(Treize heures trente minutes)
Mme David (Gouin) : Projet de
loi n° 10, où est-ce qu'on en est? Ce matin, on a vu, dans certains
médias, annonce de bâillon, ça pourrait même se passer ce vendredi. Le ministre
Barrette nous dit : Non, je ne le sais pas, c'est le leader qui décide,
mais, en même temps, quand ce genre de rumeur commence à se propager, je pense
qu'il faut que tout le monde soit bien au clair, là. Ça veut dire que ça s'en
vient. Et pourtant qu'est-ce qu'on voit ce matin à la commission parlementaire,
à laquelle je participe assidûment? À deux reprises, l'opposition officielle et
moi, nous essayons d'aller vers des articles que nous jugeons prioritaires.
Nous essayons d'accélérer les travaux. À deux reprises, le ministre refuse. Il
tient à tout prix, pour des raisons obscures, à ce qu'on y aille par ordre
chronologique : après le 5, c'est le 6; après le 6, c'est le 7, etc.
Pourtant, dans mon cas, j'ai proposé qu'on
aille à l'article 131 qui parle de mettre en place un instrument de
consultation de la population pour accompagner les nouveaux grands établissements
de santé dans leur travail et je sais que le ministre est ouvert à la question.
L'opposition officielle le demande aussi. Autrement dit, ça serait facile
d'arriver rapidement à un consensus sur quelque chose qui viendrait dire à la
population, aux travailleurs, travailleuses du réseau : On vous a compris,
on vous a entendus, et la population aura voix au chapitre. Ça ne serait pas si
compliqué. Bien non, le ministre dit : Non, il faut y aller
chronologiquement. En fait, ça ressemble à un ministre qui veut un bâillon, qui
veut que ça se tienne le plus vite possible, qui est tanné d'être en commission
et qui n'est pas prêt à faire le moindre ajustement à ce que les oppositions
lui proposent.
Moi, je trouve que c'est une attitude
vraiment intransigeante, je trouve que ce n'est pas l'attitude d'un ministre
qui comprend l'ampleur du projet de loi qu'il est en train de discuter, un
projet de loi qui va toucher 270 000 travailleurs, travailleuses du réseau
et qui va toucher la population par l'immensité de l'ampleur des
réorganisations, un projet de loi où on prend 87 établissements assez proches
des gens et, à la fin, il en reste 24. Puis tout ça, là, il faudrait que ça se
fasse vite, là, pour qu'on soit prêts le 1er avril. J'ai dit au ministre ce
matin : Vous savez, le 1er avril, ce n'est pas une date dogmatique, là.
Quand bien même ça prendrait plus de temps, ça serait correct. C'est trop
important. Il faut prendre le temps de bien faire les choses.
Alors, au stade où on en est maintenant… et
le ministre répète que, de toute façon, la décision ne lui appartient pas, elle
appartient à son leader, bien moi, je lance un appel au leader du Parti libéral,
M. Jean-Marc Fournier. Je lance vraiment un appel solennel à M. Fournier pour
lui demander d'être un grand démocrate, pour lui demander de nous laisser
continuer à étudier, article par article, le projet de loi n° 10. Ça
prendra probablement encore quelques semaines, pas très longtemps, ça avance
assez bien, là, les travaux, en ce moment, mais au moins, on aura pu compléter
notre étude de façon correcte.
M. Lacroix (Louis)
:
Donc, vous, vous pensez que c'est une stratégie du Dr Barrette, en fait du
ministre Barrette, pour faire en sorte d'avoir le bâillon. Vous pensez que
c'est… pour lui, là, c'est de vous empêcher, en fait, d'aller plus vite, c'est
une stratégie orchestrée, là, pour mener vers le bâillon. Vous êtes sûre de ça?
Mme David (Gouin) : Écoutez,
en fait, je ne la comprends même pas, sa stratégie. C'est évident, là, évident,
il n'y a qu'à observer le verbal et le non-verbal du ministre Barrette pour
savoir qu'il est plutôt excédé de la commission parlementaire et qu'il a hâte
d'en finir. Je pense que, ça, personne n'en doute aucun instant.
Nous, ce que nous lui proposons… et moi en
particulier, ça fait une semaine que je plaide pour qu'on aille d'emblée, avec
entente de tous les partis, vers les articles où l'on sait qu'il y aura des
amendements, où il y a des enjeux importants : la protection des budgets
sociaux, le financement des organismes communautaires, la transparence des
réunions du conseil d'administration, un comité consultatif représentatif des
différents territoires qui composent le grand territoire du nouvel
établissement de santé et de services sociaux. Ça n'est pas rien, là, ça n'est
pas mineur, ça n'est pas cosmétique, c'est important.
Le ministre sait très bien que, depuis le
début, je travaille de bonne foi à bonifier un projet de loi, en fait, envers
lequel je suis viscéralement opposée, mais tout de même, mon rôle de députée,
c'est de chercher à le bonifier. Pourquoi me refuse-t-il, comme il l'a fait ce
matin, d'aller à un article, l'article 131, où tout le monde est d'accord? On
pourrait justement régler rapidement, comme ça, les 15 ou 20 articles où il y a
vraiment des enjeux importants.
Il y a énormément d'articles de
concordance. Ça peut venir après, ça peut même être adopté en bloc. Il y en a,
des manières parlementaires de faire avancer correctement l'étude d'un projet
de loi. J'en ai vu, moi, depuis deux ans et demi, mais là, vraiment, on est
devant un ministre très, très intransigeant.
M. Lacroix (Louis)
:
Mais M. Barrette et également M. Paradis ce matin ciblaient davantage Mme
Lamarre, là, qui semble, selon, en fait, ce que disait M. Paradis, qui bloque,
fait du blocage. C'est l'expression qu'il a utilisée. Est-ce que vous êtes d'accord
avec ça? Est-ce que vous constatez aussi que le Parti québécois fait du
blocage?
Mme David (Gouin) : Moi, je
n'utiliserais pas le terme de blocage. Personnellement, en tout respect pour M.
Paradis, je trouve que ce terme est exagéré. Je reconnais toutefois que, particulièrement
durant les premières semaines, il y a eu vraiment des lenteurs. C'est évident
que l'opposition officielle a pris tout le temps dont elle disposait, et ce,
sans apporter beaucoup d'amendements au départ. Mais ça n'est pas le moment d'avoir
un bâillon. Ça va bien.
L'article le plus important du projet de
loi, l'article 4, a été adopté. Ça, c'est celui qui détermine tous les territoires
à travers le Québec. Ça a fait l'objet de nombreux débats, mais c'est un peu
normal, là, ça touchait les populations de toutes les régions du Québec. C'est
fait.
Alors, maintenant, ce que j'observe, là,
depuis que c'est réglé, c'est que ça avance rondement. Franchement, ça n'est
pas le moment d'imposer un bâillon. C'est parfaitement antidémocratique, et, en
fait, l'impression que ça donne, c'est que le ministre Barrette a vraiment hâte
d'en découdre avec les médecins de famille et avec les organismes qui rejettent
le projet de loi n° 20, parce que vous savez que l'un vient après l'autre.
M. Lacroix (Louis)
:
Oui. Est-ce que vous pensez que la CNPP du Parti québécois… dit qu'il y a un
choix stratégique avec la date de vendredi parce que ça va mettre les députés
du Parti québécois dans l'embarras. Si on lance une procédure d'exception à
partir de vendredi, ça va nous mener jusqu'à samedi, où eux sont en congrès à
Montréal… à Laval
Mme David (Gouin) : Oui, effectivement,
le Parti québécois est en conseil national en fin de semaine. Donc, en plus d'être
antidémocratique, ce bâillon, s'il devait venir vendredi, vraiment, il y aurait
quelque chose qui serait le contraire du fair-play. Et je me dis qu'en
politique on a beau avoir des allégeances partisanes, on a beau se chicaner,
etc., il me semble qu'on essaie d'avoir un minimum de fair-play les uns à
l'égard des autres. Donc, on ne provoque pas de bâillon.
Pour le public qui nous écoute, le
bâillon, c'est une loi spéciale. Ça prend de nombreuses heures, il y a toutes
sortes d'étapes. Alors, ça veut dire qu'on finirait quelque part dans la nuit
de vendredi à samedi. Sachant que les députés du Parti québécois devront être à
leur conseil national samedi, franchement, moi, je trouve que ça serait une
manoeuvre absolument indigne.
M. Vendeville (Geoffrey) :
Est-ce que vous pensez que c'est peut-être un bluff pour précipiter les travaux
de la commission ou est-ce que ça vient réellement?
Mme David (Gouin) : Écoutez, ça
pourrait aussi être un bluff, c'est sûr. Tout est possible dans le monde
politique. Mais, quoi qu'il en soit, moi, ce que je dis au ministre, là, c'est :
Ne faites pas preuve d'intransigeance. Soyez ouvert à débattre en priorité
d'enjeux, dans votre projet de loi, dont vous savez qu'ils sont importants.
Concédez-le, là. Ça ne vous enlève rien. On pourrait discuter le l'article 131
sur la mise en place d'un grand comité consultatif pour accompagner le conseil
d'administration du CISSS. Il n'y a aucun incident… aucune incidence, pardon,
sur d'autres articles. Pourquoi ne pas le faire? Mme Lamarre proposait ce matin
d'adopter tout de suite l'article 35, elle avait un amendement, le ministre
disait : Je suis d'accord avec votre amendement, mais, non, on ne peut pas
aller à l'article 35, il faut y aller petit bout par petit bout. C'est
aberrant, là.
Et, pour un ministre qui veut chambarder
tout un système en se targuant d'avoir un meilleur réseau, plus efficace, bien,
je trouve qu'en ce moment le ministre nous condamne à l'inefficacité. Ce n'est
pas très logique tout ça. Donc, que ça soit un bluff ou que ça soit réel, moi, je
trouve que là, là, aujourd'hui, le débat est mal engagé. On devrait y aller sur
des articles prioritaires et on devrait ensemble, là, tenter de bonifier le projet
de loi sans menace de bâillon, là. Franchement, ça n'est pas une bonne façon de
travailler. Merci à vous.
(Fin à 13 h 40)