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(Dix heures sept minutes)
Le Président: À l'ordre: Un instant de
recueillement, s'il vous plaît.
Veuillez vous asseoir.
Visite de M. Ange Barry-Battesti
Vous me permettrez de souligner la présence dans les galeries du
ministre de l'Enseignement technique et professionnel de la Côté
d'Ivoire, M. Ange Barry-Battesti.
Affaires courantes.
Déclarations ministérielles.
Dépôt de documents.
M. le ministre de l'Habitation et de la Protection du consommateur.
Rapport de la Régie des entreprises de
construction du Québec
M. Tardif: M. le Président, j'ai l'honneur de vous
présenter le rapport annuel des activités de la Régie des
entreprises de construction du Québec pour l'année
financière 1981-1982.
Le Président: Rapport déposé.
Dépôt de rapports de commissions élues.
Dépôt de rapports du greffier en loi sur les projets de loi
privés.
Présentation de projets de loi au nom du gouvernement.
Présentation de projets de loi au nom des
députés.
Période des questions orales des députés.
M. le chef de l'Opposition.
QUESTIONS ORALES DE DÉPUTÉS
M. Ryan: Le premier ministre est-il attendu ce matin?
M. Bertrand: II ne devrait pas tarder, M. le
Président.
Le Président: M. le député de Viau.
M. Cusano: Ma question s'adresse au ministre de
l'Éducation et je remarque qu'il est absent, lui aussi.
M. Bertrand: Le ministre de l'Éducation est retenu
à Montréal jusqu'à 13 heures cet après-midi.
Le Président: Mme la députée de
L'Acadie.
Les négociations avec les
omnipraticiens
Mme Lavoie-Roux: Je suis chanceuse, le ministre est là. Ma
question s'adresse au ministre des Affaires sociales. On sait que, depuis
environ un mois et demi, la population est exposée à
différents moyens de pression exercés par les omnipraticiens dans
le cadre du renouvellement de leur entente. Il y a eu six arrêts de
travail d'une journée et boycottage de tâches administratives. Les
conséquences se sont surtout fait sentir au niveau des salles d'urgence
qui souffrent d'un encombrement supérieur à celui qu'elles
connaissent déjà. Aujourd'hui, la population de Montréal
est de nouveau exposée à des arrêts de travail. On a vu ce
matin que, dans les hôpitaux anglophones de la région de
Montréal, le malaise est tel que les cliniques externes ont
été fermées. On parle même d'une grève
générale pour bientôt. Tout le monde reconnaît que le
gouvernement s'est traîné les pieds dans les discussions pour le
renouvellement de cette entente.
Je voudrais, d'abord, demander au ministre s'il est exact qu'il n'y a eu
que six séances de négociations depuis le 13 mai totalisant 20
heures. Deuxièmement, peut-il nous indiquer où en sont rendues
les négociations dans la question du redressement salarial, car
même le ministre des Finances avait reconnu dans le discours sur le
budget que les médecins, normalement, devaient avoir droit à ce
redressement salarial, étant donné que leur convention est
échue depuis maintenant au-delà d'un an?
Le Président: M. le ministre des Affaires sociales.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, il s'agit, comme on
le sait, d'un dossier vaste et d'importance pour les citoyens, dans la mesure
où, chaque fois que des mouvements de pression sont adoptés par
les médecins omnipraticiens, les citoyens eux-mêmes en voient les
inconvénients ou risqueraient, dans le cas d'un débrayage
général, d'en subir des torts qui peuvent être dangereux.
Je parlerai brièvement, d'une part, des enjeux, deuxièmement, du
rythme de la négociation, troisièmement, des
conséquences.
Les enjeux, on le sait, dans le cas du gouvernement, sont, d'une part,
de faire en sorte que ce sytème de grande qualité soit maintenu,
notamment de préserver les médecins contre l'ingérence de
la
bureaucratie entre eux et le patient. Les médecins savent
cependant qu'ils doivent, dans notre système public, accepter un minimum
de bureaucratie et de paperasserie. En ce qui concerne l'ingérence de
l'État, tant et aussi longtemps que celui qui vous parle occupera ce
poste, il n'acceptera pas qu'interviennent entre le médecin et le
patient des critères de nature bureaucratique ou des personnes qui ne
soient pas des médecins.
Deuxièmement, nous avons comme objectif au gouvernement une
meilleure répartition des médecins sur le territoire, ce pourquoi
nous avons adopté récemment, devant l'incapacité d'en
négocier le contenu, une rémunération différente
pour les médecins internes et résidents. Quant à la
négociation, nous reconnaissons, et j'ai eu l'occasion de le dire dans
le passé, qu'avant les dernières élections, il
n'était question ni pour le gouvernement ni d'ailleurs pour les
fédérations médicales de négocier. En ce sens,
elles ne nous en ont pas fait le reproche. L'été dernier a
été marqué par des périodes de consolidation et
d'analyse de celui qui vous parle comme de la part des
fédérations et, l'automne dernier, devant l'imminence du
dépôt du projet de loi no 27, il était évident que
les fédérations n'avaient pas l'intention de négocier.
D'ailleurs, elles ont profité de l'occasion de la loi 27, non seulement
pour procéder à des élections, dans le cas de la FMOQ,
mais également pour venir ici au parlement manifester leur opinion
autour de cette loi. On s'en souviendra, il y a eu des manifestations et une
journée de débrayage. Il n'était donc pas question de
négociation avant Noël à cause de cela. Je pense que tout le
monde s'entendait sur la difficulté que représentait le contexte
d'avant Noël pour négocier. J'admets sûrement qu'entre le
mois de janvier - je dirais la fin de janvier - et la mi-avril il y a eu une
période d'environ deux mois et demi de flottement, où il fallait
cependant que le ministre des Affaires sociales soit instruit des intentions
générales du gouvernement quant à la
rémunération de l'ensemble des secteurs public et parapublic. En
ce sens, il est vrai - et j'avais averti les présidents - que le
gouvernement ne pouvait pas, tant et aussi longtemps qu'il ne s'était
pas fixé sur cette orientation, approcher globalement le dossier des
médecins. Dès que cela a été fait, j'ai promis - et
je m'étais engagé auprès des fédérations -
de procéder à un dépôt global, ce qui fut fait il y
a maintenant presque un mois. Or, il n'y a eu, à partir de ce
dépôt global qui touche les offres financières, qui touche
le normatif, qui touche la grille tarifaire et qui touche les taux
eux-mêmes, que 28 heures de séance dont certaines ont
été si peu utilisées pour la négociation dans
certains cas que cela pourrait revenir à quelque chose comme 20 heures
effectivement. Dans la mesure où ces 20 heures ont eu lieu, cela s'est
fait dans un climat adéquat, mais c'est très court, 20 heures de
négociations, pour un dossier d'une telle ampleur. Et ce n'est pas la
disponibilité du gouvernement qui manque. Mes représentants sont
à la disposition de la Fédération des omnipraticiens 24
heures par jour depuis un mois. Il s'avère cependant que les
omnipraticiens ont eux-mêmes demandé, la plupart du temps, que ces
séances ne durent que quelques heures, deux ou trois heures, et qu'on
s'en réfère à certains comités techniques. Je vous
donnerai mon impression, M. le Président, profondément quant
à cela. Je pense que la négociation est en train de
déranger une stratégie d'affrontement venant de la FMOQ.
Le Président: Question additionnelle.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, le ministre pourrait-il
nous dire, compte tenu des offres qui ont été
déposées par le gouvernement aux médecins omnipraticiens,
offres qui prévoient pour le redressement... Je voudrais m'en tenir
à ce moment-ci uniquement à la question du redressement et du
rattrapage, compte tenu de l'échéance de l'entente qui remonte
déjà à plus d'un an. L'offre du gouvernement est de 14%,
mais dans ce dossier qui vient de votre ministère, compte tenu d'une
série de restrictions, l'offre réelle n'est finalement que de
4,9%. Est-ce que vous le confirmez? Je n'entrerai pas dans les détails
des restrictions. Deuxièmement, le ministre peut-il nous dire si cette
offre s'applique à une nouvelle grille tarifaire qui serait en
discussion ou si elle va s'appliquer à la grille tarifaire qui existait
au moment de l'entente, puisque ceci doit couvrir la période au moment
où l'entente s'appliquait?
Le Président: M. le ministre.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, je pense que la
députée de L'Acadie l'a bien souligné. C'est un dossier
dont il faut comprendre la complexité des mécanismes. Nous vivons
dans un régime qui postule que, d'une part, les médecins, dans
l'ensemble, sont payés à l'acte, et d'autre part, qu'il faut
faire en sorte que personne n'intervienne dans la pratique individuelle d'un
médecin, c'est-à-dire de cette relation entre le patient et le
médecin de caractère presque sacré sur le plan
professionnel. Par ailleurs, il faut bien que le gouvernement ait une vague
idée de l'évolution des masses sur le plan pécuniaire,
puisque nous avons une responsabilité à l'égard des fonds
publics. On a donc mis au point un mécanisme très complexe qui
s'appelle l'objectif tarifaire, que je résumerai de la façon
suivante. L'ensemble des factures envoyées par les
médecins à la Régie de l'assurance-maladie,
divisé par le nombre de médecins actifs au Québec, cela
donne un chiffre. Ce chiffre, l'an dernier, au mois de mai 1981, c'était
80 000 $. Ce chiffre, avec l'offre que nous ferions, serait 91 000 $,
c'est-à-dire une augmentation de 14% de ce qu'on appelle l'objectif
tarifaire. Or, cet objectif tarifaire ne se traduit pas nécessairement
par une modification du même quantum sur le tarif lui-même,
étant donné que le revenu à la fin de l'année d'un
médecin est formé de la multiplication d'une série
d'actes. Je vous dirai qu'il y a 4000 actes. Mais on tient compte d'une moyenne
anticipée et on la traduit sur la grille tarifaire avec des montants qui
peuvent varier d'un acte à l'autre ou d'une série d'examens
à l'autre.
Par ailleurs, il est exact également que dans les
mécanismes existants, il y a ce qu'on appelle - c'est ce que nous avons
analysé jusqu'à maintenant aux tables de négociation - le
glissement d'actes, une propension, semble-t-il, objective est
constatée, à savoir qu'il y a une pratique qui se dirige de plus
en plus vers des actes de plus en plus rémunérateurs ou des
examens de plus en plus rémunérateurs. Nous voulons tenir compte
de cela quand on regarde quel est l'objectif moyen ou le revenu moyen brut
anticipé ou l'objectif tarifaire dont je parlais tout à l'heure
à la fin de l'année. Or, si on la regarde en termes de revenu
moyen, et non pas de revenu individuel, de l'ensemble des médecins
omnipraticiens, l'offre consiste à faire passer ce revenu moyen brut de
80 000 $ à 91 000 $, ce qui n'implique pas par définition ou
nécessairement une modification de la grille tarifaire de 14%.
M. Paquette: Question additionnelle, M. le Président.
Le Président: M. le député de Rosemont.
M. Paquette: M. le Président, compte tenu que les
médecins, lors de la commission parlementaire sur les services
essentiels, s'étaient prononcés, si je me rappelle bien, contre
le retrait du droit de grève chez des syndiqués qui gagnent 13
000 $ à 14 000 $ par année, compte tenu du salaire qu'ils ont, je
trouve un peu scandaleux qu'on parle de grève générale et
qu'il y ait des ralentissements de travail actuellement chez des
salariés parmi les mieux payés de la société.
J'aimerais demander au ministre s'il peut nous garantir que, jusqu'à
maintenant en tout cas, les services essentiels ont été
assurés par les médecins. (10 h 20)
Le Président: M. le ministre.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, la médecine
est un métier qui amène des gens à exercer leur
responsabilité et leur occupation dans un contexte où, d'une
part, le serment qu'ils ont prêté et, d'autre part, les lois qui
régissent ces professions, ainsi que les codes d'éthique qui
régissent chacune des corporations les obligent à se
responsabiliser personnellement à l'égard de chacun de leurs
patients. Je suis convaincu que l'immense majorité des médecins
du Québec est consciente de sa responsabilité et,
indépendamment du cadre formel dans lequel ils doivent exercer cette
responsabilité, comme cela est décrit dans les usages, les
règlements, le code d'éthique et les lois, notamment à
l'égard de la Corporation des médecins, je pense que, par
définition, chacun des médecins sait comment vivre ce qu'il a
à vivre de ce côté et sait de quelle façon il doit
marquer le respect qu'il doit avoir à l'égard des citoyens et de
ses patients.
C'est en ce sens, M. le Président, que je me refuse à
parler de services essentiels dans le cas des médecins. Je pense que la
notion de services essentiels, dont on a fait grand état ici depuis
quelque temps, s'applique d'une façon tout autre dans la mesure
où chacun des médecins reste responsable à l'égard
du serment qu'il a prêté, à l'égard de la
corporation et à l'égard du code d'éthique et du Code des
professions.
Cependant, en termes de santé publique et de ce qui est, en vertu
de la loi du ministère, la responsabilité de celui qui vous
parle, je peux vous dire que les débrayages sporadiques auxquels nous
avons assisté depuis un mois, ont donné lieu, c'est vrai,
à des ennuis pour les citoyens, mais on me dit que, jusqu'à
maintenant, malgré un engorgement évident de certaines salles
d'urgence, il y a l'assurance que les cas d'urgence absolue sont traités
et traités adéquatement dans notre système.
Je suis convaincu que, quels que soient les moyens de pression que les
médecins entendent suivre, ils seront respectés, ce qui est
fondamentalement leur obligation.
Le Président: Dernière question additionnelle, Mme
la députée de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je ne relèverai
pas la démagogie du député de Rosemont. Je pense que,
quand des citoyens...
Des voix: Ah!
Mme Lavoie-Roux: ... doivent négocier...
Le Président: Question, s'il vous plaît!
Mme Lavoie-Roux: ... dans le cadre de nos règlements, des
ententes avec le
gouvernement, ils ont droit aux mêmes considérations, quel
que soit leur revenu. Je pourrais me permettre une certaine démagogie
que je ne ferai pas.
Le Président: Question, s'il vous plaît!
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, le ministre nous a
répondu que les 14% ne sont certainement pas 14% nets. Cela semble clair
et c'est vraiment 4,9%, compte tenu des détails techniques qu'il nous a
donnés. Je voudrais lui poser une question très précise
à laquelle il n'a pas répondu. Est-ce que ces 14% vont
s'appliquer à une nouvelle grille tarifaire ou à l'ancienne? Oui
ou non?
Le Présidents M. le ministre. M. Lalonde: Oui ou non?
M. Johnson (Anjou): M. le Président, je voudrais d'abord
relever ce que vient de dire Mme la députée de L'Acadie et, M. le
Président, si vous pouviez rappeler à l'ordre le leader adjoint
de l'Opposition, le député de Marguerite-Bourgeoys, s'il vous
plaît, qui dérange sa collègue qui tente de s'exprimer.
Je pense que Mme la députée de L'Acadie a,
malheureusement, pris un raccourci. Peut-être me suis-je mal
exprimé tout à l'heure. En termes de revenu brut moyen, l'offre
gouvernementale constitue une offre d'augmentation de 14% pour la
période qui est visée, comme l'ont eue les sous-ministres et
comme l'ont eue l'ensemble des salariés et des professionnels des
secteurs public et parapublic. Je vois un député de la
région de l'Outaouais dont j'oublie le nom qui semble mal pris.
Une voix: Le député de Pontiac.
M. Johnson (Anjou): Le député de Pontiac doit
être ennuyé parce qu'on tente d'envoyer des médecins
là-bas.
Une voix: Arrogance.
M. Johnson (Anjou): Donc, le revenu brut anticipé ou la
moyenne des revenus des médecins omnipraticiens, une fois une entente
conclue sur la base des offres gouvernementales, constituerait une augmentation
pour la période antérieure de 14%, effectivement, ce qui ne veut
pas dire, encore une fois, que cela se traduit par une augmentation du tarif de
14%.
Il y a une différence entre le tarif et le moyen... C'est
évident puisque le médecin, à la fin de l'année,
est payé à partir de la multiplication d'une série d'actes
et d'examens. Selon qu'il fait certains actes ou certains examens, cela a une
influence sur son revenu. Ce qu'on dit, c'est qu'à la fin de
l'année, il devrait y avoir l'équivalent d'une augmentation de
14%, indépendamment de la modification du tarif.
Deuxièmement, quant à la grille tarifaire,
c'est-à-dire une analyse qui peut être faite conjointement et dans
laquelle ont cheminé, d'ailleurs, les fédérations, depuis
un certain nombre d'années parce qu'il y a des problèmes à
ce niveau-là, certains de ces aspects sont plus complexes que d'autres
et pourraient fort bien faire l'objet d'un comité technique qui
continuerait dans le cadre d'une négociation qui est ouverte à la
possibilité de scinder une partie des dossiers.
Le Président: Question principale, M. le chef de
l'Opposition.
Demandé d'une conférence
des premiers ministres sur la situation
économique
M. Ryan: Ma question s'adresse au premier ministre. Devant
l'aggravation continue de la situation économique au Canada, qui est
encore plus prononcée au Québec à cause de maintes
politiques du gouvernement du Québec, un mouvement se dessine partout au
pays en vue de la convocation, dans les meilleurs délais, d'une
conférence des premiers ministres afin de voir les ajustements qui
s'imposeraient.
Le premier ministre Lougheed a déjà fait connaître
sa suggestion visant à la convocation prochaine d'une telle
conférence. Une dépêche de la Presse canadienne nous
apprend aujourd'hui que le premier ministre du Manitoba, M. Pawley, aurait
écrit à ses collègues du gouvernement
fédéral et des autres provinces pour proposer la même
idée.
Je voudrais demander au premier ministre s'il a reçu ce
télégramme de M. Pawley, s'il a répondu et s'il serait
prêt à participer à une conférence des premiers
ministres sur l'économie avant que la saison d'été ne soit
engagée. M. MacEachen laisse entendre qu'il procédera à
des ajustements dans son budget. La chute continue du dollar laisse entendre
qu'il va falloir prendre des mesures de redressement qui peuvent se traduire
notamment par une hausse du taux d'intérêt et une aggravation de
la situation des propriétaires de maison.
On apprend que les bénéficiaires de
l'assurance-chômage, vu que les périodes de sortie du travail
s'allongent, finiront par ne plus avoir droit aux prestations
d'assurance-chômage.
Devant ces faits, est-ce que le premier ministre est prêt à
appuyer publiquement l'idée d'une conférence
fédérale-provinciale des premiers ministres sur l'économie
et à demander qu'elle se tienne dans les meilleurs délais?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, je dois
dire que j'ai vu, comme tout le monde, je pense bien, dans le journal de ce
matin que M. Pawley, le premier ministre du Manitoba, s'était joint
à d'autres pour demander une telle conférence. J'avoue que
jusqu'à nouvel ordre je n'ai pas vu de télégramme; cela
n'exclut pas qu'il y en ait un. Le ministre des Affaires intergouvernementales
vient de me glisser qu'ils ne l'ont pas vu passer eux non plus. Peu importe,
télégramme ou pas télégramme, c'est vrai que dans
l'état actuel de l'économie et ce qu'on voit comme signes
d'aggravation de jour en jour quasiment, cela fait que, si ça peut
servir, Dieu sait qu'on y serait comme un seul homme, comme
délégation québécoise. On l'a toujours dit: S'il
s'agit des intérêts directs du Québec, en particulier, en
matière économique, il n'est pas question de ne pas être
là. On paie notre part des avantages, à l'occasion, et des
dégâts, de plus en plus fréquemment, du régime dans
lequel nous sommes.
Maintenant, il ne faudrait pas s'illusionner non plus sur ce que
pourrait donner, en ce moment, une conférence. C'est un peu comme
commencer à placoter plutôt que de courir après les pompes
à incendie quand la maison est en feu. Ce serait une conférence
qui risquerait d'être beaucoup plus de palabres que d'action parce que
l'action, pour autant que certains problèmes demandent un emploi
différent de celui qui a été fait jusqu'ici des grands
leviers économiques, qu'ils soient monétaires ou autres, c'est
à Ottawa que cela réside. Que ce soit M. MacEachen ou M. Trudeau,
qui se promène encore, je pense qu'il est en Yougoslavie
aujourd'hui...
Une voix: Oh!
M. Lévesque (Taillon): C'est un fait, il se promène
d'un pays à l'autre, je veux bien, mais pendant ce temps-là,
à Ottawa, on a l'impression que le navire est un peu
déboussolé et qu'il n'y a personne au gouvernail. S'il y a une
conférence économique, par définition, on demanderait
qu'elle soit tenue le plus vite possible, mais sans trop d'illusions parce que
s'il n'y a pas d'action qui se prend concrètement à Ottawa avec
les leviers dont il dispose, j'aurais peur qu'on revienne, mais en pire,
à cette espèce de cul-de-sac qu'on a frappé à la
dernière conférence économique qui n'est pas si ancienne.
(10 h 30)
M. Ryan: Je m'aperçois que le premier ministre n'a pas la
même idée au sujet des sommets suivant qu'il les convoque
lui-même ou qu'ils sont convoqués à l'échelle d'un
pays auquel il ne croit pas. Je comprends aussi qu'il conserve des souvenirs
plutôt pénibles de conférences au cours desquelles il a
plutôt mal défendu les intérêts du Québec.
Je remarque que dans sa réponse, le premier ministre adopte
l'attitude traditionnellement passive et résignée de son
gouvernement: Si on nous convoque, si cela a lieu, peut-être... La
gravité des problèmes est là qui nous crève les
yeux, nous sommes d'accord, des deux côtés de la Chambre, sur le
fait qu'il y a une responsabilité indéniable et même
principale du gouvernement fédéral dans les politiques
économiques. Nous sommes également d'accord pour
considérer qu'il faut de la pression de l'opinion publique pour que
certaines politiques soient mieux ajustées aux réalités de
l'économie.
Dans cet esprit, je demande au premier ministre si, au lieu de se borner
à dire "on ira si on est invité", s'il est prêt, ce matin,
à demander publiquement au gouvernement du Canada, de concert avec les
premiers ministres des autres provinces, de convoquer, le plus tôt
possible, une conférence fédérale-provinciale en assurant
que le Québec y participera avec des suggestions positives.
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): Je trouve un peu incongru le
commentaire du chef de l'Opposition sur les sommets parce que, il faut bien le
dire, c'est un fait, tous les sommets auxquels on a vu le premier ministre
fédéral participer depuis un an, qu'ils soient intérieurs,
constitutionnels ou économiques ou que ce soit, tout récemment,
celui de Versailles ou celui de Bonn, il sort toujours de mauvaise humeur, en
disant que c'est insignifiant et que ça ne vaut même pas la peine
d'y aller. Cela n'a pas été un grand succès. Pour
l'essentiel, on n'a pas senti le rôle majeur et stratégique ni du
gouvernement canadien ni de son chef.
Cela dit, je dois dire qu'à notre échelle modeste, nos
sommets à nous, en général, ont donné des
résultats, y compris le dernier.
Des voix: Ah! Bravo! Bravo! Encore! Encore!
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous
plaît! M. le député de Marguerite-Bourgeoys, sur une
question de privilège.
M. Lalonde: Est-il exact, M. le Président, que le ridicule
tue?
Le Président: S'il vous plaît! S'il vous
plaît! M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): Une chose certaine, M. le
Président, c'est que le genre d'inconscience qui est une
déformation née de la partisanerie, ça ne tue pas, cela
est sûr, parce qu'on n'a jamais vu dans l'histoire du Québec - et
je pense que n'importe qui,
qui à la fois a une tête sur les épaules et est
conscient des intérêts de la collectivité, devrait le
savoir - un tel rapprochement qui est conjoncturel, bien sûr, mais il y a
tellement de divergences dans notre société, il y a tellement
d'affrontements, on n'a pas besoin de se faire de dessins, que c'est quand
même extraordinaire qu'on ait vu - et cela découle directement du
dernier sommet de Québec - les grandes centrales syndicales, les patrons
stratégiquement placés dans le secteur de la construction
domiciliaire, les professions de notaires à architectes en passant par
ingénieurs et arpenteurs-géomètres qui sont
concernées directement par la construction, les institutions
financières, au moins jusqu'à nouvel ordre, au niveau des caisses
populaires qui sont les plus présentes dans tous les milieux du
Québec, tous ces gens accepter de s'asseoir à la même table
non pas pour parler cette fois-ci, mais, partant du sommet et, quelques
semaines après, revenant à cette table pour confirmer
l'acceptation d'une sorte de corvée collective où chacun mettrait
du sien. Je n'ai jamais vu ça, moi, à aucun moment dans
l'histoire du Québec.
Il y a maintenant une acceptation de principe qui va se
concrétiser, il n'y a pas de raison d'en douter, dans les jours qui
viennent. Les résultats, on l'espère, seront à la hauteur
que ce que cela représente comme élément de concertation
qu'on n'a jamais vu, jamais auparavant, dans notre société. Je
trouve simplement que à la fois les commentaires du chef de l'Opposition
et aussi certains rires vraiment presque psychiatriques qu'on a entendus tout
à l'heure méritaient au moins...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M.
le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): Cela méritait au moins, en
particulier par respect pour les gens, venant de tous ces milieux, qui ont pris
la peine, depuis le sommet, de travailler pendant des semaines et des semaines
pour ajuster un programme comme celui-là, qu'on souligne quand
même que ridiculiser les résultats des sommets du Québec,
en particulier du dernier, cela relève d'une sorte de déformation
partisane qui n'a pas de sens.
Cela étant dit, le chef de l'Opposition veut savoir si on va
joindre notre voix à celle des autres premiers ministres provinciaux
pour demander une conférence économique dans les plus brefs
délais. Je crois que non, M. le Président, pour la raison
suivante: II est évident que c'est une espèce, je pense, de geste
politique à peu près légitime pour les gouvernements
provinciaux de dire - parce que, après tout, il faut bien faire quelque
chose et, comme on ne peut rien faire, il faut parler et je sais que c'est
vrai...
Des voix: Bravo!
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, d'une
certaine façon...
Le Président: Â l'ordre, s'il vous plaît!
À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous
plaît! M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): ... les députés
libéraux viennent d'applaudir leur chef, ce qui est quand même un
événement rarissime.
Des voix: Ah! Ah!
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, j'ai bien
dit: d'une certaine façon; la...
Des voix: Ah! Ah!
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, je veux
bien qu'on soit rendu vers la dernière semaine de la session et que ce
soit vraiment un maison de fous, mais est-ce nécessaire de le montrer
à la face du public à ce point? En tout cas!
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
S'il vous plaît! S'il vous plaît! M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): Le député
d'Argenteuil disait lui-même tout à l'heure, dans son
deuxième préambule, que c'est évident qu'il faut
reconnaître que la responsabilité principale, essentielle
même -cela ne sert à rien de regarder le journal des
Débats, mais c'était clair - réside à Ottawa en ce
qui concerne la crise économique que nous avons à traverser et
les politiques absolument meurtrières par rapport à l'industrie,
en particulier, qui sont maintenues à Ottawa depuis des mois et des
mois, depuis l'an dernier. Dans ce contexte, comme je l'ai dit tout à
l'heure, il y a de l'action qui est requise à ce niveau. Avec les
leviers dont le gouvernement fédéral dispose et dont ne dispose
aucune des provinces, cette action, on l'attend. On attend que ce soit le
ministre des Finances, à propos de son budget qui est devenu maintenant
une espèce de collection de papillons, comme on dit, à propos des
lois... Cela change, cela revient, on ne sait jamais à quel moment cela
va même être officiel. Ils ont là tous les problèmes
par rapport aux grands leviers dont ils disposent et ils n'ont qu'à s'en
servir. Je comprends que les gouvernements provinciaux puissent avoir en ce
moment le goût, au milieu de l'impuissance qu'on doit ressentir au niveau
provincial - parce qu'on n'a pas ces leviers, on n'a jamais même
été consultés, contrairement à ce qui avait
été demandé il y a trois ans, à propos d'aucun des
budgets fédéraux, d'aucune des manoeuvres ou des mesures
monétaires qu'ils
ont prises depuis ces trois ans, depuis, en fait, 1978 où cela a
été demandé, quatre ans - on peut bien, parce que cela
donne une espèce d'impression d'activisme, demander tout de suite, en
panique, qu'il y ait une conférence fédérale-provinciale
au point de vue économique. Avec ce que nous avons vécu, il est
évident que je ne me joindrai pas à ce concert, surtout avec ce
qui est arrivé depuis quelque temps. Je trouve qu'au contraire, ce
serait leur donner une excuse, une sorte de distraction pour convoquer quelque
chose au lieu d'agir. Ils n'ont qu'à agir en ce moment. S'il y a une
conférence fédérale-provinciale, on ira.
Des voix: C'est cela!
Le Président: Question principale, M. le
député de Viau.
M. Lalonde: M. le Président...
Le Président: Question principale, M. le
député de Viau.
M. Lalonde: M. le Président, j'ai une question principale.
On s'entasse ici.
Des voix: Viau! (10 h 40)
Le Président: J'avais promis une question principale au
député de Viau hier, je n'ai pu le reconnaître. À
moins qu'il ne consente à céder son droit à une question
principale...
M. le député de Marguerite-Bourgeoys, question
principale.
Le deuxième homme dans l'affaire
Charron
M. Lalonde: M. le Président, j'aimerais simplement
demander au ministre de la Justice de nous donner un complément de
réponse à la question que j'avais posée le 7 juin
concernant l'affaire Charron. Il parlait d'un rapport. Il disait: Avec les
commentaires faits par les procureurs de la couronne de la ville de
Montréal qui pourraient l'accompagner, ce rapport ne m'est pas parvenu.
Est-ce qu'il n'a pas reçu une lettre qui serait datée du 29 mars,
qui émane justement de la couronne municipale et qui contient des
commentaires sur la preuve qui est dans ce dossier? N'est-il pas vrai que la
couronne municipale est prête à porter des accusations et que le
seul problème est l'identification du personnage! Comment cela se
fait-il que cela prend deux mois pour identifier une personne?
Le Président: M. le Procureur général et
ministre de la Justice.
M. Bédard: Le député de Marguerite-
Bourgeoys est totalement irresponsable. Il vient de nous dire...
Totalement irresponsable. C'est très rare que j'emploie cette
expression. Lui-même dit que j'aurais reçu une note de la part des
procureurs de la couronne, ce qui est exact. Il affirme en même temps que
dans cette note les procureurs de la couronne font état qu'ils ne
peuvent porter une accusation puisqu'il y a une question d'identification.
Êtes-vous en train de demander au Procureur général de
porter une plainte en l'air comme cela sans qu'il y ait identification d'une
personne? Ce que je vous ai dit jusqu'à maintenant, c'est que cette
enquête relevait du service de police de la Communauté urbaine de
Montréal. À maintes reprises, encore la semaine passée, je
lui ai dit d'y aller avec le plus de diligence possible. J'ai eu une
communication de la part du directeur du service de police de Montréal
disant qu'il ferait diligence et que, dès que cette enquête serait
terminée, on m'en communiquerait le résultat, de même que
l'analyse des procureurs de la couronne, si nécessaire. À ce
moment, j'agirai en Procureur général responsable. Je porterai
des accusations, s'il y a lieu. Si la preuve n'est pas là, je ne peux
quand même pas porter des plaintes. Il faut au moins qu'il y ait une
personne qui soit identifiée. C'est à la police de
Montréal de faire son enquête. Quand elle sera terminée,
j'agirai.
Le Président: Question additionnelle.
M. Lalonde: M. le Président, le ministre n'a pas
nié que la couronne municipale est donc prête à analyser la
preuve, est prête à porter des accusations et qu'il ne s'agit que
d'une question...
M. Bédard: Question de privilège.
Le Président: M. le ministre de la Justice, sur une
question de privilège.
M. Bédard: Je n'essaierai pas de convaincre le
député de Marguerite-Bourgeoys. La population du Québec
est à même de constater, avec cette question additionnelle,
jusqu'à quel point le député de Marguerite-Bourgeoys est
irresponsable. Il vient d'affirmer que les procureurs de la couronne ont dit
qu'ils étaient prêts à porter une accusation, mais il a
affirmé précédemment que ces mêmes procureurs de la
couronne ont dit qu'il y avait un manque d'identification. La preuve est facile
à faire qu'on ne peut quand même pas porter une plainte alors
qu'il n'y a pas d'identification. Cela prend quand même un
prévenu.
Le Président: M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: C'est cela. Donc, en ce qui concerne les
éléments de preuve, apparemment, d'après ce rapport, les
éléments de preuve sont tous réunis. Il s'agit simplement
d'identifier le personnage. Est-ce que le ministre...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M.
le député.
M. Lalonde: Est-ce que le ministre a demandé au
député de Saint-Jacques d'identifier celui qui l'accompagnait
à ce moment?
M. Bédard: M. le Président, le député
de Marguerite-Bourgeoys s'embourbe dans l'irresponsabilité encore. Je
tiens à la ligne que je viens d'exprimer. Le député de
Marguerite-Bourgeoys ne comprendra pas, ni l'Opposition, mais la population va
comprendre qu'un procureur général ne peut quand
même...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M.
le Procureur général.
M. Bédard: M. le Président, je sais que la
population du Québec va comprendre qu'un procureur général
responsable ne peut porter une accusation à partir d'un rapport de
police lorsqu'il n'y a pas d'identification d'un prévenu, sinon je
pourrais porter...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Bédard: ... à partir d'une preuve la plainte
contre n'importe qui, y compris le député de
Marguerite-Bourgeoys. Vous n'êtes pas responsable, qu'est-ce que vous
voulez que je vous dise?
Le Président: Dernière question additionnelle, M.
le député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président, j'ai demandé bien
simplement, précisément, si le ministre... Vous
référez à la population et la population nous dit:
Pourquoi Bédard ne demande-t-il pas à Charron? Je vais vous
traduire cela en termes parlementaires. Pourquoi le ministre de la Justice
n'a-t-il pas demandé d'identification à son collègue, le
député de Saint-Jacques?
Le Président: M. le Procureur général.
M. Bédard: Je ne sais pas si c'est un conseil d'un ancien
Solliciteur général en ce sens que ce serait la manière de
procéder. Dois-je comprendre que, lorsque vous étiez Solliciteur
général et lorsqu'il y avait des enquêtes sur des
députés de l'Opposition -même des plaintes ont
été portées, vous vous rappelez qu'il y avait des
enquêtes sur beaucoup de députés de l'Opposition - votre
méthode était de discuter avec vos collègues en
qualité de Procureur général ou de Solliciteur
général, était-ce votre manière d'agir? Cela fait
comprendre bien des choses.
Le Président: Question principale. À l'ordre, s'il
vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Question principale,
M. le député de Bellechasse.
M. Lachance: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse
au ministre...
Le Président: M. le député de Dubuc, sur une
question de règlement.
M. Desbiens: Est-ce vrai que le ridicule tue?
Le Président: M. le député de Bellechasse,
question principale.
Le bon d'emploi
M. Lachance: M. le Président, ma question s'adresse au
ministre du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du
revenu. Il y a un peu plus d'un mois, le gouvernement du Québec mettait
en application un nouveau programme, le programme du bon d'emploi à
l'intention des travailleuses et travailleurs de moins de 25 ans à la
recherche d'un emploi depuis au moins six mois. Ma question est la suivante:
J'aimerais savoir si le nouveau programme du bon d'emploi atteint
présentement les objectifs qu'on s'était fixé initialement
et, deuxièmement, j'aimerais savoir si on pourrait avoir le portrait de
la situation, des chiffres précis sur les performances de ce programme
de création d'emplois.
Le Président: M. le ministre du Travail, de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu.
M. Marois: M. le Président, on se souviendra effectivement
que - je me souviens qu'à l'époque certains membres de
l'Opposition avaient largement douté des objectifs du programme - le
programme du bon d'emploi a été lancé pour permettre
à des jeunes d'acquérir une première expérience de
travail. Pour le programme qui a démarré le 3 mai, les
résultats au 4 juin sont les suivants: Le nombre de bons d'emploi
émis à ce jour est de 4548, ce qui a permis à un nombre de
jeunes de se placer...
Une voix: Combien?
M. Marois: 1111 jeunes ont pu se placer à ce jour depuis
le 3 mai. 91% de ces jeunes ont pu trouver un emploi dans le secteur
privé, 80% de ces jeunes avaient un niveau de formation du
secteur professionnel, que ce soit le secondaire, le collégial ou le
secteur universitaire. Parmi ces jeunes, 26% étaient des
bénéficiaires de l'aide sociale. Il me fait plaisir aussi de
dire, quand on me pose la question. "Est-ce que le programme a atteint son
objectif?" que non seulement il est en train de l'atteindre, mais que le
programme dépasse les objectifs prévus, puisque pour 46% de ces
1111 jeunes, le premier emploi qu'ils ont pu obtenir est un emploi permanent,
au point de départ, ce qui donne une indication en ce qui concerne les
54% autres jeunes qui ont obtenu un emploi temporaire quant aux
possibilités de taux de rétention dans un emploi permanent. Donc,
à ce jour, les objectifs ont été non seulement largement
atteints, mais dépassés.
Le Président: Question additionelle, M. le
député de Bellechasse.
M. Lachance: Question additionnelle, M. le Président.
J'aimerais savoir de la part du ministre, compte tenu que ce programme
s'avère très populaire, qu'il atteint les objectifs fixés,
si des sommes d'argent additionnelles seront injectées dans ce
programme, si nécessaire, pour contribuer, au maximum, à la
création d'emplois dans cette période économique
très difficile. (10 h 50)
Le Président: M. le ministre.
M. Marois: M. le Président, je peux déjà
indiquer que le montant des engagements financiers impliqués pour les
1111 jeunes qui ont pu trouver un emploi est de 3 888 500 $ sur un budget de
base de démarrage de 9 000 000 $. Voilà quant au premier
chiffre.
Deuxièmement, comme j'ai eu l'occasion de l'indiquer lors de
l'étude des crédits du ministère, sur la masse globale des
budgets des programmes de création d'emplois de 62 000 000 $, le
ministre dispose d'une possibilité de réaffectation, en plus ou
en moins, d'un programme à l'autre, de 25%, ce qui nous laisse une marge
de manoeuvre additionnelle. Si le besoin s'en faisait sentir et que les
possibilités étaient là, dans le cadre d'un budget
supplémentaire à l'automne, je verrai certainement à faire
les demandes qui s'imposeront.
Je voudrais simplement, en terminant, ajouter ceci, M. le
Président: 95% des diplômés du secteur professionnel, qui
ont pu trouver un emploi grâce au programme, ont obtenu un emploi dans le
domaine de leur formation personnelle.
Le Président: Question principale, sans question
additionnelle, M. le député de Viau.
M. Cusano: M. le Président, puisque le ministre de
l'Éducation est absent, ce matin, j'adresserai ma question au premier
ministre et, s'il n'est pas aux alentours, peut-être que le
député de Rosemont pourrait tenter d'y répondre.
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, si le député
veut adresser sa question à l'adjoint parlementaire au ministre de
l'Éducation, il lui fera plaisir d'y répondre.
M. Cusano: C'est ce que j'ai dit.
Le Président: M. le député de Viau.
Les élections des commissaires
d'écoles
M. Cusano: M. le Président, lundi prochain, le 14 juin,
les citoyens du Québec, à l'exception de ceux de la région
de Montréal, seront appelés, peut-être pour la
dernière fois, à élire démocratiquement leurs
commissaires d'écoles. Depuis quelques années, des groupes de
pression et des agents éducatifs ont formulé des recommandations
au gouvernement visant à retoucher le mode des élections
scolaires afin de créer des conditions plus favorables à la
participation des électeurs.
Parmi ces recommandations, vous me permettrez d'en mentionner
quelques-unes qui n'auraient pas coûté trop cher au gouvernement
si elles avaient été appliquées. L'une d'elles serait la
tenue d'élections à l'automne plutôt qu'en juin et le
dimanche plutôt que le lundi. On a aussi demandé le prolongement
du délai entre le moment de la présentation des candidats et le
jour des élections. On a demandé également l'abolition du
système électoral rotatif où le tiers de l'ensemble des
commissaires d'écoles sont élus chaque année pour un
mandat de trois ans, ce qui complique un peu la participation; on demande
plutôt de tenir des élections tous les trois ou quatre ans pour
l'ensemble des commissaires.
M. l'adjoint parlementaire, est-ce que vous pouvez nous dire quelles
mesures concrètes ont été prises par le ministre de
l'Éducation et son ministère afin de s'assurer que, lundi
prochain, le 14 juin, il y aura une très bonne participation des
électeurs au scrutin scolaire?
Le Président: M. l'adjoint parlementaire au ministre de
l'Éducation.
M. Paquette: M. le Président, je pense que, le 14 juin,
les élections scolaires vont se dérouler, tel que prévu,
dans le cadre de nos lois et on espère, bien sûr, le maximum de
participation. On invite tous les citoyens à participer à cet
exercice démocratique qui
est extrêmement important dans notre vie politique.
D'autre part, dans sa question, le député fait part d'un
certain nombre de suggestions qui ont été faites par le
passé pour améliorer la participation aux élections
scolaires. Inutile de vous dire, M. le Président, qu'il est impossible,
au moment même où un projet de réforme des structures
scolaires est devant le Conseil des ministres, de procéder à ce
genre d'amélioration tant que le Conseil des ministres ne sera pas
fixé sur la réforme scolaire.
Cette année, les élections vont se dérouler comme
prévu. Si le Conseil des ministres en décide ainsi, il y a aura
le dépôt d'un document qui sera largement discuté dans la
population. Des représentations pourront s'exercer et on les examinera,
l'objectif général étant de favoriser au maximum la
démocratie dans nos institutions scolaires.
Le Président: M. le député de Viau, une
brève question additionnelle.
M. Cusano: M. le Président, n'est-il pas vrai que
l'immobilisme du ministère de l'Éducation et du gouvernement dans
ce dossier vise à faire la preuve que le système actuel est
dépassé, que la population s'en désintéresse et que
la réforme scolaire dont parle le député de Rosemont
serait souhaitable et bienvenue?
Le Président: M. l'adjoint parlementaire.
M. Paquette: C'est justement pourquoi, au ministère de
l'Éducation, nous avons mis tellement de temps, depuis un an et demi, et
nous avons préparé avec tellement de soin ce projet de
réforme qui est extrêmement complexe. Bien sûr qu'on
espère que le Conseil des ministres donne suite à un projet de
réforme scolaire. C'est devant le Conseil des ministres, comme cela a
été dit par le leader parlementaire hier, je pense.
D'autre part, si vous pensez qu'il y a, dans les mesures que vous
proposez, l'essentiel d'une réforme de la démocratie scolaire, la
tenue des élections à l'automne, éliminer l'aspect rotatif
de l'élection des commissaires qui existe en province, je vous signale
qu'à Montréal, les commissaires sont tous élus en
même temps et que le taux de participation est plus bas qu'en
province.
Je ne suis donc pas sûr que ce soient des mesures qui
amélioreront la démocratie scolaire, mais, comme je vous le
disais, dès que le Conseil des ministres aura pris une décision,
ce qui ne devrait pas tarder normalement, la consultation la plus large
possible sera faite et on pourra examiner ce genre de suggestion comme d'autres
qui nous seront présentées.
Le Président: Fin de la période des questions.
Motions non annoncées. M. le député de
Gatineau.
M. Gratton: M. le Président, j'aurais une motion non
annoncée qui devrait normalement recueillir l'assentiment unanime de
l'Assemblée. Puisque l'Assemblée nationale, si je ne m'abuse, ne
doit pas siéger ce soir, j'aimerais proposer la motion suivante: "Que
cette Assemblée suspende les travaux des commissions parlementaires ce
soir, de 20 heures à 24 heures, de façon à permettre aux
six députés péquistes d'avant 1976 et à certains
nouveaux députés péquistes issus du mouvement syndicaliste
de faire ce qu'ils avaient pris l'habitude de faire avant de devenir membres du
gouvernement, c'est-à-dire de participer à la manifestation des
syndicats du front commun qui est prévue pour ce soir devant
l'Assemblée nationale."
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Bertrand: Avez-vous un doute sur notre réponse, M. le
Président?
Le Président: Défaut de consentement.
Enregistrement des noms sur les votes en suspens.
Qu'on appelle les députés. (10 h 53)
Mise aux voix de la deuxième lecture du projet
de loi no 75
(11 h 03)
Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre!
Vous pouvez reprendre vos sièges.
La motion qui est mise aux voix est celle du ministre de l'Industrie, du
Commerce et du Tourisme qui propose que le projet de loi no 75, Loi modifiant
la Loi sur l'aide au développement industriel, soit lu pour la
deuxième fois.
Que ceux et celles qui sont pour veuillent bien se lever, s'il vous
plaît!
Le Secrétaire adjoint: MM. Lévesque (Taillon),
Bertrand, Bédard, Morin, Johnson (Anjou), Bérubé, Lazure,
Gendron, Mme LeBlanc-Bantey, MM. Lessard, Biron, Godin, Rancourt, de
Bellefeuille, Richard, Léger, Clair, Chevrette, Fréchette,
Marois, Garon, Tardif, Léonard, Martel, Baril (Arthabaska), Charron, de
Belleval, Ouellette, Mme Lachapelle, MM. Brassard, Dean, Paquette, Gagnon,
Guay, Dussault, Vaugeois, Desbiens, Mme Juneau, MM. Fallu, Grégoire,
Bordeleau, Bisaillon, Boucher, Mme Harel, MM. Beauséjour,
Lévesque (Kamouraska- Témiscouata), Blais, Gauthier, Gravel,
Laplante, Brouillet, Rochefort, Baril (Rouyn-
Noranda-Témiscamingue), LeMay, Rodrigue, Payne, Tremblay,
LeBlanc, Lafrenière, Paré, Lachance, Dupré, Ryan, Levesque
(Bonaventure), O'Gallagher, Scowen, Ciaccia, Mme Lavoie-Roux, MM. Lalonde,
Vaillancourt (Orford), Marx, Bourbeau, Mathieu, Assad, Vallières, Mme
Dougherty, MM. Paradis, Johnson (Vaudreuil-Soulanges), Picotte, Pagé,
Gratton, Rivest, Fortier, Rocheleau, Bissonnet, Polak, Maciocia, Cusano,
Dubois, Sirros, Saintonge, Dauphin, French, Doyon, Kehoe, Houde, Middlemiss,
Leduc (Saint-Laurent).
Le Secrétaire: Pour: 98 Contre: Q
Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté.
J'aimerais simplement rappeler au gouvernement et à l'Opposition
qu'il y aura sanction à 13 heures au 103-A.
Avis à la Chambre. En vertu de l'article 34, M. le
député de Gatineau.
Recours à l'article 34
M. Gratton: M. le Président, j'aimerais demander au leader
du gouvernement, à la suite de l'engagement que le premier ministre a
pris hier de légiférer pour permettre au Directeur
général des élections seul de procéder
dorénavant à la nomination des présidents
d'élection, s'il peut nous donner l'assurance que le projet de loi en
question sera déposé et étudié à
l'Assemblée nationale avant l'ajournement de nos travaux prévu
pour les prochains jours. En posant cette question, je dis tout de suite au
leader du gouvernement que, de la part de l'Opposition, il pourra
bénéficier de tous les consentements nécessaires pour
qu'on puisse adopter cette loi à la fin de nos travaux.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: Ma réponse est non, M. le
Président.
M. Gratton: M. le Président...
Le Vice-Président (M. Jolivet): En vertu de l'article 34
toujours?
M. Gratton: Oui, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Gatineau.
M. Gratton: Pourrais-je faire remarquer au leader du
gouvernement, en lui demandant possiblement de reconsidérer la
réponse qu'il vient de donner, qu'hier, au moment où j'ai
posé la question au premier ministre à savoir de
légiférer dans ce sens le premier ministre a
répondu...
Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît, M.
le député, vous savez qu'en vertu de l'article 34, la
réponse que j'ai entendue était claire, précise. À
moins que vous ayez une question, vraiment une question, et non pas un
préambule, je voudrais avoir absolument la question en vertu de
l'article 34.
M. Gratton: La question, c'est de demander au leader du
gouvernement de suspendre sa décision et de réfléchir au
cours de la fin de semaine en alimentant sa réflexion des propos du
premier ministre qui disait hier:...
Des voix: Question.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le
député, s'il vous plaît! M. le député, vous
prenez de façon indirecte ce que je vous ai demandé de faire
directement tout à l'heure. S'il vous plaît, M. le
député de Maskinongé. Si ce n'est pas en vertu de
l'article 34, M. le député, je devrai passer à une autre
question.
M. Gratton: Certainement, M. le Président. Je ne veux pas
remettre en question votre décision. Je considère que la Chambre
a été induite en erreur, hier.
M. Bertrand: M. le Président... M. Pagé:
Question de règlement.
M. Gratton: Je considère que la Chambre a
été induite en erreur, hier, lorsque le premier ministre nous a
dit...
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Gatineau, je m'excuse, ce n'est vraiment pas en vertu de l'article 34. La
réponse était tellement claire, à mon avis, qu'on devrait
passer au député de Hull qui a une question en vertu de l'article
34; il est prêt à la poser. M. le député de
Hull.
M. Rocheleau: Merci, M. le Président. C'est en vertu de
l'article 34, au leader du gouvernement. Cela concerne les travaux en
commission parlementaire qui pourront être annoncés ce matin
tenant compte de la loi 37, fusion forcée de Baie-Comeau et de
Hauterive. Le député du comté de Saguenay
annonçait, hier, à la radio de Baie-Comeau, relativement à
la loi 37, que "tout sera terminé demain soir", en parlant de ce
soir.
Une voix: Bâillon.
M. Rocheleau: Qu'on prendra les moyens qu'il faut pour s'assurer
que cela se termine demain soir, en parlant de ce soir. Le leader du
gouvernement a-t-il l'intention, étant donné qu'on n'a pas encore
commencé
l'étude article par article, d'imposer à l'Opposition le
bâillon? (11 h 10)
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, le leader du gouvernement a
l'intention de faire siéger la commission parlementaire des affaires
municipales toute la journée aujourd'hui pour étudier article par
article le projet de loi no 37.
Le Vice-Président (M. Jolivet): En vertu de l'article 34,
M. le député de D'Arcy McGee?
M. Marx: Oui.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Un instant, M. le
député de D'Arcy McGee. M. le leader de l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): Excusez-moi. Simplement parce que ce
que nous venons d'entendre en réponse au député de Hull,
à moins que je n'aie mal compris, me semble un peu troublant. Le leader
parlementaire du gouvernement pourrait peut-être me rassurer et rassurer
cette Chambre en disant que les paroles qu'on attribue au ministre du Loisir,
de la Chasse et de la Pêche ne sont pas une fidèle reproduction
des intentions du leader parlementaire du gouvernement quand on sait que cette
commission ne fait que commencer à siéger; je pense qu'elle a
siégé au plus une heure ou deux et simplement pour des auditions.
M. le Président, si j'interprétais les paroles du ministre, que
j'ai citées ou que le député a citées il y a
quelques instants, cela voudrait dire que le ministre, si le leader
parlementaire du gouvernement appuyait cela, mettrait une pression indue sur
cette commission parlementaire que l'on invite à discuter aujourd'hui
dans la plus grande objectivité et dans la plus grande
sérénité. Si cela veut dire que la motion de clôture
est suspendue sur nos têtes dès le début des travaux de la
commission, je m'inquiète du sens démocratique de nos
travaux.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, je ferai remarquer au leader
l'Opposition qui est familier avec ce genre d'instrument - je ne parle pas des
lames de rasoir, je parle du feuilleton - qu'il n'y a rien en appendice au
feuilleton d'aujourd'hui et que le mandat de la commission parlementaire sera
d'étudier article par article le projet de loi. Il est probable que ce
qu'a voulu indiquer le député de Saguenay et ministre du Loisir,
de la Chasse et de la Pêche, c'est qu'il considérait qu'une bonne
journée de neuf heures de travail en commission sur un projet de loi
d'une quinzaine d'articles, à raison de 45 minutes par article, pouvait
probablement nous permettre d'espérer que ce soir, à minuit, on
aurait disposé du projet de loi.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader de
l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, je comprends
fort bien les intentions probablement légitimes du leader parlementaire
du gouvernement. Je comprends que, surtout vers la fin d'une session - j'ai
déjà occupé ce poste et je sais ce que c'est - on a bien
hâte de pouvoir adopter notre législation et de la faire adopter
le plus complètement possible, mais jamais il ne m'est venu à
l'esprit de laisser planer sur la tête des parlementaires,
particulièrement de ceux qui sont en commission, non seulement
l'épée de Damoclès, mais le spectre de la guillotine,
alors qu'on n'a même pas commencé à étudier. La
guillotine, cela a déjà existé. On l'a déjà
vue en Chambre ici, quelquefois.
M. Lalonde: Quatre fois.
M. Levesque (Bonaventure): Ce que je veux dire, M. le
Président - je le dis bien respectueusement et surtout avec un grand
respect pour notre système parlementaire -c'est que, lorsqu'on commence
à parler de guillotine avant même de commencer à
étudier, je pense que là, on franchit un pas extrêmement
délicat et dangereux.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, comme le disait un
député libéral que j'ai déjà connu, si les
parlementaires n'ont pas de "cailloux de Damoclès" dans leur bouche
aujourd'hui, ils n'auront pas l'"épée de
Démosthène" au-dessus de la tête. Dans un contexte comme
celui-là, j'invite les parlementaires à faire preuve de
coopération de sorte que les citoyens de Baie-Comeau et Hauterive
puissent enfin vivre dans une belle et grande ville...
Des voix: Ah! Ah!
M. Bertrand: ... et qu'ici à l'Assemblée nationale,
des deux côtés, nous ayons pris nos responsabilités dans
l'intérêt de cette population.
M. Lessard: Question de privilège.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Question de
privilège de la part du ministre.
M. Lessard: M. le Président, je n'ai jamais annoncé
que toutes les discussions autour du projet de loi no 37 se termineraient
à minuit ce soir. Ce que j'ai indiqué, M. le Président,
c'est que, pour le gouvernement du Québec, pour le député
du comté de Saguenay et pour l'ensemble de la région, justement
en vue de l'amélioration du climat social, il était
extrêmement important que ce projet de loi puisse être
adopté avant l'ajournement ou la prorogation de cette session.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de D'Arcy McGee.
M. Marx: Merci, M. le Président. Ma question porte sur le
projet de loi sur l'aide juridique. Je reçois des
télégrammes comme ceux que j'ai reçus du comité de
logement de Rosemont, du comité de logement de Pointe-Saint-Charles, de
Guy Cousineau, secrétaire exécutif du conseil du travail de
Montréal, de la Société d'amélioration du logement
de Pointe-Saint-Charles et ainsi de suite. J'ai reçu 25
télégrammes. J'aimerais demander au leader s'il est prêt
à permettre à ces personnes intéressées à
venir devant la commission parlementaire sur la justice et à se
prononcer sur le projet de loi sur l'aide juridique, c'est-à-dire de
donner aux gagne-petit la même chance que celle qu'on donne aux chef
syndicaux.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le
député, en vertu de l'article 34.
M. Marx: C'est bien clair.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, je trouve assez curieuse la
fin de la phrase du député de D'Arcy McGee qui dit: donner autant
de chance aux gagne-petit qu'aux chefs syndicaux. Je ne sais pas ce que cela
implique comme jugement de valeur sur les chefs syndicaux, mais cela appartient
au député de D'Arcy McGee. Non, M. le Président...
M. Marx: Question de privilège.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Juste un instant, pour
vous permettre de bien la poser. Question de privilège, M. le
député de D'Arcy McGee.
M. Marx: Le leader du gouvernement fait des insinuations. Tout ce
que j'ai voulu dire, c'est que les chefs syndicaux peuvent faire plus de
pression sur le gouvernement que les gagne-petit, et le gouvernement se fiche
des gagne-petit.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, le projet de loi a
été étudié article par article et adopté en
commission parlementaire article par article. La prochaine étape sera la
prise en considération du rapport.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Beauce-Sud.
M. Mathieu: Oui, en vertu de l'article 34, je voudrais demander
au leader s'il a l'intention de présenter bientôt la loi qui a
été une promesse électorale concernant les 50 000 $ de
prêt sans intérêt pour cinq ans aux jeunes agriculteurs. On
dit que c'est une promesse qui a été très répandue.
Je voudrais savoir si, avant la fin de la présente session, le leader a
l'intention de déposer ce projet de loi.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: Yes, Sir.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Simplement, M. le leader,
avant qu'on passe aux avis et aux motions, il manquerait une motion qui est
celle de déférer le projet de loi no 75.
Renvoi du projet de loi no 75
à la commission de l'industrie,
du commerce et du tourisme
M. Bertrand: C'est exact. Je fais motion pour que le projet de
loi no 75 sur la SDI soit déféré à la commission
parlementaire permanente de l'industrie, du commerce et du tourisme.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Cette motion est-elle
adoptée? Adopté. Les avis, M. le leader.
Avis à la Chambre
M. Bertrand: M. le Président, au niveau des avis, le lundi
14 juin 1982, de 10 heures à 13 heures, deux commissions parlementaires
siégeront: la première, au salon rouge, les communications, sur
le projet de loi no 65, pour étude article par article; l'autre,
à la salle 81-A, la commission parlementaire permanente des affaires
municipales pour étudier le projet de loi no 37, article par article, si
nécessaire.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Les motions, M. le
leader.
M. Bertrand: Aujourd'hui, belle journée de travail.
D'abord, au salon rouge, la
commission des finances et des comptes publics, pour des auditions. Il y
a huit groupes syndicaux qui viendront se faire entendre sur les projets de loi
nos 68 et 70, et cela, de 11 h 30 environ à 13 heures, de 15 heures
à 18 heures et 20 heures à 24 heures. À la salle 81-A, aux
mêmes heures, la commission des affaires municipales pour l'étude
du projet de loi no 37, article par article. Ce soir, puisque
l'Assemblée nationale ne siégera pas, de 20 heures à 24
heures, à la salle 91-A, la commission parlementaire permanente des
communications pour l'étude du projet de loi no 65.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Ces motions sont-elles
adoptées? Adopté. Affaires du jour.
M. Bertrand: M. le Président, je voudrais donner un peu le
menu pour aujourd'hui. D'abord, de consentement unanime, nous aurons une
brève présentation du député de Sainte-Marie ainsi
qu'une brève intervention du député de Jean-Talon sur le
rapport de la commission spéciale de l'Assemblée nationale qui a
étudié le dossier de la fonction publique. Chacun des deux
intervenants aura environ dix minutes pour faire un certain nombre de
commentaires sur le rapport. Par la suite, nous ferons la troisième
lecture du projet de loi no 18 sur le droit de la famille, inscrit au nom du
ministre de la Justice. Ensuite, le projet de loi no 63, deuxième
lecture, sur la Raffinerie de sucre du Québec, au nom du ministre de
l'Agriculture. Cet après-midi, nous commencerons avec le projet de loi
no 56 sur les coopératives, deuxième lecture. Par la suite, nous
continuerons le débat sur la motion du ministre de l'Agriculture
relativement à la modification de la Loi sur la protection du territoire
agricole. (11 h 20)
Avant que nous ne fassions cela, M. le Président, le
député de Westmount a rencontré le député de
Groulx pour lui signifier qu'il n'aurait aucune objection à ce qu'on
puisse adopter immédiatement en deuxième lecture le projet de loi
no 192, projet de loi public inscrit au nom d'un député, sans
qu'il n'y ait aucun débat en deuxième lecture. Je vous
demanderais d'appeler l'article 13 inscrit au feuilleton.
Projet de loi no 192 Deuxième lecture
Le Vice-Président (M. Jolivet): Article 13, la
deuxième lecture du projet de loi 192, Loi modifiant la Loi concernant
la Confédération des caisses populaires et d'économie
Desjardins du Québec. Cette motion de deuxième lecture est-elle
adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté.
Le Secrétaire adjoint: Deuxième lecture de ce
projet de loi.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader du
gouvernement.
Renvoi à la commission des
institutions financières et
coopératives
M. Bertrand: M. le Président, je ferais motion pour que ce
projet de loi soit déféré à la commission
parlementaire permanente des institutions financières et
coopératives qui, lundi après-midi, entendra des groupes
relativement à des dossiers de même nature.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Cette motion est-elle
adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté. M. le
leader du gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, je vous demanderais
d'appeler le député de Sainte-Marie - il est ici, alors vous
n'aurez pas besoin de l'appeler - pour qu'il fasse sa présentation sur
le rapport de sa commission spéciale.
Dépôt du rapport de la commission
spéciale sur la fonction publique
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Sainte-Marie.
M. Guy Bisaillon
M. Bisaillon: M. le Président, on se souviendra qu'en
novembre dernier l'Assemblée nationale se donnait un outil nouveau et
additionnel aux fins d'amener des parlementaires de toutes les options à
travailler à l'amélioration de lois déjà
existantes.
On se souviendra aussi, M. le Président, qu'à l'origine la
ministre de la Fonction publique avait marqué son intention de mettre
sur pied un comité faisant appel aux ressources des deux partis
politiques de cette Chambre, donc un comité bipartite, aux fins
d'analyser la loi 50. Rapidement, et comme cela s'est fait dans d'autres lois,
ce comité bipartite est finalement devenu une commission spéciale
de l'Assemblée nationale.
Mon collègue de Trois-Rivières, le député
Vaugeois, qui a donné son nom à un rapport très
célèbre maintenant et qui traite de ces questions des commissions
parlementaires, nous a fortement aidés et
incités à instaurer ou à expérimenter ces
formes de commissions spéciales, ces formes de commissions
parlementaires particulières.
Si l'on me permet, M. le Président, je voudrais, dans les
dernières minutes de mon intervention, revenir sur l'expérience
vécue par la première commission spéciale de
l'Assemblée nationale du Québec.
Dès le départ, M. le Président, outre les grandes
orientations qui ont déjà été fixées par
l'ensemble des lois de la fonction publique depuis les débuts, les
membres de la commission, de même que l'équipe de recherche qui
les entourait se sont d'abord fixé comme objectif d'orienter la
législation sur la fonction publique, en ayant comme
préoccupation première les citoyens et les citoyennes du
Québec. En effet, si on se souvient de toute l'évolution qu'ont
subie les lois de la fonction publique, on se rend facilement compte que,
souvent, la préoccupation du citoyen, il faut bien le dire, a
été absente de nos lois.
Donc, premier thème de la commission et premier
intérêt des membres de la commission: les citoyens du
Québec.
Deuxième grand thème traité par les membres de la
commission: la productivité des fonctionnaires.
Le troisième: l'imputabilité, c'est-à-dire le fait
que les fonctionnaires aient à rendre compte des actes qu'ils
posent.
Quatrième grand thème, qui nous était fixé
dans le mandat déterminé par l'Assemblée nationale:
l'utilisation optimale des ressources humaines.
M. le Président, à partir de ces quatre thèmes, la
commission a préparé un rapport qui contient quelque 150
recommandations.
Bien sûr, en six mois, avec une équipe de recherche
réduite par rapport aux effectifs que l'on connaît dans les
différents ministères, il est possible qu'on retrouve dans le
rapport qu'on dépose aujourd'hui un certain nombre d'incohérences
ou d'analyses incomplètes. Nous prétendons qu'avec le temps qui
nous a été accordé, avec les ressources que nous avons
obtenues, avec les ressources financières utilisées, nous avons
non seulement réussi à traiter du problème de la
productivité, mais à en faire la démonstration.
En effet, durant cette période, les membres de la commission ont,
dans une première étape, rencontré un certain nombre de
groupes, à huis clos, procédé à un certain nombre
d'études préparées par l'équipe de recherche et,
après avoir déposé, en cette Chambre, un document de
consultation, procédé à des audiences publiques.
Des quelque 300 heures consacrées par les membres de la
commission aux travaux de la commission et au mandat qui nous avait
été confié, on arrive, aujourd'hui, avec un document qui,
selon nous, permettrait de donner une nouvelle orientation à la Loi sur
la fonction publique, une orientation qui serait, d'abord et avant tout,
fixée, orientée, ayant comme préoccupation première
les citoyens du Québec et les services à leur donner, ayant comme
toile de fond la productivité des fonctionnaires et de l'appareil,
c'est-à-dire les meilleurs services à fournir aux citoyens au
meilleur coût possible, la meilleure utilisation possible des ressources
humaines. De toutes les recommandations qui sont contenues dans notre rapport,
on tient à souligner qu'elles sont toutes applicables avec les
ressources humaines actuellement à la disposition du gouvernement du
Québec.
Nous pensons que les compétences sont suffisantes à
l'intérieur de la fonction publique. Il s'agit maintenant de savoir quel
type d'organisation, quelle orientation et quelle méthode nous
utiliserons pour faire en sorte que ces compétences soient, toutes et
chacune, sans aucune exception, mises à la disposition des citoyens du
Québec.
J'ai dit, tantôt, M. le Président - je terminerai avec
cette mention - que c'était une formule nouvelle utilisée par
l'Assemblée nationale. Cette formule nouvelle supposait la
présence d'une équipe de ressources techniques qui entourait les
membres de la commission. Je m'en voudrais de ne pas vous nommer et de ne pas
rappeler à ceux qui nous écoutent les noms des personnes qui ont
contribué, par leur travail assidu, au résultat que nous vous
présentons aujourd'hui.
Les membres nommés par l'Assemblée nationale
étaient - on s'en souviendra - les députés de Roberval, de
Champlain, de Dorion - dont l'assiduité, l'efficacité et
l'implication ont été des modèles pour nous tous pendant
nos travaux - de Papineau, de Chomedey et de Louis-Hébert...
Une voix: Jean-Talon.
M. Bisaillon: ... de Jean-Talon. C'est l'un ou l'autre, M. le
Président. Il nous a habitués, de toute façon, à
changer si souvent.
Donc, sept députés, quatre du parti ministériel et
trois de l'Opposition qui, pendant presque sept mois, ont travaillé
ensemble, épaulés par une équipe de recherche qui - je
voudrais bien le souligner a été mise sur pied grâce
à la participation d'un certain nombre d'organismes et de
ministères. En effet, tous les travaux de la commission ont
été permis grâce à la collaboration des
ministères qui, tout le temps des travaux de la commission, nous ont
prêté les services d'un certain nombre d'employés de
soutien ou de recherchistes... (11 h 30)
Cette équipe de recherche se trouve ici dans les galeries de
l'Assemblée nationale. Je pense qu'il serait important, au moment
où,
pour la première fois, une commission spéciale
dépose un rapport devant l'Assemblée nationale, qu'on mentionne
non seulement son apport aux travaux de la commission et aux membres de la
commission, mais son implication particulière. À titre d'exemple,
M. le Président, je voudrais vous indiquer que, seulement la semaine
dernière, dans le cadre de la préparation du rapport,
l'équipe de recherche, le personnel de soutien et un certain nombre de
membres de la commission ont fourni 102 heures de travail. Au salaire minimum
et sans compter le fait qu'on pourrait être à temps et demi
à un moment donné, ça fait déjà un bon
salaire. 102 heures de travail dans une semaine, M. le Président,
ça excuse peut-être un certain nombre d'absences à
l'Assemblée nationale, ça fait peut-être en sorte aussi que
le travail d'un député peut prendre son sens ailleurs que sur ces
banquettes que nous occupons. 102 heures de travail, c'est dans une semaine, la
semaine dernière, mais depuis sept mois, de façon
régulière, constante, assidue, les membres de cette équipe
de recherche ont épaulé les députés qui ont voulu
s'impliquer dans une démarche nouvelle, dans le fond, qui implique plus
que le travail auquel normalement on est habitué à
l'Assemblée nationale.
Cette équipe de recherche a été
épaulée tout au long de nos travaux par une équipe de
soutien qui lui a souvent permis de continuer ses travaux. Jeanne-Mance Biron,
Paula Drolet, Céline Tremblay, Martine Chabot, Lucie Couture,
Gisèle Rousseau, Monique Campagna, voilà un certain nombre de
personnes qui nous ont permis de continuer et de déposer aujourd'hui ce
rapport devant vous, épaulées par une équipe de recherche
comprenant Martin Houde, Guy Beaulieu, Jean Foumier, Domenico Celi, Richard
Gauthier, le coordonnateur des travaux, Royal Messier, le conseiller
spécial, M. Paul Marc-Aurèle, et deux personnes dont je voudrais,
au-delà du travail fourni par le coordonnateur Royal Messier, souligner
l'implication particulière. Il s'agit de Victorin Jean qui a
été celui qui nous a permis de déposer ici des documents
de consultation récemment et qui, aujourd'hui, nous a permis, bien
sûr à partir des orientations fixées par les membres de la
commission, de déposer le rapport. Il s'agit de consulter ce rapport
qu'on dépose aujourd'hui pour comprendre que, sans le travail d'une
personne comme Victorin Jean, probablement que ce rapport ne serait pas devant
nous aujourd'hui. De même, il y a Michel Verge qui nous a
été prêté par le ministère de la Justice,
qui, constamment, depuis les débuts, à temps partiel au
départ et depuis quelque temps, il faut bien l'avouer, à temps
complet, même si l'entente ne le prévoit pas, nous a permis aussi
d'en arriver aux résultats qu'on présente.
Les personnes que je viens de nommer étaient présentes ici
à l'Assemblée nationale au moment du dépôt du
rapport. Un certain nombre d'autres personnes se sont impliquées avec
nous dans les travaux de la commission depuis les débuts. La liste de
tout le personnel ayant participé aux travaux de la commission
spéciale se trouve incluse dans notre rapport. Nous aimerions souligner
le travail particulier du Secrétariat des commissions de
l'Assemblée nationale, de même que la participation active et plus
qu'active de tous les services de l'Assemblée nationale: direction du
personnel, direction des services administratifs, vous, M. le Président,
au niveau des services que vous nous avez offerts, étant donné
l'ambiguïté qui semblait exister quant à notre statut de
commission spéciale et tous les autres services de l'Assemblée
nationale: l'impression, le journal des Débats, de même que le
service des achats.
En conclusion, je voudrais indiquer que les membres de la commission,
ceux que j'ai nommés tantôt, ont fait une analyse de
l'expérience qu'ils ont vécue, une expérience qui les
amène à dire que cette première activité d'une
commission spéciale à l'Assemblée nationale doit se
poursuivre, en tenant compte cependant des quelques recommandations que nous
vous faisons dans ce rapport quant au mode de fonctionnement qu'on devrait
normalement, selon nous et après l'expérience vécue, avoir
à l'avenir.
En effet, nous avons été préoccupés, tout au
long de nos travaux, par le nombre de membres de cette commission. Nous
étions sept membres; une autre commission spéciale a
déjà regroupé neuf membres de cette Assemblée. Nous
pensons qu'à l'avenir, les commissions spéciales devraient avoir
un nombre de membres restreint. Nous pensons aussi que les commissions
spéciales ne devraient plus être orientées
immédiatement sur des législations à amender dès le
départ.
Autrement dit, pour nous, il existe une différence entre faire
l'étude d'un problème et en arriver à la conclusion qu'il
faille amender une loi. Travailler dès le départ en sachant que
le résultat des travaux de la commission devra passer par un examen au
niveau d'un ministère, à cause d'amendements ou de la refonte
d'une loi, nous pensons que, dans l'avenir, si on veut assurer une plus grande
autonomie aux commissions... Quand je parle d'autonomie, M. le
Président, je voudrais bien qu'on me comprenne. Ce n'est pas que la
commission a subi de l'ingérence durant ses travaux, c'est parce que,
quand on sait qu'une loi doit être amendée et qu'une commission
travaille dans ce sens, il y a un sentiment d'urgence qui n'est pas le
même que celui d'une commission qui étudie un problème sans
connaître les répercussions qu'un délai, par exemple, dans
ses travaux, peut apporter.
Dans ce sens-là, je pense qu'il faudrait qu'on tienne compte de
certaines recommandations qui indiquent l'orientation qu'on devrait donner
à l'avenir aux commissions spéciales.
Par ailleurs, on a été surpris de constater que les
commissions spéciales n'ont pas de statut actuellement au niveau de
l'Assemblée nationale. Dans ce sens, tous les membres de la commission
se sont entendus pour demander qu'une question avec débat se tienne de
façon régulière après chacune des commissions
spéciales aux fins de vérifier l'application qui sera faite des
recommandations de chacune des commissions spéciales.
À cette fin, je voudrais déposer dès aujourd'hui un
avis, au nom des sept membres de la commission spéciale sur la fonction
publique, aux fins d'obtenir une question avec débat à l'automne,
donc, à la reprise de nos travaux, sur le sujet suivant: Quelles sont
les étapes franchies et les décisions prises afin d'assurer la
mise en oeuvre des recommandations contenues dans le rapport de la commission
spéciale? Trois ou quatre mois après le dépôt d'un
rapport d'une commission spéciale, il serait normal que l'ensemble des
membres d'une commission puissent interroger le ou les ministres
impliqués, la ou les personnes -parce que, dans notre rapport, M. le
Président, vous verrez qu'on pense à interroger d'autres
personnes que les ministres, de temps à autre, à
l'Assemblée nationale - impliquées dans la mise en oeuvre de nos
recommandations. C'est une recommandation formulée dans notre rapport,
mais, pour actualiser ce rapport le plus tôt possible, je dépose
dès maintenant cet avis à l'Assemblée nationale sur une
question avec débat, au nom des sept membres de la commission
spéciale.
Avant de céder la parole, M. le Président, à mon
collègue, le député de Jean-Talon, je voudrais, au nom de
tous les membres de la commission, selon les résolutions et le mandat
qui nous a été confié par l'Assemblée nationale le
24 novembre 1981 et le 25 mars 1982, déposer le rapport de la commission
spéciale sur la fonction publique, en soulignant, M. le
Président, à tous les membres de cette Assemblée que la
couleur de la couverture du premier rapport, de la première commission
spéciale a été choisie à dessein par les membres de
la commission. C'est symbolique. Cela veut indiquer que les quelque 150
recommandations qu'ils formulent seront retenues pour les personnes
chargées de leur application. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Avant de céder la
parole au député de Jean-Talon, la présidence prend bonne
note de votre avis quant à la question avec débat. Elle le met
dans le même sujet de discussion qu'il y a eu au niveau du
député d'Arthabaska, on s'en souvient, qui avait fait une demande
comme député de cette Assemblée. On invite aussi les
leaders de chacune des formations politiques à s'interroger et à
permettre à la présidence de prendre la meilleure décision
dans l'un et l'autre cas. M. le député de Jean-Talon.
M. Jean-Claude Rivest
M. Rivest: M. le Président, très brièvement,
dans l'énumération des remerciements tout à fait
pertinents que le député de Sainte-Marie a adressés aux
membres de la commission ainsi qu'à tous les collaborateurs au niveau de
la fonction publique, au niveau des gens qui sont venus aux audiences, des
universitaires, des gens du secteur public au sens large, il a fait une
omission extrêmement importante, et je pense qu'il conviendrait que je le
souligne. Je veux dire, au nom de tous ceux-là, l'estime, presque
l'affection que nous avons à l'endroit du député de
Sainte-Marie qui a dirigé ces travaux d'une main de maître, M. le
Président. Ce syndicaliste de carrière s'est
révélé, comme on l'a dit d'une façon un peu simple,
pour nous un très bon "boss" dans la mesure où il a
été beaucoup plus qu'un membre de la commission. Il a
été vraiment l'animateur de la commission et je tiens, ce matin,
au début de mes remarques, à lui rendre ce qui lui est dû,
je pense, pour le travail immense qu'il a fait.
Deuxièmement, M. le Président, je voudrais indiquer
très brièvement aux collègues de l'Assemblée
nationale que notre mandat portait sur la fonction publique. Bien sûr,
c'est un sujet éminemment d'actualité. Nous avons
réalisé une chose très importante, je pense. Notre rapport
en fait très largement état, au début des années
soixante, M. le Président, vous vous rappellerez que le Québec
s'est donné une fonction publique moderne, que les dirigeants politiques
d'alors ont voulu axer sur la compétence parce qu'on réalisait
que, pour présider aux politiques et aux programmes et les mettre en
oeuvre, le Québec avait besoin d'une fonction publique compétente
et dynamique. Ce travail s'est poursuivi et se poursuit encore aujourd'hui,
mais cela a été et la poussée qu'on a donnée
à la fonction publique au début des années soixante.
Par la suite, bien sûr, est arrivé le problème
fondamental que la société québécoise a
vécu, c'est-à-dire ce combat qui continue de se faire de donner
aux employés de la fonction publique des conditions de travail justes et
raisonnables. L'arrivée du syndicalisme dans la fonction publique a, je
pense, considérablement amélioré les conditions de travail
des fonctionnaires et ce travail, sans doute, va se poursuivre au cours des
années.
Notre travail, au niveau de la commission spéciale, a finalement,
comme le rappelait le président, beaucoup plus cherché à
voir dans l'avenir quelles seraient les perspectives ou les lignes de force que
nous devrions toujours avoir en vue lorsqu'il s'agit des programmes et des
politiques concernant la fonction publique. Comme le président de la
commission spéciale le rappelait, nous nous sommes dit qu'il fallait
d'abord que la fonction publique se mette au service de l'ensemble de la
collectivité, que la notion de service public, de service aux citoyens
soit davantage développée par les programmes et les politiques du
ministère de la Fonction publique ainsi que tous les autres
ministères. Les grands axes, les points forts du programme ont
été de mettre l'accent, pour ce qui est de la fonction publique
en tant que telle, sur des notions extrêmement importantes aujourd'hui.
Il y a déjà des programmes qui existent dans ce sens, mais la
commission spéciale a voulu mettre l'accent, insister et sensibiliser
tout le monde à l'importance d'accroître la productivité de
notre fonction publique, d'accroître son degré
d'imputabilité c'est-à-dire de responsabilité du
gestionnaire et du fonctionnaire qui prend des décisions, de lui donner
la marge de manoeuvre nécessaire pour exercer ses responsabilités
et finalement être imputable des actes qu'il pose.
Une autre grande ligne de force de notre programme, également,
c'est de donner notre appui d'une façon très ferme au programme
d'égalité en emploi pour les femmes, pour les membres des
communautés culturelles et finalement de nous assurer, étant
donné que les effectifs de la fonction publique ne croîtront pas
d'une façon aussi rapide que dans le passé, il est
extrêmement important dans l'avenir, dans la mesure où nous avons
une fonction publique jeune... Il faut que les jeunes occupent les postes,
qu'on se préoccupe de renouveler la fonction publique par
l'extérieur. Il faut trouver des jeunes à l'intérieur de
notre gestion de la fonction publique; il faut continuer d'offrir aux jeunes la
possibilité d'entrer dans la fonction publique.
M. le Président, le rapport, les gens en prendront connaissance,
esquisse des perspectives qui ne s'attachent pas simplement à des
amendements techniques à la loi, mais qui rejoignent aussi un certain
nombre de programmes au sein du ministère de la Fonction publique, qui
traduisent une volonté politique ou parlementaire très ferme - et
nous l'avons voulu ainsi - pour inciter la ministre de la Fonction publique
d'aujourd'hui et les gens qui lui succéderont, à dire: La
fonction publique pour la société québécoise, c'est
une chose extrêmement importante. C'est important pour les citoyens. Le
rôle principal du ministère de la Fonction publique est de faire
en sorte que les hommes et les femmes qui travaillent dans la fonction publique
puissent le faire avec joie, avec compétence et qu'ils éprouvent
non seulement une satisfaction d'être membres de la fonction publique
québécoise, mais également une fierté d'appartenir
à cette administration publique québécoise qui se met au
service du progrès de la collectivité québécoise.
C'est dans ce sens, M. le Président, qu'avec nos collègues, et en
remerçiant de nouveau le président de la commission
spéciale, le député de Sainte-Marie, pour le travail
vraiment exceptionnel qu'il a fait, je veux m'associer sans aucune
réserve aux propos que le député de Sainte-Marie a tenus
en notre nom à tous. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Mme la ministre de la
Fonction publique.
Mme Denise LeBlanc-Bantey
Mme LeBlanc-Bantey: M. le Président, j'espère que
j'aurai la tolérance de cette Chambre pour accuser réception du
rapport que, forcément, j'aurai la mission d'appliquer sinon dans toute
son ampleur dans les prochains mois, certainement d'en retenir l'ensemble des
suggestions.
Je voudrais, si vous me le permettez, dire aussi que nous venons de
vivre quelque chose de très rafraîchissant dans cette
Assemblée nationale. En effet, à ma connaissance, c'est la
première fois qu'un député de l'Opposition se lève
et que, spontanément, les députés ministériels
l'applaudissent. C'est la preuve que l'expérience nouvelle que la
commission Bisaillon a tenté de mettre de l'avant par une commission
bipartite qui aurait comme mandat de tenter d'offrir à un ministre, dans
les circonstances, une ministre, une réflexion sur ce qu'est la fonction
publique du Québec, cette expérience nouvelle, dis-je, fait la
preuve que pour des objectifs communs, l'Opposition et le parti
ministériel peuvent s'entendre et tenter de fournir une réflexion
au-delà des différences partisanes. Cela m'apparaît
important et je pense qu'il faut le souligner. (11 h 50)
Je voudrais féliciter M. le député de Sainte-Marie,
les membres de l'Opposition et les membres de l'équipe
ministérielle d'avoir travaillé, comme le député le
soulignait, avec énormément d'énergie. Ils ont
effectivement fait la démonstration non seulement de
productivité, d'imagination, comme on dit chez nous, de vaillance, mais
aussi ils ont fait la démonstration que la fonction publique ne
concernait pas qu'une partie de la population, qu'elle pouvait et qu'elle
devait être la préoccupation de l'ensemble des citoyens.
Quant à moi, très brièvement, je dis en
terminant qu'il n'y a aucun doute que la réflexion qu'ils ont
faite sera extrêmement bénéfique à la fonction
publique du Québec par rapport à la réflexion que nous
avons déjà amorcée chez nous et que nous regarderons avec
la plus grande attention l'ensemble des recommandations. Je
répète que, quant à savoir si nous serons capables de les
appliquer dans leur intégralité, évidemment, n'ayant pas
voulu faire d'ingérence et n'étant pas au courant des 150
recommandations, je n'ai aucune idée si les réflexions de la
commission vont dans l'ensemble dans le sens de l'obligation qu'a un
gestionnaire, finalement, de gérer ses ressources de la meilleure
façon possible, au coût le plus bas possible. Mais je tiens quand
même à dire que nous ferons certainement tout l'effort
nécessaire pour que ces recommandations en générale ne
demeurent pas lettre morte. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Merci. M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, me réjouissant, moi
aussi, de cet événement dont nous venons tous d'être
témoins et qui est une première concrétisation de ce que
plusieurs appellent la réforme parlementaire, mais qui a besoin
d'exemples comme ceux-ci pour avoir un sens quelconque, je voudrais vous dire
que nous avons tous très hâte de recevoir le deuxième
rapport de la commission spéciale, celui qui touche plus
particulièrement le dossier de la protection de la jeunesse.
Sur ce, je vous demanderais d'appeler l'article 3 du feuilleton
d'aujourd'hui.
Projet de loi no 18 Troisième lecture
Le Vice-Président (M. Jolivet): Troisième lecture
du projet de loi no 18, Loi assurant l'application de la réforme du
droit de la famille et modifiant le Code de procédure civile.
M. le ministre de la Justice.
M. Marc-André Bédard
M. Bédard: M. le Président, quelques
représentations en troisième lecture de ce projet de loi no 18.
Ce projet de loi, comme vous le savez, est essentiel à l'application des
dispositions qui ont été introduites dans la loi 89 traitant de
la réforme du droit de la famille qui a été adoptée
en décembre 1980 et dont une partie est déjà en vigueur
depuis le 2 avril 1981.
Tout le monde se le rappellera, les principes fondamentaux qui
étaient édictés par la loi 89, par la réforme du
droit de la famille adoptée à l'unanimité de cette
Assemblée nationale, étaient les suivants. On y
établissait le principe de l'égalité des membres de la
famille, le principe de l'égalité et de la liberté des
membres de la famille dans l'organisation morale et matérielle de leurs
relations familiales.
Également, on y établissait le principe de
l'égalité des enfants à leur naissance. On peut être
porté à croire que ce principe avait toujours existé dans
nos lois, mais malheureusement, M. le Président, jusqu'à ce que
la loi 89 soit adoptée, jusqu'à ce que celle-ci soit
adoptée aussi, en termes de procédure, il y avait une situation
qui faisait qu'au Québec il y avait des enfants dits légitimes
par rapport à des enfants dits illégitimes. Cette situation qui
était inacceptable est maintenant une fois pour toutes corrigée.
On n'a pas besoin d'argumenter longtemps: il était inadmissible de
croire que des enfants puissent naître, grandir avec une notion de
légitimité ou d'illégitimité qui créait, on
le sait, de nombreux préjudices et traumatismes à certains de nos
concitoyens et concitoyennes.
À partir de maintenant - je suis fier de le dire et je sais que
tous les membres de l'Assemblée nationale sont fiers de la correction
qui aurait dû être faite depuis bien des années, ce qui fait
qu'à l'heure actuelle, on ne parlera plus d'enfants illégitimes;
tous les enfants sont égaux à leur naissance.
C'est donc, M. le Président, pour confirmer ces principes que la
loi 89, sur le droit de la famille, que nous avons adoptée, affirmait
clairement la mission du tribunal de favoriser aussi, dans le domaine des
relations familiales, la conciliation des parties, introduisait la notion de
séparation de corps et de divorce sur projet d'accord, afin
d'éviter encore une fois de nombreux traumatismes qu'occasionne
nécessairement la situation de familles qui sont malheureusement en
difficulté.
Également, pour confirmer ces principes que je viens
d'énoncer, la loi 89 confiait au tribunal un nouveau rôle en ce
qui a trait à l'arbitrage des différends familiaux.
Les nouvelles règles qui sont édictées, M. le
Président, par le projet de loi no 18 tendent donc justement à
assurer le respect et l'exercice de ces droits et libertés en regard des
principes que je viens d'énoncer.
Le projet de loi no 18 que nous avons adopté vise ainsi
principalement à humaniser le processus judiciaire dans le
règlement des conflits familiaux. À cette fin, nous introduisons
la règle du huis clos, comme étant une règle
générale, lors des audiences en matière familiale,
règle du huis clos qui sera mise en vigueur dans les meilleurs
délais, dès que tous les ajustements administratifs que cela
impose seront terminés avec le plus de célérité
possible.
On se rappelle, M. le Président, que
cette règle du huis clos comme règle
générale a même fait l'objet d'un débat à
I'Assembée nationale et, même si l'Opposition n'était pas
d'accord, nous avons cru que nous devions aller de l'avant avec cette mesure
puisque le huis clos confirme le caractère intime des débats - on
parle de conflits familiaux - créant ainsi un climat beaucoup plus
favorable pour les parties et le huis clos assure également le respect
du droit à la vie privée de chacun des citoyens qui,
momentanément, est en difficulté et doit se retrouver devant un
tribunal.
Je pense, M. le Président, que cette règle du huis clos,
sans en parler davantage, et c'est ma conviction - comme certains l'ont dit,
cela aurait peut-être dû être fait bien avant - permettra de
créer une ambiance dans l'enceinte du tribunal qui favorisera les
ententes, diminuera aussi les traumatismes et les déchirements qui
accompagnent nécessairement tous les problèmes de familles en
difficulté.
Le projet de loi no 18 vise aussi à favoriser l'autonomie des
parties et à assurer une plus grande participation des parties à
la solution de leurs différends. Pour ce faire, le projet de loi
introduit la procédure par voie de demandes conjointes, lorsque les
parties veulent saisir conjointement le tribunal pour régler un
différend entre elles ou pour régler une séparation de
corps, ou un divorce sur projet d'accord. (12 heures)
Cette façon de procéder, en atténuant le
caractère accusatoire qui accompagne généralement les
procédures en matière familiale, permettra encore là
d'éviter des conflits inutiles et de faciliter des règlements
avec le moins de déchirement possible.
Le projet de loi no 18 permet aussi de garantir la protection des droits
de l'enfant en prévoyant les règles relatives à une
représentation adéquate de l'enfant et au paiement des honoraires
qui sont relatifs, tout comme celles relatives à son droit d'être
accompagné par une personne apte à l'assister et à le
rassurer lorsque l'enfant doit être partie en fonction d'une
procédure judiciaire.
Le projet de loi no 18 permet aussi de compléter
l'intégration à notre droit civil des dispositions relatives
à l'adoption. Le projet de loi détermine donc les intervenants
suivant le mode d'adoption, assure la confidentialité des parties
à une adoption et les circonstances qui requièrent l'avis ou le
consentement de l'enfant. Fait important à souligner, le projet de loi
introduit à la Loi sur la protection de la jeunesse des articles
relatifs à l'obtention de renseignements sur les
antécédents de l'enfant et de l'adoptant, à
l'intérieur, toutefois, des règles relatives au respect de
l'anonymat des parties.
Sur le plan de l'adoption, M. le Président, vous le savez, des
représentations ont été faites par des groupes que nous
respectons énormément. J'ai eu personnellement l'occasion de
rencontrer ces groupes. Contrairement à ce qui a pu être dit, j'ai
accepté rapidement et avec plaisir de les rencontrer. Je crois que,
contrairement à ce qui a été dit, la rencontre a quand
même été positive puisque j'ai indiqué, en ce qui a
trait à l'adoption et à tous les problèmes que cela peut
présenter, que le ministère des Affaires sociales a mis sur pied
un secrétariat qui aura pour fonction d'aller au fond des choses,
d'analyser l'ensemble des situations et des représentations qui peuvent
être faites pour déboucher sur des recommandations que nous
prendrons en très grande considération.
J'ai assuré également ces groupes que le ministère
de la Justice se solidariserait dans le travail de cette commission et qu'une
grande disponibilité de la part du ministère de la Justice
était très clairement établie par rapport à des
besoins ou des demandes d'aide, de travail, d'approfondissement qui pourraient
nous être faites par les membres de ce secrétariat.
M. le Président, le projet de loi no 18 permet aussi de confirmer
le principe de l'égalité des conjoints et l'égalité
de tous les enfants, quelles que soient les circonstances de leur naissance.
Pour assurer le respect de ce principe que j'ai évoqué tout
à l'heure, le ministère a effectué un repérage des
lois du Québec où était maintenue une disparité par
rapport aux enfants, où étaient établies des distinctions
qui pourraient être discriminatoires par rapport aux enfants. Il a
établi également un repérage des lois du Québec
où était maintenue la discrimination fondée sur le sexe,
ce qui nous amène, premièrement, à modifier, dans
plusieurs lois, la portée de la définition de personnes
liées par rapport aux personnes adoptées pour enlever les
distinctions basées sur les anciens concepts de légitimité
ou d'illégitimité de l'enfant, deuxièmement, à
remplacer, dans ces lois, différents concepts maintenant la
discrimination fondée sur le sexe, discrimination entre hommes et
femmes, dans le libellé de nos lois.
J'aimerais vous souligner, M. le Président, qu'à la suite
de représentations qui m'ont été faites concernant la
disposition transitoire qui est contenue dans la loi 89 permettant aux parents
de donner un nom composé à leur enfant mineur, né avant le
2 avril 1981, un amendement a été apporté. Cet amendement
assouplit la règle lorsqu'il y a séparation de corps, divorce, ou
qu'un jugement de garde a été rendu. En effet, dans ces
circonstances, lorsque la formulation de la demande conjointe est impossible,
et on peut concevoir qu'elle puisse l'être, le père ou la
mère pourra se prévaloir seul de la disposition, ce qui
n'était pas le cas dans
une première rédaction. Cet assouplissement contribuera,
je l'espère, à résoudre les difficultés qui nous
ont été signalées depuis l'entrée en vigueur de
cette disposition.
En conclusion, M. le Président, je voudrais rappeler que les
règles de procédure et l'organisation judiciaire actuelle ne
favorisaient pas le règlement à l'amiable des conflits ou pas
suffisamment. L'accent placé sur les procédures contradictoires
de même que l'organisation formaliste des cours peuvent contribuer
à accentuer le sentiment d'aliénation des justiciables face aux
tribunaux. En ce sens, je suis persuadé que le projet de loi no 18, en
bonifiant le processus judiciaire, améliorera non seulement l'image de
la justice, mais la réalité de la justice vécue au jour le
jour par nos concitoyens et concitoyennes.
Ce projet de loi permet la concrétisation des principes
établis dans la loi 89 qui répondent, on l'a vu à ce
moment-là, aux besoins manifestés par la population. Il se veut
aussi, dans un sens plus large, une affirmation de mon désir de doter
les citoyens et citoyennes du Québec d'un système judiciaire plus
humain, d'une justice plus accessible. Tout n'est pas fait, il reste encore des
choses à faire, mais je crois qu'avec la bonne volonté de tous
les intervenants, il est toujours possible de franchir des étapes comme
nous en franchissons présentement et d'en franchir d'autres en fonction
de l'avenir.
Je crois donc que l'adoption de ce projet de loi nous permettra enfin de
faire entrer en vigueur presque toutes les dispositions de la loi 89 qui sont
de notre juridiction, et contribuera à faire franchir à notre
droit de la famille un certain écart qui a pu s'être
créé avec les années entre le droit et la
réalité, par le seul fait de l'évolution rapide de la
cellule familiale dans notre société au cours des
dernières années.
J'espère que l'Opposition donnera son assentiment à ce
projet de loi. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de D'Arcy McGee.
M. Herbert Marx
M. Marx: Merci, M. le Président. L'Opposition est d'accord
avec ce projet de loi parce qu'il est nécessaire pour rendre possible
l'application de la loi 89, mais nous ne sommes pas d'accord sur un ou deux
points avec le ministre de la Justice.
Premièrement, j'aimerais souligner que le ministre a bien dit
qu'on va mettre en application juste ces articles dans le projet de loi qui
sont sous la juridiction de l'Assemblée nationale. Donc, on a
adopté des articles qui ne sont pas sous la juridiction de
l'Assemblée nationale. En lisant ce projet de loi, il faut bien
comprendre que toute la loi ne sera pas en vigueur avant que nous ayons un
transfert de compétences fédérales aux provinces.
Je pense que c'est important de souligner ce point à savoir qu'on
a adopté des articles qui ne seront pas en vigueur parce qu'ils ne sont
pas de la compétence de l'Assemblée nationale. C'est un point qui
mérite d'être souligné, mais ça ne change rien, sauf
que, lorsque les gens lisent le projet de loi, il faut comprendre que toute la
loi ne sera pas en vigueur. (12 h 10)
Le ministre a aussi parlé de l'égalité homme-femme,
mais vous savez que, dans la Charte des droits et libertés de la
personne du Québec d'aujourd'hui, on permet la discrimination contre les
femmes, surtout en ce qui concerne les avantages sociaux. Cette disposition est
dans la charte québécoise depuis son adoption, en 1975, et
c'était censé être une disposition transitoire. Mais,
depuis 1976, l'Opposition demande au gouvernement d'abroger cet article. Le
ministre fait des promesses d'un mois à l'autre, d'un an à
l'autre, mais cet article est encore en vigueur dans la charte
québécoise. Il y a encore de la discrimination contre les femmes
et ça continue.
Je suis député depuis à peu près trois ans
maintenant et j'ai demandé au ministre d'abroger cet article - je pense
que c'est l'article 90 de la charte québécoise - II a pris
l'engagement de l'abroger, de déposer un projet de loi pour l'abroger,
mais il n'a rien fait. Tout cela traîne d'un mois à l'autre, d'un
an à l'autre.
M. Bédard: Question de règlement.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de
règlement, M. le ministre de la Justice.
M. Bédard: Je ne veux pas interrompre indûment mon
collègue. Nous avons à parler d'un principe de loi très
précis au niveau de la troisième lecture, mais mon
collègue est en train d'argumenter sur la Charte des droits et
libertés de la personne à laquelle nous voulons apporter des
amendements, et il le sait très bien. Je vous demande, M. le
Président...
M. Marx: Ce n'est pas une question de règlement?
M. Bédard: Ma question...
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît; M.
le ministre, sur une question de règlement.
M. Bédard: C'est cela.
M. Marx: Quelle est la question de règlement?
M. Bédard: Avant de poser ma question de règlement,
vous comprendrez que je dois au moins rapidement vous expliquer sur quoi elle
porte.
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît,
rapidement, oui!
M. Bédard: Ma question de règlement est la
suivante: Nous discutons de la loi 18 et le député de D'Arcy
McGee est en train de parler de la Charte des droits et des libertés de
la personne, sur laquelle nous travaillons, à l'heure actuelle, à
apporter des améliorations qui auraient dû être
apportées auparavant, même par l'autre gouvernement. Je vous
demande simplement si les propos du député sont pertinents.
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!
Est-ce que je peux vous demander, M. le député, de parler sur le
fond de la question en troisième lecture?
M. Marx: C'est une question de fond. Le ministre a lui-même
soulevé la question de l'égalité entre homme et femme. On
discute du projet de loi no 18 et il faut le faire dans le cadre de toutes les
lois québécoises. La Charte des droits et libertés de la
personne du Québec prime la loi 18. Pour comprendre la loi 18, il faut
comprendre les dispositions de la charte québécoise; sinon, c'est
parler dans le vide.
Le ministre a soulevé cette question d'égalité
entre homme et femme. Comme je l'ai dit, on demande au ministre, depuis six ans
maintenant, d'abroger l'article 90 de la charte québécoise, qui
permet encore la discrimination contre les femmes. Le ministre fait des
promesses, mais n'agit pas. Je demande une autre fois au ministre de prendre
ses responsabilités au sérieux. Il pourrait consulter le ministre
d'État à la Condition féminine; peut-être
qu'ensemble ils pourraient faire en sorte qu'un projet de loi soit
déposé dans les meilleurs délais, projet de loi qu'il nous
a promis depuis longtemps, pour modifier la charte québécoise et
prévoir vraiment l'égalité entre homme et femme.
Il ne faut pas oublier que le ministre de la Justice était contre
- et il l'est encore - l'égalité entre homme et femme qui se
trouve dans la Charte canadienne des droits de la personne. Il est contre les
dispositions sur l'égalité entre homme et femme qui existent dans
la charte fédérale et il ne fait rien, dans la charte
québécoise, pour que les femmes soient vraiment sur un pied
d'égalité avec les hommes à 100%.
Pour la dernière fois, je demande au ministre, au moins, de
déposer ce projet de loi avant la fin de la session. Je sais qu'il est
trop tard pour l'adopter à cette session, mais peut-être que ce
sera possible au début d'octobre.
Le problème qui nous sépare, à part la question
d'égalité entre homme et femme est le problème du huis
clos. Le ministre m'a fait un petit procès d'intention. C'est son style.
Il laisse planer des doutes et des incertitudes ici et là. Je n'ai rien
contre cela. Il a un excellent style.
Je pense qu'il convient que je fasse un résumé de ma
position sur cette question du huis clos même si j'ai déjà
expliqué notre position en détail le 22 avril 1982 lors du
débat en deuxième lecture de ce projet de loi. Il y a deux
principes en présence. Il y a le principe d'un procès public dans
tous les procès ou dans 99,9% des procès. Il y a aussi le
principe de la protection de la vie privée des personnes. Le ministre
écarte un principe pour privilégier l'autre. Ce que j'ai
proposé, c'est de concilier ces deux principes. Je suis pour le huis
clos en matière de droit familial. Je suis pour la protection de la vie
privée des personnes. Aucun problème pour moi, il faut
protéger la vie privée des personnes.
Mais le ministre propose le huis clos intégral en matière
de famille, c'est-à-dire qu'à l'avenir il serait impossible pour
une partie d'exiger un procès public. Même si les parties au
procès, s'entendent pour avoir un procès ouvert et public, ce
serait impossible pour elles d'exiger ce procès ouvert et public. C'est
un changement radical dans notre système de droit et je pense que ce
n'est même pas nécessaire pour protéger la vie
privée des personnes.
Notre position est la suivante, et j'insiste une autre fois pour dire
que nous sommes pour le huis clos en matière familiale pour la partie en
litige qui l'exige. Notre position est très simple, et peut-être
dois-je répéter que le ministre est pour le huis clos
intégral, c'est-à-dire le huis clos en matière de droit
familial toujours et tout le temps. Notre position, qui diffère un peu
sur le mécanisme de la mise en application de ce principe, est la
suivante. À la demande de l'une des parties, le juge "doit" - il n'a pas
le choix - accorder le huis clos en matière de droit familial.
J'insiste, à la demande de l'une des parties, le juge "doit"
l'accorder, mais le tribunal doit toutefois admettre tout journaliste qui en
fait la demande. On trouve déjà une telle disposition dans
d'autres lois. Je pense que c'est dans la loi qui traite de la
délinquance juvénile, mais cela arrive très rarement qu'un
journaliste vienne à un procès. Le fait que les journalistes ont
le droit d'assister à un procès est la garantie que le
procès est toujours public, que le procès est ouvert. De plus,
les journalistes, même s'ils assistent à un procès - c'est
très rare, cela arrive rarement - seront tenus de
garder l'anonymat des parties, c'est-à-dire qu'il sera
défendu aux journalistes de divulguer leurs noms. Ce serait possible
pour les journalistes de parler de ce qui s'est passé devant les
tribunaux, mais ce serait interdit aux journalistes de mentionner ou identifier
qui que ce soit. L'anonymat est déjà dans la loi 18, l'anonymat
des parties y est déjà garanti. (12 h 20)
Je suis pour cette disposition à 100%. Ce n'est pas important de
savoir le nom des parties qui sont devant le tribunal. Ce n'est pas important.
Un procès ouvert et public veut dire qu'un journaliste peut assister,
peut être là pour surveiller ce qui arrive devant le tribunal,
pour voir s'il n'y a pas d'abus et ainsi de suite. Autrefois, avant qu'on ait
des procès ouverts et publics, il y avait beaucoup d'abus devant les
cours de justice et c'est pourquoi on a lutté pour avoir des
procès ouverts et publics.
Donc, dans ma proposition - et cela ne diffère pas tellement de
la position du ministre - je suis pour le huis clos à 100%. À la
demande d'une des parties, le juge doit l'accorder. Un journaliste peut
être présent, mais il ne pourrait jamais divulguer le nom des
parties. Donc, si le ministre est prêt à accepter ma proposition,
le huis clos serait garanti à toute personne qui veut
bénéficier du huis clos, mais on va aussi protéger le
principe d'un procès public et ouvert. Comme je l'ai dit, avec l'article
qui est dans la loi 18 aujourd'hui, ce serait impossible pour des parties
d'exiger un procès public, même si les deux parties sont d'accord.
En matière de droit familial, cela peut être un contrat, cela peut
être toutes sortes de choses. Ce n'est pas seulement le divorce. Il ne
faut pas penser seulement au divorce. Il y a d'autres procès où
même des tiers sont impliqués et ont un intérêt. Mais
ce serait impossible pour les parties qui sont d'accord d'exiger un
procès public, ouvert. Je trouve que c'est -comment dirais-je? - une
transformation d'un droit fondamental, parce que tout le monde a le droit
fondamental d'avoir un procès public. Ici, même si les parties
sont d'accord, ce serait impossible. Donc, ce que j'ai suggéré,
c'est qu'on fasse la conciliation des deux principes: un procès public,
permettant au moins l'accès aux journalistes pour surveiller ce qui se
passe devant nos tribunaux, mais de toujours garder l'anonymat des parties -
c'est une disposition qui est déjà dans le projet de loi et on
est tout à fait d'accord - et aussi, l'autre principe,
c'est-à-dire qu'on va respecter la vie privée des personnes. Une
partie au litige aurait le droit d'exiger le huis clos et le juge n'aurait pas
le choix, il devrait l'accorder, et on va toujours respecter l'anonymat des
parties, la non-identification des parties. J'aimerais, en terminant sur ce
point, souligner que la Commission des droits de la personne du
Québec a envoyé une opinion au ministre de la Justice dans
le même sens que mon intervention.
Le ministre a dit que toute la loi ne serait pas mise en vigueur tout de
suite, mais il n'a pas vraiment expliqué ce qu'il a voulu dire par cela.
Il n'a pas expliqué quels sont les problèmes avec sa loi et
pourquoi il ne pourrait pas la mettre en vigueur complètement et tout de
suite. Nous avons déjà soulevé un certain nombre de
problèmes en deuxième lecture. Le ministre a rejeté nos
soucis du revers de la main. J'ai déjà expliqué au
ministre que, s'il procède avec la loi et s'il la met en vigueur, ce
sera peut-être impossible dans certains palais de justice de
procéder comme il aimerait bien qu'on procède. Par exemple, au
palais de justice de Montréal, il y a beaucoup de divorces ex parte. Un
juge peut faire passer à peu près 40 à 50 divorces par
jour. Si on accepte le principe du huis clos intégral, ce ne sera pas
possible pour les juges de présider à 40 ou 50 divorces par jour.
Ce sera impossible, parce que ce sera nécessaire, après chaque
divorce, de vider la salle et de faire entrer d'autres avocats et d'autres
parties. Juste pour faire ce changement, le rendement des juges va tomber de 40
à 50 divorces par jour à peut-être 10 à 15. C'est
peut-être cela le problème que le ministre a voulu soulever, il ne
l'a pas précisé.
J'aimerais que le ministre précise quels sont les
problèmes pour la mise en application de ce projet de loi. Est-ce que ce
sera nécessaire d'adopter tout de suite des amendements à ce
projet de loi? Est-ce que le ministre a l'intention de proposer des amendements
pour la mise en application de cette loi? Parce qu'il a dit: II va y avoir des
problèmes de mise en application. Comment va-t-il procéder? S'il
y a des amendements à apporter à ce projet de loi,
j'espère que le ministre va faire cela tout de suite aujourd'hui. On
peut avoir une commission plénière, on est très ouvert, on
serait d'accord pour faire adopter les amendements nécessaires tout de
suite. Ou est-ce que le ministre propose d'apporter des amendements dans six
mois, dans huit mois, dans un an, et la loi ne serait pas appliquée
d'une façon complète?
Le ministre a soulevé le problème en
général. J'aimerais avoir les détails. J'aimerais savoir
si le ministre va nous proposer des amendements pour la mise en application de
la loi. S'il ne propose pas des amendements maintenant, est-ce qu'il va les
proposer au mois d'octobre? Comment va-t-il procéder? Sur ce point, je
vais répéter que l'Opposition est sûrement pour le projet
de loi, sauf en ce qui concerne les deux points que j'ai soulevés.
Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
ministre de la Justice.
M. Marc-André Bédard
(réplique)
M. Bédard: M. le Président, je suis très
heureux de constater que l'Opposition est pour le projet de loi. Je pense qu'il
aurait été difficile d'adopter une autre attitude, étant
donné les mesures très importantes comportant des
améliorations considérables au niveau de l'administration de la
justice, qui sont contenues dans ce projet de loi. Il y avait un point de
désaccord que nous avions avec l'Opposition concernant le huit clos. Je
suis surpris d'entendre encore une fois le raisonnement - tout en respectant
son argumentation - très théorique, très professoral du
député de D'Arcy McGee par rapport à la
réalité vécue tous les jours par les citoyens. Nous avons
fait en sorte que le huis clos soit une règle générale en
matière de conflits familiaux. Nous y tenons fermement, parce que notre
conviction est ferme. Le député de D'Arcy McGee est vraiment
coupé de la réalité quand il ne peut pas voir ce que cela
comporte, parce que notre conviction est ferme, à savoir que, lorsqu'il
y a des conflits dans des familles, qui font en sorte qu'on doit aller devant
un tribunal, ce sont des conflits d'ordre privé. Il n'est pas
nécessaire de faire en sorte, de permettre et même d'avoir des
règles qui permettent à tous les voisins, à tout le monde
de savoir ce qui se passe en termes de difficultés dans certaines
familles, lorsqu'on parle de séparation, lorsqu'on parle de garde
d'enfants, lorsqu'on parle de divorce. Là-dessus, nous allons continuer
d'être en désaccord avec l'Opposition. Je suis convaincu que les
personnes... J'ai laissé parler le député de D'Arcy McGee,
qu'il me laisse donc parler.
M. Marx: Question de règlement, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de
règlement. (12 h 30)
M. Marx: Ce n'est pas une question d'opinion, le ministre est en
train de déformer mes paroles.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de D'Arcy McGee, c'est une divergence, bien sûr, que
vous avez exprimée dans votre intervention de tout à l'heure.
C'est la réplique du ministre et il y a droit. M. le ministre.
M. Marx: M. le Président, c'est une question de
règlement. Laissez-moi expliquer comment c'est une déformation de
mes paroles, parce que ce que le ministre prétend, ce n'est pas ce que
j'ai dit: À la demande de l'une des parties, ce serait le huis clos.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Votre réplique, M.
le jministre.
M. Bédard: M. le Président, je demanderais
simplement au député de D'Arcy McGee d'être
conséquent. Nous établissons que le huis clos constituera la
règle générale et il a voté contre cela. II a
même affirmé que cela devenait impossible à des personnes
de demander une audience publique alors qu'il sait très bien qu'il y a
une disposition dans la loi qui permet à des personnes qui ont un
conflit juridique de demander au tribunal une audience publique. Le tribunal,
à ce moment-là, évalue la demande et, s'il croit que c'est
dans l'intérêt de la justice que les audiences soient publiques,
elles sont publiques et il se prononce en conséquence.
M. Marx: Question de règlement, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de
règlement, M. le député de D'Arcy McGee.
M. Marx: Le ministre ne comprend pas son propre projet de loi.
C'est un problème.
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!
S'il vous plaît! S'il vous plaît! M. le ministre.
M. Marx: M. le Président, question de
règlement.
M. Bédard: M. le Président, c'est...
M. Marx: C'est une question de règlement. Il est en train
d'induire la
Chambre en erreur. Il le fait expressément.
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! M.
le député de D'Arcy McGee, vous avez eu l'occasion de vous
expliquer dans votre intervention, la réplique appartient au ministre.
M. le ministre.
M. Bédard: M. le Président...
M. Marx: Question de règlement. Il induit la Chambre en
erreur.
M. Bédard: Je n'induis pas la Chambre en erreur. Vous avez
dit ce que vous aviez à dire.
Le Vice-Président (M. Rancourt): C'est une question...
S'il vous plaît! S'il vous plaît! Ce serait plutôt une
question de privilège, M. le député de D'Arcy McGee, que
vous pourriez soulever, mais, quant au règlement...
M. Marx: Une directive. Si vous voulez que je n'exerce pas mon
droit sur une question de règlement, je suis maintenant prêt
à exercer mon droit sur une question de privilège, après
que le ministre aura terminé sa réplique. Je suis prêt
à attendre, selon l'article 96. Je vais attendre et je vais
répondre à la fin.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, une question de
privilège doit être soulevée au moment même où
les faits se déroulent, où les paroles sont dites. Je voudrais
faire remarquer au député de D'Arcy McGee qu'il y a un autre
article du règlement qui est l'article 96 et qu'il aurait avantage
à le lire avant de se lever de nouveau.
M. Marx: M. le Président, je suis prêt à
utiliser mes droits en vertu de l'article 96. Je vais attendre la fin de la
réplique du ministre et je vais parler sur une question de
privilège.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Bédard: M. le Président, je pense que c'est
plutôt le député de D'Arcy McGee qui devrait être
plus sérieux et essayer de mieux comprendre le projet de loi. Je
commence à penser que le député de D'Arcy McGee regrette
énormément d'avoir montré son opposition et d'avoir
voté contre le fait que nous établissons le huis clos comme
règle générale dans le traitement judiciaire, lorsqu'il y
a des conflits familiaux.
M. le Président, je pense que ceux qui nous écoutent vont
très bien comprendre, malgré les questions de privilège et
de règlement du député de D'Arcy McGee, que ce que nous
avons voulu établir par ce projet de loi, c'est que, lorqu'il y a des
familles en difficulté, lorsqu'il y a des procès et que cela
concerne des problèmes de famille, à ce moment-là, nous
croyons que c'est du domaine de la vie privée et que la règle du
huis clos doit être la règle générale, ce à
quoi s'oppose le député de D'Arcy McGee.
Je suis convaincu que la population est parfaitement d'accord avec le
gouvernement, avec le ministre de la Justice en ce sens que, quand il y a des
problèmes de famille, c'est déjà assez compliqué,
c'est déjà assez traumatisant, il y a assez de
déchirements dans tout cela sans qu'on soit obligé de faire cela
à la face du public. C'est normal -c'est cela une justice humaine -
qu'on prévoie, comme législateur, à moins que les parties
en décident autrement, avec l'accord du juge, s'il y va de
l'intérêt de la justice, que ces conflits se règlent
à huis clos.
Si vous regrettez d'avoir voté contre cette disposition, c'est
votre problème. Je serais plutôt porté à vous dire:
Ravisez-vous donc! Cessez donc d'être un petit professeur qui regarde
simplement les affaires juridiques et l'administration de la justice en termes
théoriques. Essayez de voir cela du point de vue pratique. Essayez de
vous mettre dans la position de ces familles en difficulté, de ces
conjoints qui ont des problèmes à régler soit pour la
garde des enfants, soit pour une question de divorce ou de séparation.
Alors, vous comprendrez rapidement, si vous avez un minimum d'humanité,
que c'est normal de faire que la règle générale soit la
règle du huis clos. Nous y tenons fermement comme gouvernement.
M. le Président, je l'ai dit tout à l'heure, il y a
toujours la possibilité que des parties demandent au juge une audience
publique. Elles s'en expliqueront à ce moment. Le député
n'est même pas au courant des amendements que nous avons apportés
à cet article. Cela va même plus loin, M. le Président. On
a parlé de la presse tout à l'heure. Nous avons prévu que
les personnes qui sont partie à un conflit familial, le mari, la femme,
les enfants qui peuvent être concernés, ou qu'une personne,
même la presse, un journaliste, peuvent demander au tribunal qu'il y ait
une audience publique, à condition de pouvoir faire la preuve au
tribunal, de convaincre le tribunal que c'est d'intérêt public, il
y a alors une audience publique, mais ce n'est pas pour le plaisir...
Une voix: ...
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous
plaît!
M. Bédard: ... du spectacle. Ce n'est pas un spectacle en
cour, surtout quand cela concerne des affaires familiales. Je suis convaincu
que nos juges prendront la question en considération et que ce n'est
qu'après une preuve qu'il y va vraiment de l'intérêt public
qu'il y aura des audiences publiques. Le député de D'Arcy McGee
devrait comprendre. Il se ferme les yeux ou il est coupé de la
réalité comme professeur.
Une voix: Les deux.
M. Bédard: Peut-être les deux. Je ne veux pas
être méchant à son endroit, mais je lui demande simplement
d'essayer de comprendre.
M. Marx: ...
M. Bédard: M. le Président, pouvez-vous rappeler le
député de D'Arcy McGee à l'ordre?
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il
vous plaît!
M. Bédard: Je lui demande simplement de comprendre...
Une voix: ...
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Bédard: ... la situation qui existe quand il y a des
conflits familiaux.
M. Marx: Peut-être que le ministre...
M. Bédard: C'est déjà, je l'ai dit tout
à l'heure, assez compliqué et traumatisant qu'une justice humaine
doit faire en sorte d'y aller de dispositions qui contribuent à
humaniser, à rendre ce processus le moins difficile possible pour les
citoyens et qui contribuent aussi - je l'ai dit et le député de
D'Arcy McGee n'est pas capable de le comprendre - à favoriser des
ententes. Il me semble que cela va de soi quand on est en contact avec la
réalité. Il est clair que deux personnes, un mari et une femme,
qui ont des difficultés, qui sont devant le tribunal, ont beaucoup plus
de chance d'en arriver à une entente si cela se fait entre eux et non
pas en public. Il me semble que cela crève les yeux. Cette
réalité, le député de D'Arcy McGee ne veut pas la
comprendre. Je suis convaincu qu'au moment où on se parle, il regrette
sa position. Il s'est opposé au huis clos pour le motif suivant - je ne
dis pas qu'il n'est pas sérieux - qu'en matière de justice, la
règle des audiences publiques est la règle
générale. Je dis qu'à un moment donné, il faut
trouver le moyen de concilier cette règle avec une autre règle
très importante au niveau de la Charte des droits et libertés de
la personne, qui est le respect de la vie privée. C'est cette
conciliation que nous avons réussi à faire, quoi qu'en dise le
député de D'Arcy McGee, et je suis convaincu que la population
comprend si le député de D'Arcy McGee continue à ne pas
comprendre. (12 h 40)
M. le Président, plutôt que de parler surtout du projet de
loi avec lequel il est d'accord - c'est évident que c'est difficile de
dire devant les gens que c'est un bon projet de loi, que ça aide et que
ça fait avancer des choses - le député de D'Arcy McGee a
effectué une petite diversion concernant la Charte des droits et
libertés de la personne et les améliorations qui pourraient y
être apportées en ce qui a trait aux avantages sociaux. Tout ce
que je voudrais que la population comprenne bien, c'est que la charte des
droits et libertés - et ça, le Parti libéral s'en vante -
a été présentée par le parti de l'Opposition qui
était le gouvernement dans le temps, avec la disposition dont parle le
député de D'Arcy McGee, qui peut créer des
inégalités entre homme et femme concernant les régimes
d'avantages sociaux. Je voudrais qu'on soit bien clair. Ce que le
député de D'Arcy McGee demande au ministre de la Justice, c'est
de corriger une situation qui, effectivement...
M. Marx: Question de règlement.
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît;
Question de règlement, M. le député de D'Arcy McGee.
M. Marx: On ne peut pas permettre au ministre de dire n'importe
quoi, des faussetés. La fausseté qu'il vient de dire, c'est qu'on
demande au gouvernement de corriger cela. C'était un article temporaire,
il sait ça. Cela fait six ans qu'il promet de faire des modifications et
il n'a rien fait.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Bédard: Le député de D'Arcy McGee est,
justement, en train de faire la démonstration de ce que je viens de dire
que cette disposition n'a pas été mise en place par le
présent gouvernement, mais par le gouvernement qui nous a
précédés, pour une période temporaire, disait-il.
Effectivement, il y a beaucoup de choses qui ont été faites pour
en arriver à une solution. Nous allons en trouver une et, à ce
moment-là, le député de D'Arcy McGee, selon sa petite
habitude, dira: C'est moi qui l'ai demandé, comme il le fait sur bien
d'autres projets de loi. Lorsqu'il voit que nous annonçons des
intentions en fonction de l'avenir, il les reprend à son compte pour
pouvoir dire à la fin que nous nous rendons à ses demandes. Je
passe par-dessus ça; ce qui est important, c'est que des choses soient
faites.
Il y a eu le rapport Boutin. Depuis ce temps-là, il y a eu une
commission parlementaire, ce qui n'avait jamais été fait
auparavant, concernant la charte des droits et libertés, où nous
avons entendu de nombreux groupes. Il y a eu aussi, en 1979, la mise en place
d'un comité interministériel justement pour étudier ce
programme des inégalités possibles au niveau des régimes
d'avantages sociaux, de sorte que, normalement et avec une vitesse de
croisière qui me semble la plus rapide dans les circonstances, parce que
ce ne sont pas des études si faciles que ça à faire, nous
allons en arriver à des conclusions qui, si elles sont heureuses, ne
dépendront pas du député de D'Arcy McGee, mais, cette
fois-ci, de la volonté du gouvernement qui a posé des gestes
auparavant afin d'en arriver à une solution qui puisse améliorer
cette situation d'égalité de l'homme et de la femme
concernant les régimes d'avantages sociaux.
M. le Président, je sais que c'est en dehors du sujet. Je me suis
astreint à en parler parce que vous avez permis au député
de D'Arcy McGee d'en parler. Je prends comme conséquence normale de
votre geste le fait de m'octroyer le droit de corriger le député
de D'Arcy McGee, parce qu'il faut le corriger régulièrement.
L'ensemble de ce projet, on le sait, est de nature à humaniser la
justice devant nos tribunaux en ce qui a trait au droit de la famille, en ce
qui a trait à tous les conflits qui peuvent survenir au niveau de la
famille québécoise. Dans ce sens-là, j'en suis très
fier et j'espère que l'Opposition travaillera à son application
la plus rapide. Le député de D'Arcy McGee m'a parlé
de...
M. Marx: La question des problèmes avec la charte.
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous
plaît!
M. le ministre.
M. Bédard: II m'interrompt constamment.
Concernant le fait qu'il pourrait y avoir quelques difficultés
techniques au niveau de l'application, le député de D'Arcy McGee
parlait comme s'il n'était pas au courant de certaines situations alors
que je lui en ai parlé. Toutes les dispositions du projet de loi seront
en application. Il est évident que la règle du huis clos, parce
que c'est une disposition importante et que nous en sommes fiers, impose des
ajustements administratifs et nous allons les faire avec le plus de
célérité possible pour que, même sur ce point, ce
soit appliqué avec le plus de rapidité possible pour le meilleur
bénéfice de l'ensemble des citoyens.
M. Marx: ... amendements.
M. Bédard: Le député de D'Arcy McGee me
parle d'amendements. J'ai même sollicité, à un moment
donné, la collaboration du député de D'Arcy McGee parce
qu'il y a des districts, entre autres Montréal, où l'application
peut être plus difficile, administrativement parlant, alors que, dans
tous les autres districts du Québec, cela peut se faire rapidement. Ce
que j'avais demandé au député de D'Arcy McGee,
c'était d'étudier la possibilité que le gouvernement
puisse le faire par proclamation dans certains districts par rapport à
d'autres où il y avait plus de difficultés. Le
député de D'Arcy McGee pourra réfléchir sur cette
possibilité et m'en parler. Il aura à évaluer
l'intensité de sa collaboration dans ce domaine, ce qui nous
permettrait, encore une fois, d'être plus rapidement, en termes de droit
de la famille, à l'avant-garde de toutes les provinces du
Canada.
Cela ne veut pas dire que c'est parfait. Il y a encore des
améliorations à apporter, mais l'égalité des
enfants dès leur naissance, une fois pour toutes,
l'égalité des conjoints et la liberté des conjoints
d'organiser leur vie matérielle et morale, il me semble que ce sont des
principes que l'Assemblée nationale peut être fière de
promouvoir et c'est ce que fait le projet de loi. Merci, M. le
Président.
M. Marx: Question de privilège.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de
privilège, M. le député de D'Arcy McGee.
M. Marx: Le ministre se prend pour un grand avocat, mais il ne
connaît même pas sa loi. Peut-être devrait-il se recycler au
lieu de faire seulement...
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît;
C'était mon intention, d'ailleurs, de lire l'article 96: "Le
député qui prend la parole pour donner des explications sur le
discours qu'il a déjà prononcé ne peut le faire que
lorsque le discours qui les provoque est terminé. Les explications
doivent être brèves et ne doivent apporter aucun
élément nouveau dans la discussion et ne peuvent engendrer un
débat."
M. le député de D'Arcy McGee.
M. Marx: M. le Président, je m'excuse pour avoir dit que
le ministre doit se recycler en droit au lieu de faire juste de la politique.
J'ai dit que ce sera impossible à l'avenir pour des parties d'exiger un
procès public de plein droit. Et le ministre a dit: Oui, ce sera
possible si le juge l'accorde. Mais le juge a la discrétion de
l'accorder ou de ne pas l'accorder quoique aujourd'hui la règle est que
les parties ont plein droit à un procès ouvert. À
l'avenir, ce sera à la discrétion des juges. Donc, les parties
n'auront pas ce plein droit.
M. Bertrand: M. le Président, je pense que le
député vient d'établir son point. Il voulait se
prévaloir de l'article 96 simplement pour donner des explications
brèves qui ne devaient apporter aucun élément nouveau dans
la discussion. Maintenant que le député a établi son
point, on pourrait, M. le Président, procéder àl'adoption de la troisième lecture.
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît;
Vous avez utilisé l'article 96 -s'il vous plaît! - et je vous l'ai
lu au départ. Est-ce que c'est la même question de
privilège ou si c'est une nouvelle?
M. Marx: M. le Président, j'avais une
deuxième question de privilège. Je l'ai gardée pour
la fin pour ne pas interrompre le ministre. La deuxième, c'est que le
ministre m'a demandé ma collaboration pour faire des amendements
à la loi. Si le ministre veut déposer des amendements au projet
de loi, qu'il les dépose.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, le député de
D'Arcy McGee dit que le ministre de la Justice a demandé sa
collaboration, parfait. Tout le monde est pour cela, la collaboration. Est-ce
nécessaire pour autant que le député se serve d'une
espèce de nouveau droit de parole pour dire qu'il est encore prêt
à offrir sa collaboration? Je ne crois pas. Si ça continue, M. le
Président, de la façon dont s'est comporté le
député de D'Arcy McGee qui a interrompu le ministre à peu
près huit fois pendant son exposé et qui maintenant veut faire un
nouveau discours, je pense qu'il va falloir le considérer comme un
député délinquant qui mérite d'être traduit
devant le Tribunal de la jeunesse.
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît;
Est-ce que la motion de troisième lecture est adoptée?
Adopté.
M. Marx: Parfait.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, sur ce, je ferais motion, si
le ministre de l'Agriculture n'a pas d'objection, pour que nous suspendions nos
travaux jusqu'à 15 heures.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que cette motion
de suspension est adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté. Nos
travaux sont suspendus jusqu'à 15 heures.
(Suspension de la séance à 12 h 51)
(Reprise de la séance à 15 h 01)
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
Veuillez vous asseoir.
M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Brassard: M. le Président, je vous demanderais
d'appeler l'article 8 du feuilleton d'aujourd'hui.
Projet de loi no 56 Deuxième lecture
Le Président: J'appelle la deuxième lecture du
projet de loi 56, Loi sur les coopératives. M. le ministre des
Institutions financières et Coopératives, vous avez la
parole.
M. Jacques Parizeau
M. Parizeau: M. le Président, la loi que nous examinons
cet après-midi en deuxième lecture représente une refonte
générale de lois existantes qui, n'ayant pas été
modifiées en profondeur depuis déjà passablement de temps,
comme je le dirai tout à l'heure, présentaient des
caractères de vétusté évidents, gênaient par
certains de leurs articles les opérations des coopératives
simplement parce que au fur et à mesure du passages des années,
elles n'avaient pas été adaptées aux changements de
circonstances, aux modifications qu'inévitablement les
coopératives apportent de temps à autre à leurs
opérations. À l'occasion du sommet de la coopération tenu
à Montréal en février 1980 un grand nombre de
représentants des coopératives avaient signalé au
gouvernement la nécessité de modifier, non pas de modifier, mais
de refondre vraiment les lois qui portent sur les coopératives. À
cette occasion, le ministre des Institutions financières et
Coopératives de l'époque s'était engagé au nom du
gouvernement à cette refonte. C'est cette refonte que nous
présentons aujourd'hui.
Cette loi va remplacer, en fait, trois lois existantes: la Loi sur les
associations coopératives, la Loi sur les sociétés
coopératives agricoles et la Loi sur les syndicats coopératifs.
Avant cependant d'aborder certaines des orientations majeures de la nouvelle
législation, je pense qu'il peut être utile de situer cette loi
dans le contexte plus général des opérations
coopératives au Québec. D'abord, précisons tout de suite
que la loi en question ne touche pas les coopératives d'épargne
et de crédit. Les coopératives d'épargne et de
crédit sont gérées ou sont administrées en fonction
d'une autre loi. Ce dont nous parlons ici, c'est de tout le reste. Dans ce que
j'appelle tout le reste, il y a un certain nombre de groupes de
coopératives qui ont une importance particulière. En nombre, il
s'agit, à l'heure actuelle, d'au-delà de 1140 coopératives
réparties sur tout le territoire du Québec. Le plus grand nombre,
c'est-à-dire 265, sont des coopératives de consommation. Viennent
ensuite 262 coopératives d'habitation; ensuite, 152 coopératives
dans le domaine agricole, etc. Il faut ajouter à cela des
coopératives de pêcheurs, des coopératives de production.
C'est ainsi qu'on arrive à ce total de 1140
unités différentes.
En termes de ventes ou d'actifs, ce sont, bien sûr, les
coopératives agricoles qui sont les plus importantes. On se rendra
compte de la place qu'elles jouent au Québec quand on pensera que ces
coopératives agricoles - ici, je n'inclus pas leur
fédération - elles-mêmes ont un chiffre d'affaires au
Québec qui dépasse largement 1 000 000 000 $. D'autre part, ces
coopératives agricoles, sur le plan des actifs, ont évidemment
une importance nettement plus considérable que tous les autres secteurs.
Néanmoins, il faut reconnaître que depuis quelques années,
en termes de nombre d'unités, sinon d'importance financière, le
mouvement coopératif a pris une accélération assez
importante, singulièrement dans deux secteurs dont celui de
l'habitation. Le nombre de coopératives d'habitation s'est
considérablement accru, en particulier sous l'influence de certaines des
lois qui ont été adoptées par le ministre actuel de
l'Habitation, soit dans ses fonctions antérieures de ministre des
Affaires municipales, soit dans ses fonctions actuelles de ministre de
l'Habitation. D'autre part, il ne fait pas de doute non plus que les
coopératives de consommation deviennent de plus en plus nombreuses dans
la société où nous vivons.
En fait, à l'heure actuelle, plus de 400 000
Québécois sont membres de coopératives, en plus de ceux
qui sont, bien sûr, membres des coopératives d'épargne et
de crédit: les caisses populaires, par exemple. C'est donc à une
fraction importante de la population du Québec ou de la population
adulte du Québec que nous nous adressons quand nous présentons
une refonte de la loi dans les termes que je viens d'indiquer.
Les trois lois ainsi refondues datent d'assez longtemps, ainsi que je
l'indiquais tout à l'heure. Prenons, par exemple, la Loi sur les
associations coopératives. Elle date de 1963. Elle a été
soumise à quelques amendements depuis ce temps, mais jamais à une
réforme en profondeur.
La Loi sur les sociétés coopératives agricoles
date, elle aussi, d'au-delà de vingt ans et n'a subi qu'un amendement
majeur en 1972 pour faciliter l'exercice des pouvoirs de fusion.
Quant à la Loi sur les syndicats coopératifs, on sait
qu'aucun syndicat coopératif ne peut, aucun nouveau syndicat ne peut
être constitué depuis 1963.
En examinant ces trois lois, on s'est rendu compte qu'on pourrait mettre
au point - effectivement, c'est ce qui a été fait -une loi de
base, couvrant l'ensemble des coopératives avec des chapitres
particuliers pour des coopératives d'un certain type. C'est ainsi, par
exemple, que l'on trouvera un chapitre qui a trait aux coopératives
agricoles, à cause de certaines de leurs opérations
spécifiques.
Il y a donc, d'abord dans cette loi des dispositions valables pour
toutes les coopératives et ensuite certains chapitres plus
spécifiques sur les opérations de chacun des groupes ou en tout
cas d'un certain nombre de groupes de coopératives.
De quel genre de problème s'agit-il quand on essaie ainsi de
reformer ou de reformuler la loi et de la refondre? Qu'est-ce qu'on cherche
essentiellement à faire?
D'abord, il est évident qu'il y avait à mettre dans cette
loi un peu plus de flexibilité quant à la constitution et aux
opérations des coopératives. Il ne faut pas blâmer le
législateur d'il y a vingt ans d'avoir envisagé un cadre
finalement assez rigide, compte tenu du rôle qu'à cette
époque jouaient les coopératives. On comprend qu'un bon nombre
des techniques plus modernes sur le plan de la gestion, sur le plan de
l'administration, sur le plan des opérations, qui sont apparues depuis
ce temps et se sont généralisées depuis ce temps n'avaient
pas la présence, la nécessité ou l'utilité
comparable il y a 20 ou 25 ans. (15 h 10)
D'autre part, plus spécifiquement, il fallait modifier le cadre
juridique des coopératives pour leur permettre de s'adapter non
seulement au désir d'individus qui veulent constituer une
coopérative, mais de sociétés ou de corporations qui
peuvent maintenant vouloir, parce qu'elles sont apparues dans certains champs,
appartenir à des coopératives. Il est clair, par exemple, que
l'incorporation d'un bon nombre de fermes à notre époque implique
qu'on adapte la loi pour permettre non seulement à des individus
d'appartenir à une coopérative, mais à des corporations et
à des sociétés de devenir membres, elles aussi.
Deuxièmement, on aura constaté, au fur et à mesure
que les années passent, que les besoins d'autofinancement ou
d'amélioration de la capitalisation des coopératives demandent
que certaines politiques, certaines attitudes soient changées. Il faut
permettre, par exemple, à l'égard de l'utilisation du
trop-perçu, une utilisation un peu plus souple quant à
l'autofinancement des coopératives elles-mêmes. De la même
façon, il faut ouvrir des possibilités pour qu'une
coopérative puisse faire appel à ses membres pour augmenter leur
participation au financement de leur coopérative. Toutes choses qui
étaient, en vertu de l'ancienne loi, terriblement difficiles à
ajuster.
Il y avait aussi, dans l'ancienne loi, à l'égard des parts
privilégiées, des limitations quant aux taux
d'intérêt qui, à notre époque, ne correspondent
absolument plus aux taux d'intérêt que l'on connaît. Il faut
donc, là encore, être en mesure de donner un peu de
flexibilité.
D'autre part, quant à la vérification des comptes des
coopératives, il fallait resserrer... Là, c'est peut-être
moins de la flexibilité qu'on donne qu'un certain resserrement quant
à la façon dont la vérification doit être faite,
quant à la façon dont les comptes d'une coopérative
doivent être tenus. Ces dispositions, évidemment, rejoignent des
resserrements que nous avons vus depuis quelque temps dans d'autres types de
lois et qui relèvent davantage de considérations de prudence que
de considérations de flexibilité comme certains des exemples que
j'ai donnés tout à l'heure.
De tels aménagements ou modifications dans les lois à
l'occasion de la refonte - je pourrais en donner bien d'autres exemples, mais
nous aurons l'occasion de les examiner en commission parlementaire un à
un - ont donné lieu à une opération considérable,
très systématique de consultation auprès des
intéressés. Il serait absurde que le gouvernement s'imagine dans
ce domaine avoir une sorte de sagesse immanente, et placé en face
d'au-delà de 1000 unités coopératives, ne cherche pas
à consulter tous les intéressés pour être tout
à fait certain qu'une refonte de la loi, qui, après tout, ne se
reproduira pas tous les ans ou tous les deux ans, corresponde aux besoins
véritables, tout en maintenant forcément des règles de
prudence élémentaire.
Cette consultation a eu lieu avec toute espèce de groupes, elle
s'est étendue sur plusieurs mois, elle découlait d'ailleurs dans
son esprit de la décision qui avait été prise au sommet
économique de Montréal sur les coopératives. Si bien que
dans l'ensemble, pour l'essentiel, j'ai l'impression de discuter d'un projet de
loi qui a été, dans tous ses éléments essentiels,
accepté par les parties.
On peut sans doute trouver encore quelques objections dans tel ou tel
secteur, à tel ou tel article. Je pense par exemple que nous n'avons pas
encore réussi à convaincre la Coopérative
fédérée, complètement en tout cas, du mode
d'élection des membres des coopératives à ses
assemblées générales. Il n'y a pas de doute qu'elle
désirait, semble-t-il, avoir des procédures un peu
allégées à ce sujet par rapport à celles que nous
avons incorporées dans ce projet de loi. Néanmoins, à cet
égard, le gouvernement est placé entre un souci légitime,
de maintenir non pas seulement les apparences, mais la réalité de
votes démocratiques dans les assemblées de coopératives
individuelles et qu'un équilibre doit être fait entre une certaine
efficacité de fonctionnement et certaines assurances quant à ce
processus démocratique.
Je ne pense pas qu'il y ait là quelque chose de fondamental, mais
je tiens cependant à être tout de même clair quant à
certaines des objections qu'on nous a encore soulevées
récemment.
Il est clair aussi que quant au mode de vérification des livres
des coopératives, nous n'avons pas réussi à convaincre
tout à fait l'Ordre des comptables agréés de notre
position. Ils voudraient, semble-t-il, davantage limiter à leur
corporation certaines opérations de vérification, alors que nous
ne voyons pas l'utilité d'empêcher la vérification externe
à l'Ordre des CGA, par exemple, ou des RIA.
Quand je dis qu'il y a eu une assez vaste consultation, je ne veux pas
dire par là que tout est totalement aplani et qu'il ne reste aucune
espèce d'objection. Il y en a quelques-unes, mais, encore une fois,
à mon sens, elles ne sont pas majeures. Advenant que nos amis de
l'Opposition souhaitent explorer davantage ces quelques points qui restent
où l'unanimité n'est pas totale, je ne pense pas qu'il y en ait
suffisamment pour tenir une commission parlementaire. Mais on pourrait fort
bien imaginer, comme dans le cas d'autres lois, que, si certaines parties
veulent se faire entendre, on puisse, avant d'aborder l'étude article
par article, les écouter pendant quelque temps, advenant, encore une
fois, que nos amis de l'Opposition, par les contacts qu'ils peuvent avoir de ce
côté, jugent utile de le faire.
Pour l'essentiel, je pense que nous avons devant nous un projet de loi
qui représente un effort certain de modernisation de lois qui sont
très importantes - je le répète encore une fois - pour 400
000 de nos concitoyens; l'effort a été fait et, je pense,
réussi pour aplanir toutes les difficultés et faire en sorte que
tout le monde s'entende. Grâce à cette nouvelle loi, les
coopératives devraient être en mesure de pratiquer plus facilement
leurs opérations et de s'associer davantage à toute espèce
d'éléments de notre société pour pouvoir
réaliser ces opérations. Nous pourrons aussi constater, dans le
fonctionnement au jour le jour des coopératives, qu'il y aura moins de
gêne, moins de restrictions qu'il n'y en avait dans l'ancienne loi, tout
en maintenant cependant - et je le répète encore - des
règles de prudence élémentaires pour qu'à la fois
sur le plan de leur santé administrative et de leur santé
financière des exigences normales soient maintenues ou
accusées.
Voilà, je pense, comment on peut résumer à la fois
les orientations essentielles de ce projet de loi et ses indiscutables
avantages par rapport à la législation existante. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Westmount.
M. Richard D. French
M. French: Merci, M. le Président. Le présent
projet de loi propose une modernisation, un renouvellement de la Loi
sur les associations coopératives, de la Loi sur les
sociétés coopératives agricoles et de la Loi sur les
syndicats coopératifs. Je ne pense pas que nous soyons en
présence d'une refonte en profondeur, mais plutôt d'une mise
à jour, c'est-à-dire qu'on n'a pas repensé vraiment la
politique-cadre du gouvernement du Québec quant aux coopératives,
mais qu'on a fait plutôt quelques aménagements. (15 h 20)
On se rappelle que, lorsque se tenait le sommet sur la
coopération en février 1980, le ministre responsable d'alors, M.
Guy Joron, s'exprimait ainsi: "Au sujet de la Loi sur les associations
coopératives, la plupart des intervenants ont demandé des
modifications à cette loi. Le ministère des Consommateurs,
Coopératives et Institutions financières qui est responsable de
son application est conscient qu'il y a des réaménagements
importants à réaliser. Un comité sera donc mis sur pied
afin de reformuler l'ensemble de la loi. Il sera formé de
représentants du ministère et devra consulter tous les secteurs
qui voudront soumettre des propositions et le comité devra
déposer son rapport final au plus tard en décembre 1980."
De ce rapport final à la fin de 1980, nous avons maintenant le
projet de loi no 56. Loin de nous l'intention, de ce côté-ci de la
Chambre, d'affirmer qu'il n'y a rien de positif dans la loi, puisque le projet
de loi vient présenter d'une façon plus structurée
différentes dispositions de l'actuelle Loi sur les coopératives.
Cette loi vient de plus préciser certains droits et pouvoirs des parties
concernées. Cette loi augmente la flexibilité institutionnelle
des organismes coopératifs. Cette loi facilite leur gestion et leur
financement. Cette loi donne au ministre un certain pouvoir de contrôle
sur l'orientation des coopératives en ce qui a trait plus
particulièrement à la proportion des opérations faites
avec ses membres. Il s'agit de changements essentiellement techniques, mais il
y a une question qu'on aurait pour le ministre: S'agit-il de l'essentiel de ce
qu'on peut attendre en tant que résultat du sommet sur la
coopération? Le mouvement coopératif n'a-t-il pas droit à
plus de tangibilité dans les gestes posés par le gouvernement?
C'est après tout un gouvernement qui s'affiche comme près des
milieux coopératifs et à l'écoute du mouvement. S'agit-il
dans ce projet de loi de l'essentiel de la politique-cadre du gouvernement du
Québec quant aux associations coopératives ou
sociétés coopératives agricoles, etc., ou y aurait-il
d'autres démarches qui viendraient compléter le portrait dans un
proche avenir?
Nos attentes sont d'autant plus profondes, M. le Président, que
nous vivons présentement une période économiquement
difficile où l'obligation morale du gouvernement est de veiller à
appuyer, à créer un climat favorable à la
solidarité et à une action de prise de responsabilités de
la situation par les citoyens qui sont plus particulièrement
touchés par la présente conjoncture économique.
On sait que les associations coopératives sont un exemple
privilégié de ce lieu de solidarité collective et de prise
de responsabilités individuelle des citoyens. Les coopératives
naissent de ce besoin de regroupement de citoyens dans le but de se solidariser
afin de se donner les biens et services dont les citoyens ont besoin pour le
développement tant du citoyen que de la collectivité. De
là, M. le Président, la nécessité pour
l'État de jouer pleinement son rôle, spécialement dans le
contexte actuel, de permettre aux citoyens et citoyennes de pratiquer qette
solidarité grâce à des moyens comme les
coopératives. Il ne s'agit pas ici, bien sûr, d'un rôle
nécessairement interventionniste de la part de l'État, mais d'un
rôle d'appui et d'incitation.
Le mouvement coopératif au Québec constitue une
réalité si importante qu'il s'identifie à notre tissu
social. Les coopératives québécoises sont en effet dans
les sphères de la production, la prestation des services de consommation
et de production, la production agricole, les pêcheries,
l'approvisionnement de l'agriculture et de l'artisanat, la vente des articles
agricoles et artisanaux, la transformation des fruits et légumes, la
construction d'habitations et les transports, sans oublier le secteur de
l'épargne et du crédit, qui n'est pas touché par le
présent projet de loi. Les coopératives relient par ailleurs
l'agriculture individuelle privée et l'artisanat avec le système
d'économie structurée. Elles encouragent le développement
de l'agriculture en organisant l'approvisionnement et la vente ainsi que le
crédit agricole. Elles accumulent l'épargne et la population
participe à la modernisation de la structure de l'agriculture. Par
exemple, la Fédération des coopératives des Pêcheurs
unis du Québec, rend la situation socio-économique plus viable en
intervenant dans les achats et la commercialisation d'un produit qui n'aurait
aucune valeur autrement à cause de la destruction des prises lorsqu'on
atteignait le prix plancher. Le besoin à combler étant
suffisamment important, le leadership présent a pu mobiliser les
pêcheurs pour la création de l'entreprise. On peut citer beaucoup
d'autres exemples dans l'histoire du Québec qui montrent que les
coopératives sont venues à la rescousse de la population.
Je voudrais, par ailleurs, profiter de l'occasion pour souligner ici le
rôle stratégique que les coopératives doivent assumer comme
agent alternatif de l'activité économique dans les
économies du marché.
En effet, en palliant certaines carences qui se développent dans
les économies de marché, les coopératives diminuent les
risques de polarisation qui rendent souvent populaires des modèles de
socialisme extrêmes et centralisés, modèles qui n'inspirent
pas le gouvernement actuel, mais qui pourraient le tenter dans d'autres
circonstances. Dans la mesure où ces défis peuvent être
surmontés, les institutions coopératives peuvent donner plus de
qualité et de vitalité au fonctionnement du marché. En
valorisant dans l'activité économique des intérêts
collectifs autant qu'individuels, la coopérative peut être
perçue comme voulant assumer certaines fonctions dévolues
à l'État dans d'autres économies.
Il n'est pas étonnant que les coopératives qui
émergent dans un tel contexte, comme le contexte
québécois, soient constamment aux prises avec un ensemble de
structures qui leur sont mal adaptées. En effet, les institutions et les
structures gouvernementales, de même que la législation et la
structuration de l'activité économique dans les économies
de marché, se sont souvent développées en fonction des
exigences de l'entreprise capitaliste. C'est inévitable dans le contexte
nord-américain. Cependant, les difficultés auxquelles font face
les coopératives pour se rendre admissibles aux programmes de
création d'emplois en témoignent bien.
Il ne s'agit pas de demander à l'État d'aider les
coopératives au risque de leur enlever leur élan et leur
efficacité, mais d'informer les citoyens sur toutes les
possibilités d'un outil qui a fait ses preuves et qui détient
maintenant ses lettres de noblesse. L'économie coopérative
à bâtir au Québec exige une stratégie de
développement, une stratégie qui, à nos yeux, n'existe pas
encore au Québec, une stratégie que le présent projet de
loi no 56 ignore en nous présentant plutôt une nomenclature de
technicités.
Au Québec, au moment où on parle du besoin de reprise, de
la relance de l'économie par les Québécois, une
stratégie de développement coopératif pourrait devenir un
outil de développement économique privilégié en
s'implantant cette fois dans les champs nouveaux, dans des secteurs comme celui
des technologies nouvelles. On peut mentionner, par exemple, les
coopératives de production de matériel, de programmation, de
logiciel, des secteurs informatiques, des microprocesseurs, etc. Devant tous
les problèmes que doivent affronter les économies aujourd'hui, le
secteur économique coopératif apparaît comme une formule de
l'avenir pour un monde qui aspire à la prospérité dans un
climat de justice sociale et de vrai exercice de la liberté. (15 h
30)
Le présent projet de loi, loin de nous présenter une
approche de la formule coopérative vraiment dynamique est, comme je le
disais plus tôt, une mise à jour de certaines lois par un
gouvernement qui veut donner l'illusion de respecter les engagements pris lors
du dernier sommet économique auprès des intervenants du monde
coopératif. En corrélation avec cette Loi sur les
coopératives, il faudrait que le gouvernement pense aussi à une
législation intermédiaire pour venir combler le vacuum entre
cette loi et celle sur les compagnies. Une telle loi serait l'équivalent
d'une troisième partie de la Loi sur les compagnies qui viendrait ainsi
répondre aux projets d'ordre communautaire de plus en plus nombreux
à l'heure actuelle.
M. le Président, il faut mentionner aussi qu'il y a encore une
bataille à livrer dans presque tous les ministères pour que la
coopération obtienne sa vraie place. Concrètement parlant, ceci
revient a dire que, dans les ministères où se définissent
les diverses politiques d'aide, ou bien on néglige les
coopératives, ou bien on les embrasse si fort qu'on risque de les
étouffer.
M. le Président, évidemment, dans un projet de loi
technique de quelque 326 articles, il y a nécessité
d'étudier en profondeur tous et chacun de ses articles pour qu'on puisse
être certain qu'ils correspondent vraiment aux besoins d'aujourd'hui. Je
conviens avec le ministre que nous n'avons pas entendu énormément
d'échos, de réponses, de revendications du milieu
coopératif par rapport au projet de loi 56. C'est peut-être parce
que l'étape critique dans l'évolution de la politique-cadre sur
les coopératives du gouvernement du Québec n'est pas encore
arrivée.
On sait, M. le Président, que la deuxième lecture du
projet de loi et surtout l'étude article par article sont des points
dans le processus législatif vraiment importants par rapport à
l'amélioration possible du projet de loi. C'est le lieu
privilégié pour chaque législateur de prendre ses
responsabilités par rapport au projet de loi. Je soulignerai pour le
ministre, devant l'Assemblée, la difficulté dans les
circonstances de fin de session de faire une étude approfondie d'un tel
projet de loi, même si je conviens avec lui qu'il n'y a pas eu
énormément d'échos du milieu. À un moment
donné, le législateur est obligé d'adopter un projet de
loi, d'adopter tous est chacun des articles. Il me semble difficilement
explicable qu'on ait pu attendre depuis décembre 1980 pour adopter, dans
quelques minutes seulement de débat, la deuxième lecture du
projet de loi, à la fin du mois de juin 1982, et passer dans quelques
heures seulement à travers l'étude d'un projet de loi de 326
articles. Il ne me semble pas, comme il ne me semblait pas avant le
congé pascal par rapport au projet de loi 60 sur les caisses
d'entraide
économique, nécessaire que des projets de loi importants
comme celui-ci soient adoptés à la vapeur et de cette
façon.
En terminant, M. le Président, quelques remarques un peu plus
générales au sujet des défis de l'avenir pour le mouvement
coopératif. Ce n'est un secret pour personne que, tout comme
l'économie capitaliste dans laquelle nous baignons par
nécessité en Amérique du Nord connaît de grandes
difficultés à l'heure actuelle, le secteur coopératif
connaît, lui aussi, de grandes difficultés. Il n'est pas à
l'abri de toutes les difficultés qui ont cours sur le plan
économique. Les faiblesses dans le domaine coopératif
s'avèrent de plus en plus sérieuses dans la mesure où la
situation empire. Il y a au moins deux faiblesses importantes à
mentionner: la faiblesse du management des coopératives ainsi que le
problème du sous-financement des coopératives.
On ne peut plus - cela paraît évident -substituer l'ardeur
des discours et la bonne volonté à une gestion rigoureuse et
sophistiquée des institutions coopératives. On n'est plus
à cette époque d'utopisme du XIXe siècle et on n'a pas vu,
depuis ce temps-là, se développer une conception de gestion qui
soit imprégnée des valeurs coopératives. C'est
plutôt le mouvement coopératif qui se trouve à se
prévaloir des outils de gestion développés dans un
contexte capitaliste. C'est aux conséquences de cette
vérité qu'il faut vraiment en venir au sein du mouvement
coopératif.
C'est ainsi qu'il y a une nécessité de faire face à
la réalité. Pour que les bénéfices du mouvement
s'étendent à autant de membres que possible, pour que le
mouvement retrouve son dynamisme, il faut adopter et adapter autant d'outils de
gestion modernes que possible. Je suggérerais trois secteurs importants.
D'abord, on peut penser particulièrement à la gestion
financière et au contrôle des coûts au sein des
coopératives. On peut penser à la promotion ou, si on veut
adopter le terme capitaliste, au marketing de l'idée coopérative,
dans chacun des secteurs où l'option existe. On peut penser à un
troisième axe de développement pour la gestion au sein des
coopératives. C'est la planification pluriannuelle, une carence qu'on
note actuellement au sein de la gestion de plusieurs coopératives.
C'est sans doute une bonne chose que les coopératives aient le
pouvoir de nantissement commercial, mais peu importe ce changement sur le plan
statutaire si les prêteurs n'ont pas confiance aux administrateurs
coopératifs.
On pourrait, en quelque sorte, dire, avec le professeur Belly de
l'Université du Québec à Chicoutimi, que le
problème de financement découle essentiellement du
problème de gestion et des ressources humaines qualifiées. Il ne
faut pas se leurrer non plus, M. le Président, par les discours
enthousiastes sur l'attrait essentiel des coopératives. Comme
écrit le professeur Claude Beauchamp de l'Université Laval: "Si
les gens utilisent les services de leur coopérative, c'est parce qu'ils
en retirent des avantages d'abord."
Alors, dans la promotion des coopératives, il faut définir
avec autant de franchise et de réalisme les avantages en question et les
exploiter systématiquement.
M. le Président, l'Opposition va appuyer ce projet de loi en
deuxième lecture. Nous allons l'étudier sérieusement en
commission parlementaire. Nous espérions que cette commission
parlementaire aurait plutôt lieu à l'été que dans
les heures très occupées que nous vivons actuellement, à
la fin de la session. Nous attendons avec beaucoup d'intérêt le
plus grand défi qui reste dans le domaine coopératif pour le
gouvernement, c'est-à-dire définir une politique cadre et un plan
stratégique de développement pour le mouvement coopératif
pour les prochaines années et, plus particulièrement, les
interventions ponctuelles que le gouvernement pourrait faire, dans les
prochains mois, pour venir en aide à un mouvement coopératif
aussi mal pris, à cause de la crise, que le secteur capitaliste.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre des
Institutions financières et Coopératives.
M. Jacques Parizeau (réplique)
M. Parizeau: M. le Président, quelques mots pour terminer
cet examen en deuxième lecture du projet de loi. (15 h 40)
Je pense que le député de Westmount fait une
légère erreur de perspective dans le jugement qu'il porte sur
cette loi. Il est évident qu'une loi pareille ne peut pas traduire les
orientations de politiques économiques ou sociales que le gouvernement
voudrait voir imprégner l'action des coopératives. Une loi comme
celle-là n'est pas faite pour ça.
J'essaierai de le démontrer par une analogie. La Loi sur les
compagnies n'indique d'aucune façon l'aide que le gouvernement est
disposé à apporter aux sociétés privées. Une
loi des compagnies n'indique d'aucune espèce de façon
l'importance que le gouvernement veut donner au secteur privé par
rapport au secteur public. Une loi des compagnies n'a rien à voir avec
le genre de politique de subvention que le gouvernement a l'intention d'exercer
à l'égard, par exemple, de l'industrie manufacturière. Si
on cherchait à mettre ça dans la Loi sur les compagnies, on
dirait: Le gouvernement fait fausse route, ce n'est pas par la Loi sur les
compagnies qu'il doit faire ça. De la même
façon l'accent important et considérable que le
gouvernement actuel cherche à placer sur le développement des
coopératives au Québec, ce n'est pas par une loi comme
celle-là qu'il va le faire. Il s'agit essentiellement d'une sorte de
charte de fonctionnement des coopératives. On leur dit: Voici quelles
sont les règles qui doivent régir votre activité. Cela ne
préjuge évidemment d'aucune espèce de façon des
politiques que le gouvernement a déjà suivies et entend
suivre.
Une loi comme celle-là pourrait être adoptée par un
gouvernement qui déciderait de ramener les coopératives à
une portion congrue et de limiter leur action dans notre société.
Comme cela pourrait être adopté par un gouvernement qui aurait
l'objectif exactement inverse et qui déciderait, au contraire, de
pousser très fort pour que les coopératives se développent
rapidement, ce qui, on l'aura compris, est la politique du gouvernement
actuel.
Il ne faut donc pas demander à cette loi plus que ce qu'elle peut
et doit donner.
Deuxième observation: Je ne pense pas qu'on puisse vraiment dire
- le terme n'est pas juste ici - que le gouvernement fait adopter ce projet de
loi à la vapeur. On le constatera d'ailleurs cet après-midi par
ces discours de deuxième lecture. Pourquoi n'avons-nous pas un grand
débat en deuxième lecture sur cette loi? Parce qu'à la
suite de discussions avec toutes les parties concernées ça
devient l'expression, en un certain sens, du bon sens ou du sens commun
collectif.
Le député de Westmount me disait: Mais pourquoi est-ce que
le projet de loi a été déposé si tard par rapport
à décembre 1980? Mais justement pour en arriver au point
où nous en sommes actuellement, c'est-à-dire que l'essentiel des
participants sont d'accord et disent: Oui, effectivement, ça
relève du sens commun de vous préparer à faire, sur le
plan législatif, ce que vous faites. C'est d'ailleurs la raison pour
laquelle, bien que nous ayons déposé ce projet de loi en
première lecture il y a déjà pas mal de temps, qu'il a
été distribué partout au Québec, qu'il a
été examiné par des tas de gens, il y a si peu
d'échos. Tout le monde reconnaît que c'est ça qu'il faut
faire et qu'on est rendu au point où il faut adopter le projet de loi et
c'est dans ce sens, M. le Président, que je pense qu'on doit adopter ce
projet de loi au cours de la présente session. II y a beaucoup de
travail qui a été investi par des représentants de toute
espèce de coopératives partout au Québec. Le projet de loi
est prêt, il a circulé dans sa version finale. On voit bien que
l'immense majorité des participants est parfaitement d'accord. Je pense
que le moment est venu, sereinement et assez rapidement quant au fond,
puisqu'il y a cette espèce d'entente très très
substantielle, d'adopter ce projet de loi et de faire en sorte que les
coopératives, à partir de maintenant, aient cet instrument utile
et nécessaire pour leur constitution et pour leur gestion. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que cette motion
de deuxième lecture est adoptée?
Une voix: Adopté.
Le Secrétaire adjoint: Deuxième lecture de ce
projet de loi.
M. Brassard: M. le Président...
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader adjoint du
gouvernement.
Renvoi à la commission des institutions
financières et coopératives
M. Brassard: Je ferais motion pour déférer ce
projet de loi à la commission permanente des institutions
financières et coopératives.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que cette motion
de déférence est adoptée?
Une voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté. M. le
leader adjoint du gouvernement.
M. Brassard: M. le Président, je vous prierais maintenant
d'appeler l'article 9 du feuilleton d'aujourd'hui, en signalant au ministre de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation qu'il aura à
intervenir.
Projet de loi no 63 Deuxième lecture
Le Vice-Président (M. Rancourt): Deuxième lecture
du projet de loi no 63, Loi sur la Raffinerie de sucre du Québec.
M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de
l'Alimentation.
M. Jean Garon
M. Garon: M. le Président, on me dit que, dans ses
loisirs, l'honorable lieutenant-gouverneur a pris connaissance du projet de loi
et qu'il en recommande l'étude à la Chambre.
Le projet de loi no 63, Loi sur la Raffinerie de sucre du Québec,
que nous étudions aujourd'hui représente l'aspect
législatif d'un vaste ensemble de décisions à
caractère politique et administratif que nous avons prises au cours des
dernières années
relativement à la Raffinerie de sucre du Québec. J'oserais
dire qu'il ne s'agit que de la pointe d'un iceberg tellement sont
considérables et multiples les changements qu'a connus la Raffinerie de
sucre du Québec depuis 1978. En un laps de temps très court, nous
avons en effet entrepris de faire passer la Raffinerie de sucre du
Québec des années quarante aux années quatre-vingt.
Comme cette opération, qui a peu d'équivalents dans le
secteur industriel québécois, tant privé que public, est
relativement peu connue, j'aimerais profiter de cette deuxième lecture
pour décrire ce qui se passe présentement sur les rives du
Richelieu, à Saint-Hilaire.
Rappelons tout d'abord que la Raffinerie de sucre du Québec a
été construite en 1943 à même les crédits du
ministère de l'Agriculture de l'époque. Nous étions alors
en pleine guerre et pour des raisons, en partie, de sécurité
d'approvisionnement, il avait été jugé nécessaire
de constituer chez nous une capacité minimale de production.
La loi créant une société chargée de
l'administration d'une manufacture de sucre de betterave a été
adoptée le 23 juin 1943, soit il y a presque 39 ans jour pour jour.
Dès le début, cette loi a été conçue comme
une mesure temporaire, la société en question devant céder
la place, dans l'esprit du législateur, à une coopérative
chargée de l'exploiter.
Ce mandat transitoire, accordé par le législateur, fixait
un objectif très restreint à la nouvelle société:
exploiter une manufacture de sucre de betterave, et ne lui accordait aucune
structure de capital, si ce n'est une avance temporaire de 2 000 000 $ comme
fonds de roulement.
Bien qu'important pour l'époque, ce montant de 2 000 000 $ n'a
jamais pu être utilisé comme du véritable capital.
Même s'il a été par la suite porté à 4 000
000 $ en 1966, la différence de ces 2 000 000 $ n'a jamais
été versée à la raffinerie.
Des carences congénitales découlant de ce statut
temporaire: ambiguïté de l'objectif poursuivi, absence de
véritable structure financière, indécision du
gouvernement, gestion erratique et faible, ont marqué toute la vie de
l'entreprise qui n'a jamais été en mesure de se développer
d'une façon efficace et rentable à partir d'un approvisionnement
stable et assuré de betteraves sucrières de qualité.
L'exploitation fut donc constamment déficitaire.
La tradition voulait que le conseil d'administration soit formé
exclusivement d'hommes politiques. En 1960, avec l'arrivée du Parti
libéral au pouvoir, on a même connu un véritable
mini-cabinet formé de quatre ministres et d'un député
présider aux destinées de la raffinerie.
Je peux dire, par exemple, pour les historiens, qu'en juillet 1943, le
président de la raffinerie était M. Adélard Godbout,
premier ministre et ministre de l'Agriculture; les autres membres du conseil
d'administration étaient M. T.-D. Bouchard, M. Télesphore-Damien
Bouchard, ministre de la Voirie, M. J. Arthur Mathewson, trésorier de la
province, M. Oscar Drouin, ministre des Affaires municipales et M.
Henri-René Renault, membre du Conseil exécutif.
En septembre 1944, changement de gouvernement, changement du conseil
d'administration. Le nouveau président est M. Laurent Barré,
ministre de l'Agriculture secondé par M. Onésime Gagnon,
trésorier provincial, M. Antonio Élie, membre du Conseil
exécutif, M, Paul Beaulieu, ministre de l'Industrie et du Commerce, M.
Tancrède Labbé, membre du Conseil exécutif.
Tout le monde sait que M. Duplessis n'aimait pas changer les
équipes qu'il appelait les équipes gagnantes; donc, de 1944
à 1958, pas de changement. En 1958, deux changements: M. J.-S. Bourque,
ministre des Finances, et M. Paul Dozois, ministre des Affaires municipales,
succèdent à M. Onézime Gagnon et à M.
Tancrède Labbé.
En 1960, changement de gouvernement. En juillet 1960, le nouveau
président de la raffinerie est M. Alcide Courcy, ministre de
l'Agriculture; au conseil d'administration, M. Gérard Cournoyer,
ministre des Transports et des Communications, M. Émilien Lafrance,
ministre du Bien-Etre social, M. André Rousseau, ministre de l'Industrie
et du Commerce, M. René Saint-Pierre, député de
Saint-Hyacinthe. (15 h 50)
En avril 1963, deux changements: M. Guy Lechasseur, député
de Verchères, et M. François Boulais, député de
Rouville, remplacent M. Cournoyer, qui était député de
Richelieu, et M. André Rousseau qui était député de
L'Islet et ministre de l'Industrie et du Commerce. En 1964, M. Laurier
Baillargeon, député de Napierville-Laprairie remplace M.
Émilien Lafrance, député de Richmond. En juillet 1966,
changement de gouvernement, donc changement de conseil d'administration,
nouveau conseil d'administration. Le ministre de l'Agriculture, M.
Clément Vincent, devient président de la raffinerie de sucre et
les autres membres du conseil d'administration sont M. Armand Russell, ministre
d'État, M. René Bernatchez, adjoint parlementaire et
député de Lotbinière, M. Denis Bousquet,
député de Saint-Hyacinthe, et M. Paul-Yvon Hamel,
député de Rouville.
Changement de gouvernement en août 1970, nouveau conseil
d'administration. Le nouveau conseil d'administration: M. Normand Toupin,
ministre de l'Agriculture, devient président de la raffinerie, M.
Georges Vaillancourt, député et adjoint parlementaire est membre
du conseil d'administration, M.
Marcel Ostiguy, député de Rouville, est membre du conseil
d'administration
(aujourd'hui, il est député fédéral), M.
Fernand Cornellier, député de Saint-Hyacinthe, est membre du
conseil d'administration, avec M. Paul Berthiaume, député de
Napierville-Laprairie.
En février 1972, on a décidé de changer la formule
et M. Gaétan Lussier, sous-ministre de l'Agriculture, devient
président. Membre du conseil d'administration également, M.
Marcel Ostiguy, député de Rouville, avec M. V. Guerci,
sous-ministre adjoint aux Finances. M. Benoît Beauregard,
président de Quebec Poultry Ltée, et M. Georges-Étienne
Turcotte, gérant général de la Coopérative
fédérée.
Sous le gouvernement Bourassa, alors qu'un comité d'experts qui
avait analysé les problèmes de la raffinerie recommandait la
dépolitisation du conseil d'administration, on a opté pour un
conseil formé principalement de fonctionnaires, mais au sein duquel
siégeait encore le député de Saint-Hyacinthe.
C'était jouer les tartufes de mettre des fonctionnaires et un
député autour de la même table et de prétendre
ensuite que la petite politique n'avait plus rien à faire à la
raffinerie. D'ailleurs, c'est ce conseil d'administration qui aura l'insigne
honneur de recommander la fermeture de la raffinerie.
La petite politique a eu son mot à dire à la raffinerie
jusqu'en 1977 avec toutes les conséquences que cela implique sur la
rentabilité d'une entreprise. Entre autres, on a maintenu pendant toutes
ces années un nombre d'employés permanents hors de proportion
avec les dimensions de l'usine et son opération saisonnière. En
1969, la raffinerie avait 125 employés, alors qu'en 1977, après
la nomination d'un premier véritable conseil d'administration, ce
chiffre était ramené au niveau beaucoup réaliste de
53.
En fait, de 1943 à 1977, la Raffinerie de sucre du Québec
a vécu complètement en marge des grands courants technologiques
et administratifs qui ont vu l'émergence au Québec de
sociétés d'État bien structurées, dotées
d'objectifs de rentabilité et des moyens nécessaires pour les
atteindre et, ailleurs dans le monde, des procédés de culture et
d'extraction du sucre de betterave toujours plus modernes et efficaces.
C'est de cette situation que nous avons hérité, M. le
Président, en 1977. En fait, la solution qui était
envisagée lorsque j'ai pris le dossier, c'était ni plus ni moins
la fermeture de la Raffinerie de sucre du Québec. Peut-être que je
suis allé un peu loin lorsque j'ai dit que le conseil d'administration
l'avait recommandée, mais ce qui était envisagé par le
gouvernement lorsqu'on est arrivé au gouvernement en 1976,
c'était, à toutes fins utiles, la fermeture de la raffinerie.
Alors que les documents en ce sens étaient déjà parvenus
au Conseil des ministres pour décision finale - c'était
déjà rendu au Conseil des ministres - j'ai obtenu un sursis d'un
an, le temps de mettre en place un véritable conseil d'administration
formé non plus de politiciens et de fonctionnaires, mais bien d'hommes
d'affaires. Le mandat de ces personnes était très clair:
gérer l'usine comme toute entreprise commerciale ou industrielle,
examiner ses chances de survie et de développement dans une perspective
de rentabilité et faire rapport au ministre de l'Agriculture.
Après un an d'opération sous la nouvelle administration,
année pendant laquelle la direction a pris toute une série de
mesures pour rationaliser les opérations et réduire les
dépenses, nous en sommes venus à la conclusion que l'usine
était viable pourvu que certaines mesures complémentaires soient
adoptées, notamment sur le plan de la modernisation des
équipements, de l'amélioration des méthodes de culture de
betterave et de la recapitalisation de l'entreprise.
Rappelons qu'en 1978 les équipements étaient à peu
près les mêmes que ceux installés en 1943 d'une
capacité de 1450 tonnes de betteraves par jour.
Or, il y avait une usine située à Easton au Maine, d'une
capacité de 3630 tonnes par jour, qui avait dû fermer ses portes
faute d'approvisionnement suffisant en betteraves. Cette machinerie, d'une
valeur de quelque 55 000 000 $, n'avait été utilisée que
pendant deux saisons et était donc en très bon état. Le
gouvernement a autorisé le conseil d'administration à se porter
acquéreur de cette machinerie qui fut achetée lors d'un encan
public pour la somme de 1 700 000 $ US, soit 12 000 $ de plus que l'autre plus
haut soumissionnaire, celui qui avait offert 12 000 $ de moins, et 300 000 $ de
moins que la limite maximale de 2 000 000 $ qui avait été
autorisée par le Conseil des ministres. Cet achat a ouvert la porte de
l'avenir pour la raffinerie de sucre puisqu'il a été possible,
à partir de ce moment, d'examiner des possibilités qui,
jusque-là, étaient impensables. Munie d'un mandat du Conseil des
ministres d'aller de l'avant et ayant acquis à prix d'aubaine des
équipements modernes, la direction de la raffinerie a soumis, en octobre
1979, à ma demande, un plan concret d'agrandissement et de modernisation
de l'usine de Mont-Saint-Hilaire afin de porter sa capacité de 1450
tonnes par jour à 3630 tonnes de betteraves par jour.
Un mois plus tard, le gouvernement décidait, à ma
recommandation, d'approuver le programme d'agrandissement et de modernisation
de l'usine de Mont-Saint-Hilaire et d'accepter des mesures incitatives
élaborées par le ministère de l'Agriculture,
des Pêcheries et de l'Alimentation avec la Raffinerie de sucre du
Québec pour que les producteurs agricoles fournissent à la
raffinerie le volume et la qualité requis de betteraves. Je n'ai pas
besoin de vous dire, M. le Président, que, pendant toute cette
période de temps, il y avait deux députés qui suivaient
attentivement le dossier. Il y avait le député d'Iberville, M.
Beauséjour, et le député de Verchères, M.
Charbonneau, qui constamment ont été les principaux conseillers
dans ce dossier puisque nous avons travaillé constamment ensemble au
point de vue politique sur ce dossier. Mais le dossier lui-même a
été analysé par le conseil d'administration,
étudié par le conseil d'administration sur une base
d'affaires.
La réalisation du projet d'agrandissement et de modernisation de
l'usine de Mont-Saint-Hilaire était assortie de deux conditions
importantes, soit d'abord le remplacement du vieil équipement par celui
acquis à Easton au Maine et l'obtention d'une importante subvention de 6
200 000 $ du ministère de l'Expansion économique
régionale. Et vous allez voir, par ailleurs, que les 6 200 000 $ ont
pris tellement de temps que cela nous a fait perdre une année et que
l'inflation nous en a mangé les trois quarts.
L'acquisition de la machinerie d'Easton a été
réalisée à l'automne 1978, mais ce n'est qu'en mai 1980
que les travaux de construction et de remplacement de la machinerie ont pu
démarrer, en raison du retard du MEER à confirmer son octroi de 6
200 000 $. Je peux vous dire, M. le Président, qu'une des principales
raisons, c'est que des fonctionnaires libéraux du gouvernement
fédéral, sachant qu'il y aurait des élections
fédérales qui seraient déclenchées, alors que la
décision était prête, ont retardé indûment les
recommandations et ont attendu les élections du mois de février
pour que les libéraux puissent en avoir le crédit. M. le
Président, j'aurais une belle histoire à raconter
là-dessus. Cela marche de même, au fédéral. Le jeu
de l'inflation a fait croître, durant ce temps, au cours de cette
période, les coûts d'attente d'au moins 10%, de sorte que, comme
il s'agit d'un projet d'environ 40 000 000 $, parce que les travaux ont
été retardés d'un an, à 10%, cela veut dire environ
4 000 000 $ sur les 6 200 000 qui vont être mangés.
Conformément au plan original, on devait démanteler
l'équipement et le remplacer par la machinerie acquise à Easton.
Afin de ne pas affecter les opérations régulières de la
raffinerie pour le traitement des betteraves, il fallait que les travaux
d'agrandissement des bâtisses et de remplacement de la machinerie
s'effectuent entre le traitement de deux récoltes, soit de la fin de
février à la fin de septembre de chaque année.
De nouvelles études d'opportunité et de rentabilité
ont mis en lumière, vers cette époque, les grands avantages qu'il
y aurait à maintenir les équipements déjà en place
et à procéder par ajout à la nouvelle capacité de
3630 tonnes par jour plutôt que par substitution du vieil
équipement par le nouveau. Ces principaux changements étaient,
premièrement, l'élimination de tout risque d'interruption des
opérations de la raffinerie pendant la période de traitement de
la récolte de 1982; deuxièmement, une augmentation de la
rentabilité des opérations grâce à des
économies d'échelle encore plus appréciables que
prévu, et troisièmement, la récupération d'une
partie de l'équipement de la raffinerie du Maine qui n'était pas
utilisé dans le projet initial.
Le Conseil des ministres décida alors d'autoriser le conseil
d'administration à conserver l'équipement original afin de
pouvoir l'utiliser pour la campagne de 1982 et d'agrandir la bâtisse afin
d'y installer les nouveaux équipements. En procédant ainsi, on
conservait la capacité initiale de 1450 tonnes par jour à
laquelle on ajoutait les nouveaux équipements de 3630 tonnes par jour,
ce qui portait la capacité totale de l'usine de Mont-Saint-Hilaire
à 5080 tonnes par jour. Le budget total approuvé à cette
époque était de 43 900 000 $.
Le programme d'agrandissement et de modernisation de l'usine de
Mont-Saint-Hilaire a été engagé avec vigueur en même
temps que le travail requis pour que l'entreprise passe rapidement et le mieux
possible d'un statut analogue à celui d'une entreprise artisanale
à un statut d'entreprise industrielle et commerciale. (16 heures)
Au plan administratif, il a fallu changer les mentalités pour que
l'entreprise fonctionne selon les normes habituelles du secteur des affaires,
c'est-à-dire entières responsabilités administratives,
planification des objectifs, utilisation optimale du fonds de roulement,
négociation des marges de crédit et des emprunts à terme,
rentabilisation des investissements et rendement sur le capital investi.
Un système élaboré de directives et
procédures administratives est mis en place; des cours de formation en
techniques sucrières ou en mécanique d'entretien sont
dispensés au personnel de l'usine. Ce travail de longue haleine
permettra de bâtir une équipe compétente et motivée,
disposant des outils nécessaires pour assumer le défi de la
rentabilité de l'entreprise et de son leadership dans l'industrie
sucrière.
Il convient de souligner que l'usine de Mont-Saint-Hilaire avait
toujours une capacité de 1450 tonnes par jour pour la campagne 1981-1982
qui s'est terminée au milieu de février dernier. Ce n'est que
pour
la prochaine campagne qui débutera en octobre 1982 que l'usine
atteindra une capacité de 3630 tonnes par jour. Le plan approuvé
en mars 1981 se poursuit donc rondement et, pour l'essentiel, se réalise
selon l'échéancier établi et ce, malgré toutes les
surprises qui peuvent survenir quand on réalise un projet de cette
envergure.
Au 31 décembre 1981, on estimait le coût du projet à
49 500 000 $, incluant 1 000 000 $ qui n'avaient pas été
prévus dans le projet initial pour les frais de démarrage,
c'est-à-dire les frais reliés aux essais et au rodage de la
nouvelle machinerie, la formation du personnel, l'organisation du magasin de
pièces et accessoires de rechange, la préparation des divers
manuels de fonctionnement et de procédures, etc.
L'augmentation des coûts d'investissements est de 5 500 000 $ ou
de 12,6% par rapport aux estimations budgétaires de mars 1981. Compte
tenu du contexte économique actuel, il s'agit d'une bonne performance.
C'est le coût du reconditionnement de la machinerie d'Easton qui accuse
l'augmentation la plus élevée, mais il s'agira, avec la mise au
point, d'un équipement qui sera ce qu'il y a de plus moderne
actuellement dans le monde. À ces coûts directs, s'ajoutent les
frais de financement intérimaires évalués à 3 900
000 $. Là encore, il était impossible de prévoir les taux
d'intérêt qui ont été beaucoup plus
élevés que prévu parce que personne ne pensait qu'on
atteindrait des taux autour de 20%, comme depuis plusieurs mois.
Notre usine, d'une capacité de 5080 tonnes par jour
nécessitera donc des investissements globaux de 53 500 000 $. C'est
encore un coût peu élevé pour une usine que la firme
d'experts BMA, de la République fédérale d'Allemagne,
évaluait en avril 1979 entre 105 000 000 $ et 110 000 000 $, alors que
le projet n'avait qu'une capacité prévue de 3630 tonnes par jour.
Depuis la décision initiale que nous avons prise en 1977 de ne pas
fermer l'usine, mais plutôt de rechercher avec des gens compétents
des solutions d'avenir, des pas de géants ont été franchis
pour transformer l'entreprise en vue de lui donner des outils de production
efficace, lui assurer des approvisionnements croissants de betteraves de
qualité, de développer des marchés pour les sous-produits
et pour assurer et accroître sa rentabilité.
Les sucreries de betteraves ont considérablement
évolué depuis les 30 dernières années grâce
notamment à de rigoureux programmes d'investissements annuels pour
moderniser la machinerie et diversifier la production. La mutation sera encore
plus rapide au cours de la prochaine décennie sous la pression notamment
des coûts croissants de l'énergie et de la main-d'oeuvre et de la
concurrence des nouveaux édulcorants, en particulier le fructose.
Pour assumer le leadership dans son secteur, la Raffinerie de sucre du
Québec devra poursuivre deux objectifs: améliorer constamment ses
facilités de production pour contenir ses coûts de production;
diversifier ses activités et ses produits pour utiliser ses
équipements pendant une période plus longue de temps que les
quelque 100 jours requis pour traiter une récolte de betterave.
L'atteinte de ce double objectif requiert deux outils indispensables: un
élargissement du rôle et des pouvoirs de la raffinerie pour lui
permettre de se situer dans un encadrement moderne sur les plans juridique,
corporatif et administratif; une structure financière adéquate.
Le projet de loi que nous étudions qui refond en profondeur la loi en
vigueur depuis 1943, permettra à la Raffinerie de sucre du Québec
de disposer des instruments indispensables à sa mission.
Dans le dossier de la raffinerie de sucre, la question cruciale a
toujours été les approvisionnements. Accroître la
capacité de la raffinerie de sucre de 1450 tonnes par jour à 5080
tonnes par jour, avec de l'équipement acheté à un prix
d'aubaine et grâce à un espacement des travaux qui n'arrête
pas le fonctionnement de la raffinerie constitue un véritable exploit
sur le plan technique. S'assurer que les betteraves seront au rendez-vous
lorsque les nouvelles capacités deviendront opérationnelles en
est également tout aussi digne de mention.
Depuis que le gouvernement a fait connaître sa décision
ferme de maintenir la raffinerie de sucre et d'accroître sa
capacité, la réponse des agriculteurs a été des
plus encourageantes. En 1979, 150 producteurs ont livré à la
raffinerie 38 000 tonnes de betteraves. En 1980, 200 producteurs ont
livré 121 000 tonnes. En 1981, les producteurs étaient rendus au
nombre de 273 et ils ont livré 160 000 tonnes. Pour l'année en
cours, 1982, les 475 producteurs actuellement sous contrat devraient produire
environ 250 000 tonnes de betteraves, puisque la raffinerie a actuellement 5665
hectares sous contrat. Pour cette année, nous espérons un peu de
pluie, parce qu'il n'a pas plu véritablement dans la région
depuis la fin d'avril et cela ne nuirait pas s'il y avait un peu de pluie. En
quatre années, le nombre de producteurs aura été
multiplié par 3, la récolte par 7 et le nombre d'acres en culture
par 3,5. Les prévisions dont dispose la raffinerie nous font atteindre
le cap des 500 000 tonnes de betteraves en 1985-1986.
Il ne fait pas de doute, M. le Président, qu'outre la
décision du gouvernement d'investir dans la raffinerie de
sucre, la mise en place d'un régime d'assurance-stabilisation des
revenus pour les producteurs, la signature de contrats d'approvisionnement de
cinq ans avec la raffinerie, l'offre de subventions pour l'achat
d'équipements spécialisés, de même que les efforts
tant du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de
l'Alimentation que de la raffinerie pour implanter de nouvelles méthodes
culturales plus efficaces ont contribué à créer un climat
très favorable à l'accroissement des superficies en culture.
Le marché du sucre est caractérisé par des
fluctuations cycliques très importantes. Alors que le prix était,
l'an dernier, de 1200 $ la tonne, il n'était ce printemps que de 350 $
la tonne. Dans de telles conditions, il est impensable de développer
cette production qui requiert des investissements importants sans assurer une
certaine sécurité aux producteurs. D'ailleurs, le gouvernement
peut difficilement investir des dizaines de millions de dollars dans une usine,
si les approvisionnements en matière première peuvent fluctuer
d'année en année de façon très
considérable.
Les contrats d'approvisionnement et l'assurance-stabilisation des
revenus ont pour but de sécuriser à la fois le producteur et
l'investissement du gouvernement. Au cours de la campagne 1981-1982, 157 des
273 producteurs se sont assurés. Cette année, je suis heureux de
dire que 302 des 475 producteurs actuellement sous contrat ont pris cette
précaution. Au point de vue de l'assurance-récolte, en 1981-1982,
le nombre d'assurés était de 181, il est actuellement de 260. Ces
données illustrent à mon point de vue une évolution de la
mentalité des producteurs, qui abordent maintenant la culture de la
betterave à sucre moins comme une spéculation que comme une
production dans laquelle on s'engage sur une base régulière.
Cependant, au bout du compte, les producteurs ne feront pousser de la
betterave que si c'est payant pour eux d'en faire. Les vieux betteraviers
savent que les bonnes années comme l'année dernière, alors
que la raffinerie a payé en moyenne 52,19 $ la tonne de betterave,
compensent pour les mauvaises années.
Néanmoins, il importe que le prix payé par la raffinerie
dans le creu du cycle des prix se rapproche le plus possible des coûts de
production. Ainsi, il faut que la raffinerie, qui redonne aux producteurs 70%
de la valeur du sucre qu'elle vend - 70% de la valeur du sucre qui est vendue
par la raffinerie retournent aux producteurs agricoles - tire des betteraves
qu'on lui apporte le plus de sucre possible.
Cette année déjà, le poids du sucre extrait
à partir d'une betterave en contenant le même pourcentage a
augmenté sensiblement de 101 kilos à 113 kilos la tonne. Cela
tient certes pour une part à la pureté du jus de la betterave,
mais cela tient également à Saint-Hilaire à une foule de
petites améliorations techniques dans le procédé ou les
équipements.
Le taux d'extraction n'excède pourtant pas 80% ou 82% du sucre
entré à l'usine, ce qui est comparable et ce qui même
dépasse la moyenne américaine. Les rendements sont meilleurs que
ceux des États-Unis, 80% ou 82%, mais, en France, les rendements
atteignent l'ordre de 88% ou 89%, alors que les Français sont
considérés comme les meilleurs producteurs de sucre de betterave.
Cela représente entre dix et quinze kilos à la tonne qu'il faut
ajouter aux dix ou quinze kilos à la tonne perdus dans les empilements
et qui peuvent être réduits de moitié lorsque les
techniques appropriées auront été mises en oeuvre. Ce ne
sont souvent pas les modifications les plus coûteuses qui donnent le
meilleur résultat, mais la raffinerie doit disposer de la marge de
manoeuvre suffisante pour les réaliser. (16 h 10)
Cependant, les gains les plus appréciables peuvent et doivent
être obtenus à la ferme, où les rendements en tonnage et en
sucre peuvent être accrus sensiblement. Ainsi, à titre de
référence, la meilleure année des producteurs
québécois, jusqu'à maintenant, a été de 6300
kilos de sucre blanc à l'hectare, alors qu'en France ou en Belgique la
moyenne nationale pour 600 000 ou 800 000 hectares excède les 7500
kilos. Encore là, il n'y a pas de fatalité et ce n'est pas le
climat qui explique de telles différences, mais essentiellement les
pratiques culturales: choix de bonnes variétés de betteraves, des
herbicides et des engrais appropriés, du nombre adéquat de semis
à l'hectare, 80 000 pieds à l'hectare plutôt que 40 000 ou
50 000, entre autres. La raffinerie, de concert avec le ministère,
s'emploie à développer, par exemple, des cultivars plus
adaptés au climat québécois et à convaincre les
producteurs d'améliorer les méthodes culturales.
Les résultats sont déjà très encourageants.
Alors qu'entre 1972 et 1976 les rendements en betteraves ont été
de 37,4 tonnes métriques à l'hectare, ils ont été,
de 1976 à 1981, de 45,46 tonnes à l'hectare, soit une hausse de
rendement de 22%.
En plus des méthodes culturales nouvelles, comme la plantation
symétrique qui permet d'accroître les populations à
l'hectare, le choix de meilleures variétés et l'utilisation de
nouveaux herbicides plus efficaces, un des facteurs qui ont le plus
contribué à l'accroissement des rendements est l'augmentation de
la superficie moyenne des exploitations. Alors qu'en 1970-1971 un producteur
moyen avait 4,9 hectares en betteraves, l'année dernière, cette
moyenne était de 16,1 hectares en betteraves, c'est-à-
dire 40 acres en betteraves comparativement à environ 12 en 1970.
Cela permet de justifier l'utilisation de meilleurs équipements qui
n'étaient pas rentables sur les petites parcelles et constitue
également une très bonne indication du sérieux avec lequel
les agriculteurs de la région abordent maintenant cette culture.
J'aimerais dire un mot, M. le Président, en terminant, sur un
phénomène peu connu du grand public et qui a quand même
été pris en considération dans notre décision de
moderniser et d'agrandir la raffinerie. Il s'agit des retombées
très positives sur le plan agronomique de la culture de la betterave
à sucre. La betterave à sucre est, en effet, une plante pivotante
dont les racines poussent très profondément dans le sol, six
à sept pieds de profondeur. Elle assure ainsi un meilleur drainage et
une meilleure structure du sol dans lequel elle pousse. Quand on enlève
la betterave, la racine reste dans le sol et, en pourrissant dans le sol, elle
aère le sol, l'oxygène et l'améliore. C'est excellent
comme culture alternative dans une région de céréale,
comme la région où est située la raffinerie.
C'est, de plus, une plante sarclée, c'est-à-dire dont les
rangs doivent être débarrassés des mauvaises herbes
manuellement ou par des herbicides. Ceux utilisés dans cette culture
n'ont pas d'effet résiduel et, grâce à des
découvertes récentes, peuvent être maintenant
utilisés aux différentes étapes de croissance de la
betterave. Il en résulte donc un nettoyage très efficace du sol,
sans effets secondaires sur l'écologie et sans non plus qu'on ait
à y consacrer les efforts physiques très considérables des
multiples piochages prescrits dans les anciennes méthodes. Enfin, les
racines, les tiges et les feuilles des betteraves laissées dans le sol
ou sur le champ constituent un apport de matière organique
important.
Les expériences ont démontré hors de tout doute que
les agriculteurs qui utilisent la betterave comme culture de rotation
obtiennent de bien meilleurs rendements dans leurs autres productions, qu'il
s'agisse de céréales ou de légumes.
Depuis 1980, nous menons une expérience destinée à
évaluer le potentiel de la betterave à sucre ailleurs que dans
les régions de Verchères et de Saint-Hyacinthe.
Les résultats sont très encourageants -dans la
région de Québec, nous avons commencé à semer des
betteraves pour voir quel serait le rendement - puisque sur les parcelles en
culture, entre autres à Saint-François et à Fortierville
dans le comté de Lotbinière, nous avons obtenu des volumes de
betteraves à l'acre équivalant à la moyenne nationale, en
termes de production de betteraves, mais avec une teneur en sucre de 14% plus
élevée.
M. le Président, il n'y a rien de plus intéressant pour
une raffinerie de sucre que des betteraves plus petites qui sont plus riches en
sucre et cela a été la surprise. Les agronomes expliquent
difficilement ce phénomène de voir que, dans la région de
Québec, il y a autant de betteraves à l'acre avec un plus grand
contenu en sucre.
J'ai demandé ça parce que j'ai dit: À un moment
donné, si on voit qu'à Saint-Hilaire ça va très
bien, il faudra éventuellement faire une autre raffinerie, en tout cas
une autre sucrerie, et il serait intéressant de voir si on peut cultiver
des betteraves ailleurs. On se rend compte que, dans la région de
Québec, le rendement peut être excellent et on va encore continuer
les expériences cette année et l'an prochain sur de plus grandes
superficies, pour voir le potentiel qu'il y a, parce que, si le rendement est
excellent, on pourra cultiver des betteraves ailleurs, en améliorant en
même temps, comme culture alternative, la production de
céréales dans d'autres régions du Québec.
L'expérience se continue cette année et je suis confiant
qu'on pourra assister, au cours des prochaines années, à un
élargissement du bassin d'approvisionnement de la raffinerie de sucre.
Qui sait quel sera l'avenir à ce point de vue là? Là, on a
inclus Lotbinière et on va demander aux gens d'étendre un petit
peu vers Beauce-Nord pour commencer...
Une voix: Aie! Aie! Aie!
Une voix: Le comté de Champlain.
M. Garon: Lévis? Je ne le sais pas. S'il y a une nouvelle
raffinerie, ça ferait peut-être une bonne place...
Une voix: Les gens sont assez raffinés là-bas.
M. Garon: Non, sans blague, M. le Président. Au fond, avec
la raffinerie, on ne produira qu'une partie - avec les betteraves - de la
production de sucre du Québec et, si on peut étendre la
production de betteraves à d'autres régions du Québec,
comme culture alternative qui améliore les rendements -c'est très
important - en céréales, ce sera un bienfait pour les
différentes régions du Québec où on pourra
étendre la production.
Un mot sur la beauté de ce projet-là. Lorsqu'on examine ce
qui se passe actuellement à l'usine de Saint-Hilaire, je crois qu'on
peut parler de beauté en regard de ce vaste projet industriel. Je n'ai
pas le temps d'entrer dans tous les détails techniques qui font de la
raffinerie de sucre une usine non seulement moderne, mais en mesure de suivre
l'évolution prévisible de la technologie, parce qu'avant de
couler le
ciment, on a prévu que, d'ici à quelques années,
par exemple, il sera nécessaire d'introduire un ordinateur.
J'aimerais quand même décrire brièvement
l'utilisation prévue des sous-produits de raffinage. Cette utilisation
qui va de la récupération de l'énergie à celle de
la terre de lavage de la betterave, fera de la raffinerie une usine propre sur
le plan écologique, sur le plan de l'environnement et aussi une usine
plus rentable.
Plusieurs personnes se disent des fois qu'en production agricole il y a
des résidus. Je dois dire qu'il n'y aura aucun résidu dans la
raffinerie et tous les sous-produits pourront être utilisés pour
rentabiliser davantage la raffinerie et en même temps pour n'avoir aucun
effet contre l'environnement.
Le sous-produit le plus volumineux est la pulpe de betterave. Elle est
d'abord pressée, une fois qu'on a enlevé le sucre de la
betterave, pour monter son taux de matière sèche à environ
23% ou 24%. Sous cette forme, elle représente 20% du poids des
betteraves, soit jusqu'à 120 000 tonnes dans les années à
venir, et peut être ensilée comme du fourrage vert pour
l'alimentation des bovins de boucherie.
Des essais satisfaisants ont été faits l'an dernier,
d'autres sont en cours actuellement à la ferme expérimentale de
Deschambault. La pulpe peut aussi être additionnée de
protéines et de sels minéraux qui la transforment en un aliment
complet. Les quantités produites seraient alors suffisantes pour
engraisser 20 000 boeufs de boucherie seulement avec ladite pulpe.
Cette pulpe peut être aussi hachée, comme cela se fait
actuellement, et éventuellement entrer dans des formules de
moulée. Des essais récents ont montré que la pulpe pouvait
être additionnée de marc de pommes qui est un résidu de la
fabrication de jus de pomme et de cidre qui n'a trouvé que très
peu d'utilisation jusqu'à maintenant et qui est surtout un agent de
pollution. C'est-à-dire qu'après avoir pressé les pommes
pour en extraire tout le jus, il reste une pulpe, ce qu'on appelle le marc de
pommes, et qui est enterré actuellement. On s'en débarrasse et on
dit que cela peut causer de la pollution. Si on l'utilise avec la pulpe de
betterave, les deux pourront servir d'aliments pour le bétail et il n'y
aura aucune perte de résidus tant pour l'extraction du jus de pomme dans
les usines, qui sont tout près de la raffinerie de sucre de
Saint-Hilaire, que pour la pulpe de betterave. (16 h 20)
Le deuxième sous-produit important en volume est la terre
provenant du nettoyage des betteraves. Elle représentera, à
l'avenir, au moins 60 000 tonnes par année. Quand les betteraves
arrivent, il y a de la terre et la terre ramassée immédiatement
est donnée aux agriculteurs. Plus tard, quand on lave les betteraves, il
se ramasse des résidus de terre collés aux betteraves, et cela
veut dire plus de 60 000 tonnes par année. Actuellement, cette terre est
entreposée dans un bassin. Elle est coûteuse à extraire et
sans grande utilité à cause de sa composition et de sa texture.
Il existe maintenant plusieurs techniques pour la séparer de l'eau et la
transformer en un excellent terreau, un terreau de bonne qualité. Quand
on pense que seulement au Jardin botanique on en utilise 60 000 verges cubes
par année, cela devrait rendre ce marché très profitable,
la vente de la terre de lavage une fois traitée.
Un autre sous-produit volumineux est constitué des écumes
de carbonatation. II s'agit de la chaux qui a servi à purifier les jus
et qui se trouve essentiellement sous forme de carbonate de calcium très
finement divisé. C'est un produit nettement supérieur à la
pierre de chaux pour l'amendement des sols acides. Ces écumes, dans leur
forme actuelle, à 50% de matières sèches, sont
coûteuses à transporter et difficiles à étendre, ce
qui explique le manque d'intérêt des producteurs. Il est possible
de les presser, ces écumes, pour augmenter le taux de matières
sèches à au-delà de 60%, ce qui en ferait alors un produit
aussi facile à utiliser que la pierre de chaux. Il y en a même qui
nous disent que cela pourrait aider à régler ou à
compenser l'effet des pluies acides dans les lacs. On nous dit qu'en
Suède un des procédés utilisés en écologie
pour garder les lacs à un niveau convenable d'acidité, c'est de
placer des quantités considérables de chaux dans les lacs pour
compenser l'effet de l'acidité.
Donc, si le gouvernement du Canada n'est pas capable de régler le
problème des pluies acides, peut-être qu'avec la chaux de la
raffinerie ou les écumes de cabonatation nous pourrons partiellement
contribuer à diminuer le taux d'acidité de certains lacs au
Québec. C'est une méthode dont certains disent qu'elle est
utilisée avec grand succès en Suède.
Enfin, le dernier sous-produit d'importance est l'eau chaude des
condenseurs barométriques rejetée à une température
d'environ 60 degrés centigrade à un débit actuel de
près de 500 mètres cubes l'heure. C'est de l'eau et de la chaleur
en grande quantité. Même si une proportion appréciable de
ces eaux peut être réutilisée en sucrerie, il en restera
vraisemblablement un volume relativement considérable, au contenu
énergétique important. De nombreuses expériences ont
été faites dans le monde sur ce genre de rejet tout à fait
comparable, en température, à celui des centrales thermiques et
des centrales nucléaires, par exemple. Cela veut dire que cela peut
contribuer à faire de l'électricité, cela peut contribuer
à faire du chauffage,
mais cela peut aussi, par les techniques de récupération
de la chaleur qui sont maintenant au point, servir au chauffage de serre et
à la pisciculture, notamment.
Comme autre sous-produit, il faut mentionner le sable qui sera extrait
lors du tamisage des eaux boueuses dont la qualité et la quantité
pourraient justifier l'emballage et la vente. Enfin, il reste la
mélasse, vendue actuellement à des fabricants de levure, qui
pourrait servir à fabriquer de nouveaux produits, sans compter l'alcool
qui est aussi extrait de ces produits. Enfin, le champ des activités
ouvert par les sous-produits se révèle déjà
extrêmement intéressant et en mesure d'apporter une
diversification appréciable et profitable.
M. le Président, je ne voudrais pas être plus long, je
voudrais tout simplement attirer l'attention sur l'importance de la raffinerie
non seulement en termes de production de sucre, mais aussi pour tous les
sous-produits qui peuvent être utilisés et qui vont contribuer
à rentabiliser encore davantage la raffinerie de sucre de
Saint-Hilaire.
Je n'ai pas parlé volontairement d'autres projets que nous
étudions actuellement pour utiliser la raffinerie pendant les 200 autres
jours où elle n'est pas utilisée. Elle est utilisée
pendant 100 jours actuellement et il y a encore les 200 autres jours où
ces équipements très sophistiqués, très modernes
pourraient être utilisés pour différents projets,
différents autres produits qu'étudient actuellement les
dirigeants de la raffinerie.
Je ne voudrais pas parler plus longtemps, M. le Président. C'est
un excellent projet de loi qui va permettre de donner à la Raffinerie de
sucre du Québec les instruments pour aller de l'avant et contribuer
à créer des emplois et à développer
l'économie au Québec. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Beauce-Sud.
M. Hermann Mathieu
M. Mathieu: Merci, M. le Président.
Le ministre a parlé de la culture de la betterave, de
l'extraction du sucre, de la production de sous-produits: alcool, pulpe, sable,
etc. Il a parlé de tout, mais il a oublié de parler du projet de
loi no 63.
C'est justement sur ce projet de loi que nous avons des questions
à poser au ministre. Nous avons des éclaircissements à lui
demander. Je vais essayer d'être pertinent à ce projet de loi.
Comme premier commentaire, je voudrais d'abord dire que ce projet de loi
ne nous paraissait pas être un projet de loi urgent. Nous eussions
grandement préféré discuter, cet après-midi, le
projet d'aide à l'établissement des jeunes agriculteurs qui
viendrait, semble-t-il bientôt, si on continue à persister
à le réclamer du ministre. J'espère qu'il le
déposera d'ici à la fin de la session. Cela fait
déjà presque un an et demi que cette promesse a été
faite de 50 000 $ sans intérêt pendant cinq ans. C'est urgent,
parce qu'il y a beaucoup de transactions bloquées dans le moment, parce
que les jeunes agriculteurs attendent le projet de loi. Ils attendent depuis
plus d'un an. J'espère que, la semaine prochaine, le ministre
déposera ce projet de loi. Voilà un projet urgent, un projet
pertinent, plus urgent que celui que nous étudions cet
après-midi.
Le projet de loi no 63, Loi sur la Raffinerie de sucre du Québec,
ne change rien aux pouvoirs de la raffinerie. Celle-ci n'avait pas besoin de ce
projet de loi pour réaliser son projet de modernisation. La preuve, elle
n'avait pas cette loi et elle a entrepris son projet. Le budget prévu
aurait-il été dépassé? La raffinerie aura-t-elle
besoin d'argent pour compléter ces améliorations? On a dit au
début que le premier projet de modernisation, semble-t-il, était
aux environs de 10 000 000 $ à 12 000 000 $, en 1978. Nous sommes
passés, nous avons évolué au cours des années et
plus cela passe, plus cela devient dispendieux. C'est passé à 30
000 000 $ en 1979. En 1981 - je vois ici un article du journal Le
Régional, avec une photo du ministre - on est rendu à 33 000 000
$. C'était en avril 1981. Le 26 octobre 1981, projet d'investissement de
45 000 000 $. Nous sommes rendus, d'après le Soleil du 2 juin 1982,
à 53 500 000 $. Il est à prévoir que ce projet engendrera
des investissements de 75 000 000 $ à 90 000 000 $, si on continue avec
la forme pyramidale engendrée depuis que le ministre est à son
poste.
La récente histoire de la raffinerie de sucre de Saint-Hilaire
constitue un véritable roman; non seulement la réalité
dépasse la fiction, mais encore l'obsession maladive du ministre,
lorsqu'il s'agit d'accroître l'autosuffisance alimentaire, trouve
là son paroxysme. Nous ferons un bref rappel historique. Je ne
remonterai pas à 1943. J'ai laissé le ministre faire ses
commentaires. Commençons à l'époque moderne,
c'est-à-dire une fois que l'agriculture est née au Québec,
après 1976, selon le ministre. (16 h 30)
Le 3 mars 1978, le ministre confiait au conseil d'administration de la
raffinerie le mandat de rechercher les moyens les plus susceptibles d'absorber,
d'assurer la rentabilité de l'entreprise et de lui faire rapport
à cet effet. Le conseil d'administration précisait, dans les mois
qui suivirent, les objectifs nécessaires à la réalisation
de ce mandat. Ainsi, dans un premier temps, il fallait, premièrement,
voir sous quelles conditions les activités de la
raffinerie pourraient se rentabiliser à court terme et avec les
équipements existants; deuxièmement, établir si, à
moyen ou à long terme, une modernisation ou un agrandissement des moyens
de production permettrait d'atteindre l'objectif de rentabilité;
troisièmement, estimer si l'approvisionnement potentiel en betteraves
sucrières et le marché du sucre étaient suffisants pour
garantir l'exploitation efficace de nouveaux moyens de production;
quatrièmement, évaluer la possibilité de transformer
l'entreprise en firme leader, soucieuse de mettre au point de nouveaux
produits.
Le 20 juin 1978, le conseil d'administration de la raffinerie remettait
au ministre, M. Garon, ses recommandations contenues dans un rapport
intitulé "Étude de la situation de l'entreprise et
recommandations pour l'avenir", dont copie fut remise au ministère de
l'Expansion économique régionale. Les rapports contenaient les
éventualités suivantes: première
éventualité, fermeture de l'usine. J'ai bien noté que le
ministre avait dit tantôt que les libéraux voulaient fermer
l'usine. Nous sommes en 1978. Un rapport est soumis au ministre et apporte les
éventualités suivantes: premièrement, fermeture de
l'usine. Les études conduites par le conseil d'administration de
l'entreprise confirment que cette option doit être
éliminée. En effet, il est démontré, au cours de ce
rapport, que les conditions d'approvisionnement, de transformation et de
marché permettront d'atteindre des objectifs de rentabilité de
l'entreprise à court, moyen et long terme. Qui plus est, la culture de
la betterave sucrière dans la région de Saint-Hyacinthe atteint
actuellement quelque 5000 acres par près de 200 producteurs. En 1960,
l'acquisition de la sucrerie Chatham par un raffineur de sucre de canne et sa
fermeture ultérieure en 1969 a privé les producteurs agricoles
ontariens d'une option de production importante dont ils déplorent
encore aujourd'hui l'absence.
Deuxième éventualité du rapport de 1978: cette
option maintient l'usine à sa capacité actuelle. Cette option est
toujours possible, d'autant plus que la raffinerie dispose maintenant de tout
l'équipement nécessaire. Néanmoins, malgré son
intérêt immédiat, elle ne peut être retenue à
moyen et long terme, compte tenu de la production limitée et de la
rentabilité problématique qui en résulterait. En effet,
les raffineries modernes, de l'avis des experts, doivent, pour être
rentables, atteindre une capacité minimale de traitement de l'ordre de
3000 tonnes de betterave par jour. Troisième éventualité:
expansion de la capacité de production. L'étude de
praticabilité réalisée par la firme
d'ingénieurs-conseils Vézina, Fortier et Associés, avec
l'assistance de la firme Barré, Pellerin, Lemoyne et Associés, du
fabricant allemand BMA et des experts conseils américains Stern's
Rodger's, entre autres, démontrent que les équipements acquis de
l'usine Triple A, de Easton, Maine, peuvent être
réinstallés dans l'usine actuelle de Saint-Hilaire à leur
maximum d'efficacité à un coût de 29 000 000 $, 1979.
L'usine aurait ainsi la capacité de traiter 3600 tonnes métriques
de betteraves par jour et une production d'environ 100 000 000 de livres de
sucre semi-raffiné par an. Le travail de démantèlement, de
remise à neuf et de réinstallation des équipements serait
exécuté pendant les périodes d'intercampagne, soit du 15
janvier au 15 septembre dès 1980 et jusqu'en 1984, de façon
à ne pas interrompre la transformation des betteraves dont la culture ne
doit pas être suspendue puisque l'approvisionnement de l'usine doit
augmenter progressivement.
Ce montant de 29 000 000 $ était le résultat d'une
étude détaillée et minutieuse de chacune des pièces
d'équipement des usines de Saint-Hilaire et d'Easton. Les frais de
remise à neuf des équipements eux-mêmes ont fait l'objet de
soumissions à prix ferme et indexées de la Société
BMA, pourvu que les travaux soient entrepris dès cet automne,
c'est-à-dire 1980. Les ingénieurs ont estimé suffisante,
sûre et précise leur évaluation du coût des travaux
pour ne prévoir qu'un coussin minimal de 5% pour les imprévus.
L'échéancier très serré des travaux fut fourni aux
pages 86 à 90 du rapport Vézina. Il est à noter que cette
estimation devait être haussée de plusieurs millions de dollars si
les travaux ne pouvaient être entrepris dès le 15 janvier de cette
année-là, puisque l'ensemble du projet aurait été
retardé d'un an.
Le 11 octobre 1978, le ministre de l'Agriculture informait le conseil
d'administration que le Conseil des ministres autorisait l'achat des
équipements d'Easton, dans le Maine, et la poursuite du projet sous
réserve de démontrer ultérieurement la rentabilité
et la viabilité de la troisième solution dans ces conditions et
le ministère de l'Agriculture se chargeait de mettre au point une
politique de développement de la culture de la betterave
sucrière. Après autorisation du Conseil des ministres du
gouvernement du Québec, la Raffinerie de sucre du Québec devenait
propriétaire de ces équipements le 19 octobre 1978. Le 21
novembre 1979, le gouvernement du Québec autorisait la raffinerie de
sucre à entreprendre un programme d'expansion et de modernisation pour
porter la capacité de traitement de l'usine de 1450 à 3630 tonnes
de betteraves par jour. Le ministère de l'Expansion économique
régionale du Canada faisait, pour sa part, le 18 avril 1980, l'offre
d'une subvention au montant de 6 700 000 $ au terme de sa loi constitutive,
offre
acceptée le 1er mai suivant. Nous verrons si le gouvernement
émettra des actions à même le capital au gouvernement du
Canada pour cette subvention.
Grosso modo, ce programme prévoyait la réinstallation dans
l'actuelle usine de Mont-Saint-Hilaire dont on devait démanteler les
vieux équipements des machines de plus grande capacité acquises
en 1978 à Easton, dans le Maine, de l'usine Triple A Sugar. La
capacité devait atteindre 3600 tonnes par jour le 1er octobre 1982.
Les demandes de subvention au ministère de l'Expansion
économique régionale. Le budget établi pour cette
opération était de 34 326 000 $, bien que dans sa forme initiale
il était de 29 000 000 $, comme mentionné ci-dessus. Il devait
être financé d'abord par les bénéfices non
répartis, les profits accumulés non retournés au revenu
consolidé de la province de la raffinerie, par un apport de capital de
17 000 000 $ du gouvernement du Québec et, enfin, par une subvention de
6 700 000 $ du ministère de l'Expansion économique
régionale du Canada. À la même époque, d'autres
études d'experts en raffinage et produits de substitution
démontraient clairement qu'il ne fallait pas trop compter sur la
rentabilité de l'extraction du sucre de betterave, compte tenu de
l'importance que prend de plus en plus la technologie reliée aux
édulcorants de synthèse, en particulier, le sirop de maïs
à haute teneur en fructose, cette technologie qui permet d'obtenir un
produit de 50% à 70% moins cher que la sucrose.
Les États-Unis et l'Ontario, de leur côté, ont
déjà perçu les besoins réels de l'industrie de la
transformation et se sont d'ailleurs orientés dans cette voie. Quoi
qu'il en soit, l'usine Triple A Sugar a été achetée;
coût effectif d'acquisition, 1 700 000 $ américains, plus 10 000
000 $ de prévus pour démonter et réinstaller le
matériel à Saint-Hilaire. Jusque-là, on assiste à
ce qu'on pourrait appeler familièrement du pétage de bretelles de
la part du ministre. On parle d'un train de mesures pour encourager la culture
de la betterave; programme de subvention pour la stabilisation des prix:
subvention pour chaque acre de plus affectée à cette culture,
pour autant que le producteur a signé son contrat de cinq ans;
subvention pour l'acquisition du matériel agricole: 30%. Programme
d'éducation des producteurs: on rend publique une politique
sucrière authentiquement québécoise devant permettre de
faire passer le taux d'autosuffisance du Québec de 4% à 17%. On
est alors en décembre 1979. (16 h 40)
Tout à coup, moins d'un an et demi plus tard, le ministre annonce
un autre plan d'expansion de la raffinerie de sucre. En mars 1981, le Conseil
des ministres autorise l'injection de 5 400 000 $, augmentant ainsi la
capacité de raffinage de 40%, c'est-à-dire de 3630 tonnes
métriques à 5080 tonnes métriques.
Officiellement, cette nouvelle expansion est rendue possible par
l'emploi de nouvelles techniques qui permettent de conserver l'ancien
équipement de raffinage et d'y ajouter celui qui a été
acquis de la raffinerie américaine. Elle permet aussi, toujours
officiellement, d'éviter l'interruption de la production au moment
où seront installés les nouveaux équipements.
Le deuxième plan devait porter la capacité de raffinage de
l'usine à 600 000 tonnes par année, soit la quantité
cultivée sur une superficie de 12 000 hectares, 25 000 acres.
En plus, de nouvelles techniques de séchage et d'entreposage
permettraient une plus grande récupération de la pulpe de
betterave, un aliment pour bétail, le ministre profitant de cette
annonce pour inciter les indécis à voter pour un bon
gouvernement. Nous étions en mars 1981.
Vers la même époque, M. André Marier, le P.-D.G. de
la raffinerie, soumettait ce deuxième projet d'expansion au
ministère de l'Expansion économique régionale du Canada,
afin d'aller recueillir quelques fonds supplémentaires du gouvernement
fédéral. L'on y apprend qu'à la lumière des
études d'ingénierie, il semble qu'à l'exception des
étapes de la diffusion, de l'évaporation et de la purification,
toutes les autres étapes du raffinage du sucre brut peuvent traiter une
capacité de 5080 tonnes métriques avec quelques modifications aux
installations, modifications déjà prévues dans le premier
projet, mais non existantes à l'époque.
On y découvre que les investissements en immobilisation, dont le
prix coûtant devait s'élever à 34 326 000 $, avant toute
subvention, semblent devoir s'élever à 38 589 000 $ au 28
février 1981. Cette augmentation serait attribuable aux immobilisations
requises pour la réception, le laboratoire de tare,
l'échantillonnage de sucre et les empileuses.
De plus, l'on se serait rendu compte, à la suite d'études
et de visites de sucreries aux États-Unis et en Europe, que les
méthodes de manutention utilisées jusque là étaient
responsables de pertes en sucre anormalement élevées durant la
période d'entreposage.
Les pertes, estimait-on, étaient suffisantes pour affecter la
rentabilité de la production, autant à l'usine qu'à la
ferme. Il fallait donc réviser tout le matériel et les
installations impliqués dans la réception pour faire passer leur
capacité de 12 000 jusqu'à 40 000 voire 50 000 tonnes de
betterave par jour de façon à pouvoir recevoir toute la
récolte durant six à quinze semaines au lieu des cinquante jours
traditionnels.
Cela constituait, M. le Président, faut-il le dire, un
véritable non-sens. Ce serait beaucoup trop capitaliser pour une si
faible période. C'est totalement irrationnel vis-à-vis des
décisions que les producteurs doivent prendre pour raccourcir les
délais.
Enfin, bref, pour justifier une augmentation de 12,4% par rapport aux
prévisions de 1979, les experts de la raffinerie se sont même
permis d'ajouter: "L'écart observé pour la raffinerie n'est
absolument pas attribuable à une quelconque faiblesse de contrôle
et de gestion. Il est, pour l'essentiel, le résultat de décisions
conscientes imposées par un surcroît de connaissances."
On veut justifier le fait que, d'une étape à l'autre, le
projet est toujours de plusieurs millions plus élevé, toujours
non réalisé, mais toujours plus dispendieux. On est encore
à la conception purement et simplement. On dit que ce n'est pas l'effet
d'une mauvaise administration, mais le résultat de décisions
conscientes - on aurait plutôt été porté à
croire que c'étaient des décisions inconscientes -
imposées par un surcroît de connaissances - je laisse aux
auditeurs le soin de juger - ou par l'évolution de la technologie et
pour le reste, d'erreurs d'estimation inévitables. Cela peut aller pour
3%, 4% et 5%, mais rendu à 10 000 000 $, 15 000 000 $ et 20 000 000 $,
cela devient exagéré.
Finalement, sous prétexte que les travaux visant à
démonter les équipements jugés désuets se
révélèrent beaucoup plus longs que prévu - l'on
devait exécuter ces travaux en intercampagne, c'est-à-dire entre
janvier, février et août, septembre, pour ne pas fermer pendant
toute une année - le conseil d'administration en vint à la
conclusion, toujours selon la demande au ministère de l'Expansion
économique régionale, qu'il vaudrait mieux ne pas
démanteler les équipements de 1450 tonnes par jour de l'usine
originale pour les garder prêts à commencer le traitement de la
récolte 1982, en cas de retard, et agrandir, sans être
gêné par les campagnes, un nouveau bâtiment pour loger les
équipements de 3630 tonnes par jour. Il s'agit d'une orientation
complètement différente dans le projet d'expansion. L'on a eu le
culot de spécifier qu'il s'agirait d'une modification majeure au projet
impliquant des investissements additionnels importants, pour lesquels la
Raffinerie de sucre du Québec sollicitait un supplément de
subvention à être fourni par le gouvernement
fédéral.
L'on affirme que, pour la raffinerie, l'avantage principal du projet
d'expansion à 5080 tonnes par jour résidait dans
l'amélioration très sensible de la rentabilité de
l'entreprise. Les bénéfices nets seraient, d'ici à 1986,
50% plus élevés qu'avec une usine de 3630 tonnes. L'on y voyait
même la possibilité d'augmenter les surfaces en betteraves de 40%,
soit de 8000 hectares à plus de 11 000 hectares.
Réponse du ministère de l'Expansion économique
régionale: Nous ne pouvons appuyer le nouveau projet soumis par le
requérant. La situation, en effet, n'avait que bien peu
évolué depuis la première demande. Les problèmes
essentiels, approvisionnement en betteraves sucrières, n'avaient
toujours pas été résolus et, bien plus, le projet tel que
présenté ne visait qu'à maquiller une situation aussi
aberrante qu'incroyablement dispendieuse. C'est une aventure, M. le
Président, une aventure politique, bien que le projet original ait eu un
fondement valable, et on ne connaît toujours pas encore, à cette
étape, le véritable coût.
La vraie histoire des plans d'expansion. Dans ses fantasmes bien connus
sur l'autosuffisance à n'importe quel prix, le ministre de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation se mit donc dans la
tête d'agrandir la raffinerie de sucre de Saint-Hilaire en dépit
de l'avis d'économistes chargés du dossier à son
ministère. Sous l'impulsion de M. François Dagenais, alors
sous-ministre adjoint, le ministre mit tout en oeuvre pour que le projet
d'acquisition de l'usine Triple A Sugar aux États-Unis se fasse et ce,
dans les plus brefs délais. Une première erreur
déjà impardonnable. Le matériel de l'usine
américaine s'avéra être inutilisable à 50%, compte
tenu de l'état de détérioration dans lequel les
équipements se trouvaient lors de l'achat.
Deuxième erreur, les plans et devis des firmes
d'ingénieurs payées à gros prix - au moins 5 500 000 $,
d'après ce qu'on nous dit, trois fois plus que prévu, parce que
pour le premier projet on parlait de 1 500 000 $...
Une voix: C'est faux!
M. Mathieu: Les plans d'ingénieurs furent tellement
truffés d'erreurs que l'on ne put même pas réinstaller le
matériel américain, plus beaucoup de matériel canadien
acheté en vitesse et, paraît-il, sans soumissions, pour remplacer
les... (16 h 50)
M. Garon: Question de règlement, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de
règlement, M. le ministre.
M. Garon: Le député dit des faussetés, M. le
Président, puisque tout l'équipement de l'usine a
été réutilisé et si le député...
M. Paradis: Question de règlement ...
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous
plaît!
M. Paradis Ce n'est pas une question de privilège.
M. Garon: Quand le député dit qu'il y a de
l'équipement... Tout l'équipement dont on a besoin a
été utilisé pour la raffinerie et si des parties n'ont pas
été utilisées... Il y a des limites à dire des
faussetés.
Une voix: ...
M. Garon: Non, non, non. Ce sont des mensonges flagrants. L'usine
est bâtie essentiellement avec...
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! M.
le ministre, vous pourrez utiliser votre temps de réplique pour faire
valoir des faits qui ne sont pas réels à votre point de vue. M.
le député de Brome-Missisquoi.
M. Paradis: Je retire ma question de règlement. Ce que je
voulais souligner, c'est qu'il ne s'agissait pas clairement d'une question de
privilège, il s'agissait tout simplement d'interrompre le
député de Beauce-Sud.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Beauce-Sud.
M. Mathieu: Je suis rendu dans les erreurs qui se sont produites
dans la réalisation du projet commencé et dont on ne voit pas
encore la fin.
Je crois savoir, d'après mes informations, que, lorsque l'usine a
cessé de fonctionner aux États-Unis, ce qui est resté
dedans était tout rouillé, c'était pratiquement fini, il a
fallu tout recommencer à neuf. Je pense que cela a été une
erreur assez évidente.
J'en arrive à la troisième erreur, M. le Président:
ne pas avoir cherché à trouver une formule pour impliquer les
producteurs à la copropriété et à la gestion de
l'entreprise. C'étaient eux qui approvisionnaient l'usine. Il aurait
semblé normal de trouver une formule pour les intégrer à
la copropriété ou au moins à la gestion de
l'entreprise.
Quatrième erreur: trouver des prétextes pour agrandir
davantage la raffinerie et ce, en fonction d'une utilisation optimale des
ressources concernées alors qu'il s'agissait en fait de sortir le
matériel américain qui ne correspondait plus aux plans et devis
élaborés, de replacer tout le matériel original exactement
comme il était au départ, aussi désuet pouvait-il
être, c'est-à-dire garder intacte la première usine avec sa
capacité de 1450 tonnes par jour et construire tout simplement en annexe
à la première une aile pouvant contenir le matériel
américain que l'on a pu récupérer, plus le matériel
européen acheté en vitesse, à une époque où
l'on pensait encore s'en tirer sans éveiller de soupçon.
Tout à l'heure, le ministre nous parlait de la possibilité
de construire une autre raffinerie, mais, ça, c'est un rêve
monumental, construire une seconde raffinerie. Je pense que, quand
l'éléphant blanc que nous avons sur les bras fonctionnera, on ne
pourra pas en faire marcher un autre à côté.
Résultat: Alors que l'on vise une mise en culture de 12 000
hectares avec le nombre de producteurs correspondant, on se retrouve cette
année avec un maximum de 5500 hectares en culture qui sont en train de
sécher à cause du grave manque de pluie, comme l'a
souligné le ministre tout à l'heure, et environ 260 producteurs
qui peuvent anticiper, semble-t-il, 17 $ la tonne sur le marché alors
que de source bien informée, le prix moyen garanti est de 36,21 $. La
rentabilité en prend pour son rhume, n'est-ce pas?
Même si on allait chercher nos 12 000 hectares en culture, la
diminution du taux d'extraction s'identifie aux facteurs suivants: augmentation
de la taille des fermes, introduction de méthodes de récolte
mécanique, augmentation du rendement, soit trois objectifs que tout
producteur se doit de viser.
Pourtant, en attendant, les comptes s'accumulent. Il est certain que
l'on a déjà atteint les 60 000 000 $ et que l'ensemble du projet
ne coûtera pas moins de 75 000 000 $, peut-être 90 000 000 $. Quand
je dis ça, je veux bien, pour être clair, mentionner que ça
comprend les programmes de subventions à la ferme, les programmes de
rapiéçage d'assurance-stabilisation et les 30% que l'on accordait
aux agriculteurs pour moderniser leur équipement à la ferme,
etc.
Le ministre pourrait-il nous dire où cela en est rendu? Il n'est
donc pas surprenant que l'on voie paraître un projet de loi visant
à modifier le mode de financement de la société et d'en
diversifier les champs d'activité. Exemple: à l'article 4, on
parle de fabriquer, de raffiner, de conditionner et de mettre en marché
du sucre de betterave ou autre - "autre", est-ce que cela veut dire que le
ministre a envie d'acheter du sucre de canne? - et des dérivés,
succédanés ou sous-produits du sucre.
Face à cet historique - et je pense que mes propos sont bien
fondés parce que le ministre, tout à l'heure, voulait essayer de
contrecarrer mes propos; mais je pense qu'ils sont bien fondés et la
réaction du ministre en est la preuve - et à ce schéma
réaliste, j'aurais à poser certaines questions au ministre. Je
lui demanderais d'abord de déposer le bilan de la raffinerie au 31 mars
1982. Je voudrais savoir, dans le bilan, s'il y a moyen de ne pas confondre les
profits de
fonctionnement avec les profits permanents des intérêts sur
profits non répartis des années précédentes.
Il semblerait que la raffinerie aurait fait des profits peut-être
trois années dans toute son existence de 40 ans et c'était
à la faveur de l'augmentation cyclique des prix dans le domaine du
sucre. On serait intéressé d'avoir le bilan et d'avoir les vrais
profits de fonctionnement et non pas les revenus d'intérêt sur les
anciens profits non répartis.
Je voudrais que le ministre nous dise quelles sont les sommes
engagées jusqu'à présent dans ce projet de modernisation
sous les trois étapes différentes. Je voudrais qu'il nous dise
également s'il y aura d'autres étapes à venir.
Je voudrais que le ministre nous précise les
bénéfices accumulés au 31 mars 1982, qu'il nous ventile
les 51 000 000 $ dont il est question dans son projet de loi aux articles 18 et
19. Le ministre devrait nous dire si les 16 000 000 $ demandés sous
forme de pouvoirs discrétionnaires à l'article 19... à
l'article 20, pardon. Je comprends, M. le Président, que nous sommes en
deuxième lecture, mais vous me permettrez de citer brièvement
l'article 20: "Le ministre des Finances est de plus autorisé à
verser à la société selon ses besoins, avec l'approbation
préalable du gouvernement, en un ou plusieurs versements et aux autres
conditions que ce dernier détermine, une somme de 16 000 000 $ pour un
nombre équivalent d'actions entièrement acquittées de son
capital social."
Le ministre pourrait-il nous dire si cette somme de 16 000 000 $,
demandée sous forme de pouvoirs discrétionnaires, a
déjà été dépensée et ne croit-il pas
qu'il faudrait prévoir un montant additionnel, compte tenu des projets
de grandeur du ministre?
Autre question que nous nous posons et que les producteurs se posent
également. On n'est pas assuré qu'il sera possible de faire de la
mise en marché du sucre avec une production de betterave limitée,
tenant compte des fluctuations d'une année à l'autre à
cause des aléas climatiques. Dans l'hypothèse qu'il achète
du sucre brut de canne, on a déjà une surcapacité de
raffinage de sucre brut dans la province. D'ailleurs, une usine, Cartier Sugar,
avec une capacité de raffinage de 100 000 tonnes par année, a
fermé ses portes à cause d'une non-rentabilité de
l'exploitation au cours de la dernière année. (17 heures)
Nous sommes d'accord avec un projet de modernisation de raffinerie, mais
un projet réaliste, un projet qui soit conforme à nos
capacités de payer et également conforme aux besoins de la
production. Nous doutons des raisons qui ont amené le ministre à
aller aussi loin avec son projet. Il y a danger de faire de ce projet un
éléphant blanc. Quand le ministre aurait pu consacrer des sommes
inférieures pour la modernisation des usines de conserves provenant des
mêmes sols, ayant un impact plus considérable, sur le secteur
agro-alimentaire, dans une tentative d'autosuffisance additionnelle. M. le
Président, nous ne sommes pas intéressés à donner
un blanc seing au ministre, surtout pour réaliser un
éléphant blanc. Monument à la gloire du ministre sur le
dos des producteurs, projet qui n'atteindra pas le but visé.
Quel prix prévoient recevoir les producteurs avec ce projet? Les
producteurs sont-ils conscients que plus on investit dans la raffinerie, moins
elle sera rentable et, en conséquence, les premiers
pénalisés seront les producteurs. La raffinerie ne pourra jamais
payer les producteurs adéquatement. Il faudra des palliatifs, des
programmes de subventions pour les indemniser, compte tenu du contrat de cinq
ans qui les lie avec la raffinerie, compte tenu que ce contrat contient une
disposition par laquelle la marge de revenus des producteurs va en
rétrogradant d'une année à l'autre.
M. le Président, nous ne sommes pas d'accord avec la
manière dont ce projet nous est présenté. Il n'y a pas
assez d'éléments pour voir les véritables retombées
à l'égard des producteurs et nous trouvons que c'est une mauvaise
utilisation des fonds publics. Combien va coûter le projet finalement?
À trois moments différents, le projet a été
présenté, représenté, et
"rereprésenté", toujours en augmentant d'une manière
astronomique. Est-on sûr que ce troisième projet est le dernier,
M. le Président? Est-on sûr? Quelles seront les étapes de
réalisation?
Au lieu de parler de choses tout à fait non pertinentes tout
à l'heure, nous aurions été intéressés
à entendre le ministre nous parler des étapes de la
réalisation et j'espère qu'il le fera dans sa réplique.
Surtout la grande question que tout le monde se pose: ce projet sera-t-il
rentable? Nous préférons un projet avec des débuts
modestes, quitte à le grossir, M. le Président, selon le bon
sens, les moyens et la capacité.
Nous croyons qu'il s'agit d'une mauvaise planification avec diverses
modifications en cours de route, avec des travaux réalisés, des
engagements pris avant même que le projet de loi ne soit voté. Si
ce projet de loi était tellement nécessaire, M. le
Président, pour assurer la modernisation de la raffinerie de sucre de
Saint-Hilaire...
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader du
gouvernement, question de règlement.
M. Bertrand: M. le Président, je m'excuse auprès du
député de Beauce-Sud. Votre nom, vous? Est-ce que j'ai le droit
de
faire une question de règlement? Merci, infiniment, M. le
Président. Je ne voulais pas interrompre le député de
Beauce-Sud, je m'excuse auprès de lui. Il pourra continuer son discours.
Comme je viens d'apprendre que la présidence a rendu une décision
à la commission parlementaire qui étudie le projet de loi no 37,
décision qui fait en sorte que les travaux de cette commission sont
ajournés jusqu'à lundi matin, 10 heures, je voudrais indiquer
immédiatement ici en en faisant motion et en informant les
collègues que, ce soir, la commission parlementaire des communications
qui étudie le projet de loi no 65 siégera à la salle 81-A
au lieu de la salle 91-A.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Très bien. M. le
député de Beauce-Sud.
M. Mathieu: Merci, M. le Président. Je dois donc reprendre
ma dernière phrase, M. le Président. Nous croyons qu'il s'agit
d'une mauvaise planification avec diverses modifications et de travaux
réalisés et engagements pris avant même que le projet de
loi ne soit voté. M. le Président, nous nous demandons si ce
projet de loi no 63 n'est pas tout simplement une opération de
camouflage pour cacher des mauvaises décisions. M. le Président,
je le répète, en concluant: Nous sommes d'accord avec une
modernisation de la raffinerie de sucre pour en assurer la survie, assurer de
meilleurs services aux producteurs, mais nous sommes contre ce projet
d'éléphant blanc, contre ce projet de loi également qui
pénalisera les producteurs et qui sert simplement à dilapider les
fonds publics sous le couvert de la promotion de l'autosuffisance. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député d'Arthabaska.
M. Jacques Baril
M. Baril (Arthabaska): M. le Président, je ne sais pas si
c'est parce que c'est un vendredi après-midi et qu'on a fait, je pense,
une bonne semaine, mais j'ai de plus en plus de difficulté à
comprendre le député de Beauce-Sud. Il se dit contre le projet de
loi no 63 tel que présenté. Pourtant...
M. Mathieu: C'est un éléphant blanc!
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!
S'il vous plaît! S'il vous plaît! Je vais demander votre
collaboration comme à l'ordinaire pour que cette Assemblée puisse
continuer d'une façon normale. M. le député
d'Arthabaska.
M. Baril (Arthabaska): M. le Président, le
député de Beauce-Sud parle contre le projet de loi tel que
présenté. Il dit qu'il est trop gros, trop volumineux, qu'il ne
répond pas aux besoins et, en même temps, il dit qu'il faut
moderniser, qu'il faut augmenter la capacité de production de la
raffinerie de sucre pour répondre aux besoins des producteurs. Il y a
réellement de quoi, je pense, en perdre son latin pour ceux à qui
il reste encore quelques mots. Il parle d'un éléphant blanc, d'un
achat d'équipement qu'on a acquis d'une compagnie des États-Unis,
du Maine, qui a été utilisé à peu près
à moitié, équipement qui était rendu au point qu'il
était sous-utilisable. Pourtant, ce que le gouvernement du Québec
a acheté, c'est une usine qui avait fonctionné environ deux ans
et demi aux États-Unis. Ils l'ont fermée non pas parce que la
machinerie n'était pas bonne. C'était une raffinerie
ultramoderne. La cause de la fermeture de cette entreprise, c'est que les
producteurs américains ne produisaient pas de betteraves à sucre.
Ils ne pouvaient pas rentabiliser la compagnie, parce que les producteurs ne
produisaient pas de betteraves à sucre, il était plus payant pour
eux de produire des pommes de terre. Donc, qu'on ne vienne pas nous dire que
c'étaient des matériaux qui étaient finis, qui
étaient sous-utilisables et qu'on a fait un gaspillage
extraordinaire.
Il ne faut réellement pas se souvenir, pour reculer loin en
arrière, quand on dit qu'on est en train de construire un
éléphant blanc. J'ai plus confiance que cela en l'avenir de
l'économie du Québec, j'ai plus confiance que cela aux
producteurs agricoles en général. La raffinerie de sucre dont on
discute présentement sera beaucoup plus rentable et sera un
éléphant beaucoup moins grand et beaucoup moins blanc que le
Stade olympique que nos prédécesseurs ont construit et qu'ils
nous ont laissé. Quand on parle d'éléphant blanc, je
trouve cela un peu extraordinaire de voir, avec le projet de loi no 63, qu'on
nous dis que c'est quasiment une catastrophe, au lieu d'essayer de
démontrer qu'on a confiance en l'avenir des agriculteurs, en l'avenir de
l'économie québécoise.
Le député de Beauce-Sud disait également que ce
projet de loi ne changeait absolument rien, que la raffinerie de sucre avait
exactement tous les pouvoirs qu'on peut lui donner par cette loi. Pourtant,
quand je regarde le projet de loi, je m'aperçois que la raffinerie de
sucre était constituée uniquement par des lettres patentes qui
datent de 1943. Cela fait cinq ans et demi, bientôt six ans que je suis
ici. Cela fait bientôt six ans que le gouvernement du Parti
québécois travaille à améliorer les lois, à
changer des lois et à en voter des nouvelles pour améliorer le
sort de l'économie québécoise. Si on regarde les pouvoirs
que les lettres patentes accordaient à la raffinerie de sucre, on dit
ici que les
seuls pouvoirs qu'elle avait étaient de posséder et
d'exploiter une manufacture de sucre de betterave à Mont-Saint-Hilaire.
Cela s'arrêtait là, point, à la ligne. Pourtant, dans ce
projet de loi, on va beaucoup plus loin que cela. On donne des pouvoirs
nouveaux pour rentabiliser davantage la raffinerie de sucre, pour que le
Québec s'implique dans un secteur d'où il avait été
pratiquement absent, même si on avait en 1943 créé ou
construit, acheté la raffinerie de sucre. (17 h 10)
La nouvelle loi donnera les pouvoirs à la raffinerie de
fabriquer, de raffiner, de conditionner et de mettre en marché du sucre,
de betterave ou autre. Le député de Beauce-Sud tout à
l'heure s'est posé beaucoup de questions sur le mot "autre". Je pense
que si on ne veut pas être obligé de revenir dans un an, deux ans
ou trois ans, il faut faire les lois en conséquence pour ouvrir le champ
d'action à tout ce qui peut se présenter au Québec pour
que nos sociétés d'État ne soient pas encarcanées
et qu'elles puissent fonctionner dans, je ne dirais pas des critères,
mais une orientation que le gouvernement lui a donnée. Également,
on lui donne le pouvoir de mettre en marché différents produits,
des succédanés ou des sous-produits du sucre ainsi que toute
activité industrielle, agricole, commerciale ou de recherche utile. Je
vais m'en tenir à cet article 1, je n'irai pas aux autres articles,
parce que je vais vouloir expliquer davantage l'implication au niveau agricole
de cet investissement qui est quand même très important.
Je tenais quand même à souligner et à essayer de
rectifier quelques renseignements que le député de Beauce-Sud
nous a lancés tout à l'heure. J'aimerais connaître ses
sources d'information; il disait qu'il y avait la moitié du
matériel qui n'avait pas été utilisé, que
c'était un éléphant blanc, que c'était un mauvais
investissement. Chose certaine, comme dans bien d'autres affaires, nous
n'aurons à peu près jamais de réponses, à savoir
où ces renseignements ont été obtenus.
D'abord, l'impact au niveau agricole. Si on voulait que les agriculteurs
produisent la betterave à sucre, il fallait d'abord les assurer d'une
transformation adéquate de leurs produits. Si on se souvient, les
années passées, il y a beaucoup de producteurs agricoles,
producteurs de betteraves à sucre, qui ont cessé cette production
à cause de la lenteur ou de la "vieillesse" de leur entreprise qui ne
pouvait transformer assez rapidement la betterave à sucre après
la récolte, si bien que les producteurs subissaient d'énormes
pertes.
Automatiquement, cela nuisait à leur rentabilité.
C'était une production qui n'était pas rentable, pas viable.
C'est pour cela qu'on avait de plus en plus de difficultés à
avoir des produits. Donc, il fallait d'abord moderniser l'entreprise pour
assurer les agriculteurs qu'on serait capables de transformer leur production
dans une période où la betterave à sucre subit le moins de
pertes possible.
Également, il fallait assurer les agriculteurs d'un revenu
adéquat. Avant cela, les producteurs bénéficiaient d'un
contrat annuel. Quand le prix du sucre était élevé, les
producteurs semaient et, quand le prix était bas, c'est évident
que les producteurs débarquaient, ils ne semaient pas. Tout cela
dépend également de la rentabilité de la raffinerie.
C'est sûr que l'insécurité qui empêchait les
producteurs de faire des investissements importants sur leurs terres et dans la
machinerie n'aidait en rien la production de la betterave à sucre au
Québec. Évidemment, cela décourageait les agriculteurs
à investir sur leurs terres pour augmenter le plus possible le rendement
à l'acre. Bref, la betterave était perçue comme une
production hautement spéculative et non pas une production dans laquelle
on se lance pour de bon, à laquelle on peut se fier, où il y a de
l'avenir.
Un autre facteur qui jouait contre la productivité était
le mode de paiement aux producteurs. Avant 1971, on payait les producteurs au
poids, ce qui les incitait à faire les betteraves les plus grosses
possibles, mais pas nécessairement les meilleures ou les plus
sucrées. C'est de la modernisation de l'agriculture. Je me souviens que
quand j'étais petit gars, nos grands-pères et nos pères
faisaient le foin où il était le plus haut. Ce n'était pas
la qualité, c'était la longueur du foin qui comptait pour dire
quand commencer à faire les foins. Ce n'était pas rare de voir...
Le 1er août, les agriculteurs qui avaient fini de faire les foins
à ce moment-là, étaient considérés
très hâtifs. Aujourd'hui, au mois d'août, des agriculteurs
sont rendus à la troisième coupe de foin. Quant à la
betterave à sucre, c'est une façon plus moderne d'exploiter ce
produit le plus adéquatement possible.
Entre 1971 et 1977, on a payé les producteurs en fonction de la
qualité totale de sucre produit, à partir de l'ensemble de la
récolte, ce qui veut dire qu'on prenait un échantillon dans le
tas, dans la réserve, et on se basait sur le pourcentage de la
quantité de sucre de la récolte pour payer les agriculteurs.
C'était mieux, mais cela ne permettait pas de récompenser les
efforts individuels, ce qui veut dire que, si un agriculteur faisait des
efforts pour avoir une betterave avec un pourcentage de sucre très
élevé, il n'avait aucun encouragement, parce que c'était
la moyenne qui comptait. Encore là, il était perdant.
En 1977, les producteurs sont payés en fonction de la teneur en
sucre des betteraves
qu'ils livrent à la raffinerie grâce un système
d'échantillonnage et d'analyse à chaque chargement, ce qui veut
dire que l'agriculteur qui fait des efforts pour améliorer la
qualité de sa betterave à sucre est payé en
conséquence et celui qui fait plus ou moins d'efforts - aujourd'hui, je
sais que ces agriculteurs sont de moins en moins nombreux - est payé
selon sa propre production.
Je ne répéterai pas, je vais essayer d'être assez
rapide. Le ministre de l'Agriculture nous a fait mention tout à l'heure
que la production de betterave à sucre au Québec avait
augmenté dans les dernières années d'une façon
extraordinaire.
En 1981, nous avons changé le mode de paiement par
l'assurance-stabilisation. Encore là, on a vu les agriculteurs beaucoup
plus encouragés à investir. Avec l'assurance-stabilisation, les
agriculteurs se sont encore assuré un revenu plus adéquat.
J'écoutais encore tout à l'heure le député
de Beauce-Sud, qui me surprend chaque fois qu'il prononce un discours,
s'apitoyer sur le temps sec qu'il fait. C'est vrai que c'est bien triste
actuellement de voir qu'il ne pleut pas sur nos terres, parce que l'agriculture
dépend de la nature et, quand on dépend de la nature, ce n'est
pas facile. Il disait donc que, cette année, les agriculteurs vont subir
d'énormes pertes, parce qu'il ne pleut pas. Il essayait, par cet
exemple, de justifier le non-investissement du gouvernement dans une entreprise
moderne. S'il fallait que le gouvernement, un agriculteur ou une compagnie
quelconque investissent seulement quand ils sont certains que cela va bien
aller, on n'aurait pas tellement d'investissements au Québec et, en
matière agricole, je pense qu'on serait loin d'en être là
où on en est.
Tout ceci, M. le Président, prouve une chose. S'il fallait que
les libéraux soient encore au pouvoir, s'il fallait que l'Opposition,
que les gens qui sont en face de nous soient de ce côté-ci,
comment se porterait l'agriculture? Imaginez-vous comment se porterait
l'agriculture, ce serait effrayant, parce qu'ils sont contre la modernisation.
Ils ne croient pas, comme ils n'y ont jamais cru, à la volonté,
à la capacité et à la fierté des agriculteurs
d'être capables de se nourrir, d'être capables d'alimenter tous les
citoyens et citoyennes du Québec.
Si je me réfère aux propos qu'ils tiennent en face de
nous, cela signifie qu'on revient aux politiques d'antan, comme quand on nous
disait: Nous, au Québec, sommes capables de faire uniquement du lait.
Donc, faisons du lait. Même si la poudre nous sort par les oreilles et
qu'on ne sait plus quoi faire avec elle, faisons du lait quand même,
parce qu'on est seulement capables de faire cela.
Je donnerais beaucoup d'autres exemples. Je pourrais citer le chef de
l'Opposition qui a déjà dit qu'on devrait laisser à
l'Ouest la chance de faire du blé, des céréales, du boeuf
et, nous autres, nous confiner dans le lait, parce qu'on est seulement capables
de faire cela, mais je vais m'arrêter là, M. le Président,
et j'invite les autres députés de l'Opposition qui vont parler
à ne pas se baser sur le discours du député de Beauce-Sud.
Je les invite à tenir des discours beaucoup plus positifs, des discours
qui peuvent donner beaucoup plus confiance aux Québécois et aux
Québécoises pour que l'ensemble de l'économie du
Québec se porte mieux. Merci, M. le Président. (17 h 20)
Le Président suppléant (M. Boucher): M. le leader
du gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, je voudrais simplement
apporter une rectification à ce que j'ai dit tout à l'heure,
après avoir pris l'information. Le président de la commission
parlementaire qui étudie le projet de loi no 37 s'est prévalu de
l'article 44. Il n'a pas ajourné la séance, il l'a suspendue,
comme le dit le règlement, pour un temps déterminé,
c'est-à-dire jusqu'à dix heures, lundi matin. Je voudrais que ce
soit bien compris que la commission parlementaire qui étudie le projet
de loi no 37 article par article va siéger lundi matin, à dix
heures.
Le Président suppléant (M. Boucher):
Merci. M. le député de Huntingdon.
M. Claude Dubois
M. Dubois: M. le Président, le projet de loi no 63 auquel
le gouvernement nous convie à étudier aujourd'hui et qui traite
de la Société de la raffinerie de sucre du Québec
s'inscrit bien dans la foulée des mesures extranationalistes que le
premier ministre annonçait il y a quelques années. Cette
politique sucrière du Québec commence à prendre de plus en
plus la forme évidente d'un nouveau petit SIDBEC
intégré.
Le principal objectif de ce projet de loi est d'autoriser le ministre
des Finances à injecter une quarantaine de nouveaux millions de dollars,
mais le pire, c'est que ce fabuleux montant ne sera certainement pas suffisant
pour satisfaire l'appétit féroce du ministre de l'Agriculture. Il
m'apparaît évident que, tôt ou tard, il faudra
réinjecter un autre montant de 25 000 000 $ ou 30 000 000 $ dans cette
farfelue aventure conçue de toutes pièces par le ministre de
l'Agriculture. Aussi, je dois signaler à cette Assemblée que
cette injection massive de capitaux va carrément à rebours du
virage technologique que le roi du désastre économique proposait
à sa nation, il y a à
peine quelques semaines.
Il m'apparaît extrêmement important de souligner que la
demande pour le sucre raffiné est continuellement en baisse sur les
marchés industriels puisque les édulcorants à haute teneur
en fructose à base de mai's prennent de plus en plus d'ampleur et,
à titre d'exemple, l'industrie américaine des boissons gazeuses
emploie les édulcorants de synthèse à 90% de leurs
besoins.
Ce virage technologique dans l'industrie du sucre a, jusqu'à
maintenant, contribué à la construction de trois usines en
Ontario afin de produire des édulcorants à base de maïs. Je
dois aussi souligner la baisse de consommation de sucre per capita qui fut de
l'ordre de 13%, entre 1973 et 1978, au Canada.
M. le Président, je voudrais bien être le plus objectif
possible quand il s'agit de production pouvant permettre d'atteindre un
meilleur degré d'auto-approvisionnement. Je voudrais bien
également accorder le plus grand bénéfice du doute
possible sur tout projet qui permettrait de transformer au Québec une
production agricole bien de chez nous. Mais je veux tout simplement être
bien certain que cette opération sera économiquement rentable et
socialement justifiable.
À ma connaissance, aucune étude sérieuse et
objective n'a prouvé, jusqu'à maintenant, que la politique
sucrière de M. Garon qui, une fois totalement en place, ira chercher un
minimum de 75 000 000 $ en fonds publics, sera, pour les
Québécois, une chose acceptable, M. le Président? Il faut
se souvenir qu'à la fin de 1979, le gouvernement dévoilait son
projet d'investissement de 32 700 000 $ pour l'expansion et la modernisation de
la raffinerie de sucre de Saint-Hilaire. Ce projet était conditionnel
à une subvention du gouvernement fédéral de l'ordre de 6
700 000 $. Cette subvention fut effectivement consentie par le ministre de
l'Expansion économique régionale. Mais, aujourd'hui, ce n'est
plus 32 700 000 $ qui sont en cause, mais c'est plutôt environ 75 000 000
$, au minimum, que ce projet coûtera, une fois terminé.
Dans les notes explicatives du projet de loi, on indique que l'on
confie, à la société, le mandat de fabriquer, de raffiner,
de conditionner et de mettre en marché du sucre de betterave ou autre et
des dérivés, succédanés ou sous-produits du sucre
et d'exercer toute activité industrielle, agricole, commerciale ou de
recherche utile à la poursuite de ces objets.
M. le Président, ces notes du début du projet de loi
m'amènent à poser plusieurs questions au ministre et
j'espère qu'il répondra d'une façon claire et
précise puisque son jouet de 75 000 000 $ mérite des explications
et, s'il ne veut pas me répondre, il faudra tout de même qu'il
explique, pour le bénéfice des contribuables du Québec,
comment il dilapide l'argent.
Je retiens que le ministre semble tout d'abord vouloir essayer de
créer une certaine souplesse au niveau de l'administration de cette
société, soit le genre que l'on retrouve dans l'entreprise
privée. Sur ce plan, je dois dire que je suis d'accord, mais pour autant
que les gens du conseil d'administration connaîtront à fond ce que
c'est que gérer, administrer et opérer une usine aussi
complexe.
À première vue, il ne me semble pas que les
administrateurs aient cette connaissance approfondie si nécessaire
à toute réussite dans un secteur industriel aussi capricieux et
aussi vulnérable. Également, il confie comme mandat de mettre en
marché du sucre de betterave ou autre. J'aimerais que le ministre nous
dise maintenant s'il a l'intention de raffiner du brut de canne et, si oui, il
pourrait tout de suite acheter Cartier Sugar de Montréal qui a
fermé ses portes à cause de la non-rentabilité dans ce
genre d'opération et aussi parce que nous avons un surplus de
capacité de raffinage ici au Québec.
Le bon ministre de l'Agriculture, tel que Mme Lise Payette l'a
décrit dans son volume, pourrait aussi nous informer s'il a l'intention
d'envoyer son P.-D.G. cultiver quelques milliers d'acres de betterave à
sucre sur les terres de l'État. Une fois parti à creuser des
trous déficitaires, il pourrait tout de même créer des jobs
d'été du genre OSE pour ensuite faire du "dumping" sur
l'assurance-chômage fédérale.
J'aimerais, au nom de la transparence, que le ministre dise
carrément aux Québécois combien de fonds publics, que l'on
n'a pas, il va engloutir dans son rêve sucré. Nous savons que,
quand le ministre indique des profits réalisés par sa raffinerie,
c'est parce que nos taxes ont participé à payer une partie des
coûts de production, par le biais de l'assurance-stabilisation, par le
biais de l'assurance-récolte, et que ces coûts ne sont pas
comptabilisés dans les états financiers de la raffinerie
puisqu'ils proviennent du budget du ministère de l'Agriculture.
Le ministre pourrait peut-être aussi dévoiler à
cette Chambre l'état des profits et pertes de la raffinerie pour
l'exercice qui vient de se terminer le 31 mars 1982, mais cette fois en
comptabilisant toutes les dépenses directes et indirectes reliées
de près ou de loin à la culture de la betterave à sucre et
à son opération sucrière.
Il faudrait aussi être assuré que la raffinerie pourra
compter, à long terme, sur la matière première
nécessaire qui exigera une production sur quelque 25 000 acres de
terre.
Il serait intéressant aussi de connaître, basé sur
les statistiques et sur les prévisions
de la Bourse de Londres, combien il en coûtera pour supporter
financièrement bon an mal an un tel volume de production. Permettez-moi
d'ajouter que, basé sur les prix actuels du marché mondial, il
faudrait que le ministre songe à présenter un budget
supplémentaire afin que les producteurs puissent recevoir le prix qui
leur est garanti.
Je ne veux que mettre en garde le ministre de l'Agriculture sur les
contraintes qu'il pourrait affronter et, de tout coeur, je souhaite bien que le
ministre des Finances retirera à tous les ans des dividendes sur les
quelque 800 000 actions qu'il devra acheter éventuellement afin de
combler les rêveuses aspirations de Jean Garon.
Le ministre de l'Agriculture devrait aussi nous entretenir sur l'achat
des vieux équipements qu'il a fait dans le Maine en 1978,
équipements provenants d'une usine qui s'appelle Triple A Sugar et nous
faire part de ce qu'il a pu récupérer de cet achat qui a fait
engloutir plusieurs millions de beaux dollars tout neufs comme si on pouvait se
permettre d'en jeter par les fenêtres. Encore là, tout un virage
technologique de ce bon gouvernement péquiste. (17 h 30)
M. le Président, je pourrais bien entretenir cette Chambre
pendant des heures et des heures sur "l'opération sucrière" du
ministre de l'Agriculture. Il va de soi qu'accéder à un meilleur
équilibre de notre balance commerciale, en matière d'aliments et
de production agricole, je le souhaite énormément, mais si notre
société doit collectivement en payer un coût qui
dépasse toute légitimité, je dois malheureusement conclure
que dans des cas comme celui-ci, sur lequel nous devons, comme Opposition
responsable, livrer une opinion réaliste et objective, M. le
Président, le mythe de l'autosuffisance dans un secteur qui frôle
l'indécence devient difficilement digérable, même compte
tenu de tous les aspects d'une politique des plus agressives.
Je comprends qu'une usine à moitié complétée
ne pourrait servir à personne. Même si je m'inscris en faux contre
les exagérations du ministre, les fonds publics vont continuer
d'être dilapidés puisque le gouvernement et ses robots
électroniques adopteront ce projet de loi à la majorité,
puisqu'ils l'ont en cette Chambre. Mais, étant donné que j'ai un
grand respect pour les producteurs agricoles et qu'ils méritent
d'être appuyés et écoutés, je ne peux pas,
honnêtement, les priver d'un débouché pour une production
dans laquelle ils ont, chacun d'eux, investi des dizaines de milliers de
dollars en équipements, en plus d'avoir mis tout leur coeur et âme
à accroître la productivité sur leur ferme respective.
Je sais que, contrairement au ministre de l'Agriculture qui rêve
d'un Québec autosuffisant uniquement dans l'optique de
l'indépendance, les agriculteurs, eux, désirent participer au
vrai progrès de notre économie agricole, centré sur des
productions viables et rentables, sans constamment être dépendants
de l'État et aidés par l'État.
En terminant, M. le Président, je me dois de vous informer que la
raffinerie de sucre de Saint-Hilaire présente un haut degré de
vulnérabilité. Les travaux d'agrandissement ont été
très mal planifiés; il y a eu une multitude d'erreurs de jugement
vraiment impardonnables. Le coût final de tout cela, plus que discutable,
sera de deux et demi à trois fois plus élevé que
prévu initialement. Le coût public de ce rêve sera
extrêmement élevé. Comme tous les Québécois
peuvent le constater, ce gouvernement séparatiste continue depuis cinq
ans à accumuler échec par-dessus échec et fait reculer le
Québec jour après jour sur tous les plans.
Produire des betteraves à sucre et en faire du brut semi
transformé, je l'accepte très bien, mais où ce dossier se
gâte, c'est quand le ministre veut poursuivre l'opération de
raffinage. Le ministre doit savoir que la Raffinerie de sucre Saint-Laurent,
à Montréal, a une capacité de raffinage pour tout le brut
que la société d'État de Saint-Hilaire pourrait lui
fournir. Le ministre doit aussi savoir que notre capacité actuelle de
raffinage au Québec est excédentaire de beaucoup.
Enfin, le ministre doit aussi savoir que son projet de raffinage, si
mené à échéance, pourrait provoquer de 200 à
300 pertes d'emploi à la compagnie Saint-Laurent de Montréal. Je
vous remercie, M. le Président.
Une voix: Très bien!
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Trois-Rivières.
M. Denis Vaugeois
M. Vaugeois: M. le Président, je vous remercie. Certains
collègues, qui me voyaient me préparer à intervenir, se
sont étonnés qu'un député réputé de
la ville puisse intervenir sur une question comme celle-là qui
semblerait, a priori, concerner les producteurs, les gens de la campagne. Je
vous ferai remarquer, au départ, que nous sommes tous ou presque tous
consommateurs de sucre et le degré de dépendance du Québec
à cet égard peut nous préoccuper. Mais, au-delà de
cette situation collective, il y a tout simplement, dans les propos tenus par
les députés d'en face, des points qu'on ne peut pas laisser
passer.
Je vais utiliser des souvenirs que je garde de mon séjour au
Conseil du trésor, dont j'ai quand même été membre
pendant à peu près trois ans et où j'ai vu à
maintes reprises le ministre de l'Agriculture venir
nous rencontrer avec le dossier de la raffinerie. Il savait se faire
comme à l'accoutumée fort éloquent. Je dois dire que j'ai
toujours pris grand intérêt à suivre ses explications.
À l'époque, par exemple, il essayait de convaincre le Conseil du
trésor de l'autoriser à se porter acquéreur de ce
matériel qui se trouvait au Maine. Je n'entrerai pas dans plus de
détails que le temps ne me le permet. Je n'ai que quelques minutes. De
mémoire, et je l'ai vérifié rapidement tout à
l'heure, nous avions autorisé le ministre à dépenser un
montant de 2 000 000 $ pour acheter une machinerie qui en valait,
d'après nos évaluations, nous les avions contrôlées,
quelque chose comme 50 000 000 $ ou 55 000 000 $.
Effectivement, la transaction a été faite, le ministre le
rappelait tout à l'heure, pour quelque chose comme 1 700 000 $. Le
député de Beauce-Sud arrive ici en Chambre en alléguant
que le matériel n'était plus bon, qu'il était
engorgé de sucre et qu'il était absolument inutilisable.
J'ai vérifié rapidement ce qu'il en était. On m'a
dit qu'effectivement, il a fallu déménager et reconditionner ce
matériel, mais au total toutes ces opérations avaient pu
coûter quelque chose comme 4 000 000 $ et que, quant à l'histoire
du sucre pris dans la machine, s'il y avait quelque chose de pris dans les
machines, il semble que c'étaient plutôt des pommes de terre,
puisque le problème, là-bas, c'était justement de ne plus
avoir de betterave à sucre. Ce matériel aujourd'hui au
Québec coûte quelque chose comme 6 000 000 $, peut-être un
peu moins. Le ministre pourrait être plus précis là-dessus,
s'il le veut, mais ces 6 000 000 $, c'est pour une machinerie qui en vaut
à peu près dix fois plus. Au total, l'investissement du
gouvernement, actuellement, compte tenu de celui qui a été fait
au début, compte tenu des bénéfices non répartis,
fait que l'investissement que nous propose la loi est de l'ordre de 37 000 000
$, et l'investissement cumulatif de 50 000 000 $.
Les gens d'en face veulent additionner le programme de soutien à
la culture de la betterave. Quand bien même on serait à 75 000 000
$, parce qu'on a changé d'ordre de grandeur, voyons ce que valent ces
investissements successifs. Pour une production inférieure à la
capacité qu'aura l'usine, les Allemands qui sont venus évaluer
l'entreprise l'ont évaluée à quelque 105 000 000 $ ou 110
000 000 $. Avec sa capacité, on peut parler, en faisant des projections
à partir des chiffres utilisés, d'une valeur réelle
très bientôt de 150 000 000 $. Ce n'est pas notre
évaluation à nous, c'est l'évaluation d'experts de la
République d'Allemagne. Donc, si on prend ça avec des chiffres
qu'on peut toujours raffiner, avant de raffiner le sucre, raffinons-les comme
on voudra, on ne peut pas dire les énormités qu'on a entendues,
mais on s'en va vers une entreprise qui vaudra quelque chose comme 150 000 000
$ et qui va faire l'envie de bien des gens au point d'ailleurs que cette envie
peut devenir de l'inquiétude et peut expliquer certains des discours que
nous entendons.
Cette inquiétude de certains producteurs n'est pas nouvelle. Elle
date de ce monopole que quelques entreprises ont eu au Québec. Remarquez
qu'au départ c'était intéressant. Au moins, le monopole
était québécois. Il y a un siècle, les raffineries
de sucre étaient à Montréal et toute la production de
sucre était chez nous, sauf peut-être pour l'Ouest, lorsque
l'Ouest a commencé à se développer. Tranquillement, on a
vu certains de ces entrepreneurs lorgner ailleurs, lorsqu'il s'agissait de
nouvelles installations qui s'en allaient en Ontario, de sorte qu'au moment
où on en parle, il reste à Montréal une entreprise qui est
active dans la production de sucre raffiné, mais cette entreprise a le
défaut de ces entreprises que nous avions chez nous il y a quelques
années, les usines de papier, qui ne s'étaient pas
modernisées.
Nous sommes évidemment inquiets devant une entreprise qui
subsiste à Montréal, qui est très importante, nous ne le
nions pas, que nous souhaitons voir vivre et se moderniser. Il reste que, pour
l'instant, elle est de moins en moins compétitrice. Le gouvernement du
Québec qui nous a précédés en 1943, était
à l'époque un gouvernement libéral. Le premier ministre
libéral n'a pas été parmi les plus mauvais, malgré
le souvenir qu'il a pu laisser. Moi je tiens M. Adélard Godbout pour un
excellent premier ministre, à plusieurs égards en tout cas.
À l'époque, il avait créé une vive
inquiétude en intervenant au sujet de la raffinerie de sucre. (17 h
40)
Moi, je vais vous dire, au fond, M. le Président, pourquoi je
suis intervenu à ce moment-ci. À Trois-Rivières, nous
conservons une légende autour des raffineries de sucre. On raconte chez
nous que M. Duplessis, un peu pressé par le lobby qui, aujourd'hui,
presse les gens d'en face, aurait songé à réduire
l'activité de la raffinerie de Saint-Hilaire, peut-être même
à la fermer, mais, surtout, il n'était pas question de lui donner
les moyens de se développer. M. Duplessis, en bon nationaliste, avait eu
la tentation d'élargir le mandat de la raffinerie. En bon politicien, il
a laissé croire qu'il pourrait élargir le mandat de la raffinerie
et cela lui a valu un certain nombre de faveurs.
L'histoire récente du Québec n'est pas assez
avancée pour nous permettre d'affirmer de façon sûre des
choses, mais, à Trois-Rivières, on raconte qu'entre autres choses
un certain magnat du domaine du sucre aurait convenu avec M. Duplessis qu'il
allait
financer la construction d'un centre de loisirs, d'un centre sportif que
nous appelons chez nous le Pavillon Mgr-Saint-Arnaud. L'origine de l'argent qui
a servi à la construction de ce centre est assez mystérieuse et
on raconte que c'est quelqu'un qui existe encore aujourd'hui, qui était
dans le domaine du sucre, et qui avait dit à M. Duplessis:
Saint-Hilaire, tenez cela tranquille et moi je vais vous construire votre
centre sportif.
Apparemment, il y avait comme cela un certain nombre d'autres
activités complices avec M. Duplessis. On prétend que ces deux
messieurs étaient de grands amis. Il n'y a pas de mal à
être l'ami d'un politicien, j'en conviens. II n'y a pas de mal non plus
à défendre ses intérêts. À l'époque,
apparemment, il n'y avait pas beaucoup de mal à intervenir pour
construire des centres sportifs et protéger son activité
commerciale.
Nous, à Trois-Rivières, on ne s'en plaint pas, parce qu'on
a hérité de ce centre Mgr-Saint-Arnaud où j'ai fait mes
premières armes au ballon-panier, en particulier, mais il reste que,
quand on est au gouvernement ou quand on est dans l'Opposition, avec les moeurs
politiques d'aujourd'hui, je crois qu'il faut défendre les
intérêts du Québec. Il faut se souvenir que les petites
caisses électorales ne fonctionnent plus comme autrefois et que le
gouvernement du Québec, à ce moment-ci - et c'est le discours que
le ministre a à tenir; il le tient mieux que moi, je ne veux pas
intervenir là-dessus - n'est pas seulement justifié, mais il
serait coupable de ne pas aller dans le sens que propose la loi que
défend aujourd'hui le ministre de l'Agriculture.
Un autre mot avant de terminer, M. le Président. C'est la
tendance que marque l'importance que nous accordons dans ce projet de loi
à la raffinerie de sucre de Saint-Hilaire. Cette raffinerie, pour
l'instant, fonctionne à partir de la betterave à sucre. Le
député qui m'a précédé s'est demandé
si, éventuellement, on pourrait aussi raffiner la canne à sucre.
La réponse, c'est oui, mais, pour l'instant, c'est la betterave à
sucre. Ce qui est intéressant, c'est que, s'il n'y avait pas la
raffinerie de Saint-Hilaire, il est probable qu'au Québec nous n'aurions
pas de production de betterave à sucre, parce que les raffineries
traditionnelles ne s'intéressaient pas à aller chercher leur
matière première à l'étranger. Nous avons une
raffinerie qui a des dimensions encore modestes, mais une raffinerie qui a
maintenu chez nous la production de la betterave à sucre et, ce faisant,
nous suivons une tendance qui n'est peut-être pas mondiale, mais qui est
observée dans plusieurs autres pays. Entre autres, on sait qu'en
Angleterre actuellement, on s'éloigne progressivement de cette
espèce de monopole de la canne à sucre pour aller vers la
betterave à sucre. On sait qu'aux États-Unis actuellement, c'est
environ 50-50, betterave et canne à sucre. Tous les grands pays
exportateurs de sucre cultivent la canne à sucre, sauf peut-être
la France, qui a réussi à se glisser au deuxième rang et
qui s'appuie uniquement sur la betterave à sucre avec une
capacité de production qui est étonnante. Si l'Angleterre va
progressivement vers la betterave à sucre, si la France réussit
à être le deuxième pays exportateur à partir de la
betterave à sucre, nous autres, alors qu'on a actuellement, 7% ou 8% de
notre sucre provient de la betterave et que nous avons la chance d'aller vers
25%, nous refuserions cette occasion? Je pense qu'aujourd'hui, nous n'avons pas
beaucoup de temps, mais, étant l'un des rares orateurs de ce
côté de la Chambre, j'en profite pour dire au ministre combien
nous l'admirons - pas sur une base partisane - pour l'énergie avec
laquelle - je l'ai vu agir à l'époque - il a sensibilisé
ses collègues, et pour l'énergie avec laquelle il a su remettre
sur rail une entreprise importante dans sa région et une entreprise qui
aurait même pu être menacée de fermeture. Aujourd'hui, non
seulement on ne parle plus de fermeture, mais on parle d'une entreprise qui a
sa place au Québec, qui a sa place dans sa région.
En terminant, je soulignerai que, là encore, nous reconnaissons
bien la vigilance et la formation première du ministre, qui est avant
tout un homme de loi. Je constate, dans le projet de loi, que non seulement on
met à jour la vieille législation, mais qu'on en profite pour
rejoindre certaines préoccupations que nos amis d'en face et que ce
gouvernement ont manifestées ces dernières années. Les
gens d'en face les ont manifestées alors qu'ils formaient le
gouvernement. C'est d'amener les sociétés d'État à
rendre des comptes, à nous dire ce qu'elles font. Cette
société d'État avait un peu échappé à
l'attention du Parlement pendant de nombreuses années. Le projet de loi
est une occasion d'inviter la société à produire ses
rapports. Si, comme parlementaires, nous voulons faire notre travail, nous
aurons un outil pour évaluer le travail de la raffinerie.
Également, on va inviter la raffinerie à soumettre ses
états financiers au Vérificateur général.
Voilà une préoccupation qui est très importante, à
certains moments, dans l'Opposition.
Je m'étonne qu'aujourd'hui, il n'y ait personne qui ait su lire
le projet de loi jusqu'à la fin pour se rendre compte que cette
société d'État n'échapperait plus aux regards du
Vérificateur général. C'est important. Également,
cette société a avec le ministre des liens qui sont
précisés. Le ministre pourra donner des directives, le
gouvernement pourra donner des directives. Le Parlement pourra savoir ce qui se
passe.
Ce sont des choses importantes. Également, cette
société, malgré l'excellence de ses administrateurs
actuels, pourrait, comme n'importe quelle société, se retrouver
à certains moments dans le creux d'une vague. Or, la loi lui demande
d'avoir un plan de développement et de le soumettre chaque
année.
Voilà toute une série de petites précautions qui,
mises ensemble, vont faire que cette loi va donner à la raffinerie un
statut beaucoup plus significatif, beaucoup plus important par rapport au
Parlement, par rapport au gouvernement, et surtout cette raffinerie trouvera le
moyen d'être, pour le Québec, une occasion de plus
d'échapper à la dépendance et d'aller vers les objectifs
généraux que s'est donnés le ministre de l'Agriculture,
l'autosuffisance sur le plan alimentaire.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Berthier.
M. Albert Houde
M. Houde: Merci, M. le Président. Aujourd'hui, nous avons
à parler du projet de loi no 63, sur la raffinerie de sucre qui est
construite à Saint-Hilaire. D'abord, c'est un projet de loi qui aurait
pu attendre; il n'est pas urgent, surtout lorsque l'on voit ce qu'il contient.
J'aurais préféré et souhaité un autre projet de loi
qui aurait favorisé les jeunes qui veulent s'installer sur des terres,
car beaucoup de projets sont dans l'impasse en raison de la promesse qu'avaient
faite le ministre de l'Agriculture et même le premier ministre M.
René Lévesque, durant la campagne électorale, dans leurs
tournées des comtés ruraux. C'est vous dire que cela fait
quatorze mois au moins et, aujourd'hui encore, nous n'avons pas de projet de
loi de présenté devant cette Chambre.
M. Garon: Question de règlement.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de
règlement, M. le ministre de l'Agriculture.
M. Garon: Le leader du gouvernement a répondu à
cette question ce matin et il a dit que le projet de loi sur les jeunes
agriculteurs serait déposé. Je pense qu'on devrait ramener le
député à la pertinence du débat parce qu'il est
complètement en dehors du sujet.
M. Paradis: Question de règlement. M. le Président,
le ministre n'a pas le droit d'interrompre...
M. Garon: Le sujet sur lequel le député doit
parler, c'est sur le projet de loi sur la Raffinerie de sucre du Québec.
C'est là- dessus qu'il devrait parler.
M. Paradis: M. le Président...
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Brome-Missisquoi, sur une question de
règlement.
M. Paradis: M. le Président, le ministre de l'Agriculture
est dans cette Chambre depuis suffisamment de temps pour savoir qu'on
n'interrompt pas un député en train de parler à moins
d'avoir une question de privilège.
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!
S'il vous plaît! S'il vous plaît! M. le député de
Berthier, vous pouvez continuer.
M. Houde: J'étais en train de dire, M. le
Président, que j'espère que le ministre de l'Agriculture et son
gouvernement auront entendu parler, à plusieurs reprises, par
l'Opposition du côté libéral, du projet pour les jeunes
concernant les 50 000 $ sans intérêt pour cinq ans. Le ministre de
l'Agriculture disait tantôt que le leader du gouvernement l'avait
annoncé ce matin. Je veux bien croire qu'il l'a annoncé, qu'il en
a parlé - j'étais ici quand il l'a dit - mais le projet de loi
n'est pas encore déposé. Il reste à peu près
seulement cinq jours de session. (17 h 50)
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, est-ce que le
député de Berthier est prêt à mettre 5 $ sur la
table avec moi que ce projet de loi sera déposé au début
de la semaine prochaine et qu'il sera adopté avant la fin de la session,
si vous coopérez?
Une voix: Consentement.
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!
S'il vous plaît! Je crois que vous savez fort bien, M. le
député de Berthier, que vous devez prendre comme leur parole ce
qui a été dit par le ministre et par le leader en particulier. M.
le député de Berthier, veuillez en rester à la pertinence
du débat.
M. Houde: Merci, M. le Président. Je gagerais bien plus
que 5 $ pour les jeunes agriculteurs pour que le gouvernement et l'Opposition
travaillent pour le bien des jeunes cultivateurs du Québec. Je gagerais
bien plus que cela, mais je pense qu'on ne fait pas de pari en Chambre. Je n'en
ai jamais vu encore ici, même si cela fait seulement quatorze mois que je
suis ici. Je serais fier de voir enfin, après quatorze mois
d'attente, s'accomplir la promesse faite durant la campagne
électorale de 1981. Le leader a dit tout à l'heure: Si on a
l'approbation de l'Opposition, nous allons déposer le projet de loi et
nous allons l'adopter. Comptez sur nous autres. On l'a dit la semaine
dernière, on l'a dit la semaine d'avant à quelques reprises. Mes
confrères l'ont dit: Le zonage, n'importe quel projet de loi pour
l'agriculture, nous sommes d'accord avec cela, pour autant que cela ait du bon
sens. Nous autres, nous sommes pour la classe agricole. Voyons donc, ce n'est
pas d'hier, nous ne sommes pas venus au monde hier, nous autres.
Une voix: Mirabel. M. Houde: Pardon?
Une voix: Mirabel.
M. Houde: Mirabel, y a-t-il un projet de loi de
déposé là-dessus? Non, je ne pense pas.
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!
S'il vous plaît! M. le député de Berthier, s'il vous
plaît! Veuillez parler sur le projet de loi.
M. Houde: M. le Président, j'y arrive. C'est parce qu'on
me pose des questions et je veux y répondre. Je suis poli et j'ai
toujours cru que, lorsqu'une question est posée, elle mérite une
réponse intelligente.
Je vais faire un court historique de la Raffinerie de sucre du
Québec à Saint-Hilaire. La récente histoire de la
Raffinerie de sucre de Saint-Hilaire, à mon sens, constitue un
véritable roman dans lequel non seulement la réalité
dépasse la fiction, mais encore l'obsession maladive de M. Jean Garon,
lorsqu'il s'agit d'accroître l'autosuffisance alimentaire ici.
Bref rappel historique. Il y en a peut-être qui l'ont dit
tantôt, mais je veux le répéter au ministre pour qu'il le
sache bien. Le 3 mars 1978, le ministre confiait au conseil d'administration de
la Raffinerie de sucre du Québec le mandat de rechercher les moyens les
plus susceptibles d'assurer la rentabilité de cette entreprise et de lui
faire rapport à cet effet. Le conseil d'administration précisait,
dans les mois qui suivirent, les objectifs nécessaires à la
réalisation de ce mandat. Ainsi, dans un premier temps, il fallait voir
à quelles conditions les opérations de la raffinerie pourraient
être rentables à court terme avec les équipements
existants; établir si, à moyen ou à long terme, une
modernisation ou un agrandissement des moyens de production permettrait
d'atteindre l'objectif de rentabilité; estimer si l'approvisionnement
potentiel en betterave sucrière et le marché du sucre
étaient suffisants pour garantir l'exploitation efficace de nouveaux
moyens de production; apprécier la possibilité de transformer
l'entreprise en firme soucieuse de développer de nouveaux produits.
M. le Président, le 20 juin 1978, le conseil d'administration
remettait au ministre de l'Agriculture, M. Jean Garon, ses recommandations,
contenues dans son rapport intitulé "Étude de la situation de
l'entreprise et recommandations pour l'avenir", dont copie fut remise au
ministère de l'Expansion économique régionale. Les
principales recommandations du conseil d'administration étaient les
suivantes: fermeture de l'usine, maintien de l'usine et de sa capacité
actuelle, expansion de la capacité en production. Le ministre a entendu
tantôt la démonstration du député de Beauce-Sud. Je
pense qu'avec tout ce qu'il lui a dit je vais passer quelques paragraphes.
Mais, M. le Président, je me pose de sérieuses questions
sur le montant qu'il veut investir ou engloutir dans la raffinerie de sucre de
Saint-Hilaire. Est-ce que ce sera encore un Asbestos, un Tricofil qui,
aujourd'hui, est complètement fermé, en plus d'avoir
acheté une usine qu'il était question de fermer dans les semaines
qui suivraient et qui a fermé aussi en plus de ça, avec l'achat
que Tricofil a fait à Joliette.
Le rapport de l'exercice du 31 mars -et je pose la question au ministre
de l'Agriculture - l'exercice terminé le 31 mars 1982, qui doit
être déposé dans les semaines qui viennent, j'aimerais le
voir déposé le plus tôt possible pour pouvoir
l'étudier avec le plus de sérieux possible, et peut-être
faire ensuite des recommandations au ministre.
N'est-il pas pas vrai que plus un producteur est efficace à
produire la betterave à sucre, moins il en retire pour la betterave,
c'est-à-dire le produit lui-même. J'aimerais aussi savoir ce que
le ministre en pense. J'aimerais savoir quel prix le ministre anticipe de payer
pour la betterave à sucre qui sera produite en 1982. S'il y a eu des
profits pendant trois ou quatre ans - pas consécutifs - dans les 40
années environ où il s'est cultivé de la betterave
à sucre, j'aimerais dire au ministre que les hausses de prix de ces
années-là sont dues à la hausse du prix du sucre, qui
était supérieur à celui des années
précédentes.
Le reste du temps, cela a presque toujours été des
déficits, même qu'une année, entre autres, je pense que le
déficit a dépassé les 1 000 000 $ pour la betterave
à sucre de Saint-Hilaire. Allez-vous me faire accroire que c'est une
usine rentable? Qui paie la note? Je pense que ce sont les contribuables du
Québec, par leurs impôts sur la paie qu'ils reçoivent
régulièrement chaque semaine. Oui, comment se fait-il que le
ministre, M. Jacques Parizeau, voulait, il y a quelques années, se
défaire de cette usine?
Pourtant, aujourd'hui, il est dans le cabinet des ministres d'en
face.
Il y a une autre question que j'aimerais poser au ministre. J'aimerais
savoir combien une tonne de betterave à sucre produite au Québec
donne de livres de sucre, net, au Québec j'entends, pas dans les
provinces de l'Ouest.
J'écoutais le ministre dire tantôt qu'il y avait beaucoup
de députés et de ministres qui faisaient partie du conseil
d'administration de la raffinerie de la betterave à sucre de
Saint-Hilaire et qu'il n'y en a plus aujourd'hui. Je ne sais pas ce que cela a
donné de plus. Je pense qu'il n'y a pas de différence entre la
rentabilité d'il y a quelques années et celle d'aujourd'hui. Cela
n'a rien changé.
J'entendais tantôt le député d'Arthabaska dire qu'il
ne fallait produire que du lait au Québec parce qu'on ne peut pas, on ne
sait pas faire autre chose. Je pourrais peut-être lui dire en passant
qu'heureusement on produit du lait. J'espère qu'il sait que nous
produisons la moitié de la consommation de lait au Canada; le
fédéral donne énormément de subsides pour le lait.
Donc, cela avantage les Québécois, au moins.
Une voix: 130 000 000 $.
M. Houde: 130 000 000 $, cette année, pour les producteurs
de lait du Québec; je suis bien content pour eux. On produit beaucoup
plus de lait qu'on en consomme.
J'ai aussi entendu le ministre nous dire qu'il faudrait penser à
une deuxième raffinerie de sucre au Québec. Franchement, il me
dépasse, le ministre: II faudrait d'abord commencer par utiliser au
maximum celle qu'on a à l'heure actuelle, qui coûte passablement
d'argent, qui est presque toujours déficitaire.
Deuxièmement, il faudrait que les producteurs déjà
en place aient un prix qui corresponde au coût de production. Ce serait
important. À ce que je sache, en tant que député rural,
lorsqu'un producteur au Québec équilibre son coût de
production, il est heureux. Il faudrait qu'on en tienne compte pour les
producteurs de betterave à sucre. Souvent, il arrive qu'il en manque
pour boucler ce que ça peut coûter pour le faire. Qui paie encore?
Toujours les mêmes, ceux qui paient des impôts à la fin de
la semaine sur leur paie. Il faudrait en tenir compte ici pour que ce soit
rentable une fois pour toutes et qu'on ne fasse pas un éléphant
blanc avec celle-là, et encore moins avec une deuxième. Je ne
vois pas une deuxième usine d'extraction de sucre de la betterave ici,
au Québec, pour le moment, alors qu'on a des compagnies qui pourraient
facilement extraire le sucre de la betterave. Le ministre aurait tout avantage
à s'asseoir et à discuter avec elles pour rentabiliser au maximum
celle que nous avons à Saint-Hilaire et peut-être créer des
emplois dans les industries de Montréal qui n'attendent que cela. Si
ça prend des cultivateurs pour pouvoir alimenter - oui, M. le
Président, je termine, il est 18 heures - des industries comme
celle-là, pour faire de la promotion, je pense que nous aurons des
cultivateurs pour l'alimenter. C'est pour vous dire, encore une fois, M. le
Président, que le projet de loi no 63 aurait pu attendre.
J'espère, en terminant, que le ministre et le leader du gouvernement
prendront avis de déposer le projet de loi pour les jeunes agriculteurs
du Québec. Merci beaucoup.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Brome-Missisquoi.
M. Paradis: Comme il est 18 heures, M. le Président, je
demande l'ajournement du débat.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que cette motion
d'ajournement est adoptée? Adopté. M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, je ferais motion pour que
nous ajournions nos travaux à lundi, 14 heures.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Nos travaux sont
ajournés à lundi, 14 heures.
(Fin de la séance à 18 h 01)