Conférence de presse
de Mme Guylaine Leclerc, Vérificatrice générale
Sujet :
Présentation du tome de juin 2020 du rapport du Vérificateur général
Le mercredi 3 juin
2020
(Onze heures douze minutes)
Le Modérateur
: Alors,
bonjour à tous. Bienvenue à cette conférence de presse pour la présentation du
tome de juin 2020 de son rapport. La Vérificatrice générale du Québec, Mme
Guylaine Leclerc, est accompagnée du sous-vérificateur général, M. Serge
Giguère.
Alors, Mme la Vérificatrice générale, à
vous la parole.
Mme Leclerc (Guylaine) :
Alors, mesdames messieurs, bonjour. C'est avec plaisir que je suis avec vous
aujourd'hui, malgré la situation exceptionnelle, pour vous présenter les résultats
des travaux que nous avons menés au cours des derniers mois. En effet, malgré
que le Québec ait été en pause, nos équipes ont continué à travailler à
distance pour nous permettre de déposer cet avant-midi, à l'Assemblée nationale,
notre tome de juin 2020.
Pour l'occasion, je suis accompagnée de
M. Serge Giguère, sous-vérificateur général, et Caroline Rivard, qui est
en arrière, directrice principale.
Je commence par un sujet qui nous
interpelle tous et toutes et qui occupe une part de plus en plus importante
avec la numérisation des données, soit la gestion des identités et des accès
informatiques. Au fil des ans, le Vérificateur général a observé des lacunes
relatives à la gestion des entités et des accès informatiques lors de ses
travaux d'audit financier dans plusieurs entités gouvernementales.
Pour accroître la sensibilisation à cette
question, cet audit de performance a été réalisé auprès de deux entités
possédant un grand volume de renseignements personnels et confidentiels, soit
la Régie de l'assurance maladie du Québec, la RAMQ, et Retraite Québec. Notre
audit visait à déterminer si la RAMQ et Retraite Québec appliquent les mesures
de contrôle et de sécurité nécessaires pour que la gestion des identités et des
accès soit efficace et sécuritaire. Nous avons constaté que, malgré les efforts
déployés par ces organisations, des zones à risque demeurent. Les activités du
personnel ayant des accès informatiques privilégiés, la révision périodique des
accès de l'ensemble du personnel, de même que la surveillance exercée par les
instances de gouvernance ont attiré particulièrement notre attention.
Dans un premier temps, nous avons constaté
que la RAMQ et Retraite Québec ne contrôlent pas assez les activités du
personnel ayant des accès privilégiés. Parmi les éléments pour lesquels les
contrôles sont insuffisants, notons la révision des accès privilégiés, le suivi
des alertes de sécurité automatisées et des journaux, la validation de
l'honnêteté des personnes ayant des accès privilégiés, dont la vérification des
antécédents judiciaires.
Par ailleurs, nous avons constaté que la
supervision doit être renforcée lorsque le personnel ayant des accès
privilégiés télécharge des données confidentielles, et ce, tant à la RAMQ qu'à
Retraite Québec. Actuellement, les utilisateurs n'ont pas toujours besoin
d'obtenir l'autorisation de leur gestionnaire avant de procéder au
téléchargement, et ces derniers n'effectuent pas de suivi systématique sur ce
qui a été téléchargé.
Notre rapport fait état que des contrôles
importants liés à la gestion des accès octroyés par la RAMQ et Retraite Québec
ne sont pas appliqués de manière suffisamment efficace, soit la désactivation
et la révision des accès. Nous avons trouvé plusieurs cas de désactivation
tardive, des accès à la révision des accès... et la révision des accès est
parfois inexistante ou se fait à fréquence insuffisante.
Dans le cadre d'une saine gestion des
risques organisationnels, les responsables de la gouvernance et la haute
direction doivent être informés des risques et des problèmes de contrôle en
lien avec la confidentialité et l'intégrité de l'information. La RAMQ et Retraite
Québec n'ont pas d'indicateurs de gestion qui permettent aux responsables de la
gouvernance et à la haute direction de repérer les situations à risque et
d'assurer le suivi de celles-ci.
Par ailleurs, la surveillance exercée par
le Secrétariat du Conseil du trésor en matière de gestion des identités et des
accès ne lui permet pas de s'assurer que ses orientations et ses directives
sont appliquées adéquatement par les entités. Dans les faits, le secrétariat se
limite à leur demander si elles ont mis en place un processus sans être en mesure
d'en apprécier l'efficacité.
Dans le chapitre 3, nous nous sommes
intéressés à la façon dont le ministère de la Culture et des Communications
assume ses responsabilités en matière de patrimoine immobilier. Constitué de
biens inestimables et irremplaçables, le patrimoine immobilier est partie
intégrante de l'identité culturelle d'une communauté et constitue un héritage
légué aux générations futures. Il est donc important que sa sauvegarde et sa
valorisation soient l'une des préoccupations de l'État. Ce patrimoine fait face
à des menaces continuelles, multiples et variées. C'est pourquoi un fort
leadership gouvernemental est nécessaire pour en assurer la sauvegarde.
Notre audit avait pour objectif de
déterminer si les interventions du ministère de la Culture et des
Communications permettent d'atteindre, de façon efficace et efficiente, les
quatre objectifs de la Loi sur le patrimoine culturel, soit assurer la
connaissance, la protection, la mise en valeur et la transmission du patrimoine
immobilier, appelé aussi patrimoine bâti. Force est de constater que le MCC
n'assume pas adéquatement ses responsabilités en matière de patrimoine
immobilier et n'exerce pas son leadership. Il n'y a pas de stratégie
d'intervention en matière de patrimoine immobilier. Ses interventions sont
souvent insuffisantes ou elles manquent de cohérence. Cela peut expliquer la
faible adhésion que l'on observe chez certains de ses partenaires essentiels
pour remplir son mandat.
Nous avons constaté que le MCC encadre peu
les actions des municipalités alors qu'elles sont des acteurs incontournables
en ce qui concerne la sauvegarde et la valorisation du patrimoine immobilier.
Le ministère n'a pas convenu avec les municipalités de ce qui devait être en
place pour l'appuyer dans ses responsabilités légales de sauvegarde du
patrimoine bâti. Il laisse la protection d'une part importante de ce patrimoine
aux municipalités car, de son côté, il s'occupe uniquement de classer les
immeubles qu'il considère d'intérêt national. Cependant, il fournit peu de
soutien aux municipalités dans l'exercice des pouvoirs qui leur sont accordés.
Par ailleurs, le classement des biens
patrimoniaux ne fait pas l'objet d'un traitement équitable et diligent par le
MCC. Le cadre d'évaluation est incomplet et les analyses sont partielles car
elles omettent des critères importants. Les délais de traitement sont
considérablement longs dans plusieurs dossiers. Ceux-ci peuvent avoir pour
conséquence la détérioration, l'altération des matériaux et des structures.
Certains en viennent même à perdre leur intérêt patrimonial en raison de
l'absence d'intervention à l'intérieur de délais raisonnables.
Enfin, l'État ne fait pas preuve
d'exemplarité en matière de sauvegarde et de valorisation du patrimoine
immobilier. Certaines pratiques de l'État au regard des biens immobiliers
patrimoniaux dont il est propriétaire sont inadéquates. Des immeubles sont
laissés vacants depuis de nombreuses années ou des entités du gouvernement
n'obtiennent pas les autorisations préalables du ministère avant de réaliser
des travaux. À titre de propriétaire d'immeubles ayant une valeur patrimoniale,
l'État se doit d'être exemplaire dans un domaine où l'adhésion collective s'avère
cruciale.
Maintenant, le chapitre 4. Le
chapitre 4 est consacré à un important suivi des recommandations adressées
au ministère des Transports. Il concerne principalement des recommandations que
nous avons formulées lors d'un audit particulier sur la gestion contractuelle
au ministère des Transports que nous avait confié le Conseil du trésor en 2016.
Cette demande avait donné lieu à la publication de deux rapports d'audit de
performance déposés en mars et en juin 2017.
Le suivi révèle que le ministère a posé
plusieurs gestes concrets pour améliorer sa gestion contractuelle. Le mode de
gouvernance du ministère en cette matière a notamment été amélioré de façon
importante. Le ministère a renforcé sa structure organisationnelle, précisé ses
rôles et responsabilités et bonifié ses outils d'aide à la prise de décision.
Cependant, l'atteinte des objectifs de son
plan de renforcement de l'expertise demeure un défi de taille, tout
particulièrement pour les ingénieurs et les techniciens des travaux publics.
Ainsi, au 31 mars 2019, plus de sept ans après le déploiement de son plan de
renforcement de l'expertise, il manquait toujours 225 ingénieurs et
techniciens de travaux publics pour combler les besoins exprimés en 2011 par le
ministère. De plus, le ministère n'est pas encore parvenu à améliorer
suffisamment la justesse de ses estimations de coûts afin de pouvoir mieux
apprécier les prix soumis par les firmes.
Malgré les ajustements apportés pour
améliorer la justesse de ces estimations, le nombre de contrats pour lesquels
les coûts estimés a été surévalués ou sous-évalués de 10 % ou plus demeure
important. Cela concerne près de 44 % des contrats de 25 000 $
et plus octroyés en 2018‑2019 et 2019‑2020.
Enfin, depuis mai 2017, le Vérificateur
général publie annuellement un rapport dans lequel il présente les résultats de
ses travaux relatifs à l'application de ses recommandations. Le suivi du taux
d'application des recommandations est le moyen privilégié par le Vérificateur
général pour évaluer les retombées de ses travaux. En effet, nos interventions
sont utiles dans la mesure où ces recommandations donnent lieu à des progrès
significatifs puisque celles-ci visent à corriger les lacunes relevées au cours
de nos travaux. Pour l'année 2019‑2020, le taux d'application de nos recommandations
est de 78 %.
Enfin, ce chapitre répond à une demande de
la CAP de leur transmettre annuellement notre suivi concernant quatre rapports.
Ce sont les suivants : reprise informatique, gestion des pneus hors
d'usage, intégration des personnes immigrantes, service individuel de soutien à
l'installation et à l'intégration, contrats en technologie de l'information.
Alors, je suis maintenant prête à répondre
à vos questions en lien avec ma présentation.
Le Modérateur
: Très
bien. Merci beaucoup. Alors, pour la période des questions, nous allons débuter
avec Alex Boissonneault, Radio-Canada.
M. Boissonneault (Alex) :
Bonjour, Mme Leclerc. Bonjour, monsieur. Ma première question porterait sur la
gestion du patrimoine. J'aimerais savoir dans quelle mesure la loi actuelle, la
loi de 2012, est intervenue dans les lacunes qu'on a observées, parce que vous
parlez de lacunes qui datent de plusieurs décennies. En quoi le cadre légal est
problématique?
Mme Leclerc (Guylaine) : Bien,
ce que je vous dirais, c'est que le ministère, pas la loi, mais le ministère, a
fait le choix de transférer certains pouvoirs à des municipalités. Donc,
lorsqu'on regarde mon rapport, dans une des figures, je pense que c'est la
figure 2, on y voit à quel point il y a des immeubles qui ont été cités par les
municipalités. Le fait de donner ça à des municipalités, c'est bon en soi,
parce que c'est quand même plus proche du citoyen, O.K., les municipalités sont
plus proches des citoyens. Il faut leur donner des pouvoirs qui vont aller avec
les devoirs qu'ils ont.
Donc, on ne les accompagne pas, on ne les
forme pas, alors... Et on a fait un sondage auprès des municipalités pour leur
demander dans quelle mesure ils se sentaient suffisamment formés ou ils avaient
eu de la formation de la part du ministère. Et la très grande majorité disaient
qu'ils n'avaient pas eu ou qu'ils avaient eu très peu de formation, qu'ils
étaient très peu encadrés. Et lorsqu'on leur demandait : À votre avis, est-ce
que vous êtes suffisamment connaissants du patrimoine bâti dans votre municipalité...
et la très grande majorité des petites et moyennes municipalités mentionnaient
que, non, ils n'avaient pas suffisamment de connaissances. Donc, effectivement,
la loi a autorisé à ce que les municipalités soient prêtes, posent des actes,
mais, dans le fond, le ministère ne les a pas accompagnées aux pouvoirs qu'il
leur a donnés.
M. Boissonneault (Alex) :
Donc, en ce sens, est-ce qu'il devrait y avoir un changement légal ou vous
croyez que, seulement en répondant aux objectifs qui sont prévus dans la loi et
en accompagnant davantage les municipalités, il serait possible d'atteindre nos
objectifs en matière de gestion du patrimoine?
Mme Leclerc (Guylaine) :
Je vous répondrais deux choses. La première chose, c'est qu'on ne peut pas
commenter si on doit modifier ou non une loi, O.K.? Ça, c'est le législateur.
Ce sont les parlementaires qui ont décidé ce qu'ils doivent faire et ce qu'ils
veulent faire. Mais, déjà, avec ce qu'on a actuellement, O.K… Par exemple, on
avait un plan stratégique dans lequel on disait : On va donner... faire
des communications auprès de 17 MRC, mais finalement on n'en a fait qu'à
huit puis on n'en a pas fait aux municipalités. Donc, déjà avec les pouvoirs
que le ministère a et avec le cadre qu'il a actuellement, bon, bien, il
pourrait grandement améliorer sa gestion.
Le Modérateur
:
Avez-vous besoin d'une précision, M. Boissonneault? Je voyais que vous me
faisiez signe, puis on a le temps, là.
M. Boissonneault (Alex) :
J'ai une question sur un autre sujet. Donc, je peux revenir.
Le Modérateur
:
Allez-y.
M. Boissonneault (Alex) :
J'aimerais savoir... Pour ce qui est du ministère des Transports, là, on
apprend ce matin que le gouvernement présente un projet de loi pour accélérer
la réalisation de certains de ses projets, et ça va affecter le ministère des
Transports. Compte tenu de ce que vous avez noté, est-ce que ce n'est pas
précipité de faire ça? Est-ce que ça ne vient pas ajouter au problème si on a déjà
de la difficulté à embaucher de l'expertise puis on a déjà de la difficulté à
estimer les coûts, par exemple? Est-ce qu'on a besoin de ce que la loi prévoit actuellement
pour que le travail se fasse bien ou un projet de loi, comme il est présenté,
est mal avisé?
Mme Leclerc (Guylaine) :
Bien, je ne suis pas en mesure de vous parler du projet de loi parce que je ne
l'ai pas lu. Par contre, ce que nous savons, c'est que le gouvernement a
l'intention d'accroître le développement d'infrastructures. Et ce que nous disons
dans notre rapport, c'est qu'avec les résultats de l'audit que nous réalisons
on est grandement préoccupés par cet accroissement-là dû au fait que, bon, il
manque toujours de techniciens et d'ingénieurs. On fait une mauvaise évaluation
des projets. On ne fait pas une supervision adéquate des évaluations qui sont
faites par les firmes externes. Alors, nos constats demeurent, O.K.? Il y a
plusieurs de nos constats qui demeurent. Et ça risque de s'amplifier avec
l'augmentation de travaux d'infrastructures qu'il va y avoir dans le futur.
Le Modérateur
: Merci.
Maintenant, au tour de Marco Bélair-Cirino, Le Devoir.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Oui, bonjour, Mme Leclerc. À quoi attribuez-vous les lacunes observées au
ministère de la Culture et des Communications dans la protection du patrimoine
immobilier québécois? Est-ce que c'est un manque de ressources, un manque de
leadership administratif, un manque de leadership politique?
Mme Leclerc (Guylaine) :
Ce que je vous dirais, c'est que le ministère n'a pas été en mesure
d'identifier une stratégie adéquate, je vous dirais, une vision, ne serait-ce
que de définir ce qu'est le patrimoine.
Quand on a débuté le mandat, on avait un
différent groupe d'experts puis chacun avait une définition différente du patrimoine.
Alors, il est important que le ministère ait une stratégie et une vision et
que... et de là découle une série de constats qu'on a faits. Donc, par exemple,
pour les municipalités, O.K., le fait qu'il n'y ait pas de stratégie et de
vision, bien, la communication qui se fait aux municipalités n'est pas
adéquate. Et on sait que les municipalités, la majorité de leurs revenus
proviennent de taxation.
Donc, c'est important de les informer sur
l'importance du patrimoine, de les accompagner aussi dans la préservation du
patrimoine. C'est important aussi de s'assurer auprès du citoyen qui détient
des biens qui sont sur des sites classés, sur ce qu'il peut faire, ce qu'il ne
peut pas faire et s'assurer qu'il y a une cohérence entre un bien détenu par
une personne et un bien détenu par une autre personne sur un même site.
M. Bélair-Cirino (Marco) : Et
à qui revient habituellement, dans un ministère, l'élaboration d'une vision,
d'une stratégie?
Mme Leclerc (Guylaine) : À la
très haute direction et aux instances de gouvernance.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Très bien. Est-ce que la Régie de l'assurance maladie du Québec et Retraite
Québec sont à l'abri, aujourd'hui, d'un vol de données personnelles,
confidentielles, comme celui qui a ébranlé le Mouvement Desjardins l'année
dernière?
Mme Leclerc (Guylaine) : Je
dois vous dire qu'on n'a identifié aucune activité frauduleuse, ou d'erreur
majeure, ou de téléchargement d'information personnelle et confidentielle. Ce pour
quoi on a réalisé cette mission-là, c'est parce qu'on a constaté, dans plusieurs
entités, lorsqu'on faisait nos audits financiers, qu'il y avait des
problématiques à ce niveau-là. Donc, c'est comme si on avait une porte qui
demeurait débarrée. O.K.? Donc, il y a des risques.
Par contre, ce que je dois dire, c'est que
les deux entités ont été très, très réceptives, tout au long de nos travaux, à
mettre en place des correctifs et s'assurer que des correctifs soient... il y
en a qui sont déjà mis en place puis il y en a d'autres qui sont en train
d'être mis en place. Donc, effectivement, il y a... et le risque zéro n'existe
pas, O.K.? Même si on barrait les portes à double tour et qu'on mettait en
place toutes nos recommandations, le risque zéro n'existe pas. Mais, par
contre, nos recommandations sont pour renforcir, justement, ces éléments-là.
Le Modérateur
: Merci.
Ariane Krol, La Presse.
Mme Krol (Ariane) : Ma
première question, encore une fois, sur la protection des données.
Effectivement, les deux entités que vous avez examinées se sont empressées de
dire qu'il n'y avait pas eu de fraude, que vous n'en aviez pas trouvée, mais
est-ce que vous pouvez certifier qu'il n'y en a pas eu et qu'il n'y a pas
actuellement des données qui auraient été prises et qui pourraient être
utilisées pour frauder des citoyens?
Mme Leclerc (Guylaine) : On n'est
pas en mesure de le certifier, effectivement, mais on n'a eu aucune situation
qui pouvait nous laisser croire que cette situation aurait pu exister. Il faut
comprendre qu'il y a plusieurs contrôles, hein, qui sont nécessaires puis qu'il
y avait des lacunes, donc, par exemple, une bonne classification des informations
sensibles. Ce qu'on a constaté, c'est que, dans une entité, on pouvait
constater que, dans un département, c'était très sensible, dans un autre, ça ne
l'était pas ou c'était moins sensible. On a ne serait-ce que ceux qui ont des
accès privilégiés. Il faut comprendre que ceux qui ont des accès privilégiés
ont beaucoup, beaucoup de pouvoir. Alors, pour ces gens-là, de ne pas faire de
vérification d'antécédents judiciaires, bien, ce n'est pas adéquat. Il faut
s'assurer que quelqu'un ait une probité lorsqu'il détient autant de pouvoir
dans une organisation.
Donc, c'est le genre de constats qu'on a
faits au sein de ces deux entités-là. On a une série de recommandations pour
corriger la situation. Et, comme je vous l'ai dit, dans certains cas, ça a été
corrigé. Dans certains autres cas, ils sont en train de corriger.
Il y a une chose que je dois ajouter
aussi, c'est que, dans le cas de Retraite Québec, c'est la fusion de deux
entités, hein, c'est la CARRA et c'est la Régie des rentes. Alors, c'est deux
systèmes. C'est complexe. Et, lorsqu'on dit : Bien, c'est important de
journaliser les transactions des personnes qui ont des accès privilégiés, c'est
important, puis c'est important de faire un suivi, bien, dans certains cas, ce
n'est pas facile de le faire à cause des systèmes qui sont en place. Mais ce
qu'on nous répond dans les commentaires, c'est à l'effet qu'ils sont en train
de corriger la situation.
Mme Krol (Ariane) : Sur le
patrimoine, votre rapport, ce n'est pas le premier qui souligne des lacunes
importantes au niveau du patrimoine. Et votre rapport montre que ça perdure.
Est-ce que vous avez l'impression que les gouvernements se soucient
véritablement de la protection du patrimoine au Québec?
Mme Leclerc (Guylaine) : Je ne
suis pas en mesure de vous dire s'ils s'en soucient ou s'ils ne s'en soucient
pas. Par contre, ce que je peux vous dire, c'est qu'ils ne posent pas les gestes
de manière à ce qu'on préserve le patrimoine bâti.
Le Modérateur
: Très
bien. Maintenant, au tour de Louis Lacroix, Cogeco Nouvelles.
M. Lacroix (Louis) : Bonjour,
Mme la vérificatrice. Ma première question serait sur le ministère des
Transports parce que ce qu'on constate également dans votre rapport, c'est que
le ministère des Transports semble être encore une fois très dépendant de
l'expertise des firmes privées de génie-conseil. C'est eux souvent qui
préparent les appels d'offres, en fait, les évaluations, qui vont par la suite
faire de la surveillance de chantier. Est-ce qu'il y a une trop grande
dépendance justement à ces firmes-là pour éviter les dépassements, soit la
sous-évaluation ou la surévaluation des contrats?
Mme Leclerc (Guylaine) : Bien,
c'est certain qu'en manquant de personnel, tant ingénieurs que techniciens,
bien, on n'a pas de choix de se tourner vers des firmes. Ce qu'on a constaté,
c'est que, lorsqu'il y avait une évaluation de coûts de travaux réalisés par
les firmes, bien, ce qui était fait par le ministère, c'était peu ou pas documenté
pour évaluer le travail qui avait été fait par les firmes. Donc, dans un
premier temps, manque d'expertise. On n'a pas réussi à combler les postes qu'on
voulait.
On a augmenté de manière importante, quand
même, les postes, mais ils ont augmenté de manière encore plus importante au
niveau du siège social, donc du central, ce qui est nécessaire parce qu'il y avait
des lacunes au niveau du central. Mais on comprend bien qu'au niveau territorial,
c'est d'autant plus important d'avoir des personnes compétentes sur le
territoire. Donc, ça, c'est un manque au sein du ministère des Transports.
Donc, manque d'expertise de la revue des
évaluations qui sont faites par les firmes qui sont déficientes et
l'accroissement de l'expertise majoritairement au sein du central plutôt que
dans les territoires.
M. Lacroix (Louis) :
Selon les vérifications que vous avez faites de plusieurs contrats qui avaient
été faits par des firmes, ça semble presque systématique qu'il y ait des
mauvaises évaluations, soit à la baisse, soit à la hausse, là. Est-ce que...
Mme Leclerc (Guylaine) : Effectivement,
dans 44 % des cas, c'est plus de... il y avait des mauvaises évaluations
de plus de 10 %, soit en surévaluation ou en sous-évaluation.
Puis il faut savoir que la surévaluation
est aussi problématique que la sous-évaluation, hein, parce que, si on
surévalue ce que va coûter un projet puis qu'on reçoit une proposition, bien,
la proposition est peut-être déjà trop haute, là. Donc, on a effectivement
constaté un très grand nombre de sur ou de sous-évaluation.
M. Lacroix (Louis) :
Mais ce que je voulais... Je n'avais pas complété ma question, mais, merci,
c'est...
Mme Leclerc (Guylaine) :
Ah! O.K.
M. Lacroix (Louis) :
Non, non, c'est correct. C'est bien, ce que vous avez dit, ça va. Mais ce que
je voulais dire, ce que je voulais mettre... essayer de voir, c'est :
Est-ce que, quand on fait affaire avec une firme de génie-conseil... parce que
le ministère en fait aussi, des évaluations, là. Est-ce que vous êtes capable
de comparer le taux de compétence, mettons, du ministère versus ce que font les
firmes-conseils? Autrement dit, est-ce qu'il y a plus de surévaluations ou de
sous-évaluations quand c'est des firmes-conseils que quand c'est le ministère
des Transports qui les fait? Êtes-vous capable de voir ça?
Mme Leclerc (Guylaine) :
Ah! tu peux répondre, Serge. Vas-y.
M. Giguère (Serge) :
O.K. Bien, effectivement, vous allez le trouver dans notre rapport, là, lorsque
des firmes privées font les évaluations, on a vu que c'est souvent des
sous-évaluations par les firmes. Les firmes sous-évaluent le montant des
contrats. Notre échantillonnage démontrait une moyenne d'écart de 48 %. Il
y avait un cas extrême, là. Si on enlève le cas extrême, il resterait quand
même 33 %, là, de sous-évaluations. Ça fait qu'on trouve que c'est quand
même important, là, que ça soit... Il faut que ça soit questionné, pourquoi
qu'ils sont toujours sous-évalués.
M. Lacroix (Louis) :
Mais justement, pourquoi vous pensez qu'ils sont toujours... qu'ils sont bien
souvent... parce qu'à un moment donné vous aviez, je pense, c'était 13 sur
15...
M. Giguère (Serge) : 13 sur
15 c'est ça. C'est 13 sur 15, effectivement, c'est ça.
M. Lacroix (Louis) : ...
où il y avait des mauvaises évaluations. Est-ce que c'est volontaire? Est-ce
que c'est...
Mme Leclerc (Guylaine) :
Bien, je peux peut-être juste... De là l'importance, par le ministère, même
s'il fait faire le travail par une firme, de lui-même revoir le travail. Et ce
qu'on a constaté, c'est que la revue faite par le ministère n'était pas adéquate.
M. Lacroix (Louis) : Non,
mais c'est parce que c'est important. Dans le cadre de tout ce qui a mené à
cette vérification-là, c'était justement le lien avec les firmes de
génie-conseil. En mai 2016, là, il y avait un article excellent qui avait
été fait dans L'Actualité, si je me souviens bien. Et donc je voulais
savoir si ça avait changé finalement, s'il y avait eu une différence, s'il y
avait eu...
M. Giguère (Serge) : Dans le
rapport, on dit qu'il y a différents facteurs. Tu sais, des fois, il peut y
avoir le marché qui joue. Bien sûr, là, le marché peut jouer. Et après ça c'est
la rigueur dans la façon de faire les évaluations. Puis on voit des fois qu'ils
oubliaient... La complexité, ils la diminuent un peu. Ils ne voient pas toute
la complexité ou, en tout cas, ils ne reflètent pas toute la complexité du
projet dans les estimations. Ils oublient des activités essentielles. Donc, il
y a des... C'est pour ça qu'on dit qu'il faut que le ministère soit capable de
challenger un peu ces éléments-là pour être capable de le ramener au bon
niveau, là. Sinon, on s'en va faire un projet, et puis il va coûter pas mal
plus cher. On va avoir un problème budgétaire par la suite.
M. Gagnon (Marc-André) : Très
bien. Alors, si je peux me permettre à mon tour, Marc-André Gagnon, du
Journal de Québec, du Journal de Montréal. Donc, si je comprends
bien, pour faire un peu de millage sur la question de mon collègue, les
fonctionnaires du ministère des Transports auraient intérêt peut-être à mieux
surveiller les surveillants de chantier qu'ils embauchent. Je ne me trompe pas?
Et est-ce que c'est possible pour vous... Puis, encore là, mon collègue y
faisait référence. Ça fait plusieurs rapports que vous faites sur la situation
particulière du ministère des Transports. Êtes-vous en mesure de nous résumer
quels progrès ont pu être observés par rapport aux nombreuses recommandations
que vous avez faites? Parce que, là, la note globale, c'est que c'est
insatisfaisant, mais il y a sûrement des progrès quand même.
Mme Leclerc (Guylaine) : Oui.
Vous vous souviendrez qu'on a fait deux rapports, le premier rapport qui
était plus lié à la gouvernance et le deuxième qui était plus lié au processus
de contrats.
Et, pour ce qui est de la gouvernance, il
y a une bonne amélioration. Donc, il y a eu une bonne restructuration au sein
de l'organisation du ministère des Transports. Et d'ailleurs il y a eu des
bonnes communications aussi, de la formation qui a été faite aux employés pour
les sensibiliser à la gestion contractuelle. Et d'ailleurs il y a eu un sondage
qui a été fait, je pense, en décembre 2019, et on voit le niveau
d'adhésion du personnel. Donc, il y a vraiment... Le côté gouvernance, je vous
dirais, il y a une bonne amélioration.
Là où il y a des lacunes qui sont toujours
là, effectivement, c'est l'expertise qui manque toujours, c'est, comme on le disait
tout à l'heure, les mauvaises évaluations et l'encadrement des firmes.
M. Gagnon (Marc-André) : Et, pour
revenir sur la question de mon collègue de Radio-Canada, il y a eu,
effectivement, donc, le dépôt de ce projet de loi, cette intention gouvernementale,
qui est bien connue, quant à l'accélération de nombreux projets
d'infrastructures pour stimuler la relance économique. Il y a donc un risque
assez grand de voir la situation que vous déplorez aujourd'hui dans votre
rapport... qu'elle s'empire. Il y a un risque à vouloir aller plus vite, donc,
dans la réalisation de projets de construction, au MTQ, mais est-ce que ce
risque-là existe aussi pour d'autres ministères? Toujours en regardant les
caméras s'il vous plaît.
Mme Leclerc (Guylaine) : On
parle toujours des infrastructures?
M. Gagnon (Marc-André) : Oui.
Mme Leclerc (Guylaine) : Bien,
au niveau des infrastructures, bien, dans un premier temps, il y a
effectivement, je pense, c'est le ministère des Transports qui est le plus à
même d'être interpelé. Est-ce que tu penses...
M. Giguère (Serge) : ...
Mme Leclerc (Guylaine) : Oui,
à part ça? En tout cas, vous me posez une question qui est un petit peu... Je
n'ai pas pensé, là, faudrait réfléchir un petit peu voir quels sont les autres
ministères, mais je pense que le ministère des Transports est, de façon
importante, le plus impacté, là.
M. Gagnon (Marc-André) : O.K.
Alors donc, je vais revenir sur la question de la sécurité de données
personnelles. Est-ce que vous croyez que votre constat quant à la
confidentialité, l'intégrité des informations personnelles des Québécois est le
même ailleurs dans le gouvernement, dans d'autres ministères et organismes, par
exemple, là, au ministère du Travail, de l'Emploi et de la Solidarité sociale,
chez Revenu Québec, à la SAAQ?
Mme Leclerc (Guylaine) : Votre
question est intéressante parce que c'est justement pourquoi on a fait le
mandat au sein de ces deux organisations-là. C'est que dans le cadre de nos
audits financiers, on a constaté que près de 30 % des constats ou des
recommandations étaient liés, justement, à la gestion de l'identité et des
accès. Donc, ça existe dans plusieurs autres entités, je pense que c'est même
57, hein? C'est 57 entités dans lesquelles on a identifié un ou l'autre
des problèmes liés à la gestion des identités et des accès. Donc, de faire ce
mandat-là, c'est important pour nous puisque les autres organisations, les
autres entités, peuvent les regarder et peuvent mettre en application les
recommandations qu'on a mises là, parce qu'on voit que ça se reproduit dans
d'autres organisations.
Le Modérateur
: Très bien.
Juste avant de faire une deuxième ronde de questions en français, parce qu'il y
a un enjeu de temps, on va, si vous me permettez, prendre une question en
anglais «from Cathy Senay, CBC News».
Mme Senay (Cathy) :Hi. My question is about Bill 61, the bill that was tabled
earlier this morning, you know. I know that you haven't read it, but overall,
the spirit of the Government right now is definitely to accelerate projects and
infrastructure projects to revamp, to boost the economy. What do you see as a
matter of challenges, difficulties when you look at what's happening still at
the Transport Ministry?
Mme Leclerc (Guylaine) :
OK. Well, I think that the Transport Ministry will have a lot of challenges.
They will have to hire... They were supposed to hire more engineers and
technicians, and they haven't done that. So, there is a lack, I think, of 255 people missing, engineers and technicians, but they have
increased the number of engineers and technicians, but most of them are at the
headquarters.
So what we say is that
they must continue to hire such people but, among other things, they have to
hire them in the territorial sector. So there is a risk with the fact that they
will invest a huge amount of money in infrastructures. There is challenge for
the Ministry of Transport to be sure that they have the competency to be able
to supervise the private firm, to evaluate adequately the contract and the
project, to be sure that there will be no overrun, can I say, overrun, or
over...
Mme Senay (Cathy) : Basically costs that are... the estimations that are not accurate.
Mme Leclerc (Guylaine) : Exactly. They will have to have competent people to be sure that
the estimate will be accurate.
Mme Senay (Cathy) : Thank you.
Le Modérateur
: Any other question?
Mme Senay (Cathy) : Non, moi,
ça suffit...
Le Modérateur
: Très
bien. Alors, on va donc prendre des questions additionnelles en français. On
revient à Alex Boissonneault, Radio-Canada.
M. Boissonneault (Alex) : Je
voulais que vous me parliez peut-être de la stratégie de démolition par
abandon. Est-ce que vous avez noté... On disait qu'il y a plusieurs promoteurs,
entre autres, qui achetaient un édifice historique, patrimonial, et le
laissaient à l'abandon pour le démolir et, après ça, construire une tour à
condos. Est-ce que c'est fréquent, ça? Est-ce que c'est quelque chose d'avéré
sur le terrain?
Mme Leclerc (Guylaine) :
Est-ce qu'on a des statistiques là-dessus?
M. Giguère (Serge) : On n'a
pas de statistiques, mais il y a beaucoup de délais. Plus c'est long...
Mme Leclerc (Guylaine) : Ah!
oui, oui, c'est ça. Bien, c'est ça, effectivement, on parle de délais, O.K.?
J'ai... mon doux Seigneur, à quel page? Il y a 40 % des... dans 40 %
des dossiers qu'on a examinés, ça a pris cinq ans et plus entre le moment
d'une proposition et l'avis d'intention. Il faut savoir que l'avis
d'intention... à partir du moment où il y a un avis d'intention, l'immeuble est
protégé. Mais pour 40 % des dossiers qu'on a examinés, ça a pris
cinq ans et plus, et pour 20 % de ceux-là, ça a pris 10 ans et
plus. Alors, vous comprenez que, quand ça prend cinq et 10 ans, bien, il y
a un temps de détérioration, il y a une possibilité de détérioration fort
importante.
M. Boissonneault (Alex) :
Donc, il y a deux choses. Donc, il y a le promoteur qui achète un édifice, souvent
dans l'intention de le laisser à l'abandon, pour éventuellement dire : Ah!
bien là, il n'y a plus moyen de le récupérer, il faut le détruire, je vais
pouvoir construire ma tour à condos. Et il y a le fait que le gouvernement
n'agit pas assez rapidement pour contrer ces promoteurs-là.
Mme Leclerc (Guylaine) :
Il n'agit pas assez rapidement puis il n'est pas proactif non plus. Ce n'est
pas lui qui va aller dire : Bon, bien, cet immeuble-là, je vais le mettre
sur une liste. Il n'est pas classé encore, il n'y a pas eu d'avis d'intention,
mais, à tout le moins, je vais le surveiller, je vais m'assurer qu'il y a au
moins une forme de parapluie. Mais il ne le fait pas. Donc, il n'est pas
proactif. Il n'a pas de liste d'immeubles qui devraient être réfléchis pour les
générations futures, alors ne pensons qu'à la basilique Notre-Dame, à Montréal,
qui n'est pas classée. Donc, le ministère, comme je le disais, ne fait pas
preuve de proactivité, ne va pas au-devant du besoin du patrimoine bâti pour
s'assurer qu'il y ait une préservation.
M. Giguère (Serge) :
…une chronologie d'un exemple de cas, là, avec le propriétaire qui était en
désaccord, puis, à un moment donné, ça revient. Donc, c'est aller-retour, là.
Donc, les années passent puis le building devient désuet.
Le Modérateur
: Marco
Bélair-Cirino, Le Devoir.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Oui, juste une précision là-dessus parce que c'est intéressant, parce qu'on
avait toujours en tête que c'étaient des promoteurs immobiliers qui achetaient
un édifice classé, ou non patrimonial, mais qui avait une valeur patrimoniale,
et qui le laissaient dépérir, à l'abandon. Mais là est-ce que je comprends
qu'aussi, dans les causes de démolition, il y a les délais indus du ministère? Est-ce
que le ministère a une part de responsabilité dans...
Mme Leclerc (Guylaine) :
Bien, il faut savoir que l'immeuble n'est pas protégé tant qu'il n'y a pas eu
d'avis d'intention, O.K.? Donc, il est là, le problème, c'est qu'entre le
moment qu'il y a une proposition… Puis là il y a différentes étapes, hein? Avant
la proposition, il ne fait pas preuve de proactivité pour en identifier,
premièrement. Deuxièmement, lorsqu'il y a une proposition, bien, l'immeuble n'est
pas protégé encore. Et, entre la proposition et le moment où il y a un avis
d'intention, donc c'est là où il devient protégé avec l'avis d'intention, bien,
il s'écoule beaucoup de temps : dans 40 % du temps, cinq ans, et,
dans 20 % du temps, plus de 20 ans.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Donc, le ministère a une part de responsabilité? Si les délais étaient plus
courts, vous avez l'impression que les immeubles, leur condition serait
meilleure et leur restauration, plus facile.
Mme Leclerc (Guylaine) :
Bien, c'est certain qu'en étalant, en prenant autant de temps pour émettre un
avis d'intention, bien, l'immeuble a le temps de dépérir et de perdre toutes
ses valeurs patrimoniales.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Le gouvernement octroie, depuis le début de l'état d'urgence sanitaire, des
contrats de toutes parts, je pense qu'on parle de dizaines et de dizaines,
voire de centaines de millions de dollars, souvent de gré à gré. Est-ce que la
Vérificatrice générale compte s'y intéresser? Et, le cas échéant, est-ce que
vos critères de saine gestion, de saine gouvernance sont assouplis en temps de crise?
Est-ce que, dans le fond, puisque le gouvernement doit agir rapidement pour
combattre la COVID-19, est-ce qu'il peut relâcher, disons, ses efforts en
matière de saine gouvernance?
Mme Leclerc (Guylaine) : Bien,
lorsqu'il y a des situations d'urgence, bien, il y a des procédures d'achats
qui peuvent être modifiées, O.K., mais c'est d'autant plus important d'être
vigilant, O.K., d'assurer une bonne surveillance.
Pour ce qui est de votre question — est-ce
que le Vérificateur général est intéressé à faire du travail? — bien,
c'est certain qu'avec toutes les sommes qui sont dépensées actuellement, c'est
certain qu'on a une grande préoccupation. Le Vérificateur général du Canada,
d'ailleurs, s'est fait émettre... il y a une motion, au Vérificateur général du
Canada, pour qu'il fasse un audit sur les investissements qui ont été réalisés.
Dans un premier temps, déjà, de réaliser
les comptes publics, donc les états financiers du gouvernement au 31 mars
2020, c'est déjà un défi parce qu'on sait que la COVID-19 est arrivée en plein
chevauchement. Donc, déjà, on va avoir tout un défi à classifier la bonne
dépense dans la bonne année. De par nos comptes publics, on pourra identifier peut-être
certaines problématiques et d'être en mesure de recadrer, je vous dirais, les
dépenses. Mais, par la suite, c'est certain que le Vérificateur général va
vouloir s'intéresser à certains types de dépenses.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Mais vous n'attendrez pas une motion de l'Assemblée nationale pour faire
l'exercice qui est fait à Ottawa?
Mme Leclerc (Guylaine) : On
n'attendra pas une motion de l'Assemblée nationale, c'est... Mais je ne peux
pas vous dire quand on va le faire, parce que déjà, là, je pense qu'ils sont
assez occupés, là. Ça fait qu'on va... Mais éventuellement, ça va être quelque
chose qu'on va vouloir regarder.
Le Modérateur
: Ariane
Krol, LaPresse.
Mme Krol (Ariane) : Oui. Pour
revenir sur la protection des renseignements personnels et la vérification des
antécédents judiciaires des employés qui ont des accès privilégiés, il y a une
des deux entités, je pense que c'est la RAMQ, qui dit : Bien, tant que ça
ne sera pas pour l'ensemble du gouvernement, on ne pourra rien faire. Est-ce
que vous avez trouvé ça étonnant que ça ne soit pas déjà exigé par le gouvernement
du Québec, puis est-ce que ça devrait être une priorité?
Mme Leclerc (Guylaine) : Bien,
moi, je vous dirais, ce que je trouve surtout étonnant, c'est leur réponse. Je
veux dire, ce n'est pas parce que le gouvernement ne t'impose pas quelque chose
que tu ne peux pas le faire. Parce qu'on comprend que ça a du sens, là, de
faire une vérification des antécédents judiciaires du personnel qui a autant de
pouvoir. Alors, d'attendre à ce que le gouvernement le fasse, bien, je ne suis
pas d'accord avec la réponse.
Oui, le gouvernement pourrait s'y pencher,
le Secrétariat du Conseil du trésor pourrait s'y pencher. Mais, dans un premier
temps, là, le gouvernement devrait... la RAMQ, c'est son premier devoir.
Le Modérateur
: En
sous-question? Avez-vous d'autres questions? Non? Ça va? Donc, Louis Lacroix, Cogeco
Nouvelles.
M. Lacroix (Louis) : Sur le
même sujet, en fait, sur la gestion des données personnelles, je comprends, là,
vous dites : On n'a pas vu, nous autres, qu'il y avait de... Dans vos
vérifications, vous n'avez pas vu qu'il y avait eu de fraude ou quoi que ce
soit. Mais, dans l'état actuel des choses, est-ce que ce serait possible qu'il
y ait un vol de données, selon ce que vous constatez, selon les mêmes principes
que ce qu'on a connu chez Desjardins, par exemple?
Mme Leclerc (Guylaine) : Il
faut comprendre que le risque zéro n'existe pas, O.K., et ça, qu'on mette tous
les contrôles. Il peut y avoir de la collusion, il peut y avoir différents
facteurs qui vont faire en sorte que, quelque contrôle qu'on va mettre en
place, ça ne fonctionnera pas. Donc, on ne peut jamais dire que le risque
zéro... on ne pourra jamais dire qu'on a atteint le risque zéro. Ce que nous
disons, c'est qu'il y a des contrôles qui se devaient d'être en place qui
n'étaient pas en place. Il y en a certains qui ont été mis en place, il y en a
d'autres qui sont en train de se mettre en place.
Puis ces deux entités-là ont beaucoup
d'informations personnelles et confidentielles. Elles sont très au fait, elles
sont très préoccupées et elles sont vigilantes, je vous dirais, là, face...
Elles l'étaient déjà, je vous dirais, ce n'est pas des entités qui étaient
négligentes, là. Mais, comme je vous l'ai dit, 57 des entités qu'on a
vérifiées avaient ce genre de lacune là. Donc, c'est quelque chose qui est
assez commun, je vous dirais, mais c'est important de corriger.
Le Modérateur
:
Avez-vous d'autres questions?
M. Lacroix (Louis) : Non, ça
va, merci.
M. Gagnon (Marc-André) : Ça
complète? Donc, peut-être, à mon tour, à nouveau, Marc-André Gagnon, Journal
de Québec. Pour revenir au MTQ, là, après toutes ces années où on a parlé,
dans tellement de reportages, de dépassements de coûts, on voit qu'ils sont
encore importants. Vous notez qu'il y a certains contrats qui sont signés après
que les travaux aient été complétés. Est-ce qu'il y a des ressources que le
ministère devrait mettre en place dans sa structure? Est-ce qu'il devrait créer
un poste clé, là, un genre de vérificateur qui s'assurerait que la surveillance
des surveillants de chantier soit effectuée, là, comme on disait tout à
l'heure?
Mme Leclerc (Guylaine) : Je
vous dirais qu'ils se sont déjà beaucoup améliorés au niveau de la gouvernance.
Donc, la gouvernance, c'est... Au sein du ministère, là, ils ont créé le
sous-ministériat à la gestion contractuelle. C'est comme ça que ça s'appelle?
M. Giguère (Serge) : Oui.
Mme Leclerc (Guylaine) :
Sous-commissariat à la gestion contractuelle qui a justement ce mandat-là.
Donc, ils ont vraiment amélioré leurs processus. Ils ont aussi maintenant un
comité d'audit externe. Donc, ils ont fait des choses pour corriger. Puis
c'était quoi, l'autre...
M. Giguère (Serge) : Il y a
l'AMP, il y a l'AMP aussi.
Mme Leclerc (Guylaine) : Ah!
il y a l'Autorité des marchés publics, oui.
M. Giguère (Serge) : Il y a
l'Autorité des marchés publics aussi qui a été créée puis qui a un mandat
spécial de trois ans à vérifier la gestion contractuelle au ministère des
Transports.
M. Gagnon (Marc-André) :
Donc, somme toute, on est comme, quand même, sur la bonne voie, là?
Mme Leclerc (Guylaine) : Bien,
on est sur la bonne voie. Par contre, il faut qu'ils fassent des efforts pour
recruter les bonnes personnes au bon endroit, au territorial, et de... Une
autre lacune qu'on a identifiée, c'est d'informer, dans le rapport annuel,
l'information de gestion qui est adéquate, parce que dans leur rapport annuel,
bien, ils ont sous-évalué le nombre de personnes qui étaient en poste. Alors,
il faut fournir l'information adéquatement.
M. Gagnon (Marc-André) :
Parfait. Et, pour revenir sur la question des données personnelles... Comme
tout à l'heure, j'ai une autre question pour mon collègue Nicolas Lachance. Le
président du Conseil du trésor, Christian Dubé, a dit, là, tout à l'heure en
Chambre qu'à la RAMQ d'anciens employés avaient encore accès aux données à la
suite de leur départ. Est-ce que c'est quelque chose que vous êtes en mesure
d'expliquer, que vous avez pu apprécier lors de vos vérifications? Parce qu'il
n'en est pas question, sauf erreur, dans votre rapport.
Mme Leclerc (Guylaine) : Oui,
oui.
M. Gagnon (Marc-André) : Ah
oui? O.K.
Mme Leclerc (Guylaine) : On
l'a dit. Dans les deux cas, d'ailleurs, dans les deux entités, lorsqu'un
employé quitte, il n'y a pas systématiquement retrait de son mot de passe. Et
ce qu'on a examiné, c'est que, dans 40 % des cas, il s'écoulait plus de
10 jours entre le moment... au moment où est-ce que la personne a quitté
et le moment où le mot de passe a été enlevé. Et ça, c'est un indicateur de
gestion que la très haute gestion devrait avoir, là, pour savoir... est-ce que
les mots de passe sont enlevés suffisamment tôt et... mais c'est ça, dans plus
de 40 % des cas, c'était plus de 10 jours que ça prenait avant
d'enlever le mot de passe.
M. Gagnon (Marc-André) : Et
toujours sur le même sujet, puis je terminerai avec ça, là, toujours pour mon
collègue, comment pouvez-vous être certaine qu'il n'y a jamais eu de fraude?
Mme Leclerc (Guylaine) : Ah!
je n'ai jamais dit que j'étais certaine qu'il n'y avait jamais eu de fraude. Ce
que je vous dis, c'est qu'on n'a pas identifié d'élément qui pouvait nous
porter à croire qu'il y avait eu activité criminelle, mais on n'a jamais dit
qu'on était certains.
Le Modérateur
: Très
bien. Est-ce qu'il y a une dernière question en français? Sinon, j'en aurais
une en anglais. So, for Samuel Pouliot, CTV News.
M. Pouliot (Samuel) : Can you just summarize your concerns about the personal data in
English, please?
Mme Leclerc (Guylaine) :
OK, yes. I can take my notes, it will help me, if you don't mind. OK. In the
past years, we have identified, in our financial audit, that there was a lack
in identification and access management in 57 entities. So, having found
that, we decided to do an audit in two organizations, which are the Régie de
l'assurance maladie and Retraite Québec. And we found that there were... found
a few issues there.
Our main findings are
that, for example, there is… The password is destroyed for 40% of the samples
we did. The password was destroyed more than 10 days
after. There were… I have difficulties to find my
words. Do you mind if I take my… OK. So I will just… OK, yes, the privilege.
There is some people who have privileged access, OK, some employees, and those
administrators of networks, their control needs to be improved. For example,
there is no investigation on their probity, OK? There is no tracking of some of
the transactions that they do on the network. And, when there is tracking,
there is sometimes no follow-up, usually no follow-up on that tracking, so that
is important.
Regarding the employees
of the RAMQ and Retraite Québec, like just I said, the password was not
destroyed before 10 days before they left. There is a lack in the
classification of the type of sensible data, OK? So, for example, some data, in
one department, in one organization, could be considered as not sensible, but
another department will be sensible. There is the segregation of duties. Do ou
know what I mean, segregation of duties, meaning somebody who will put a doctor
in the system, OK, create a doctor in the system and authorize the payment of
the doctor, OK? That is the segregation of duties, «séparation de tâches». So
the same person cannot do those two tasks, OK? The same person cannot create a
doctor in the system and pay the doctor. So we saw some issues regarding the
segregation of duties. I don't know. Comment to dis ça?
Une voix
:
Separation of tasks.
Mme Leclerc (Guylaine) :
OK. So it doesn't matter. I don't… how I translate it here.
M. Pouliot (Samuel) : After seeing the data breach at Desjardins, do you think the
Government is at risk for a similar incident?
Mme Leclerc (Guylaine) : There is no zero risk, OK? The zero risk doesn't exist. So what we say is there is a few
windows that are open, so they have to lock every windows. And, even if every
windows or doors would be locked at «double tour», there would still be some
risk. So those organizations have so much personal and confidential information that they will always be at
risk. But they have to put the best control they can.
M. Pouliot (Samuel) : And, on another subject, what failings did you see in heritage? How
can municipalities protect their sites and buildings in a better way?
Mme Leclerc (Guylaine) :OK. You're a challenge for me, hein?
Des voix
:
Ha, ha, ha!
Mme Leclerc (Guylaine) :
So the main lack of... The main finding, I would say, is that the ministry
doesn't have any vision or strategy. And because they don't have such strategy
and such vision, there is impact on many of their partners. And municipalities
are some of those partners, because they have delegated to the municipalities
an important role in... to «cite», OK, to mention...
Une voix
:
Declare.
Mme Leclerc (Guylaine) :
To declare a building as heritage one, but they don't have support the
municipalities to do so. And you must understand that municipalities, most of
their income comes from tax, so the ministry has to invest time and money to
have a good communication and to train the municipalities to have them doing to
proper thing. Is that OK?
M. Pouliot (Samuel) : Yes. Thank you.
M. Giguère (Serge) : ...separation of duties.
Le Modérateur
:
Ou «segregation of duty» aussi, semble-t-il que c'était correct. Alors, c'est
ce qui complète pour cette conférence de presse. Merci pour votre présentation
et votre disponibilité également. Bonne fin de journée.
(Fin à 12 h 2)