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(Douze heures vingt-neuf minutes)
M. Fontecilla : Bonjour,
mesdames, messieurs. Donc, la ministre Duranceau vient de présenter son projet,
un projet de loi très attendu, depuis des mois, voire des années, un projet qui
était... en tout cas, beaucoup de gens, au Québec, l'attendaient, là : régler,
régler en grande partie les principaux problèmes qui causent la crise du
logement au Québec, là.
Malheureusement, malgré les attentes, ce
projet de loi ne règle pas grand-chose, il ne règle pas la crise du logement,
il ne s'attaque pas aux principales manifestations. Oui, il y a quelques
avancées, comme par exemple le changement du fardeau de la preuve concernant
les évictions, mais il comporte un recul majeur, un recul majeur, qui est l'impossibilité,
si le projet de loi est adopté, là, de procéder à une cession de bail, là, un
des outils les plus utilisés pour... par les locataires, là, pour se protéger
contre les hausses abusives de loyer, là. Donc, c'est un projet de loi... un projet
de loi qui nous déçoit profondément. Et je suis particulièrement inquiet par le
fait que la ministre enlève cette possibilité aux locataires de procéder à une
cession de bail, là, et empêcher ainsi des abus, là.
D'autre part, ce projet de loi comporte
des absences qui brillent, qui constituent, par le fait même... qui ne sont pas
considérées par le projet de loi, là, comme un recul majeur, là. Parce que c'était
le temps, là, la ministre nous avait promis qu'elle allait légiférer pour
régler les principaux problèmes, là, concernant la crise du logement, là. Elle
a manqué sa chance, elle a manqué une occasion en plus de nous avoir fait
attendre. La crise, le 1er juillet est à nos portes, et la ministre a pris
des mois et des mois avant de présenter son projet de loi. Elle le présente à
la dernière journée de la session, là. Ce n'est pas la bonne façon de procéder,
là.
Il n'y a rien pour encadrer les hausses
des loyers ou de rendre exécutoire l'indice d'augmentation du Tribunal
administratif du logement. Il n'y a rien, une demande, là, qui vient de toutes
parts, pour interdire les évictions, pour faire des Airbnb ou autres
plateformes d'hébergement touristique, là. Rien pour protéger les locataires
aînés qui sont particulièrement affectés par les pratiques agressives de
certains propriétaires, là, pour soit les évincer soit pour augmenter les loyers,
là. Rien pour permettre les animaux de compagnie dans tous les logements, une
question qui affecte énormément de locataires au Québec, là. Et presque rien
pour fixer les hausses abusives des loyers dans les nouvelles constructions, là.
En fait, la ministre, tout ce qu'elle nous
dit, là, elle n'enlève pas la clause F, là, ce qu'elle nous dit, c'est que
le propriétaire, dès la signature du bail, il pourra annoncer le maximum qu'il
va aller chercher dans les cinq prochaines années. Donc, le locataire, avant,
il ne le savait pas; maintenant, il sait combien il va payer de plus, là, et ça
va dépasser toujours largement les indices d'augmentation du TAL. Donc, il y a
toujours la possibilité d'abus, là.
C'est un projet de loi qui déçoit, qui ne
s'attaque pas aux racines de la crise du logement et surtout à sa principale
manifestation, là, les augmentations abusives des loyers, là. Il n'y a rien ici
qui règle ce problème-là.
M. Côté (Gabriel) : Le
gouvernement fait un peu le pari à propos de la clause F, là, que le
marché va s'autoréguler, parce que les propriétaires ne pourront pas montrer à
plusieurs locataires qu'ils vont hausser abusivement les loyers, sinon les
locataires ne signeront pas pour y aller, parce que ça leur coûterait trop
cher. Donc, le marché va de lui-même inciter les propriétaires à ne pas faire
des hausses abusives de loyer. Qu'est-ce que vous pensez de cet argument-là?
M. Fontecilla : C'est de la
pensée magique, là, c'est de la pensée magique, là. Tout le système... le
système de régulation des relations entre les locataires et propriétaires, aujourd'hui,
là, est fondé sur la loi et l'offre de la demande, là, la vieille loi
capitaliste, là, mais c'est un marché qui, en ce moment, est complètement détraqué,
et ça prend une intervention de l'État, là, pour régler, là. Dans un contexte
de pénurie généralisée de logements, là, il y a des locataires qui vont être
obligés d'accepter les hausses proposées par les propriétaires des nouveaux
immeubles parce que sinon, ils n'auront nulle part où aller, là. Le véritable
problème ici, à la source, c'est la pénurie des logements locatifs, et ce,
partout au Québec, là. Donc, les locataires vont seulement connaître combien
ils vont être haussés dans les cinq prochaines années, là.
Mme Porter (Isabelle) : Vous
n'avez pas parlé de la mesure, là, qui vise à faire en sorte qu'un locataire
est présumé opposé à une éviction, là, ce qui n'était pas le cas auparavant.
Ça, est-ce que vous ne voyez pas là un progrès?
M. Fontecilla : J'en ai parlé
brièvement, c'est une des rares avancées de ce projet de loi. C'est quelque
chose que j'avais demandé déjà, il y a quatre ans, lorsque la ministre, l'ancienne
ministre des Affaires municipales et de l'Habitation, Mme Laforest, là, on
a étudié le projet de loi n° 16, si je ne me trompe pas, j'avais soumis
cette question-là à la ministre. La ministre Laforest, à l'époque, avait
accepté d'étudier. Elle avait fait des consultations même, avec différents
acteurs, consultations auxquelles j'ai participé. Et ensuite, après ces
consultations-là, elle a décidé de fermer le cahier, et puis il n'y a plus rien
qui s'est passé. Aujourd'hui, bon, il faut constater cela, la ministre
Duranceau, elle décide d'avancer dans quelque chose qui est... qui tombe du
sens, là, une protection, là... une protection fondamentale et primaire pour
les locataires, là, c'est-à-dire de renverser le fardeau de la preuve.
Cela dit, renverser le fardeau de la
preuve n'implique pas que ça va arrêter l'hémorragie des évictions. Il n'y a
aucun changement au Code civil. C'est un changement à la procédure, si vous
voulez, là, en quelque sorte. Au lieu que ce soit le locataire qui doit prouver
la mauvaise foi d'un locateur qui veut évincer, là, ça va être au propriétaire
de prouver que, oui, là, il évince selon ce qui est écrit dans la loi, mais la
loi reste pareille, là, il va continuer à y avoir des évictions un peu partout
au Québec, là. Il n'y a pas... Il y a un peu plus de protection en termes
procédural pour le locataire, là, mais les propriétaires pourront continuer à
évincer des locataires, y compris pour faire de la place à Airbnb.
M. Laberge (Thomas) : ...les
cessations de bail, là, que vous critiquez beaucoup, on a posé la question à la
ministre, elle dit que c'est une atteinte au droit de propriété. Est-ce que,
selon vous, ce n'est pas une atteinte au droit de propriété?
M. Fontecilla : Pour moi, c'est,
avant tout, un moyen qu'ont trouvé les locataires pour se protéger contre les
hausses de loyer abusives, là, et ça a été utilisé par beaucoup de locataires.
Et ce n'est pas très largement utilisé, parce qu'on constate qu'il y a une
hausse généralisée des loyers de plusieurs points de pourcentage, là. Donc,
c'est un outil à la disposition des locataires qui est utilisé de façon,
comment dire, très, très minimale parce que les gens ne connaissent pas cet
outil-là à la base, là, mais c'est une façon de protéger les loyers à moindre...
les loyers plus bas, là. Parce qu'il n'y a aucune garantie, malgré l'existence
de la classe... la case G, qui est supposément obligatoire. Il faut
remplir obligatoirement cette case-là, les propriétaires ne la remplissent pas.
Donc, il n'y a... À part la cession des loyers, il n'y a aucun autre moyen pour
les locataires de se protéger contre des hausses abusives, là.
Mme Porter (Isabelle) : Vous
dites que ça ne règle pas grand-chose par rapport à l'ampleur des problèmes,
l'ampleur de la crise du logement. La ministre se défend en disant : Bien,
c'est comme un bloc dans un édifice de mesures que je suis en train de mettre
en place, il va y avoir d'autres choses, j'ai déjà fait des investissements.
Donc, c'est comme juste... c'est comme une partie d'une réforme. Il y aura
peut-être d'autres choses après. Qu'est-ce que vous dites de ça?
M. Fontecilla : Bien,
écoutez, ça fait cinq ans que la CAQ est là, ça fait cinq ans d'inaction, là,
concernant les hausses abusives des loyers, là. Il n'y a... C'est la première
fois que le gouvernement avance, avance ne serait-ce qu'une mesure minimale, et
je le reconnais, c'est une mesure minimale, là, mais le fond du problème
demeure. Les hausses de loyer abusives vont continuer à exister au Québec, là.
La ministre n'a pas introduit ne serait-ce que le début... le début d'une
mesure, là, pour contrer les hausses de loyer, là. Il n'y a pas...
Ça fait des années qu'on demande à la
ministre d'instaurer un registre des loyers, un outil qui pourrait permettre...
qui donnerait un outil supplémentaire aux locataires, là, de contester des
hausses de loyer, là. Il y a eu l'organisme Vivre en ville qui lui a préparé un
outil clés en main, disponible, là, il a donné en cadeau au gouvernement, là,
il y a quelques semaines, quatre... quatre, cinq semaines. Pas la trace d'un
registre des loyers dans ce projet de loi. Et surtout elle aurait pu très
facilement instaurer un contrôle des loyers, un contrôle des loyers en
permettant, par exemple, que les propriétaires aient à prouver toute hausse
supérieure à l'indice publié, à chaque année, au mois de janvier, par le Tribunal
administratif du logement. Mesure très facile. Elle n'a pas bougé sur ce
terrain-là.
Mme Porter (Isabelle) : Je me
fais l'avocat du diable.
M. Fontecilla : Allez-y.
Mme Porter (Isabelle) : La
ministre dit : Écoutez, il faut quand même faire attention parce que, si
on impose trop de contraintes aux propriétaires, dans le contexte actuel, on
risque de ralentir les projets de construction, puis, en ce moment, on a besoin
de construire des nouveaux logements. Donc, en imposant un registre des loyers,
un mécanisme de contrôle des loyers, on ne risquerait pas de se tirer dans le
pied à un moment où on a besoin qu'il se construise des projets?
M. Fontecilla : C'est un
drôle d'argument, parce qu'on n'instaure pas... pour la ministre, on n'instaure
pas un registre des loyers pour... parce que ça pourrait hypothétiquement
ralentir la construction de nouveaux logements, mais ce faisant, on pénalise
davantage encore les... on pénalise les locataires, on les appauvrit, au fond,
là. Et ce qu'il y a ici, c'est une mécanique d'appauvrissement continuel des
ménages locataires qui, de façon générale, ce n'est pas tout le monde,
évidemment, de façon générale, sont moins nantis que les ménages propriétaires,
là. Elle a fait un choix pour, supposément, de façon hypothétique, là, promouvoir,
c'est dans sa logique, là, faciliter la construction d'unités locatives, là, mais
elle punit... Dans la réalité, actuellement, elle appauvrit des milliers de
locataires au Québec, là. Il me semble que c'est une logique complètement
viciée.
Et je ne pense pas que, par un meilleur
contrôle des loyers, là, on va ralentir la construction de nouveaux logements.
Je vous rappelle qu'aujourd'hui, aujourd'hui, ce qui se construit le plus au
Québec, là, c'est le secteur locatif. Il ne s'en construit pas assez, j'en suis
bien... j'en suis conscient, là, mais c'est le secteur qui construit le plus. C'est
dans le secteur locatif, là, mais c'est dans le locatif haut de gamme. Là, il
n'y a pas de problème, là, des loyers très élevés, là, les promoteurs privés y
vont, et ils vont trouver leur profit, là. Est-ce qu'ils vont trouver leur
profit à construire des logements à prix faible pour les ménages à plus faible
revenu? C'est là qu'il faut s'attaquer, et ça prend une politique, ça prend une
vision.
Et la ministre, de toute évidence, n'a pas
de vision, n'a pas de plan, dans sa tête, là, pour faire en sorte de réabsorber
le déficit de construction de logements locatifs, là. Elle nous en a promis
11 600. On va voir s'ils se réalisent, là. La CAQ a été incapable de
sortir les 15 000 logements sociaux que le gouvernement et que la CAQ
avait promis. On attend de voir s'il va réussir à sortir les 11 600, 11 700 logements
abordables, dits abordables, et... mais on a des gros doutes, alors que les
associations de constructeurs nous disent qu'il nous faut 100 000 logements
locatifs par année au Québec. On est loin du compte.
M. Laberge (Thomas) : Sur la
manière de faire de la Coalition avenir Québec, donc, vous le demandez depuis
longtemps, ce projet de loi là, on vous a répété à de très nombreuses reprises :
Ça va arriver d'ici la fin de la session. Finalement, ça arrive la dernière
journée. Est-ce que vous vous êtes fait narguer par la Coalition avenir Québec?
M. Fontecilla : Pour moi,
c'est une façon d'éviter le problème. Pour moi, c'est une façon de le mettre en
dessous du tapis, la dernière session, juste avant que les parlementaires
partent dans leurs comtés respectifs. Et l'été commence, les gens se mettent à
penser à autre chose, tout à fait normal. Donc, c'est une façon, pour la CAQ,
là, d'essayer d'étouffer la question du logement, là, en attendant que les
gens... Les gens vont oublier d'en parler pendant la période estivale, là.
Est-ce que je me sens... Est-ce que je me sens narguer? Je me sens, en quelque
sorte, mais très, très, très déçu, là. Le gouvernement s'arrange pour qu'on en
parle le moins possible avec cette façon de faire, présenter un projet de loi à
la dernière journée, là, de la session parlementaire. Merci.
(Fin à 12 h 42)