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(Douze heures quarante minutes)
La Modératrice : Alors,
bonjour, tout le monde. Bienvenue à ce point de presse transpartisan des
oppositions concernant l'agrandissement imposé de Stablex à Blainville.
Prendront la parole, dans l'ordre suivant, la députée des Mille-Îles et
porte-parole de l'opposition officielle en matière d'environnement et de lutte
aux changements climatiques, Virginie Dufour, la députée de Sherbrooke et
porte-parole du deuxième groupe d'opposition en matière d'affaires municipales,
Christine Labrie, le député des Îles-de-la-Madeleine et porte-parole du
troisième groupe d'opposition en matière d'affaires municipales et en matière
d'environnement et de lutte aux changements climatiques, Joël Arseneau, et
finalement, pour l'occasion, ils sont accompagnés de la mairesse de Blainville,
Mme Liza Poulin, qui prendra également la parole, prendront ensuite une
question, une sous-question. Merci.
Mme Dufour : Alors, les
consultations pour le projet de loi n° 93 ont commencé ce matin. C'est un
projet de loi insensé qui veut forcer la ville de Blainville à céder un terrain
de très haute valeur écologique pour permettre à une entreprise américaine d'y
enfouir des matières résiduelles dangereuses. Si, aujourd'hui, on est dans une
situation d'urgence, c'est que, pendant des années, le gouvernement a nié la
réalité et a refusé d'écouter la ville. On sait qu'il y a un besoin, mais la
solution que la ministre propose n'est pas la bonne. Le gouvernement a un
terrain qui était destiné pour Stablex, et c'est là que l'agrandissement doit
se faire.
En plus d'être une attaque frontale à
l'autonomie municipale, ce projet de loi est une atteinte grave à la protection
de l'environnement. Plusieurs études environnementales démontrent à quel point
le terrain de la ville est important pour la région. On peut penser aux 278 000 mètres
carrés de milieux humides que le gouvernement veut détruire. C'est énorme, et
c'est ceux-là même qui aident à réguler les eaux lors des inondations.
On est face à un gouvernement qui est
déconnecté, qui veut nous entrer dans la gorge un projet de loi incohérent avec
l'ensemble de ses planifications. Il serait irresponsable pour le futur du
Québec qu'on adopte le projet de loi n° 93. Et c'est pourquoi nous
demandons le retrait pur et simple du projet de loi par le gouvernement. Et je
cède maintenant la parole à la députée de Sherbrooke.
Mme Labrie : Merci, Virginie.
Effectivement, ce qu'on constate sur ce dossier-là est purement scandaleux. En
fait, moi, ce que je vois, c'est un gouvernement qui reprend les lignes de
communication de l'entreprise, qui se met littéralement à son service pour lui
offrir sur un plateau le terrain qu'elle demande d'avoir pour poursuivre ses
activités au mépris de la volonté municipale qui avait l'intention de protéger
ce terrain-là, un gouvernement qui n'a pas fait son travail pour faire la
caractérisation écologique des différents sites qui auraient pu être envisagés
pour la poursuite des activités de Stablex.
D'ailleurs, on dépose ce matin une
motion... bien, cet après-midi, une motion pour demander au gouvernement, là,
de rendre disponibles toutes les études qui auraient été faites. Mais, à notre
connaissance, il n'y a pas eu d'étude comparative, là, de caractérisation
écologique des différents sites. C'est un problème majeur dans le dossier. Moi,
ce que j'ai entendu aujourd'hui, en fait, c'est que c'est essentiellement un
avantage financier pour l'entreprise, qui économise 100 millions,
finalement, en se faisant offrir ce terrain-là par le gouvernement. Et c'est
tout le gouvernement qui prend, finalement, les risques juridiques, hein, que
l'entreprise veut s'épargner. C'est inacceptable pour moi. C'est pour ça qu'on
demande le retrait du projet de loi.
M. Arseneau : Merci. Alors,
on assiste à une véritable tentative de coup de force de la part du
gouvernement. C'est un geste qui est lourd de conséquences. C'est un petit
projet de loi, mais c'est un projet de loi d'une importance capitale.
C'est la raison pour laquelle on est ici
aujourd'hui, pour en demander le retrait, purement et simplement, de par ses
conséquences sur le pouvoir municipal, sur les compétences municipales, ses
conséquences, évidemment, sur l'environnement, et je dirais même, là, sur notre
vision de la démocratie ici, au Québec, alors qu'on a une ville, des élus
municipaux qui représentent les citoyens, leurs citoyens et qu'on voit bafoués
par un geste gouvernemental qui est extrême. Non seulement on dépose un projet
de loi pour exproprier la ville, mais on veut aussi nous le passer à travers la
gorge de façon expéditive, sans débat démocratique, sans des études qui
prouveraient que le gouvernement peut avoir raison. Mais, en fait, ce n'est pas
le gouvernement et ses arguments qu'il faut entendre à travers la bouche du
gouvernement et de la ministre, ce sont essentiellement les propos de
l'entreprise américaine que l'on entend. Et, sur ce plan-là, c'est
inacceptable.
Nous déposerons tout à l'heure une motion
pour demander le retrait, purement et simplement, du projet de loi de la part
du gouvernement. Et, là-dessus, je vais laisser la parole à Mme la mairesse de
Blainville, qui, aujourd'hui, s'est fort bien défendue devant les membres du gouvernement.
Mme Poulin (Liza) : Merci.
Alors, bonjour. Effectivement, le projet d'agrandissement de l'entreprise
Stablex est inconciliable avec les intérêts de la population de Blainville mais
aussi avec les intérêts de la population, de la région et des Laurentides. Il
s'agit d'une proposition qui se situerait sur un terrain qui appartient à la
ville, en plein cœur des grandes tourbières, d'un complexe de 500 secteurs
de tourbières, dans un contexte où on est en pleine crise environnementale, où
les municipalités déploient des efforts extraordinaires, là, pour augmenter la
résilience de nos municipalités envers l'environnement. Tout ça dans un
contexte où il est... il y a une alternative qui est mise à la disposition de
l'entreprise, par décret elle peut poursuivre l'exploitation de son entreprise
pour une durée allant jusqu'à 24 ans. Alors, pour nous, il est
inexplicable... et c'est pour ça qu'on demande, tout comme mes collègues ici,
le retrait du projet de loi n° 93. On demande au gouvernement de cesser de
se faire le porte-parole de l'entreprise, mais plutôt d'aller de l'avant avec
ses propres analyses, ses propres études, pour justifier une telle décision,
une décision qui, je le répète, va créer un précédent injustifiable, oui, pour
le monde municipal, parce qu'il bafoue toutes les règles d'aménagement, et de
développement, et de protection de nos territoires, mais qui crée un précédent
injustifiable aussi du fait qu'on tente d'exproprier une municipalité au
bénéfice d'une entreprise privée. Alors, voilà.
La Modératrice : ...vos
questions.
Journaliste : ...bien, je
voudrais vous parler du 100 millions, là. C'est sorti en commission
parlementaire. On comprend que l'entreprise économiserait parce que, là, il y a
des montagnes d'argile sur les terrains du gouvernement du Québec qu'il
faudrait déplacer pour faire sa cellule. Bien, tu sais, question,
sous-question, dans le fond, est-ce que vous avez l'impression que finalement
c'est ça, le vrai argument du gouvernement d'aller de l'avant? Puis, deuxièmement,
bien, ces montagnes d'argile là, qu'on fasse des cellules là ou pas, c'est sur
des terrains du gouvernement, ne faudrait-il pas restaurer le site, peu importe
ce qu'on y fait?
Mme Labrie : Moi, quand j'ai
posé la question à l'entreprise, je voulais comparer un peu la différence pour
eux des coûts d'aménagement du site, et c'est là que le chat est sorti du sac,
finalement. Pour eux, c'est une économie de 100 millions, le site qui est
projeté avec le projet de loi qui vient exproprier Blainville versus le site
qui appartient déjà au gouvernement sur lequel ils pourraient déjà fonctionner.
Moi, je vois une entreprise qui a pelleté son argile dans sa propre cour,
essentiellement, depuis les dernières années et qui se retrouve à se rendre
compte que ça lui coûterait cher de le tasser de là pour pouvoir poursuivre ses
activités sur ce site-là. Pour vrai, les citoyens du Québec n'ont pas à payer
pour ces choix-là que l'entreprise a faits dans les dernières années. On n'a
pas cette responsabilité-là comme État de faire économiser de l'argent, là, à
une entreprise privée pour qu'elle puisse poursuivre ses activités. Ça leur
appartient d'avoir pelleté de l'argile sur leur propre terrain puis, après ça,
de se rendre compte que ça coûte cher de le déplacer. On n'a pas à régler leur
problème par rapport à ça, là.
Mme Dufour : Oui. Oui. Bien,
j'ai posé la question aussi pour les coûts, parce qu'il y a définitivement une
différence de coûts, mais c'est clair que, lorsque l'entreprise a mis l'argile
sur le terrain qu'elle était supposée d'exploiter dans le futur, bien, elle
savait qu'éventuellement il faudrait qu'elle le... elle la retire, et donc...
mais elle ne semble pas avoir internalisé ces coûts-là. Et ça, ce n'est pas...
ce n'est pas à la... aux Québécois de payer pour cette mauvaise planification
là.
Et je vais rajouter quelque chose. Nous
étions dans un briefing technique hier et nous avons entendu un représentant du
ministère de l'Environnement nous dire à cet effet-là : Mais il faut se
mettre dans les souliers de l'entreprise. On a tous sauté, là. Ce n'est pas
notre rôle, comme parlementaires, de se mettre dans les souliers de
l'entreprise, c'est de faire ce qui est le mieux pour le Québec. Et présentement
le projet de loi n° 93, c'est tout à l'opposé.
M. Arseneau : Je voudrais
juste ajouter qu'effectivement l'entreprise n'a pas internalisé les coûts de
disposition de l'argile et n'a pas l'intention de le faire non plus. Ça, c'est
très, très clair. D'autre part, elle veut aussi, à court terme, oui, économiser
100 millions de dollars, mais, à moyen terme, elle peut opérer
jusqu'à 2060. Et qu'est-ce qu'on va faire lorsqu'on a dégradé le premier
terrain, là, les cellules 5, 4, 3, 2, 1, et ensuite un terrain beaucoup
plus haut? Qu'est-ce qu'il y a entre les deux? Il y a encore un espace de
développement pour aller jusqu'à 2100, 2150? C'est ça, le plan, là, insidieux
de l'entreprise auquel le gouvernement souscrit actuellement.
Journaliste : Bonjour. Juste
rapidement, ça va être une première question en deux temps, là. C'est-à-dire
que, là, il y a des consultations. Pour les groupes d'opposition, quelles sont
les chances actuellement, selon vous, qu'il y ait un bâillon d'ici la fin du
mois? Puis, par la suite, peut-être une question pour Mme Poulin, selon ces
résultats-là, selon l'adoption potentielle du projet de loi, est-ce que c'est
possible de nous donner des détails sur vos intentions de contester la loi en
cour?
Mme Dufour : Bien, le projet
de loi est clair et nous met une date limite : 15 avril. L'entreprise
est protégée dans le projet de loi des poursuites jusqu'au 15 avril 2025,
donc cette année, dans moins d'un mois. L'entreprise a été claire, elle nous
l'a dit ce matin, il faut qu'ils rentrent et détruisent des... coupent des
arbres avant cette date-là. On a moins d'un mois. Il y a un budget qui va être
déposé lundi prochain, alors... mardi prochain, pardon. Donc, si on regarde le
calendrier, là, il y a... On n'aura même pas le temps de commencer l'étude
détaillée que, déjà, eux vont devoir rentrer sur le terrain, donc, pour pouvoir
détruire les... couper les arbres. Donc, c'est clair qu'on s'en va vers un
bâillon si le gouvernement a l'intention de donner l'autorisation à Stablex là,
avant le 15 avril, c'est clair.
Mme Poulin (Liza) : Au niveau
de la municipalité, de toute évidence, ce qu'on veut faire valoir : les
droits de notre population. Donc, on a déjà signifié hier au procureur général
du Québec notre intention d'intenter une... recours judiciaire quelconque, là,
dès que le projet de loi sera sanctionné.
Journaliste : O.K. Bien, je
vais vous garder le micro, Mme Poulin, parce que le discours de la ministre
dans le dossier, c'est de dire que la... la solution alternative avec un
terrain... avec le terrain du gouvernement menaçait de... en fait, ça n'aurait
pas été approprié, parce qu'il y a des... il y a... il y a un projet
résidentiel dans les environs. Vous êtes, quand même, la mairesse des gens de
Blainville, donc j'aimerais juste comprendre : Est-ce que... est-ce que
c'est ce que vous entendez? Est-ce qu'au contraire les gens de Blainville vous
demandent que le projet de Stablex se fasse sur le gouvernement... sur le
projet... sur le terrain du gouvernement?
Mme Poulin (Liza) : D'abord,
c'est un dossier qui est très complexe. Les citoyens de Blainville me
manifestent leur confiance et leur soutien dans la façon dont je mène ce
dossier, d'une grande complexité. Maintenant, au niveau de la nuisance, les
recommandations du BAPE ont été claires à l'effet qu'il n'y avait aucune
réduction des nuisances si le projet se faisait en plein cœur des tourbières
sur le terrain appartenant à la municipalité. Lors du décret de 1996, où il y a
eu, à ce moment-là, des échanges de terrains entre la municipalité et
l'entreprise, il a été établi une norme de zone tampon de 300 mètres, qui
est respectée, en tout temps, entre l'usage industriel et l'usage résidentiel.
Et le... le secteur résidentiel, qui est... qui est, actuellement, là, à 300 mètres
du site, était construit... a commencé sa construction bien avant... bien avant
1996, là. Si je me rappelle bien, c'est au milieu des années 80 que le
secteur a été construit.
Journaliste : O.K. Peut-être,
rapidement, pour les... les partis d'opposition, parce qu'on apprenait ce matin
qu'il y a deux fois plus de... de milieux humides sur le terrain visé par
Stablex que sur le terrain de Northvolt, par exemple. Quel message ça envoie
dans un contexte où le gouvernement a des objectifs de protection des milieux
humides?
M. Arseneau : Simplement,
pour... pour débuter, bien, on voit que le gouvernement privilégie, sciemment
et constamment, les objectifs et les impératifs de développement économique et
de développement des affaires des entreprises, et est prêt à faire tous les
compromis et tous les... toutes les compromissions lorsqu'il est question de
respecter ses propres objectifs en matière de... de maintien ou de
réhabilitation, là, des milieux humides, ou des milieux hydriques, ou des milieux
forestiers, ou des écosystèmes. Et on sait que le gouvernement a été élu en
2018 avec très peu d'affinités pour des mesures de protection de
l'environnement ou pour l'atteinte des objectifs en matière de réduction des
gaz à effet de serre, mais, aujourd'hui, là, on atteint, là, le fond du baril
avec les plus récentes décisions gouvernementales.
Mme Labrie : Moi, je... je
fais les mêmes constats que mon collègue, là. Le gouvernement n'a donné aucune
importance à l'enjeu des milieux humides quand il était question de Northvolt,
puis on le voit aussi sur ce dossier-là. Ça ne les préoccupe pas. Ce qui les
préoccupe, c'est de répondre aux demandes des entreprises, et c'est tout. Et
c'est contradictoire avec les demandes qui sont faites de la part du
gouvernement, notamment aux municipalités, de faire un meilleur aménagement du
territoire, de protéger des espaces à haute valeur écologique. Eux, ils ne s'en
soucient pas. Quand ils ont à prendre des décisions et à prioriser, ce n'est
jamais la valeur écologique qu'ils priorisent.
Mme Dufour : Et moi,
j'ajouterais : il existe la loi sur les milieux humides et hydriques, qui
prévoit et qui vise l'objectif de zéro perte nette de milieux humides, e depuis
que le gouvernement de la CAQ est au pouvoir, malheureusement, c'est tout à
fait l'inverse, on ne fait que perdre des milieux humides. C'est déplorable. Et,
comme l'a dit ma collègue, le gouvernement devrait être exemplaire. Il demande
à toutes les municipalités, à toutes les MRC de faire des planifications, des
plans régionaux de milieux humides et hydriques. La ville de Blainville l'a
sûrement fait... participé à cet effort-là. Ils avaient identifié ces
terrains-là qui devaient être préservés. Et là, aujourd'hui, encore une fois,
le gouvernement va permettre leur destruction avec un projet de loi.
Mme Poulin (Liza) : J'aimerais
terminer justement, si vous me permettez, en disant que c'est prévu, dans notre
plan de transition écologique puis nos... dans le cadre de... notre plan
triennal des investissements, les sommes sont déjà là pour pouvoir faire des
acquisitions au niveau des tourbières, de revégétaliser le terrain dont on
parle puisque c'est un terrain industriel soft, où la nature a repris sa place.
Donc, on a déjà les sommes pour revégétaliser ce terrain-là et d'accorder à
l'ensemble de la tourbière un statut de protection à perpétuité et de pouvoir
le mettre en valeur, là, au bénéfice de notre population. Toutes des actions
que la municipalité entreprend qui sont bien alignées avec le Plan
nature 2030 qui a été posé à l'automne... l'automne dernier et les OGAT
aussi, là, du gouvernement.
Journaliste : Bonjour.
Patrice Bergeron, La Presse canadienne. Bonjour à vous tous. Mme la mairesse,
dans l'échange que vous avez eu avec la ministre ce matin, elle semblait vous
reprocher... à la municipalité d'avoir changé d'avis concernant l'appui au
projet actuel. Est-ce que justement les actions que vous avez mentionnées, là,
vous n'auriez pas pu les faire plus tôt, ou vous auriez dû, peut-être,
manifester davantage votre opposition au projet qui avait été proposé plus tôt?
Mme Poulin (Liza) : Bien,
écoute... écoutez, pardon!
Journaliste : Il n'y a pas de
problème.
Mme Poulin (Liza) : L'avis...
L'entente de principe qui a été signée entre la municipalité et l'entreprise
prévoyait une clause de résiliation si le conseil municipal ne pouvait
concilier les intérêts de la population avec le projet à la lumière des
nouvelles informations qui émergeraient lors des audiences du BAPE. Donc,
assurément qu'au moment où on a décidé, le conseil municipal, de résilier
l'entente, c'était à la lumière des informations dont on ne possédait pas,
qu'on ne connaissait pas l'existence au moment de la signature, qu'on a pris
connaissance. On a décidé de résilier l'entente en août 2023. En septembre
2023, le Bureau des audiences du BAPE s'est prononcé en défaveur de
l'agrandissement aussi de la cellule numéro 6. Et, depuis ce temps, nous
n'avons jamais changé notre fusil d'épaule.
Journaliste : Et puisque
j'aimerais rebondir sur la question de mon auguste collègue concernant vos
recours judiciaires, est-ce que, dans ces recours-là, vous avez d'autres
appuis, par exemple la CMM, l'UMQ, le Conseil du droit en environnement, etc.?
Est-ce que...
Mme Poulin (Liza) : Bien,
actuellement, ce qu'on envisage, la CMM serait avec nous, là, au niveau des
différentes poursuites judiciaires qu'on est en train d'envisager. Oui. Tout à
fait.
Journaliste : Merci.
Journaliste : Juste une
petite précision. Vous dites que dans le projet de loi, il y a une protection,
on protège juridiquement Stablex.
Mme Dufour : Oui.
Journaliste : Bien, ça,
est-ce que ça protégerait Stablex contre vos procédures judiciaires ou...
Mme Poulin (Liza) : En fait,
le projet de loi écarte tout recours judiciaire, donc écarte tous les recours
judiciaires et écarte aussi toute poursuite pour dommage quelconque qui
pourrait être fait. Donc, toutes les règles législatives sont bafouées par le
projet de loi n° 93.
Journaliste : ...parce que
vous dites que vous voulez entamer des procédures.
Mme Poulin (Liza) : Oui.
Journaliste : Mais, je veux
dire, est-ce que ce n'est pas vain, sachant qu'il y a cette provision-là dans
le projet de loi?
Mme Poulin (Liza) : Je ne
peux pas laisser passer cette outrance judiciaire sans tenter, par la voie
légale, de faire valoir les droits des citoyens de la ville de Blainville.
Donc, on est en train d'évaluer les différentes options possibles puis on...
Mme Labrie : ...
Mme Poulin (Liza) : Pour
contester la constitutionnalité de la loi.
Journaliste : Puis, si je
prends le problème à l'inverse, là, l'entreprise a beaucoup insisté en commission
parlementaire en disant qu'eux c'était ce qu'ils veulent. Ils ont peur d'une
injonction s'ils vont sur le terrain du gouvernement. Bien là, ils auraient pu
demander au gouvernement de les protéger avec une loi, de la façon dont ils
sont protégés actuellement?
Mme Labrie : Moi, c'est pour
ça que... c'est pour ça que j'ai dit ça tantôt, là. On a une entreprise qui
voit des risques juridiques. Ils sont tout à fait légitimes d'aller demander
des actions de la part du gouvernement. Moi, ça, je ne les blâmerai pas de
faire leur lobbying. Par contre, là on a un gouvernement qui décide de répondre
à ces demandes-là en prenant lui-même les risques juridiques de contestation de
projet de loi, en assumant tous les impacts environnementaux. Je... Pourquoi on
a... Pourquoi... Pourquoi l'État veut prendre ce risque juridique là? Je veux
dire, l'entreprise, qu'elle vive avec ses activités et qu'elle assume ses
risques juridiques comme le font toutes les entreprises. On n'a pas, comme
État, à se substituer à ça puis à leur épargner des dépenses ou des recours
juridiques. Qu'ils se gèrent. C'est tout.
M. Arseneau : Bien, ce qui
est particulier dans ce dossier-là... On a vu dans certains projets de loi le
gouvernement déjà prévoir des contestations juridiques et les annihiler, en
quelque sorte, dans le projet de loi. Là, ce qu'on voit, c'est que le
gouvernement utilise le coffre à outils législatif pour protéger une
entreprise. Alors, la question qui se pose, c'est : Au nom de qui le
gouvernement agit-il? Au nom de qui le gouvernement parle-t-il?
Journaliste : On n'est pas
beaucoup, là. Avez-vous déjà vu ça, comme élus, des projets de loi où,
préventivement, on se protège de... bon, contestations juridiques, mais dans un
cas comme celui-là?
M. Arseneau : Bien, non, moi,
évidemment, je n'ai pas l'expérience de vingtaine d'années de travail
parlementaire, mais on voit que c'est une tendance du gouvernement d'être sur
des bases législatives fragiles et de prévoir... et déjà mettre en place des mesures
pour empêcher toute contestation. Il y a de cela un certain relent, là, d'une
période qu'on croyait révolue, de la gouvernance par décrets, et c'est un peu
ce qu'on veut faire. On n'utilise pas un décret, mais une loi, un coup de force
qu'on veut imposer vraisemblablement par bâillon, tout en s'assurant qu'on ne
puisse pas la contester.
Mme Dufour : J'ajouterais que
vous avez, parmi nous... Daniel Turp est ici. Il a écrit une lettre ouverte à
ce sujet et il constate que non, ça ne s'est jamais fait ce genre de projet de
loi.
Journaliste : Bonjour.
Pardonnez-moi. J'ai raté une partie de ma conférence de presse, j'accompagnais
un groupe d'étudiants. J'espère que vous saurez me pardonner, alors... si je
pose une question qui a déjà été posée, elle est surtout pour Mme Poulin, les
autres, si vous voulez répondre. Il y a des citoyens qui ne veulent rien savoir
de l'expansion du site d'enfouissement, que ce soit sur le terrain de la ville
de Blainville ou sur le terrain du ministère des Ressources naturelles, comme
vous le proposez. Qu'est-ce que vous leur répondez?
Mme Poulin (Liza) : En fait,
je répondrais que je comprends très bien les préoccupations que peut amener ce
type d'usage au niveau de la municipalité. Maintenant, on est face à une
situation où on doit offrir une alternative à nos entreprises pour qu'elles
puissent disposer de leurs matières dangereuses, inorganiques, de façon
sécuritaire et encadrée. Alors, à partir du moment où le ministère de
l'Environnement, et ça fait partie de notre mémoire, encadre mieux les
activités de l'entreprise en faisant des vérifications, des validations un
petit peu plus rigoureuses que ce qu'on a connu dans le passé ou ce qu'on a eu
comme information aux audiences du BAPE, et considérant que le 300 mètres
est respecté au niveau des nuisances, alors, c'est pour ça que la ville de
Blainville tient cette position de dire : On continue sur le terrain qui
appartient au gouvernement du Québec. D'ailleurs, c'est la position du BAPE
aussi.
Mais, en faisant ce pas de recul, ce qui
nous permet de faire un pas de recul, et cette réflexion nationale, à
savoir : Comment est-ce qu'on devrait mieux gérer nos matières dangereuses
résiduelles? Comment est-ce qu'on pourrait actualiser le règlement sur les
matières dangereuses? Comment est-ce qu'on pourrait faire en sorte d'inciter
nos entreprises à réduire à la source? Donc, il y aurait une grande réflexion
nationale à faire. Ça a été une des recommandations du BAPE. Donc, il faudrait
définitivement profiter de cette opportunité, là, de quelques années pour faire
cette réflexion-là. D'ailleurs, à mon avis, elle aurait déjà dû être entamée,
là, dès octobre 2023, à partir du moment où le BAPE a fait cette
recommandation-là.
Journaliste : Mais vous
reconnaissez, donc, qu'il y a un besoin, qu'il faut que le projet se fasse en
quelque part.
Mme Poulin (Liza) : Je
reconnais le fait qu'on doit offrir à nos entreprises une solution alternative
pour qu'elles puissent disposer de façon sécuritaire de matières dangereuses
résiduelles, absolument.
Journaliste : O.K. Puis mon
autre question est pour les trois autres, ou Mme Poulin, si vous voulez
intervenir, libre à vous, vous êtes bienvenue de le faire. Mais est-ce que vous
demandez qu'il y ait une réduction ou carrément une interdiction d'importation
de déchets des États-Unis? Parce que, présentement, ça peut être jusqu'à
45 %, selon ma compréhension, le ministre pourrait éliminer ça. Est-ce que
ça fait partie de vos demandes?
Mme Dufour : Bien, écoutez,
il y a des ententes bilatérales. On sait aujourd'hui que ces ententes-là,
l'autre côté de la frontière, ils peuvent mettre fin à tout moment. Donc, il
faut vraiment faire une réflexion, parce qu'il y a une partie de nos matières
qui s'en vont aux États-Unis, et, nous, on en accueille, et c'est ça,
l'entente. Mais si, demain matin, les États-Unis ferment la frontière, ils
disent : Non, on n'en veut plus, de vos matières, et ça pourrait très bien
arriver avec le président qui est là présentement, mais qu'est-ce qu'on va
faire?
Alors, la réflexion, elle est urgente. Ce
que la mairesse disait, c'est vrai, le BAPE l'a recommandé il y a plus... il y
a déjà deux ans de ça. Il n'y a rien qui a commencé comme réflexion, c'est
inquiétant. Il faut le faire, il y a définitivement des besoins. Il faut les
gérer à quelque part, nos matières. Mais, si on revoit la façon de faire,
est-ce que le volume va diminuer substantiellement? Et, oui, il faut se poser
la question : Est-ce qu'on veut encore accueillir des matières américaines?
Il faut se poser cette question-là.
M. Arseneau : Mais je vous
dirais que ça fait partie de la réflexion. Ce qu'on nous dit, c'est que, oui,
dans ce site-là, on reçoit une partie, il y a un pourcentage de matières
importées. De la même façon, le Québec, pour disposer d'un certain nombre de
matières dangereuses, également, va exporter ses déchets. Et nous, on n'est pas
dans la logique, là, de la surenchère face à un président des États-Unis qui va
carrément proposer des gestes qui sont contraires aux accords internationaux ou
qui vont à l'encontre des règles du libre-échange qui sont déjà convenues.
Mais il faut quand même garder en tête le
fait que, s'il y a une nécessité pour le Québec de gérer, disons, de façon
responsable ces résidus dangereux, lorsqu'on en accueille également des autres
juridictions, bien, on limite la capacité des sites que l'on développe. Et ça,
ça doit faire partie de la réflexion, dont on parlait tout à l'heure avec la
mairesse : savoir comment, sur le plan plus global, on se projette dans
les 50 dernières années. C'est pour ça qu'il faut une réflexion nationale
là-dessus.
Mme Labrie : Il y a une chose
qui est certaine, c'est que, dans les prochaines années, ce sera de plus en
plus difficile de trouver des endroits adéquats pour disposer de matières
résiduelles comme celles-là. C'est pour ça que l'exercice auquel fait référence
Mme Poulin, la mairesse de Blainville, qui était recommandé par le BAPE, est
absolument essentiel. Il faut travailler à la réduction à la source des déchets
dont on a disposé.
Quant aux déchets américains, moi, ça
m'apparaît évident qu'on doit... on devrait prioriser des solutions
d'enfouissement comme celles-là pour les déchets qui sont produits ici. L'enjeu
de la proportion des déchets américains qui est... qui est... qui occupe,
finalement, là, les terrains de Stablex... Elle s'oppose dans la mesure où eux
nous manifestent un sentiment d'urgence de développer une nouvelle cellule.
Évidemment que, si on se concentre davantage sur ce qui est produit au Québec,
peut-être, ça vient diminuer, là, l'urgence de développer une nouvelle cellule.
C'est pour ça, moi, que j'ai mis cette
question-là de l'avant, pas nécessairement fermer les frontières, mais
assurément parce qu'on doit d'abord trouver une solution pour nos propres
entreprises, nos propres municipalités ici. Moi, c'est ce qui me semble
prioritaire. Puis évidemment que, si on s'assure de réduire à la source ce qui
est produit par ces entreprises-là, par ces municipalités-là, bien, on va avoir
de l'espace aussi pour traiter adéquatement, là, des matières... d'où qu'elles
proviennent.
Journaliste : Merci.
La Modératrice : C'est ce qui
met fin à ce point de presse. Merci. Bonne journée.
(Fin à
13 h 07)