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(Onze heures cinquante-six minutes)
La Modératrice : Bonjour et
bienvenue à ce point de presse de M. André Fortin, porte-parole de l'opposition
officielle en matière de santé. Ce point de presse concerne l'intention de la
Coalition avenir Québec de réduire l'accès à la mesure du patient d'exception.
Pour ce point de presse, il est accompagné de M. Jonathan Pratt, le directeur
général du Regroupement québécois des maladies orphelines, de Me Paul G.
Brunet, avocat et P.D.G. du Conseil de la protection des malades, et de Mme
Julie Carignan, qui est atteinte d'un cancer très rare. Ces derniers prendront
la parole suivant M. Fortin. Merci.
M. Fortin :Oui, merci. Je veux vous dire que c'est... j'ai trouvé
particulièrement scandalisant le fait que la Coalition avenir Québec rejette la
motion qu'on a présentée, aujourd'hui, demandant à ce qu'il n'y ait pas de
changement à la... à la notion de patient d'exception et à la mesure de patient
d'exception. Ce qu'on comprend, là, c'est qu'au cours des prochaines semaines
le gouvernement va venir resserrer les règles autour des médicaments qui sont
octroyés aux patients à partir de la mesure du patient d'exception. Et ces
patients-là, là, ce sont des... ce sont des Québécois et des Québécoises qui
comptent sur ces médicaments-là, qui sont atteints d'une maladie rare, qui sont
atteints de cancer rare et qui ont besoin d'un traitement un peu différent, d'un
traitement qui n'est pas le traitement usuel, mais qui est celui qui fonctionne
pour eux. Alors, de dire à des gens malades, de dire à des gens qui sont
inquiets de leur état de santé, de dire à leur famille qu'on va venir resserrer
les règles, parce qu'il y a de l'abus, je trouve ça particulièrement choquant.
La motion qu'on a présentée, là, le
gouvernement nous a dit : Non, on ne va pas voter pour parce qu'on
considère qu'il y a déjà eu des consultations, ce qui est complètement faux. Il
n'y en a eu aucune, consultation qui a eu lieu au cours des derniers mois. Le
gouvernement est venu nous dire : On ne vient pas restreindre l'accès, ce
qu'on vient faire, c'est resserrer les règles parce qu'il y a de l'abus. Moi, j'aimerais
qu'il nous dise quels patients abusent de cette mesure-là en ce moment. Parce
que les patients qui ont... qui font... qui font l'utilisation de cette
mesure-là, ils ont besoin des médicaments. C'est une question pour eux, bien
souvent, là, de vie ou de mort. Oui, c'est une question de qualité de vie, mais
il y a des gens qui, bien malheureusement, s'ils n'ont pas accès aux
médicaments d'exception, vont décéder. Et ça, je ne peux pas comprendre que le
gouvernement de la Coalition avenir Québec vienne resserrer, restreindre l'accès
à des médicaments qui fonctionnent pour des gens. Il y a des... il y a des gens
avec moi ici, aujourd'hui, là, qui peuvent vous l'expliquer bien mieux que moi,
mais de savoir que, pour une question budgétaire, on va venir empêcher des
Québécois d'avoir accès à des médicaments dont ils ont besoin, des médicaments
qui assurent leur qualité de vie, qui assurent qu'ils demeurent en vie, c'est
absolument scandalisant.
Je me tourne vers Jonathan Pratt.
M. Pratt (Jonathan) : Oui.
Donc, bien, bonjour, tout le monde. Merci pour l'occasion, là, de... en fait,
de me laisser l'occasion de parler de cet enjeu-là. Effectivement, ça fait en
fait depuis plus de deux ans, là, qu'on se fait dire qu'il va y avoir des
modifications au patient d'exception. Ça a commencé en avril 2023. Puis, en
fait, ces changements-là vont venir potentiellement restreindre justement l'accès
aux médicaments, puisqu'on veut mettre de la pression sur les fabricants,
justement, qui s'occupent de la production de ces médicaments-là et de les
mettre en vente pour les patients.
On va aussi... En fait, ce qu'on... ce qu'on
soupçonne, c'est qu'évidemment le gros enjeu, là, dans l'histoire, c'est que,
depuis deux ans, on se fait dire que ce n'est pas une question de coût, mais le
principal enjeu, c'est que la mesure du patient d'exception nous coûte des
centaines de millions de dollars par année, mais on va sauver la vie de plus de
50 000 patients. Puis ce qui se passe, en fait, essentiellement, c'est
que l'utilisation, justement, de ces médicaments-là, et dont on se fait dire
que ce n'est pas efficace, on se fait parler de pertinence clinique, entre
autres, bien, en fait, ce n'est pas vraiment démontré. Donc, les... il y a
plusieurs médicaments qui sont prescrits par les médecins sous le patient
exception, et les données, en fait, ne sont jamais recueillies pour ces
médicaments-là sur une longue période.
Un exemple que je peux donner, c'est le
syndrome de Morquio. Donc, il y a un médicament qui existe depuis 2010, ça fait
maintenant 15 ans, et c'est plus d'une cinquantaine de patients qui ont
accès à ce médicament-là sous le patient d'exception, mais je le répète, ça
fait 15 ans. Donc, est-ce qu'on a récolté des données de ces patients-là
depuis les 15 dernières années? On n'en a aucune espèce d'idée. On se fait
dire par le gouvernement que ce n'est pas une priorité. La seule chose qu'on se
fait dire, c'est qu'on veut resserrer les règles, mettre plus de bâtons dans
les roues pour les fabricants, et ultimement, ce qui risque d'arriver, c'est
que ces fabricants-là ne viendront plus au Québec, ne viendront plus au Canada,
et ça va encore une fois réduire, justement, le nombre de médicaments
disponibles aux Québécois et Québécoises.
Puis l'autre enjeu aussi, c'est qu'on on
parle de maladies rares, on parle de maladies orphelines, il faut dire qu'il en
existe plus de 8000 de ces maladies rares là, et je n'inclus même pas les
cancers rares dans ces... dans les maladies rares. Donc, on peut... on peut
deviner que le chiffre est vraiment, vraiment beaucoup plus élevé. Et de ces
maladies-là, il existe seulement 5 % des maladies pour lesquelles on a un
traitement efficace. Donc, parfois, évidemment avec la recherche et
développement, bien, on va trouver des médicaments qui ont une indication thérapeutique
très bien ciblée, mais qui pourraient être efficaces pour d'autres indications
thérapeutiques, et ça, malheureusement, ça passe... je dis «malheureusement»
parce que ça passe sous le patient d'exception, et là aujourd'hui, on nous dit
que, bien, il y a des mesures qui s'en viennent restreindre ces changements-là.
La dernière chose que j'aimerais ajouter,
c'est par rapport aux consultations. Personnellement, avec la collaboration de
d'autres groupes de patients, on a eu une seule rencontre, à l'automne, qui a
duré une heure de temps, où on a reçu en fait essentiellement un cours
INESSS 101. Donc moi, je ne considère pas que c'est une consultation
publique. Et on a aussi fait appel à différentes instances médicales, le
Collège des médecins, la Fédération des médecins spécialistes, il n'y a
personne, en fait, qui a été consulté par rapport à cet enjeu-là.
Donc, j'implore en fait le gouvernement,
le ministre Dubé, avec le cœur sur la main, justement de penser à ces plus de
50 000 personnes, puis on ne parle pas des personnes présentement qui
ont le patient d'exception. Moi, je pense à tous les futurs patients, je pense
aux gens, je pense aux parents qui vont avoir un enfant, qui vont développer
une maladie pour laquelle il existerait peut-être un médicament qui est
approuvé par la FDA aux États-Unis ou par l'EMA en Europe, mais qu'ici on ne
l'aurait pas parce qu'on vient restreindre ces règles-là.
Donc, pour toutes ces raisons-là, je
demande au gouvernement de vraiment faire une consultation beaucoup plus large
afin de s'assurer de trouver peut-être des meilleures solutions et d'avoir
justement l'avis de différentes parties prenantes pour savoir justement c'est
quoi la bonne chose à faire pour l'avenir. Donc, voilà. Merci. Je laisse la
parole à M. Brunet.
M. Brunet (Paul G.) : L'ancienne
Loi sur la santé et services sociaux prévoyait qu'il y avait une façon de
procéder pour obtenir, par exemple dans des situations médicales particulières
ou encore le patient d'exception, qui était relativement efficace, même s'il y
avait certains combats que nous devions mener pour que les gens obtiennent le
médicament dans certaines circonstances particulières.
Ce que l'on craint avec l'avènement du
projet de loi n° 15, c'est que ce qu'on a alourdi dans le processus d'obtention
de médicaments lors de situations médicales particulières finisse par
s'appliquer en matière de patients d'exception et qu'on alourdisse ainsi le
processus en impliquant, en invitant littéralement l'INESSS à venir se pencher
sur le sujet. Oui, l'INESSS était impliqué autrefois, mais a posteriori, des
démarches du médecin et a posteriori de l'administration du médicament. Là, on
impose littéralement l'examen par l'INESSS des différentes questions et des
différentes soumissions pour des nouveaux médicaments.
En fait, ce qui est plutôt ironique, c'est
qu'alors que le projet de loi dit lui-même, dans son propre titre, de rendre le
système de santé plus efficace, ironiquement, on vient l'alourdir et le rendre
encore plus inefficace en matière de patients d'exception. On a beaucoup de
difficulté avec ça. Nous, on est ici parce qu'il y a 50 000 patients
qui sont sous la rubrique patients d'exception et on apprécie évidemment cette
question-là. Mais pour les futurs patients, la question que je pose au gouvernement,
si vous restreignez l'accès aux médicaments d'exception, êtes-vous en train de
nous dire que, dans le fond, les gens qui seront trop malades et à qui on ne
pourra pas trouver de traitement sauf si on allait avec le patient d'exception,
ces gens-là se retrouveront en hôpital, à l'urgence et, pourquoi pas, c'est en
tout cas ce qu'on pense que vous suggérez, qu'ils demandent l'aide médicale à
mourir. On trouve ça un peu scandaleux.
Et on demande au gouvernement de faire
attention de consulter les principaux groupes, ce que nous, on n'a pas eu
l'occasion de faire, d'être consultés, et qu'on continue à obtenir et à
permettre aux médecins de prescrire le bon médicament pour le bon patient, et
que ce médicament-là soit reconnu sans avoir à passer par l'INESSS et de
bureaucratiser, sinon d'alourdir encore plus le processus, et surtout de rendre
un médicament qui... à la fin d'une course et de toute cette bureaucratie,
qu'on se fasse dire que le médicament n'était pas efficace. Je comprends. Si
vous administrez un médicament après des mois ou des semaines de
tergiversations avec les autorités diverses auxquelles on veut s'astreindre ou
nous soumettre l'approbation, c'est sûr que le patient va mourir, et ce sera de
votre faute.
La Modératrice : Mme Carignan.
Mme Carignan (Julie) : Bonjour
à tous. Je suis extrêmement reconnaissante d'avoir l'opportunité de pouvoir
parler au nom des gens comme moi, qui depuis trois ans ai été touchée par un
cancer rare. En fait, c'est un message personnalisé pour le ministre et ses
équipes.
Je ne comprends pas... Depuis trois ans,
j'accompagne des gens... En fait, il y a un an et demi, je suis venue ici pour
venir débattre puis protéger les accès aux médicaments d'exception pour les
patients qui étaient hospitalisés. Évidemment, aujourd'hui on parle de patients
d'exception. J'en fais partie. Je ne comprends pas pourquoi les gens que j'ai
connus il y a trois ans, qui m'ont déjà quittée, n'ont pas eu cette
opportunité-là de... Parce que le patient d'exception existe. Aujourd'hui,
j'espère qu'on va le protéger, parce que même ce programme-là est difficile à
aller chercher par le support de nos médecins. Les patients qui ont eu... qui
auraient eu besoin de ce programme-là, malheureusement, n'ont pas pu l'avoir,
et donc, au lieu d'avoir accès à l'innovation, ont plutôt eu accès à leurs
funérailles. Donc, ça, c'est quelque chose qui vient me chercher tout
personnellement.
Et, pour le ministre Dubé, j'aimerais ça
qu'on comprenne... J'ai consulté mon hémato-oncologue hier puis je lui ai
demandé : Qu'est-ce que ça veut dire si on resserre ce programme-là?
Qu'est-ce que ça veut dire si on resserre l'accès à l'innovation? Eh bien! sa
réponse a été fort simple : Je pense que tous les hémato-oncologues qui
suivent des patients touchés par le cancer, des cancers rares, les maladies
orphelines, tout ça, je pense qu'eux, leur mission ultime, c'est de soigner
leurs patients avec des médicaments qui fonctionnent et d'arrêter de soigner
les gens avec des médicaments qui ne fonctionnent pas, et on est d'avis
qu'actuellement les médicaments innovants sont souvent utilisés très tard dans
le parcours de soins des patients. Et donc je pense qu'en diminuant en plus
l'accès, non seulement on attend que ces patients-là ne soient pas en santé
pour bien répondre à ces médicaments-là, on les condamne un peu en quelque
sorte.
Puis ce qu'il m'a partagé aussi, puis je
peux le nommer, le Dr Maxime Chénard-Poirier, du CHU de Québec, il m'a
dit : Julie, on a un bijou au Canada, on fait... on est... On a un bijou.
On a une opportunité ici, dans notre province, d'avoir un programme qui permet
justement d'explorer l'innovation, et il n'y a aucune façon à l'heure actuelle
de traquer ou d'avoir une traçabilité sur les bienfaits de ces nouveaux
médicaments-là chez les patients qui en ont besoin. Ce serait le fun qu'on
préserve ce programme-là puis qu'on s'en serve comme outil pour équiper ou
outiller l'INESSS à pouvoir approuver ces solutions-là plus rapidement.
Parce que la réalité, c'est qu'il y a un
an et demi, je venais ici pour aller... pour avoir une recommandation favorable
pour une compagnie en particulier pour donner accès à un médicament innovant à
des patients atteints de cholangiocarcinome. On a eu... La compagnie à qui j'ai
discuté a eu une approbation de Santé Canada, a eu finalement la recommandation
favorable de l'INESSS, et le médicament n'est toujours pas listé, et on est
deux ans plus tard. Puis, je vous le confirme, ces gens-là, là, pour qui j'ai
milité ne sont plus avec moi aujourd'hui pour voir que je suis encore là pour
continuer à me battre pour eux.
Donc, M. le ministre, vos équipes, s'il
vous plaît, donnez-nous une chance de briller au Québec puis de faire briller
l'innovation, donnons l'exemple aux autres provinces puis sauvons les gens au
lieu de les laisser tomber. Je vous remercie beaucoup. Bonne fin de journée.
La Modératrice : Merci
beaucoup. Bonne fin de journée.
(Fin à 12 h 09)