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Version finale

32nd Legislature, 3rd Session
(November 9, 1981 au March 10, 1983)

Friday, June 11, 1982 - Vol. 26 N° 72

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Dix heures sept minutes)

Le Président: À l'ordre: Un instant de recueillement, s'il vous plaît.

Veuillez vous asseoir.

Visite de M. Ange Barry-Battesti

Vous me permettrez de souligner la présence dans les galeries du ministre de l'Enseignement technique et professionnel de la Côté d'Ivoire, M. Ange Barry-Battesti.

Affaires courantes.

Déclarations ministérielles.

Dépôt de documents.

M. le ministre de l'Habitation et de la Protection du consommateur.

Rapport de la Régie des entreprises de construction du Québec

M. Tardif: M. le Président, j'ai l'honneur de vous présenter le rapport annuel des activités de la Régie des entreprises de construction du Québec pour l'année financière 1981-1982.

Le Président: Rapport déposé.

Dépôt de rapports de commissions élues.

Dépôt de rapports du greffier en loi sur les projets de loi privés.

Présentation de projets de loi au nom du gouvernement.

Présentation de projets de loi au nom des députés.

Période des questions orales des députés.

M. le chef de l'Opposition.

QUESTIONS ORALES DE DÉPUTÉS

M. Ryan: Le premier ministre est-il attendu ce matin?

M. Bertrand: II ne devrait pas tarder, M. le Président.

Le Président: M. le député de Viau.

M. Cusano: Ma question s'adresse au ministre de l'Éducation et je remarque qu'il est absent, lui aussi.

M. Bertrand: Le ministre de l'Éducation est retenu à Montréal jusqu'à 13 heures cet après-midi.

Le Président: Mme la députée de

L'Acadie.

Les négociations avec les omnipraticiens

Mme Lavoie-Roux: Je suis chanceuse, le ministre est là. Ma question s'adresse au ministre des Affaires sociales. On sait que, depuis environ un mois et demi, la population est exposée à différents moyens de pression exercés par les omnipraticiens dans le cadre du renouvellement de leur entente. Il y a eu six arrêts de travail d'une journée et boycottage de tâches administratives. Les conséquences se sont surtout fait sentir au niveau des salles d'urgence qui souffrent d'un encombrement supérieur à celui qu'elles connaissent déjà. Aujourd'hui, la population de Montréal est de nouveau exposée à des arrêts de travail. On a vu ce matin que, dans les hôpitaux anglophones de la région de Montréal, le malaise est tel que les cliniques externes ont été fermées. On parle même d'une grève générale pour bientôt. Tout le monde reconnaît que le gouvernement s'est traîné les pieds dans les discussions pour le renouvellement de cette entente.

Je voudrais, d'abord, demander au ministre s'il est exact qu'il n'y a eu que six séances de négociations depuis le 13 mai totalisant 20 heures. Deuxièmement, peut-il nous indiquer où en sont rendues les négociations dans la question du redressement salarial, car même le ministre des Finances avait reconnu dans le discours sur le budget que les médecins, normalement, devaient avoir droit à ce redressement salarial, étant donné que leur convention est échue depuis maintenant au-delà d'un an?

Le Président: M. le ministre des Affaires sociales.

M. Johnson (Anjou): M. le Président, il s'agit, comme on le sait, d'un dossier vaste et d'importance pour les citoyens, dans la mesure où, chaque fois que des mouvements de pression sont adoptés par les médecins omnipraticiens, les citoyens eux-mêmes en voient les inconvénients ou risqueraient, dans le cas d'un débrayage général, d'en subir des torts qui peuvent être dangereux. Je parlerai brièvement, d'une part, des enjeux, deuxièmement, du rythme de la négociation, troisièmement, des conséquences.

Les enjeux, on le sait, dans le cas du gouvernement, sont, d'une part, de faire en sorte que ce sytème de grande qualité soit maintenu, notamment de préserver les médecins contre l'ingérence de la

bureaucratie entre eux et le patient. Les médecins savent cependant qu'ils doivent, dans notre système public, accepter un minimum de bureaucratie et de paperasserie. En ce qui concerne l'ingérence de l'État, tant et aussi longtemps que celui qui vous parle occupera ce poste, il n'acceptera pas qu'interviennent entre le médecin et le patient des critères de nature bureaucratique ou des personnes qui ne soient pas des médecins.

Deuxièmement, nous avons comme objectif au gouvernement une meilleure répartition des médecins sur le territoire, ce pourquoi nous avons adopté récemment, devant l'incapacité d'en négocier le contenu, une rémunération différente pour les médecins internes et résidents. Quant à la négociation, nous reconnaissons, et j'ai eu l'occasion de le dire dans le passé, qu'avant les dernières élections, il n'était question ni pour le gouvernement ni d'ailleurs pour les fédérations médicales de négocier. En ce sens, elles ne nous en ont pas fait le reproche. L'été dernier a été marqué par des périodes de consolidation et d'analyse de celui qui vous parle comme de la part des fédérations et, l'automne dernier, devant l'imminence du dépôt du projet de loi no 27, il était évident que les fédérations n'avaient pas l'intention de négocier. D'ailleurs, elles ont profité de l'occasion de la loi 27, non seulement pour procéder à des élections, dans le cas de la FMOQ, mais également pour venir ici au parlement manifester leur opinion autour de cette loi. On s'en souviendra, il y a eu des manifestations et une journée de débrayage. Il n'était donc pas question de négociation avant Noël à cause de cela. Je pense que tout le monde s'entendait sur la difficulté que représentait le contexte d'avant Noël pour négocier. J'admets sûrement qu'entre le mois de janvier - je dirais la fin de janvier - et la mi-avril il y a eu une période d'environ deux mois et demi de flottement, où il fallait cependant que le ministre des Affaires sociales soit instruit des intentions générales du gouvernement quant à la rémunération de l'ensemble des secteurs public et parapublic. En ce sens, il est vrai - et j'avais averti les présidents - que le gouvernement ne pouvait pas, tant et aussi longtemps qu'il ne s'était pas fixé sur cette orientation, approcher globalement le dossier des médecins. Dès que cela a été fait, j'ai promis - et je m'étais engagé auprès des fédérations - de procéder à un dépôt global, ce qui fut fait il y a maintenant presque un mois. Or, il n'y a eu, à partir de ce dépôt global qui touche les offres financières, qui touche le normatif, qui touche la grille tarifaire et qui touche les taux eux-mêmes, que 28 heures de séance dont certaines ont été si peu utilisées pour la négociation dans certains cas que cela pourrait revenir à quelque chose comme 20 heures effectivement. Dans la mesure où ces 20 heures ont eu lieu, cela s'est fait dans un climat adéquat, mais c'est très court, 20 heures de négociations, pour un dossier d'une telle ampleur. Et ce n'est pas la disponibilité du gouvernement qui manque. Mes représentants sont à la disposition de la Fédération des omnipraticiens 24 heures par jour depuis un mois. Il s'avère cependant que les omnipraticiens ont eux-mêmes demandé, la plupart du temps, que ces séances ne durent que quelques heures, deux ou trois heures, et qu'on s'en réfère à certains comités techniques. Je vous donnerai mon impression, M. le Président, profondément quant à cela. Je pense que la négociation est en train de déranger une stratégie d'affrontement venant de la FMOQ.

Le Président: Question additionnelle.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, le ministre pourrait-il nous dire, compte tenu des offres qui ont été déposées par le gouvernement aux médecins omnipraticiens, offres qui prévoient pour le redressement... Je voudrais m'en tenir à ce moment-ci uniquement à la question du redressement et du rattrapage, compte tenu de l'échéance de l'entente qui remonte déjà à plus d'un an. L'offre du gouvernement est de 14%, mais dans ce dossier qui vient de votre ministère, compte tenu d'une série de restrictions, l'offre réelle n'est finalement que de 4,9%. Est-ce que vous le confirmez? Je n'entrerai pas dans les détails des restrictions. Deuxièmement, le ministre peut-il nous dire si cette offre s'applique à une nouvelle grille tarifaire qui serait en discussion ou si elle va s'appliquer à la grille tarifaire qui existait au moment de l'entente, puisque ceci doit couvrir la période au moment où l'entente s'appliquait?

Le Président: M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): M. le Président, je pense que la députée de L'Acadie l'a bien souligné. C'est un dossier dont il faut comprendre la complexité des mécanismes. Nous vivons dans un régime qui postule que, d'une part, les médecins, dans l'ensemble, sont payés à l'acte, et d'autre part, qu'il faut faire en sorte que personne n'intervienne dans la pratique individuelle d'un médecin, c'est-à-dire de cette relation entre le patient et le médecin de caractère presque sacré sur le plan professionnel. Par ailleurs, il faut bien que le gouvernement ait une vague idée de l'évolution des masses sur le plan pécuniaire, puisque nous avons une responsabilité à l'égard des fonds publics. On a donc mis au point un mécanisme très complexe qui s'appelle l'objectif tarifaire, que je résumerai de la façon suivante. L'ensemble des factures envoyées par les

médecins à la Régie de l'assurance-maladie, divisé par le nombre de médecins actifs au Québec, cela donne un chiffre. Ce chiffre, l'an dernier, au mois de mai 1981, c'était 80 000 $. Ce chiffre, avec l'offre que nous ferions, serait 91 000 $, c'est-à-dire une augmentation de 14% de ce qu'on appelle l'objectif tarifaire. Or, cet objectif tarifaire ne se traduit pas nécessairement par une modification du même quantum sur le tarif lui-même, étant donné que le revenu à la fin de l'année d'un médecin est formé de la multiplication d'une série d'actes. Je vous dirai qu'il y a 4000 actes. Mais on tient compte d'une moyenne anticipée et on la traduit sur la grille tarifaire avec des montants qui peuvent varier d'un acte à l'autre ou d'une série d'examens à l'autre.

Par ailleurs, il est exact également que dans les mécanismes existants, il y a ce qu'on appelle - c'est ce que nous avons analysé jusqu'à maintenant aux tables de négociation - le glissement d'actes, une propension, semble-t-il, objective est constatée, à savoir qu'il y a une pratique qui se dirige de plus en plus vers des actes de plus en plus rémunérateurs ou des examens de plus en plus rémunérateurs. Nous voulons tenir compte de cela quand on regarde quel est l'objectif moyen ou le revenu moyen brut anticipé ou l'objectif tarifaire dont je parlais tout à l'heure à la fin de l'année. Or, si on la regarde en termes de revenu moyen, et non pas de revenu individuel, de l'ensemble des médecins omnipraticiens, l'offre consiste à faire passer ce revenu moyen brut de 80 000 $ à 91 000 $, ce qui n'implique pas par définition ou nécessairement une modification de la grille tarifaire de 14%.

M. Paquette: Question additionnelle, M. le Président.

Le Président: M. le député de Rosemont.

M. Paquette: M. le Président, compte tenu que les médecins, lors de la commission parlementaire sur les services essentiels, s'étaient prononcés, si je me rappelle bien, contre le retrait du droit de grève chez des syndiqués qui gagnent 13 000 $ à 14 000 $ par année, compte tenu du salaire qu'ils ont, je trouve un peu scandaleux qu'on parle de grève générale et qu'il y ait des ralentissements de travail actuellement chez des salariés parmi les mieux payés de la société. J'aimerais demander au ministre s'il peut nous garantir que, jusqu'à maintenant en tout cas, les services essentiels ont été assurés par les médecins. (10 h 20)

Le Président: M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): M. le Président, la médecine est un métier qui amène des gens à exercer leur responsabilité et leur occupation dans un contexte où, d'une part, le serment qu'ils ont prêté et, d'autre part, les lois qui régissent ces professions, ainsi que les codes d'éthique qui régissent chacune des corporations les obligent à se responsabiliser personnellement à l'égard de chacun de leurs patients. Je suis convaincu que l'immense majorité des médecins du Québec est consciente de sa responsabilité et, indépendamment du cadre formel dans lequel ils doivent exercer cette responsabilité, comme cela est décrit dans les usages, les règlements, le code d'éthique et les lois, notamment à l'égard de la Corporation des médecins, je pense que, par définition, chacun des médecins sait comment vivre ce qu'il a à vivre de ce côté et sait de quelle façon il doit marquer le respect qu'il doit avoir à l'égard des citoyens et de ses patients.

C'est en ce sens, M. le Président, que je me refuse à parler de services essentiels dans le cas des médecins. Je pense que la notion de services essentiels, dont on a fait grand état ici depuis quelque temps, s'applique d'une façon tout autre dans la mesure où chacun des médecins reste responsable à l'égard du serment qu'il a prêté, à l'égard de la corporation et à l'égard du code d'éthique et du Code des professions.

Cependant, en termes de santé publique et de ce qui est, en vertu de la loi du ministère, la responsabilité de celui qui vous parle, je peux vous dire que les débrayages sporadiques auxquels nous avons assisté depuis un mois, ont donné lieu, c'est vrai, à des ennuis pour les citoyens, mais on me dit que, jusqu'à maintenant, malgré un engorgement évident de certaines salles d'urgence, il y a l'assurance que les cas d'urgence absolue sont traités et traités adéquatement dans notre système.

Je suis convaincu que, quels que soient les moyens de pression que les médecins entendent suivre, ils seront respectés, ce qui est fondamentalement leur obligation.

Le Président: Dernière question additionnelle, Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je ne relèverai pas la démagogie du député de Rosemont. Je pense que, quand des citoyens...

Des voix: Ah!

Mme Lavoie-Roux: ... doivent négocier...

Le Président: Question, s'il vous plaît!

Mme Lavoie-Roux: ... dans le cadre de nos règlements, des ententes avec le

gouvernement, ils ont droit aux mêmes considérations, quel que soit leur revenu. Je pourrais me permettre une certaine démagogie que je ne ferai pas.

Le Président: Question, s'il vous plaît!

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, le ministre nous a répondu que les 14% ne sont certainement pas 14% nets. Cela semble clair et c'est vraiment 4,9%, compte tenu des détails techniques qu'il nous a donnés. Je voudrais lui poser une question très précise à laquelle il n'a pas répondu. Est-ce que ces 14% vont s'appliquer à une nouvelle grille tarifaire ou à l'ancienne? Oui ou non?

Le Présidents M. le ministre. M. Lalonde: Oui ou non?

M. Johnson (Anjou): M. le Président, je voudrais d'abord relever ce que vient de dire Mme la députée de L'Acadie et, M. le Président, si vous pouviez rappeler à l'ordre le leader adjoint de l'Opposition, le député de Marguerite-Bourgeoys, s'il vous plaît, qui dérange sa collègue qui tente de s'exprimer.

Je pense que Mme la députée de L'Acadie a, malheureusement, pris un raccourci. Peut-être me suis-je mal exprimé tout à l'heure. En termes de revenu brut moyen, l'offre gouvernementale constitue une offre d'augmentation de 14% pour la période qui est visée, comme l'ont eue les sous-ministres et comme l'ont eue l'ensemble des salariés et des professionnels des secteurs public et parapublic. Je vois un député de la région de l'Outaouais dont j'oublie le nom qui semble mal pris.

Une voix: Le député de Pontiac.

M. Johnson (Anjou): Le député de Pontiac doit être ennuyé parce qu'on tente d'envoyer des médecins là-bas.

Une voix: Arrogance.

M. Johnson (Anjou): Donc, le revenu brut anticipé ou la moyenne des revenus des médecins omnipraticiens, une fois une entente conclue sur la base des offres gouvernementales, constituerait une augmentation pour la période antérieure de 14%, effectivement, ce qui ne veut pas dire, encore une fois, que cela se traduit par une augmentation du tarif de 14%.

Il y a une différence entre le tarif et le moyen... C'est évident puisque le médecin, à la fin de l'année, est payé à partir de la multiplication d'une série d'actes et d'examens. Selon qu'il fait certains actes ou certains examens, cela a une influence sur son revenu. Ce qu'on dit, c'est qu'à la fin de l'année, il devrait y avoir l'équivalent d'une augmentation de 14%, indépendamment de la modification du tarif.

Deuxièmement, quant à la grille tarifaire, c'est-à-dire une analyse qui peut être faite conjointement et dans laquelle ont cheminé, d'ailleurs, les fédérations, depuis un certain nombre d'années parce qu'il y a des problèmes à ce niveau-là, certains de ces aspects sont plus complexes que d'autres et pourraient fort bien faire l'objet d'un comité technique qui continuerait dans le cadre d'une négociation qui est ouverte à la possibilité de scinder une partie des dossiers.

Le Président: Question principale, M. le chef de l'Opposition.

Demandé d'une conférence

des premiers ministres sur la situation économique

M. Ryan: Ma question s'adresse au premier ministre. Devant l'aggravation continue de la situation économique au Canada, qui est encore plus prononcée au Québec à cause de maintes politiques du gouvernement du Québec, un mouvement se dessine partout au pays en vue de la convocation, dans les meilleurs délais, d'une conférence des premiers ministres afin de voir les ajustements qui s'imposeraient.

Le premier ministre Lougheed a déjà fait connaître sa suggestion visant à la convocation prochaine d'une telle conférence. Une dépêche de la Presse canadienne nous apprend aujourd'hui que le premier ministre du Manitoba, M. Pawley, aurait écrit à ses collègues du gouvernement fédéral et des autres provinces pour proposer la même idée.

Je voudrais demander au premier ministre s'il a reçu ce télégramme de M. Pawley, s'il a répondu et s'il serait prêt à participer à une conférence des premiers ministres sur l'économie avant que la saison d'été ne soit engagée. M. MacEachen laisse entendre qu'il procédera à des ajustements dans son budget. La chute continue du dollar laisse entendre qu'il va falloir prendre des mesures de redressement qui peuvent se traduire notamment par une hausse du taux d'intérêt et une aggravation de la situation des propriétaires de maison.

On apprend que les bénéficiaires de l'assurance-chômage, vu que les périodes de sortie du travail s'allongent, finiront par ne plus avoir droit aux prestations d'assurance-chômage.

Devant ces faits, est-ce que le premier ministre est prêt à appuyer publiquement l'idée d'une conférence fédérale-provinciale des premiers ministres sur l'économie et à demander qu'elle se tienne dans les meilleurs délais?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, je dois dire que j'ai vu, comme tout le monde, je pense bien, dans le journal de ce matin que M. Pawley, le premier ministre du Manitoba, s'était joint à d'autres pour demander une telle conférence. J'avoue que jusqu'à nouvel ordre je n'ai pas vu de télégramme; cela n'exclut pas qu'il y en ait un. Le ministre des Affaires intergouvernementales vient de me glisser qu'ils ne l'ont pas vu passer eux non plus. Peu importe, télégramme ou pas télégramme, c'est vrai que dans l'état actuel de l'économie et ce qu'on voit comme signes d'aggravation de jour en jour quasiment, cela fait que, si ça peut servir, Dieu sait qu'on y serait comme un seul homme, comme délégation québécoise. On l'a toujours dit: S'il s'agit des intérêts directs du Québec, en particulier, en matière économique, il n'est pas question de ne pas être là. On paie notre part des avantages, à l'occasion, et des dégâts, de plus en plus fréquemment, du régime dans lequel nous sommes.

Maintenant, il ne faudrait pas s'illusionner non plus sur ce que pourrait donner, en ce moment, une conférence. C'est un peu comme commencer à placoter plutôt que de courir après les pompes à incendie quand la maison est en feu. Ce serait une conférence qui risquerait d'être beaucoup plus de palabres que d'action parce que l'action, pour autant que certains problèmes demandent un emploi différent de celui qui a été fait jusqu'ici des grands leviers économiques, qu'ils soient monétaires ou autres, c'est à Ottawa que cela réside. Que ce soit M. MacEachen ou M. Trudeau, qui se promène encore, je pense qu'il est en Yougoslavie aujourd'hui...

Une voix: Oh!

M. Lévesque (Taillon): C'est un fait, il se promène d'un pays à l'autre, je veux bien, mais pendant ce temps-là, à Ottawa, on a l'impression que le navire est un peu déboussolé et qu'il n'y a personne au gouvernail. S'il y a une conférence économique, par définition, on demanderait qu'elle soit tenue le plus vite possible, mais sans trop d'illusions parce que s'il n'y a pas d'action qui se prend concrètement à Ottawa avec les leviers dont il dispose, j'aurais peur qu'on revienne, mais en pire, à cette espèce de cul-de-sac qu'on a frappé à la dernière conférence économique qui n'est pas si ancienne. (10 h 30)

M. Ryan: Je m'aperçois que le premier ministre n'a pas la même idée au sujet des sommets suivant qu'il les convoque lui-même ou qu'ils sont convoqués à l'échelle d'un pays auquel il ne croit pas. Je comprends aussi qu'il conserve des souvenirs plutôt pénibles de conférences au cours desquelles il a plutôt mal défendu les intérêts du Québec.

Je remarque que dans sa réponse, le premier ministre adopte l'attitude traditionnellement passive et résignée de son gouvernement: Si on nous convoque, si cela a lieu, peut-être... La gravité des problèmes est là qui nous crève les yeux, nous sommes d'accord, des deux côtés de la Chambre, sur le fait qu'il y a une responsabilité indéniable et même principale du gouvernement fédéral dans les politiques économiques. Nous sommes également d'accord pour considérer qu'il faut de la pression de l'opinion publique pour que certaines politiques soient mieux ajustées aux réalités de l'économie.

Dans cet esprit, je demande au premier ministre si, au lieu de se borner à dire "on ira si on est invité", s'il est prêt, ce matin, à demander publiquement au gouvernement du Canada, de concert avec les premiers ministres des autres provinces, de convoquer, le plus tôt possible, une conférence fédérale-provinciale en assurant que le Québec y participera avec des suggestions positives.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Je trouve un peu incongru le commentaire du chef de l'Opposition sur les sommets parce que, il faut bien le dire, c'est un fait, tous les sommets auxquels on a vu le premier ministre fédéral participer depuis un an, qu'ils soient intérieurs, constitutionnels ou économiques ou que ce soit, tout récemment, celui de Versailles ou celui de Bonn, il sort toujours de mauvaise humeur, en disant que c'est insignifiant et que ça ne vaut même pas la peine d'y aller. Cela n'a pas été un grand succès. Pour l'essentiel, on n'a pas senti le rôle majeur et stratégique ni du gouvernement canadien ni de son chef.

Cela dit, je dois dire qu'à notre échelle modeste, nos sommets à nous, en général, ont donné des résultats, y compris le dernier.

Des voix: Ah! Bravo! Bravo! Encore! Encore!

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Marguerite-Bourgeoys, sur une question de privilège.

M. Lalonde: Est-il exact, M. le Président, que le ridicule tue?

Le Président: S'il vous plaît! S'il vous plaît! M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Une chose certaine, M. le Président, c'est que le genre d'inconscience qui est une déformation née de la partisanerie, ça ne tue pas, cela est sûr, parce qu'on n'a jamais vu dans l'histoire du Québec - et je pense que n'importe qui,

qui à la fois a une tête sur les épaules et est conscient des intérêts de la collectivité, devrait le savoir - un tel rapprochement qui est conjoncturel, bien sûr, mais il y a tellement de divergences dans notre société, il y a tellement d'affrontements, on n'a pas besoin de se faire de dessins, que c'est quand même extraordinaire qu'on ait vu - et cela découle directement du dernier sommet de Québec - les grandes centrales syndicales, les patrons stratégiquement placés dans le secteur de la construction domiciliaire, les professions de notaires à architectes en passant par ingénieurs et arpenteurs-géomètres qui sont concernées directement par la construction, les institutions financières, au moins jusqu'à nouvel ordre, au niveau des caisses populaires qui sont les plus présentes dans tous les milieux du Québec, tous ces gens accepter de s'asseoir à la même table non pas pour parler cette fois-ci, mais, partant du sommet et, quelques semaines après, revenant à cette table pour confirmer l'acceptation d'une sorte de corvée collective où chacun mettrait du sien. Je n'ai jamais vu ça, moi, à aucun moment dans l'histoire du Québec.

Il y a maintenant une acceptation de principe qui va se concrétiser, il n'y a pas de raison d'en douter, dans les jours qui viennent. Les résultats, on l'espère, seront à la hauteur que ce que cela représente comme élément de concertation qu'on n'a jamais vu, jamais auparavant, dans notre société. Je trouve simplement que à la fois les commentaires du chef de l'Opposition et aussi certains rires vraiment presque psychiatriques qu'on a entendus tout à l'heure méritaient au moins...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Cela méritait au moins, en particulier par respect pour les gens, venant de tous ces milieux, qui ont pris la peine, depuis le sommet, de travailler pendant des semaines et des semaines pour ajuster un programme comme celui-là, qu'on souligne quand même que ridiculiser les résultats des sommets du Québec, en particulier du dernier, cela relève d'une sorte de déformation partisane qui n'a pas de sens.

Cela étant dit, le chef de l'Opposition veut savoir si on va joindre notre voix à celle des autres premiers ministres provinciaux pour demander une conférence économique dans les plus brefs délais. Je crois que non, M. le Président, pour la raison suivante: II est évident que c'est une espèce, je pense, de geste politique à peu près légitime pour les gouvernements provinciaux de dire - parce que, après tout, il faut bien faire quelque chose et, comme on ne peut rien faire, il faut parler et je sais que c'est vrai...

Des voix: Bravo!

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, d'une certaine façon...

Le Président: Â l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): ... les députés libéraux viennent d'applaudir leur chef, ce qui est quand même un événement rarissime.

Des voix: Ah! Ah!

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, j'ai bien dit: d'une certaine façon; la...

Des voix: Ah! Ah!

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, je veux bien qu'on soit rendu vers la dernière semaine de la session et que ce soit vraiment un maison de fous, mais est-ce nécessaire de le montrer à la face du public à ce point? En tout cas!

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! S'il vous plaît! S'il vous plaît! M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Le député d'Argenteuil disait lui-même tout à l'heure, dans son deuxième préambule, que c'est évident qu'il faut reconnaître que la responsabilité principale, essentielle même -cela ne sert à rien de regarder le journal des Débats, mais c'était clair - réside à Ottawa en ce qui concerne la crise économique que nous avons à traverser et les politiques absolument meurtrières par rapport à l'industrie, en particulier, qui sont maintenues à Ottawa depuis des mois et des mois, depuis l'an dernier. Dans ce contexte, comme je l'ai dit tout à l'heure, il y a de l'action qui est requise à ce niveau. Avec les leviers dont le gouvernement fédéral dispose et dont ne dispose aucune des provinces, cette action, on l'attend. On attend que ce soit le ministre des Finances, à propos de son budget qui est devenu maintenant une espèce de collection de papillons, comme on dit, à propos des lois... Cela change, cela revient, on ne sait jamais à quel moment cela va même être officiel. Ils ont là tous les problèmes par rapport aux grands leviers dont ils disposent et ils n'ont qu'à s'en servir. Je comprends que les gouvernements provinciaux puissent avoir en ce moment le goût, au milieu de l'impuissance qu'on doit ressentir au niveau provincial - parce qu'on n'a pas ces leviers, on n'a jamais même été consultés, contrairement à ce qui avait été demandé il y a trois ans, à propos d'aucun des budgets fédéraux, d'aucune des manoeuvres ou des mesures monétaires qu'ils

ont prises depuis ces trois ans, depuis, en fait, 1978 où cela a été demandé, quatre ans - on peut bien, parce que cela donne une espèce d'impression d'activisme, demander tout de suite, en panique, qu'il y ait une conférence fédérale-provinciale au point de vue économique. Avec ce que nous avons vécu, il est évident que je ne me joindrai pas à ce concert, surtout avec ce qui est arrivé depuis quelque temps. Je trouve qu'au contraire, ce serait leur donner une excuse, une sorte de distraction pour convoquer quelque chose au lieu d'agir. Ils n'ont qu'à agir en ce moment. S'il y a une conférence fédérale-provinciale, on ira.

Des voix: C'est cela!

Le Président: Question principale, M. le député de Viau.

M. Lalonde: M. le Président...

Le Président: Question principale, M. le député de Viau.

M. Lalonde: M. le Président, j'ai une question principale. On s'entasse ici.

Des voix: Viau! (10 h 40)

Le Président: J'avais promis une question principale au député de Viau hier, je n'ai pu le reconnaître. À moins qu'il ne consente à céder son droit à une question principale...

M. le député de Marguerite-Bourgeoys, question principale.

Le deuxième homme dans l'affaire Charron

M. Lalonde: M. le Président, j'aimerais simplement demander au ministre de la Justice de nous donner un complément de réponse à la question que j'avais posée le 7 juin concernant l'affaire Charron. Il parlait d'un rapport. Il disait: Avec les commentaires faits par les procureurs de la couronne de la ville de Montréal qui pourraient l'accompagner, ce rapport ne m'est pas parvenu. Est-ce qu'il n'a pas reçu une lettre qui serait datée du 29 mars, qui émane justement de la couronne municipale et qui contient des commentaires sur la preuve qui est dans ce dossier? N'est-il pas vrai que la couronne municipale est prête à porter des accusations et que le seul problème est l'identification du personnage! Comment cela se fait-il que cela prend deux mois pour identifier une personne?

Le Président: M. le Procureur général et ministre de la Justice.

M. Bédard: Le député de Marguerite-

Bourgeoys est totalement irresponsable. Il vient de nous dire... Totalement irresponsable. C'est très rare que j'emploie cette expression. Lui-même dit que j'aurais reçu une note de la part des procureurs de la couronne, ce qui est exact. Il affirme en même temps que dans cette note les procureurs de la couronne font état qu'ils ne peuvent porter une accusation puisqu'il y a une question d'identification. Êtes-vous en train de demander au Procureur général de porter une plainte en l'air comme cela sans qu'il y ait identification d'une personne? Ce que je vous ai dit jusqu'à maintenant, c'est que cette enquête relevait du service de police de la Communauté urbaine de Montréal. À maintes reprises, encore la semaine passée, je lui ai dit d'y aller avec le plus de diligence possible. J'ai eu une communication de la part du directeur du service de police de Montréal disant qu'il ferait diligence et que, dès que cette enquête serait terminée, on m'en communiquerait le résultat, de même que l'analyse des procureurs de la couronne, si nécessaire. À ce moment, j'agirai en Procureur général responsable. Je porterai des accusations, s'il y a lieu. Si la preuve n'est pas là, je ne peux quand même pas porter des plaintes. Il faut au moins qu'il y ait une personne qui soit identifiée. C'est à la police de Montréal de faire son enquête. Quand elle sera terminée, j'agirai.

Le Président: Question additionnelle.

M. Lalonde: M. le Président, le ministre n'a pas nié que la couronne municipale est donc prête à analyser la preuve, est prête à porter des accusations et qu'il ne s'agit que d'une question...

M. Bédard: Question de privilège.

Le Président: M. le ministre de la Justice, sur une question de privilège.

M. Bédard: Je n'essaierai pas de convaincre le député de Marguerite-Bourgeoys. La population du Québec est à même de constater, avec cette question additionnelle, jusqu'à quel point le député de Marguerite-Bourgeoys est irresponsable. Il vient d'affirmer que les procureurs de la couronne ont dit qu'ils étaient prêts à porter une accusation, mais il a affirmé précédemment que ces mêmes procureurs de la couronne ont dit qu'il y avait un manque d'identification. La preuve est facile à faire qu'on ne peut quand même pas porter une plainte alors qu'il n'y a pas d'identification. Cela prend quand même un prévenu.

Le Président: M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: C'est cela. Donc, en ce qui concerne les éléments de preuve, apparemment, d'après ce rapport, les éléments de preuve sont tous réunis. Il s'agit simplement d'identifier le personnage. Est-ce que le ministre...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le député.

M. Lalonde: Est-ce que le ministre a demandé au député de Saint-Jacques d'identifier celui qui l'accompagnait à ce moment?

M. Bédard: M. le Président, le député de Marguerite-Bourgeoys s'embourbe dans l'irresponsabilité encore. Je tiens à la ligne que je viens d'exprimer. Le député de Marguerite-Bourgeoys ne comprendra pas, ni l'Opposition, mais la population va comprendre qu'un procureur général ne peut quand même...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le Procureur général.

M. Bédard: M. le Président, je sais que la population du Québec va comprendre qu'un procureur général responsable ne peut porter une accusation à partir d'un rapport de police lorsqu'il n'y a pas d'identification d'un prévenu, sinon je pourrais porter...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bédard: ... à partir d'une preuve la plainte contre n'importe qui, y compris le député de Marguerite-Bourgeoys. Vous n'êtes pas responsable, qu'est-ce que vous voulez que je vous dise?

Le Président: Dernière question additionnelle, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, j'ai demandé bien simplement, précisément, si le ministre... Vous référez à la population et la population nous dit: Pourquoi Bédard ne demande-t-il pas à Charron? Je vais vous traduire cela en termes parlementaires. Pourquoi le ministre de la Justice n'a-t-il pas demandé d'identification à son collègue, le député de Saint-Jacques?

Le Président: M. le Procureur général.

M. Bédard: Je ne sais pas si c'est un conseil d'un ancien Solliciteur général en ce sens que ce serait la manière de procéder. Dois-je comprendre que, lorsque vous étiez Solliciteur général et lorsqu'il y avait des enquêtes sur des députés de l'Opposition -même des plaintes ont été portées, vous vous rappelez qu'il y avait des enquêtes sur beaucoup de députés de l'Opposition - votre méthode était de discuter avec vos collègues en qualité de Procureur général ou de Solliciteur général, était-ce votre manière d'agir? Cela fait comprendre bien des choses.

Le Président: Question principale. À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Question principale, M. le député de Bellechasse.

M. Lachance: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse au ministre...

Le Président: M. le député de Dubuc, sur une question de règlement.

M. Desbiens: Est-ce vrai que le ridicule tue?

Le Président: M. le député de Bellechasse, question principale.

Le bon d'emploi

M. Lachance: M. le Président, ma question s'adresse au ministre du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu. Il y a un peu plus d'un mois, le gouvernement du Québec mettait en application un nouveau programme, le programme du bon d'emploi à l'intention des travailleuses et travailleurs de moins de 25 ans à la recherche d'un emploi depuis au moins six mois. Ma question est la suivante: J'aimerais savoir si le nouveau programme du bon d'emploi atteint présentement les objectifs qu'on s'était fixé initialement et, deuxièmement, j'aimerais savoir si on pourrait avoir le portrait de la situation, des chiffres précis sur les performances de ce programme de création d'emplois.

Le Président: M. le ministre du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu.

M. Marois: M. le Président, on se souviendra effectivement que - je me souviens qu'à l'époque certains membres de l'Opposition avaient largement douté des objectifs du programme - le programme du bon d'emploi a été lancé pour permettre à des jeunes d'acquérir une première expérience de travail. Pour le programme qui a démarré le 3 mai, les résultats au 4 juin sont les suivants: Le nombre de bons d'emploi émis à ce jour est de 4548, ce qui a permis à un nombre de jeunes de se placer...

Une voix: Combien?

M. Marois: 1111 jeunes ont pu se placer à ce jour depuis le 3 mai. 91% de ces jeunes ont pu trouver un emploi dans le secteur

privé, 80% de ces jeunes avaient un niveau de formation du secteur professionnel, que ce soit le secondaire, le collégial ou le secteur universitaire. Parmi ces jeunes, 26% étaient des bénéficiaires de l'aide sociale. Il me fait plaisir aussi de dire, quand on me pose la question. "Est-ce que le programme a atteint son objectif?" que non seulement il est en train de l'atteindre, mais que le programme dépasse les objectifs prévus, puisque pour 46% de ces 1111 jeunes, le premier emploi qu'ils ont pu obtenir est un emploi permanent, au point de départ, ce qui donne une indication en ce qui concerne les 54% autres jeunes qui ont obtenu un emploi temporaire quant aux possibilités de taux de rétention dans un emploi permanent. Donc, à ce jour, les objectifs ont été non seulement largement atteints, mais dépassés.

Le Président: Question additionelle, M. le député de Bellechasse.

M. Lachance: Question additionnelle, M. le Président. J'aimerais savoir de la part du ministre, compte tenu que ce programme s'avère très populaire, qu'il atteint les objectifs fixés, si des sommes d'argent additionnelles seront injectées dans ce programme, si nécessaire, pour contribuer, au maximum, à la création d'emplois dans cette période économique très difficile. (10 h 50)

Le Président: M. le ministre.

M. Marois: M. le Président, je peux déjà indiquer que le montant des engagements financiers impliqués pour les 1111 jeunes qui ont pu trouver un emploi est de 3 888 500 $ sur un budget de base de démarrage de 9 000 000 $. Voilà quant au premier chiffre.

Deuxièmement, comme j'ai eu l'occasion de l'indiquer lors de l'étude des crédits du ministère, sur la masse globale des budgets des programmes de création d'emplois de 62 000 000 $, le ministre dispose d'une possibilité de réaffectation, en plus ou en moins, d'un programme à l'autre, de 25%, ce qui nous laisse une marge de manoeuvre additionnelle. Si le besoin s'en faisait sentir et que les possibilités étaient là, dans le cadre d'un budget supplémentaire à l'automne, je verrai certainement à faire les demandes qui s'imposeront.

Je voudrais simplement, en terminant, ajouter ceci, M. le Président: 95% des diplômés du secteur professionnel, qui ont pu trouver un emploi grâce au programme, ont obtenu un emploi dans le domaine de leur formation personnelle.

Le Président: Question principale, sans question additionnelle, M. le député de Viau.

M. Cusano: M. le Président, puisque le ministre de l'Éducation est absent, ce matin, j'adresserai ma question au premier ministre et, s'il n'est pas aux alentours, peut-être que le député de Rosemont pourrait tenter d'y répondre.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, si le député veut adresser sa question à l'adjoint parlementaire au ministre de l'Éducation, il lui fera plaisir d'y répondre.

M. Cusano: C'est ce que j'ai dit.

Le Président: M. le député de Viau.

Les élections des commissaires d'écoles

M. Cusano: M. le Président, lundi prochain, le 14 juin, les citoyens du Québec, à l'exception de ceux de la région de Montréal, seront appelés, peut-être pour la dernière fois, à élire démocratiquement leurs commissaires d'écoles. Depuis quelques années, des groupes de pression et des agents éducatifs ont formulé des recommandations au gouvernement visant à retoucher le mode des élections scolaires afin de créer des conditions plus favorables à la participation des électeurs.

Parmi ces recommandations, vous me permettrez d'en mentionner quelques-unes qui n'auraient pas coûté trop cher au gouvernement si elles avaient été appliquées. L'une d'elles serait la tenue d'élections à l'automne plutôt qu'en juin et le dimanche plutôt que le lundi. On a aussi demandé le prolongement du délai entre le moment de la présentation des candidats et le jour des élections. On a demandé également l'abolition du système électoral rotatif où le tiers de l'ensemble des commissaires d'écoles sont élus chaque année pour un mandat de trois ans, ce qui complique un peu la participation; on demande plutôt de tenir des élections tous les trois ou quatre ans pour l'ensemble des commissaires.

M. l'adjoint parlementaire, est-ce que vous pouvez nous dire quelles mesures concrètes ont été prises par le ministre de l'Éducation et son ministère afin de s'assurer que, lundi prochain, le 14 juin, il y aura une très bonne participation des électeurs au scrutin scolaire?

Le Président: M. l'adjoint parlementaire au ministre de l'Éducation.

M. Paquette: M. le Président, je pense que, le 14 juin, les élections scolaires vont se dérouler, tel que prévu, dans le cadre de nos lois et on espère, bien sûr, le maximum de participation. On invite tous les citoyens à participer à cet exercice démocratique qui

est extrêmement important dans notre vie politique.

D'autre part, dans sa question, le député fait part d'un certain nombre de suggestions qui ont été faites par le passé pour améliorer la participation aux élections scolaires. Inutile de vous dire, M. le Président, qu'il est impossible, au moment même où un projet de réforme des structures scolaires est devant le Conseil des ministres, de procéder à ce genre d'amélioration tant que le Conseil des ministres ne sera pas fixé sur la réforme scolaire.

Cette année, les élections vont se dérouler comme prévu. Si le Conseil des ministres en décide ainsi, il y a aura le dépôt d'un document qui sera largement discuté dans la population. Des représentations pourront s'exercer et on les examinera, l'objectif général étant de favoriser au maximum la démocratie dans nos institutions scolaires.

Le Président: M. le député de Viau, une brève question additionnelle.

M. Cusano: M. le Président, n'est-il pas vrai que l'immobilisme du ministère de l'Éducation et du gouvernement dans ce dossier vise à faire la preuve que le système actuel est dépassé, que la population s'en désintéresse et que la réforme scolaire dont parle le député de Rosemont serait souhaitable et bienvenue?

Le Président: M. l'adjoint parlementaire.

M. Paquette: C'est justement pourquoi, au ministère de l'Éducation, nous avons mis tellement de temps, depuis un an et demi, et nous avons préparé avec tellement de soin ce projet de réforme qui est extrêmement complexe. Bien sûr qu'on espère que le Conseil des ministres donne suite à un projet de réforme scolaire. C'est devant le Conseil des ministres, comme cela a été dit par le leader parlementaire hier, je pense.

D'autre part, si vous pensez qu'il y a, dans les mesures que vous proposez, l'essentiel d'une réforme de la démocratie scolaire, la tenue des élections à l'automne, éliminer l'aspect rotatif de l'élection des commissaires qui existe en province, je vous signale qu'à Montréal, les commissaires sont tous élus en même temps et que le taux de participation est plus bas qu'en province.

Je ne suis donc pas sûr que ce soient des mesures qui amélioreront la démocratie scolaire, mais, comme je vous le disais, dès que le Conseil des ministres aura pris une décision, ce qui ne devrait pas tarder normalement, la consultation la plus large possible sera faite et on pourra examiner ce genre de suggestion comme d'autres qui nous seront présentées.

Le Président: Fin de la période des questions.

Motions non annoncées. M. le député de Gatineau.

M. Gratton: M. le Président, j'aurais une motion non annoncée qui devrait normalement recueillir l'assentiment unanime de l'Assemblée. Puisque l'Assemblée nationale, si je ne m'abuse, ne doit pas siéger ce soir, j'aimerais proposer la motion suivante: "Que cette Assemblée suspende les travaux des commissions parlementaires ce soir, de 20 heures à 24 heures, de façon à permettre aux six députés péquistes d'avant 1976 et à certains nouveaux députés péquistes issus du mouvement syndicaliste de faire ce qu'ils avaient pris l'habitude de faire avant de devenir membres du gouvernement, c'est-à-dire de participer à la manifestation des syndicats du front commun qui est prévue pour ce soir devant l'Assemblée nationale."

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: Avez-vous un doute sur notre réponse, M. le Président?

Le Président: Défaut de consentement. Enregistrement des noms sur les votes en suspens.

Qu'on appelle les députés. (10 h 53)

Mise aux voix de la deuxième lecture du projet de loi no 75

(11 h 03)

Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre!

Vous pouvez reprendre vos sièges.

La motion qui est mise aux voix est celle du ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme qui propose que le projet de loi no 75, Loi modifiant la Loi sur l'aide au développement industriel, soit lu pour la deuxième fois.

Que ceux et celles qui sont pour veuillent bien se lever, s'il vous plaît!

Le Secrétaire adjoint: MM. Lévesque (Taillon), Bertrand, Bédard, Morin, Johnson (Anjou), Bérubé, Lazure, Gendron, Mme LeBlanc-Bantey, MM. Lessard, Biron, Godin, Rancourt, de Bellefeuille, Richard, Léger, Clair, Chevrette, Fréchette, Marois, Garon, Tardif, Léonard, Martel, Baril (Arthabaska), Charron, de Belleval, Ouellette, Mme Lachapelle, MM. Brassard, Dean, Paquette, Gagnon, Guay, Dussault, Vaugeois, Desbiens, Mme Juneau, MM. Fallu, Grégoire, Bordeleau, Bisaillon, Boucher, Mme Harel, MM. Beauséjour, Lévesque (Kamouraska- Témiscouata), Blais, Gauthier, Gravel, Laplante, Brouillet, Rochefort, Baril (Rouyn-

Noranda-Témiscamingue), LeMay, Rodrigue, Payne, Tremblay, LeBlanc, Lafrenière, Paré, Lachance, Dupré, Ryan, Levesque (Bonaventure), O'Gallagher, Scowen, Ciaccia, Mme Lavoie-Roux, MM. Lalonde, Vaillancourt (Orford), Marx, Bourbeau, Mathieu, Assad, Vallières, Mme Dougherty, MM. Paradis, Johnson (Vaudreuil-Soulanges), Picotte, Pagé, Gratton, Rivest, Fortier, Rocheleau, Bissonnet, Polak, Maciocia, Cusano, Dubois, Sirros, Saintonge, Dauphin, French, Doyon, Kehoe, Houde, Middlemiss, Leduc (Saint-Laurent).

Le Secrétaire: Pour: 98 Contre: Q

Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté.

J'aimerais simplement rappeler au gouvernement et à l'Opposition qu'il y aura sanction à 13 heures au 103-A.

Avis à la Chambre. En vertu de l'article 34, M. le député de Gatineau.

Recours à l'article 34

M. Gratton: M. le Président, j'aimerais demander au leader du gouvernement, à la suite de l'engagement que le premier ministre a pris hier de légiférer pour permettre au Directeur général des élections seul de procéder dorénavant à la nomination des présidents d'élection, s'il peut nous donner l'assurance que le projet de loi en question sera déposé et étudié à l'Assemblée nationale avant l'ajournement de nos travaux prévu pour les prochains jours. En posant cette question, je dis tout de suite au leader du gouvernement que, de la part de l'Opposition, il pourra bénéficier de tous les consentements nécessaires pour qu'on puisse adopter cette loi à la fin de nos travaux.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: Ma réponse est non, M. le Président.

M. Gratton: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Jolivet): En vertu de l'article 34 toujours?

M. Gratton: Oui, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Gatineau.

M. Gratton: Pourrais-je faire remarquer au leader du gouvernement, en lui demandant possiblement de reconsidérer la réponse qu'il vient de donner, qu'hier, au moment où j'ai posé la question au premier ministre à savoir de légiférer dans ce sens le premier ministre a répondu...

Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît, M. le député, vous savez qu'en vertu de l'article 34, la réponse que j'ai entendue était claire, précise. À moins que vous ayez une question, vraiment une question, et non pas un préambule, je voudrais avoir absolument la question en vertu de l'article 34.

M. Gratton: La question, c'est de demander au leader du gouvernement de suspendre sa décision et de réfléchir au cours de la fin de semaine en alimentant sa réflexion des propos du premier ministre qui disait hier:...

Des voix: Question.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député, s'il vous plaît! M. le député, vous prenez de façon indirecte ce que je vous ai demandé de faire directement tout à l'heure. S'il vous plaît, M. le député de Maskinongé. Si ce n'est pas en vertu de l'article 34, M. le député, je devrai passer à une autre question.

M. Gratton: Certainement, M. le Président. Je ne veux pas remettre en question votre décision. Je considère que la Chambre a été induite en erreur, hier.

M. Bertrand: M. le Président... M. Pagé: Question de règlement.

M. Gratton: Je considère que la Chambre a été induite en erreur, hier, lorsque le premier ministre nous a dit...

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Gatineau, je m'excuse, ce n'est vraiment pas en vertu de l'article 34. La réponse était tellement claire, à mon avis, qu'on devrait passer au député de Hull qui a une question en vertu de l'article 34; il est prêt à la poser. M. le député de Hull.

M. Rocheleau: Merci, M. le Président. C'est en vertu de l'article 34, au leader du gouvernement. Cela concerne les travaux en commission parlementaire qui pourront être annoncés ce matin tenant compte de la loi 37, fusion forcée de Baie-Comeau et de Hauterive. Le député du comté de Saguenay annonçait, hier, à la radio de Baie-Comeau, relativement à la loi 37, que "tout sera terminé demain soir", en parlant de ce soir.

Une voix: Bâillon.

M. Rocheleau: Qu'on prendra les moyens qu'il faut pour s'assurer que cela se termine demain soir, en parlant de ce soir. Le leader du gouvernement a-t-il l'intention, étant donné qu'on n'a pas encore commencé

l'étude article par article, d'imposer à l'Opposition le bâillon? (11 h 10)

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, le leader du gouvernement a l'intention de faire siéger la commission parlementaire des affaires municipales toute la journée aujourd'hui pour étudier article par article le projet de loi no 37.

Le Vice-Président (M. Jolivet): En vertu de l'article 34, M. le député de D'Arcy McGee?

M. Marx: Oui.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Un instant, M. le député de D'Arcy McGee. M. le leader de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): Excusez-moi. Simplement parce que ce que nous venons d'entendre en réponse au député de Hull, à moins que je n'aie mal compris, me semble un peu troublant. Le leader parlementaire du gouvernement pourrait peut-être me rassurer et rassurer cette Chambre en disant que les paroles qu'on attribue au ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche ne sont pas une fidèle reproduction des intentions du leader parlementaire du gouvernement quand on sait que cette commission ne fait que commencer à siéger; je pense qu'elle a siégé au plus une heure ou deux et simplement pour des auditions. M. le Président, si j'interprétais les paroles du ministre, que j'ai citées ou que le député a citées il y a quelques instants, cela voudrait dire que le ministre, si le leader parlementaire du gouvernement appuyait cela, mettrait une pression indue sur cette commission parlementaire que l'on invite à discuter aujourd'hui dans la plus grande objectivité et dans la plus grande sérénité. Si cela veut dire que la motion de clôture est suspendue sur nos têtes dès le début des travaux de la commission, je m'inquiète du sens démocratique de nos travaux.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, je ferai remarquer au leader l'Opposition qui est familier avec ce genre d'instrument - je ne parle pas des lames de rasoir, je parle du feuilleton - qu'il n'y a rien en appendice au feuilleton d'aujourd'hui et que le mandat de la commission parlementaire sera d'étudier article par article le projet de loi. Il est probable que ce qu'a voulu indiquer le député de Saguenay et ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, c'est qu'il considérait qu'une bonne journée de neuf heures de travail en commission sur un projet de loi d'une quinzaine d'articles, à raison de 45 minutes par article, pouvait probablement nous permettre d'espérer que ce soir, à minuit, on aurait disposé du projet de loi.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, je comprends fort bien les intentions probablement légitimes du leader parlementaire du gouvernement. Je comprends que, surtout vers la fin d'une session - j'ai déjà occupé ce poste et je sais ce que c'est - on a bien hâte de pouvoir adopter notre législation et de la faire adopter le plus complètement possible, mais jamais il ne m'est venu à l'esprit de laisser planer sur la tête des parlementaires, particulièrement de ceux qui sont en commission, non seulement l'épée de Damoclès, mais le spectre de la guillotine, alors qu'on n'a même pas commencé à étudier. La guillotine, cela a déjà existé. On l'a déjà vue en Chambre ici, quelquefois.

M. Lalonde: Quatre fois.

M. Levesque (Bonaventure): Ce que je veux dire, M. le Président - je le dis bien respectueusement et surtout avec un grand respect pour notre système parlementaire -c'est que, lorsqu'on commence à parler de guillotine avant même de commencer à étudier, je pense que là, on franchit un pas extrêmement délicat et dangereux.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, comme le disait un député libéral que j'ai déjà connu, si les parlementaires n'ont pas de "cailloux de Damoclès" dans leur bouche aujourd'hui, ils n'auront pas l'"épée de Démosthène" au-dessus de la tête. Dans un contexte comme celui-là, j'invite les parlementaires à faire preuve de coopération de sorte que les citoyens de Baie-Comeau et Hauterive puissent enfin vivre dans une belle et grande ville...

Des voix: Ah! Ah!

M. Bertrand: ... et qu'ici à l'Assemblée nationale, des deux côtés, nous ayons pris nos responsabilités dans l'intérêt de cette population.

M. Lessard: Question de privilège.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Question de privilège de la part du ministre.

M. Lessard: M. le Président, je n'ai jamais annoncé que toutes les discussions autour du projet de loi no 37 se termineraient à minuit ce soir. Ce que j'ai indiqué, M. le Président, c'est que, pour le gouvernement du Québec, pour le député du comté de Saguenay et pour l'ensemble de la région, justement en vue de l'amélioration du climat social, il était extrêmement important que ce projet de loi puisse être adopté avant l'ajournement ou la prorogation de cette session.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Merci, M. le Président. Ma question porte sur le projet de loi sur l'aide juridique. Je reçois des télégrammes comme ceux que j'ai reçus du comité de logement de Rosemont, du comité de logement de Pointe-Saint-Charles, de Guy Cousineau, secrétaire exécutif du conseil du travail de Montréal, de la Société d'amélioration du logement de Pointe-Saint-Charles et ainsi de suite. J'ai reçu 25 télégrammes. J'aimerais demander au leader s'il est prêt à permettre à ces personnes intéressées à venir devant la commission parlementaire sur la justice et à se prononcer sur le projet de loi sur l'aide juridique, c'est-à-dire de donner aux gagne-petit la même chance que celle qu'on donne aux chef syndicaux.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député, en vertu de l'article 34.

M. Marx: C'est bien clair.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, je trouve assez curieuse la fin de la phrase du député de D'Arcy McGee qui dit: donner autant de chance aux gagne-petit qu'aux chefs syndicaux. Je ne sais pas ce que cela implique comme jugement de valeur sur les chefs syndicaux, mais cela appartient au député de D'Arcy McGee. Non, M. le Président...

M. Marx: Question de privilège.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Juste un instant, pour vous permettre de bien la poser. Question de privilège, M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Le leader du gouvernement fait des insinuations. Tout ce que j'ai voulu dire, c'est que les chefs syndicaux peuvent faire plus de pression sur le gouvernement que les gagne-petit, et le gouvernement se fiche des gagne-petit.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, le projet de loi a été étudié article par article et adopté en commission parlementaire article par article. La prochaine étape sera la prise en considération du rapport.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Beauce-Sud.

M. Mathieu: Oui, en vertu de l'article 34, je voudrais demander au leader s'il a l'intention de présenter bientôt la loi qui a été une promesse électorale concernant les 50 000 $ de prêt sans intérêt pour cinq ans aux jeunes agriculteurs. On dit que c'est une promesse qui a été très répandue. Je voudrais savoir si, avant la fin de la présente session, le leader a l'intention de déposer ce projet de loi.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: Yes, Sir.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Simplement, M. le leader, avant qu'on passe aux avis et aux motions, il manquerait une motion qui est celle de déférer le projet de loi no 75.

Renvoi du projet de loi no 75

à la commission de l'industrie,

du commerce et du tourisme

M. Bertrand: C'est exact. Je fais motion pour que le projet de loi no 75 sur la SDI soit déféré à la commission parlementaire permanente de l'industrie, du commerce et du tourisme.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Cette motion est-elle adoptée? Adopté. Les avis, M. le leader.

Avis à la Chambre

M. Bertrand: M. le Président, au niveau des avis, le lundi 14 juin 1982, de 10 heures à 13 heures, deux commissions parlementaires siégeront: la première, au salon rouge, les communications, sur le projet de loi no 65, pour étude article par article; l'autre, à la salle 81-A, la commission parlementaire permanente des affaires municipales pour étudier le projet de loi no 37, article par article, si nécessaire.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Les motions, M. le leader.

M. Bertrand: Aujourd'hui, belle journée de travail. D'abord, au salon rouge, la

commission des finances et des comptes publics, pour des auditions. Il y a huit groupes syndicaux qui viendront se faire entendre sur les projets de loi nos 68 et 70, et cela, de 11 h 30 environ à 13 heures, de 15 heures à 18 heures et 20 heures à 24 heures. À la salle 81-A, aux mêmes heures, la commission des affaires municipales pour l'étude du projet de loi no 37, article par article. Ce soir, puisque l'Assemblée nationale ne siégera pas, de 20 heures à 24 heures, à la salle 91-A, la commission parlementaire permanente des communications pour l'étude du projet de loi no 65.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Ces motions sont-elles adoptées? Adopté. Affaires du jour.

M. Bertrand: M. le Président, je voudrais donner un peu le menu pour aujourd'hui. D'abord, de consentement unanime, nous aurons une brève présentation du député de Sainte-Marie ainsi qu'une brève intervention du député de Jean-Talon sur le rapport de la commission spéciale de l'Assemblée nationale qui a étudié le dossier de la fonction publique. Chacun des deux intervenants aura environ dix minutes pour faire un certain nombre de commentaires sur le rapport. Par la suite, nous ferons la troisième lecture du projet de loi no 18 sur le droit de la famille, inscrit au nom du ministre de la Justice. Ensuite, le projet de loi no 63, deuxième lecture, sur la Raffinerie de sucre du Québec, au nom du ministre de l'Agriculture. Cet après-midi, nous commencerons avec le projet de loi no 56 sur les coopératives, deuxième lecture. Par la suite, nous continuerons le débat sur la motion du ministre de l'Agriculture relativement à la modification de la Loi sur la protection du territoire agricole. (11 h 20)

Avant que nous ne fassions cela, M. le Président, le député de Westmount a rencontré le député de Groulx pour lui signifier qu'il n'aurait aucune objection à ce qu'on puisse adopter immédiatement en deuxième lecture le projet de loi no 192, projet de loi public inscrit au nom d'un député, sans qu'il n'y ait aucun débat en deuxième lecture. Je vous demanderais d'appeler l'article 13 inscrit au feuilleton.

Projet de loi no 192 Deuxième lecture

Le Vice-Président (M. Jolivet): Article 13, la deuxième lecture du projet de loi 192, Loi modifiant la Loi concernant la Confédération des caisses populaires et d'économie Desjardins du Québec. Cette motion de deuxième lecture est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté.

Le Secrétaire adjoint: Deuxième lecture de ce projet de loi.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader du gouvernement.

Renvoi à la commission des

institutions financières et

coopératives

M. Bertrand: M. le Président, je ferais motion pour que ce projet de loi soit déféré à la commission parlementaire permanente des institutions financières et coopératives qui, lundi après-midi, entendra des groupes relativement à des dossiers de même nature.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, je vous demanderais d'appeler le député de Sainte-Marie - il est ici, alors vous n'aurez pas besoin de l'appeler - pour qu'il fasse sa présentation sur le rapport de sa commission spéciale.

Dépôt du rapport de la commission spéciale sur la fonction publique

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Sainte-Marie.

M. Guy Bisaillon

M. Bisaillon: M. le Président, on se souviendra qu'en novembre dernier l'Assemblée nationale se donnait un outil nouveau et additionnel aux fins d'amener des parlementaires de toutes les options à travailler à l'amélioration de lois déjà existantes.

On se souviendra aussi, M. le Président, qu'à l'origine la ministre de la Fonction publique avait marqué son intention de mettre sur pied un comité faisant appel aux ressources des deux partis politiques de cette Chambre, donc un comité bipartite, aux fins d'analyser la loi 50. Rapidement, et comme cela s'est fait dans d'autres lois, ce comité bipartite est finalement devenu une commission spéciale de l'Assemblée nationale.

Mon collègue de Trois-Rivières, le député Vaugeois, qui a donné son nom à un rapport très célèbre maintenant et qui traite de ces questions des commissions parlementaires, nous a fortement aidés et

incités à instaurer ou à expérimenter ces formes de commissions spéciales, ces formes de commissions parlementaires particulières.

Si l'on me permet, M. le Président, je voudrais, dans les dernières minutes de mon intervention, revenir sur l'expérience vécue par la première commission spéciale de l'Assemblée nationale du Québec.

Dès le départ, M. le Président, outre les grandes orientations qui ont déjà été fixées par l'ensemble des lois de la fonction publique depuis les débuts, les membres de la commission, de même que l'équipe de recherche qui les entourait se sont d'abord fixé comme objectif d'orienter la législation sur la fonction publique, en ayant comme préoccupation première les citoyens et les citoyennes du Québec. En effet, si on se souvient de toute l'évolution qu'ont subie les lois de la fonction publique, on se rend facilement compte que, souvent, la préoccupation du citoyen, il faut bien le dire, a été absente de nos lois.

Donc, premier thème de la commission et premier intérêt des membres de la commission: les citoyens du Québec.

Deuxième grand thème traité par les membres de la commission: la productivité des fonctionnaires.

Le troisième: l'imputabilité, c'est-à-dire le fait que les fonctionnaires aient à rendre compte des actes qu'ils posent.

Quatrième grand thème, qui nous était fixé dans le mandat déterminé par l'Assemblée nationale: l'utilisation optimale des ressources humaines.

M. le Président, à partir de ces quatre thèmes, la commission a préparé un rapport qui contient quelque 150 recommandations.

Bien sûr, en six mois, avec une équipe de recherche réduite par rapport aux effectifs que l'on connaît dans les différents ministères, il est possible qu'on retrouve dans le rapport qu'on dépose aujourd'hui un certain nombre d'incohérences ou d'analyses incomplètes. Nous prétendons qu'avec le temps qui nous a été accordé, avec les ressources que nous avons obtenues, avec les ressources financières utilisées, nous avons non seulement réussi à traiter du problème de la productivité, mais à en faire la démonstration.

En effet, durant cette période, les membres de la commission ont, dans une première étape, rencontré un certain nombre de groupes, à huis clos, procédé à un certain nombre d'études préparées par l'équipe de recherche et, après avoir déposé, en cette Chambre, un document de consultation, procédé à des audiences publiques.

Des quelque 300 heures consacrées par les membres de la commission aux travaux de la commission et au mandat qui nous avait été confié, on arrive, aujourd'hui, avec un document qui, selon nous, permettrait de donner une nouvelle orientation à la Loi sur la fonction publique, une orientation qui serait, d'abord et avant tout, fixée, orientée, ayant comme préoccupation première les citoyens du Québec et les services à leur donner, ayant comme toile de fond la productivité des fonctionnaires et de l'appareil, c'est-à-dire les meilleurs services à fournir aux citoyens au meilleur coût possible, la meilleure utilisation possible des ressources humaines. De toutes les recommandations qui sont contenues dans notre rapport, on tient à souligner qu'elles sont toutes applicables avec les ressources humaines actuellement à la disposition du gouvernement du Québec.

Nous pensons que les compétences sont suffisantes à l'intérieur de la fonction publique. Il s'agit maintenant de savoir quel type d'organisation, quelle orientation et quelle méthode nous utiliserons pour faire en sorte que ces compétences soient, toutes et chacune, sans aucune exception, mises à la disposition des citoyens du Québec.

J'ai dit, tantôt, M. le Président - je terminerai avec cette mention - que c'était une formule nouvelle utilisée par l'Assemblée nationale. Cette formule nouvelle supposait la présence d'une équipe de ressources techniques qui entourait les membres de la commission. Je m'en voudrais de ne pas vous nommer et de ne pas rappeler à ceux qui nous écoutent les noms des personnes qui ont contribué, par leur travail assidu, au résultat que nous vous présentons aujourd'hui.

Les membres nommés par l'Assemblée nationale étaient - on s'en souviendra - les députés de Roberval, de Champlain, de Dorion - dont l'assiduité, l'efficacité et l'implication ont été des modèles pour nous tous pendant nos travaux - de Papineau, de Chomedey et de Louis-Hébert...

Une voix: Jean-Talon.

M. Bisaillon: ... de Jean-Talon. C'est l'un ou l'autre, M. le Président. Il nous a habitués, de toute façon, à changer si souvent.

Donc, sept députés, quatre du parti ministériel et trois de l'Opposition qui, pendant presque sept mois, ont travaillé ensemble, épaulés par une équipe de recherche qui - je voudrais bien le souligner a été mise sur pied grâce à la participation d'un certain nombre d'organismes et de ministères. En effet, tous les travaux de la commission ont été permis grâce à la collaboration des ministères qui, tout le temps des travaux de la commission, nous ont prêté les services d'un certain nombre d'employés de soutien ou de recherchistes... (11 h 30)

Cette équipe de recherche se trouve ici dans les galeries de l'Assemblée nationale. Je pense qu'il serait important, au moment où,

pour la première fois, une commission spéciale dépose un rapport devant l'Assemblée nationale, qu'on mentionne non seulement son apport aux travaux de la commission et aux membres de la commission, mais son implication particulière. À titre d'exemple, M. le Président, je voudrais vous indiquer que, seulement la semaine dernière, dans le cadre de la préparation du rapport, l'équipe de recherche, le personnel de soutien et un certain nombre de membres de la commission ont fourni 102 heures de travail. Au salaire minimum et sans compter le fait qu'on pourrait être à temps et demi à un moment donné, ça fait déjà un bon salaire. 102 heures de travail dans une semaine, M. le Président, ça excuse peut-être un certain nombre d'absences à l'Assemblée nationale, ça fait peut-être en sorte aussi que le travail d'un député peut prendre son sens ailleurs que sur ces banquettes que nous occupons. 102 heures de travail, c'est dans une semaine, la semaine dernière, mais depuis sept mois, de façon régulière, constante, assidue, les membres de cette équipe de recherche ont épaulé les députés qui ont voulu s'impliquer dans une démarche nouvelle, dans le fond, qui implique plus que le travail auquel normalement on est habitué à l'Assemblée nationale.

Cette équipe de recherche a été épaulée tout au long de nos travaux par une équipe de soutien qui lui a souvent permis de continuer ses travaux. Jeanne-Mance Biron, Paula Drolet, Céline Tremblay, Martine Chabot, Lucie Couture, Gisèle Rousseau, Monique Campagna, voilà un certain nombre de personnes qui nous ont permis de continuer et de déposer aujourd'hui ce rapport devant vous, épaulées par une équipe de recherche comprenant Martin Houde, Guy Beaulieu, Jean Foumier, Domenico Celi, Richard Gauthier, le coordonnateur des travaux, Royal Messier, le conseiller spécial, M. Paul Marc-Aurèle, et deux personnes dont je voudrais, au-delà du travail fourni par le coordonnateur Royal Messier, souligner l'implication particulière. Il s'agit de Victorin Jean qui a été celui qui nous a permis de déposer ici des documents de consultation récemment et qui, aujourd'hui, nous a permis, bien sûr à partir des orientations fixées par les membres de la commission, de déposer le rapport. Il s'agit de consulter ce rapport qu'on dépose aujourd'hui pour comprendre que, sans le travail d'une personne comme Victorin Jean, probablement que ce rapport ne serait pas devant nous aujourd'hui. De même, il y a Michel Verge qui nous a été prêté par le ministère de la Justice, qui, constamment, depuis les débuts, à temps partiel au départ et depuis quelque temps, il faut bien l'avouer, à temps complet, même si l'entente ne le prévoit pas, nous a permis aussi d'en arriver aux résultats qu'on présente.

Les personnes que je viens de nommer étaient présentes ici à l'Assemblée nationale au moment du dépôt du rapport. Un certain nombre d'autres personnes se sont impliquées avec nous dans les travaux de la commission depuis les débuts. La liste de tout le personnel ayant participé aux travaux de la commission spéciale se trouve incluse dans notre rapport. Nous aimerions souligner le travail particulier du Secrétariat des commissions de l'Assemblée nationale, de même que la participation active et plus qu'active de tous les services de l'Assemblée nationale: direction du personnel, direction des services administratifs, vous, M. le Président, au niveau des services que vous nous avez offerts, étant donné l'ambiguïté qui semblait exister quant à notre statut de commission spéciale et tous les autres services de l'Assemblée nationale: l'impression, le journal des Débats, de même que le service des achats.

En conclusion, je voudrais indiquer que les membres de la commission, ceux que j'ai nommés tantôt, ont fait une analyse de l'expérience qu'ils ont vécue, une expérience qui les amène à dire que cette première activité d'une commission spéciale à l'Assemblée nationale doit se poursuivre, en tenant compte cependant des quelques recommandations que nous vous faisons dans ce rapport quant au mode de fonctionnement qu'on devrait normalement, selon nous et après l'expérience vécue, avoir à l'avenir.

En effet, nous avons été préoccupés, tout au long de nos travaux, par le nombre de membres de cette commission. Nous étions sept membres; une autre commission spéciale a déjà regroupé neuf membres de cette Assemblée. Nous pensons qu'à l'avenir, les commissions spéciales devraient avoir un nombre de membres restreint. Nous pensons aussi que les commissions spéciales ne devraient plus être orientées immédiatement sur des législations à amender dès le départ.

Autrement dit, pour nous, il existe une différence entre faire l'étude d'un problème et en arriver à la conclusion qu'il faille amender une loi. Travailler dès le départ en sachant que le résultat des travaux de la commission devra passer par un examen au niveau d'un ministère, à cause d'amendements ou de la refonte d'une loi, nous pensons que, dans l'avenir, si on veut assurer une plus grande autonomie aux commissions... Quand je parle d'autonomie, M. le Président, je voudrais bien qu'on me comprenne. Ce n'est pas que la commission a subi de l'ingérence durant ses travaux, c'est parce que, quand on sait qu'une loi doit être amendée et qu'une commission travaille dans ce sens, il y a un sentiment d'urgence qui n'est pas le même que celui d'une commission qui étudie un problème sans connaître les répercussions qu'un délai, par exemple, dans ses travaux, peut apporter.

Dans ce sens-là, je pense qu'il faudrait qu'on tienne compte de certaines recommandations qui indiquent l'orientation qu'on devrait donner à l'avenir aux commissions spéciales.

Par ailleurs, on a été surpris de constater que les commissions spéciales n'ont pas de statut actuellement au niveau de l'Assemblée nationale. Dans ce sens, tous les membres de la commission se sont entendus pour demander qu'une question avec débat se tienne de façon régulière après chacune des commissions spéciales aux fins de vérifier l'application qui sera faite des recommandations de chacune des commissions spéciales.

À cette fin, je voudrais déposer dès aujourd'hui un avis, au nom des sept membres de la commission spéciale sur la fonction publique, aux fins d'obtenir une question avec débat à l'automne, donc, à la reprise de nos travaux, sur le sujet suivant: Quelles sont les étapes franchies et les décisions prises afin d'assurer la mise en oeuvre des recommandations contenues dans le rapport de la commission spéciale? Trois ou quatre mois après le dépôt d'un rapport d'une commission spéciale, il serait normal que l'ensemble des membres d'une commission puissent interroger le ou les ministres impliqués, la ou les personnes -parce que, dans notre rapport, M. le Président, vous verrez qu'on pense à interroger d'autres personnes que les ministres, de temps à autre, à l'Assemblée nationale - impliquées dans la mise en oeuvre de nos recommandations. C'est une recommandation formulée dans notre rapport, mais, pour actualiser ce rapport le plus tôt possible, je dépose dès maintenant cet avis à l'Assemblée nationale sur une question avec débat, au nom des sept membres de la commission spéciale.

Avant de céder la parole, M. le Président, à mon collègue, le député de Jean-Talon, je voudrais, au nom de tous les membres de la commission, selon les résolutions et le mandat qui nous a été confié par l'Assemblée nationale le 24 novembre 1981 et le 25 mars 1982, déposer le rapport de la commission spéciale sur la fonction publique, en soulignant, M. le Président, à tous les membres de cette Assemblée que la couleur de la couverture du premier rapport, de la première commission spéciale a été choisie à dessein par les membres de la commission. C'est symbolique. Cela veut indiquer que les quelque 150 recommandations qu'ils formulent seront retenues pour les personnes chargées de leur application. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Avant de céder la parole au député de Jean-Talon, la présidence prend bonne note de votre avis quant à la question avec débat. Elle le met dans le même sujet de discussion qu'il y a eu au niveau du député d'Arthabaska, on s'en souvient, qui avait fait une demande comme député de cette Assemblée. On invite aussi les leaders de chacune des formations politiques à s'interroger et à permettre à la présidence de prendre la meilleure décision dans l'un et l'autre cas. M. le député de Jean-Talon.

M. Jean-Claude Rivest

M. Rivest: M. le Président, très brièvement, dans l'énumération des remerciements tout à fait pertinents que le député de Sainte-Marie a adressés aux membres de la commission ainsi qu'à tous les collaborateurs au niveau de la fonction publique, au niveau des gens qui sont venus aux audiences, des universitaires, des gens du secteur public au sens large, il a fait une omission extrêmement importante, et je pense qu'il conviendrait que je le souligne. Je veux dire, au nom de tous ceux-là, l'estime, presque l'affection que nous avons à l'endroit du député de Sainte-Marie qui a dirigé ces travaux d'une main de maître, M. le Président. Ce syndicaliste de carrière s'est révélé, comme on l'a dit d'une façon un peu simple, pour nous un très bon "boss" dans la mesure où il a été beaucoup plus qu'un membre de la commission. Il a été vraiment l'animateur de la commission et je tiens, ce matin, au début de mes remarques, à lui rendre ce qui lui est dû, je pense, pour le travail immense qu'il a fait.

Deuxièmement, M. le Président, je voudrais indiquer très brièvement aux collègues de l'Assemblée nationale que notre mandat portait sur la fonction publique. Bien sûr, c'est un sujet éminemment d'actualité. Nous avons réalisé une chose très importante, je pense. Notre rapport en fait très largement état, au début des années soixante, M. le Président, vous vous rappellerez que le Québec s'est donné une fonction publique moderne, que les dirigeants politiques d'alors ont voulu axer sur la compétence parce qu'on réalisait que, pour présider aux politiques et aux programmes et les mettre en oeuvre, le Québec avait besoin d'une fonction publique compétente et dynamique. Ce travail s'est poursuivi et se poursuit encore aujourd'hui, mais cela a été et la poussée qu'on a donnée à la fonction publique au début des années soixante.

Par la suite, bien sûr, est arrivé le problème fondamental que la société québécoise a vécu, c'est-à-dire ce combat qui continue de se faire de donner aux employés de la fonction publique des conditions de travail justes et raisonnables. L'arrivée du syndicalisme dans la fonction publique a, je pense, considérablement amélioré les conditions de travail des fonctionnaires et ce travail, sans doute, va se poursuivre au cours des années.

Notre travail, au niveau de la commission spéciale, a finalement, comme le rappelait le président, beaucoup plus cherché à voir dans l'avenir quelles seraient les perspectives ou les lignes de force que nous devrions toujours avoir en vue lorsqu'il s'agit des programmes et des politiques concernant la fonction publique. Comme le président de la commission spéciale le rappelait, nous nous sommes dit qu'il fallait d'abord que la fonction publique se mette au service de l'ensemble de la collectivité, que la notion de service public, de service aux citoyens soit davantage développée par les programmes et les politiques du ministère de la Fonction publique ainsi que tous les autres ministères. Les grands axes, les points forts du programme ont été de mettre l'accent, pour ce qui est de la fonction publique en tant que telle, sur des notions extrêmement importantes aujourd'hui. Il y a déjà des programmes qui existent dans ce sens, mais la commission spéciale a voulu mettre l'accent, insister et sensibiliser tout le monde à l'importance d'accroître la productivité de notre fonction publique, d'accroître son degré d'imputabilité c'est-à-dire de responsabilité du gestionnaire et du fonctionnaire qui prend des décisions, de lui donner la marge de manoeuvre nécessaire pour exercer ses responsabilités et finalement être imputable des actes qu'il pose.

Une autre grande ligne de force de notre programme, également, c'est de donner notre appui d'une façon très ferme au programme d'égalité en emploi pour les femmes, pour les membres des communautés culturelles et finalement de nous assurer, étant donné que les effectifs de la fonction publique ne croîtront pas d'une façon aussi rapide que dans le passé, il est extrêmement important dans l'avenir, dans la mesure où nous avons une fonction publique jeune... Il faut que les jeunes occupent les postes, qu'on se préoccupe de renouveler la fonction publique par l'extérieur. Il faut trouver des jeunes à l'intérieur de notre gestion de la fonction publique; il faut continuer d'offrir aux jeunes la possibilité d'entrer dans la fonction publique.

M. le Président, le rapport, les gens en prendront connaissance, esquisse des perspectives qui ne s'attachent pas simplement à des amendements techniques à la loi, mais qui rejoignent aussi un certain nombre de programmes au sein du ministère de la Fonction publique, qui traduisent une volonté politique ou parlementaire très ferme - et nous l'avons voulu ainsi - pour inciter la ministre de la Fonction publique d'aujourd'hui et les gens qui lui succéderont, à dire: La fonction publique pour la société québécoise, c'est une chose extrêmement importante. C'est important pour les citoyens. Le rôle principal du ministère de la Fonction publique est de faire en sorte que les hommes et les femmes qui travaillent dans la fonction publique puissent le faire avec joie, avec compétence et qu'ils éprouvent non seulement une satisfaction d'être membres de la fonction publique québécoise, mais également une fierté d'appartenir à cette administration publique québécoise qui se met au service du progrès de la collectivité québécoise. C'est dans ce sens, M. le Président, qu'avec nos collègues, et en remerçiant de nouveau le président de la commission spéciale, le député de Sainte-Marie, pour le travail vraiment exceptionnel qu'il a fait, je veux m'associer sans aucune réserve aux propos que le député de Sainte-Marie a tenus en notre nom à tous. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Mme la ministre de la Fonction publique.

Mme Denise LeBlanc-Bantey

Mme LeBlanc-Bantey: M. le Président, j'espère que j'aurai la tolérance de cette Chambre pour accuser réception du rapport que, forcément, j'aurai la mission d'appliquer sinon dans toute son ampleur dans les prochains mois, certainement d'en retenir l'ensemble des suggestions.

Je voudrais, si vous me le permettez, dire aussi que nous venons de vivre quelque chose de très rafraîchissant dans cette Assemblée nationale. En effet, à ma connaissance, c'est la première fois qu'un député de l'Opposition se lève et que, spontanément, les députés ministériels l'applaudissent. C'est la preuve que l'expérience nouvelle que la commission Bisaillon a tenté de mettre de l'avant par une commission bipartite qui aurait comme mandat de tenter d'offrir à un ministre, dans les circonstances, une ministre, une réflexion sur ce qu'est la fonction publique du Québec, cette expérience nouvelle, dis-je, fait la preuve que pour des objectifs communs, l'Opposition et le parti ministériel peuvent s'entendre et tenter de fournir une réflexion au-delà des différences partisanes. Cela m'apparaît important et je pense qu'il faut le souligner. (11 h 50)

Je voudrais féliciter M. le député de Sainte-Marie, les membres de l'Opposition et les membres de l'équipe ministérielle d'avoir travaillé, comme le député le soulignait, avec énormément d'énergie. Ils ont effectivement fait la démonstration non seulement de productivité, d'imagination, comme on dit chez nous, de vaillance, mais aussi ils ont fait la démonstration que la fonction publique ne concernait pas qu'une partie de la population, qu'elle pouvait et qu'elle devait être la préoccupation de l'ensemble des citoyens.

Quant à moi, très brièvement, je dis en

terminant qu'il n'y a aucun doute que la réflexion qu'ils ont faite sera extrêmement bénéfique à la fonction publique du Québec par rapport à la réflexion que nous avons déjà amorcée chez nous et que nous regarderons avec la plus grande attention l'ensemble des recommandations. Je répète que, quant à savoir si nous serons capables de les appliquer dans leur intégralité, évidemment, n'ayant pas voulu faire d'ingérence et n'étant pas au courant des 150 recommandations, je n'ai aucune idée si les réflexions de la commission vont dans l'ensemble dans le sens de l'obligation qu'a un gestionnaire, finalement, de gérer ses ressources de la meilleure façon possible, au coût le plus bas possible. Mais je tiens quand même à dire que nous ferons certainement tout l'effort nécessaire pour que ces recommandations en générale ne demeurent pas lettre morte. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Merci. M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, me réjouissant, moi aussi, de cet événement dont nous venons tous d'être témoins et qui est une première concrétisation de ce que plusieurs appellent la réforme parlementaire, mais qui a besoin d'exemples comme ceux-ci pour avoir un sens quelconque, je voudrais vous dire que nous avons tous très hâte de recevoir le deuxième rapport de la commission spéciale, celui qui touche plus particulièrement le dossier de la protection de la jeunesse.

Sur ce, je vous demanderais d'appeler l'article 3 du feuilleton d'aujourd'hui.

Projet de loi no 18 Troisième lecture

Le Vice-Président (M. Jolivet): Troisième lecture du projet de loi no 18, Loi assurant l'application de la réforme du droit de la famille et modifiant le Code de procédure civile.

M. le ministre de la Justice.

M. Marc-André Bédard

M. Bédard: M. le Président, quelques représentations en troisième lecture de ce projet de loi no 18. Ce projet de loi, comme vous le savez, est essentiel à l'application des dispositions qui ont été introduites dans la loi 89 traitant de la réforme du droit de la famille qui a été adoptée en décembre 1980 et dont une partie est déjà en vigueur depuis le 2 avril 1981.

Tout le monde se le rappellera, les principes fondamentaux qui étaient édictés par la loi 89, par la réforme du droit de la famille adoptée à l'unanimité de cette

Assemblée nationale, étaient les suivants. On y établissait le principe de l'égalité des membres de la famille, le principe de l'égalité et de la liberté des membres de la famille dans l'organisation morale et matérielle de leurs relations familiales.

Également, on y établissait le principe de l'égalité des enfants à leur naissance. On peut être porté à croire que ce principe avait toujours existé dans nos lois, mais malheureusement, M. le Président, jusqu'à ce que la loi 89 soit adoptée, jusqu'à ce que celle-ci soit adoptée aussi, en termes de procédure, il y avait une situation qui faisait qu'au Québec il y avait des enfants dits légitimes par rapport à des enfants dits illégitimes. Cette situation qui était inacceptable est maintenant une fois pour toutes corrigée. On n'a pas besoin d'argumenter longtemps: il était inadmissible de croire que des enfants puissent naître, grandir avec une notion de légitimité ou d'illégitimité qui créait, on le sait, de nombreux préjudices et traumatismes à certains de nos concitoyens et concitoyennes.

À partir de maintenant - je suis fier de le dire et je sais que tous les membres de l'Assemblée nationale sont fiers de la correction qui aurait dû être faite depuis bien des années, ce qui fait qu'à l'heure actuelle, on ne parlera plus d'enfants illégitimes; tous les enfants sont égaux à leur naissance.

C'est donc, M. le Président, pour confirmer ces principes que la loi 89, sur le droit de la famille, que nous avons adoptée, affirmait clairement la mission du tribunal de favoriser aussi, dans le domaine des relations familiales, la conciliation des parties, introduisait la notion de séparation de corps et de divorce sur projet d'accord, afin d'éviter encore une fois de nombreux traumatismes qu'occasionne nécessairement la situation de familles qui sont malheureusement en difficulté.

Également, pour confirmer ces principes que je viens d'énoncer, la loi 89 confiait au tribunal un nouveau rôle en ce qui a trait à l'arbitrage des différends familiaux.

Les nouvelles règles qui sont édictées, M. le Président, par le projet de loi no 18 tendent donc justement à assurer le respect et l'exercice de ces droits et libertés en regard des principes que je viens d'énoncer.

Le projet de loi no 18 que nous avons adopté vise ainsi principalement à humaniser le processus judiciaire dans le règlement des conflits familiaux. À cette fin, nous introduisons la règle du huis clos, comme étant une règle générale, lors des audiences en matière familiale, règle du huis clos qui sera mise en vigueur dans les meilleurs délais, dès que tous les ajustements administratifs que cela impose seront terminés avec le plus de célérité possible.

On se rappelle, M. le Président, que

cette règle du huis clos comme règle générale a même fait l'objet d'un débat à I'Assembée nationale et, même si l'Opposition n'était pas d'accord, nous avons cru que nous devions aller de l'avant avec cette mesure puisque le huis clos confirme le caractère intime des débats - on parle de conflits familiaux - créant ainsi un climat beaucoup plus favorable pour les parties et le huis clos assure également le respect du droit à la vie privée de chacun des citoyens qui, momentanément, est en difficulté et doit se retrouver devant un tribunal.

Je pense, M. le Président, que cette règle du huis clos, sans en parler davantage, et c'est ma conviction - comme certains l'ont dit, cela aurait peut-être dû être fait bien avant - permettra de créer une ambiance dans l'enceinte du tribunal qui favorisera les ententes, diminuera aussi les traumatismes et les déchirements qui accompagnent nécessairement tous les problèmes de familles en difficulté.

Le projet de loi no 18 vise aussi à favoriser l'autonomie des parties et à assurer une plus grande participation des parties à la solution de leurs différends. Pour ce faire, le projet de loi introduit la procédure par voie de demandes conjointes, lorsque les parties veulent saisir conjointement le tribunal pour régler un différend entre elles ou pour régler une séparation de corps, ou un divorce sur projet d'accord. (12 heures)

Cette façon de procéder, en atténuant le caractère accusatoire qui accompagne généralement les procédures en matière familiale, permettra encore là d'éviter des conflits inutiles et de faciliter des règlements avec le moins de déchirement possible.

Le projet de loi no 18 permet aussi de garantir la protection des droits de l'enfant en prévoyant les règles relatives à une représentation adéquate de l'enfant et au paiement des honoraires qui sont relatifs, tout comme celles relatives à son droit d'être accompagné par une personne apte à l'assister et à le rassurer lorsque l'enfant doit être partie en fonction d'une procédure judiciaire.

Le projet de loi no 18 permet aussi de compléter l'intégration à notre droit civil des dispositions relatives à l'adoption. Le projet de loi détermine donc les intervenants suivant le mode d'adoption, assure la confidentialité des parties à une adoption et les circonstances qui requièrent l'avis ou le consentement de l'enfant. Fait important à souligner, le projet de loi introduit à la Loi sur la protection de la jeunesse des articles relatifs à l'obtention de renseignements sur les antécédents de l'enfant et de l'adoptant, à l'intérieur, toutefois, des règles relatives au respect de l'anonymat des parties.

Sur le plan de l'adoption, M. le Président, vous le savez, des représentations ont été faites par des groupes que nous respectons énormément. J'ai eu personnellement l'occasion de rencontrer ces groupes. Contrairement à ce qui a pu être dit, j'ai accepté rapidement et avec plaisir de les rencontrer. Je crois que, contrairement à ce qui a été dit, la rencontre a quand même été positive puisque j'ai indiqué, en ce qui a trait à l'adoption et à tous les problèmes que cela peut présenter, que le ministère des Affaires sociales a mis sur pied un secrétariat qui aura pour fonction d'aller au fond des choses, d'analyser l'ensemble des situations et des représentations qui peuvent être faites pour déboucher sur des recommandations que nous prendrons en très grande considération.

J'ai assuré également ces groupes que le ministère de la Justice se solidariserait dans le travail de cette commission et qu'une grande disponibilité de la part du ministère de la Justice était très clairement établie par rapport à des besoins ou des demandes d'aide, de travail, d'approfondissement qui pourraient nous être faites par les membres de ce secrétariat.

M. le Président, le projet de loi no 18 permet aussi de confirmer le principe de l'égalité des conjoints et l'égalité de tous les enfants, quelles que soient les circonstances de leur naissance. Pour assurer le respect de ce principe que j'ai évoqué tout à l'heure, le ministère a effectué un repérage des lois du Québec où était maintenue une disparité par rapport aux enfants, où étaient établies des distinctions qui pourraient être discriminatoires par rapport aux enfants. Il a établi également un repérage des lois du Québec où était maintenue la discrimination fondée sur le sexe, ce qui nous amène, premièrement, à modifier, dans plusieurs lois, la portée de la définition de personnes liées par rapport aux personnes adoptées pour enlever les distinctions basées sur les anciens concepts de légitimité ou d'illégitimité de l'enfant, deuxièmement, à remplacer, dans ces lois, différents concepts maintenant la discrimination fondée sur le sexe, discrimination entre hommes et femmes, dans le libellé de nos lois.

J'aimerais vous souligner, M. le Président, qu'à la suite de représentations qui m'ont été faites concernant la disposition transitoire qui est contenue dans la loi 89 permettant aux parents de donner un nom composé à leur enfant mineur, né avant le 2 avril 1981, un amendement a été apporté. Cet amendement assouplit la règle lorsqu'il y a séparation de corps, divorce, ou qu'un jugement de garde a été rendu. En effet, dans ces circonstances, lorsque la formulation de la demande conjointe est impossible, et on peut concevoir qu'elle puisse l'être, le père ou la mère pourra se prévaloir seul de la disposition, ce qui n'était pas le cas dans

une première rédaction. Cet assouplissement contribuera, je l'espère, à résoudre les difficultés qui nous ont été signalées depuis l'entrée en vigueur de cette disposition.

En conclusion, M. le Président, je voudrais rappeler que les règles de procédure et l'organisation judiciaire actuelle ne favorisaient pas le règlement à l'amiable des conflits ou pas suffisamment. L'accent placé sur les procédures contradictoires de même que l'organisation formaliste des cours peuvent contribuer à accentuer le sentiment d'aliénation des justiciables face aux tribunaux. En ce sens, je suis persuadé que le projet de loi no 18, en bonifiant le processus judiciaire, améliorera non seulement l'image de la justice, mais la réalité de la justice vécue au jour le jour par nos concitoyens et concitoyennes.

Ce projet de loi permet la concrétisation des principes établis dans la loi 89 qui répondent, on l'a vu à ce moment-là, aux besoins manifestés par la population. Il se veut aussi, dans un sens plus large, une affirmation de mon désir de doter les citoyens et citoyennes du Québec d'un système judiciaire plus humain, d'une justice plus accessible. Tout n'est pas fait, il reste encore des choses à faire, mais je crois qu'avec la bonne volonté de tous les intervenants, il est toujours possible de franchir des étapes comme nous en franchissons présentement et d'en franchir d'autres en fonction de l'avenir.

Je crois donc que l'adoption de ce projet de loi nous permettra enfin de faire entrer en vigueur presque toutes les dispositions de la loi 89 qui sont de notre juridiction, et contribuera à faire franchir à notre droit de la famille un certain écart qui a pu s'être créé avec les années entre le droit et la réalité, par le seul fait de l'évolution rapide de la cellule familiale dans notre société au cours des dernières années.

J'espère que l'Opposition donnera son assentiment à ce projet de loi. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Herbert Marx

M. Marx: Merci, M. le Président. L'Opposition est d'accord avec ce projet de loi parce qu'il est nécessaire pour rendre possible l'application de la loi 89, mais nous ne sommes pas d'accord sur un ou deux points avec le ministre de la Justice.

Premièrement, j'aimerais souligner que le ministre a bien dit qu'on va mettre en application juste ces articles dans le projet de loi qui sont sous la juridiction de l'Assemblée nationale. Donc, on a adopté des articles qui ne sont pas sous la juridiction de l'Assemblée nationale. En lisant ce projet de loi, il faut bien comprendre que toute la loi ne sera pas en vigueur avant que nous ayons un transfert de compétences fédérales aux provinces.

Je pense que c'est important de souligner ce point à savoir qu'on a adopté des articles qui ne seront pas en vigueur parce qu'ils ne sont pas de la compétence de l'Assemblée nationale. C'est un point qui mérite d'être souligné, mais ça ne change rien, sauf que, lorsque les gens lisent le projet de loi, il faut comprendre que toute la loi ne sera pas en vigueur. (12 h 10)

Le ministre a aussi parlé de l'égalité homme-femme, mais vous savez que, dans la Charte des droits et libertés de la personne du Québec d'aujourd'hui, on permet la discrimination contre les femmes, surtout en ce qui concerne les avantages sociaux. Cette disposition est dans la charte québécoise depuis son adoption, en 1975, et c'était censé être une disposition transitoire. Mais, depuis 1976, l'Opposition demande au gouvernement d'abroger cet article. Le ministre fait des promesses d'un mois à l'autre, d'un an à l'autre, mais cet article est encore en vigueur dans la charte québécoise. Il y a encore de la discrimination contre les femmes et ça continue.

Je suis député depuis à peu près trois ans maintenant et j'ai demandé au ministre d'abroger cet article - je pense que c'est l'article 90 de la charte québécoise - II a pris l'engagement de l'abroger, de déposer un projet de loi pour l'abroger, mais il n'a rien fait. Tout cela traîne d'un mois à l'autre, d'un an à l'autre.

M. Bédard: Question de règlement.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de règlement, M. le ministre de la Justice.

M. Bédard: Je ne veux pas interrompre indûment mon collègue. Nous avons à parler d'un principe de loi très précis au niveau de la troisième lecture, mais mon collègue est en train d'argumenter sur la Charte des droits et libertés de la personne à laquelle nous voulons apporter des amendements, et il le sait très bien. Je vous demande, M. le Président...

M. Marx: Ce n'est pas une question de règlement?

M. Bédard: Ma question...

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît; M. le ministre, sur une question de règlement.

M. Bédard: C'est cela.

M. Marx: Quelle est la question de règlement?

M. Bédard: Avant de poser ma question de règlement, vous comprendrez que je dois au moins rapidement vous expliquer sur quoi elle porte.

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît, rapidement, oui!

M. Bédard: Ma question de règlement est la suivante: Nous discutons de la loi 18 et le député de D'Arcy McGee est en train de parler de la Charte des droits et des libertés de la personne, sur laquelle nous travaillons, à l'heure actuelle, à apporter des améliorations qui auraient dû être apportées auparavant, même par l'autre gouvernement. Je vous demande simplement si les propos du député sont pertinents.

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! Est-ce que je peux vous demander, M. le député, de parler sur le fond de la question en troisième lecture?

M. Marx: C'est une question de fond. Le ministre a lui-même soulevé la question de l'égalité entre homme et femme. On discute du projet de loi no 18 et il faut le faire dans le cadre de toutes les lois québécoises. La Charte des droits et libertés de la personne du Québec prime la loi 18. Pour comprendre la loi 18, il faut comprendre les dispositions de la charte québécoise; sinon, c'est parler dans le vide.

Le ministre a soulevé cette question d'égalité entre homme et femme. Comme je l'ai dit, on demande au ministre, depuis six ans maintenant, d'abroger l'article 90 de la charte québécoise, qui permet encore la discrimination contre les femmes. Le ministre fait des promesses, mais n'agit pas. Je demande une autre fois au ministre de prendre ses responsabilités au sérieux. Il pourrait consulter le ministre d'État à la Condition féminine; peut-être qu'ensemble ils pourraient faire en sorte qu'un projet de loi soit déposé dans les meilleurs délais, projet de loi qu'il nous a promis depuis longtemps, pour modifier la charte québécoise et prévoir vraiment l'égalité entre homme et femme.

Il ne faut pas oublier que le ministre de la Justice était contre - et il l'est encore - l'égalité entre homme et femme qui se trouve dans la Charte canadienne des droits de la personne. Il est contre les dispositions sur l'égalité entre homme et femme qui existent dans la charte fédérale et il ne fait rien, dans la charte québécoise, pour que les femmes soient vraiment sur un pied d'égalité avec les hommes à 100%.

Pour la dernière fois, je demande au ministre, au moins, de déposer ce projet de loi avant la fin de la session. Je sais qu'il est trop tard pour l'adopter à cette session, mais peut-être que ce sera possible au début d'octobre.

Le problème qui nous sépare, à part la question d'égalité entre homme et femme est le problème du huis clos. Le ministre m'a fait un petit procès d'intention. C'est son style. Il laisse planer des doutes et des incertitudes ici et là. Je n'ai rien contre cela. Il a un excellent style.

Je pense qu'il convient que je fasse un résumé de ma position sur cette question du huis clos même si j'ai déjà expliqué notre position en détail le 22 avril 1982 lors du débat en deuxième lecture de ce projet de loi. Il y a deux principes en présence. Il y a le principe d'un procès public dans tous les procès ou dans 99,9% des procès. Il y a aussi le principe de la protection de la vie privée des personnes. Le ministre écarte un principe pour privilégier l'autre. Ce que j'ai proposé, c'est de concilier ces deux principes. Je suis pour le huis clos en matière de droit familial. Je suis pour la protection de la vie privée des personnes. Aucun problème pour moi, il faut protéger la vie privée des personnes.

Mais le ministre propose le huis clos intégral en matière de famille, c'est-à-dire qu'à l'avenir il serait impossible pour une partie d'exiger un procès public. Même si les parties au procès, s'entendent pour avoir un procès ouvert et public, ce serait impossible pour elles d'exiger ce procès ouvert et public. C'est un changement radical dans notre système de droit et je pense que ce n'est même pas nécessaire pour protéger la vie privée des personnes.

Notre position est la suivante, et j'insiste une autre fois pour dire que nous sommes pour le huis clos en matière familiale pour la partie en litige qui l'exige. Notre position est très simple, et peut-être dois-je répéter que le ministre est pour le huis clos intégral, c'est-à-dire le huis clos en matière de droit familial toujours et tout le temps. Notre position, qui diffère un peu sur le mécanisme de la mise en application de ce principe, est la suivante. À la demande de l'une des parties, le juge "doit" - il n'a pas le choix - accorder le huis clos en matière de droit familial.

J'insiste, à la demande de l'une des parties, le juge "doit" l'accorder, mais le tribunal doit toutefois admettre tout journaliste qui en fait la demande. On trouve déjà une telle disposition dans d'autres lois. Je pense que c'est dans la loi qui traite de la délinquance juvénile, mais cela arrive très rarement qu'un journaliste vienne à un procès. Le fait que les journalistes ont le droit d'assister à un procès est la garantie que le procès est toujours public, que le procès est ouvert. De plus, les journalistes, même s'ils assistent à un procès - c'est très rare, cela arrive rarement - seront tenus de

garder l'anonymat des parties, c'est-à-dire qu'il sera défendu aux journalistes de divulguer leurs noms. Ce serait possible pour les journalistes de parler de ce qui s'est passé devant les tribunaux, mais ce serait interdit aux journalistes de mentionner ou identifier qui que ce soit. L'anonymat est déjà dans la loi 18, l'anonymat des parties y est déjà garanti. (12 h 20)

Je suis pour cette disposition à 100%. Ce n'est pas important de savoir le nom des parties qui sont devant le tribunal. Ce n'est pas important. Un procès ouvert et public veut dire qu'un journaliste peut assister, peut être là pour surveiller ce qui arrive devant le tribunal, pour voir s'il n'y a pas d'abus et ainsi de suite. Autrefois, avant qu'on ait des procès ouverts et publics, il y avait beaucoup d'abus devant les cours de justice et c'est pourquoi on a lutté pour avoir des procès ouverts et publics.

Donc, dans ma proposition - et cela ne diffère pas tellement de la position du ministre - je suis pour le huis clos à 100%. À la demande d'une des parties, le juge doit l'accorder. Un journaliste peut être présent, mais il ne pourrait jamais divulguer le nom des parties. Donc, si le ministre est prêt à accepter ma proposition, le huis clos serait garanti à toute personne qui veut bénéficier du huis clos, mais on va aussi protéger le principe d'un procès public et ouvert. Comme je l'ai dit, avec l'article qui est dans la loi 18 aujourd'hui, ce serait impossible pour des parties d'exiger un procès public, même si les deux parties sont d'accord. En matière de droit familial, cela peut être un contrat, cela peut être toutes sortes de choses. Ce n'est pas seulement le divorce. Il ne faut pas penser seulement au divorce. Il y a d'autres procès où même des tiers sont impliqués et ont un intérêt. Mais ce serait impossible pour les parties qui sont d'accord d'exiger un procès public, ouvert. Je trouve que c'est -comment dirais-je? - une transformation d'un droit fondamental, parce que tout le monde a le droit fondamental d'avoir un procès public. Ici, même si les parties sont d'accord, ce serait impossible. Donc, ce que j'ai suggéré, c'est qu'on fasse la conciliation des deux principes: un procès public, permettant au moins l'accès aux journalistes pour surveiller ce qui se passe devant nos tribunaux, mais de toujours garder l'anonymat des parties - c'est une disposition qui est déjà dans le projet de loi et on est tout à fait d'accord - et aussi, l'autre principe, c'est-à-dire qu'on va respecter la vie privée des personnes. Une partie au litige aurait le droit d'exiger le huis clos et le juge n'aurait pas le choix, il devrait l'accorder, et on va toujours respecter l'anonymat des parties, la non-identification des parties. J'aimerais, en terminant sur ce point, souligner que la Commission des droits de la personne du

Québec a envoyé une opinion au ministre de la Justice dans le même sens que mon intervention.

Le ministre a dit que toute la loi ne serait pas mise en vigueur tout de suite, mais il n'a pas vraiment expliqué ce qu'il a voulu dire par cela. Il n'a pas expliqué quels sont les problèmes avec sa loi et pourquoi il ne pourrait pas la mettre en vigueur complètement et tout de suite. Nous avons déjà soulevé un certain nombre de problèmes en deuxième lecture. Le ministre a rejeté nos soucis du revers de la main. J'ai déjà expliqué au ministre que, s'il procède avec la loi et s'il la met en vigueur, ce sera peut-être impossible dans certains palais de justice de procéder comme il aimerait bien qu'on procède. Par exemple, au palais de justice de Montréal, il y a beaucoup de divorces ex parte. Un juge peut faire passer à peu près 40 à 50 divorces par jour. Si on accepte le principe du huis clos intégral, ce ne sera pas possible pour les juges de présider à 40 ou 50 divorces par jour. Ce sera impossible, parce que ce sera nécessaire, après chaque divorce, de vider la salle et de faire entrer d'autres avocats et d'autres parties. Juste pour faire ce changement, le rendement des juges va tomber de 40 à 50 divorces par jour à peut-être 10 à 15. C'est peut-être cela le problème que le ministre a voulu soulever, il ne l'a pas précisé.

J'aimerais que le ministre précise quels sont les problèmes pour la mise en application de ce projet de loi. Est-ce que ce sera nécessaire d'adopter tout de suite des amendements à ce projet de loi? Est-ce que le ministre a l'intention de proposer des amendements pour la mise en application de cette loi? Parce qu'il a dit: II va y avoir des problèmes de mise en application. Comment va-t-il procéder? S'il y a des amendements à apporter à ce projet de loi, j'espère que le ministre va faire cela tout de suite aujourd'hui. On peut avoir une commission plénière, on est très ouvert, on serait d'accord pour faire adopter les amendements nécessaires tout de suite. Ou est-ce que le ministre propose d'apporter des amendements dans six mois, dans huit mois, dans un an, et la loi ne serait pas appliquée d'une façon complète?

Le ministre a soulevé le problème en général. J'aimerais avoir les détails. J'aimerais savoir si le ministre va nous proposer des amendements pour la mise en application de la loi. S'il ne propose pas des amendements maintenant, est-ce qu'il va les proposer au mois d'octobre? Comment va-t-il procéder? Sur ce point, je vais répéter que l'Opposition est sûrement pour le projet de loi, sauf en ce qui concerne les deux points que j'ai soulevés. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le

ministre de la Justice.

M. Marc-André Bédard (réplique)

M. Bédard: M. le Président, je suis très heureux de constater que l'Opposition est pour le projet de loi. Je pense qu'il aurait été difficile d'adopter une autre attitude, étant donné les mesures très importantes comportant des améliorations considérables au niveau de l'administration de la justice, qui sont contenues dans ce projet de loi. Il y avait un point de désaccord que nous avions avec l'Opposition concernant le huit clos. Je suis surpris d'entendre encore une fois le raisonnement - tout en respectant son argumentation - très théorique, très professoral du député de D'Arcy McGee par rapport à la réalité vécue tous les jours par les citoyens. Nous avons fait en sorte que le huis clos soit une règle générale en matière de conflits familiaux. Nous y tenons fermement, parce que notre conviction est ferme. Le député de D'Arcy McGee est vraiment coupé de la réalité quand il ne peut pas voir ce que cela comporte, parce que notre conviction est ferme, à savoir que, lorsqu'il y a des conflits dans des familles, qui font en sorte qu'on doit aller devant un tribunal, ce sont des conflits d'ordre privé. Il n'est pas nécessaire de faire en sorte, de permettre et même d'avoir des règles qui permettent à tous les voisins, à tout le monde de savoir ce qui se passe en termes de difficultés dans certaines familles, lorsqu'on parle de séparation, lorsqu'on parle de garde d'enfants, lorsqu'on parle de divorce. Là-dessus, nous allons continuer d'être en désaccord avec l'Opposition. Je suis convaincu que les personnes... J'ai laissé parler le député de D'Arcy McGee, qu'il me laisse donc parler.

M. Marx: Question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de règlement. (12 h 30)

M. Marx: Ce n'est pas une question d'opinion, le ministre est en train de déformer mes paroles.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de D'Arcy McGee, c'est une divergence, bien sûr, que vous avez exprimée dans votre intervention de tout à l'heure. C'est la réplique du ministre et il y a droit. M. le ministre.

M. Marx: M. le Président, c'est une question de règlement. Laissez-moi expliquer comment c'est une déformation de mes paroles, parce que ce que le ministre prétend, ce n'est pas ce que j'ai dit: À la demande de l'une des parties, ce serait le huis clos.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Votre réplique, M. le jministre.

M. Bédard: M. le Président, je demanderais simplement au député de D'Arcy McGee d'être conséquent. Nous établissons que le huis clos constituera la règle générale et il a voté contre cela. II a même affirmé que cela devenait impossible à des personnes de demander une audience publique alors qu'il sait très bien qu'il y a une disposition dans la loi qui permet à des personnes qui ont un conflit juridique de demander au tribunal une audience publique. Le tribunal, à ce moment-là, évalue la demande et, s'il croit que c'est dans l'intérêt de la justice que les audiences soient publiques, elles sont publiques et il se prononce en conséquence.

M. Marx: Question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de règlement, M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Le ministre ne comprend pas son propre projet de loi. C'est un problème.

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! S'il vous plaît! S'il vous plaît! M. le ministre.

M. Marx: M. le Président, question de règlement.

M. Bédard: M. le Président, c'est...

M. Marx: C'est une question de règlement. Il est en train d'induire la

Chambre en erreur. Il le fait expressément.

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! M. le député de D'Arcy McGee, vous avez eu l'occasion de vous expliquer dans votre intervention, la réplique appartient au ministre. M. le ministre.

M. Bédard: M. le Président...

M. Marx: Question de règlement. Il induit la Chambre en erreur.

M. Bédard: Je n'induis pas la Chambre en erreur. Vous avez dit ce que vous aviez à dire.

Le Vice-Président (M. Rancourt): C'est une question... S'il vous plaît! S'il vous plaît! Ce serait plutôt une question de privilège, M. le député de D'Arcy McGee, que vous pourriez soulever, mais, quant au règlement...

M. Marx: Une directive. Si vous voulez que je n'exerce pas mon droit sur une question de règlement, je suis maintenant prêt à exercer mon droit sur une question de privilège, après que le ministre aura terminé sa réplique. Je suis prêt à attendre, selon l'article 96. Je vais attendre et je vais répondre à la fin.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, une question de privilège doit être soulevée au moment même où les faits se déroulent, où les paroles sont dites. Je voudrais faire remarquer au député de D'Arcy McGee qu'il y a un autre article du règlement qui est l'article 96 et qu'il aurait avantage à le lire avant de se lever de nouveau.

M. Marx: M. le Président, je suis prêt à utiliser mes droits en vertu de l'article 96. Je vais attendre la fin de la réplique du ministre et je vais parler sur une question de privilège.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Bédard: M. le Président, je pense que c'est plutôt le député de D'Arcy McGee qui devrait être plus sérieux et essayer de mieux comprendre le projet de loi. Je commence à penser que le député de D'Arcy McGee regrette énormément d'avoir montré son opposition et d'avoir voté contre le fait que nous établissons le huis clos comme règle générale dans le traitement judiciaire, lorsqu'il y a des conflits familiaux.

M. le Président, je pense que ceux qui nous écoutent vont très bien comprendre, malgré les questions de privilège et de règlement du député de D'Arcy McGee, que ce que nous avons voulu établir par ce projet de loi, c'est que, lorqu'il y a des familles en difficulté, lorsqu'il y a des procès et que cela concerne des problèmes de famille, à ce moment-là, nous croyons que c'est du domaine de la vie privée et que la règle du huis clos doit être la règle générale, ce à quoi s'oppose le député de D'Arcy McGee.

Je suis convaincu que la population est parfaitement d'accord avec le gouvernement, avec le ministre de la Justice en ce sens que, quand il y a des problèmes de famille, c'est déjà assez compliqué, c'est déjà assez traumatisant, il y a assez de déchirements dans tout cela sans qu'on soit obligé de faire cela à la face du public. C'est normal -c'est cela une justice humaine - qu'on prévoie, comme législateur, à moins que les parties en décident autrement, avec l'accord du juge, s'il y va de l'intérêt de la justice, que ces conflits se règlent à huis clos.

Si vous regrettez d'avoir voté contre cette disposition, c'est votre problème. Je serais plutôt porté à vous dire: Ravisez-vous donc! Cessez donc d'être un petit professeur qui regarde simplement les affaires juridiques et l'administration de la justice en termes théoriques. Essayez de voir cela du point de vue pratique. Essayez de vous mettre dans la position de ces familles en difficulté, de ces conjoints qui ont des problèmes à régler soit pour la garde des enfants, soit pour une question de divorce ou de séparation. Alors, vous comprendrez rapidement, si vous avez un minimum d'humanité, que c'est normal de faire que la règle générale soit la règle du huis clos. Nous y tenons fermement comme gouvernement.

M. le Président, je l'ai dit tout à l'heure, il y a toujours la possibilité que des parties demandent au juge une audience publique. Elles s'en expliqueront à ce moment. Le député n'est même pas au courant des amendements que nous avons apportés à cet article. Cela va même plus loin, M. le Président. On a parlé de la presse tout à l'heure. Nous avons prévu que les personnes qui sont partie à un conflit familial, le mari, la femme, les enfants qui peuvent être concernés, ou qu'une personne, même la presse, un journaliste, peuvent demander au tribunal qu'il y ait une audience publique, à condition de pouvoir faire la preuve au tribunal, de convaincre le tribunal que c'est d'intérêt public, il y a alors une audience publique, mais ce n'est pas pour le plaisir...

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

M. Bédard: ... du spectacle. Ce n'est pas un spectacle en cour, surtout quand cela concerne des affaires familiales. Je suis convaincu que nos juges prendront la question en considération et que ce n'est qu'après une preuve qu'il y va vraiment de l'intérêt public qu'il y aura des audiences publiques. Le député de D'Arcy McGee devrait comprendre. Il se ferme les yeux ou il est coupé de la réalité comme professeur.

Une voix: Les deux.

M. Bédard: Peut-être les deux. Je ne veux pas être méchant à son endroit, mais je lui demande simplement d'essayer de comprendre.

M. Marx: ...

M. Bédard: M. le Président, pouvez-vous rappeler le député de D'Arcy McGee à l'ordre?

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il

vous plaît!

M. Bédard: Je lui demande simplement de comprendre...

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Bédard: ... la situation qui existe quand il y a des conflits familiaux.

M. Marx: Peut-être que le ministre...

M. Bédard: C'est déjà, je l'ai dit tout à l'heure, assez compliqué et traumatisant qu'une justice humaine doit faire en sorte d'y aller de dispositions qui contribuent à humaniser, à rendre ce processus le moins difficile possible pour les citoyens et qui contribuent aussi - je l'ai dit et le député de D'Arcy McGee n'est pas capable de le comprendre - à favoriser des ententes. Il me semble que cela va de soi quand on est en contact avec la réalité. Il est clair que deux personnes, un mari et une femme, qui ont des difficultés, qui sont devant le tribunal, ont beaucoup plus de chance d'en arriver à une entente si cela se fait entre eux et non pas en public. Il me semble que cela crève les yeux. Cette réalité, le député de D'Arcy McGee ne veut pas la comprendre. Je suis convaincu qu'au moment où on se parle, il regrette sa position. Il s'est opposé au huis clos pour le motif suivant - je ne dis pas qu'il n'est pas sérieux - qu'en matière de justice, la règle des audiences publiques est la règle générale. Je dis qu'à un moment donné, il faut trouver le moyen de concilier cette règle avec une autre règle très importante au niveau de la Charte des droits et libertés de la personne, qui est le respect de la vie privée. C'est cette conciliation que nous avons réussi à faire, quoi qu'en dise le député de D'Arcy McGee, et je suis convaincu que la population comprend si le député de D'Arcy McGee continue à ne pas comprendre. (12 h 40)

M. le Président, plutôt que de parler surtout du projet de loi avec lequel il est d'accord - c'est évident que c'est difficile de dire devant les gens que c'est un bon projet de loi, que ça aide et que ça fait avancer des choses - le député de D'Arcy McGee a effectué une petite diversion concernant la Charte des droits et libertés de la personne et les améliorations qui pourraient y être apportées en ce qui a trait aux avantages sociaux. Tout ce que je voudrais que la population comprenne bien, c'est que la charte des droits et libertés - et ça, le Parti libéral s'en vante - a été présentée par le parti de l'Opposition qui était le gouvernement dans le temps, avec la disposition dont parle le député de D'Arcy McGee, qui peut créer des inégalités entre homme et femme concernant les régimes d'avantages sociaux. Je voudrais qu'on soit bien clair. Ce que le député de D'Arcy McGee demande au ministre de la Justice, c'est de corriger une situation qui, effectivement...

M. Marx: Question de règlement.

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît; Question de règlement, M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: On ne peut pas permettre au ministre de dire n'importe quoi, des faussetés. La fausseté qu'il vient de dire, c'est qu'on demande au gouvernement de corriger cela. C'était un article temporaire, il sait ça. Cela fait six ans qu'il promet de faire des modifications et il n'a rien fait.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Bédard: Le député de D'Arcy McGee est, justement, en train de faire la démonstration de ce que je viens de dire que cette disposition n'a pas été mise en place par le présent gouvernement, mais par le gouvernement qui nous a précédés, pour une période temporaire, disait-il. Effectivement, il y a beaucoup de choses qui ont été faites pour en arriver à une solution. Nous allons en trouver une et, à ce moment-là, le député de D'Arcy McGee, selon sa petite habitude, dira: C'est moi qui l'ai demandé, comme il le fait sur bien d'autres projets de loi. Lorsqu'il voit que nous annonçons des intentions en fonction de l'avenir, il les reprend à son compte pour pouvoir dire à la fin que nous nous rendons à ses demandes. Je passe par-dessus ça; ce qui est important, c'est que des choses soient faites.

Il y a eu le rapport Boutin. Depuis ce temps-là, il y a eu une commission parlementaire, ce qui n'avait jamais été fait auparavant, concernant la charte des droits et libertés, où nous avons entendu de nombreux groupes. Il y a eu aussi, en 1979, la mise en place d'un comité interministériel justement pour étudier ce programme des inégalités possibles au niveau des régimes d'avantages sociaux, de sorte que, normalement et avec une vitesse de croisière qui me semble la plus rapide dans les circonstances, parce que ce ne sont pas des études si faciles que ça à faire, nous allons en arriver à des conclusions qui, si elles sont heureuses, ne dépendront pas du député de D'Arcy McGee, mais, cette fois-ci, de la volonté du gouvernement qui a posé des gestes auparavant afin d'en arriver à une solution qui puisse améliorer cette situation d'égalité de l'homme et de la femme

concernant les régimes d'avantages sociaux.

M. le Président, je sais que c'est en dehors du sujet. Je me suis astreint à en parler parce que vous avez permis au député de D'Arcy McGee d'en parler. Je prends comme conséquence normale de votre geste le fait de m'octroyer le droit de corriger le député de D'Arcy McGee, parce qu'il faut le corriger régulièrement.

L'ensemble de ce projet, on le sait, est de nature à humaniser la justice devant nos tribunaux en ce qui a trait au droit de la famille, en ce qui a trait à tous les conflits qui peuvent survenir au niveau de la famille québécoise. Dans ce sens-là, j'en suis très fier et j'espère que l'Opposition travaillera à son application la plus rapide. Le député de D'Arcy McGee m'a parlé de...

M. Marx: La question des problèmes avec la charte.

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

M. le ministre.

M. Bédard: II m'interrompt constamment.

Concernant le fait qu'il pourrait y avoir quelques difficultés techniques au niveau de l'application, le député de D'Arcy McGee parlait comme s'il n'était pas au courant de certaines situations alors que je lui en ai parlé. Toutes les dispositions du projet de loi seront en application. Il est évident que la règle du huis clos, parce que c'est une disposition importante et que nous en sommes fiers, impose des ajustements administratifs et nous allons les faire avec le plus de célérité possible pour que, même sur ce point, ce soit appliqué avec le plus de rapidité possible pour le meilleur bénéfice de l'ensemble des citoyens.

M. Marx: ... amendements.

M. Bédard: Le député de D'Arcy McGee me parle d'amendements. J'ai même sollicité, à un moment donné, la collaboration du député de D'Arcy McGee parce qu'il y a des districts, entre autres Montréal, où l'application peut être plus difficile, administrativement parlant, alors que, dans tous les autres districts du Québec, cela peut se faire rapidement. Ce que j'avais demandé au député de D'Arcy McGee, c'était d'étudier la possibilité que le gouvernement puisse le faire par proclamation dans certains districts par rapport à d'autres où il y avait plus de difficultés. Le député de D'Arcy McGee pourra réfléchir sur cette possibilité et m'en parler. Il aura à évaluer l'intensité de sa collaboration dans ce domaine, ce qui nous permettrait, encore une fois, d'être plus rapidement, en termes de droit de la famille, à l'avant-garde de toutes les provinces du

Canada.

Cela ne veut pas dire que c'est parfait. Il y a encore des améliorations à apporter, mais l'égalité des enfants dès leur naissance, une fois pour toutes, l'égalité des conjoints et la liberté des conjoints d'organiser leur vie matérielle et morale, il me semble que ce sont des principes que l'Assemblée nationale peut être fière de promouvoir et c'est ce que fait le projet de loi. Merci, M. le Président.

M. Marx: Question de privilège.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de privilège, M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Le ministre se prend pour un grand avocat, mais il ne connaît même pas sa loi. Peut-être devrait-il se recycler au lieu de faire seulement...

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît; C'était mon intention, d'ailleurs, de lire l'article 96: "Le député qui prend la parole pour donner des explications sur le discours qu'il a déjà prononcé ne peut le faire que lorsque le discours qui les provoque est terminé. Les explications doivent être brèves et ne doivent apporter aucun élément nouveau dans la discussion et ne peuvent engendrer un débat."

M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: M. le Président, je m'excuse pour avoir dit que le ministre doit se recycler en droit au lieu de faire juste de la politique. J'ai dit que ce sera impossible à l'avenir pour des parties d'exiger un procès public de plein droit. Et le ministre a dit: Oui, ce sera possible si le juge l'accorde. Mais le juge a la discrétion de l'accorder ou de ne pas l'accorder quoique aujourd'hui la règle est que les parties ont plein droit à un procès ouvert. À l'avenir, ce sera à la discrétion des juges. Donc, les parties n'auront pas ce plein droit.

M. Bertrand: M. le Président, je pense que le député vient d'établir son point. Il voulait se prévaloir de l'article 96 simplement pour donner des explications brèves qui ne devaient apporter aucun élément nouveau dans la discussion. Maintenant que le député a établi son point, on pourrait, M. le Président, procéder àl'adoption de la troisième lecture.

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît; Vous avez utilisé l'article 96 -s'il vous plaît! - et je vous l'ai lu au départ. Est-ce que c'est la même question de privilège ou si c'est une nouvelle?

M. Marx: M. le Président, j'avais une

deuxième question de privilège. Je l'ai gardée pour la fin pour ne pas interrompre le ministre. La deuxième, c'est que le ministre m'a demandé ma collaboration pour faire des amendements à la loi. Si le ministre veut déposer des amendements au projet de loi, qu'il les dépose.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, le député de D'Arcy McGee dit que le ministre de la Justice a demandé sa collaboration, parfait. Tout le monde est pour cela, la collaboration. Est-ce nécessaire pour autant que le député se serve d'une espèce de nouveau droit de parole pour dire qu'il est encore prêt à offrir sa collaboration? Je ne crois pas. Si ça continue, M. le Président, de la façon dont s'est comporté le député de D'Arcy McGee qui a interrompu le ministre à peu près huit fois pendant son exposé et qui maintenant veut faire un nouveau discours, je pense qu'il va falloir le considérer comme un député délinquant qui mérite d'être traduit devant le Tribunal de la jeunesse.

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît; Est-ce que la motion de troisième lecture est adoptée? Adopté.

M. Marx: Parfait.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, sur ce, je ferais motion, si le ministre de l'Agriculture n'a pas d'objection, pour que nous suspendions nos travaux jusqu'à 15 heures.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que cette motion de suspension est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté. Nos travaux sont suspendus jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 51)

(Reprise de la séance à 15 h 01)

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

Veuillez vous asseoir.

M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Brassard: M. le Président, je vous demanderais d'appeler l'article 8 du feuilleton d'aujourd'hui.

Projet de loi no 56 Deuxième lecture

Le Président: J'appelle la deuxième lecture du projet de loi 56, Loi sur les coopératives. M. le ministre des Institutions financières et Coopératives, vous avez la parole.

M. Jacques Parizeau

M. Parizeau: M. le Président, la loi que nous examinons cet après-midi en deuxième lecture représente une refonte générale de lois existantes qui, n'ayant pas été modifiées en profondeur depuis déjà passablement de temps, comme je le dirai tout à l'heure, présentaient des caractères de vétusté évidents, gênaient par certains de leurs articles les opérations des coopératives simplement parce que au fur et à mesure du passages des années, elles n'avaient pas été adaptées aux changements de circonstances, aux modifications qu'inévitablement les coopératives apportent de temps à autre à leurs opérations. À l'occasion du sommet de la coopération tenu à Montréal en février 1980 un grand nombre de représentants des coopératives avaient signalé au gouvernement la nécessité de modifier, non pas de modifier, mais de refondre vraiment les lois qui portent sur les coopératives. À cette occasion, le ministre des Institutions financières et Coopératives de l'époque s'était engagé au nom du gouvernement à cette refonte. C'est cette refonte que nous présentons aujourd'hui.

Cette loi va remplacer, en fait, trois lois existantes: la Loi sur les associations coopératives, la Loi sur les sociétés coopératives agricoles et la Loi sur les syndicats coopératifs. Avant cependant d'aborder certaines des orientations majeures de la nouvelle législation, je pense qu'il peut être utile de situer cette loi dans le contexte plus général des opérations coopératives au Québec. D'abord, précisons tout de suite que la loi en question ne touche pas les coopératives d'épargne et de crédit. Les coopératives d'épargne et de crédit sont gérées ou sont administrées en fonction d'une autre loi. Ce dont nous parlons ici, c'est de tout le reste. Dans ce que j'appelle tout le reste, il y a un certain nombre de groupes de coopératives qui ont une importance particulière. En nombre, il s'agit, à l'heure actuelle, d'au-delà de 1140 coopératives réparties sur tout le territoire du Québec. Le plus grand nombre, c'est-à-dire 265, sont des coopératives de consommation. Viennent ensuite 262 coopératives d'habitation; ensuite, 152 coopératives dans le domaine agricole, etc. Il faut ajouter à cela des coopératives de pêcheurs, des coopératives de production. C'est ainsi qu'on arrive à ce total de 1140

unités différentes.

En termes de ventes ou d'actifs, ce sont, bien sûr, les coopératives agricoles qui sont les plus importantes. On se rendra compte de la place qu'elles jouent au Québec quand on pensera que ces coopératives agricoles - ici, je n'inclus pas leur fédération - elles-mêmes ont un chiffre d'affaires au Québec qui dépasse largement 1 000 000 000 $. D'autre part, ces coopératives agricoles, sur le plan des actifs, ont évidemment une importance nettement plus considérable que tous les autres secteurs. Néanmoins, il faut reconnaître que depuis quelques années, en termes de nombre d'unités, sinon d'importance financière, le mouvement coopératif a pris une accélération assez importante, singulièrement dans deux secteurs dont celui de l'habitation. Le nombre de coopératives d'habitation s'est considérablement accru, en particulier sous l'influence de certaines des lois qui ont été adoptées par le ministre actuel de l'Habitation, soit dans ses fonctions antérieures de ministre des Affaires municipales, soit dans ses fonctions actuelles de ministre de l'Habitation. D'autre part, il ne fait pas de doute non plus que les coopératives de consommation deviennent de plus en plus nombreuses dans la société où nous vivons.

En fait, à l'heure actuelle, plus de 400 000 Québécois sont membres de coopératives, en plus de ceux qui sont, bien sûr, membres des coopératives d'épargne et de crédit: les caisses populaires, par exemple. C'est donc à une fraction importante de la population du Québec ou de la population adulte du Québec que nous nous adressons quand nous présentons une refonte de la loi dans les termes que je viens d'indiquer.

Les trois lois ainsi refondues datent d'assez longtemps, ainsi que je l'indiquais tout à l'heure. Prenons, par exemple, la Loi sur les associations coopératives. Elle date de 1963. Elle a été soumise à quelques amendements depuis ce temps, mais jamais à une réforme en profondeur.

La Loi sur les sociétés coopératives agricoles date, elle aussi, d'au-delà de vingt ans et n'a subi qu'un amendement majeur en 1972 pour faciliter l'exercice des pouvoirs de fusion.

Quant à la Loi sur les syndicats coopératifs, on sait qu'aucun syndicat coopératif ne peut, aucun nouveau syndicat ne peut être constitué depuis 1963.

En examinant ces trois lois, on s'est rendu compte qu'on pourrait mettre au point - effectivement, c'est ce qui a été fait -une loi de base, couvrant l'ensemble des coopératives avec des chapitres particuliers pour des coopératives d'un certain type. C'est ainsi, par exemple, que l'on trouvera un chapitre qui a trait aux coopératives agricoles, à cause de certaines de leurs opérations spécifiques.

Il y a donc, d'abord dans cette loi des dispositions valables pour toutes les coopératives et ensuite certains chapitres plus spécifiques sur les opérations de chacun des groupes ou en tout cas d'un certain nombre de groupes de coopératives.

De quel genre de problème s'agit-il quand on essaie ainsi de reformer ou de reformuler la loi et de la refondre? Qu'est-ce qu'on cherche essentiellement à faire?

D'abord, il est évident qu'il y avait à mettre dans cette loi un peu plus de flexibilité quant à la constitution et aux opérations des coopératives. Il ne faut pas blâmer le législateur d'il y a vingt ans d'avoir envisagé un cadre finalement assez rigide, compte tenu du rôle qu'à cette époque jouaient les coopératives. On comprend qu'un bon nombre des techniques plus modernes sur le plan de la gestion, sur le plan de l'administration, sur le plan des opérations, qui sont apparues depuis ce temps et se sont généralisées depuis ce temps n'avaient pas la présence, la nécessité ou l'utilité comparable il y a 20 ou 25 ans. (15 h 10)

D'autre part, plus spécifiquement, il fallait modifier le cadre juridique des coopératives pour leur permettre de s'adapter non seulement au désir d'individus qui veulent constituer une coopérative, mais de sociétés ou de corporations qui peuvent maintenant vouloir, parce qu'elles sont apparues dans certains champs, appartenir à des coopératives. Il est clair, par exemple, que l'incorporation d'un bon nombre de fermes à notre époque implique qu'on adapte la loi pour permettre non seulement à des individus d'appartenir à une coopérative, mais à des corporations et à des sociétés de devenir membres, elles aussi.

Deuxièmement, on aura constaté, au fur et à mesure que les années passent, que les besoins d'autofinancement ou d'amélioration de la capitalisation des coopératives demandent que certaines politiques, certaines attitudes soient changées. Il faut permettre, par exemple, à l'égard de l'utilisation du trop-perçu, une utilisation un peu plus souple quant à l'autofinancement des coopératives elles-mêmes. De la même façon, il faut ouvrir des possibilités pour qu'une coopérative puisse faire appel à ses membres pour augmenter leur participation au financement de leur coopérative. Toutes choses qui étaient, en vertu de l'ancienne loi, terriblement difficiles à ajuster.

Il y avait aussi, dans l'ancienne loi, à l'égard des parts privilégiées, des limitations quant aux taux d'intérêt qui, à notre époque, ne correspondent absolument plus aux taux d'intérêt que l'on connaît. Il faut donc, là encore, être en mesure de donner un peu de flexibilité.

D'autre part, quant à la vérification des comptes des coopératives, il fallait resserrer... Là, c'est peut-être moins de la flexibilité qu'on donne qu'un certain resserrement quant à la façon dont la vérification doit être faite, quant à la façon dont les comptes d'une coopérative doivent être tenus. Ces dispositions, évidemment, rejoignent des resserrements que nous avons vus depuis quelque temps dans d'autres types de lois et qui relèvent davantage de considérations de prudence que de considérations de flexibilité comme certains des exemples que j'ai donnés tout à l'heure.

De tels aménagements ou modifications dans les lois à l'occasion de la refonte - je pourrais en donner bien d'autres exemples, mais nous aurons l'occasion de les examiner en commission parlementaire un à un - ont donné lieu à une opération considérable, très systématique de consultation auprès des intéressés. Il serait absurde que le gouvernement s'imagine dans ce domaine avoir une sorte de sagesse immanente, et placé en face d'au-delà de 1000 unités coopératives, ne cherche pas à consulter tous les intéressés pour être tout à fait certain qu'une refonte de la loi, qui, après tout, ne se reproduira pas tous les ans ou tous les deux ans, corresponde aux besoins véritables, tout en maintenant forcément des règles de prudence élémentaire.

Cette consultation a eu lieu avec toute espèce de groupes, elle s'est étendue sur plusieurs mois, elle découlait d'ailleurs dans son esprit de la décision qui avait été prise au sommet économique de Montréal sur les coopératives. Si bien que dans l'ensemble, pour l'essentiel, j'ai l'impression de discuter d'un projet de loi qui a été, dans tous ses éléments essentiels, accepté par les parties.

On peut sans doute trouver encore quelques objections dans tel ou tel secteur, à tel ou tel article. Je pense par exemple que nous n'avons pas encore réussi à convaincre la Coopérative fédérée, complètement en tout cas, du mode d'élection des membres des coopératives à ses assemblées générales. Il n'y a pas de doute qu'elle désirait, semble-t-il, avoir des procédures un peu allégées à ce sujet par rapport à celles que nous avons incorporées dans ce projet de loi. Néanmoins, à cet égard, le gouvernement est placé entre un souci légitime, de maintenir non pas seulement les apparences, mais la réalité de votes démocratiques dans les assemblées de coopératives individuelles et qu'un équilibre doit être fait entre une certaine efficacité de fonctionnement et certaines assurances quant à ce processus démocratique.

Je ne pense pas qu'il y ait là quelque chose de fondamental, mais je tiens cependant à être tout de même clair quant à certaines des objections qu'on nous a encore soulevées récemment.

Il est clair aussi que quant au mode de vérification des livres des coopératives, nous n'avons pas réussi à convaincre tout à fait l'Ordre des comptables agréés de notre position. Ils voudraient, semble-t-il, davantage limiter à leur corporation certaines opérations de vérification, alors que nous ne voyons pas l'utilité d'empêcher la vérification externe à l'Ordre des CGA, par exemple, ou des RIA.

Quand je dis qu'il y a eu une assez vaste consultation, je ne veux pas dire par là que tout est totalement aplani et qu'il ne reste aucune espèce d'objection. Il y en a quelques-unes, mais, encore une fois, à mon sens, elles ne sont pas majeures. Advenant que nos amis de l'Opposition souhaitent explorer davantage ces quelques points qui restent où l'unanimité n'est pas totale, je ne pense pas qu'il y en ait suffisamment pour tenir une commission parlementaire. Mais on pourrait fort bien imaginer, comme dans le cas d'autres lois, que, si certaines parties veulent se faire entendre, on puisse, avant d'aborder l'étude article par article, les écouter pendant quelque temps, advenant, encore une fois, que nos amis de l'Opposition, par les contacts qu'ils peuvent avoir de ce côté, jugent utile de le faire.

Pour l'essentiel, je pense que nous avons devant nous un projet de loi qui représente un effort certain de modernisation de lois qui sont très importantes - je le répète encore une fois - pour 400 000 de nos concitoyens; l'effort a été fait et, je pense, réussi pour aplanir toutes les difficultés et faire en sorte que tout le monde s'entende. Grâce à cette nouvelle loi, les coopératives devraient être en mesure de pratiquer plus facilement leurs opérations et de s'associer davantage à toute espèce d'éléments de notre société pour pouvoir réaliser ces opérations. Nous pourrons aussi constater, dans le fonctionnement au jour le jour des coopératives, qu'il y aura moins de gêne, moins de restrictions qu'il n'y en avait dans l'ancienne loi, tout en maintenant cependant - et je le répète encore - des règles de prudence élémentaires pour qu'à la fois sur le plan de leur santé administrative et de leur santé financière des exigences normales soient maintenues ou accusées.

Voilà, je pense, comment on peut résumer à la fois les orientations essentielles de ce projet de loi et ses indiscutables avantages par rapport à la législation existante. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Westmount.

M. Richard D. French

M. French: Merci, M. le Président. Le présent projet de loi propose une modernisation, un renouvellement de la Loi

sur les associations coopératives, de la Loi sur les sociétés coopératives agricoles et de la Loi sur les syndicats coopératifs. Je ne pense pas que nous soyons en présence d'une refonte en profondeur, mais plutôt d'une mise à jour, c'est-à-dire qu'on n'a pas repensé vraiment la politique-cadre du gouvernement du Québec quant aux coopératives, mais qu'on a fait plutôt quelques aménagements. (15 h 20)

On se rappelle que, lorsque se tenait le sommet sur la coopération en février 1980, le ministre responsable d'alors, M. Guy Joron, s'exprimait ainsi: "Au sujet de la Loi sur les associations coopératives, la plupart des intervenants ont demandé des modifications à cette loi. Le ministère des Consommateurs, Coopératives et Institutions financières qui est responsable de son application est conscient qu'il y a des réaménagements importants à réaliser. Un comité sera donc mis sur pied afin de reformuler l'ensemble de la loi. Il sera formé de représentants du ministère et devra consulter tous les secteurs qui voudront soumettre des propositions et le comité devra déposer son rapport final au plus tard en décembre 1980."

De ce rapport final à la fin de 1980, nous avons maintenant le projet de loi no 56. Loin de nous l'intention, de ce côté-ci de la Chambre, d'affirmer qu'il n'y a rien de positif dans la loi, puisque le projet de loi vient présenter d'une façon plus structurée différentes dispositions de l'actuelle Loi sur les coopératives. Cette loi vient de plus préciser certains droits et pouvoirs des parties concernées. Cette loi augmente la flexibilité institutionnelle des organismes coopératifs. Cette loi facilite leur gestion et leur financement. Cette loi donne au ministre un certain pouvoir de contrôle sur l'orientation des coopératives en ce qui a trait plus particulièrement à la proportion des opérations faites avec ses membres. Il s'agit de changements essentiellement techniques, mais il y a une question qu'on aurait pour le ministre: S'agit-il de l'essentiel de ce qu'on peut attendre en tant que résultat du sommet sur la coopération? Le mouvement coopératif n'a-t-il pas droit à plus de tangibilité dans les gestes posés par le gouvernement? C'est après tout un gouvernement qui s'affiche comme près des milieux coopératifs et à l'écoute du mouvement. S'agit-il dans ce projet de loi de l'essentiel de la politique-cadre du gouvernement du Québec quant aux associations coopératives ou sociétés coopératives agricoles, etc., ou y aurait-il d'autres démarches qui viendraient compléter le portrait dans un proche avenir?

Nos attentes sont d'autant plus profondes, M. le Président, que nous vivons présentement une période économiquement difficile où l'obligation morale du gouvernement est de veiller à appuyer, à créer un climat favorable à la solidarité et à une action de prise de responsabilités de la situation par les citoyens qui sont plus particulièrement touchés par la présente conjoncture économique.

On sait que les associations coopératives sont un exemple privilégié de ce lieu de solidarité collective et de prise de responsabilités individuelle des citoyens. Les coopératives naissent de ce besoin de regroupement de citoyens dans le but de se solidariser afin de se donner les biens et services dont les citoyens ont besoin pour le développement tant du citoyen que de la collectivité. De là, M. le Président, la nécessité pour l'État de jouer pleinement son rôle, spécialement dans le contexte actuel, de permettre aux citoyens et citoyennes de pratiquer qette solidarité grâce à des moyens comme les coopératives. Il ne s'agit pas ici, bien sûr, d'un rôle nécessairement interventionniste de la part de l'État, mais d'un rôle d'appui et d'incitation.

Le mouvement coopératif au Québec constitue une réalité si importante qu'il s'identifie à notre tissu social. Les coopératives québécoises sont en effet dans les sphères de la production, la prestation des services de consommation et de production, la production agricole, les pêcheries, l'approvisionnement de l'agriculture et de l'artisanat, la vente des articles agricoles et artisanaux, la transformation des fruits et légumes, la construction d'habitations et les transports, sans oublier le secteur de l'épargne et du crédit, qui n'est pas touché par le présent projet de loi. Les coopératives relient par ailleurs l'agriculture individuelle privée et l'artisanat avec le système d'économie structurée. Elles encouragent le développement de l'agriculture en organisant l'approvisionnement et la vente ainsi que le crédit agricole. Elles accumulent l'épargne et la population participe à la modernisation de la structure de l'agriculture. Par exemple, la Fédération des coopératives des Pêcheurs unis du Québec, rend la situation socio-économique plus viable en intervenant dans les achats et la commercialisation d'un produit qui n'aurait aucune valeur autrement à cause de la destruction des prises lorsqu'on atteignait le prix plancher. Le besoin à combler étant suffisamment important, le leadership présent a pu mobiliser les pêcheurs pour la création de l'entreprise. On peut citer beaucoup d'autres exemples dans l'histoire du Québec qui montrent que les coopératives sont venues à la rescousse de la population.

Je voudrais, par ailleurs, profiter de l'occasion pour souligner ici le rôle stratégique que les coopératives doivent assumer comme agent alternatif de l'activité économique dans les économies du marché.

En effet, en palliant certaines carences qui se développent dans les économies de marché, les coopératives diminuent les risques de polarisation qui rendent souvent populaires des modèles de socialisme extrêmes et centralisés, modèles qui n'inspirent pas le gouvernement actuel, mais qui pourraient le tenter dans d'autres circonstances. Dans la mesure où ces défis peuvent être surmontés, les institutions coopératives peuvent donner plus de qualité et de vitalité au fonctionnement du marché. En valorisant dans l'activité économique des intérêts collectifs autant qu'individuels, la coopérative peut être perçue comme voulant assumer certaines fonctions dévolues à l'État dans d'autres économies.

Il n'est pas étonnant que les coopératives qui émergent dans un tel contexte, comme le contexte québécois, soient constamment aux prises avec un ensemble de structures qui leur sont mal adaptées. En effet, les institutions et les structures gouvernementales, de même que la législation et la structuration de l'activité économique dans les économies de marché, se sont souvent développées en fonction des exigences de l'entreprise capitaliste. C'est inévitable dans le contexte nord-américain. Cependant, les difficultés auxquelles font face les coopératives pour se rendre admissibles aux programmes de création d'emplois en témoignent bien.

Il ne s'agit pas de demander à l'État d'aider les coopératives au risque de leur enlever leur élan et leur efficacité, mais d'informer les citoyens sur toutes les possibilités d'un outil qui a fait ses preuves et qui détient maintenant ses lettres de noblesse. L'économie coopérative à bâtir au Québec exige une stratégie de développement, une stratégie qui, à nos yeux, n'existe pas encore au Québec, une stratégie que le présent projet de loi no 56 ignore en nous présentant plutôt une nomenclature de technicités.

Au Québec, au moment où on parle du besoin de reprise, de la relance de l'économie par les Québécois, une stratégie de développement coopératif pourrait devenir un outil de développement économique privilégié en s'implantant cette fois dans les champs nouveaux, dans des secteurs comme celui des technologies nouvelles. On peut mentionner, par exemple, les coopératives de production de matériel, de programmation, de logiciel, des secteurs informatiques, des microprocesseurs, etc. Devant tous les problèmes que doivent affronter les économies aujourd'hui, le secteur économique coopératif apparaît comme une formule de l'avenir pour un monde qui aspire à la prospérité dans un climat de justice sociale et de vrai exercice de la liberté. (15 h 30)

Le présent projet de loi, loin de nous présenter une approche de la formule coopérative vraiment dynamique est, comme je le disais plus tôt, une mise à jour de certaines lois par un gouvernement qui veut donner l'illusion de respecter les engagements pris lors du dernier sommet économique auprès des intervenants du monde coopératif. En corrélation avec cette Loi sur les coopératives, il faudrait que le gouvernement pense aussi à une législation intermédiaire pour venir combler le vacuum entre cette loi et celle sur les compagnies. Une telle loi serait l'équivalent d'une troisième partie de la Loi sur les compagnies qui viendrait ainsi répondre aux projets d'ordre communautaire de plus en plus nombreux à l'heure actuelle.

M. le Président, il faut mentionner aussi qu'il y a encore une bataille à livrer dans presque tous les ministères pour que la coopération obtienne sa vraie place. Concrètement parlant, ceci revient a dire que, dans les ministères où se définissent les diverses politiques d'aide, ou bien on néglige les coopératives, ou bien on les embrasse si fort qu'on risque de les étouffer.

M. le Président, évidemment, dans un projet de loi technique de quelque 326 articles, il y a nécessité d'étudier en profondeur tous et chacun de ses articles pour qu'on puisse être certain qu'ils correspondent vraiment aux besoins d'aujourd'hui. Je conviens avec le ministre que nous n'avons pas entendu énormément d'échos, de réponses, de revendications du milieu coopératif par rapport au projet de loi 56. C'est peut-être parce que l'étape critique dans l'évolution de la politique-cadre sur les coopératives du gouvernement du Québec n'est pas encore arrivée.

On sait, M. le Président, que la deuxième lecture du projet de loi et surtout l'étude article par article sont des points dans le processus législatif vraiment importants par rapport à l'amélioration possible du projet de loi. C'est le lieu privilégié pour chaque législateur de prendre ses responsabilités par rapport au projet de loi. Je soulignerai pour le ministre, devant l'Assemblée, la difficulté dans les circonstances de fin de session de faire une étude approfondie d'un tel projet de loi, même si je conviens avec lui qu'il n'y a pas eu énormément d'échos du milieu. À un moment donné, le législateur est obligé d'adopter un projet de loi, d'adopter tous est chacun des articles. Il me semble difficilement explicable qu'on ait pu attendre depuis décembre 1980 pour adopter, dans quelques minutes seulement de débat, la deuxième lecture du projet de loi, à la fin du mois de juin 1982, et passer dans quelques heures seulement à travers l'étude d'un projet de loi de 326 articles. Il ne me semble pas, comme il ne me semblait pas avant le congé pascal par rapport au projet de loi 60 sur les caisses d'entraide

économique, nécessaire que des projets de loi importants comme celui-ci soient adoptés à la vapeur et de cette façon.

En terminant, M. le Président, quelques remarques un peu plus générales au sujet des défis de l'avenir pour le mouvement coopératif. Ce n'est un secret pour personne que, tout comme l'économie capitaliste dans laquelle nous baignons par nécessité en Amérique du Nord connaît de grandes difficultés à l'heure actuelle, le secteur coopératif connaît, lui aussi, de grandes difficultés. Il n'est pas à l'abri de toutes les difficultés qui ont cours sur le plan économique. Les faiblesses dans le domaine coopératif s'avèrent de plus en plus sérieuses dans la mesure où la situation empire. Il y a au moins deux faiblesses importantes à mentionner: la faiblesse du management des coopératives ainsi que le problème du sous-financement des coopératives.

On ne peut plus - cela paraît évident -substituer l'ardeur des discours et la bonne volonté à une gestion rigoureuse et sophistiquée des institutions coopératives. On n'est plus à cette époque d'utopisme du XIXe siècle et on n'a pas vu, depuis ce temps-là, se développer une conception de gestion qui soit imprégnée des valeurs coopératives. C'est plutôt le mouvement coopératif qui se trouve à se prévaloir des outils de gestion développés dans un contexte capitaliste. C'est aux conséquences de cette vérité qu'il faut vraiment en venir au sein du mouvement coopératif.

C'est ainsi qu'il y a une nécessité de faire face à la réalité. Pour que les bénéfices du mouvement s'étendent à autant de membres que possible, pour que le mouvement retrouve son dynamisme, il faut adopter et adapter autant d'outils de gestion modernes que possible. Je suggérerais trois secteurs importants. D'abord, on peut penser particulièrement à la gestion financière et au contrôle des coûts au sein des coopératives. On peut penser à la promotion ou, si on veut adopter le terme capitaliste, au marketing de l'idée coopérative, dans chacun des secteurs où l'option existe. On peut penser à un troisième axe de développement pour la gestion au sein des coopératives. C'est la planification pluriannuelle, une carence qu'on note actuellement au sein de la gestion de plusieurs coopératives.

C'est sans doute une bonne chose que les coopératives aient le pouvoir de nantissement commercial, mais peu importe ce changement sur le plan statutaire si les prêteurs n'ont pas confiance aux administrateurs coopératifs.

On pourrait, en quelque sorte, dire, avec le professeur Belly de l'Université du Québec à Chicoutimi, que le problème de financement découle essentiellement du problème de gestion et des ressources humaines qualifiées. Il ne faut pas se leurrer non plus, M. le Président, par les discours enthousiastes sur l'attrait essentiel des coopératives. Comme écrit le professeur Claude Beauchamp de l'Université Laval: "Si les gens utilisent les services de leur coopérative, c'est parce qu'ils en retirent des avantages d'abord."

Alors, dans la promotion des coopératives, il faut définir avec autant de franchise et de réalisme les avantages en question et les exploiter systématiquement.

M. le Président, l'Opposition va appuyer ce projet de loi en deuxième lecture. Nous allons l'étudier sérieusement en commission parlementaire. Nous espérions que cette commission parlementaire aurait plutôt lieu à l'été que dans les heures très occupées que nous vivons actuellement, à la fin de la session. Nous attendons avec beaucoup d'intérêt le plus grand défi qui reste dans le domaine coopératif pour le gouvernement, c'est-à-dire définir une politique cadre et un plan stratégique de développement pour le mouvement coopératif pour les prochaines années et, plus particulièrement, les interventions ponctuelles que le gouvernement pourrait faire, dans les prochains mois, pour venir en aide à un mouvement coopératif aussi mal pris, à cause de la crise, que le secteur capitaliste.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre des Institutions financières et Coopératives.

M. Jacques Parizeau (réplique)

M. Parizeau: M. le Président, quelques mots pour terminer cet examen en deuxième lecture du projet de loi. (15 h 40)

Je pense que le député de Westmount fait une légère erreur de perspective dans le jugement qu'il porte sur cette loi. Il est évident qu'une loi pareille ne peut pas traduire les orientations de politiques économiques ou sociales que le gouvernement voudrait voir imprégner l'action des coopératives. Une loi comme celle-là n'est pas faite pour ça.

J'essaierai de le démontrer par une analogie. La Loi sur les compagnies n'indique d'aucune façon l'aide que le gouvernement est disposé à apporter aux sociétés privées. Une loi des compagnies n'indique d'aucune espèce de façon l'importance que le gouvernement veut donner au secteur privé par rapport au secteur public. Une loi des compagnies n'a rien à voir avec le genre de politique de subvention que le gouvernement a l'intention d'exercer à l'égard, par exemple, de l'industrie manufacturière. Si on cherchait à mettre ça dans la Loi sur les compagnies, on dirait: Le gouvernement fait fausse route, ce n'est pas par la Loi sur les compagnies qu'il doit faire ça. De la même

façon l'accent important et considérable que le gouvernement actuel cherche à placer sur le développement des coopératives au Québec, ce n'est pas par une loi comme celle-là qu'il va le faire. Il s'agit essentiellement d'une sorte de charte de fonctionnement des coopératives. On leur dit: Voici quelles sont les règles qui doivent régir votre activité. Cela ne préjuge évidemment d'aucune espèce de façon des politiques que le gouvernement a déjà suivies et entend suivre.

Une loi comme celle-là pourrait être adoptée par un gouvernement qui déciderait de ramener les coopératives à une portion congrue et de limiter leur action dans notre société. Comme cela pourrait être adopté par un gouvernement qui aurait l'objectif exactement inverse et qui déciderait, au contraire, de pousser très fort pour que les coopératives se développent rapidement, ce qui, on l'aura compris, est la politique du gouvernement actuel.

Il ne faut donc pas demander à cette loi plus que ce qu'elle peut et doit donner.

Deuxième observation: Je ne pense pas qu'on puisse vraiment dire - le terme n'est pas juste ici - que le gouvernement fait adopter ce projet de loi à la vapeur. On le constatera d'ailleurs cet après-midi par ces discours de deuxième lecture. Pourquoi n'avons-nous pas un grand débat en deuxième lecture sur cette loi? Parce qu'à la suite de discussions avec toutes les parties concernées ça devient l'expression, en un certain sens, du bon sens ou du sens commun collectif.

Le député de Westmount me disait: Mais pourquoi est-ce que le projet de loi a été déposé si tard par rapport à décembre 1980? Mais justement pour en arriver au point où nous en sommes actuellement, c'est-à-dire que l'essentiel des participants sont d'accord et disent: Oui, effectivement, ça relève du sens commun de vous préparer à faire, sur le plan législatif, ce que vous faites. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle, bien que nous ayons déposé ce projet de loi en première lecture il y a déjà pas mal de temps, qu'il a été distribué partout au Québec, qu'il a été examiné par des tas de gens, il y a si peu d'échos. Tout le monde reconnaît que c'est ça qu'il faut faire et qu'on est rendu au point où il faut adopter le projet de loi et c'est dans ce sens, M. le Président, que je pense qu'on doit adopter ce projet de loi au cours de la présente session. II y a beaucoup de travail qui a été investi par des représentants de toute espèce de coopératives partout au Québec. Le projet de loi est prêt, il a circulé dans sa version finale. On voit bien que l'immense majorité des participants est parfaitement d'accord. Je pense que le moment est venu, sereinement et assez rapidement quant au fond, puisqu'il y a cette espèce d'entente très très substantielle, d'adopter ce projet de loi et de faire en sorte que les coopératives, à partir de maintenant, aient cet instrument utile et nécessaire pour leur constitution et pour leur gestion. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que cette motion de deuxième lecture est adoptée?

Une voix: Adopté.

Le Secrétaire adjoint: Deuxième lecture de ce projet de loi.

M. Brassard: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader adjoint du gouvernement.

Renvoi à la commission des institutions financières et coopératives

M. Brassard: Je ferais motion pour déférer ce projet de loi à la commission permanente des institutions financières et coopératives.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que cette motion de déférence est adoptée?

Une voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Brassard: M. le Président, je vous prierais maintenant d'appeler l'article 9 du feuilleton d'aujourd'hui, en signalant au ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation qu'il aura à intervenir.

Projet de loi no 63 Deuxième lecture

Le Vice-Président (M. Rancourt): Deuxième lecture du projet de loi no 63, Loi sur la Raffinerie de sucre du Québec.

M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Jean Garon

M. Garon: M. le Président, on me dit que, dans ses loisirs, l'honorable lieutenant-gouverneur a pris connaissance du projet de loi et qu'il en recommande l'étude à la Chambre.

Le projet de loi no 63, Loi sur la Raffinerie de sucre du Québec, que nous étudions aujourd'hui représente l'aspect législatif d'un vaste ensemble de décisions à caractère politique et administratif que nous avons prises au cours des dernières années

relativement à la Raffinerie de sucre du Québec. J'oserais dire qu'il ne s'agit que de la pointe d'un iceberg tellement sont considérables et multiples les changements qu'a connus la Raffinerie de sucre du Québec depuis 1978. En un laps de temps très court, nous avons en effet entrepris de faire passer la Raffinerie de sucre du Québec des années quarante aux années quatre-vingt.

Comme cette opération, qui a peu d'équivalents dans le secteur industriel québécois, tant privé que public, est relativement peu connue, j'aimerais profiter de cette deuxième lecture pour décrire ce qui se passe présentement sur les rives du Richelieu, à Saint-Hilaire.

Rappelons tout d'abord que la Raffinerie de sucre du Québec a été construite en 1943 à même les crédits du ministère de l'Agriculture de l'époque. Nous étions alors en pleine guerre et pour des raisons, en partie, de sécurité d'approvisionnement, il avait été jugé nécessaire de constituer chez nous une capacité minimale de production.

La loi créant une société chargée de l'administration d'une manufacture de sucre de betterave a été adoptée le 23 juin 1943, soit il y a presque 39 ans jour pour jour. Dès le début, cette loi a été conçue comme une mesure temporaire, la société en question devant céder la place, dans l'esprit du législateur, à une coopérative chargée de l'exploiter.

Ce mandat transitoire, accordé par le législateur, fixait un objectif très restreint à la nouvelle société: exploiter une manufacture de sucre de betterave, et ne lui accordait aucune structure de capital, si ce n'est une avance temporaire de 2 000 000 $ comme fonds de roulement.

Bien qu'important pour l'époque, ce montant de 2 000 000 $ n'a jamais pu être utilisé comme du véritable capital. Même s'il a été par la suite porté à 4 000 000 $ en 1966, la différence de ces 2 000 000 $ n'a jamais été versée à la raffinerie.

Des carences congénitales découlant de ce statut temporaire: ambiguïté de l'objectif poursuivi, absence de véritable structure financière, indécision du gouvernement, gestion erratique et faible, ont marqué toute la vie de l'entreprise qui n'a jamais été en mesure de se développer d'une façon efficace et rentable à partir d'un approvisionnement stable et assuré de betteraves sucrières de qualité. L'exploitation fut donc constamment déficitaire.

La tradition voulait que le conseil d'administration soit formé exclusivement d'hommes politiques. En 1960, avec l'arrivée du Parti libéral au pouvoir, on a même connu un véritable mini-cabinet formé de quatre ministres et d'un député présider aux destinées de la raffinerie.

Je peux dire, par exemple, pour les historiens, qu'en juillet 1943, le président de la raffinerie était M. Adélard Godbout, premier ministre et ministre de l'Agriculture; les autres membres du conseil d'administration étaient M. T.-D. Bouchard, M. Télesphore-Damien Bouchard, ministre de la Voirie, M. J. Arthur Mathewson, trésorier de la province, M. Oscar Drouin, ministre des Affaires municipales et M. Henri-René Renault, membre du Conseil exécutif.

En septembre 1944, changement de gouvernement, changement du conseil d'administration. Le nouveau président est M. Laurent Barré, ministre de l'Agriculture secondé par M. Onésime Gagnon, trésorier provincial, M. Antonio Élie, membre du Conseil exécutif, M, Paul Beaulieu, ministre de l'Industrie et du Commerce, M. Tancrède Labbé, membre du Conseil exécutif.

Tout le monde sait que M. Duplessis n'aimait pas changer les équipes qu'il appelait les équipes gagnantes; donc, de 1944 à 1958, pas de changement. En 1958, deux changements: M. J.-S. Bourque, ministre des Finances, et M. Paul Dozois, ministre des Affaires municipales, succèdent à M. Onézime Gagnon et à M. Tancrède Labbé.

En 1960, changement de gouvernement. En juillet 1960, le nouveau président de la raffinerie est M. Alcide Courcy, ministre de l'Agriculture; au conseil d'administration, M. Gérard Cournoyer, ministre des Transports et des Communications, M. Émilien Lafrance, ministre du Bien-Etre social, M. André Rousseau, ministre de l'Industrie et du Commerce, M. René Saint-Pierre, député de Saint-Hyacinthe. (15 h 50)

En avril 1963, deux changements: M. Guy Lechasseur, député de Verchères, et M. François Boulais, député de Rouville, remplacent M. Cournoyer, qui était député de Richelieu, et M. André Rousseau qui était député de L'Islet et ministre de l'Industrie et du Commerce. En 1964, M. Laurier Baillargeon, député de Napierville-Laprairie remplace M. Émilien Lafrance, député de Richmond. En juillet 1966, changement de gouvernement, donc changement de conseil d'administration, nouveau conseil d'administration. Le ministre de l'Agriculture, M. Clément Vincent, devient président de la raffinerie de sucre et les autres membres du conseil d'administration sont M. Armand Russell, ministre d'État, M. René Bernatchez, adjoint parlementaire et député de Lotbinière, M. Denis Bousquet, député de Saint-Hyacinthe, et M. Paul-Yvon Hamel, député de Rouville.

Changement de gouvernement en août 1970, nouveau conseil d'administration. Le nouveau conseil d'administration: M. Normand Toupin, ministre de l'Agriculture, devient président de la raffinerie, M. Georges Vaillancourt, député et adjoint parlementaire est membre du conseil d'administration, M.

Marcel Ostiguy, député de Rouville, est membre du conseil d'administration

(aujourd'hui, il est député fédéral), M. Fernand Cornellier, député de Saint-Hyacinthe, est membre du conseil d'administration, avec M. Paul Berthiaume, député de Napierville-Laprairie.

En février 1972, on a décidé de changer la formule et M. Gaétan Lussier, sous-ministre de l'Agriculture, devient président. Membre du conseil d'administration également, M. Marcel Ostiguy, député de Rouville, avec M. V. Guerci, sous-ministre adjoint aux Finances. M. Benoît Beauregard, président de Quebec Poultry Ltée, et M. Georges-Étienne Turcotte, gérant général de la Coopérative fédérée.

Sous le gouvernement Bourassa, alors qu'un comité d'experts qui avait analysé les problèmes de la raffinerie recommandait la dépolitisation du conseil d'administration, on a opté pour un conseil formé principalement de fonctionnaires, mais au sein duquel siégeait encore le député de Saint-Hyacinthe. C'était jouer les tartufes de mettre des fonctionnaires et un député autour de la même table et de prétendre ensuite que la petite politique n'avait plus rien à faire à la raffinerie. D'ailleurs, c'est ce conseil d'administration qui aura l'insigne honneur de recommander la fermeture de la raffinerie.

La petite politique a eu son mot à dire à la raffinerie jusqu'en 1977 avec toutes les conséquences que cela implique sur la rentabilité d'une entreprise. Entre autres, on a maintenu pendant toutes ces années un nombre d'employés permanents hors de proportion avec les dimensions de l'usine et son opération saisonnière. En 1969, la raffinerie avait 125 employés, alors qu'en 1977, après la nomination d'un premier véritable conseil d'administration, ce chiffre était ramené au niveau beaucoup réaliste de 53.

En fait, de 1943 à 1977, la Raffinerie de sucre du Québec a vécu complètement en marge des grands courants technologiques et administratifs qui ont vu l'émergence au Québec de sociétés d'État bien structurées, dotées d'objectifs de rentabilité et des moyens nécessaires pour les atteindre et, ailleurs dans le monde, des procédés de culture et d'extraction du sucre de betterave toujours plus modernes et efficaces.

C'est de cette situation que nous avons hérité, M. le Président, en 1977. En fait, la solution qui était envisagée lorsque j'ai pris le dossier, c'était ni plus ni moins la fermeture de la Raffinerie de sucre du Québec. Peut-être que je suis allé un peu loin lorsque j'ai dit que le conseil d'administration l'avait recommandée, mais ce qui était envisagé par le gouvernement lorsqu'on est arrivé au gouvernement en 1976, c'était, à toutes fins utiles, la fermeture de la raffinerie. Alors que les documents en ce sens étaient déjà parvenus au Conseil des ministres pour décision finale - c'était déjà rendu au Conseil des ministres - j'ai obtenu un sursis d'un an, le temps de mettre en place un véritable conseil d'administration formé non plus de politiciens et de fonctionnaires, mais bien d'hommes d'affaires. Le mandat de ces personnes était très clair: gérer l'usine comme toute entreprise commerciale ou industrielle, examiner ses chances de survie et de développement dans une perspective de rentabilité et faire rapport au ministre de l'Agriculture.

Après un an d'opération sous la nouvelle administration, année pendant laquelle la direction a pris toute une série de mesures pour rationaliser les opérations et réduire les dépenses, nous en sommes venus à la conclusion que l'usine était viable pourvu que certaines mesures complémentaires soient adoptées, notamment sur le plan de la modernisation des équipements, de l'amélioration des méthodes de culture de betterave et de la recapitalisation de l'entreprise.

Rappelons qu'en 1978 les équipements étaient à peu près les mêmes que ceux installés en 1943 d'une capacité de 1450 tonnes de betteraves par jour.

Or, il y avait une usine située à Easton au Maine, d'une capacité de 3630 tonnes par jour, qui avait dû fermer ses portes faute d'approvisionnement suffisant en betteraves. Cette machinerie, d'une valeur de quelque 55 000 000 $, n'avait été utilisée que pendant deux saisons et était donc en très bon état. Le gouvernement a autorisé le conseil d'administration à se porter acquéreur de cette machinerie qui fut achetée lors d'un encan public pour la somme de 1 700 000 $ US, soit 12 000 $ de plus que l'autre plus haut soumissionnaire, celui qui avait offert 12 000 $ de moins, et 300 000 $ de moins que la limite maximale de 2 000 000 $ qui avait été autorisée par le Conseil des ministres. Cet achat a ouvert la porte de l'avenir pour la raffinerie de sucre puisqu'il a été possible, à partir de ce moment, d'examiner des possibilités qui, jusque-là, étaient impensables. Munie d'un mandat du Conseil des ministres d'aller de l'avant et ayant acquis à prix d'aubaine des équipements modernes, la direction de la raffinerie a soumis, en octobre 1979, à ma demande, un plan concret d'agrandissement et de modernisation de l'usine de Mont-Saint-Hilaire afin de porter sa capacité de 1450 tonnes par jour à 3630 tonnes de betteraves par jour.

Un mois plus tard, le gouvernement décidait, à ma recommandation, d'approuver le programme d'agrandissement et de modernisation de l'usine de Mont-Saint-Hilaire et d'accepter des mesures incitatives élaborées par le ministère de l'Agriculture,

des Pêcheries et de l'Alimentation avec la Raffinerie de sucre du Québec pour que les producteurs agricoles fournissent à la raffinerie le volume et la qualité requis de betteraves. Je n'ai pas besoin de vous dire, M. le Président, que, pendant toute cette période de temps, il y avait deux députés qui suivaient attentivement le dossier. Il y avait le député d'Iberville, M. Beauséjour, et le député de Verchères, M. Charbonneau, qui constamment ont été les principaux conseillers dans ce dossier puisque nous avons travaillé constamment ensemble au point de vue politique sur ce dossier. Mais le dossier lui-même a été analysé par le conseil d'administration, étudié par le conseil d'administration sur une base d'affaires.

La réalisation du projet d'agrandissement et de modernisation de l'usine de Mont-Saint-Hilaire était assortie de deux conditions importantes, soit d'abord le remplacement du vieil équipement par celui acquis à Easton au Maine et l'obtention d'une importante subvention de 6 200 000 $ du ministère de l'Expansion économique régionale. Et vous allez voir, par ailleurs, que les 6 200 000 $ ont pris tellement de temps que cela nous a fait perdre une année et que l'inflation nous en a mangé les trois quarts.

L'acquisition de la machinerie d'Easton a été réalisée à l'automne 1978, mais ce n'est qu'en mai 1980 que les travaux de construction et de remplacement de la machinerie ont pu démarrer, en raison du retard du MEER à confirmer son octroi de 6 200 000 $. Je peux vous dire, M. le Président, qu'une des principales raisons, c'est que des fonctionnaires libéraux du gouvernement fédéral, sachant qu'il y aurait des élections fédérales qui seraient déclenchées, alors que la décision était prête, ont retardé indûment les recommandations et ont attendu les élections du mois de février pour que les libéraux puissent en avoir le crédit. M. le Président, j'aurais une belle histoire à raconter là-dessus. Cela marche de même, au fédéral. Le jeu de l'inflation a fait croître, durant ce temps, au cours de cette période, les coûts d'attente d'au moins 10%, de sorte que, comme il s'agit d'un projet d'environ 40 000 000 $, parce que les travaux ont été retardés d'un an, à 10%, cela veut dire environ 4 000 000 $ sur les 6 200 000 qui vont être mangés.

Conformément au plan original, on devait démanteler l'équipement et le remplacer par la machinerie acquise à Easton. Afin de ne pas affecter les opérations régulières de la raffinerie pour le traitement des betteraves, il fallait que les travaux d'agrandissement des bâtisses et de remplacement de la machinerie s'effectuent entre le traitement de deux récoltes, soit de la fin de février à la fin de septembre de chaque année.

De nouvelles études d'opportunité et de rentabilité ont mis en lumière, vers cette époque, les grands avantages qu'il y aurait à maintenir les équipements déjà en place et à procéder par ajout à la nouvelle capacité de 3630 tonnes par jour plutôt que par substitution du vieil équipement par le nouveau. Ces principaux changements étaient, premièrement, l'élimination de tout risque d'interruption des opérations de la raffinerie pendant la période de traitement de la récolte de 1982; deuxièmement, une augmentation de la rentabilité des opérations grâce à des économies d'échelle encore plus appréciables que prévu, et troisièmement, la récupération d'une partie de l'équipement de la raffinerie du Maine qui n'était pas utilisé dans le projet initial.

Le Conseil des ministres décida alors d'autoriser le conseil d'administration à conserver l'équipement original afin de pouvoir l'utiliser pour la campagne de 1982 et d'agrandir la bâtisse afin d'y installer les nouveaux équipements. En procédant ainsi, on conservait la capacité initiale de 1450 tonnes par jour à laquelle on ajoutait les nouveaux équipements de 3630 tonnes par jour, ce qui portait la capacité totale de l'usine de Mont-Saint-Hilaire à 5080 tonnes par jour. Le budget total approuvé à cette époque était de 43 900 000 $.

Le programme d'agrandissement et de modernisation de l'usine de Mont-Saint-Hilaire a été engagé avec vigueur en même temps que le travail requis pour que l'entreprise passe rapidement et le mieux possible d'un statut analogue à celui d'une entreprise artisanale à un statut d'entreprise industrielle et commerciale. (16 heures)

Au plan administratif, il a fallu changer les mentalités pour que l'entreprise fonctionne selon les normes habituelles du secteur des affaires, c'est-à-dire entières responsabilités administratives, planification des objectifs, utilisation optimale du fonds de roulement, négociation des marges de crédit et des emprunts à terme, rentabilisation des investissements et rendement sur le capital investi.

Un système élaboré de directives et procédures administratives est mis en place; des cours de formation en techniques sucrières ou en mécanique d'entretien sont dispensés au personnel de l'usine. Ce travail de longue haleine permettra de bâtir une équipe compétente et motivée, disposant des outils nécessaires pour assumer le défi de la rentabilité de l'entreprise et de son leadership dans l'industrie sucrière.

Il convient de souligner que l'usine de Mont-Saint-Hilaire avait toujours une capacité de 1450 tonnes par jour pour la campagne 1981-1982 qui s'est terminée au milieu de février dernier. Ce n'est que pour

la prochaine campagne qui débutera en octobre 1982 que l'usine atteindra une capacité de 3630 tonnes par jour. Le plan approuvé en mars 1981 se poursuit donc rondement et, pour l'essentiel, se réalise selon l'échéancier établi et ce, malgré toutes les surprises qui peuvent survenir quand on réalise un projet de cette envergure.

Au 31 décembre 1981, on estimait le coût du projet à 49 500 000 $, incluant 1 000 000 $ qui n'avaient pas été prévus dans le projet initial pour les frais de démarrage, c'est-à-dire les frais reliés aux essais et au rodage de la nouvelle machinerie, la formation du personnel, l'organisation du magasin de pièces et accessoires de rechange, la préparation des divers manuels de fonctionnement et de procédures, etc.

L'augmentation des coûts d'investissements est de 5 500 000 $ ou de 12,6% par rapport aux estimations budgétaires de mars 1981. Compte tenu du contexte économique actuel, il s'agit d'une bonne performance. C'est le coût du reconditionnement de la machinerie d'Easton qui accuse l'augmentation la plus élevée, mais il s'agira, avec la mise au point, d'un équipement qui sera ce qu'il y a de plus moderne actuellement dans le monde. À ces coûts directs, s'ajoutent les frais de financement intérimaires évalués à 3 900 000 $. Là encore, il était impossible de prévoir les taux d'intérêt qui ont été beaucoup plus élevés que prévu parce que personne ne pensait qu'on atteindrait des taux autour de 20%, comme depuis plusieurs mois.

Notre usine, d'une capacité de 5080 tonnes par jour nécessitera donc des investissements globaux de 53 500 000 $. C'est encore un coût peu élevé pour une usine que la firme d'experts BMA, de la République fédérale d'Allemagne, évaluait en avril 1979 entre 105 000 000 $ et 110 000 000 $, alors que le projet n'avait qu'une capacité prévue de 3630 tonnes par jour. Depuis la décision initiale que nous avons prise en 1977 de ne pas fermer l'usine, mais plutôt de rechercher avec des gens compétents des solutions d'avenir, des pas de géants ont été franchis pour transformer l'entreprise en vue de lui donner des outils de production efficace, lui assurer des approvisionnements croissants de betteraves de qualité, de développer des marchés pour les sous-produits et pour assurer et accroître sa rentabilité.

Les sucreries de betteraves ont considérablement évolué depuis les 30 dernières années grâce notamment à de rigoureux programmes d'investissements annuels pour moderniser la machinerie et diversifier la production. La mutation sera encore plus rapide au cours de la prochaine décennie sous la pression notamment des coûts croissants de l'énergie et de la main-d'oeuvre et de la concurrence des nouveaux édulcorants, en particulier le fructose.

Pour assumer le leadership dans son secteur, la Raffinerie de sucre du Québec devra poursuivre deux objectifs: améliorer constamment ses facilités de production pour contenir ses coûts de production; diversifier ses activités et ses produits pour utiliser ses équipements pendant une période plus longue de temps que les quelque 100 jours requis pour traiter une récolte de betterave.

L'atteinte de ce double objectif requiert deux outils indispensables: un élargissement du rôle et des pouvoirs de la raffinerie pour lui permettre de se situer dans un encadrement moderne sur les plans juridique, corporatif et administratif; une structure financière adéquate. Le projet de loi que nous étudions qui refond en profondeur la loi en vigueur depuis 1943, permettra à la Raffinerie de sucre du Québec de disposer des instruments indispensables à sa mission.

Dans le dossier de la raffinerie de sucre, la question cruciale a toujours été les approvisionnements. Accroître la capacité de la raffinerie de sucre de 1450 tonnes par jour à 5080 tonnes par jour, avec de l'équipement acheté à un prix d'aubaine et grâce à un espacement des travaux qui n'arrête pas le fonctionnement de la raffinerie constitue un véritable exploit sur le plan technique. S'assurer que les betteraves seront au rendez-vous lorsque les nouvelles capacités deviendront opérationnelles en est également tout aussi digne de mention.

Depuis que le gouvernement a fait connaître sa décision ferme de maintenir la raffinerie de sucre et d'accroître sa capacité, la réponse des agriculteurs a été des plus encourageantes. En 1979, 150 producteurs ont livré à la raffinerie 38 000 tonnes de betteraves. En 1980, 200 producteurs ont livré 121 000 tonnes. En 1981, les producteurs étaient rendus au nombre de 273 et ils ont livré 160 000 tonnes. Pour l'année en cours, 1982, les 475 producteurs actuellement sous contrat devraient produire environ 250 000 tonnes de betteraves, puisque la raffinerie a actuellement 5665 hectares sous contrat. Pour cette année, nous espérons un peu de pluie, parce qu'il n'a pas plu véritablement dans la région depuis la fin d'avril et cela ne nuirait pas s'il y avait un peu de pluie. En quatre années, le nombre de producteurs aura été multiplié par 3, la récolte par 7 et le nombre d'acres en culture par 3,5. Les prévisions dont dispose la raffinerie nous font atteindre le cap des 500 000 tonnes de betteraves en 1985-1986.

Il ne fait pas de doute, M. le Président, qu'outre la décision du gouvernement d'investir dans la raffinerie de

sucre, la mise en place d'un régime d'assurance-stabilisation des revenus pour les producteurs, la signature de contrats d'approvisionnement de cinq ans avec la raffinerie, l'offre de subventions pour l'achat d'équipements spécialisés, de même que les efforts tant du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation que de la raffinerie pour implanter de nouvelles méthodes culturales plus efficaces ont contribué à créer un climat très favorable à l'accroissement des superficies en culture.

Le marché du sucre est caractérisé par des fluctuations cycliques très importantes. Alors que le prix était, l'an dernier, de 1200 $ la tonne, il n'était ce printemps que de 350 $ la tonne. Dans de telles conditions, il est impensable de développer cette production qui requiert des investissements importants sans assurer une certaine sécurité aux producteurs. D'ailleurs, le gouvernement peut difficilement investir des dizaines de millions de dollars dans une usine, si les approvisionnements en matière première peuvent fluctuer d'année en année de façon très considérable.

Les contrats d'approvisionnement et l'assurance-stabilisation des revenus ont pour but de sécuriser à la fois le producteur et l'investissement du gouvernement. Au cours de la campagne 1981-1982, 157 des 273 producteurs se sont assurés. Cette année, je suis heureux de dire que 302 des 475 producteurs actuellement sous contrat ont pris cette précaution. Au point de vue de l'assurance-récolte, en 1981-1982, le nombre d'assurés était de 181, il est actuellement de 260. Ces données illustrent à mon point de vue une évolution de la mentalité des producteurs, qui abordent maintenant la culture de la betterave à sucre moins comme une spéculation que comme une production dans laquelle on s'engage sur une base régulière.

Cependant, au bout du compte, les producteurs ne feront pousser de la betterave que si c'est payant pour eux d'en faire. Les vieux betteraviers savent que les bonnes années comme l'année dernière, alors que la raffinerie a payé en moyenne 52,19 $ la tonne de betterave, compensent pour les mauvaises années.

Néanmoins, il importe que le prix payé par la raffinerie dans le creu du cycle des prix se rapproche le plus possible des coûts de production. Ainsi, il faut que la raffinerie, qui redonne aux producteurs 70% de la valeur du sucre qu'elle vend - 70% de la valeur du sucre qui est vendue par la raffinerie retournent aux producteurs agricoles - tire des betteraves qu'on lui apporte le plus de sucre possible.

Cette année déjà, le poids du sucre extrait à partir d'une betterave en contenant le même pourcentage a augmenté sensiblement de 101 kilos à 113 kilos la tonne. Cela tient certes pour une part à la pureté du jus de la betterave, mais cela tient également à Saint-Hilaire à une foule de petites améliorations techniques dans le procédé ou les équipements.

Le taux d'extraction n'excède pourtant pas 80% ou 82% du sucre entré à l'usine, ce qui est comparable et ce qui même dépasse la moyenne américaine. Les rendements sont meilleurs que ceux des États-Unis, 80% ou 82%, mais, en France, les rendements atteignent l'ordre de 88% ou 89%, alors que les Français sont considérés comme les meilleurs producteurs de sucre de betterave. Cela représente entre dix et quinze kilos à la tonne qu'il faut ajouter aux dix ou quinze kilos à la tonne perdus dans les empilements et qui peuvent être réduits de moitié lorsque les techniques appropriées auront été mises en oeuvre. Ce ne sont souvent pas les modifications les plus coûteuses qui donnent le meilleur résultat, mais la raffinerie doit disposer de la marge de manoeuvre suffisante pour les réaliser. (16 h 10)

Cependant, les gains les plus appréciables peuvent et doivent être obtenus à la ferme, où les rendements en tonnage et en sucre peuvent être accrus sensiblement. Ainsi, à titre de référence, la meilleure année des producteurs québécois, jusqu'à maintenant, a été de 6300 kilos de sucre blanc à l'hectare, alors qu'en France ou en Belgique la moyenne nationale pour 600 000 ou 800 000 hectares excède les 7500 kilos. Encore là, il n'y a pas de fatalité et ce n'est pas le climat qui explique de telles différences, mais essentiellement les pratiques culturales: choix de bonnes variétés de betteraves, des herbicides et des engrais appropriés, du nombre adéquat de semis à l'hectare, 80 000 pieds à l'hectare plutôt que 40 000 ou 50 000, entre autres. La raffinerie, de concert avec le ministère, s'emploie à développer, par exemple, des cultivars plus adaptés au climat québécois et à convaincre les producteurs d'améliorer les méthodes culturales.

Les résultats sont déjà très encourageants. Alors qu'entre 1972 et 1976 les rendements en betteraves ont été de 37,4 tonnes métriques à l'hectare, ils ont été, de 1976 à 1981, de 45,46 tonnes à l'hectare, soit une hausse de rendement de 22%.

En plus des méthodes culturales nouvelles, comme la plantation symétrique qui permet d'accroître les populations à l'hectare, le choix de meilleures variétés et l'utilisation de nouveaux herbicides plus efficaces, un des facteurs qui ont le plus contribué à l'accroissement des rendements est l'augmentation de la superficie moyenne des exploitations. Alors qu'en 1970-1971 un producteur moyen avait 4,9 hectares en betteraves, l'année dernière, cette moyenne était de 16,1 hectares en betteraves, c'est-à-

dire 40 acres en betteraves comparativement à environ 12 en 1970. Cela permet de justifier l'utilisation de meilleurs équipements qui n'étaient pas rentables sur les petites parcelles et constitue également une très bonne indication du sérieux avec lequel les agriculteurs de la région abordent maintenant cette culture.

J'aimerais dire un mot, M. le Président, en terminant, sur un phénomène peu connu du grand public et qui a quand même été pris en considération dans notre décision de moderniser et d'agrandir la raffinerie. Il s'agit des retombées très positives sur le plan agronomique de la culture de la betterave à sucre. La betterave à sucre est, en effet, une plante pivotante dont les racines poussent très profondément dans le sol, six à sept pieds de profondeur. Elle assure ainsi un meilleur drainage et une meilleure structure du sol dans lequel elle pousse. Quand on enlève la betterave, la racine reste dans le sol et, en pourrissant dans le sol, elle aère le sol, l'oxygène et l'améliore. C'est excellent comme culture alternative dans une région de céréale, comme la région où est située la raffinerie.

C'est, de plus, une plante sarclée, c'est-à-dire dont les rangs doivent être débarrassés des mauvaises herbes manuellement ou par des herbicides. Ceux utilisés dans cette culture n'ont pas d'effet résiduel et, grâce à des découvertes récentes, peuvent être maintenant utilisés aux différentes étapes de croissance de la betterave. Il en résulte donc un nettoyage très efficace du sol, sans effets secondaires sur l'écologie et sans non plus qu'on ait à y consacrer les efforts physiques très considérables des multiples piochages prescrits dans les anciennes méthodes. Enfin, les racines, les tiges et les feuilles des betteraves laissées dans le sol ou sur le champ constituent un apport de matière organique important.

Les expériences ont démontré hors de tout doute que les agriculteurs qui utilisent la betterave comme culture de rotation obtiennent de bien meilleurs rendements dans leurs autres productions, qu'il s'agisse de céréales ou de légumes.

Depuis 1980, nous menons une expérience destinée à évaluer le potentiel de la betterave à sucre ailleurs que dans les régions de Verchères et de Saint-Hyacinthe.

Les résultats sont très encourageants -dans la région de Québec, nous avons commencé à semer des betteraves pour voir quel serait le rendement - puisque sur les parcelles en culture, entre autres à Saint-François et à Fortierville dans le comté de Lotbinière, nous avons obtenu des volumes de betteraves à l'acre équivalant à la moyenne nationale, en termes de production de betteraves, mais avec une teneur en sucre de 14% plus élevée.

M. le Président, il n'y a rien de plus intéressant pour une raffinerie de sucre que des betteraves plus petites qui sont plus riches en sucre et cela a été la surprise. Les agronomes expliquent difficilement ce phénomène de voir que, dans la région de Québec, il y a autant de betteraves à l'acre avec un plus grand contenu en sucre.

J'ai demandé ça parce que j'ai dit: À un moment donné, si on voit qu'à Saint-Hilaire ça va très bien, il faudra éventuellement faire une autre raffinerie, en tout cas une autre sucrerie, et il serait intéressant de voir si on peut cultiver des betteraves ailleurs. On se rend compte que, dans la région de Québec, le rendement peut être excellent et on va encore continuer les expériences cette année et l'an prochain sur de plus grandes superficies, pour voir le potentiel qu'il y a, parce que, si le rendement est excellent, on pourra cultiver des betteraves ailleurs, en améliorant en même temps, comme culture alternative, la production de céréales dans d'autres régions du Québec.

L'expérience se continue cette année et je suis confiant qu'on pourra assister, au cours des prochaines années, à un élargissement du bassin d'approvisionnement de la raffinerie de sucre. Qui sait quel sera l'avenir à ce point de vue là? Là, on a inclus Lotbinière et on va demander aux gens d'étendre un petit peu vers Beauce-Nord pour commencer...

Une voix: Aie! Aie! Aie!

Une voix: Le comté de Champlain.

M. Garon: Lévis? Je ne le sais pas. S'il y a une nouvelle raffinerie, ça ferait peut-être une bonne place...

Une voix: Les gens sont assez raffinés là-bas.

M. Garon: Non, sans blague, M. le Président. Au fond, avec la raffinerie, on ne produira qu'une partie - avec les betteraves - de la production de sucre du Québec et, si on peut étendre la production de betteraves à d'autres régions du Québec, comme culture alternative qui améliore les rendements -c'est très important - en céréales, ce sera un bienfait pour les différentes régions du Québec où on pourra étendre la production.

Un mot sur la beauté de ce projet-là. Lorsqu'on examine ce qui se passe actuellement à l'usine de Saint-Hilaire, je crois qu'on peut parler de beauté en regard de ce vaste projet industriel. Je n'ai pas le temps d'entrer dans tous les détails techniques qui font de la raffinerie de sucre une usine non seulement moderne, mais en mesure de suivre l'évolution prévisible de la technologie, parce qu'avant de couler le

ciment, on a prévu que, d'ici à quelques années, par exemple, il sera nécessaire d'introduire un ordinateur.

J'aimerais quand même décrire brièvement l'utilisation prévue des sous-produits de raffinage. Cette utilisation qui va de la récupération de l'énergie à celle de la terre de lavage de la betterave, fera de la raffinerie une usine propre sur le plan écologique, sur le plan de l'environnement et aussi une usine plus rentable.

Plusieurs personnes se disent des fois qu'en production agricole il y a des résidus. Je dois dire qu'il n'y aura aucun résidu dans la raffinerie et tous les sous-produits pourront être utilisés pour rentabiliser davantage la raffinerie et en même temps pour n'avoir aucun effet contre l'environnement.

Le sous-produit le plus volumineux est la pulpe de betterave. Elle est d'abord pressée, une fois qu'on a enlevé le sucre de la betterave, pour monter son taux de matière sèche à environ 23% ou 24%. Sous cette forme, elle représente 20% du poids des betteraves, soit jusqu'à 120 000 tonnes dans les années à venir, et peut être ensilée comme du fourrage vert pour l'alimentation des bovins de boucherie.

Des essais satisfaisants ont été faits l'an dernier, d'autres sont en cours actuellement à la ferme expérimentale de Deschambault. La pulpe peut aussi être additionnée de protéines et de sels minéraux qui la transforment en un aliment complet. Les quantités produites seraient alors suffisantes pour engraisser 20 000 boeufs de boucherie seulement avec ladite pulpe.

Cette pulpe peut être aussi hachée, comme cela se fait actuellement, et éventuellement entrer dans des formules de moulée. Des essais récents ont montré que la pulpe pouvait être additionnée de marc de pommes qui est un résidu de la fabrication de jus de pomme et de cidre qui n'a trouvé que très peu d'utilisation jusqu'à maintenant et qui est surtout un agent de pollution. C'est-à-dire qu'après avoir pressé les pommes pour en extraire tout le jus, il reste une pulpe, ce qu'on appelle le marc de pommes, et qui est enterré actuellement. On s'en débarrasse et on dit que cela peut causer de la pollution. Si on l'utilise avec la pulpe de betterave, les deux pourront servir d'aliments pour le bétail et il n'y aura aucune perte de résidus tant pour l'extraction du jus de pomme dans les usines, qui sont tout près de la raffinerie de sucre de Saint-Hilaire, que pour la pulpe de betterave. (16 h 20)

Le deuxième sous-produit important en volume est la terre provenant du nettoyage des betteraves. Elle représentera, à l'avenir, au moins 60 000 tonnes par année. Quand les betteraves arrivent, il y a de la terre et la terre ramassée immédiatement est donnée aux agriculteurs. Plus tard, quand on lave les betteraves, il se ramasse des résidus de terre collés aux betteraves, et cela veut dire plus de 60 000 tonnes par année. Actuellement, cette terre est entreposée dans un bassin. Elle est coûteuse à extraire et sans grande utilité à cause de sa composition et de sa texture. Il existe maintenant plusieurs techniques pour la séparer de l'eau et la transformer en un excellent terreau, un terreau de bonne qualité. Quand on pense que seulement au Jardin botanique on en utilise 60 000 verges cubes par année, cela devrait rendre ce marché très profitable, la vente de la terre de lavage une fois traitée.

Un autre sous-produit volumineux est constitué des écumes de carbonatation. II s'agit de la chaux qui a servi à purifier les jus et qui se trouve essentiellement sous forme de carbonate de calcium très finement divisé. C'est un produit nettement supérieur à la pierre de chaux pour l'amendement des sols acides. Ces écumes, dans leur forme actuelle, à 50% de matières sèches, sont coûteuses à transporter et difficiles à étendre, ce qui explique le manque d'intérêt des producteurs. Il est possible de les presser, ces écumes, pour augmenter le taux de matières sèches à au-delà de 60%, ce qui en ferait alors un produit aussi facile à utiliser que la pierre de chaux. Il y en a même qui nous disent que cela pourrait aider à régler ou à compenser l'effet des pluies acides dans les lacs. On nous dit qu'en Suède un des procédés utilisés en écologie pour garder les lacs à un niveau convenable d'acidité, c'est de placer des quantités considérables de chaux dans les lacs pour compenser l'effet de l'acidité.

Donc, si le gouvernement du Canada n'est pas capable de régler le problème des pluies acides, peut-être qu'avec la chaux de la raffinerie ou les écumes de cabonatation nous pourrons partiellement contribuer à diminuer le taux d'acidité de certains lacs au Québec. C'est une méthode dont certains disent qu'elle est utilisée avec grand succès en Suède.

Enfin, le dernier sous-produit d'importance est l'eau chaude des condenseurs barométriques rejetée à une température d'environ 60 degrés centigrade à un débit actuel de près de 500 mètres cubes l'heure. C'est de l'eau et de la chaleur en grande quantité. Même si une proportion appréciable de ces eaux peut être réutilisée en sucrerie, il en restera vraisemblablement un volume relativement considérable, au contenu énergétique important. De nombreuses expériences ont été faites dans le monde sur ce genre de rejet tout à fait comparable, en température, à celui des centrales thermiques et des centrales nucléaires, par exemple. Cela veut dire que cela peut contribuer à faire de l'électricité, cela peut contribuer à faire du chauffage,

mais cela peut aussi, par les techniques de récupération de la chaleur qui sont maintenant au point, servir au chauffage de serre et à la pisciculture, notamment.

Comme autre sous-produit, il faut mentionner le sable qui sera extrait lors du tamisage des eaux boueuses dont la qualité et la quantité pourraient justifier l'emballage et la vente. Enfin, il reste la mélasse, vendue actuellement à des fabricants de levure, qui pourrait servir à fabriquer de nouveaux produits, sans compter l'alcool qui est aussi extrait de ces produits. Enfin, le champ des activités ouvert par les sous-produits se révèle déjà extrêmement intéressant et en mesure d'apporter une diversification appréciable et profitable.

M. le Président, je ne voudrais pas être plus long, je voudrais tout simplement attirer l'attention sur l'importance de la raffinerie non seulement en termes de production de sucre, mais aussi pour tous les sous-produits qui peuvent être utilisés et qui vont contribuer à rentabiliser encore davantage la raffinerie de sucre de Saint-Hilaire.

Je n'ai pas parlé volontairement d'autres projets que nous étudions actuellement pour utiliser la raffinerie pendant les 200 autres jours où elle n'est pas utilisée. Elle est utilisée pendant 100 jours actuellement et il y a encore les 200 autres jours où ces équipements très sophistiqués, très modernes pourraient être utilisés pour différents projets, différents autres produits qu'étudient actuellement les dirigeants de la raffinerie.

Je ne voudrais pas parler plus longtemps, M. le Président. C'est un excellent projet de loi qui va permettre de donner à la Raffinerie de sucre du Québec les instruments pour aller de l'avant et contribuer à créer des emplois et à développer l'économie au Québec. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Beauce-Sud.

M. Hermann Mathieu

M. Mathieu: Merci, M. le Président.

Le ministre a parlé de la culture de la betterave, de l'extraction du sucre, de la production de sous-produits: alcool, pulpe, sable, etc. Il a parlé de tout, mais il a oublié de parler du projet de loi no 63.

C'est justement sur ce projet de loi que nous avons des questions à poser au ministre. Nous avons des éclaircissements à lui demander. Je vais essayer d'être pertinent à ce projet de loi.

Comme premier commentaire, je voudrais d'abord dire que ce projet de loi ne nous paraissait pas être un projet de loi urgent. Nous eussions grandement préféré discuter, cet après-midi, le projet d'aide à l'établissement des jeunes agriculteurs qui viendrait, semble-t-il bientôt, si on continue à persister à le réclamer du ministre. J'espère qu'il le déposera d'ici à la fin de la session. Cela fait déjà presque un an et demi que cette promesse a été faite de 50 000 $ sans intérêt pendant cinq ans. C'est urgent, parce qu'il y a beaucoup de transactions bloquées dans le moment, parce que les jeunes agriculteurs attendent le projet de loi. Ils attendent depuis plus d'un an. J'espère que, la semaine prochaine, le ministre déposera ce projet de loi. Voilà un projet urgent, un projet pertinent, plus urgent que celui que nous étudions cet après-midi.

Le projet de loi no 63, Loi sur la Raffinerie de sucre du Québec, ne change rien aux pouvoirs de la raffinerie. Celle-ci n'avait pas besoin de ce projet de loi pour réaliser son projet de modernisation. La preuve, elle n'avait pas cette loi et elle a entrepris son projet. Le budget prévu aurait-il été dépassé? La raffinerie aura-t-elle besoin d'argent pour compléter ces améliorations? On a dit au début que le premier projet de modernisation, semble-t-il, était aux environs de 10 000 000 $ à 12 000 000 $, en 1978. Nous sommes passés, nous avons évolué au cours des années et plus cela passe, plus cela devient dispendieux. C'est passé à 30 000 000 $ en 1979. En 1981 - je vois ici un article du journal Le Régional, avec une photo du ministre - on est rendu à 33 000 000 $. C'était en avril 1981. Le 26 octobre 1981, projet d'investissement de 45 000 000 $. Nous sommes rendus, d'après le Soleil du 2 juin 1982, à 53 500 000 $. Il est à prévoir que ce projet engendrera des investissements de 75 000 000 $ à 90 000 000 $, si on continue avec la forme pyramidale engendrée depuis que le ministre est à son poste.

La récente histoire de la raffinerie de sucre de Saint-Hilaire constitue un véritable roman; non seulement la réalité dépasse la fiction, mais encore l'obsession maladive du ministre, lorsqu'il s'agit d'accroître l'autosuffisance alimentaire, trouve là son paroxysme. Nous ferons un bref rappel historique. Je ne remonterai pas à 1943. J'ai laissé le ministre faire ses commentaires. Commençons à l'époque moderne, c'est-à-dire une fois que l'agriculture est née au Québec, après 1976, selon le ministre. (16 h 30)

Le 3 mars 1978, le ministre confiait au conseil d'administration de la raffinerie le mandat de rechercher les moyens les plus susceptibles d'absorber, d'assurer la rentabilité de l'entreprise et de lui faire rapport à cet effet. Le conseil d'administration précisait, dans les mois qui suivirent, les objectifs nécessaires à la réalisation de ce mandat. Ainsi, dans un premier temps, il fallait, premièrement, voir sous quelles conditions les activités de la

raffinerie pourraient se rentabiliser à court terme et avec les équipements existants; deuxièmement, établir si, à moyen ou à long terme, une modernisation ou un agrandissement des moyens de production permettrait d'atteindre l'objectif de rentabilité; troisièmement, estimer si l'approvisionnement potentiel en betteraves sucrières et le marché du sucre étaient suffisants pour garantir l'exploitation efficace de nouveaux moyens de production; quatrièmement, évaluer la possibilité de transformer l'entreprise en firme leader, soucieuse de mettre au point de nouveaux produits.

Le 20 juin 1978, le conseil d'administration de la raffinerie remettait au ministre, M. Garon, ses recommandations contenues dans un rapport intitulé "Étude de la situation de l'entreprise et recommandations pour l'avenir", dont copie fut remise au ministère de l'Expansion économique régionale. Les rapports contenaient les éventualités suivantes: première éventualité, fermeture de l'usine. J'ai bien noté que le ministre avait dit tantôt que les libéraux voulaient fermer l'usine. Nous sommes en 1978. Un rapport est soumis au ministre et apporte les éventualités suivantes: premièrement, fermeture de l'usine. Les études conduites par le conseil d'administration de l'entreprise confirment que cette option doit être éliminée. En effet, il est démontré, au cours de ce rapport, que les conditions d'approvisionnement, de transformation et de marché permettront d'atteindre des objectifs de rentabilité de l'entreprise à court, moyen et long terme. Qui plus est, la culture de la betterave sucrière dans la région de Saint-Hyacinthe atteint actuellement quelque 5000 acres par près de 200 producteurs. En 1960, l'acquisition de la sucrerie Chatham par un raffineur de sucre de canne et sa fermeture ultérieure en 1969 a privé les producteurs agricoles ontariens d'une option de production importante dont ils déplorent encore aujourd'hui l'absence.

Deuxième éventualité du rapport de 1978: cette option maintient l'usine à sa capacité actuelle. Cette option est toujours possible, d'autant plus que la raffinerie dispose maintenant de tout l'équipement nécessaire. Néanmoins, malgré son intérêt immédiat, elle ne peut être retenue à moyen et long terme, compte tenu de la production limitée et de la rentabilité problématique qui en résulterait. En effet, les raffineries modernes, de l'avis des experts, doivent, pour être rentables, atteindre une capacité minimale de traitement de l'ordre de 3000 tonnes de betterave par jour. Troisième éventualité: expansion de la capacité de production. L'étude de praticabilité réalisée par la firme d'ingénieurs-conseils Vézina, Fortier et Associés, avec l'assistance de la firme Barré, Pellerin, Lemoyne et Associés, du fabricant allemand BMA et des experts conseils américains Stern's Rodger's, entre autres, démontrent que les équipements acquis de l'usine Triple A, de Easton, Maine, peuvent être réinstallés dans l'usine actuelle de Saint-Hilaire à leur maximum d'efficacité à un coût de 29 000 000 $, 1979. L'usine aurait ainsi la capacité de traiter 3600 tonnes métriques de betteraves par jour et une production d'environ 100 000 000 de livres de sucre semi-raffiné par an. Le travail de démantèlement, de remise à neuf et de réinstallation des équipements serait exécuté pendant les périodes d'intercampagne, soit du 15 janvier au 15 septembre dès 1980 et jusqu'en 1984, de façon à ne pas interrompre la transformation des betteraves dont la culture ne doit pas être suspendue puisque l'approvisionnement de l'usine doit augmenter progressivement.

Ce montant de 29 000 000 $ était le résultat d'une étude détaillée et minutieuse de chacune des pièces d'équipement des usines de Saint-Hilaire et d'Easton. Les frais de remise à neuf des équipements eux-mêmes ont fait l'objet de soumissions à prix ferme et indexées de la Société BMA, pourvu que les travaux soient entrepris dès cet automne, c'est-à-dire 1980. Les ingénieurs ont estimé suffisante, sûre et précise leur évaluation du coût des travaux pour ne prévoir qu'un coussin minimal de 5% pour les imprévus. L'échéancier très serré des travaux fut fourni aux pages 86 à 90 du rapport Vézina. Il est à noter que cette estimation devait être haussée de plusieurs millions de dollars si les travaux ne pouvaient être entrepris dès le 15 janvier de cette année-là, puisque l'ensemble du projet aurait été retardé d'un an.

Le 11 octobre 1978, le ministre de l'Agriculture informait le conseil d'administration que le Conseil des ministres autorisait l'achat des équipements d'Easton, dans le Maine, et la poursuite du projet sous réserve de démontrer ultérieurement la rentabilité et la viabilité de la troisième solution dans ces conditions et le ministère de l'Agriculture se chargeait de mettre au point une politique de développement de la culture de la betterave sucrière. Après autorisation du Conseil des ministres du gouvernement du Québec, la Raffinerie de sucre du Québec devenait propriétaire de ces équipements le 19 octobre 1978. Le 21 novembre 1979, le gouvernement du Québec autorisait la raffinerie de sucre à entreprendre un programme d'expansion et de modernisation pour porter la capacité de traitement de l'usine de 1450 à 3630 tonnes de betteraves par jour. Le ministère de l'Expansion économique régionale du Canada faisait, pour sa part, le 18 avril 1980, l'offre d'une subvention au montant de 6 700 000 $ au terme de sa loi constitutive, offre

acceptée le 1er mai suivant. Nous verrons si le gouvernement émettra des actions à même le capital au gouvernement du Canada pour cette subvention.

Grosso modo, ce programme prévoyait la réinstallation dans l'actuelle usine de Mont-Saint-Hilaire dont on devait démanteler les vieux équipements des machines de plus grande capacité acquises en 1978 à Easton, dans le Maine, de l'usine Triple A Sugar. La capacité devait atteindre 3600 tonnes par jour le 1er octobre 1982.

Les demandes de subvention au ministère de l'Expansion économique régionale. Le budget établi pour cette opération était de 34 326 000 $, bien que dans sa forme initiale il était de 29 000 000 $, comme mentionné ci-dessus. Il devait être financé d'abord par les bénéfices non répartis, les profits accumulés non retournés au revenu consolidé de la province de la raffinerie, par un apport de capital de 17 000 000 $ du gouvernement du Québec et, enfin, par une subvention de 6 700 000 $ du ministère de l'Expansion économique régionale du Canada. À la même époque, d'autres études d'experts en raffinage et produits de substitution démontraient clairement qu'il ne fallait pas trop compter sur la rentabilité de l'extraction du sucre de betterave, compte tenu de l'importance que prend de plus en plus la technologie reliée aux édulcorants de synthèse, en particulier, le sirop de maïs à haute teneur en fructose, cette technologie qui permet d'obtenir un produit de 50% à 70% moins cher que la sucrose.

Les États-Unis et l'Ontario, de leur côté, ont déjà perçu les besoins réels de l'industrie de la transformation et se sont d'ailleurs orientés dans cette voie. Quoi qu'il en soit, l'usine Triple A Sugar a été achetée; coût effectif d'acquisition, 1 700 000 $ américains, plus 10 000 000 $ de prévus pour démonter et réinstaller le matériel à Saint-Hilaire. Jusque-là, on assiste à ce qu'on pourrait appeler familièrement du pétage de bretelles de la part du ministre. On parle d'un train de mesures pour encourager la culture de la betterave; programme de subvention pour la stabilisation des prix: subvention pour chaque acre de plus affectée à cette culture, pour autant que le producteur a signé son contrat de cinq ans; subvention pour l'acquisition du matériel agricole: 30%. Programme d'éducation des producteurs: on rend publique une politique sucrière authentiquement québécoise devant permettre de faire passer le taux d'autosuffisance du Québec de 4% à 17%. On est alors en décembre 1979. (16 h 40)

Tout à coup, moins d'un an et demi plus tard, le ministre annonce un autre plan d'expansion de la raffinerie de sucre. En mars 1981, le Conseil des ministres autorise l'injection de 5 400 000 $, augmentant ainsi la capacité de raffinage de 40%, c'est-à-dire de 3630 tonnes métriques à 5080 tonnes métriques.

Officiellement, cette nouvelle expansion est rendue possible par l'emploi de nouvelles techniques qui permettent de conserver l'ancien équipement de raffinage et d'y ajouter celui qui a été acquis de la raffinerie américaine. Elle permet aussi, toujours officiellement, d'éviter l'interruption de la production au moment où seront installés les nouveaux équipements.

Le deuxième plan devait porter la capacité de raffinage de l'usine à 600 000 tonnes par année, soit la quantité cultivée sur une superficie de 12 000 hectares, 25 000 acres.

En plus, de nouvelles techniques de séchage et d'entreposage permettraient une plus grande récupération de la pulpe de betterave, un aliment pour bétail, le ministre profitant de cette annonce pour inciter les indécis à voter pour un bon gouvernement. Nous étions en mars 1981.

Vers la même époque, M. André Marier, le P.-D.G. de la raffinerie, soumettait ce deuxième projet d'expansion au ministère de l'Expansion économique régionale du Canada, afin d'aller recueillir quelques fonds supplémentaires du gouvernement fédéral. L'on y apprend qu'à la lumière des études d'ingénierie, il semble qu'à l'exception des étapes de la diffusion, de l'évaporation et de la purification, toutes les autres étapes du raffinage du sucre brut peuvent traiter une capacité de 5080 tonnes métriques avec quelques modifications aux installations, modifications déjà prévues dans le premier projet, mais non existantes à l'époque.

On y découvre que les investissements en immobilisation, dont le prix coûtant devait s'élever à 34 326 000 $, avant toute subvention, semblent devoir s'élever à 38 589 000 $ au 28 février 1981. Cette augmentation serait attribuable aux immobilisations requises pour la réception, le laboratoire de tare, l'échantillonnage de sucre et les empileuses.

De plus, l'on se serait rendu compte, à la suite d'études et de visites de sucreries aux États-Unis et en Europe, que les méthodes de manutention utilisées jusque là étaient responsables de pertes en sucre anormalement élevées durant la période d'entreposage.

Les pertes, estimait-on, étaient suffisantes pour affecter la rentabilité de la production, autant à l'usine qu'à la ferme. Il fallait donc réviser tout le matériel et les installations impliqués dans la réception pour faire passer leur capacité de 12 000 jusqu'à 40 000 voire 50 000 tonnes de betterave par jour de façon à pouvoir recevoir toute la récolte durant six à quinze semaines au lieu des cinquante jours traditionnels.

Cela constituait, M. le Président, faut-il le dire, un véritable non-sens. Ce serait beaucoup trop capitaliser pour une si faible période. C'est totalement irrationnel vis-à-vis des décisions que les producteurs doivent prendre pour raccourcir les délais.

Enfin, bref, pour justifier une augmentation de 12,4% par rapport aux prévisions de 1979, les experts de la raffinerie se sont même permis d'ajouter: "L'écart observé pour la raffinerie n'est absolument pas attribuable à une quelconque faiblesse de contrôle et de gestion. Il est, pour l'essentiel, le résultat de décisions conscientes imposées par un surcroît de connaissances."

On veut justifier le fait que, d'une étape à l'autre, le projet est toujours de plusieurs millions plus élevé, toujours non réalisé, mais toujours plus dispendieux. On est encore à la conception purement et simplement. On dit que ce n'est pas l'effet d'une mauvaise administration, mais le résultat de décisions conscientes - on aurait plutôt été porté à croire que c'étaient des décisions inconscientes - imposées par un surcroît de connaissances - je laisse aux auditeurs le soin de juger - ou par l'évolution de la technologie et pour le reste, d'erreurs d'estimation inévitables. Cela peut aller pour 3%, 4% et 5%, mais rendu à 10 000 000 $, 15 000 000 $ et 20 000 000 $, cela devient exagéré.

Finalement, sous prétexte que les travaux visant à démonter les équipements jugés désuets se révélèrent beaucoup plus longs que prévu - l'on devait exécuter ces travaux en intercampagne, c'est-à-dire entre janvier, février et août, septembre, pour ne pas fermer pendant toute une année - le conseil d'administration en vint à la conclusion, toujours selon la demande au ministère de l'Expansion économique régionale, qu'il vaudrait mieux ne pas démanteler les équipements de 1450 tonnes par jour de l'usine originale pour les garder prêts à commencer le traitement de la récolte 1982, en cas de retard, et agrandir, sans être gêné par les campagnes, un nouveau bâtiment pour loger les équipements de 3630 tonnes par jour. Il s'agit d'une orientation complètement différente dans le projet d'expansion. L'on a eu le culot de spécifier qu'il s'agirait d'une modification majeure au projet impliquant des investissements additionnels importants, pour lesquels la Raffinerie de sucre du Québec sollicitait un supplément de subvention à être fourni par le gouvernement fédéral.

L'on affirme que, pour la raffinerie, l'avantage principal du projet d'expansion à 5080 tonnes par jour résidait dans l'amélioration très sensible de la rentabilité de l'entreprise. Les bénéfices nets seraient, d'ici à 1986, 50% plus élevés qu'avec une usine de 3630 tonnes. L'on y voyait même la possibilité d'augmenter les surfaces en betteraves de 40%, soit de 8000 hectares à plus de 11 000 hectares.

Réponse du ministère de l'Expansion économique régionale: Nous ne pouvons appuyer le nouveau projet soumis par le requérant. La situation, en effet, n'avait que bien peu évolué depuis la première demande. Les problèmes essentiels, approvisionnement en betteraves sucrières, n'avaient toujours pas été résolus et, bien plus, le projet tel que présenté ne visait qu'à maquiller une situation aussi aberrante qu'incroyablement dispendieuse. C'est une aventure, M. le Président, une aventure politique, bien que le projet original ait eu un fondement valable, et on ne connaît toujours pas encore, à cette étape, le véritable coût.

La vraie histoire des plans d'expansion. Dans ses fantasmes bien connus sur l'autosuffisance à n'importe quel prix, le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation se mit donc dans la tête d'agrandir la raffinerie de sucre de Saint-Hilaire en dépit de l'avis d'économistes chargés du dossier à son ministère. Sous l'impulsion de M. François Dagenais, alors sous-ministre adjoint, le ministre mit tout en oeuvre pour que le projet d'acquisition de l'usine Triple A Sugar aux États-Unis se fasse et ce, dans les plus brefs délais. Une première erreur déjà impardonnable. Le matériel de l'usine américaine s'avéra être inutilisable à 50%, compte tenu de l'état de détérioration dans lequel les équipements se trouvaient lors de l'achat.

Deuxième erreur, les plans et devis des firmes d'ingénieurs payées à gros prix - au moins 5 500 000 $, d'après ce qu'on nous dit, trois fois plus que prévu, parce que pour le premier projet on parlait de 1 500 000 $...

Une voix: C'est faux!

M. Mathieu: Les plans d'ingénieurs furent tellement truffés d'erreurs que l'on ne put même pas réinstaller le matériel américain, plus beaucoup de matériel canadien acheté en vitesse et, paraît-il, sans soumissions, pour remplacer les... (16 h 50)

M. Garon: Question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de règlement, M. le ministre.

M. Garon: Le député dit des faussetés, M. le Président, puisque tout l'équipement de l'usine a été réutilisé et si le député...

M. Paradis: Question de règlement ...

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

M. Paradis Ce n'est pas une question de privilège.

M. Garon: Quand le député dit qu'il y a de l'équipement... Tout l'équipement dont on a besoin a été utilisé pour la raffinerie et si des parties n'ont pas été utilisées... Il y a des limites à dire des faussetés.

Une voix: ...

M. Garon: Non, non, non. Ce sont des mensonges flagrants. L'usine est bâtie essentiellement avec...

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! M. le ministre, vous pourrez utiliser votre temps de réplique pour faire valoir des faits qui ne sont pas réels à votre point de vue. M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Je retire ma question de règlement. Ce que je voulais souligner, c'est qu'il ne s'agissait pas clairement d'une question de privilège, il s'agissait tout simplement d'interrompre le député de Beauce-Sud.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Beauce-Sud.

M. Mathieu: Je suis rendu dans les erreurs qui se sont produites dans la réalisation du projet commencé et dont on ne voit pas encore la fin.

Je crois savoir, d'après mes informations, que, lorsque l'usine a cessé de fonctionner aux États-Unis, ce qui est resté dedans était tout rouillé, c'était pratiquement fini, il a fallu tout recommencer à neuf. Je pense que cela a été une erreur assez évidente.

J'en arrive à la troisième erreur, M. le Président: ne pas avoir cherché à trouver une formule pour impliquer les producteurs à la copropriété et à la gestion de l'entreprise. C'étaient eux qui approvisionnaient l'usine. Il aurait semblé normal de trouver une formule pour les intégrer à la copropriété ou au moins à la gestion de l'entreprise.

Quatrième erreur: trouver des prétextes pour agrandir davantage la raffinerie et ce, en fonction d'une utilisation optimale des ressources concernées alors qu'il s'agissait en fait de sortir le matériel américain qui ne correspondait plus aux plans et devis élaborés, de replacer tout le matériel original exactement comme il était au départ, aussi désuet pouvait-il être, c'est-à-dire garder intacte la première usine avec sa capacité de 1450 tonnes par jour et construire tout simplement en annexe à la première une aile pouvant contenir le matériel américain que l'on a pu récupérer, plus le matériel européen acheté en vitesse, à une époque où l'on pensait encore s'en tirer sans éveiller de soupçon.

Tout à l'heure, le ministre nous parlait de la possibilité de construire une autre raffinerie, mais, ça, c'est un rêve monumental, construire une seconde raffinerie. Je pense que, quand l'éléphant blanc que nous avons sur les bras fonctionnera, on ne pourra pas en faire marcher un autre à côté.

Résultat: Alors que l'on vise une mise en culture de 12 000 hectares avec le nombre de producteurs correspondant, on se retrouve cette année avec un maximum de 5500 hectares en culture qui sont en train de sécher à cause du grave manque de pluie, comme l'a souligné le ministre tout à l'heure, et environ 260 producteurs qui peuvent anticiper, semble-t-il, 17 $ la tonne sur le marché alors que de source bien informée, le prix moyen garanti est de 36,21 $. La rentabilité en prend pour son rhume, n'est-ce pas?

Même si on allait chercher nos 12 000 hectares en culture, la diminution du taux d'extraction s'identifie aux facteurs suivants: augmentation de la taille des fermes, introduction de méthodes de récolte mécanique, augmentation du rendement, soit trois objectifs que tout producteur se doit de viser.

Pourtant, en attendant, les comptes s'accumulent. Il est certain que l'on a déjà atteint les 60 000 000 $ et que l'ensemble du projet ne coûtera pas moins de 75 000 000 $, peut-être 90 000 000 $. Quand je dis ça, je veux bien, pour être clair, mentionner que ça comprend les programmes de subventions à la ferme, les programmes de rapiéçage d'assurance-stabilisation et les 30% que l'on accordait aux agriculteurs pour moderniser leur équipement à la ferme, etc.

Le ministre pourrait-il nous dire où cela en est rendu? Il n'est donc pas surprenant que l'on voie paraître un projet de loi visant à modifier le mode de financement de la société et d'en diversifier les champs d'activité. Exemple: à l'article 4, on parle de fabriquer, de raffiner, de conditionner et de mettre en marché du sucre de betterave ou autre - "autre", est-ce que cela veut dire que le ministre a envie d'acheter du sucre de canne? - et des dérivés, succédanés ou sous-produits du sucre.

Face à cet historique - et je pense que mes propos sont bien fondés parce que le ministre, tout à l'heure, voulait essayer de contrecarrer mes propos; mais je pense qu'ils sont bien fondés et la réaction du ministre en est la preuve - et à ce schéma réaliste, j'aurais à poser certaines questions au ministre. Je lui demanderais d'abord de déposer le bilan de la raffinerie au 31 mars 1982. Je voudrais savoir, dans le bilan, s'il y a moyen de ne pas confondre les profits de

fonctionnement avec les profits permanents des intérêts sur profits non répartis des années précédentes.

Il semblerait que la raffinerie aurait fait des profits peut-être trois années dans toute son existence de 40 ans et c'était à la faveur de l'augmentation cyclique des prix dans le domaine du sucre. On serait intéressé d'avoir le bilan et d'avoir les vrais profits de fonctionnement et non pas les revenus d'intérêt sur les anciens profits non répartis.

Je voudrais que le ministre nous dise quelles sont les sommes engagées jusqu'à présent dans ce projet de modernisation sous les trois étapes différentes. Je voudrais qu'il nous dise également s'il y aura d'autres étapes à venir.

Je voudrais que le ministre nous précise les bénéfices accumulés au 31 mars 1982, qu'il nous ventile les 51 000 000 $ dont il est question dans son projet de loi aux articles 18 et 19. Le ministre devrait nous dire si les 16 000 000 $ demandés sous forme de pouvoirs discrétionnaires à l'article 19... à l'article 20, pardon. Je comprends, M. le Président, que nous sommes en deuxième lecture, mais vous me permettrez de citer brièvement l'article 20: "Le ministre des Finances est de plus autorisé à verser à la société selon ses besoins, avec l'approbation préalable du gouvernement, en un ou plusieurs versements et aux autres conditions que ce dernier détermine, une somme de 16 000 000 $ pour un nombre équivalent d'actions entièrement acquittées de son capital social."

Le ministre pourrait-il nous dire si cette somme de 16 000 000 $, demandée sous forme de pouvoirs discrétionnaires, a déjà été dépensée et ne croit-il pas qu'il faudrait prévoir un montant additionnel, compte tenu des projets de grandeur du ministre?

Autre question que nous nous posons et que les producteurs se posent également. On n'est pas assuré qu'il sera possible de faire de la mise en marché du sucre avec une production de betterave limitée, tenant compte des fluctuations d'une année à l'autre à cause des aléas climatiques. Dans l'hypothèse qu'il achète du sucre brut de canne, on a déjà une surcapacité de raffinage de sucre brut dans la province. D'ailleurs, une usine, Cartier Sugar, avec une capacité de raffinage de 100 000 tonnes par année, a fermé ses portes à cause d'une non-rentabilité de l'exploitation au cours de la dernière année. (17 heures)

Nous sommes d'accord avec un projet de modernisation de raffinerie, mais un projet réaliste, un projet qui soit conforme à nos capacités de payer et également conforme aux besoins de la production. Nous doutons des raisons qui ont amené le ministre à aller aussi loin avec son projet. Il y a danger de faire de ce projet un éléphant blanc. Quand le ministre aurait pu consacrer des sommes inférieures pour la modernisation des usines de conserves provenant des mêmes sols, ayant un impact plus considérable, sur le secteur agro-alimentaire, dans une tentative d'autosuffisance additionnelle. M. le Président, nous ne sommes pas intéressés à donner un blanc seing au ministre, surtout pour réaliser un éléphant blanc. Monument à la gloire du ministre sur le dos des producteurs, projet qui n'atteindra pas le but visé.

Quel prix prévoient recevoir les producteurs avec ce projet? Les producteurs sont-ils conscients que plus on investit dans la raffinerie, moins elle sera rentable et, en conséquence, les premiers pénalisés seront les producteurs. La raffinerie ne pourra jamais payer les producteurs adéquatement. Il faudra des palliatifs, des programmes de subventions pour les indemniser, compte tenu du contrat de cinq ans qui les lie avec la raffinerie, compte tenu que ce contrat contient une disposition par laquelle la marge de revenus des producteurs va en rétrogradant d'une année à l'autre.

M. le Président, nous ne sommes pas d'accord avec la manière dont ce projet nous est présenté. Il n'y a pas assez d'éléments pour voir les véritables retombées à l'égard des producteurs et nous trouvons que c'est une mauvaise utilisation des fonds publics. Combien va coûter le projet finalement? À trois moments différents, le projet a été présenté, représenté, et "rereprésenté", toujours en augmentant d'une manière astronomique. Est-on sûr que ce troisième projet est le dernier, M. le Président? Est-on sûr? Quelles seront les étapes de réalisation?

Au lieu de parler de choses tout à fait non pertinentes tout à l'heure, nous aurions été intéressés à entendre le ministre nous parler des étapes de la réalisation et j'espère qu'il le fera dans sa réplique. Surtout la grande question que tout le monde se pose: ce projet sera-t-il rentable? Nous préférons un projet avec des débuts modestes, quitte à le grossir, M. le Président, selon le bon sens, les moyens et la capacité.

Nous croyons qu'il s'agit d'une mauvaise planification avec diverses modifications en cours de route, avec des travaux réalisés, des engagements pris avant même que le projet de loi ne soit voté. Si ce projet de loi était tellement nécessaire, M. le Président, pour assurer la modernisation de la raffinerie de sucre de Saint-Hilaire...

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader du gouvernement, question de règlement.

M. Bertrand: M. le Président, je m'excuse auprès du député de Beauce-Sud. Votre nom, vous? Est-ce que j'ai le droit de

faire une question de règlement? Merci, infiniment, M. le Président. Je ne voulais pas interrompre le député de Beauce-Sud, je m'excuse auprès de lui. Il pourra continuer son discours. Comme je viens d'apprendre que la présidence a rendu une décision à la commission parlementaire qui étudie le projet de loi no 37, décision qui fait en sorte que les travaux de cette commission sont ajournés jusqu'à lundi matin, 10 heures, je voudrais indiquer immédiatement ici en en faisant motion et en informant les collègues que, ce soir, la commission parlementaire des communications qui étudie le projet de loi no 65 siégera à la salle 81-A au lieu de la salle 91-A.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Très bien. M. le député de Beauce-Sud.

M. Mathieu: Merci, M. le Président. Je dois donc reprendre ma dernière phrase, M. le Président. Nous croyons qu'il s'agit d'une mauvaise planification avec diverses modifications et de travaux réalisés et engagements pris avant même que le projet de loi ne soit voté. M. le Président, nous nous demandons si ce projet de loi no 63 n'est pas tout simplement une opération de camouflage pour cacher des mauvaises décisions. M. le Président, je le répète, en concluant: Nous sommes d'accord avec une modernisation de la raffinerie de sucre pour en assurer la survie, assurer de meilleurs services aux producteurs, mais nous sommes contre ce projet d'éléphant blanc, contre ce projet de loi également qui pénalisera les producteurs et qui sert simplement à dilapider les fonds publics sous le couvert de la promotion de l'autosuffisance. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député d'Arthabaska.

M. Jacques Baril

M. Baril (Arthabaska): M. le Président, je ne sais pas si c'est parce que c'est un vendredi après-midi et qu'on a fait, je pense, une bonne semaine, mais j'ai de plus en plus de difficulté à comprendre le député de Beauce-Sud. Il se dit contre le projet de loi no 63 tel que présenté. Pourtant...

M. Mathieu: C'est un éléphant blanc!

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! S'il vous plaît! S'il vous plaît! Je vais demander votre collaboration comme à l'ordinaire pour que cette Assemblée puisse continuer d'une façon normale. M. le député d'Arthabaska.

M. Baril (Arthabaska): M. le Président, le député de Beauce-Sud parle contre le projet de loi tel que présenté. Il dit qu'il est trop gros, trop volumineux, qu'il ne répond pas aux besoins et, en même temps, il dit qu'il faut moderniser, qu'il faut augmenter la capacité de production de la raffinerie de sucre pour répondre aux besoins des producteurs. Il y a réellement de quoi, je pense, en perdre son latin pour ceux à qui il reste encore quelques mots. Il parle d'un éléphant blanc, d'un achat d'équipement qu'on a acquis d'une compagnie des États-Unis, du Maine, qui a été utilisé à peu près à moitié, équipement qui était rendu au point qu'il était sous-utilisable. Pourtant, ce que le gouvernement du Québec a acheté, c'est une usine qui avait fonctionné environ deux ans et demi aux États-Unis. Ils l'ont fermée non pas parce que la machinerie n'était pas bonne. C'était une raffinerie ultramoderne. La cause de la fermeture de cette entreprise, c'est que les producteurs américains ne produisaient pas de betteraves à sucre. Ils ne pouvaient pas rentabiliser la compagnie, parce que les producteurs ne produisaient pas de betteraves à sucre, il était plus payant pour eux de produire des pommes de terre. Donc, qu'on ne vienne pas nous dire que c'étaient des matériaux qui étaient finis, qui étaient sous-utilisables et qu'on a fait un gaspillage extraordinaire.

Il ne faut réellement pas se souvenir, pour reculer loin en arrière, quand on dit qu'on est en train de construire un éléphant blanc. J'ai plus confiance que cela en l'avenir de l'économie du Québec, j'ai plus confiance que cela aux producteurs agricoles en général. La raffinerie de sucre dont on discute présentement sera beaucoup plus rentable et sera un éléphant beaucoup moins grand et beaucoup moins blanc que le Stade olympique que nos prédécesseurs ont construit et qu'ils nous ont laissé. Quand on parle d'éléphant blanc, je trouve cela un peu extraordinaire de voir, avec le projet de loi no 63, qu'on nous dis que c'est quasiment une catastrophe, au lieu d'essayer de démontrer qu'on a confiance en l'avenir des agriculteurs, en l'avenir de l'économie québécoise.

Le député de Beauce-Sud disait également que ce projet de loi ne changeait absolument rien, que la raffinerie de sucre avait exactement tous les pouvoirs qu'on peut lui donner par cette loi. Pourtant, quand je regarde le projet de loi, je m'aperçois que la raffinerie de sucre était constituée uniquement par des lettres patentes qui datent de 1943. Cela fait cinq ans et demi, bientôt six ans que je suis ici. Cela fait bientôt six ans que le gouvernement du Parti québécois travaille à améliorer les lois, à changer des lois et à en voter des nouvelles pour améliorer le sort de l'économie québécoise. Si on regarde les pouvoirs que les lettres patentes accordaient à la raffinerie de sucre, on dit ici que les

seuls pouvoirs qu'elle avait étaient de posséder et d'exploiter une manufacture de sucre de betterave à Mont-Saint-Hilaire. Cela s'arrêtait là, point, à la ligne. Pourtant, dans ce projet de loi, on va beaucoup plus loin que cela. On donne des pouvoirs nouveaux pour rentabiliser davantage la raffinerie de sucre, pour que le Québec s'implique dans un secteur d'où il avait été pratiquement absent, même si on avait en 1943 créé ou construit, acheté la raffinerie de sucre. (17 h 10)

La nouvelle loi donnera les pouvoirs à la raffinerie de fabriquer, de raffiner, de conditionner et de mettre en marché du sucre, de betterave ou autre. Le député de Beauce-Sud tout à l'heure s'est posé beaucoup de questions sur le mot "autre". Je pense que si on ne veut pas être obligé de revenir dans un an, deux ans ou trois ans, il faut faire les lois en conséquence pour ouvrir le champ d'action à tout ce qui peut se présenter au Québec pour que nos sociétés d'État ne soient pas encarcanées et qu'elles puissent fonctionner dans, je ne dirais pas des critères, mais une orientation que le gouvernement lui a donnée. Également, on lui donne le pouvoir de mettre en marché différents produits, des succédanés ou des sous-produits du sucre ainsi que toute activité industrielle, agricole, commerciale ou de recherche utile. Je vais m'en tenir à cet article 1, je n'irai pas aux autres articles, parce que je vais vouloir expliquer davantage l'implication au niveau agricole de cet investissement qui est quand même très important.

Je tenais quand même à souligner et à essayer de rectifier quelques renseignements que le député de Beauce-Sud nous a lancés tout à l'heure. J'aimerais connaître ses sources d'information; il disait qu'il y avait la moitié du matériel qui n'avait pas été utilisé, que c'était un éléphant blanc, que c'était un mauvais investissement. Chose certaine, comme dans bien d'autres affaires, nous n'aurons à peu près jamais de réponses, à savoir où ces renseignements ont été obtenus.

D'abord, l'impact au niveau agricole. Si on voulait que les agriculteurs produisent la betterave à sucre, il fallait d'abord les assurer d'une transformation adéquate de leurs produits. Si on se souvient, les années passées, il y a beaucoup de producteurs agricoles, producteurs de betteraves à sucre, qui ont cessé cette production à cause de la lenteur ou de la "vieillesse" de leur entreprise qui ne pouvait transformer assez rapidement la betterave à sucre après la récolte, si bien que les producteurs subissaient d'énormes pertes.

Automatiquement, cela nuisait à leur rentabilité. C'était une production qui n'était pas rentable, pas viable. C'est pour cela qu'on avait de plus en plus de difficultés à avoir des produits. Donc, il fallait d'abord moderniser l'entreprise pour assurer les agriculteurs qu'on serait capables de transformer leur production dans une période où la betterave à sucre subit le moins de pertes possible.

Également, il fallait assurer les agriculteurs d'un revenu adéquat. Avant cela, les producteurs bénéficiaient d'un contrat annuel. Quand le prix du sucre était élevé, les producteurs semaient et, quand le prix était bas, c'est évident que les producteurs débarquaient, ils ne semaient pas. Tout cela dépend également de la rentabilité de la raffinerie.

C'est sûr que l'insécurité qui empêchait les producteurs de faire des investissements importants sur leurs terres et dans la machinerie n'aidait en rien la production de la betterave à sucre au Québec. Évidemment, cela décourageait les agriculteurs à investir sur leurs terres pour augmenter le plus possible le rendement à l'acre. Bref, la betterave était perçue comme une production hautement spéculative et non pas une production dans laquelle on se lance pour de bon, à laquelle on peut se fier, où il y a de l'avenir.

Un autre facteur qui jouait contre la productivité était le mode de paiement aux producteurs. Avant 1971, on payait les producteurs au poids, ce qui les incitait à faire les betteraves les plus grosses possibles, mais pas nécessairement les meilleures ou les plus sucrées. C'est de la modernisation de l'agriculture. Je me souviens que quand j'étais petit gars, nos grands-pères et nos pères faisaient le foin où il était le plus haut. Ce n'était pas la qualité, c'était la longueur du foin qui comptait pour dire quand commencer à faire les foins. Ce n'était pas rare de voir... Le 1er août, les agriculteurs qui avaient fini de faire les foins à ce moment-là, étaient considérés très hâtifs. Aujourd'hui, au mois d'août, des agriculteurs sont rendus à la troisième coupe de foin. Quant à la betterave à sucre, c'est une façon plus moderne d'exploiter ce produit le plus adéquatement possible.

Entre 1971 et 1977, on a payé les producteurs en fonction de la qualité totale de sucre produit, à partir de l'ensemble de la récolte, ce qui veut dire qu'on prenait un échantillon dans le tas, dans la réserve, et on se basait sur le pourcentage de la quantité de sucre de la récolte pour payer les agriculteurs. C'était mieux, mais cela ne permettait pas de récompenser les efforts individuels, ce qui veut dire que, si un agriculteur faisait des efforts pour avoir une betterave avec un pourcentage de sucre très élevé, il n'avait aucun encouragement, parce que c'était la moyenne qui comptait. Encore là, il était perdant.

En 1977, les producteurs sont payés en fonction de la teneur en sucre des betteraves

qu'ils livrent à la raffinerie grâce un système d'échantillonnage et d'analyse à chaque chargement, ce qui veut dire que l'agriculteur qui fait des efforts pour améliorer la qualité de sa betterave à sucre est payé en conséquence et celui qui fait plus ou moins d'efforts - aujourd'hui, je sais que ces agriculteurs sont de moins en moins nombreux - est payé selon sa propre production.

Je ne répéterai pas, je vais essayer d'être assez rapide. Le ministre de l'Agriculture nous a fait mention tout à l'heure que la production de betterave à sucre au Québec avait augmenté dans les dernières années d'une façon extraordinaire.

En 1981, nous avons changé le mode de paiement par l'assurance-stabilisation. Encore là, on a vu les agriculteurs beaucoup plus encouragés à investir. Avec l'assurance-stabilisation, les agriculteurs se sont encore assuré un revenu plus adéquat.

J'écoutais encore tout à l'heure le député de Beauce-Sud, qui me surprend chaque fois qu'il prononce un discours, s'apitoyer sur le temps sec qu'il fait. C'est vrai que c'est bien triste actuellement de voir qu'il ne pleut pas sur nos terres, parce que l'agriculture dépend de la nature et, quand on dépend de la nature, ce n'est pas facile. Il disait donc que, cette année, les agriculteurs vont subir d'énormes pertes, parce qu'il ne pleut pas. Il essayait, par cet exemple, de justifier le non-investissement du gouvernement dans une entreprise moderne. S'il fallait que le gouvernement, un agriculteur ou une compagnie quelconque investissent seulement quand ils sont certains que cela va bien aller, on n'aurait pas tellement d'investissements au Québec et, en matière agricole, je pense qu'on serait loin d'en être là où on en est.

Tout ceci, M. le Président, prouve une chose. S'il fallait que les libéraux soient encore au pouvoir, s'il fallait que l'Opposition, que les gens qui sont en face de nous soient de ce côté-ci, comment se porterait l'agriculture? Imaginez-vous comment se porterait l'agriculture, ce serait effrayant, parce qu'ils sont contre la modernisation. Ils ne croient pas, comme ils n'y ont jamais cru, à la volonté, à la capacité et à la fierté des agriculteurs d'être capables de se nourrir, d'être capables d'alimenter tous les citoyens et citoyennes du Québec.

Si je me réfère aux propos qu'ils tiennent en face de nous, cela signifie qu'on revient aux politiques d'antan, comme quand on nous disait: Nous, au Québec, sommes capables de faire uniquement du lait. Donc, faisons du lait. Même si la poudre nous sort par les oreilles et qu'on ne sait plus quoi faire avec elle, faisons du lait quand même, parce qu'on est seulement capables de faire cela.

Je donnerais beaucoup d'autres exemples. Je pourrais citer le chef de l'Opposition qui a déjà dit qu'on devrait laisser à l'Ouest la chance de faire du blé, des céréales, du boeuf et, nous autres, nous confiner dans le lait, parce qu'on est seulement capables de faire cela, mais je vais m'arrêter là, M. le Président, et j'invite les autres députés de l'Opposition qui vont parler à ne pas se baser sur le discours du député de Beauce-Sud. Je les invite à tenir des discours beaucoup plus positifs, des discours qui peuvent donner beaucoup plus confiance aux Québécois et aux Québécoises pour que l'ensemble de l'économie du Québec se porte mieux. Merci, M. le Président. (17 h 20)

Le Président suppléant (M. Boucher): M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, je voudrais simplement apporter une rectification à ce que j'ai dit tout à l'heure, après avoir pris l'information. Le président de la commission parlementaire qui étudie le projet de loi no 37 s'est prévalu de l'article 44. Il n'a pas ajourné la séance, il l'a suspendue, comme le dit le règlement, pour un temps déterminé, c'est-à-dire jusqu'à dix heures, lundi matin. Je voudrais que ce soit bien compris que la commission parlementaire qui étudie le projet de loi no 37 article par article va siéger lundi matin, à dix heures.

Le Président suppléant (M. Boucher):

Merci. M. le député de Huntingdon.

M. Claude Dubois

M. Dubois: M. le Président, le projet de loi no 63 auquel le gouvernement nous convie à étudier aujourd'hui et qui traite de la Société de la raffinerie de sucre du Québec s'inscrit bien dans la foulée des mesures extranationalistes que le premier ministre annonçait il y a quelques années. Cette politique sucrière du Québec commence à prendre de plus en plus la forme évidente d'un nouveau petit SIDBEC intégré.

Le principal objectif de ce projet de loi est d'autoriser le ministre des Finances à injecter une quarantaine de nouveaux millions de dollars, mais le pire, c'est que ce fabuleux montant ne sera certainement pas suffisant pour satisfaire l'appétit féroce du ministre de l'Agriculture. Il m'apparaît évident que, tôt ou tard, il faudra réinjecter un autre montant de 25 000 000 $ ou 30 000 000 $ dans cette farfelue aventure conçue de toutes pièces par le ministre de l'Agriculture. Aussi, je dois signaler à cette Assemblée que cette injection massive de capitaux va carrément à rebours du virage technologique que le roi du désastre économique proposait à sa nation, il y a à

peine quelques semaines.

Il m'apparaît extrêmement important de souligner que la demande pour le sucre raffiné est continuellement en baisse sur les marchés industriels puisque les édulcorants à haute teneur en fructose à base de mai's prennent de plus en plus d'ampleur et, à titre d'exemple, l'industrie américaine des boissons gazeuses emploie les édulcorants de synthèse à 90% de leurs besoins.

Ce virage technologique dans l'industrie du sucre a, jusqu'à maintenant, contribué à la construction de trois usines en Ontario afin de produire des édulcorants à base de maïs. Je dois aussi souligner la baisse de consommation de sucre per capita qui fut de l'ordre de 13%, entre 1973 et 1978, au Canada.

M. le Président, je voudrais bien être le plus objectif possible quand il s'agit de production pouvant permettre d'atteindre un meilleur degré d'auto-approvisionnement. Je voudrais bien également accorder le plus grand bénéfice du doute possible sur tout projet qui permettrait de transformer au Québec une production agricole bien de chez nous. Mais je veux tout simplement être bien certain que cette opération sera économiquement rentable et socialement justifiable.

À ma connaissance, aucune étude sérieuse et objective n'a prouvé, jusqu'à maintenant, que la politique sucrière de M. Garon qui, une fois totalement en place, ira chercher un minimum de 75 000 000 $ en fonds publics, sera, pour les Québécois, une chose acceptable, M. le Président? Il faut se souvenir qu'à la fin de 1979, le gouvernement dévoilait son projet d'investissement de 32 700 000 $ pour l'expansion et la modernisation de la raffinerie de sucre de Saint-Hilaire. Ce projet était conditionnel à une subvention du gouvernement fédéral de l'ordre de 6 700 000 $. Cette subvention fut effectivement consentie par le ministre de l'Expansion économique régionale. Mais, aujourd'hui, ce n'est plus 32 700 000 $ qui sont en cause, mais c'est plutôt environ 75 000 000 $, au minimum, que ce projet coûtera, une fois terminé.

Dans les notes explicatives du projet de loi, on indique que l'on confie, à la société, le mandat de fabriquer, de raffiner, de conditionner et de mettre en marché du sucre de betterave ou autre et des dérivés, succédanés ou sous-produits du sucre et d'exercer toute activité industrielle, agricole, commerciale ou de recherche utile à la poursuite de ces objets.

M. le Président, ces notes du début du projet de loi m'amènent à poser plusieurs questions au ministre et j'espère qu'il répondra d'une façon claire et précise puisque son jouet de 75 000 000 $ mérite des explications et, s'il ne veut pas me répondre, il faudra tout de même qu'il explique, pour le bénéfice des contribuables du Québec, comment il dilapide l'argent.

Je retiens que le ministre semble tout d'abord vouloir essayer de créer une certaine souplesse au niveau de l'administration de cette société, soit le genre que l'on retrouve dans l'entreprise privée. Sur ce plan, je dois dire que je suis d'accord, mais pour autant que les gens du conseil d'administration connaîtront à fond ce que c'est que gérer, administrer et opérer une usine aussi complexe.

À première vue, il ne me semble pas que les administrateurs aient cette connaissance approfondie si nécessaire à toute réussite dans un secteur industriel aussi capricieux et aussi vulnérable. Également, il confie comme mandat de mettre en marché du sucre de betterave ou autre. J'aimerais que le ministre nous dise maintenant s'il a l'intention de raffiner du brut de canne et, si oui, il pourrait tout de suite acheter Cartier Sugar de Montréal qui a fermé ses portes à cause de la non-rentabilité dans ce genre d'opération et aussi parce que nous avons un surplus de capacité de raffinage ici au Québec.

Le bon ministre de l'Agriculture, tel que Mme Lise Payette l'a décrit dans son volume, pourrait aussi nous informer s'il a l'intention d'envoyer son P.-D.G. cultiver quelques milliers d'acres de betterave à sucre sur les terres de l'État. Une fois parti à creuser des trous déficitaires, il pourrait tout de même créer des jobs d'été du genre OSE pour ensuite faire du "dumping" sur l'assurance-chômage fédérale.

J'aimerais, au nom de la transparence, que le ministre dise carrément aux Québécois combien de fonds publics, que l'on n'a pas, il va engloutir dans son rêve sucré. Nous savons que, quand le ministre indique des profits réalisés par sa raffinerie, c'est parce que nos taxes ont participé à payer une partie des coûts de production, par le biais de l'assurance-stabilisation, par le biais de l'assurance-récolte, et que ces coûts ne sont pas comptabilisés dans les états financiers de la raffinerie puisqu'ils proviennent du budget du ministère de l'Agriculture.

Le ministre pourrait peut-être aussi dévoiler à cette Chambre l'état des profits et pertes de la raffinerie pour l'exercice qui vient de se terminer le 31 mars 1982, mais cette fois en comptabilisant toutes les dépenses directes et indirectes reliées de près ou de loin à la culture de la betterave à sucre et à son opération sucrière.

Il faudrait aussi être assuré que la raffinerie pourra compter, à long terme, sur la matière première nécessaire qui exigera une production sur quelque 25 000 acres de terre.

Il serait intéressant aussi de connaître, basé sur les statistiques et sur les prévisions

de la Bourse de Londres, combien il en coûtera pour supporter financièrement bon an mal an un tel volume de production. Permettez-moi d'ajouter que, basé sur les prix actuels du marché mondial, il faudrait que le ministre songe à présenter un budget supplémentaire afin que les producteurs puissent recevoir le prix qui leur est garanti.

Je ne veux que mettre en garde le ministre de l'Agriculture sur les contraintes qu'il pourrait affronter et, de tout coeur, je souhaite bien que le ministre des Finances retirera à tous les ans des dividendes sur les quelque 800 000 actions qu'il devra acheter éventuellement afin de combler les rêveuses aspirations de Jean Garon.

Le ministre de l'Agriculture devrait aussi nous entretenir sur l'achat des vieux équipements qu'il a fait dans le Maine en 1978, équipements provenants d'une usine qui s'appelle Triple A Sugar et nous faire part de ce qu'il a pu récupérer de cet achat qui a fait engloutir plusieurs millions de beaux dollars tout neufs comme si on pouvait se permettre d'en jeter par les fenêtres. Encore là, tout un virage technologique de ce bon gouvernement péquiste. (17 h 30)

M. le Président, je pourrais bien entretenir cette Chambre pendant des heures et des heures sur "l'opération sucrière" du ministre de l'Agriculture. Il va de soi qu'accéder à un meilleur équilibre de notre balance commerciale, en matière d'aliments et de production agricole, je le souhaite énormément, mais si notre société doit collectivement en payer un coût qui dépasse toute légitimité, je dois malheureusement conclure que dans des cas comme celui-ci, sur lequel nous devons, comme Opposition responsable, livrer une opinion réaliste et objective, M. le Président, le mythe de l'autosuffisance dans un secteur qui frôle l'indécence devient difficilement digérable, même compte tenu de tous les aspects d'une politique des plus agressives.

Je comprends qu'une usine à moitié complétée ne pourrait servir à personne. Même si je m'inscris en faux contre les exagérations du ministre, les fonds publics vont continuer d'être dilapidés puisque le gouvernement et ses robots électroniques adopteront ce projet de loi à la majorité, puisqu'ils l'ont en cette Chambre. Mais, étant donné que j'ai un grand respect pour les producteurs agricoles et qu'ils méritent d'être appuyés et écoutés, je ne peux pas, honnêtement, les priver d'un débouché pour une production dans laquelle ils ont, chacun d'eux, investi des dizaines de milliers de dollars en équipements, en plus d'avoir mis tout leur coeur et âme à accroître la productivité sur leur ferme respective.

Je sais que, contrairement au ministre de l'Agriculture qui rêve d'un Québec autosuffisant uniquement dans l'optique de l'indépendance, les agriculteurs, eux, désirent participer au vrai progrès de notre économie agricole, centré sur des productions viables et rentables, sans constamment être dépendants de l'État et aidés par l'État.

En terminant, M. le Président, je me dois de vous informer que la raffinerie de sucre de Saint-Hilaire présente un haut degré de vulnérabilité. Les travaux d'agrandissement ont été très mal planifiés; il y a eu une multitude d'erreurs de jugement vraiment impardonnables. Le coût final de tout cela, plus que discutable, sera de deux et demi à trois fois plus élevé que prévu initialement. Le coût public de ce rêve sera extrêmement élevé. Comme tous les Québécois peuvent le constater, ce gouvernement séparatiste continue depuis cinq ans à accumuler échec par-dessus échec et fait reculer le Québec jour après jour sur tous les plans.

Produire des betteraves à sucre et en faire du brut semi transformé, je l'accepte très bien, mais où ce dossier se gâte, c'est quand le ministre veut poursuivre l'opération de raffinage. Le ministre doit savoir que la Raffinerie de sucre Saint-Laurent, à Montréal, a une capacité de raffinage pour tout le brut que la société d'État de Saint-Hilaire pourrait lui fournir. Le ministre doit aussi savoir que notre capacité actuelle de raffinage au Québec est excédentaire de beaucoup.

Enfin, le ministre doit aussi savoir que son projet de raffinage, si mené à échéance, pourrait provoquer de 200 à 300 pertes d'emploi à la compagnie Saint-Laurent de Montréal. Je vous remercie, M. le Président.

Une voix: Très bien!

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Trois-Rivières.

M. Denis Vaugeois

M. Vaugeois: M. le Président, je vous remercie. Certains collègues, qui me voyaient me préparer à intervenir, se sont étonnés qu'un député réputé de la ville puisse intervenir sur une question comme celle-là qui semblerait, a priori, concerner les producteurs, les gens de la campagne. Je vous ferai remarquer, au départ, que nous sommes tous ou presque tous consommateurs de sucre et le degré de dépendance du Québec à cet égard peut nous préoccuper. Mais, au-delà de cette situation collective, il y a tout simplement, dans les propos tenus par les députés d'en face, des points qu'on ne peut pas laisser passer.

Je vais utiliser des souvenirs que je garde de mon séjour au Conseil du trésor, dont j'ai quand même été membre pendant à peu près trois ans et où j'ai vu à maintes reprises le ministre de l'Agriculture venir

nous rencontrer avec le dossier de la raffinerie. Il savait se faire comme à l'accoutumée fort éloquent. Je dois dire que j'ai toujours pris grand intérêt à suivre ses explications. À l'époque, par exemple, il essayait de convaincre le Conseil du trésor de l'autoriser à se porter acquéreur de ce matériel qui se trouvait au Maine. Je n'entrerai pas dans plus de détails que le temps ne me le permet. Je n'ai que quelques minutes. De mémoire, et je l'ai vérifié rapidement tout à l'heure, nous avions autorisé le ministre à dépenser un montant de 2 000 000 $ pour acheter une machinerie qui en valait, d'après nos évaluations, nous les avions contrôlées, quelque chose comme 50 000 000 $ ou 55 000 000 $.

Effectivement, la transaction a été faite, le ministre le rappelait tout à l'heure, pour quelque chose comme 1 700 000 $. Le député de Beauce-Sud arrive ici en Chambre en alléguant que le matériel n'était plus bon, qu'il était engorgé de sucre et qu'il était absolument inutilisable.

J'ai vérifié rapidement ce qu'il en était. On m'a dit qu'effectivement, il a fallu déménager et reconditionner ce matériel, mais au total toutes ces opérations avaient pu coûter quelque chose comme 4 000 000 $ et que, quant à l'histoire du sucre pris dans la machine, s'il y avait quelque chose de pris dans les machines, il semble que c'étaient plutôt des pommes de terre, puisque le problème, là-bas, c'était justement de ne plus avoir de betterave à sucre. Ce matériel aujourd'hui au Québec coûte quelque chose comme 6 000 000 $, peut-être un peu moins. Le ministre pourrait être plus précis là-dessus, s'il le veut, mais ces 6 000 000 $, c'est pour une machinerie qui en vaut à peu près dix fois plus. Au total, l'investissement du gouvernement, actuellement, compte tenu de celui qui a été fait au début, compte tenu des bénéfices non répartis, fait que l'investissement que nous propose la loi est de l'ordre de 37 000 000 $, et l'investissement cumulatif de 50 000 000 $.

Les gens d'en face veulent additionner le programme de soutien à la culture de la betterave. Quand bien même on serait à 75 000 000 $, parce qu'on a changé d'ordre de grandeur, voyons ce que valent ces investissements successifs. Pour une production inférieure à la capacité qu'aura l'usine, les Allemands qui sont venus évaluer l'entreprise l'ont évaluée à quelque 105 000 000 $ ou 110 000 000 $. Avec sa capacité, on peut parler, en faisant des projections à partir des chiffres utilisés, d'une valeur réelle très bientôt de 150 000 000 $. Ce n'est pas notre évaluation à nous, c'est l'évaluation d'experts de la République d'Allemagne. Donc, si on prend ça avec des chiffres qu'on peut toujours raffiner, avant de raffiner le sucre, raffinons-les comme on voudra, on ne peut pas dire les énormités qu'on a entendues, mais on s'en va vers une entreprise qui vaudra quelque chose comme 150 000 000 $ et qui va faire l'envie de bien des gens au point d'ailleurs que cette envie peut devenir de l'inquiétude et peut expliquer certains des discours que nous entendons.

Cette inquiétude de certains producteurs n'est pas nouvelle. Elle date de ce monopole que quelques entreprises ont eu au Québec. Remarquez qu'au départ c'était intéressant. Au moins, le monopole était québécois. Il y a un siècle, les raffineries de sucre étaient à Montréal et toute la production de sucre était chez nous, sauf peut-être pour l'Ouest, lorsque l'Ouest a commencé à se développer. Tranquillement, on a vu certains de ces entrepreneurs lorgner ailleurs, lorsqu'il s'agissait de nouvelles installations qui s'en allaient en Ontario, de sorte qu'au moment où on en parle, il reste à Montréal une entreprise qui est active dans la production de sucre raffiné, mais cette entreprise a le défaut de ces entreprises que nous avions chez nous il y a quelques années, les usines de papier, qui ne s'étaient pas modernisées.

Nous sommes évidemment inquiets devant une entreprise qui subsiste à Montréal, qui est très importante, nous ne le nions pas, que nous souhaitons voir vivre et se moderniser. Il reste que, pour l'instant, elle est de moins en moins compétitrice. Le gouvernement du Québec qui nous a précédés en 1943, était à l'époque un gouvernement libéral. Le premier ministre libéral n'a pas été parmi les plus mauvais, malgré le souvenir qu'il a pu laisser. Moi je tiens M. Adélard Godbout pour un excellent premier ministre, à plusieurs égards en tout cas. À l'époque, il avait créé une vive inquiétude en intervenant au sujet de la raffinerie de sucre. (17 h 40)

Moi, je vais vous dire, au fond, M. le Président, pourquoi je suis intervenu à ce moment-ci. À Trois-Rivières, nous conservons une légende autour des raffineries de sucre. On raconte chez nous que M. Duplessis, un peu pressé par le lobby qui, aujourd'hui, presse les gens d'en face, aurait songé à réduire l'activité de la raffinerie de Saint-Hilaire, peut-être même à la fermer, mais, surtout, il n'était pas question de lui donner les moyens de se développer. M. Duplessis, en bon nationaliste, avait eu la tentation d'élargir le mandat de la raffinerie. En bon politicien, il a laissé croire qu'il pourrait élargir le mandat de la raffinerie et cela lui a valu un certain nombre de faveurs.

L'histoire récente du Québec n'est pas assez avancée pour nous permettre d'affirmer de façon sûre des choses, mais, à Trois-Rivières, on raconte qu'entre autres choses un certain magnat du domaine du sucre aurait convenu avec M. Duplessis qu'il allait

financer la construction d'un centre de loisirs, d'un centre sportif que nous appelons chez nous le Pavillon Mgr-Saint-Arnaud. L'origine de l'argent qui a servi à la construction de ce centre est assez mystérieuse et on raconte que c'est quelqu'un qui existe encore aujourd'hui, qui était dans le domaine du sucre, et qui avait dit à M. Duplessis: Saint-Hilaire, tenez cela tranquille et moi je vais vous construire votre centre sportif.

Apparemment, il y avait comme cela un certain nombre d'autres activités complices avec M. Duplessis. On prétend que ces deux messieurs étaient de grands amis. Il n'y a pas de mal à être l'ami d'un politicien, j'en conviens. II n'y a pas de mal non plus à défendre ses intérêts. À l'époque, apparemment, il n'y avait pas beaucoup de mal à intervenir pour construire des centres sportifs et protéger son activité commerciale.

Nous, à Trois-Rivières, on ne s'en plaint pas, parce qu'on a hérité de ce centre Mgr-Saint-Arnaud où j'ai fait mes premières armes au ballon-panier, en particulier, mais il reste que, quand on est au gouvernement ou quand on est dans l'Opposition, avec les moeurs politiques d'aujourd'hui, je crois qu'il faut défendre les intérêts du Québec. Il faut se souvenir que les petites caisses électorales ne fonctionnent plus comme autrefois et que le gouvernement du Québec, à ce moment-ci - et c'est le discours que le ministre a à tenir; il le tient mieux que moi, je ne veux pas intervenir là-dessus - n'est pas seulement justifié, mais il serait coupable de ne pas aller dans le sens que propose la loi que défend aujourd'hui le ministre de l'Agriculture.

Un autre mot avant de terminer, M. le Président. C'est la tendance que marque l'importance que nous accordons dans ce projet de loi à la raffinerie de sucre de Saint-Hilaire. Cette raffinerie, pour l'instant, fonctionne à partir de la betterave à sucre. Le député qui m'a précédé s'est demandé si, éventuellement, on pourrait aussi raffiner la canne à sucre. La réponse, c'est oui, mais, pour l'instant, c'est la betterave à sucre. Ce qui est intéressant, c'est que, s'il n'y avait pas la raffinerie de Saint-Hilaire, il est probable qu'au Québec nous n'aurions pas de production de betterave à sucre, parce que les raffineries traditionnelles ne s'intéressaient pas à aller chercher leur matière première à l'étranger. Nous avons une raffinerie qui a des dimensions encore modestes, mais une raffinerie qui a maintenu chez nous la production de la betterave à sucre et, ce faisant, nous suivons une tendance qui n'est peut-être pas mondiale, mais qui est observée dans plusieurs autres pays. Entre autres, on sait qu'en Angleterre actuellement, on s'éloigne progressivement de cette espèce de monopole de la canne à sucre pour aller vers la betterave à sucre. On sait qu'aux États-Unis actuellement, c'est environ 50-50, betterave et canne à sucre. Tous les grands pays exportateurs de sucre cultivent la canne à sucre, sauf peut-être la France, qui a réussi à se glisser au deuxième rang et qui s'appuie uniquement sur la betterave à sucre avec une capacité de production qui est étonnante. Si l'Angleterre va progressivement vers la betterave à sucre, si la France réussit à être le deuxième pays exportateur à partir de la betterave à sucre, nous autres, alors qu'on a actuellement, 7% ou 8% de notre sucre provient de la betterave et que nous avons la chance d'aller vers 25%, nous refuserions cette occasion? Je pense qu'aujourd'hui, nous n'avons pas beaucoup de temps, mais, étant l'un des rares orateurs de ce côté de la Chambre, j'en profite pour dire au ministre combien nous l'admirons - pas sur une base partisane - pour l'énergie avec laquelle - je l'ai vu agir à l'époque - il a sensibilisé ses collègues, et pour l'énergie avec laquelle il a su remettre sur rail une entreprise importante dans sa région et une entreprise qui aurait même pu être menacée de fermeture. Aujourd'hui, non seulement on ne parle plus de fermeture, mais on parle d'une entreprise qui a sa place au Québec, qui a sa place dans sa région.

En terminant, je soulignerai que, là encore, nous reconnaissons bien la vigilance et la formation première du ministre, qui est avant tout un homme de loi. Je constate, dans le projet de loi, que non seulement on met à jour la vieille législation, mais qu'on en profite pour rejoindre certaines préoccupations que nos amis d'en face et que ce gouvernement ont manifestées ces dernières années. Les gens d'en face les ont manifestées alors qu'ils formaient le gouvernement. C'est d'amener les sociétés d'État à rendre des comptes, à nous dire ce qu'elles font. Cette société d'État avait un peu échappé à l'attention du Parlement pendant de nombreuses années. Le projet de loi est une occasion d'inviter la société à produire ses rapports. Si, comme parlementaires, nous voulons faire notre travail, nous aurons un outil pour évaluer le travail de la raffinerie. Également, on va inviter la raffinerie à soumettre ses états financiers au Vérificateur général. Voilà une préoccupation qui est très importante, à certains moments, dans l'Opposition.

Je m'étonne qu'aujourd'hui, il n'y ait personne qui ait su lire le projet de loi jusqu'à la fin pour se rendre compte que cette société d'État n'échapperait plus aux regards du Vérificateur général. C'est important. Également, cette société a avec le ministre des liens qui sont précisés. Le ministre pourra donner des directives, le gouvernement pourra donner des directives. Le Parlement pourra savoir ce qui se passe.

Ce sont des choses importantes. Également, cette société, malgré l'excellence de ses administrateurs actuels, pourrait, comme n'importe quelle société, se retrouver à certains moments dans le creux d'une vague. Or, la loi lui demande d'avoir un plan de développement et de le soumettre chaque année.

Voilà toute une série de petites précautions qui, mises ensemble, vont faire que cette loi va donner à la raffinerie un statut beaucoup plus significatif, beaucoup plus important par rapport au Parlement, par rapport au gouvernement, et surtout cette raffinerie trouvera le moyen d'être, pour le Québec, une occasion de plus d'échapper à la dépendance et d'aller vers les objectifs généraux que s'est donnés le ministre de l'Agriculture, l'autosuffisance sur le plan alimentaire.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Berthier.

M. Albert Houde

M. Houde: Merci, M. le Président. Aujourd'hui, nous avons à parler du projet de loi no 63, sur la raffinerie de sucre qui est construite à Saint-Hilaire. D'abord, c'est un projet de loi qui aurait pu attendre; il n'est pas urgent, surtout lorsque l'on voit ce qu'il contient. J'aurais préféré et souhaité un autre projet de loi qui aurait favorisé les jeunes qui veulent s'installer sur des terres, car beaucoup de projets sont dans l'impasse en raison de la promesse qu'avaient faite le ministre de l'Agriculture et même le premier ministre M. René Lévesque, durant la campagne électorale, dans leurs tournées des comtés ruraux. C'est vous dire que cela fait quatorze mois au moins et, aujourd'hui encore, nous n'avons pas de projet de loi de présenté devant cette Chambre.

M. Garon: Question de règlement.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de règlement, M. le ministre de l'Agriculture.

M. Garon: Le leader du gouvernement a répondu à cette question ce matin et il a dit que le projet de loi sur les jeunes agriculteurs serait déposé. Je pense qu'on devrait ramener le député à la pertinence du débat parce qu'il est complètement en dehors du sujet.

M. Paradis: Question de règlement. M. le Président, le ministre n'a pas le droit d'interrompre...

M. Garon: Le sujet sur lequel le député doit parler, c'est sur le projet de loi sur la Raffinerie de sucre du Québec. C'est là- dessus qu'il devrait parler.

M. Paradis: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Brome-Missisquoi, sur une question de règlement.

M. Paradis: M. le Président, le ministre de l'Agriculture est dans cette Chambre depuis suffisamment de temps pour savoir qu'on n'interrompt pas un député en train de parler à moins d'avoir une question de privilège.

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! S'il vous plaît! S'il vous plaît! M. le député de Berthier, vous pouvez continuer.

M. Houde: J'étais en train de dire, M. le Président, que j'espère que le ministre de l'Agriculture et son gouvernement auront entendu parler, à plusieurs reprises, par l'Opposition du côté libéral, du projet pour les jeunes concernant les 50 000 $ sans intérêt pour cinq ans. Le ministre de l'Agriculture disait tantôt que le leader du gouvernement l'avait annoncé ce matin. Je veux bien croire qu'il l'a annoncé, qu'il en a parlé - j'étais ici quand il l'a dit - mais le projet de loi n'est pas encore déposé. Il reste à peu près seulement cinq jours de session. (17 h 50)

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, est-ce que le député de Berthier est prêt à mettre 5 $ sur la table avec moi que ce projet de loi sera déposé au début de la semaine prochaine et qu'il sera adopté avant la fin de la session, si vous coopérez?

Une voix: Consentement.

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! S'il vous plaît! Je crois que vous savez fort bien, M. le député de Berthier, que vous devez prendre comme leur parole ce qui a été dit par le ministre et par le leader en particulier. M. le député de Berthier, veuillez en rester à la pertinence du débat.

M. Houde: Merci, M. le Président. Je gagerais bien plus que 5 $ pour les jeunes agriculteurs pour que le gouvernement et l'Opposition travaillent pour le bien des jeunes cultivateurs du Québec. Je gagerais bien plus que cela, mais je pense qu'on ne fait pas de pari en Chambre. Je n'en ai jamais vu encore ici, même si cela fait seulement quatorze mois que je suis ici. Je serais fier de voir enfin, après quatorze mois

d'attente, s'accomplir la promesse faite durant la campagne électorale de 1981. Le leader a dit tout à l'heure: Si on a l'approbation de l'Opposition, nous allons déposer le projet de loi et nous allons l'adopter. Comptez sur nous autres. On l'a dit la semaine dernière, on l'a dit la semaine d'avant à quelques reprises. Mes confrères l'ont dit: Le zonage, n'importe quel projet de loi pour l'agriculture, nous sommes d'accord avec cela, pour autant que cela ait du bon sens. Nous autres, nous sommes pour la classe agricole. Voyons donc, ce n'est pas d'hier, nous ne sommes pas venus au monde hier, nous autres.

Une voix: Mirabel. M. Houde: Pardon?

Une voix: Mirabel.

M. Houde: Mirabel, y a-t-il un projet de loi de déposé là-dessus? Non, je ne pense pas.

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! S'il vous plaît! M. le député de Berthier, s'il vous plaît! Veuillez parler sur le projet de loi.

M. Houde: M. le Président, j'y arrive. C'est parce qu'on me pose des questions et je veux y répondre. Je suis poli et j'ai toujours cru que, lorsqu'une question est posée, elle mérite une réponse intelligente.

Je vais faire un court historique de la Raffinerie de sucre du Québec à Saint-Hilaire. La récente histoire de la Raffinerie de sucre de Saint-Hilaire, à mon sens, constitue un véritable roman dans lequel non seulement la réalité dépasse la fiction, mais encore l'obsession maladive de M. Jean Garon, lorsqu'il s'agit d'accroître l'autosuffisance alimentaire ici.

Bref rappel historique. Il y en a peut-être qui l'ont dit tantôt, mais je veux le répéter au ministre pour qu'il le sache bien. Le 3 mars 1978, le ministre confiait au conseil d'administration de la Raffinerie de sucre du Québec le mandat de rechercher les moyens les plus susceptibles d'assurer la rentabilité de cette entreprise et de lui faire rapport à cet effet. Le conseil d'administration précisait, dans les mois qui suivirent, les objectifs nécessaires à la réalisation de ce mandat. Ainsi, dans un premier temps, il fallait voir à quelles conditions les opérations de la raffinerie pourraient être rentables à court terme avec les équipements existants; établir si, à moyen ou à long terme, une modernisation ou un agrandissement des moyens de production permettrait d'atteindre l'objectif de rentabilité; estimer si l'approvisionnement potentiel en betterave sucrière et le marché du sucre étaient suffisants pour garantir l'exploitation efficace de nouveaux moyens de production; apprécier la possibilité de transformer l'entreprise en firme soucieuse de développer de nouveaux produits.

M. le Président, le 20 juin 1978, le conseil d'administration remettait au ministre de l'Agriculture, M. Jean Garon, ses recommandations, contenues dans son rapport intitulé "Étude de la situation de l'entreprise et recommandations pour l'avenir", dont copie fut remise au ministère de l'Expansion économique régionale. Les principales recommandations du conseil d'administration étaient les suivantes: fermeture de l'usine, maintien de l'usine et de sa capacité actuelle, expansion de la capacité en production. Le ministre a entendu tantôt la démonstration du député de Beauce-Sud. Je pense qu'avec tout ce qu'il lui a dit je vais passer quelques paragraphes.

Mais, M. le Président, je me pose de sérieuses questions sur le montant qu'il veut investir ou engloutir dans la raffinerie de sucre de Saint-Hilaire. Est-ce que ce sera encore un Asbestos, un Tricofil qui, aujourd'hui, est complètement fermé, en plus d'avoir acheté une usine qu'il était question de fermer dans les semaines qui suivraient et qui a fermé aussi en plus de ça, avec l'achat que Tricofil a fait à Joliette.

Le rapport de l'exercice du 31 mars -et je pose la question au ministre de l'Agriculture - l'exercice terminé le 31 mars 1982, qui doit être déposé dans les semaines qui viennent, j'aimerais le voir déposé le plus tôt possible pour pouvoir l'étudier avec le plus de sérieux possible, et peut-être faire ensuite des recommandations au ministre.

N'est-il pas pas vrai que plus un producteur est efficace à produire la betterave à sucre, moins il en retire pour la betterave, c'est-à-dire le produit lui-même. J'aimerais aussi savoir ce que le ministre en pense. J'aimerais savoir quel prix le ministre anticipe de payer pour la betterave à sucre qui sera produite en 1982. S'il y a eu des profits pendant trois ou quatre ans - pas consécutifs - dans les 40 années environ où il s'est cultivé de la betterave à sucre, j'aimerais dire au ministre que les hausses de prix de ces années-là sont dues à la hausse du prix du sucre, qui était supérieur à celui des années précédentes.

Le reste du temps, cela a presque toujours été des déficits, même qu'une année, entre autres, je pense que le déficit a dépassé les 1 000 000 $ pour la betterave à sucre de Saint-Hilaire. Allez-vous me faire accroire que c'est une usine rentable? Qui paie la note? Je pense que ce sont les contribuables du Québec, par leurs impôts sur la paie qu'ils reçoivent régulièrement chaque semaine. Oui, comment se fait-il que le ministre, M. Jacques Parizeau, voulait, il y a quelques années, se défaire de cette usine?

Pourtant, aujourd'hui, il est dans le cabinet des ministres d'en face.

Il y a une autre question que j'aimerais poser au ministre. J'aimerais savoir combien une tonne de betterave à sucre produite au Québec donne de livres de sucre, net, au Québec j'entends, pas dans les provinces de l'Ouest.

J'écoutais le ministre dire tantôt qu'il y avait beaucoup de députés et de ministres qui faisaient partie du conseil d'administration de la raffinerie de la betterave à sucre de Saint-Hilaire et qu'il n'y en a plus aujourd'hui. Je ne sais pas ce que cela a donné de plus. Je pense qu'il n'y a pas de différence entre la rentabilité d'il y a quelques années et celle d'aujourd'hui. Cela n'a rien changé.

J'entendais tantôt le député d'Arthabaska dire qu'il ne fallait produire que du lait au Québec parce qu'on ne peut pas, on ne sait pas faire autre chose. Je pourrais peut-être lui dire en passant qu'heureusement on produit du lait. J'espère qu'il sait que nous produisons la moitié de la consommation de lait au Canada; le fédéral donne énormément de subsides pour le lait. Donc, cela avantage les Québécois, au moins.

Une voix: 130 000 000 $.

M. Houde: 130 000 000 $, cette année, pour les producteurs de lait du Québec; je suis bien content pour eux. On produit beaucoup plus de lait qu'on en consomme.

J'ai aussi entendu le ministre nous dire qu'il faudrait penser à une deuxième raffinerie de sucre au Québec. Franchement, il me dépasse, le ministre: II faudrait d'abord commencer par utiliser au maximum celle qu'on a à l'heure actuelle, qui coûte passablement d'argent, qui est presque toujours déficitaire.

Deuxièmement, il faudrait que les producteurs déjà en place aient un prix qui corresponde au coût de production. Ce serait important. À ce que je sache, en tant que député rural, lorsqu'un producteur au Québec équilibre son coût de production, il est heureux. Il faudrait qu'on en tienne compte pour les producteurs de betterave à sucre. Souvent, il arrive qu'il en manque pour boucler ce que ça peut coûter pour le faire. Qui paie encore? Toujours les mêmes, ceux qui paient des impôts à la fin de la semaine sur leur paie. Il faudrait en tenir compte ici pour que ce soit rentable une fois pour toutes et qu'on ne fasse pas un éléphant blanc avec celle-là, et encore moins avec une deuxième. Je ne vois pas une deuxième usine d'extraction de sucre de la betterave ici, au Québec, pour le moment, alors qu'on a des compagnies qui pourraient facilement extraire le sucre de la betterave. Le ministre aurait tout avantage à s'asseoir et à discuter avec elles pour rentabiliser au maximum celle que nous avons à Saint-Hilaire et peut-être créer des emplois dans les industries de Montréal qui n'attendent que cela. Si ça prend des cultivateurs pour pouvoir alimenter - oui, M. le Président, je termine, il est 18 heures - des industries comme celle-là, pour faire de la promotion, je pense que nous aurons des cultivateurs pour l'alimenter. C'est pour vous dire, encore une fois, M. le Président, que le projet de loi no 63 aurait pu attendre. J'espère, en terminant, que le ministre et le leader du gouvernement prendront avis de déposer le projet de loi pour les jeunes agriculteurs du Québec. Merci beaucoup.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Comme il est 18 heures, M. le Président, je demande l'ajournement du débat.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que cette motion d'ajournement est adoptée? Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, je ferais motion pour que nous ajournions nos travaux à lundi, 14 heures.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Nos travaux sont ajournés à lundi, 14 heures.

(Fin de la séance à 18 h 01)

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