(Quinze heures dix-huit minutes)
M. St-Pierre Plamondon : Bonjour
à tous. Merci. Réaction à cette lettre qu'on vient tout juste de recevoir du Directeur
général des élections en réaction à la motion unanime de tous les élus
demandant la divulgation de tous les documents et tous les témoignages de la
commission Grenier. Essentiellement, le directeur général semble faire fi de la
directive unanime qui parlait de tous les documents et tous les témoignages à
être divulgués dès maintenant, et il répond : Je vais donner suite en
procédant à une nouvelle analyse de la pertinence de l'ordonnance de
non-communication. Alors, ce n'est absolument pas ça qui est la volonté des
élus. On est, à mon avis, devant un Directeur général des élections qui fait
passer son opinion et son pouvoir discrétionnaire avant la volonté très claire
de tous les élus de l'Assemblée nationale.
Au début de ce dossier-là, lorsqu'on a
approché le gouvernement de la CAQ, on a demandé de procéder par loi — et
je vous l'ai dit, d'ailleurs, en point de presse. Pourquoi? Parce qu'une loi, c'est
obligatoire, on ne peut pas contourner une loi. Si on contourne une loi, on
pose un geste illégal. Le gouvernement a refusé de procéder par loi et il nous
a indiqué qu'on allait obtenir, de toute façon, la pleine collaboration et la
pleine divulgation par le DGE.
Donc, on est très surpris de voir que ce
qui nous a été représenté par le gouvernement n'est pas le cas, là, ne se
matérialise pas du côté du DGE. Et ça veut dire que nous allons déposer un
projet de loi en bonne et due forme et que nous ne laisserons pas à la
discrétion du DGE le choix des documents qui sont rendus publics ou pas. La loi
sera courte, claire et elle l'obligera une pleine divulgation de tous les
documents et tous les témoignages. Et c'est là qu'on va pouvoir voir clair dans
le jeu du gouvernement, parce que pourquoi ne voulait-il pas procéder par loi,
qui était la façon logique de procéder dès le départ? Pourquoi on se retrouve
dans cette situation-là? On aura l'heure juste lorsque le gouvernement répondra
à notre projet de loi et devra donc se prononcer sur l'adoption ou non de la
loi qui rendra tout ça obligatoire.
M. Robillard (Alexandre) : Ce
n'est pas un signe de son indépendance, quand même, qu'il vous réponde cette
réponse-là? Même si ce n'est pas celle à laquelle les élus s'attendaient, c'est
sa réponse, puis...
M.
St-Pierre
Plamondon :C'est pour le moins
surprenant. Évidemment, il y a une indépendance, mais, quand tous les élus
parlent d'une même voix et donnent un ordre, une directive très, très claire,
faire autre chose que la directive, c'est pour le moins surprenant, sachant
qu'on a le pouvoir de faire une loi, dans quel cas il n'y aura pas de
contournement.
M. Robillard (Alexandre) : Et
il le dit, d'ailleurs : Faites une loi si vous en voulez plus.
M.
St-Pierre
Plamondon :C'est ce qu'on a dit au
gouvernement, mais le gouvernement nous a dit : Le DGE va collaborer, il
n'y a pas d'enjeu, faisons-le par motion. Donc, vous comprenez qu'on regarde ça
aller puis on est non seulement surpris mais on va rapidement déposer un projet
de loi, en disant au gouvernement : On vous l'avait dit, procédez par loi,
puis il n'y aura pas d'exception, il n'y aura pas de document caché au terme de
tout ça, là.
Mme Prince (Véronique) : Bien,
en même temps, on ne sent pas qu'il ferme la porte. C'est juste que, dans le
fond, il vous avertit qu'il y a des documents qui ne seront peut-être pas
disponibles, ou ce n'est pas possible de rendre publics, mais il y en a
d'autres qui vont l'être.
M.
St-Pierre
Plamondon :Bien, justement, mais c'est
à sa discrétion.
Mme Prince (Véronique) : Puis
il vous dit aussi que ça peut prendre un certain temps, mais que ça va être
dévoilé.
M.
St-Pierre
Plamondon :Oui, mais c'est parce que
l'ordre, la directive de l'Assemblée nationale, c'est : dès maintenant,
rendre publics tous les documents et tous les témoignages. C'est marqué noir
sur blanc. Donc, clairement, le Directeur général des élections ignore la
directive de l'Assemblée nationale et dit : Ce sera ma discrétion et ça va
prendre beaucoup de temps parce que je vais éplucher, document par document,
ceux que je vais vous remettre puis ceux que je ne veux pas vous remettre. Mais
on est complètement à côté de l'objectif.
M. Robillard (Alexandre) : ...pour
un outrage au Parlement, ça, qu'un agent... une personne désignée de
l'Assemblée nationale ne se conforme pas à un ordre de la Chambre?
M.
St-Pierre
Plamondon :C'est compliqué. Ce n'est
pas clair. Ce n'est pas clair parce que nous sommes devant un pouvoir
discrétionnaire du DGE suivant le libellé de l'ordonnance. Donc, dans ce
temps-là, est-ce qu'une motion de l'Assemblée nationale constitue un ordre
pouvant entraîner un outrage au Parlement? Il y a plusieurs interprétations
possibles, mais moi, je ne suis pas dans l'approche juridique, là, je suis dans
l'approche gros bon sens. Tous les élus viennent dire au DGE : S'il vous
plaît, rendre ça disponible, tous les documents, maintenant. Le DGE
répond : Écoutez, je vais, moi, suivant ma discrétion, procéder à l'examen
des documents que je veux bien vous donner. Donc, évidemment, il va falloir
procéder par loi.
Mme Lajoie (Geneviève) : ...expliquer
sa réponse, c'est-à-dire, c'est quoi, il veut... c'est politique, sa réponse,
c'est...
M.
St-Pierre
Plamondon :Bien, la commission Grenier
a toujours été politique, là. Pourquoi, dans un premier temps, est-ce qu'on
avait une ordonnance pour l'éternité visant à enterrer pour toujours tous les
documents et tous les témoignages, là? Convenons que nous sommes en politique,
c'est de la politique. Donc, pourquoi le DGE ne se conforme pas à une
ordonnance très claire de l'Assemblée nationale? Allez lui poser la question. Mais,
si vous me demandez : Est-ce que c'est politique?, définitivement, c'est
politique. Et c'est pour ça qu'on avait dit à la CAQ : Passez par loi, par
une loi qui sera obligatoire, qui sera impossible à contourner.
Mme Lajoie (Geneviève) : ...vous
considérez que, de la part du DGE, il fait de la politique avec ça, là?
M.
St-Pierre
Plamondon :Je ne veux pas lui prêter
d'intentions, mais, clairement, il ignore, il ignore la volonté des élus, qui
sont unanimes sur la question. Ce n'est quand même pas anodin, là.
Mme Lajoie (Geneviève) : Non,
mais vous dites : Il fait passer son opinion. Dans le fond, vous dites...
M.
St-Pierre
Plamondon :Sa discrétion.
Mme Lajoie (Geneviève) : Bien,
au début, moi, j'ai noté : Il fait passer son opinion et son pouvoir
discrétionnaire avant la volonté des élus. C'est comme si vous dites :
Bien, c'est un fédéraliste, puis c'est pour ça qu'il ne veut pas rendre public.
M.
St-Pierre
Plamondon :Non, non, ce n'est pas ça
que j'ai dit. Il dit, noir sur blanc : Je vous ai lu, vous m'avez ordonné
de rendre publics tous les documents, et je vous réponds que ce sera suivant ma
discrétion, lesquels je choisis et lesquels je ne vous divulgue pas, donc.
Mme Lajoie (Geneviève) : Bien,
il outrepasse son pouvoir?
M.
St-Pierre
Plamondon :Non, il est toujours dans
son pouvoir, mais il outrepasse la volonté limpide, claire et unanime de tous
les élus de l'Assemblée nationale. Ce n'est pas rien. Donc, procédons par loi.
On l'avait dit au gouvernement, de procéder par loi, et, pour une raison
obscure, le gouvernement ne voulait absolument pas procéder par loi. On aura
l'heure juste sur où se situe le gouvernement dans cette histoire, qui est
abracadabrante depuis le début, depuis 2007, où se situe le gouvernement, parce
que c'était une loi qu'il fallait faire. On leur a dit puis ils nous ont
dit : Non, non, le DGE nous a confirmé qu'il va collaborer puis qu'il va
rendre les choses publiques, donc procédons par motion. C'est ça que ça donne.
M. Robillard (Alexandre) : Est-ce
que vous pensez que 100 % des documents peuvent être rendus publics?
M.
St-Pierre
Plamondon :Doivent.
M. Robillard (Alexandre) : Dans
l'état actuel des choses, est-ce que vous pensez que 100 % des documents
visés par la motion de l'Assemblée nationale peuvent être rendus publics?
M.
St-Pierre
Plamondon :On a totalement le pouvoir
de procéder à 100 % des documents et des témoignages par loi. Une fois que
la loi qui émane de l'Assemblée nationale dit : Tous les documents, tous
les témoignages, maintenant, ça a force de loi.
M. Robillard (Alexandre) : Est-ce
que le DGE est tenu de respecter quelque engagement que ce soit à la
confidentialité qui aurait été convenu par le... par M. Grenier avec les
témoins, les personnes...
M. St-Pierre Plamondon : Non,
parce que l'ordonnance donnait au DGEQ la discrétion de relancer dans l'espace
public certains documents ou certains témoignages. Relisez bien l'ordonnance. Ce
n'est pas une ordonnance qui émane d'un tribunal, c'est une ordonnance qui
émane d'une enquête administrative, d'une part, mais l'ordonnance elle-même
donne une porte au DGE qui, de manière discrétionnaire, aujourd'hui,
pourrait... sans même une motion, pourrait tout rendre public. Donc, il y a une
résistance du côté du Directeur général des élections.
M. Robillard (Alexandre) : ...selon
vous, le DGE n'est pas tenu par quelque engagement qui a pu être pris par le
juge Grenier?
M. St-Pierre Plamondon : Il
sera tenu par la loi, et la loi, c'est les élus de l'Assemblée nationale qui
les font. Donc, il sera tenu par la loi. On procédera par loi puis on verra
clair dans la position du gouvernement, parce que le gouvernement nous avait
représentés, pour qu'on abandonne cette idée de loi, que le DGE s'était déjà
engagé à rendre les documents publics, ce qui n'a rien à voir avec ce qu'on lit
en ce moment, c'est-à-dire : J'exercerai un pouvoir discrétionnaire sur ce
que je vous donne ou pas.
Mme Lajoie (Geneviève) : Donc,
vous dites que la CAQ, dans vos discussions avec eux, ils vous ont dit :
On ne fera pas ça par loi, comme vous demandiez au début, là, on va faire ça par
motion, ça va marcher parce que le DGE nous a dit : C'est bon, ça va
marcher.
M. St-Pierre Plamondon : Exact.
Mme Prince (Véronique) : Juste
une petite précision au niveau comme du processus, là. Quand il rend sa
décision comme ça, il n'y a pas une possibilité pour vous d'aller en appel puis
de comme négocier avant d'être obligé de déposer un projet de loi? Non?
M. St-Pierre Plamondon : Non,
c'est ça, c'est qu'il est dans son pouvoir discrétionnaire et, à sa discrétion,
il ignore la volonté de tous les élus de l'Assemblée nationale. C'est
surprenant, mais il demeure dans son pouvoir discrétionnaire, dans quel cas,
c'est à nous de ne rendre ça aucunement discrétionnaire via une loi qui est
obligatoire, tout simplement. Je vais faire aussi un point. Vous avez été
témoin d'un échange pour le moins surprenant.
Une voix : ...
M. St-Pierre Plamondon : Oui,
pardon, je ne veux pas...
M. Robillard (Alexandre) : ...j'ai
un dernier point de précision là-dessus.
M. St-Pierre Plamondon : Oui,
j'allais sur un autre sujet. Pas de problème.
M. Robillard (Alexandre) : Dans
sa réponse, le DGE écarte déjà d'emblée des documents. Il dit : Il y a des
documents qu'on ne sera pas capables de rendre publics. C'est écrit, là :
On va faire une analyse, mais il y en a déjà qui ne pourront pas être rendus
publics. Comment vous comprenez cette...
M. St-Pierre Plamondon : Pensez
à la commission Gomery, pensez à la commission Charbonneau puis aux commissions
d'enquête. Le principe, quand on enquête sur quelque chose d'important, c'est
la publicité des débats, c'est-à-dire qu'il faut que tout le monde puisse
entendre les témoignages et voir les documents. À sa face même, dès le départ,
la commission Grenier avait cet enjeu-là d'opacité. Donc, que le DGE dise aux
élus de l'Assemblée nationale : Moi, je vous le dis, il y a certains
documents que je ne peux pas rendre publics, bien, je suis un élu de
l'Assemblée nationale, et je lui répondrai : La vérité sera connue de la
population, parce qu'on est devant des fraudes à un des moments de l'histoire
du Québec les plus importants. Donc, il n'y aura pas d'exception à la
discrétion du DGE, sauf si le gouvernement est de mèche et décide de ne pas
collaborer à une loi. Mais, lorsqu'il y aura une loi, il y aura une divulgation
complète et ce ne sera pas la divulgation du DGE, pour une raison très claire,
c'est que c'est une question de confiance de la population envers nos
institutions, une population qui demande à savoir, à connaître l'entière vérité
sur ces manoeuvres frauduleuses lors du référendum de 1995. Et ça, moi, à titre
d'élu, mon message, il est clair, c'est non négociable. La vérité sera connue
et c'est non négociable.
M. Robillard (Alexandre) : Mais
là le gouvernement, si je comprends qu'est-ce que vous dites, il avait déjà
fermé la porte à la voie législative. Donc, est-ce que vous l'accusez d'emblée
d'être complice de l'opacité que le DGE maintient autour des documents?
M. St-Pierre Plamondon : Non,
non, je vais lui donner la chance d'adopter la loi qu'on va déposer, qui va
tenir à une page, là, de manière à ce qu'il démontre, le gouvernement, sa
volonté réelle de rendre publics ces documents-là. Parce que la loi va faire le
travail.
Deuxième point, vous avez été témoins d'un
échange entre moi-même et la ministre de l'Immigration qui tenait un peu du
cabotinage, là, c'est-à-dire qu'avec une certaine arrogance elle m'indiquait
les endroits où il y a des statistiques ou des tableaux en matière d'immigration
temporaire, en réponse à ma question : Pourquoi vous ne considérer pas... vous
n'ouvrez pas le débat sur les cibles en matière d'immigration temporaire dans
votre consultation sur l'immigration? Et, à la fin, elle a avoué que,
finalement, c'est complètement exclu de sa consultation. Ça a pris trois
questions où est-ce qu'elle ridiculisait, d'une certaine manière, ce que
j'avais demandé, qui me semble parfaitement légitime : Pourquoi vous ne
penchez pas... vous vous ne penchez pas sur cette planification-là, alors qu'il
y a 350 000 immigrants temporaires sur le territoire?
Et la question que j'aurais voulu poser,
si j'avais eu une dernière ronde, une fois qu'elle a avoué qu'elle contourne
volontairement cette question-là, c'est : Est-ce que ce n'est pas une
entente avec les groupes de pression qui vous interpellent depuis maintenant
deux ans pour hausser les seuils? Est-ce que vous n'avez pas consenti, avec le
patronat, à tasser complètement la question de l'immigration temporaire? Même
si vous savez que ça a un impact gigantesque sur le logement, même si vous
savez que ça a un impact sur la langue, même si vous savez que ça a un impact
sur les services sociaux, vous avez consenti à tasser la question comme si elle
n'existait pas auprès d'un certain nombre de lobbies, parce que, sinon, à la
lumière de la campagne électorale de la CAQ, il y a quelques mois seulement,
cette posture-là, elle est incompatible et indéfendable avec ce qui a été
présenté.
Et c'est... également, sur le plan de la
planification de l'immigration, comme le souligne M. Duval à Radio-Canada
ce matin, ce n'est pas très honnête, parce qu'on prend une partie de la
situation puis on se ferme les yeux sur une situation qui implique 350 000 personnes
sur le territoire. Donc, il y a un manque de rigueur évident, et elle va devoir
répondre à la question, éventuellement : Pour qui ou pourquoi est-ce que
vous éludez cette question-là de la planification de l'immigration? Je n'ai pas
réussi aujourd'hui, il me manquait une question, mais ça reviendra comme sujet.
M. Robillard (Alexandre) : Vous
pensez qu'il y a un pacte avec le... entre le gouvernement puis le patronat
ou...
M. Bérubé : La réponse, c'est
oui. Alors, le premier communiqué qui était coordonné avec la sortie de la
ministre, c'est le patronat, où neuf de ses demandes sur 10 ont été acceptées.
Ce n'est pas les défenseurs de la langue, là, qui sont sortis après l'annonce
de la ministre. Alors, pendant qu'on regarde uniquement les seuils, la ministre
nous invite à ne pas regarder le taux record dans l'histoire du Québec de 350 000 immigrants
temporaires, qui ont des logements, qui travaillent, qui ont besoin de services
sociaux, de services de garde. C'est énorme. Et je vous suggère bien humblement
mon hypothèse, c'est que c'est l'entente entre le grand patronat et la CAQ :
Touchez-y pas, on en a besoin pour travailler dans toutes sortes d'endroits, ne
demandez pas trop d'exigences linguistiques, ne soyez pas trop regardant, on en
a besoin. Et ce n'est pas pour rien que le premier communiqué qui est sorti — ils
n'en pouvaient plus d'attendre — c'était le patronat.
Alors, ce gouvernement a choisi d'accepter
un taux record de personnes sur notre territoire, qui peuvent renouveler à
demeure, hein, sans arrêt, leur statut, et c'est franchement scandaleux, c'est
mal parti et c'est clairement le patronat, quant à moi, qui a influencé cette
décision du gouvernement du Québec. Et ça, ça rime, ce n'est pas nationaliste,
c'est affairiste.
M.
St-Pierre
Plamondon :Puis simplement faire le
lien avec le point de presse de ce matin. Je vous disais qu'il manque, selon la
chambre de commerce de Montréal, 60 000 logements à Montréal. À
l'échelle du Québec au complet, on estime qu'il manque
100 000 résidences. Bien, l'immigration temporaire, peu importe où
est-ce qu'on fixerait l'objectif, peu importe les points de vue politiques,
clairement, ça fait partie de cette planification-là. Donc, un gouvernement qui
se met volontairement des œillères et qui tasse complètement un sujet, il y a
clairement une intention, là, quelque part de contournement, et je ne pense pas
que c'est sain pour la planification de cette question-là. Merci beaucoup.
(Fin à 15 h 34)