au moment de l'accident, c'est-à-dire parfois deux, trois, cinq ans auparavant. Toute déduction faite de la rente mensuelle pour dommages corporels et déficit de capacité de travail. Elle appelle aussi cela de la réadaptation, obliger quelqu'un à accepter n'importe quel emploi associé à un gel rétroactif de son salaire en le privant en plus d'une rente pour incapacité physique permanente à laquelle la loi lui reconnaît le droit.

Un programme de formation qu'elle dispense très parcimonieusement, d'une durée maximale de trois ans et auquel elle peut mettre fin à volonté, en tout temps, ce qui crée un état de stress permanent chez les accidentés qui y sont inscrits et qui n'ont, de plus, aucune garantie de la CSST qu'elle leur fournira les conditions minimales assurant le retour en emploi.

Un programme de stabilisation sociale ou allocation long terme, 90% du salaire net au moment de l'accident, y inclus le pourcentage d'IPP et le RRQ, que la CSST accorde à ceux et celles qu'elle considère inaptes à tout travail en raison de leur accident et qu'il lui coûterait beaucoup plus cher de reconnaître invalides à 100%, la rente mensuelle pour IPP étant indexable.

Un programme de subventions aux employeurs par lequel la CSST encourage un certain nombre de patrons à embaucher des accidentés qui, pendant des mois, ne leur coûteront presque rien en salaires puisque la CSST en assumera la plus grande partie, sans aucune garantie bien sûr, qu'ils les maintiendront en emploi, une fois la subvention terminée.

Voilà comment la CSST définit aujourd'hui notre droit à la réadaptation, le mot "droit" étant bien entendu, ici, comme un privilège, une générosité supplémentaire de la CSST qu'elle peut, à volonté, nous retirer n'importe quand. D'ailleurs, n'étant pas un vrai droit, la réadaptation ne peut pas être objet d'appel en dehors de la CSST.

Le gouvernement dit reconnaître le bien-fondé de notre revendication concernant le droit de retour en emploi et le droit à la réadaptation. Déplorant la situation actuelle, extrêmement pénalisante pour les accidentés du travail et se fondant sur le principe que la meilleure façon de minimiser les conséquences d'un accident du travail, c'est d'assurer le retour en emploi de la victime, il a introduit dans son projet de loi de nouvelles dispositions et, pour la première fois, énoncé ce droit. Voyons ce que cela donne.

Chapitre VI, la réinsertion sociale et professionnelle du travailleur. La section 1 porte sur la réadaptation. Elle s'ouvre, à l'article 138, sur l'affirmation d'un nouveau droit. C'est bien. "Le travailleur a droit à la réadaptation que requiert son état en raison d'une lésion professionnelle en vue de sa réinsertion sociale et professionnelle."

On se dit: Enfin, il était temps. Comme, par expérience, on a appris à se méfier de la façon dont la CSST interprète ou applique la loi, on cherche quelque part dans le chapitre et dans celui qui porte sur nos droits d'appel, l'article qui nous permettra d'en appeler, advenant le non-respect de ce droit auquel on tient tant, et on ne trouve rien. Ou plutôt si; on trouve, à l'article 247, la négation de ce droit d'appel. L'appel à la Commission des affaires sociales ne pouvant porter que sur le droit à une indemnité ou sur le montant ou le recouvrement d'une indemnité.

Comment peut-on prétendre nous reconnaître un droit si on nous refuse le droit d'en appeler sur son application? C'est de la supercherie.

Malgré cela, on se dit que, peut-être, la loi va au moins préciser ce droit. Et tout ce qu'on peut lire, de l'article 138 à l'article 144 inclusivement, c'est l'énoncé des pouvoirs de la CSST. On n'en a rien à faire des pouvoirs de la CSST. Elle ne les a jamais exercés à notre avantage. Nous pensons vous l'avoir assez bien démontré lors de la commission parlementaire de décembre 1983.

Il y a cependant une exception. L'article 140 commence, semble-t-il, par l'énoncé d'une obligation: "La Commission doit..." Que doit-elle donc faire? "Donner accès à des services de réadaptation..." C'est vague. "Adopter une politique...", en trois paragraphes. Trois paragraphes pour expliquer une seule chose, que la CSST est tenue, obligée par la loi, contrainte de décider elle-même, en toute liberté, de nos droits, de la façon dont elle exercera ses pleins pouvoirs en la matière. Il fallait y penser.

Elle n'est même pas tenue de nous verser une indemnité de remplacement du revenu pendant la période où elle exercera librement sur nous ses pleins pouvoirs, sauf, bien entendu, si on se réadapte en travaillant. C'est elle qui, de plus, décide de l'admissibilité d'un travailleur à la réadaptation. Quelle garantie, sans droit d'appel, bien sûr.

Dans ces conditions, il serait plus honnête d'effacer l'article 138 qui tient plus de l'insulte que du droit. M. le ministre, êtes-vous à ce point ignorant ou aveugle pour penser un instant que ce chapitre nous donne droit à quelque chose?

La section II du chapitre VI porte sur le droit de retour au travail. Cette section est un peu moins trompeuse que la

précédente. Elle a tout au moins le mérite d'énoncer assez clairement les limites et les restrictions inhérentes à l'exercice du droit qu'elle proclame et les conditions d'application et d'appel pour le travailleur. L'article 150 énonce ce droit "de réintégrer son emploi avec le salaire et les avantages dont il bénéficierait s'il avait continué à l'exercer". La reconnaissance de ce principe est extrêmement importante pour l'ensemble des travailleurs accidentés. Malheureusement, ce droit ne s'applique pas à l'ensemble des travailleurs et des travailleuses, mais à une partie d'entre eux et d'entre elles seulement, pénalisant ainsi ceux et celles qui sont le plus gravement atteints, qui sont déjà, au départ, les plus pénalisés. (16 h 15)

Ce droit est refusé à toutes les victimes d'accident ou de maladie du travail qui ont un contrat de travail de durée déterminée, qui n'ont pas trois mois de service continu dans le même établissement au moment de l'accident, dont l'accident occasionne une absence d'un an, dans les cas de 20 travailleurs et moins, et de deux ans, pour plus de 20 travailleurs; qui ne peuvent reprendre le travail dans les cinq jours ou dans les quatorze jours pour un autre emploi, suivant la date fixée par la CSST et cela, quel que soit leur état de santé et l'avis de leur médecin traitant, qu'ils soient ou non en appel de cette décision.

Ces restrictions sont inadmissibles et injustes à l'endroit des accidentés et pénalisent un très grand nombre d'entre eux et d'entre elles, sur la base de critères qui nous apparaissent injustifiables. Nous n'acceptons pas que nos droits soient établis sur la base de critères strictement économiques: trois mois de service ou selon la capacité de payer de chaque catégorie d'employeurs: absence d'un an ou de deux ans, selon la taille de l'entreprise. Nous acceptons encore moins que ce soit la CSST, par son appareil médical mercenaire, qui compromette notre droit de retour au travail en fixant elle-même le moment de notre rétablissement. Nous connaissons tous les pratiques d'évaluation médicale abusives de la commission, l'utilisation économique qu'elle fait de cet appareil, et nous savons, à l'avance, comment, sous la pression des employeurs, elle fera usage de ce pouvoir pour compromettre notre exercice de ce droit.

Nous qualifions de superflu dangereux l'incitatif de retour au travail proposé par le projet de loi 42. Ce concept, en plus d'être méprisant pour l'accidenté, qu'on suppose au départ récalcitrant à un retour au travail, constitue, par les promesses de gains supplémentaires qu'il comporte, une tentation vicieuse pour l'accidenté de retourner au travail prématurément avant que la guérison ne soit complète. Les accidentés n'ont jamais demandé de privilège pour retourner au travail. Ce qu'ils veulent, c'est le droit de le faire sans pénalité.

On va faire référence à l'annexe II, qui va être lue par mon camarade.

Le Président (M. Rancourt): M. Lafrance.

M. Lafrance: On peut se demander pourquoi le gouvernement introduit dans la loi un incitatif pécuniaire au retour au travail pour l'accidenté. Il semble que ce soit pour résoudre le problème de la durée des périodes d'arrêt de travail des accidentés. On a fait de petits calculs et on a regardé aussi un peu des exemples. Je pourrais vous référer à l'exemple B de l'annexe: un travailleur touche, avant son accident, un salaire brut de 20 000 $, ce qui donne 16 000 $ net, et, par exemple, après deux ans d'arrêt de travail, se trouve un nouvel emploi de 15 000 $ brut, ce qui donne 13 000 $ net.

On regarde l'autre petit tableau, ce que cela peut donner. Ce sont des petits chiffres quand même assez intéressants. Pour ce qui est de la période de deux ans ou moins, cela dépend de l'échéance, selon l'article 75 ou 77, la personne va avoir une différence à la hausse sur son ancien salaire - salaire net, naturellement - d'environ 1000 $, 1129 $, ce qui représente une augmentation de 7%.

Cela semble nous arriver comme cela, comme un cadeau, pendant deux ans. Pourquoi un cadeau comme cela? C'est que, lorsque l'on regarde après cette belle période de deux ans, cela disparaît à un moment donné; là, le travailleur se retrouve face à la réalité et s'aperçoit que, pendant le restant de sa vie, et non pendant un an ou deux, il devra subir une perte de 10% par rapport à son ancien salaire. Cette perte, on la prend de façon globale; c'est sûr qu'il peut y avoir des modifications selon l'indice des prix à la consommation. Mais, pour tous les exemples, après l'incitatif des deux ans, cela arrive toujours à 10%. Ce qui fait que, lorsque l'on dit que l'indemnité de remplacement de revenu remplace le revenu, on se rend compte que, même après le retour au travail, le travailleur ou la travailleuse va subir une perte de revenu pour le restant de sa vie. On a mis des exemples selon le salaire avant l'accident et le salaire après l'accident. Ces exemples s'appliquent à des personnes ayant deux dépendants. Vous pouvez regarder, ce sont des chiffres très intéressants. On peut aussi remarquer que l'épargne pour la CSST, quand on retourne ces gens-là au travail, est très importante, très intéressante comme on le voyait tout à l'heure aussi pour les indemnités forfaitaires. Ce sont des montants qui sont assez énormes. Après cela, on se demandera pourquoi cet incitatif existe. C'est peut-être

plus clair avec les petits tableaux.

Le Président (M. Rancourt): M. Bourdeau.

M. Bourdeau: Merci. En résumé, nous soulignons comme un point positif l'apparition de ce droit dans le projet de loi 42 mais nous dénonçons les limites et restrictions qui l'accompagnent et qui priveront de fait un très grand nombre de travailleurs et de travailleuses accidentés de sa jouissance, en particulier ceux et celles qui en auront le plus besoin. En effet, les travailleurs et les travailleuses qui sont, dans les faits, le plus lésés par l'absence de ce droit aujourd'hui sont justement ceux et celles qui font l'objet des restrictions et limites inhérentes à ce nouveau droit.

Le projet de loi ne vient donc, dans bien des cas, que consacrer un état de fait en y ajoutant quelques garanties supplémentaires: modalités, droit d'appel. Du même coup, il vient, par ses restrictions, sanctionner le congédiement de ceux et celles qui sont exclus de son application et nier la reconnaissance des trois principes de pleine responsabilité de l'employeur, de non-pénalité pour l'accidenté et des droits fondés sur la justice et l'équité.

Ce que nous revendiquons en matière de réadaptation, c'est le droit à une indemnité et à des services de réadaptation sans limite dans la durée et pour tous les travailleurs et travailleuses ayant perdu leur emploi par suite de leur accident, avec ou sans déficit permanent reconnu, garantissant une indemnité complète de remplacement de revenu pendant toute la durée de la réadaptation jusqu'au retour en emploi; une indemnité de remplacement de revenu réduite du montant du salaire gagné dans un nouveau emploi moins rémunérateur, à laquelle s'ajouterait l'équivalent en argent des avantages perdus qui étaient liés à l'ancien emploi: vacances plus longues, primes de travail de nuit, régime de retraite, etc.

Nous revendiquons des services de réadaptation devant satisfaire aux exigences suivantes: assurer au travailleur le retour en emploi dans des conditions de travail comparables; assurer à l'accidenté qu'il aura son mot à dire dans le choix du plan ou des formes de réadaptation et que ce programme sera adapté à ses conditions physiques et ou psychiques; prendre tous les moyens possibles pour adapter le poste de travail anciennement occupé pour favoriser le retour au même emploi; assurer que tous les moyens de support et de recyclage ont été pris pour garantir au travailleur accidenté le maintien de la qualité de vie et du degré d'autonomie dont il jouirait normalement s'il n'avait pas eu d'accident.

Nous revendiquons le droit à une reprise en charge complète par la réadaptation, c'est-à-dire l'IRR et ses services, de tout travailleur mis à pied pour quelque raison que ce soit par un employeur subventionné par la CSST ou par un employeur chez lequel le travailleur a effectué son retour au travail depuis moins d'un an.

Nous revendiquons le droit, pour tout travailleur réadapté et retourné en emploi depuis plus d'un an chez un employeur non subventionné et qui se voit congédié pour des raisons étrangères à son déficit physique permanent, à un pourcentage de déficit de capacité de travail qui s'ajoutera à son pourcentage de déficit physique et qui lui sera versé sa vie durant sous forme de rente mensuelle avec option de capitalisation.

Nous revendiquons le droit à vie, pour tout travailleur qui en a besoin à la suite de son accident, à une assistance financière pour adaptation de poste de travail ou de résidence ou à toute autre forme d'assistance financière permettant sa plus complète réinsertion sociale et le maintien de sa qualité de vie.

Seules ces conditions dans leur ensemble peuvent assurer un réel droit à la réadaptation pour les accidentés. Nous insistons en particulier sur le fait que la réadaptation n'a aucun sens si elle ne satisfait pas aux objectifs énoncés plus haut à 1b, à savoir redonner à l'accidenté, non seulement son salaire, mais aussi l'autonomie et la qualité de vie qu'il avait acquises au cours de ses années de travail. Un droit d'appel à tous les paliers d'appel institués par la loi concernant toutes les décisions rendues par la CSST en matière de réadaptation, admissibilité, droit et montant d'indemnité, durée, évaluation des services offerts ou réadmissibilité.

Les accidentés veulent retourner au travail. C'est un droit qu'ils revendiquent depuis des années, mais ils ne veulent pas qu'on les oblige à le faire prématurément ni dans n'importe quelles conditions. C'est un droit qu'ils réclament et ils ne veulent pas que ce droit soit assorti d'obligations qui seraient contraires à l'esprit même de la loi.

Par exemple, une clause spéciale devrait prévoir qu'un accidenté puisse aussi refuser de retourner à son ancien emploi en raison du traumatisme, du choc que représente pour lui l'accident dont il a été victime. Il ne faudrait pas que le droit qu'on lui reconnaît enfin prenne l'allure d'une obligation risquant, si elle n'est pas remplie, de le priver de ses droits.

À cet effet, nous dénonçons les dispositions contenues à l'article 122, paragraphe 2d, qui autorise la CSST à refuser une indemnité à un travailleur qui, sans raison valable - la validité relève de la compétence de la CSST - omet ou refuse de se prévaloir des mesures de réadaptation mises à sa disposition.

Concernant le droit de retour en emploi, nous exigeons que la loi oblige tout employeur à reprendre à son emploi un travailleur ou une travailleuse, qui a été accidenté ou rendu malade dans son entreprise, au même poste qu'il occupait avant son accident si son état physique le lui permet, selon son avis et celui de son médecin traitant, avec adaptation du poste de travail, si nécessaire; à un autre poste qui, de l'avis de l'accidenté et de son médecin traitant, convient à ses capacités résiduelles; que priorité lui soit accordée à ce poste tout en respectant les clauses d'ancienneté prévues à la convention; que, dans un cas comme dans l'autre, le salaire et les avantages auxquels il aurait eu droit s'il n'avait pas été accidenté lui soient garantis et lui soient versés par l'employeur, dans le premier cas, et par la CSST dans le second, la loi ne devant en aucune façon intervenir dans l'interprétation et l'application des contrats de travail ou conventions collectives.

Nous exigeons qu'aucune limite ou restriction n'accompagne l'énoncé de cette obligation pour l'employeur et de ce droit pour le travailleur, sauf les deux restrictions suivantes: si le travailleur décide librement de ne pas réintégrer l'entreprise où il a été accidenté, auquel cas il doit être entièrement pris en charge par la réadaptation -section précédente, page 23, dernier paragraphe - et si le travailleur ou la travailleuse n'est pas en état, selon son médecin traitant, de reprendre quelqu'emploi que ce soit dans l'entreprise, auquel cas il peut être éligible au droit à la réadaptation, tel que défini plus haut, ou à l'IRR complète permanente et à la rente d'invalidité totale.

Nous exigeons qu'un droit d'appel lui soit reconnu concernant toutes les dispositions permettant d'appliquer ce droit. On peut biffer ce qui apparaît entre parenthèses; c'est une erreur.

Le Président (M. Rancourt): Mme Lefebvre.

Mme Lefebvre: Le troisième chapitre concerne les pouvoirs de décision en matière médicale. Un bref retour sur la situation actuelle. La loi actuellement en vigueur reconnaît à l'accidenté, comme c'est reconnu à tout citoyen, le droit de choisir son médecin traitant de même que l'établissement dans lequel les soins lui seront dispensés. Elle prévoit aussi que les frais d'assistance médicale engendrés par l'accident du travail seront assumés par le fonds d'indemnisation auquel cotisent les employeurs. Mais elle reconnaît aussi, paradoxalement à la commission, les pleins pouvoirs en matière médicale, c'est-à-dire le pouvoir de juger du bien-fondé d'une réclamation, de la pertinence, de la nature, de la durée des traitements, de la durée de l'arrêt de travail, du pourcentage de déficit permanent engendré par l'accident ou la maladie du travail. (16 h 30)

Autrement dit, on peut toujours choisir son médecin, mais ce dernier ne décide rien. C'est le bureau médical de la CSST qui décide tout en fonction des intérêts économiques de la commission, qui se retrouve en cette matière, encore une fois, juge et partie. Nous avons abondamment décrit, avec de multiples exemples à l'appui, les abus quotidiens auxquels donne lieu ce système dans le mémoire de l'ATTAQ présenté le 12 décembre 1983 à la commission parlementaire sur le fonctionnement et l'administration de la CSST.

Nous nous contentons donc, ici, d'en résumer les données. Le diagnostic et la prescription de traitement du médecin traitant ne sont pas respectés par le bureau médical qui décide, bien souvent, sans examen du patient ou après un examen sommaire du médecin évaluateur. Les traitements sont interrompus avant terme. De nombreux accidentés sont retournés au travail prématurément, occasionnant des souffrances inutiles aux victimes et des rechutes qui pourraient être évitées. Des diagnostics de condition personnelle préexistante sont portés sans examen ou sans vérification du dossier. Des coupures sont régulièrement pratiquées à tort dans les indemnités des accidentés. Des autorisations de traitement sont retardées ou refusées sans justification. Les pourcentages d'incapacité permanente sont régulièrement sous-évalués ou refusés. Depuis des années, nous dénonçons cette situation et nous avons déjà démontré au ministre les préjudices graves qui sont causés aux accidentés.

Nos revendications, sur ce chapitre, ont été clairement formulées. Pourtant la situation ne cesse de se détériorer et chaque nouvelle saison voit surgir une nouvelle série de directives de la CSST visant à restreindre encore plus nos droits et ceux de nos médecins traitants. En cas d'accidents et de maladies du travail, la question des droits et des pouvoirs, en matière médicale, n'est pas une question secondaire, elle est au coeur du problème. C'est là que se décide notre droit à une indemnité, c'est là que se joue notre droit à la santé.

Nous étions donc en droit de nous attendre à des modifications majeures en cette matière dans le projet de loi 42. À la lecture du chapitre V sur l'assistance médicale, les articles 125 à 137 inclusivement, nous constatons que rien n'a changé. Le travailleur a toujours droit, à l'article 129, aux soins de l'établissement de santé du professionnel de la santé de son choix. C'est la moindre des choses. Mais c'est encore, à l'article 132, la commission qui décide de la

nécessité, de la nature, de la suffisance ou de la durée de l'assistance médicale qui est décrite à l'article 126. Ce seul article 132, par les pouvoirs qu'il confère à l'organisme payeur et à l'appareil médical qu'il a mis en place compromet la reconnaissance et infirme la valeur de tous les autres droits énoncés dans ce projet de loi.

Par exemple, le droit à l'IRR, fût-elle revalorisée, ne veut plus rien dire pour celui ou celle que le bureau médical a déclaré guéri envers et contre tous ses médecins traitants. Le droit de retour en emploi ne veut plus rien dire pour celui ou celle que son médecin traitant maintient en arrêt de travail et en traitement pendant plus de cinq jours après la date de retour au travail, fixée arbitrairement par le médecin de la commission. Le droit à l'IRR réduite ne veut plus rien dire non plus pour l'accidenté que le bureau médical de la commission a déclaré apte à faire un travail que la commission juge aussi rémunérateur que son ancien travail. Le droit à une indemnité forfaitaire pour dommages corporels ou pour décès ne donne plus rien à celui ou celle que le bureau médical de la CSST a déclaré atteint ou décédé des suites d'une condition personnelle préexistante. Ces verdicts ne sont pas exceptionnels.

Nous avons longuement expliqué, dans notre mémoire de décembre 1983, comment le rôle de juge et partie joué par la CSST mène inévitablement à ces abus généralisés, que les accidentés ne peuvent espérer aucune justice tant que les pleins pouvoirs seront entre les mains de l'organisme payeur, surtout en matière médicale. Non seulement le projet de loi remet le pouvoir de décider de notre santé entre les mains du personnel médico-comptable de la CSST, mais il réitère l'obligation, assortie de pénalités, pour l'accidenté de se soumettre lui-même à l'examen du médecin de l'employeur et du médecin de la CSST.

Article 133: "Le travailleur qui réclame une prestation doit, à la demande de son employeur ou de la commission, se soumettre à l'examen d'un professionnel de la santé choisi et payé par l'employeur ou la commission, selon le cas, relativement à la lésion professionnelle dont il a été victime", comme si c'était un tort pour la victime que de réclamer. Si tu ne réclames rien, ton médecin traitant est assez compétent pour s'occuper de toi seul, mais si tu réclames, c'est autre chose. Le médecin de la compagnie et celui de la CSST doivent s'en mêler. Qui donc ces médecins gestionnaires se proposent-ils d'examiner, le réclamant ou la victime? De quel droit impose-t-on aux victimes d'accident et de maladie du travail d'être examinées par un médecin qu'elles n'ont pas librement choisi? Pourquoi devrions-nous aller voir des médecins qui n'ont aucunement pour objectif de nous soigner, de nous guérir, mais qui ont pour seule fonction de soigner les intérêts de l'entreprise ou de la compagnie d'assurance qui les paie. Nous ne payons pas le médecin qui nous soigne. Pourquoi nos patrons et la CSST auraient-ils le droit d'en payer un ou plusieurs pour qu'ils statuent sur notre état de santé et sur nos droits? Je vous demanderais de vous reporter à l'annexe V: Les affirmations qu'on fait quand on parle des médecins de compagnie, des médecins de la commission qui sont des médecins gestionnaires, ne sont pas des phrases en l'air. À l'annexe V, il est question des médecins de compagnie en tant que gestionnaire.

Les médecins de compagnie ont beau se camoufler sous le titre honorable de médecins du travail, c'est une déclaration du Dr Guy Paquet dans l'Actualité médicale du 13 janvier 1982, et réclamer à ce titre des pouvoirs accrus d'intervention et de décision, il n'en demeure pas moins ce qu'ils ont toujours été, des gentionnaires de l'entreprise avant tout. C'est d'ailleurs ainsi que s'exprimait le Conseil du patronat du Québec dans un exposé rapporté par la Presse du 13 novembre 1978 et commentant les politiques du livre blanc sur la santé et la sécurité du travail. Je cite la déclaration du Conseil du patronat: Les services de santé au travail ne seront plus sous la responsabilité financière et administrative directe de l'employeur. "C'est à propos des discussions autour du projet de loi 17 du livre blanc. Pour l'entreprise, cette orientation est irréaliste à plusieurs points de vue. Par exemple, les entreprises se fixent des normes de qualité de la main-d'oeuvre en fonction de la qualité du produit ou des services à rendre. Ces normes font partie de la planification et de l'administration de l'entreprise. Dans ce contexte, le médecin d'entreprise est un gestionnaire au même titre qu'un autre gestionnaire. Vouloir alors nationaliser les services de santé des entreprises serait amputer les entreprises d'un service qui leur est essentiel et dont on n'a jamais pu faire la preuve qu'il soit préjudiciable au travailleur, bien au contraire" dit le conseil du patronat.

Les représentants de l'industrie minière s'expriment dans le même sens et vont encore plus loin dans une déclaration rapportée par le Devoir quelques jours plus tard. "Le gouvernement du Québec devra faire des acrobaties pour offrir à ses médecins des salaires équivalents aux surprimes considérables que versent les compagnies des régions éloignées. Il n'arrivera pas à recruter des médecins d'entreprises neutres nommés par les comités paritaires et payés par l'État." Ce n'est pas nous qui le disons. "En effet, les médecins du travail actuels n'hésiteront pas à accpeter des postes de médecin conseil chargé de défendre les

intérêts des compagnies qui auront les moyens de se payer un tel service. Les médecins de compagnie doivent rester des cadres des entreprises où ils travaillent et il serait dangereux d'en faire de simples surveillants extérieurs à la structure d'autorité interne". Quelle franchise!

Deux ans plus tard, la compagnie Alcan y va de ses révélations elle aussi dans le Devoir du 5 novembre 1980. Elle se vante à son tour de ses recherches poussées sur les dangers du bruit dans ses usines d'affinage de l'aluminium, qui lui permettent maintenant, non pas de réduire le bruit, mais de prédire avec précision lesquels de ses employés deviendront assez sourds pour obtenir une indemnisation de la CSST et quels en seront les coûts. "Cela permet à nos médecins, a dit M. Coté, représentant de l'Alcan, de mieux contester les demandes des travailleurs qui, selon nos critères, n'ont pas été exposés à une dose de bruit suffisante pour avoir droit à une indemnisation." Voilà à quoi servent les médecins de compagnie. Les exemples ne manquent pas.

Le juge Sauvé lui-même, dans un document adressé au ministre Marois et dont la Presse fait état le 12 décembre 1980 dénonce les pratiques moyenâgeuses de plusieurs compagnies dont principalement les compagnies forestières. "Parmi ces pratiques administratives illégales et toutes préjudiciables aux travailleurs, dit-il, il est fait mention que certains médecins d'entreprise entretiennent des systèmes particuliers, renvoient au travail des accidentés qui auraient dû être au repos, font des ententes avec des hôpitaux pour que leurs comptes, au lieu d'être envoyés à la commission pour paiement, selon la loi, soient chargés strictement à l'employeur". Le juge Sauvé affirme aussi dans une lettre adressée au Dr Augustin Roy, secrétaire général de la Corporation professionnelle des médecins du Québec: "On a pu constater que certains rapports médicaux de travailleurs de la Consolidated Bathurst se retrouvaient dans les dossiers administratifs et étaient accessibles à plusieurs personnes non autorisées à en prendre connaissance. J'ai des raisons de croire, dit le juge Sauvé, que cette situation n'est pas unique et qu'elle se répète dans d'autres entreprises." Pour une fois, notre expérience nous amène à la même conclusion que le juge Sauvé.

Tout récemment encore, soit le 9 novembre 1983, le Conseil canadien de la médecine du travail tenait à Toronto son premier congrès national sur la santé au travail. Le Dr Bertrand, spécialiste en oto-rhino-laryngologie et médecin de compagnie bien connu au Québec, a fourni aux participants des chiffres éloquents tirés de son expérience et plaidant en faveur de l'embauche par les compagnies de médecins spécialistes dont la rentabilité, selon ses dires, ne saurait être remise en doute. Après avoir longuement dénoncé les coûts exorbitants que doivent assumer les compagnies concernant la surdité industrielle, il a cité, en exemple, une compagnie qui n'a pas craint d'investir 63 000 $ en coût de contestation de maladie industrielle et qui en a tiré un revenu de 710 000 $. Comment douter ensuite du haut taux de rentabilité de ces gestionnaires que sont les médecins de compagnie, en particulier quand ils sont spécialistes?

Quant aux médecins de la CSST, nous croyons que ce sont des gestionnaires aussi. La CSST qui a osé, en 1980, dénoncer les pratiques injustifiables de certains médecins de compagnie, accepte pour son propre compte des pratiques de même nature. Gestionnaire du Fonds d'indemnisation des entreprises, elle dicte elle-même les politiques économiques que son bureau médical a pour rôle d'appliquer. Ces médecins de papier sont des gestionnaires extrêmement rentables. On vous renvoie au mémoire du mois de décembre qui contenait plusieurs exemples. Entre autres, un rapport du chef de service de la réparation de la CSST, région de Québec, en date du 20 décembre 1982 fait état de l'indéniable rentabilité des médecins coupeurs ou contrôleurs du bureau médical. Partant de l'analyse des coupures effectuées pendant un mois seulement et par un seul médecin employé à cet effet, M. Côté, du bureau régional de Québec, en arrive à démontrer qu'en appliquant les politiques de la CSST en matière médicale, ce seul médecin a épargné en un mois 63 630 $. En reportant ces chiffres sur un an, il conclut: "Je vous souligne cependant que ce contrôle ne peut se faire à l'année, car pour le faire, il est absolument nécessaire d'ajouter un médecin à temps plein dans une direction régionale comme la nôtre. Cependant - dit M. Côté -administrativement parlant, il me semble qu'un investissement de 40 000 $ pour économiser au-delà de 750 000 $ semblerait rentable à tout homme d'affaires sensé."

En effet, si on compare ces chiffres à ceux qu'a fournis le Dr Bertrand, on doit même reconnaître que le taux de rentabilité d'un médecin généraliste de la CSST est même plus élevé que celui d'un médecin de compagnie, fut-il spécialiste.

De quoi les compagnies se plaignent-elles donc? Elles devraient rendre hommage à l'appareil qui dessert si bien leurs intérêts. Quant aux médecins experts de la commission qui sont aussi, d'autre part, des médecins traitants pratiquant librement la médecine dans le réseau public, ils pratiquent ces expertises dans des conditions qui nous amènent à douter de leur impartialité. Choisis par la CSST, payés par elle, ils peuvent difficilement échapper à son contrôle.

Un de ces médecins spécialistes pratiquant aussi dans un grand hôpital de Montréal et en clinique, témoignant sous serment il y a quelques mois, lors d'une audition du Bureau de révision, nous a confirmé que la CSST lui demandait quinze expertises par jour, une fois aux deux semaines. Un bref calcul nous permet de conclure que ce petit à côté représente un supplément de revenu d'au moins 45 000 $ par année. Il reconnaissait du même souffle qu'il est très possible de faire une expertise en cinq minutes. En effet, qu'est-ce qu'on ne pourrait pas faire à ce prix-là? Qu'on ne vienne pas nous dire en tout cas que ce système favorise l'impartialité et la conscience professionnelle.

Citons, pour terminer, le témoignage du Dr Gaston Ostiguy, chef du service de médecine de l'hôpital Maisonneuve-Rosemont et président d'un comité d'experts sur les pneumoconioses à la CSST. Ayant eu à examiner les dossiers des cas douteux d'amiantose et à se prononcer sur ces cas, il affirme, dans le Courrier médical du 13 septembre 1983: "Nous n'avions à notre disposition que le dossier du travailleur et les radiographies. Je ne recommencerais pas une telle expérience. La prochaine fois, je demanderai à examiner moi-même le malade."

Le Dr Ostiguy prétend que les experts appelés à trancher sur un diagnostic d'amiantose ont en général des préjugés qui les prédisposent à donner un diagnostic positif lorsque l'histoire clinique démontre une exposition répétée aux fibres d'amiante pendant plusieurs années, mais qu'ils sont conscients de ce danger et sont très circonspects avant de poser un diagnostic. Il souligne qu'il faut être conscient des pressions exercées d'un côté par les compagnies et de l'impact de la décision sur la santé de la personne impliquée. Pour rassurer ceux qui s'inquiéteraient de leur préjugé favorable, il reconnaît enfin que lorsqu'un diagnostic est posé, c'est sur l'existence d'anomalies suffisantes pour nous permettre de le poser.

Pourquoi faudrait-il donc avoir affaire au Dr Ostiguy, médecin-expert de la CSST? Ne suffirait-il pas de consulter le Dr Ostiguy, médecin spécialiste à l'hôpital Maisonneuve-Rosemont pour savoir ce qu'il en est de ses poumons? En tant que médecin traitant, on serait sûr au moins que le Dr Ostiguy se donnerait la peine d'examiner non seulement le dossier mais aussi le patient. (16 h 45)

Ce que nous revendiquons en matière médicale: Nous pensons qu'il y a un moyen de mettre fin au système d'abus généralisés qui a cours présentement et qui cause aux accidentés les plus graves préjudices. Encore une fois, nous ne réclamons aucun privilège, seulement le droit d'être traités sur un pied d'égalité avec tous les autres citoyens. Nous voulons que la loi oblige la CSST, premièrement, à reconnaître le diagnostic et le traitement du médecin traitant. Nous voulons aussi que la loi retire à l'employeur et à sa mutuelle d'assurance de la CSST le droit d'exiger de nous un examen médical de la part de leur médecin. Nous pensons que le médecin le mieux placé pour statuer sur notre état de santé est le médecin qui nous traite.

Si la CSST ou l'employeur jugent que nos médecins, c'est-à-dire ceux qui pratiquent librement la médecine dans le réseau médical public québécois, sont incompétents ou malhonnêtes, qu'ils portent plainte auprès des organismes compétents légalement constitués et prévus à cet effet. Ils rendront ainsi service à l'ensemble des citoyens dont la santé serait aussi mise en danger par ces médecins incompétents ou malhonnêtes.

Si nous exigeons que la loi reconnaisse un caractère décisionnel au rapport et à l'opinion du médecin traitant, ce n'est pas parce que nous croyons que tous les médecins traitants sont infaillibles ou spécialistes chevronnés en toute matière. Aussi, nous ne nous opposons pas à toute forme de vérification ou de confrontation de leur diagnostic par un autre médecin, spécialiste si nécessaire. Mais, nous ne voyons aucune justification à ce que ce soit l'employeur ou la CSST qui le choisisse. De quel droit l'exigerait-il?

Rien n'empêcherait la CSST, à la suite du rapport du médecin traitant, généraliste ou spécialiste, d'examiner ce rapport et de juger s'il contient les éléments nécessaires à une prise de décision; d'exiger du médecin traitant qu'il le complète, s'il est insuffisant; d'exiger, au besoin, si cela n'a pas été fait et lui semble opportun, que l'accidenté soit examiné par un spécialiste choisi par lui, en accord avec son médecin traitant, qui devra, à son tour, faire rapport en tant que médecin traitant ou consultant; de prendre une décision fondée sur ce rapport. Dans le cas de divergence entre deux médecins traitants, d'exiger que l'accidenté consulte un autre spécialiste choisi par lui qui puisse permettre de trancher la question.

Nous exigeons aussi que la loi oblige la CSST à donner accès aux accidentés du travail, à tous les lieux de traitement accessibles déjà à l'ensemble des citoyens, ce qui n'est pas le cas actuellement, en particulier pour les soins de physiothérapie. Encore une fois, l'argument évoqué par la CSST pour réduire l'accès aux lieux de traitement est indéfendable. Nous ne voyons pas pourquoi on confierait à la CSST le devoir de nous surprotéger. Si certaines cliniques sont mal tenues ou ne répondent pas à certains critères de qualité, qu'on porte plainte et qu'on les fasse fermer. C'est

un service à rendre à tous les citoyens ordinaires qui, eux, s'y font soigner.

Ce chapitre de la loi est, pour nous, le plus important et notre revendication, "donner un caractère décisionnel au diagnostic et à la prescription de traitement de notre médecin traitant", est notre principale revendication. Pourquoi? Parce que nous croyons que c'est la seule façon de mettre fin à un système d'injustice organisé, institutionnalisé, un système fondé sur des intérêts et axé sur des objectifs strictement économiques et partisans. La preuve en a été faite à maintes occasions.

De quoi avez-vous peur? Que tous les médecins traitants du Québec se transforment en médecins complaisants pour les travailleurs accidentés? Le risque est bien minime. Et nous sommes les premiers à reconnaître que, même si cette revendication est satisfaite demain, la justice sera loin d'être assurée aux victimes d'accident et de maladie du travail, parce qu'un très grand nombre de médecins sont profondément marqués par des préjugés rétrogrades à l'endroit des travailleurs en général et des accidentés en particulier; parce que leur formation a suscité ces préjugés et leur statut social privilégié ne favorise pas tellement les remises en question; parce que les limites actuelles aux connaissances médicales empêchent bien souvent de faire apparaître, ou de soupçonner même, le lien qui existe entre nos symptômes et les traumatismes, accidents et maladies, de toutes sortes que nos conditions de travail occasionnent. Parce que beaucoup de médecins, dans le doute face à nos problèmes de santé, choisiront de défendre leur crédibilité, fondée sur le respect de ce qui est bien établi et reconnu médicalement, plutôt que de s'aventurer dans des hypothèses qui ne sont pas encore entièrement vérifiables à court terme et qui risqueraient de les marginaliser.

Quant à la complaisance liée à des intérêts immédiats, ce n'est pas notre médecin traitant qu'elle risque de frapper. Nous ne le payons pas et il n'a aucun intérêt à être complaisant à l'endroit d'un accidenté. Cela ne lui rapporte rien sauf des ennuis. On ne peut pas en dire autant des médecins de compagnie ou les médecins évaluateurs de la CSST. Quant aux rares exceptions qui, à l'encontre de leurs intérêts propres, se livreraient à des pratiques complaisantes, incompétentes ou malhonnêtes, nous n'avons aucun intérêt à ce qu'ils soient maintenus en poste, et rien ni personne ne vous empêchera de porter plainte contre eux. À eux seuls, ils ne justifieront jamais qu'on maintienne en place un système fondé lui-même en entier sur la complaisance généralisée à l'endroit des agresseurs. C'est dans ce contexte qu'il faut situer notre revendication, non pas qu'elle nous assure, si elle est satisfaite, d'une justice parfaite, loin de là, mais nous n'avons pas d'autres choix. C'est le moins pire que nous ayons trouvé et cela a au moins le mérite de placer les accidentés sur le même pied que tous le citoyens face au système de santé que s'est donné notre société.

Les maladies professionnelles ou maladies du travail. Ce n'est pas un chapitre seulement, mais un mémoire entier qu'il faudrait consacrer à cette question tellement la situation est grave concernant d'abord leur existence, leur prolifération, ensuite leur non-reconnaissance par la CSST. Nous essayerons donc de nous limiter à quelques données essentielles concernant ce dernier aspect.

La situation actuelle. La loi actuelle, tout en reconnaissant formellement les mêmes droits aux bénéfices de la réparation aux victimes des maladies du travail qu'aux victimes d'accidents, ne contient aucune des dispositions garantissant ou même favorisant cette égalité devant la loi.

En remettant à la CSST les pleins pouvoirs de décision en matière de reconnaissance des maladies du travail, le législateur a consacré une inégalité de fait qui tient à plusieurs aspects de la réalité. Beaucoup de maladies du travail ne sont même pas inventoriées à l'heure actuelle et on ne connaît pas les effets néfastes sur l'organisme humain d'un très grand nombre de produits ou d'instruments utilisés en milieu industriel. Même dans le cas de maladies médicalement identifiées, les symptômes que plusieurs d'entre elles occasionnent ne sont pas spécifiques et rendent plus incertain le diagnostic et la détermination de la cause. La formation médicale en vigueur dans nos universités accorde bien peu de place - et pendant longtemps n'en accordait aucune - à la transmission des connaissances en cette matière, mettant ainsi sur le marché une majorité de médecins incapables de les détecter.

Les médecins de compagnie, témoins des conditions de travail déplorables imposées aux travailleurs victimes de ces maladies, sont plus en mesure que quiconque de les déceler rapidement mais ont mis jusqu'ici toutes leurs énergies à les camoufler, à en nier l'existence, à tromper les travailleurs -en leur cachant leur maladie, en les trompant sur sa cause, en refusant de les déclarer à la CSST ou en les contestant devant elle - et à les pénaliser au besoin en favorisant le congédiement pur et simple de ces travailleurs avant que l'évidence se manifeste publiquement et que l'employeur ne s'en voie attribuer les coûts.

Il n'est pas surprenant que la médecine patronale ait montré plus d'acharnement encore contre les victimes de maladies professionnelles qu'elle ne l'a fait contre les victimes d'accidents du travail. En effet, en

tant que gestionnaires de l'entreprise, les médecins de compagnie sont parfaitement conscients de l'ampleur des coûts que représente la reconnaissance de ces maladies qui, étant liées aux conditions de travail dans un milieu généralement insalubre, atteignent collectivement, c'est-à-dire par groupes importants, un nombre toujours croissant de travailleurs et travailleuses.

La CSST elle-même, par son appareil médical, a mis toutes ses énergies à rendre extrêmement long et compliqué, voire inhumain le processus menant à la reconnaissance de ces maladies - exigence de biopsies, d'autopsies, d'études épidé-miologiques inaccessibles à l'accidenté et interminables, de toute façon décourageant ainsi les victimes démunies de produire toute réclamation. Combien meurent de ces maladies avant que leur réclamation n'ait abouti? Au besoin, elle a émis des directives comportant toutes les restrictions permettant de limiter l'accès à la compensation et de préserver ainsi les fonds consacrés à leur indemnisation.

Par exemple, la surdité industrielle n'est compensable qu'à partir d'une perte de 25 décibels. On reconnaît pourtant qu'on est sourd avant cela. Le saturnisme chronique est reconnu seulement sur la base du critère d'insuffisance rénale. Les pneumoconioses sont reconnues seulement si tous les tests sont positifs, encore avec des exigences de biopsies ou d'autopsies. Elle n'hésite pas, d'ailleurs, à décerner de fait des certificats d'incompétence à tous les médecins, même spécialistes, qui sont étrangers aux tentacules de son propre appareil médical - comités de pneumoconiose, médecins-évaluateurs de la CSST.

Dans les cas où la preuve hors de tout doute est impossible à faire, et c'est la majorité des cas, elle n'accepte la présomption ou le doute raisonnable que lorsque tous ses doutes ont été définitivement écartés ou démentis. En bref, même quand elle reconnaît la maladie, elle a une fort tendance à ne pas reconnaître le malade. Et cette affirmation concerne tout autant les maladies professionnelles apparaissant à l'annexe A que celles qui n'y sont pas. On se demande parfois si cette liste, si incomplète soit-elle, n'a pas été faite strictement pour se donner bonne conscience.

Si on ajoute à cela le fait qu'elle ne fait aucune prévention ni information dans le milieu de travail concernant ces maladies, l'élimination des conditions qui les engendrent et les dangers qu'elles représentent; si on tient aussi compte du fait qu'un grand nombre de travailleurs qui déclarent ces maladies et réclament compensation risquent plus un congédiement pur et simple qu'une réelle indemnisation, il n'est pas surprenant qu'il y ait chaque année si peu de réclamations pour maladie professionnelle qui soient adressées à la CSST. Ce qui frappe davantage, c'est qu'un aussi grand nombre d'entre elles soient refusées.

Le projet de loi 42. La nouvelle politique que nous propose le ministre du Travail concernant spécifiquement les maladies professionnelles, tient entièrement en huit articles et une annexe. Nous en concluons que, à l'exception des articles 30 et 31 dont nous parlerons séparément, il est satisfait de la situation actuelle et qu'il a pour objectif qu'elle se perpétue pendant plusieurs années encore.

Nous ne reprendrons pas point par point ce qui fait défaut dans ce point de vue, vous n'avez qu'à vous reporter aux pages précédentes. Nous examinerons plutôt les articles 30 et 31. Cette supposée nouveauté introduite dans la loi nous semble plutôt un succédané dilué d'une directive adoptée par la CAT et reconduite par la CSST très exactement le 5 juin 1975 à Québec lors d'une occupation des bureaux de la CAT et votée sous les yeux d'une trentaine de travailleurs accidentés par les commissaires de l'époque, MM. Tessier, Bellemare, Jodoin. Nous nous en souvenons bien parce que nous y étions. Pour la première fois, les accidentés du Québec réussissaient à se faire indemniser par la CSST, du moins temporairement, sur la base du diagnostic de leur médecin traitant, dans les circonstances décrites par cette directive qui portait le no 3.30. Cela ne s'oublie pas. Nous avons même obtenu qu'elle s'applique rétroactivement au 1er janvier 1974, permettant ainsi, entre autres, de réparer une partie des torts injustement causés à nos camarades intoxiqués au plomb de la Carter White Lead qui, en 1974, s'étaient vus brutalement éloignés de la source contaminante par un lock-out ou un simulacre de fermeture d'usine. Cette directive se lisait comme suit: "Travailleur exposé à un toxique. Lorsqu'un médecin, au point de vue prévention, croit nécessaire d'exiger qu'un travailleur ne soit plus exposé à un toxique et qu'à cause de cet état de fait, il y a perte de salaire. En conséquence la commission décide qu'il y a matière à indemnisation et à assistance médicale à compter du jour de la cessation du travail. La présente décision prend effet à compter du 1er janvier 1974." C'était le 5 juin 1975.

Cela veut dire que la commission reconnaissait au médecin traitant le droit de décider si un travailleur devait, lorsqu'il présentait certains symptômes compatibles avec l'exposition à un produit toxique, être retiré immédiatement du travail, c'est-à-dire le jour même de l'examen médical, et que la commission s'engageait, si tel était le cas, à lui verser la compensation dès le premier jour de l'arrêt de travail prescrit par ce médecin. Or, votre article 30 représente un recul par rapport à cet acquis. D'abord parce

qu'il ne garantit plus qu'un travailleur pourra être indemnisé s'il est retiré du travail sur-le-champ, c'est-à-dire dès la constatation des symptômes par le médecin, soit bien avant que la CSST n'ait pris connaissance du rapport.

Deuxièmement, parce qu'il retire au médecin traitant et confie à la CSST le pouvoir de juger de la pertinence d'un retrait pour investigation ou traitement ou d'un changement d'affectation ou de poste, parce que, étant donné ces deux restrictions, il pêche sérieusement contre l'esprit même de la prévention en obligeant, pour ainsi dire, le travailleur malade à continuer de s'intoxiquer en attendant que la commission n'intervienne. C'est vrai, il y a du nouveau dans ces articles, un nouveau recul dont on aurait bien pu se passer.

Quant aux articles 32 à 35 concernant la constitution des comités de pneu-moconiose, la consécration de leurs pouvoirs, partagée avec la CSST et leur modus operandi de chapelle close bénie et payée par la commission, vous ne serez pas surpris d'apprendre que nous en contestons l'opportunité pour les mêmes raisons que nous vous avons longuement expliquées au chapitre III du présent mémoire.

Nous avons ajouté une section sur la Loi sur l'indemnisation des victimes d'amiantose ou de silocose dans les mines et les carrières et le projet de loi 42. Nous tenons à intégrer à ce chapitre quelques remarques concernant les reculs que représenterait pour les travailleurs actuellement couverts par la loi 52, l'adoption du projet de loi 42. Ces travailleurs atteints de maladie professionnelle non régressive et affectant des fonctions vitales de l'organisme, se verraient imposer les mêmes exigences que tous les travailleurs accidentés dont la réadaptation physique est réalisable.

Ils pourraient donc se voir obligés par la CSST de retourner au travail après avoir été reconnus silicosés ou amiantosés. Même si leur médecin traitant s'oppose à cette mesure, ils se verraient alors attribuer une IRR réduite d'un montant égal au salaire qu'ils gagneraient s'ils étaient au travail. C'est tout simplement scandaleux. De plus, comme un grand nombre d'entre eux, vu les difficultés énormes à faire reconnaître leur maladie par la commission et les délais interminables, se voient forcés de se retirer du travail avant l'âge de la retraite et d'accepter les régimes de pré-retraite désavantageux auxquels ils sont maintenant éligibles, tous ces travailleurs seront gravement pénalisés à nouveau par l'application du paragraphe 3 de l'article 57 qui prévoit que la réduction de 25% par année de l'IRR s'applique dans ces circonstances. (17 heures)

En 1975 on reprochait - c'était Camille Laurin qui le faisait - avec raison au gouvernement d'alors de ne pas reconnaître les mêmes droits à tous les travailleurs présentant des conditions similaires, les amiantosés des mines et carrières versus ceux des usines.

En 1984 on se voit obligé, encore une fois, de reprocher à l'actuel gouvernement d'imposer les mêmes conditions, cette fois à des travailleurs présentant des conditions fort différentes, c'est-à-dire l'obligation de retour en emploi, qu'on ait perdu un doigt ou deux ou qu'on ait perdu ses poumons. Dans un cas comme dans l'autre, c'est illogique et déraisonnable mais ça coûte moins cher.

Nous revendiquons: 1. Que la définition même des "maladie professionnelle", qu'on voudrait voir dénommées "maladie du travail", soit assouplie permettant ainsi d'y inclure toutes les maladies occasionnées par le travail. Une maladie n'a pas besoin d'être caractéristique d'un travail ni reliée directement aux risques particuliers de ce travail pour être une maladie du travail. Par exemple, un menuisier effectuant des travaux de menuiserie juste au-dessus d'un réservoir d'arsenic peut tout autant être intoxiqué par les fumées qui s'en dégagent que le soudeur affecté à la réparation de ce réservoir. Croyez-le ou non, c'est ce genre d'objection qu'on nous sert pour ne pas reconnaître certaines maladies professionnelles actuellement. Il paraît que ce n'est pas caractéristique des travaux de menuiserie, des expositions à des produits toxiques. 2. Que toutes ces maladies soient reconnues sur la base du diagnostic du médecin traitant, la CSST pouvant exiger que ce médecin soit un spécialiste, mais choisi par l'accidenté. On nous objectera que tous les médecins n'ont pas la compétence nécessaire en cette matière. C'est vrai, et la conséquence principale de cette insuffisance n'est justement pas qu'ils en détectent trop mais plutôt qu'ils ne les détectent pas.

Vous savez aussi bien que nous qu'aucun médecin spécialiste au Québec ne mettra en jeu sa crédibilité professionnelle en affirmant qu'il se trouve en présence d'une maladie professionnelle X ou Y s'il n'a pas les éléments suffisants pour en défendre tout au moins la présomption. 3. Que la présomption s'applique dans tous les cas de maladie professionnelle reconnue où il y a compatibilité entre les symptômes diagnostiqués et les conditions d'exposition ou d'exécution d'un travail. 4. Que le bénéfice du doute s'applique en faveur de l'accidenté dans tous les cas où deux causes de la maladie, dont l'une reliée aux conditions du travail, sont identifiées comme causes possibles de la maladie. 5. Qu'une distinction soit faite, quant au droit de la victime d'abandonner définitivement tout travail rémunérateur, avec garantie d'IRR complète, entre les

maladies du travail non régressives, affectant des fonctions vitales de l'organisme, comme les pneumoconioses, et les autres maladies, surdité ou toute autre forme d'intoxication, qui n'affectent pas les fonctions vitales de l'organisme, les premiers devant faire l'objet de dispositions particulières garantissant absolument ce droit au travailleur qui en est atteint. 6. Que le décès survenant à un travailleur reconnu atteint d'une maladie professionnelle affectant des fonctions vitales de l'organisme soit automatiquement reconnu comme occasionné par cette maladie à moins d'évidence contraire et qu'en conséquence le conjoint survivant soit éligible à l'IRR complète sa vie durant. Je vous réfère aux revendications sur l'indemnisation. 7. Que tout employeur soit tenu de laisser pénétrer dans son établissement -c'est très important - toute personne mandatée par l'accidenté et/ou son médecin traitant et/ou la CSST pour y prélever les échantillons ou y faire les vérifications nécessaires à l'établissement du lien entre les symptômes identifiés par le médecin et les conditions de travail de la victime. Actuellement, en l'absence de cette mesure, de nombreuses réclamations sont refusées ou suspendues pendant des mois à la commission sous prétexte que l'employeur n'a pas fourni les données nécessaires, échantillons de produits, composition exacte, prélèvement et mesures de toutes sortes permettant de compléter l'enquête industrielle.

La satisfaction de ces revendications ne garantira pas à toutes les victimes un juste traitement de leur cas, mais elle constituerait un sérieux pas en avant par rapport à la situation actuelle en matière de réparation, sans compter qu'elle serait aussi à coup sûr un excellent incitatif pour les employeurs à éliminer les dangers à la source.

Le chapitre sur les droits d'appel vous sera présenté par Ginette.

Le Président (M. Rancourt): Mme Champoux.

Mme Champoux (Ginette): Le chapitre V concerne le droit d'appel. La situation actuelle...

Le Président (M. Rancourt): Je m'excuse, madame. Voulez-vous vous approcher du micro ou approcher le micro de vous, s'il vous plaît?

Mme Champoux: La loi actuelle reconnaît aux victimes d'accident et de maladie du travail le droit d'en appeler d'une décision de la CSST et conséquemment d'être entendues par l'instance concernée et cela, à deux niveaux: l'un interne à la commission, l'autre externe, c'est-à-dire le bureau de révision et la Commission des affaires sociales. Si on en juge pour le nombre important d'appels logés à la Commission des affaires sociales et par l'importance et la teneur des décisions qui y sont rendues, et cela malgré les délais interminables et les coûts que représente l'utilisation de ce dernier palier d'appel, la nécessité de ce dernier ne fait plus de doute pour personne. Pendant près de 50 ans, les accidentés ont été réduits à un droit d'appel interne à l'organisme qui avait rendu la première décision et qui est de plus l'organisme payeur, représentant collectif d'une des parties en cause.

Cela leur a causé le plus grand préjudice. Ce n'est qu'en 1977, après l'avoir réclamé pendant des années que nous obtenions le droit d'en appeler à la Commission des affaires sociales de certaines décisions dont le nombre est limité, mais dont l'importance est capitale. Nous tenons fermement à ce droit acquis, malgré qu'il doive s'exercer actuellement dans des délais irraisonnables, ce qui pourrait être corrigé. Les problèmes actuels que vivent les accidentés ne tiennent pas principalement à ce palier d'appel, mais plutôt au premier, au bureau de révision. Nous avons longuement expliqué, dans notre mémoire de décembre 1983, les récriminations à l'endroit de cette instance d'appel. Nous vous y reportons et nous nous contentons ici d'en rappeler les données essentielles. Les membres de ces bureaux sont nommés par la CSST elle-même, à la fois juge et partie, et n'offrent donc pas la garantie minimale d'objectivité et d'impartialité qui doit être le propre d'un tribunal d'appel. Ces bureaux n'entendent pas leurs causes dans un délai raisonnable. Dans la région de Montréal les délais d'audition étaient de huit mois à un an en 1983. Ils ne jugent pas selon la loi et les règlements, mais selon les politiques et directives internes de la commission. Ils ne jugent pas toujours sur la base de la preuve soumise, tant en matière légale que médicale, et des éléments contenus au dossier, mais ils ont souvent recours à des consultations postauditions sur lesquelles les parties n'ont aucun droit de regard et/ou d'intervention.

Ils se permettent de rendre des décisions sur des questions qui n'ont été portées en appel par aucune des parties. Le personnel qui les compose s'avère souvent incapable de juger par lui-même de la valeur de l'argumentation ou de la preuve soumise et n'a pas toujours l'attitude impartiale, objective qui doit être le propre d'un tribunal d'appel. Leurs décisions ne sont pas rendues dans des délais raisonnables et ne sont pas toujours motivées. L'accès à ces bureaux est compromis par une politique interne de la commission limitant de façon déraisonnable le droit de l'accidenté au remboursement des frais encourus.

Le projet de loi 42, loin d'améliorer la situation en corrigeant les lacunes et les abus de ce premier palier d'appel, nous impose un recul en faisant tout simplement disparaître cette instance d'appel et en la remplaçant par un processus de reconsidération administrative qui, en plus de garantir la reproduction des mêmes lacunes et abus qui le caractérisent, abolit son mérite le plus évident: celui de garantir l'audition des parties. La reconsidération administrative n'est pas un processus nouveau qui nous est étranger. La commission nous le fait expérimenter de force depuis un an environ et cette expérience est bien loin de s'avérer utile dans la majorité des cas. Ce processus consistant en un réexamen des pièces au dossier effectué par un fonctionnaire désigné, en vue de corriger les erreurs qui auraient pu se glisser lors du processus de prise de décision de première instance, n'est pas mauvais en soi, mais en aucun cas, on ne peut accepter qu'il vienne remplacer une instance d'appel où on puisse être entendu et présenter sa preuve.

Le projet de loi 42 réduit donc le droit d'appel de l'accidenté au droit d'être entendu seulement en dernier appel, un dernier appel qui serait aussi le premier et le seul. C'est un recul inacceptable qui place les accidentés sur un pied d'inégalité avec les autres citoyens. Qu'on ne vienne pas nous dire qu'il existe d'autres lois sociales où le bénéficiaire n'a droit qu'à un seul palier d'appel ou doit se contenter d'un droit d'appel qui ne peut s'exercer qu'à l'intérieur des institutions ou organismes mandatés pour appliquer la loi. Les victimes d'accident et de maladie du travail sont dans une situation bien différente. Ils doivent affronter en audition une partie extrêmement puissante et dont les intérêts directs dans l'aboutissement de la cause ne font plus de doute pour personne. Il ne faut pas oublier que c'est cette partie, au plus haut point intéressée, qui fournit la totalité des montants au fonds d'indemnisation et, qu'en conséquence, elle investit le temps, l'énergie, l'expertise, l'agressivité et l'argent nécessaires à la contestation de nos droits.

Nous n'avons pas trop de deux paliers d'appel pour avoir la moindre chance de les faire respecter, surtout si on tient compte de l'ignorance dans laquelle ont été maintenues les victimes quant à leurs droits, quant à la procédure d'appel; de l'inexpérience qui les caractérise concernant le fonctionnement d'un tribunal et du fait que plusieurs d'entre elles doivent assumer elles-mêmes leur représentation devant ces tribunaux.

Ce projet de loi 42 vient aussi consacrer et reconduire des limites importantes inhérentes à la loi actuelle, concernant l'appel, l'objet d'appel ou la juridiction du tribunal d'appel. En effet, l'article 247 limite le droit d'appel devant le Commission des affaires sociales à une décision portant "sur le droit à une indemnité ou sur le montant ou le recouvrement d'une indemnité". Cette restriction est inadmissible, en particulier en ce qui concerne notre supposé droit à la réadaptation (article 138) que nous ne pourrons considérer comme un droit réel que lorsqu'il sera assorti d'un droit d'appel devant un tribunal extérieur à la CSST.

De plus, le projet de loi reste muet sur la question des délais d'audition et de décision. Les détails actuels qui nous sont imposés enfreignent pourtant sérieusement les principes élémentaires de justice naturelle.

Un mot en terminant sur l'ineffable article 250 du projet de loi 42 qui vient renchérir, encore une fois, sur les pouvoirs déjà presque illimités de l'organisme payeur. Voilà maintenant qu'on lui donne la permission de réviser, de sa propre initiative, une décision finale de la Commission des affaires sociales. C'est ce qu'on appelle réinventer la roue. Aucun autre tribunal ne s'est jamais vu accorder une telle initiative.

Donc, nous revendiquons: Que la loi garantisse aux accidentés les deux paliers d'appel, tous deux indépendants de la CSST, organisme payeur, respectant ainsi le principe élémentaire de justice interdisant que le juge soit aussi partie dans une cause.

Que ces deux paliers d'appel auront juridiction pour entendre les appels portant sur toutes les décisions rendues en première instance par la commission, en particulier sur le droit à la réadaptation.

Que ces deux paliers d'appel respecteront le principe audi alteram partem et auront mandat de juger sur la base de la loi et des règlements, excluant toute référence à des directives internes, des politiques ou des interprétations établies par l'organisme qui a rendu la décision de première instance.

Que ces deux paliers d'appel seront composés d'un personnel offrant des garanties minimales d'impartialité et faisant preuve d'une compétence suffisamment grande dans les matières concernées pour juger adéquatement de la preuve soumise, sans avoir recours à des ressources extérieures après audition.

Qu'ils auront 90 jours pour en appeler de toute décision devant chacun des deux paliers.

Qu'ils seront avisés de la date d'audition et recevront leur dossier complet au moins 30 jours à l'avance.

Que le délai d'audition ne dépassera pas 90 jours, sauf si une remise est demandée par l'accidenté.

Que le délai de décision, après audition, sera de 30 jours au maximum.

Que tous les frais encourus par la victime pour une audition seront entièrement

remboursés par la commission et qu'ils pourront être représentés par la personne de leur choix.

Que les deux paliers d'appel seront tenus de rendre des décisions motivées et de rendre publique et accessible la jurisprudence établie par leurs tribunaux respectifs.

Que soient élargis les motifs permettant d'exiger une prolongation de délais pour les accidentés.

Que les procédures d'appel soient formulées, au recto de la lettre de décision, dans un langage clair et accessible à toutes et à tous et que cette décision soit accompagnée d'un formulaire d'appel que l'accidenté n'aurait qu'à remplir, signer et retourner s'il désire en appeler.

Qu'un système de traduction soit disponible, aux frais de la CSST pour les victimes dont la langue maternelle n'est pas le français.

Qu'on maintienne une possibilité pour l'accidenté de recourir, dans un premier temps, à un processus de reconsidération administrative.

Que ce processus vienne s'ajouter, et non se substituer, à l'un ou l'autre des deux paliers d'appel exigés plus haut et qu'il soit optionnel pour l'accidenté, c'est-à-dire que seul l'accidenté ait le droit d'y recourir et qu'il ait le choix d'y recourir ou pas, et qu'un délai maximum de décision soit fixé à 30 jours pour ce processus administratif. (17 h 15)

Que soit supprimé l'article 250 du projet de loi 42 dans son esprit et sa lettre, autorisant la CSST à réviser, en toute circonstance, une décision relevant de quelque instance d'appel que ce soit qui aurait statué sur sa décision de première instance.

Le Président (M. Rancourt): Mme Lefebvre.

Mme Lefebvre: En conclusion, nous pensons avoir démontré, à travers les cinq chapitres contenus dans ce mémoire, que le projet de loi 42 va à l'encontre des principes élémentaires qui devraient être à la base de toute loi relative à l'indemnisation des victimes d'accident et de maladie du travail. Nous vous rappelons ces principes de base: la reconnaissance de la pleine et entière responsabilité patronale en matière d'accident et de maladie du travail, le principe de non-pénalité pour les victimes, la reconnaissance de droits fondés sur la justice et l'équité envers la victime et non sur la capacité de payer de l'agresseur.

Le gouvernement actuel prétend, du moins dans son discours publicitaire, s'être appuyé sur ces principes dans l'élaboration de ce projet de loi, tout au moins faire de la réalisation de ces principes un objectif à atteindre. Suivant ces affirmations, on serait en droit de s'attendre que le projet de loi 42 contienne des dispositions permettant d'avancer vers leur réalisation. Or, on y trouve beaucoup plus de recul que de pas en avant. Dans certains cas, on y trouve même des dispositions garantissant le non-respect pratique des acquis en droit qui y sont énoncés, par exemple, le droit à la réadaptation sans droit d'appel, les pleins pouvoirs à la commission en matière médicale ou quant à la détermination de l'IRR réduite.

Cela ne peut s'expliquer que d'une seule façon. Nous ne soupçonnons aucunement les auteurs de ce projet de loi d'être porteurs d'incapacité ou de faiblesse intellectuelle, congénitale ou acquise, affectant leur capacité de raisonner selon les règles élémentaires de la logique. Il paraît évident que ce projet de loi a été conçu et rédigé par des gens qui tentent désespérément de contourner ces principes en les déformant, de les concilier avec des principes contraires aux intérêts des victimes. On affirme la responsabilité patronale, oui, mais on voudrait en même temps que la victime partage cette responsabilité. Le principe de non-pénalité pour la victime, oui, mais on voudrait le concilier avec la capacité de payer de l'agresseur. Le principe du droit fondé sur la justice et l'équité pour la victime, oui, mais on voudrait aussi que le pouvoir de juger soit laissé entre les mains du gérant de l'agresseur. Cela ne marche pas. On ne concilie pas l'inconciliable. Des principes, cela ne se trafique pas. On peut en discuter l'interprétation, les délais d'application, mais on ne peut pas les nier sans que cela paraisse, mine de rien. Quand on n'arrive pas à invalider les principes, on se rabat en vitesse sur le caractère supposément impraticable de nos revendications. Face aux plus légitimes d'entre elles, comme la reconnaissance du caractère décisionnel du diagnostic du médecin traitant, on brandit l'épouvantail de la fraude ou de la complaisance, comme si c'était le risque de l'heure, le problème numéro un que nous avions à résoudre aujourd'hui.

Nous ne nions pas que certains abus soient possibles. Aucun système n'en est exempt, mais la CSST elle-même reconnaît que ces abus sont minimes et ne se produisent que dans une très infime partie des réclamations. D'ailleurs, depuis quand le gouvernement refuse-t-il de reconnaître un droit à l'ensemble d'un groupe sous prétexte que quelques-uns en abuseront? Le gouvernement aurait-il l'intention de retirer à l'ensemble des entreprises du Québec le droit de faire des profits sous prétexte qu'il reconnaît que certaines d'entre elles font des profits excessifs? Cela nous étonnerait beaucoup. Les grands magasins empêcheront-ils la libre circulation des clients sous prétexte qu'il y a des gens qui emportent la

marchandise sur leur dos sans payer? Non. Dans un cas comme dans l'autre, on recourt au système pénal pour juger et châtier ces coupables. Pourquoi alors priverait-on l'ensemble des accidentés de droits reconnus à tous les citoyens au cas ou quelques-uns en abuseraient? Y aurait-il deux poids, deux mesures?

Le projet de loi 42 tel que déposé nous paraît une tentative du gouvernement de se débarrasser en douce de sa responsabilité politique. En refusant d'inscrire dans la loi les garanties nécessaires au respect de nos droits, en remettant à la CSST les pleins pouvoirs en toute matière, il tente de se mettre à l'abri des pressions politiques directes. Il se lave les mains en faisant semblant de ne pas se rendre compte que l'eau n'est pas propre. Ce projet de loi met en place les mesures nécessaires pour garantir au patronat que les coûts d'application seront limités et qu'une partie importante de ces derniers seront assumés par les fonds publics: Régime de rentes, assistance sociale, assurance-maladie, chômage, par l'ensemble des contribuables. Il atténue ainsi la responsabilité du patronat en matière d'accidents et de maladies du travail, cautionne sa négligence et ne l'incite aucunement à la prévention.

En déposant ce projet de loi, le gouvernement a fait un choix. Il a choisi l'intérêt de l'agresseur contre celui de la victime. C'est pourquoi nous pensons que le gouvernement, plutôt que de tenter d'amender de toute part ce projet de loi pour le rendre présentable, devrait plutôt faire amende honorable en le retirant immédiatement et en s'attaquant à une double tâche: premièrement, en écrire rapidement un nouveau qui tienne compte cette fois de nos revendications; deuxièmement, et dans l'immédiat, adopter très rapidement, comme il a su le faire en maintes autres occasions, dès l'ouverture de la Chambre, un amendement à la loi actuelle qui viendrait, pendant ce délai, corriger une injustice flagrante à l'endroit des accidentés privés de l'indexation de leurs prestations depuis juillet 1982 et d'indemnités égales à leur salaire depuis toujours.

En inscrivant, en amendement à la loi actuelle, le droit à l'indexation annuelle des prestations pour incapacité totale temporaire rétroactivement à juillet 1982 et le droit à des indemnités temporaires égales à 100% du salaire net à partir de la date d'adoption de ce mini-projet de loi, le gouvernement ferait ainsi preuve d'un minimum de bonne foi à l'endroit des travailleurs accidentés. Vous comprendrez qu'après avoir étudié attentivement le projet de loi 42 nous avions plus que jamais besoin de cette preuve.

En terminant, nous avons produit un appendice à ce mémoire sur des questions qui sont peut-être de moindre importance par rapport à la portée des questions qui ont été traitées dans le mémoire, mais sur lesquelles on aimerait attirer votre attention, en particulier sur la couverture du personnel domestique. On est heureux de constater que dans ce projet de loi, on prévoit enfin la couverture du personnel domestique. On n'est cependant pas d'accord sur les modalités de cette couverture. Nous n'acceptons pas qu'une distinction soit faite dans la définition même du domestique, entre ceux et celles qui habitent et ceux et celles qui n'habitent pas le logement du particulier qui les emploie. Nous n'acceptons pas que ces travailleurs et travailleuses soient tenus personnellement ou à travers leur association de payer leur cotisation comme s'ils étaient des employeurs ou des administrateurs.

Nous savons tous que le personnel domestique constitue la couche de travailleurs et de travailleuses la plus mal payée, la moins protégée, la moins organisée et conséquemment la moins informée de ses droits, quand on lui en reconnaît. Nous n'acceptons pas que les particuliers qui embauchent ce personnel domestique doivent automatiquement échapper au statut et surtout à la responsabilité d'employeur sous le seul prétexte que ces travailleurs ont pour tâche de répondre à leurs besoins particuliers. Nous pensons que les dispositions prévues dans ce projet pour la couverture du personnel domestique constitue une non-reconnaissance de fait du droit à la couverture pour une majorité de travailleurs et travailleuses domestiques. Qu'on ne nous dise pas qu'il serait trop compliqué de recueillir les cotisations de tous les particuliers employeurs parce qu'ils sont trop nombreux. On nous a déjà répondu cela. Ils ne sont sûrement pas plus nombreux que le personnel qu'ils emploient.

Nous pensons que le projet de loi doit prévoir la constitution, à même le fonds d'indemnisation, d'un fonds spécial assurant la couverture du personnel domestique, tout au moins le temps de mettre en place les mesures permettant d'organiser la perception des cotisations de ces particuliers employeurs.

Les protestations indignées du patronat qui ne manqueront pas de s'élever contre cette mesure que nous réclamons ne nous ferons pas douter de sa justesse. Il serait étonnant que les employeurs au sens de la loi ne constituent pas une proportion importante de ces particuliers employeurs de personnel domestique.

Quant aux travailleurs accidentés hors frontières, on n'est pas en mesure de formuler toutes les dispositions exactes qu'on voudrait voir inscrites dans le projet de loi sur cette question très complexe. On constate, cependant, que beaucoup de travailleurs québécois sont aux prises avec des problèmes insurmontables actuellement et

sont injustement traités lorsqu'ils ont le malheur d'être accidentés au travail en dehors des frontières du Québec.

Il ne nous semble pas normal qu'un travailleur québécois forcé, à cause du taux de chômage élevé, d'aller gagner sa vie temporairement dans une autre province se retrouve sans protection aucune à la suite d'un accident du travail survenu pendant cette période. Le fait qu'il soit couvert par la loi des accidents du travail de cette autre province n'est aucunement une garantie du respect de ses droits et cela, pour une raison bien simple: même si certains droits lui sont reconnus par la loi de cette autre province, il n'a aucunement les moyens, dans les faits, une fois à distance - une fois accidenté, il revient chez lui - de les faire respecter, de les défendre et de se soumettre aux exigences de cette autre loi: convocations à la commission de cette autre province, visites médicales dans la province voisine, auditions.

Nous pensons que les ententes interprovinciales devraient permettre un transfert de ces dossiers et un traitement dans la province où vit le travailleur accidenté au moment de sa réclamation, ce qui n'empêcherait nullement ques les coûts soient assumés par le fonds d'indemnisation des employeurs concernés.

Quant à la responsabilité de la déclaration d'accident, le projet de loi 42 prévoit que, dorénavant, pour que son droit s'applique, le travailleur, et non l'employeur, aura la responsabilité de la déclaration adressée à la CSST, à la suite d'un accident ou d'une maladie du travail et que l'employeur aura 20 jours pour déclarer un accident à la commission et réclamer un remboursement du montant correspondant aux 14 premiers jours d'absence au travail.

Nous nous opposons à cette mesure. Nous revendiquons que l'employeur soit, comme c'est le cas actuellement, tenu de fournir à la commission l'avis d'accident et de réclamation dans les délais les plus brefs - deux ou trois jours - et que le travailleur ait le droit et non l'obligation de réclamer lorsque son employeur refuse ou omet de le faire, comme c'est le cas actuellement.

Toutes autres mesures risqueraient de compromettre sérieusement le respect des droits des travailleurs et constitueraient dans bien des cas un encouragement ou tout au moins une tolérance à l'égard des pratiques illégales et/ou répressives de certains employeurs qui tentent encore de camoufler les accidents qui surviennent dans leur entreprise. Ce n'est pas chose du passé.

Cette mesure est d'autant plus inquiétante qu'elle pourrait constituer un pas vers la reconnaissance du principe de responsabilité partagée, énergiquement réclamée par le Conseil du patronat. Ce discours délirant du patronat concernant le partage de la responsabilité en matière d'accident et de maladie du travail se mérite malgré tout une oreille intéressée du gouvernement et de la CCST, qui rêvent peut-être d'étendre le "no fault" à tous les malheurs de l'existence: c'est la faute de personne, donc c'est la faute de tout le monde.

Les employeurs qui décident et profitent à l'année longue de l'état déplorable des conditions de santé et de sécurité de leurs entreprises ne doivent être soustraits à aucune de leurs responsabiltés ni à aucune des obligations qui en découlent.

M. Dufour, qui, lors de la commission parlementaire de décembre 1983 nous a longuement expliqué, ce qui n'était d'ailleurs pas faux, la différence entre le CA et le comité de direction de la CCST - cela en vue de se soustraire aux critiques et accusations portées contre la commission -en s'appuyant sur les propos du ministre Marois au CA de mars 1980, serait bien mal venu aujourd'hui de s'appuyer sur le pseu-doparitarisme inhérent à la CCST pour exiger un partage des coûts.

Le partage des coûts existe déjà depuis longtemps malgré nous, à la commission et dans la société. Les patrons y mettent la plus grande partie des fonds, mais il faut aussi tenir compte des pénalités financières subies par les accidentés. Nous y mettons notre vie et notre santé. Le compte est déjà bien inégal.

Il y a aussi deux autres articles sur lesquels on voudrait faire des remarques. À l'article 172 - c'est peut-être un détail, mais cela a de l'importance dans beaucoup de cas d'accident - on prévoit à l'alinéa 5 que l'employeur doit transmettre à la commission les nom et adresse du médecin traitant. Nous pensons que cet aliéna devrait être supprimé. Cela ne le regarde tout simplement pas: le travailleur ne devrait en aucun cas être tenu d'aviser son employeur de l'identité du médecin qu'il a choisi de consulter.

L'article 175 paragraphe 2 prévoit que le travailleur devra apposer sa signature dans le registre de l'employeur pour attester l'exactitude de l'inscription faite par l'employeur au sujet de sa lésion professionnelle. Cette remarque nous a été soumise aussi par la FTQ. Elle nous semble dangereuse et les employeurs s'en servent souvent pour tenter d'invalider toutes autres déclarations plus complètes fournies ultérieurement par l'accidenté. Nous pensons que ce paragraphe devrait être retiré et remplacé par l'obligation pour l'employeur de fournir aux travailleurs une attestation écrite confirmant l'inscription de son accident au registre de la commission.

Le Président (M. Rancourt): Merci, Mme Lefebvre. Avant de donner la parole à

M. le ministre, je vais faire remarquer aux deux groupes parlementaires que, dû à la longueur de la lecture du mémoire, 2 heures et 15 minutes, et compte tenu que nous avons aussi décidé au début de la rencontre qu'il n'y aurait pas suspension à 18 heures, nous allons partager le temps entre les deux groupes parlementaires d'ici à 18 heures. M. le ministre du Travail.

M. Fréchette: Merci, M. le Président. Je voudrais remercier Mme Lefebvre, Mme Champoux, M. Lafrance et M. Bourdeau, des représentations qu'ils nous ont soumises cet après-midi.

Le mémoire réfère de façon très précise à ce que je pourrais identifier comme cinq grands chapitres, à l'intérieur desquels vous identifiez des situations que vous voudriez voir redresser. Ces chapitres sont les suivants: Les indemnités, le droit à la réadaptation et au retour au travail, l'assistance médicale, les maladies professionnelles et le droit d'appel. Évidemment, au plan économique, au plan des indemnités, vos positions sont très clairement illustrées dans le mémoire et sont généralement accompagnées par des exemples pour faire une espèce de corollaire entre ce que vous appréciez que serait le projet de loi 42 adopté dans son texte actuel et la loi actuelle. La preuve est maintenant clairement faite depuis mardi dernier, selon que l'on entend les uns ou les autres, les analyses à cet égard varient à peu près de tout à rien et ce n'est que normal qu'il en soit ainsi. (17 h 30)

Compte tenu du très peu de temps que nous avons à notre disposition et compte tenu également que Mme Lefebvre a suivi avec beaucoup d'assiduité tous les travaux depuis le début de la commission, je vais donner des commentaires et souhaiter en obtenir sur trois ou quatre des cinq chapitres que vous avez identifiés.

D'abord les politiques de réadaptation, le droit à la réadaptation. Vous le saviez déjà sans doute avant de l'entendre, Mme Lefebvre, que beaucoup d'organismes qui représentent des travailleurs et des travailleuses qui font affaires avec la commission en matière de réadaptation, sont un peu inquiets de ce qui est convenu d'appeler des pouvoirs discrétionnaires, les pouvoirs administratifs et ainsi de suite. Je ne veux pas reprendre l'argumentation que j'ai développée ce matin, pour tenter d'expliquer pourquoi c'était là. Je voudrais y aller de façon plus directe et vous demander: Est-ce que vous êtes d'avis que, pour éviter des interprétations régulières, qui risquent de varier suivant les circonstances, l'on devrait effectivement inscrire dans le projet de loi les politiques de réadaptation, en tenant compte que lorsqu'elles y seront, c'est avec ça qu'il faudra travailler, en tenant compte également que s'il arrivait que dans la loi des choses ne donnent pas satisfaction, il faudra enclencher le processus législatif plutôt qu'administratif pour arriver à la correction de certaines situations que vous avez identifiées. À cet égard-là, quelle est la position de votre association?

Le Président (M. Rancourt): Mme Lefebvre.

Mme Lefebvre: Enclencher le processus législatif plutôt qu'administratif, cela ne nous fait pas tellement peur parce que le processus administratif, pour changer les choses, s'est avéré tellement long jusqu'à maintenant.

Pour répondre plus directement à votre question, on pense qu'il devrait y avoir un minimum de choses inscrites à l'intérieur de ce chapitre sur la réadaptation. Un minimum qui n'y est pas actuellement. On affirme le droit et ensuite on donne des pouvoirs.

On pense qu'il y a des critères d'admissibilité qui devraient faire partie de la loi et on les définit dans nos revendications.

On pense aussi qu'il y a des objectifs que devrait poursuivre la réadaptation, des cibles qui devraient être inscrites dans le projet de loi et que même ce minimum, accompagné d'un droit d'appel, servirait de balise à la commission dans l'attribution des plans de réadaptation que je vais distribuer à tout le monde. Il devrait y avoir aussi des énoncés de principe quant au droit du travailleur de participer à l'élaboration de son plan de réadaptation. Donc, le droit de refuser certaines clauses qu'il considère qui ne lui conviennent pas. Bien sûr, ceci aussi étant sujet au droit d'appel.

Je pense qu'on ne pourrait pas dire: On va prendre tout ce qu'il y a actuellement comme directives internes - de toute façon surtout pas celles qui sont là - et on va les inscrire dans le projet de loi. Ce serait pratiquement impossible mais il y a quand même un minimum et je pense qu'il faudrait s'attarder à définir ce minimum. Je pense que de notre côté, on a fait un effort, entre autres des questions sur les objectifs que doit viser la réadaptation. Cela devrait être dans le projet de loi. On devrait pouvoir en appeler sur l'interprétation de ça, c'est-à-dire que lorsqu'on considère, par exemple, que la commission n'aurait pas fait les efforts nécessaires pour garantir au travailleur accidenté le maintien de la qualité de vie et du degré d'autonomie dont il jouissait avant l'accident, ça s'interprète, bien sûr, mais si on en appelle de ça on devrait pouvoir être en mesure de faire une preuve sur ces questions-là.

C'est certain que c'est un domaine dans lequel il est très difficile de définir toutes

les composantes, mais il devrait y en avoir un minimum qui nous permettent, avec le droit d'appel, de justifier ce qu'on réclame.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Fréchette: En fait, ce sont les grands principes de la réadaptation que vous souhaiteriez voir inclus dans la loi. Je m'excuse de l'expression, mais les "guidelines", si je vous comprends bien, tout cela, tout ce mécanisme devrait pouvoir être sujet à appel même quand il s'agit d'une interprétation qui n'est pas acceptée par l'une ou l'autre des deux parties.

Le Président (M. Rancourt): Mme Lefebvre.

Mme Lefebvre: C'est cela. Au fond, c'est qu'il nous semble vraiment impossible, ce ne serait juste pour personne que d'écrire le détail de tout ce qui est possible de faire en réadaptation. C'est impossible. Une solution qui peut paraître la plus juste pour quelqu'un, par exemple, la formation ou le recyclage académique, peut être complètement inadéquate pour un autre type d'accidenté. C'est évident qu'on ne veut pas voir dans la loi: la commission est obligée de fournir de la formation pendant tant de temps à tout le monde. C'est aberrant. Pas plus que la commission s'engage à envoyer tout le monde en recherche d'emploi, c'est aberrant aussi. Qu'il y ait certains guides qui permettent de dire si nos droits en fonction de ces objectifs ont été respectés, oui ou non, et qui nous permettent de faire la preuve qu'ils ne l'ont pas été, quand ils ne l'ont pas été, et d'obtenir justice.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Fréchette: C'est davantage vrai quand on considère l'objectif qui est poursuivi, d'obtenir un dossier personnalisé de réadaptation. Il est évident qu'on ne peut pas, à l'intérieur d'une loi, établir tous les critères qui devraient alors s'appliquer.

Cela va là-dessus. Maintenant, je ne vous cache pas que je suis un peu étonné de votre argumentation quant à la politique d'incitatif de retour au travail que l'on retrouve dans la loi. Je pense que je vais devoir me faire une idée à cet égard parce que l'autre association syndicale que nous avons entendue partage la même opinion que vous et arrive à la même conclusion. La Fédération des travailleurs du Québec taxe l'incitatif de retour au travail de régime odieux, alors que de votre côté vous utilisez le terme générosité, mais entre parenthèses, ce qui est fort significatif. En fait, cela rejoint passablement ce que la FTQ a dit.

Ce que nous avons dit à la FTQ, mardi soir ou mercredi dernier, et que nous vous réitérons, c'est que le seul objectif qui était derrière cela, c'était de prendre en considération le fait qu'une personne accidentée et qui se retrouve pendant une longue période de temps en réadaptation -vous le savez, Mme Lefebvre, vers quelle argumentation je m'en vais - sans travail et qui a besoin de toutes ses énergies pour récupérer tant physiquement qu'à tout autre égard, qui se sent en quelque sorte très souvent dévalorisée à cause de tout ce qu'elle a vécu, cela nous paraissait être une espèce d'"encouragement" - entre guillemets - aussi à un retour au travail.

Maintenant, vous nous dites: II y a un risque sérieux, il y a un risque important. Cela pourrait aussi devenir un incitatif de retour au travail, mais de retour prématuré au travail, ce qui pourrait occasionner des conséquences encore plus graves, en termes strictement économiques, encore que le paiement de cet incitatif.

Écoutez, vous nous demandez, de façon très claire, la FTQ l'a fait aussi, de retirer purement et simplement cet incitatif. Je vous suggère que l'on termine la commission, on va voir comment les autres associations de représentants de travailleurs et de travailleuses accidentés, les autres associations syndicales, évaluent cette situation, cette disposition de la loi et, évidemment, si c'est le voeu de toutes les personnes que nous avons entendues là-dessus que l'on retire cet incitatif, c'est évidemment sans aucune hésitation que nous le ferons.

Vous avez aussi consacré un chapitre, et c'était important de le faire, à l'assistance médicale. Votre principale préoccupation est en relation directe, me semble-t-il, avec l'article 132 de la loi. C'est de là que naissent toutes vos préoccupations. Je suis d'accord avec vous que l'article 132, quand on le lit dans son texte actuel, porte à une réflexion, une réflexion qui nous amène à essayer d'évaluer les conclusions d'interprétation de cet article. Vous savez aussi, Mme Lefebvre, que depuis le début des auditions, une avenue a été envisagée. Elle a été soumise à tous les organismes que nous avons entendus quant à la possibilité de faire en sorte que la décision finale à tous égards en matière syndicale soit effectivement remise à des professionnels de la santé. Je sais qu'on ne se rejoint pas totalement encore. Je suis tout à fait conscient de cela. Vous exigez, quant à vous, que le médecin qui, en dernière instance, serait appelé à trancher un éventuel litige entre deux autres médecins devrait être celui que le salarié lui-même choisit. Je sais que c'est le fond même de votre réclamation ou de vos revendications. Je vous avoue que là-dessus, j'ai un peu de

difficulté à concourir à la revendication que vous nous faites, mais puisque vous parlez souvent de moins pire situation, êtes-vous disposée à regarder le mécanisme que pourrait prendre la situation dont on parle depuis quelques jours, c'est-à-dire de demander à la Corporation professionnelle des médecins de faire des suggestions quant à une liste de médecins, spécialistes ou omnipraticiens? Cette liste serait accréditée, comme je l'ai dit à d'autres qui vous ont précédée, par le Conseil consultatif du travail ou par le conseil d'administration de la CSST et c'est à ce groupe, en oubliant pour le moment les technicités qui pourraient entourer son fonctionnement, que la situation médicale d'un dossier serait remise et ce serait à lui de se prononcer. Je comprends, encore une fois, que cela ne rejoint pas complètement votre requête, mais par rapport aux craintes que suscite l'article 132, il me semble - et évidemment, je vous le dis pour appréciation - que c'est un bout de chemin important de fait par rapport aux dispositions de l'actuel article 132. J'aimerais entendre votre appréciation là-dessus.

Le Président (M. Rancourt): Mme Lefebvre.

Mme Lefebvre: D'accord. C'est sûr que si vous me demandez si cette proposition est moins pire que la situation actuelle, je pense que je vais vous dire probablement que oui, cela va être moins pire, au départ, en tout cas, peut-être pas à l'arrivée, mais au début. Ce qui nous intrigue, c'est... On se pose la question suivante: Qu'est-ce que vous trouvez de pas correct à notre revendication à nous? On se pose cette question-là. Je vais quand même continuer de répondre à la question et si vous en avez l'occasion, j'aimerais bien que vous nous répondiez après. Tout d'abord, nos préoccupations ne naissent pas de l'article 132 en lui-même. Elles naissent de la pratique. Nos préoccupations à l'égard de l'article 132 naissent de la pratique. On voit le gâchis actuel et on n'a pas envie qu'il se perpétue. C'est vrai que la Fédération des médecins spécialistes du Québec a fait une proposition et je voudrais seulement faire remarquer que la proposition qu'a faite la fédération ne ressemble pas beaucoup à celle que vous nous rapportez.

Une voix: ...

Mme Lefebvre: Elle se raffine? Ah oui, elle se raffine. En tout cas, je préférerais la leur à la vôtre.

Cette proposition visait - et je pense qu'elle avait un caractère assez conservateur qui s'explique par la nature même de la fédération - à ce que la corporation soit l'organisme qui nomme les médecins nécessaires pour juger de telle ou telle cause qui est en litige devant la CSST sur le plan médical. Il n'était ni question de liste de médecins, de permanence des postes, d'accréditation de qui que ce soit dans la proposition de la FMSQ et, à ce titre-là, sa proposition était moins pire que la vôtre. Bon! (17 h 45)

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! Mme Lefebvre, je vais être obligé de vous interrompre, puisque je dois protéger le temps des deux groupes parlementaires. Je devais passer la parole au député de Viau, mais je veux faire remarquer à la salle qu'elle n'a droit à aucune manifestation d'approbation ou de désapprobation. Donc, M. le député de Viau.

M. Cusano: Merci, M. le Président. Puisque le temps est limité, j'aimerais poursuivre avec cette question du médecin. Je comprends certaines appréhensions lorsqu'on parle d'un médecin ou de toute autre personne qui se trouve sous l'influence d'un patron. Sans aller dans certains détails, ici même, au salon rouge, il n'y a pas très longtemps, le premier ministre lui-même a dit - et on a entendu les témoins - à certaines gens: Réglez - juron - ou bien je règle. Et c'est un peu cela, lorsqu'on parle du bureau médical des médecins de la CSST: vous nous laissez avec l'impression que, puisque il y a des pressions pour couper les dépenses, les médecins ont tendance à se faire influencer et à couper vers le bas.

Le ministre vient de dire qu'il avait peut-être une suggestion meilleure. J'en ai une, moi aussi, et je ne sais pas comment vous allez la considérer. Dans l'hypothèse où l'on permettrait à l'accidenté de choisir non un médecin, mais deux médecins de son choix pour faire une expertise - non un, mais deux - cela est basé, je pense, sur les expériences. Tous, à certains moments de notre vie, nous avons vécu, nous avons consulté un médecin parce que nous nous sentions mal; si on n'était pas satisfait avec lui on allait en voir un autre pour se rassurer. En prenant cette hypothèse, à ce moment-ci, je pense qu'il faudrait l'élaborer, et que les frais de ces expertises - parce qu'on sait combien cela coûte - soient assumés par la CSST, est-ce que cela vous irait comme remplacement au système actuel?

Le Président (M. Rancourt): Mme Lefebvre.

Mme Lefebvre: Pour nous, la question n'est pas de savoir s'il faut en voir un ou deux. D'ailleurs, dans nos revendications à la page 29, on dit d'abord exiger un premier rapport de spécialiste, si la commission en veut un; s'il y a des litiges, en exiger un deuxième. Quant à nous, les accidentés ont

l'habitude d'aller voir des médecins; ce n'est pas une nouveauté pour eux. S'il en faut deux pour donner un caractère plus objectif à la décision, ce n'est pas l'objet de notre refus par rapport aux autres propositions. L'important, c'est que quelqu'un d'autre que l'accidenté ne décide pas à sa place qui il va aller voir.

Il ne faut pas se faire d'illusion: cela ne veut pas dire que les accidentés pensent qu'ils vont toujours tomber sur le médecin super qui va comprendre tous leurs problèmes. Ils vont peut-être mal le choisir parfois. C'est pour cela qu'on dit que, même si c'était satisfait, la justice ne serait pas garantie pour tout le monde. Mais, on ne voit pas pourquoi il faudrait que quelqu'un d'autre, et de quel droit, ce serait le payeur qui déciderait à notre place qui va nous examiner et qui va statuer sur notre état de santé. C'est cela qu'on n'accepte pas.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Viau.

M. Cusano: Voici l'autre point que je vais essayer d'expliquer très brièvement et qui a attiré mon attention. À la page 22 de votre mémoire 1-B, vous dites, en matière de réadaptation, que l'accidenté n'a pas un mot à dire dans son choix, au plan des formes de réadaptation et des programmes, ainsi de suite. On a entendu, depuis quelques jours, du côté patronal, la suggestion de revoir un peu cette question de financement de la CSST. On nous a dit ce matin que 1 $ par semaine, par travailleur, cela fait des millions par année. Encore, dans l'hypothèse où il y aurait un paritarisme - parce qu'il y a une chance que le paritarisme soit accepté - est-ce qu'il y aurait un fonds qui serait formé par une contribution du travailleur -je ne parle pas de l'accidenté, je parle de celui qui travaille - avec une "contribution" égale de la part de l'employeur? Il serait possible de créer un fonds pour la réadaptation, je pense, et que ce fonds soit dirigé peut-être pas par les accidentés eux-mêmes, mais par des personnes choisies par les accidentés. Vos commentaires.

Le Président (M. Rancourt): Mme Lefebvre.

Mme Lefebvre: Je trouve cette proposition inouïe. Pourquoi faudrait-il qu'on paie pour attirer les membres qu'on s'est fait enlever au travail dans des conditions qu'on ne contrôle pas? Ce n'est pas la question du 1 $, si tout le monde est capable de le payer ou tout cela. C'est une question de principe. Si les accidentés ont besoin de réadaptation, c'est qu'ils ont été accidentés, ils ont perdu une partie de leur intégrité physique, ils ont perdu leur emploi à cause de leur accident parce qu'ils ne contrôlent pas leurs conditions de travail. Je trouve que c'est assez odieux d'envisager même l'idée que les travailleurs qui ne contrôlent absolument rien de leurs conditions de travail et dont la santé est mise en jeu quotidiennement dans les entreprises soient tenus de cotiser à quelque fonds que ce soit pour la réadaptation.

M. Cusano: Merci.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: Merci, M. le Président. Je veux remercier les représentants de l'Assemblée des travailleurs et des travailleuses du Québec d'être venus devant cette commission. Leur mémoire constitue un survol impressionnant de leurs revendications. Ce qui me frappe dans cela au-delà - et je le dis tout bonnement comme cela ayant eu l'occasion de participer quand même à plusieurs commissions parlementaires - du ton du mémoire qui me fait m'interroger un peu et me fait voir jusqu'à quel point vous pouvez être à bout de patience, c'est un peu comme cela que je l'explique, je ne crois pas que vous vouliez vraiment donner toute la véritable signification littérale aux mots que vous employez quand, par exemple, vous qualifiez les employeurs d'une façon générale d'agresseurs. J'espère qu'il y a moyen de discuter d'un problème aussi sérieux qui est celui qui est devant nous devant cette commission sans employer des termes semblables tout comme je n'accepterais pas que la partie patronale vienne employer à l'égard des ouvriers, à l'égard des employés, des travailleurs et des travailleuses des termes qui seraient des termes qu'ils ne mériteraient pas ou qui ne sont pas des termes qui sont des termes employés normalement... Je souligne ici en passant que je vois plutôt dans l'utilisation des termes que vous avez faite un signe de l'impatience vis-à-vis d'un certain processus dont vous êtes finalement les victimes. Vous avez apporté la preuve que, du côté de la CSST, il y a une façon de faire les choses. Il y a une perception qui est la vôtre de la façon dont la CSST procède qui fait que vous ne vous sentez pas partie prenante de tout ce processus et que vous êtes un peu comme laissés de côté, qu'on vous traite comme étant des pions ou des jetons purement et simplement. On fait des petits tas et on essaie que cela balance à la fin de l'année. Je suis le premier à déplorer cela. J'explique de la même façon le début de votre mémoire où vous dites que les politiciens qui sont autour de cette table sont atteints de maladie professionnelle, de surdité unilatérale. Je vous assure, madame, que je parle véritablement non seulement en mon nom personnel mais au nom de mes

collègues, j'en suis convaincu. Le travail qui se fait ici se fait de bonne foi. Nous n'avons peut-être pas l'oreille aussi fine que vous voudriez qu'on l'ait, mais comme nous devons entendre beaucoup de choses, il faut éviter aussi l'assourdissement, ce qui fait que nous essayons de trouver un moyen terme. Je vous assure que, de la même façon cela n'est pas facile pour vous, ce n'est parfois pas facile pour nous. Ce que je voudrais savoir plus précisément et ce sera la seule question que je vais vous poser: les revendications que vous faites dans votre mémoire et que vous étayez à votre satisfaction, à vous en tout cas, est-ce que vous avez eu l'occasion de procéder à une évaluation des coûts de la réalisation de ces revendications? Il faut quand même toujours parler de coût. Je pense que personne ne serait plus avancé dans la société québécoise si, par impossible, par miracle, le ministre disait: Je prends votre mémoire, je le confie à mes rédacteurs législatifs et traduisez-moi cela en projet de loi, et qu'une fois le projet de loi ratifié, sanctionné par le lieutenant-gouverneur, on soit dans l'impossibilité de l'appliquer parce que la société québécoise n'en aurait pas les moyens.

Est-ce que c'est une préoccupation qui vous paraît négligeable ou si tout simplement, d'après vous, cela ne vous regarde pas? J'aimerais savoir si vous avez eu l'occasion de faire une recherche quelconque en ce qui concerne ce que coûterait la mise en oeuvre de vos revendications et de vos propositions.

Le Président (M. Rancourt): Mme Lefebvre.

Mme Lefebvre: Je vais essayer de vous répondre dans des termes clairs et que vous comprendrez bien. Vous vous êtes sans doute rendu compte que la CSST a mis beaucoup de temps à produire son étude de coûts. Elle est pourtant très bien outillée pour le faire. Cela me paraît plus drôle qu'autre chose qu'on nous demande si on a procédé à une évaluation des coûts quand on sait qui on représente et les moyens dont on dispose. C'est évident qu'on n'a pas procédé à une étude des coûts. Non pas qu'on pense que les coûts sont complètement en dehors de la réalité, mais jusqu'à maintenant ils sont toujours allés en diminuant. D'ici au jour où on verra que nos revendications sont prises en considération, cela servirait absolument à rien de regarder les coûts qu'elles représentent. Il y a des gens qui s'occupent des coûts à longueur d'année. On n'a même pas actuellement un minimum de choses qui correspondent aux revendications qu'on a, qui nous fassent la preuve de cette bonne foi à l'égard de nos revendications.

Si cette démarche était faite, si les revendications qu'on a étaient prises en considération, inscrites quelque part, et, comme vous le dites, par la suite qu'on s'aperçoive qu'il manque de l'argent pour y arriver, cela serait un point de départ pour la discussion: qu'est-ce qui manque, où, qui doit payer et comment. On n'est même pas arrivé à ce point-là puisque ce qu'on nous propose, ce sont des diminutions de coûts et de droits.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: Pour continuer dans la même veine, est-ce que vous avez - cela pourrait éclairer en même temps la commission... Vous regroupez des gens qui sont touchés par l'application de la loi. Vous connaissez le vécu, comment cela se passe et les conséquences que cela implique, etc. Est-ce que vous êtes en mesure de dire à cette commission si vous avez été en contact avec d'autres groupements, d'autres associations semblables dans d'autres provinces canadiennes? Comment se situe le Québec au niveau législatif, au niveau de la protection par rapport à d'autres provinces canadiennes? Vous en avez brièvement fait mention tout à l'heure en disant qu'éventuellement un accidenté du travail qui subit un accident à l'extérieur du Québec, qui doit revenir au Québec et qui n'est pas capable de faire valoir ses droits à l'extérieur... Vous n'avez pas élaboré, et ce n'était pas le but de votre propos non plus, sur la véritable comparaison entre ce que le Québec accorde comme compensation, aussi insatisfaisante soit-elle, pour les gens qui sont victimes d'accident du travail par rapport à ce qui se fait dans la province soeur de l'Ontario.

Le Président (M. Rancourt): Mme Lefebvre.

Mme Lefebvre: Effectivement, nous avons des contacts avec les associations d'accidentés du travail de l'Ontario qui, étrangement, réclament les mêmes choses que nous et qui sont aux prises avec les mêmes problèmes que nous. Il y a une loi qui doit être déposée prochainement en Ontario à la suite d'une très longue enquête, d'une très longue commission parlementaire qui a aussi siégé sur cette question. Leurs revendications ressemblent beaucoup aux nôtres et leurs inquiétudes sont les nôtres. C'est la constatation qu'on a faite en particulier lors d'une toute dernière rencontre il y a quelques semaines.

M. Cusano: Vous voulez poser une question? Allez-y, Mme Harel.

Le Président (M. Rancourt): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Simplement pour reprendre à l'intervention de mon collègue de Jean-Talon... (18 heures)

M. Doyon: De Louis-Hébert.

Mme Harel: Excusez-moi, de Louis-Hébert. Hier, dans la journée, on a - Mme Lefebvre était présente - fréquemment entendu l'expression "abuseur" qui faisait allusion aux utilisateurs que sont les victimes d'accident de travail. J'imagine que c'est dans ce contexte qu'on reprend à l'inverse l'usage du mot "agresseur", d'une certaine façon. On ne s'en sort pas. Voici ce que je vais vous demander très simplement. Dans la société québécoise, on a vu se développer beaucoup la notion des usagers, à savoir leur présence et leur participation dans les services publics qui les concernaient. Je pense, entre autres, à l'ensemble des services sociaux ou de santé. Encore dernièrement, une nouvelle réglementation prévoyait la mise en place de comités de bénéficiaires dans les centres d'accueil et dans les hôpitaux. On sait très bien la présence des usagers déjà dans les CLSC. On le voit dans le domaine de l'éducation avec des dispositions qui sont à venir sur la participation dite des usagers, à savoir autant les parents, les associations étudiantes elles-mêmes, au niveau secondaire, et les enseignants. Je me pose la question suivante au niveau de la Commission de la santé et de la sécurité du travail et la présence d'organisations syndicales et patronales: Serait-il intéressant ou non, selon vous, qu'on envisage la mise en place de comités dits de bénéficiaires, d'usagers, c'est-à-dire d'accidentés? Quelle que soit la rédaction finale de ce projet de loi, quelles que soient les modifications qui puissent y être apportées - tout en souhaitant des modifications - il demeure que dans l'application il y aura - et vous êtes bien là pour en témoigner, d'ailleurs - toujours à prendre en considération la réalité des accidentés eux-mêmes. Que pensez-vous de cette hypothèse de faire appel aussi à des comités de bénéficiaires qui, au même titre que la participation des usagers dans les autres services publics, feraient valoir le point de vue de ceux qu'ils représentent?

Le Président (M. Rancourt): Mme Lefebvre.

Mme Lefebvre: Je ne serais pas en mesure de répondre à cette question. C'est une question dont on n'a pas du tout discuté et je ne voudrais pas prendre à mon propre compte d'engager l'ensemble des associations que je représente aujourd'hui en tant que porte-parole. Je pense que c'est une question qui peut être intéressante, mais dont on devrait discuter avant de prendre position sur une telle chose.

Le Président (M. Rancourt): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Je voudrais simplement vous demander, Mme Lefebvre, si vous-même ou les gens que vous représentez se sentent représentés au sein du conseil d'administration de la CSST.

Le Président (M. Rancourt): Mme Lefebvre.

Mme Lefebvre: Je ne sais pas très bien ce que cela veut dire "représenté", étant donné les fonctions même et ce qu'est le conseil d'administration de la CSST. C'est certain qu'on ne sent pas que le conseil d'administration de la CSST est le garant de nos droits. Par expérience, depuis le temps qu'il existe, on voit bien que ce n'est pas cela. Qu'est-ce que cela veut dire, être représenté à un conseil d'administration qui a les fonctions et qui a le type de pouvoirs qu'il a? Non, je ne le pense pas. On ne se sent pas particulièrement représenté en tant qu'accidenté et je ne pense pas que les fonctions qui sont attribuées au conseil d'administration sont celles de représentation des accidentés.

Le Président (M. Rancourt): Mme...

Mme Harel: Et les organisations syndicales qui y siègent sont en liaison directe avec vous?

Le Président (M. Rancourt): Mme Lefebvre.

Mme Lefebvre: Oui, on a des contacts avec les organisations syndicales.

Mme Harel: En liaison au sens où elles reprennent vos revendications et votre point de vue?

Mme Lefebvre: II y a beaucoup de revendications communes qui sont mises de l'avant par les centrales syndicales et par les associations d'accidentés. C'est tout à fait normal puisque ce sont des organisations de travailleurs et qu'elles font face aux mêmes problèmes. Il y a énormément de points communs dans les revendications des centrales syndicales et des associations d'accidentés. On espère qu'ils seront tous communs un jour.

Le Président (M. Rancourt): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: ...

Le Président (M. Rancourt): Donc, le

mot de remerciement habituel, M. le député de Viau.

M. Cusano: Oui, merci, M. le Président. Au nom de ma formation politique, je tiens à vous remercier. S'il y a quelque chose qu'on peut dire, c'est que vous avez quelque chose en commun avec les patrons, vous présentez un très bon mémoire. Merci.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre du Travail.

M. Fréchette: M. le Président, je veux simplement ajouter mes remerciements à ceux que vient de faire le député de Viau et concourir à la remarque qu'il vient de faire quant au contenu du mémoire. Je veux remercier également les représentants de l'association et tous les membres qui étaient présents. Merci.

Le Président (M. Rancourt): Je remercie donc le groupe qui représentait l'Assemblée des travailleurs et travailleuses accidentés du Québec de leur collaboration. À la demande des deux groupes parlementaires, je suspens les travaux de la commission pour cinq minutes.

(Suspension de la séance à 18 h 6)

(Reprise de la séance à 18 h 20)

Le Président (M. Rancourt): À l'ordre, s'il vous plaît! Veuillez prendre place. Reprise après cette suspension de quelques minutes pour entendre le mémoire du Conseil conjoint no 91 des teamsters du Québec. Je demanderais aux représentants de ce groupe de bien vouloir prendre place à la table et demander au président de se présenter et de présenter ceux qui l'accompagnent.

Conseil conjoint no 91 des teamsters du Québec

M. Lacroix (Louis): M. le ministre, Louis Lacroix, président du Conseil conjoint no 91 des teamsters. À ma droite, M. Pierre Soucisse, conseiller syndical pour le conseil conjoint. Au bout de la table, M. Pierre Deschamps, vice-président du Conseil conjoint no 91 des teamsters.

Le Président (M. Rancourt): D'accord. Le mémoire sera lu par qui?

M. Lacroix: M. Pierre Soucisse va faire la présentation du mémoire.

Le Président (M. Rancourt): D'accord. Je reconnais M. Pierre Soucisse.

M. Soucisse (Pierre): Bonjour. M. le ministre, pour nous, le projet de loi est un net recul pour l'ensemble des travailleurs concernant l'indemnisation des accidentés du travail et des victimes de maladie professionnelle. Un recul au niveau purement financier. L'énoncé du livre blanc, qui date de 1978, par lequel le gouvernement s'engage à indemniser adéquatement et complètement les travailleurs et les travailleuses pour les conséquences humaines et financières des accidents du travail et des maladies professionnelles est plutôt décevant. Cette façon d'indemniser à la baisse un travailleur et une travailleuse en réadaptation sociale; cette façon de terminer les indemnités à 65 et 68 ans en crescendo, comme si le travailleur ou la travailleuse gravement atteint cessait de vivre ou de subir les conséquences sociales des suites d'un accident à cet âge; cette façon de limiter un temps de guérison, disons, à trois ans; cette façon de donner une valeur plus grande à un bras amputé à 20 ans qu'à un bras de 60 ans; cette façon de s'ingérer dans les relations de travail; cette façon de laisser la discrétion d'application à la commission sur certains points majeurs; cette façon de donner accès à l'employeur aux dossiers médicaux des accidentés; cette façon de promulguer la loi en partie seulement dans un espace de temps imprécis, c'est sur ces quelques points que nous limiterons notre intervention.

L'indemnisation pendant l'arrêt médical. Avant toute chose, la victime d'un accident est en droit de recevoir tous les soins nécessaires jusqu'à sa guérison complète ou jusqu'à l'atteinte d'un plateau dans le processus de guérison, que le droit au choix du médecin traitant ne soit pas nié par des décisions souvent farfelues et contradictoires émanant de la bureaucratie médicale de la commission. La majorité des décisions de la commission contestées concerne des décisions d'ordre médical, du moins en ce qui nous concerne. En certains cas, il s'agit d'une question de relations. Tantôt ce sera le manque de détails sur les rapports médicaux et, en d'autres circonstances, il s'agira d'attribuer la responsabilité d'un traumatisme sur la considération de "l'état préexistant", un terme utilisé abusivement par la bureaucratie médicale de la commission pour mettre fin à des paiements d'indemnités.

La durée des traitements prescrite par les praticiens est également remise en cause par la médecine électronique de la commission. Or, le présent projet de loi ne règle aucun de ces problèmes. Au contraire. La discrétion de la commission, par l'article 132, nie les droits accordés à l'article 129, en plus de décider de la durée, de la nature, de la nécessité de l'assistance. À partir du moment qu'un travailleur, une travailleuse choisit un médecin et que ce dernier peut se faire dicter à tout moment par la commission la nécessité de lui prodiguer des

soins, la nature, la suffisance et la durée des soins à prescrire, que reste-t-il au professionnel de la santé praticien? Que reste-t-il au droit de choisir le professionnel de la santé de son choix quand ce dernier est contrôlé par la médecine bureaucratique de la commission, selon l'article 132? De deux choses l'une: Ou tous les médecins praticiens sont incompétents concernant le traitement adéquat à des accidentés du travail, ou le contrôle attribué à la commission par l'article 132 est d'ordre purement économique. On veut bien que les travailleurs et les travailleuses accidentés reçoivent les soins nécessaires, mais pas à n'importe quel prix, semble-t-il.

Si le législateur, par l'article 132, entend contrôler les abus possibles ou/et s'il prévoit que certains médecins n'ont pas prescrit les bons remèdes, les bons traitements ou des traitements de trop longue durée ou inadéquats, alors, dans ces cas, que la commission en fasse la preuve et intente des poursuites devant les tribunaux, puisque de toute façon le présent projet de loi entend considérer les erreurs médicales comme faisant partie des suites de l'accident, donc, indemnisables au même titre. Qu'il évite à tout prix de placer l'accidenté entre deux décisions médicales contradictoires lesquelles le place devant le dilemme de poursuivre ses traitements sans indemnité ou retourner travailler avant la fin des traitements prescrits. Ce genre de situation est vécu par des centaines d'accidentés à tous les jours. Le présent projet de loi, loin de régler ce type de problème, l'amplifie en précisant la discrétion de la commission qui aura autorité pour trancher et en ne reconnaissant expressément pas dans ce projet de loi, en accord avec l'article 129, l'opinion, les diagnostics, les soins et la durée des soins prescrits à un accidenté du travail par les médecins spécialistes praticiens.

Les dispositions de l'article 132 sont donc, à notre avis, abusives et méprisantes pour les médecins spécialistes praticiens. Encore dernièrement, dans un cas litigieux et complexe, la commission, après avoir choisi, à deux reprises, trois médecins de trois spécialités différentes pour trancher sur une question de relation, a décidé, à l'encontre des médecins spécialistes qu'elle a elle-même choisis, de refuser une réclamation qui fut, deux ans plus tard, devant la Commission des affaires sociales, renversée. Entre-temps, le travailleur avait perdu sa maison. Voir le dossier. Nous pourrions élaborer longuement sur d'autres cas tout aussi aberrants.

Nous sommes en présence d'une dictature médicale émanant de la commission dont les fondements de nombreuses décisions sont, pour le moins, discutables. L'article 132 confirme ce pouvoir de dictature où il n'y a plus de place à la discussion.

La durée des traitements. Prévoir qu'un accidenté pourra être indemnisé pour une période maximale de trois ans, c'est la preuve sublime selon laquelle ce projet de loi n'est pas d'indemniser les travailleurs et travailleuses accidentés adéquatement, mais plutôt de planifier, de contrôler et d'administrer les dépenses découlant des accidents du travail et des maladies professionnelles.

Nous aimerions que soit confirmé, dans le présent projet de loi, que le travailleur ou la travailleuse accidenté sera pleinement indemnisé, aussi longtemps qu'il ou qu'elle sera sous traitement médical.

Indemnités de remplacement. Les articles 79 et 80 laissent une discrétion en indemnisant selon des situations purement hypothétiques. Le texte de loi devrait s'en tenir à un emploi réel ou un emploi existant que le travailleur ou la travailleuse aurait refusé sans raison valable. En accordant une indemnité basée sur des situations hypothétiques, on peut imaginer les distorsions d'application selon la région, l'âge, le sexe, le degré d'instruction, etc., bref, objet à discrimination selon une appréciation purement subjective.

Indemnités pour dommages corporels. L'annexe B établissant les montants octroyés pour les séquelles permanentes nous semble à la fois insuffisante et discriminatoire. Insuffisante, partant du fait que l'on est présentement dans un régime où cette évaluation donne lieu à des rentes, la vie durant dans certains cas, et des montants forfaitaires beaucoup plus élevés que ceux proposés dans le présent projet de loi. Il y aurait lieu d'augmenter d'une façon significative ces montants forfaitaires tout en réalisant des économies substantielles, compte tenu de l'élimination des coûts actuariels imposés par le régime actuel.

D'autre part, les montants correspondant aux pourcentages accordés selon le barème doivent être refaits de façon à se rapprocher du montant que la loi actuelle accorde aux travailleurs en utilisant un âge moyen de 35 ans et le montant maximal assurable utilisé comme salaire pour construire le tableau des montants forfaitaires tout en limitant à 100% l'évaluation égale à 100 000 $.

Compte tenu que ces montants sont un dédommagement pour des séquelles permanentes, donc une façon de dédommager et non d'indemniser ou de guérir, un travailleur ou une travailleuse recevrait le même montant pour une même séquelle, sans égard à son revenu annuel, sans égard à son âge ou à sa situation familiale. L'indemnité forfaitaire correspondrait au dédommagement non réparable autrement. Dans cette perspective, le bras d'un travailleur au salaire minimum aurait la même valeur de séquelles que le bras d'un travailleur ayant

un revenu de 35 000 $ par année; le bras d'un jeune travailleur aurait la même valeur que celui d'un travailleur plus âgé. On pourrait retrouver, par exemple, un D.A.P., c'est-à-dire, 1% égale 2000 $, de la réadaptation sociale. 50% équivalent à 100 000 $ et de 51% à 100% égalent 100 000 $. C'est pour reconnaître, selon une jurisprudence actuelle, qu'à partir de 50% d'incapacité, un travailleur ou une travailleuse est, à toutes fins utiles, reconnu généralement, par la Régie des rentes du Québec, comme complètement handicapé. À partir de 50%, il n'y a plus grand-nuance entre être handicapé à 50% ou l'être à 100%. (18 h 30)

De la réadaptation sociale. À l'article 143 du projet de loi, on retrouve un plan de réadaptation pouvant comporter plusieurs programmes. Nous aimerions retrouver une disposition privilégiant la réadaptation du travailleur ou de la travailleuse au sein de la même entreprise et dans sa même fonction en adaptant son poste de travail lorsque c'est possible. Lorsque cette solution est impossible, favoriser, en deuxième priorité, la formation en vue de réintégrer le travailleur ou la travailleuse dans une fonction différente, dans la même entreprise. Lorsque ces deux solutions sont impossibles à réaliser, préparer un plan de réadaptation selon l'article 143. En accordant priorité à la réintégration du travailleur ou de la travailleuse dans le même entreprise, les conséquences financières et sociales des accidentés sont amoindries. L'adaptation des postes de travail est une action concrète de prévention.

Dans cet esprit, le droit de retour au travail prévu à la section II, soit les articles 145 et suivants, ne devrait pas comporter de délais d'absence prévus à l'article 147, c'est-à-dire la limite de deux ans pour avoir droit de retourner au travail au sein de la même entreprise. Dans le même sens, en éliminant les délais, cette section devrait s'appliquer à tous les travailleurs et travailleuses puisque, selon les termes de l'article 145, cette section s'appliquerait uniquement aux travailleurs et travailleuses sans convention collective. C'est seulement dans des conditions semblables que l'on pourrait qualifier cette section de véritable droit de retour au travail.

La limite d'absence maximale de un ou deux ans, selon le cas, pour bénéficier de l'application de la section II est sans rapport avec la possibilité de réintégrer le même emploi ou un autre emploi au sein de la même entreprise. Il s'agit plutôt de l'appréciation des séquelles en regard des exigences d'emploi du travailleur ou de la travailleuse, ou de l'emploi disponible dans l'entreprise. L'article 149 devrait également être corrigé en biffant le 149, 2°: "cesse d'accumuler des jours de vacances et de congé de maladie". Cette prévision va à l'en- contre d'un privilège déjà accordé dans la loi des normes minimale du travail concernant les jours de vacances accumulés. Concernant les congés de maladie, les règles établies dans l'entreprise doivent prévaloir, qu'il y ait convention ou non, en présumant que la présente section s'applique à tous les travailleurs et travailleuses.

Appel des décisions. Au moment où les décisions des bureaux de révision de la commission font preuve d'une certaine efficacité - trois ou quatre mois de délai -plus de la moitié des cas solutionnés en faveur des accidentés, le législateur semble préférer engorger davantage les appels devant la Commission des affaires sociales où le rôle présentement se situe à deux ans d'attente. De nombreux cas sont réglés par des témoignages. Or, la révision administrative proposée et en vigueur présentement ne nous épate pas outre mesure puisque ce sont, semble-t-il, les mêmes médecins qui révisent leurs propres opinions. Nous demandons de maintenir les bureaux de révision à cause de l'augmentation de leur efficacité particulièrement au cours des deux dernières années.

D'autre part, nous demandons que l'article 247 soit modifié afin de donner pleine juridiction à la Commission des affaires sociales pour réviser toute décision rendue par la commission en vertu de la présente loi.

À l'article 250, troisième alinéa, où l'on énumère les conditions pour réviser une décision finale: "lorsque, depuis la décision, il a été découvert une preuve et qu'il appert: "a) que si elle avait été apportée à temps, la décision eût probablement été différente; "b) qu'elle n'était connue d'aucune partie; et "c) qu'elle ne pouvait pas, avec toute la diligence raisonnable, être découverte en temps utile." Les paragraphes b) et c) devraient être biffés puisque la condition dictée en a) est juste et raisonnable.

Proclamation de la loi, article 364. Le projet de loi tel que rédigé est inacceptable pour les travailleurs et travailleuses: la très large discrétion laissée à la commission pour l'application de la loi, les nombreux éléments discriminatoires en raison d'âge, un droit de retour au travail pouvant servir à se débarrasser plus facilement d'un accidenté après un an ou deux ans, un régime servant uniquement à budgétiser les coûts des accidents du travail.

Cependant, ce projet de loi serait acceptable en apportant les modifications qui s'imposent pour indemniser les accidentés d'une façon juste et équitable. À tous égards, nous demandons avec insistance que ce projet de loi, après modifications,

devienne en vigueur dans tout son ensemble à une même date. On n'entend pas ici les articles de concordance avec d'autres lois.

Nous blâmons le présent gouvernement pour sa façon de promulguer ses lois, c'est-à-dire en partie seulement. Les quelques articles de la Loi sur la santé et la sécurité du travail, la loi 17, qui intéressent les travailleurs et les travailleuses, soit les articles concernant les comités de santé et le représentant à la prévention ne sont toujours pas en vigueur. Tous savent combien cette loi a été publicisée. Quel outil précieux ce devait être pour les travailleurs et travailleuses! La Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, la même chose, il n'y a pas la moitié de ses articles promulgués.

Le Président (M. Rancourt): M. Soucisse...

M. Saucisse: M. le Président, si vous me le permettez. Nous avons ajouté des modifications d'ordre technique. On pourrait vous en faire part puisque c'est très court.

Le Président (M. Rancourt): Bien sûr, allez-y.

M. Soucisse: Cela concerne les articles 141, 142 et 143. L'imprécision concernant ces articles en termes de critère d'admissibilité, de durée des programmes et du choix du travailleur et de la travailleuse à un programme nous laisse dans l'incertitude. Nous n'avons aucune raison de croire ou, plutôt, nous avons toutes les raisons de croire que les critères d'admissibilité pourront varier selon la discrétion de la commission et que la durée des programmes et leur contenu seront également modifiables à la discrétion de la commission. De la façon dont la commission agit présentement, en volant, entre autres, les indemnités d'assurance-chômage, en refusant l'accès à de l'information à de nombreux accidentés, on ne peut imaginer par quelles transformations la commission effectuera de la véritable réadaptation. À l'article 44, modifier "de même qu'une personne qu'il autorise expressément à cette fin" par "de même qu'à son représentant", L'article 44, c'est la transmission des rapports médicaux, l'obtention d'un dossier médical par l'accidenté. À l'article 44, on spécifie "de même qu'une personne qu'il autorise expressément à cette fin". Nous suggérons de le remplacer par "de même qu'à son représentant". Ceci est admis par d'autres tribunaux administratifs - la CAS, entre autres - dans le but d'éviter de surcharger la bureaucratie déjà lourde.

Les articles 45 et 46 devraient être abrogés. Le dossier médical d'un accidenté doit demeurer confidentiel et l'employeur devrait avoir accès à ces dossiers seulement dans les cas de contestation. Dans le même ordre d'idée, à l'article 133, le législateur devrait spécifier que les rapports d'examens médicaux faits à la demande d'un employeur doivent être transmis au travailleur, à la travailleuse et à la commission.

Le Président (M. Rancourt): Terminé?

M. Soucisse: Oui.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Fréchette: Merci, M. le Président. Nos invités nous ont présenté un mémoire fort concis en même temps qu'en termes très clairs. Je vais essayer de suivre l'exemple que vous venez de nous donner pour y aller aussi rapidement que possible.

J'apprécierais, M. Soucisse, que vous nous disiez en quoi l'article 145 du projet de loi ferait en sorte que le droit de retour au travail ne s'appliquerait que là où il n'y a que des conventions collectives.

M. Soucisse: Où il n'y a pas de convention collective.

M. Fréchette: Je m'excuse, c'est cela, où il n'y a pas de convention collective. J'essaie de voir dans le texte... Si c'est ce que le texte veut dire, il est bien évident qu'il va falloir procéder à...

M. Soucisse: On l'a peut-être mal interprété, remarquez. À l'article 145, on peut lire: "La présente section - la section II - s'applique...

M. Fréchette: Oui.

M. Soucisse: ...au travailleur victime d'une lésion professionnelle dont le contrat de travail est pour une durée indéterminée...

M. Fréchette: C'est cela.

M. Soucisse: ...et qui compte dans le même établissement au moins trois mois de service continu au sens de la Loi sur les normes du travail."

M. Fréchette: Bon! Je vais essayer d'expliquer l'intention du législateur à partir d'un exemple. La situation qui est visée par cette disposition pourrait être la suivante: à supposer, par exemple, qu'un travailleur ou qu'une travailleuse est engagé chez un employeur X et qu'ils conviennent tous les deux, au moment de l'engagement, que les services sont retenus pour un mois, c'est un contrat de travail à durée déterminée et, là, vous avez raison de dire que l'article 145 ne

s'appliquerait pas, mais, quand il y a des conventions collectives, il n'y a pas - me semble-t-il, en tout cas - de dispositions qui font en sorte que la prestation de travail est pour une durée déterminée. En tout cas, je vous soumets cela et c'est peut-être, encore une fois, une façon d'interpréter ou d'évaluer la disposition. Si vous avez des inquiétudes à cet égard, n'hésitez pas à les faire évaluer et à nous le dire, parce que c'est clair que l'objectif ou l'intention, c'est de faire en sorte que la loi s'applique là où il y a aussi des conventions collectives, c'est évident. C'est l'intention. S'il y a une erreur, encore une fois, dans la rédaction du texte et que l'interprétation peut être douteuse, nous allons faire en sorte de corriger le texte en question.

Vous avez aussi manifesté des inquiétudes quant à l'article 132 du projet de loi, qui est celui qui prévoit les modalités d'application de l'assistance médicale. Je vous signale que, depuis que les auditions de la commission parlementaire ont été amorcées mardi matin, tous les groupes qui sont passés en audition ont manifesté la même inquiétude. Que ce soit du côté patronal ou du côté syndical, tout le monde a attiré notre attention sur la rédaction de cet article et, au fur et à mesure que nous entendons des représentations, nous nous convainquons de la nécessité de procéder à des modifications. Ce qui retient particulièrement notre attention jusqu'à maintenant, c'est la possibilité de faire en sorte qu'une décision finale, en matière médicale, soit rendue par des médecins, des professionnels de la santé, de sorte que l'article serait amendé en conséquence. On ne lirait pas l'article de la même façon. Cela aussi est une représentation qui est retenue. Il ne nous reste qu'à voir de quelle façon nous allons, par ailleurs, coucher, dans un texte de loi, les suggestions qui, jusqu'à maintenant, nous ont été faites.

Je voudrais aussi essayer d'avoir un peu plus de précisions de votre part quand vous dites, dans les conclusions de votre mémoire, que les quelques articles de la Loi sur la santé et la sécurité du travail, la loi 17 qui intéressent les travailleurs et les travailleuses, soit les articles concernant les comités de santé, le représentant à la prévention, etc., ne sont pas encore en vigueur. Il me semble qu'ils le sont dans les deux cas. Dans le cas de la formation des comités de santé et de sécurité, l'avis a même été publié dans la Gazette officielle. Dans le cas des représentants à la prévention, cela a aussi été prépublié, non pas publié pour adoption, mais prépublié pour permettre à ceux qui ont des objections à formuler de pouvoir le faire. Je ne sais pas si vous avez d'autres motifs ou des motifs de croire que ce ne serait pas en vigueur actuellement.

Le Président (M. Rancourt): M. Soucisse.

M. Soucisse: Ces articles de loi concernant les comités de santé, les règlements concernant les comités de santé sont entrés en vigueur par ordre de priorité de secteur. C'est exact. C'est un peu ce qu'on exprimait dans le sens que, pour nous, un travailleur de la construction ou un travailleur qui travaille dans la guenille, autrement dit, un mort qui travaille dans un job de guenille ou dans l'alimentation doit avoir la même importance qu'un travailleur de la construction. Le projet de loi est très "focussé" sur la construction. Nous sommes entièrement d'accord que le niveau d'accidents et de gravité d'accidents, dans ce secteur, est très élevé. Par contre, il n'y a rien qui empêcherait de donner la même prérogative à tous les travailleurs de s'offrir, par la loi, des comités de santé. C'est le reproche qu'on fait de fonctionner par étapes.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Fréchette: Si, effectivement, ce à quoi vous faites référence dans les conclusions de votre mémoire, c'est la mise en application par secteur, là-dessus, je vais convenir avec vous que vous avez raison.

M. Soucisse: Par secteur et au moment où la loi 17 même est entrée en vigueur par partie. À notre avis ce n'était pas toujours justifié dans le sens que, même les comités de santé, la loi étant en vigueur, ils sont venus par après. Je veux dire, seulement sur le principe d'avoir un texte de loi et d'avoir la surprise, par la suite, qu'il y a une certaine partie de ces articles que du monde attend qui viennent en vigueur deux ans après, cela retarde... Si on avait su, voilà quatre ans, que ces articles viendraient en vigueur plus tard, on aurait prévu des choses en conséquence dans les conventions collectives. Il y a déjà certaines de nos conventions qui prévoient d'appliquer ces articles de la loi qui ne sont pas encore en vigueur en attendant qu'ils le deviennent. Donc, cela a créé une espèce d'ambiguïté sur une période de deux ou trois ans de dire: Est-ce qu'ils viennent en vigueur bientôt? On nous promet dans six mois, un an. Cette ambiguïté, c'est le reproche qu'on fait et c'est ce qu'on voudrait éliminer par l'application de la présente loi. Si, par exemple, les articles concernant la réadaptation sociale devaient entrer en vigueur un an et demi après l'application de la loi, ce serait légèrement frustrant. Si vous comprenez.

Le Président (M. Rancourt): M. le

ministre.

M. Fréchette: Oui, je vous comprends très bien. Je vous signale que les explications que vous venez de nous donner contribuent aussi à clarifier la situation à laquelle vous avez fait référence. Dernière observation quant à moi, M. le Président. Dans votre mémoire, vous semblez privilégier l'efficacité des bureaux de révision davantage que l'efficacité de la Commission des affaires sociales. Est-ce que j'ai mal lu? (18 h 45)

M. Soucisse: Vous avez mal lu. En tout cas, vous avez mal interprété, si vous avez bien lu. Dans votre projet de loi, les bureaux de révision actuels de la commission sont abolis. C'est remplacé, à toutes fins utiles, c'est même en vigueur dans les bureaux de la commission, par un type de révision administrative. Pour nous, cette démarche supplémentaire de révision administrative, cela ressemble à quelqu'un qui reprend le travail de l'autre et qui regarde s'il est bien fait ou mal fait. Ça se limite un peu à ça. Autrement dit, ce n'est pas nécessaire de mettre dans un projet de loi qu'un supérieur révise le travail d'un subalterne pour voir s'il a bien pris la bonne décision. À toutes fins utiles, pour nous, la révision administrative, c'est ça. On ne veut pas abolir l'appel devant la Commission des affaires sociales, mais, en abolissant le Bureau de révision de la CSST qui élimine une bonne partie des cas, c'est-à-dire qui ne se rendent pas à la Commission des affaires sociales, on dit que la révision administrative n'éliminera pas autant de cas parce qu'il n'y a pas d'audition. C'est une question administrative plus qu'autre chose. Si 90% des cas contestés se présentent devant la Commission des affaires sociales, l'engorgement sera double devant ladite commission. On prétend que la révision administrative n'élimine pas de cas d'appel autant que le Bureau de révision actuellement peut en éliminer.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Fréchette: C'est ma dernière question. À supposer qu'on fasse une évaluation globale de tous les mécanismes d'appel, tant au niveau de l'efficacité administrative en termes de délai, de préoccupation de rendre vite les décisions, prenons tout ce qui existe actuellement comme mécanisme. Si on suggérait, par exemple, que le Bureau de révision et la Commission des affaires sociales soient remplacés par une espèce d'autre commission - on n'est pas capable de l'identifier pour le moment et de lui donner une appellation très précise - qui serait habilitée à entendre toutes les matières contentieuses ou litigieuses qu'actuellement autant le Bureau de révision que la Commission des affaires sociales décident, mais cette possible nouvelle commission serait complètement indépendante à tous égards de la Commission de la santé et de la sécurité du travail, indépendante à tous égards, indépendante politiquement dans le sens que ce ne serait pas la Commission de la santé et de la sécurité qui paierait pour un organisme comme celui-là, qui pourrait être régionalisé, à l'intérieur duquel on retrouverait le personnel suffisant et compétent pour procéder rapidement aux auditions des litiges, est-ce que c'est le genre de chose que vous êtes disposés à regarder?

Le Président (M. Rancourt): M. Soucisse.

M. Soucisse: En ce qui nous concerne présentement, les deux paliers d'appel nous plaisent beaucoup dans le sens que le premier palier d'appel, le bureau de révision, éclaircit souvent une question. Il indique quelle précision supplémentaire il faut.Souvent, ce qui se règle au bureau de révision de la commission de la santé et de la sécurité, au fond, c'est un manque d'information que la CSST n'a pas été chercher et, devant le bureau de révision, avec cette information-là, la décision se prend à la face même du dossier sans même discuter.

Il nous est arrivé dans certains cas, devant le Bureau de révision de la CSST, de présenter un papier sans dire un mot et, à la lecture du papier, se lever tous et dire: Merci, bonjour. Bref, un travail qui aurait dû être fait au niveau de l'indemnisation, un travail mal fait. Travail mal fait... disons que je retiens cette parole.

M. Fréchette: Soyez bien à l'aise, vous n'êtes pas ici depuis le début, M. Soucisse.

M. Soucisse: On constate surtout que la médecine de la commission est une médecine très passive. La médecine de la commission va analyser selon ce qu'elle a au dossier. Elle ne fera pas d'efforts supplémentaires -ce qu'on remarque de plus en plus - de dire: Procurez-moi tel papier, voyez si, décrivez-moi le travail de la personne, ce qui se fait dans un bureau de révision et ce qui se fait devant les affaires sociales pour expliquer les choses.

Lorsqu'on traite la CSST de bureaucratique, d'informatisée, les termes qu'on emploie ne sont pas seulement des termes de couleur pour imager un document. Dans la médecine électronique dont on parle, c'est que le paiement d'un dossier est arrêté après 30 jours et c'est la machine qui dit: Cela fait 30 jours qu'il est en arrêt de travail, posez-vous des questions, docteur? Il a eu tel mal, 30 jours c'est suffisant,

retournez-le au travail. C'est comme cela que cela fonctionne à la commission. Ce qu'il faudrait comprendre, c'est qu'on ne peut pas arriver et présenter un texte de loi qui technocratise encore plus, qui place dans une rigidité les traitements, qui traitent les accidentés dans un cadre technique, dans un but de planifier les choses, dans un but de planifier les budgets. L'idée de planifier les coûts et les dépenses qu'une commission peut avoir dans un an, c'est une chose. Je veux dire que cela peut se concevoir en termes d'administration. Un autre aspect qui en mange un coup c'est que, dans des cas d'accident du travail, un accident, un cas, c'est une chose. Chaque cas est bien différent. La même blessure à un monsieur de 56 ans, ce n'est pas la même chose qu'à un autre de 25 ans. Ce n'est pas la même chose selon le travail qu'il fait et ce n'est pas la même chose selon un tas de facteurs finalement.

Le Président (M. Rancourt): Merci.

M. Soucisse: Le projet de loi n'est pas orienté dans ce sens. Il n'est pas orienté de façon à traiter les accidentés d'une façon individuelle et d'une façon globale surtout. Notre principal reproche, si on peut en faire un global sur le projet de loi, c'est cet aspect. Le projet de loi déshumanise encore plus l'indemnisation des accidentés du travail.

M. Fréchette: Cela va, cela me donne satisfaction, M. Soucisse, je vous remercie.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Viau.

M. Cusano: Merci, M. le Président. Encore une fois, je vais suivre la question du ministre en ce qui touche justement la question médicale. J'ai posé une question à l'organisme qui vous a précédés et je vais vous poser la même question. Je ne sais pas si vous étiez ici dans la salle. Les commentaires que nous entendons envers les médecins de la CCST sont peut-être bien fondés. C'est seulement l'individu qui a affaire à eux qui peut vraiment l'affirmer. J'ai proposé à l'autre organisme qui vous a précédés, puisque la loi dit que l'accidenté a le droit au choix de son médecin, la possibilité de justement donner à l'accidenté le choix d'aller voir son médecin, d'avoir une expertise médicale puisqu'on nous dit que souvent les expertises médicales, selon les médecins, peuvent varier. J'ajouterais un autre élément où on demanderait à l'accidenté de se choisir deux médecins pour avoir une expertise médicale. Les frais de ces expertises qui sont très élevés seraient défrayés par la CCST et que ces deux expertises médicales soient considérées. Est-ce que cela irait? De votre côté est-ce acceptable une telle proposition?

Le Président (M. Rancourt): M. Soucisse.

M. Soucisse: En termes de solution, vous voulez dire un litige entre médecins. C'est ce que vous...

M. Cusano: Non, non, c'est-à-dire, à partir du point où la personne est accidentée, elle choisit son médecin. Deuxièmement, pour établir s'il y a un déficit tel quel à la suite de l'accident, que l'évaluation de tout ce processus soit faite par deux médecins choisis par l'accidenté.

M. Soucisse: Votre question à propos des médecins, est-ce que cela touche seulement l'évaluation des déficits ou les traitements accordés par un médecin?

M. Cusano: Les traitements et déficits.

M. Soucisse: C'est très différent en termes de réponse ce que...

M. Cusano: Vous pouvez répondre à l'un et à l'autre.

M. Soucisse: En termes de déficit pour évaluation, il y a des sommités dans le milieu de reconnues et il y en a qui sont moins reconnues. J'ai l'impression que les sommités et les livres qui existent dans cela, autrement dit les débats qu'il y a en termes d'évaluation physique, les désaccords, tout cela finit toujours par se régler aux Affaires sociales, si les désaccords persistent et si les désaccords sont grands et flagrants, etc. Sur cela il peut y avoir des opinions. Le barème si on le regarde comme il faut, il y a des écarts de pourcentage et des jeux quelques fois. Je crois qu'il y a des médecins qui savent comment faire l'évaluation et d'autres qui le savent moins. Je pense que c'est aussi clair que ça.

En termes de choix de médecin pour le traitement, la durée, etc., il ne faut pas se faire d'illusions. Les accidentés, les travailleurs, lorsqu'ils sont blessés, ne choisissent pas leur médecin tant que ça. Il ne faudrait pas s'illusionner en disant que l'accidenté de la construction ou un camionneur choisit un médecin. S'il n'est pas satisfait, il va aller en voir un autre, dans le sens de ce qu'on appelle, dans le langage du milieu, il va "shopper", il va en passer quatre ou cinq avant de trouver quelqu'un qui soit satisfaisant.

Au fond de tout ça, selon la région, quelqu'un qui est à Rouyn-Noranda ne "shoppera" pas longtemps son médecin. Il y a deux orthopédistes et peut-être un seul à Rouyn. Il ne faudrait pas insister trop dans le sens qu'il choisit son médecin. Il prend

celui qui passe, il est satisfait de lui ou carrément insatisfait.

On a des problèmes sur le bord des frontières, par exemple, du côté de Hull. On a vu encore, tout dernièrement, des accidentés... L'orthopédiste de Hull ne veut pas l'opérer, l'orthopédiste d'Ottawa veut l'opérer et, parce qu'il préfère se faire opérer, il va voir l'orthopédiste d'Ottawa. Il y a là un problème de paiement de médecin, un problème d'acceptation par la commission. Ils ne se prononcent pas parce qu'ils ont peur de la facture, etc. Où est-il son choix de médecin? Est-ce que la limite, pour son choix de médecin, s'arrête à Ottawa ou à Hull? Le problème du choix de médecin, c'est un petit peu ça. Ça peut aller très loin le choix du médecin, cela peut-être aussi simple que la compatibilité de caractère entre le médecin et le patient. La personne a beau avoir le plus grand orthopédiste de Montréal, s'il y a incompatibilité de caractère, au départ, et que ça ne marche pas, ça aussi, ça fait partie du choix de médecin. Le choix de médecin, ça peut être très complexe sauf qu'on se rend compte, dans le projet de loi, que le médecin choisi -que ce soit l'un ou l'autre - par l'accidenté n'est absolument pas respecté par la commission dans le projet de loi. C'est comme s'il n'y en avait pas, c'est comme si cet article n'existait pas. C'est ce qu'on dit. L'article est nié par un autre qui est renforcé par l'article 132. Si c'est tout le corps médical qui est fautif dans ça, il faudrait peut-être faire le ménage dans tout l'ensemble de la médecine au Québec. C'est tout le système. Lorsqu'on fait une admission à l'article 129, il ne faudrait pas la nier à l'article 132.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Viau.

M. Cusano: Ma deuxième question est celle-ci. Vous dites que la table, à l'annexe B, pour les montants forfaitaires devrait être révisée. Si je vous ai bien compris, vous dites que si cette table est révisée selon les montants mentionnés, vous trouvez que c'est acceptable de laisser tomber les indemnités à vie en compensation avec un montant plus élevé.

Dans l'éventualité que le gouvernement décide de ne pas changer la table B s'il n'y a pas d'amendements, est-ce que vous préférez le projet de loi sur les accidents de travail actuel ou celui qui nous est proposé?

Le Président (M. Rancourt): M. Soucisse.

M. Soucisse: Vous parlez du projet de loi actuel, de la loi actuelle?

M. Cusano: Oui, de la loi actuelle versus le projet de loi s'il n'y a pas d'amendement.

(19 heures)

M. Soucisse: S'il n'y a pas d'amendement, on préfère, et de loin, la loi actuelle. Quand on dit d'augmenter les montants forfaitaires, au fond, c'est une espèce de compromis, une espèce d'admission de dire: C'est vrai que ça coûte cher, c'est vrai que les coûts les plus gros dans n'importe quel organisme, ce sont les coûts basés d'une façon actuarielle, c'est-à-dire un régime de retraite, par exemple. Ça grimpe et on ne voit plus la fin, à un moment donné. On a conscience de ça, sauf que c'est changer un éléphant pour une souris. Ce sont les deux extrêmes. On enlève les régimes de retraite et, en plus, on donne des miettes à la place. On demande une espèce d'équité, c'est simplement l'équité. Même en acceptant une échelle comme celle qu'on propose, c'est-à-dire 2000 $ pour 1% jusqu'à 100 000 $ à partir de 50%, on est convaincu qu'il y a déjà de très grandes économies sur l'enlèvement des pensions que la commission donne actuellement.

M. Cusano: Je vous remercie.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Prévost.

M. Dean: M. le Président, les syndicats de la construction nous ont fait part que leurs conditions particulières de travail dans le secteur industriel font en sorte que l'article 145 les exclurait presque de la possibilité d'avoir un droit de retour au travail en raison du fait que les chantiers sont habituellement de très courte durée et que grand nombre de travailleurs ne travaillent pas toujours pour le même employeur ni dans le même établissement. Ils sont mobiles. Je vois que vous représentez de 27 000 à 30 000 membres; c'est pas mal de monde. Vous êtes un syndicat qui roule sur quatre roues. Je voulais poser la question, et c'est ma seule: Est-ce que dans les secteurs industriels que vous représentez - il y en a toute une gamme - il y a des conditions semblables aux conditions qui s'appliquent dans l'industrie de la construction qui feraient en sorte que l'article 145 rende illusoire pour vos membres le droit de retour au travail?

Le Président (M. Rancourt): M. Soucisse.

M. Soucisse: Je ne crois pas que cela s'applique dans le sens que vous le dites dans la construction. J'admets que dans notre document on dit que cela s'appliquerait seulement... C'est une mauvaise interprétation sûrement de notre part dans le sens qu'on pensait à des contrats collectifs.

J'ai seulement cela dans la tête. D'autre part, cela n'enlève rien au reste des changements qu'on propose sur cette section. La section telle qu'écrite actuellement s'applique à tous les travailleurs. Telle qu'elle est là, elle apporte beaucoup de problèmes d'application surtout dans le secteur du transport puisque, même si ce ne sont pas des emplois temporaires, le personnel par ancienneté peut choisir son travail. On peut choisir son voyage, on peut choisir... Que se passe-t-il avec l'application de la section II dans ce sens pour un retour au travail? On n'est pas d'accord de passer par-dessus les conventions collectives pour appliquer la section II telle qu'elle dans ce sens. Un travailleur âgé de 60 ans et qui choisit son ouvrage parce qu'il est le plus ancien et qu'il est le premier à choisir se verrait, selon la section II, se faire prendre un travail plus facile qu'il mérite, rendu à cet âge, parce que quelqu'un qui a deux ans d'ancienneté a eu un accident de travail. La convention est faite pour favoriser les plus âgés, finalement, et cela est normal. Autrement dit, on va mettre le travailleur plus âgé dans un plus grand péril d'accidents pour favoriser un accidenté, par hypothèse, plus jeune.

M. Dean: Merci.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Fréchette: J'ai terminé, M. le Président. J'ai eu les renseignements que je souhaitais avoir.

Le Président (M. Rancourt): Ce qui conclut la présentation du Conseil conjoint no 91 des teamsters du Québec. Merci beaucoup.

M. Soucisse: Merci.

Le Président (M. Rancourt): Comme je viens de le dire, nous accueillons maintenant le Conseil régional de développement de l'Abitibi-Témiscamingue. Si vous voulez bien vous présenter et nous indiquer la personne qui vous accompagne.

Conseil régional de développement de l'Abitibi-Témiscamingue

M. Julien (Roméo): Bonsoir. Je me présente: Roméo Julien, président du Conseil régional de développement de l'Abitibi-Témiscamingue, et voici M. Denis Dufour, directeur général. Vous m'excuserez d'être un peu énervé en arrivant pour commencer, M. le ministre. J'ai demandé à Quebecair de faire un peu plus vite parce que le ministre du Travail m'attendait, mais ils n'ont rien voulu savoir. J'ai dîné voisin du ministre des

Finances. Je lui en ai parlé et lui non plus ne voulait rien savoir.

M. le Président, M. le ministre, MM. et Mmes les membres de la commission, le Conseil régional de développement de l'Abitibi-Témiscamingue, le CRDAT, est un organisme voué au développement régional. Il est, de par son mandat, l'interlocuteur privilégié du gouvernement du Québec en matière de développement économique de l'Abitibi-Témiscamingue.

Oeuvrer pour le développement économique régional, c'est s'ouvrir sur une multitude de composantes reliées à une ligne directrice qu'est l'intérêt économique d'une société. Cet intérêt économique se manifeste par un état d'esprit visant à l'esprit d'entreprise et à la mise sur pied d'un climat social favorable et constructif. En d'autres termes, l'intérêt économique d'une société peut se résumer par une question d'attitude humaine, positive et volontaire. C'est dans cet état d'esprit que le CRDAT entend présenter ce mémoire dans le cadre de l'étude en commission parlementaire du projet de loi 42, Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles. Le CRDAT tient à remercier le président et les membres de cette commission parlementaire de lui avoir permis de s'exprimer sur cet important projet de loi.

L'intervention du CRDAT sera divisée en deux parties: la première concerne le principe d'un tel projet de loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, alors que la deuxième partie du mémoire regroupe des commentaires sur certains articles du projet de loi.

La notion de santé et de sécurité du travail a subi une mutation depuis le début du siècle. L'évolution des moeurs sociales et politiques a fait que les travailleurs et les travailleuses se sentent de plus en plus en sécurité du travail. Les gouvernements occidentaux ont mis en place des structures réglementant la santé et la sécurité du travail. Le but de toutes ces réformes est d'éliminer les causes d'accidents du travail à la source.

En 1980, le gouvernement du Québec a introduit une nouvelle loi créant la Commission de la santé et de la sécurité du travail. Cette nouvelle loi avait pour but d'éliminer les accidents du travail à la source en associant les employeurs et les travailleurs au processus décisionnel. La mise sur pied de la CSST devait permettre une coordination des efforts des employeurs et des travailleurs visant à appliquer les fondements de la nouvelle loi. Le principe de cette nouvelle loi voulait que les employeurs et les travailleurs prennent en main la santé et la sécurité du travail et cela, dans chaque établissement.

En vigueur depuis le 1er janvier, la loi actuelle sur la santé et la sécurité du travail

a certes contribué à faire progresser la notion d'élimination des accidents du travail à la source. De plus, le législateur a voulu donner une plus grande protection au travailleur en lui facilitant les recours à une juste indemnisation.

Partant de ce principe, le législateur a cependant mis sur pied une superstructure appelée Commission de la santé et de la sécurité du travail. Comme toute superbureaucratie, le fonctionnement de la CSST coûte très cher aux contribuables et principalement aux employeurs cotisants. Les relations entre les dirigeants de la CSST et les employeurs sont la cause de plusieurs désaccords quant à l'application de ce régime de santé et de sécurité du travail. Les coûts de l'application du programme et sa permissivité envers les travailleurs suscitent beaucoup de commentaires de la part des employeurs. L'application des programmes de prévention au sein des entreprises est également la cause de certaines frictions entre les employeurs et les fonctionnaires de la CSST.

Toutes ces remarques furent soulevées lors d'une journée-rencontre entre les employeurs et la CSST de l'Abitibi-Témis-camingue, tenue le 18 novembre 1983 à Noranda. Organisée par le CRDAT, cette journée-rencontre se voulait être un dialogue sur l'application du programme de santé et de sécurité de travail, de l'administration de la CSST, mais aussi sur le principe même du programme. Quelque 110 personnes ont participé à cette journée-rencontre. Les délibérations de cette rencontre ont incité le CRDAT à se présenter devant vous, membres de la commission parlementaire élue du travail.

Les principes du programme actuel de la santé et de la sécurité du travail au Québec sont une préoccupation importante du Conseil régional de développement de l'Abitibi-Témiscamingue. L'universalité de l'indemnisation juste et raisonnable des accidentés de travail sont les grands fondements de ce programme et, plus particulièrement, du projet de loi 42.

Lors de la rencontre employeurs-CSST de l'Abitibi-Témiscamingue, il fut abondamment question de l'indemnisation des accidentés et des coûts rattachés à ce programme. Tous les intervenants présents à cette rencontre partagent le principe d'une indemnisation juste et raisonnable pour les véritables accidentés du travail. Cependant, ni la loi actuelle et ses règlements ni le projet de loi 42 ne prévoient de véritables mesures pour empêcher, sinon diminuer, le nombre de réclamations non justifiées.

Lors de cette journée-rencontre, plusieurs intervenants ont démontré les failles dans la législation et la réglementation concernant l'indemnisation des accidentés. À titre d'exemple, le représentant de l'Association des mines de métaux du Québec avait indiqué, à cette journée-rencontre, que des entreprises minières de l'Abitibi-Témiscamingue voyaient une augmentation annuelle des réclamations de prestations pour des accidents de travail lors de la période de chasse à l'orignal.

Dans plusieurs cas, une simple déclaration assermentée d'un employé et l'obtention d'un papier d'un médecin suffisent pour verser ces prestations à un employé. Les surcharges administratives des employés de la CSST les empêchent souvent de vérifier, de par eux-mêmes ou à la suite d'une plainte d'un employeur, la véracité d'une réclamation d'un employé.

Ces quelques réflexions incitent le CRD de l'Abitibi-Témiscamingue à se poser des questions sur l'encadrement de l'État dans une mesure sociale et économique comme la santé et la sécurité du travail. Le Conseil régional de développement de l'Abitibi-Témiscamingue demande au gouvernement du Québec d'agir avec une extrême prudence avant de présenter toute nouvelle législation et réglementation concernant la santé et la sécurité du travail. De plus, le CRDAT invite le gouvernement à une réflexion fondamentale sur le régime actuel de la santé et de la sécurité du travail.

Le but de cette réflexion n'est pas de remettre en cause la notion de santé et de sécurité du travail. Mais, malgré l'instauration du régime, plusieurs critiques demeurent en place. Pour un grand nombre de travailleurs réellement accidentés, les délais pour recevoir les prestations sont trop longs. Lors de sa législation, le gouvernement du Québec a mis en place une structure appelée CSST ainsi qu'une nouvelle approche qui coûtent extrêmement cher aux contribuables.

La santé, surtout la vie d'un travailleur et d'une travailleuse, sont des valeurs trop précieuses pour ne pas s'en préoccuper. Cependant, il faut qu'un régime de santé et de sécurité du travail tienne compte de la capacité de payer des cotisants. Mais il est important de se demander si c'est le principe de la santé et de la sécurité du travail qui est coûteux ou les lois et réglementations instaurant une structure administrative lourde et un contrôle inapproprié sur l'application législative. (19 h 15)

Le Conseil régional de développement de l'Abitibi-Témiscamingue demande donc au gouvernement de revoir sa philosophie d'intervention en matière de sécurité et de santé du travail.

Étant donné que ce dossier est complexe, le CRDAT n'a pas de solution toute faite à offrir. L'organisme croit cependant que l'adoption de règlements coercitifs et la superbureaucratie qu'elle entraîne ne représentent pas nécessairement

la vraie voie à suivre dans ce dossier.

La vraie voie à suivre représente un défi de taille pour l'ensemble des intervenants en matière de santé et de sécurité du travail. Le défi est d'assurer la plus grande justice envers les réels accidentés et la capacité de payer des employeurs. En Abitibi-Témiscamingue, la direction régionale de la CSST a reçu, depuis un an, au-delà de 10 000 demandes de prestations. Il y a eu environ 322 demandes qui furent jugées irrecevables. En 1982, les déboursés, dans la région, s'élevaient à 28 000 000 $. Au chapitre de l'assistance médicale, de l'incapacité temporaire et de la réadaptation, la direction régionale de la CSST a versé la somme de 15 400 000 $, soit une augmentation de 27% par rapport à l'année précédente.

Au niveau du Québec, les coûts d'accidents ont progressé de 52%, passant de 386 000 000 $, en 1979, à 585 000 000 $, en 1982.

Les coûts d'administration du régime actuel ont augmenté davantage, car ils sont passés de 44 000 000 $, en 1979, à 116 000 000 $, en 1983, soit une augmentation de 162%.

Lors de la journée-rencontre employeurs-CSST du 18 novembre dernier, à Noranda, les représentants de la CSST ont expliqué l'augmentation sensible des coûts par la mise sur pied du régime actuel. Mais, à l'allure actuelle des nouvelles lois et réglementations, tant par le gouvernement que par la CSST elle-même, la mise sur pied du régime risque d'être très longue et très coûteuse. Le projet de loi 42, malgré certains points intéressants, ne résoudra pas ce problème de capitalisation extrême. Dans son programme de relance, le gouvernement du Québec a oublié certains groupes d'entreprises devant faire face à une augmentation sensible du régime de santé et de sécurité du travail.

Au lieu de présenter ce projet, le gouvernement du Québec aurait dû revoir tout ce programme et vérifier la coïncidence entre les résultats du régime actuel de santé et de sécurité du travail et les coûts rattachés à ce programme.

Comme l'organisme le disait auparavant, ce qui coûte le plus cher, ce n'est pas l'indemnisation des accidentés, mais l'administration de la CSST.

Compte tenu de ce gouffre financier qu'est la CSST et les plaintes souvent répétées des véritables accidentés, n'y aurait-il pas lieu que le gouvernement encourage davantage une plus grande collaboration entre les employeurs et les travailleurs? Il existe, dans le monde du travail, un climat malsain, un climat "western", c'est-à-dire les bons employeurs contre les mauvais travailleurs et vice versa. Même pour un organisme comme le CRDAT, il est difficile de venir témoigner devant cette commission. À notre retour en région, on se demandera de quel côté est le CRDAT. Est-il du côté des bons ou des méchants?

Cette ironie exagère à peine la situation réelle. Voilà pourquoi le système de santé et de sécurité du travail est en mauvaise santé. Le problème ne peut se résoudre par de la réglementation. C'est pourquoi le CRDAT réitère sa demande auprès du gouvernement du Québec, auprès des employeurs et des travailleurs, d'une réflexion plus approfondie du système actuellement en place.

Les parties en présence doivent avoir le courage politique de se parler, de laisser de côté leur vanité et essayer de mieux comprendre les problèmes des autres.

Les effectifs de la CSST devraient être au minimum. La santé et la sécurité du travail est peut être l'affaire de tous, mais elle est surtout celle des employeurs et des travailleurs. Pour cela, il faudra que notre société se guérisse du mal du siècle qu'est la bureaucratie, l'interventionnisme accru de l'État et, surtout, la peur morbide des citoyens à prendre leurs responsabilités. Car c'est de cette peur morbide dont il faut remettre en cause les effets négatifs. Cette peur qui fait que l'on demande à l'État de réglementer très fortement les relations de travail et, par le fait même, les responsabilités partagées des employeurs et des employés en matière de sécurité et de santé du travail. Un tel climat complique très sérieusement le fonctionnement des entreprises et cela, surtout dans les secteurs économiques ayant un risque plus grand d'accidents du travail.

La vie économique d'une région comme l'Abitibi-Témiscamingue se ressent doublement de ces problèmes. Les secteurs névralgiques de l'économique régionale, forêt, mines, construction et agriculture, sont des activités ayant un plus grand risque d'accidents du travail et cela, de par leur nature même.

Que peut-on faire pour améliorer la situation? Le CRDAT ne croit pas que la solution réside en un plus grand pouvoir de réglementation venant de la CSST. Malgré la représentativité des représentants syndicaux et patronaux au sein du conseil d'administration de cette commission, il semble que la CSST soit l'organisme le plus surveillé et le plus contesté au Québec. Les associations patronales et syndicales ont des comités de surveillance de la CSST. Compte tenu du comportement de cet organisme et du climat actuel, la présence de ces comités de surveillance s'explique facilement. Le trop grand pouvoir de réglementation de la CSST force les parties à agir ainsi. À bien y penser, tous ces efforts de surveillance nécessaires actuellement représentent un

gaspillage humain et financier considérable.

Bien des dirigeants d'entreprises et d'organisations syndicales préféreraient occuper plus de temps à leurs entreprises et organisations plutôt que de passer de longues heures à surveiller les faits et gestes de la CSST. Afin d'améliorer le climat, le CRDAT croit que le ministre du Travail, le gouvernement du Québec et les députés de l'Assemblée nationale ont la responsabilité d'inciter les parties en présence à de meilleures relations. Une mesure sociale comme la santé et la sécurité du travail est une mesure importante et les entreprises doivent y participer pleinement. Loin d'être des anti-sociaux, les dirigeants d'entreprises veulent prendre une part plus active à l'élaboration des programmes de santé et de sécurité du travail. Les dirigeants syndicaux doivent avoir le même traitement et c'est pourquoi le CRDAT suggère une plus grande participation mutuelle des parties à la fois organisationnelle et financière.

Il est bien entendu que les intérêts des entreprises et des syndicats ne sont pas tous communs. Certains théoriciens et théoriciennes parlent encore, en 1984, de la lutte des classes. Ne pourrait-on pas laisser de côté cette lutte des classes lorsqu'il s'agit de la santé et de la sécurité du travail, et de la capacité financière des entreprises? La lutte des classes, lorsqu'une entreprise est fermée et que des travailleurs sont en chômage, ne donne pas grand-chose.

En conformité avec les principes énoncés précédemment dans ce mémoire, le CRDAT désire certains changements dans les articles contenus dans le projet de loi 42. Au niveau de l'indemnisation, le CRDAT désire que le gouvernement du Québec permette aux entreprises d'avoir le choix entre les programmes de la CSST ou ceux d'une assurance privée. En d'autres termes, il serait bon de laisser aux parties en présence le choix administratif de l'indemnisation tout en fixant des critères communs aux deux types d'organisation. Un tel choix pourrait amener une plus grande flexibilité administrative tout en incitant la CSST à mieux rentabiliser son administration et ses effectifs. Il faudra s'assurer que les travailleurs ne soient pas pénalisés par une telle restructuration.

Dans le cas des travailleurs autonomes, le CRDAT suggère qu'ils soient considérés à la fois comme des employeurs et des travailleurs, et qu'ils aient à payer des cotisations à la CSST. Cette formule simplifierait l'application de la loi pour ces personnes tout en leur permettant de bénéficier des programmes actuels.

À l'instar d'autres programmes tels que l'assurance-chômage et la Régie des rentes, le CRDAT suggère que les employés aient à défrayer une partie des cotisations au programme de santé et de sécurité du travail. Bon nombre d'accidents du travail sont causés par l'employé lui-même, soit par distraction ou par négligence. Cette mesure ferait prendre conscience aux employés des coûts réels du régime actuel et pourrait, du même coup, inciter les employés à ne pas abuser du système. Dans le cas de maladies industrielles non imputables à l'employé, le CRDAT suggère que les cotisations de ce dernier lui soient remboursées.

Dans le cas où un employé est victime d'une maladie industrielle et que cette maladie l'empêche d'exercer le travail qu'il effectuait auparavant mais pouvant effectuer un autre travail pour le même employeur, le CRDAT suggère que ses cotisations lui soient remboursées jusqu'à la date du diagnostic de sa maladie.

Actuellement, l'employeur verse à l'employé accidenté une indemnisation pour les cinq premières journées ouvrables. Par l'article 53 de ce projet de loi, le ministre du Travail suggère d'étendre cette clause à quatorze jours complets. Lors de la rencontre d'une journée employeurs-CSST, il fut question d'exemples où des employés recevaient automatiquement des congés de maladie de cinq jours injustifiés. En conséquence, le CRDAT demande le maintien de la période de cinq jours.

L'article 104 du projet de loi 42 stipule que l'accidenté se fait rembourser les frais de déplacement et de séjour engagés pour recevoir des soins, subir des examens médicaux ou participer à un programme de réadaptation. Le CRDAT suggère que ces frais soient remboursés à l'employé lorsque des soins professionnels de même qualité ne sont pas disponibles dans la localité où réside cet employé. Cette mesure vise à éliminer certains abus de voyages et de frais supplémentaires. De plus, cette suggestion devrait s'appliquer aux services de santé offerts par des entreprises situées loin des centres urbains. À titre d'exemple, la compagnie les Mines Selbaie offre des services infirmiers à ses travailleurs car la mine est éloignée des centres urbains de la région. Malgré cela, certains travailleurs préfèrent se diriger, aux frais du régime, vers ces centres pour des services semblables.

Dans bien des cas, il appartient à l'employeur de présenter le fardeau de la preuve lorsque ce dernier désire contester une décision de la CSST. Le CRDAT suggère que les deux parties en présence, employeur, employé et/ou la CSST, puissent se partager le fardeau de la preuve. En d'autres termes, le CRDAT demande qu'une décision soit prise en se basant sur les recommandations des différentes parties.

Le CRDAT demande une modification de l'article 266 du présent projet de loi visant à mieux contrôler des pouvoirs de réglementation de la CSST. Le CRDAT suggère que toute nouvelle réglementation de

la CSST doit être obligatoirement approuvée par le gouvernement et qu'un délai de 60 jours soit requis avant l'approbation de cette réglementation. Cette mesure permettrait aux différentes parties concernées de mieux faire valoir leurs opinions vis-à-vis des règlements de la CSST. De plus, il est important d'enlever à la CSST un droit de vie ou de mort sur les entreprises. Les dirigeants et les employés de la CSST nient cette affirmation mais de nombreux cas d'embêtement prouvent cette affirmation.

Bien que le Conseil régional de développement de l'Abitibi-Témiscamingue ait présenté certaines modifications au projet de loi, l'organisme considère cependant que le gouvernement québécois doit revoir en profondeur le régime actuel de santé et de sécurité du travail. Le but de cette révision ne serait pas d'enlever des droits fondamentaux aux travailleurs ou travailleuses mais bien de revoir le système et de mieux l'intégrer à la réalité économique québécoise. En présentant ce mémoire, le CRDAT n'avait pas la prétention de trouver des solutions miracles mais d'apporter aux membres de la commission parlementaire quelques éléments de réflexion.

Le Président (M. Rancourt): Merci, M. Julien. M. le ministre du Travail.

M. Fréchette: Merci, M. le Président. M. le président, M. le directeur général, je veux prendre le temps de vous remercier d'avoir acheminé la réflexion que vous avez faite et d'être partis de votre belle région, même avec les inconvénients dont vous nous avez parlé, pour venir nous la livrer. Je comprends qu'on est un peu responsable du chambardement de l'horaire mais vous aurez eu l'occasion de venir vous exprimer. (19 h 30)

Votre mémoire, dans sa première partie et sa majeure partie, nous invite à une réflexion générale, une réflexion globale sur toute la politique de santé et de sécurité au Québec.

À la fin, en conclusion, vous faites des suggestions quant à des amendements que vous souhaiteriez voir incorporés dans le projet de loi. Mais mon attention est davantage attirée par la première partie de votre mémoire qui, de toute façon, débouche sur les recommandations que vous faites au chapitre des amendements. Je comprends d'ailleurs que vous ayez mis l'emphase ou l'accent sur cette considération, cette analyse générale, compte tenu de la vocation très spécifique de votre organisme.

Je m'attarde une seconde à la conclusion de votre mémoire et je vous dirai que, en terminant notre semaine de travail, cette conclusion constitue une espèce de confirmation de la réflexion que nous nous faisons depuis que les travaux sont amorcés.

Vous dites: "En présentant ce mémoire, le CRDAT n'avait pas la prétention de trouver des solutions miracles, mais d'apporter aux membres de la commission parlementaire quelques éléments de réflexion." On est un peu dans la même situation que celle que vous décrivez vous-mêmes. Nous entendons, depuis mardi matin, des représentations, des mémoires qui nous viennent d'organismes intéressés directement par le projet de loi 42, par les mécanismes que l'on va y retrouver. Je ne vous étonnerai pas en vous disant que les positions vont d'un extrême à l'autre, suivant les vocations très précises que les groupes nous présentent. Mais c'est normal que ce soit comme cela.

Je voudrais - le plus rapidement possible - voir, avec vous, quelques-uns des commentaires que contient votre mémoire. Par exemple, à la page 4, à l'avant-dernier paragraphe, vous nous dites: "Les surcharges administratives des employés de la CSST empêchent souvent de vérifier, de par eux-mêmes ou par la suite d'une plainte d'un employeur, la véracité d'une réclamation d'un employé." Si je comprends bien le sens de l'affirmation que vous faites, cela m'amène à la conclusion que les employés de la CSST ont des surcharges administratives. Cela m'amène également à la conclusion que, pour répondre à ces exigences-là, il faudrait peut-être qu'il y ait plus de personnel qu'il n'y en a actuellement. Pourtant, à la page 7 de votre mémoire, vous dites: "Les effectifs de la CSST devraient être au minimum." Vous mettez très précisément la main - le doigt, c'est-à-dire; peut-être la main au complet aussi - sur une situation qui est difficile à concilier. Je vous vois lever la main et...

M. Julien: J'aimerais vous répondre, M. le ministre.

Le Président (M. Rancourt): M. Julien.

M. Julien: J'ai l'avantage d'être industriel, de faire partie de l'AEC et d'être sur la surveillance de l'administration de l'AEC sur la CSST; j'ai l'avantage d'être président du CRDAT en plus d'être un Québécois qui est venu au monde dans la région du Nord-Ouest, où on sent beaucoup de besoins. Quand on a fait notre colloque sur la CSST, cela avait été demandé par la région, lors de l'assemblée annuelle du CRDAT. À cette occasion, on avait l'avantage d'avoir, avec nous, les gens du domaine minier, du domaine forestier, du domaine industriel ordinaire, secondaire si vous voulez, ou primaire. Ce sont des réflexions qui nous sont venues de toutes les salles.

Bien sûr, à travers notre groupe, on n'avait pas les syndicats parce qu'ils n'étaient pas présents par leur abstention, parce que, nous, quand on a tenu le colloque,

c'était pour toute la région. Je peux vous dire ceci en tant qu'industriel. Il peut y avoir une certaine planification de travail qui fait que, même si on n'a pas plus d'employés, on peut faire un meilleur travail. D'ailleurs, en industrie, si on ne faisait pas cela, on serait déficitaire tous les jours de la semaine, M. le ministre. Peut-être qu'il y a une planification meilleure à faire à la direction, sans vouloir dire que la planification n'est pas extraordinaire, en tant qu'industriel, je me dois de vous répondre de cette façon parce que, chez nous, dans les moments de crise économique des dernières années, cela ne nous a pas empêchés de continuer à survivre et même à passer à travers des crises économiques assez difficiles, vous l'avez constaté vous-même en étant ministre du Travail. On est passé à travers en planifiant et ayant moins de gens dans notre administration tout en continuant à travailler. Je pense que cela doit aussi être possible pour la CSST d'avoir une administration plus saine avec le système d'ordinateurs qu'on a aujourd'hui dans notre organisation. Je présume que la CSST a la même chose que nous avons dans nos industries sans être obligée d'avoir une administration plus forte. Une planification fait une grosse différence en administration, M. le ministre.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Fréchette: Je comprends fort bien le sens de votre argumentation et, de façon plus précise maintenant, le sens que vous vouliez aussi donner à ce qu'on retrouve dans le mémoire. Je vous poserai une seule question. À la page 5 de votre mémoire, vous dites, au deuxième paragraphe: "De plus, le CRDAT invite le gouvernement à une réflexion fondamentale sur le régime actuel de la santé et de la sécurité du travail." Je fais une relation directe, à tort ou à raison - vous me le direz - avec la troisième recommandation que l'on trouve à la page 10 de votre mémoire, parce que cette recommandation, effectivement, touche très précisément à la philosophie fondamentale du système lui-même. Votre organisme soutient la position exprimée par le Conseil du patronat et certains autres organismes, dont l'Association des manufacturiers canadiens, qui plaident qu'à peu près 50 ans après l'adoption de la première loi ce serait peut-être maintenant le temps de réévaluer cette philosophie fondamentale et de demander aux travailleurs de cotiser au régime de la santé et de la sécurité. Quand l'argumentation nous est soumise, je fais un retour en arrière, un retour sur notre histoire, et je rappelle qu'en 1930 ou 1931, au début des années trente, les employeurs et les travailleurs avaient convenu ensemble de ce mécanisme, les travailleurs renonçant, d'une part, à poursuivre les employeurs devant les tribunaux de droit commun et les employeurs, eux, acceptant de cotiser pour la compensation. Votre réflexion est-elle qu'effectivement il faudrait maintenant que les travailleurs soient appelés à cotiser à leur système général ou à leur régime général de santé et de sécurité? Est-ce la réflexion de votre organisme qui vous conduit à cette conclusion?

Le Président (M. Rancourt): M. Julien.

M. Julien: M. le ministre, par expérience, étant employeur depuis une trentaine d'années... Les années trente, c'est un peu éloigné pour moi, malgré que je sois d'un certain âge sans être d'un âge certain. Je n'étais pas en fonction à cette époque pour être en mesure de vous répondre, mais je peux vous dire ceci: Je crois que vous avez certainement eu l'occasion de constater, étant ministre au gouvernement du Québec, que la seule bonne façon de réglementer quelque chose, c'est d'être obligé de payer une partie du coût. Prenez le domaine des accidents qui arrivent aujourd'hui en automobile avec la nouvelle loi qui a été adoptée par le gouvernement du Québec. Il y a eu beaucoup de changements. En tout cas, on nous dit que cela coûte pas mal meilleur marché dans les accidents parce qu'aujourd'hui on est cotisé plus sérieusement directement sur nos plaques d'immatriculation. J'ai l'impression que celui qui paie la facture, il réfléchit pas mal plus avant de dépenser de l'argent. Si celui qui paie la facture était cotisé n'importe où, où qu'il aille travailler, selon ce que cela a coûté comme dépenses pour ses accidents, il aurait beaucoup moins de problèmes de mal de dos, entre autres. Je crois que de cette façon ce serait plus équitable pour celui qui n'est jamais malade, parce qu'il pourrait avoir une cotisation, exactement la même que celle qu'on a pour l'employeur, plus cher pour celui qui est souventefois accidenté et moins cher pour celui qui l'est moins. Je crois que c'est juste et équitable que, si on paie une assurance, on la paie pour les accidents qu'on a. Celui qui n'a pas d'accident a toujours un meilleur taux. C'est un peu la position du CRDAT là-dedans. On dit que celui qui paie, il y pense deux fois avant d'y aller pour rien parce que, si vous remarquez, on vous a dit tantôt que chez nous, en tout cas, dans le Nord-Ouest, la chasse à l'orignal, c'est épouvantable les accidents qui arrivent. Quand on ne veut pas dire à nos employés qu'ils ont le droit d'aller à la chasse à l'orignal pour prendre des vacances, c'est extraordinaire comme il y a des accidents, des maux de dos et toutes sortes de choses durant la chasse à l'orignal.

On pourrait vous donner des exemples multiples que la chasse à l'orignal, c'est la partie la plus accidentée de tout le temps de l'année dans le Nord-Ouest québécois.

Pourquoi y aurait-il plus d'accidents durant la période de la chasse? Parce que justement, c'est extrêmement facile, M. le ministre, d'avoir une petite carte du médecin nous disant qu'on est accidenté pour une semaine. Je pourrais vous en faire la preuve n'importe quand. Si demain matin vous avez le temps, je pourrais aller voir un docteur avec vous, j'aurais un mal de dos demain matin, si cela vous intéresse. Je crois que là-dessus il y aurait quelque chose à vérifier. C'est pour cela que je dis: Si on payait tous les deux, il y aurait une grosse différence.

M. Fréchette: Je vous remercie, M. Julien. On pourrait continuer à discuter longuement parce que c'est un sujet fort intéressant, mais je vais laisser mes collègues maintenant continuer l'échange d'opinions.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Viau.

M. Cusano: Merci. Je suis sûr que, si demain matin, le ministre et même les membres de cette commission allaient voir un médecin, on pourrait certainement avoir un certificat pour un mal de dos. En regardant votre mémoire et le dialogue que vous avez tenu avec le ministre, je me pose certaines questions spécialement lorsque vous demandez au gouvernement d'agir avec une extrême prudence avant de présenter une nouvelle loi. Est-ce que je dois interpréter cela comme d'autres l'ont fait déjà ici devant cette commission, qu'il est nécessaire d'avoir une enquête en ce qui concerne l'administration, le fonctionnement de la CSST ou dois-je comprendre de votre mise en garde envers le gouvernement que la loi qui nous est présentée, le projet de loi 42, va avoir tellement de résultats néfastes dans votre région qu'il devrait peut-être la mettre de côté?

Le Président (M. Rancourt): M. Julien.

M. Cusano: Cela peut être oui aux deux, vous savez, la réponse.

M. Julien: Si c'était pour vérifier l'administration de la CSST, je dois vous avouer que je me fie sur le ministre du Travail. S'il n'avait pas la capacité, on ne lui aurait pas donné le titre. Normalement, c'est ce qui se fait. En tout cas, j'ai extrêmement confiance dans le ministre du Travail. J'ai eu l'occasion de le rencontrer à d'autres reprises où je n'étais pas toujours d'accord avec lui, mais il reste que, sur le point de l'administration, je crois que c'est le domaine du ministre du Travail de le regarder. S'il y a des vérifications à faire, il devra les faire. Dans le Nord-Ouest québécois, ce qu'il faut faire en tant que Conseil régional de développement de l'Abitibi-Témiscamingue, c'est de protéger les industries qu'on a présentement parce que quand vous parlez de chômage dans les régions ordinaires de 10%, 12% ou 15% et que les gens pensent que cela a de l'allure, chez nous, dans le Nord-Ouest, on parle de 20% et 25%.

Pour nous autres, la survie des entreprises est extrêmement intéressante. Il y a des développements qui se font surtout dans le domaine minier. Je peux vous dire qu'à l'occasion du colloque CSST qu'on avait eu, il y avait 18 représentants du gouvernement qui s'étaient présentés. Je présume que c'est intéressant ce qu'on présentait cette fois-là. Sur 110 personnes, il y en avait 18 qui étaient du gouvernement. Il y avait quelque chose d'intéressant. Vous devez savoir que l'Abitibi-Témiscamingue, c'est 75% des richesses naturelles de toute la province de Québec. C'est intéressant de parler d'une région comme la nôtre. Quand on a eu notre colloque, on a eu dans le domaine minier certaines personnes qui sont venues et qui étaient prêtes à nous donner le nom des gens qui à 87 ans avaient eu une pension de la CSST pour surdité. Nous autres, en tout cas, on s'est posé des questions extrêmement sérieuses. Si dans le domaine minier on se permet d'avoir des pensions à 87 ans pour surdité, il y a certainement quelque chose qui cloche à la CSST parce que normalement, à 87 ans, quelqu'un qui manque un peu d'entendement à l'oreille, cela peut provenir de plusieurs choses autres que son travail. Ce sont des choses comme cela qu'on aimerait bien que le ministre surveille et qu'il y ait une collaboration assez intéressante entre les employeurs et la CSST de façon que, lorsqu'on donne quelque chose à quelqu'un qui est réellement un accidenté de travail, on le paie parce qu'on est d'accord sur cela. Dans l'exagération, on aimerait mieux qu'on n'y soit pas. (19 h 45)

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Viau.

M. Cusano: Je présume aussi que vous voulez qu'elle surveille la chasse à l'orignal! C'est seulement un commentaire.

J'en viens à ma deuxième et dernière question. Vous dites aussi au gouvernement que les entreprises devraient avoir le choix entre la CSST d'un côté et les compagnies d'assurances privées. Par le fait même, vous le mentionnez dans votre mémoire, si, tout d'un coup, la CSST se trouvait en concurrence avec un autre organisme, cela aurait peut-être l'effet de rentabiliser ses opérations. Sur ce principe, je suis d'accord.

C'est un peu le même principe de l'école publique et de l'école privée. J'aimerais savoir, puisque vous parlez de question d'assurances privées, si vous avez poussé l'étude pour savoir quelle serait la différence des coûts... Si on prend une couverture semblable, peut-être que vous ne l'avez pas fait sur le projet de loi 42 qui nous est présenté, mais peut-être sur la présente Loi sur les accidents de travail et les maladies professionnelles en prenant toute la couverture qui est offerte par la présente loi, y aurait-il des économies d'après vous en allant chez une compagnie d'assurances privée?

Le Président (M. Rancourt): M. Julien.

M. Julien: M. le député, vous savez ce que la concurrence peut faire, à partir du moment où il y aurait concurrence dans un domaine qui est ni plus ou moins que de l'assurance. En industrie, quand on veut assurer quelque chose, on fait la demande à au moins trois et souvent cinq compagnies. Quand le gouvernement du Québec veut faire quelque chose de spécial, il va en soumission. S'il croyait prendre seulement une personne pour faire tout le travail, il n'irait jamais en soumission. La raison d'une soumission, c'est d'avoir le meilleur prix possible pour la meilleure qualité possible. Pourquoi n'est-ce pas comme cela pour les accidents? Pour moi, c'est une question épouvantable à poser, c'est Même presque gênant. Ayant été un industriel toute ma vie, je sais par expérience qu'il y a un seul moyen de travailler, c'est avec une concurrence. Je ne pourrais pas dire et je ne voudrais jamais dire que la CSST ne serait pas concurrentielle la journée où il y aurait un concurrent averti autour d'elle. À partir de ce moment, celui qui dirige la CSST aurait la même obligation que moi, en étant président-directeur général de deux ou trois compagnies chez nous. Si je ne suis pas concurrentiel, je perds les contrats, tout simplement. À partir de ce moment, on aurait l'avantage d'avoir quelque chose qui se construit comme une compagnie ordinaire, dans une entreprise privée. On a l'avantage chez nous d'avoir quelque chose de très pressant qu'on peut vous expliquer, c'est qu'on a la compagnie Louvem, qui est gouvernementale, qui est venue s'établir chez nous avec son conseil d'administration. Je peux vous dire que vous allez voir les réalisations d'ici les années qui s'en viennent en ce sens que cette compagnie qui, pourtant est gouvernementale, vous prouvera la qualité de la concurrence en vous donnant quelque chose de très spécial, chose qu'on voit seulement en concurrence. Je ne crois pas que, d'ici un an ou deux, si on allait en concurrence avec l'entreprise privée, l'entreprise privée en assurances serait meilleure que la CSST. Je crois cependant que la CSST serait royalement meilleure qu'elle ne l'est présentement, parce qu'à partir du moment où on a un défi à relever, on n'a pas le choix. Il faut changer un peu notre administration et c'est normal pour tout le monde. Si vous donnez un contrat et que vous dites: C'est le "cost" plus 10%, cela va certainement coûter cher. On a bâti la Baie-James et ce n'était pas le "cost" plus 10%, mais c'était le meilleur offrant. Si on donnait cet avantage à n'importe lequel employeur, je crois que la CSST aurait une structure pas mal meilleure.

M. Cusano: Merci.

Le Président (M. Rancourt): M. le député d'Ungava.

M. Lafrenière: M. Julien, tout à l'heure, dans votre mémoire, vous avez parlé d'encourager de meilleurs rapports entre les travailleurs et les employeurs pour minimiser la fréquence des accidents. Je sais qu'à votre colloque à Noranda, pour en avoir entendu parler avant la commission parlementaire, il y avait 110 personnes. Connaissant la débrouillardise des gens de l'Abitibi, je me demande s'il n'est pas sorti de bonnes idées pour faire ce rapprochement. Vous devez certainement en avoir en tête. Est-ce qu'on pourrait les entendre?

Le Président (M. Rancourt): M. Julien.

M. Julien: Je peux vous dire que - M. le ministre, cela me fait plaisir de vous le dire parce que vous êtes celui qui est le plus proche de la question du travail, présentement, et de la CSST, bien sûr - lorsque nous avons décidé de tenir ce colloque, on a royalement excité les gens de la CSST, chez nous. Ils ont même prétendu que c'était un désastre et qu'on voulait surtout les détruire. Mais ce n'était pas ce qu'on faisait. C'était une priorité qui nous avait été faite à l'assemblée annuelle du Conseil régional de développement, qui regroupe tout de même 500 membres officiels qui font partie du CRDAT. C'est probablement le CRDAT le plus fort de tout le Québec, présentement, sans être vaniteux, parce que je suis un président qui passe et, dans un an, cela en sera un autre. Mais je peux vous dire que lorsqu'on a eu notre rencontre, les gens de la CSST étaient présents et cela nous a fait réellement plaisir de voir que le gouvernement avait pensé qu'il valait la peine, dans la région du Nord-Ouest où on est à peu près 170 000 de population, d'avoir 18 représentants de la CSST pour venir écouter ce qui se dirait par les employeurs. Il n'y a pas eu d'employeur à cette réunion qui a détruit la CSST par elle-même. On a trouvé que, dans les nouveaux programmes de

sécurité à l'intérieur de l'usine, il y avait des failles extraordinaires parce qu'on demandait à certains employeurs de dépenser quelque chose comme 200 000 $ pour être réaliste à ce qui était demandé par la CSST.

Vous savez que, dans le système économique qu'on a vécu, pendant les dernières années, 200 000 $, pour une petite PME, c'est beaucoup d'argent à investir pour la sécurité. Ces mêmes compagnies, qui venaient se défendre n'étaient pas celles où il y avait le plus d'accidents, mais leur programme de sécurité était extrêmement exagéré parce qu'il s'appliquait dans des domaines extrêment difficiles, comme la soudure. Vous savez ce que c'est la soudure; on soude de l'aluminium, on soude toutes sortes de métaux, ce qui provoque des émanations de gaz. C'est extrêmement difficile d'avoir une sécurité à l'intérieur de l'usine abordable, en tout cas, dans le domaine que la CSST demandait.

Celui qui est venu nous faire une représentation là-dessus, c'est un de nos bons entrepreneurs de chez nous qui a même été jusqu'à faire de l'exportation hors Québec et hors Canada et même en Europe. Cela le détruisait dans son contexte parce qu'il fallait qu'il dépense trop d'argent dans un système qui, pour lui, était impossible à réaliser parce qu'il n'y avait rien qu'il pouvait adapter à son usine et il n'y avait personne à la CSST ni ailleurs qui pouvait lui fournir des solutions à ses problèmes. Alors, quand on vous dit qu'il y a des émanations de gaz, que vous n'avez rien pour éliminer cela, même si vous demandiez à la personne de faire des efforts considérables, cela était impossible pour lui.

Il y avait des choses comme celles-là qui se sont produites avec la CSST, malgré que je doive vous avouer honnêtement qu'il n'y a pas eu de grands dilemmes où cela a été controversé. Bien sûr, tout le monde a dit que la CSST coûtait extrêmement cher en administration. Étant administrateur, je suis obligé d'avouer que, selon moi, tout le monde avait raison parce que si, chez nous, dans les entreprises que je dirige depuis une trentaine d'années - je voudrais dire au ministre que j'ai commencé à 20 ans, pour ne pas qu'il pense que je suis trop vieux -j'administrais comme la CSST est administrée, cela fait longtemps que je serais en faillite.

Le Président (M. Rancourt): M. le député d'Ungava.

M. Lafrenière: Juste une remarque en passant. S'il y avait dix personnes de la CSST, c'est peut-être bien une des raisons pour laquelle cela coûte cher: déplacer tant de monde! S'il y avait 18 personnes de la CSST qui se sont rendues à Rouyn, cela fait déjà un bon montant. C'est peut-être bien une des raisons pourquoi cela coûte cher.

M. Julien: C'étaient des gens de la région, remarquez.

M. Lafrenière: De la région.

M. Julien: II n'y avait rien... C'était des gens de la région et qui travaillaient dans la région. On ne peut pas dire qu'ils ne sont pas compétents dans leur travail. Mais il reste au ministre du Travail à décider ce que la CSST devrait faire. Les gens de chez nous, on ne nie pas leurs compétences parce qu'ils agissent en vertu de directives qui viennent de hauts lieux. Ils font très bien leur travail.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Viau.

M. Cusano: Merci, M. le Président. M. Julien et M. Dufour, au nom de ma formation politique, j'aimerais vous remercier.

Comme le ministre l'a dit tantôt, on s'excuse si Quebecair et nous-mêmes vous avons causé certains inconvénients. Nous avons apprécié votre franchise et les éléments que vos apportez concernant le projet de loi 42. Nous vous en remercions.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre du Travail.

M. Fréchette: Je veux simplement, M. le Président, réitérer les remerciements que mon collègue du comté de Viau vient de transmettre à nos invités. Il a indiqué que vous aviez, très franchement, exprimé vos opinions. On les retrouve, d'ailleurs, dans le mémoire lui-même. Je vous en remercie et j'espère que nous aurons l'occasion de nous revoir, peut-être à la saison de chasse, M. Julien.

M. Julien: M. le ministre...

Le Président (M. Rancourt): M. Julien.

M. Julien: ...le directeur général du CRDAT aurait quelques questions à vous poser, s'il vous plaît!

M. Dufour (Denis): Rapidement, M. le Président...

Le Président (M. Rancourt): M. Dufour.

M. Dufour: M. le Président, si vous me permettez de poser au ministre un point d'éclaircissement concernant un article du projet de loi 42. C'est l'article 10 concernant les contrats d'entreprise, à savoir l'interprétation qu'on peut faire de cet article...

M. Fréchette: Quel article est-ce?

M. Dufour: L'article 10.

M. Fréchette: L'article 10?

M. Dufour: ...qui dit que l'employeur qui accorde un contrat d'entreprise est considéré l'employeur des travailleurs de l'entrepreneur tant que celui-ci n'a pas fait les déclarations prescrites par la présente loi. Est-ce que cela veut dire qu'il est responsable?

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Fréchette: M. Dufour, est-ce qu'on peut ensemble convenir d'un processus qui ferait qu'on puisse se voir immédiatement après que les travaux de la commission seront terminés? Vous allez comprendre que, s'il fallait entreprendre, à l'occasion de cette commission, de donner une interprétation des quelque 300 articles qu'on y retrouve, cela pourrait devenir long et je ne pourrais pas non plus prendre le risque de donner des interprétations sur l'ensemble d'un projet de loi à ce stade-ci, mais je n'ai pas d'objection à ce qu'on se voie immédiatement après et qu'on en reparle.

Le Président (M. Rancourt): M. Dufour.

M. Dufour: D'accord.

M. Cusano: Cela sera certainement réécrit.

Le Président (M. Rancourt): M. Dufour, avez-vous d'autres questions?

M. Dufour: L'autre intervention est simplement une invitation à ceux qui n'auraient pas pris connaissance du compte rendu de la rencontre CSST-employeur. Des copies sont disponibles à nos bureaux. J'ai vérifié cet après-midi et tous les députés ne l'ont pas reçu. Il nous fera plaisir d'en remettre des copies.

M. Fréchette: Est-ce que vous pourriez...

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Fréchette: ...en envoyer, M. Dufour, au secrétariat des commissions en nombre suffisant pour que ce soit retransmis à tous les membres de la commission. Il serait vraiment intéressant de voir le procès-verbal de cette séance de travail que vous avez tenue chez vous. Merci.

M. Dufour: Cela me fera plaisir.

Le Président (M. Rancourt): D'accord. Nous remercions le Conseil régional de développement de l'Abitibi-Témiscamingue, qui clôt en fait l'ordre du jour d'aujourd'hui, le 17 février 1984. Nous allons souhaiter à nos invités un bon retour.

Nous ajournons nos travaux jusqu'à lundi, 10 heures. À chacun d'entre vous, bonne fin de semaine.

(Fin de la séance à 19 h 58)

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