(Onze heures quatre minutes)
M. Couillard : Merci, merci.
Mesdames, messieurs, bonjour. Chers Québécois, chères Québécoises, j'annonce aujourd'hui
que je mets fin à ma carrière politique. J'ai informé le président du Parti
libéral du Québec de ma démission à titre de chef de parti. Le caucus des députés
choisira sous peu un chef intérimaire, puis nos instances planifieront la tenue
d'une course à la direction au moment jugé le plus opportun.
Je ne commencerai pas non plus mon mandat
de député de Roberval. Je remercie encore une fois mes concitoyennes et
concitoyens pour leur soutien. Il faudra donc tenir une élection partielle dans
la circonscription dans les délais prévus par la loi. Je présenterai bien sûr
ma démission au lieutenant-gouverneur afin d'assurer la transition la plus
harmonieuse possible.
Le résultat sans équivoque de l'élection
générale, après un mandat pourtant marqué par un redressement et une relance
historique du Québec, m'amène à prendre cette décision. Le désir de changement
s'est clairement exprimé. Il faut donc en assumer les conséquences. Une
nouvelle personne, peut-être même une nouvelle génération, si les militants le
décident, guidera la prochaine étape de la vie de notre grand parti.
J'ai été très fier de représenter le comté
de Roberval, la région du Saguenay—Lac-Saint-Jean et d'y baser mon action
politique, fier aussi d'avoir été un premier ministre de région, habitant en
zone rurale, auprès d'agriculteurs, de forestiers et d'entrepreneurs, à
proximité d'une communauté autochtone. Ma fonction m'a permis, je crois, de
faire en sorte que ma région, que les régions en reçoivent les fruits, et les
bénéfices ont été appréciables. Je crois que c'est ce que les électeurs ont
voulu reconnaître en me renouvelant leur confiance le 1er octobre. Je les
remercie de leur amitié et de leur soutien. J'ai été tellement fier de parler
d'elles et d'eux partout au Québec, au Canada et dans le monde. Je crois et
j'espère qu'ils comprendront ma décision dans les circonstances.
Avec un bilan plus qu'enviable et le
résultat de l'élection du 1er octobre, après avoir mis toute mon énergie
au service du Québec, demeurer en politique, à quelque titre que ce soit, est
au-delà de ce que je me sens humainement capable de faire. Je demande aux
Québécoises et aux Québécois de le comprendre et de me laisser prendre congé en
paix. Au total, j'aurai consacré près de 10 ans de ma vie au service
public. Ce sera toujours pour moi une grande source de fierté.
Je veux prendre un moment pour remercier
les femmes et les hommes qui se sont engagés en politique à mes côtés, y
compris celles et ceux qui ont été défaits le 1er octobre, l'équipe
formidable de députés qui ont rendu possible tout ce qu'on a accompli dans les
quatre dernières années. Ce fut un honneur d'être leur chef. Celles et ceux qui
ont fait vivre nos bureaux de circonscription et nos cabinets au cours du mandat
qui vient de se terminer, aussi tous les militants, les bénévoles et l'équipe
de la permanence du Parti libéral du Québec. Sans elles, sans eux, un parti
politique ne peut pas vivre, durer et grandir. Un grand merci aussi à notre
remarquable fonction publique. Travailler quotidiennement avec ces femmes et
ces hommes de grande qualité aura été pour moi une source d'inspiration et
d'apprentissage. Prenons-en grand soin.
Comme je l'ai dit le 1er octobre, je
laisse le Québec dans un bien meilleur état que celui dans lequel je l'ai
trouvé en 2014. Entre avril 2014 et octobre 2018, le changement est profond.
Nos finances sont solidement équilibrées. Le poids de la dette est en baisse.
L'économie tourne à plein régime. Un nombre d'emplois record a été créé. Nos
moyens retrouvés nous permettent de bien financer nos services publics,
particulièrement l'éducation, notre grand projet de société, sur la base d'une
vision ambitieuse de la réussite pour tous.
Aujourd'hui, plus de
3 000 personnes de plus oeuvrent dans nos écoles,
1 500 personnes de plus en soins à domicile et 2 000 de plus en
soins prolongés. Plus d'un million de Québécoises et Québécois de plus ont
accès à un médecin de famille. Dans les faits, la pauvreté a reculé, mais est toujours
présente. De nombreuses stratégies innovantes sont en place : un plan de
lutte à la pauvreté, une politique culturelle renouvelée, une stratégie
numérique.
Oui, nous avons été le gouvernement de l'économie
et des finances bien gérées et bien plus encore. Nous avons tenu un nombre
record d'engagements, agi pour l'équité entre les générations, reconnu les
gouvernements de proximité et l'insularité des Îles-de-la-Madeleine. Le Québec
est le leader canadien de la lutte aux changements climatiques. Le Québec a sa
première Stratégie maritime. Nous avons sauvé l'île d'Anticosti de la
dévastation à laquelle d'autres la destinaient. Toutes nos régions se portent
mieux. Toutes nos régions se portent mieux qu'en 2014.
English-speaking
Quebeckers, now, have a stronger voice and a better connexion within the
Government, a well-funded secretariat, along with a minister dedicated to
defending and representing their interest, because we're all first-class Quebeckers.
I want you to know that I did not do this for short-term electoral reasons, but
because of a profound belief in a truly inclusive Québec.
Je serai toujours
fier, tellement fier d'avoir, avec mon équipe, redonné au Québec les moyens de
ses ambitions et de l'avoir fait avancer plus loin vers sa destination :
un Québec prospère, instruit, équitable et vert. Le chemin est tracé. Il reste
bien sûr beaucoup à faire. Faisons en sorte que le Québec demeure la société la
plus équitable d'Amérique et puisse continuer son développement de façon
durable. Il faut rester engagé dans la lutte aux changements climatiques. Il
faut poursuivre la lutte contre la pauvreté. Les moyens sont là. La politique culturelle
renouvelée doit être déployée, au profit de nos créateurs et de leur public,
partout sur le territoire.
Nous devons continuer à faire progresser
notre influence dans le monde, notamment dans la francophonie. Je souhaite que
notre élan se poursuive au cours des prochaines années, mais souvenons-nous
qu'il est fragile. Nos plus grands défis demeurent la démographie et la pénurie
sévère de main-d'oeuvre qui touche toutes nos régions. Dans cette
circonstance, outre la formation, l'automatisation et la pleine participation
au marché du travail, le maintien de la cohésion sociale et du caractère
inclusif de notre société deviennent encore plus importants.
Les nouveaux arrivants qui combleront
beaucoup d'emplois disponibles ne représentent pas une menace pour notre
caractère distinct en Amérique. Au contraire, chacune et chacun constitue un
actif essentiel à notre croissance. À nous, à nous tous de faire en sorte
qu'ils s'intègrent bien à la société québécoise partout sur le territoire. À
cet effet, chaque mot, chaque geste comptent, dans un sens ou dans l'autre.
Il faut impérativement continuer à faire
évoluer notre relation de nation à nation avec les Premières Nations et les
Inuits. La déclaration des Nations unies doit constituer la base de notre travail.
Ces peuples dont nous occupons les territoires traditionnels doivent détenir eux-mêmes
les leviers de leur développement et en retirer une juste part des bénéfices.
Suzanne et moi allons entreprendre une
nouvelle phase de notre vie. Difficile de dire aujourd'hui où elle nous mènera.
Vers de nouveaux défis passionnants, j'espère. Certainement vers plus de
quiétude, de sérénité, des contacts plus réguliers avec ma mère, nos enfants et
nos petits-enfants. Je veux la remercier encore pour sa générosité, son amour
si souvent démontré, aussi pour son écoute, sa connaissance très fine et
personnelle de la vraie vie du vrai monde, comme on dit chez nous. Il est
maintenant temps de penser un peu à nous, comme dit la chanson.
Je veux terminer cette déclaration en vous
parlant de nos libertés. Au cours de nos 400 ans d'histoire, nous les
avons défendues, parfois jusqu'au sacrifice ultime. Elles sont contenues dans
les chartes québécoise et canadienne des droits et libertés. Elles sont
précieuses, donc fragiles. Prenons-en grand soin. Voici une belle phrase d'Amin
Maalouf à méditer : «Pour toute société et pour l'humanité dans son
ensemble, le sort des minorités n'est pas un dossier parmi d'autres. Il est,
avec le sort des femmes, l'un des révélateurs les plus sûrs de l'avancement
moral ou de la régression.»
Notre Assemblée nationale, comme tous les
Parlements, se doit de protéger leurs droits plutôt que de les restreindre, si
elle veut conserver sa légitimité. En fait, c'est un de ses devoirs principaux.
La majorité n'a pas tous les droits, et ceux qu'elle exerce doivent être
compensés par la protection de ceux des minorités. C'est un principe
démocratique fondamental. Le Québec doit demeurer une terre d'accueil
souriante, une société inclusive où toutes et tous sont invités à la table, un
endroit où on juge les humains pour ce qu'il y a dans leur tête, pas sur leur
tête, dans leur coeur, pour ce qu'elles et ils ont à nous apporter. Je souhaite
qu'on nous admire, qu'on parle de nous avant tout pour notre énergie créatrice,
notre résilience, nos artistes, nos savants et nos entrepreneurs.
Je demande à mon parti de rester fidèle à
ses valeurs et surtout de ne jamais les marchander pour quelques votes. Tenter
d'imiter nos adversaires ne nous conduira pas à la victoire; la force de nos
convictions, oui. Ayons confiance en nous. Ne craignons surtout pas l'autre ou
l'avenir. Écoutons notre belle jeunesse qui nous dit de rester confiants et
ouverts. Nous avons toutes les raisons d'être optimistes pour notre peuple. Je
serai toujours très fier, avec mon équipe, de lui avoir fait faire un bout de
chemin au cours des dernières années. À d'autres maintenant de prendre le
relais.
Vive le Québec, terre française
d'Amérique, territoire immense, paysages magnifiques, si riche en ressources,
mais surtout en talents, terre de mes ancêtres et des nouveaux arrivants,
berceau des Premières Nations et des blessures à soigner, terre fertile
d'espoir, de résilience et de liberté.
Bonne journée. Merci.
(Fin à 11 h 15)