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Commission permanente de l'agriculture
Etude des crédits du ministère de
l'Agriculture
Séance du mercredi 30 avril 1975
(Dix heures dix-huit minutes)
M. Lafrance (président de la commission permanente de
l'agriculture): A l'ordre!
Nous revenons à l'étude des crédits du
ministère de l'Agriculture, au programme 3. Nous en étions
à l'élément 3: Mise en valeur des productions
animales.
J'avais dit que le député de Beauce-Sud aurait
priorité, mais, étant donné l'absence du
député de Beauce-Sud, la parole est au député de
Lotbinière.
Mise en valeur des productions animales
(suite)
M. Massicotte: M. le Président, cela me fait plaisir de
voir que vous avez une mémoire phénoménale...
Le Président (M. Lafrance): De l'écriture.
M. Massicotte: ...et que la question concernant l'agriculture...
On sait actuellement que les producteurs ovins... Il y a
énormément de versions qui se donnent selon lesquelles on devrait
continuer la production ovine au Québec. Est-ce qu'on devrait changer
notre mode d'action ou nos différents programmes?
Je me demandais quelle est la réaction du ministre et du
ministère concernant le programme pour l'encouragement ou une nouvelle
direction concernant l'industrie ovine au Québec.
M. Toupin: Evidemment, c'est un programme on en discutait
un peu hier soir qui a été lancé dans deux
régions, je pense, en particulier, au Québec: Le Nord-Ouest
québécois et le Bas-Saint-Laurent. Cela a produit un certain
résultat, mais on a fait face à plusieurs problèmes.
Un des premiers problèmes auquel cette production a à
faire face, c'est celui de la mise en marché. Dans certaines
régions, on fait une mise en marché régionale, en Abitibi
notamment, et il semblerait que ce soit plus rentable que de tenter de la
commercialiser sur les grands marchés.
Le deuxième problème auquel on a à faire face,
c'est celui de trouver le gars qui a l'historique de la production ovine, qui
connaît assez bien ce que cela veut dire, être berger, être
éleveur de moutons, etc. Ce n'est pas facile de trouver ces types de
gars, qui s'intéressent vraiment à cette production.
Un troisième problème auquel on fait face,
vis-à-vis de la production ovine, c'est qu'elle est en concurrence avec
d'autres productions qui sont parfois plus payantes, sinon à court
terme, mais tout au moins à long terme. Quand on prend le secteur
laitier, présentement, où on a des prix sta- bles, des prix
assurés, etc., alors qu'on ne les voit pas encore actuellement dans la
production ovine. Donc, ces trois problèmes nous créent un
certain nombre de difficultés.
C'est bien évident que cette production est obligée aussi
de concurrencer avec les autres pays du monde où il y a plus d'habitudes
de production, où il y a une plus grande production et où, aussi,
ces pays ont, dans le passé, acquis des marchés internationaux
qui ne sont pas faciles, présentement, à déplacer.
Lorsque, par exemple, les Australiens entrent sur le marché des
Etats-Unis ou sur le marché de Montréal, avec l'habitude qu'ils
ont de produire, avec l'habitude qu'ils ont de commercialiser, ce n'est pas
facile de concurrencer à ce niveau.
Ce n'est pas négatif partout. Il y a des éléments
positifs dans cette production, même si elle a tendance à se
maintenir à peu près stable au Québec, on sent quand
même une certaine consolidation, on sent qu'un certain nombre de
producteurs cherchent à agrandir leurs entreprises et à les
rendre ainsi plus rentables. Je ne crois pas qu'on puisse soutenir qu'il s'agit
là d'une production d'abord fondamentalement importante et ce serait
aussi, je pense, difficile à soutenir qu'il y a un intérêt
vraiment marqué de la part des producteurs québécois pour
cette production.
Du reste, il y a 264 producteurs dans la province de Québec et je
ne connais pas le nombre de brebis pour chacun. Peut-être avons-nous les
statistiques? Il y a 27,000 brebis, ce qui fait une moyenne de 103 par
éleveur.
M. Massicotte: Qu'est-ce que vous pensez de certains experts qui
nous disent, qu'actuellement, à cause de la rentabilité, et des
différentes difficultés qu'on rencontre et peut-être aussi
à cause du manque d'intérêt des producteurs, on devrait
plutôt laisser aller cette production, peut-être l'encourager un
peu, mais quand même sans encourager l'importation, c'est la grosse
partie du marché actuellement, pour l'importation.
M. Toupin: Le ministère, là-dessus, maintient ses
programmes réguliers. Evidemment, on a des programmes de base où
on verse des subventions un peu comme dans l'élevage du bovin. Ces
programmes de base vont demeurer. Les services techniques sont également
disponibles aux producteurs, mais on ne poussera pas présentement plus
loin sur cette production. On va probablement chercher à
développer plus un certain nombre d'autres productions qui correspondent
davantage au désir des agriculteurs québécois. Quand
même il y a un certain nombre de fermes qui se consolident et qui font un
bon travail. Cela pourrait peut-être être une production à
développer dans les régions dont on parle, peut-être moins
en Abitibi mais dans le Bas Saint-Laurent. Cela pourrait être une
production possible, mais les producteurs choisissent plutôt le bovin que
l'ovin, programme pour programme.
M. Massicotte: D'accord!
Le Président (M. Lafrance): Le député de
Huntingdon avait une question à poser, lors de la dernière
séance, à l'élément 3, la mise en valeur des
productions animales.
M. Fraser: Cela va!
Le Président (M. Lafrance): D'accord! Le
député de Saguenay.
M. Lessard: M. le Président, je voudrais parler du
programme F-l et de son résultat. On sait qu'en 1971, le
ministère de l'Agriculture établissait ce programme en vue
d'améliorer la qualité, produire des veaux de qualité et
des ventes aux Etats-Unis.
Or, des contrats ont été signés avec un certain
nombre de producteurs. L'an dernier, on sait que les producteurs étaient
assurés de recevoir au moins entre $1 et $1.30, je pense. J'aimerais
savoir si le ministère de l'Agriculture a respecté ses contrats
vis-à-vis des producteurs à ce sujet. Qu'est-ce que cela a
donné comme résultat? Pour 1975, a-t-on l'intention de continuer
le programme et d'assurer le même contrat aux producteurs agricoles?
M. Toupin: Ce programme a été lancé en 1972.
Evidemment, il faut se reporter à ce moment pour bien saisir l'esprit
qui animait le ministère. Le Québec est un producteur laitier et
il met en marché plusieurs centaines de mille veaux laitiers
annuellement. Sauf les génisses laitières qui s'orientent vers la
production laitière, c'est-à-dire les génisses de
remplacement, qui émanent d'un troupeau pur sang ou d'un troupeau
croisé, avec une bonne qualité de production, sauf ces types de
génisses, le reste de ces génisses n'avait pas de marché
tellement important. Il est vrai que le veau n'est pas cher cette année,
mais il n'a jamais été très cher non plus, dans le
passé. C'était une sorte de sous-produit de la production
laitière et les producteurs laitiers ne se sont jamais tellement
intéressés à faire du bovin à compter du veau
laitier.
En 1972, après un certain nombre de rencontres avec des acheteurs
américains et canadiens, notamment dans l'Ouest et au Québec
aussi, on a découvert que des croisements avec les vaches
laitières et les races exotiques, notamment le Maine Anjou, le Chianina,
etc., cinq ou six races, pouvaient constituer un marché
intéressant.
Nous avons exploré davantage et nous en sommes venus à la
conclusion que ce serait intéressant d'inciter les producteurs
québécois à embarquer dans cette production. C'est ce qui
est arrivé. Nous avons demandé à des producteurs de
s'inscrire au programme et pour être assurés que ces producteurs
entrent dans le programme, nous avons signé des contrats.
Le ministère a signé des contrats non pas d'achat et de
vente de veaux. Le ministère a signé des contrats pour assurer
des saillies, soit 45,000 à 50,000 saillies. En même temps, le
ministère demandait à une agence régionale de signer un
contrat avec un acheteur et de signer un autre contrat avec les producteurs,
dans lequel contrat était contenu un prix qui variait selon les
catégories.
Grosso modo, c'était $1.25 pour les 400 premières livres,
moins $0.10 pour les frais de commercialisation et $0.75 pour les cent livres
additionnelles. Ce programme, pour les années 1972,
1973,1974adonné une plus-value aux producteurs agricoles du
Québec. Quand je parle d'une plus-value, j'ajoute aux veaux vendus
avant, l'argent qu'il a retiré en faisant un F-1. Cela lui a
donné à peu près $3,500,000 de plus, dans ce programme
F-1, que s'il avait continué à faire des bovins laitiers comme il
faisait auparavant.
L'an dernier, les marchés s'étant effondrés, le F-l
a connu les mêmes problèmes. Nous avions des contrats pour
l'année I974 avec les producteurs et ces contrats ont été
effectivement respectés.
M. Lessard: Le même prix.
M. Toupin: Oui, les producteurs ont été
payés pour-les génisses évidemment
sélectionnées, parce que le mâle ne faisait pas partie du
programme, la génisse seulement faisait partie du programme, et nous
avons respecté nos engagements. Chaque producteur a été
payé $I.IO pour la génisse mise en marché.
M. Lessard: Est-ce qu'il a été payé par
subvention du ministère de l'Agriculture?
M. Toupin: II a été payé une partie par le
marché et une autre partie par subvention.
M. Lessard: Vous avez compensé la différence entre
le prix du marché et...
M. Toupin: Et l'engagement que nous avions pris, soit $1.25.
M. Lessard: Combien est-ce que cela a coûté?
M. Toupin: Cela n'a pas coûté $300,000, soit
$285,000... $458,000 avec ceux qu'on a ajoutés, la Beauce, etc. A peu
près un demi-million de dollars..
M. Lessard: Combien de producteurs? M. Toupin: II y en a
un paquet.
M. Lessard: La liste officielle de ces producteurs est-elle aussi
secrète?
M. Toupin: Je n'ai pas d'inconvénient à donner la
liste, M. le Président, dire que, dans telle municipalité, il y a
eu tant de producteurs. Là où j'ai des inconvénients,
c'est de donner les noms et les adresses des producteurs. Mais remettre la
liste de ceux qui ont reçu, dans le comté de Huntingdon, par
exemple, 40 producteurs; dire que dans le comté de Montmagny, il y en a
25, etc... Dans le comté de Saguenay, je pense qu'il n'y en a pas.
M. Lessard: Cela dépend.
M. Toupin: II y en a peut-être une couple.
M. Lessard: SI vous parlez du Lac-Saint-Jean-Saguenay.
M. Toupin: Oui. On peut remettre la liste, mais remettre les noms
des producteurs, le problème là-dedans, c'est que...
M. Lessard: Pourquoi est-ce que ça pose des
problèmes d'avoir la liste des producteurs?
M. Toupin: Personnellement, je suis un peu hésitant...
M. Lessard: Ce sont des contrats. Il me semble qu'on devrait
avoir la possibilité de savoir de quelle façon ont
été utilisés les deniers publics.
M. Toupin: Remarquez bien que si le conseil des ministres n'a pas
d'inconvénient à ce que nous rendions cette liste publique et si
les producteurs eux-mêmes n'y voient pas d'inconvénient, moi non
plus, je n'en aurai pas.
Un producteur agricole qui aurait reçu $15,000 ou $20,000 de
subvention pour ses F-1, je ne crois pas qu'il serait intéressé
à ce que tout le public le sache.
M. Lessard: Est-ce que c'est en vertu d'un programme
établi?
M. Toupin: Pour nous, du gouvernement, il est important de savoir
si le programme a été appliqué selon son contenu. Si
toutefois il se produit des irrégularités, je pense qu'on peut
faire des enquêtes sur des cas précis, et demander au gouvernement
si tel producteur a reçu sa subvention, s'il en a reçu assez ou
s'il n'en a pas reçu.
M. Lessard: S'il s'agissait d'un contrat entre une compagnie et
un individu, à ce moment-là, je ne peux pas demander une telle
liste au ministère de l'Agriculture. Mais là, il s'agit d'une
subvention indirecte de respect de contrat, de même qu'une entreprise,
dans la transformation, peut en recevoir, en vertu d'un programme
établi. Il ne s'agit pas d'un cadeau, c'est en vertu d'un programme
établi et en vertu du respect d'un programme établi.
Il me semble qu'il s'agit de versements de deniers publics. A ce
moment-là, le dossier rn'appa-raît devenir un dossier public.
C'est un peu la même chose pour le montant de $22 millions qui a
été versé en subventions à des producteurs de
bovins. C'est dans ce sens-là que je ne comprends pas trop les
réserves du ministre.
M. Toupin: M. le Président, j'ai l'impression qu'au moment
où on rend publique une liste comme celle-là, on rend presque
publique la comptabilité d'un producteur, on rend presque publics ses
revenus, on rend presque public tout ce qui concerne son entreprise.
M. Lessard- C'est simplement dans un programme précis.
M. Toupin: J'apporte un exemple. La SDI va verser une subvention
de $55,000 à telle entreprise.
M. Lessard: C'est dans les fonds publics. M. Toupin:
Oui.
M. Lessard: C'est dans les engagements financiers.
M. Toupin: C'est dans les engagements financiers. Je suis bien
prêt à mettre dans les engagements financiers que l'agriculture
québécoise, en tant que secteur économique, a reçu
tant de millions de dollars. Mais si une subvention est versée à
une entreprise, le gouvernement ne dépose pas le bilan de l'entreprise,
ne dépose pas la comptabilité de l'entreprise, etc.
M. Lessard: Ce n'est pas cela que je vous demande. Je ne vous
demande pas de déposer la comptabilité de l'entreprise, je vous
demande de déposer le montant d'argent qui a été
versé par le ministère de l'Agriculture, ou par
l'intermédiaire du ministre des Finances, à ce producteur, non
pas la comptabilité de l'entreprise, de même que vous le faites
lorsqu'il s'agit de regroupement des laiteries, parce que c'est en vertu d'un
programme établi, à savoir le nombre de livres de gras. De
même que le ministère de l'Industrie et du Commerce le fait quand
il s'agit d'accorder une subvention à telle entreprise, en vertu d'un
programme établi. De même que la Société de
développement industriel le fait. Je comprend que cela apparaît
aux engagements financiers pour des montants supérieurs à
$25,000...
M. Toupin: Oui.
M. Lessard:... mais, il me semble, M. le Président, qu'il
y a... Je ne vois pas, en tout cas, en quoi l'administration de ces deniers
publics soit secrète.
M. Toupin: J'apporte l'exemple de Marcel Guérard de
Plessisville qui a reçu une subvention de $42,000 pour l'élevage
de bovins. Vous connaissez les normes en vertu desquelles ces montants d'argent
furent versés. Par conséquent, vous savez exactement, à
compter du prix du marché, quel a été le revenu de cet
agriculteur. Je n'ai pas l'air de le savoir.
M. Lessard: Dans ce secteur.
M. Toupin: Si c'est un éleveur de bovins, qu'est-ce que
vous voulez que je vous dise?
M. Lessard: Si c'est exclusivement un éleveur de
bovins.
M. Toupin: Vous allez entrer directement dans
son entreprise et vous pouvez partir avec le dossier. Vous en avez
partout. Je ne vous prête pas mauvaise foi du tout. N'importe qui peut
prendre le dossier et dire: Guérard a reçu telle subvention du
gouvernement. Il avait tant de veaux, il a fait tant d'argent et il se plaint
que ses revenus ne sont pas bons. Vous pouvez tirer n'importe quelle
conclusion, à ce moment, et vous risquez de causer préjudice aux
producteurs sans vous en rendre compte, très souvent.
Que je vous dise, par exemple, que, dans la région de la Beauce
ou dans la municipalité de Saint-Luc, on a versé $43,000 ou
$50,000 de subvention, je suis d'accord. Si un producteur se plaint... je n'ai
pas d'inconvénient à dire qu'il y a dix producteurs dans telle
paroisse qui ont reçu tant. Je n'ai pas d'inconvénient à
rendre cela public.
M. Ostiguy: D'abord, je pense...
M. Toupin: Les noms, j'ai des restrictions personnelles, non pas
pour moi, mais bien plus pour les producteurs.
Quant à l'administration gouvernementale, l'Opposition a
tellement de moyens pour savoir comment cela se passe, puisque le
Vérificateur général peut avoir accès à cela
n'importe quand.
M. Ostiguy: Je pense tout de même sur le plan humain
vis-à-vis des agriculteurs, entre eux, cela les éclairerait
énormément... M. Untel dans une paroisse reçoit un montant
de $500 pour les pertes de bovins; son voisin, par exemple, actuellement, pour
des raisons... son troupeau n'est pas le même, des maladies
différentes dans son troupeau. Ils n'aimeraient pas cela les
cultivateurs entre eux...
M. Lessard: On se passe le message. Mais, je vous dis que c'est
en vertu d'un programme établi. C'est qu'en vertu d'un programme
établi, si on sait, par exemple, que la génisse F-l s'est vendue
$0.25 la livre et que le programme était de $1, toute personne qui avait
tant de génisses F-l a reçu, à un moment donné,
$0.70 la livre en supplément. C'est en fonction du nombre de livres
qu'elle possédait. Mais j'aimerais savoir, M. le Président...
De toute façon, le ministre prend ses responsabilités. Il
a toujours la possibilité de me dire que ce n'est pas dans
l'intérêt public. C'est ce qu'il me dit. Je n'ai pas l'intention
de continuer, mais j'aimerais savoir le nombre d'éleveurs. Il est
peut-être au moins possible de savoir le nombre de corporations qui ont
reçu ces subventions.
M. Toupin: Je n'ai pas d'inconvénient à donner le
nombre d'éleveurs qui ont reçu des subventions. Cependant, il y a
des éleveurs qui n'en ont pas eu, parce qu'ils ont vendu le prix du
marché, et d'autres en ont eu selon les périodes. Maintenant, je
n'ai pas d'inconvénient a... On n'a qu'à le calculer. Je ne sais
pas combien cela prendra de temps. Cela ne prendra pas tellement de temps
à calculer cela. Je n'ai pas d'inconvénient à rendre
public le nombre sans les noms et les subventions accordées.
M. Lessard: Est-ce que l'ensemble de ces génisses F-l a
été exporté aux Etats-Unis?
M. Toupin: Non, les marchés étaient surtout
canadiens, les provinces de l'Ouest, et plusieurs Québécois en
ont acheté aussi.
M. Lessard: Est-ce que cela ne contribue pas, si,
individuellement, pour les producteurs, le programme... Disons que le programme
a peut-être déjà été bon. Pour la
dernière année, il a été plutôt
insatisfaisant, en tout cas, pour le ministère de l'Agriculture parce
qu'il a été obligé de compenser, étant donné
le prix du marché. Est-ce que cela ne permet pas de diminuer la
qualité de notre cheptel?
M.Toupin: Voyez-vous, d'abord, il y a des normes qu'on
établit, évidemment. Pour un troupeau laitier, on a besoin d'un
minimum de remplacement. Donc, on respecte d'abord cette norme.
Deuxièmement, pour ne pas détruire le cheptel que nous avons
déjà en termes de génétique, on se limite à
peu près à 15% de l'ensemble du troupeau laitier du Québec
pour les F-l, de telle sorte qu'on ne déséquilibre pas la
production des génisses pour d'autres fins...
M. Lessard: Alors, vous surveillez... M. Toupin: On
conserve l'équilibre.
M. Lessard: En fait, ce que vous exportez, c'est le surplus.
M. Toupin: Pas tout, mais une bonne partie du surplus. Il y a
600,000 veaux qu'on vend à l'extérieur, des veaux qui ont peu de
valeur. Si on en a récupéré 150,000, tant mieux. Les gars
ont fait $3.5 millions de plus.
M. Lessard: J'aimerais que le ministre fasse le point sur la
négociation entre les inséminateurs. Où en est-on
rendu?
M. Toupin: On est en négociation justement. Hier, il y a
eu une rencontre entre le ministère et l'association des
inséminateurs, les CAB, les cercles d'insémination du
bétail. La convention n'est pas encore signée, mais nous nous
sommes entendus sur la plupart des points litigieux, mais il en reste
peut-être encore une couple à discuter, à terminer, mais,
tout compte fait, les négociations vont bien.
M. Lessard: Est-ce qu'on peut espérer un règlement
dans un bref délai?
M. Toupin: Je pense que oui. Je ne veux pas être trop
optimiste, mais j'ai l'impression que, d'ici un mois, on devrait avoir
terminé cette négociation.
M. Ostiguy: Est-ce que cela voudrait dire que les
inséminateurs recevraient leur accréditation? C'est le point qui
est en litige actuellement?
M. Toupin: C'est un des points litigieux, l'accréditation
ou, si on peut appeler cela autrement, la reconnaissance de la profession. Les
négociations là-dessus; même si c'est un point litigieux,
avancent, je pense. Hier, on a fait un pas. J'ai rencontré le
président du CAB, le président de l'association plutôt,
rapidement, mais ce dernier m'a dit que les négociations se
déroulaient normalement.
M. Ostiguy: Actuellement, l'aide du ministère de
l'Agriculture au CAB est de 50%?
M. Toupin: Je n'ai pas compris.
M. Ostiguy: L'aide, la part du ministère de l'Agriculture
à l'insémination artificielle, c'est $5 qu'on facture à
l'agriculteur actuellement et la part du ministère est de $2.50?
M. Toupin: II faudrait peut-être donner des
précisions là-dessus.
Actuellement, le programme auquel vous faites allusion est relié
au programme d'aide du ministère de l'Agriculture pour favoriser
l'insémination artificielle dans tout le Québec. Comme vous
êtes sans doute au courant, nous avons établi une grille, au
niveau de ce programme, qui permet de rendre accessible à tout
agriculteur, où qu'il soit au Québec, l'insémination
artificielle à un taux qui soit uniforme. Actuellement, le taux, pour la
première saillie, est de $4.00; la différence est
défrayée, à ce moment, par le ministère de
l'Agriculture. Autrement dit, selon la distance d'un cercle et du nombre
d'agriculteurs dans une région, une saillie pourrait aller, dans
certains cas, jusqu'à $12. Si on prend certaines régions du
Bas-Saint-Laurent, l'agriculteur paie $4 et le ministère de
l'Agriculture paie la différence pour une première saillie.
Il y a une variation au niveau des prix et des coûts qui est
exprimée dans notre programme et qui, selon l'endroit précis...
Par exemple, si on prenait la région de Saint-Hyacinthe, là,
actuellement, si on prend Saint-Dominique comme exemple, c'est $4 pour la
première saillie, payés par l'agriculteur. Il y a une
différence de $0.50, je pense, payée par le ministère, qui
sert, à ce moment, à pourvoir aux frais encourus par le cercle
d'amélioration du bétail local, de même aussi qu'une partie
servant à payer les frais reliés à l'engagement de
l'inséminateur par le CAB. Mais cela varie énormément dans
tout le Québec, selon les régions, la concentration du
bétail dans une région donnée et les distances qui sont
à parcourir pour qu'un cercle soit complet. Mais, sur le plan pratique,
cela veut dire que tous les agriculteurs du Québec, où qu'ils
soient actuellement, paient le même prix pour les frais
d'insémination de première saillie.
M. Ostiguy: Et la reprise?
M. Toupin: Actuellement, la reprise, la deuxième saillie,
n'est pas couverte. Je pense que c'est un élément qui est en
discussion entre les CAB et les inséminateurs quant à cette
modalité de paiement reliée à la deuxième saillie
ou, dans certains cas, même la troisième ou la saillie de
sécurité, parce qu'il y a beaucoup de sophistication, maintenant,
dans ce secteur.
Une Voix: Entre le taureau et la vache!
M. Ostiguy: Actuellement, la première saillie est de
$4.
M. Toupin: Oui.
M. Ostiguy: La reprise, à la deuxième saillie, est
de $1. Lorsqu'un inséminateur doit parcourir certaines distances, je ne
parlerai peut-être pas des inséminateurs de la région de
Saint-Hyacinthe, parce que le territoire est assez restreint, la demande
d'animaux est assez élevée. Sauf que si un inséminateur
doit parcourir une vingtaine de milles, ne pensez-vous pas que la
deuxième saillie et la troisième et enfin toutes les reprises
qu'il peut y avoir à la suite de la première étant
défrayées à $1, cela...
M. Toupin: M. le Président, je vois venir le
député de Verchères. Ces éléments sont
justement en négociation; je pense que, personnellement, je serais assez
mal placé ce matin pour donner des opinions là-dessus. Je ne
voudrais pas faire connaître, via la commission parlementaire, les
opinions du gouvernement et ainsi me revoir au niveau des négociations
avec un engagement pris. Tout ce que je puis dire au député de
Verchères, c'est que cela fait partie des négociations.
M. Ostiguy: C'est sub judice.
M. Toupin: Oui, si on peut dire cela comme cela.
M. Ostiguy: On va laisser l'insémination puisqu'elle est
justement en négociation. Pour le contrôle d'aptitude des
taureaux, actuellement, il y a deux stations je pense au Québec. Le
ministre peut-il faire le point là-dessus, dire comment cela fonctionne?
En somme, cela fait partie de l'insémination, mais on va laisser les
inséminateurs.
M. Toupin: Evidemment, il y a une station, celle de
Saint-Hyacinthe. Il n'y en n'a pas d'autre au Québec, c'est la
seule.
M. Ostiguy: Le but de ces stations d'aptitude pour les taureaux
d'insémination est-il d'essayer d'avoir le plus de "germes" possible
à donner aux taureaux du Québec ou si on doit aller sur le
marché extérieur pour acheter des taureaux?
M. Toupin: Oui, on achète des taureaux sur le
marché extérieur. L'objectif premier de ce programme est tout
simplement de valoriser la pro-
duction laitière au Québec, de valoriser également
la production bovine dans la mesure où on peut se servir de ce programme
pour l'élevage bovin. Nous achetons dans ce contexte des taureaux d'un
peu partout au Canada. On en achète également aux Etats-Unis, on
en achète au Québec, le tout selon, évidemment, le type de
taureau qui nous est offert et celui qu'on veut également. Il y a des
comités de sélection qui s'occupent de faire les choix avant de
procéder à l'achat. Je ne sais pas exactement le nombre de
taureaux qu'on a achetés, etc. Le sous-ministre pourrait peut-être
donner plus de précision, exposer la technique du programme.
Pour compléter ce qui vient d'être dit, lorsque vous faites
allusion à ces épreuves de progéniture, il est clair que,
au niveau des épreuves de taureaux en station, à
Sainte-Madeleine, à la Présentation ou des épreuves
à domicile, l'objectif, bien sûr, est, notamment, pour les
éleveurs de bovins de boucherie de race pure de donner le moyen de
pouvoir évaluer le taux de gain, la grosseur de la carcasse, les valeurs
génétiques d'un taureau. Il s'agit, par conséquent, de
donner des chances accrues à ceux qui se sont spécialisés
dans l'élevage du bovin de boucherie de race pure au Québec,
d'une part, d'améliorer leur propre performance au niveau de leurs
troupeaux de boucherie ou encore de permettre d'accélérer le
développement d'un réseau de vente de taureaux de boucherie
officiellement reconnu avec des pesées alimentaires et des pesées
de gains reconnues qui, à ce moment-là, placent dans une
perspective bien réaliste et concrète la valeur
héréditaire d'un tel taureau par rapport à un autre. C'est
dans ce contexte que nous avons mis en place ce service pour faciliter aux
éleveurs de bovins de boucherie de race pure du Québec l'occasion
d'améliorer leurs chances de concurrence sur le plan
québécois et sur le plan national de même que
d'améliorer leur propre troupeau, par ce mécanisme.
M. Ostiguy: Le Centre d'insémination est à
Saint-Hyacinthe. Est-ce que tous les taureaux pour la progéniture, pour
les "germes" sont situés dans la région de Saint-Hyacinthe?
Combien y a-t-il de taureaux pour fournir le centre d'insémination?
M. Toupin: Actuellement, au Centre d'insémination
artificielle du Québec, localisé à Saint-Hyacinthe, qui a
pour objectif de desservir par les cercles d'amélioration du
bétail tous les agriculteurs du Québec, où qu'ils soient,
nous avons 164 taureaux, dont 139 au niveau des bovins laitiers et 25 au niveau
des races à boucherie, soit les races normalement connues ou les races
exotiques.
M. Ostiguy: Alors, 125 servent pour la production
laitière.
M. Toupin: Non, I39.
M. Ostiguy: II y en a I39 et 25 pour...
M. Toupin: Pour les races de boucherie, pour
l'insémination artificielle dans les troupeaux de boucherie.
M. Ostiguy: Et comment se compare la qualité de nos
taureaux par rapport à ceux de l'Ontario?
M. Toupin: Sans vanter exagérément le Centre
d'insémination artificielle du Québec, je pense qu'on peut dire
que la qualité des taureaux de quelque race que ce soit qui se trouvent
au centre a une valeur égale, sinon supérieure à plusieurs
autres centres sur le plan canadien. Vous vous souviendrez peut-être que,
lors non pas de la dernière, mais il y a maintenant un an
de la Foire d'hiver de Toronto, le Centre d'insémination artificielle
classait ses bovins de race Holstein premiers champions et grands champions de
réserve. Ces taureaux avaient été exposés là
et étaient en concurrence avec ceux de tous les éleveurs et de
centres canadiens. Donc, c'est là vous donner une indication des efforts
particuliers du comité de sélection, pour améliorer le
plus rapidement possible la productivité, notamment de notre cheptel
laitier au Québec, et cela, par des taureaux de valeur
héréditaire éprouvée, reconnue et, dans certains
cas, hors pair.
M. Ostiguy: L'an dernier, si ma mémoire est bonne,
à l'occasion de l'étude des crédits, on parlait de
problèmes de germes qui venaient des autres provinces que la province de
Québec et il semblait que le ministère était en train de
régler cette lacune qui existait. Est-ce maintenant
réglé?
M. Toupin: C'est réglé présentement. C'est
chose du passé.
M. Ostiguy: Est-ce que tous les germes nécessaires pour
l'insémination viennent du Centre de l'insémination artificielle
de Saint-Hyacinthe maintenant?
M. Toupin: Oui. Si un producteur veut avoir de la semence d'une
autre province, c'est le centre qui sert d'intermédiaire.
M. Ostiguy: II ne peut pas aller l'acheter lui-même.
M. Toupin: Non.
M. Ostiguy: Le Centre d'insémination est vraiment le
centre de distribution.
M. Toupin: C'est exact. Pour le Québec. M. Ostiguy:
D'accord.
M. Lessard: M. le Président, le ministre me reproche assez
souvent de ne parler que des productions où il y a des problèmes
et de parler très rarement du lait nature, je voudrais, ce matin, un peu
lui parler du lait nature. On sait que la dernière décision de la
Régie des marchés agricoles a remis en cause, ou du moins a
précisé la façon
d'estimer les coûts de production pour les producteurs.
On sait que les producteurs, en tout cas, semblent plus ou moins
satisfaits de cette décision et je voudrais donner lecture d'un article
ou d'un éditorial qu'écrivait le président de l'UPA, en
date du 19 février 1975, dans la Terre, où on dit: "La
décision de la Régie des marchés agricoles de ne pas
donner suite à l'objectif d'ajustement du prix du lait de consommation
est très mal accueillie, dans l'ensemble, par la classe agricole parce
que cette réponse équivaut, somme toute, à un rejet de la
nouvelle politique de prix et coûts de production, politique dont le
principe et les objectifs ont déjà été reconnus par
l'Etat québécois." On termine en disant: "Un affrontement qui se
traduirait par de nouvelles pressions populaires n'est pas souhaitable." C'est
toujours M. Couture qui parle. "Cette éventualité ne peut
toutefois être écartée et bien téméraire
serait celui qui prendra cet avertissement à la
légère."
On sait qu'au début de l'étude de ces crédits, M.
Toupin nous a dit qu'il était heureux de ces manifestations. J'aimerais
savoir, d'abord, les commentaires du ministre sur ces affirmations et,
deuxièmement, est-ce qu'on a l'intention d'en arriver à une
indexation automatique en ce qui concerne le prix du lait nature comme
l'homologue fédéral vient d'en entrevoir la possibilité
pour le lait industriel, l'indexation à tous les trois mois?
M. Toupin: II existe, au niveau du lait nature, une formule
d'indexation. Le "monologue" fédéral n'a rien inventé
là-dedans. Nous avons été les premiers au Canada,
après la Colombie-Britannique, à penser à une formule
d'indexation. Maintenant, une formule d'indexation peut agir de plusieurs
façons. C'est que, si vous l'appliquez intégralement, vous
êtes obligés d'amener les producteurs à accepter une
diminution de prix quand les coûts de production diminuent et une
augmentation quand les coûts de production augmentent.
Le gouvernement fédéral l'a établie à 4%.
Chaque fois que le coût de production dépassera 4%, il y aura
ajustement et, chaque fois qu'il diminuera de 4%, il y aura ajustement. Quand
on prend les cinq ou six dernières années du comportement de
l'économie en termes d'inflation au niveau des coûts, on se rend
compte que les interventions, au titre de cette formule d'indexation, sont
assez rares. C'est une formule...
M. Lessard: Est-ce vers le bas?
M. Toupin: ...de sécurité... Vers le haut et vers
le bas, plus particulièrement vers le haut. C'est une formule de
sécurité, c'est-à-dire que le producteur est assuré
que, chaque fois que ses coûts augmenteront de 4%, il y aura un
ajustement de prix, mais il devra absorber les premiers 4%, alors que nous,
dans notre formule, on ne tient pas compte de ça. On ne dit pas 4%, 5%
ou 6%, on dit aux producteurs: Vous faites une demande à la régie
et vous soutenez qu'il y a eu augmentation de 5% ou 6% des coûts de
production. On vérifie et, si tel est le cas, on ajuste le prix. Le
problème ne se pose pas là.
M. Lessard: A la Salomon.
M. Toupin: Non, à compter des statistiques
officielles.
M. Lessard: Ouais.
M. Toupin: Ah oui! les intrants, bien sûr, c'est à
compter des statistiques officielles.
M. Lessard: On ne s'entend pas sur la façon d'estimer le
coût du travailleur.
M. Toupin: On va y revenir maintenant. Qu'est-ce qu'on indexe? On
indexe les coûts de production ou on indexe un salaire, en agriculture?
C'est là où se pose la question. On dit qu'on indexe les
coûts de production, c'est ce qui a été demandé,
tout compte fait; les coûts de production, les intrants, les coûts
physiques, on les indexe. Quant au salaire, il s'agit de savoir quelle est la
marge de salaire qu'on doit donner à un agriculteur, la marge de revenu
qu'on doit lui donner.
M. Lessard: Une marge de revenu.
M. Toupin: Une marge de revenu qu'on doit donner à un
agriculteur. Alors, on a établi à $9,700 ou $9,800 le revenu du
travailleur spécialisé moyen au Québec. On ne s'entend
pas. Les producteurs soutiennent qu'on doit verser un salaire horaire,
basé sur 60 heures par semaine et nous, on soutient que, lorsqu'on se
base sur un rendement moyen de l'agriculture le producteur efficace va chercher
plus que ce qui est demandé et le producteur non-efficace va chercher
moins que ce qui est demandé. Le producteur moyen va chercher un revenu
égal à un travailleur spécialisé.
C'est toute la différence qu'il y a entre une politique de
revenus et une politique de travailleur spécialisé dans une
industrie quelconque.
M. Lessard: C'est la différence entre le ministère
et les agriculteurs, l'Union des producteurs agricoles...
M. Toupin: Aussi.
M. Lessard: Une différence très importante.
M. Toupin: Mais quand vous regardez les statistiques. Regardez
les chiffres que le ministère a faits; il n'a pas été
large dans ses statistiques. Il n'a pas été large dans l'analyse
des revenus que la régie a donnés aux agriculteurs.
On verse à l'agriculteur, en salaire, $9,700; on ne tient pas
compte des gains qu'il peut faire avec d'autres produits qu'il a sur sa ferme.
C'est seulement pour la production laitière. En I973, au prix où
était le bovin...
M. Lessard: Est-ce qu'on tient compte de son investissement?
M. Toupin: Dans les intrants physiques, on tient compte de tout.
L'intérêt sur le capital investi; l'intérêt sur
l'équité, le capital net; l'intérêt payé pour
des emprunts. On paie tout. La seule chose qu'on n'assure pas dans la formule,
c'est la gestion et le salaire, tel que demandé par les producteurs.
Quand on fait l'analyse de notre formule, on ne tient pas compte du tout
de ce qui est vendu à côté des produits laitiers, on ne
tient pas compte d'un coût de vie, sur la ferme, un peu plus
réduit et on ne tient pas compte, non plus, d'un certain nombre de
subventions indirectes qui sont versées.
On ne tient pas compte, par exemple, des subventions versées pour
l'impôt foncier, scolaire et municipal; on ne tient pas compte de toutes
les subventions directes versées aux producteurs; on n'en tient pas
compte.
Quand vous faites le total de cela, pour un producteur moyen, vous
dépassez actuellement les $12,000 ou $12,500. Dans une formule. Cela ne
veut pas dire que tous les producteurs y touchent; il faut être
réaliste.. C'est une formule.
M. Lessard: En tout cas, on va attendre les
événements, si événements il y a. Le ministre a
besoin de cela pour être appuyé auprès de son cabinet.
M. Toupin: Si j'ai bien compris l'éditorial que vous avez
lu tantôt, il y a une phrase que vous avez dite et que j'aimerais bien
que vous me répétiez. Le président de l'UPA a dit: II ne
nous apparaît pas nécessaire de réorganiser des
manifestations...
M. Lessard: Non. Si vous voulez, M. le Président, je vais
la relire afin que le ministre la comprenne bien. On comprend bien que le
président de l'UPA ne peut pas être trop en avant de ses troupes,
mais on dit ceci: "Un affrontement qui se traduirait par de nouvelles pressions
populaires n'est pas souhaitable".
M. Toupin: Oui. Cela veut tout dire.
M. Lessard: "Cette éventualité ne peut toutefois
être écartée et bien téméraire serait celui
qui prendrait cet avertissement à la légère".
M. Toupin: C'est toujours ce qu'on dit d'ailleurs quand...
M. Lessard: Le président de l'UPA,
précédemment, précise que les deux principaux
éléments qui achoppent dans le calcul du coût de
production, à savoir le pourcentage de la gestion et le taux horaire du
salaire de l'exploitant agricole relèvent d'une décision
politique. Chose que le ministre m'a expliquée.
Cela relève d'une décision politique et le ministre tente
de nous dire, quand on discute des problèmes politiques, qu'il ne veut
pas faire de politique à la commission de l'agriculture. Je me de- mande
ce que le ministre fait ici, à l'Assemblée nationale.
M. Toupin: M. le Président, je ne fais pas de politique,
j'établis des politiques.
M. Lessard: Je me demande si ce que vous faites en est une.
M. Toupin:... c'est encore une politique qu'on a établie.
C'est encore une différence et la nuance est très importante.
M. Lessard: On va maintenant parler du poulet, de la
volaille.
Le Président (M. Ostiguy): Ces le programme II, je pense,
ce n'est pas dans le programme 4.
M. Lessard: Cela ne me fait rien, M. le Président. Le
programme 5 ou le programme 10.
Le Président (M. Ostiguy): C'est la commercialisation.
M. Lessard: D'accord.
M. Toupin: On peut en parler au niveau de la production. C'est
parce qu'on ne veut pas les séparer l'un et l'autre.
M. Lessard: Où voyez-vous...
M. Toupin: La production animale, évidemment, c'est propre
au poulet. Je n'ai pas d'inconvénient à en discuter à ce
programme ou à un autre.
M. Lessard: En fait, il s'agit de commercialisation...
Le Président (M. Ostiguy): Pour autant qu'on ne parlera
pas de la commercialisation.
M. Lessard: ...mais il s'agit aussi de production.
Le Président (M. Ostiguy): On peut parler de la
production.
M. Lessard: Cela ne me fait rien, M. le Président. Je suis
bien prêt à le remettre au programme 5, parce que mon intention
est de parler de la commercialisation entre Cuba et le Québec, de la
commercialisation concernant l'achat de Québec Poultry. Programme 5, M.
le Président, cela va permettre... Il ne faudrait pas, quand même,
qu'on remette cela au programme 5 et que, tout à coup, le ministre nous
annonce qu'il coupe la discussion des crédits.
M. Toupin: C'est possible, M. le Président. M. Lessard:
Ce serait la même chose.
Le Président (M. Ostiguy): On était sur les
productions animales, l'élément 3.
M. Lessard: D'accord, sur l'élément...
Le Président (M. Ostiguy): Elément 3,
adopté?
M. Lessard: Oui, je vais regarder cela, M. le Président.
Attendez un peu. Oui.
Le Président (M. Ostiguy): Elément 3,
adopté. Elément 4: Mise en valeur des productions
végétales.
Mise en valeur des productions
végétales
M. Lessard: Elément 4, M. le Président, j'aimerais
tout d'abord parler de la grande politique du ministre de l'Agriculture,
quoiqu'il commence à nous préciser qu'il faut être
réaliste en ce qui concerne l'autoapprovisionnement, mais je voudrais
avoir ses commentaires sur une affirmation d'un chercheur fédéral
qui, en octobre dernier, faisait la déclaration suivante: "Les
techniques de production des années soixante-dix
écrivait-il peuvent doubler la production de grains et
d'oléoprotéines et assurer en même temps
l'autoapprovisionnement de l'est du Canada. Cependant, pour y parvenir, il faut
absolument mettre à la disposition des agriculteurs les informations qui
leur permettront, à eux, comme elles l'ont permis aux chercheurs, de
doubler effectivement les rendements. Rien de moins. La preuve est faite que
les techniques modernes de production sont suffisantes pour doubler la
production de grain et d'oléoprotéines. Il reste maintenant
à diffuser ré-gionalement ces méthodes afin d'obtenir
à la ferme, d'une façon générale, les
résultats expérimentés". Puis-je demander au ministre,
puisqu'il s'agit d'un chercheur fédéral, si Agriculture Canada
serait rendue plus loin, en ce qui concerne la recherche
d'autoapprovisionnement de l'est du Québec que le ministre de
l'Agriculture lui-même, que le ministre de l'Agriculture
québécois?
M. Toupin: Tout ce que dit l'article que vous lisez, c'est
qu'avec les nouvelles variétés, il est possible maintenant
d'envisager la possibilité d'une autosuffisance dans l'est du Canada.
L'est du Canada, c'est quoi, c'est à partir d'où? C'est
probablement à partir des frontières du Manitoba et de l'Ontario
à aller jusqu'à Terre-Neuve. Mettons Terre-Neuve de
côté, parce qu'on n'a pas de climat à Terre-Neuve pour
produire des céréales. Mais les autres provinces de l'est du pays
peuvent en produire. Le Québec peut en produire et c'est ce qu'il fait.
L'lle-du-Prince-Edouard, le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Ecosse en
produisent également. Ils sont à peu près, en termes
d'autoapprovisionnement, l'égal de nous, en tenant compte,
évidemment, du nombre d'acres de sol dont ils disposent, en tenant
compte également de la structure économique de l'agriculture de
ces provinces.
Le Québec a augmenté sa production dans plusieurs
domaines, notamment la luzerne, le mais-grain, l'orge, le mais d'ensilage.
L'avoine a reculé un peu. C'était normal, parce que
c'était l'objectif du ministère de faire reculer un peu la
production d'avoine pour entrer de nouvelles variétés de
céréales, notamment l'orge, le maïs-grain et le maïs
d'ensilage et un peu de production de plantes industrielles, telles le colza,
le soya, la betterave sucrière, etc. Chaque fois qu'on prend une acre
pour faire de la betterave sucrière, on ne l'a pas pour faire de l'orge.
Chaque fois qu'on prend une acre pour faire du soya, on ne l'a pas pour faire
de l'orge non plus. Quand on parle de réalisme, il faut bien tenir
compte qu'il y a 6 millions d'acres au Québec et qu'il y en a à
peine 1 million et demi qui peuvent être disponibles pour les productions
céréalières.
Alors, il faut être réaliste, dans le sens qu'on ne peut
pas faire sur une acre deux cultures en même temps, c'est limité
en termes d'acres. Il y a une autre limite aussi, une autre contrainte avec
laquelle on doit composer tous les jours, c'est que les régions
où on devrait produire des céréales en plus grande
quantité sont présentement dans la production laitière. Ce
n'est pas facile, par exemple, de demander aux gens de la région de
Montréal de cesser de produire du lait, d'amener la production
laitière dans la région de Nicolet, dans la région de
Trois-Rivières ou dans la région de Québec, et de
réserver ces sols pour la production céréalière.
Les producteurs ont des investissements, ils ont des habitudes de production,
ils ont une sécurité dans les prix du lait qu'ils ne trouvent pas
présentement dans les céréales. Ils sont donc
hésitants à y aller de façon plus ouverte dans ces types
de production.
C'est exactement ce que le Québec fait. Toutes les recherches qui
sont faites au Canada, y compris le Québec, en matière de
céréales, de nouvelles variétés, de
variétés plus hâtives, sont sélectionnées par
le Conseil des productions végétales du Québec, le CPVQ,
qui transmet au ministère, notamment aux services et aux bureaux des
laboratoires régionaux les données recueillies. Ces derniers les
transmettent aux producteurs sur chacune des fermes. Il y a des
réticences, il y a des producteurs qui préfèrent encore
acheter des semences d'avoine de qualité inférieure parce que
c'est moins cher. D'autres vont prendre le risque de payer la semence un peu
plus cher et tenter d'améliorer leur rendement. Tenant compte de toutes
ces contraintes et de tous ces problèmes, il y a eu effectivement
augmentation en matière de productions céréalières
au Québec et en matière également de plantes industrielles
ou d'autres types de plantes qui sont de nature à fournir des aliments
en teneur protéique plus haute que les aliments d'autrefois,
c'est-à-dire le foin ordinaire.
M. Lessard: Partons de cette déclaration du ministre, il y
a eu augmentation de production des céréales au Québec.
J'aimerais d'abord savoir quelle est notre dépendance vis-à-vis
de l'extérieur en approvisionnement?
M. Toupin: Oui, je m'excuse.
M. Lessard: M. le Président, j'aimerais savoir de la part
du ministre quelle est notre dépendance vis-à-vis de
l'extérieur. J'aimerais tout particulièrement savoir quelle est
notre consommation, quelle est notre production, combien de boisseaux nous
proviennent de l'extérieur.
M. Toupin: C'est moitié-moitié, c'est 100 millions
de boisseaux que le Québec consomme à peu près. Il en
produit 50 millions et il en achète 50 millions. L'objectif qu'on
s'était fixé en 1972 quand on a lancé le programme...
M. Lessard: Est-ce que vous avez des chiffres précis
depuis, je dirais, 10 ans?
M. Toupin: Oui, j'ai des chiffres depuis trois ans ici, depuis
qu'on a lancé le programme.
M. Lessard: Donnez-moi donc les chiffres de production au
Québec depuis trois ans?
M. Toupin: Je vais les prendre par catégorie. En 1972
ce sont des acres nous avions 41,000 acres de blé; en
1973, 44,000; et, en 1974, 60,000 acres.
M. Lessard: D'accord, mais j'aimerais avoir la production en
boisseaux...
M. Toupin: La production se traduit en boisseaux ici. Le
blé en 1972, 750,000 boisseaux; en 1973, 1,091,000 boisseaux; et en
1974, 1,535,000 boisseaux. Vous les avez, c'est fantastique.
M. Lessard: Oui, je les ai. Je les ai, mais quand je fais le
total, le ministre me dit qu'il ne les a pas depuis dix ans, moi, je les ai
depuis 1931. Je comprends que le programme a été lancé en
1972, mais si on excepte l'année 1974, j'aimerais bien avoir la
documentation concernant la superficie. Je l'ai, cela va.
Mais si je prends, par exemple, par rapport à l'année 1940
jusqu'à 1970, je pourrais les donner, moyenne de production de 1931
à 1940: 52,723 boisseaux; 1941 à 1950: 46,198 boisseaux...
M. Toupin: Dans quoi?
M. Lessard: Globale, le blé, l'orge, l'avoine, ma7s
grain...
M. Toupin: Ce sont des millions...
M. Lessard: ...grains mélangés. Je donne la moyenne
globale, parce qu'on ne commencera pas à... Ce sont des millions de
boisseaux, c'est-à-dire de 1951 à 1971 ; 1960: 54,066,000
boisseaux; 1961 à 1970: 48,483,000 boisseaux. Là, on arrive dans
l'administration libérale. 1970, diminution. On constate une diminution
constante.
M. Toupin: Oui.
M. Lessard: 1970: 46,870,000 boisseaux. Diminution par rapport
à 1969. 1971: Là, on a une augmentation. Vous allez voir.
50,730,000 boisseaux. 1972, lors du lancement du programme du ministère
de l'Agriculture: 36,829,000 boisseaux. Cela a aidé, le lancement du
programme. Cela a permis de diminuer de 14 millions. 1973: Diminution encore de
la production totale: 34,118,000 boisseaux.
Là, le ministre m'attend.
M. Toupin: Oui, je t'attends.
M. Lessard: Oui, il m'attend.
M. Toupin: Ne pose pas la question.
Le Président (M. Lafrance): Selon l'article 96 du
règlement, il est obligé d'attendre.
M. Lessard: Oui, mais vous voyez, M. le Président, on s'en
va... 1974: 43,214,000 boisseaux. Oui, il y a eu une augmentation, M. le
Président. Mais là, je me pose des questions sur l'augmentation
quand je vois tous ces chiffres. 1971, 1972, 1973, l'augmentation est-elle
l'effet du beau temps? Est-elle l'effet du programme du ministre? Est-elle
l'effet, tout à coup, d'une fluctuation comme telle dans la production?
Je commence à m'interroger sur le programme du ministre, parce que l'an
passé, le ministre, à peu près en même temps,
lorsque je lui soulevais les mêmes questions concernant
l'auto-approvisionnement, le ministre me disait que cela allait bien. Le
ministre me disait: Avec nos programmes, la situation s'améliore. Or,
l'an passé, M. le Président, la production avait
été inférieure à l'année
précédente.
M. Toupin: Non, pas l'an passé.
M. Lessard: Oui. 34 millions de boisseaux en 1973, par rapport
à 36 millions de boisseaux en 1972. Ce sont les chiffres du
ministère.
M. Toupin: En termes de céréales sèches. Il
n'y avait pas les plantes oléagineuses là-dedans. Vous n'avez pas
la luzerne où on a doublé les acrages. Vous n'avez pas les
maïs d'ensilage où on a doublé les acrages. Parce qu'au
Québec, ici, il ne faut pas oublier une chose, on fait de la production
laitière et bovine...
M. Lessard: Oui.
M. Toupin: ...pas à base de céréales
sèches. On fait cela à base d'oléagineuses. On a
doublé nos quantités. On a triplé, même, nos
quantités de luzerne et nos quantités de maïs
d'ensilage.
M. Lessard: Est-ce qu'on pourrait déposer les statistiques
semblables...
M. Toupin: Pour les trois années.
M. Lessard: ...qui proviennent du ministère de
l'Agriculture?
M. Toupin: Je crois, oui.
M. Lessard: J'aimerais bien qu'on nous donne les statistiques
complètes des autres plantes cé-réalières.
M. Toupin: On va prendre le programme, les statistiques telles
que vous les avez données, et on va partir de 1972.
Pourquoi, en 1972, on a pensé à lancer un programme
d'auto-approvisionnement? On avait des raisons. Les raisons, M. le
Président, qui nous ont incités à le faire étaient
les suivantes: On a lancé des programmes nouveaux dans la production
bovine, porcine et laitière pour améliorer les productions ou-et
dans certaines autres, pour maintenir les productions. On a également,
à compter de 1971/72, commencé à penser en termes de
revenus des agriculteurs. On s'est bien rendu compte que les revenus des
agriculteurs étaient reliés, en bonne partie, à ce qu'on
pouvait produire sur une ferme en termes d'autoapprovisionnement. Le garsqui
ensile du maïs ou de la luzerne achète beaucoup moins de grain,
beaucoup moins de céréales, parce qu'il peut produire son lait
à compter de cela. Il fallait tenir compte non seulement de la
production céréalière, mais il fallait également
tenir compte des autres types de production où on pouvait trouver les
mêmes protéines.
On a lancé le programme et il a commencé à avoir
des effets en 1973. En 1974, on sent encore des effets. Je ne sais pas, en
1975, ce que cela va donner en termes de climat, mais on espère
être capable d'augmenter en même temps nos étendues en
maïs-grains, nos étendues en maïs d'ensilage, nos
étendues en luzerne et en trèfle en même temps qu'on
agrandira nos acrages et nos rendements dans le blé, l'orge, l'avoine
etc. On va essayer de monter les deux en même temps. Je reviens encore
sur l'idée suivante, c'est que, quand on a lancé ces programmes,
je n'ai pas besoin de vous dire que cela fait nos préoccupations
très souvent. On se dit, chaque fois qu'on ensemence dix acres de
luzerne, qu'on ne peut pas en même temps ensemencer dix acres d'orge.
Quand on ensemence dix acres de maïs d'ensilage, on ne peut pas ensemencer
dix acres d'avoine. Il y a un nombre d'acres limité avec lesquelles il
faut travailler. Ce sont les rendements qu'il faut améliorer maintenant
et l'amélioration du fonds de terre avec des programmes de drainage.
M. Lessard:... on ne peut pas utiliser les milliers d'acres que
le gouvernement fédéral a expropriées, là...
M. Toupin: Oui, c'est vrai, il y a 80,000 acres qui sont quand
même utilisées, qui ne le sont peut-être pas dans le sens
où le député de Saguenay voudrait qu'elles le soient, mais
ces acres sont quand même utilisées. Au moment où on
discutera de ce problème, le problème de Mirabel, à
d'autres commissions parlementaires, on pourra également aborder le
problème de l'utilisation de ces sols. Alors, il y a une augmentation en
1974. Quand je disais, l'an dernier...
M. Lessard: II y a une augmentation...
M. Toupin: En 1974.
M. Lessard: ... sur les céréales.
M. Toupin: II y a une augmentation en 1974 sur les
céréales. C'est vous-même qui avez donné la
statistique.
M. Lessard: D'accord, oui.
M. Toupin: En 1973, il y a eu une diminution, par rapport
à 1972. En 1973, on a dû faire face, dans certaines régions
du Québec, à des problèmes de climat extrêmement
durs et cela a eu des effets directs sur les productions
céréalières plus que sur les autres types de productions,
les productions fourragères notamment.
En 1974, le climat a été un peu plus favorable. On
espère qu'en 1975 le climat sera également plus favorable. Si on
parvenait à produire les quelque 52 millions ou 53 millions de boisseaux
qu'on produisait il y a une dizaine d'années, en augmentant nos acrages
dans le domaine du maïs d'ensilage et de la luzerne, nous atteindrions
probablement à ce moment-là près de 60% de nos
autoapprovisionnements, en tenant compte de tous les éléments.
Mais il va falloir être réaliste là-dessus, il va falloir
limiter certaines productions.
M. Lessard: A 43 millions de boisseaux on est à 39%.
M. Toupin: Oui, mais seulement pour les céréales.
Mais il faut ajouter d'autres aliments qui ont, en termes protéiques,
les mêmes contenus. On ne peut pas faire du poulet avec de la luzerne. On
peut faire du lait avec de la luzerne. Je ne sais pas si vous circulez un peu
dans la province, sans doute.
M. Lessard: Oui, on essaie de sortir. Trop même.
M. Toupin: Alors, depuis deux ou trois ans vous avez vu monter
des silos. Allez dans la région de la Beauce. J'aimerais que le
député de Beauce soit ici. C'est la région où il y
a eu le plus de construction de silos depuis trois ans. Allez dans la
région de la Mauricie. C'est fantastique de constater tous les silos qui
se sont élevés depuis deux ou trois ans en vertu de notre
programme d'auto-approvisionnement pour diminuer les coûts de production.
Cela ne se réflète pas nécessairement au niveau des
céréales. Amener les Québécois, actuellement,
à revenir à la production céréalière des
années cinquante, ce serait un peu difficile parce qu'à ce
moment-là, les grains de l'Ouest étaient beaucoup moins
disponibles, ils étaient plus cher par rapport à la production
qu'on pouvait faire ici. Il n'existait pas de politique nationale de
commercialisation des céréales à ce moment-là.
Alors les producteurs québécois produisaient plus d'avoine
notamment. Il y avait un peu d'orge aussi.
M. Lessard: Mais là il y en a une belle politique
nationale de commercialisation.
M. Toupin: La politique nationale de commercialisation
actuellement incite les producteurs québécois à être
prudents.
M. Lessard: Quelle politique?
M. Toupin: Evidemment, la politique d'aide au transport, la
politique des prix uniformes dans tout le Canada qu'on a gagnés en 1973
et les...
M. Lessard: La politique de sécurité et
d'approvisionnement.
M. Toupin: C'est le dernier problème qu'on discutera cet
après-midi, ce soir ou demain en commission parlementaire. On regardera
comment, maintenant, on peut régler celui-là.
M. Lessard: M. le Président, pour avoir une meilleure
idée, justement, de la politique d'au-toapprovisionnement du
Québec, avant de déclarer que cela a été plus ou
moins efficace, j'aimerais que le ministre dépose, nous donne des
informations.
Outre les céréales sèches dont j'ai ici des
tableaux ou des statistiques concernant le degré de dépendance du
Québec dans ces autres céréales, j'aimerais obtenir
l'évolution de la superficie en céréales, mais à
part ce qu'on appelle les céréales sèches, soit le
blé, l'orge, l'avoine, le maïs-grain et le grain
mélangé, etc., et j'aimerais avoir l'évolution de la
production. Vous devez certainement avoir cela, parce que vous l'avez, en ce
qui concerne les céréales sèches. Cela nous donnerait
certainement une meilleure idée de l'évolution de
l'autoapprovisionnement au Québec.
M. Toupin: On peut les fournir, je pense, avec les années.
Si vous avez pris ces renseignements au ministère, cela veut dire qu'ils
existent.
Vous me disiez hier qu'il n'existait pas de statistiques. Il en existe
maintenant.
M. Lessard: Ayez un minimum de décence au moins, en ce qui
concerne les productions québécoises; vous devez, au moins, avoir
certaines statistiques. D'ailleurs, je ne sais pas si ces statistiques
proviennent du ministère, ce sont des statistiques de la Terre de chez
nous, en fait.
M. Toupin: Tiens, elles sont toutes là-dedans.
M. Lessard: Merci. Au moins, je vais avoir reçu quelque
chose du ministère de l'Agriculture.
M. Toupin: C'est disponible, vous pouvez vous procurer cela
partout. C'est public.
M. Lessard: Un pot-de-vin.
Le Président (M. Lafrance): Voulez-vous quelques minutes
pour les consulter?
M. Toupin: M. le Président, si le député de
Saguenay me le permet, je voudrais donner un exemple de ce que
l'autoapprovisionnement veut dire. Si vous semez du mil dans une acre de terre,
vous avez environ 1,000 livres d'unités nutritives et si vous prenez la
même acre et si vous y semez de la luzerne, vous en avez 3,600. C'est
trois fois plus d'unités nutritives pour une même acre. Cela ne se
quantifie pas en termes de statistiques, mais c'est de cela dont nous parlons
quand nous parlons d'autoapprovisionnement et surtout, parce que c'est
important pour un producteur de faire, en termes d'unités nutritives,
trois fois plus, dans une acre, que ce qui se faisait auparavant.
M. Lessard: Je parle de pourcentage d'approvisionnement par
rapport, justement, à l'Ouest. On va avoir une certaine relation, s'ils
importent seulement 35% ou 40% de leurs besoins, cela veut dire que nous nous
autoappprovisionnons de tant. S'ils en mangent moins, justement, à cause
de la richesse en protéines, nous allons en importer moins en millions
de boisseaux.
Nous allons attendre. Nous allons vérifier les statistiques et
nous reparlerons l'année prochaine de l'autoapprovisionnement.
M. Toupin: Oui, mais il faudrait tenir compte aussi des
éléments dont je vous parlais tantôt, d'unités
nutritives qu'on retrouve dans des changements de productions.
M. Lessard: Cela va se retrouver au niveau de l'importation.
M. Toupin: Oui.
M. Lessard: S'il y a plus d'unités nutritives, à ce
moment, en millions de boisseaux, vous allez en avoir besoin de moins, et
l'autoapprovisionnement va augmenter.
M. Toupin: Oui, mais cela dépend. L'autoapprovisionnement
peut augmenter si nous gardons nos productions stables.
M. Lessard: D'accord.
M. Toupin: Parce que cette année, nous augmentons la
production porcine de 19%. Nous avons augmenté la production d'oeufs, la
production bovine et un peu la production laitière. Nous n'avons pas
acheté plus de céréales que les années
précédentes.
M. Lessard: Toutes choses étant égales, comme on
dit.
M. Toupin: Toutes choses étant égales, pour
s'exprimer ainsi.
M. Lessard: Comment cela va-t-il dans le domaine de la pomme de
terre?
M. Toupin: Cela ne va pas mal.
M. Lessard: Etes-vous dans les patates?
M. Toupin: Vous connaissez les problèmes. Evidemment, vous
me posez la question, tout en connaissant la situation. Vous savez que les prix
sont totalement bas et que les producteurs sont loin de faire leurs
coûts, non seulement au Québec, mais dans toutes les provinces du
pays et plus particulièrement dans les Maritimes. Ils sont beaucoup plus
mal pris que nous présentement, parce que, pour eux, la pomme de terre
constitue un élément beaucoup plus important dans
l'économie agricole que cela peut l'être au Québec. Nous
produisons entre 40% et 50% de nos besoins en pommes de terre.
M. Lessard: Vous êtes mieux de rester à 40%.
M. Toupin: Mettons 40%. Je ne vois pas d'inconvénient
à vous donner 5 points.
M. Lessard: C'est probablement entre 30% et 40%.
M. Toupin: Je ne vois pas encore d'inconvénient
là-dessus. Je peux marquer entre 30% et 40%.
M. Lessard: Vous devriez savoir cela.
M. Toupin: Selon les années, ça peut être 45,
40 pour d'autres années, ça peut être 38 pour d'autres
années. C'est...
M. Giasson: On va s'entendre pour dire entre 10 et 50.
M. Toupin: Entre 10 et 50.
M. Lessard: On va négocier pour 35.
M. Toupin: II y a un programme fédéral qui a
été appliqué, $1.80 pour toute pomme de terre de table
vendue à compter du 1er avril, je pense, et $1.67 pour les pommes de
terre qui seront dirigées vers les marchés d'alimentation du
bétail. C'est limité à 10 quintaux par producteur partout
au Canada. Il y a eu un comité technique qui a été
créé à la suite de la rencontre que j'ai eue avec les
producteurs et je leur avais fait à ce moment-là trois
propositions, notamment celle d'évaluer les coûts, évaluer
ce qu'on avait en entrepôt au Québec et évaluer les modes
de commercialisation, de mise en marché. Le travail du comité
technique est presque terminé, en ce qui concerne les coûts, nous
aurons une déclaration à faire là-dessus d'ici deux ou
trois semaines et les mécanismes concernant la mise en marché se
précise un peu plus sur le plan de la Fédération des
producteurs de pommes de terre du Québec et, également, au niveau
de la Régie des marchés agricoles du Québec. Quant aux
inventaires, le ministère est en train de les compléter.
M. Lessard: On va se contenter en pensant que ce ne sont pas
seulement les producteurs de pommes de terre du Québec qui ont des
problèmes.
Comme le disait le ministre dans un communiqué, le surplus de
pommes de terre n'est pas exclusif au Québec.
M. Toupin: C'est bien sûr.
M. Lessard: Le 14 mars 1975. Ne vous en faites pas, ce n'est pas
seulement ici qu'il y a des problèmes.
M. Toupin: ...M. le Président, je trouve ça assez
fantastique de voir comment le député de Saguenay réagit
vis-à-vis ces déclarations. Si je déclare que le
Québec va bien en pommes de terre, il m'accuse d'être d'un
optimisme rêveur. Si je dis la vérité, il essaie de laisser
planer dans l'esprit de tout le monde que je n'aurais pas dû faire cette
déclaration, et que cette déclaration est de nature à...
etc, etc. Bien non! Ecoutez, j'ai dit qu'il y avait des surplus de pommes de
terre au Québec, c'est vrai qu'il y en a, c'est vrai qu'il y en a au
Nouveau-Brunswick, en Nouvelle-Ecosse et c'est vrai qu'il y en a en Ontario. On
apprend rien avec ça.
M. Lessard: D'accord. Le ministre vient de me dire justement
ce n'est pas le même cas que celui du Nouveau-Brunswick
qu'on produit et je prends son chiffre 40% de notre
consommation.
M. Toupin: Environ, évidemment...
M. Lessard: 40% de notre consommation.
M. Toupin: En 1974, les statistiques qu'on nous donne...
M. Lessard: 70% de notre consommation est importée de
l'extérieur. Quand on pose le problème...
M. Toupin: Les statistiques officielles que le sous-ministre me
donne sont pour l'année 1974, je ne parlerai pas de l'année 1973
ni de l'année 1975...
M. Lessard: Pour revenir au problème... M. Toupin:
... 51% en 1974.
M. Lessard: D'accord, 51%, mettez-en 60% si vous voulez...
M. Toupin: II ne faut pas abuser non plus dans l'autre sens.
M. Lessard:... le ministre dit: Ne vous cassez pas la
tête...
M. Toupin: Je n'ai jamais dit ça.
M. Lessard:... le surplus des pommes de terre
n'est pas exclusif au Québec. Au Québec, il n'y a pas de
surplus de pommes de terre. Il n'y a pas de surplus de pommes de terre au
Québec, c'est dans ce sens que je veux dire que le ministre prenne ses
responsabilités.
M. Toupin: Le surplus...
M. Lessard: Non, il n'y a pas de surplus de pommes de terre au
Québec. Vous venez de me dire 51%. Il y a un surplus parce que c'est la
même chose pour le poulet.
M. Toupin: Parce qu'on n'en produit pas assez.
M. Lessard: C'est parce qu'on est le "dumping" ou la poubelle de
l'Amérique du Nord en ce qui concerne les produits agricoles.
M. Toupin: L'Ontario nous dit ça pour notre lait et les
provinces de l'Ouest nous disent ça pour notre lait, qu'elles sont la
poubelle au Canada.
M. Lessard: Non, elles ne veulent pas produire du lait parce que
c'est sept jours par semaine.
M. Toupin: Non, elles produisent autre chose.
M. Lessard: Ce que je vous dis, c'est que notre marché de
la pomme de terre n'a aucune protection, dans le sens que lorsque vous parlez
d'un problème de pommes de terre au Québec, il faudrait quand
même tenir compte qu'on produit moins que notre consommation...
M. Toupin: C'est vrai.
M. Lessard: ... et que, dans un pays normal, dans une situation
normale, les producteurs québécois devraient au moins avoir la
priorité de commercialiser leur production sur le marché
québécois, que ce soit au niveau, par exemple, du gouvernement
qui pourrait certainement avoir des instruments pour les organismes publics ou
para-publics, etc., que ce soient les CEGEP, que ce soient les
universités ou les polyvalentes, les hôpitaux, etc. Le
problème n'est pas le même qu'au Nouveau-Brunswick. Au
Nouveau-Brunswick, les gens sont obligés d'exporter leur production,
nous, on exporte rien.
M. Toupin: Pas pour la pomme de terre, mais pour d'autres
productions.
M. Lessard: Dans le poulet, on va en parler, lorsqu'on parlera de
Quebec Poultry. C'est exactement la même chose. A un moment donné,
vous donnez $25,000 à la Fédération des producteurs de
volaille pour lancer une campagne d'augmentation de la consommation du poulet,
pour faire vendre encore les Américains. Vous ne contrôlez
rien.
Le problème qui m'apparaît important là-dedans,
lorsque je parle de la pomme de terre, c'est que le ministre devrait au moins
être capable d'avoir les moyens nécessaires pour que, lorsqu'il
s'agit d'une production où on produit moins que ce qu'on consomme, on
ait au moins la possibilité de fournir, d'alimenter les marchés
québécois. Cela serait un minimum de décence, il me
semble, qu'on devrait au moins avoir de la part des autres provinces.
On ne leur refuse pas 49% du marché en ce qui concerne
l'année 1974. Cependant, lorsque les producteurs font des productions,
il semble que cela serait tout à fait décent, tout à fait
logique, qu'on puisse vendre nos produits.
Quand le mnistre nous dit qu'il y a un surplus de pommes de terre, ce
n'est pas vrai. Il n'y a pas de surplus de pommes de terre au Québec. Ce
n'est pas vrai. Il y a une sous-production de pommes de terre au
Québec.
Le problème ne vient pas de nos producteurs
québécois, il vient d'ailleurs. C'est rendu que cela coûte
moins cher d'acheter un sac de pommes de terre en provenance du
Nouveau-Brunswick qu'acheter un sac de pommes de terre du Québec
même, à cause des subventions de transports, etc.
C'est dans ce sens-là que je dis que du ministre de l'Agriculture
au Québec, il n'y en a pas, c'est un sous-ministre. C'est là que
cela devient décourageant de voir les réactions du milieu, devant
des problèmes comme ceux-là, lorsqu'il émet un
communiqué disant: Le surplus des pommes de terre n'est pas exclusif au
Québec. Ce n'est pas vrai, il n'y en a pas de surplus de pommes de terre
au Québec. Il y a des surplus ailleurs, mais il n'y en a pas au
Québec. On a une sous-production au Québec.
Il n'y a pas un pays du monda qui n'accepte pas de protéger ses
frontières, à un moment donné, même dans le
prétendu fédéralisme du marché commun. Les
différents pays ont au moins un engagement selon lequel leur production
sera écoulée à l'intérieur de leurs
frontières.
D'ailleurs, M. Trudeau a répondu à M. Bourassa, le
prétendu marché commun du Canada, le marché commun pour
les autres, le "dumping "et la poubelle pour les autres provinces, pas pour
nous autres.
C'est le commentaire que j'avais à faire.
M. Toupin: Ce n'est pas trop mal.
Le Président (M. Lafrance): L'honorable
député de Compton.
M. Dlonne: C'est vrai qu'on produit seulement 40% de la demande
mais pourquoi avons-nous des patates à "dumper" cette année? La
raison est que, l'automnedernier, les cultivateurs ont refusé de vendre.
Leurs entrepôts étaient remplis de patates et ils attendaient le
gros prix du printemps pour les vendre.
Ce printemps, comme le prix n'est pratiquement rien, ils sont
restés avec leurs entrepôts pleins de patates. Quand les acheteurs
ont vu que les cultivateurs ne voulaient pas vendre leurs patates, ils se sont
tournés vers le Nouveau-Brunswick et l'lle-du-Prince-Edouard.
Une fois que le marché du Nouveau-Brunswick a été
ouvert, nos cultivateurs ne pouvaient plus vendre
leurs patates. Je pense que c'est la raison pour la-auelle nos
cultivateurs ont tant de patates en entrepôt. N'est-ce pas?
M. Toupin: Ce que dit le député de Compton est
vrai. J'ai rencontré les représentants des provinces maritimes,
lorsque la crise des pommes de terre est venue au Canada.
L'lle-du-Prince-Edouard, la Nouvelle-Ecosse et le Nouveau-Brunswick ont
communiqué avec moi pour regarder ensemble comment se poserait le
problème.
On leur a fait valoir qu'elles faisaient du "dumping" sur le
marché québécois et que c'était de nature à
diminuer les prix, ce qu'elles ont reconnu. Elles ont dit: Si on était
capable de maintenir des prix plus élevés, cela ferait aussi
notre affaire.
Mais, on s'est rendu compte que sur le marché
québécois de même que sur le marché du
Nouveau-Brunswick et de l'Ile-du-Prince-Edouard jedissur les
marchés il y avait dessurplus. Et quand je parle de surplus de
pommes de terre, je parle de surplus sur les marchés.
La production de pommes de terre est une autre chose. Si on avait
produit davantage de pommes de terre au Québec, il y aurait eu plus de
surplus sur le marché, dans le contexte dans lequel on vit
présentement, sur le plan canadien. Qu'on ait d'autres structures
politiques dans le temps, on pourra discuter de ces problèmes. Les
problèmes de frontières, les problèmes d'embargo, on
pourra les regarder si jamais les structures politiques du Québec
changent.
J'ai dit aux provinces maritimes: Si vous étiez plus raisonnables
dans votre production, on pourrait peut-être...
M. Lessard: Je comprends cela.
M. Toupin: ... trouver un équilibre sur le plan canadien
et ainsi trouverdes revenus plus acceptables pour les producteurs
québécois et les vôtres. Elles m'ont répondu ceci :
La pomme de terre "chip" qui est vendue au Nouveau-Brunswick vient du
Québec. On vagarder nos pommes de table, mais gardez vos "patates
chips". Comment s'appelle-t-elle la compagnie de "patates chips" au
Québec, la plus grande? Dulac. On a dit: Venez chercher vos Dulac chez
nous, on va aller chercher nos pommes de terre chez vous.
Il y a 40% de la production de la pomme de terre au Québec qui se
dirige vers ces marchés, ce sont les plus payants.
M. Lessard: En font-elles?
M. Toupin: Elles en font un peu, mais c'est le marché
québécois qui a pris ces marchés et qui les garde. Il y a
un échange normal, ce qui ne justifie pas le fait par exemple qu'on
soit, en termes de production de pommes de terre, en sous-production par
rapport à nos besoins, ce sur quoi je suisentièrement d'accord.
L'an dernier, on a augmenté notre production par rapport à
l'année précédente. Doit-on insister pour que les
producteurs produisent davantage des pommes de terre? Je ne le sais pas. On va
se retrouver avec des surplus d'année en année et on devra, bien
sûr, établi r des politiq ues de subventions presque
générales dans le cas d'une augmentation de production. C'est une
chose à laquelle il faut penser, ce sur quoi le ministère est
également d'accord. Mais, on a fait des choix et on s'est dit: Pour le
moment, il est préférable de regarder vers d'autres productions
où on est solidement implanté, les consolider et les augmenter
plutôt que de prendre tout le champ de production en même temps. La
pomme de terre fait l'objet, bien sur, de recherches, de commercialisation,
etc., mais elle ne fait pas l'objet, au ministère, d'une augmentation de
production pour le moment. Je ne sais pas ce qu'on fera dans un an ou deux
mais, pour le moment, le ministère n'apas arrêté cette
politique.
M. Lessard: Le gouvernement, par ses politiques d'achat...
M. Toupin: Le marché institutionnel.
M. Lessard: ...que ce soit au niveau des CEGEP, des Polyvalentes,
des universités, des hôpitaux, n'aurait-il pas une politique pour
au moins compenser la concurrence qui peut nous venir de l'extérieur
dans des produits comme ceux-là, de telle façon qu'on
arrête actuellement, dans nos institutions, d'acheter des pommes de terre
qui viennent d'ailleurs, surtout en temps de crise? On pourrait au moins
accorder une priorité d'achat aux pommes de terre qui sont produites au
Québec.
M.Toupin: C'esttout le marché institutionnel. Je vous le
dis bien honnêtement, on n'a pas de politique gouvernementale en
matière d'alimentation du marché institutionnel, une politique
articulée, une politique encadrée.
Evidemment, il y a un marché institutionnel qui existe. Je
connais personnellement un tas de producteurs locaux qui vont satisfaire les
besoins locaux du marché institutionnel. Par exemple, dans le domaine
des oeufs, je sais qu'il y a des producteurs qui produisent pour tel
hôpital ou pour...
M. Lessard: Vous comprenez que c'est la seule production que j'ai
chez nous. Il faut que je m'en préoccupe.
M.Toupin: Maison n'apas de politique générale en
matière de marché institutionnel, c'est-à-dire qu'on
n'oblige pas les institutions gouvernementales ou qui sont financées par
le gouvernement à acheter des produits alimentaires
québécois, on ne les y oblige pas. On n'a pas de politique
là-dedans, dans cette perspective. Il y a peut-être avantage
à ce qu'on y regarde, par exemple.
Le Président (M. Ostiguy): Le député de
Témisco uata-Kamo uraska.
M. Pelletier: M. le Président, je remarquais que le
député de Saguenay blâmaittout à l'heure le
gouvernement de ne pas prendre ses responsabilités au
niveau des producteurs de patates. Il n'a pas mentionné, par
exemple, que les producteurs de patates doivent s'organiser un syndicat ou
quelque chose pour pouvoir structurer, si vous voulez, leur organisme et de
défendre leurs droits auprès du gouvernement. Il serait
très important d'avoir un certain contrôle sur la production pour
déterminer des quotas de production.
On a vu l'an passé ce qu'il est arrivé. Pour les
producteurs, le prix de la patate était bon. Tout le monde se
lançait là-dedans. Aujourd'hui, on se ramasse avec des surplus et
le gouvernement est obligé de payer la note. Après cela, on fait
pression. Qu'ils s'organisent un système à l'intérieur de
leur fédération, si vous voulez, de façon à
être capable d'avoir un prix plus uniforme et en même temps, de
reconnaître les statistiques au niveau du gouvernement
fédéral, au niveau des provinces. A partir de là, je
penseque le ministre saura prendre ses responsabilités, comme il l'a
fait dans le passé. Je pense que c'est un peu la façon qui
devrait être expliquée ici à la commission parlementaire,
que les producteurs de patates au Québec ne sont pas structurés
de façon à expliquer le volume de production au Québec et
faire des échanges, si vous voulez, de façon que ce soit
qualifié, quoi! Je ne sais pas ce que le ministre en pense, mais il
serait important que...
M. Toupin: C'est un ensemble de problèmes sur lesquels...
C'est pour cela que quand j'ai rencontré les producteurs,
récemment, je leur ai dit: On est prêt à regarder une
possibilité d'intervention, mais regardez de votre côté ce
qu'il est possible de faire, parce que l'Etat ne peut pas se substituer
à tout le monde partout. Il faut bien laisser aux gens prendre un
minimum de responsabilités. Dans le cadre de la commercialisation, le
gouvernement serait malvenu d'imposer des organismes de commercialisation aux
producteurs. Les producteurs qui n'en ont pas, sont parfois malvenus aussi de
demander au gouvernement d'intervenir au niveau d'une politique de revenu, au
niveau d'une politique de rationalisation de distribution des produits. Cela va
de soi.
M. Giasson: M. le ministre, dans le domaine de certaines
productions agricolesoù on est déficitaire par rapport à
notre consommation au Québec, est-ce que le ministère s'est
sérieusement penché, a étudié les formules qui
permettraient d'assurer des prix minimaux vitaux dans les productions où
on est déficitaire? Prenons l'exemple de la patate. Nous sommes à
l'intérieur d'une fédéralisme où il n'y a pas de
frontière. Cela pose le problème que tu ne peux pas couper les
entrées. Au-delà de cela, est-ce que vous vous êtes
arrêtés sérieusement à examiner une politique qui
ferait qu'il y aurait un prix garanti, assuré, à des producteurs
de pommes de terre qui pourrait varier d'une année, selon le
comportement des prix, qui ferait qu'on pourrait convaincre un plus grand
nombre de producteurs d'augmenter la production au Québec de
manière à s'autosuffire et même si la compétition...
on va être obligé d'y faire face parce qu'il n'y a pas de
frontière... avoir un système garanti qui ferait qu'à
chaque année, tout producteur québécois, qui a mis en
marché de la pomme de terre, serait en mesure de recevoir un prix de
compensation pour combler la différence entre le prix moyen payé
pour le produit et le prix minimal qu'il devrait toucher pour trouver une
rentabilité.
M. Toupin: Oui, c'est toute la Loi d'assurance-stabilité
des revenus qu'on va discuter bientôt, qui a été
déposée sous forme d'avant-projet de loi et qu'on va rediscuter
en première et en deuxième lecture prochainement. Je ne peux pas
dire exactement les dates de son dépôt, maison terminesa
rédaction, à la suite de la commission parlementaire. Il y a des
contacts qu'on a eus avec les autres provinces.
M. Giasson: C'est parce que vous avez dit qu'au Québec
dans le contexte actuel...
M. Toupin:... et on verra...
M. Giasson:... on ne peut pas compter uniquement sur de l'aide ou
des subventions venant du gouvernement fédéral, parce que
lorsqu'il subventionne le producteur du Québec, il subventionne
également celui d'une autre province. Cela place notre producteur
québécois en désavantage par rapport à l'ensemble
d'une production donnée.
M. Toupin: Qu'est-ce que vous pensez...
M. Giasson: Si à l'automne, vous connaissiez la production
réelle émanant des producteurs de pommes de terre, ils vont
écouler cette production et rendu à la fin de la période
d'écoulement, vous savez qu'ils subissent un déficit à
cause de la concurrence de surproduction d'autres provinces ou du Maine, parce
que l'Etat du Maine exporte de la patate au Québec également.
Ce serait, à mon sens, le seul moyen pour convaincre les
producteurs de pommes de terre d'investir dans cette production, d'apporter
à leur exploitation une pleine capacité de rendement, tous les
intrants qu'il faut pour avoir une bonne production, investir dans de la
machinerie, s'il avait cette assurance qu'au niveau du gouvernement du
Québec, quelles que soient les politiques du fédéral,
parce que cela va toucher également les autres provinces, s'il
était assuré d'aller chercher l'aide qui est nécessaire
pour combler l'insuffisance de prix que nous apporte toujours un marché
libre.
M. Toupin: Oui, comme je vous le disais tantôt, c'est la
politique...
M. Giasson: Surtout dansdesproductionsoùon est
déficitaire. La patate est peut-être le meilleur exemple.
M. Toupin:... d'assurance-revenu des producteurs qu'on a
étudiée depuis trois ans et qui a abouti à un avant-projet
de loi, parce qu'il a fallu... C'est extrêmement délicat lorsque
nous intervenons dans ce secteur, parce que là, on intervient dans un
secteur essentiellement économique. Lorsque vous intervenez dans un
secteur essentiellement économique, où les dynamismes de base ne
sont pas néces-
sairement les revenus et où les dynamismes de base sont la
productivité pour flns de concurrence avec un autre produit sur le
même marché, c'est ça qui est l'économie actuelle.
Si, par exemple, on assure, nous, les producteurs de pommes de terre du
Québec, on présume que cela coûte $4.50 pour faire un
quintal de pommes de terre ou $2.25, au Québec, on leur assure cela, au
début de l'année. On leur dit: N'ayez pas peur. Vous pouvez
ensemencer deux fois ce que vous avez ensemencé l'an dernier, on vous
assure de ce prix. Encore faudra-t-il que les producteurs mettent une bonne
pomme de terre sur le marché qui corresponde au goût des
consommateurs et au goût des distributeurs, parce qu'on n'est pas les
seuls dans le marché...
M. Giasson: Oui, mais vous n'avez pas l'impression qu'avec des
prix assurés, nos producteurs soient capables de mettre en terre un bon
produit et d'apporter une bonne production au marché?
M. Toupin: Oui, on a cette impression, mais on n'a pas encore les
données. On a l'impression, mais on ne l'a pas démontré
encore pour l'ensemble des producteurs du Québec. Il y a un
problème, au Québec, de classification de pommes de terre, un
problème de commercialisation de pommes de terre, et, mis à part
ces problèmes, qui trouvent des correctifs et rapidement, souvent, quand
les marchés sont un peu plus rationalisés... Les correctifs
viennent. Mais si on assure un revenu aux producteurs de pommes de terre, il va
falloir, en même temps, assurer ce mécanisme de mise en
marché, il va falloir, en même temps, assurer un minimum de
contrôle, parce que, il n'y a pas d'erreur possible, si c'est payant,
faire de la pomme de terre, les gars vont en faire, de la pomme de terre. Ce
n'est pas un problème, faire produire des produits agricoles; avec les
techniques modernes, ce n'est pas un problème, surtout quand on assure
un revenu; ce n'est pas un gros problème. Tu peux être sûr
que ça ne prend pas de temps que tu emplis les entrepôts, tu es
obligé de payer pour les vider. Cela ne prend pas de temps à
faire cela.
Mais il faut q ue je pense, en même temps, que, si le
Nouveau-Brunswick fait la même chose dans sa province, si l'Ontario fait
la même chose dans sa province, si l'Ile-du-Prince-Edouard fait la
même chose dans sa province je ne pense pas que le
Nouveau-Brunswick, l'Ile-du-Prince-Edouard et la Nouvelle-Ecosse soient
prêts à laisser aller leur marché de pommes de terre comme
ça ils vont, comme nous, réagir. Ils vont, comme nous,
mettre des budgets et soutenir les prix. Vous allez vous
orienteroùavecça?Vous allez vous orienter vers une politique
d'aide à la consommation. Les consommateurs vont s'alimenter de pommes
de terre à des prix ridiculement bas, et les gouvernements vont payer
les producteurs pour surproduire. C'est ça qui va arriver.
C'est donc dire qu'une politique de soutien des prix et des revenus doit
tenir compte, dans notre contexte à nous, de l'économie
canadienne. Supposons qu'on ne tienne pas compte de l'économie
américaine et, comme le suggère le député de
Saguenay, pour les Etats-Unis, le Canada peut fermer les frontières. Or,
il y ades marchés qui sont exploités depuis un bout de temps par
des producteurs américains...
M. Lessard: Négocier...
M. Toupin: Que pensez-vous que ces producteurs vont faire? Ils
vont aller trouver leur gouvernement. Ils vont dire à leur gouvernement:
Ecoutez, nous, cette année, on perd de l'argent et notre production
diminue parce qu'on perd nos marchés. C'est ce qu'ilsv ont faire. Or,
les deux gouvernements vont se rencontrer, celui du Canada et celui des
Etats-Unis, ilsvont reg arder comment on peut régler le problème
de la pomme de terre. Et là les échanges vont commencer.
D'accord, on va vendre moins de pommes de terre chez vous maison va acheter
moins de fromage. On n'achètera plus votre viande de vache
laitière qui s'en vient sur notre marché à 45%. Comme le
soulève le député de Montmagny-l'Islet, c'est
évident en soi que c'est la formule idéale de maintenir un revenu
au producteur, non pas un prix au produit, mais un revenu au producteur. On
évalue que cela coûte $4.25 pour produire cent livre de pommes de
terre, on assure le producteurqu'il aura $4 au début de l'année,
il se dit: II n'y a pas de problème, je ne perds pas d'argent, je n'en
perdrai pas d'argent, il n'a pas de problème.
M. Giasson: J'ai des réserves sur les commentaires que
vous avez faits à savoir que les provinces telles que
l'Ile-du-Prince-Edouard et le Nouveau-Brunswick vont venir subventionner la
consommation au Québec. Elles peuvent le faire, mais elles ne le feront
pas indéfiniment.
M. Toupin: Bien...
M. Giasson: Elles ne subventionneront sûrement pas les
consommateurs de pommes de terre du Québec année après
année.
M. Toupin: Elles vont subventionner les consommateurs canadiens,
non pas les consommateurs du Québec. Elles vont subventionner les leurs
aussi et elles vont subventionner ceux de l'Ontario aussi.
M. Giasson: Vous avez la moitié de la production de la
pomme de terre de l'Ile-du-Prince-Edouard qui vient au Québec, qui
subventionne une bonne partie de la consommation québécoise.
M. Toupin: Oui, je suis bien d'accord sur cela. Jusqu'où
les gouvernements vont-ils tenir? Combien cela coûterait-il au
Québec si on produisait 75% de notre production en pommes de terre?
C'est combien de sacs de pommes de terre? Huit millions de livres, huit
millions de sacs? Ce serait quelque chose comme dix millions à douze
millions de sacs de pommesde terre. Le marché est à $2. Les
coûts de production sont à $4. Il y a $2 de décalage. C'est
$20 millions par année pour une production, qui est la pomme de
terre.
Faisons la même chose, maintenant, pour les oeufs; on produit 55%
de notre consommation pour les oeufs de table, c'est plus que cela,
c'est 65% pour l'ensemble. On a aug menté un peu. Faisons la
même chose là-dessus et mettons un décalage de $0.10
à $0.12 la douzaine. Le total au Québec est de 120 millions de
douzaines à $0.10 la douzaine, je vous dis que ce n'est pas gros, cela
fait $12 millions. Vous avez deux productions de couvertes, $12 millions plus
$20 millions. Cela fait $32 millions. Prenez l'ensemble des producteurs du
Québec et vous allez facilement déboucher sur $200 millions ou
$250 millions seulement en termes de soutien des prix et des revenus pour les
agriculteurs.
C'est donc dire que c'est une véritable politique d'alimentation
qu'on est en train de préparer. C'est ce qu'on est en train de
préparer, mais comment faire les transferts au consommateur demain
matin? Est-ce qu'on va faire payer des impôts au consommateur pour faire
cela? Ou bien lui off rira-t-on des produits à des prix plus
élevés? Quel transfert doit-on accepter? Qu 'est-ce qu'on doit
faire? On a choisi le mi lieu, actuellement. On a peut-être mal choisi
pour le moment, mais on a choisi le milieu. L'exemple le plus typique qu'on
pourrait apporter est exactement l'exemple des oeufs. Pourquoi avons-nous
autant de difficultés à nous entendre actuellement entre les
provinces? Les producteurs ont de la difficulté à s'entendre sur
la production et le partage des marchés au Canada. On a donné
$1,200,000 de subventions aux producteurs d'oeufs il n'y a pas longtemps pour
combler la différence entre les coûts de production et les revenus
visés, maison est la seule province au pays à l'avoir fait.
L'autre jour, quand j'ai rencontré mes collègues des
autres provinces, ils ne se sont pas gênés pour me le dire. Ils
ont dit: Ecoutez, vous voulez soutenir votre production d'oeufs au
Québec et ainsi concurrencer sur le prix du marchél Right! On va
le faire nous aussi.
M. Lessard: On produit combien en pourcentage?
M. Giasson: Ce n'est pas dangereux. M. Toupin: Je vous
l'ai dit tantôt, 65%.
M. Giasson: Ce n'est pas dangereux que les autres provinces
subventionnent la consommation au Québec. Je ne crois pas cela.
M. Toupin: C'est à peu près 65% pour les oeufs de
table et pour l'ensemble c'est entre 55% et 57%.
M. Lessard: Le ministre pourrait-il me dire quelles sont les
productions agricoles où on est en surplus?
M. Toupin: II y en a plusieurs.
M. Lessard: Nommez-m'en.
M. Toupin: II y a un surplus dans le lait, le poulet.
M. Lessard: Et après?
M. Toupin: Pour plusieurs productions horticoles, on est en
surplus. Je ne sais pas exactement lesquelles.
M. Giasson: M. le ministre, dans le poulet, sommes-nous encore en
surplus?
M. Toupin : Oui. Nous avons encore 105% à 108% du
marché.
M. Lessard: Ce ne sera pas long que nous ne serons plus en
surplus, vous allez voir. Continuez.
M. Toupin: II est possible, tantôt, qu'on fasse un nouveau
partage des marchés, sur le plan national.
M. Lessard: Continuez. Nous avons vu le poulet, nous avons vu le
lait. De toute façon, on n 'envoie pas le lait au Nouveau-Brunswick.
M. Toupin: Partout dans le Canada. M. Lessard: Au
Nouveau-Brunswick?
M. Toupin: Toutes les provinces du pays achètent des
produits laitiers du Québec.
M. Lessard: Vous en êtes sûr?
M. Toupin: Voyons, le fromage cheddar circule partout.
M. Lessard: Après le lait.
M. Toupin: Le lait, c'est déjà beaucoup, parce que
c'est 40% de notre production agricole. C'est mauditement important!
M. Lessard: Après le lait et le poulet de gril, qu'est-ce
que c'est?
M. Toupin: Le porc. Cette année, dans le porc, on vient
d'atteindre notre autoapprovisionnement. On était à 80%-
l'année prochaine, on va probablement être en surplus dans le porc
et on va être obligé d'exporter.
M. Lessard: J'ai hâte de voir la réaction.
M. Toupin: Dans le domaine des veaux, nous sommes en
surproduction trois fois.
M. Lessard: II faudrait en envoyer au marché
américain.
M. Toupin: Oui, mais il faut bien prendre les marchés.
M. Lessard: D'accord.
M. Toupin: Nous ne sommes quand même pas pour demander
à un Québécois de manger quatre veaux par année,
quand il ne veut en manger qu'un.
M. Lessard: Non, non. Mais, allons-y, continuons. Je vais vous
répondre tantôt.
M. Toupin: II y a la production des carottes, des haricots, des
pommes, de certaines cagégories de salades, etc., où nous sommes
en surproduction. Il y a des productions où nous sommes en
sous-production. La pomme de terre en est une. Les oeufs en sont une autre.
Dans la production du dindon, nous sommes à peu près kif-kif,
nous nous tenons à peu près dans les besoins du marché,
grosso modo des années, nous dépassons, d'autres années
nous sommes en bas.
M. Lessard: En ce qui concerne la consommation du veau, vous
dites que nous produisons plus que nous consommons.
M. Toupin: Bon Dieu! Je pense! On vendait 600,000 veaux par
année à l'extérieur.
M. Lessard: Ce que je veux dire, c'est ceci. Quand vous dites,
à un moment donné, si on accepte ce que propose le
député de Saguenay, si le Canada bloque les frontières des
Etats-Unis à tel endroit, les Américains vont nous
répondre de telle façon. Je peux vous dire que, quand cela est
négocié par un gouvernement qui n'est pas le nôtre, nous ne
négocions pas selon nos intérêts. Je veux vous dire que,
dans un système de pays normal...
M. Toupin: C'est le dernier argument.
M. Lessard: Non, ce n'est pas le dernier argument. Dans l'affaire
du boeuf, nous avons exactement subi les conséquences d'une
négociation du gouvernement fédéral pour les
intérêts des producteurs de l'Ouest, et à rencontre des
intérêts des producteurs de l'Est.
Ce que je veux vous dire, c'est que, lorsqu'on produit, par exemple, 40%
de nos pommes de terre et qu'en retour le marché pour l'ensemble du
Canada, particulièrement le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Ecosse, le
marché d u Québec est à 60% de notre consommation,
à ce moment-là on peut faire des échanges, d'accord, et on
peut spécialiser une agriculture. On peut dire: D'accord, vous allez
conserver notre marché de 60% selon notre production. Si on peut
augmenter notre production, on pourra modifier notre négociation. Mais
si vous conservez notre marché à 60% de notre consommation, les
premiers 40% de notre consommation devront être vendus à nos
consommateurs québécois. Par ailleurs, en retour du marché
de 60% dans le domaine de la patate, vous allez acheter du poulet de gril ou
vous allez acheter autre chose, c'est comme ça que ça se
négocie pour un pays normal. Mais nous, nous ne sommes pas un pays
normal. On n'est pas capable de négocier comme ça. On n'est pas
capable de négocier selon nos intérêts.
Quand on vend des grains de provende en Chine, en retour, on nous vend
du textile et nousn'avons pas de moyen de contrôle, du tout. Ce que je
vous dis, c'est qu'il y a moyen, si on veut se décider un jour ou
l'autre, de faire en sorte que les producteurs québécois soient
assurés au moins de leur marché. Mais on sait que le gouvernement
a fait son nid et il n'y a rien à faire là-dessus.
Maisqu'on n'essaie pas de tenter de fairecroire, comme l'a encore
affirmé le ministre l'autre jour, que le Parti québécois
veut établir des murs de Chine autour du Québec et qu'il n'y a
plus de relations avec les autres, qu'on veut l'auto-approvisionnement
danstouslessecteurs. Non, non. On ne commencera pas à produire de la
banane du jour au lendemain. Il s'agit de prendre conscience que, lorsqu'on est
dans un pays normal, on négocie selon ses intérêts comme
vous négociez vos polices d'assurance, selon vos intérêts
et selon le coût du courtier d'assurance.
M. Toupin: Je suis d'accord sur ça. Le courtier
d'assurance va m'offrir un programme égal à celui qu'il va offrir
à un autre que moi. Ce n'est pas parce que je
suisQuébécois qu'il va me donner des avantages, ce n'est pas
parce que l'autre est Américain qu'il va lui donnerd es avantages. Je
suis bien d'accord sur ça. Sur le problème des
intérêts nationaux, je continue à soutenir ceci dans ce
cadre dans lequel on vit sur le plan de la commercialisation des produits, je
ne veux pas faire de politique en commission parlementaire. L'option politique
du député de Saguenay...
M. Lessard: C'est ça que vous venez de faire.
M. Toupin: ... est la sienne. Ce que je viens de faire, c'est
ceci...
M.Lessard: La vôtre, est-ce une option politique ou une
option sociologique ou théologique?
M. Toupin: Oui, ce que je veux vous dire, c'est ceci: Quand vous
regardez l'histoire...
M. Lessard: C'est théologique ce temps-ci.
M. Toupin: Quand vous regardez l'historique des marchés au
Québec, vous vous rendez compte que vous déplacez des productions
selon les ententes que vous pouvez avoir entre les provinces. Les productions
se déplacent presque par elles-mêmes. L'Ontario produit moins de
lait ; le Québec en produit plus. Les provinces de l'Ouest ont voulu
entrer dans la production du porc et cela n'a pas marché. Elles sortent
tranquillement de cette production et le Québec augmente sa production
porcine.
C'est ainsi pour un certain nombre de productions. Les productions se
déplacent, maison ne peut pas tout faire avec 6,500,000 acres de
terre.
Si on décide de produire 100,000 acres de plus de pommes de
terre, il nous faudra accepter de produire 100,000 acres de moins d'une autre
production. Il faudra accepter cela en même temps. C'est une question de
choix, avec les moyens que nous avons à notre disposition. C'est une
question de choix.
Quand on a 6,000,000 d'acres de terre, on ne peut pas rêver de
produire pour 12,000,000 d'acres de terre. On peut en parler, bien sûr,
je suisd'accord sur cela.On ne peut pas rêver d'en produire plus. ll y a
des faiblesses.
Remarquez bien que je n'essaie pas de vous vendre l'agriculture
québécoise comme étant la
meilleure qui existe; au contraire, il y a de très grosses
faiblessssqu'on essaie de corriger. Le point qu'a soulevé le
député de Montmagny-I'Islet m'apparaît fondamental.
Une politique de revenu pour les agriculteurs aura deux effets: Elle va
augmenter leurs revenus et aura un effet direct sur la production. Il n'y a pas
d'erreur possible. C'est l'équilibre qu'il faut garder. Il ne faudrait
pas se retrouver, dans cinq ans d'ici, avec une surproduction et avec une
bataille de marchés interminable entre les provinces et entre les pays.
Nous ne sommes pas les seuls sur cette terre qui est ronde, même s'il y a
des frontières. Chacun cherche à sauver son marché. C'est
évident.
Le Canada est un pays exportateur, il vit avec l'exportation. Enlevez
l'exportation du Canada, y cornpris le Québec, écoutez... On est
6,000,000 d'habitants pour consommer ce qu'on produit pour
12,000,000d'habitants. On exporte 50% de nos affaires.
M. Lessard: En ce qui me concerne, pour conclure, puisque j'ai
posé la question au ministre, à savoir quelles sont les
productions où on est en surplus par rapport à notre
consommation, est-ce que le ministère de l'Agriculture pourrait me faire
parvenir des données statistiques concernant l'ensemble de notre
production agricole au Québec, par rapport à notre
consommation?
M. Toupin: Vous l'avez dans le petit livre qu'on vous a
donné.
M. Lessard: D'accord. M. le Président, ilest midi. Est-ce
que vous avez un caucus?
Le Président (M. Lafrance): On va être obligé
d'ajourner les travaux. On reprendra où on en est, à
l'élément 4.
M. Toupin: A moins qu'on adopte l'élément 4
immédiatement.
M. Lessard: Non, M. le Président, j'ai des questions sur
la tomate de Manseau.
M. Toupin: Oui, on va en parler.
Le Président (M. Lafrance): La commission ajourne ses
travaux sine die.
(Fin de la séance à 12 h 1)