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Version finale

34th Legislature, 1st Session
(November 28, 1989 au March 18, 1992)

Tuesday, December 3, 1991 - Vol. 31 N° 28

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude détaillée du projet de loi n° 125, Code civil du Québec


Journal des débats

 

(Dix heures vingt-huit minutes)

Le Président (M. Lafrance): Veuillez prendre place, s'il vous plaît! Si vous voulez prendre place, s'il vous plaît, nous allons débuter. Je réalise que nous avons le quorum. J'aimerais donc déclarer cette vingt-sixième séance de travail ouverte, en rappelant à tous les membres que le mandat de notre commission est de procéder à l'étude détaillée du projet de loi 125, Code civil du Québec. Mme la secrétaire, est-ce que nous avons des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Bleau (Groulx) est remplacée par M. MacMillan (Papineau) et M. Hamel (Sherbrooke) par Mme Dionne (Kamouraska-Témiscouata).

Le Président (M. Lafrance): Merci. J'aimerais vous rappeler l'horaire pour ce matin. Nous avons convenu d'avoir une séance de travail jusqu'à 12 h 30. On m'avise aussi que M. le ministre sera ici d'une minute à l'autre puisqu'il est en route. Avec la température actuelle, il est aux prises avec un problème de trafic. Je vous rappelle que nous étions au livre dizième qui traite du droit international privé et des dispositions générales. Nous en étions au titre deuxième de ce livre dizième, le titre deuxième qui traite des conflits de lois, au chapitre troisième qui traite du statut des obligations et, de façon plus précise, à la section II, c'est-à-dire des dispositions particulières, et au sous-paragraphe troisième, Du contrat de consommation.

Nous avions convenu, lors de notre dernière séance de travail, de reprendre avec l'article 3094 que nous avions suspendu. En fait, nous avions suspendu l'article 3094, appelé l'article 3095, décidé, si vous vous souvenez, d'ajourner les travaux et convenu de revenir sur l'article 3094. Alors, s'il n'y a pas de commentaires de début de travaux, j'aimerais en conséquence appeler cet article 3094 qui n'a pas été amendé, je pense. Oui, Mme la députée de Terrebonne.

Des conflits de lois Du statut des obligations (suite)

Mme Caron: Oui, M. le Président. J'ai continué mes réflexions sur l'article 3094 et, après vérification aussi des articles suivants, dont principalement l'article 3127, après avoir aussi pris connaissance auprès de Me Ouellette à l'effet qu'il y aurait un amendement à 3145, donc, M. le Président, je serais prête à passer à l'adoption de cet article dont j'avais demandé la suspension.

Le Président (M. Lafrance): M. le député de Chapleau.

M. Kehoe: Oui, c'est ça que je pense. Mme la députée a dit qu'il est possible de l'adopter.

Le Président (M. Lafrance): Oui, oui. M. Kehoe: D'accord.

Le Président (M. Lafrance): II n'y a pas de commentaires additionnels? Ça va? Donc, l'article 3094 est adopté tel quel. J'appelle maintenant l'article 3095 qui parle du contrat de travail.

M. Kehoe: II n'y a pas de modification encore, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): Aucun amendement? Merci.

Mme Harel: M. le Président, c'est un article de droit nouveau. Je crois comprendre qu'il s'inspire d'une convention internationale; il serait certainement souhaitable que l'on nous explique la portée de cette disposition à 3095.

M. Kehoe: Madame, ça s'inscrit dans la Convention de Rome de 1980, et je demanderais au professeur Pineau de nous donner l'explication.

Le Président (M. Lafrance): Certainement. Alors, Me Pineau.

M. Pineau (Jean): Merci, M. le Président. L'article 3095 relatif au contrat de travail procède du même esprit que l'article 3094 relatif au contrat de consommation. Les parties peuvent choisir la loi qui leur serait applicable, mais ce choix ne pourrait avoir pour résultat de priver le travailleur de la protection que lui assurerait la loi ou les dispositions imperatives, plus précisément, de la loi de l'État où, normalement, il travaille. Donc, il est protégé dans la mesure où il ne peut pas obtenir moins que ce que lui procure la loi de son État, mais, en revanche, il pourrait éventuellement obtenir plus si effectivement la loi qu'il choisit lui est pour plus favorable que la loi de son propre État.

Mme Harel: II s'agit donc de droit supplétif. C'est en l'absence de désignation des parties que s'applique à ce moment-là la loi de l'État où le travailleur accomplit habituellement son travail ou la loi de l'État où son employeur a son domicile ou son établissement. C'est bien ça?

M. Pineau: C'est ça.

Le Président (M. Lafrance): Merci, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve. S'il n'y a pas d'autres commentaires, l'article 3095 est donc adopté tel quel. J'appelle maintenant l'article 3096 qui touche la question du contrat d'assurance terrestre.

M. Kehoe: M. le Président, il y a un amendement à l'article 3096. L'article 3096 est modifié par l'ajout, à la première ligne du deuxième alinéa, après le mot "collective'' des mots "de personnes".

L'amendement proposé établit une concordance avec l'article 2376. En raison de cet amendement, l'article 3096 se lira comme suit: "Malgré toute convention contraire, le contrat d'assurance qui porte sur un bien ou un intérêt situé au Québec ou qui est souscrit au Québec par une personne qui y réside, est régi par la loi du Québec dès lors que le preneur en fait la demande au Québec ou que l'assureur y signe ou y délivre la police. "De même, le contrat d'assurance collective de personnes est régi par la loi du Québec, lorsque l'adhérent a sa résidence au Québec au moment de son adhésion. "Toute somme due en vertu d'un contrat d'assurance régi par la loi du Québec est payable au Québec."

Le Préskient (M. Lafrance): Merci, M. le député de Chapleau. Est-ce qu'il y aurait des commentaires touchant cet article 3096 tel qu'amendé?

Mme Harel: Dois-je comprendre que l'amendement a pour effet d'écarter le contrat d'assurance collective de dommages à l'application de 3096?

Le Président (M. Lafrance): Oui, Me Pineau. M. Kehoe: Oui, M. Pineau.

M. Pineau: La réponse est affirmative, M. le Président. Excusez-moi.

Mme Harel: Alors, quel est le droit qui s'appliquerait à l'égard du contrat d'assurance collective de dommages dans le droit international privé? On dit avec l'amendement, au deuxième alinéa: "De même, le contrat d'assurance collective de personnes est régi par la loi du Québec, lorsque l'adhérent a sa résidence au Québec au moment de son adhésion."

Le contrat d'assurance collective de dommages serait régi par quelle loi à ce moment-là?

M. Pineau: Le contrat d'assurance collective de dommages ne serait donc pas possible au Québec. Donc, ça ne serait pas un contrat d'assurance collective de dommages qui serait conclu ici, il ne serait pas valable.

Mme Harel: Et si ce contrat d'assurance collective de dommages était conclu à l'extérieur du Québec?

M. Pineau: Si c'était conclu à l'extérieur du Québec, je pense qu'on ne pourrait pas... On appliquerait les règles générales de 3089 et suivants. Et, dans ce contexte-là, sur le fonds des actes juridiques, les tribunaux appliquent la loi de l'État qui, compte tenu de la nature de l'acte et des circonstances qui l'entourent, présentent les liens les plus étroits avec cet acte, s'il n'y a pas eu désignation d'une loi particulière.

Mme Harel: Est-ce que le député de Chapleau qui remplace le ministre...

M. Kehoe: Qui arrivera dans quelques minutes, entre parenthèses, madame.

Mme Harel: D'accord. On peut peut-être suspendre jusqu'à son retour. Je voudrais juste l'entendre nous dire qu'il est de sa volonté de demander à l'Institut de réforme du droit d'étudier cette question.

M. Kehoe: Premièrement, c'est difficile de répondre pour le ministre. Mais bien sûr que, jusqu'à date, vous avez noté sa coopération. Chaque fois qu'il a eu une demande semblable, il a toujours répondu dans l'affirmative. Personnellement, je ne peux pas prendre d'engagement pour lui, mais je suis sûr que vous pourrez lui formuler votre question lorsqu'il arrivera dans quelques minutes. Vous pourriez procéder à l'adoption de l'article immédiatement puis formuler la demande dès son arrivée.

Mme Harel: Très bien, on va suspendre jusqu'à son retour.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le député de Chapleau. Donc, l'article 3096 est laissé en suspens tel qu'amendé. J'appelle maintenant l'article 3097 qui touche la question de la cession de créance.

M. Kehoe: II n'y a pas d'amendement, M. le Président.

Mme Harel: II s'agit également, M. le Président, d'un article de droit nouveau. Alors, peut-on demander au député de Chapleau de nous en faire connaître la portée?

M. Kehoe: Encore une fois, Mme la députée, il s'agit d'une loi qui s'inspire de la Convention de Rome et des applications contractuelles de la loi suisse fédérale sur le droit international

privé. Pour les détails, je demanderais au professeur Pineau de les expliquer.

Le Président (M. Lafrance): Merci, Me Pineau.

M. Pineau: M. le Président, à la cession de créance, nous avons trois personnes qui sont liées: le créancier cédant, le débiteur cédé et le cessionnaire. L'article 3097 vient dire simplement que le caractère cessible de la créance, de même que la façon dont les rapports entre, d'une part, cessionnaire et débiteur cédé ou les rapports entre débiteur cédé et créancier cédant sont régis par la même loi, n'est-ce pas. L'opération est soumise à la même loi. Cela répond ainsi à une question qui aurait pu se poser dans l'hypothèse où cette précision n'aurait pas été apportée: Est-ce que les rapports cédé-cédant sont régis par la même loi que les rapports cession-naire-débiteur cédé?

Le Président (M. Lafrance): Je vous remercie, Me Pineau. Donc, l'article 3097 est adopté tel quel. J'appelle maintenant l'article 3098 qui traite de la question de l'arbitrage.

M. Kehoe: II y a un amendement, M. le Président. À la fin de l'article 3098, les mots "du Québec si l'arbitrage s'y déroule" sont remplacés par les mots "de l'État où l'arbitrage se déroule".

M. le Président, l'amendement proposé vise à bilatéraliser l'article. En raison de cet amendement, l'article se lirait comme suit: "En l'absence de désignation par les parties, la convention d'arbitrage est régie par la loi applicable au contrat principal ou, si cette loi a pour effet d'invalider la convention, par la loi de l'État où l'arbitrage se déroule."

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le député de Chapleau. Est-ce qu'il y aurait des commentaires sur cet article 3098 tel qu'amendé?

M. Holden: M. le Président...

Le Président (M. Lafrance): Oui, M. le député de Westmount.

M. Holden: Un arbitrage peut se dérouler... Par exemple, je fais partie d'une commission d'arbitrage qui a siégé à Montréal et à Los Angeles.

M. Kehoe: Justement, l'article dit "en l'absence", lorsque les parties ne s'entendent pas. Si les parties s'entendent, ça peut être contractuel entre les deux parties, elles peuvent s'entendre sur l'endroit où ça peut se dérouler.

M. Holden: Mais on peut siéger dans deux États: moitié du temps aux États-Unis et moitié du temps au Canada.

M. Kehoe: J'imagine que les parties, à ce moment-là, vont prévoir dans l'entente où elles vont siéger.

M. Holden: Sinon, c'est le cas de non-entente.

M. Kehoe: En l'absence... c'est ça que l'article 3098...

M. Holden: Mais disons qu'il n'y a pas d'entente et qu'on siège dans deux États différents.

M. Kehoe: Je pense que sûrement... M. Holden: Alors, quelle loi s'applique?

M. Kehoe: Ce serait malhabile pour les parties de siéger à deux endroits différents sans s'entendre d'avance sur quelle loi va s'appliquer. J'imagine qu'il va y avoir une convention.

M. Holden: Oui, oui, on imagine toutes sortes de choses. Moi, j'imagine le cas où il n'y a pas d'entente et où on siège dans deux pays différents.

M. Pineau: Sur la même affaire?

M. Holden: Comment?

M. Pineau: Sur la même affaire?

M. Holden: Sur la même affaire. C'est vrai que, normalement, on se met d'accord, mais c'est pour le cas où on ne se met pas d'accord.

M. Kehoe: M. le député, c'est sûr que ce sera l'endroit où le contrat principal a été passé. Si c'était adopté et si c'était un contrat signé ici, au Québec, j'imagine... pas j'imagine, ça serait la loi de la province de Québec qui s'appliquerait. Si le contrat était passé aux États-Unis... C'est l'endroit où le contrat principal a été passé. C'est justement. À la deuxième ligne de cet article, il est bien dit "si cette loi a pour effet d'invalider la convention". C'est sous-entendu qu'il y a une convention entre les parties.

Une voix: C'est ça.

M. Kehoe: Et c'est où la convention a été passée que la loi s'appliquerait.

M. Holden: C'est très intéressant, parce que, justement, dans le cas qui me préoccupe, il y a un argument sur la validité et ils vont s'adresser à la Cour supérieure pour avoir une décision sur la validité. Si la Cour dit que la convention n'est pas valide, est-ce qu'on va appliquer la loi d'un autre État ou...

M. Kehoe: On va appliquer la loi qui tend à valider le contrat, la loi où le contrat a été passé initialement, la loi de l'endroit où le contrat a été rédigé, et passé, et signé entre les parties. (10 h 45)

M. Holden: En tout cas, on va voir ce que la Cour supérieure décidera dans notre cas mais... Ha, ha, ha!

M. Kehoe: Ah! je suis sûr qu'elle va suivre nos avis.

M. Holden: Mais quand on dit "où l'arbitrage se déroule", ça présume que ça ne se déroule que dans un pays, et ce n'est pas le cas souvent dans les arbitrages. Ça peut se dérouler dans plusieurs pays.

M. Kehoe: C'est sûr mais, au bout de la ligne, c'est l'endroit où on tente de valider le contrat qui aura la juridiction. Ça va sans dire dans le cas où l'arbitrage se déroule à cet endroit-là aussi.

M. Holden: En tout cas...

Le Président (M. Lafrance): Merci.

M. Holden: Ce n'est pas clair dans - mon esprit mais c'est peut-être clair dans l'esprit de tout le monde, alors...

Le Président (M. Lafrance): Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Non, pour rassurer le député de Westmount, ce n'est pas clair dans la tête de plusieurs, et même la Chambre des notaires avait recommandé fortement l'inclusion d'une règle de conflit pour ces contrats-là, lorsqu'il y avait absence de désignation de la loi dans l'article. On avait fait une recommandation à cet effet. Pourquoi n'a-t-on pas tenu compte de cette recommandation-là?

M. Kehoe: Je vais demander au professeur Pineau.

Le Président (M. Lafrance): Oui, Me Pineau.

M. Pineau: Merci, M. le Président. Je m'excuse, mais je ne suis pas sûr de vous avoir suivi, j'ai été distrait.

Mme Caron: Dans la même ligne que le député de Westmount, la Chambre des notaires elle-même avait recommandé...

M. Pineau: Oui.

Mme Caron: ...à la commission d'inclure une règle de conflit pour ses contrats. Pourquoi n'a-t-on par retenu cette recommandation?

M. Pineau: Pour la convention d'arbitrage? Je pense que l'article 3098 répond à cette...

Mme Caron: Non, pour les contrats de construction, les contrats d'entreprises et de services.

M. Pineau: Ah!

Mme Caron: On voulait qu'on l'ajoute suite à l'article 3098.

M. Pineau: Oui, parce qu'il n'y avait pas lieu de faire un cas particulier de ces contrats qui sont des contrats particuliers. La règle générale s'applique à ces contrats, aux contrats que vous venez de désigner, comme à n'importe quel contrat. Il n'y a pas de règle particulière pour ces contrats de nature particulière.

M. Kehoe: La règle générale, c'est l'endroit où la convention d'arbitrage est régie par la loi applicable au contrat principal, où le contrat principal a été rédigé.

M. Pineau: Quelle que soit la nature du contrat.

Mme Caron: Mais le problème soulevé par le député de Westmount reste entier, en cas de conflit.

M. Pineau: Mais le problème soulevé par M. le député de Westmount, M. le Président, je ne suis pas sûr qu'il ne puisse pas se résoudre conformément à l'article 3098. Si je comprends bien, il n'y a pas eu de désignation de la loi par les parties. Donc, la convention d'arbitrage est régie par la loi applicable au contrat principal. À supposer que la loi applicable au contrat principal aurait pour effet d'invalider la convention d'arbitrage, à ce moment-là, cette convention d'arbitrage serait soumise à la loi de l'État où l'arbitrage se déroule. Je suppose, M. le Président, que les arbitres vont se réunir à un endroit donné et c'est là où l'arbitrage se déroule tout au moins au départ. Je suppose que la première question que les arbitres auront à se poser, ça sera celle-ci: Quelle est la loi applicable? Ils désigneront alors leur loi applicable. Ça se déroule ici ou ça se déroule ailleurs.

M. Holden: S'il y a désaccord, sur quelle loi doit-elle s'appliquer?

M. Pineau: S'il y a désaccord entre les arbitres, je suppose que les arbitres... S'il y a un arbitre unique, il n'y aura pas de désaccord; s'il y a trois arbitres, il y a la loi de la majorité qui, à ce moment-là, s'impose.

Le Président (M. Lafrance): Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: Oui, M. le Président. Je voudrais faire écho aux remarques de ma collègue de Terrebonne et aux recommandations inscrites dans le mémoire de la Chambre des notaires à la page 54, à l'effet que les contrats de construction, les contrats d'entreprises ou les contrats de services devraient plutôt bénéficier du même traitement que les contrats de consommation, ou les contrats de travail, ou les contrats d'assurances terrestre qui, eux, font l'objet de dispositions particulières. Est-ce qu'il ne serait pas souhaitable que les contrats de construction, les contrats d'entreprises, les contrats de services fassent l'objet de dispositions comme les autres contrats que j'ai mentionnés tantôt, de manière à clarifier non seulement le principe général... Je sais qu'on peut retrouver le principe général à l'article 3089 - c'est bien le cas, c'est ça? - mais la Chambre recommandait fortement l'inclusion d'une règle de conflit pour les contrats de construction, d'entreprises ou de services, à l'effet qu'en l'absence de désignation de la loi dans l'article il est présumé que la loi applicable est la loi du lieu d'exécution du contrat. Est-ce que vous considérez que ce serait faire oeuvre utile que d'inclure de telles dispositions dans le Code?

M. Pineau: M. le Président, nous n'avons trouvé aucune jurisprudence, aucune convention internationale, aucune législation étrangère qui comporte une pareille disposition.

M. Holden: Les notaires ont de l'imagination.

Mme Harel: Innovateurs, innovateurs. M. Holden: C'est ça.

Mme Harel: Me Talpis n'est pas des nôtres. C'est sûrement la tempête.

M. Holden: C'est le grand expert dans ce domaine.

Le Président (M. Lafrance): Alors, s'il n'y a pas d'autres commentaires sur cet article 3098, l'article 3098 est adopté tel qu'amendé. Nous en arrivons maintenant à la sous-section qui traite du régime matrimonial. J'aimerais appeler les articles 3099, 3100 et 3101.

M. Rémillard: II n'y a pas de modification, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): II n'y a aucun amendement. Merci, M. le ministre.

Mme Harel: M. le ministre, nous comprenons que vous avez traversé la tempête!

M. Rémillard: II y a comme ça parfois des tempêtes qu'il faut traverser.

Mme Harel: Vous avez l'air d'en être sorti indemne.

M. Rémillard: Intact, je dirais.

Mme Harel: Intact?

M. Rémillard: D'aplomb, d'aplomb.

Le Président (M. Lafrance): Alors, est-ce qu'il y a des commentaires touchant ces trois articles?

Mme Harel: Bon, pour ces trois articles, M. le Président, je crois comprendre que ces articles, qui traitent du régime matrimonial, reprennent essentiellement des dispositions actuelles. Est-ce qu'on pourrait, malgré tout, nous indiquer la portée de ces trois dispositions?

Le Président (M. Lafrance): Me Pineau.

M. Pineau: M. le Président, tout d'abord, le régime matrimonial conventionnel, donc le régime qui a été choisi par les époux. La loi applicable à ce moment-là est déterminée par les règles générales applicables au fonds des actes juridiques, donc nous devons nous référer aux articles 3088, 3089 et 3090 du projet. Cela signifie donc que les parties peuvent choisir, désigner expressément la loi qu'elles entendent suivre.

Dans l'hypothèse où les époux se sont mariés sans convention matrimoniale, dans ce contexte-là, le régime matrimonial est choisi par la loi du domicile de ces époux au moment de leur mariage, 3100, premier alinéa. Dans l'hypothèse maintenant où les époux sont domiciliés dans des États différents, 3100, alinéa deux prévoit que la loi applicable sera celle de leur première résidence commune, donc après leur mariage, ou, si on ne parvient par à déterminer leur première résidence commune, la loi de leur nationalité commune, s'ils ont une nationalité commune, bien sûr, ou, si tel n'est pas le cas, la loi du lieu où le mariage est célébré.

Quant à 3101, il prévoit l'hypothèse où il y aurait mutabilité au cours du mariage, mutabilité du régime, et donc, comme 3101 le dit, modification conventionnelle. Il s'agit de savoir alors quelle loi est applicable à cette modification conventionnelle et il s'agit de la loi du domicile des époux au moment où la modification est demandée.

Si, donc, des époux, des étrangers qui ont choisi un régime étranger, qu'il soit régime légal ou régime conventionnel, viennent s'installer au Québec et que, au cours de ce mariage, ils décident de changer de régime ou de convention,

c'est la loi du Québec qui s'appliquera dans la mesure où ils y sont domiciliés. Et, s'ils sont domiciliés dans des États différents, puisqu'ils peuvent avoir un domicile distinct bien que mariés, le deuxième alinéa de 3101 y pourvoit; la loi applicable est celle de leur résidence commune. S'il n'y a pas de résidence commune, si on ne parvient pas à la déterminer, la loi qui gouverne leur régime, donc on revient à la loi initiale.

Mme Harel: S'ils décident de changer de régime ou de convention, venez-vous de mentionner, alors cette décision, Hs ne pourraient la prendre que si elle est possible en vertu de leur régime...

M. Pineau: Non, non, de la loi du Québec. À supposer - je reprends - que deux époux français qui sont mariés sous un régime français viendraient s'installer ici et seraient domiciliés ici, ils pourraient changer de régime, conformément à la loi québécoise, même si la loi française ne prévoyait pas la mutabilité.

M. Holden: Et s'ils retournent s'établir en France après, est-ce que la France va reconnaître le changement de régime? C'est une question hypothétique, mais...

M. Pineau: Ce n'est pas nécessairement une question hypothétique, mais je pense que la question pourrait se poser pour un tribunal français de savoir s'il accepte ou non la mutabilité effectivement et s'il considère que la mutabilité qui s'est effectuée au Québec va à l'encontre de l'ordre public international, je dirais.

M. Holden: Ce serait une belle cause.

M. Pineau: Je me permettrai peut-être d'ajouter qu'actuellement, de plus en plus, le principe d'immutabilité s'estompe, n'est-ce pas? Dans la plupart des pays maintenant, on admet le principe de la mutabilité, contrôlée ou non, mais la mutabilité est désormais acceptée.

M. Holden: Sauf pour le bill 147. Mme Harel: 147? 146.

Le Président (M. Lafrance): Merci, Me Pineau.

M. Holden: 146, je veux dire. Mme Harel: C'est donc dire...

Le Président (M. Lafrance): Oui. Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: C'est une mutabilité en cours de régime.

M. Pineau: Oui, c'est ça.

Mme Harel: C'est bien le cas. C'est donc dire que si, par exemple, un couple québécois était domicilié à l'étranger, en France, par exemple, peut-on reprendre l'argument au contraire de ce que vous venez de nous indiquer, c'est-à-dire qu'un couple québécois qui est domicilié en France pourrait, en France, y modifier son régime ou une des conventions et, à ce moment-là, cela se ferait en vertu de la loi du lieu, conformément à la loi française?

M. Pineau: Si ce couple québécois s'était marié ici - c'est l'hypothèse, n'est-ce pas? -conformément à la loi québécoise, et que ces époux s'installaient en France, ils seraient donc soumis à la loi québécoise et, s'ils désiraient changer de régime, conformément donc à la loi québécoise, je pense qu'un tribunal français serait obligé de l'accepter parce que les tribunaux français diront que les règles de la mutabilité ou de l'immutabilité relèvent du régime matrimonial et non point des effets du mariage, donc le tribunal français appliquerait la loi québécoise.

Mme Harel: Donc, appliquerait la loi québécoise permettant la mutabilité et, en appliquant la loi québécoise qui permet la mutabilité, appliquerait la loi française quant aux changements intervenus dans la convention ou le régime.

M. Pineau: Non. Non, non, non. Il appliquerait la loi québécoise. Parce que la loi des époux, du régime des époux, c'est la loi québécoise, n'est-ce pas? (11 heures)

Mme Harel: Oui.

M. Pineau: Donc, si ces époux s'installent en France, Hs demeurent soumis à la loi québécoise.

Mme Harel: Tandis que tantôt vous nous donniez un couple de Français qui viendrait s'installer au Québec et qui y serait domicilié.

M. Pineau: Oui.

Mme Harel: Et la loi du régime des époux, à ce moment-là, c'est la loi française?

M. Pineau: C'est la loi française. Mais, compte tenu de cette disposition sur la validité d'une modification conventionnelle que propose l'article 3101, Hs pourraient néanmoins, ici, s'ils le demandaient à un tribunal québécois...

Mme Harel: Oui. Et, en France, l'inverse ne

pourrait pas se faire parce que les époux québécois ne pourraient pas demander à un tribunal français l'application d'une disposition de la même nature que 3101 qui n'existe pas en droit français. C'est ce qu'il faut comprendre?

M. Pineau: C'est cela.

Le Président (M. Lafrance): Merci, Me Pineau.

Mme Harel: Oui. Une autre question, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): Oui, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: Dans le mémoire de la Chambre des notaires, à la page 55, nous retrouvons l'affirmation suivante: Tous les experts en droit international privé québécois se sont prononcés en faveur du principe de la pleine mutabilité du rattachement. Le moment est opportun pour le Québec de rejoindre la communauté internationale. Alors, suivent diverses citations du professeur Castel et diverses autres citations à l'appui de cette affirmation. Alors, je dois comprendre qu'à 3101 c'est une mutabilité qui est très relative en cours de régime...

M. Pineau: C'est ça.

Mme Harel: ...et non pas au moment de la dissolution. Tandis que la pleine mutabilité que nous propose la Chambre des notaires, c'est au moment de la dissolution.

M. Pineau: Non, c'est tout à fait autre chose.

Mme Harel: Je vous écoute!

M. Pineau: Ce qui est proposé par la Chambre des notaires, c'est que des époux, qui se marient sans passer de convention matrimoniale et qui donc sont soumis au régime légal de tel pays, changent systématiquement de régime matrimonial dès lors qu'ils établissent leur domicile dans un autre Etat. Alors, prenons le cas d'un couple français, marié sous le régime légal français, qui est la communauté réduite aux acquêts, et qui viendrait s'installer au Québec. Il y établirait son domicile et, de ce seul fait de l'installation, de l'établissement du domicile au Québec, il serait désormais marié sous le régime légal du Québec. Et si ces mêmes époux déménageaient à Toronto et y établissaient leur domicile, ils seraient alors soumis au régime légal ontarien. Donc, on change de régime matrimonial dès lors que l'on change de domicile.

C'est cela la mutabilité...

Mme Harel: La pleine mutabilité du rat- tachement.

M. Pineau: La pleine mutabilité dont il est question. Alors, c'est ce qu'a adopté la Suisse, effectivement. Mais c'est ce qui n'est pas proposé dans le projet de Code.

Mme Harel: Est-ce que c'est parce que les Suisses n'émigrent pas beaucoup?

M. Pineau: Probablement.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Holden: C'est peut-être plus que ça!

Mme Harel: Y a-t-il d'autres motifs à l'appui en Suisse, à votre connaissance?

M. Pineau: Non. Les conventions semblent aller dans ce sens-là. Mais il ne faut pas oublier que les conventions internationales sont des compromis et que ça n'a pas été adopté en tant que tel, n'est-ce pas? Et je ne vois vraiment pas - c'est une opinion - je comprends difficilement qu'on puisse imposer à des époux de changer de régime systématiquement alors qu'ils ont choisi peut-être le régime légal en toute connaissance de cause. Car il n'y a pas que des ignorants qui choisissent ce régime légal.

M. Holden: M. le Président...

M. Pineau: Le régime légal peut être le régime choisi par des époux. Alors, c'est aller à l'encontre du choix des époux que d'accepter le principe de la pleine mutabilité.

Le Président (M. Lafrance): Merci, Me Pineau. M. le député de Westmount.

M. Holden: Merci, M. le Président, il y a peut-être un argument en faveur du système suisse, en ce sens que, quand on accepte d'être domicilié ou même peut-être citoyen d'un autre pays, on adopte le système matrimonial avec le nouveau pays.

M. Pineau: M. le Président, pas nécessairement puisqu'on a le choix sous réserve, au Québec, du patrimoine familial. On peut choisir un régime de communauté, un régime de société d'acquêts, un régime de séparation.

Le Président (M. Lafrance): Merci. Alors, s'il n'y pas d'autres commentaires, les articles 3099, 3100 et 3101 sont donc adoptés tels quels. J'appelle maintenant l'article 3102 qui touche la question de certaines autres sources de l'obligation.

M. Rémillard: II n'y a pas d'amendement, M. le Président.

Le Président (M. La trance): Merci, M. le ministre.

Mme Harel: II me semble que la jurisprudence était au même effet. Est-ce que c'est bien le cas? C'est déjà une question réglée depuis longtemps.

M. Pineau: Je pense que oui, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): L'article 3102 est donc adopté tel quel. J'appelle maintenant les articles 3103, 3104, 3105 et 3106 qui traitent la question de la responsabilité civile.

M. Rémillard: II y a un amendement, M. le Président. À l'article 3105, à la première ligne, les mots ", quelle qu'en soit la source, " sont ajoutés après le mot "meuble".

L'amendement proposé précise que l'article s'applique tant à la responsabilité civile contractuelle qu'à la responsabilité civile extracontractuelle. La relation entre l'article 3105 et les articles 3103 et 3104 se trouve, par le fait même, précisée. En raison de cet amendement, l'article 3105 se lirait comme suit: "La responsabilité du fabricant d'un bien meuble, quelle qu'en soit la source, est régie au choix de la victime: "1° par la loi de l'État dans lequel le fabricant a son établissement ou, à défaut, sa résidence; "2° par la loi de l'État dans lequel le bien a été acquis. "

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Alors, est-ce qu'il y a des commentaires touchant ces articles 3103 à 3106 inclusivement? Donc, l'article 3103...

Mme Harel: Non, non, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): Oui. Pardon, Mme la députée de Hocheiaga-Maisonneuve.

Mme Harel: J'ai des commentaires. Oui. À 3103, 3104, la Commission des services juridiques a fait des représentations, notamment à 3103, pour recommander que cet article prévoie le cas où le fait générateur d'obligations comporte une série d'actes qui se produisent dans différents États. Dans un tel cas, recommande la Commission des services juridiques, on devrait préférer la loi du lieu où s'est réalisé le préjudice plutôt que la loi du lieu où l'acte fautif a été commis, puisqu'il faut d'abord protéger la victime. Il cite à l'appui le professeur Castel, dans le Droit international privé québécois.

Le Président (M. Lafrance): Merci, Mme la députée de Hocheiaga-Maisonneuve. M. le ministre.

M. Rémillard: M. le Président, nous avons évidemment analysé cette demande de la Commission des services juridiques, ces commentaires et je vais demander à Me Pineau de nous en donner la conclusion.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Me Pineau.

M. Pineau: M. le Président, dans l'hypothèse où nous aurions une série d'actes qui se seraient produits dans des États différents, le préjudice qui s'ensuivrait surviendrait forcément dans un autre État et, dans ce cas-là, on appliquerait cette dernière loi, la loi de l'État où le préjudice est survenu suivant les termes de l'article 3103.

Mme Harel: À ce moment-ci, M. le Président, je pourrais peut-être poursuivre les différentes questions que nous avons sur cette section qui porte sur la responsabilité civile, mais je vous proposerais de suspendre ces articles pour un examen plus attentif de manière à ce que nous puissions y revenir ultérieurement.

M. Rémillard: Très bien, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): Toute la série?

Mme Harel: 3103 à 3106.

Le Président (M. Lafrance): O. K.

Mme Harel: Oui, c'est ça...

Le Président (M. Lafrance): Merci.

Mme Harel:... 3103, 3104, 3105, 3106.

Le Président (M. Lafrance): Alors, les articles 3103 et 3104 sont donc suspendus tels quels; l'article 3105, tel qu'amendé, est suspendu et l'article 3106 est suspendu tel quel. J'appelle maintenant l'article 3107 qui touche la question de la preuve.

M. Rémillard: II n'y a pas d'amendement, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): Merci.

Mme Harel: II s'agit également d'un article de droit nouveau, M. le Président, mais je crois comprendre que ça reprend une proposition de l'Office. Il y avait déjà une controverse jurisprudentielle sur cette question de la preuve. Alors, peut-on demander au ministre de nous indiquer la portée de cette nouvelle disposition?

M. Rémillard: M. le Président, de fait, tout le problème de la qualification de l'admissibilité des moyens de preuve a fait l'objet de décisions jurisprudentielles qui nous ont amenés à discuter

beaucoup de cette question, une situation juris-prudentielle qui n'était pas claire parce qu'on hésitait entre une qualification de procédure entraînant l'application de la loi du tribunal saisi et une qualification substantielle requérant l'application de la loi applicable aux rapports juridiques qu'il s'agit de prouver.

Dans cet article, M. le Président, nous retenons la qualification substantielle parce que c'est plus conforme à l'approche civiliste de l'ensemble de notre Code civil, et il faut dire que cet article vise aussi à favoriser l'établissement de la preuve. C'est en fonction de ça, M. le Président, que l'article réserve l'application de la loi du tribunal saisi. Je peux demander à Me Pineau de compléter les commentaires.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Alors, Me Pineau.

M. Pineau: M. le Président, je pense que M. le ministre a tout dit. Il s'agissait de trancher la question à savoir si les questions de preuve relevaient de la procédure ou du droit substantif, et 3107 prend parti pour le droit substantif.

Mme Harel: La Chambre des notaires, dans son mémoire, à cet effet, mentionnait, et je cite: "Cet article s'inspire de l'article 45 proposé par l'Office de révision du Code civil en le simplifiant, ce qui le rend d'application plus difficile. Nous préférons la solution proposée par Mes Talpis et Goldstein qui a le mérite d'être claire et précise." Et suit une proposition d'amendement. Est-ce que vous avez pris connaissance de cette proposition d'amendement?

Le Président (M. Lafrance): M. le ministre.

M. Rémillard: M. le Président, les légistes en sont arrivés à la conclusion que cet amendement proposé, qui a son mérite, remarquez bien, n'apparaissait pas nécessaire, et je vais demander à M. le professeur Pineau de préciser pourquoi.

Le Président (M. Lafrance): Me Pineau.

M. Pineau: M. le Président, la proposition de la Chambre des notaires distingue la charge de la preuve, et l'admissibilité des moyens de preuve, et la force probante des témoignages. Ce n'est pas, nous semble-t-il, une simplification de l'article proposé. Si l'on suivait la proposition de la Chambre, la charge de la preuve ne pourrait pas être régie par la loi du tribunal saisi qui serait, éventuellement, plus favorable à son établissement. Quant à la force probante des témoignages, ce serait le seul aspect de la preuve qui ne serait pas régi par la loi qui s'applique au fond du litige, et on ne voit pas exactement pourquoi il en serait ainsi, et on ne voit pas pourquoi non plus l'application de l'article 3107 serait moins aisée que celle de l'article qui avait été proposé par l'ORCC. L'amendement qui avait été suggéré par la Chambre des notaires ne nous a pas paru nécessaire. (11 h 15)

Le Président (M. Lafrance): Merci, Me Pineau. S'il n'y a pas d'autres commentaires sur cet article, l'article 3107 est donc adopté tel quel. J'appelle maintenant l'article 3108 qui touche la question de la prescription.

M. Rémillard: II n'y a pas d'amendement, M. le Président.

Mme Harel: M. le Président, c'est un article de droit nouveau, je crois. On indique qu'il y a eu plein de controverses doctrinales sur cette question de la prescription et que, maintenant, l'article 3108 va mettre fin à ces controverses. Le commentaire, d'ailleurs, à cet effet est assez explicite: "La prescription sera considérée comme une question de substance régie par la loi qui s'applique au fond du litige." Est-ce qu'il y a autre chose à ajouter quant à la portée de cette disposition 3108?

M. Rémillard: Non.

M. Pineau: Pas grand-chose, M. le Président, si ce n'est qu'il reprend la règle de l'article 2189, Bas Canada, laquelle règle ne vise que les biens immeubles, et qu'on l'étend, n'est-ce pas, à l'ensemble du droit de la prescription. Donc, ce que l'on reprend, c'est l'article 2189 et ce qu'on laisse de côté, ce sont les articles 2190 et 2191 qui portaient sur le reste et qui ne nous paraissaient pas suffisamment clairs.

Mme Harel: Qu'est-ce que signifie le dernier paragraphe du commentaire qui apparaît à l'article 3108? On lit ceci, à ce dernier paragraphe, au dernier aliéna: "L'article a également l'avantage d'empêcher le forum shopping. À la loi qui attribue un droit, il appartient de fixer le délai dans lequel ce droit est susceptible de s'exercer." Le "forum shopping" consistait à...

M. Pineau: C'est la tournée des tribunaux... M. Holden: It is like cross...

Mme Harel: Allez-vous laissé ce paragraphe dans le commentaire?

M. Holden: Choquant! Un mot anglais, choquant!

Mme Harel: "Shocking".

M. Holden: "Shocking". Ah! Je signale qu'on a trois éminents anglophones à la table aujourd'hui.

Mme Harel: Éminents? M. Holden: Éminents.

Mme Harel: Trois anglophones, oui, mais éminents...

M. Holden: Éminents.

Mme Harel: Ha, ha, ha!

Une voix: Deux anglophones et un...

Le Président (M. Lafrance): S'il n'y a pas d'autres commentaires sur cet article, l'article 3108 est donc adopté tel quel. Nous en arrivons maintenant au chapitre quatrième qui traite du statut de la procédure. Permettez-moi de vous lire le court texte d'introduction à ce chapitre quatrième. "Le chapitre sur le statut de la procédure ne comprend que deux articles: l'un général, l'autre portant sur l'arbitrage. La procédure est habituellement régie par la loi de l'État où le litige est entendu."

J'appelle donc les articles 3109 et 3110 contenus dans ce chapitre quatrième.

Du statut de la procédure

M. Rémillard: M. le Président, nous avons un amendement. À la fin de l'article 3110, les mots "la loi d'un autre État" sont remplacés par les mots "soit la loi d'un autre État, soit un règlement d'arbitrage institutionnel ou particulier".

M. le Président, l'amendement proposé vise à couvrir les cas où les parties s'en remettraient à un règlement d'arbitrage soit institutionnel, soit ad hoc. En raison de cet amendement, l'article se lirait comme suit: "La procédure de l'arbitrage est régie par la loi de l'État où il se déroule lorsque les parties n'ont pas désigné soit fa loi d'un autre État, soit un règlement d'arbitrage institutionnel ou particulier."

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Est-ce qu'il y aurait des commentaires sur ces articles 3109 ou 3110 tels qu'amendés?

Mme Harel: Juste une petite seconde, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): Oui, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: M. le Président, je mettais en parallèle l'article 3110 avec la disposition 3098 qui prévoit que la convention d'arbitrage est régie par la loi applicable au contrat principal. Là, à l'article 3110, on parle de procédure de l'arbitrage. Compte tenu des questions que le député de Westmount a posées au ministre concernant l'article 3098, à l'article 3110, puisqu'il s'agit d'un article de droit nouveau, peut-on nous en indiquer la portée? Donc, l'article 3098, c'est le droit substantif - c'est ça qu'il faut comprendre - et l'article 3110, c'est la procédure. Alors, peut-on nous indiquer la portée de l'un et l'autre des deux articles?

M. Rémillard: Oui, M. le Président, je vais demander à M. le professeur Pineau de faire cette relation entre l'article 3098, qui établit le droit substantif concernant l'arbitrage, et l'article 3110, donc, avec l'amendement que nous venons de proposer, qui regarde les règles de procédure.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Alors, Me Pineau.

M. Pineau: Merci, M. le Président. L'article 3098 concerne les questions de fond quant à la convention d'arbitrage, tandis que l'article 3110 se réfère aux règles de procédure. L'article 3110 nous indique que la procédure d'arbitrage est régie par la loi de l'Etat où se déroule l'arbitrage, dans l'hypothèse où les parties n'ont pas désigné effectivement des règles particulières de procédure, soit encore la loi d'un autre État ou encore un règlement d'arbitrage institutionnel. On peut penser aux centres d'arbitrage organisés ou encore...

Mme Harel: Dois-je comprendre que l'amendement vient satisfaire la... Excusez-moi.

M. Pineau: ...là un règlement tout à fait particulier. Alors, cet amendement effectivement satisfait le Barreau...

Mme Harel: Vient satisfaire la recommandation de la Chambre des notaires, c'est ça?

M. Pineau: ...et la Chambre des notaires également; une demande de la Chambre.

M. Rémillard: Qui nous demandait, M. le Président, de tenir compte des règles d'arbitrage, des centres d'arbitrage qui existent dans différents pays, y compris au Québec, et des règles de procédure d'arbitrage façonnées par les parties pour un arbitrage ad hoc. Alors, il s'agissait d'une demande de la Chambre des notaires, et on sait à quel point les notaires sont impliqués dans tout ce processus d'arbitrage; entre autres, ils sont très impliqués dans le Centre d'arbitrage commercial et international du Québec.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Donc, s'il n'y a pas d'autres commentaires, l'article 3009 est donc adopté tel quel et l'article 3110 est adopté tel qu'amendé. J'aimerais maintenant revenir en arrière, à l'article 3096,

M. le ministre, qui a été laissé en suspens et sur lequel Mme la députée de Hochelaga-Maison-neuve désirait vous poser une question précise. Alors, Mme la députée de Hochelaga-Maison-neuve.

Mme Harel: Oui, M. le Président. Donc, c'est à l'article 3096. L'amendement qui est introduit à l'article 3096, au deuxième alinéa, a, je crois, pour effet d'ajouter les mots "de personnes" aux mots "contrat d'assurance collective" de façon à écarter l'application de l'article 3096 au contrat d'assurance collective de dommages. C'est bien le cas? Alors, à la question que j'ai posée, on m'a dit qu'effectivement c'était le cas, que les contrats d'assurance collective de dommages sont ainsi écartés. Je voulais simplement bien me faire confirmer par le ministre qu'il entendait confier ce mandat en priorité à l'Institut québécois de réforme du droit. Il a dû recevoir, comme moi, d'autres missives. Là, j'en ai une boîte et j'en reçois encore 200 à 300 par jour.

Cependant, j'en reçois également qui font valoir le point de vue contraire, notamment de la société d'assurances générales, la SSQ, qui recommande finalement une modification semblable en invoquant que le consommateur serait gagnant par une réduction des coûts inhérents à la structure d'assurance individuelle. Il y a donc toute une analyse à faire de cette question, alors je voulais en avoir la confirmation.

M. Rémillard: Oui, M. le Président, comme nous en avons déjà discuté à quelques reprises bien informellement, il apparaît évident, de par les consultations que nous avons eues, qu'il est difficile actuellement de cerner la réelle portée d'une disposition du Code civil qui prévoirait un contrat d'assurance collective de dommages. Nous ne pouvons pas dire que c'est une bonne chose, comme que ce serait une mauvaise chose; nous pouvons dire qu'actuellement il est très difficile d'en cerner toutes les conséquences d'application. Et, dans ce cas-là, après beaucoup de consultations, après avoir entendu beaucoup de gens, nous en sommes donc arrivés à la conclusion qu'il valait mieux, pour le moment, se limiter au contrat d'assurance collective de personnes et non pas de dommages, quitte à donner, parmi les premiers mandats que nous allons donner à l'Institut, ce mandat de faire le point sur ces questions.

On sait que, déjà, on a identifié quelques sujets importants. Je pense aussi à la situation des conjoints de fait qui devrait être étudiée éventuellement aussi en priorité par l'Institut. Alors, c'est certainement mon intention, M. le Président, de demander à l'Institut de faire le point sur ce sujet-là, dès sa création, et je vous souligne que, cet après-midi, justement, je serai en Chambre pour présenter ce projet de loi sur la création d'un institut québécois de réforme du droit, pour l'adoption du principe.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Oui, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: Alors, dois-je comprendre que nous ne siégerons pas en commission parlementaire pour poursuivre l'examen du projet de loi 125 immédiatement après la période de questions?

M. Rémillard: Après la période de questions, c'est simplement le principe de la loi.

Mme Harel: C'est le principe.

M. Rémillard: Donc, ce ne sera pas très, très long, je crois.

Mme Harel: Mais il y a aussi le principe d'une seconde loi.

M. Rémillard: Oui, il y en a deux.

Mme Harel: D'une convention internationale...

M. Rémillard: Oui, une convention internationale sur le transport.

Mme Harel: ...en matière de transport, et je crois comprendre que mon collègue de Lévis, et porte-parole en matière de transport, sera aussi des nôtres. Peut-être sera-t-il celui qui viendra faire l'examen du projet de loi article par article.

M. Rémillard: Si on en est au niveau article par article. Est-ce qu'on en est au niveau article par article?

Mme Harel: On est en deuxième lecture. M. Rémillard: Oui, à la deuxième lecture? Mme Harel: Oui. M. Rémillard: Alors, à ce moment-là...

Mme Harel: Parce qu'il vaut mieux peut-être tout de suite le faire savoir aux légistes et aux experts qui peuvent poursuivre le travail.

M. Rémillard: Oui, pour les légistes. Remarquez que je ne l'avais pas vu dans la perspective...

Mme Harel: Du transport.

M. Rémillard: ...des nouvelles que vous venez de m'annoncer. J'en prends bonne note.

Mme Harel: Moi, ça ne m'est pas encore

confirmé. C'est une information qui m'a été transmise. Peut-être qu'à l'ouverture de la Chambre je pourrai vérifier, ce midi, ce qui en est. J'imagine que ça vous fait plaisir de changer de député; ça va vous faire un peu de changement.

M. Rémillard: J'ai toujours beaucoup de plaisir à travailler avec vous.

Mme Harel: Vous allez peut-être plus m'apprécier. Ha, ha, ha!

M. Rémillard: À ce moment-là, moi aussi, je vais aller aux informations. Je vais aller aux informations parce que notre priorité est ici, le Code civil. Ma priorité est aussi l'Institut que je veux créer; je voudrais qu'on fasse les deux. Alors, en fonction de ces priorités, je m'organiserai pour qu'on ait un programme qui nous permette de réaliser le programme qu'on s'est fixé.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. (11 h 30)

M. Rémillard: Alors, je vais être en mesure de vous en reparler incessamment.

Le Président (M. Lafrance): S'il n'y a pas d'autres commentaires, cet article 3096 est adopté tel qu'amendé. Nous en arrivons maintenant au titre troisième qui touche la question de la compétence internationale des autorités judiciaires et administratives du Québec, soit les articles 3111 à 3132. Permettez-moi de vous lire le texte d'introduction de ce titre troisième.

De la compétence internationale des autorités du Québec

II n'existe pas, à l'heure actuelle, de règles pour déterminer la compétence des autorités judiciaires et administratives du Québec dans les litiges présentant un élément d'extranéité. La jurisprudence a étendu les règles de compétence du droit interne, prévues au Code de procédure civile, articles 68 et suivants, à ces situations.

L'objectif général du titre troisième est de remédier à cette lacune en prévoyant des règles spécifiquement conçues pour déterminer la compétence internationale des autorités du Québec, tribunaux judiciaires ou administratifs et autorités administratives diverses. Il est divisé en deux chapitres: l'un comportant des dispositions générales et l'autre des dispositions particulières aux matières personnelles à caractère extrapatrimonial et patrimonial ainsi qu'aux matières réelles. Les règles visent généralement à ne saisir les autorités du Québec que des litiges qui présentent avec la province des liens étroits dans un souci de courtoisie internationale.

L'expression "autorités" a été retenue de préférence à celle de "tribunaux" pour couvrir à la fois les instances judiciaires et les instances administratives. Également, l'expression traditionnelle de "conflits de juridictions" n'a pas été reprise compte tenu qu'il s'agit ici uniquement de déterminer dans quels cas les autorités québécoises auront compétence pour entendre un litige présentant un élément d'extranéité et non pas dans quels cas les autorités étrangères auront compétence.

Le chapitre premier traite des dispositions générales et est couvert par les articles 3111 à 3117. Permettez-moi de vous lire le texte d'introduction à ce chapitre premier.

Dispositions générales

Le chapitre premier comporte des dispositions générales relatives à la compétence internationale des autorités du Québec, tribunaux judiciaires ou administratifs et autorités administratives diverses. Il est composé de règles sur la litispendance, le forum non conveniens, les demandes incidentes ou reconventionnelles et sur la compétence subsidiaire des autorités judiciaires et administratives du Québec.

J'appelle donc les articles contenus... Oui, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: J'ai une autre information - juste quelques minutes là - à transmettre au ministre. On m'a dit qu'un projet de loi de son collègue, le ministre de la Main-d'?uvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle, serait appelé également cet après-midi, le projet de loi 173, je crois, en fait un projet de loi sur lequel j'aurai à intervenir. Je voulais qu'il le sache parce que je considère que nous ne pourrons pas siéger en commission durant ce moment-là.

M. Rémillard: II s'agit de coordonner nos autres responsabilités, M. le Président, avec aussi notre échéancier ici. C'est difficile de parler de ça comme ça.

Mme Harel: II vaudrait peut-être mieux, à ce moment-là, laisser nos experts et les légistes se rencontrer pour pouvoir poursuivre le travail, quitte à se le dire immédiatement pour ne pas avoir de surprise cet après-midi.

M. Rémillard: Me permettez-vous de faire des... J'ai demandé qu'on fasse des vérifications. Je vais faire les vérifications et on va revenir.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. On pourrait peut-être procéder à la lecture des amendements, quitte à revenir sur cette question de coordination pour notre disponibilité cet après-midi.

Mme Harel: M. le Président, juste une

petite remarque... Le Président (M. Lafrance): Oui, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel:... concernant les commentaires que vous nous avez lus, notamment à la page 85. Je ne l'ai pas avec moi, mais nous avons tous reçu, comme membres de cette l'Assemblée nationale, une lettre signée par le président, M. Saintonge, nous recommandant de ne pas utiliser l'anglicisme "juridiction" pour désigner le mot "compétence". Alors, vous avez sans doute reçu cette même lettre que j'ai reçue. Alors, il faudrait voir dans nos commentaires à ce que cela soit corrigé. Le ministre a-t-il reçu cette lettre? Enfin, ce serait plutôt le député de Jean-Talon qui l'aurait reçue.

M. Rémillard: Oui. Écoutez, c'est peut-être un anglicisme qui deviendra un mot français éventuellement comme il y a bien des mots anglophones qui sont devenus... qui viennent du français.

Le Président (M. Lafrance): Ça me semble moins pire que "shopping"!

M. Rémillard: Oui et bien d'autres.

Mme Harel: Mais pour que le président lui-même nous ait conviés à ne pas utiliser cette expression-là...

M. Rémillard: Oui, d'abord qu'on ne confond pas "compétence" et "pouvoir", la compétence étant la capacité et le pouvoir, la possibilité. Il y a des gens qui ont des possibilités, mais ils n'ont pas la compétence de le faire. Il y a des gens qui ont la possibilité, mais il n'ont pas la compétence.

Mme Harel: Et il y en a qui n'ont ni l'un ni l'autre!

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Lafrance): J'appelle donc les articles contenus dans ce chapitre premier des dispositions générales, soit les articles 3111 à 3117 inclusivement.

M. Rémillard: M. le Président, nous avons cinq modifications. Tout d'abord, dans l'intitulé du titre troisième du livre dixième, les mots "judiciaires et administratives" sont supprimés.

M. le Président, l'amendement proposé vise à couvrir toutes les décisions rendues par les autorités québécoises quel que soit leur nom ou leur caractère. Par ailleurs, lorsque les dispositions du livre X donneront compétence dans un cas donné aux autorités du Québec, il appartiendra au droit québécois de déterminer quelles seront les autorités habilitées à décider du litige. En raison de cet amendement, l'intitulé du titre troisième du livre X se lirait comme suit: "De la compétence internationale des autorités du Québec".

Dans l'article 3111, les mots "judiciaires ou administratives" sont supprimés.

M. le Président l'amendement proposé établit la concordance avec celui proposé à l'intitulé du titre troisième. En raison de cet amendement, l'article 3111 se lirait comme suit: "En l'absence de disposition particulière, les autorités du Québec sont compétentes lorsque le défendeur a son domicile au Québec. "

Aux deuxième, quatrième et cinquième lignes de l'article 3112, les mots "judiciaire ou administrative" sont supprimés.

M. le Président, l'amendement proposé établit la concordance avec celui qui est proposé pour l'intitulé du titre troisième. En raison de cet amendement, l'article 3112 se lirait comme suit: "Bien qu'elle soit compétente pour connaître d'un litige, une autorité du Québec peut, exceptionnellement et à la demande d'une partie, décliner cette compétence si elle estime que les autorités d'un autre État sont mieux à même de trancher le litige. "

À la première ligne de l'article 3114, le mot "doit" est remplacé par le mot "peut".

M. le Président, l'amendement proposé vise à laisser une certaine latitude à nos tribunaux pour accueillir ou rejeter l'exception de litispen-dance à la lumière du cas d'espèce qui leur sera soumis, conformément aux sources qui ont inspiré l'article. En raison de cet amendement, l'article 3114 se lirait comme suit. "L'autorité québécoise, à la demande d'une partie, peut, quand une action est introduite devant elle, surseoir à statuer si une autre action entre les mêmes parties, fondée sur les mêmes faits et ayant le même objet, est déjà pendante devant une autorité étrangère, pourvu qu'elle puisse donner lieu à une décision pouvant être reconnue au Québec, ou si une telle décision a déjà été rendue par une autorité étrangère. "

Dans l'article 3117, M. le Président: 1° aux deuxième et troisième lignes, les mots "domiciliée à l'étranger" sont supprimés; 2° à la fin, les mots "si elle y est domiciliée" sont remplacés par les mots "s'ils y sont situés".

M. le Président, l'amendement proposé vise à rendre l'article conforme aux sources qui l'ont inspiré, compte tenu que les autorités du Québec seront compétentes, en vertu de l'article 3118, pour prendre les mesures nécessaires à la protection d'une personne ou de ses biens si cette personne est domiciliée au Québec. En raison de cet amendement, l'article 3117 se lirait comme suit: "En cas d'urgence ou d'inconvénients sérieux, les autorités québécoises sont compéten-

tes pour prendre les mesures qu'elles estiment nécessaires à la protection d'une personne qui se trouve au Québec, ou à la protection de ses biens s'ils y sont situés."

Le Président (M. La trance): Merci, M. le ministre. Est-ce qu'il y aurait des commentaires touchant ces articles 3111 à 3117 inclusivement? Oui, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: Oui. D'abord, M. le Président, quant au titre, donc, l'amendement propose de biffer les mots "judiciaires et administratives". Est-ce que, par exemple, ça pourrait, à ce moment-là, référer aussi aux autorités politiques, par exemple? Dorénavant, le titre tel qu'amendé se lirait comme ceci: "De la compétence internationale des autorités du Québec". Alors, est-ce que "autorités" ça peut aussi comprendre tout, y compris politiques?

M. Rémillard: M. le Président, je vais demander...

Mme Harel: Ecclésiastiques? M. Rémillard: Ou ecclésiastiques.

Mme Harel: Le député de Westmount ajoute "ecclésiastiques".

M. Rémillard: Ou tout autre genre d'autorités. Alors, je vais demander à M. le professeur Pineau de faire le commentaire, M. le Président.

Le Président (M. La trance): Merci, M. le ministre. Alors, Me Pineau.

M. Pineau: M. le Président, l'amendement élargit considérablement le domaine. Il semblerait qu'il y ait certains ministres du culte, tels certains rabbins, qui auraient compétence pour prononcer le divorce dans certains Etats ou il y a, dans certains pays d'Afrique du Nord, des notables, les cadis, par exemple, qui ont la compétence de célébrer des mariages. Ce sont des autorités. Elles ne sont ni administratives ni judiciaires en tant que telles.

Cependant, l'application de cette disposition dépendra de ce que la loi québécoise elle-même désignera comme autorités, en ce qui concerne les autorités québécoises.

Mme Harel: La loi québécoise le désignera à quel moment? Dans la loi d'application?

M. Pineau: Dans la loi d'application ou dans des lois particulières, j'imagine, le cas échéant.

M. Rémillard: II faudrait voir, M. le Président. Ce sera dans la loi d'application, mais il faut aussi voir la possibilité que ce soit dans différentes lois particulières. Mais on pourrait avoir une disposition dans la loi d'application aussi pour s'y référer. C'est une possibilité qu'on étudiera. C'est une porte ouverte.

Mme Harel: Parce que M. le professeur Pineau nous réfère, en fait, à des autorités religieuses parce que le cadi, c'est en vertu du Coran, je crois, et le rabbin, c'est en vertu de la religion juive, donc du grand livre. Alors, ce sont là des autorités religieuses, mais est-ce qu'elles ne sont pas aussi administratives, en fait? Parce que là où elles exercent, si vous voulez, leur magistère, je pense que. dans la loi du pays d'origine où elles exercent, il y a une faculté d'administration qui leur est attribuée.

M. Rémillard: M. le Président, comme on vient de le mentionner, c'est une porte ouverte, mais, cependant, cette porte va s'ouvrir sur les dispositions que la loi québécoise va prévoir. Alors, il faut que ces gens d'autorité religieuse aient une autorité reconnue par fa loi québécoise. Or, c'est dans la mesure où cette loi québécoise reconnaîtra ces autorités que, par le fait même, le titre troisième aura son application. (11 h 45)

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre.

Mme Harel: Donc, est-ce que je peux...

Le Président (M. Lafrance): Est-ce qu'il y a d'autres commentaires? Oui, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: Oui. La désignation des autorités va se faire par le pays étranger, en fait. On n'aura pas à se poser la question, par exemple: Est-ce une autorité judiciaire ou administrative?, si tant est que, dans la loi du pays étranger, c'est là une autorité en exercice.

M. Rémillard: M. le professeur Pineau, s'il vous plaît, M. le Président.

Mme Harel: Je vais vous poser un problème. Je ne sais pas si le ministre a déjà eu une représentation des nouvelles sectes comme, mon Dieu, je crois que c'était l'Église de Scientologie et quelques-unes. Il y en a eu deux qui sont venues me rencontrer pour me faire valoir que c'était discriminatoire à leur égard qu'elles ne puissent pas célébrer le mariage et elles ont fait valoir, évidemment, que... C'était également, je pense, une église protestante qui n'était pas reconnue. Alors, dans notre société, c'est devenu un peu complexe de désigner les critères en vertu desquels on désigne qui détient de l'autorité telle que reconnue. C'est moins évident que ça l'était quand on était enfant, en fait.

M. Rémillard: Oui, d'une certaine façon, mais pas nécessairement, parce qu'y y a quand

même des critères qui sont là, qui nous guident dans le sens qu'il ne faut pas tomber aussi, je pense, dans le piège de reconnaître toutes les nouvelles sectes qui pourraient naître à droite ou à gauche. Mais lorsqu'on se réfère à de grandes traditions religieuses, que ce soit au niveau musulman, ou hébraïque, ou toute autre grande religion avec des assises historiques et des assises aussi donc, par le fait même, administratives bien établies, bien reconnues par les peuples, je pense qu'à ce moment-là la difficulté ne se pose pas. Mais je vais demander à M. le professeur Pineau de...

Mme Harel: Ce n'est pas toujours évident. Pensez à cette grande tradition qu'est l'hindouisme, n'est-ce pas?

M. Rémillard: Pardon?

Mme Harel: Ce n'est pas toujours aussi évident qu'on le croit là, en dehors de la religion judéo-chrétienne, du livre avec un Dieu qui s'incarne. Pensez à l'hindouisme qui a 2200 dieux, qui n'a pas de hiérarchie de célébrants. Alors, tous les brahmanes peuvent le devenir. Ce n'est pas si évident.

M. Rémillard: Je vois que Mme la députée a été fort touchée par son séjour indien et je l'en félicite. C'est une bonne mission. Peut-être que M. le professeur Pineau - il n'est peut-être pas allé en Inde, je ne sais pas...

M. Pineau: J'ai moins voyagé.

M. Rémillard: II pourrait nous faire quand même des commentaires, répondre...

Le Président (M. Lafrance): Me Pineau.

M. Pineau: M. le Président, tout d'abord, le titre troisième porte sur la compétence internationale des autorités du Québec et non point des autorités d'ailleurs, d'un État étranger. Ça, c'est un premier point. Et, un second point, la loi québécoise désigne les autorités compétentes. Et j'ai le souvenir, en matière de célébration du mariage, par exemple, dans l'ouvrage de Mignault qui date de 1898, qu'il y avait déjà une liste absolument impressionnante de tous les ministres du culte. Il y avait trois pages entières ou quatre pages entières de désignation de ministres du culte compétents à célébrer les mariages. C'est assez impressionnant. 1898.

Mme Harel: C'est intéressant. Vous savez, on s'imagine que les choses changent et, en fait, l'histoire se répète.

M. Rémillard: Elles changent, évoluent.

Le Président (M. Lafrance): Merci, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve. S'il n'y a pas d'autres commentaires, le nouvel intitulé au titre troisième est adopté tel que proposé. Les articles 3111 et 3112 sont adoptés tels qu'amendés. L'article 3113 est adopté tel quel. L'article 3114 est adopté tel qu'amendé.

Mme Harel: M. le Président, juste une seconde, s'il vous plaît...

Le Président (M. Lafrance): Oui, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: Quelques secondes.

Le Président (M. Lafrance): Est-ce que vous avez un commentaire à ajouter?

Mme Harel: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: À l'article 3112, il y a le mot "exceptionnellement" que l'on retrouve: "Bien qu'elle soit compétente pour connaître d'un litige, une autorité du Québec peut, exceptionnellement et à la demande d'une partie, décliner cette compétence si elle estime que les autorités d'un autre État sont mieux à même de trancher le litige." J'aimerais, M. le Président, puisqu'il s'agit d'un article de droit nouveau, que le ministre puisse nous en donner la portée et nous indiquer ce qui lui apparaîtrait comme des situations exceptionnelles qui permettraient l'ouverture à 3112.

Le Président (M. Lafrance): L'article 3112 est donc rouvert pour discussion. M. le ministre.

M. Rémillard: Oui. M. le Président, c'est du droit nouveau. C'est un article qui reprend un peu ce qui est utilisé fréquemment dans les systèmes de "common law", comme les commentaires le mentionnent. On y lit, je me permets de m'y référer: "L'exception fait l'objet de controverses doctrinales et jurisprudentielles en droit québécois relativement à sa recevabilité en l'absence de disposition législative permettant au tribunal de décliner sa compétence." C'est dans ce contexte-là qu'on établit cette règle législative clairement dans le Code civil. Je vais demander au professeur Pineau d'en donner toute la signification.

Le Président (M. Lafrance): Me Pineau.

M. Pineau: M. le Président, cet article, s'il est de droit nouveau, codifie néanmoins cette exception du forum non conveniens, c'est-à-dire du tribunal qui ne convient pas, à laquelle on a très souvent recours dans un système de "common law". Donc, l'article 3112 vient simplement

préciser que cette doctrine du forum non con-veniens s'appliquerait désormais, serait reçue désormais dans le droit international privé québécois. Il est évident que ce n'est qu'une mesure d'exception...

Mme Harel: II y a un élargissement.

M. Pineau: C'est une mesure d'exception car, par hypothèse, le tribunal auquel le litige est soumis a compétence, n'est-ce pas, et ce tribunal, qui a compétence, se permet de décliner cette compétence parce qu'il considère, de façon exceptionnelle, qu'une autorité d'un autre Etat serait mieux placée que lui-même pour trancher le litige.

Le Président (M. Lafrance): Oui. Est-ce que vous avez terminé, Mme la députée de Hochela-ga-Maisonneuve?

Mme Harel: Non. Là, il faut comprendre que, jusqu'à maintenant, cela permettait à un tribunal de décliner sa compétence. Là, il va y avoir une sorte d'établissement parce que c'est toutes les autorités. En fait, il y a quand même un élargissement qui est important. Et on nous dit que l'application va cependant être limitée à des cas exceptionnels. Est-ce que, dans le commentaire... Dans le commentaire de 3112, on ne retrouve pas de cas exceptionnels. Est-ce que dans le commentaire... "Cas exceptionnels", ça veut dire quoi?

M. Rémillard: C'est laissé, évidemment, à la discrétion du tribunal. Est-ce qu'on devrait, si je comprends bien la question de Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve, donner des exemples? Est-ce qu'on devrait donner certains critères? C'est une question peut-être qu'on peut se poser, mais je pense que, du côté des légistes, il y a beaucoup d'hésitations. Lorsqu'on va revoir les commentaires, parce qu'on me dit que, dès le mois de janvier, il faudra se remettre à revoir tous les commentaires, c'est certainement une question qu'on pourrait se poser. Mais, de ce côté-ci, je sais que, du côté des légistes, il y a des réticences et il faudrait être extrêmement prudents, bien que, quand on a un terme comme "exceptionnel" et que ça ouvre, de fait, sur quelque chose, des possibilités, il est évident qu'on doive pouvoir mesurer toute la discrétion qu'on accorde et voir s'il n'est pas plus juste de donner certaines balises, mais, dans certains cas, c'est plus difficile que d'autres. Alors, ce serait certainement mieux de pouvoir regarder, que nos experts en discutent lorsqu'on abordera la révision de tous les commentaires.

M. Holden: M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): Oui, M. le député de Westmount.

M. Holden: L'article oblige une des parties à faire la demande. Est-ce que le juge, proprio motu, peut le faire? Je ne me souviens pas si, actuellement, un juge peut décliner sa juridiction ou sa compétence. Dans l'article, est-ce qu'on ne devrait pas ajouter que le juge peut proprio motu?

Le Président (M. Lafrance): Me Pineau.

M. Pineau: M. le Président, c'est une mesure exceptionnelle et, si elle ne lui est pas demandée, je conçois mal qu'il puisse prendre cette décision, cette initiative, effectivement, car, si les parties ont soumis leur litige à ce tribunal, c'est parce qu'elles entendaient que le tribunal tranche le litige.

Le Président (M. Lafrance): Merci, Me Pineau. Alors, s'il n'y a pas d'autre commentaires sur cet article 3112, il est donc adopté tel qu'amendé.

Mme Harel: À l'article 3114, je comprends que l'amendement introduit vient satisfaire les recommandations de la Commission des services juridiques, du Barreau et de la Chambre des notaires qui étaient à l'effet de remplacer le "doit" par "peut surseoir". C'est bien le cas, c'est ça?

M. Pineau: C'est ça. Le notariat...

M. Rémillard: Oui, c'est ça, M. le Président. Je dois dire que, dans ces journées d'études du Code civil en Louisiane, on a beaucoup parié de cet article. C'est une des conclusions qui en est rassortie. On doit donner comme source à cet article aussi la Convention de La Haye de 1971 sur la reconnaissance et l'exécution des jugements étrangers en matière civiIe et commerciale, son article 20. Ça répond donc aux demandes de la Chambre des notaires, au Barreau, à la Commission des services juridiques qui nous ont tous fait des demandes en ce sens.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Est-ce qu'il y aurait d'autres commentaires? Oui, Me Ouellette.

Mme Ouellette (Monique): M. le Préskient, j'avais une préoccupation en rapport avec l'article 3115. Je crois avoir posé la question, je ne me souviens plus si on y a répondu. Donc, je vais la reposer de nouveau. Je m'inquiétais, l'autorité québécoise pouvant ordonner des mesures provisoires ou conservatoires, si ça ne pouvait pas, à un moment donné, servir à faire changer une garde d'enfant mais dans un contexte presque de rapt d'enfant. Le fait qu'on donnerait une compétence presque immédiate à l'autorité québécoise, même si elle n'était pas compétente sur le fond, est-ce que ça ne pour-

rait pas faire le jeu, disons, de certains parents qui se battent constamment sur la garde d'un enfant? C'était uniquement en termes de préoccupation de protection de l'enfant que je posais ma question.

M. Rémillard: Mon premier commentaire, M. le Président, c'est de dire qu'à l'article 3115 évidemment, comme Mme la professeure le sait bien, c'est en fonction de mesures qui sont provisoires ou conservatoires, donc pas permanentes comme telles, au départ. Maintenant, quant au fond de sa question, j'aimerais mieux demander au professeur Pineau d'y répondre. (12 heures)

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Alors, Me Pineau.

M. Pineau: M. le Président, je pense qu'il s'agit de mesures véritablement provisoires. Donc, une mesure provisoire peut toujours être remise en question. Normalement, ça ne devrait pas poser de problème à cet égard. Quant aux questions de garde de l'enfant, l'article 3119 y pourvoit; s'il s'agit de protection de la jeunesse, l'article 3117 y pourvoit. Par conséquent, je ne pense pas que cela puisse être dangereux à l'égard des craintes qui sont exprimées.

Mme Ouellette: M. le Président, je suis d'accord avec le professeur Pineau là-dessus, mais, parfois, dans ce genre de débat justement, la bataille est tellement acrimonieuse que ma crainte, c'était qu'on se serve même de mesures provisoires, même si elles sont provisoires, pour essayer de donner juridiction au tribunal québécois, alors qu'il ne l'aurait pas. Mais je suis d'accord avec l'interprétation et la réponse que vous donnez. Merci.

Le Président (M. Lafrance): Je vous remercie.

M. Rémillard: M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): Oui, M. le ministre.

M. Rémillard: Je pense que c'était une question importante et Mme la professeure dit qu'elle est d'accord avec M. le professeur Pineau. Ce sont deux professeurs de Montréal qui sont d'accord ensemble. Ce qui est intéressant souvent à nos débats, je le souligne, M. le Président, c'est que nous avons des écoles de Montréal, de Québec, de Laval, l'Université Laval, de Sherbrooke, d'Ottawa et de Montréal aussi, il y a McGill. Alors, ce sont tous des experts, tout le monde a été mis à contribution et c'est intéressant de voir nos experts en arriver comme ça à des consensus juridiques.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Oui, Me Ouellette.

Mme Ouellette: M. le ministre, il y a parfois même deux écoles à Montréal aussi.

M. Rémillard: Ah! il y a deux écoles à Montréal. Nous pensons d'écoles de pensée, évidemment.

Le Président (M. Lafrance): Merci. S'il n'y a pas d'autres commentaires, l'article 3115 est donc adopté tel quel; l'article 3116 est adopté tel quel et l'article 3117 est adopté tel qu'amendé.

Nous en arrivons au chapitre deuxième qui traite des dispositions particulières. Permettez-moi de vous lire le texte d'introduction à ce chapitre deuxième.

Dispositions particulières

Le chapitre deuxième comporte des dispositions particulières aux matières personnelles à caractère extrapatrimonial et patrimonial ainsi qu'aux matières réelles. Il regroupe des dispositions sur la compétence internationale des autorités du Québec dans des matières aussi diverses que la garde, les aliments, la nullité du mariage, les effets du mariage, la séparation de corps, la révision d'un jugement en matière d'aliments, la filiation, l'adoption, les contrats en général, la responsabilité civile, les contrats de travail, de consommation et d'assurance en particulier, les successions et le régime matrimonial. La compétence juridictionnelle concorde généralement avec la loi applicable à une situation juridique donnée.

J'appelle donc les articles contenus à ce chapitre deuxième, soit les articles 3118 à 3125 inclusivement qui touchent la question des actions personnelles à caractère extrapatrimonial.

M. Rémillard: M. le Président, il y a six amendements. Tout d'abord, dans l'intitulé de la section I du chapitre deux du titre trois, les mots "et familial" sont ajoutés après le mot "extrapatrimonial".

M. le Président, l'amendement proposé vise à couvrir plus adéquatement les matières comprises dans cette section et notamment l'obligation alimentaire. En raison de cet amendement, l'intitulé de la section I du chapitre deux du titre trois se lirait comme suit: "Des actions personnelles à caractère extrapatrimonial et familial".

Dans l'article 3118, M. le Président: 1° à la première ligne, les mots "judiciaires ou administratives" sont supprimés; 2e à la troisième ligne, les mots "et familial" sont insérés après le mot "extrapatrimonial".

M. le Président, l'amendement proposé établit la concordance avec ceux proposés à l'intitulé du titre troisième et à l'intitulé de la

section I du chapitre deux du titre troisième. En raison de ces amendements, l'article 3118 se lirait comme suit: "Les autorités du Québec sont compétentes pour connaître des actions personnelles à caractère extrapatrimonial et familial, lorsque l'une des personnes concernées est domiciliée au Québec. "

Dans l'article 3119, les mots "qui est" sont remplacés par les mots "pourvu que ce dernier soit".

M. le Président, l'amendement proposé précise le rapport existant entre les articles 3118 et 3119 et vise à éviter que l'article 3118 puisse servir à fonder la compétence des autorités du Québec alors même que l'enfant ne serait pas domicilié au Québec. En raison de cet amendement, l'article 3119 se lirait comme suit: "Les autorités québécoises sont compétentes pour statuer sur la garde d'un enfant pourvu que ce dernier soit domicilié au Québec. "

M. le Président, dans l'article 3120, les mots "ou sur la demande de révision d'un jugement étranger rendu en matière d'aliments qui peut être reconnu au Québec, " sont ajoutés après le mot "aliments".

M. le Président, l'amendement proposé réunit les articles 3120 et 3124, évitant ainsi les redondances. En raison de cet amendement, l'article 3120 se lirait comme suit: "Les autorités québécoises sont compétentes pour statuer sur une action en matière d'aliments ou sur la demande de révision d'un jugement étranger rendu en matière d'aliments qui peut être reconnu au Québec, lorsque l'une des parties a son domicile ou sa résidence au Québec. "

M. le Président, dans l'article 3123, à la troisième ligne, les mots "depuis un an" sont supprimés.

L'amendement proposé établit une concordance avec l'article 493 tel qu'amendé. En raison de cet amendement, l'article 3123 se lirait comme suit: "Les autorités québécoises sont compétentes pour statuer sur la séparation de corps, lorsque l'un des époux a son domicile au Québec ou qu'il y réside à la date de l'introduction de l'action, "

M. le Président, l'article 3124 est supprimé. L'article 3124 est déplacé et intégré à l'article 3120 évitant ainsi les redondances.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Est-ce qu'il y aurait des commentaires touchant ces articles 3118 à 3125 inclusivement? Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: M. le Président, d'abord, sur l'ensemble de ces dispositions, dois-je comprendre que 3118 était de droit nouveau également?

M. Rémillard: M. le professeur Pineau.

M. Pineau: M. le Président, tout est de droit nouveau, puisque nous n'avons jamais eu de règle codifiant le droit international privé. Cet article 3118 s'inspire également de la loi suisse, du droit international et de la Convention de La Haye de 1961.

Mme Harel: Est-ce que cette Convention internationale de La Haye de 1961 et le droit suisse s'appliquent également à des actions en matière familiale ou si c'est seulement à caractère extrapatrimonial?

M. Pineau: Je ne suis pas en mesure de le préciser, par exemple.

Mme Harel: Est-ce que c'est nouveau, si vous voulez, innovateur, que d'amender 3118 de manière à ce qu'on puisse maintenant appliquer cette disposition pour connaître des actions personnelles à caractère extrapatrimonial et familial?

Le Président (M. Lafrance): Me Pineau.

M. Pineau: M. le Président, on m'indique, en effet, que ça fait référence à l'article 70 actuel du Code de procédure civile, effectivement.

Mme Harel: D'accord. Et, à 3119, là, je dois dire qu'il y a vraiment unanimité tant de la Chambre des notaires, tant du Barreau, de la Commission des services juridiques, à l'effet d'ajouter la juridiction du tribunal québécois à l'enfant qui a aussi sa résidence habituelle. Moi, je suis, disons, assez ébranlée par ce large consensus. Le ministre le disait tantôt, il n'en va pas toujours ainsi. Mais on lit les commentaires de la Chambre des notaires, on lit les commentaires du Barreau, on lit les commentaires de la Commission des services juridiques et les trois, pour des motifs qu'ils étayent, recommandent que 3119 attribue aux autorités québécoises compétence pour statuer sur la garde d'un enfant qui est domicilié au Québec, mais qui peut aussi y avoir sa résidence habituelle.

Par exemple, le Barreau, à cet effet, indique que la formulation de l'article pourrait être la suivante: Les autorités québécoises sont compétentes pour statuer sur la garde d'un enfant, pourvu que ce dernier ait son domicile ou sa résidence au Québec. La Chambre des notaires ajoute: On devrait ajouter, à la fin de cet article, les mots "où il a sa résidence habituelle", car ce facteur de rattachement est extrêmement important en matière de garde, à moins que le législateur ne définisse le domicile comme étant la résidence habituelle, ce qui est autre chose.

Et ils ajoutent: La résidence habituelle de l'enfant est mentionnée dans la législation de toutes les autres provinces. On en tient compte aussi dans la Convention de La Haye sur les aspects civils de l'enlèvement d'enfants, conclue

le 25 octobre 1980, article 4. Il serait aussi important de retenir, comme autre critère de rattachement, la présence physique de l'enfant au Québec, ceci à titre d'exception - voir Ontario - lorsque l'Intérêt de l'enfant l'exige, à la condition qu'il ait des liens substantiels à ce moment-là, évidemment, avec le Québec ou encore que sa santé physique et morale risque d'être compromise si les autorités québécoises déclinent toute compétence. Dans le domaine de la protection de l'enfance, seul un large éventail de facteurs de rattachement est capable de la rendre efficace. Ça, c'est le commentaire de la Chambre des notaires. Et la Commission des services juridiques insiste, en ajoutant: II peut arriver que l'enfant ait un domicile chez un parent par décision judiciaire alors qu'il réside habituellement avec l'autre parent. Nous croyons qu'en ce domaine le tribunal devrait avoir une grande discrétion eu égard aux circonstances. Nous croyons que, même en l'absence de domicile au Québec, le tribunal québécois devrait avoir juridiction si l'enfant y a sa résidence habituelle.

Je ne sais pas si M. le ministre se sent prêt à traverser immédiatement ce barrage d'arguments, mais...

M. Rémillard: Écoutez, ce qu'on peut dire... Je sais que nos experts s'en sont parlé. Moi, le rapport qu'on m'a fait m'a convaincu qu'il fallait, évidemment, être très prudent, parce qu'il ne faut pas encourager le "kidnapping" non plus. Il faut être extrêmement prudent, je suis parfaitement d'accord. Si on a à se poser d'autres questions, on peut le suspendre et regarder, parce qu'on prend, évidemment, beaucoup de soin à regarder toutes ces demandes qui nous viennent de la Chambre professionnelle des notaires, de la Commission des services juridiques et du Barreau sur un même article. Ça signifie quelque chose. C'est évident qu'on ne rejette pas du revers de la main ces commentaires. Bien au contraire, on les regarde très, très attentivement. Mais si vous me le permettez, M. le Président, on peut suspendre cet article pour de plus amples discussions entre nos experts et consultation même avec les chambres professionnelles.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Alors, est-ce qu'il y a d'autres commentaires touchant les autres articles?

Mme Harel: À 3120, je crois comprendre que l'amendement introduit vient satisfaire une des recommandations contenues dans le mémoire de la Chambre des notaires. Est-ce que c'est le cas?

M. Rémillard: Oui, entre autres. (12 h 15)

Mme Harel: La Chambre des notaires, à ce sujet, disait: II faudrait remplacer l'expression "demande de révision" par "demande de modification". On me fait valoir que partout dans le Code on retrouve "demande de révision" et que c'est une question d'uniformité du vocabulaire.

M. Rémillard: Je vais demander au professeur Pineau de faire le commentaire, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): Oui, Me Pineau.

M. Pineau: Oui, M. le Président. La Chambre des notaires demande d'ajouter "habituelle" après "résidence", mais nous savons que, dans le chapitre sur le domicile, on a défini la notion de domicile et on a défini aussi la notion de résidence. Et il y est question, à cet égard, de résidence habituelle. Dès lors, chaque fois que l'on parle de résidence dans le livre sur le droit international privé, on parle effectivement de résidence habituelle. On n'a donc pas besoin de répéter le qualificatif "habituelle".

Mme Harel: Et moi, je fais amende honorable. En fait, ce n'était pas une recommandation de la Chambre des notaires qui est satisfaite par l'amendement à 3120.

M. Pineau: C'est un recoupement des articles 3120 et 3124.

Mme Harel: C'est ça. À 3123, l'amendement vient biffer "depuis un an". Alors, dorénavant, les autorités québécoises seront compétentes en matière de séparation de corps lorsque l'un des époux a son domicile au Québec ou qu'il y réside à la date de l'introduction de l'action. Alors, il n'y a plus cette exigence d'y résider depuis un an?

M. Rémillard: Je pense que c'est une question de concordance avec le fait qu'on a éliminé la séparation de corps ou le fait que des époux soient séparés depuis un an. Alors, il s'agissait d'établir la concordance entre les deux, si vous voulez, en fonction de l'idée de l'article 3123.

Mme Harel: C'est une excellente modification qui est introduite par l'amendement.

M. Rémillard: Ça va être bon.

Le Président (M. Lafrance): S'il n'y a pas d'autres commentaires touchant ces articles, le nouvel intitulé de la section I est donc adopté tel que proposé; l'article 3118 est adopté tel qu'amendé; l'article 3119 est laissé en suspens; l'article 3120 est laissé en suspens tel qu'amendé; l'article 3120 est adopté tel qu'amendé; les articles 3121 et 3122 sont adoptés tels quels; l'article 3123 est adopté tel qu'amendé; l'article 3124 est supprimé et l'article 3125 est adopté tel

quel. Nous en arrivons maintenant à la section II qui touche des actions personnelles à caractère patrimonial.

Mme Harel: M. le Président, si vous me permettez.

Le Président (M. Lafrance): Oui, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: Oui. D'une part, j'ai obtenu l'information que je souhaitais quant à l'intervention de mon collègue de Lévis, porte-parole en matière de transport, sur le projet de loi concernant la convention internationale. Alors, ce sera une intervention d'au plus 20 minutes dans le cadre des interventions des députés. Alors, donc, j'aurai à procéder à l'examen du projet de loi, article par article, avec le ministre.

D'autre part, M. le Président, je demanderais la faveur de pouvoir terminer maintenant. J'ai à interroger un collègue du ministre, le ministre de l'Industrie et du Commerce, sur le projet dévoilé hier. Alors je souhaiterais avoir peut-être les quelques minutes qui nous restent pour pouvoir préparer cette intervention.

M. Rémillard: Très bien, M. le Président, mais est-ce que je peux demander à la députée de Hochelaga-Maisonneuve, vu qu'elle a peut-être plus d'informations que moi, si ça signifie qu'on peut quand même faire du Code civil cet après-midi, en fin d'après-midi, ou s'il faut oublier de travailler cet après-midi?

Mme Harel: Ce qu'on m'indique, c'est qu'on procéderait donc aux deux lois du ministre de la Justice et puis, là, je n'ai pas encore la confirmation, mais on me laisse entendre qu'on procéderait tout de suite avec la loi du ministre de la Main-d'?uvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle. Il y a eu une entente entre les leaders de façon à ce qu'il y ait une autre commission qui siège cet après-midi. Nous on reprendrait à 20 heures.

Alors, la deuxième lecture de ces trois projets de loi serait terminée et on reprendrait à 20 heures jusqu'à 24 heures.

M. Rémillard: Bon. Alors, M. le Président, très bien.

Mme Harel: Donc, on ne siégerait pas cet après-midi en commission parlementaire.

M. Rémillard: Toujours ayant en tête ce qu'on s'était proposé d'établir comme programme, c'est-à-dire de pouvoir aborder dès demain les questions en suspens.

Mme Harel: Alors, ça donne cette demi-journée...

M. Rémillard: Oui.

Mme Harel: ...aux experts pour se rencontrer.

M. Rémillard: C'est ça. Très bien. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Nous allons suspendre nos travaux jusqu'à confirmation en Chambre, à savoir si on siège en fin d'après-midi ou ce soir. Dans un tel cas, je pense que ce sera ici, dans cette même salle Papineau. Sur ce, s'il n'y a pas de commentaires additionnels, je suspends les travaux. Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 22)

(Reprise à 20 h 20)

Le Président (M. Lafrance): Je veux souhaiter le bonsoir à tous et déclarer cette séance de travail ouverte.

Documents déposés

Et avant de reprendre nos travaux, j'accepte le dépôt de deux documents, de deux publications qui contiennent les commentaires détaillés sur les dispositions du projet de loi. le Livre septième, De la preuve, qui touche les articles 2790 à 2858 et qui portera le code numérique 46D, et également les commentaires détaillés sur les dispositions du projet de loi, le livre huitième, De la prescription, qui touche les articles 2859 à 2917 et qui portera le code numérique 47D.

S'il n'y a pas de commentaires de début de travaux, j'aimerais vous référer à la série d'articles contenus à la section II qui touche les questions des actions personnelles à caractère patrimonial. J'appelle donc les articles 3126 à 3129.

M. Rémillard: Un amendement, M. le Président. Au 3° de l'article 3126, les mots ", un fait dommageable s'y est produit" sont insérés après le mot "subi".

M. le Président, l'amendement proposé vise à attribuer une compétence aux autorités québécoises dans le cas où un fait dommageable se serait produit au Québec en l'absence de faute. En raison de cet amendement, l'article 3126 se lirait comme suit: "Dans les actions personnelles à caractère patrimonial, les autorités québécoises sont compétentes dans les cas suivants: "1° Le défendeur a son domicile ou sa résidence au Québec; "2° Le défendeur est une personne morale qui n'est pas domiciliée au Québec mais y a un

établissement et la contestation est relative à son activité au Québec; "3° Une faute a été commise au Québec, un préjudice y a été subi, un fart dommageable s'y est produit ou l'une des obligations découlant d'un contrat devait y être exécutée; "4° Les parties, par convention, leur ont soumis les litiges nés ou à naître entre elles à l'occasion d'un rapport de droit déterminé; "58 Le défendeur a reconnu leur compétence. "Cependant, les autorités québécoises ne sont pas compétentes lorsque les parties ont choisi, par convention, de soumettre les litiges nés ou à naître entre elles, à propos d'un rapport juridique déterminé, à une autorité étrangère ou à un arbitre, à moins que le défendeur n'ait reconnu la compétence des autorités québécoises."

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Est-ce là le seul amendement à ces articles?

M. Rémillard: Oui, c'est le seul amendement, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): Est-ce qu'il y aurait des commentaires, donc, touchant ces articles 3126 tel qu'amendé, jusqu'à 3129?

Mme Harel: 3126 et suivants, 3127 et 3128 également, je comprend qu'il s'agit de droit nouveau. Alors, je demanderais au ministre de nous en préciser la portée.

M. Rémillard: Oui, M. le Président. Il s'agit de droit nouveau dans un secteur important aussi, les actions personnelles à caractère patrimonial. C'est un droit qui s'inspire des propositions de l'Office de révision du Code civil et aussi qui est en relation directe avec la Convention de La Haye de 1971 sur la reconnaissance et l'exécution des jugements étrangers en matière civile et commerciale et celle de 1965 sur les accords d'élection de for. Alors, M. le Président, je demanderais au professeur Pineau de nous faire les commentaires sur ce droit nouveau.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Alors, Me Pineau.

M. Pineau: Merci, M. le Président. Certains de ces états de compétences sont déjà prévus par l'article 68 du Code de procédure. Ce sont des dispositions qui sont largement admises en droit international privé et, donc, 3126 nous indique dans quels cas les autorités québécoises sont compétentes en matière d'actions personnelles à caractère patrimonial.

Donc, les principaux critères sont le domicile ou la résidence au Québec du défendeur si le défendeur est une personne physique et si le défendeur est une personne morale qui n'est pas domiciliée au Québec mais y a un établissement, dans la mesure où la contestation est relative à son activité. Les autorités québécoises sont également compétentes lorsqu'une faute a été commise au Québec, ou qu'un préjudice y a été subi, ou que, selon le troisième paragraphe de l'article 3126, une obligation contractuelle devait y être exécutée.

Le quatrième paragraphe fait état également du critère de la soumission des litiges par convention, des litiges nés ou à naître entre elles à l'occasion d'un rapport de droit déterminé et, dans le cinquième cas, c'est l'hypothèse où le défendeur a reconnu la compétence de ces autorités. Voilà les critères, les cas prévus par l'article 3126 qui donne, donc, compétence aux autorités québécoises. Il y a un deuxième alinéa, après l'énumération des cinq cas; les autorités québécoises n'ont pas cette compétence lorsque les parties ont choisi de soumettre leurs litiges à une autorité étrangère ou à un arbitre.

Mme Harel: Dans son mémoire, la Chambre des notaires considérait que le choix du mot "faute" que l'on retrouve au troisième alinéa de 3126 n'était pas heureux et suggérait le texte suivant: "Un fait dommageable est survenu au Québec, un préjudice d'ordre corporel ou matériel y a été subi..." Dois-je comprendre qu'il proposait de remplacer "faute" par "un fait dommageable"? Vous avez plutôt choisi d'ajouter, au troisième alinéa, par l'amendement: "un fait dommageable s'y est produit", aux autres causes.

M. Pineau: C'est cela. Troisièmement, l'amendement.

M. Rémillard: M. le Président, ce qu'il faut comprendre, c'est qu'on a ajouté le fait dommageable par l'amendement que nous avons, donc, produit aujourd'hui, ce qui fait que nous avons les deux notions, parce qu'un fait dommageable peut être fautif, mais une faute n'est pas nécessairement un fait dommageable.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre.

Mme Harel: À 3126, il va y avoir lieu de modifier le commentaire.

M. Rémillard: II faudra en prendre bonne note, M. le Président.

Mme Harel: À 3141, on se réfère, je pense, à 3126.

M. Rémillard: 3141?

Mme Harel: À 3141, on dit: "En l'absence de dispositions particulières, la compétence des autorités [...] étrangères est établie suivant les

règles de compétence applicables aux autorités québécoises [...] compte tenu des adaptations nécessaires." Faut-il comprendre, à ce moment-là, que la règle de 3126, en l'absence de dispositions particulières, s'applique pour déterminer la compétence des autorités étrangères?

M. Rémillard: C'est parce qu'on a un amendement sur 3141. Je ne sais pas si vous l'avez reçu, mais, à 3141, il y a un amendement et il faut aussi se référer à 3145.

Mme Harel: On n'a pas encore eu d'amendement, je pense, à 3145. Il n'a pas été déposé encore.

M. Rémillard: Alors, il va arriver. Peut-être qu'on pourra le voir tout à l'heure.

Mme Harel: Je note qu'à 3127 il y a également une disposition qui assure une protection au consommateur et au travailleur, c'est bien ça? Pour ces contrats de consommation et pour ces contrats de travail, en plus des critères de 3126, à ce moment-là, c'est finalement le lieu où le consommateur ou le travailleur a son domicile ou sa résidence au Québec.

M. Pineau: Les autorités québécoises, M. le Président, sont compétentes si, effectivement, le consommateur ou le travailleur a son domicile ou sa résidence au Québec. Et 3127 ajoute que la renonciation de ce consommateur ou de ce travailleur à cette compétence ne peut pas lui être opposée.

Mme Harel: Et à 3128, les autorités québécoises ont également compétence dans les contrats d'assurance lorsque l'assuré ou le bénéficiaire a son domicile ou sa résidence au Québec.

M. Pineau: Ou lorsque le contrat porte sur un intérêt d'assurance situé au Québec, ou lorsque le sinistre est survenu au Québec.

Mme Harel: Là, il n'y a pas la même disposition qu'à 3127 qui prévoit que la renonciation n'est pas opposable. À 3128, faut-il comprendre que la renonciation de l'assuré pourrait lui être opposable?

M. Pineau: Oui, M. le Président, la réponse est affirmative.

Mme Harel: En fait, à 3127, on couvre la circulation des biens et des personnes, n'est-ce pas, puisqu'il s'agit du contrat de consommation et du contrat de travail. Donc, c'est la circulation des biens et des personnes. Et là on assure une protection au consommateur et au travailleur. Mais, à 3128, là, il n'est pas question de circulation de biens ou de personnes. Il est question d'un contrat de services, c'est ça? Et, à ce moment-là, si je prends, par exemple, une assurance à l'aéroport de Chicago et s'il y a une clause qui prévoit dans la police que tout litige doit être examiné dans ce district, alors j'y ai tacitement renoncé. Ça pourrait être tacite aussi, la renonciation?

M. Pineau: On pourrait prétendre qu'on a ainsi renoncé à se prévaloir de la compétence devant les autorités québécoises, conformément à31...

Mme Harel: Première question, peut-être: Pourquoi avoir choisi de légiférer sur les contrats d'assurance? On a vu ce matin que tel n'était pas le cas en matière de contrat de construction ou en matière de contrat de services. Pourquoi avoir spécifiquement voulu une disposition traitant des contrats d'assurance, auquel cas c'est la règle générale qui s'applique? Quelle est la règle générale qui s'applique pour les autres contrats qui ne sont ni d'assurance, ni de consommation, ni de travailleur? C'est 3126?

M. Pineau: C'est ça.

Mme Harel: Pourquoi une règle particulière pour les contrats d'assurance? Est-ce qu'il y a eu une représentation? Est-ce qu'il y a des motifs qui plaident en faveur de traitement spécifique pour les contrats d'assurance?

M. Pineau: M. le Président, on a reproduit, dans 3128, une disposition qui existe déjà dans la législation québécoise en matière de contrat d'assurance. On l'a déportée dans ce chapitre.

Mme Harel: C'est au Code de procédure civile ou si...

M. Pineau: Au Code de procédure civile.

Mme Harel: C'est au Code de procédure civile.

M. Pineau: 69.

Mme Harel: D'accord. Et, à 3129, on fait référence à l'article 3106. Je sais que, depuis le début de l'examen du Code, c'est peu fréquent que les légistes aient recommandé des renvois comme ça. Je crois que vous avez tenté, de façon assez systématique, de les éviter. Il y en a eu peut-être un ou deux, à ma connaissance; je ne me rappelle pas qu'il y en ait eu plusieurs autres. Celui-ci, 3106, est déjà suspendu. Alors, 3129 prévoit que les autorités québécoises ont compétence exclusive pour connaître, en première instance, de toute action fondée sur la responsabilité prévue à l'article 3106.

Je comprends que ça ait déjà été adopté. Donc, ça écarte la règle générale de l'article

3126. Peut-on nous donner des cas où 3129 s'applique dans une action fondée sur la responsabilité prévue à 3106?

M. Pineau: M. le Président, l'article 3106 est relativement explicite à cet égard, puisqu'il nous dit que les règles de ce projet de Code seraient censées s'appliquer impérativement aux sujets relatifs à la responsabilité civile, lorsqu'il s'agit d'indemniser un préjudice, que ce préjudice ait été subi au Québec ou en dehors du Québec, préjudice résultant soit de l'exposition à une matière première provenant du Québec, soit de son utilisation, que cette matière première ait été traitée ou non. Donc, on prévoit l'hypothèse où une matière première pourrait faire subir, de par sa nature, un préjudice à certaines personnes.

Mme Harel: Je comprends, mais il s'agit d'une règle d'exception.

M. Pineau: Une règle d'exception.

Mme Harel: Est-ce qu'elle a déjà trouvé matière à application?

M. Pineau: À ma connaissance, non.

Mme Harel: Elle a été adoptée en 1984, je crois, hein? Je ne sais pas. Je ne crois pas que ce soit 1984.

M. Pineau: 1989. Je pense que c'est 1989. Mme Harel: En 1989.

M. Pineau: Oui. M. le Président, c'est une règle qui fait preuve d'une certaine précaution et qui pourrait avoir une valeur préventive, le cas échéant, dans l'hypothèse où des actions pourraient provenir de l'étranger quant à un préjudice qui pourrait résulter d'une matière première exploitée au Québec.

Mme Harel: Je ne sais pas si le ministre avait pris connaissance de la remarque que l'on retrouve dans le mémoire de la Chambre des notaires, qui dit ceci: "II s'agit d'une règle d'exception qui a son origine dans les nombreux procès qui ont été intentés au sujet des dommages causés par l'amiante. On trouve des dispositions presque identiques en Colombie-Britannique, mais qui se rapportent à l'exécution des jugements étrangers. La Chambre des notaires est d'avis que cet article n'a pas sa place dans le Code civil. L'article devrait être supprimé du Code et se trouver dans une loi spéciale." Quelle est la réaction du ministre quant à cette recommandation?

M. Rémillard: C'est une disposition spéciale, oui, mais c'est une disposition, quand même, qui s'inscrit fort bien dans le cadre du Code civil en fonction du sujet que nous traitons, d'une responsabilité civile impliquant du droit international. Par conséquent, cette disposition, même si nous avons dit tout à l'heure qu'elle n'avait jamais été utilisée, il est bon qu'elle soit là. D'ailleurs, le Québec, comme vous venez de le mentionner, n'est pas la seule province à avoir une telle disposition. La Colombie-Britannique aussi a une telle disposition; je ne suis pas certain, mais on me dit qu'il y a des États américains qui ont des dispositions peut-être semblables aussi.

Alors, dans ce contexte-là, même si c'est une mesure d'exception, on croit bon de l'insérer quand même dans cette sous-section de la responsabilité civile qui est en fonction, donc, du droit international.

Mme Harel: Mais, M. le Président, je crois comprendre qu'en Colombie-Britannique il s'agit plus de ne pas reconnaître les jugements étrangers que de décider que tout litige doit être entendu par des tribunaux - je crois.

Je voudrais également que le ministre puisse réagir à ce commentaire que l'on retrouve dans le mémoire du Barreau qui indique, et je cite: "On peut douter de la pertinence de prévoir, dans le Code civil - c'est à peu près au même effet, en fait - une situation aussi particulière que celle qui est décrite à cet article et qui vise une industrie spécifique. En outre, on peut s'interroger sur la constitutionnalité de l'article, tel que formulé, qui impose la loi du Québec au monde entier dès lors que la matière première à l'origine du dommage provient du Québec. Une alternative, ajoute le Barreau, aurait été de ne pas reconnaître au Québec les jugements étrangers en cette matière." En quelle année est-ce que c'a été adopté?

M. Rémillard: C'a été adopté en 1989, mais il faut savoir que c'est déjà au Code civil, à l'article 8.1 qui est au Code civil, on me le fait remarquer: "Les règles du présent Code s'appliquent de façon imperative à la responsabilité de tout dommage subi au Québec ou hors du Québec et résultant de l'exposition à une matière première qui tire son origine du Québec ou de son utilisation, que cette matière première ait été traitée ou non." Et puis, ensuite, la disposition du Code de procédure civile, à l'article... Attendez qu'on regarde.

Mme Harel: Ce que vous venez de me lire...

M. Rémillard: Oui.

Mme Harel: ...c'est quel article du...

M. Rémillard: 8.1 du Code civil du Bas Canada. (20 h 45)

Mme Harel: Qui était adopté quand, ça?

M. Rémillard: On l'a adopté en 1989, le chapitre 62, qui a été ajouté au Code civil du Bas Canada.

Mme Harel: Mais, évidemment, ce n'est pas une argumentation, de dire qu'on l'a adopté il y a deux ans, pour le justifier maintenant.

M. Rémillard: Bien, ce n'est pas une argumentation, mais, à ce moment-là, l'intention du législateur était vraiment d'en faire une règle faisant partie du code général, c'est-à-dire du Code civil, parce qu'on jugeait que le sujet était assez important pour être mentionné comme étant une disposition principale de l'ensemble des autres dispositions concernant le droit international privé.

Mme Harel: Mais que) serait l'effet d'une telle disposition dans un cas de litige? Prenons le cas de l'amiante aux États-Unis, par exemple. Si tant est qu'un litige survenait concernant cette matière première, nous, on prétendrait, en vertu du Code civil, que c'est une autorité québécoise qui a compétence.

M. Rémillard: Ce sont nos règles à nous. Ce sont nos tribunaux à nous.

Mme Harel: Je veux croire, mais comment pourrions-nous... Est-ce que les tribunaux étrangers, par exemple les tribunaux américains, se dessaisiraient en considérant qu'à 3106 du Code civil, dans son dispositif de droit international privé, le Québec prévoit avoir seul l'exclusive compétence pour connaître toute action fondée sur la responsabilité prévu à 3106?

M. Rémillard: C'est une disposition qu'on avait adoptée à l'unanimité, il y a maintenant deux ans, à l'Assemblée nationale, ayant bien en tête que c'est l'état du droit au Québec. Comme c'est l'état du droit au Québec, quelqu'un qui veut poursuivre une entreprise en fonction d'un produit venant du Québec, il doit se référer, à ce moment-là, au droit québécois et le droit québécois dit que ce sont nos tribunaux et nos règles qui vont s'appliquer.

Mme Harel: Le ministre va comprendre. C'est l'état de fatigue après cette longue journée, mais je ne peux pas imaginer qu'on pourrait plaider devant un tribunal américain que ça a été voté à l'unanimité. C'est parce que la question...

M. Rémillard: Bien, c'est une expression claire. On ne dira pas que c'est ambigu.

Mme Harel: Mais la question que je posais au ministre, c'est...

M. Rémillard: Pas besoin d'être fatigué pour comprendre que ce n'est pas ambigu. C'est clair.

Mme Harel: Est-ce qu'un tribunal américain accepterait de se dessaisir, du fait que nous avons une telle disposition qui consacre, selon nous, la compétence exclusive d'une autorité québécoise?

M. Rémillard: Oui, mais, même s'il décidait d'entendre la cause et de porter jugement, il faut que le jugement soit reconnu au Québec pour que la personne qui est condamnée à des dommages puisse obtenir l'exécution comme telle. Donc, par conséquent, ce que ça signifie, ça signifie que vous avez l'article 3142, 1°, qui est là.

Mme Harel: Est-ce que c'est fréquent en droit international privé que les États se protègent avec des dispositions semblables? Est-ce qu'on connaît des dispositions qui ont pu Inspirer cet article-là?

M. Rémillard: II y a l'exemple de la Colombie-Britannique. Je n'en connais pas...

Mme Harel: Je ne pense pas que ce soit un bon exemple. Je crois que la Colombie-Britannique se protège contre les jugements étrangers et non pas s'accorde la compétence exclusive.

M. Rémillard: Écoutez, je ne peux pas aller dans le détail, mais je peux peut-être demander au professeur Pineau, qui semble bien connaître le...

M. Pineau: Ça revient au même, en définitive, parce que, même si un tribunal américain rendait jugement contre un ressortissant québécois, un tribunal québécois ne reconnaîtrait pas ce jugement. Donc, cela signifie qu'en définitive le citoyen américain qui désirerait poursuivre, s'il désirait obtenir satisfaction, il devrait venir se battre devant les tribunaux québécois.

Mme Harel: Je me demande, par exemple pour l'accident survenu à Bhopal - vous vous rappelez peut-être cet accident survenu il y a très longtemps, il y a huit ans, je crois, dans une usine chimique, en Inde - si tant est que les matériaux provenaient des États-Unis, par exemple, la cause n'aurait pas pu être entendue et les victimes être entendues par un tribunal de leur pays, mais il aurait fallu que la cause se déroule aux États-Unis, en fait.

M. Rémillard: Mais là je me demande si c'était une matière première. Dans ce cas-là, je ne crois pas qu'il s'agissait de matière première. Ici, on est dans le cas de matière première.

Mme Harel: Traitée ou non. C'est-à-dire que

la matière première aurait pu devenir un matériau qui aurait été incorporé à autre chose. On en est, là, à 3106, non seulement à la matière première, mais c'est beaucoup plus large; je pense que c'est: "...à une matière première provenant du Québec, soit de son utilisation, que cette matière première ait été traitée ou non."

Bon, on me fait valoir que, justement, dans la cause de Bhopal que je citais, pendant quatre ans, la question de savoir quel était le tribunal compétent a été l'objet d'un litige devant les tribunaux américains et, finalement, la décision des tribunaux américains fut de renvoyer toute l'action devant les tribunaux indiens. Finalement, c'est donc devant un tribunal indien que la cause a été entendue. En l'occurrence, ici, nous, nous disons que nous aurions compétence exclusive pour l'entendre.

M. Pineau: M. le Président, indépendamment de cela, tous les pays ont des dispositions de protection, donc on ne peut pas dire qu'il s'agisse là d'une mesure tout à fait extraordinaire sur le plan de l'exception, en définitive. Dans certains domaines, les États se réservent des portes de sortie.

Mme Harel: Mais, de toute façon, avec les dispositions amendées sur la question de la responsabilité du fabricant, ils sont peut-être mieux de faire entendre la cause ici, au Québec. Non? On me dit non, pas vraiment, malgré les amendements que nous avons obtenus.

Le Président (M. Lafrance): Merci. S'il n'y a pas d'autres commentaires, l'article 3126 est donc adopté tel qu'amendé. Les articles 3127, 3128 et 3129 sont adoptés tels quels. Nous en arrivons maintenant à la section III qui touche les questions des actions réelles, et j'appelle donc les articles 3130, 3131 et 3132.

M. Rémillard: Nous avons trois amendements, M. le Président. Dans l'intitulé de la section III du chapitre deux du titre trois, les mots "et mixtes" sont ajoutés après le mot "réelles".

M. le Président, l'amendement proposé vise à couvrir plus adéquatement les matières prévues aux articles 3131 et 3132. En raison de cet amendement, l'intitulé de la section III, du chapitre deux du titre trois se lirait comme suit: "Des actions réelles et mixtes".

M. le Président, dans l'article 3131 : 1° à la troisième ligne du premier alinéa, les mots "ou l'un des défendeurs" sont insérés après les mots "le défendeur"; 2° à la première ligne du deuxième alinéa, le mot "les" devant le mot "biens" est remplacé par le mot "des".

M. le Président, l'amendement proposé vise à rendre l'article conforme au droit actuel et à préciser que la situation au Québec de seulement certains des biens de la succession permet de fonder la compétence des autorités du Québec. En raison de ces amendements, l'article 3131 se lirait comme suit: "En matière successorale, les autorités québécoises sont compétentes lorsque la succession est ouverte au Québec ou lorsque le défendeur ou l'un des défendeurs y a son domicile ou, encore, lorsque le défunt a choisi le droit québécois pour régir sa succession. "Elles le sont, en outre, lorsque des biens du défunt sont situés au Québec et qu'il s'agit de statuer sur leur dévolution ou leur transmission."

Dans l'article 3132, à la dernière ligne, les mots "depuis au moins un an" sont supprimés. L'amendement proposé établit une concordance avec l'article 493 tel qu'amendé. En raison de cet amendement, l'article 3132 se lirait comme suit: "Les autorités québécoises sont compétentes en matière de régime matrimonial dans les cas suivants: "1° Le régime est dissout par le décès de l'un des époux et les autorités sont compétentes quant à la succession de cet époux; "2° L'objet de la procédure ne concerne que des biens situés au Québec. "Dans les autres cas, les autorités québécoises sont compétentes lorsque l'un des époux a son domicile au Québec ou qu'il y réside à la date de l'introduction de l'action."

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Est-ce qu'il y a des commentaires sur ces trois articles 3130, 3131 et 3132?

Mme Harel: Oui, M. le Président. D'abord le titre, M. le Président. Il faut donc comprendre que l'amendement vise à ajouter les mots "et mixtes" au titre "Des actions réelles". On a dit dans le commentaire: L'amendement proposé vise à couvrir plus adéquatement les matières prévues aux articles 3131 et 3132. Alors, peut-être peut-on nous désigner les actions mixtes qu'on veut couvrir?

M. Pineau: II s'agit, M. le Président, d'actions réelles, dans le premier article, c'est-à-dire 3130, tandis que, dans les articles 3131 et 3132, il s'agit de matière successorale et de régime matrimonial. Alors, il s'avère, M. le Président, que les actions qui sont exercées en matière successorale ou en matière de régimes matrimoniaux ne sont pas, à proprement parler, des actions réelles. Elles sont dites actions mixtes et c'est pourquoi le qualificatif "mixtes" a été ajouté à "actions réelles", pour mieux couvrir les articles 3131 et 3132.

Mme Harel: Donc, en matière successorale, à 3131, il faut comprendre que 3131 reprend le droit actuel? (21 heures)

M. Pineau: L'article 74, Code de procédure, et cela est conforme à ce que proposait l'Office de révision.

Mme Harel: Mais je...

M. Pineau: On ajoute... Il y a un ajout...

Mme Harel: ...comprends bien qu'il s'agit du droit actuel, c'est ça? Ou il y a un élargissement?

M. Pineau: II y a un ajout, puisque 3131 retient la compétence des autorités du Québec lorsque le défunt a choisi le droit québécois pour régir, pour gouverner sa succession, ce qui serait conforme à l'article 3074.

Mme Harel: Je prends connaissance du commentaire que l'on retrouve dans le mémoire de la Chambre des notaires, à la page 78, à l'article 3131, et qui recommande, me semble-t-il, d'adopter le principe de l'unité de la succession plutôt, en fait, que la compétence basée sur le domicile du défendeur et la situation des biens du défunt. Et on fait valoir dans le mémoire, justement, qu'il y a déjà une convention internationale sur cette question de l'unité de la succession. Alors, si je comprends bien, vous avez choisi de maintenir le droit actuel plutôt que d'introduire ces nouvelles dispositions de la convention internationale...

M. Pineau: C'est cela.

Mme Harel: ...contrairement à la pratique parce que, en fait, la plupart des dispositions que nous avons adoptées dans ce titre sont souvent inspirées par des conventions internationales; dans ce cas-ci, non. Est-ce qu'on peut connaître les motifs qui vous ont amené à choisir de maintenir le droit actuel?

M. Pineau: Lorsque, hier, a été mis de côté, effectivement, le principe de l'unité de succession, il a été dit qu'il s'agissait d'une question qui avait été extrêmement discutée et contestée et que, même si la tendance internationale allait dans ce sens-là, la convention a été le résultat de compromis et qu'il n'était peut-être pas prudent, dans le contexte québécois, d'adopter, pour l'instant, ce principe de l'unité de succession.

Mme Harel: Ça vous semble l'objet d'un compromis qui est boiteux, alors?

M. Pineau: Certains, effectivement, contestent. Chaque système, dirons-nous, a ses avantages et ses inconvénients. Le principe de l'unité de succession a ses avantages; il a aussi ses inconvénients. Et le droit actuel a peut-être des inconvénients, mais il a aussi certains avantages.

Mme Harel: Pourriez-vous nous parler des inconvénients du droit actuel?

M. Pineau: Si, par exemple, je suis propriétaire d'un immeuble en France, ou copropriétaire indivis avec une ou deux autres personnes et que je décède ici, l'unité de succession voudrait que les litiges nés à propos de cet immeuble situé en France soient réglés par les règles québécoises. Or, les copropriétaires du défunt pourraient ne pas être d'accord sur la question de l'application des règles québécoises quant à un litige portant sur un immeuble situé à l'étranger et il serait sans doute difficile d'obtenir du tribunal français qu'il règle un litige conformément à la loi québécoise. Et dans la mesure où, même ici, on obtiendrait un jugement portant sur ce litige relatif à un immeuble situé en France, il serait peu probable qu'un tribunal français accepterait d'exécuter ce jugement.

Mme Harel: Là, vous nous avez fait part des inconvénients de l'unité de la succession, mais je vous posais la question de savoir les inconvénients du droit actuel.

M. Pineau: II est évident qu'il est plus facile d'appliquer une seule loi plutôt que deux lois lorsqu'il s'agit de régler une succession.

Mme Harel: Alors, il y a des avantages. Ah oui! d'accord. Vous dites que ça, c'est un avantage.

M. Pineau: S'il y a unité de succession.

Mme Harel: C'est ça. Mais le droit actuel... Vous nous disiez tantôt qu'il y avait à la fois, dans chaque régime, des avantages et des inconvénients. Quels sont les inconvénients?

M. Pineau: Les inconvénients de? Mme Harel: Du droit actuel.

M. Pineau: Du droit actuel. Eh bien, cet inconvénient consiste à, effectivement, devoir appliquer deux lois, la loi d'immeuble ici, la loi québécoise concernant l'immeuble situé ici et la loi étrangère relative à l'immeuble situé à l'étranger. Ça peut créer des inconvénients. On a deux lois à appliquer et à gérer.

Mme Harel: Et dans la balance des inconvénients...

M. Pineau: Et les créanciers d'ici pourraient être moins bien servis, n'est-ce pas, que s'il y a unité de succession.

Mme Harel: De succession. Dans la balance des inconvénients, le ministre a choisi de donner compétence aux autorités québécoises "lorsque

les biens du défunt..." En fait, pas nécessairement "les" biens. Je vois, par exemple, que vous avez, par l'amendement, remplacé "les" biens du défunt par "des" biens, comme le recommandait, d'ailleurs, la Chambre des notaires qui disait: Si cet alinéa doit être maintenu, on devrait dire: "lorsque des biens du défunt sont situés au Québec." Alors, comme l'alinéa est maintenu, "lorsque des biens du défunt sont situés au Québec", vous avez donc choisi la compétence des autorités québécoises.

M. Rémillard: C'est une suggestion que nous avons retenue.

Mme Harel: C'est-à-dire que vous n'avez pas retenu la proposition principale, vous avez retenu le prix de consolation.

M. Rémillard: C'est une façon de voir les choses. Je suis certain qu'il y a des gens qui ne voient pas ça comme un prix de consolation, bien au contraire. Le problème est que la Convention de La Haye n'a pas encore été ratifiée par les États. Il nous paraît donc prématuré d'adhérer à ses principes si elle n'a pas encore été ratifiée. On verra quand elle sera ratifiée. Peut-être bien qu'encore là l'Institut pourra nous recommander de changer des choses. On ne sait pas. Mais, pour le moment, elle n'est pas ratifiée. Très bien, il y a une convention, mais si elle n'est pas ratifiée... On m'informe qu'il y a deux États, je pense, qui l'ont ratifiée jusqu'à présent. Alors, par conséquent, on a préféré s'en remettre au droit actuel, avec quand même la suggestion, et nous faisons donc l'amendement en conséquence.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Le nouvel intitulé à la section III est donc adopté tel que proposé. L'article 3130 est adopté tel quel. Les articles 3131 et 3132 sont donc adoptés.

Mme Harel: M. le Président, à 3132, je comprends que l'amendement vient biffer "depuis au moins un an". C'était là, d'ailleurs, une recommandation de la Commission des services juridiques. Alors, à 3132, il faut donc comprendre que les autorités québécoises sont immédiatement compétentes lorsque l'un des époux a son domicile au Québec ou qu'il y réside à la date de l'introduction de l'action. En fait, c'est le cas. Est-ce qu'il y a un certain délai avant qu'un des époux puisse introduire une action en matière de régime matrimonial?

M. Rémillard: Alors, il faut se référer à l'article 77, et on a donc recours à la notion de résidence. On dit, à 77, que la résidence d'une personne est le lieu où elle demeure effectivement, de façon habituelle.

Mme Harel: Et c'est interprété comme signifiant quel délai de résidence?

M. Rémillard: II n'y en a pas. C'est une question de fait qui est appréciée par le tribunal.

Mme Harel: D'intention? C'est-à-dire que, par exemple, un visa de touriste dure trois mois. Alors, est-ce qu'on pourrait venir introduire une action au Québec en matière de régime matrimonial?

M. Pineau: Je ne crois pas, M. le Président, qu'il s'agisse là d'une résidence habituelle. Je ne sais pas si on doit se prononcer maintenant, puisque cela nous renvoie aux dispositions sur la notion de domicile et sur la notion de résidence que l'on a au chapitre relatif à ces sujets, aux articles 75 et suivants du projet de Code.

Mme Harel: On lit dans le commentaire, à 3132: "En vertu de cet article, le tribunal québécois pourrait être saisi tant de la dissolution du régime que de la question de la détermination d'un bien comme propre ou acquêt, par exemple." Et il faut comprendre, à ce moment-là, compte tenu des règles antérieures que nous avons déjà vues, que ce sont les dispositions du Québec qui vont prévaloir quant au régime matrimonial des époux. Il peut y avoir mutabilité.

M. Pineau: Si les époux décident, au cours du mariage, de changer de régime et choisissent un régime québécois, effectivement, ils seront soumis à ce nouveau régime.

Mme Harel: Et s'il y a dissolution, à ce moment-là?

M. Pineau: S'il y a dissolution, on appliquera les règles du régime matrimonial telles que connues en droit québécois, c'est-à-dire non seulement on appliquera les règles de la liquidation mais aussi les règles qui sont relatives à la qualification des biens quant à la question de savoir s'ils sont propres ou s'ils sont des acquêts, ce qui permettra d'évaluer la créance de participation s'il s'agit, par exemple, du régime de la société d'acquêts.

Mme Harel: Et cette évaluation-là, au moment de la liquidation, se fera en vertu des règles québécoises.

M. Pineau: C'est cela.

Mme Harel: Et non pas de celles qui président aux régimes matrimoniaux du pays où le mariage a été contracté.

M. Pineau: C'est cela, puisque, dans l'hypothèse, ils ont décidé, ils ont convenu de changer

de régime ou d'adopter un nouveau régime.

Mme Harel: Et s'ils n'ont pas changé de régime, à ce moment-là? /

M. Pineau: On appliquera la règle qu'ils ont choisie, s'ils ont choisi un régime, ou les règles du régime légal du pays dans lequel ils se sont mariés. (21 h 15)

Le Président (M. Lafrance): Alors, merci, Me Pineau. Donc, les articles 3131 et 3132 sont adoptés tels qu'amendés.

Nous en arrivons maintenant au titre quatrième qui touche les questions de la reconnaissance et de l'exécution des décisions étrangères et de la compétence des autorités étrangères et qui comprend les articles 3133 à 3144. Permettez-moi de vous lire le texte d'introduction à ce titre quatrième.

De la reconnaissance et de l'exécution

des décisions étrangères et de la compétence des autorités étrangères

Le titre quatrième énonce les règles applicables à la reconnaissance et à l'exécution des décisions étrangères, de même que les règles relatives à la compétence des autorités étrangères. Il est divisé en deux chapitres qui correspondent à ces matières. À l'heure actuelle, seul le Code de procédure civile contient quelques règles applicables à la reconnaissance et à l'exécution des décisions étrangères, si l'on excepte les dispositions du Code civil du Québec relatives à la reconnaissance des jugements étrangers d'adoption et l'article 1220 du Code civil du Bas Canada, et ces quelques règles sont largement dépassées. C'est pourquoi elles seront remplacées par les dispositions des articles qui suivent et qui s'inspirent de la Convention de La Haye de 1971 sur la reconnaissance et l'exécution des jugements étrangers en matière civile et commerciale. Cette convention rend plus facile la reconnaissance et l'exécution des décisions étrangères, compte tenu qu'il convient de manifester aux systèmes judiciaires étrangers la même confiance qu'au nôtre. Il faut souligner, cependant, que la reconnaissance et l'exécution ne seront pas automatiques, car le défendeur pourra soulever certaines défenses, notamment l'absence de compétence, suivant nos règles, du tribunal étranger qui a rendu la décision. Les articles qui suivent ne distinguent pas, comme c'est le cas des articles 178 à 180 du Code de procédure civile, entre les décisions rendues hors du Canada et celles rendues dans d'autres provinces.

Le chapitre premier touche les questions de la reconnaissance et de l'exécution des décisions étrangères et comprend les articles 3133 à 3140. Le texte d'introduction à ce chapitre premier se lit comme suit.

De la reconnaissance et de l'exécution des décisions étrangères

Le chapitre premier énonce les régies générales applicables à la reconnaissance et à l'exécution des décisions étrangères. Il y est question des défenses que peut soulever le défendeur, de la reconnaissance des décisions rendues par défaut et de celles qui accordent des aliments par paiements périodiques, de la conversion des condamnations en monnaie canadienne, des intérêts que porte l'obligation de payer une somme d'argent contenue dans une décision étrangère et des transactions.

J'appelle...

Mme Harel: Au niveau du commentaire, M. le Président...

Le Président (M. Lafrance): Oui, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: ...contenu à la page 113, sous le titre quatrième. Alors, faut-il comprendre que, dorénavant, le Québec traitera les décisions des autres provinces comme des décisions étrangères?

M. Rémillard: Je crois que c'a toujours été. Le droit international privé se réfère à un autre système juridique, or les autres provinces ont d'autres systèmes juridiques.

Mme Harel: À la page 113, la dernière ligne du commentaire dit ceci: "Les articles qui survent ne distinguent pas, comme c'est le cas - j'imagine, présentement - des articles 178 à 180 du Code de procédure civile, entre les décisions rendues hors du Canada et celles rendues dans d'autres provinces." Alors, étant donné qu'on ne distinguera plus entre les décisions des tribunaux canadiens et des tribunaux étrangers, faut-il comprendre que, dorénavant, nous allons traiter sur un même pied d'égalité toutes ces décisions et traiter les tribunaux canadiens comme des tribunaux étrangers?

M. Rémillard: Écoutez, sur le plan juridique, il s'agit de systèmes juridiques qui ne sont pas comme le nôtre, donc qui nous sont étrangers, et, par conséquent, il y a des relations qui doivent s'établir de coordination du droit et d'exercice des droits des personnes vivant dans chacun de ces États, de ces provinces ou de ces pays.

Le Président (M. Lafrance): Je vous remercie, M. le ministre. J'aimerais donc appeler les articles du chapitre premier, soit les articles 3133 à 3140 inclusivement.

M. Rémillard: II y a trois amendements, M. le Président. Dans l'intitulé du titre quatrième du livre X, les mots "judiciaires et administratives"

sont supprimés.

L'amendement proposé vise à couvrir toutes les décisions rendues par des autorités étrangères, quel que soit leur nom ou leur caractère. En raison de cet amendement, l'intitulé du titre quatrième du livre dixième se lirait comme suit: "De la reconnaissance et de l'exécution des décisions étrangères et de la compétence des autorités étrangères".

M. le Président, dans l'article 3133: 1° à la première et à la troisième ligne du premier alinéa, les mots "judiciaire ou administrative" sont supprimés; 2° aux troisième et quatrième lignes du premier alinéa, les mots "à moins que le défendeur ne fasse l'une des preuves suivantes" sont remplacés par les mots "sauf dans les cas suivants"; 3° le 6° suivant est ajouté: "6° La décision sanctionne des obligations découlant des lois fiscales d'un État étranger."

M. le Président, les amendements proposés visent, d'une part, à permettre aux autorités du Québec de contrôler d'office la conformité de la décision étrangère avec les conditions énumérées à l'article, quels que soient le nom ou le caractère de cette décision. Ils visent, d'autre part, à éviter que les autorités du Québec ne soient tenues de reconnaître une décision étrangère en matière fiscale, à moins que l'État d'origine de cette décision reconnaisse les décisions rendues en ces matières au Québec, conformément à l'amendement proposé à l'article 3139.1. En raison de ces amendements, l'article 3133 se lirait comme suit: 'Toute décision rendue hors du Québec est reconnue et, le cas échéant, déclarée exécutoire par l'autorité du Québec, sauf dans les cas suivants: "1° L'autorité de l'État dans lequel la décision a été rendue n'était pas compétente suivant les dispositions du présent titre; "2° La décision, au lieu où elle a été rendue, est susceptible d'un recours ordinaire, ou n'est pas définitive ou exécutoire; "3° La décision a été rendue en violation des principes essentiels de la procédure; "4° Un litige entre les mêmes parties, fondé sur les mêmes faits et ayant le même objet, a donné lieu au Québec à une décision passée ou non en force de chose jugée, ou est pendant devant une autorité québécoise, première saisie, ou a été jugé dans un État tiers et la décision remplit les conditions nécessaires pour sa reconnaissance au Québec; "5° Le résultat de la décision étrangère est manifestement incompatible avec l'ordre public tel qu'il est entendu dans les relations internationales; "6° La décision sanctionne des obligations découlant des lois fiscales d'un État étranger."

M. le Président, l'article 3139.1 suivant est inséré après l'article 3139: "3139.1 L'autorité du Québec reconnaît et sanctionne les obligations découlant des lois fiscales d'un autre État où il en est ainsi pour les obligations découlant des lois fiscales du Québec."

M. le Président, l'amendement proposé reprend l'article 21 du Code de procédure civile mais, contrairement à cet article qui ne s'applique qu'aux autres provinces canadiennes, l'amendement vise également les États étrangers, il est à souligner que la reconnaissance de ce type de jugement est liée à une situation de réciprocité. En raison de cet amendement, l'article 3139.1 se lirait comme suit: "3139.1 L'autorité du Québec reconnaît et sanctionne les obligations découlant des lois fiscales d'un autre État où il en est ainsi pour les obligations découlant des lois fiscales du Québec."

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Alors, est-ce qu'il y aurait des commentaires, donc touchant ces articles 3133 à 3140 inclusivement, incluant, il va de soi, le nouvel article 3139.1? Oui, Mme la députée de Hochela-ga-Maisonneuve.

Mme Harel: M. le Président, à 3133, au paragraphe 3° qui stipule que la décision a été rendue en violation des principes essentiels de la procédure, la Chambre des notaires fait valoir que ce paragraphe 3° n'indique pas s'il s'agit des principes essentiels de la procédure en vigueur au lieu où la décision a été rendue ou s'il s'agit de la procédure en vigueur au Québec. Il faudrait, ajoute le mémoire de la Chambre des notaires, préciser que le texte vise la violation de principes essentiels, ressortissant à la conception québécoise du droit de la procédure, notamment que le défendeur n'a pas eu la possibilité de faire valoir sa défense pleine et entière.

Est-ce que le ministre peut nous expliquer pourquoi il n'a pas jugé nécessaire de tenir compte de ce commentaire dans l'amendement qui est introduit à 3133? Est-ce qu'il n'aurait pas été utile de le modifier?

M. Rémillard: Le professeur Pineau a les fiches bien en main. Donc, il peut faire les commentaires, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): Me Pineau.

M. Pineau: M. le Président, il s'agit d'une décision qui aurait été rendue en violation des principes essentiels de la procédure. Donc, on se réfère à ces principes essentiels suivant une conception qui se veut plus internationale que celle qui est en vigueur au Québec. On pourrait faire le parallèle avec la conception d'ordre public qui ne se réfère pas nécessairement à l'ordre public québécois, mais qui se réfère à une

notion d'ordre public international. Il s'agit ici, effectivement, des principes fondamentaux de la procédure. On pourrait imaginer le cas où une partie n'aurait pas été entendue. Il y aurait là violation, effectivement, d'un principe fondamental.

Mme Harel: Est-ce qu'il n'aurait pas été judicieux, comme c'est le cas pour des articles qu'on va voir, je crois, d'introduire que c'est en référence aux principes du droit international?

M. Pineau: M. le Président, c'est ce que laisse entendre la formulation qui vise les principes essentiels qui sont à peu près les mêmes dans tous les pays.

Mme Harel: II y a des dispositions antérieures où on a explicitement fait référence aux principes du droit international. C'était à quel moment, déjà?

M. Pineau: Notion d'ordre public.

Mme Harel: Oui. Pour définir, justement, cette notion d'ordre public. Et je pense que, même dans cette section ou dans ce chapitre, on fait référence aussi, encore, à l'ordre international.

M. Pineau: Pas explicitement, je ne pense pas.

Mme Harel: Au 5°.

M. Pineau: Manifestement incompatible... C'est la référence à l'ordre public.

Mme Harel: Ah oui! Tel qu'il est entendu dans les relations internationales. Est-ce qu'il n'aurait pas été utile de qualifier les principes essentiels de la procédure, également, telle que connue dans les principes internationaux? Non?

M. Pineau: Je crois, M. le Président, que, sur le plan de la formulation, il est difficile de se référer à des principes reconnus essentiels sur le plan international comme on le fait dans le cadre de la notion d'ordre public. Tout le monde s'entend pour savoir à peu près ce qu'est l'ordre public international. C'est une question de formulation, M. le Président.

Mme Harel: Mais tout le monde sait, comme vous le dites, ce qu'est l'ordre public international.

M. Pineau: Approximativement.

Mme Harel: Mais est-ce que tout le monde sait ce que sont les principes essentiels de la procédure?

M. Pineau: II y a des principes qui sont admis par tous, de même qu'on peut penser que tout le monde sait ce que sont les droits fondamentaux.

Mme Harel: C'est-à-dire tous les pays de culture judéo-chrétienne. Mais est-ce que ces principes essentiels de la procédure sont connus? Par exemple, considère-t-on le droit d'être présumé innocent comme un principe essentiel? (21 h 30)

M. Pineau: Je pense que oui.

Mme Harel: Vous pensez que oui?

M. Pineau: Je crois que oui. Contrairement à ce qu'on raconte face au système français.

Une voix: Le système français, c'est présumé coupable.

M. Pineau: Oui, on me fait remarquer, ce qui est tout à fait juste, que le principe de la présomption d'innocence se pose sur le plan du droit criminel...

Mme Harel: C'est vrai.

M. Pineau: ...et non point sur le plan du droit civil.

Mme Harel: Justement, je sentais que c'était là un terrain glissant, duquel je m'apprêtais à me retirer du bout des pieds.

M. Rémillard: Surtout, ne glissez pas, madame.

Mme Harel: Alors, est-ce qu'on doit comprendre que toutes les règles, auxquelles on se réfère par les termes "principes essentiels de la procédure", sont des règles qui sont connues par leur expression latine? Des règles autres...

Une voix: Grecques.

Mme Harel: Grecques. Ha, ha, ha! Est-ce que c'est ça? C'est-à-dire que les principes essentiels, il y en a un nombre limité? C'est un peu, si vous voulez, pour le bénéfice de cette commission. Évidemment, on en connaît quelques-unes, audi alteram partem et quelques autres qu'on pourrait citer. Il n'y a pas cette règle-là, n'est-ce pas: primo non nocere, non? Ça, c'était Hippocrate: d'abord, ne pas nuire. Mais vous pensez que c'est assez clair, les principes essentiels de procédure?

M. Pineau: Je pense que oui. Je crois que ça n'ajouterait rien, M. le Président, d'ajouter "les principes reconnus essentiels en droit international privé". Nous sommes dans un livre

qui concerne le droit international privé. Donc, ce sont les principes essentiels en cette matière, dans ce domaine, dans ce contexte.

Mme Harel: Et vous avez quand même cru bon de l'ajouter, même si on était dans un livre en droit international privé, quand ça a à voir avec l'ordre public.

M. Pineau: Oui, mais la notion d'ordre public est une notion qui peut être cernée, même si elle peut être considérée comme vague. On peut fort bien la cerner, mais il s'agit là d'une notion. Tandis qu'au paragraphe troisième, on se réfère à des principes de droit, donc contrairement à l'ordre public pour lequel on se réfère à une notion.

Mme Harel: À 3134, il s'agit donc là également d'un article de droit nouveau qui porte sur les jugements, je crois, les décisions qui sont rendues par défaut à l'étranger. C'est bien le cas? Nous n'avions aucune disposition à ce titre dans le droit actuel?

M. Pineau: Dans le droit actuel, M. le Président, il n'y a strictement rien. On ne fait que reprendre la proposition de l'Office qui, elle-même, s'inspirait de la Convention de La

Haye. Donc, toutes ces règles sont véritablement reconnues. Il n'y a aucune innovation propre à cette législation.

Mme Harel: À 3135, si je comprends bien, là, on met fin à une certaine jurisprudence, notamment en matière de divorce, qui refusait de reconnaître les jugements étrangers pour le seul motif que le tribunal étranger n'avait pas appliqué la loi qui était applicable d'après les règles du droit international privé. Donc, 3135 s'inspire des conventions et puis s'écarte, en fait, faut-il comprendre, de la jurisprudence actuelle.

M. Pineau: D'une certaine jurisprudence.

Mme Harel: Et puis à 3136, c'est l'exécution des jugements étrangers en matière civile et commerciale. Il n'y a plus d'examen, au fond. C'est ça qu'il faut comprendre?

M. Pineau: Exact. Ce qui est donc une innovation par rapport à l'article 178 du Code de procédure.

Mme Harel: C'est quand même un changement assez substantiel, à 3136. Il ne pourra plus y avoir des nouveaux moyens de preuve, je crois. C'est ça?

M. Pineau: C'est cela, ce qui permet, comme le dit le commentaire, de promouvoir l'efficacité des décisions sur le plan international.

M. Rémillard: M. le Président, simplement, quand on lit 3136, "L'autorité québécoise se borne à vérifier", je trouve ça un petit peu agaçant, le mot "borner".

Mme Harel: Le commentaire de 3136 mériterait sans doute d'être vu.

M. Rémillard: Mais "borne"! Est-ce que ce ne serait pas la même chose de dire: "L'autorité québécoise se limite à vérifier"? Ça a l'air moins borné.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Rémillard: C'est un amendement verbal, M. le Président.

Mme Harel: Ha, ha, ha! Comme une parole verbale!

M. Rémillard: Ça limite!

Mme Harel: Ha, ha, ha! Mais, en matière de loi fiscale, on n'a pas la même courtoisie que l'on propose à 3136, à la dernière ligne du commentaire, n'est-ce pas? Parce que, dans la dernière ligne de 3136, on peut lire: "II importe en effet de promouvoir l'efficacité des décisions sur le plan international et de faire preuve d'une plus grande courtoisie à l'égard des tribunaux étrangers." Ça, ça vaut tant qu'il ne s'agit pas de décisions fiscales, parce que, là, on introduit un régime particulier à l'égard des décisions fiscales. Il y a 3139 qui est introduit et qui prévoit que l'autorité du Québec ne reconnaîtra et sanctionnera les obligations découlant des lois fiscales d'un autre État que si cet autre État a fait de même, en fait, a établi la réciprocité pour les obligations découlant des lois fiscales du Québec.

Alors, en l'absence de réciprocité, on n'aura pas la même courtoisie. C'est bien ce qu'il faut comprendre?

M. Rémillard: C'est ça. Mme Harel: Pourquoi?

M. Rémillard: S'il n'y a pas de réciprocité, par conséquent, nous n'avons pas de raison de donner cet avantage, si je comprends votre question.

Mme Harel: Oui, mais on le donne à 3136 dans toute autre matière, en matière matrimoniale, notamment, en toute autre matière, civile ou commerciale, en fait, plutôt. À 3136, c'est plutôt en matière civile et commerciale. Et ça, c'est le principe général. Mais, d'une certaine façon, l'exception, c'est en matière fiscale.

M. Rémillard: Le principe était déjà à

l'article 21 du Code de procédure civile, alors on l'a élargi; il a été élargi.

Mme Harel: Est-ce que vous pourriez nous lire l'article 21?

M. Rémillard: Je peux faire ça pour vous: "Les tribunaux du Québec reconnaissent et sanctionnent les obligations découlant des lois fiscales d'une autre province canadienne où il en est ainsi pour les obligations découlant des lois fiscales du Québec." Alors, le principe de réciprocité - depuis 1965, remarquez - existe donc avec les autres provinces canadiennes. Alors, il a été élargi.

Mme Harel: Là, en fait, on l'élargit à tous les États.

M. Rémillard: Oui

Mme Harel: On traite les provinces canadiennes comme étant des États, c'est ça qu'il faut comprendre.

M. Rémillard: C'est ce qu'on a fait dans les autres articles aussi.

Mme Harel: C'est ça.

M. Rémillard: Alors, on fait exactement la même chose ici; au lieu de parler des autres provinces canadiennes, on parle des États étrangers, comprenant alors les provinces canadiennes qui ont des systèmes juridiques étrangers.

Mme Harel: Alors, ce qui est vraiment nouveau, à 3136, c'est qu'on n'ait plus cette disposition du Code de procédure civile qui permet aux parties, au moment de la demande en reconnaissance d'un jugement rendu hors du Canada, de faire valoir devant le juge de nouvelles défenses, d'invoquer de nouveaux faits ou de produire de nouveaux moyens de preuve. Alors, c'est resté le droit actuel en matière fiscale, sauf qu'il est élargi autant aux autres États qu'aux provinces canadiennes. Mais c'est un renversement, finalement, du droit actuel en matière civile et commerciale, puisque les autorités québécoises ne vont plus vérifier que les conditions de forme, en fait. C'est ça qu'il faut comprendre, hein?

M. Pineau: C'est ça.

Mme Harel: Contrairement aux matières civile et commerciale où vous dites, dans le commentaire, que c'est une règle qui est en vigueur dans un grand nombre d'États, la règle voulant que l'autorité ne dort pas se livrer à un examen au fond - n'est-ce pas? - en matière civile et commerciale, faut-il comprendre que cette règle qui est en vigueur dans un grand nombre d'États ne le serait pas en matière fiscale?

M. Pineau: Je ne suis pas sûr que nous parlions des mêmes choses, M. le Président. 3136 nous dit simplement qu'un tribunal québécois n'examinera pas au fond le jugement étranger et se contentera d'examiner si ce jugement remplit les conditions qui sont prévues dans ce chapitre, dans ce titre. Ça, c'est une chose.

Quant aux questions d'ordre fiscal, c'est 3139.1, l'amendement qui est apporté, qui dit simplement que l'autorité du Québec reconnaît, sanctionne les obligations découlant des lois fiscales d'un autre État. Donc, reconnaissons que, si on dit: Les obligations découlant des lois fiscales d'un autre État, mais dans la mesure où cet autre État reconnaît les obligations découlant des lois fiscales du Québec, c'est la réciprocité. Donc, si l'État étranger ne reconnaît pas les lois fiscales du Québec, les obligations découlant des lois fiscales du Québec, l'autorité québécoise ne reconnaîtra pas les lois fiscales de cet État étranger. (21 h 45)

Mme Harel: C'est une règle qui est généralement admise entre les États?

M. Pineau: C'est une règle qui, généralement, est admise et reconnue. C'est une véritable réciprocité. Je ne vous reconnais que si vous...

Mme Harel: En matière fiscale, c'est...

M. Pineau: Je ne vous reconnais que si vous me reconnaissez.

Mme Harel: Ce qui n'est pas le cas dans les autres matières, civile et commerciale.

M. Pineau: On ne met pas nécessairement cette condition.

Mme Harel: 3137 et 3138, avant de nous arrêter. Alors, 3137 indique qu'il pourrait y avoir reconnaissance et exécution partielle, je pense, des jugements étrangers en matière civile et commerciale lorsque la demande contiendra plusieurs chefs qui seront dissociables. Je ne pense pas que ça pose de difficultés, 3137. Mais, à 3138, on dit: "La décision rendue hors du Québec qui accorde des aliments par versements périodiques peut être reconnue et déclarée exécutoire pour les versements échus et à échoir." Dans le droit actuel, pour être reconnue et exécutée, je pense qu'une décision doit être finale et sans appel. Peut-être pas sans appel, excusez-moi, mais définitive.

Oui, M. le Président, à 3138, doit-on comprendre qu'il pourrait être possible, au moment de la demande d'exemplrfication, d'obtenir une révision des aliments?

Le Président (M. Lafrance): Merci, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve. Me Pineau, nous vous reconnaissons.

M. Pineau: C'est fort aimable. Ha, ha, ha! J'y suis très sensible.

Le Président (M. Lafrance): Ha, ha, ha!

M. Rémillard: Vous ne pouvez plus être incognito.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Pineau: 3138, M. le Président, ne parle pas de pension provisoire, il parle des aliments qui ont été accordés, et qui dit aliments dit versements périodiques par opposition à somme globale. Et, en vertu de 3138, cette décision qui est rendue dans un État étranger ou dans une province voisine accordant, donc, des pensions alimentaires peut être reconnue par le tribunal du Québec et déclarée exécutoire pour ce qui est encore dû, n'est-ce pas, au cours des semaines ou des mois à venir.

Alors, cela vient mettre un terme au débat qui existait hier, dans la mesure où un jugement portant sur une pension alimentaire n'est jamais définitif, parce que le créancier ou le débiteur d'une pension alimentaire peut toujours demander au tribunal de revenir sur sa décision dans la mesure où les moyens et les besoins du créancier ou du débiteur se sont transformés.

Mme Harel: Quand on lit dans le commentaire: "Or, les décisions en matière de pensions alimentaires sont généralement susceptibles de révision", faut-il comprendre qu'en l'occurrence, en matière d'application de 3138, la décision rendue hors du Québec, qui accorde des aliments par versements périodiques, pourrait être susceptible de révision?

M. Pineau: Nous avons, je pense, une disposition sur la révision. Je retrouve l'article que je cherchais, 3120: "Les autorités québécoises sont compétentes pour statuer sur une action en matière d'aliments, ou sur la demande de révision d'un jugement étranger rendu en matière d'aliments qui peut être reconnu au Québec, lorsque l'une des parties a son domicile ou sa résidence au Québec."

Mme Harel: Merci. Alors, 3140, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): Oui, 3140, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: À 3140, le dernier article de ce chapitre, le Barreau fait un commentaire qui invite le ministre, en fait, à retrancher cet article. Je ne sais pas si le ministre en a pris connaissance. L'argument est de poids.

L'article 3140 énonce que "les transactions exécutoires au lieu d'origine sont reconnues et, le cas échéant, déclarées exécutoires au Québec aux mêmes conditions que les décisions judiciaires pour autant que ces conditions leur sont applicables". Ce que le Barreau fait valoir, c'est qu'il y a déjà, évidemment, dans la loi suisse. Je vais citer: "La loi suisse contient une règle analogue, mais elle vise les transactions judiciaires, ce qui est de toute évidence plus limité que ce que prévoit l'article 3140. "C'est évidemment donner une force exécutoire à quelque chose qui n'a pas fait l'objet d'un débat ni devant un tribunal ni devant une instance administrative. Or, au Québec, ce genre de force exécutoire n'existe pas et tout acte ou toute transaction peut faire l'objet d'une contestation judiciaire. Il ne faut pas oublier que le principe de la reconnaissance n'implique aucun examen du mérite de la décision ou, dans ce cas-ci, de la transaction. Le Barreau recommande donc de retrancher cet article."

M. Rémillard: On n'a pas les mêmes informations. Le Barreau, ici, nous dit simplement d'ajouter le mot "judiciaire". Il y a quelque chose qui ne va pas. Il y a peut-être une erreur de notre côté. Article 3140, Barreau.

Mme Harel: À la page 6.

M. Rémillard: Oui, un, demander qu'on ajoute le mot "judiciaire". Ils nous demandent de faire l'extension de la reconnaissance aux actes non judiciaires.

Mme Harel: Remarquez que c'est le même esprit, en fait.

M. Rémillard: M. le Président, on m'apporte la position du Barreau, qui est conforme à ce que vient de nous dire Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve. Le Barreau recommande, de fait, de retrancher cet article, mais on a peut-être un peu de difficultés à comprendre l'argumentation, parce que la transaction exécutoire, en fait, est exécutoire parce qu'elle est homologuée par le tribunal. Alors, M. le Président, à 2618, on dit bien que la transaction a, entre les parties, l'autorité de la chose jugée et que la transaction n'est susceptible d'exécution forcée qu'après avoir été homologuée. Alors, j'avoue que j'ai de la difficulté à comprendre. Peut-être que M. le professeur Pineau pourrait nous apporter plus de commentaires.

Le Président (M. Lafrance): Me Pineau.

M. Pineau: M. le Président, je crois que 3140 ne présente pas de difficultés, car on nous dit que les transactions exécutoires au lieu d'origine sont reconnues déclarées exécutoires au

Québec. Or, c'est exécutoire lorsque la transaction est homologuée par le tribunal. Donc, c'est exécutoire, à ce moment-là, de la même façon qu'un jugement rendu par un tribunal.

Mme Harel: L'homologation dont parle le ministre... C'est peut-être moi qui fais erreur, M. le Président, mais je crois comprendre que la transaction exécutoire au lieu d'origine n'a pas besoin d'être homologuée. L'article 3140, tel que rédigé, ne vient-il pas, justement, prévoir que cette transaction exécutoire ailleurs devient exécutoire au Québec sans avoir besoin d'être homologuée? À moins que je n'aie pas bien saisi, là, je demande juste à bien comprendre; mais, tantôt, quand le ministre nous a parlé d'homologation, je ne pensais pas que ça s'appliquait dans le cas de 3140.

M. Pineau: Oui, c'est exact, M. le Président. On nous dit que les transactions exécutoires au lieu d'origine, dès lors que la loi étrangère indique que telle transaction est exécutoire dans ce pays-là, cette transaction a donc la même force exécutoire qu'un jugement. Il est donc difficile à l'autorité québécoise de ne pas reconnaître cette transaction, alors qu'elle reconnaîtrait un jugement de ce même État. C'est cela, le but de 3140. En d'autres termes, on reconnaît force exécutoire à une transaction qui serait reconnue par le tribunal étranger, de la même façon que l'on reconnaîtrait ici le jugement du tribunal étranger.

Mme Harel: Prenons le cas, par exemple, du droit français. Je comprends qu'il y a cette force exécutoire des contrats, je pense. Non?

M. Pineau: Non.

Mme Harel: Où peut-on retrouver une disposition sur la force exécutoire d'un contrat?

M. Pineau: Je ne me souviens plus précisément du droit français à cet égard, mais les contrats de transaction sont tout à fait... Les transactions sont permises en droit français. Je vérifie, cependant; un instant.

Mme Harel: C'est la même chose.

M. Pineau: Elles ne sont pas soumises. Vous faites allusion à la force exécutoire des actes authentiques.

Mme Harel: C'est ça, des actes authentiques.

M. Pineau: Mais les contrats de transaction, en droit français, ne sont pas soumis...

Mme Harel: Non. (22 heures)

M. Pineau: ...à la forme authentique, n'est-ce pas? Donc, c'est exactement comme ici.

Mme Harel: Alors, où peut-il se produire qu'il y ait des transactions exécutoires?

M. Pineau: Cette transaction passée en France, dès lors qu'elle serait exécutoire en France, elle serait reconnue par le tribunal québécois comme serait reconnu le jugement d'un tribunal français.

Mme Harel: Oui. Mais dès lors qu'elle serait exécutoire en France, comme vous l'indiquez, elle le serait en vertu de la loi française.

M. Pineau: Oui.

Mme Harel: Et tantôt, vous nous disiez que la loi française ne prévoyait pas la force exécutoire de transaction.

M. Pineau: Non, j'ai dit que le droit français n'exigeait pas que la transaction soit faite par acte authentique, lequel acte authentique, en droit français, a force exécutoire, ce qui n'est pas le cas ici.

Mme Harel: Mais est-ce que je dois comprendre que le droit français prévoit, contrairement au droit québécois, des transactions qui soient exécutoires?

M. Pineau: Pour que la transaction puisse produire ses effets, il faut qu'elle soit exécutoire, il faut qu'elle puisse être exécutée, sinon elle est inefficace.

Mme Harel: Oui, mais ici, ça signifie transaction exécutoire. "Déclarées exécutoires au Québec aux mêmes conditions que les décisions judiciaires", ça signifie qu'on ne peut pas en débattre devant une instance judiciaire.

M. Pineau: Exact.

Mme Harel: Bon. Ici, au Québec, notre droit ne prévoit pas cela.

M. Pineau: Lorsque...

Mme Harel: Oui, mais tout peut être porté à l'examen d'un tribunal.

M. Pineau: Non, une transaction... Mme Harel: Non, c'est vrai.

M. Pineau: Un contrat de transaction, précisément, est un contrat par lequel les parties décident, règlent leur litige et décident de ne pas se soumettre effectivement aux tribunaux. Cette transaction a autorité semblable à celle

d'un jugement. Mais lorsqu'il s'agira, en droit québécois, de faire exécuter cette transaction, pour que cette transaction puisse être exécutée, il faudra, de façon forcée, l'homologation du tribunal.

Mme Harel: Tandis qu'avec 3140 l'homologation n'est pas nécessaire.

M. Pineau: Mais si la loi étrangère à laquelle s'applique la transaction n'exige pas l'homologation, elle n'aura pas besoin d'être homologuée. Dès lors que la transaction est exécutoire, selon les règles du droit étranger, les tribunaux québécois reconnaîtront la force exécutoire de cette transaction. Oui, c'est ça.

Mme Harel: Est-ce que c'est de droit nouveau?

M. Pineau: Tout est droit nouveau, M. le Président.

M. Rémillard: Quoique les principes se retrouvent...

M. Pineau: Mais les principes sont reconnus par la Convention de La Haye de 1971. Ce n'est que la codification de dispositions qui sont admises dans ce contexte-là, dans ce cadre-là par la Convention de La Haye de 1971.

Le Président (M. Lafrance): Je remercie Me Pineau. S'il n'y a pas d'autres commentaires touchant ces articles, le nouvel intitulé au titre quatrième de ce livre dixième est donc adopté tel que proposé. L'article 3133 est donc adopté tel qu'amendé. Les articles 3134 et 3135 sont donc adoptés tels quels. L'article 3136 est adopté avec l'amendement verbal en changeant, en première ligne, le verbe "borne" par "limite". L'article est donc adopté tel qu'amendé. Les articles 3137, 3138 et 3139 sont adoptés tels quels. Le nouvel article 3139.1 est donc adopté tel que proposé et l'article 3140 est adopté tel quel.

Nous en arrivons au chapitre deuxième, qui touche la compétence des autorités étrangères et qui regroupe les articles 3141 à 3144. Le texte d'introduction se lit comme suit.

De la compétence des autorités étrangères

Le chapitre deuxième énonce les règles relatives à la compétence des autorités étrangères. En l'absence de dispositions législatives spécifiques sur cette question, la jurisprudence s'est inspirée des articles 68 et suivants du Code de procédure civile. Ces articles, destinés à déterminer la compétence des tribunaux du Québec dans les situations de droit interne, ne sont pas toujours bien adaptés pour régir les situations comportant un élément d'extranéité. C'est pourquoi le titre troisième a établi de nouvelles règles de compétence des autorités du Québec conçues spécifiquement pour régir ces situations. Bien qu'on puisse généralement les reprendre pour juger de la compétence des autorités étrangères, et c'est ce qu'énonce l'article 3141, il y a également lieu de tenir compte de certains autres critères de compétence fréquemment utilisés dans les États étrangers, telle la nationalité. C'est pourquoi les articles 3142 et suivants ont été ajoutés.

J'appelle maintenant les articles 3141 et 3142 qui traitent des dispositions générales.

M. Rémillard: Oui, M. le Président, nous avons trois amendements. Dans l'intitulé du chapitre deuxième du titre quatrième du livre X, les mots "judiciaires et administratives" sont supprimés et les mots "Section I" et "Dispositions générales" qui précèdent l'article 3141 sont supprimés.

M. le Président, l'amendement proposé vise à couvrir toutes les décisions rendues par des autorités étrangères, quel que soit leur nom ou leur caractère, et à alléger la structure du chapitre deuxième du titre quatrième.

M. le Président, dans l'article 3141 : 1° au début de l'article, les mots "En l'absence de disposition particulière," sont supprimés et le mot "la" qui suit est remplacé par le mot "La"; 2° à la deuxième ligne, les mots "judiciaires ou administratives" sont supprimés; 3° à la fin, les mots "compte tenu des adaptations nécessaires" sont remplacés par les mots "si ces règles n'attribuent pas de compétence exclusive aux autorités québécoises et si le litige se rattache d'une manière caractéristique à l'État dont l'autorité a été saisie".

M. le Président, l'amendement proposé ajoute deux conditions à l'admission par les autorités du Québec de la compétence des autorités étrangères: d'une part, que les règles du titre troisième n'attribuent pas aux autorités du Québec une compétence exclusive et, d'autre part, que le litige se rattache d'une manière caractéristique à l'État dont l'autorité a été saisie. L'amendement proposé vise ainsi à permettre aux autorités du Québec de mieux contrôler la compétence des autorités étrangères et établit également une concordance avec l'amendement proposé à l'intitulé du titre quatrième du livre X, lequel vise à couvrir toutes les décisions rendues par les autorités étrangères, quel que soit leur nom ou leur caractère. En raison de cet amendement, l'article 3141 se lirait comme suit: "La compétence des autorités étrangères est établie suivant les règles de compétence applicables aux autorités québécoises en vertu du titre troisième du présent livre, si ces règles n'attribuent pas de compétence exclusive aux autorités québécoises et si le litige se rattache d'une manière caractéristique à l'État dont l'autorité a été saisie."

Dans l'article 3142, les mots "À la demande du défendeur," sont supprimés et le mot "la" qui suit est remplacé par le mot "La".

M. le Président, l'amendement proposé vise à permettre aux autorités du Québec de contrôler d'office la compétence des autorités étrangères. En raison de cet amendement, l'article 3142 se lirait comme suit: "La compétence des autorités étrangères n'est pas reconnue par les autorités québécoises dans les cas suivants: "1° Lorsque, en raison de la matière ou d'une convention entre les parties, le droit du Québec attribue à ses autorités une compétence exclusive pour connaître de l'action qui a donné lieu à la décision étrangère; "2" Lorsque le droit du Québec admet, en raison de la matière ou d'une convention entre les parties, la compétence exclusive d'une autre autorité étrangère; "3° Lorsque le droit du Québec reconnaît une convention par laquelle la compétence exclusive a été attribuée à un arbitre."

Mme Harel: Je ne sais pas, M. le Président, si la formulation du commentaire à 3141 est bien heureuse, celle qui dit que l'amendement proposé vise ainsi à permettre aux autorités du Québec de mieux contrôler la compétence des autorités étrangères. Est-ce que c'est de contrôle dont il est question ou s'il permet d'apprécier ou... J'ai l'impression que c'est plus "apprécier" que "contrôler".

Concernant l'amendement proposé à l'article 3141 à l'effet d'ajouter: "si ces règles n'attribuent pas de compétence exclusive aux autorités québécoises et si le litige se rattache d'une manière caractéristique à l'État dont l'autorité a été saisie*, quel problème cet amendement veut-il régler?

M. Pineau: L'article 3141 réserve le cas où les règles n'attribuent pas de compétence exclusive aux autorités québécoises. Si vous permettez, je relis le texte de 3141: "La compétence des autorités étrangères est établie suivant les règles de compétence applicables aux autorités québécoises en vertu du titre troisième du présent livre, si ces règles n'attribuent pas de compétence exclusive aux autorités québécoises". Donc, si ces règles attribuent une compétence exclusive aux autorités québécoises, comme nous l'avons vu, tout à l'heure, dans le cas des matières premières qui peuvent causer un préjudice, la compétence des autorités étrangères est établie suivant les règles de compétence telles qu'elles sont applicables aux autorités québécoises. Là encore...

Mme Harel: Oui, d'accord.

Le Président (M. Lafrance): Oui. Est-ce que vous avez terminé, Me Pineau?

M. Pineau: Oui.

Le Président (M. Lafrance): Alors, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: M. le Président, à 3141, on pouvait déjà lire: "En l'absence de disposition particulière, la compétence des autorités judiciaires ou administratives étrangères est établie suivant les règles de compétence applicables aux autorités québécoises en vertu du titre troisième du présent livre, compte tenu des adaptations nécessaires." Là, par l'amendement, vous ajoutez: "si ces règles n'attribuent pas de compétence exclusive aux autorités québécoises et si le litige se rattache d'une manière caractéristique à l'État dont l'autorité a été saisie".

Alors, concernant ces deux conditions qui sont ajoutées, quels sont les problèmes, quel est le genre de problèmes que cet amendement-là veut régler, résoudre? Il y a certains autres articles qui ont déjà été suspendus dans le livre du droit international privé. Etant donné que les échanges n'ont pas pu avoir lieu sur ces articles-là, est-ce qu'il ne serait pas souhaitable que nous puissions suggérer que, sur les articles qui suivent, soit 3141 à 3144, nous puissions suspendre pour un examen plus attentif? À l'article 3144, il y a la question de la nationalité.

M. Rémillard: Nous en sommes aux quatre derniers articles. Évidemment, ça perd de sa saveur parce que nous avons la preuve. On peut peut-être, si vous permettez, si on devait suspendre ces articles, déposer les projets de modification.

Mme Harel: Oui.

Le Président (M. Lafrance): Oui. C'est ce que j'allais peut-être proposer.

Mme Harel: Oui d'accord.

Le Président (M. Lafrance): J'aimerais donc appeler les articles 3143 et 3144.

Mme Harel: Vous déposeriez les amendements, à ce moment-là.

M. Rémillard: Je peux vous lire les amendements...

Le Président (M. Lafrance): Oui. M. Rémillard: ...si vous voulez.

Le Président (M. Lafrance): J'ai appelé les articles 3143 et 3144. J'assume, si on a enlevé le titre "Section I"... On vous écoute, M. le ministre.

M. Rémillard: Alors, M. le Président, les

mots "Section II" et "Des actions personnelles à caractère extrapatrimonial"...

Le Président (M. Laîrance): Sont supprimés, hein?

M. Rémillard: ...qui précèdent l'article 3143...

Le Président (M. Lafrance): O.K.

M. Rémillard: ...sont supprimés. L'amendement proposé vise à alléger la structure du chapitre deuxième du titre quatrième.

M. le Président, l'autre amendement fait en sorte qu'on ne pourra plus dire qu'il y a 3144 articles puisqu'on ajoute un autre article. L'article 3145 suivant est ajouté à l'article 3144: "3145. "Dans les actions personnelles à caractère patrimonial, la compétence des autorités étrangères n'est reconnue que dans les cas suivants: "1° Le défendeur était domicile dans l'État où la décision a été rendue; "2° Le défendeur avait un établissement de l'État où la décision a été rendue et la contestation est relative à son activité dans cet État; "3° Un préjudice a été subi dans l'État où la décision a été rendue et il résulte d'une faute qui y a été commise ou d'un fait dommageable qui s'y est produit; "4° Les obligations découlant d'un contrat devaient y être exécutées; "5° Les parties leur ont soumis les litiges nés ou à naître entre elles à l'occasion d'un rapport de droit déterminé; cependant, la renonciation du consommateur ou du travailleur à la compétence de l'autorité de son domicile ne peut lui être imposée; "6° Le défendeur a reconnu leur compétence."

M. le Président, les amendements proposés visent à restreindre les chefs de compétence établis par les articles 3126 à 3128, applicables aux autorités étrangères par le biais de l'article 3141, de manière à assurer un meilleur contrôle des décisions étrangères. En raison de ces amendements, l'article 3145 se lirait comme suit: "Dans les actions personnelles à caractère patrimonial, la compétence des autorités étrangères n'est reconnue que dans les cas suivants: "1° Le défendeur était domicilié dans l'État où la décision a été rendue; "2° Le défendeur avait un établissement dans l'État où la décision a été rendue et la contestation est relative à son activité dans cet État; "3° Un préjudice a été subi dans l'État où la décision a été rendue et il résulte d'une faute qui a été commise ou d'un fait dommageable qui s'y est produit; "4° Les obligations découlant d'un contrat devaient y être exécutées; "5° les parties leur ont soumis les litiges nés ou à naître entre elles à l'occasion d'un rapport de droit déterminé; cependant, la renonciation d'un consommateur ou du travailleur à la compétence de l'autorité de son domicile ne peut lui être opposée; "6° Le défendeur a reconnu leur compétence."

Alors, voilà, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre.

M. Rémillard: Est-ce que, là-dessus, M. le Président, je peux suggérer que nous suspendions pour raison de santé?

Mme Harel: Ha, ha, ha! Oui.

Le Président (M. Lafrance): Oui. Vous recommandez aussi de suspendre les articles, si j'ai bien compris.

M. Rémillard: C'est ça.

Le Président (M. Lafrance): J'aimerais quand même adopter, si vous le permettez, le nouvel intitulé au chapitre. J'aimerais également adopter les amendements qui suppriment les deux intitulés aux sections I et II. Nous laissons donc en suspens 3141 et 3142 tels qu'amendés. Les articles 3143 et 3144 sont laissés en suspens tels quels et le nouvel article 3145 est aussi laissé en suspens. Sur ce, j'aimerais suspendre pour 10 minutes.

Mme Harel: Les dispositions finales, on n'en fera pas l'examen immédiatement, dois-je comprendre?

M. Rémillard: Nous allons les suspendre aussi. On va attendre que tout soit terminé et on pourra revenir.

Le Président (M. Lafrance): Oui. Je pense qu'il serait mieux, avec le nombre d'articles laissés en suspens, de traiter ces dispositions finales là...

Mme Harel: J'ai un quasi-mandat à... Le Président (M. Lafrance): ...à la fin.

Mme Harel: ...faire valoir au ministre de la part des chambres professionnelles, à l'effet, que la date d'entrée en vigueur doit laisser le temps suffisant pour remettre en opération toute cette réforme. C'est un minimum de 24 mois qui semblerait requis.

M. Rémillard: On peut en discuter.

Le Président (M. Lafrance): Alors, j'aimerais

donc, étant donné qu'on a mentionné ceci, suspendre ces dispositions finales et, pour la seconde fois, suspendre la séance de travail pour 10 minutes. Merci.

(Suspension de la séance à 22 h 21)

(Reprise à 22 h 40)

Le Président (M. Lafrance): Je vous demanderais de bien vouloir prendre place. Nous allons reprendre nos travaux en nous référant au livre septième, celui de la preuve que nous avions laissé en suspens. Permettez-moi de vous lire le texte d'introduction à ce livre septième de la preuve qui regroupe les articles 2790 à 2858.

De la preuve

Le livre septième du Code civil du Québec énonce, comme le Code civil actuel, les principaux éléments de notre régime de preuve, les règles relatives à la force probante des moyens de preuve et, enfin, celles qui concernent la recevabilité des éléments et des moyens de preuve. Ces règles, simplifiées ou clarifiées, sont cependant présentées différemment et s'y ajoutent de nouveaux éléments puisés dans la jurisprudence, dans la doctrine et dans le projet de Code de la preuve de la Commission de réforme du droit au Canada - Code de la preuve - et dans celui de la Conférence d'uniformisation des lois au Canada - lois d'uniformisation de la preuve. Ces nouveaux éléments sont rendus nécessaires en raison du développement de nouvelles techniques de reproduction et de conservation de documents.

La principale modification au titre des dispositions générales consiste dans la codification des règles actuellement reconnues en matière de connaissance d'office. Concernant le titre des moyens de preuve, le projet de réforme innove principalement par l'établissement de principes de base relatifs aux inscriptions informatisées, par l'intégration des principales règles contenues dans la Loi sur la preuve photographique de documents - Lois refondues du Québec, chapitre P-22 - et sa généralisation à toute personne morale et, enfin, par l'ajout d'un cinquième moyen de preuve: la présentation d'un élément matériel de preuve.

Quant au dernier titre, aux règles actuelles de recevabilité s'ajoute principalement la codification des règles relatives aux déclarations antérieures, au ouï-dire et à la façon de mettre telles déclarations en preuve.

Le titre premier maintenant traite du régime général de la preuve et regroupe les articles 2790 à 2797. Le texte d'introduction de ce titre premier est le suivant.

Du régime général de la preuve

Les dispositions générales du droit de la preuve du Code civil actuel sont, d'une part, incomplètes et, d'autre part, concernent spécifiquement soit le titre des moyens de preuve, soit celui de la recevabilité. Pour faciliter l'application des règles de preuve et pour accélérer la découverte de la vérité tout en préservant la sécurité juridique des parties, il est important de clairement circonscrire, dès le début de ce livre, certains éléments essentiels à l'ensemble du régime de la preuve.

À cet égard, le projet de réforme, s'ins-pirant largement de la proposition de l'Office de révision du Code civil, précise ou codifie, selon le cas, les principes fondamentaux relatifs au fardeau, à la qualité ou à l'objet de la preuve et intègre les règles relatives à la connaissance d'office qui sont généralement reconnues en droit actuel.

Le chapitre premier maintenant traite des dispositions générales et regroupe les articles 2790 à 2792. Le texte d'introduction à ce chapitre premier est le suivant.

Dispositions générales

Ce chapitre maintient les règles du droit actuel relatives à l'objet, au fardeau et à la qualité de la preuve. Il ajoute cependant que la règle de prépondérance de la preuve peut souffrir exception si la loi le prévoit pour couvrir certaines matières, tel l'outrage au tribunal. Certaines dispositions générales du Code civil du Bas-Canada ont été intégrées au titre pertinent, telle la règle de la meilleure preuve introduite au titre de la recevabilité.

J'appelle maintenant les articles contenus à ce chapitre premier, soit les articles 2790, 2791 et 2792.

M. Rémillard: M. le Président, nous avons un amendement. L'article 2790 est modifié par le remplacement: 1° dans la première ligne du deuxième alinéa, des mots "oppose à un droit invoqué qu'il" par les mots "prétend qu'un droit"; 2° dans la deuxième ligne du deuxième alinéa, du mot "contestation" par le mot "prétention".

M. le Président, ce sont des modifications de nature purement informelle. En raison de cet amendement, l'article 2790 se lirait comme suit: "Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention. "Celui qui prétend qu'un droit est nul, a été modifié ou est éteint doit prouver les faits sur lesquels sa prétention est fondée."

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Est-ce qu'il y a des commentaires touchant ces trois articles, dont 2790 tel qu'a-

mendé, 2791 et 2792? Oui, Me Masse.

M. Masse (Claude): M. le Président, le commentaire que vous venez de lire référait aux règles sur l'outrage au tribunal. Je me demande si ce commentaire de la page 3 est toujours d'actualité, vu le libellé des trois articles qu'on a à examiner actuellement.

M. Rémillard: M. le Président, de fait, il n'y a rien de changé au fond. Ce ne sont que des changements très formels, même purement formels. Alors, par conséquent, je ne vois pas de raison de changer le texte introductif.

M. Masse: Mais le texte introductif dit: "II ajoute cependant que la règle de prépondérance de la preuve peut souffrir exception si la loi le prévoit pour couvrir certaines matières, tel l'outrage au tribunal."

Je dois vous avouer que je lis peut-être mal, mais je ne vois pas, je cherche les références à l'outrage au tribunal dans ces trois dispositions et je ne les trouve pas.

M. Rémillard: C'est simplement un exemple. Ce n'est pas une référence comme telle. Mais je me demande si... parce qu'on a à 2791 l'exception "à moins que la loi n'exige une preuve plus convaincante". Alors, on a donc un exemple qu'on donne ici, mais ce n'est pas une référence à un concept que vous retrouvez dans le Code. Vous le trouvez ailleurs, remarquez, mais c'est pour faire la relation; ça permet, dans le commentaire, de faire la relation avec l'outrage au tribunal comme exemple. Je pense que l'exemple était particulièrement éloquent.

M. Masse: Ça va.

Le Président (M. Lafrance): Merci. Alors, l'article 2790 est donc adopté tel qu'amendé et les articles 2791 et 2792 sont adoptés tels quels.

Nous en arrivons maintenant au chapitre deuxième. Permettez-moi de vous lire le texte d'introduction à ce chapitre deuxième qui traite de la connaissance d'office et qui regroupe les articles 2793 à 2797.

De la connaissance d'office

La réforme propose à ce chapitre un ensemble de règles relatives à la connaissance d'office du droit interne et étranger et de faits notoires. Les tribunaux appliquent sensiblement et généralement des règles semblables, sauf qu'elles ne sont pas codifiées; il existe, d'ailleurs, une confusion certaine quant à la qualification du droit des autres provinces. La codification de règles précises quant aux faits et aux droits devrait dissiper cette confusion et permettre, en ce qui concerne le droit des autres provinces du Canada, d'uniformiser nos règles avec celles qui sont appliquées par la Cour suprême du Canada. La Cour suprême, en effet, connaît d'office le droit de chacune des provinces, pourvu qu'il ait été allégué, contrairement à nos tribunaux qui ne connaissent actuellement d'office que les lois en vigueur au Québec.

Outre la simplification et la clarification apportées au droit actuel, le projet de réforme modifie celui-là principalement en substituant le concept de droit à celui de loi pour couvrir, entre autres, les règles jurisprudentielles et le droit coutumier, et en supprimant l'exigence systématique de la preuve du droit étranger. Ces deux modifications sont conformes à la proposition de l'Office de révision du Code civil.

J'appelle donc les articles contenus à ce chapitre deuxième, soit les articles 2793 à 2797.

M. Rémillard: Nous avons deux amendements. L'article 2794 est modifié par le remplacement du deuxième alinéa par le suivant: "Doivent cependant être allégués les textes d'application des lois en vigueur au Québec, qui ne sont pas publiés à la Gazette officielle du Québec ou d'une autre manière prévue par la loi, les traités et accords internationaux s'appliquant au Québec qui ne sont pas intégrés dans un texte de loi, ainsi que le droit international coutumier."

M. le Président, l'ajout des accords internationaux s'appliquant au Québec, mais non intégrés dans un texte de loi, a pour but d'éviter que le tribunal doive prendre connaissance d'office de ces sources de droit, généralement moins connues, sans qu'elles aient été alléguées; les autres précisions apportées visent à éviter qu'on ait à alléguer des textes d'application des lois publiées selon un autre mode prévu par la loi et des traités et accords intégrés dans une loi particulière. En raison de cet amendement, l'article 2794 se lirait comme suit: "Le tribunal doit prendre connaissance d'office du droit en vigueur au Québec. "Doivent cependant être allégués les textes d'application des lois en vigueur au Québec, qui ne sont pas publiés à la Gazette officielle du Québec ou d'une autre manière prévue par la loi, les traités et accords internationaux s'appliquant au Québec qui ne sont pas intégrés dans un texte de loi, ainsi que le droit international coutumier."

M. le Président, l'article 2796 est modifié par le remplacement, au premier alinéa, par les mots "II peut néammoins demander que la preuve en soit faite" par les mots "II peut aussi demander que la preuve en soit faite, laquelle peut être faite, entre autres, par le témoignage d'un expert ou par la production d'un certificat établi par un jurisconsulte".

M. le Président, en droit actuel, la preuve du droit étranger se fait généralement par témoignage d'expert. La modification consacre cette pratique, mais codifie également la possibilité de procéder par dépôt d'un certificat

établi par un jurisconsulte, donc par une personne apte à fournir un avis sur le droit étranger et à laquelle on reconnaît une certaine autorité, afin de faciliter et de simplifier la preuve du droit étranger. Cette modification n'exclut aucunement l'utilisation d'autres procédés de preuve. En raison de cet amendement, l'article 2796 se lirait comme suit: "Le tribunal peut prendre connaissance d'office du droit des autres provinces ou territoires du Canada et du droit d'un État étranger, pourvu qu'il ait été allégué. Il peut aussi demander que la preuve en soit faite, laquelle peut être faite, entre autres, par le témoignage d'un expert ou par la production d'un certificat établi par un jurisconsulte. "Lorsque ce droit n'a pas été allégué ou que sa teneur n'a pas été établie, il applique le droit en vigueur au Québec."

Le Président (M. Lafrance): Alors, merci, M. le ministre. Alors, est-ce qu'il y aurait des commentaires touchant donc ces articles 2793 à 2797 inclusivement? Oui, Me Masse.

M. Masse: M. le Président, sur l'article 2796, il apparaissait utile de préciser quel est le type de jurisconsulte dont il est question, ce terme-là pouvant avoir plusieurs sens, de simple notoriété ou de fonction particulière. Alors, je pense qu'il est important de souligner qu'au sens du commentaire un jurisconsulte, c'est une personne apte à fournir un avis sur le droit étranger et à laquelle on reconnaît une certaine notoriété. Donc, ce n'est pas nécessairement tout juriste, quel qu'il soit, étranger ou toute personne de loi. C'est une personne qui a une notoriété particulière.

Le Président (M. Lafrance): Merci pour ces précisions. Est-ce que vous désirez apporter un commentaire supplémentaire, M. le ministre?

M. Rémillard: Ça va.

Le Président (M. Lafrance): Ça va? Oui, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: Alors, M. le Président, je comprends qu'il s'agit d'une codification du droit actuel, en bonne part, dans ce chapitre deuxième. Est-ce le cas? Par exemple, à l'article 2793, on lit ceci: "II s'agit de la codification d'un principe dont l'existence est admise unanimement dans notre droit." Par ailleurs, on ajoute: "Ce principe se retrouve à la fois dans le projet de l'Office et dans les projets canadiens de réforme." Alors, si ça fait l'objet encore de projets, est-ce à dire que ça n'était pas, en fait, encore matière à application?

M. Rémillard: Si je comprends bien, c'est déjà dans notre droit, alors ça devient un appui additionnel à ce que nous avons déjà.

Mme Harel: Tandis qu'à l'article 2794 seule la première partie codifie une règle du droit actuel. C'est bien le cas? Tandis que. dans la deuxième partie, à 2794 - c'est le même tel qu'amendé - il s'agit de droit nouveau.

M. Rémillard: Attendez. Il y a peut-être des nuances. Si vous me permettez, je vais demander à Mme Longtin de nous donner des explications.

Le Président (M. Lafrance): Oui, merci, M. le ministre. Me Longtin.

Mme Longtin (Marie-José): Oui, M. le Président, c'est qu'il est difficile de trancher exactement où est le nouveau dans ce domaine de la connaissance d'office. Ce sont des règles qui sont connues en droit actuel, qu'on retrouve dans la doctrine, qu'on retrouve, de façon habituelle, dans la jurisprudence, mais qui n'ont pas toujours fait l'objet de codification ou de règles précises dans les textes législatifs. À cet égard-là, ce sont des dispositions qu'on peut dire nouvelles. Mais, par ailleurs, ce sont évidemment des dispositions qui sont appuyées sur une tradition assez certaine...

Mme Harel: Si vous permettez, M. le Président, j'aimerais qu'on puisse nous préciser quels sont ces textes d'application qui ne sont... c'est-à-dire quels sont ces textes, qui doivent être d'application, qui doivent être allégués, donc des textes d'application des lois en vigueur au Québec, qui ne sont pas publiés à la Gazette officielle du Québec ou d'une autre manière prévue par la loi, donc qui ne font pas l'objet d'une publication, ou par les traités, ou par les accords internationaux s'appliquant au Québec, et/ou les traités, plutôt, et accords internationaux qui ne sont pas intégrés dans un texte de loi, ainsi que le droit international coutumier. Alors, à quels textes d'application de loi fait-on référence?

M. Rémillard: Oui, il y a peut-être un cas: la décision d'un ministre qui, de par la loi, peut prendre une décision qui a valeur législative. Dans certains cas, par exemple, ça se peut. En fait, il y a des ministres aussi qui, par voie réglementaire... Donc, ça peut être ce genre, certainement, de documents de référence.

Mme Harel: Mais si c'est une décision ministérielle par voie réglementaire, elle doit être publiée dans la Gazette.

M. Rémillard: Pas nécessairement une décision... Si elle est réglementaire formelle, mais vous avez des décisions d'un ministre qui ne sont pas nécessairement des décisions, un règlement formel et qui équivalent à du quasiju-

diciaire très souvent, par exemple. Je vais demander à Me Longtin...

Mme Harel: Un seul exemple. M. Rémillard: ...de compléter.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Me Longtin.

M. Rémillard: On me souligne, entre autres, M. le Président, avant de demander à Mme Longtin de compléter, que la Loi sur les caisses d'entraide donnait des pouvoirs au ministre des Institutions financières, comme, par exemple, pour élargir des délais, des choses comme ça. Alors, c'est peut-être une référence, mais je vais demander à Me Longtin de compléter.

Mme Longtin: Oui. M. le Président, je pense qu'on pourrait aussi, sans doute, trouver... En fait, les textes d'application des lois en vigueur au Québec qui ne sont pas publiés, ça pourrait être des textes qui ne sont pas en soi visés par la Loi sur les règlements et qui ne sont pas obligés d'être publiés en vertu de cette loi-là. On peut aussi, sans doute, considérer certaines directives, certains textes aussi dans certaines lois, là où on prévoit que le ministre peut, par exemple, désigner telle chose et où on n'oblige pas à la publication. Il y a aussi, évidemment, tout le domaine municipal, où il y a des textes d'application de lois en vigueur au Québec mais qui ne sont pas publiés dans la Gazette officielle et qui peuvent ne pas tous être publiés non plus.

Alors, en fin de compte, la base de la règle, c'est toujours de dire: Ce qui ne peut pas être accessible dans un document officiel, comme la Gazette officielle du Québec ou les lois, doit être allégué parce qu'on n'est pas tenu d'en prendre connaissance. C'est un développement quand même de la règle qu'on connaît actuellement dans le droit actuel, où l'article 10 du Code actuel dit que chacun est tenu de prendre connaissance des actes publics, alors que les actes privés doivent être plaides. Alors, dans la mesure où ils ne sont pas portés officiellement à la connaissance du public dans des textes officiels, ils doivent être allégués. (23 heures)

Mme Harel: À 2796, l'amendement qui est apporté prévoit que la preuve puisse être faite, entre autres, par le témoignage d'un expert ou par la production d'un certificat établi par un jurisconsulte. Encore là, je crois comprendre que ça vient simplifier ou clarifier le droit actuel. Ce n'est pas du droit nouveau, ça, 2796?

M. Rémillard: En fait, il y a une partie de 2796 qui est du droit nouveau. À la demande de la Chambre des notaires, nous avons donc ajouté ce qui regarde le jurisconsulte. Donc, lorsqu'il s'agit d'un certificat établi par un jurisconsulte, ça a été ajouté à la demande de la Chambre des notaires. C'est du droit nouveau, ça ne se retrouve pas dans la loi actuelle.

Mme Harel: Le commentaire qu'on retrouve à 2796 indique, au deuxième paragraphe: "Pour résoudre ce conflit entre le droit québécois actuel et la pratique de la Cour suprême et pour éviter que les plaideurs québécois soient pris par surprise, la présente disposition codifie cette position de la Cour suprême en l'étendant au droit étranger. Le tribunal pourra toutefois, dans tous les cas, exiger la preuve du droit des autres provinces et du droit étranger s'il considère qu'il n'a pas les moyens d'information nécessaires pour en prendre connaissance d'office." Mais, à défaut d'exiger cette preuve, il faut donc comprendre que le principe, ce sera que le tribunal puisse prendre connaissance d'office du droit des autres provinces ou territoires du Canada et du droit d'un État étranger, pourvu qu'il ait été allégué. C'est bien ça?

M. Rémillard: C'est comme ça que je le comprends, mais je vais demander à Me Longtin si c'est bien ça.

Le Président (M. Lafrance): Me Longtin.

Mme Longtin: En fait, M. le Président, effectivement, c'est bien ça. Donc, les parties doivent alléguer.

M. Rémillard: Alors, c'est donc ça.

Mme Harel: Dans la note additionnelle au commentaire, on dit que "l'Office proposait sensiblement les mêmes règles, sauf qu'elle imposait au tribunal l'obligation de prendre connaissance d'office du droit des autres provinces lorsqu'il est allégué." Alors, il faut donc comprendre que, plutôt que de pouvoir prendre connaissance, l'Office proposait que le tribunal devait? C'est ça qu'il faut comprendre? L'Office proposait que le tribunal devait prendre con-naisance d'office plutôt que "pouvait", comme on le retrouve actuellement à 2796?

M. Rémillard: Me Longtin va apporter des commentaires, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Me Longtin.

Mme Longtin: Effectivement, M. le Président, le rapport de l'Office de révision du Code civil distinguait entre les provinces ou territoires du Canada et les autres États de façon à obliger le tribunal à prendre connaissance d'office du droit des autres provinces, mais en précisant, à un autre article, qu'il n'était pas tenu de prendre connaissance d'office du droit d'un État étranger. Le projet ne fait pas de distinction dans ce

sens-là entre le droit étranger et le droit d'une autre province puisque, en matière de droit international privé, comme on a pu le constater, en fait, qu'on soit au niveau interprovincial, interétatique, c'est toujours, même en État fédéral, un autre État, du moment que le droit privé est différent. Compte tenu également que le droit des autres provinces repose sur la "common law", qui est quand même un système différent du nôtre, on a pensé qu'il valait mieux uniformiser les deux règles.

Le Président (M. Lafrance): Oui, Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Oui, M. le Président, sur le même article 2796, bien que je pense que Me Longtin vient de me donner une partie de la réponse. Je m'interrogeais justement à l'effet que, dans le DIP, on parlait de décisions rendues hors du Québec ou on parlait d'un autre État ou d'un État étranger, on ne précisait pas "des autres provinces ou territoires du Canada". Et je me demandais pourquoi on avait jugé bon, à l'article 2796, d'utiliser ce terme plutôt que de parler d'office du droit hors du Québec ou d'un autre État.

Mme Harel: II n'y a pas une uniformisation du vocabulaire.

M. Rémillard: Les situations sont peut-être un peu différentes. D'abord, en droit international privé, on était dans le droit nouveau et on appliquait les conventions internationales, surtout de La Haye de 1971, et on l'appliquait donc dans un concept de droit international. Ici, nous nous retrouvons devant des règles qui existent déjà, dans leur principe, dans notre droit et que nous appliquons en fonction d'un contexte canadien, ça fait référence au Canada. Alors, c'est comme ça qu'on se réfère aux autres provinces ou territoires du Canada.

Mme Harel: À 2797, M. le Président, je peux difficilement lire cet article sans penser, justement, à l'événement qui s'est produit cette semaine, la semaine passée plutôt, à Québec, lorsque le juge a décidé de transporter le tribunal à l'hôpital Hôtel-Dieu, je crois, pour y rencontrer cette jeune personne qui demande a ne pas subir d'acharnement thérapeuthique. Je crois comprendre que le Procureur général s'est fait représenter devant la cour.

M. Rémillard: Oui.

Mme Harel: Est-ce qu'il serait possible d'avoir copie de la plaidoirie?

M. Rémillard: Écoutez, c'est public. La plaidoirie s'est faite publiquement. Donc, je pourrai certainement m'informer.

Mme Harel: Peut-être nous en faire avoir copie au niveau de la commission.

M. Rémillard: Si ça a été plaidé par écrit, remarquez, je ne peux pas... Ce n'est pas nécessairement par écrit. Alors, je peux vérifier, si vous voulez.

Mme Harel: Oui. Certainement que votre représentant devait avoir des notes utiles à...

M. Rémillard: Écoutez, s'il y a quelque chose de formel... Sinon, on me dit que c'est la transcription des notes sténographiques.

Mme Harel: Oui, c'est ça, qui est très coûteuse. On ne peut pas, par exemple, se la procurer, nous. C'est extrêmement coûteux, c'est aussi coûteux que la transcription, par exemple, d'une émission de radio ou de télévision. C'est très rare qu'on puisse se procurer ce genre de transcription. On n'a pas les moyens ministériels. Je le constate, M. le Président, je ne le déplore pas. Les problèmes viennent avec les moyens.

M. Rémillard: Ayons les moyens de nos problèmes.

Le Président (M. Lafrance): Merci, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve. Donc, l'article 2793 est adopté tel quel, l'article 2794 est adopté tel qu'amendé, l'article 2795...

Mme Harel: M. le Président...

Le Président (M. Lafrance): Oui. Pardon, Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Je suis restée encore à l'article 2796. Tout en maintenant le contexte actuel, aurait-on pu biffer tout simplement le mot "autres" dans la deuxième ligne?

Le Président (M. Lafrance): De quel article? Mme Caron: 2796. Le Président (M. Lafrance): 2793? Mme Caron: 2796.

M. Rémillard: "Le tribunal peut prendre connaissance d'office du droit...

Le Président (M. Lafrance): 2796. O.K.

M. Rémillard: ...des autres provinces", se référant à nous comme province. Donc, on dit qu'on se réfère au droit des autres provinces.

Mme Caron: Si on parle "des provinces ou territoires du Canada"?

M. Rémillard: Oui, c'est parce qu'à ce moment-là ça veut dire les autres provinces et les territoires. Alors, nous sommes partie, comme province, du territoire du Canada.

Mme Caron: Ça éviterait peut-être à l'Institut d'avoir à faire des corrections pour cet article-là dans quelques mois.

Le Président (M. Lafrance): Donc, l'article 2795 est adopté tel quel, l'article 2796 est adopté tel qu'amendé et l'article 2797 est adopté tel quel.

Nous en sommes maintenant au titre deuxième qui traite des moyens de preuve, qui regroupe les articles 2798 à 2842 et dont le texte d'introduction à ce titre deuxième se lit comme suit.

Des moyens de preuve

Le projet de réforme apporte au titre actuel du droit de la preuve une modification importante dans la présentation des règles. Conformément à la proposition de l'Office de révision du Code civil, le texte proposé opère la division entre, d'une part, les règles relatives aux définitions, aux distinctions et à la force probante des moyens de preuve et, d'autre part, celles qui concernent la recevabilité des éléments et des moyens de preuve qui sont plus rattachées à l'administration de la preuve. Ainsi, les règles actuellement prévues dans la section de la preuve testimoniale se retrouvent presque toutes au titre III, De la recevabilité, alors qu'à l'inverse celles concernant l'écrit se retrouvent en général au titre II, Des moyens de preuve.

Quant au fond, le présent titre reprend les quatre moyens traditionnels de preuve: l'écrit, le témoignage, la présomption et l'aveu; un cinquième moyen est cependant introduit: la présentation d'un élément matériel de preuve. Cet ajout a son origine surtout dans les développements techniques audiovisuels et s'inspire d'une doctrine récente, de même que des projets canadiens concernant la preuve matérielle.

Outre ces modifications, la réforme innove à ce titre principalement au chapitre de l'écrit, où elle introduit des règles générales concernant la force probante des inscriptions informatisées et aussi les principes actuellement contenus dans la Loi sur la preuve photographique de documents - Lois refondues du Québec, chapitre P-22 - en matière de reproduction de documents de l'État et de personnes morales. Ces deux catégories de dispositions tirent également leur origine des développements techniques récents dans les domaines de l'informatique et de la reproduction de documents sur microfilm.

La proposition de l'Office de révision du Code civil, qui date déjà de plusieurs années, n'envisageait aucunement les nouvelles règles introduites au présent titre.

J'aimerais appeler l'article 2798 qui touche ce titre deuxième.

M. Kehoe: II y a une autre lecture.

M. Rémillard: M. le Président, vous avez une autre lecture, chapitre premier, De l'écrit.

Le Président (M. Lafrance): Oui, mais l'article est tout de suite après le titre.

M. Rémillard: Ah oui! Ah! Excusez-moi, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): Est-ce qu'on veut le présenter comme ça?

M. Rémillard: Oui, ça se veut comme ça.

Le Président (M. Lafrance): Alors, je lirai le texte du chapitre après l'article 2798, comme le propose le projet de loi. S'il n'y a pas d'amendement à cet article 2798, est-ce qu'il y aurait des commentaires?

Mme Harel: M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): Oui, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve. (23 h 15)

Mme Harel: M. le Président, je comprends donc qu'à l'article 2798 il y a un cinquième moyen de preuve qui est dorénavant introduit, soit la présentation d'un élément matériel de preuve. C'est donc là un ajout extrêmement important aux moyens de preuve déjà connus traditionnellement, comme l'écrit, l'aveu, la preuve testimoniale et... le témoignage, plutôt, l'écrit, les présomptions et l'aveu. J'aimerais, M. le Président, que nous puissions connaître toute la portée de toutes les conséquences qui vont découler de ce cinquième moyen de preuve qui, je le répète, s'ajoute aux procédés traditionnels que l'on connaît déjà en matière de preuve.

M. Rémillard: M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): M. le ministre.

M. Rémillard: Comme on le mentionnait dans la présentation du titre deuxième, cet ajout d'un nouveau moyen de preuve a surtout son origine dans les développements techniques audiovisuels et il faut dire que ça découle d'une doctrine récente et aussi de projets canadiens qui concernent la preuve matérielle. Avec l'évolution technique, technologique, nous en sommes donc arrivés à étaborer un cinquième élément de preuve et c'est comme ça que nous nous sommes retrouvés avec un chapitre cinquième, De la présentation d'un élément matériel. Il y aurait donc un chapitre spécial consacré à la présentation d'un élément matériel de preuve.

Mme Harel: Dans son mémoire, la Chambre des notaires se prononçait, en fait, de façon assez contraire à l'introduction de ce cinquième moyen de preuve, et je cite: "La Chambre des notaires est d'avis que le projet de Code civil vise à attribuer une importance démesurée et injustifiée à la preuve matérielle." Selon elle, "ce nouveau moyen de preuve ne mérite pas d'être traité sur un pied d'égalité avec la preuve écrite et la preuve testimoniale". Et là, suivent tout un ensemble de considérations pour étayer cette position de la Chambre des notaires.

M. Rémillard: On a regardé attentivement, évidemment, ces commentaires de la Chambre des notaires. Il faut évoluer avec la technologie et il faut comprendre aussi qu'avec... On a limité quand même la portée avec l'article 2852, si ma mémoire est bonne. C'est 2852. Or, à 2852.1, que nous allons apporter comme amendement, on dira, à ce moment-là, que la preuve par la présentation d'un élément matériel est admise conformément aux règles de recevabilité prévues pour prouver l'objet, le fait ou le lieu qu'il représente. Alors, à ce moment-là, je crois qu'on rencontre passablement les principales objections que la Chambre des notaires faisait valoir et on prend donc en considération, par le fait même, leurs commentaires.

Mme Harel: Est-ce que nous devons comprendre, par exemple, que la présentation d'un élément matériel couvre ou pourrait couvrir l'usage, par exemple, du détecteur de mensonge?

M. Rémillard: Évidemment, quand vous êtes en matière criminelle, c'est autre chose. Là, c'est en matière civile. Le détecteur de mensonge en matière civile, je ne l'ai pas vu utilisé encore. Remarquez, peut-être bien qu'on y arrivera, mais je ne connais pas d'utilisation du détecteur de mensonge dans ce domaine-là. Mais je voudrais mentionner que la Chambre des notaires aussi, dans un premier rapport, nous avait dit qu'elle ne voulait pas, sur cet élément matériel, alors dans le premier projet. Ensuite, ils nous ont dit: Bon, très bien; on comprend. On a discuté avec eux. On les a rencontrés. On a dit: Très bien, mais à la condition qu'il y ait la restriction de 2852.1 que nous apportons par un amendement.

Mme Harel: Dois-je comprendre que la présentation d'un élément matériel comme preuve va être recevable pour prouver un acte juridique de moins de 1000 $, par exemple? En vertu de l'article 2848, je crois que c'est seulement la preuve testimoniale qui était prohibée pour prouver un acte juridique dont la valeur excède 1000 $, c'est-à-dire devant la Cour des petites créances.

M. Rémillard: C'est le témoignage qui est donc couvert par l'article 2848. Mais peut-être que Mme Longtin pourrait ajouter des commentaires, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Me Longtin.

Mme Longtin: Oui, M. le Président. En fait, je pense qu'avec l'amendement dont on a parlé, qui doit être présenté au chapitre cinquième, on pourrait en arriver effectivement à avoir un témoignage par le biais, possiblement, d'une preuve matérielle. Je pense, par exemple, à un enregistrement où on aurait les deux voix qui concluraient une entente sur un contrat, possiblement, je vous le donne à titre très gratuit, si vous voulez.

Mme Harel: Vous nous dites donc qu'il pourrait y avoir un début de preuve, c'est ça? Ce ne serait plus un début de preuve par écrit-Une voix: Un commencement de preuve.

Mme Harel: Un commencement de preuve. Ça pourrait constituer un commencement de preuve. C'est ce qu'il faut comprendre? La présentation d'un élément matériel, un vidéo, par exemple.

Mme Longtin: L'article 2849, tel qu'il a été présenté et même s'il y a un amendement, fondamentalement, ça ne change pas. Dans la définition du commencement de preuve, on dit que le commencement peut résulter de la présentation d'un élément matériel lorsqu'un tel moyen rend vraisemblables les énonciations et, donc, il serait possible, par le biais d'une preuve matérielle, d'obtenir un commencement de preuve de l'existence d'un acte juridique.

Mme Harel: D'accord.

Le Président (M. Lafrance): Merci, Me Longtin. Alors, l'article 2798 est adopté tel quel. Nous en arrivons maintenant au chapitre premier qui traite de l'écrit et qui regroupe les articles 2799 à 2828. Le texte d'introduction à ce chapitre premier se lit comme suit.

De l'écrit

Ce chapitre maintient substantiellement le droit actuel concernant l'acte authentique et l'acte sous seing privé; cependant, des modifications importantes sont apportées tant à la section de l'acte semi-authentique qu'à celle concernant les écrits non signés. Enfin, de nouvelles règles sont prévues pour réglementer la preuve des inscriptions informatisées et de la reproduction de documents.

Concernant les actes semi-authentiques, le projet de réforme étend les effets de la semi-authenticité à tout acte émanant d'un officier

public étranger compétent, comme le suggérait l'Office de révision du Code civil, afin de faciliter la preuve des jugements et autres actes juridiques étrangers, tels les actes de l'état civil et les procurations sous seing privé certifiées.

Quant aux inscriptions informatisées, les règles actuelles du Code civil concernant la preuve documentaire ne permettent pas d'utiliser adéquatement les avantages qu'on peut tirer des systèmes informatiques comme instruments destinés à passer des actes juridiques et à conserver une preuve de ceux-ci. Il existe déjà, en matière commerciale et bancaire et dans le domaine de la consommation en particulier, un grand nombre d'actes juridiques dont les données sont directement enregistrées sur support informatique, sans que les parties soient en présence les unes des autres et sans qu'elles signent le document qui reproduit les données. Dans le but de profiter des avantages de ces nouvelles techniques tout en assurant la sécurité juridique des parties, la réforme établit une réglementation propre aux inscriptions informatisées.

Enfin, le projet de réforme intègre dans ce chapitre les règles relatives à la reproduction de documents contenus dans la Loi sur la preuve photographique de documents - Lois refondues du Québec, chapitre P-22 - et en étend la portée à toute personne morale de droit public et de droit privé. Cette modification a pour but de simplifier la conservation des preuves documentaires et de faciliter leur mise en preuve.

J'appelle l'article 2799 qui est contenu à la section I, Des copies de lois.

M. Rémillard: II n'y a pas d'amendement, M. le Président.

Mme Harel: Si je comprends bien, c'est le droit actuel, je dirais, bonifié ou peut-être, plus justement, déplacé de section. C'est essentiellement le droit actuel, n'est-ce pas?

M. Rémillard: Substantiellement.

Le Président (M. Lafrance): Alors, l'article 2799 est adopté tel quel. J'appelle maintenant les articles contenus à la section II qui traite des actes authentiques, soit les articles 2800 à 2808.

M. Rémillard: M. le Président, il y a trois amendements.

L'article 2801 du projet est modifié: 1° par le remplacement, dans le 1°, des mots "des parlements du Canada et" par les mots "du Parlement du Canada et du Parlement"; 2° par l'insertion, dans le 4°, après le mot "registres", des mots "et les documents officiels émanant".

La première modification est formelle; la seconde vient préciser la portée du 4° afin d'assurer que tous les documents actuellement considérés comme authentiques continueront de l'être. Le texte actuel du Code civil énumère en les distinguant: les registres, livres, règlements, archives, autres documents et papiers. En raison de cet amendement, l'article 2801 se lirait comme suit: "Sont authentiques, notamment les documents suivants, s'ils respectent les exigences de la loi: "1° Les documents officiels du Parlement du Canada et du Parlement du Québec; "2° Les documents officiels émanant du gouvernement du Canada ou du Québec, tels les lettres patentes, les décrets et les proclamations; "3° Les registres des tribunaux judiciaires ayant juridiction au Québec; "4° Les registres et les documents officiels émanant des municipalités et des autres personnes morales de droit public constituées par une loi du Québec; "5° Les registres d'un caractère public dont la loi requiert la tenue par des officiers publics; "6° L'acte notarié; "7° Le procès-verbal de bornage."

M. le Président, l'article 2803 est modifié par l'insertion, dans la cinquième ligne, après le mot "ou", des mots ", si elle a été versée ou déposée aux archives nationales,".

L'amendement vise à préciser que le Conservateur des archives nationales ne pourra jouer le rôle de l'officier public dépositaire que dans les cas où les documents auront été versés ou déposés auprès de lui. En raison de cet amendement, l'article 2803 se lirait comme suit: "Lorsque l'original d'un document, inscrit sur un registre dont la loi requiert la tenue et conservé par l'officier chargé du registre, est perdu ou est en fa possession de la partie adverse ou d'un tiers, sans la collusion de la partie qui l'invoque, la copie de ce document est aussi authentique, si elle est attestée par l'officier public qui en est le dépositaire ou, si elle a été versée ou déposée aux archives nationales, par le Conservateur des archives nationales du Québec."

M. le Président, l'article 2808 est modifié par le remplacement, au second alinéa, des mots "Elle n'est requise ni pour obtenir la rectification d'erreurs matérielles, ni" par les mots "Elle n'est pas requise".

L'expression "erreur matérielle" prête à confusion; elle peut couvrir une erreur de typographie reconnaissable à première vue dans le contexte du document, comme elle peut couvrir n'importe quel type d'erreur; toute falsification intellectuelle ou matérielle se manifeste par une erreur matérielle. À la limite, l'inscription de faux deviendrait inutilisée. En raison de cet amendement, l'article 2808 se lirait comme suit: "L'inscription de faux n'est nécessaire que pour contredire les énonciations dans l'acte authentique des faits que l'officier public avait mission de constater.

"Elle n'est pas requise pour contester la qualité de l'officier public et des témoins ou la signature de l'officier public."

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Est-ce qu'il y aurait des commentaires touchant ces articles 2800 à 2808? (23 h 30)

Mme Harel: À l'article 2800, il y a, au deuxième alinéa, une présomption d'authenticité. On y lit: "L'acte dont l'apparence matérielle respecte ces exigences est présumé authentique." Est-ce que c'est du droit nouveau, ça?

Le Président (M. Lafrance): Me Longtin.

Mme Longtin: C'est une proposition qui avait été présentée par l'Office de révision du Code civil et il semble qu'effectivement ce ne soit pas du moins indiqué comme tel dans le droit actuel. Donc, on peut le considérer comme du droit nouveau. Mais je pense que c'est un fait aussi qui va de lui-même. On pourrait presque dire que la chose parle d'elle-même, à ce moment-là.

Mme Harel: Dans le commentaire, on fait référence, à l'article 2800, au fait, et je cite la dernière phrase du commentaire; que "cette présomption simple peut être combattue sans qu'il soit nécessaire de s'inscrire en faux de la manière prescrite à l'article 2808". Avec l'amendement qui est apporté à l'article 2808 en vertu duquel "la rectification d'erreurs matérielles" est dorénavant biffée au deuxième alinéa de l'article 2808, est-ce qu'il faut comprendre qu'il y aura maintenant nécessité d'une inscription de faux pour contredire également les actes présumés authentiques?

Je comprends que l'amendement à l'article 2808 vient satisfaire une recommandation de la Chambre des notaires qui argumentait, avec exemple à l'appui, des difficultés que pouvait présenter le fait de pouvoir contester, c'est-à-dire le fait de pouvoir obtenir la rectification d'erreur matérielle, tel qu'énoncé au deuxième alinéa de l'article 2808, puisque cette notion d'erreurs matérielles, signalait la Chambre des notaires, est nouvelle. Alors, je dois donc comprendre que vous avez, par un amendement, biffé "la rectification d'erreurs matérielles" au deuxième alinéa de l'article 2808. Donc, le deuxième alinéa va se lire comme suit: "Elle n'est pas requise - en faisant référence à l'inscription de faux - pour contester la qualité de l'officier public et des témoins ou la signature de l'officier public." Donc, l'inscription de faux sera requise pour obtenir la rectification d'erreurs matérielles, c'est ce qu'il faut comprendre?

M. Rémillard: J'ai l'impression que ce n'est pas tout à fait ça. D'ailleurs, le commentaire, je pense, est assez explicite. Le problème, c'est que l'erreur matérielle, le concept d'erreur matérielle, l'expression, ça porte à confusion. Ça peut couvrir une erreur de typographie comme ça peut vouloir dire aussi n'importe quel type d'erreur. Alors, ça voudrait dire que toute falsification intellectuelle ou matérielle se manifeste par une erreur matérielle. Alors, le commentaire dit donc: À la limite, l'inscription de faux deviendrait inutilisée. Ce qui veut dire qu'à ce moment-là on fait la précision et l'amendement dit ceci: "Elle n'est pas requise pour contester la qualité de l'officier public et des témoins ou la signature de l'officier public."

Peut-être, Mme Longtin, avez-vous des commentaires?

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre.

Mme Harel: Donc, faut-il comprendre qu'elle est requise à ce moment-là pour obtenir la rectification d'erreurs matérielles?

Le Président (M. Lafrance): Me Longtin ou M. le ministre.

M. Rémillard: Je ne crois pas nécessairement, mais je vous avoue que j'aimerais mieux que ce soit Me Longtin qui nous fasse part de ses remarques sur une question technique comme celle-ci.

Mme Longtin: En fait, pour répondre à la dernière question. En biffant, à l'article 2808, "ni pour obtenir la rectification d'erreurs matérielles", on se trouvera à laisser, au fond, subsister l'interprétation que les tribunaux ont donnée dans le cadre de l'inscription de faux. C'est qu'ils ont accepté, dans des cas très restreints, la possibilité qu'une erreur matérielle puisse être contestée sans qu'on procède nécessairement par toute cette procédure très formelle, l'inscription de faux. Mais ce qu'on nous a reproché au fond - la Chambre des notaires - c'est qu'en le spécifiant dans le texte on permet une interprétation très large et libérale de la notion d'erreur matérielle qui pourrait donc amener à rendre inutilisée l'inscription de faux. Donc, en biffant, on laisse subsister la possibilité d'une interprétation jurisprudentielle qui, comme je vous le mentionnais, est dans des cas très, très manifestes d'erreur matérielle, où ils ont accepté de passer à côté de l'inscription de faux. Mais c'est rarissime.

Mme Harel: Si c'est rarissime, la règle générale, c'est qu'il faut passer par une inscription de faux.

Mme Longtin: C'est ça.

Mme Harel: Et dans des cas très, très restreints, le tribunal a jugé que ce n'était pas

requis pour obtenir la rectification. Et, donc, à l'article 2800, il va falloir changer le commentaire, j'imagine.

Mme Longtin: Pas vraiment... Mme Harel: Non?

Mme Longtin: ...M. le Président, parce que, en fait, on enlève "erreurs matérielles", mais on maintient que l'inscription de faux n'est pas requise pour contester la qualité de l'officier public et des témoins ou la signature de l'officier public. Essentiellement, l'article 2800 vise ces questions de réception et d'attestation par l'officier public compétent et ne touchait donc pas tellement la notion d'erreur matérielle. Je pense que le commentaire demeure fondamentalement valable.

Mme Harel: Parce que, au deuxième alinéa de l'article 2800, les exigences de l'authenticité portent sur la preuve de la qualité, sur la compétence et la capacité de l'officier public. C'est ce qu'il faut comprendre?

Mme Longtin: C'est ça, oui.

Mme Harel: Alors, quand on y lit: "L'acte authentique est celui qui a été reçu ou attesté par un officier public compétent selon les lois du Québec ou du Canada", peut-on me préciser quels sont les officiers publics compétents en vertu des lois du Canada? Je connais les officiers publics compétents selon les lois du Québec. En fait, il s'agit des notaires. Mais pour le Canada?

M. Rémillard: Est-ce qu'on peut penser aux protonotaires au niveau des cours fédérales, par exemple?

Mme Harel: Pour l'acte authentique? M. Rémillard: Oui.

Mme Harel: Ah oui! Ça peut être les greffiers aussi, j'imagine, des Parlements.

M. Rémillard: Les greffiers...

Mme Harel: D'accord. Très bien. En regardant l'article 2801, la liste des documents qui sont authentiques, on voit quelles sont les personnes qui peuvent en être les signataires. D'accord.

Vous avez préféré utiliser, à l'article 2801, 1°, l'expression "Parlement du Québec" plutôt que "Assemblée nationale". Je croyais, moi, que le mot "Parlement" avait été remplacé par "Assemblée nationale".

M. Rémillard: II y a une différence entre les termes "Parlement du Québec" et "Assemblée nationale du Québec". Le Parlement comprend aussi la sanction, il comprend donc, par le fait même, le lieutenant-gouverneur, il comprend tout l'appareillage parlementaire de la couronne, alors que le gouvernement ou l'Assemblée nationale, c'est l'organe législatif seulement.

Mme Harel: Très bien.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Est-ce qu'il y aurait d'autres commentaires touchant les articles suivants?

Mme Harel: 2808, oui, ça va, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): Alors, s'il n'y a pas d'autres commentaires sur les articles qui suivent, l'article 2800 est donc adopté tel quel, l'article 2801 est adopté tel qu'amendé, l'article 2802 est adopté tel quel, l'article 2803 est adopté tel qu'amendé, les articles 2804, 2805, 2806 et 2807 sont adoptés tels quels et l'article 2808 est adopté tel qu'amendé.

Nous en arrivons maintenant à la section III qui touche les actes semi-authentiques. J'appelle les articles 2809 à 2812 inclusivement.

M. Rémillard: M. le Président, nous avons un amendement.

L'article 2810 est modifié par le remplacement des mots "en présence d'un officier public compétent qui vérifie l'identité du mandant, reçoit sa signature et certifie la procuration" par les mots "lorsqu'elle est certifiée par un officier public compétent qui a vérifié l'identité et la signature du mandant".

M. le Président, cette modification vise à supprimer l'exigence que la procuration ait été faite en présence d'un officier public étranger; cette exigence est contradictoire avec la nature de ce document sous seing privé. En raison de cet amendement, l'article 2810 se lirait comme suit: "Fait également preuve, à l'égard de tous, la procuration sous seing privé faite hors du Québec lorsqu'elle est certifiée par un officier public compétent qui a vérifié l'identité et la signature du mandant."

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Est-ce qu'il y aurait des commentaires touchant ces articles 2809 à 2812 inclusivement?

Mme Harel: II s'agit essentiellement d'accorder le caractère de semi-authenticité à une série d'actes ou de documents. À l'article 2809... Attendez, M. le Président. Non, c'est à l'article 2810. Faut-il comprendre que l'amendement qui est déposé à l'article 2810 vient satisfaire la recommandation qui a été faite par la Chambre des notaires? Elle disait, en regard de l'article 2810 original: "II y a, en quelque sorte, une

contradiction dans les termes en exigeant qu'une procuration sous seing privé soit reçue devant un officier public. En effet, il est de l'essence d'un acte sous seing privé qu'il soit rédigé sans l'intervention d'un officier public. En conséquence, il faudrait modifier l'article. "

M. Rémillard: Oui...

Mme Harel: C'est pour ça que l'amendement a été fait, hein?

M. Rémillard: L'amendement a été fait parce que je pense que les notaires...

Mme Harel: II vient satisfaire...

M. Rémillard: Oui, ça vient satisfaire leur demande qu'on distingue bien entre l'acte sous seing privé et l'acte authentique et semi-authentique. Je crois que l'amendement répond à leurs commentaires.

Mme Harel: D'autre part, toujours à la page 39 des commentaires de la Chambre des notaires, on peut lire, au troisième paragraphe: "Enfin, contrairement au droit actuel, la seule personne habilitée à tester de l'identité de la signature du mandant est l'officier public. Il nous semble qu'il serait préférable d'y ajouter au moins les personnes énumérées aux paragraphes 5 et 5a de l'article 1220 du Code actuel. " Alors, le ministre peut-il nous expliquer pourquoi il a limité à l'officier public uniquement? (23 h 45)

M. Rémillard: Je vais demander à Me Longtin, M. le Président, de nous faire le commentaire.

Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Alors, Me Longtin.

Mme Longtin: Oui, M. le Président, effectivement, les paragraphes 5 et 5a de l'article 1220 contiennent une assez longue énumeration d'officiers publics reconnus compétents en matière de procuration. L'Office de révision du Code civil nous suggérait de supprimer cette énumération-là, d'une part, parce qu'on a déjà quand même référé de façon générale à la notion d'officier public compétent précédemment, par exemple à l'article 2800, et, d'autre part, parce que beaucoup de ces personnes énumérées peuvent changer de titre suivant les lois particulières qui les rendent compétentes. Et déjà, par exemple, à l'article 220 de la Loi sur les tribunaux judiciaires, on a déjà aussi là une liste de personnes qu'on reconnaît compétentes comme officiers publics compétents dans certaines circonstances. Donc, on considère, de façon générale, qu'il vaut mieux laisser aux lois particulières le soin de faire ces attributions de compétences.

Mme Harel: Par exemple, c'est donc dire que, dans le cas d'un certificat de mariage contracté en dehors du Québec, un ecclésiastique serait..

Une voix: Un rabbin.

Mme Harel:... un rabbin, oui, effectivement, serait considéré comme étant un officier public?

M. Rémillard: C'est le mot "compétent" qui va déterminer la réponse à votre question. S'il est compétent, s'il est habilité à procéder, par le fait même ce sera bon.

Le Président (M. Lafrance): Merci. Donc, l'article 2809 est adopté tel quel, l'article 2810 est adopté tel qu'amendé et les articles 2811 et 2812 sont adoptés tels quels.

Nous en arrivons à la section IV qui traite des actes sous seing privé. J'appelle donc les articles contenus à cette section IV, soit les articles 2813 à 2817 inclusivement.

M. Rémillard: II n'y a pas d'amendement, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): Aucun amendement. Merci, M. le ministre. Alors, est-ce qu'il y aurait des commentaires touchant cette série d'articles?

Mme Harel: M. le Président, à l'article 2814, la Commission des services juridiques faisait valoir que "le législateur n'avait malheureusement pas prévu le cas où une personne est physiquement incapable d'apposer son nom ou une marque personnelle. Ne serait-il pas indiqué de prévoir la possibilité de manifester son consentement par personne substituée, soit un avocat ou un notaire, expressément mandatée à cet effet sous serment?" Et la recommandation de la Commission était d'ajouter un deuxième alinéa à l'article 2814, qui se lirait comme suit: "La personne incapable physiquement d'apposer son nom ou une marque personnelle peut manifester sa volonté par l'intermédiaire d'un notaire ou d'un avocat expressément mandaté à cette fin. " Alors, je dois constater que cette recommandation ne serait pas retenue et j'aimerais savoir ce qui a amené le ministre à l'écarter.

M. Rémillard: Mais, M. le Président, c'est que c'est la signature qu'on définit. Alors, à l'article 2814, c'est: "La signature consiste dans l'apposition qu'une personne fait sur un acte de son nom ou d'une marque qui lui est personnelle et qu'elle utilise de façon courante, pour manifester son consentement. " Alors, il est toujours possible, en droit actuel comme dans le projet de loi, qu'une personne puisse agir pour une autre. Alors, ça peut comprendre aussi le mandataire.

Mme Harel: Alors, à ce moment-là, ce sont les règles du mandat qui vont s'appliquer...

M. Rémillard: C'est ça.

Mme Harel: ...et qui pourraient permettre...

M. Rémillard: Oui.

Mme Harel: ...au mandataire de procéder au nom du mandant. C'est bien ça qu'il faut comprendre?

M. Rémillard: Oui, c'est ça, puis la règle va s'appliquer au mandataire.

Mme Harel: Alors, il faut comprendre aussi que l'acte sous seing privé est présumé reconnu en l'absence de contestation. C'était le droit actuel et ça le reste. C'est ça qu'il faut comprendre?

M. Rémillard: C'est ça.

Mme Harel: À l'article 2817, on y dit ceci: "De façon générale, le projet de réforme supprime la distinction entre matières civiles et matières commerciales afin d'éliminer les discussions souvent stériles sur la qualification des actes. Cependant, dans plusieurs domaines, particulièrement en matière de preuve, il est utile de maintenir des règles particulières non pas pour les actes de commerçant, mais pour les actes passés dans le cours de l'activité d'une entreprise." Le commentaire ajoute: "Cette modification permet de couvrir, entre autres, les actes faits par des entreprises non commerciales comme les coopératives, les professions libérales, artisanales ou agricoles et les organismes à but non lucratif." Alors, il faut donc comprendre que tout cela serait de droit nouveau; cet élargissement serait de droit nouveau.

Le Président (M. Lafrance): Alors, Me Longtin.

Mme Longtin: En fait, M. le Président, le droit actuel, effectivement, à l'article 1227, exclut de l'application de l'équivalent du premier alinéa les écrits d'une nature commerciale. Or, on le sait, pour l'avoir vu à plusieurs reprises au sein du projet, la notion de commercialité a été remplacée et on parie maintenant plutôt d'entreprise, entreprise qu'on a tenté, par ailleurs, de mieux cerner et qui, possiblement donc, devrait faire l'objet d'un amendement, ce qui fait qu'effectivement les actes dans certaines entreprises auxquelles on ne reconnaît pas actuellement un caractère commercial pourraient néanmoins être régis par la règle du deuxième alinéa à titre d'entreprise. Donc, on présume que ce sont des écrits quand même qui sont faits dans le cours d'une activité économique et qui, généralement, ont un caractère répétitif, ce qui fait que la date qui y est inscrite sera présumée, ce qui n'empêche pas, de toute façon, les preuves contraires. Ça facilite la preuve pour la partie, évidemment, qui invoque cet écrit.

Mme Harel: C'est donc possible de faire une preuve contraire, étant donné que c'est une date qui est présumée seulement...

Mme Longtin: C'est ça.

Mme Harel: ...plutôt que réputée. Très bien.

Le Président (M. Lafrance): S'il n'y a pas d'autres commentaires touchant ces articles, les articles 2813 à 2817 inclusivement sont donc adoptés tels quels.

Étant donné l'heure et la série d'articles qui suit, s'il y avait une proposition d'ajournement, je pense que je l'accepterais.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Lafrance): Si M. le ministre...

Mme Harel: Avec plaisir.

Le Président (M. Lafrance): En rappelant à tout le monde que nous avons convenu de nous réunir demain, le 4 décembre, à compter de 10 heures, ici, dans cette même salle. Sur ce, s'il n'y a pas de commentaires de fin de séance, j'ajourne donc nos travaux à demain. Merci.

(Fin de la séance à 23 h 57)

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