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Version finale

31st Legislature, 3rd Session
(February 21, 1978 au February 20, 1979)

Tuesday, December 5, 1978 - Vol. 20 N° 208

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude du projet de loi no 90 — Loi sur la protection du territoire agricole


Journal des débats

 

Etude du projet de loi no 90

Onze heures quarante-trois minutes

Le Président (M. Boucher): A l'ordre, messieurs!

La commission permanente de l'agriculture est réunie ce matin pour entendre les mémoires des organismes et des personnes, concernant la Loi sur la protection du territoire agricole.

Les membres de la commission sont: MM. Baril (Arthabaska), Beauséjour (Iberville), Dubois (Huntingdon), Gagnon (Champlain), Garon (Lévis), Giasson (Montmagny-L'Islet), Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), Rancourt (Saint-François), Roy (Beauce-Sud), Vaillancourt (Orford) remplacé par M. Lavoie (Laval).

Les intervenants: MM. Brassard (Lac-Saint-Jean), Charbonneau (Verchères), Chevrette (Joliette-Montcalm), Cordeau (Saint-Hyacinthe), Verreault (Shefford) remplace M. Larivière (Pontiac-Témiscamingue), Mercier (Berthier), Ouellette (Beauce-Nord), Picotte (Maskinongé) et Samson (Rouyn-Noranda).

Conseil régional de développement de Lanaudière (suite)

A l'ajournement d'hier soir, nous avions demandé au Conseil régional de développement de Lanaudière de revenir pour terminer les questions des députés qui voulaient se faire entendre. M. Malo, si vous voulez vous approcher ainsi que MM. Charette et Gaumont.

M. le député de Joliette-Montcalm avait demandé la parole; M. le député de Joliette-Montcalm.

M. Chevrette: Dans un premier temps, je voudrais faire référence, non pas à la lecture de votre mémoire, mais à l'argumentation que vous avez tenue suite à certaines questions de l'Opposition officielle.

Dans votre mémoire, vous vous déclarez en désaccord avec la commission provinciale, en termes de centralisation; vous préconisez, je crois, des commissions régionales. Mais, au niveau de l'argumentation, vous avez manifesté la crainte que les conseils municipaux ne soient pas capables... Je m'excuse, M. le Président, est-ce qu'on pourrait exiger le silence? Merci. Vous aviez manifesté une crainte indiquant que la pression est trop forte sur les conseils municipaux...

M. Picotte: On nous demande de garder le silence, j'aimerais inviter le ministre à en faire autant.

Le Président (M. Boucher): S'il vous plaît!

M. Picotte: Vous n'avez pas entendu votre collègue?

Le Président (M. Boucher): A l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Joliette-Montcalm, si vous voulez poursuivre.

M. Garon: Vous avez votre souffleur habituel, il va commencer à souffler toute la journée; tenez-vous donc tranquille!

M. Saint-Germain: Soyez donc sérieux, il y a des gens ici qui...

Le Président (M. Boucher): A l'ordre! M. le député de Joliette-Montcalm, vous avez la parole.

M. Chevrette: Merci, M. le Président. Donc, je disais que vous aviez manifesté la crainte de voir les conseils municipaux subir trop de pression et ne pas correspondre, en fait, à l'objectif que vous recherchiez, une voix régionale plus anonyme. A partir de là, vous avez ajouté, dans un même souffle, que vous aviez réussi, au niveau régional, à dégager un consensus à la présentation de votre mémoire.

J'ai sous les yeux le communiqué de presse de l'UPA, l'UPA régionale, l'UPA de Joliette qui dit: Que le ministère de l'Agriculture soit responsable de l'application de la loi, qu'un seul organisme provincial soit créé.

Dans un premier temps, je vais vous demander comment vous conciliez le fait que vous affirmiez devant la commission que vous avez réussi à dégager un consensus au niveau régional alors que l'UPA semble favoriser, au niveau local, une seule créature provinciale en fonction de l'administration de la loi.

M. Gaumont: Hier, nous avons soutenu que, sur le plan régional, il fallait absolument qu'il y ait un organisme pour accélérer les choses, mais remarquez que nous avons dit également que la commission nationale était le principal organisme responsable et c'est à cet organisme que la commission régionale référerait les cas dans le sens qu'après en avoir étudié les possibilités, elle ferait une recommandation.

Si la commission régionale ne fait pas de recommandation à la commission nationale, cela n'ira pas plus loin, exactement comme il est prévu dans le projet de loi que si la municipalité ne donne pas le consentement de poursuivre, cela ne va pas plus loin, à moins que les individus ou les organismes ne s'adressent directement à la commission nationale.

M. Chevrette: D'après vos propos...

M. Charette: Je voudrais compléter là-dessus.

M. Chevrette: Oui.

M. Charette: Je vous inviterais à lire attentivement le mémoire que l'UPA régionale va vous

présenter et je pense qu'elle aussi a évolué au niveau de sa définition d'intervention de la commission. Je pense que cela sera légèrement modifié du communiqué que vous avez déjà.

M. Chevrette: Mais, même dans l'argumentation au niveau du mémoire ou suite à vos réponses à des questions posées par l'Opposition, il semble que le premier souci du CRD est d'abord d'être consulté. Est-ce que j'interprète vos propos correctement?

M. Gaumont: Que les éléments du milieu soient consultés. Les CRD, ce sont des organismes de concertation. Si les organismes de concertation ont réussi à faire asseoir à la même table des gens de l'UPA, des gens des conseils municipaux pour discuter du zonage, d'aménagement et de protection des terres, je crois que le travail qu'ils ont fait est réellement valable.

M. Charette: Je pense, M. le député, que c'est plus que consulter, c'est participer en région à l'évaluation des demandes d'amendements qui sont faites dans le milieu. Dans ce sens, c'est plus qu'une consultation, c'est plus qu'une filière de décision qui va de la région au provincial.

M. Chevrette: Vous défendiez le fait que le conseil de comté serait plus apte à siéger d'une façon paritaire avec l'UPA pour décider de faire des recommandations précises à la commission.

M. Charette: Je pense qu'il y avait deux groupes majeurs en région qui sont intéressés par ce projet, ce sont l'Union des conseils de comté ou les comtés ou les municipalités et les gens de l'UPA, et le bout de chemin qu'ils ont fait, c'est de se rendre compte que ni l'un ni l'autre des groupes n'est apte à décider tout seul de ce qui devrait être pour le territoire agricole.

M. Chevrette: Au niveau du comité paritaire ou de la commission paritaire régionale que vous préconisez, vous ne faites pas confiance aux conseils municipaux pour intervenir d'une façon directe, vous préférez une structure supérieure, qui est le conseil de comté. Je vais vous poser un problème concret. Chaque municipalité aura à établir son propre plan. Pensez-vous que les maires qui siègent au conseil de comté vont aller se contredire au niveau de cette structure-là, après avoir pris des votes dans leur propre milieu, après avoir décidé, chacun dans leur propre municipalité ou localité, tel plan? Pensez-vous que les gens vont se contredire? Est-ce que vous ne croyez pas qu'il arriveront là liés, qu'ils seront mandatés pour aller parler au niveau du conseil de comté et non plus libres de décider quoi que ce soit?

M. Charette: Je pense qu'il y a deux phases dans l'élaboration d'une loi comme celle-là au niveau du plan provisoire. D'une part, il y a justement le niveau du plan provisoire, où les municipalités vont être appelées avec la commission provinciale pour déterminer plus spécifiquement, dans chacune des municipalités, le territoire arrêté pour l'agriculture. C'est bien tant mieux si, après cela, après le décret de zonage agricole, les municipalités représentées au sein de la commission peuvent garder la ligne de pensée qui a été élaborée avec la commission provinciale face au zonage de leur propre victoire, mais les besoins étant toujours à combler et comme il y a toujours une évolution en termes d'affectation des sols, il ne faut pas dire qu'il n'y aura aucun changement qui va se faire à l'avenir au niveau des périmètres zonés pour l'agriculture. Même si, à un moment donné, avec un échange entre une commission et une municipalité, on avait trouvé valable de zoner certains périmètres pour l'agriculture, il n'est pas dit que, dans dix ans ou dans quinze ans, ces mêmes périmètres vont demeurer encore totalement à l'agriculture.

M. Chevrette: A une question du député de Montmagny-L'Islet, vous disiez: Ce qu'on craint, c'est que, dans une municipalité donnée, un conseil plus ou moins intéressé va placer, sur un placard, un petit bout de papier et personne ne saura où et quand intervenir, parce qu'on ne l'aura pas vu. Je ne sais pas si vous vous rappelez avoir répondu ça, hier, au député de Montmagny-L'Islet.

En vertu de l'article 35 du projet de loi sur la protection des sols arables, vous avez l'autorisation, le droit d'intervenir en tout temps; toute personne intéressée, selon ce qu'il est dit. Votre crainte, c'est que vous ne soyez pas informé du moment où vous pouvez intervenir; est-ce que je me trompe?

M. Gaumont: Est-ce que cet article de la loi 35 fait référence à l'évolution du projet de loi, une fois adoptée, aux limites territoriales et au zonage agricole fixé ou si ça fait référence à plus tard?

M. Chevrette: C'est suite au dépôt du plan provisoire. Si vous regardez le deuxième paragraphe, "cet avis indique la date du dépôt du plan provisoire et le nom de la corporation municipale visée. Il mentionne de plus que le plan peut être consulté au bureau de chacune de ces corporations municipales et au bureau de la commission et que toute personne peut faire des représentations écrites à la corporation municipale visée en en transmettant une copie à la commission".

M. Gaumont: D'accord. Dans notre vision des faits, nous prévoyons la commission régionale après cette phase. Au moment où les municipalités sont assises avec la commission nationale pour fixer les zones, le plan ou le travail de la commission régionale verra à faire faire ou à ne pas faire faire les modifications. C'est sur ce plan que nous nous plaçons.

M. Garon: Qu'est-ce que vous faites là-dedans de l'autonomie des municipalités?

M. Gaumont: On protège l'autonomie des municipalités parce que, à ce moment-là, ce sont les conseils de comté. Vous savez que dans les municipalités, les conseils de comté ont une voix importante parce que les gens qui font partie des conseils de comté sont des représentants mêmes des municipalités.

L'intention du gouvernement est de donner plus de pouvoirs aux conseils de comté.

M. Garon: Si vous donnez des pouvoirs à quelqu'un, vous en enlevez à d'autres. Vous ne pouvez pas donner des pouvoirs à tout le monde. Si vous enlevez des pouvoirs à l'un, c'est parce que vous en donnez à d'autres. Vous en enlevez à un et vous en donnez à d'autres.

Les pouvoirs que vous voulez donner aux conseils de comté, vous allez les enlever aux municipalités.

M. Charette: M. le ministre, à ce niveau-là, on l'a dit tantôt, je pense. Sans parler d'autonomie municipale, on disait qu'en région, il y avait deux groupes majeurs qui intervenaient dans la protection du territoire agricole. Ils avaient leur mot à dire. Le principe qui nous guide là-dedans, c'est de dire qu'il faut qu'au niveau régional, il y ait des décisions à prendre par ces corps intermédiaires que sont les municipalités et l'Union des producteurs agricoles, sans plus.

M. Garon: Pour respecter davantage l'autonomie des municipalités, c'est l'article 35, si vous le lisez comme il le faut. On dit: Le débat doit se faire au niveau de la municipalité et toute personne qui voudrait intervenir interviendra là. Au lieu de vider la municipalité de son pouvoir, on dit: Si le conseil de comté veut dire quelque chose au niveau de la région, du comté, il ira le dire au niveau de la municipalité, ou au niveau où les gens sont directement concernés.

On pense qu'à ce moment-là, on respecte davantage l'individu. Au niveau municipal, les gens sont habitués de transiger, de fonctionner. Il ne faut pas se conter des histoires. Les conseils de comté, actuellement, ne font pas grand-chose au Québec. Ils ont un rôle à jouer. Si on compare avec le rôle que jouent les municipalités, les pouvoirs sont dans les mains des municipalités actuellement. Est-ce qu'on va enlever des pouvoirs aux municipalités et les donner aux conseils de comté?

Je ne sais pas ce que vous en pensez. Nous, on a pensé fonctionner avec ce qui existait, avec les municipalités existantes. A ce moment-là, que les représentations se fassent au niveau de la municipalité.

M. Charette: On ne parle pas de conseils de comté, on parle de commissions régionales, d'une part. Et ce que vous nous expliquez comme mécanique d'approche, c'est une mécanique qui existe actuellement au niveau des plans provisoires qui sont déposés. Nous vous parlons d'une commission qui vient après le décret de région agricole ou de zone agricole.

Le Président (M. Boucher): Y a-t-il d'autres intervenants? M. le ministre.

M. Garon: Je voudrais vous remercier infiniment d'être venus nous rencontrer et du temps que vous avez mis... On vous a peut-être fait passer une nuit à Québec, ce qui n'était pas prévu dans votre horaire. Je vous remercie infiniment de la préoccupation que vous avez pour la protection des terres agricoles.

Le Président (M. Boucher): Au nom de tous les membres de la commission, je remercie M. Gaumont ainsi que M. Charette. J'appellerais maintenant l'Union des conseils de comté, représentée par MM. Viau, Delisle et Massey, avocats. Si vous voulez prendre place au centre, s'il vous plaît. Mémoire no 1-M. Si vous voulez vous identifier et identifier ceux qui vous accompagnent, s'il vous plaît. (12 heures)

Union des conseils de comté

M. Moreau (Jean-Marie): M. le Président, mon nom est Jean-Marie Moreau. Je suis président de l'Union des conseils de comté du Québec. Je désire remercier le gouvernement d'avoir tenu cette commission parlementaire sur le projet de loi 90 et de nous avoir permis de nous faire entendre.

Sans plus tarder, je vais procéder à la lecture du mémoire qui a été préparé par l'Union des conseils de comté du Québec.

Le Président (M. Boucher): M. Moreau, pour-riez-vous présenter les gens qui vous accompagnent, s'il vous plaît?

M. Moreau: Me Pierre Viau et Me Jean Massey. Le mémoire se lit comme suit: Le 9 novembre 1978, M. Jean Garon, ministre de l'Agriculture, déposait devant l'Assemblée nationale le projet de loi no 90, Loi sur la protection du territoire agricole.

L'union entend faire les commentaires suivants:

Depuis plusieurs années, l'Union des conseils de comté du Québec a insisté auprès des gouvernements pour que le Québec soit doté d'une législation en matière d'aménagement du territoire et de protection des sols agricoles. C'est ainsi qu'à son congrès de 1976, dont le thème était l'aménagement du territoire, l'UCCQ a adopté la résolution suivante: "Que la législation relative à l'urbanisme et à l'aménagement du territoire contienne des dispositions traitant du zonage agricole et de la protection des terres arables".

Il n'est donc pas question pour nous de contester l'à-propos de mesures visant à protéger les sols arables, mais nous avons toujours cru et nous croyons encore que ce sujet doit être discuté et résolu dans un contexte plus global, d'une part, et dénué, d'autre part, de toute urgence préfabriquée à des fins politiques.

Commentaires sur certains aspects municipaux. Pour un aménagement du territoire global et

rationnel. La protection des sols arables fait partie intégrante d'une politique d'aménagement du territoire. Le zonage est une technique pour la mise en oeuvre d'une partie de cette politique. Il ne faut pas confondre les deux sous peine de méprise grave dont les conséquences peuvent peser lourd sur l'avenir du Québec.

L'agriculture est un secteur de l'activité humaine tout comme l'industrie manufacturière, la construction de routes ou d'immeubles et ainsi de suite.

La protection du sol arable au moyen d'une loi de zonage agricole de la nature proposée par le projet de loi numéro 90 est, à n'en pas douter, un aménagement sectoriel du territoire qu'il faut absolument condamner en soi.

L'aménagement du territoire est la planification et l'organisation d'un espace. Cette planification, si elle doit tenir compte de tous les aspects de l'activité humaine, ne peut pas, a priori, en privilégier un au détriment des autres.

Lé Québec, par sa composition géographique et la nature de ses sols, joint au fait historique que sa population s'est depuis toujours fixée sur les rives de cours d'eau et donc dans les plaines où les sols sont les meilleurs, nécessitait et nécessite encore un aménagement de la campagne.

Mais aménager la campagne n'est pas nécessairement synonyme de zoner uniquement les sols agricoles: ce n'est là qu'un des moyens, lequel, sans être absolument mauvais, n'est pas nécessairement le meilleur. Il faut admettre que l'Etat, ses organismes et autres corps publics ont, par le passé, posé des actes qui ne sont pas des exemples de clairvoyance en aménagement. Par contre, c'est avec grande satisfaction que nous avons assisté, il y a deux ans, à la création d'un quasi-ministère de l'aménagement.

A la conférence Québec-municipalités, de juin 1978, qui était l'aboutissement de quelques mois d'étude, de recherche et de consultations, le ministre d'Etat à l'aménagement lançait l'opération aménagement du territoire et décentralisation en ces termes: "Ce n'est pas de Québec que doit se faire l'aménagement." (La revalorisation du pouvoir municipal, décentralisation, avant-propos, page 5, juin 1978).

Le projet de loi numéro 90, à l'encontre des promesses de décentralisation. En effet, quelques mois à peine après son arrivée au pouvoir, l'actuel gouvernement, par des voies ministérielles, annonçait au peuple québécois son intention de mettre fin à l'absence de coordination entre les différents ministères. Il proposait aussi un profond mouvement de décentralisation au profit de l'autonomie des gouvernements locaux dont le premier sujet de réalisation serait l'aménagement du territoire.

En toute bonne foi, au prix de multiples efforts humains et de coûts élevés, nous avons participé, avec les représentants de l'actuel gouvernement et des villes, à une consultation fondamentale au sein de comités appropriés, en vue d'élaborer une politique d'aménagement du territoire dans le cadre d'une essentielle décentralisation au profit des instances locales et régionales.

Nous devons dire maintenant que ces efforts soutenus nous paraissent avoir bien peu pesé dans l'élaboration du projet de loi no 90. Il n'en faut pas douter, certaines modalités de ce projet de loi constituent un menaçant recul pour le monde municipal. Ce projet de loi, non seulement méprise l'autorité locale et ignore l'instance régionale, mais il centralise d'une façon honteuse plusieurs pouvoirs et prérogatives des instances locales et régionales au profit de technocrates et d'agents de l'Etat qui, jouissant d'une immunité exorbitante, décideront encore du sort des Québécois, sans avoir à répondre de leurs décisions devant l'électorat, ce qui, à toutes fins pratiques, laisse planer la menace d'une mainmise totale du ministère de l'Agriculture sur la vie économique dapproximativement 1000 municipalités au Québec.

Le projet de loi no 90 compromet la réforme de la fiscalité. Les études et les recherches commencées en matière de décentralisation administrative ayant vite fait de faire ressortir le problème majeur que constitue actuellement la fiscalité municipale, c'est aussi à cette même conférence Québec-municipalités que fut officiellement mise en branle une vaste campagne de consultation en vue de réformer la fiscalité actuelle des municipalités et de revaloriser le pouvoir municipal.

La réponse du monde municipal a été unanime; peut-être pas dans les modalités, mais immédiatement dans sa participation. Des comités d'étude ont été mis sur pied et, ici encore, de nombreuses heures de travail ont été consacrées, tout au cours de l'été et de l'automne, afin d'en arriver à un consensus sur cette question épineuse. Il est certain que ce projet de loi affectera le champ de taxation de plusieurs municipalités en apportant des modifications aux valeurs foncières.

Ce projet de loi devrait prévoir des compensations aux municipalités qui seront affectées. Par exemple, les municipalités devraient être remboursées de la différence entre les taxes perçues en vertu de l'article 21 et celles perçues sur la valeur réelle. Il va sans dire que cette valeur réelle tendra à rejoindre la valeur marchande agricole, après l'entrée en vigueur du projet de loi.

Le projet de loi no 90 et la démocratie municipale. Le projet de loi no 90 ampute la démocratie municipale et contient des éléments dangereux pour l'avenir en confiant des pouvoirs exercés démocratiquement par les municipalités à une commission qui n'aurait pas à répondre de ses actes devant les citoyens.

De plus, ce projet de loi favorise une trop grande centralisation au gouvernement. Non seulement le gouvernement peut exclure un lot d'une zone agricole pour les fins d'un ministère ou d'un organisme public — article 86 — non seulement le gouvernement se donne-t-il le pouvoir discrétionnaire de presque tout décider par règlement — article 80 — mais encore, il se protège par une clause parapluie, le mettant à l'abri de toute poursuite.

L'esprit qui anime le gouvernement est formalisé dans l'article 96 du projet de loi no 90. Le

gouvernement peut, par avis écrit à la commission, soustraire une affaire à sa juridiction. Le gouvernement est alors saisi de l'affaire avec les mêmes pouvoirs que la commission.

Cet article est dangereux. Il permet au gouvernement de rendre caduque la Commission de protection du territoire agricole du Québec en la vidant de ses dossiers et en s'arrogeant ses pouvoirs et, par ricochet, ceux des municipalités.

En conséquence, le gouvernement pourra, en tout temps contrôler de façon absolue et sans appel les territoires zonés agricoles.

Suggestions de modifications. Sans entrer, à ce moment-ci, dans l'étude du projet de loi, article par article, nous entendons faire maintenant quelques recommandations, lesquelles seraient de nature à rendre plus acceptable le projet de loi no 90.

La commission parlementaire devrait être ajournée quand ses travaux seront terminés, à l'instar du comité conjoint sur la fiscalité et du comité conjoint en aménagement de décentralisation, lesquels ont été animés respectivement par les ministres des Finances, des Affaires municipales et celui délégué à l'aménagement du territoire. Un comité conjoint devrait être aussitôt formé pour reformuler le projet de loi no 90. A ce comité présidé par le ministre de l'Agriculture, devraient siéger des représentants du ministère des Affaires municipales, du ministre délégué à l'aménagement du territoire, de l'Union des producteurs agricoles, de l'Union des municipalités du Québec et de l'Union des conseils de comté du Québec.

Dans les 60 jours de l'entrée en vigueur de la loi, chaque comté municipal aurait l'obligation de créer et mettre sur pied, par règlement, une commission de protection du territoire agricole de comté, présidée d'office par le préfet et constituée de cinq membres, le délégué de la municipalité demandant une approbation ou une modification du zonage agricole, un représentant de l'Union des producteurs agricoles de la région, un fonctionnaire du ministère de l'Agriculture du Québec, deux autres personnes à déterminer.

La municipalité requérante ou tout intéressé pourrait en appeler de la décision à la Commission de protection du territoire agricole du Québec. Afin de protéger les sols arables dans l'ensemble du territoire québécois, obligation serait faite à toutes les municipalités impliquées dans ce territoire de procéder dans un délai raisonnable à l'établissement par voie de règlement d'un périmètre d'urbanisation à moyen terme avec avis de la commission de protection du territoire agricole de comté. Toute municipalité pourrait déléguer à la corporation de comté son pouvoir en cette matière pour les fins de délimitation de ce périmètre. A défaut par une municipalité de procéder à l'établissement de ce périmètre d'urbanisation, le plan provisoire identifiant l'aire retenue comme zone agricole devient définitif.

Tout le territoire agricole désigné et non inclus dans les périmètres d'urbanisation adoptés par règlement ou décrétés par ordonnance serait sous la juridiction de la Commission de protection du territoire agricole du Québec. Un droit d'appel des décisions de la Commission de protection du territoire agricole du Québec devrait être institué devant la Commission municipale du Québec. La clause privative contenue à l'article 17 du projet de loi numéro 90 devrait profiter également à chaque commission de protection du territoire agricole de comté.

Le texte de l'article 19 devrait être modifié en reconnaissant à la commission le pouvoir de faire des enquêtes publiques nécessaires à l'exercice de ses fonctions; les paragraphes 2, 3 et 4 de cet article devraient être biffés.

Tout décret du gouvernement devrait être assujetti au droit d'une municipalité, d'un conseil de comté, ou d'une communauté urbaine ou régionale, de demander que ce décret soit soumis à l'Assemblée nationale et à l'étude d'une commission parlementaire le cas échéant, tout comme s'il s'agissait d'une loi.

L'article 27 devrait couvrir tous les boisés se trouvant dans le territoire soumis à la juridiction de la Commission de protection du territoire agricole du Québec, toute autre utilisation devrait requérir un permis de la commission de protection du territoire agricole de comté.

La décision du gouvernement d'exclure un lot d'une zone agricole pour fins d'un ministère ou d'un organisme public (article 66) devrait requérir l'obtention d'un permis municipal, lui-même assujetti à l'approbation de la commission de protection du territoire agricole du comté.

L'article 93 devrait être modifié pour que les amendes perçues soient versées à la municipalité ayant intenté la poursuite.

L'article 96 du projet de loi devrait être biffé complètement; le remplacer par l'obligation faite au gouvernement et à ses organismes de respecter les règlements municipaux de zonage déjà en vigueur.

Dans la perspective de la modification de l'article 21a de la Loi de l'évaluation foncière, prévoir que des en-lieux de taxes seraient payés à la municipalité par le ministère de l'Agriculture du Québec.

En conclusion, nous venons de vivre une grande expérience. Maintenant que le dossier de la fiscalité, entrepris en juin 1978, est presque terminé, nous pouvons dire que, pour la première fois, un gouvernement consultait réellement le monde municipal avant de réaliser une réforme. Le résultat est intéressant à plusieurs points de vue. D'une part, cette réforme, étant également celle des municipalités, sera réalisée beaucoup plus facilement; d'autre part, le gouvernement et son ministre des Finances en sortent grandis aux yeux de tous ceux qui ont suivi le débat et participé à la consultation. Nous avons dès lors pensée que tous les dossiers seraient traités de la même façon.

Nous collaborons actuellement à une autre consultation qui avance à grands pas. En effet, le dossier de la décentralisation et de l'aménagement du territoire est étudié par deux comités, l'un

technique et l'autre avec la participation appréciée de deux ministres, celui des Affaires municipales et celui de l'aménagement. Les travaux sont à ce point avancés que l'on peut déjà croire au succès de l'entreprise. (12 h 15)

Nous avons été quelque peu pris par surprise avec le dossier du zonage des terres arables. Nous nous attendions à être consultés au préalable et nous avions de bonnes raisons de croire que cette question allait être débattue dans son véritable contexte, soit celui de l'aménagement du territoire.

Nous disons au ministre de l'Agriculture que nos représentations n'ont pour but que de continuer dans le sens d'une étroite collaboration avec le gouvernement, ce qui, tout en facilitant l'application des lois, conserverait aux municipalités leur juridiction et réaliserait déjà une étape dans la voie de la décentralisation si souvent vantée et promise.

M. le Président, je vous remercie.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. Moreau. M. le ministre.

M. Garon: Je vous remercie d'avoir présenté le mémoire au nom de l'Union des conseils de comté. Il y a une chose que j'aimerais dire, quand vous dites que vous vous attendiez à être consulté au préalable, je pense qu'il y a eu un appel, au mois d'août, à tous les organismes et cela a été votre décision de ne pas présenter de mémoire au cours de la tournée de consultation en septembre. Il ne faudrait pas nous reprocher le fait que vous n'ayez pas présenté de mémoire, c'est vous qui avez décidé de ne pas en présenter, ce n'est pas moi. Nous avons fait la même demande à l'Union des conseils de comté, comme aux autres.

Vous parlez, à la page 2, de l'urgence de protéger les terres qui est une urgence préfabriquée à des fins politiques. Dans votre esprit, vous croyez maintenant qu'il n'y a pas urgence de protéger les terres agricoles. Est-ce exact?

M. Moreau: M. le Président, je voudrais répondre à la première question de M. le ministre, pour ce qui concerne la présentation de mémoire. L'Union des conseils de comté a présenté un mémoire en mars 1978 au premier ministre du Québec qui nous a donné un accusé de réception. Aussitôt qu'il a été question du zonage des terres, quand on a commencé à entendre dire qu'il y aurait consultation au niveau des différents organismes du Québec et de la population sur le zonage des terres, nous avons fait parvenir au ministère de l'Agriculture 100 copies de ce mémoire qui avait été envoyé au premier ministre au mois de mars. Cela faisait partie d'un mémoire provisoire, parce qu'à ce moment-là, le projet de loi n'était pas encore connu.

Je pense qu'il est pas mal difficile de se prononcer, M. le Président, sur un projet de loi qu'on ne connaît pas. Ce mémoire-ci, précisément, est le mémoire de l'Union des conseils de comté, une fois que nous avons pris connaissance du projet de loi.

Maintenant, quant à la deuxième question, il est bien entendu que nous sommes absolument d'accord. D'ailleurs, on le mentionne à la première page de notre mémoire présenté au congrès de 1976. Je vais relire, pour bien clarifier: "Que la législation relative à l'urbanisme et à l'aménagement du territoire contienne des dispositions traitant du zonage agricole et de la protection des terres arables." Il n'est pas question, pour ce qui nous concerne, que l'Union des conseils de comté ne soit pas d'accord avec une juste utilisation des sols et une utilisation rationnelle. Je pense qu'on aurait pu, aussi facilement, avec la création d'un comité conjoint qui, à mon sens, aurait eu sa raison d'être très particulière, geler la vente des terres arables le temps que ce comité aurait travaillé.

M. Garon: Alors, quand vous dites...

M. Moreau: Depuis 1970, il y a eu passablement de coulage des terres arables. Ce n'est pas un mois de plus qui aurait changé grand-chose.

M. Garon: Pendant les deux années que j'ai été ministre de l'Agriculture avant de déposer la loi, presque toutes les semaines je me faisais assaillir de demandes sur l'urgence de protéger les terres. Cela m'a semblé être une demande à peu près universelle au Québec.

Je suis étonné de voir que vous dites: "Dénuée de toute urgence préfabriquée à des fins politiques" dans votre texte.

M. Moreau: On peut l'interpréter comme on le veut, M. le Président.

M. Garon: Je le lis mot à mot.

M. Moreau: Quand on parle d'urgence, M. le Président, il y a toutes sortes d'urgences. On peut l'interpréter de la façon qu'on veut. On le dit là. Je pense que cela fait partie du texte.

M. Garon: Cela veut dire, à ce moment-là, qu'il n'y a pas urgence à protéger les terres, qu'on préfabrique une urgence à protéger les terres qui n'existe pas. C'est ce que vous voulez dire?

M. Moreau: II n'y a personne qui conteste l'urgence de protéger les terres.

M. Garon: Je vois cela dans votre texte.

M. Moreau: On vous dit que si on tient compte de ces urgences, nous sommes prêts, dans les délais les plus courts, à étudier cette question, tous ceux qui sont intéressés.

M. Garon: C'est très important parce que d'une part, si vous voulez avoir la responsabilité de protéger les terres et qu'en même temps, vous n'en voyez pas l'urgence...

M. Moreau: Je n'ai pas dit que je n'en voyais pas l'urgence.

M. Garon: C'est ce que je lis.

M. Moreau: On l'a dit en 1976 que c'était important. Cela ne se conteste pas. On parlait de cela en 1976. Cela n'était pas urgent depuis 1976.

M. Garon: Est-ce que c'est urgent ou si cela ne l'est pas?

M. Moreau: On n'a pas dit que ce n'était pas urgent. On a dit que c'était urgent, on en a parlé en 1976.

On parle des formules. Cela ne change pas l'urgence ou la non-urgence.

M. Garon: C'est cela que vous avez écrit. M. Chevrette: C'est une présomption de quoi?

M. Garon: Je vais vous poser une question, M. Moreau. Dans le schéma d'aménagement, il y a un exemple au Québec, dans la Communauté régionale de l'Outaouais. Cela a été publié en juin 1977. C'est tout récent. Il est dit, à la page 262: "Une réglementation aussi stricte permettant que l'agriculture, dans le territoire agricole, ne peut constituer qu'un aspect d'une politique générale de protection des terres arables et de relance de l'industrie agricole. Cette politique d'ensemble, qui relève des gouvernements supérieurs, est depuis longtemps promise, mais toujours attendue. En l'absence de ce complément, le zonage agricole ne va pas sans difficulté et se heurte à plusieurs objections de la part des cultivateurs et des organismes intéressés à l'économie agricole".

Vous arrivez à la page suivante. Les gens qui ont fait le schéma d'aménagement du territoire de la Communauté régionale de l'Outaouais étaient dans le dilemme entre protéger 108 000 acres, soit la superficie identifiée dans l'inventaire des terres du ministère de l'Agriculture du Québec, basé sur l'inventaire des terres du Canada, qui étaient propices à l'agriculture, qui devraient être protégées et que réclamaient les organismes agricoles régionaux. Et eux ont dit: On a protégé 75 000 acres, mais 60 000 qui ont vraiment un bon sol. 60 000 acres par rapport à 108 000. Donc, au niveau local, il y avait des organismes qui voulaient en protéger 60 000 et il y a d'autres organismes agricoles ou para-agricoles qui voulaient en protéger 108 000. Entre ces deux écarts, 108 000 acres de bon sol à protéger que veulent les organismes agricoles et 60 000 acres que veulent les autres organismes, qui devrait trancher?

M. Moreau: M. le Président, je n'ai pas le document auquel fait allusion, M. le ministre. Je pense que cette question devrait obtenir réponse de ceux qui étaient concernés, les gens de l'Outaouais. Nous, on parle de l'ensemble du territoire québécois et aussi des territoires qui sont désignés présentement.

La question qui m'est posée, je ne m'aventurerai pas sur les plans techniques d'un document que je ne possède pas.

M. Garon: On va changer d'exemple.

M. Moreau: Mais je dirai tout simplement, M. le Président, que cette réponse devrait être faite par les gens de l'Outaouais, ceux qui sont concernés.

M. Garon: Supposons que nous sommes dans le comté de Verchères, vous le connaissez mieux. Les organismes agricoles, les cultivateurs, le ministère de l'Agriculture, selon l'inventaire des terres du Canada, qui a été retravaillé par le ministère de l'Agriculture du Québec, disent qu'il y a 110 000 acres de bonne terre agricole. Les organismes municipaux, les organismes de développement ou d'autres organismes veulent protéger 60 000 acres par rapport aux organismes agricoles et para-agricoles, à l'industrie alimentaire, etc., qui veulent 110 000 acres. Qui va trancher entre les deux pour savoir si on doit protéger 110 000 ou 60 000 acres?

M. Moreau: M. le Président, quand le conseil de comté de Lévis, si vous voulez — je ne prendrai pas celui de Verchères, je vais prendre celui de Lévis — ...

M. Garon: On peut prendre l'exemple dans Lévis.

M. Moreau: Ce sont deux beaux comtés. M. Garon: Ah oui!

M. Moreau: Quand le conseil de comté ou les municipalités...

M. Garon: ... parce que Madeleine de Verchères a gagné contre les indiens et Lévis a gagné contre les Anglais.

M. Moreau: Oui. Quand les municipalités ou le comté... Le rôle de ces organismes, c'est bien entendu que le relevé des terres agricoles pourrait se faire de la même façon que c'est fait présentement, ce n'est pas cela qu'on conteste. On conteste le fait qu'une fois ceci accompli, le pouvoir des municipalités est sapé par en haut. Ce qui me surprend, c'est qu'il faut toujours fonctionner à partir du gouvernement local jusqu'en haut et de façon démocratique. La question des terres, à un moment donné, est le bébé du ministère de l'Agriculture; que le ministère de l'Agriculture envoie à chaque municipalité du Québec une carte qui vient démontrer le territoire agricole avec un droit de juridiction de la commission, mais que les pouvoirs d'administration restent entre les mains des municipalités.

M. Garon: Regardez, M. Moreau. On s'est dit, dans notre projet de loi...

M. Moreau: Je ne conteste pas ce que vous dites là.

M. Garon: ... que, quand la municipalité et la commission s'entendent, il n'y a pas de problème. Elles s'entendent sur la même chose: protéger les mêmes terres. Il n'y a pas de problème. Tout le monde s'entend, cela marche. Il faut décider des cas où il y a des problèmes. Quand elles ne s'entendent pas, qu'est-ce qui arrive? Quand elles s'entendent, djiguidou! ils veulent tous la même chose, les cultivateurs, la municipalité, la commission, tout le monde veut la même chose. Oublions ces cas-là. La commission discute avec la municipalité et elles s'entendent, quel que soit l'intervenant — cela peut être la municipalité, le conseil de comté — entre ce que le monde agricole veut réserver à l'agriculture et ce que l'agro-alimentaire veut réserver à l'agriculture dans un comté ou dans une municipalité et ce que la municipalité ou le comté veut réserver à l'agriculture. C'est l'exemple concret, il y a eu un schéma d'aménagement dans le Québec jusqu'à maintenant, il y en a eu seulement un, dans l'Outaouais, il y en a un qui dit 108 000 acres et l'autre dit 60 000, qui doit décider si cela doit être 110 000, 108 000 ou 60 000?

M. Moreau: II est bien entendu que s'il n'y a pas une entente au niveau des comtés, au niveau de la commission régionale qui sera formée, on est d'accord qu'à ce moment-là la commission puisse trancher la question. Qu'on fasse cela au niveau d'un comté ou qu'on fasse cela au niveau de l'Etat, nous croyons aussi que la commission devrait être regardée par la Commission municipale aussi, parce que les municipalités rurales particulièrement sont nécessairement affectées par le zonage des terres d'une façon très considérable, dans leur juridiction même. Je pense que c'est essentiel qu'à un moment donné il faille qu'il y ait une autorité supérieure, la commission, qui, s'il n'y a pas d'entente au niveau des municipalités et du comté, pourra décider. On n'a pas contesté cela. Si vous lisez le document comme il faut, c'est ce que cela dit.

Il est bien entendu qu'on peut ajouter... Si on tenait pour acquis qu'il y ait un comité conjoint de formé, on ne prétend pas que c'est gelé dans le ciment, ce qu'on a dit ce matin, mais ce qu'on pense, c'est qu'il devrait y avoir un comité conjoint où le gouvernement serait représenté largement, où les municipalités et le monde agricole seraient aussi représentés. A mon sens, je pense bien qu'on aurait une chaussure qui ferait peut-être passablement mieux aux Québécois que ce qu'on est en train de nous passer.

M. Garon: On a pris la chaussure la plus proche possible du citoyen, on a pris la municipalité.

M. Moreau: C'est ce que votre gouvernement dit, M. le ministre, depuis 1976.

M. Garon: Oui.

M. Moreau: On est d'accord avec cela. On est d'accord.

M. Garon: Je vais vous poser...

M. Moreau: Quand on parle de décentralisation de pouvoirs, ce n'est pas cela que cela dit, cela centralise les pouvoirs de façon exagérée. (12 h 30)

M. Garon: Vous venez de dire la même chose que moi, à moins que j'aie mal compris. J'ai dit que la municipalité et la commission discutent ensemble. Cela pourrait être le comté, remarquez bien, cela pourrait être le comté ou la municipalité. S'ils s'entendent, il n'y a pas de problème. S'ils ne s'entendent pas, cela veut dire que la commission nationale devrait décider. C'est ce qu'on dit.

M. Moreau: C'est pas mal différent. M. Garon: Pardon?

M. Moreau: C'est pas mal différent. A un moment donné, quand on délimite un territoire, que ce soit agricole, que ce soit résidentiel ou que ce soit industriel, si on veut le faire régionalement — l'aménagement, c'est cela — ce sont les municipalités avec le gouvernement régional, si vous voulez, le conseil de comté ou un autre organisme régional, qui délibèrent et qui, démocratiquement, autour d'une table, comme on le fait aujourd'hui, essaient de se mettre d'accord. Si, à un moment donné, en fin de compte, personne n'est d'accord, je suis d'accord pour qu'à ce moment, la commission tranche. C'est cela. Et aussi l'obligation de protéger les terres agricoles.

M. Garon: Dans le fond, si on regarde cela...

M. Moreau: Que cela passe par la commission de comté.

M. Garon: Pardon? Je n'ai pas compris.

M. Moreau: J'ai dit que cela passe par la commission de comté au début, au préalable.

M. Garon: Vous ne trouvez pas que cela fait bien des chiffres...

M. Moreau: C'est-à-dire que les municipalités — c'est une question que vous posez — devraient déléguer les pouvoirs régionaux, quand on parle d'aménagement. On s'entend avec le ministère d'Etat à l'environnement pour dire que l'aménagement se fait régionalement. Alors, on est entièrement d'accord pour qu'à ce niveau, ce soient les municipalités qui délèguent les pouvoirs aux comtés. Si on ne s'entend pas aux comtés, à ce moment, la régie tranchera la question. On n'a pas d'objection à cela. Il va falloir que quelqu'un tranche la question.

M. Garon: Nous, on a procédé de la façon inverse. On a dit...

M. Moreau: C'est cela. C'est une autre affaire!

M. Garon: On a dit: On va discuter avec la municipalité. Si le conseil de comté veut faire des représentations au nivau de la municipalité, il n'y a pas de problème. Lors de notre tournée en septembre, on a ajouté cet article pour dire: Tous les organismes qui veulent faire des représentations au niveau de la municipalité le peuvent, cela peut être le conseil de comté, cela peut être l'Union des producteurs agricoles, cela peut être les CRD, tous les organismes qui veulent faire des représentations; on l'a dit. Le point de discussion, le centre de discussion va au niveau de la municipalité. Pourquoi? Parce qu'il fallait tenir compte des conseils de comté. En faisant une loi comme cela, on ne peut pas commencer à changer toutes les structures municipales. J'ai pris les structures municipales telles qu'elles existaient. On dit: Le forum municipal actuellement, c'est la municipalité. Le conseil de comté vient jouer un autre rôle. S'il a des pouvoirs plus grands plus tard, c'est une autre affaire. Je ne suis pas contre cela. Il faut prendre la structure municipale telle qu'elle est. Je l'ai dit, à ce moment, notre interlocuteur, c'est la municipalité. Maintenant, si le conseil de comté veut jouer un rôle et veut s'impliquer... parce que les conseils de comté ne jouent pas le même rôle partout dans l'ensemble du Québec. Dans certains endroits, par exemple, si on veut partager les terres, vous ne touchez pas les villes. Il y a tous les secteurs qui n'auraient pas pu être touchés parce que le conseil de comté ne couvre pas l'ensemble du territoire actuel, même dans la région où on voulait discuter. Prenons, par exemple, dans la plaine de Montréal; il y a une grande partie des terres agricoles qui ne sont pas couvertes par des conseils de comté. Il fallait procéder par la municipalité. On s'est dit cela. En même temps, en permettant aux conseils de comté d'intervenir pour donner leur opinion, comment ils voient la municipalité, en se disant que la municipalité était l'organisme le plus proche des citoyens. En même temps, on a dit: S'il y a un plan régional, s'il y a des institutions régionales, le conseil régional de développement, des conseils de comté, ils pourront faire valoir leur point de vue au niveau de la municipalité et l'envoyer à la commission pour que la commission soit au courant que ces organismes régionaux ont indiqué comment ils voyaient la protection des terres dans la municipalité.

Une autre chose qu'on s'est dite, c'est que le développement de l'agriculture et le développement agro-alimentaire au Québec ne peuvent pas être un objectif local. Il faut que ce soit un objectif national. Si on veut développer l'agriculture au Québec, développer l'industrie agro-alimentaire, cela ne peut pas être au niveau municipal qu'on décide cela. Le schéma d'aménagement de l'Outaouais le dit. C'est une responsabilité des gouvernements — il pouvait appeler cela des gouvernements supérieurs; je ne sais pas s'ils sont vraiment supérieurs, mais en tout cas — il voulait dire le gouvernement du Québec et le gouvernement d'Ottawa, j'imagine!

Alors, on a dit: C'est un objectif et, à ce moment-là, si on a une politique nationale de développement de l'agriculture et de l'industrie agro-alimentaire, au Québec, c'est au gouvernement du Québec de prendre cette responsabilité et d'avoir une politique de développement agroalimentaire. Mais, pour cela, il y avait une politique à la base, c'était de protéger les terres pour commencer, autrement c'est un peu comme si on bâtissait des papeteries, sans s'assurer qu'il y a une forêt pour alimenter ces usines, cela ne marcherait pas. Alors, de la même façon, quand les propriétaires d'usines disent: On aimerait s'implanter au Québec, à un certain endroit; est-ce que nous aurons la sécurité des approvisionnements? Si je n'ai pas de sécurité, je ne suis pas intéressé à aller m'implanter là.

La sécurité, cela veut dire des cultivateurs qui produisent, qui vont me fournir. Catelli était intéressée dans Saint-Hyacinthe, à condition d'avoir de petits concombres, des marinades, des betteraves pour mettre dans ses pots, autrement, ce seront des pots avec du vinaigre qu'elle vendra. Donc, elle a besoin de cela et, pour l'implantation, c'est nécessairement une politique nationale. Je ne sais pas, mais c'est ainsi qu'on a raisonné.

Il y a un point sur lequel je voudrais dire un mot. L'article 96 a été mal perçu. Vous dites que c'est le gouvernement qui veut soustraire à la commission ses décisions. Cela a été mis, je vais vous dire pourquoi. D'une façon générale, le gouvernement pourra utiliser l'article 96 de façon exceptionnelle; dans notre esprit, c'était évident. On dit: "Le gouvernement peut, par avis écrit à la commission, soustraire une affaire à sa juridiction. "Lorsque le gouvernement se prévaut des pouvoirs qui lui sont conférés au présent article, le secrétaire de la commission doit lui remettre une copie du dossier et aviser par écrit les intéressés que l'affaire a été soustraite à la juridiction de la commission. Le gouvernement est alors saisi de l'affaire avec les mêmes pouvoirs que la commission."

C'est pourquoi cela a été mis, quand il exerce un pouvoir exceptionnel. On a pensé vous donner un cas où on l'envisageait. Supposons que le gouvernement fédéral n'aurait pas donné d'argent à Ford et qu'elle serait venue au Québec au lieu d'aller en Ontario; elle a besoin de 500 acres ou de 1000 acres, c'est une grosse usine, c'est un peu comme l'Alcan, par exemple, 500 acres. On s'est dit: Est-ce la commission qui doit décider de l'implantation de l'usine ou si ce n'est pas une décision de politique économique qui dépasse la commission? Cet article a été mis là uniquement pour des cas semblables; des cas exceptionnels, sur le plan économique. Il n'a pas été mis là pour que le gouvernement du moment dise à la commission: Laisse faire, je vais régler cela à ta place! Au contraire, uniquement de façon très exceptionnelle, comme GM, Ford, Alcan; une grande entreprise, une aluminerie, par exemple, dont on parle. Il a été question d'aluminerie dans Portneuf ou dans Lévis; à quelle place cela devrait-il aller? Là, on dit: Est-ce vraiment à la commission ou au gouvernement à le décider? Cet article 96 a été mis là

exclusivement pour des cas exceptionnels comme ceux-là. Dans mon esprit, un gouvernement qui déciderait trop souvent à la place de la commission, immédiatement la commission perdrait son autorité. Je voulais clarifier ce point, l'article 96 est un article d'application exceptionnelle, très exceptionnelle, à notre avis.

M. Moreau: M. le Président, quant à prendre les pouvoirs, il faudrait les prendre tous, parce que, à mon sens, la loi, sous sa forme actuelle, fait des municipalités des agents de consultation, pas autre chose.

Je demanderais à M. Massey de répondre pour ce qui concerne l'article 96.

M. Garon: ...

Le Président (M. Boucher): Me Massey.

M. Massey (Jean): M. le Président, je pense que la déclaration du ministre va dans le sens des précisions que le projet de loi devrait contenir.

Si on regarde l'article 2 du projet de loi, par lequel le gouvernement est lié par la loi et que l'on constate les mots qui ont été choisis pour rédiger l'article 96, je pense bien que n'importe quel mortel va se rendre compte que, avec un texte comme celui-là, malgré les bonnes déclarations du ministre, malgré que je comprenne qu'on vise surtout des objectifs nationaux et des cas exceptionnels, ce n'est vraiment pas ce que l'article 96 dit. Cet article dit tout simplement que le gouvernement peut, à n'importe quel moment, mettre la tutelle sur la commission, la vider de ses dossiers, et prendre un pouvoir tout à fait exorbitant qui lui permettrait de contrôler l'ensemble du territoire agricole couvert par ce projet de loi lorsqu'il sera devenu loi.

C'est exactement dans ce sens que nous faisions des représentations. Plutôt qu'avoir un article dans le style de celui que nous avons à l'article 96, nous préférons de beaucoup le voir biffé complètement pour ne garder que l'article 2, à moins que, suite à la commission parlementaire, on apporte des modifications à cet article d'une façon substantielle, lui changer complètement la façade et montrer réellement ce qu'on entend faire avec un tel texte, c'est-à-dire prévoir des cas exceptionnels qui pourraient ou devraient même être soumis à l'Assemblée nationale lorsque le moment sera venu de les étudier.

M. Garon: A ce moment, il n'y aurait que l'article 2... Je vais vous donner un cas concret. J'ai discuté il n'y a pas longtemps lors d'une réunion — je pense bien que ce n'est pas confidentiel de le dire; en tout cas, je vais prendre une chance... Dans une région, il y avait des organismes qui voulaient qu'autour des lacs, l'espace gardé pour protéger l'environnement ou protéger les lacs devrait être telle distance. Je ne me rappelle pas de la distance, si c'était 1000 pieds ou quelque chose comme cela. Cela équivalait, dans une région, à fermer toutes les usines de papier parce qu'elles n'auraient pu continuer à fonctionner avec un tel règlement, les lacs étant tellement nombreux qu'à ce moment, vous regardiez la zone et il n'y avait qu'une petite poche de bois et une autre petite poche de bois qu'il fallait aller chercher dans le territoire.

A ce moment, le gouvernement a dit: Un tel règlement n'a pas de bon sens. L'industrie pape-tière ne pourra pas vivre. C'est trop grand, 1000 pieds autour d'un lac. Il faut mettre un écart qui a du bon sens. Ne me demandez pas si c'étaient 200 pieds ou quelque chose comme cela.

Alors, supposons qu'au niveau... un tel règlement est fait, le gouvernement ne pourrait pas intervenir pour dire: Non, il y a un objectif supérieur qui est le développement de l'industrie des pâtes et papiers au Québec. A ce moment, ce règlement empêche le développement de cette industrie. Je ne dis pas que le gouvernement doit intervenir d'une façon habituelle, mais vous pensez que le gouvernement devrait dire: Fini!

M. Massey: Je sais par expérience déjà pas vieille autant que d'autres en ont, mais depuis une quinzaine d'années, je n'ai jamais vu une loi appliquée avec souplesse, lorsque la loi ne recommande pas la souplesse. Je n'ai toujours vu que des lois, une fois adoptées, appliquées telles quelles au texte et, bien souvent, avec plus de sévérité encore par les technocrates qui ont à l'appliquer pour toutes sortes de raisons.

Je n'ai jamais vu aller dans le sens dune application souple. On l'applique et si on cherche un moyen de l'appliquer différemment du texte, on y va plus sévèrement encore que le texte et ce principe que la loi dit ce qu'elle dit est assez ancien, même si, peut-être, certains pourraient contester la juridiction de la Cour suprême. Je pense qu'au moment où elle a été rendue, la décision de 1954 ne fait pas de doute — c'est vraiment dans la cause de Reader's Digest à laquelle je me réfère...

M. Garon: Oui.

M. Massey: ... le ministre la connaît sûrement et on ne peut pas prendre une loi autrement que ce qui est écrit dans la loi et même pas... Je voyais encore, récemment, une autre cause où, pour des motifs historiques, on cherchait à interpréter un texte législatif et la décision était exactement dans le même sens. Malgré que les circonstances puissent changer, un texte est un texte et il faut procéder par l'amendement de la loi.

Vous comprendrez que, devant un texte comme celui de l'article 96, nous sommes plus que méticuleux devant la rédaction d'un article semblable, parce qu'il est assez compliqué parfois d'obtenir des amendements à des lois une fois que telles lois ont été adoptées. C'est le sens de nos représentations. Je comprends tous les exemples que l'honorable ministre veut nous donner. Par contre, si ces exemples sont bons, ils ne nous donnent absolument aucune satisfaction parce que le texte est écrit dans une telle forme que nous devons le contester.

M. Garon: On est là pour étudier ces articles.

M. Massey: Et nous sommes ici pour cela aussi, M. le ministre. (12 h 45)

M. Garon: A la page 9, vous dites: un droit d'appel de la décision de la Commission de la protection du territoire agricole du Québec devrait être institué devant la Commission municipale du Québec. Comme organismes municipaux, avez-vous déjà été offusqués que la Commission municipale du Québec n'ait pas de droit d'appel? Il n'y a pas d'appel des décisions de la Commission municipale du Québec. Vous voudriez qu'il y ait un appel à la commission des terres agricoles, mais votre propre Commission municipale du Québec n'a pas d'appel de ses décisions.

M. Massey: Est-ce que nous avons bien compris que vous avez dit que la Commission municipale n'avait pas de droit d'appel?

M. Garon: Non. Quand la Commission municipale du Québec rend une décision, vous ne pouvez pas en appeler de sa décision.

M. Massey: Sauf si elle excède sa juridiction et qu'elle commet une faute.

M. Garon: C'est la même chose pour la protection des terres. La Commission de protection des terres agricoles, on veut lui donner, au point de vue des appels, exactement comme la Commission municipale du Québec...

M. Lavoie: Est-ce que le ministre pourrait me permettre de faire remarquer que la Commission municipale est un tribunal quasi judiciaire où il y a des juges avec une constitution joliment différente de la commission de contrôle que vous créez actuellement, qui n'est composée uniquement que de fonctionnaires alors que l'autre...

M. Garon: Pas du tout.

M. Lavoie: ... a un statut quasi judiciaire.

M. Garon: C'est dans votre esprit que c'est composé de fonctionnaires. Dans notre esprit, ce n'est pas composé de fonctionnaires. Dans notre esprit, il n'y aurait même à peu près pas de fonctionnaires. Ce seraient plutôt des cultivateurs.

M. Lavoie: Qui deviendraient fonctionnaires.

M. Garon: Non, pas des fonctionnaires. La Commission municipale rend une décision dans le domaine municipal et c'est fini. Il n'y a pas d'appel, sauf en cas d'excès de juridiction. Dans les fonctions de la Commission municipale, c'est elle qui connaît le secteur. Dans la protection des terres agricoles, on dit la même chose. Il y a même exactement le même genre de pouvoirs que la Commission municipale.

M. Massey: M. le Président, j'aimerais quand même mentionner que la Commission municipale n'a pas le pouvoir de faire les règlements des municipalités, alors que cette loi sur le zonage agricole va remplacer les règlements municipaux. La Commission de protection des terres agricoles du Québec n'est absolument pas une instance d'appel, c'est une instance décisionnelle, et si on lui donnait à elle-même une possibilité d'appeler de ses propres décisions, je pense que cela irait à rencontre de tous les principes connus actuellement.

M. Garon: Quand la Commission municipale de Québec rend une décision, c'est final, sauf en cas d'excès de juridiction, selon l'article 33 du Code de procédure civile, qui s'applique, et il s'applique pour la Commission municipale de Québec et aussi pour la Commission de protection des terres agricoles du Québec. C'est la même chose.

M. Massey: Oui, mais ce qu'il faut bien comprendre, c'est que la commission...

M. Garon: Les pouvoirs de la Commission municipale sont assez grands. Quand vous voulez emprunter, la Commission municipale a des pouvoirs assez grands, aussi grands, sinon plus grands, que la Commission de protection des terres agricoles.

M. Massey: Mais, M. le Président, le point que nous voulons faire comprendre à l'honorable ministre, c'est que la Commission de protection des terres agricoles, telle que constituée, est définitivement une instance décisionnelle. Elle prend des décisions sur le territoire des municipalités et, très largement, se substitue à elle dans toutes les matières se référant au zonage des terres agricoles. En aucun endroit, le projet de loi ne mentionne qu'il y a appel des décisions de la Commission de protection des terres agricoles. C'est à ce niveau que nous faisons les représentations contenues dans notre mémoire; il faudrait instituer une instance d'appel, quelle qu'elle soit. Nous en suggérons une, il pourrait y en avoir d'autres. Ou que l'on enlève la clause privative qui protège la commission et ses membres.

M. Garon: Vous disiez que la Commission municipale, c'est ma commission, la commission des municipalités.

M. Massey: La Commission municipale...

M. Garon: Tandis que la commission de protection des terres, ce n'est pas ma commission.

M. Massey: En dehors de la mise en tutelle d'une municipalité, la Commission municipale ne se substitue pas à une municipalité; c'est la municipalité qui agit en fonction du Code municipal, qui l'interprète dans son territoire et qui

adopte une réglementation en conséquence pour le mieux-être de ses citoyens sur son territoire. Lorsqu'il y a appel, il y a appel à la Commission municipale.

M. Garon: Tous les pouvoirs d'approbation qu'elle a, c'est quand même assez important...

M. Massey: La Commission municipale a des pouvoirs d'approbation et des pouvoirs d'appel, le cas échéant. Cela se compare très mal avec la Commission de protection des terres agricoles.

M. Garon: Non, c'est la même chose.

M. Massey: Bien non.

M. Garon: Bien oui.

M. Massey: Bien non.

M. Garon: Bien oui, mais...

M. Massey: M. le ministre...

M. Lavoie: ... le ministre ne veut pas comprendre, M. le Président...

Le Président (M. Boucher): S'il vous plaît, à l'ordre.

M. Lavoie: M. le Président, on n'a pas dit un mot depuis une demi-heure. On a laissé le crachoir au ministre.

Le Président (M. Boucher): Vous aurez votre droit de parole tout à l'heure.

M. Lavoie: Ecoutez, la vérité a ses droits. Ce que je veux dire, c'est que la Commission de protection du territoire agricole...

Le Président (M. Boucher): M. le député de Laval...

M. Lavoie: ... se substitue aux municipalités...

Le Président (M. Boucher): Vous pourrez faire votre intervention tout à l'heure.

M. Lavoie: J'espère qu'on aura le droit de parler.

Le Président (M. Boucher): D'accord.

M. Chevrette: Vous ferez remarquer vos points en temps et lieu.

M. Garon: Aucun problème, vous allez avoir tout le temps, on n'est pas pressé. Il faut prendre le temps qu'il faut.

M. Massey: On croyait qu'il y avait urgence, M. le ministre.

M. Garon: II n'y a pas de problème, le territoire est gelé.

M. Chevrette: C'est pour fins de partisanerie. M. Garon: Depuis le 9 novembre.

M. Massey: Je pense que le débat n'est pas terminé, M. le Président.

M. Garon: Ne lorgnons pas plus longuement là-dessus.

M. Massey: Je suis surpris de constater que le ministre ne comprend pas ce qui est écrit dans le texte du projet de loi.

M. Garon: Pardon?

M. Massey: Ce qui est inscrit dans le projet de loi est vraiment le texte de base sur lequel nous devons nous fier pour faire des représentations. S'il existe déjà un autre texte que nous ne connaissons pas...

M. Garon: Non, non.

M. Massey: ... nous ne pouvons pas faire de représentations adéquates.

M. Garon: Non. Quand vous dites, par exemple, qu'il n'y a pas de droit d'appel à la commission.

M. Massey: II n'y a aucun droit d'appel à la commission.

M. Garon: C'est exactement la même clause que dans la Commission municipale.

M. Massey: M. le Président, ce que ne semble pas comprendre, M. le ministre, c'est que la législation qui couvre la Commission municipale n'est pas du tout du même type que celle qui crée la commission de protection des terres agricoles. La Commission municipale a été instituée dans une planification d'ensemble de la vie municipale, c est-à-dire que les municipalités doivent faire approuver certaines réglementations par la Commission municipale et peuvent s'y référer pour exercer un droit d'appel. Dans le cas de la commission que le projet de loi 90 entend créer, il s'agit réellement d'une commission décisionnelle qui a seule le pouvoir, sauf le gouvernement qui peut le lui enlever n'importe quand, et sans aucun droit d'appel de quelque nature que ce soit, à moins que le Parlement veuille bien, en vertu des pouvoirs énormes qu'il a...

M. Garon: Vous avez...

M. Massey: ... s'instituer comme une instance d'appel de sa propre loi.

M. Garon: Dans la loi, à l'article...

M. Massey: Trouvez-moi un article où on indique, dans le projet de loi, qu'on peut en appeler des pouvoirs de la commission.

M. Garon: L'article 18, c'est un article que vous trouvez dans la plupart des tribunaux administratifs.

M. Massey: C'est un pouvoir de révision et de révocation. Ce n'est pas un pouvoir d'appel.

M. Garon: C'est ce que vous retrouvez habituellement dans les tribunaux administratifs.

M. Massey: Non, ce n'est pas du tout un pouvoir...

M. Garon: On aurait pu vous donner un faux appel, dire, à un moment donné...

M. Massey: Cela en est un, un faux appel.

M. Garon: Non. Ce n'est pas un appel, c'est un pouvoir de révision. Nous nous sommes dit: On ne fera pas de bureaucratie. On va mettre le moins de paperasse possible. On aurait pu dire: La municipalité va commencer à discuter avec un fonctionnaire et après, la commission servira de tribunal d'appel. On aurait pu faire cela. Mais qu'est-ce qu'on aurait ainsi fait? On aurait multiplié les délais. On peut créer une chaîne de trois ou quatre organismes, mais tout ce que cela fait au fond, c'est de multiplier les délais. Et le citoyen, qui est écoeuré de la bureaucratie, dit: On veut avoir des organismes simples, rapides d'exécution et nous ne sommes pas obligés de passer par trois ou quatre étapes. C'est ce qu'on a voulu faire avec cela.

M. Massey: Est-ce que le ministre veut dire que ce n'est vraiment pas cela qui sera institutionnalisé?

M. Garon: Quoi?

M. Massey: Des délais d'appel qui vont être excessivement longs, tel que le projet de loi est composé.

M. Garon: Des pouvoirs de révision, des demandes en révision.

M. Massey: Nous prétendons, justement, pour poursuivre un objectif de souplesse, qu'il y aurait lieu que les instances municipales locales se réfèrent immédiatement, sur leur propre terrain, à une commission de protection du territoire agricole de comté qui pourrait être vue comme un organisme à mi-chemin entre une commission d'urbanisme telle que nous la connaissons actuellement, et le bureau des délégués, c'est-à-dire une institution où les personnes responsables et impliquées se concertent pour régler un problème. Ceci n'impose aucun délai, vous le savez, M. le ministre.

M. Garon: ... supplémentaire. M. Massey: Non.

M. Garon: En faisant tout le travail au niveau municipal, vous évitez de faire une étape de plus.

M. Massey: Exactement, tout se réglerait sur le territoire.

M. Garon: Au niveau municipal. M. Massey: Au niveau municipal.

M. Garon: Tantôt, M. Moreau disait qu'il était d'accord pour dire que s'il n'y avait pas entente, la commission nationale devait décider.

M. Massey: Nous demandons qu'il y ait une instance d'appel de ces décisions. C'est tout à fait normal.

M. Moreau: Je suis d'accord avec cela. On partirait, M. le Président, du niveau municipal et s'il n'y a pas entente, c'est le rôle de la commission, c'est le rôle de la régie.

M. Charbonneau: On partirait du niveau régional.

M. Moreau: Du niveau régional. C'est différent.

M. Garon: Tout simplement, le débat se ferait au niveau municipal.

M. Moreau: Les gens qui siègent au niveau régional sont responsables des municipalités locales. Je ne vois pas ce qu'il y a de différent là-dedans.

M. Charbonneau: ...

Le Président (M. Boucher): M. le député de Verchères, j'ai interrompu le député de Laval tout à l'heure, alors...

M. Garon: Je veux vous remercier d'avoir répondu à mes questions. Je pense que les députés de l'Opposition officielle désirent vous poser des questions. Je vous remercie d'être venus nous rencontrer pour nous parler de la protection des terres agricoles et nous faire connaître votre préoccupation à ce sujet.

Le Président (M. Boucher): M. le...

M. Massey: Si vous permettez, M. le Président, j'aimerais seulement demander au ministre s'il serait d'accord avec la formule que nous proposons dans notre mémoire.

M. Garon: Quelle formule?

M. Massey: La formule de la commission de la protection du territoire agricole de comté.

M. Garon: Non. Je voudrais être franc avec vous. Cela ferait 75 commissions dans l'ensemble du Québec. Vous pariez de six ou sept personnes. Je pense, dans l'état actuel des choses, qu'il faut procéder avec les municipalités — c'est mon opinion — en donnant la possibilité à tous les organismes régionaux de faire entendre leur point de vue au niveau municipal.

M. Massey: Si je comprends bien, M. le Président, il s'agit de faire de la consultation plutôt que de faire de la décentralisation?

M. Moreau: A ce compte-là, M. le Président, on pourrait avoir...

M. Garon: On peut jouer avec les mots, vous savez, mais, simplement, ce qu'on dit c'est que la politique agricole, la politique alimentaire, c'est un objectif national. Si la municipalité veut protéger les terres, elle va s'entendre avec la commission. Si elle ne veut pas protéger les terres — cela va arriver dans les municipalités qui ne veulent pas — ... Vous seriez étonnés du nombre de maires qui entrent en communication avec moi, qui m'envoient des télégrammes et qui me disent jusqu'à quel point ils sont d'accord sur cela. Ils disent: Cela va même nous aider à restreindre le développement anarchique qui se fait. Vous seriez d'ailleurs surpris du nombre de maires... D'ailleurs...

M. Picotte: J'aimerais connaître les noms. Il faudrait avoir la liste.

M. Garon: Je l'avais même dit quand je suis allé à l'Union des conseils de comté, quand j'ai rencontré les maires qui étaient là, 200 ou 300. Vous avez vu à quel point ils étaient d'accord sur la protection des terres? C'était des maires ruraux.

M. Moreau: Le principe de protéger les terres, je ne pense pas qu'il y ait personne qui s'inscrive contre cela. Tout le monde est pour cela. La technique d'application, c'est une autre affaire. A mon sens, comme représentant de municipalités et comme représentant de l'Union des conseils de comté du Québec, je pense bien qu'il est essentiel que je signale à ceux qui sont responsables de la sanction des lois qu'on est en train, avec le projet de loi sous sa forme actuelle, d'enlever à 400 municipalités, aux territoires désignés, pratiquement leur raison d'être, pour certaines municipalités à vocation purement agricole. Ce n'est pas s'inscrire en faux contre la loi, contre le principe...

M. Garon: Je vais vous poser seulement une question.

M. Moreau: ... c'est dire tout simplement qu'il pourrait y avoir d'autres techniques d'application aussi efficaces. Si on fait le raisonnement qu'il y aura 75 commissions au Québec, on pourrait bien dire aussi qu'il y aura seulement une municipalité au Québec qui sera menée d'en haut. Si on part de ce principe, il n'y a plus un gouvernement local qui a sa raison d'être, puisqu'on tient pour acquis que seule une commission, omnipotente, qui n'a pas à répondre devant l'électorat, peut décider sans appel de l'avenir des terres agricoles au Québec. C'est dans ce sens, c'est en vertu de cette fonction, de ce principe que l'Union des conseils de comté fait cette représentation.

M. Garon: Seulement une dernière question. En suivant le processus que vous suggérez, combien cela prendrait-il de temps à déterminer les zones permanentes?

M. Moreau: Avec les 180 jours, je me demande aussi combien cela va prendre de temps pour déterminer les zones permanentes.

M. Lavoie: Le même temps que cela va prendre avec la loi actuelle. Négocier avec 614 municipalités...

M. Chevrette: Ouais.

M. Lavoie: Le même temps.

Le Président (M. Boucher): S'il vous plaît!

M. Chevrette: Je pensais que c'étaient eux!

M. Lavoie: Vous auriez dû le faire avant au lieu d'après.

Le Président (M. Boucher): Etant donné qu'il ne reste qu'une minute avant 13 heures, est-ce qu'on doit suspendre tout de suite? La commission suspend ses travaux jusqu'à 15 heures. Nous entendrons de nouveau l'Union des conseils de comté.

Suspension de la séance à 12 h 59

Reprise de la séance à 15 h 6

Le Président (M. Boucher): A l'ordre, s'il vous plaît, messieurs!

Un simple changement dans les membres de la commission, le député de Deux-Montagnes remplace le député de Lac-Saint-Jean, comme intervenant.

M. Chevrette: C'est que, ce matin, on n'avait pas fait les changements des intervenants.

Le Président (M. Boucher): Nous en étions au mémoire de l'Union des municipalités...

M. Garon: Moi, j'avais terminé.

Le Président (M. Boucher): M. le ministre, vous aviez terminé; j'en étais à donner la parole à M. le député de Laval. M. le député de Laval.

M. Garon: C'est un nouveau défenseur de l'agriculture!

M. Lavoie: M. le Président, j'ai appris qu'en politique, il faut être polyvalent et non seulement je défendrai peut-être les agriculteurs, mais les citoyens en général, même peut-être les "gentlemen farmers ' de la région de Québec.

M. le Président, je voudrais être plus bref que le ministre, parce qu'il faut quand même considérer qu'il y a eu sept organismes invités, aujourd'hui; sept et nous en sommes au premier.

Je regrette, au départ, que deux ministres ne soient pas présents à cette commission, soit le ministre d'Etat à l'aménagement du territoire, qui aurait sans doute apporté une contribution des plus valables, ainsi que le ministre des Affaires municipales, surtout lorsque nous avons l'occasion de dialoguer avec le représentant des gouvernements locaux et régionaux, tels l'Union des conseils de comté, l'Union des municipalités et autres représentants des gouvernements locaux.

En ce qui nous concerne, nous aimons l'approche régionale présentée par l'Union des conseils de comté. Pourquoi? Parce qu'il faut réaliser, par la pratique de la vie, que si on veut faire un aménagement — appelons cela aménagement du territoire ou aménagement agricole — c'est difficilement faisable strictement au niveau municipal, dans chacune des municipalités, si on ne considère pas un tout ou une région. J'ai eu l'expérience de la vie municipale dans le passé et je sais bien qu'entre autres, l'aménagement de la ville de Laval s'est fait — c'est un exemple que je vous donne — avant que, par un organisme supramunicipal qui s'appelait la commission supramunicipale de l'Ile-Jésus, qui groupait les quatorze municipalités... Ce fut la seule formule pour faire un aménagement régional pour cette entité géographique.

Ce qu'on reproche peut-être à l'approche ministérielle, actuellement, c'est qu'on a procédé à l'envers. On a procédé à rebours. On a mis le grappin sur un territoire québécois qui va de l'Outaouais à Québec, qui couvre une surface occupée par 85% de la population du Québec, un territoire qui couvre, au nord du Saint-Laurent, une profondeur de 50 à 60 milles en moyenne et, sur la rive sud, une bande d'environ 100 milles au sud du Saint-Laurent jusqu'à la frontière américaine. Pour ma part, je me pose la question.

On ne peut faire uniquement un contrôle agricole. Il aurait fallu commencer autrement, soit par un aménagement du territoire qui couvre, en priorité, le territoire agricole, je suis bien d'accord, le territoire forestier, le territoire de certaines régions minières ou industrielles, certains sites de loisirs ou de résidences secondaires pour les citadins, des sites touristiques et sans oublier l'industrie de l'économie de la construction, l'habitation urbaine. On a tout mis dans le même sac et on a voulu régler tout cela d'un coup sec. C'est le problème auquel doivent faire face le gouvernement et le ministre parce que cela retrousse de tout bord et de tout côté. Et ce n'est pas fini.

M. Garon: Nous ne sentons pas cela.

M. Lavoie: C'est un aménagement du territoire à l'envers. C'est un aménagement strictement agricole, sans disctinction, avec une certaine universalité, une certaine uniformité. D'ailleurs, c'est le député de Rimouski qui, hier, lors de son intervention a parlé de certaines normes régionales. On n'a pas pris en considération des territoires à vocation strictement agricole qui sont situés peut-être à 100 milles ou à 75 milles des centres urbains où la vocation pour des années et des décennies est strictement, à tout jamais, agricole. C'est un problème. Je pense qu'il pourrait se résoudre assez facilement.

Je dirais qu'il y a d'autres territoires au Québec à vocation mixte, des territoires à 20, 25 ou 30 milles des régions urbaines. C'est un autre problème. C'est une autre sorte d'exploitation agricole. Il y a d'autres régions où on est à 10 ou 15 minutes des centres urbains qui, encore là, ont d'autres problèmes. Aujourd'hui, avec votre projet de loi massue, votre projet de loi marteau, vous avez tout congelé, d'un coup sec, sans tenir compte de ces normes régionales.

Il y a des implications énormes. En procédant de la sorte, vous avez mis de côté les droits des citoyens — et je ne voudrais pas refaire mon discours d'hier — autant des agriculteurs que des urbains ou des citadins qui ont des droits de propriété également.

Vous avez donné aux municipalités, les gouvernements locaux, régionaux ou les municipalités rurales ou de cités et villes, au mois de juin cette année, une lueur de consultation, de décentralisation, de concertation en parlant de démocratie municipale, de fiscalité municipale. Trois ou quatre mois après, vous faites fi, je dirais, de vos slogans et vous arrivez avec une loi de la sorte qui met en tutelle pratiquement toutes les municipalités, autant rurales que les cités et villes et les autres gouvernements locaux; d'une décision, d'un décret, vous mettez tout cela de côté. Je me demande, justement, où est la consultation, où est la concertation, où est la décentralisation, où est la démocratie municipale.

Je crois que le ministre fait face actuellement, à cause de ses velléités ou de son utopie, à une mission impossible en créant un tel bouleversement. Comment voulez-vous, M. le Président et M. le ministre, que dans les douze jours de session qui restent actuellement — et les députés le savent, on siège actuellement de dix heures du matin à minuit le soir et même à l'Assemblée nationale on peut aller plus tard que minuit comme hier soir — on puisse passer la soixantaine de lois qu'il y a à l'Assemblée et que le gouvernement désirerait voir adopter avant la fin de la présente session? Comment voulez-vous qu'on puisse entendre d'une manière intelligente 55 organismes qui sont inscrits, qui veulent se faire entendre sur ce projet de loi? Nous sommes actuellement au troisième, il en reste 52.

M. Charbonneau: M. le Président, une question de règlement. Cela fait sept minutes que le député de Laval parle. On a des témoins, une commission parlementaire pour entendre des témoins. Les discours de deuxième lecture sont terminés. Est-ce qu'il serait possible que le député de Laval en vienne au sujet et à la pertinence du débat? S'il veut poser des questions aux témoins qui sont là, je pense qu'ils sont ici pour cela, mais je pense qu'on a entendu son discours de deuxième lecture. Il y en aura un autre pour la troisième lecture, mais on n'est pas ici pour cela.

M. Lavoie: Nous avons accordé au ministre ce matin au-delà d'une heure pour défendre son projet de loi en général. Il est allé dans les modalités du projet de loi, ce que je ne ferai pas. Je ne vous parlerai pas de l'article 96. Je ne vous parlerai pas du non-appel qu'il y a dans la loi. Je vais la respecter. J'en ai peut-être encore pour cinq minutes. Mais je crois que c'est important. (15 h 15)

Ce que je vais dire aujourd'hui à l'occasion de la parution de l'Union des conseils de comté, je n'aurai pas à le répéter lorsque l'Union des municipalités viendra ou lorsque les constructeurs ou l'UPA se feront entendre. On essaie, au début, de faire un tour d'horizon et je n'en aurai pas pour tellement longtemps.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Laval, vous avez la parole.

M. Lavoie: Je dis qu'il faut être réaliste, que le ministre a procédé un peu à l'envers. Je reviens à la suggestion du mémoire que nous avons devant nous, qu'il y aurait moyen, sans faire marche arrière, de prendre certaines suggestions à même les idées contenues dans le mémoire de l'Union des conseils de comté, qu'on fasse vraiment la consultation, il est encore temps. Cela ne prendra pas plus de temps que le mécanisme que vous voulez mettre en marche dans la loi, le mécanisme de consultation, une fois votre commission créée; commission, d'après moi, qui est plus ou moins nécessaire, parce que ça pourrait être fait par une réorganisation du crédit agricole, une espèce d'organisme de développement rural, à l'échelle du Québec, sans laisser certaines parties non visées par la loi, en consultation avec le milieu agricole, avec les représentants du milieu agricole, également avec d'autres.

Dans le milieu agricole, il y a plusieurs intérêts différents, il y a l'industrie laitière, l'élevage, ceux qui font la pomiculture, les jardiniers maraîchers, il y a des intérêts diversifiés dans l'économie agricole. Avec les municipalités rurales, les conseils de comté, avec les cités et villes, l'Union des municipalités, avec également votre ministre d'Etat qui est un superministre à l'aménagement du territoire — il devrait avoir un mot à dire dans ça — avec le ministre des Affaires municipales, à la suite des discussions que nous avons eues ce matin, il pourrait y avoir facilement un organisme d'arbitres qui, s'il n'y a pas entente sur les consultations qui pourraient se faire, dans l'année qui vient.

Pensez-vous que vous allez chambarder le modus vivendi ou la mentalité de vie, le milieu de l'habitat du Québécois, dans l'espace de six mois ou d'un an. Ecoutez, vous avez une grande destinée, le Parti québécois, mais vous n'êtes quand même pas la fin du monde. Allez-vous changer tout ça dans quelques mois? Prenez votre temps un peu. J'en ai connu des gouvernements dont j'ai fait partie, dans les années soixante, qui ont chambardé bien des affaires. Mais, au bout de six mois, la population en avait assez de ce rôle peut-être trop présent et trop accru. Laissez un peu la population digérer ce que vous voulez faire.

Une réforme en profondeur comme vous voulez faire, une espèce d'aménagement du territoire à rebours, cela ne se fait pas dans trois mois, dans six mois, dans neuf mois; ce n'est pas vrai. C'est une mission impossible. Faites-le par étape, en considérant les particularités régionales, comme l'a dit le député de Rimouski. Faites-le avec la concertation du milieu et un organisme d'arbitres, s'il n'y a pas d'entente. Cela pourrait être fort bien la Commission municipale du Québec. C'est le rôle de la Commission municipale du Québec d'arbitrer lorsqu'il y a des problèmes entre certaines municipalités pour certains services ou quoi que ce soit. La Commission municipale du Québec a toujours eu un rôle d'arbitre.

Je termine, M. le Président, en disant que je ne suis pas surpris de voir la déception des gouvernements locaux qui se sont fait vendre une marchandise, il y a quelques mois, de consultation, de démocratie, de décentralisation, les implications de la fiscalité; ils ont eu une lueur. Et ils ont la matraque trois ou quatre mois après. Ils sont tous en tutelle. C'est une commission qui va décider de l'aménagement du territoire dans les municipalités du Québec, sauf Montréal. Les plans de zonage, les plans d'urbanisme qui sont faits depuis cinq ans ou dix ans sont mis de côté du revers de la main. Il y a des affaires abracadabrantes. On aura l'occasion... Dans certaines villes, vous laissez en zones exploitables, en zones blanches, ce qui n'est pas exploitable dans une ville, alors que vous mettez en vert ce que les villes ont prévu comme réservoir de développement. Mais je n'irai pas dans ces détails. Sans compter les dommages énormes que vous faites à l'économie actuellement; il y a aujourd'hui les représentants des constructeurs où, dans une multitude de localités du Québec, vous mettez en danger l'industrie de la construction.

Je pense bien qu'il n'y aurait pas de dommage à ce que vous preniez votre affaire un peu plus calmement. La consultation que vous voulez faire dans l'année qui vient, avec les 614 municipalités, avec un avis de 190 jours que vous voulez leur donner, vous pourrez leur donner cet avis. La consultation pourrait avoir lieu de la même façon et vous aurez, en ce qui nous concerne, de la part de l'Opposition, notre collaboration.

Par contre, à mon point de vue, c'est une des lois les plus importantes qui aient été adoptées au

Québec depuis de très nombreuses années, avec toutes les implications que cela a dans le droit de la jouissance, dans le droit de propriété. Même avec la collaboration qu'on va vous offrir, je me demande comment vous pouvez logiquement, d'une manière intelligente, faire adopter votre loi avant le 22 décembre.

M. le Président, j'ai fait le tour d'horizon. Je suis d'accord sur beaucoup de choses dans le développement régional, il faut la concertation de tous les agents de notre milieu. Autrement, je me demande comment on peut arriver avec une espèce d'aménagement du territoire qui s'appelle maintenant aménagement agricole du Québec.

J'ai terminé pour le moment, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le député de Laval. M. le député de Huntingdon.

M. Dubois: Merci, M. le Président. Je voudrais tout d'abord saluer M. Moreau, le président, ainsi que M. Massey et M. Viau. Je vous remercie pour le mémoire très étoffé que vous avez présenté. D'ailleurs, il reflète bien les désirs et les préoccupations de l'Union Nationale au moment de la deuxième lecture. Il correspond également à une préoccupation toute première, soit celle de la décentralisation. Là, on voit que le ministre qui a prêché lui-même la décentralisation de plusieurs services pour ce qui a trait à l'agriculture centralise présentement à Québec, par une commission qui sera en même temps juge et partie.

Nous avons dénoncé avec véhémence cet état de chose au niveau de la deuxième lecture. Je connais bien le rôle que les municipalités, ayant moi-même vécu quatre ans à titre de maire, peuvent jouer. Je m'aperçois qu'après la présentation ou, suite à la présentation de leur plan respectif de zonage et d'utilisation de leur territoire respectif, on va en faire des porteurs de documents, parce que tout ce qu'elles auront à faire sera de soumettre les demandes de leurs citoyens à la commission qui, elle, sera le seul juge.

Je pense que le rôle de l'élu du peuple n'est plus respecté du tout. C'est une chose que l'on peut dénoncer avec beaucoup de force. D'ailleurs, nous avons eu un colloque à Saint-Hyacinthe et cela a été la préoccupation première de tous les conseils municipaux.

J'espère bien que le ministre saura réviser sa position dans ce sens. J'ai fait état d'une possibilité peut-être de douze commissions, étant donné qu'on a douze régions agricoles au Québec, sans nécessairement aller vers tous les conseils de comté, dans chacune des régions agricoles, le maire ou un représentant du conseil pourra siéger là où il y a un litige. C'était une première demande, savoir que le maire de la paroisse où il y a un litige siège automatiquement à la commission, en plus de membres de l'UPA, c'est-à-dire l'Union de producteurs agricoles, et peut-être de membres du ministère de l'Agriculture. Ce sont des suggestions qu'on a faites.

Au moins douze commissions, ce serait plus logique que d'en avoir une. Parce que 614 plans d'aménagement du territoire, à juger sous la neige, si ces plans sont présentés en janvier et février, je pense qu'on ne peut pas les juger avec objectivité sous quatre pieds de neige. Il va falloir que la commission attende que le sol soit dégagé pour savoir si c'est un terrain rocheux ou non. Si on s'ent tient à la lettre et à l'esprit de la loi, c'est la commission qui jugera si on peut exclure certains lots de l'aire réservée pour fins agricoles. A ce moment-là, je pense que c'est impossible qu'une commission puisse juger 614 plans d'aménagement du territoire.

Le ministre m'a dit une fois: En quinze minutes, on passe à travers cela, un plan d'aménagement de territoire d'une municipalité. J'ai trouvé cela ridicule de la part du ministre de porter un tel jugement, à savoir qu'en quinze minutes, on puisse disposer d'un plan d'aménagement de territoire d'une municipalité. Cela se fait à Québec, à part de cela.

M. Garon: Qui vous a dit cela?

M. Dubois: Vous m'avez dit cela personnellement.

M. Garon: Quand?

M. Dubois: Quand? Au moment de la deuxième lecture, lors de mon discours.

M. Garon: Où?

M. Dubois: A l'Assemblée nationale.

M. Chevrette: Question de règlement, s'il vous plaît!

M. Garon: Où était-ce enregistré?

M. Dubois: Ce sont vos propres paroles: En quinze minutes, on passe à travers cela.

Le Président (M. Boucher): S'il vous plaît! M. le député de Huntingdon, si vous voulez continuer...

M. Dubois: Oui, c'est d'accord, je reviens.

M. Chevrette: S'il revient à la pertinence, il n'y aura pas de question de règlement, mais s'il n'y revient pas, je vais en appeler au règlement.

M. Dubois: En plus des 614 municipalités, l'on aura à juger peut-être de milliers de cas individuels. A ce moment, je pense que c'est rêver que de penser qu'une seule commission puisse décider du sort de toutes les fermes au Québec, surtout dans 614 municipalités. Il y aurait une question que j'aimerais poser à M. le Président en ce qui a trait, premièrement, à la reconnaissance d'un producteur agricole. J'aimerais qu'il me donne son évaluation sur ce que devraient être les critères de reconnaissance d'un vrai producteur

agricole, parce que dans la loi on va concéder 70% des taxes scolaires aux producteurs et 70% des taxes municipales également. Donc, on sait qu'il y a environ 9000 à 10 000 "gentlemen farmers" qui ont peut-être un revenu de $1000 ou plus, des fois, ce n'est même pas un revenu, en autant qu'ils ont un reçu en main, ils peuvent se prévaloir des dispositions de la loi. J'aimerais savoir de M. Moreau ce qu'il pense, premièrement, de la reconnaissance du statut de producteur agricole et quelle est son évaluation dans ce sens. J'aurai d'autres questions qui suivront.

Le Président (M. Boucher): M. Moreau, allez-y!

M. Moreau: Je pense bien que si on veut identifier le statut d'un producteur agricole, on n'a qu'à référer à la loi 64 qui traite précisément des producteurs agricoles. Cela ne veut pas dire que c'est la lumière du Saint-Esprit, la loi 64 non plus, parce qu'il faut s'entendre en ce qui concerne l'article 21. Qu'est-ce que l'article 21 va faire dans l'évaluation, dans la taxation des terres agricoles, quand on va jouer là-dedans tout à l'heure? On le démontre particulièrement dans le projet de loi 90 également. Il va falloir déterminer, à ce niveau — parce que le contexte va être pas mal changé — ce que va être un producteur agricole. Pour moi, c'est très difficile de dire, présentement, ce que va être un producteur agricole en vertu du projet de loi 90 sur le zonage des terres parce que, là aussi, on va jouer pas mal, dans l'article 21, sur les exemptions et sur la taxation des terres agricoles.

M. Dubois: De plus, M. Moreau, sur un autre point de vue qui n'a pas été abordé, dans votre mémoire, en ce qui a trait au fait qu'on enlève la libre disposition de biens acquis aux propriétaires de fermes, premièrement, l'aliénation de nos biens, c'est à peu près cela, on remet entre les mains de technocrates, ici à Québec, la disposition de nos fermes. Je pense que c'est la lettre et l'esprit de la loi.

Moi, dans ma région, j'ai une foule de Néo-Canadiens, Hongrois, Yougoslaves, Russes, Allemands de l'Est, qui ont pu laisser au bon moment; ils se posent vraiment des questions sérieuses sur ce projet de loi, parce qu'ils ont connu ce qu'était une imposition de l'Etat sur des droits acquis, une entrave à la liberté individuelle ou à la libre disposition des biens.

J'aimerais connaître votre point de vue dans ce sens.

M. Moreau: Je pense bien que le projet de loi 90, actuellement, n'a aucune spécification en ce qui concerne la vente des terres à des Néo-Québécois ou à des Néo-Canadiens, si vous voulez. Cela n'a rien à voir avec le projet de loi 90.

M. Dubois: Ce n'est pas dans ce sens que je posais ma question; c'est qu'eux ont connu ce qu'était l'intrusion de l'Etat dans nos vies respec- tives. Alors, eux, qui vivent au Québec présentement, voient d'un mauvais oeil l'Etat s'ingérer dans la disposition de biens acquis. C'est dans ce sens que je posais la question.

M. Moreau: Là, vous me posez une question complètement en dehors des prérogatives de l'Union des conseils de comté. Je pense bien que, à ce moment-là, c'est une question d'appréciation de la part de chacun des citoyens du Québec.

En ce qui nous concerne, c'est la représentation, à notre avis, du monde municipal, des gouvernements locaux, par rapport au gouvernement central, qui, dans le contexte du projet de loi, centralise à Québec toutes les prérogatives locales, particulièrement au niveau des municipalités à vocation purement agricole. Je ne voudrais pas parler de questions qui sont en dehors des juridictions du monde municipal.

M. Dubois: Je sais qu'il y a plusieurs collègues qui veulent intervenir et je ne veux pas abuser du temps, alors je vais laisser la parole à d'autres.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le député de Huntingdon. M. le député de Champlain.

M. Gagnon: Merci, M. le Président. Très brièvement; cela me surprend un peu, aujourd'hui, de voir jusqu'à quel point l'Union des municipalités semble inquiète ou semble devoir protéger le territoire agricole, parce que cela fait tout de même longtemps qu'on parle de protection du territoire agricole et je pense que jusqu'à maintenant, on n'a pas eu de représentations tellement fortes de la part des municipalités et de la part de l'Union des municipalités. Pour preuve, à la première page de votre mémoire, vous mentionnez que la législation relative à l'urbanisme et à l'aménagement du territoire contient des dispositions traitant du zonage agricole. Si jamais on adopte quelque chose, il ne faudrait pas oublier le territoire agricole. (15 h 30)

Cela m'apparaît assez faible et quand on prend l'année 1976, alors que la Commission April, avait siégé en 1968 ou 1969 et que, depuis au moins une dizaine d'années, l'Union des producteurs agricoles mentionnait jusqu'à quel point c'était urgent de légiférer dans ce domaine et qui avait été adopté par la plupart des partis politiques, parce qu'on retrouve cette promesse dans les programmes électoraux de tous les partis politiques.

A la deuxième page, vous mentionnez aussi que l'agriculture est un secteur d'activité humaine, tout comme l'industrie manufacturière, la construction des routes et d'immeubles, etc. Il m'apparaît que vous ne ressentez pas le besoin de protéger le territoire agricole.

Nulle part, en fait, dans votre mémoire, on sent réellement la volonté de protéger ce territoire agricole et, lorsqu'on dit que cela devrait être fait au niveau de l'Union des municipalités, personnel-

lement, je ne voulais que soulever cela pour le mettre en doute sérieusement, parce que, si les municipalités et si l'Union des municipalités en avaient senti le besoin depuis longtemps, je pense qu'on aurait fait les efforts, les pressions voulues pour que cela se fasse, mais il a fallu attendre, justement, que le gouvernement le fasse pour entendre dire après: Nous aussi, nous sommes capables de le faire.

M. Moreau: Je voudrais mentionner ceci. M. le député n'est pas dans la bonne union parce que c'est l'Union des conseils de comté du Québec...

M. Gagnon: Excusez. Oui. Je me suis trompé.

M. Moreau: ... premièrement. Deuxièmement, il est présomptueux parce que ce n'est pas le rôle des municipalités de faire des lois. Les municipalités ont la responsabilité d'exécuter en vertu des lois et je pense qu'à ce moment, l'Union des conseils de comté, depuis... Ici, on cite en 1976 et cela va plus loin que cela en arrière, et je reviens à ce que je disais ce matin. Précisément, les municipalités du Québec, en ce qui concerne la protection des terres, ont eu à se prononcer quand il y a eu un projet de loi devant elles. Quant au principe de sauvegarder et de protéger les terres agricoles, je pense bien qu'il n'y a jamais eu de conflit entre le monde agricole et les municipalités rurales dans ce sens.

Et je dirais précisément qu'à ce moment, je vois l'UPA qui défend, et avec raison d'ailleurs, la protection des terres, mais qui a vendu les terres, si ce n'est pas le monde agricole, à un certain moment. Et la spéculation? Ce ne sont pas les municipalités. Si on veut voir les plus grands prédateurs et les plus grands... ceux qui ont gaspillé les terres, c'est précisément le gouvernement du Québec; si on regarde les dommages qu'ont fait à l'agriculture l'Hydro-Québec et le ministère des Transports... Et encore, cela se fait présentement.

Je peux vous amener à des endroits où vous voyez de l'industrie, des routes qui sont implantées non seulement dans les trécarrés des terres, mais de biais dans les terres. On ne tient même pas compte de la valeur des terres et des terres les plus valables en agriculture au Québec et je ne vois pas pourquoi, aujourd'hui, on semble vouloir accuser les conseils de comté et les municipalités de ne pas avoir sauvegardé les terres quand le gouvernement central ne l'a pas fait.

Donnez-nous des lois. Vous l'avez fait dans le domaine de l'évaluation foncière. Les municipalités se sont-elles opposées pour faire l'évaluation foncière du bien-fonds du Québec? Pas du tout, mais il faut avoir des législations conséquentes pour le faire et c'est dans ce sens que le monde municipal, sans se faire déposséder de ses prérogatives et de ses droits fondamentaux et démocratiques, est prêt à collaborer avec le gouvernement dans le sens de trouver un moyen terme entre une loi du marteau et une loi démocratique qui permette à tout le monde de se faire entendre.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Montmagny-L'Islet. Ah! Me Massey.

M. Massey: J'ai relevé dans les propos du député de Champlain ce qui me semble être absolument l'envers de ce que doit être l'aménagement du territoire. Je pense bien que si on sort du contexte de l'aménagement du territoire, on devra faire face à des problèmes de plus grande envergure que ceux qu'on veut résoudre par le projet de loi 90. Pour illustrer, comme il semble difficile de comprendre ce qu'est l'aménagement du territoire, je me servirai d'une comparaison qui m'a déjà d'ailleurs été fournie par un des bons organisateurs de mon député de comté, M. Beau-séjour, que j'ai le plaisir de saluer ici, à la table. Cet organisateur est maire, d'ailleurs. Il employait l'image de celui qui veut se faire confectionner un habit. Si je décide de me faire confectionner un habit, je peux me choisir du tissu. Le projet de loi 90 déjà coupe le tissu avant d'avoir pris les mesures, alors que l'aménagement du territoire est d'abord de prendre les mesures de celui qui veut se faire confectionner un habit avant de tailler le tissu. Autrement, le risque est grand, à moins que ce soit une très grande personne que l'on vise en premier et que l'on fasse un habit pour un plus petit. Il y a de forts risques que le tissu soit gaspillé.

Un territoire est exactement comme un tissu. C'est un tissu national. J'ai plusieurs fois, dans le passé, dit qu'il fallait procéder par la protection des sols agricoles. Ce n'est pas aujourd'hui que je vais dire le contraire. Mais également, il faut se rendre compte que la seule façon de procéder, c'est par une perspective d'ensemble, une vue globale de ce qu'est le territoire national que l'on veut aménager et de procéder ensuite à du découpage.

Le contenu de nos représentations indique que si l'on commence par du découpage, le risque est très grand, il est même trop grand que ce découpage soit fatal à un bon couturier pour faire un habit. C'est ainsi que l'on traite principalement l'aménagement du territoire.

M. Gagnon: M. le Président, je voudrais ajouter, parce que c'est encore moi qui ai le droit de parole, que depuis longtemps on a commencé à couper dans le tissu agricole. Les mesures, on commence à les connaître avec les programmes qu'on va mettre de l'avant pour justement employer cet habit au complet.

Le Président (M. Boucher): Merci. M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Giasson: Merci, M. le Président. M. Moreau, au début de votre mémoire, vous déclarez ceci: L'agriculture est un secteur de l'activité humaine tout comme l'industrie manufacturière, la construction de routes ou d'immeubles et ainsi de suite.

Vous reconnaissez dès l'abord que l'agriculture constitue un des éléments à l'intérieur de

l'ensemble de l'économie du Québec. Mais à votre avis... Vous êtes agriculteur, je pense.

M. Moreau: Oui, monsieur.

M. Giasson: Croyez-vous que le Québec doit continuer d'instaurer des programmes, des politiques qui fassent qu'on continue de développer l'agriculture à l'intérieur du grand ensemble qu'est l'agro-alimentaire?

M. Moreau: M. le Président, je pense bien qu'on peut faire une petite rétrospective du passé. C'est au cours du mois de décembre qu'on veut sanctionner une loi sur le zonage des terres. On tient pour acquis que dans la région de Montréal ou dans les régions autour de l'urbanisation, il y a 500 000 acres de terre en spéculation; mais il faut bien distinguer entre l'utilisation des sols et l'agro-alimentaire.

Nous sommes d'accord qu'il doit y avoir un maximum d'autosuffisance en agro-alimentaire au Québec, mais ce n'est pas en zonant les terres, particulièrement, qu'on va régler ce problème. Actuellement, il y a des terres en friche au Québec. S'il y a des terres en friche, ce n'est pas parce qu'elles ne sont pas zonées, c'est parce qu'il n'y a pas de politique agricole. C'est bien différent. C'est parce que, de tous les temps, le ministère de l'Agriculture — et il l'est encore — a été le parent pauvre de tous les ministères au Québec. Le problème de la désertion — cela n'a rien à voir, M. le Président, avec le zonage des terres — a des conséquences économiques bien contraires à la question du zonage. L'on peut zoner aujourd'hui, ce qui est souhaitable, les terres, protéger les terres agricoles, mais si on n'a pas simultanément une politique viable en agriculture, dans 20 ans, on aura des terres en friche au Québec. C'est cela qu'on va avoir.

Je pense — et nous le disons dans ce mémoire — que le zonage des terres, sous sa forme actuelle, est une action sectorielle, parce que ça ne comprend pas... L'aménagement du territoire et ce, dans tout le Québec, devrait prendre place et le zonage des terres devrait être à l'intérieur d'une politique d'aménagement du territoire.

Quand on parle d'aménagement, on parle d'économie, on parle de tout ce qu'il faut mettre en place pour l'ensemble du territoire québécois. Même aujourd'hui, qu'on zone les terres demain matin, du côté économique, on n'aura pas réglé grand-chose puisque, l'intérieur des régions non zonées, le coût des terrains et le coût de l'habitation vont doubler et tripler, peut-être quadrupler. On va avoir ce qui s'est passé en Colombie-Britannique, c'est la même chose.

C'est dans ce sens qu'on dit que c'est sectoriel et qu'on devrait... Ce que les gens en Colombie-Britannique n'ont pas fait, parce que c'était une expérience au Canada, on devrait, à la lumière de ce qui s'est passé en Colombie-Britannique, aménager le territoire du Québec de façon que l'ensemble de l'économie québécoise ne soit pas affecté. C'est ça, à notre avis, qui est prématuré dans le zonage des terres, c'est-à-dire que ce n'est pas un plan d'ensemble.

Nous avions l'impression, M. le Président, et même la conviction, que l'aménagement du territoire comporterait, dans son ensemble, le zonage des terres agricoles. C'est dans ce sens qu'à mon avis on n'a pas réglé le problème. On va peut-être conserver des terres, je ne conteste pas ça, mais au point de vue économique, si l'économie fonctionne bien au Québec, à tous les paliers, l'agriculture va certainement en bénéficier. Je le dis parce que je suis moi-même un agriculteur et un agriculteur actif dans la région de Montréal, précisément dans une région où les gens qui sont encore en agriculture ont prétendu que c'était valable de sauver le patrimoine et d'être des agriculteurs actifs. J'ai une ferme, 130 têtes de bétail, producteur de lait, à 18 minutes de Montréal. Ce n'est pas à vendre pour autre chose.

M. Giasson: Un peu plus loin, dans votre mémoire, vous faites allusion à une des dispositions qu'on retrouve dans la loi, celle des modifications apportées à l'article 21 de la Loi de l'évaluation foncière. Vous déclarez: "II est certain que ce projet de loi affectera le champ de taxation de plusieurs municipalités en apportant des modifications aux valeurs foncières". Qu'est-ce que vous craignez exactement derrière tout ça, ce changement à la valeur foncière des fermes?

M. Moreau: Je vais demander à Me Viau de répondre à cette question.

M. Viau (Pierre): Dans les questions d'évaluation, quand vous vérifiez l'article 21 attentivement, lors de l'étude article par article, sans prendre le texte qui est là, je ne suis pas assuré que les municipalités ne récupéreront pas sur la bâtisse éventuellement ce qu'elles vont échapper sur la terre. Cela n'apparaît pas de façon très claire. Mais, à ma connaissance, quand un texte de loi n'est pas rédigé de façon claire, il faut s'attendre un jour que ce soit interprété contre la personne, en faveur de la municipalité.

Dans le cas de l'article 21, ce qui est arrivé, par le jeu de cet article tel qu'il est rédigé, replacez-le à l'intérieur de la Loi de l'évaluation foncière et je suis convaincu qu'en dedans de deux ans, les municipalités vont pouvoir récupérer sur la maison ce qu'elles vont échapper sur la terre, à tout événement. Evidemment, on ne discutera pas ici des questions d'interprétation judiciaire puisque les tribunaux sont peut-être un peu plus...

M. Garon: Je pense que je peux répondre à ça, donner une explication. Au contraire, si on avait fait l'imposition de la maison, séparée de la ferme, ce que vous dites serait vrai. Selon les avis qu'on a eus des experts en fiscalité, il fallait que tout soit évalué dans l'ensemble comme cela se fait actuellement, la maison, les bâtiments, la ferme et, après ça, un remboursement de 70%. Il y

a eu une enquête auprès de — je ne me souviens pas si c'est 1500 ou 15 000 fermes — très nombreuses fermes, faite par le ministère des Affaires municipales, qui révèle que la taxation de la maison représente, par rapport à l'ensemble de la ferme, 29%. On a fait un chiffre rond, 30%, 70%, de sorte que la maison de l'agriculteur va être taxée comme la maison d'un autre citoyen mais, par rapport à une maison de ferme, comme une maison de ferme. Par ailleurs, à ce moment-là, les bâtiments et le sol vont être détaxés. (15 h 45)

M. Viau: J'aimerais bien partager l'opinion du ministre, mais on ne partira pas de querelle de juristes là-dessus. J'attirerais cependant l'attention de la commission sur l'article 1, paragraphe 1, qui définit l'agriculture d'une façon un peu particulière, mais, à tout événement, la définit quand même. "Agriculture": la culture du sol, y compris le fait de le laisser en friche, l'élevage des animaux et, à ces fins, la confection, la construction ou l'utilisation de travaux, ouvrages ou bâtiments, à l'exception des résidences".

Si on réintroduit la définition d'agriculture et qu'on combine l'article 21a avec la Loi de l'évaluation foncière et que le ministre peut donner des opinions juridiques là-dessus, tant mieux pour lui, parce que j'aimerais mieux qu'on ne débatte pas ces questions de cette façon, car elles seraient encore moins claires dans votre propre texte. C'est-à-dire que si on exclut dans la définition la résidence et qu'on combine l'article 21 avec les dispositions de la Loi sur l'évaluation foncière, ou bien la municipalité se fait jouer un tour, ou bien le propriétaire se fait jouer un tour. Etudiez-le comme il le faut, vous allez voir que c'est cela. D'accord? Un des deux, en tout cas.

M. Garon: Non.

M. Viau: Un instant! Cela étant acquis, il me semble que ce n'est pas la façon de légiférer de façon claire pour savoir si des gens vont être taxés d'une façon ou d'autre autre. Je pense que la commission aurait peut-être avantage à voir les travaux que le sous-comité sur la fiscalité, traitant de l'article 21, a faits. Il y avait des représentants du ministère de l'Agriculture à ce sous-comité, un rapport a été soumis au comité de la fiscalité et, à ce moment-là, ces questions-là ont été soulevées. Je pense que ce serait de l'intérêt de la commission de connaître cela. Passé cela, bien...

M. Garon: Me Viau, si vous regardez l'article 106, qui amende la Loi sur l'évaluation foncière, la définition du paragraphe 1 ne fait pas partie de la Loi sur l'évaluation foncière. Voyons donc! Tout ce qu'on ajoute, c'est l'article 21a à l'article 21. Dans la Loi de l'évaluation foncière, vous n'avez pas la définition d'agriculture que vous retrouvez dans la loi 90. Voyons donc!

M. Viau: M. le ministre, vous vous adressez à moi comme avocat. Je vais vous répondre comme avocat. Je comprends tout cela.

M. Garon: Cela m'apparaît évident.

M. Viau: Je comprends que c'est d'autant plus mal situé que d'amender une loi d'évaluation par une loi de zonage agricole, mais cela n'est pas mon problème, c'est le vôtre. Mais c'est le fait actuel. Ce que je vous dis actuellement, c'est de vérifier les travaux qui ont été faits au sous-comité de la commission traitant de la fiscalité que M. Parizeau, et M. Tardif ont formée. Peut-être même que là, les gens de votre ministère vous instruiraient sur les conséquences des amendements à l'article 21a que vous retrouvez dans votre propre loi.

M. Garon: Je pourrais vous dire, Me Viau, pour votre information, que les gens du ministère du Revenu étaient membres du comité qui a rédigé cet article.

M. Viau: Eh bien! Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise?

M. Garon: Et M. Parizeau y était aussi, de même que ses fonctionnaires.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Giasson: M. Moreau, dans les suggestions et les modifications que vous proposez, dès le départ, vous indiquez que la commission parlementaire, à la fin des présents travaux, devrait s'ajourner et qu'on mette fin à la poursuite de l'étude de la loi 90, selon les étapes prévues par les règlements de l'assemblée.

Est-ce que vous avez évalué les conséquences que cela pourrait poser sur l'ensemble du territoire compris à l'intérieur de la zone verte, s'il y avait un arrêt, pour une période de temps, pour reformuler une nouvelle Loi sur la protection du territoire agricole, qui serait présentée avec des modifications fort importantes, si on s'en rapporte aux commentaires ou aux suggestions qui suivent?

Vous savez qu'il y a un gel à peu près sur toute opération, transaction ou activité. Il y aurait des conséquences derrière votre recommandation. Est-ce que vous avez évalué les conséquences qu'il y aurait?

M. Moreau: M. le Président, je pense bien que nous n'avons pas d'objection qu'il y ait un gel, puisqu'on nous dit que c'est tellement urgent de sauver l'agro-alimentaire et tout cela. On n'a pas d'objection au gel. Mais je pense que si on procédait avec un comité conjoint, avec les organismes qui devraient faire partie du comité conjoint, cela irait même plus vite que les dispositions actuelles de la loi 90 avec les 180 jours de délai, si on tient pour acquis que chacune des municipalités va avoir à passer à tour de rôle.

Je ne pense pas qu'il y aurait retard au calendrier. D'ailleurs, M. le Président, cela n'a jamais été, à mon sens, quelque chose de vicieux et de mauvais que de consulter les gens qui sont

impliqués. On nous dit, d'une part, que l'UPA est impliquée dans l'agriculture. Je suis absolument d'accord sur cette question, mais les municipalités sont également impliquées, particulièrement les municipalités rurales. Cela a des retombées sur les municipalités rurales et sur l'ensemble du monde rural au Québec et cela a aussi des retombées sur le monde urbain.

Je pense que prendre le temps voulu — cela n'implique pas des délibérations qui vont avoir une durée de six mois — avec les personnes responsables voulues pour arriver avec une loi comestible, je ne vois pas comment cela causerait préjudice à la population du Québec. Bien au contraire, je pense que ce serait salutaire pour la population du Québec, pour l'ensemble des Québécois.

Le Président (M. Boucher): Me Viau. Me

Massey.

M. Massey: Si vous permettez, M. le Président, je voudrais seulement ajouter un élément d information ou de réponse à la question qui a été formulée par le député de Nicolet-Yamaska. Je pense que la terre est aussi gelée...

M. Giasson: De Montmagny.

M. Massey: De Montmagny, je m'excuse. Je vous ai donné un autre comté.

M. Giasson: ...

M. Massey: La terre est aussi gelée le 23 décembre que le 23 février au Québec.

M. Giasson: Non, ce serait plus facile dans Lévis.

M. Massey: Cela continue dans le sens des mesures dont je parlais tantôt.

M. Garon: C'est 6000 de majorité.

M. Massey: Ce que je voulais apporter comme précision, c'est que le délai qui est suggéré n'est pas un délai qui dépasserait vraisemblablement soixante jours. La terre serait aussi gelée le 23 février qu'elle l'est le 23 décembre. Entre les deux, tout le monde aurait le temps, par un comité que nous suggérons, de dégeler non seulement la terre, mais de dégeler le climat et de dégeler la loi pour lui permettre d'être potable à tout le monde, à tous les citoyens du Québec et permettre aux municipalités de ne pas se sentir frustrées dans un contexte global de décentralisation des entreprises, mais de donner suite aux politiques générales du gouvernement.

M. Garon: Dégeler les terres en février, cela va coûter cher de chauffage.

M. Massey: Je suis supris d'apprendre que votre terre est chauffée, M. le ministre.

M. Giasson: Je suis bien d'accord sur l'opinion que vous venez d'émettre, mais, tout de même, nous avons vécu récemment une expérience dans les municipalités du Québec. La nouvelle Loi de l'évaluation foncière a donné la possibilité aux municipalités de procéder, du moins dans ma région. Je ne peux pas porter de jugement sur l'ensemble du Québec. Dans ma région, l'application et tout le travail à être exécuté dans la mise en application d'une nouvelle évaluation foncière, cela a été extrêmement long, même si c'était décentralisé au niveau d'un conseil de comté. Cela faisait un an qu'on avait une équipe d'évaluateurs en place et on ne savait pas encore où on allait.

M. Moreau: M. le Président, je pense que c'est une question absolument pertinente. Ce n'est pas le monde municipal qui a retardé dans ce domaine de l'évaluation foncière. Vous savez que le gouvernement nous avait dit: Dans l'évaluation foncière, vous allez fonctionner avec des normes et les normes, c'était un manuel d'évaluation. Nous avons attendu deux ans si ce n'est pas trois ans pour la mise à jour d'un manuel d'évaluation. Aussitôt que le manuel d'évaluation a été sorti, les municipalités ont commencé à fonctionner. Je ne vois pas, le jour où le monde municipal, où les conseils de comté ont des lois auxquelles ils doivent se conformer, ce qui retarderait plus un conseil de comté ou une municipalité de fonctionner qu'un gouvernement ou qu'une régie, avec les délais requis. A ce moment-là, quand on parle d'évaluation, c'était par ordonnance que cela se faisait, la mise en marche de l'évaluation. L'ordonnance, ce ne sont pas les conseils de comté, ni le comté, ni la municipalité qui l'émettait. Cela est sorti le 15 avril 1977. Il ne faudrait pas blâmer la municipalité pour d'autres inerties.

Sans vouloir jeter le blâme sur qui que ce soit. Le monde municipal, après quoi attend-il? Après des lois, après des réglementations qui viennent d'en haut, puisqu'on est précisément les créatures de l'Etat. C'est dans ce sens qu'on veut fonctionner. L'ordonnance est arrivée le 15 avril 1977. Les municipalités ne pouvaient pas, avant le 15 avril 1977, commencer à fonctionner. Dieu sait combien cela a coûté aux municipalités de tripoter avec des vieux rôles.

M. Giasson: Oui, mais effectivement, M. Moreau, il y a des municipalités qui ont commencé à revoir l'évaluation foncière, même si elles n'ont pas touché aux bâtiments, elles ont commencé à faire l'évaluation du sol ou du terrain. Dans une autre étape, elles sont venues, elles ont poursuivi leur évaluation des propriétés, des immeubles qu'il y avait sur ce terrain. L'évaluation du bien-fonds a commencé plus tôt, vous dites le 15 avril 1977?

M. Moreau: C'est cela, le 15 avril 1977.

M. Giasson: Certaines municipalités ont commencé avant cette date.

M. Moreau: II n'y a pas de délai là-dessus.

M. Giasson: J'ai remarqué également que vous avez des doutes et des inquiétudes très grandes relativement à l'article 96. Le ministre nous a indiqué un cas ou des cas possibles qui pourraient se prévaloir des pouvoirs énormes que le gouvernement se garde par l'article 96. Comme vous, je trouve que c'est excessif, comme pouvoirs que l'Etat se donne. Je crois que c'est à l'article 66 que l'Etat se réserve déjà certains pouvoirs vis-à-vis des ministères ou des organismes gouvernementaux. Il pourrait très bien, et je veux avoir votre avis là-dessus... Est-ce que l'Etat pourrait se garder la marge de manoeuvre qui lui est nécessaire, selon les explications fournies par le ministre, en modifiant quelque peu l'article 66, et en ajoutant: "Suite au ministère et organismes".

M. Moreau: II faudrait que l'article 96 soit biffé et l'article 66, à mon sens, avec un peu d'élaboration, pourrait facilement être mis en place et être accepté comme tel.

M. Giasson: D'autant plus que l'article 80 également laisse énormément de place et de pouvoirs au gouvernement par la réglementation qui va être mise en vigueur à l'application de la loi.

Je remarque que vous auriez aimé également que l'article 27 s'étende à tout ce qui est boisé, non seulement se limiter aux érablières dont il est fait mention dans l'article 27. Que recherchez-vous par l'obligation pour chaque propriétaire de boisé de détenir un permis avant de procéder à des exploitations ou à des opérations forestières?

M. Moreau: Je laisserais à Me Massey le soin de répondre à cette question.

M. Massey: M. le Président, cette recommandation s'inscrit dans le sens de ce que nous avons dit précédemment, c'est-à-dire que le zonage agricole devrait et doit, dans tous les cas, s'inscrire dans une politique d'aménagement du territoire.

Il est assez farfelu de constater que le projet de loi ne vise que les érablières, avec l'obligation de détenir un permis à peu près pour tout, sauf pour quelques éclaircies. On ne mentionne pas qu'il faut détenir un permis pour entailler au printemps, et c'est bien juste. Il n'y a rien là comme mesure de protection du sol agricole. Tout le monde sait que nos forêts, le petit peu qui en reste dans le territoire visé d'abord par la cartographie qui a été produite et enregistrée au bureau d'enregistrement, recouvrant un sol classé, la plupart du temps, A-1 comme le territoire agricole qui est cultivé dans les environs. Ce n'est pas une raison pour ne pas protéger les terres sur lesquelles il y a des boisés privés. Ce n'est d'ailleurs pas une raison pour ne pas protéger les montagnes qui sont les Montérégiennes qui se trouvent dans cette région, qui ne sont pas nécessairement du sol A-1, mais qui sont quand même une valeur sûre au niveau de l'environnement, de l'écologie, de la protection du patrimoine rural québécois, ce qui appartient à tout le monde. Il nous semble que c'est excessivement restrictif que de ne viser que certains boisés et d'en exclure d'autres. C'est pourquoi nous faisions la recommandation d'inclure tous les boisés.

M. Moreau: Vous savez, dans un contexte d'environnement, à mon sens, la loi ne va pas assez loin dans le domaine du zonage agricole, quand on vise certaines régions agricoles. Je pense que si l'ensemble du Québec — si on tient pour acquis que la société québécoise est un ensemble, cela couvre l'ensemble du territoire québécois — à ce stade-ci, l'aménagement du territoire devrait être mis de l'avant et l'aménagement du territoire de tout le territoire québécois. (16 heures)

Si, à un moment donné on zone une certaine région pour des vocations purement agricoles et qu'on ne prend pas en charge d'autres périmètres qui ne sont pas agricoles, on va connaître là des phénomènes d'anarchie assez difficiles à résoudre. Je pense que cela va avoir une incidence sur d'autres parties du territoire qui ne sont pas zonées et qui ne sont pas aménagées.

Je pense bien qu'une loi d'aménagement du territoire devrait, à mon sens, couvrir l'ensemble du Québec.

M. Giasson: C'est dans ce sens, sans doute, M. Moreau, que, si votre première recommandation était entendue et écoutée par le gouvernement, surtout dans l'hypothèse du dépôt prochain de la loi sur l'aménagement et l'urbanisme, l'opération pourrait être menée de front, conjointement et solidairement, par tous les secteurs de territoire du Québec, quelle qu'en soit la vocation, qui doivent être protégés par un programme d'aménagement intégré.

M. Moreau: D'ailleurs, M. le Président, c'est ce que nous croyons et ce, non seulement depuis la conférence Québec-municipalités du printemps dernier, mais c'est même inscrit au programme du Parti québécois que l'aménagement du territoire, la décentralisation, la consultation étaient pour être inclus dans les nouvelles politiques du gouvernement. C'est dans ce sens... Le zonage des terres exclu de l'aménagement du territoire, on a commencé à en prendre connaissance seulement à la fin d'août; avant cela, c'était l'aménagement du territoire. Je pense bien qu'à ce moment les municipalités ne se sont pas inscrites en faux contre l'aménagement du territoire, d'ailleurs il y a un comité conjoint sur l'aménagement du territoire qui a été formé, qui a siégé avec le ministre délégué à l'environnement. Il y a même une assemblée prévue pour ce soir. Je pense que l'aménagement inclut le zonage des terres et cela devrait, à mon avis, être partie de l'ensemble dans tout le Québec.

M. Giasson: Merci, M. le Président, ce sera tout.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le député de Montmagny-L'Islet. M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: Merci, M. le Président. Le maire de Verchères ne sera pas surpris que son député intervienne!

Je voudrais vous placer devant la situation où nous avons été placés. Vous avez un gouvernement qui veut intervenir énergiquement et rapidement sur la protection du territoire agricole, d'une part, qui trouve que cela est urgent — et on pourrait discuter longtemps sur votre affirmation de la page 1 — mais, indépendamment de cela, qui a une perception assez particulière de la situation, qui considère, lui, que c'est urgent, d'autant plus que c'est réclamé depuis nombre d'années.

Là, d'une part, on fait une tournée à travers le Québec et vous avez des milieux agricoles — et je pense, entre autres, à l'UPA de Saint-Hyacinthe, parce que j'ai eu l'occasion d'assister à cette partie de la tournée régionale — où vous avez des représentants de producteurs agricoles qui viennent prier le gouvernement, prier le ministre de ne pas confier une éventuelle protection du territoire agricole au monde municipal. Cela a été l'une des principales revendications des producteurs agricoles, on se méfie du monde municipal.

Vous avez, par ailleurs, de l'autre côté, à l'autre pôle, le monde municipal, en particulier l'Union des conseils de comté qui réclame un rôle majeur dans l'intervention et dans l'administration éventuelle de cette loi et un rôle clef dans la protection des territoires agricoles.

Tenant compte également du fait que les structures des conseils de comté ne sont pas également efficaces à travers le Québec, tenant compte que nous avons une loi — vous avez à bon compte, je pense, mentionné qu'il y a tout un travail de consultation et de préparation qui se fait sur l'aménagement du territoire — qui n'est pas encore mise en place, que la réforme qui est proposée, en termes de décentralisation, n'est pas encore arrivée, qu'il va falloir un certain temps, même si la loi est déposée, avant que celle-ci soit mise en application, qu'on s'entende sur ses structures éventuelles et qu'on les fasse fonctionner. Ne trouvez-vous pas normal qu'en attendant tout au moins que ces structures existent, qu'elles aient établi leur crédibilité, puisque certaines municipalités ont pu l'établir vis-à-vis du milieu agricole, par exemple, n'est-il pas préférable de procéder finalement de la façon dont on procède, c'est-à-dire de réserver au monde municipal, mais localement d'abord, un rôle important et de confier finalement à une commission le soin, en dernier recours, de prendre des décisions?

M. Moreau: Je remercie le député de Verchères pour son assiduité, pour son courage à vouloir sauver la démocratie locale et les gouvernement locaux. Il faudrait, tout de même, faire une preuve des prières qui ont été adressées au gouvernement dans le sens de ne pas faire confiance aux municipalités

Je connais des maires qui sont agriculteurs, je suis agriculteur moi-même et je connais aussi des membres de conseils municipaux, de conseils de comté, qui sont des agriculteurs et je n'ai pas entendu ces prières. Peut-être ne suis-je pas la bonne personne pour recevoir les prières.

M. Charbonneau: Probablement.

M. Moreau: Mais il reste ceci. C'est une loi. Ce sont des prérogatives qui ont été vantées non pas par les municipalités, mais précisément par le ministre d'Etat à l'aménagement du territoire, qui nous a dit jusqu'à très récemment que l'aménagement du territoire, cela faisait partie, cela incluait le zonage des terres agricoles, que les décisions, et cela est mentionné dans le mémoire — on peut même citer le numéro des paragraphes où cela a été dit par M. Léonard lors de la Conférence Québec municipalités, que les décisions ne devaient pas se prendre dans le sens de l'aménagement du territoire et de la régionalisation à Québec. Alors, on est parti de cette conclusion qui nous venait d'en haut d'ailleurs.

M. Charbonneau: II y a une chose...

M. Moreau: Puis-je terminer ce que j'ai à dire? M. Charbonneau: Oui. Allez-y donc.

M. Moreau: A ce moment, les municipalités n'ont pas la prétention de posséder en elles-mêmes la science infuse, mais il reste tout de même que si on veut tenir pour acquis que les gouvernement locaux ont d'autres rôles à jouer que des rôles symboliques de coupeurs de rubans, je pense bien qu'il faut leur donner par une loi qui sera surveillée d'en haut, évidemment — d'ailleurs, cela se fait ailleurs dans d'autres domaines — par le gouvernement, pour voir à ce que les prérogatives, à ce que les lois soient exécutées et on ne demande pas plus que cela. On ne demande pas de contrôler seuls et sans appel, comme le fait la commission, la décision de la protection des terres agricoles. On demande qu'avant que cela aboutisse devant la commission, que le monde local, les élus locaux, soit les plus près du peuple, puissent harmoniser une politique de protection des sols. S'il n'y a pas entente à ce moment, c'est la commission qui décide. Cela n'a rien d'antidémocratique.

M. Charbonneau: Si on est d'accord avec vous, et je pense qu'il n'y a pas lieu qu'on soit nécessairement en désaccord, êtes-vous conscient que les structures municipales qu'on veut réformer ne sont pas encore réformées? Pouvez-vous nous dire, actuellement, que l'ensemble des conseils de comté dans tout le Québec pourraient, du jour au lendemain, assumer ces responsabilités tel qu'ils font actuellement? Est-ce que, dans l'ensemble, les conseils de comté sont aussi efficaces que le conseil de comté de Verchères?

M. Moreau: Cela fait dix ans que le monde municipal demande une législation qui nous per-

mette d'administrer démocratiquement, avec des pouvoirs qui viennent d'en haut, les municipalités locales et les régions au Québec. Si vous prétendez, si le gouvernement prétend que, par sa science, par son immunité, par sa connaissance absolue du territoire, il va pouvoir se substituer au gouvernement local dans les décisions touchant la protection des terres agricoles, allez-y, faites-le et le gouvernement portera l'odieux des décisions qu'il va prendre. Il y a des gens qui vont se réveiller dans six mois, un an et qui vont comprendre que cette loi ne tolère absolument pas, à côté d'elle, d'autres instances.

On fait actuellement des municipalités des agents de l'Etat. On l'a fait dans d'autres domaines dans le passé. Est-ce qu'on va répéter la même procédure avec les municipalités? En réalité, c'est le gouvernement qui va décider; on ne peut pas s'inscrire en faux contre cela, mais on portera l'odieux de tout cela. La population du Québec paiera. A mon sens, M. le Président, quand on ne fait pas la distinction entre l'agro-alimentaire qui, sans conteste, est la responsabilité du ministère de l'Agriculture et du ministère de l'Industrie et du Commerce et tout cela... On ne conteste pas cela du tout. Quand le gouvernement dit: Nous voulons avoir le pourcentage maximum d'autosuffisance, je ne vois pas que des gens puissent s'inscrire en faux contre cela. Mais je pense que c'est déplacer le contexte quand il s'agit du zonage des terres, quand il s'agit de la protection des terres agricoles, quand on tient pour acquis que, présentement, il y a des terres qui sont en friche et on prévoit également dans la loi qu'il va y en avoir d'aures en friche. On n'oblige personne à cultiver les terres. On ne fait que les protéger. Cela va venir, mais ce n'est pas là. C'est dans ce sens que l'agro-alimentaire, je suis d'accord sur cela. Si vous me permettez une boutade, M. le Président, je pense bien que, M. le ministre et moi-même, on est une preuve vivante que l'agro-alimentaire, on pourrait retarder cela de deux ou trois mois et on n'en souffrirait pas.

M. Garon: Vous savez, M. Moreau, c'est parce que nous sommes un gouvernement social-démocrate. On veut partager cela avec tout le monde.

M. Charbonneau: M. Moreau, tout en constatant que, finalement, la chose sur laquelle on ne s'entend pas, c'est que nous pensons qu'éventuellement, lorsqu'il y aura une loi d'aménagement, de nouvelles structures seront mises en place, il y aurait peut-être lieu, à ce moment-là, de voir à ce que ces nouvelles structures assument certaines des responsabilités qui sont actuellement confiées par la législation; mais le délai peut malgré tout être suffisamment long si on considère l'urgence. C'est là peut-être qu'on diffère et c'est peut-être là où prend tout son sens votre note du début. On considère que l'urgence de la situation, le fait que c'est réclamé et attendu depuis des années par d'autres milieux... Je pense qu'il y avait lieu, à notre avis en tout cas, de procéder de cette façon-là.

Mais je voudrais vous poser une autre question concernant l'appel. Vous demandez qu'il y ait un droit d'appel devant la Commission municipale. Est-ce que vous ne trouveriez pas plus indiqué qu'éventuellement, on puisse envisager un appel, mais qui serait à l'intérieur de la commission de protection? Par exemple, il pourrait y avoir une division d'appel qui ferait en sorte qu'on serait assuré d'avoir des décisions qui seraient prises par des gens spécialisés. Le problème, c'est que, finalement, si vous ne mettez pas de droit d'appel ou si vous réservez un droit d'appel général à la Cour supérieure, est-ce que ces gens-là sont bien préparés à juger sur le fond? Ils peuvent juger sur le droit et ce sont d'ailleurs leurs prérogatives actuellement, mais est-ce que, finalement, on ne tomberait pas dans le problème qui nous a fait créer à différents endroits des tribunaux spécialisés parce que la Cour supérieure n'est pas un tribunal spécialisé pour juger de ces questions? Est-ce qu'il n'y aurait pas une autre formule que la Commission municipale qui pourrait être envisagée pour éventuellement prévoir un droit d'appel? Par exemple, il existe la Commission des transports et il y a le Tribunal des transports, mais c'est finalement un tribunal d'appel spécialisé qui, lorsqu'il se penche sur une question, connaît la situation. Il peut éventuellement se prononcer sur le fond et non pas uniquement sur le droit.

M. Moreau: M. le Président, je demanderais à Me Massey de répondre en ce qui concerne le droit d'appel. En ce qui concerne la première question du député de Verchères, je voudrais bien mentionner qu'on parle depuis dix ans ou qu'on réclamait depuis dix ans le zonage des terres. Je pense bien que, si on le réclame depuis dix ans et qu'on en est seulement au stade d'une loi qui semble vouloir être adoptée à la vapeur à la veille de la fermeture de l'Assemblée, je pense bien qu'un autre deux mois ne causerait pas tellement de préjudice aux Québécois et que cela permettrait de confirmer, M. le Président, la philosophie du Parti québécois, celle d'être ouvert à la consultation, à la participation et aussi à la démocratie. (16 h 15)

A mon sens, c'est purement et simplement d'accaparer les pouvoirs du monde municipal. Je voudrais insister, sans préjudice, M. le Président, je reviens au passé, sur ce qui est arrivé. On dit: Après, on va remettre des pouvoirs dans la loi d'aménagement du territoire. Les combats d'arrière-garde, M. le Président, je n'ai jamais eu confiance en eux. Je regarde ce qui est arrivé, on va le dire bien clairement, parce qu'il faut tout de même appeler les choses par leur nom, aux commissions scolaires au Québec. A un moment donné, elles avaient des pouvoirs. Je me souviens que lors d'un congrès de la Fédération des commissions scolaires, le ministre a dit: L'an prochain, vous allez être pas mal moins nombreux que cette année, parce qu'il va y avoir moins de monde dans votre équipe. Tout le monde a applaudi.

Aujourd'hui, les commissions scolaires cherchent encore à obtenir des pouvoirs qu'elles ont

perdus. Vous savez, une fois qu'on a perdu quelque chose, je ne vois pas tellement — ce serait un précédent dans l'histoire occidentale — un gouvernement redonner les pouvoirs après les avoir pris. C'est précisément la peur de l'Union des conseils de comté des municipalités rurales.

Je dis ça, non pas dans le sens de vouloir protéger le monde municipal, parce que je suis un représentant municipal, mais de vouloir protéger les citoyens, particulièrement au niveau rural, où !e levier de force du monde municipal au niveau rural, c'est précisément la collectivité. Les municipalités sont peut-être aussi, pour le gouvernement, si on veut les déposséder de leurs pouvoirs, le bastion de la stabilité.

Alors, je vois très mal que par une loi comme celle-là, on enlève tout pouvoir, particulièrement aux municipalités à vocation purement agricole; elles n'ont même plus leur raison d'être.

Le Président (M. Boucher): Un instant, s'il vous plaît! Je ne pense pas que, comme président, j'aie des dons visuels spéciaux, mais vous voyez passer l'heure aussi bien que moi. Or, je vous demanderais d'être assez brefs, de collaborer avec la présidence pour qu'on puisse entendre les autres organismes invités aujourd'hui, qui attendent dans la salle depuis ce matin.

M. Charbonneau: M. le Président, je comprends qu'il y a d'autres organismes, mais j'ai posé une question, je pense que sur le droit d'appel, ce serait peut-être intéressant d'avoir...

M. Massey: Nous sommes en commission parlementaire et je pense que les questions soulevées mériteraient réponse. Je prends bonne note que, sous le couvert de son immunité parlementaire, le député de Verchères traite d'assez haut la Cour supérieure en la qualifiant d'incompétente.

M. Charbonneau: Me Massey, je pense que vous abusez un peu.

M. Massey: Je voudrais dire, quand même, qu'on me laisse répondre, puisque la question a été posée.

Le Président (M. Boucher): Un instant, s'il vous plaît!

M. Chevrette: Un instant. Question de règlement. M. Massey, sous le couvert du témoignage non plus, vous ne pouvez pas faire de procès d'intention à un député.

Je vous demanderais, M. le Président, de rappeler le témoin à l'ordre et qu'il s'en tienne à répondre aux questions.

Le Président (M. Boucher): Alors, Me Massey.

M. Massey: J'espère, M. le Président, que je n'aurai pas besoin de demander la retranscription de la question posée par le député de Verchères, parce que je cite ses paroles.

M. Charbonneau: M. le Président...

M. Massey: De toute façon, je voulais ajouter...

M. Charbonneau: Me Massey, il y a une chose que je ne voudrais pas laisser passer.

M. Massey: De toute façon, M. le Président...

M. Charbonneau: Me Massey, un instant, vous êtes à l'Assemblée nationale.

M. Massey: M. le Président, c'est moi qui ai la parole.

M. Charbonneau: Me Massey...

M. Massey: M. le Président...

Le Président (M. Boucher): S'il vous plaît!

M. Massey: M. le Président... M. Charbonneau: Me Massey...

M. Massey: ... est-ce que vous pourriez rappeler le député à l'ordre?

Le Président (M. Boucher): A l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Verchères, est-ce que vous voulez soulever une question de règlement?

M. Charbonneau: M. le Président, je pense que mon collègue de Joliette-Montcalm l'a bien indiqué, je voudrais y revenir, parce que je pense que le témoin n'a pas compris. On ne doit pas prêter d'intention aux députés et aux membres de l'Assemblée nationale. Ici, vous avez des élus du peuple devant vous, on ne se prend pas pour d'autres, mais je pense que c'est un rôle qu'on doit assumer. Je n'ai pas l'impression que pour les gens dans la salle, mes paroles avaient pour but et disaient explicitement que la Cour supérieure était une cour de peu d'importance. J'ai simplement dit que ce n'était pas une cour spécialisée. Je pense que n'importe qui, qui connaît la Cour supérieure, est capable de l'admettre.

Le Président (M. Boucher): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Massey: Je ne continuerai pas le débat, M. le Président.

M. Picotte: M. le Président, sur l'appel au règlement, j'aimerais bien qu'on cesse ce débat. J'aimerais dire aux membres de la commission que ce n'est pas une façon de procéder, par des questions de règlement, pour intimider ceux qui viennent à la barre. Qu'on s'en tienne uniquement aux réponses.

Le Président (M. Boucher): A l'ordre!

M. Chevrette: Question de règlement. Je m'excuse, je ne laisserai pas passer cela non plus.

Ce n'est pas une question d'intimidation, je m'excuse. C'est une question de comportement. Ce ne sont pas les témoins qui fixent les règles du jeu, M. le Président, c'est l'Assemblée nationale comme telle qui pose des questions. Si les témoins ne sont pas satisfaits, ils ont toujours le loisir de s'adresser à vous pour dire qu'ils sont lésés. Mais ce n'est pas à eux à rappeler à l'ordre les députés et à faire des procès d'intention.

Le Président (M. Boucher): Ceci étant dit...

M. Giasson: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Giasson: Pour être honnête, je ne crois pas que le témoin qui est devant nous ait rappelé à l'ordre quelqu'un de nous. Il a tout simplement relevé des propos. Cela s'est limité à cela. Prenons les choses dans leur contexte véritable.

Le Président (M. Boucher): Ceci étant dit, Me Massey, si vous voulez continuer.

M. Massey: Merci, M. le Président. Je prends quand même note de la précision apportée par le député de Verchères.

Je voulais ajouter dans ma réponse que, dans tous les cas, la Cour supérieure avait quand même plus de désintéressement que la Commission de protection du territoire n'en aura jamais puisque, en lui donnant le pouvoir de décision, il est assez mal venu de lui donner également le pouvoir d'en appeler de ses propres décisions, ce qui me semble l'inverse de toute procédure parlementaire et juridique au Canada, en Amérique du Nord et dans tout l'Occident.

M. Garon: II ne s'agit pas d'avoir un tribunal désintéressé, M. Massey. Il s'agit d'avoir un tribunal en faveur de la protection des terres.

M. Massey: M. le ministre, c'est épouvantable, ce que vous dites là!

M. Garon: En faveur.

M. Massey: C'est épouvantable! Vous venez de mentionner, M. le ministre, que le tribunal doit être intéressé dans la décision qu'il va rendre.

M. Garon: Je dis que vous avez une loi qui est en faveur de la protection des terres. Ce n'est pas une loi neutre.

M. Massey: Comment pensez-vous qu'on puisse se présenter en appel devant une commission qui décide par intérêt? C'est ce que vous venez de dire.

M. Garon: Ce n'est pas pareil.

M. Massey: Bien oui.

M. Garon: Voyons! C'est une loi pour la protection des terres.

M. Massey: M. le ministre, je suis obligé de prendre...

M. Garon: Ce n'est pas une loi neutre.

M. Massey: M. le ministre, je suis obligé de prendre les textes tels qu'ils sont...

Le Président (M. Boucher): S'il vous plait! M. Garon: Voyons.

M. Massey: M. le Président, j'apprécierais pouvoir continuer sur ce sujet. Il me semble tout à fait hors de propos qu'un tribunal qui a à entendre des appels sur des décisions soit le même organisme que celui qui prend des décisions dont on appellera. Je comprends mal que quiconque, avocat ou pas, puisse penser en ce sens-là. Je suis obligé, à l'état actuel du projet de loi 90, de prendre les textes tels qu'ils sont. Et les textes tels qu'ils sont donnent un pouvoir décisionnel. Je me répète, bien sûr, mais il me semble que personne ne l'a compris encore.

La Commission de protection du territoire agricole a des pouvoirs décisionnels exclusifs, sans droit d'appel. Et ceci est écrit en noir sur blanc dans le projet de loi.

M. Charbonneau: M. le Président, je terminerai non pas avec une question, mais avec une remarque. J'ai l'impression que Me Massey avait mal compris la question. Ce que je demandais à l'Union des conseils de comté, c'était son opinion sur une éventuelle division d'appel au sein de la commission, division d'appel qui, bien sûr, n'aurait pas à statuer en première instance.

Lui a présumé que ce que je voulais dire, c'est que ce seraient les mêmes personnes qui jugeraient à la fois à la première instance et à la deuxième. Ce n'était pas cela du tout.

M. Massey: M. le Président, je pense que le député de Verchères a mal compris en pensant que je n'avais pas compris. J'ai très bien compris et il vient tout simplement de répéter ce que j'ai commenté précédemment. C'est comme si on demandait à l'épouse de juger, en appel, de la décision qu'elle vient de prendre parce que son mari vient de lui dire que ce n'est pas correct. Elle va dire encore la même chose.

M. Charbonneau: ... les mêmes personnes, mon cher monsieur, je ne sais pas comment vous pouvez dire cela.

Le Président (M. Boucher): A l'ordre! M. le député de Verchères, vous avez terminé? M. le député de Shefford.

M. Verreault: Merci, M. le Président. J'ai quelques points à soulever et j'aimerais que ces points-là soient adressés à Me Massey et à l'organisme qu'il représente. Je dois quand même admettre que le mémoire qui a été présenté est un mémoire très intelligent. Je pense que c'est un excellent mémoire. Il reflète très exactement les idées émises et les revendications du conseil de comté que j'ai dans ma région.

D'autre part, il est quand même très malheureux que, ce matin, le ministre ait répondu à Me Massey en disant: Ecoutez, votre mémoire, vos recommandations, on n'en tiendra même pas compte.

M. Garon: Un instant. Je regrette, M. le Président, je n'ai pas dit cela. A une question précise, j'ai répondu que je ne partageais pas cet avis. Et je respecte l'opinion des gens des conseils de comté. En aucun moment ai-je dit que je ne tiendrais pas compte du mémoire, au contraire. Il y a des consultations.

M. Verreault: M. le Président, lorsque Me Massey lui a posé la question à savoir s'il prendrait en considération les recommandations faites au mémoire, il a répondu que non.

M. Garon: C'est faux.

M. Verreault: De toute façon, cela ne tranchera pas la question.

M. Garon: II y a eu un point sur lequel j'ai dit que je ne partageais pas cette opinion.

M. Chevrette: Sur un point. Il ne comprend rien.

Le Président (M. Boucher): A l'ordre!

M. Verreault: Comme je le mentionnais tout à l'heure, Me Massey, dans plusieurs articles du projet de loi 90 — l'organisme que vous représentez touche environ 400 municipalités, presque les deux tiers des municipalités qui sont concernées par le zonage agricole — on retrouve une réglementation qui n'est pas connue jusqu'à maintenant et qui touche les municipalités. Vous ne parlez pas de cela dans votre mémoire. J'aimerais connaître votre point de vue sur cette réglementation.

Deuxièmement, vous dites aussi qu'il y aurait peut-être d'autres moyens de protéger le sol agricole. J'aimerais les connaître. En plus, dans le projet de loi, on parle d'un certain droit de préemption. J'aimerais connaître votre opinion à ce sujet.

M. Massey: M. le Président, pour ce qui concerne les règlements, le député de Shefford soulève le point que, dans notre mémoire, il n'en est pas question. Bien sûr, il serait intéressant, en même temps qu'un projet de loi, de connaître les règlements sur lesquels on s'appuie pour appliquer des normes. Compte tenu de l'expérience que nous avons déjà vécue avec d'autres lois qui donnaient des pouvoirs de réglementation au lieutenant-gouverneur en conseil ou au gouvernement, il serait probablement approprié — je reconnais que cet élément n'a pas été mentionné dans notre rapport — ainsi qu'on le suggérait, de demander que ces règlements soient présentés le plus tôt possible afin que les municipalités et toutes les personnes concernées puissent savoir de quoi il s'agit dans ces règlements.

Pour ce qui concerne le droit de préemption que M. le député mentionnait, bien sûr que ce n'est pas le seul moyen qui existe pour protéger les sols, de quelque nature qu'ils soient. Nous avons constaté, à l'étude du projet de loi que l'on voulait protéger les sols agricoles, mais on ignorait à peu près totalement que le coût des sols urbains qui découlerait fatalement de l'application d'une loi stricte en zonage agricole doublerait, sinon triplerait ou quadruplerait. Pour contrer ce phénomène d'augmentation du coût des sols urbains, qui sont en particulier des sols pour la construction domiciliaire ou autres constructions, il y aurait peut-être lieu d'envisager, dans le texte du projet de loi, la possibilité pour les municipalités de se constituer des banques de terrains afin de pouvoir contrôler d'une façon administrative le coût de ces terrains à l'intérieur des périmètres d'urbanisation.

Pour ce qui concerne le droit de préemption, il s'agit là d'une mesure qui est en application dans plusieurs pays. Puisque le projet de loi fait quelques importations, il y aurait peut-être eu lieu de prévoir celle-là également comme mesure permettant aux municipalités d'acheter des terres qui auraient à un moment donné été à vendre afin de compléter la mesure de protection des sols arables.

Bien sûr, cette mesure de préemption supposerait à un moment donné l'achat des terres, mais il y aurait peut-être possibilité d'entrevoir des moyens de remboursement aux personnes dont les terres auraient été assujetties à un droit de préemption qui permettrait de payer ces gens-là de façon indirecte, soit par la mesure de rentes ou par la mesure de paiements différés sur le sol qui aurait été assujetti à un droit de préemption.

Enfin, il s'agit là vraisemblablement de plusieurs mesures qui auraient été appropriées et que l'on aurait pu suggérer dans le cadre d'un comité conjoint, tripartite ou quadripartite qui aurait travaillé à l'élaboration d'un texte de projet de loi.

M. Verreault: En terminant, M. le Président, j'aimerais savoir de la part du ministre s'il a vraiment l'intention — et s'il écoute — de déposer la réglementation dans les plus brefs délais possible.

M. Garon: J'ai déjà répondu à cette question. Non, parce que la réglementation est mineure dans le cas de ce projet de loi. On peut faire le charriage qu'on veut, si vous voulez. Lisez l'article 80 et vous verrez que la réglementation est à toutes fins pratiques pour des fins de procédure administrative. Il n'y a pas de réglementation ma-

jeure découlant de ce projet de loi, l'essentiel est dans la loi.

M. Verreault: II faut tout de même admettre, M. le Président...

M. Garon: Contrairement, je pense...

M. Verreault: ... que la réglementation a été faite par le Conseil des ministres.

Le Président (M. Boucher): Voulez-vous la réponse?

M. Garon: Contrairement à une loi qu'on a...

M. Verreault: Je suis à la veille de répondre à sa place, si cela continue. (16 h 30)

M. Garon: ... ou contrairement à une loi, par exemple, qu'on a modifiée en 1977, sur les produits agricoles et les aliments, sur les abattoirs, où l'essentiel était dans le règlement, j'ai déposé mes règlements pour en prendre connaissance en même temps que la loi. Dans ce cas, les règlements... Vous voyez, quand on dit: Définir les règles de régie interne de la commission, et des choses comme cela, les honoraires des experts et enquêteurs, l'impression des formulaires, etc., vous voyez que la réglementation est mineure. L'essence est dans la loi. A ce moment, les règlements n'aideraient pas aux débats.

M. Verreault: Chose certaine, le ministre sait très bien qu'une loi se change difficilement tandis que des règlements, cela se change tous les jours.

M. Garon: Oui.

M. Verreault: Dans les circonstances, pour la meilleure compréhension du projet de loi 90, il y aurait avantage à faire le dépôt. À ce moment, les municipalités qui ont des rapports avec la soi-disant commission qui s'en vient et avec le ministre et le ministère sauraient à quoi s'en tenir, si le dépôt de ces règlements était fait. Je n'accepte pas du tout l'argument du ministre qui dit que la réglementation est mineure. Je crois qu'elle a un effet majeur. J'aimerais quand même prendre à témoin les municipalités qui sont ici, à savoir que l'implication des règlements va avoir des conséquences assez importantes dans les décisions qu'elles auront à prendre.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le député de Shefford. M. le député de Huntingdon.

M. Dubois: J'ai deux questions très courtes à poser à M. Moreau. Ne croyez-vous pas que, face au projet de loi 90, dans certaines régions du Québec ou certaines municipalités, les terres de roches inaptes à la culture pourront peut-être prendre plus de valeur que de belles terres fertiles? Qu'en pensez-vous?

M. Moreau: II est bien évident que les terres... Je ne sais pas si c'est ce que vous voulez dire; celles qui ne sont pas zonées? Est-ce cela que vous voulez dire?

M. Dubois: Non, dans le secteur retenu, mais des terres inaptes à la culture.

M. Moreau: Pas zonées?

M. Dubois: Zonées.

M. Moreau: Zonées.

M. Dubois: Présentement, c'est gelé.

M. Moreau: J'aurai beaucoup de difficulté à répondre à cela. Si ces terres vont prendre de la valeur.

M. Dubois: Non. je veux dire que les terres de roches, les terres inaptes à être cultivées, quand la municipalité présentera son plan, ne seront pas retenues pour fins de culture.

M. Moreau: Evidemment.

M. Duboi: A ce moment, ce seront les seuls endroits où on pourra exercer d'autres commerces ou industries.

M. Moreau: Evidemment, je pense que, si on laissait... Il y a certainement des terres qui devraient être sélectionnées. Il est bien entendu qu'une terre de roches ou une terre qui n'a aucune valeur agricole devrait être affectée à d'autres fins. On est d'accord sur cela. A mon sens — je ne sais pas si cela répond à votre question — cela pourrait aussi, évidemment, mettre en valeur des terres qui n'ont pas de valeur agricole. En voulant zoner et en voulant protéger exclusivement les terres agricoles, on prête le flanc à une spéculation effrénée dans les périmètres d'urbanisation. C'est là, à mon sens, au niveau économique... Parce que l'agriculture, c'est une partie de l'économie québécoise, ce n'est pas l'économie québécoise. C'est dans ce sens qu'on va permettre... D'ailleurs, c'est une expérience qui a été vécue en Colombie-Britannique, où le coût des terrains et le coût de l'habitation ont grimpé d'une façon astronomique. Cela ne peut pas faire autrement, puisqu'on va délimiter d'une façon bien précise où la spéculation devra se faire dans le développement. Même présentement, les jeux se font, même avec le dépôt du projet de loi. Je connais des gens, dans certaines municipalités, qui commencent déjà à faire l'acquisition de terrains pour plus tard. On peut imaginer facilement, dans un avenir très rapproché, si on ne fait pas d'aménagement, si on fait simplement du zonage de terres agricoles, ce qui va se passer. C'est visible, c'est fondamental. C'est la réponse.

M. Dubois: Ne croyez-vous pas également que, parce que le gouvernement n'a pas voulu

présenter un plan global d'aménagement et d'utilisation du territoire, parce que nous avons une seule commission qui siégera de Québec, et à cause de la lourdeur administrative qu'on peut prévoir, dans certains secteurs, l'économie pourrait en souffrir, l'économie pourrait en souffrir, I'économie régionale surtout? J'ai même des cas qui crèvent les yeux, à l'heure actuelle, sur cet état de choses.

M. Moreau: Je suis entièrement d'accord. M. Dubois: Merci.

M. Moreau: D'ailleurs vous avez des cas particuliers dans la ville de Laval, si on veut donner des noms, Mirabel, où déjà dans des territoires qui sont, à mon sens, je ne dirais pas entièrement urbains, parce qu'il faut s'entendre sur les superficies dans certaines régions, je ne voudrais pas me substituer aux élus locaux pour déterminer ce qui doit être agricole et ce qui ne doit pas l'être, mais il reste, M. le Président, que dans des régions où il y a peut-être une certaine nébulosité entre les futurs territoires agricoles et les territoires de développement, il est bien sûr que présentement il se fait déjà, je ne dirais pas des transactions, mais il y a des gens qui se préparent très bien.

Le Président (M. Boucher): Merci. M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Cordeau: Hier, lors de mon allocution sur le projet de loi, en deuxième lecture, j'ai attiré l'attention du ministre et lui ai posé une question concernant les règlements. Il n'y a pas répondu. Au paragraphe 8 de l'article 80, on lit: "déterminer le tarif des droits, honoraires, frais et dépens payables dans toute demande soumise à la commission... " Est-ce à dire qu'une municipalité, qui va demander un amendement à son règlement de zonage, devra également payer des frais?

Je vous mentionnais que les municipalités et les villes n'ont pas le droit de demander à leurs citoyens de payer les frais pour règlement à leur zonage. D'ailleurs, la revue Municipalité, que j'ai ici, dernièrement le mentionnait très clairement. Est-ce à dire que lorsqu'une municipalité demandera un amendement à son règlement de zonage, il va falloir qu'elle paie $100 ou $200 de frais pour l'amendement à son règlement.

Le Président (M. Boucher): C'est une question que vous posez à M. le ministre?

M. Cordeau: A M. le ministre ou, je vais changer de côté de table. Croyez-vous, M. Massey, qu'il serait logique qu'une municipalité paie, à la commission, un montant pour un amendement à son règlement de zonage, lorsque les municipalités des villes n'ont pas le droit, actuellement, de demander des honoraires pour un amendement à leur règlement de zonage.

M. Massey: Je vais répondre par votre mot, M. le député de Saint-Hyacinthe, ce ne serait pas logique. Mais pour faire un triangle parfait, j'aimerais bien refiler la question à M. le ministre, si vous me le permettez, M. le Président.

M. Garon: C'est simple, le député de Saint-Hyacinthe aurait dû lire le paragraphe jusqu'à la fin, il se termine ainsi: " ... de même que les catégories de personnes qui peuvent en être exemptées;".

Le Président (M. Boucher): Merci. M. Garon: II faut lire jusqu'à la fin.

M. Cordeau: Oui, mais encore là il faut dire que si on avait les règlements — d'ailleurs ils ne doivent pas être prêts — cela nous aiderait à la compréhension du projet de loi.

M. Garon: J'ai l'impression que le gros du débat est sur le tarifs; il ne faut pas...

Le Président (M. Boucher): M. le député de Maskinongé.

M. Picotte: M. le Président, compte...

M. Cordeau: Une dernière question, s'il vous plaît.

Le Président (M. Boucher): Une autre question au ministre ou à nos invités?

M. Cordeau: A M. Massey.

Le Président (M. Boucher): Bon, allez-y.

M. Cordeau: M. Massey, tantôt vous avez fait allusion aux pouvoirs que les municipalités pourraient avoir pour acheter des terrains pour bâtir des habitations, car, actuellement, les municipalités ont le droit d'acquérir des terrains pour fins de parcs industriels et commerciaux par contre, elles n'ont pas le pouvoir d'acquérir des terrains pour fins d'habitations.

Hier, aussi, je demandais au ministre de l'Agriculture de demander au ministre des Affaires municipales de changer la Loi des cités et villes et le Code municipal afin de donner le pouvoir aux municipalités d'acquérir des terrains pour fins d'habitations, afin de contrer la hausse galopante des terrains actuellement disponibles. Que pensez-vous de cette suggestion?

M. Massey: M. le Président, il s'agit là d'une question de fond qui aurait dû être débattue dans un comité tripartite, ainsi que nous l'avions suggéré. Le fait que la question soit soulevée de nouveau indique bien son importance. Je pense bien que c'est à ce niveau qu'elle aurait dû être solutionnée pour être incluse dans le texte du projet de loi 90.

Le Président (M. Boucher): Merci. M. le député de Maskinongé.

M. Picotte: M. le Président, considérant qu'il reste encore au moins six organismes d'une grande importance, je pense bien que je vais céder mon droit de parole.

Le Président (M. Boucher): Merci. M. le député de Joliette-Montcalm.

M. Chevrette: D'autant plus que c'étaient des commentaires et non des questions, je vais permettre à l'Union des municipalités de s'amener immédiatement.

Le Président (M. Boucher): Merci. Alors au nom de tous les membres de la commission, je remercie M. Moreau ainsi que ceux qui l'accompagnent d'être venus présenter ce mémoire et j'inviterais immédiatement l'Union des municipalités du Québec, représentée par M. André Benoît.

M. Benoît, si vous voulez présenter ceux qui sont avec vous et présenter votre mémoire.

Union des municipalités du Québec

M. Benoît (André): M. le Président, le porte-parole de l'Union des municipalités sera M. Hono-rius Charbonneau, maire de Saint-Hilaire qui sera accompagné de M. Dufour, maire de Jonquière.

M. Charbonneau (Honorius): Je voudrais, au nom du président de l'Union des municipalités, vous remercier d'avoir bien voulu permettre à l'union de vous soumettre ce mémoire. On va essayer d'être assez bref. On n'a pas de procureur, mais on va essayer de s'exprimer quand même!

M. Chevrette: C'est toujours comme cela qu'on s'entend le mieux!

M. Charbonneau (Honorius): M. le ministre, messieurs les membres de cette commission, l'Union des municipalités du Québec a déjà fait état de l'intérêt que portent les municipalités urbaines à l'application d'une politique de protection du territoire agricole.

D'ailleurs, la nécessité d'une intervention dans ce secteur a été fort bien démontrée. Par contre, l'urgence d'une intervention dans un domaine qui englobe le zonage agricole, c'est-à-dire dans le domaine de l'aménagement du territoire, nous préoccupe également. Ainsi, notre participation au comité d'orientation sur l'aménagement témoigne du désir que nous avons de collaborer avec le gouvernement à l'élaboration de solutions concrètes au problème du développement rationnel du territoire québécois.

C'est avec ce même esprit de collaboration que l'Union des municipalités du Québec vous donne aujourd'hui son opinion sur le projet de loi no 90 portant sur la protection du territoire agricole.

Le zonage agricle et l'aménagement. Le projet de loi 90 sur la protection du territoire agricole est, par essence, une loi de zonage sectoriel. En tant que tel, le prjet crée une embûche sérieuse à l'aménagement intégré du sol québécois et à la définition des champs de compétence des gouvernements en présence.

Au moment même où le gouvernement du Québec invite les représentants municipaux au dialogue sur la décentralisation et l'aménagement du territoire avec les ministres des Affaires municipales et de l'aménagement, un autre ministre, celui de l'Agriculture, propose une loi qui contredit de façon évidente les objectifs énoncés par les deux premiers.

Nul n'ignore que dans le prolongement de la Conférence Québec-municipalités, deux comités conjoints ont été mis sur pied, l'un portant sur la fiscalité municipale et l'autre sur l'aménagement du territoire et la décentralisation. Ces deux tables de travail regroupent des représentants du gouvernement du Québec et du monde municipal, tant rural qu'urbain.

Qui plus est, ces deux démarches ont été amorcées sous le thème de la revalorisation du pouvoir municipal, thème choisi par le gouvernement lui-même. Fidèle à ce thème, c'est dans un contexte et une optique d'aménagement global et de renforcement du pouvoir local que l'Union des municipalités du Québec a examiné le projet de loi 90. Les élus municipaux partagent avec le gouvernement du Québec certaines positions de fond souventefois énoncées sur la décentralisation et I'aménagement du territoire.

Les principaux éléments de cette position sont décrits dans les fascicules sur la décentralisation publiés par le secrétariat à l'aménagement sous la signature du ministre Jacques Léonard. (16 h 45)

On y retrouve les énoncés suivants. D'abord, que les responsables municipaux et de comté devraient pouvoir décider de l'aménagement de leur territoire, des zones et espaces à protéger, des équipements à mettre en place et des activités sociales et économiques à promouvoir; deuxièmement, que la décentralisation doit conduire à une harmonisation de la ville et de la campagne; troisièmement, que la décentralisation va contribuer à stimuler le dynamisme et la vitalité des communautés territoriales; quatrièmement, que la décentralisation nécessite un réaménagement des pouvoirs par la valorisation des municipalités, le renouvellement des municipalités de comté et le rajustement du rôle de l'Etat.

Dans ses fascicules, le ministre Léonard refuse l'option centralisatrice en matière d'aménagement. Il fait sienne une des conclusions du comité ministériel de l'aménagement, à savoir que; Ce n'est pas de Québec que doit se faire l'aménagement. On ajoute un peu plus loin: Que l'Etat entend, par sa politique de décentralisation, modifier son approche de l'aménagement et de l'urbanisme de manière à confier aux instances locales, plus près des citoyens, les pouvoirs et les moyens

d'assumer plus adéquatement leurs responsabilités et de faire les choix qui leur reviennent.

L'orientation du secrétariat de l'aménagement est donc très claire et nous y adhérons. C'est elle qui tisse la toile de fond d'une nouvelle relation entre l'Etat et la municipalité. Cette relation est explicitée dans un modèle de partage des pouvoirs présenté dans les mêmes fascicules. On y fait état d'un schéma d'aménagement régional et opposable aux organismes et agents de l'Etat.

Le contenu du schéma porte sur la délimitation du territoire d'urbanisation, l'établissement des règles de développement pour les secteurs hors de ce périmètre et pour certaines zones spécifiques. On y fait mention d'une commission nationale d'aménagement qui servira de mécanisme d'appel et de surveillance de la loi.

L'Union des municipalités du Québec, nous le répétons, souscrit à cette orientation et s'est engagée à participer au processus d'élaboration des structures qui en découlent. Nous avons travaillé avec le secrétariat de l'aménagement au sein du comité d'orientation de l'aménagement. Le ministre a déjà annoncé le dépôt d'un projet de loi sur l'aménagement et l'urbanisme pour le mois de décembre 1978.

Devant une telle volonté de la part du gouverment, d'abord, la question de l'aménagement de façon globale et décentralisée, comment expliquer que ce gouvernement, par son ministre de l'Agriculture, dépose une loi de zonage d'application sectorielle centralisatrice dévalorisante pour le palier municipal? C'est une loi cantonnée dans un esprit totalement opposé à celui qui sous-tend les travaux de ces autres comités actuellement en marche. Cela est d'autant plus incompréhensible que les ministres de l'Agriculture, des Affaires municipales et de l'aménagement siègent tous les trois au comité ministériel sur l'aménagement.

Comment expliquer alors que l'un dépose un projet de loi dans l'esprit même et en opposition directe avec les intentions avouées de l'autre? Peut-être s'agit-il, nous dira-t-on, de situer le débat dans un contexte différent. Le projet de loi sur la protection du territoire agricole a été présenté comme une mesure à caractère essentiellement économique, c'est-à-dire une mesure de protection nécessaire au développement économique du secteur agricole et alimentaire. Cela est peut-être vrai, mais alors pourquoi la délimitation du périmètre urbain est-elle l'élément qui ressort le plus fréquemment des exposés de divers membres du gouvernement au sujet du projet de loi?

Il a même été dit que la protection des terres agricoles doit renverser les procédés actuels de développement. Ceux-ci devront, semble-t-il, se faire à partir du territoire agricole créé par le gouvernement. Cette affirmation ne serait pas loin de la vérité puisque la préoccupation première de la Commission de la protection du territoire agricole sera d'assurer le maintien d'une zone agricole continue et que la qualité des sols sera un facteur prédominant pour la prise de décision en matière de zonage. Il en résultera donc que les facteurs reliés aux besoins d'expansion de la zone urbaine seront relégués au second rang.

Il est donc évident qu'en plus de ces préoccupations de santé économique du secteur agro-alimentaire, le projet de loi 90 a des incidences démesurées sur l'aménagement du territoire et le développement urbain. L'Union des municipalités du Québec a fait sien l'objectif gouvernemental de freiner l'étalement désordonné du secteur urbain. Par contre, nous ne croyons pas que le projet de loi 90 soit l'instrument approprié à cette fin. Nous inscrivons plutôt le développement urbain et le zonage agricole dans la problématique globale de l'aménagement du territoire tel qu'énoncé par le gouvernement dans la série verte sur la décentralisation.

Le rôle privilégié de la municipalité dans le projet de loi 90. Le gouvernement du Québec, dans un numéro spécial de la revue Municipalité 78 a fait état du rôle privilégié de la municipalité dans la mise en oeuvre de la politique de protection du territoire agricole. On y lisait: 1) Entre le dépôt de la loi et son entrée en vigueur, la municipalité informera les citoyens de la teneur de la loi et de sa primauté sur les lois et les règlements qui lui sont incompatibles; 2) entre l'entrée en vigueur de la loi et l'entrée en vigueur d'un décret de zonage, la municipalité définira une zone agricole à partir de la proposition gouvernementale et soumettra ce zonage à la commission; 3) après l'entrée en vigueur de la loi, la municipalité donnera son avis à la commission sur les ajustements de la zone agricole et soumettra à la commission toute demande d'exclusion. C'est là le rôle privilégié que le projet de loi 90 entend confier aux municipalités en matière de zonage agricole, un rôle d'information, un rôle de consultation et un rôle de commissaire de l'Etat. Le gouvernement semble plutôt avoir réservé les vrais privilèges à d'autres paliers que le local, comme la commission de protection.

C'est effectivement à la Commission de protection du territoire agricole que le gouvernement donne un rôle privilégié. Cette commission est constituée en vertu de l'article 3 du projet de loi 90. Elle s'apparente à une régie d'Etat et ses pouvoirs retirent à la municipalité la gestion d'une partie de son territoire. Les dispositions suivantes du projet de loi le démontrent bien; article 3c, la commission délimite, en collaboration avec la corporation municipale, la zone agricole dans une municipalité; articles 26, 28 et 29, la commission décide du lotissement et de l'usage d'un lot dans la zone agricole inscrite dans un territoire municipal; article 32, la commission contrôle l'émission de permis municipaux; articles 41 et 80, la commission détermine, par règlement, quelles sont les fins municipales; articles 47 et 48, la commission limite le rôle de la municipalité à la consultation dans la délimitation de la zone agricole permanente; enfin, articles 17 et 18, la commission est elle-même le mécanisme d'appel de ses propres décisions.

Ce sont là des types de privilège que le projet de loi 90 réserve aux municipalités, face à la Commission de protection du territoire agricole. Cependant, face à cette même commission, le gouvernement se réserve un traitement fort diffé-

rent de celui qu'il propose aux municipalités. Les dispositions suivantes du projet de loi en témoignent: article 66, le gouvernement peut, après avoir pris l'avis de la commission, exclure un lot ou une partie de lot d'une zone agricole, pour les fins d'un ministère ou organisme public; article 96, le gouvernement peut, par avis écrit à la commission, soustraire une affaire à sa juridiction. Le gouvernement est alors saisi de l'affaire, avec les mêmes pouvoirs que la commission.

Voilà des privilèges. Les agents du gouvernement tels la Régie de l'électricité, le ministère des Richesses naturelles, la Régie des services publics, le ministère des Affaires culturelles jouissent eux aussi d'un traitement privilégié. En effet, ils n'ont qu'à obtenir un simple avis de la commission avant de prendre une décision portant sur une aire retenue pour fins de contrôle agricole.

On constate donc que, dans le projet de loi 90, le seul privilège de la municipalité est celui d'être la cible du législateur.

La position de l'union. L'analyse du projet de loi 90 renforce l'opinion que nous avons déjà exprimée dans le passé. Nous appuyons le principe du zonage agricole pour autant qu'il soit inscrit dans le prolongement d'une loi sur l'aménagement du territoire. Cette même loi sur l'aménagement devra, par ailleurs, s'inspirer des propositions gouvernementales de décentralisation fondées sur la valorisation du pouvoir local. L'approche sectorielle privilégiée par le projet de loi 90 risque de compromettre l'aménagement cohérent du territoire québécois. Au contraire, nous désirons participer à la réalisation d'un aménagement intégré du territoire québécois.

Nous refusons d'être astreints à devenir des bureaux locaux chargés d'informer les citoyens des procédures de diverses législations sectorielles dont la gestion est centralisée à Québec. Dans ce même esprit, nous jugeons essentiel que la surveillance de l'application d'une éventuelle loi de protection du territoire agricole soit confiée à une commission nationale d'aménagement; pour que cette commission s'inscrive dans le prolongement des principes de décentralisation et de revalorisation du pouvoir local déjà énoncés, nous proposons qu'elle soit formée de trois représentants des municipalités urbaines et de trois représentants des municipalités rurales, le président étant désigné par le lieutenant-gouverneur en conseil.

En outre, l'autorité nécessaire à l'élaboration des schémas d'aménagement doit être déléguée à des structures régionales chargées de cette opération, lesquelles structures seront à la base de la concertation entre le monde rural et urbain. Le comité d'orientation sur l'aménagement travaille présentement à l'élaboration de telles structures pour les territoires qui ne sont pas déjà couverts par les communautés urbaines et régionales. L'autorité de développer et gérer un territoire n'appartient qu'à ceux qui ont été élus pour ce faire. C'est donc aux plans local et régional et par des représentants élus que doit se faire l'aménagement du territoire. Cette position de l'Union des municipalités du Québec est renforcée par celle du minis- tère de l'aménagement qui a indiqué publiquement que l'aménagement est un choix politique qui affecte les citoyens, et ceux qui font ces choix doivent être des élus; que de par nature, l'aménagement implique une consultation obligatoire auprès des citoyens; que le pouvoir doit être réparti et défini clairement en trois paliers, le central, le régional et le local; que la loi de l'aménagement doit assurer la concertation entre ces trois niveaux et prévoir l'arbitrage en cas de conflit.

De plus, pour notre part, nous croyons que la législation en matière d'aménagement devra respecter l'intégrité de la compétence municipale quant à la gestion de son territoire. Dans la pratique, cela veut dire que peu importe le requérant en matière d'utilisation du sol, il devra s'adresser d'abord aux autorités locales; que tout organisme régional ou national dont les activités affectent le territoire municipal devra prendre avis des autorités locales; que la localisation des équipements collectifs ne pourra se faire sans l'approbation de l'autorité locale.

Voilà, M. le ministre, en quelques pages, un peu ce que l'Union des municipalités avait à vous dire. Nous aurions pu discuter naturellement de l'application de divers articles de loi, mais nous avons pensé qu'il serait peut-être possible d'en discuter autrement que dans un mémoire. Je remercie le ministre de m'avoir répondu.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. Char-bonneau. M. le ministre.

M. Garon: J'ai lu votre mémoire. Aux pages 7 et 8, vous parlez des pouvoirs de contrôle de la commission. Je pense que vous exagérez. Quand vous dites à l'article 32: "La commission contrôle l'émission de permis municipaux", ce n'est pas du tout ce que dit l'article 32. Celui qui veut demander un permis de construction à la municipalité doit, en même temps, faire une déclaration, une preuve, et envoyer une déclaration à la commission, indiquant qu'il n'est pas dans la zone agricole. Mais contrôler les permis municipaux, il ne faut pas charrier.

M. Charbonneau (Honorius): Non, mais quand même si on lit l'article 32, M. le ministre: "Une corporation municipale, une corporation de comté ou une communauté ne peut émettre un permis de construction sur un lot situé dans une région agricole désignée à moins que la demande ne soit accompagnée d'un certificat d'autorisation de la commission..."

M. Garon: Oui, "... ou d'une déclaration du requérant à l'effet que le projet faisant l'objet de la demande ne requiert pas l'autorisation de la commission".

Et on dit qu'il produit une déclaration avec sa demande, il doit fournir la preuve qu'un exemplaire de cette déclaration a été transmis à la commission. Cela veut dire quoi? Cela veut dire que quand le gars demande un permis de construc-

tion, il vous dit: Ce n'est pas dans la zone. Et il vous donne la preuve qu'il a avisé la commission qu'il demandait un permis de construction.

Si vous avez la preuve, cela veut dire un certificat de recommandation postale, qu'il n'est pas dans la zone, vous émettez le permis. Et après cela, vous lui dites, s'il est dans la zone agricole, qu'il est autorisé à construire. Que voulez-vous? Ce n'est pas le contrôle des permis. C'est tout simplement pour ne pas permettre, dans la zone agricole, des constructions qui ne sont pas permises. Pour le reste, il n'y a aucun problème.

Si vous protégez les terres, puisque tout le monde peut construire comme avant, vous avez protégé quoi?

M. Dufour (Francis): M. le ministre, si on veut avoir une continuité dans la position de l'Union des municipalités, qu'on confie à l'autorité locale l'aménagement du territoire, parce que je pense que le zonage agricole, ce n'est qu'une partie de l'aménagement du territoire.

M. Garon: Ce n'est pas ce que je veux dire. Je veux dire tout simplement que lorsque vous énumérez les pouvoirs de la commission, aux pages 7 et 8, vous exagérez. Ce n'est pas vrai, ce que vous dites là. (17 heures)

Quand vous dites, à l'article 41, par exemple: "La commission détermine par règlement quelles sont les fins municipales", ce n'est pas vrai. Ce n'est pas ce que dit l'article 41. L'article 41 dit qu'une corporation municipale peut, sans l'autorisation de la commission, utiliser un lot situé dans l'aire retenue pour fins de contrôle à des fins municipales identifiées par règlement. L'article 80 détermine ces fins. Au fond, qu'est-ce que cela veut dire? C'est qu'un règlement de la commission peut déterminer un tas de fins municipales pour lesquelles la municipalité n'aura aucune autorisation à demander à la commission. Le but de ceci: si, par exemple — je pense à quelque chose — une municipalité élargit une route et qu'elle va demander l'autorisation à la commission, que cela ne détermine pas les fins municipales, mais vous n'avez aucune autorisation à demander à la commission pour les fins municipales. Il ne faut pas exagérer. On dit cela comme si la commission était un monstre; au contraire, ces deux articles ont pour but de soustraire les municipalités à des demandes à la commission.

M. Dufour: J'ai compris ce que vous vouliez dire dans le fond, mais j'aimerais bien être capable de dire... La position de l'Union des municipalités est la suivante: Que, dans le zonage agricole — on réclame cela dans notre mémoire — les municipalités soient responsables du contrôle aussi. Je n'aurais peut-être pas objection que, lorsqu'il y a une demande, la municipalité émette un permis dans une zone et qu'elle avertisse la commission que c'est fait. Je n'y ai pas d'objection. Mais là, je pense que la commission comme telle se substitue à la municipalité et agit directement sur le terri- toire. Je pense que l'Union des conseils de comté a exprimé le même voeu ou la même opinion que l'Union des municipalités dans le sens que le contrôle du territoire doit nous être remis et on doit mettre en application ce zonage.

M. Garon: Ne pensez-vous pas que le gouvernement du Québec a un mot à dire concernant le territoire aussi, entre nous autres?

M. Dufour: On l'admet, M. le ministre, mais en admettant tout de même que quand le zonage sera fait et déposé, je pense bien que les organismes qui sont les plus habilités à en faire l'application et la surveillance, ce sont les municipalités qui, elles, lorsqu'il n'y a pas de problème qui se pose, émettent les permis et avertissent en même temps la commission qu'un tel permis a été donné et il n'y a pas de problème. Là, vous faites le contraire, on est obligé d'aller directement à la commission pour demander le permis. Tantôt, on aura des problèmes, parce que je me demande si la commission aura assez d'oreilles et de membres pour répondre à toutes les demandes qui seront faites dans toute la province de Québec, dans tout l'Etat québécois, si on veut bien se comprendre.

M. Garon: Vous faites cette affirmation à la page 5: "II a été même dit que la protection des terres agricoles doit renverser les procédés actuels de développement. Ceux-ci devront, semble-t-il, se faire à partir du territoire agricole créé par le gouvernement. Cette affirmation n'est certes pas loin de la vérité, puisque la préoccupation première de la Commission de protection du territoire agricole sera d'assurer le maintien d'une zone agricole continue et que la qualité des sols sera un facteur prédominant pour la prise de décision en matière de zonage. Il en résultera donc que les facteurs reliés aux besoins d'expansion de la zone urbaine seront relégués au second rang. "

Voulez-vous dire que vous êtes contre cela, que les meilleures terres, les terres qui ont une bonne qualité agricole, les terres arables soient protégées et soient réservées à l'agriculture en priorité?

M. Dufour: J'ai l'impression, M. le ministre, que ce qu'on veut c'est identifier le tissu urbain et le territoire urbain. Avec le projet de loi sur le zonage agricole, tel qu'il a été déposé, il arrive qu'il y ait certaines zones à l'intérieur du périmètre urbain qui soient décrétées zones vertes. A ce moment-là, la municipalité pense que, pour la rationalisation des coûts, pour une meilleure identification du territoire, elle doit avoir son mot à dire et qu'elle doit être capable de rationaliser. Sans cela, on jouera à saute-mouton, ce sera un développement à la saute-mouton, parce qu'il faut qu'on réunisse les villes ou les municipalités pour que le territoire soit vraiment unifié. S'il y a une zone verte qui est décrétée à l'intérieur d'une municipalité, c'est parce que le territoire est bon, bien sûr, mais on ne peut pas être l'esclave du passé au point de ne plus pouvoir fonctionner dans le pré-

sent et à l'avenir. A mon point de vue, on doit être capable de resserrer les tissus urbains, parce que lorsqu'on parle de développement sauvage, je pense qu'on se comprend. Je pense que c'est cela qu'on ne veut pas.

M. Garon: A la page 10, la commission, pour décider des terres, doit être une commission formée de trois représentants des municipalités urbaines et trois représentants des municipalités rurales avec un président nommé par le lieutenant-gouverneur en conseil. Est-ce cela que vous dites?

M. Dufour: Oui, on a dit cela, parce que votre projet de loi est assez muet là-dessus. Par exemple, j'ai écouté votre exposé adressé à l'UPA dans le sens que votre commission sera formée d'à peu près tous des cultivateurs.

M. Garon: Pas tous, je n'ai pas dit tous. J'ai dit que cela en prendrait.

M. Dufour: Vous avez dit cela en badinant. M. Garon: Pas en badinant.

M. Dufour: Vous avez dit: La majorité sera probablement des cultivateurs.

M. Garon: Je pense que ce serait pas pire. Ce sont leurs terres.

M. Dufour: Ce ne serait pas pire, mais, à ce moment, je pense que vous vous feriez jouer.

M. Garon: Oui, mais vous ne pensez pas que ce sont leurs terres, en fin de compte?

M. Dufour: Ce sont peut-être leurs terres, mais il y a une chose, ce sont des parties à la cause. Ce sont des parties au développement du territoire.

M. Garon: Vous autres, vous êtres neutres?

M. Dufour: C'est-à-dire qu'on a peut-être une autre responsabilité. On a à répondre de nos actions, de nos prises de décisions à la population. La population peut porter un jugement. Comme il y a des commissions... Je pense que les élus sont des gens sensibles. Politiquement, que ce soit un gouvernement ou l'autre, on a à peu près tous la même préoccupation, celle de mieux servir les intérêts de la collectivité. A ce moment, à votre commission, vu qu'elle est muette, si vous admettez... Je pense que, dans les ruraux, parce qu'on parle de municipalités rurales, ceci veut dire qu'il y a certainement des cultivateurs à l'intérieur de ces municipalités, ils seraient donc représentés à l'intérieur de notre commission, et, à ce moment, on pourrait porter un jugement de valeur. Peut-être qu'on pourrait s'entendre à savoir qu'il pourrait y avoir un droit d'appel ou une certaine prise de position...

M. Garon: Est-ce la Commission municipale...

M. Dufour: Cela pourrait être la Commission municipale comme cela pourrait être un autre organisme, parce que la commission, pour nous, devient...

M. Garon: Pensez-vous que le développement agricole et alimentaire au Québec, c'est une responsabilité d'une politique municipale?

M. Dufour: Je pense bien, M. le ministre, que vous allez être le premier à nous le rappeler, si on ne pense pas comme cela. Je pense que le gouvernement du Québec a une responsabilité de l'agro-alimentaire, mais je ne répéterai pas toute l'argumentation qui a été donnée par M. Moreau...

M. Garon: Non.

M. Dufour: ... à savoir telle chose et telle chose. C'est votre responsabilité.

M. Garon: Supposons...

M. Dufour: Je dis que, même avec cela, on a la responsabilité d'un développement harmonieux du territoire.

M. Garon: Oui, on est d'accord là-dessus. On est d'accord pour bâtir des chalets aux endroits où vont les chalets, pas sur les meilleures terres, et les gars vont être bien heureux, parce qu'un chalet, habituellement, dans une terre planche, cela fait un peu "plat" comme paysage, pour un chalet, tandis que, sur le bord d'une montagne, ou au bord d'un lac, habituellement, il ne se fait pas tellement d'agriculture là. On est d'accord là-dessus. Les terrains de camping, on est d'accord pour ne pas les installer à côté des porcheries. Cela va être mieux pour la porcherie, cela va être mieux pour le campeur aussi, pour tout le monde. Je pense que tout le monde est d'accord là-dessus. C'est mieux de localiser les choses aux bons endroits. C'est une vérité de La Palice, ce que le député de Montmagny-L'Islet dit, mais si c'était autant une vérité de La Palice, cela ne se ferait pas tout le temps comme cela. Il y a des gens qui se bâtissent à côté des porcheries, et, après cela, ils trouvent que cela sent la porcherie. Cela aurait été une bonne idée d'y penser avant. Par ailleurs...

M. Giasson: Je suis très sérieux.

M. Garon: ... dans votre argumentation, vous parlez que ce soit confié, mais vous ne dites pas à quel organisme exactement. Pensez-vous que ce doit être les conseils de comté qui doivent être en charge de la protection du territoire agricole?

M. Dufour: M. le ministre, vous devez être au courant qu'il y a un comité de l'aménagement du territoire et on va aller siéger tout à l'heure là-dessus.

M. Garon: Bon.

M. Dufour: Au comité, actuellement, il en est question — je ne sais pas si je dévoile le comité en disant cela — il y a peut-être des nuances à apporter, est-ce que cela doit être le conseil de comté ou un autre organisme? L'Union des municipalités a son opinion, l'Union des conseils de comté a la sienne. On pense que, vu que I'aménagement du territoire... On peut dire pourquoi peut-être on a une opinion différente; c'est que l'aménagement du territoire, personne ne l'a fait jusqu'à maintenant, parce que, lorsqu'on parle de l'aménagement du territoire, cela dépasse le cadre d'une municipalité. On pense donc que cela doit être un organisme un peu plus grand, élargi, et que peut-être que cela vaut la peine — pas "peut-être", je suis sûr que cela vaut la peine — qu'on crée un organisme nouveau qui réponde à des besoins nouveaux et auquel vont être rattachés d'autres pouvoirs qu'on appelle des pouvoirs de décentralisation.

C'est donc important dans mon esprit que les deux mondes, cela fasse seulement du monde, parce que c'est le même monde, qu'ils soient rattachés à un organisme, mais à un nouvel organisme, où ces gens vont pouvoir dialoguer et où la distinction va s'enlever. J'ai peur que si on garde des noms, cela devienne... J'ai vécu des fusions...

M. Garon: Qui perdrait des pouvoirs? Ce sont les municipalités qui les perdraient au profit d'un autre organisme.

M. Dufour: Oui, mais cet organisme pourrait être représenté par des gouvernements locaux. Les gouvernements locaux vont être représentés sous l'organisme élargi de la région d'appartenance. Ce dont j'ai peur, c'est qu'on se limite à l'aménagement du territoire, lorsqu'on sait que, dans la politique de décentralisation, les pouvoirs vont être beaucoup élargis. C'est pour cela que je n'ai pas peur que l'on forme de nouveaux organismes qui répondent de leurs actes: ce seront des élus locaux qui feront partie d'un organisme un peu plus élevé et cela va amener d'autres changements.

M. Garon: Maintenant que vous avez ce nouvel organisme, j'imagine que, dans votre esprit, il regroupe les municipalités rurales, les municipalités urbaines, n'est-ce pas? Il anime la protection des terres sur cette région d'appartenance, comme vous l'appelez; l'organisme, lui, veut protéger... Prenons un cas, il y a un schéma d'aménagement dans l'Outaouais; c'est la seule place où il y en a eu un récemment. Il a été publié, en juin 1977; Schéma d'aménagement du territoire pour la Communauté régionale de l'Outaouais. Là-dedans, on dit qu'il y a eu un problème, les gens du monde agricole disaient qu'ils voulaient garder 108 000 acres pour l'agriculture, il y avait 108 000 acres de bonnes terres. Les autres organismes qui faisaient partie de la communauté ont dit: Nous, nous sommes prêts à garder 60 000 acres; il y en avait un peu plus, mais ce n'était pas bon pour l'agriculture. D'un côté, 60 000 acres; de l'autre, 108 000 acres. Quand arrive un tel débat, alors que le monde agricole ou l'industrie alimentaire... Par exemple, je pense au maire de Saint-Hilaire. A la raffinerie de sucre, on dit: J'ai besoin de tant d'acres pour développer ma raffinerie, parce qu'avec l'équipement qu'on a acheté, il y aura possibilité d'épuiser la production de 24 000 acres; cela prend des acres. Alors, c'est 108 000 acres réservées pour l'agriculture et pour l'industrie alimentaire. D'autres instances veulent réserver — mettons dans votre région d'appartenance, ceux qui décident — 60 000 acres. Qui doit décider si c'est 108 000 ou 60 000 acres?

M. Dufour: II est bien sûr que vous me posez une colle et je ne suis pas prêt à...

M. Garon: Non, c'est...

M. Dufour: C'est peut-être difficile de répondre, parce que ce que je voulais vous répondre... C'est bien sûr...

M. Garon: Ce sera exactement ce qui va se passer dans la réalité.

M. Dufour: Oui, mais en supposant votre commission telle que vous la proposez, où le monde rural et le monde municipal ne seraient pas présents, les mêmes problèmes vont se soulever; je ne pense pas qu'on va donner une réponse précise à votre question. Ce que je peux vous dire, c'est qu'à force de se parler, parfois on finit par se comprendre. Je dis que cet organisme régional n'aura pas toutes les réponses, bien sûr; il va falloir qu'il y ait un organisme supérieur à cet organisme, qui va répondre à plus grand. A ce moment, il va y avoir un arbitrage qui va se faire.

M. Garon: Oui, mais vous avez convenu tantôt qu'une protection des terres devait être partie d'une politique nationale, d'un objectif national; vous en avez convenu.

M. Dufour: Oui.

M. Garon: Commission ou comité d'aménagement, région d'appartenance, quel que soit l'organisme, il n'a pas pour mandat particulier de protéger les terres, il a le mandat de répartir cela; si bien que, dans le rapport de la Communauté régionale de l'Outaouais, on dit que, pour protéger les terres, de façon stricte, pour l'agriculture, les réserver, cela ne peut constituer qu'un aspect d'une politique générale de protection des terres agricoles et de relance de l'industrie agricole. Cette politique d'ensemble qui relève des gouvernements supérieurs est depuis longtemps promise et toujours attendue. En continuant la lecture, on lit qu'il faut qu'un organisme ait le mandat de faire cela. Alors, qui va avoir comme mandat particulier de protéger les terres? Dans des cas où le milieu agricole, le cultivateur, l'industrie alimentaire demandent tant d'acres et où l'organisme qui a pour mission d'aménager ne veut pas réserver les acres

pour l'agriculture, qui doit trancher la question de la protection des terres?

M. Charbonneau (Honorius): Je pense bien que l'Etat est le seul qui puisse faire des lois pour protéger les terres agricoles, parce qu'il y a déjà plusieurs villes de la province qui ont déjà mis de l'avant des plans de zonage qui ne sont peut-être pas si mauvais que cela. Elles ont quand même assez bien protégé le patrimoine dans chacun de leur milieu. Peut-être pas à cent pour cent; je pense qu'il y a eu, dans la province, des hémorragies de territoires, je suis d'accord et je crois qu'autour de Montréal, nous en avons vécu. Par contre, il ne faudrait pas blâmer uniquement les villes de ces hémorragies. Le but serait d'essayer de trouver cette commission à laquelle pourraient participer les élus municipaux et ceux qui ont réellement besoin de planifier le territoire dans chacune de nos villes.

M. Garon: Si on regarde cela concrètement... (17 h 15)

M. Dufour: II y a peut-être un complément que je pourrais ajouter. Vous avez l'intention de faire une politique agricole.

M. Garon: Oui.

M. Dufour: A ce moment, si ce n'est pas vous qui avez la loi, parce que je parle beaucoup plus d'une politique d'aménagement du territoire que seulement une loi...

M. Garon: Les deux ne sont pas incompatibles.

M. Dufour: Elles ne sont pas incompatibles. Elles se complètent, mais une est comprise dans l'autre. Quant à moi, l'aménagement du territoire est plus grand. A ce moment, votre ministère, qui a la préoccupation du secteur agro-alimentaire, de la protection en même temps du zonage agricole, pourrait, vis-à-vis de cet organisme, faire les représentations en conséquence pour défendre le point de vue du Québec vis-à-vis de cette commission qui aurait à juger et à jouer le rôle de l'arbitre.

M. Garon: Oui, mais regardez bien l'affaire. Supposons qu'il y a une politique d'aménagement, c'est-à-dire aménager les endroits récréatifs, les industries, les institutions et la protection des terres. Ne pensez-vous pas que l'idée serait de protéger les terres et d'aménager le reste pour construire des maisons à des endroits qui ne sont pas des terres agricoles, les meilleures, les moins bonnes, de faire des parcs dans des endroits qui ne sont pas bons pour l'agriculture? Mais pour cela, quand vous dites à un certain moment: A mon avis, il faudrait faire cela, dire: On garde les terres d'un bord et on aménage ce qui n'est pas bon pour l'agriculture. Cela ne veut pas dire qu'il n'y aura pas une terre ou deux qui vont servir pour d'autres fins, mais de façon générale, dire: On garde les bonnes terres pour l'agriculture, on aména- ge le reste. On met un terrain de camping et le sol A, on le met ailleurs.

Par ailleurs, vous avez une commission d'aménagement, il y a trois gars des municipalités rurales, trois gars des municipalités urbaines. Pensez-vous que les agriculteurs sont d'égale force si c est cette commission qui décide de l'affectation des sols, alors, que la protection des sols devrait être réservée à un organisme qui a pour mandat de protéger les sols et que, les municipalités utiliseront le reste pour faire tous les aménagements qu'elles veulent faire?

M. Dufour: Vous avez le président de cette commission. On parle de six, mais il y a un président. Il me semble qu'il peut trancher la question lorsqu'un problème surgit. Vous ne devez pas l'ignorer. C'est une personne importante, d'habitude, un président dans un organisme, surtout avec les pouvoirs que vous voulez lui conférer.

M. Garon: Vous avez trois représentants de ville, trois représentants de municipalités rurales et un président. Le président préside et vote quand ils ne sont pas d'accord, quand ils sont égaux. Ne pensez-vous pas que les agriculteurs ne pèseront pas lourd à une telle commission?

M. Dufour: Je ne vois pas nécessairement le problème de la même façon parce qu'on côtoie le monde rural. On dit actuellement que les périmètres urbains sont assez bien délimités dans la province et que si on peut rentabiliser ce périmètre, il faudrait peut-être qu'on arrête de faire de l'étalement. Une des façons, je pense que les villes vont vous aider à cet égard. Elles vont protéger, parce que j'ai amené des territoires agricoles dans ma ville. J'ai 80 milles carrés de territoire. C'est assez grand.

M. Garon: Les villes sont d'accord.

M. Dufour: Et on essaie de protéger le territoire agricole. Dans notre plan directeur d'urbanisme, on a porté justement une attention spéciale. On connaît les cultivateurs qui veulent cultiver et on connaît ceux qui ne sont pas intéressés. Ils sont intéressés à vendre leur terrain et je pense que les villes sont beaucoup plus jalouses — qu'on en pense ce qu'on voudra — des territoires agricoles que les agriculteurs, parce qu'il faut bien penser qu'on vient de quelque part, les gens des villes. Il n'y a pas tellement d'années, on demeurait quelque part à la terre. Que ce soient nos parents, nos grands-parents.

M. Garon: C'est-à-dire que les vrais agriculteurs, je pense, sont jaloux de leurs terres. C'est important. Il y a des vrais et des pas vrais, mais des vrais qui gagnent leur vie et qui sont fiers d'être agriculteurs sont organisés.

M. Dufour: II y en a de bons.

M. Garon: Je ne parle pas des gars comme moi. Je parle des vrais.

M. Charbonneau (Honorius): Les gens des municipalités sont élus quand même et dans le passé, pourquoi ces mêmes agriculteurs n'ont-ils pas protégé leurs terres agricoles? N'avaient-ils pas les mêmes avantages? Ils auraient quand même pu protéger leurs terres agricoles. J'ai confiance aux cultivateurs. J'en ai été un à venir jusqu'à il y a quelques années.

M. Garon: Vous savez comme moi que I'agriculteur, dans cette position, entre vous et moi, c est un sophisme. C'est un peu comme l'agriculteur sans plan conjoint. Il peut bien négocier les prix qu'il voudra, tout seul, il est mal pris en maudit. D'accord, ils disent: On va négocier cela ensemble pour avoir plus de force, un peu comme les syndicats ouvriers qui disent: On va négocier des salaires ensemble. On va être capable d'avoir plus de pouvoir de marchandage. Il faut un peu cela pour avoir plus de force, mais si vous mettez le cultivateur tout seul face à la spéculation, il est évident qu'il n'a pas de poids.

M. Dufour: Là-dessus, M. le ministre, je m'inscris en faux parce que vous avez déjà discuté avec des cultivateurs, des vrais. Je ne parle pas des "cultivailleurs". Vous avez déjà discuté avec des cultivateurs? Avez-vous déjà arraché du poil là-dedans? Ils sont "tough" en saint-sirop! Même si on est des villes, ils ne cèdent pas de terrain tellement facilement. S'ils ne trouvent pas leur profit, ils vont dire non et ils disent non longtemps.

M. Garon: Ce n'est pas le problème, c'est que le cultivateur, un vrai, a peut-être comme voisin un pas vrai. Alors, lui, il va vendre à un gars qui n'est pas intéressé. Qu'est-ce qui va arriver? Toutes sortes de désagréments pour l'agriculteur parce que le gars à côté ne s'occupe pas de son affaire. A ce moment-là, cela pousse en friche, les mauvaises herbes, il va peut-être faire toutes sortes de choses là-dedans qui vont causer un paquet de problèmes à l'agriculteur et l'agriculteur veut s'agrandir à un moment donné. Il n'est pas capable parce que le gars spécule sur la terre. Il n'est pas intéressé à la vendre à l'agriculteur. Il est intéressé à attendre que le prix monte. Alors, est-ce que c'est cela le bien collectif?

M. Charronneau (Honorius): Mais, M. le ministre, est-ce que votre loi sur le zonage agricole va quand même empêcher celui qui ne veut pas cultiver de cultiver avec la loi actuelle?

M. Garon: On ne règle pas tout par cette loi-là, mais dans toute chose il y a des étapes. C'est la première étape. Il va en venir d'autres lois. Je n'ai pas déposé tout mon arsenal.

M. Charbonneau (Honorius): Parce que je serais très heureux, M. le ministre, si vous étiez capable de me garantir que, demain, ceux qui veulent cultiver pourront le faire sans avoir de contrainte de la part de leurs voisins, de la part des gens qui souvent ne sont pas des agriculteurs et viennent détruire beaucoup plus l'agriculteur que les villes et municipalités du Québec.

M. Garon: Je n'ai pas dit que c'étaient les villes et les municipalités. Je n'ai jamais dit cela.

M. Charbonneau (Honorius): Non, mais seulement...

M. Garon: J'ai renconré assez de maires qui m'envoyaient des télégrammes avant qu'on dépose la loi, qui m'engueulaient pour protéger les terres agricoles. Je peux vous montrer des télégrammes d'ici, pas loin, à l'île d'Orléans, par exemple, les maires ont envoyé un télégramme disant: Qu'est-ce que vous attendez pour déposer votre loi pour protéger nos terres? On n'est pas capable de faire face à la spéculation. J'ai entendu cela. Les trois paroisses autour de Trois-Rivières, par exemple, les gens sont venus nous rencontrer pour dire... Saint-Louis-de-France, je pense. Sainte-Marthe, Pointe-du-Lac et l'autre, il me semble que c'est Saint-Louis-de-France. Ils sont venus nous dire: On a beau en arrêter un, il en sort dix. C'est un peu comme Belzébuth. Tu n'es pas capable d'arrêter cela. Alors, ils disent: On n'est pas organisé pour arrêter la spéculation. Les maires m'ont dit, et j'en ai rencontré autant comme autant; On a besoin de votre loi.

Je regarde les municipalités, jusqu'à maintenant, il y a quand même un tas de municipalités à qui j'ai parlé depuis le dépôt de la loi qui disent que c'est une bénédiction pour les municipalités. On va avoir un petit ajustement, certainement; s'il n'y avait pas eu d'ajustement à faire, ce ne serait pas des plans provisoires, ce seraient des plans permanents. Ce sont des plans provisoires. On dit: la commission va arriver, vous allez discuter ensemble, essayer d'établir une zone qui a du bon sens.

Je suis persuadé que l'ensemble des municipalités vont s'entendre facilement, mais si elles ne s'entendent pas et disent: Je ne suis pas intéressée à ça, la protection des terres agricoles, je suis intéressée à d'autres affaires, qui va décider à ce moment-là?

M. Charbonneau (Honorius): M. le ministre, ce que les municipalités du Québec veulent avoir ce sont des outils nécessaires pour conserver leur autonomie. Parce que, lorsqu'on conserve l'autonomie des municipalités, nous conservons l'autonomie des citoyens. Je pense qu'étant élus par ces gens, nous voulons que, dans la province de Québec, le gouvernement ait sa place, que les municipalités aient leur place et que les citoyens aient leur place. C'est ce que l'Union des municipalités veut, en somme. Mais elle a peur, je pense, à raison, qu'à un moment donné, l'infiltration de l'Etat vienne lui enlever le peu d'autonomie qui lui reste.

Je pense que, dans ce sens-là, peut-être "roffement", en terme d'habitant, j'en suis un, je n'ai pas honte de le dire, c'est peut-être de ça qu'on a peur. On voudrait, dans une municipalité

où il y a de l'industrie, où il y a des résidences, où il y a de l'agriculture, que tout le monde soit à sa place et que chacun n'aille pas enfarger l'autre. Je pense que les municipalités du Québec sont d'accord là-dessus, mais elles ont quand même peur d'une intervention trop prolongée de l'Etat dans les pouvoirs des municipalités.

M. Garon: Vous êtes dans quelle production agricole?

M. Charbonneau (Honorius): J'étais dans la production laitière.

M. Garon: Vous n'y êtes plus?

M. Charbonneau (Honorius): Je n'y suis plus depuis quatre ans. C'est malheureux parce que j'y étais bien heureux. Des raisons personnelles m'en ont sorti.

M. Garon: Non... Je ne le savais pas.

M. Charbonneau (Honorius): Quand on vieillit, M. le ministre, on est comme tout le monde, on n'a pas de remplaçant, on est obligé de laisser. J'y fait ma vie et je l'ai très bien faite.

M. Garon: Vous êtes tout jeune.

M. Charbonneau (Honorius): Pardon?

M. Garon: Je suis un peu myope, mais vous avez l'air tout jeune.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le ministre. M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Giasson: Merci, M. le Président. Si j'avais l'assentiment de tous les députés de la commission, je ferais une demande pour que le premier intervenant pour notre groupe soit le député de D'Arcy McGee. Est-ce que...

Le Président (M. Boucher): Est-ce que les membres sont d'accord?

M. Giasson: Quitte à ce que je revienne au deuxième ou au troisième tour de table.

Le Président (M. Boucher): D'accord. M. le député de D'Arcy McGee.

M. Goldbloom: Merci, M. le Président. Je remercie mes collègues à cette table de m'accor-der le droit de parole. M. Charbonneau, vous avez dit des choses que j'ai trouvées importantes et précises et vous avez posé des questions que j'ai trouvées particulièrement pertinentes.

Le ministre a dit, il y a quelques minutes, qu'il ne blâme personne pour la perte de terres agricoles dans le passé et il a précisé aussi qu'il ne blâme pas les municipalités, ni de villes ni de campagnes. Pourtant, il me semble qu'il y a au moins une critique négative qui est implicite dans la présentation de ce projet de loi et dans les mécanismes qui sont créés pour assurer la prise des décisions, quant au zonage agricole. Ces critiques implicites sont devenues même un peu explicites dans les interventions de certains membres de cette Assemblée.

Je vous pose une question qui est assez fondamentale et je ne la pose pas dans un sens désobligeant. Il y a, dans le fait qu'on n'accorde pas aux municipalités, ni aux municipalités rurales représentées par les conseils de comté, ni aux cités et villes, la principale responsabilité décisionnelle quant au zonage agricole, il y a au moins cela qui dit, sans le dire, que les municipalités ne sont pas capables d'assumer cette responsabilité ou ne sont pas bien placées, ou ont des intérêts qui ne vont pas dans le sens de ce que le gouvernement veut réaliser. (17 h 30)

Je vous pose donc la question, sans revenir sur le passé, sans essayer d'attribuer un blâme à qui que ce soit pour la perte de terres agricoles. Quelle assurance l'Union des municipalités du Québec peut-elle donner que, si sa proposition d'un organisme avec trois représentants du monde urbain, trois du monde rural et un président, si cela était accepté, si un mécanisme avec des modalités différentes peut-être, mais, de toute façon, un organisme où les municipalités du Québec seraient valablement représentées et participeraient donc au processus décisionnel, si un tel organisme était créé, quelle assurance l'Union des municipalités du Québec peut-elle donner à la population que cet organisme fonctionnera dans l'intérêt de la collectivité, en toute objectivité et éviterait les erreurs du passé?

M. Charbonneau (Honorius): Tout d'abord, M. le Président, je dois dire qu'il est bien clair — je le dis et je le répète — qu'en autant que nous aurons les outils nécessaires pour mettre de l'avant une politique qui pourrait protéger les sols agricoles, je suis convaincu que, chez les élus municipaux du Québec, tant des villes que des municipalités rurales, il y a une possibilité de garder, de protéger les sols agricoles d'une manière convenable. Nous en sommes convaincus. Mais tout cela, en autant que — et je le répète encore une fois — l'Etat nous fournisse les outils nécessaires pour le faire. Je suis convaincu que les élus municipaux peuvent en arriver, dans un projet d'aménagement complet, et je dis bien dans un projet d'aménagement complet... Je pense que le zonage agricole pourrait être intégré dans un chapitre de la Loi sur l'aménagement et probablement donner des résultats aussi efficaces que ceux qu'elle va donner actuellement. J'en suis à peu près convaincu.

Je dis ceci. L'aménagement du territoire et le zonage agricole, qu'on l'ait gelé temporairement, je n'ai aucune objection à cela. C'était peut-être de mise, dans un premier temps, pour empêcher la spéculation. Nous avons eu suffisamment, dans le passé, de spéculation au Québec. Il est temps d'arrêter d'en avoir. Je pense que nous sommes

d'accord, les élus municipaux. C'est pour cela que nous avons voulu, dans ce comité, laisser les décisions aux élus municipaux. Nous pensons, l'Union des municipalités — et je ne veux pas parler pour l'Union des conseils de comté — que nos élus municipaux ont suffisamment d'envergure pour prendre de telles décisions et aider le pouvoir public, c'est-à-dire le gouvernement du Québec, à réaliser l'aménagement du sol québécois.

M. Goldbloom: M. le Président, il y a deux thèses fondamentales qui s'affrontent ici. A l'instar de l'Union des conseils de comté qui, par le hasard de l'ordre de présentation des mémoires, vous a précédés, vous insistez beaucoup sur le rôle de l'élu municipal. Vous dites que celui qui se fait élire au niveau de la municipalité a, par le fait même, une responsabilité à l'égard de ses concitoyens et à l'égard de l'administration du territoire de cette municipalité.

Le ministre, de son côté, dit que le principal intérêt doit être celui de protéger le sol arable. Donc, il faut que les principaux responsables du processus décisionnel soient des agriculteurs.

Je me pose, entre parenthèses, une question à cet égard. Je me demande si, face aux pressions qui pourraient exister à certains endroits, où l'offre, dans le contexte d'un développement résidentiel, par exemple, pourrait être très supérieure à l'offre d'achat d'une ferme comme ferme, si un cultivateur, au nom d'un autre cultivateur, serait toujours prêt à résister totalement à cette pression; j'aimerais vous poser cette question: Laissant de côté l'aspect d'élection au niveau municipal, laissant de côté la question de l'expérience vécue dans le monde agricole, à votre avis, quelles devraient être les qualités des personnes qui devraient être nommées pour assumer cette responsabilité décisionnelle?

M. Dufour: Tout en parlant des types du monde municipal?

M. Goldbloom: Vous dites que les responsables devraient être des représentants choisis par le monde municipal, sauf le président qui serait choisi par le gouvernement. Le ministre dit: Les principaux responsables devraient être des agriculteurs et seulement quelqu'un qui a vécu l'expérience agricole pourrait être suffisamment motivé et suffisamment objectif pour savoir comment protéger, et quand protéger et où protéger le sol arable. J'aimerais vous demander si vous pouvez me donner en quelque sorte un portrait robot de la personne à laquelle vous confieriez la responsabilité de décider.

M. Dufour: On va essayer d'être le plus objectif possible pour ne pas se décrire à travers cette personne-là. Cela prend une personne — je pense que le monde municipal a la preuve de cela — qui a certainement une connaissance de son milieu, quand je parle de milieu, c'est un milieu plus grand que sa propre municipalité, qui s'est impli- quée dans la vie économique de sa région, ou même plus, de la province, ce qui suppose, au départ, une personne d'une intégrité certaine.

Je pense qu'on peut les identifier, parce que lorsque les gens sont élus, d'habitude, on peut voir assez facilement à qui on a affaire, quels sont ces gens-là. On demande une intégrité, pas d'intérêt personnel dans ces choses-là; des gens qui n'ont pas fait de spéculation. Je pense que c'est bien important de les éliminer au départ, parce qu'on aura tendance à aller chercher ce qu'on a toujours fait et ce qu'on a voulu pratiquer ou favoriser des groupes dans ce sens-là.

On demande des personnes qui ont une connaissance très grande de leur milieu, des personnes qui ont des principes d'honnêteté et des personnes de jugement.

Le meilleur critère, c'est encore le jugement. Cela se répartit également un peu dans la population, il paraît que ce n'est pas comme l'intelligence. Il y a des gens qui doivent avoir du gros jugement, parce que c'est un ajustement qu'il va falloir faire par rapport à un plan de zonage. Que ce soit de l'aménagement, du zonage agricole, il y a certainement des ajustements qu'il faut faire. Cela demande des gens qui ne sont pas, au départ, bornés à vouloir ou à seulement écouter une partie, des gens aussi qui ont les oreilles ouvertes, qui peuvent entendre ce qui se dit et essaient de porter des jugements de valeur. Je pense que cela pourrait être un portrait robot grossier. Je ne pense pas nécessairement que cette personne soit un urbaniste. Je ne pense pas nécessairement que ce doive être des gens qui ont des compétences particulières, par exemple, au point de vue des finances. Pour moi, c'est important que la personne ait du gros bon sens. Je pense que le ministre me comprend. Je pense qu'on pourrait dire que c'est un homme de bon sens, dans son cas.

M. Goldbloom: M. Dufour, je suis très intéressé par votre réponse, parce que, tout à l'heure, quand le député de Montmagny-L'Islet a demandé, a sollicité le consentement des membres de la commission pour que je puisse prendre la parole, il y a eu certains sourires autour de la table comme si — je ne veux pas prêter des intentions à qui que ce soit — certains collègues se disaient: Mais, quelle expérience a-t-il dans le milieu agricole et comment se fait-il que c'est lui qui participe à cette discussion? Pourtant, je suis un élu du peuple et j'ai la responsabilité, comme législateur, de me prononcer sur ces questions agricoles, municipales et autres.

Je vous pose une dernière question. La voici. Le projet de loi, tel que rédigé actuellement, n'assure pas que la terre protégée par le zonage sera effectivement cultivée, n'assure pas que la ferme achetée ne sera pas laissée en friche. Comment verriez-vous, d'un point de vue municipal — tenant compte de ce que le ministre lui-même a dit, des problèmes de contagion, si vous voulez, de mauvaises herbes et de mauvais drainage et tout cela, des mauvais effets que cet abandon de la terre arable pourraient avoir sur des

terres voisines — la prise d'une décision? Peut-être qu'après un certain temps, on aurait essayé de trouver un vrai agriculteur pour s'en occuper, pour cultiver ces terres, mais après combien de temps verriez-vous une autre décision prise, une libération de cette terre laissée en friche à d'autres fins, disons, dans un sens très large, municipales?

M. Dufour: Je vais essayer de répondre à une partie de la question. Parmi les mesures appropriées, il y aurait sûrement, à mon point de vue, des mesures fiscales qui grèveraient ce bien, qui feraient que la personne ne pourrait pas laisser cela en friche, pour la spéculation. Pour moi, ce serait important qu'une mesure fiscale soit appliquée à des gens qui veulent garder des terres à but spéculatif.

M. Charbonneau (Honorius): En d'autres mots, M. le ministre, il faudrait que les cultivateurs soient de vrais cultivateurs, et non pas des gens intéressés que par le site géographique d'une ferme lorsqu'ils l'achètent, par exemple. Assez souvent, c'est ce que nous voyons. Le jour où on aura des vrais cultivateurs intéressés — tantôt, vous m'avez encouragé, lorsque vous m'avez dit que vous étiez pour mettre de l'avant des mesures pour que les cultivateurs puissent aller chercher des gains, je pense que c'est la seule manière d'arriver à faire cultiver nos terres agricoles.

M. Goldbloom: Sauf que ce que vous venez de dire, M. Charbonneau, n'est pas assuré par la loi dans sa rédaction actuelle.

M. Charbonneau (Honorius): Non, actuellement, on protège le sol agricole, mais on ne protège pas la productivité.

Le Président (M. Boucher): Merci. M. le député de Huntingdon.

M. Dubois: Je voudrais saluer les quatre membres représentant l'Union des municipalités du Québec et les remercier du mémoire très intéressant qu'ils nous ont présenté. Je crois que vous avez fait des remarques très précises. Vous avez plusieurs réserves que nous avons nous-mêmes sur le projet de loi. Premièrement, quand vous avez parlé de plan global d'aménagement de territoire, comme l'Union des conseils de comté l'a mentionné, ce fut une de nos grandes réserves au niveau de la deuxième lecture de ce projet de loi. Je dois vous dire que j'ai extrêmement confiance en la capacité des élus municipaux, des élus du peuple, d'administrer un projet de loi, d'émettre des permis. On sait toujours que, comme vous tenez compte de toutes les lois qui touchent l'administration municipale, au niveau de la commission municipale, vous administrez ces lois d'une façon convenable. Je pense que vous êtes capables d'administrer une loi sur le respect des sols fertiles de la même façon que vous le faites au niveau de la commission municipale dans ses règlements et lois. Je crois que ce serait manquer de respect envers les élus du peuple que de confier strictement à une commission toute l'administration de ce projet de loi. Connaissant bien le milieu, je crois qu'il serait désirable que vous puissiez, premièrement, émettre des permis et, tout de suite après, la commission pourrait peut-être juger de cette valeur. S'il y a erreur, la commission pourrait vous rappeler à l'ordre plus tard. Je pense que cela pourrait quand même être une formule qui respecterait beaucoup le territoire agricole.

Je voudrais vous poser une question: connaissant à fond les vrais producteurs agricoles, je me demande s'ils vont être heureux — et je vous pose la question — de voir une commission qui siège à Québec décider du sort des fermes québécoises et de leur vocation, quand on a des élus du peuple qui sont près d'eux et qui pourraient décider et administrer une loi. Ce que je veux savoir, c'est comment vous pensez que le vrai producteur agricole va réagir, parce qu'enfin on n'a pas eu tellement le son de cloche du vrai producteur agricole, ici, ou de l'ensemble des producteurs? (17 h 45)

M. Dufour: Je pense bien que si on relit le mémoire, tel que présenté, on a essayé de se mettre à la place du régional ou du local pour pouvoir exprimer un point de vue, parce que, si, comme élus d'un gouvernement local, nous n'exprimons pas les vues de l'ensemble de nos contribuables, nous ne serons peut-être pas là très longtemps. Donc, à ce moment, le sens du mémoire de l'Union des municipalités est qu'on essaie de répondre aux besoins du milieu et, les connaissant mieux, il est peut-être plus facile de travailler avec lui. On peut donc donner une réponse beaucoup plus rapide, plus adéquate et je ne vois pas pourquoi la commission s'interposerait au niveau local, s'il n'y a pas de difficulté.

M. Dubois: Une dernière question, parce que je crois qu'il y a plusieurs collègues qui désirent en poser.

Je pense qu'on sait qu'environ 85% de notre PNB se situe en dehors des activités agricoles et agro-alimentaires; ne croyez-vous pas que les municipalités, les corporations municipales, les conseils de comté ou les commissions régionales seraient plus aptes à juger d'investissements — parce que j'ai peur aux ralentissements effectifs, alors qu'une commission aura à décider pour les 614 municipalités — et de toutes les autres demandes qui seront formulées par les résidents. J'ai peur qu'à ce moment les 85% d'activités qui se situent hors de l'agriculture et hors de l'agro-alimentaire, soient pénalisés par une lenteur administrative. Je pense que, dans le sens où vous présentez votre mémoire, cela irait beaucoup plus vite au niveau administratif et de la façon dont on jugera un cas particulier. J'aimerais avoir votre opinion dans ce sens.

M. Dufour: Bien sûr, étant préoccupés du milieu, il est important, pour nous, de donner des jugements le plus rapidement possible et qui aient

le plus de valeur possible. Nous sommes peut-être plus sensibles à ce qui se passe dans notre milieu, nous avons peut-être une connaissance plus grande aussi; cela donnerait plus de satisfaction et, en même temps, je pense qu'on aurait des réponses beaucoup plus rapides à des problèmes qui seraient soulevés. Ce qu'on craint avec la commission, c'est qu'elle impose d'en haut, et que les recours doivent suivre. J'ai dit tout à l'heure qu'elle allait peut-être manquer d'oreilles, mais elle va peut-être manquer de membres.

Il faut bien croire qu'il y a beaucoup de réponses qu'on pourrait trouver à des problèmes précis, dans l'immédiat, mais si on transfère tout cela à une commission de sept membres, comment trouver le moyen de couvrir tout le territoire? C'est ce qui nous fait un peu peur.

M. Dubois: C'est d'ailleurs l'une de nos préoccupations. Je vous remercie, M. le Président, je passe la parole à d'autres.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Beauce-Sud.

M. Roy: Merci, M. le Président, je veux à mon tour remercier les représentants de l'Union des municipalités du Québec de s'être donné la peine de préparer un mémoire, de se déranger et de venir en commission parlementaire nous exprimer leur point de vue pour nous apporter le plus d'éclairage nécessaire, face aux responsabilités que nous aurons, au cours des prochains jours et des prochaines semaines.

Si j'ai bien compris votre mémoire, il y avait un point central, c'est que vous craignez énormément l'érosion du pouvoir municipal de par l'application du projet de loi 90, alors, que, d'un autre côté, on a beaucoup parlé, il n'y a pas tellement longtemps, et on en parle encore beaucoup de la revalorisation du pouvoir municipal.

Le ministre, quant à lui, d'après les remarques qu'il a faites — d'ailleurs, hier, cela a été à peu près la même chose — n'a pas l'air d'avoir une grande confiance dans le rôle que pourraient et devraient jouer les municipalités et les conseils de comté dans la protection des terres arables.

Vous nous avez dit que, si vous aviez les outils nécessaires, vous pourriez faire davantage que ce que vous avez fait jusqu'à maintenant et ce que vous pouvez faire maintenant.

Quels sont les outils? Pourriez-vous nous dire ce qui manquerait aux municipalités du Québec comme outils pour pouvoir faire le nécessaire dans ce secteur et voir à assumer une protection adéquate du territoire agricole dans chacune de vos municipalités?

M. Dufour: Je pense que, d'abord et avant tout, c'est une loi habilitante, donc une loi qui nous permette de le faire. Une deuxième chose, c'est d'avoir un plan d'aménagement du territoire, parce qu'il faut l'appliquer. Je pense que ce sont les deux outils qui nous permettraient d'agir parce que, si on regarde l'ensemble des municipalités du

Québec, dans l'ensemble des pouvoirs qui leur sont accordés, à condition que les moyens financiers suivent, qu'ils soient avec, je pense que les municipalités ont prouvé leur sérieux et ont prouvé aussi leur engagement à la collectivité parce que je pense qu'il y a moins de perturbation dans le domaine municipal que dans n'importe quel gouvernement.

Il y a une bonne raison. Il y a un besoin de stabilité et je pense que ce qui donne le plus de stabilité dans la province, ce sont les gouvernements locaux, où les gens peuvent s'identifier, venir parler et venir mieux expliquer leur point de vue.

M. Roy: Quand vous parlez d'une loi habilitante — pour bien nous éclairer sur ce point — vous voulez dire que les municipaliés du Québec, actuellement, n'ont pas les pouvoirs de faire des législations, des plans en vue de procéder à la protection du territoire agricole.

M. Dufour: On peut le faire localement et on le fait. Si je prends ma municipalité — et on parle des choses qu'on connaît le mieux — on a un pouvoir, on l'exerce à 100%, mais, lorsqu'on regarde un territoire qui est plus grand que la municipalité, à ce moment, cela ne peut pas exister.

M. Roy: II ne peut y avoir de concertation, en vertu des lois actuelles, au niveau du conseil de comté, de collaboration entre les municipalités.

M. Dufour: Vous savez bien que, quant à la bonne volonté, tout le monde veut aller au ciel, mais personne ne veut mourir.

M. Roy: Oui, je sais bien. On connaît le vieux dicton. Il y a aussi un aure point sur lequel...

M. Garon: ... dicton?

M. Roy: Le vieux dicton: Tout le monde veut aller au ciel, mais personne ne veut mourir.

M. Garon: Ah!

M. Roy: C'est le cas du ministre.

M. Garon: C'est vrai.

Une Voix: II risque d'aller au purgatoire.

M. Roy: Oui, il risque d'y être un peu plus longtemps.

Une Voix: Ou aller au diable vauvert.

M. Garon: Les libéraux... Les curés ont toujours dit que l'enfer était rouge. Donc, on ne sera pas là.

M. Roy: II y a également un point, une constante qu'on retrouve dans les mémoires qui ont été présentés jusqu'à maintenant et dans les

remarques dont nous avons pu prendre connaissance. On craint énormément le pouvoir trop excessif, trop centralisateur, pour employer le terme, de la commission actuellement composée de sept membres. On a beaucoup parlé d'instances régionales. L'Union des conseils de comté a parlé, tout à l'heure, d'avoir des instances au niveau des comtés municipaux.

J'aimerais avoir votre opinion sur la suggestion qui a été faite par plusieurs, solution ou suggestion que j'ai reprise. Etant donné qu'il y a douze grandes régions agricoles au Québec, serait-ce acceptable par l'Union des municipalités du Québec qu'il y ait des commissions régionales à l'intérieur de chacune de ces douze grandes régions qui seraient, en somme, beaucoup plus près des instances municipales, des instances locales qu'une seule instance provinciale et qui pourraient travailler en étroite collaboration avec les autorités municipales, les autorités des municipalités et des conseils de comté de même que les bureaux régionaux d'agronomes, les services du ministère de l'Agriculture, l'UPA, les fédérations régionales de l'UPA. Nous nous retrouverions en somme à impliquer le plus de gens possible dans la mise en valeur du territoire de chacune de leurs régions et voir à assumer une politique de protection qui tient compte de la réalité régionale, qui tient compte du caractère de chacune des régions. Est-ce que cela pourrait donner satisfaction à l'Union des municipalités du Québec?

M. Dufour: Ce qui nous fait peur, c'est qu'en même temps qu'on parle de zonage agricole, on parle aussi d'aménagement du territoire et, dans l'aménagement du territoire, on parle de régions d'appartenance, de petites régions. Si vous enlevez ces commissions locales ou, par région d'appartenance, vous les diminuez, mais plus vous êtes loin du pouvoir décisionnel, plus cela va prendre du temps, nous disons: S'il y a un organisme ou s'il y a une loi d'aménagement du territoire, à l'intérieur de laquelle va être compris le zonage agricole, il devrait y avoir autant de commissions qu'il y a de régions d'appartenance. C'est pourquoi il faut un arbitre, parce que si cela vient en appel, une raison pour des appels plus loin, en même temps, cela donne l'assurance que les causes et les problèmes vont être soulevés, ils vont se régler beaucoup plus vite. Parce que ces gens-là qui vont avoir une fois pour toutes... Je pense bien qu'il faut se comprendre. Un gouvernement, d'habitude, veut régler les problèmes, il ne veut pas en créer. Il en crée des fois, mais normalement il ne veut pas en créer. Je dis que le pouvoir local, n'est pas différent des autres pouvoirs. Il veut régler des problèmes, pas à n'importe quel prix et dans n'importe quelle condition. Ce qui serait laissé pour compte, ce ne serait pas l'ensemble des problèmes qui seraient soulevés, mais une petite partie, parce que je pense que dans ces commissions il y aurait moyen de trouver des terrains d'entente.

M. Roy: En somme, si je comprends bien, vous êtes en faveur du fait que le zonage agricole, que la protection des terres arables se fasse à l'intérieur d'un plan d'aménagement complet et qu'il n'y ait qu'une seule commission qui verrait à l'équilibre du territoire dans chacune des régions avec le plus de décentralisation possible. N'est-ce pas là votre propos?

M. Dufour: Une vérité de La Palice.

M. Roy: J'aurais une dernière question. J'avais effectivement hâte de pouvoir rencontrer les autorités municipales pour la poser. La question nous est posée par la population et il est assez difficile d'y répondre.

Le territoire est gelé actuellement dans une partie du Québec, surtout dans le plateau du Saint-Laurent. La commission n'est pas formée. Quelles sont les conséquences, les inconvénients que cette situation implique actuellement sur le plan de l'administration municipale?

M. Casault (Henri): Avec la permission de M. le Président.

Le Président (M. Boucher): Oui, M. le maire.

M. Casault: Nous avons, à l'heure actuelle, ici dans la région de Québec, dans le territoire de la Communauté urbaine, des pertes énormes qui vont être subies par des gens qui ont acheté des terres, qui n'étaient pas cultivées, en vue d'un développement futur.

Alors, je peux vous dire qu'il y en a quelques-uns qui m'ont approché et il va y avoir quelque $100 000 de pertes, seulement dans la région de Québec, si c'est gelé bien longtemps, à cause des investissements qui y ont été faits. Il y aurait peut-être une autre partie de la réponse, nous vivons ce soir les élections de la nouvelle Communauté urbaine de Québec et nous avons, dans cette loi, le devoir d'aménager le territoire de la Communauté urbaine de Québec. Depuis le dépôt de la loi 90, on voit des espaces verts et je vous dis franchement que lorsque l'Union des municipalités demande qu'il y ait des représentants locaux, si je prends une remarque de M. le ministre, il dit que ceux qui vont cultiver des terres et ceux qui veulent se bâtir, qu'ils aillent ailleurs.

Dans notre territoire de Charlesbourg, vous avez deux territoires, Beauport et Charlesbourg, qui sont construits jusqu'au boulevard de la Capitale et vous avez un espace vert qui est à peu près le seul, parce que ça fait plus qu'un an que nous avons des experts qui travaillent le nouveau plan directeur de la ville de Charlesbourg. Si on va un peu plus loin, les services vont coûter trois à quatre fois plus cher, vu les accidents de terrains, le roc, ces choses-là. Des experts dûment mandatés nous disent: II faudrait que vous réserviez ça pour du développement à meilleur marché.

Je me demande, avec le devoir que la Communauté urbaine va avoir de faire un schéma d'aménagement du territoire de la Communauté urbaine de Québec, comment on va pouvoir faire la relation entre la nouvelle commission et le schéma d'aménagement. Je pense que là, les difficultés vont s'agrandir au lieu de diminuer.

M. Roy: Cela veut dire, tant et aussi longtemps que la commission n'est pas nommée, il est absolument impossible d'avoir un permis, de bouger à l'intérieur des territoires réservés?

M. Casault: Surtout de lotir.

M. Roy: De lotir à l'intérieur des territoires réservés. Dans la zone verte, pour la partie qui vous concerne, est-ce qu'il y avait effectivement des terrains déjà lotis?

M. Casault: Oui, il y en a une partie seulement, mais il y en a d'autres qui ont été achetés, qui ne sont pas lotis, du fait que nous n'étions pas en mesure de leur donner des services immédiats.

M. Roy: Lorsque vous parlez de pertes, ce sont des pertes dues aux délais ou aux dangers que ça comporte.

M. Casault: Cela va être à cause des délais, surtout dans la région de Saint-Augustin, qui fait partie de la Communauté urbaine de Québec.

M. Roy: J'aurais une question à poser au ministre, avec votre permission, M. le Président, Le député de Bellechasse avait souligné cette question lors de son intervention de deuxième lecture, pour voir si on songe à ce qu'il y ait quelque chose de provisoire, en attendant que la loi soit votée.

M. Garon: Pensez-vous que, dans la ville de Charlesbourg, il serait bon de bâtir des maisons dans des territoires où il n'y a pas de services?

M. Casault: Les services sont à côté. Ce sont des prolongements de services, M. le ministre.

M. Garon: II n'y a pas de services actuellement.

M. Casault: Non, il y en a une partie qui est à se lotir...

M. Garon: Je vous pose une question précise. Est-ce qu'il serait bon, dans votre ville, de bâtir des maisons à des endroits qui ne sont pas desservis par des services?

M. Casault: Le développement s'est fait comme cela, mon cher monsieur, et nous sommes la deuxième ville en population du Québec.

M. Garon: Vous bâtissez les maisons avant d'apporter les services?

M. Casault: Naturellement qu'on met les services. Les entrepreneurs paient les services à tant le pied et ils s'en vont avec cela. On a un plan triennal et ils s'en vont avec cela. Il y en a qui n'ont pas eu les services en 1978, et ils ne les auront peut-être pas en 1979, mais ils ont acheté pour avoir des services d'ici quelques années.

Vous avez d'autres exemples — je ne voudrais pas prendre Charlesbourg comme exemple — là où les parents sont partis et les fils ne veulent pas cultiver, ne veulent pas vendre cela au prix d'une terre. Les enfants disent: Nous sommes sept ou huit et nous vendons la terre pour faire du développement, on ramasse notre héritage et on s'en va.

M. Garon: Vous, vous aimeriez mieux, au fond, qu'on bâtisse les maisons sur les terres et qu on envoie l'agriculture sur la roche?

M. Casault: Je parle pour Charlesbourg, M. le ministre, si vous le permettez. J'ai été élevé à la campagne. Je ne parle pas de Saint-Hilarion. Je vous parle de Charlesbourg.

M. Garon: Oui.

M. Casault: Je pense bien qu'il faut prendre les mesures où on vit à l'heure actuelle. Si on était à Saint-Pierre-de-Montmagny, où j'ai été élevé, il y en a encore de bons cultivateurs.

M. Roy: M. le Président, j'ai posé la question à l'honorable ministre. Je veux remercier d'ailleurs les gens de lUnion des municipalités du Québec. Mais la question que j'ai posée à l'honorable ministre n'était pas nécessairement pour Charlesbourg et un cas dans la ville de Charlesbourg. Le territoire qui est gelé actuellement est assez grand dans le territoire du Québec et il y a sûrement un certain nombre de cas frontières, de cas qui ont été suspendus et qui pourront, à la suite de la décision qui sera rendue, être exclusivement réservés au territoire agricole ou libérés. Je ne veux pas entamer le débat sur tel ou tel territoire à ce moment-ci.

Mais, étant donné que c'est gelé, cela paralyse certainement un bon nombre d'investissements, je voudrais demander au ministre si, en attendant, il est prévu, à moins que la commission soit nommée aussitôt que la loi sera franchi l'étape de I adoption finale à l'Assemblée nationale, mais la commission parlementaire va siéger encore une partie de la semaine prochaine... (18 heures)

M. Garon: II n'y a rien de paralysé. Je vais vous dire pourquoi.

M. Roy: II n'y a rien de paralysé, vous dites? M. Lavoie: Tout est paralysé. M. Garon: Voyons donc!

M. Giasson: Article 32. La commission n'existe pas.

M. Cordeau: M. le ministre, apprenez-nous une bonne nouvelle.

M. Garon: Apprenez à lire la section des droits acquis et l'article 31 qui dit: Dans une région agri-

cole désignée — c'est en plus des droits acquis — le propriétaire d'un lot vacant en vertu d'un titre enregistré le 9 novembre 1978, peut y construire, dans les trois ans de cette date ou, le cas échéant, de la date d'entrée, en vertu du décret visé à l'article 22, sans l'autorisation de la commission, une seule résidence et utiliser à cette fin une superficie n'excédant pas un demi-hectare.

Evidemment, cela a pour but d'empêcher des développements dans les terres agricoles. On veut protéger les terres, c'est évident.

M. Lavoie: Mais, pour les cas frontières, comme vient de le dire M. le maire?

M. Garon: Laissez-moi finir. Je dis que cela a pour but de protéger les terres. La loi protège.

M. Roy: Je comprends...

M. Garon: Mais l'individu... Ecoutez, à moins qu'on veuille continuer et dire: Tout le monde veut aller au ciel et personne ne veut mourir. On veut protéger les terres. A ce moment-là, il ne pourra pas y avoir de développement dans les terres comme avant.

M. Roy: M. le Président, sur un point de règlement. Ce n'est pas la question de remettre en cause le principe du zonage des terres agricoles et la protection des terres agricoles. La question que j'ai posée était bien précise. Il y a un certain nombre de cas frontières...

Le Président (M. Boucher): M. le député de Beauce-Sud, je suis obligé de vous interrompre sur cette question.

M. Lavoie: On peut permettre une dernière question.

Le Président (M. Boucher): Cependant, il reste que le projet de loi va être discuté article par article et les questions que vous posez au ministre se situent à un stade précédent.

M. Cordeau: Non.

M. Roy: Non, c'est complémentaire.

Le Président (M. Boucher): II est 18 heures. Avec le consentement des membres...

M. Charbonneau (Verchères): M. le Président, sur une question de règlement. Y aurait-il possibilité, étant donné que cela fait un peu plus d'une heure que les représentants de l'Union des municipalités témoignent, qu'on s'entende et qu'on finisse leur témoignage pour qu'ils n'aient pas à revenir à 20 heures? Ils ont attendu tout l'après-midi et...

Le Président (M. Boucher): II reste encore quatre intervenants qui ont demandé la parole.

M. Roy: Etes-vous disponibles pour revenir ce soir?

M. Dufour: Nous sommes prêts à revenir. Le Président (M. Boucher): Alors...

M. Charbonneau (Verchères): Le député de Beauce-Sud vient de me faire signe qu'il serait d'accord pour qu'on termine avec l'Union des municipalités. Est-ce que mes collègues...

M. Roy: Ecoutez, je ne veux pas empêcher mes collègues de poser des questions. C'était la dernière question que j'avais à poser. Elle était complémentaire à celle que j'avais adressée à l'Union des municipalités du Québec. Je ne prévois pas avoir d'autres questions, pour ce qui me concerne, mais je ne veux pas empêcher mes collègues, d'un côté ou de l'autre de la table, d'interroger les représentants de l'Union des municipalités du Québec, parce que je considère que c'est un des mémoires importants que nous avons à examiner.

M. Giasson: M. le Président, si vous me permettez, j'aimerais savoir des trois principaux intervenants qui ont reçu la visite du maire de Charlesbourg s'il leur est possible d'être ici ce soir sans que cela ne pose aucun problème à leur horaire.

M. Pageau (Marcel): Ce soir, on a la communauté urbaine.

M. Giasson: La communauté urbaine. M. Pageau (Marcel): C'est à 20 heures.

M. Dufour: Pour les trois ici, je peux peut-être répondre. On a un comité qui devait siéger avec ies ministres Léonard et Tardif et qui demande à peu près deux heures. Je pense qu'on pourrait être de retour à 20 heures, pour continuer.

M. Charbonneau: Puisque cela ne vous embête pas de revenir à 20 heures.

Une Voix: Ils ont déjà un rendez-vous à 18 heures, on ne peut pas les retarder.

M. Dufour: Ce sera à choisir, parce qu'on va perdre des ministres en chemin.

Le Président (M. Boucher): La commission suspend ses travaux jusqu'à 20 heures.

Suspension de la séance à 18 h 4

Reprise de la séance à 20 h 7

Le Président (M. Boucher): A l'ordre! A la suspension de 18 heures, nous en étions au

mémoire de l'Union des municipalités du Québec. M. le député de Beauce-Sud avait la parole. Je remarque que ce dernier n'est pas encore arrivé. Je vais donner la parole immédiatement à M. le député d'Arthabaska.

M. Baril: Quand on a terminé à 18 heures, on discutait un peu du gel des terres, à cause du projet de loi, et des inconvénients que cela causait. Chose qui est peut-être vraie dans certains cas. Il y a une chose qui est quand même surprenante, c'est que depuis que cette loi a été déposée, il y a plusieurs citoyens, individus ou organismes qui se disent lésés dans leur droit à cause de cette loi. C'est seulement depuis le 9 novembre, parce que supposément, ils étaient censés se construire, s'établir ou acheter un terrain quelque part, mais si ce n'est pas fait, c'est parce que le notaire n'a pas eu le temps, il y a toutes sortes de raisons.

Il a été fait mention aussi qu'il y a des gens qui vont perdre jusqu'à $100 000, $150 000 ou $200 000, ceux qui avaient acheté toute une terre pour faire du développement. Comment voyez-vous cela? Cela fait dix ou quinze ans que ces gens ont acheté des terres — des terres qui sont sous spéculation, on en voit beaucoup à travers le Québec — où il n'y a jamais eu de développement. Pourtant, depuis le 9 novembre, ce serait censé, du jour au lendemain, tout être développé et tout être construit. Quelle est votre opinion à cet égard?

M. Dufour: On pourrait peut-être dire, par exemple, que l'Union des municipalités n'a pas soulevé ce point dans son mémoire. Il a été soulevé par le député de Beauce-Sud, à savoir ce qu'on en pensait. Nous avons exprimé une opinion, mais elle n'est pas contenue dans notre mémoire. Il y a un de nos membres qui a donné un point de vue, qui est plus personnalisé qu'un point de vue de l'union comme telle; parce qu'on est bien conscient que pour déposer un projet de loi semblable, il n'y avait pas tellement de portes de sortie pour le gouvernement, à savoir comment procéder. Je pense qu'on n'a pas de leçon à donner au gouvernement. Il devait prendre une attitude. Même si on pense qu'il y a des choses qui ne sont pas correctes, on souhaite seulement une chose, c'est que cela s'ajuste le plus vite possible, pour causer le moins de torts possible. Voilà le point de vue de l'union.

On est conscient que si on dépose une loi, il faut bien y mettre un arrêt quelque part. Vous avez décidé que c'était le 9 novembre. Je ne pense pas que l'union conteste ce point de vue du gouvernement.

M. Baril: J'en faisais mention parce que, tout à l'heure, vous aviez...

M. Dubois: Quelques jours avant la deuxième lecture du projet de loi 90, j'ai été le premier, je crois, à soulever la question dune possibilité pour le gouvernement d'amener une mesure législative qui préconiserait une commission provisoire pour prendre en considération les cas urgents. A ce moment, le ministre n était pas en Chambre — je pense que son absence était motivée puisqu il était à Saint-Hyacinthe, avec le député de Saint-Hyacinthe, je comprends cela — j'ai posé la question au ministre d'Etat au développement économique.

M. Garon: Le député de Saint-Hyacinthe était avec moi, on allait inaugurer une usine, dans le secteur alimentaire...

M. Dubois: Oui, je le savais, j'ai posé la question parce que j'avais un cas urgent...

M. Garon: Comme le député de Saint-Hyacinthe essaie de se coller à moi le plus possible pour avoir l'air de faire quelque chose...

Le Président (M. Boucher): S'il vous plaît! M. Dubois: Ma petite question est celle-ci... M. Roy: Le ministre est donc bien agressif!

M. Dubois:... c'est que j'ai soulevé la question à I'Assemblée nationale, bien avant la deuxième lecture — j'ai d'ailleurs été le premier à la soulever — j'ai posé la question au ministre d'Etat au développement économique, mais il ne pouvait pas me répondre, il m'a dit: Le ministre de l'Agriculture n'est pas là et il répondra plus tard, si vous posez la question à nouveau.

Je me demande pourquoi le ministre n a pas présenté une mesure législative, en même temps que le projet de loi 90, préconisant une commission provisoire, parce qu'on sait pertinemment que certains territoires, avant que le plan ne soit présenté, vont être gelés pour X mois. Combien de mois? Je ne sais pas, dépendamment du temps que prendra la municipalité pour présenter son plan d'aménagement de territoire. Je pense que cela aurait été une mesure quand même assez simple. Je ne sais pas si le ministre a eu peur que I'Opposition charrie sur un petit projet de loi, pendant deux mois et retarde son projet de loi, enfin je pense qu'on n aurait pas fait cela parce qu on savait que c était important d avoir une mesure qui aurait tenu compte des cas urgents.

M. Garon: Non, je l'ai dit hier en Chambre, je n'ai pas eu confiance. Hier, il y a eu une entente entre les partis pour qu'on prenne le vote à 18 heures, cela voulait dire que je devais faire ma réplique à 17 h 40, lOpposition n'a même pas respecté cela; vous pensiez que j'allais prendre une chance sur une commission provisoire pour me faire charrier dans deux débats? Je n ai pas pris de chance!

M. Dubois: Mais, au niveau économique, c'est important et vous le savez à part cela!

M. Garon: L'Opposition ne respecte pas ses

engagements... Ecoutez, je ne dis pas: Toute l'Opposition...

M. Dubois: Si vous pénalisez l'économie du Québec pour l'attitude que peut avoir l'Opposition — et c'est normal quand même, c'est notre devoir de bonifier les lois, vous le savez.

M. Garon: Je vois le député de Beauce-Sud qui veut protester. Je dois dire d'avance que je ne le visais pas quand je disais cela.

M. Roy: Je l'espère!

M. Dubois: Je pense que c'est normal qu'on travaille pour bonifier les lois.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Huntingdon, ceci étant dit, je redonne la parole au député d'Arthabaska.

M. Roy: M. le Président, je m'excuse, mais j'avais la parole au moment de l'ajournement.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Beauce-Sud, je regrette, mais j'ai donné la parole au député d'Arthabaska, étant donné que vous n'étiez pas présent au moment de l'ouverture de la commission.

M. Roy: C'était sur le même sujet.

Le Président (M. Boucher): Je vous reconnaîtrai immédiatement après le député d'Arthabaska.

M. Roy: C'est que c'était sur le même sujet et cela y faisait suite explicitement; en 30 secondes on pourrait peut-être régler la question.

Le Président (M. Boucher): J'aimerais que le député d'Arthabaska termine son intervention et, par la suite, vous pourrez intervenir.

M. Baril: Je ne veux pas déplaire au député de Beauce-Sud.

M. Roy: Non. Pas de problème.

M. Baril: Je comprends que cela n'était pas dans votre mémoire, mais vu qu'un de vos représentants en a fait mention tout à l'heure, je tenais à avoir certains éclaircissements.

Un autre point qu'on retrouve dans plusieurs mémoires, c'est au niveau de la décentralisation administrative et du rôle administratif qu'on aurait dû donner aux conseils municipaux, aux conseils de comté. Vous en faites également mention vous aussi dans votre mémoire.

J'aimerais aussi connaître votre opinion à ce point de vue. On a dit tout à l'heure qu'une certaine partie des conseils municipaux étaient représentés par des agriculteurs élus démocratiquement. C'était vrai, c'est encore vrai, mais cela s'en vient peut-être de moins en moins vrai.

Si on part de cela et qu'on dit qu'il y a des agriculteurs qui font partie des conseils municipaux, donc, ils sont censés représenter et défendre en même temps la classe agricole. Si on regarde dans le passé, il y a des municipalités qui se sont voté des règlements de zonage, dont certains étaient excellents, mais, par contre, d'autres favorisaient plus le développement urbain qu'ils ne protégeaient l'agriculteur.

On sait que la classe agricole est représentée et très bien représentée par son syndicat, qui est l'UPA. Donc, ces mêmes personnes se retrouvent à deux paliers représentatifs, qui sont les conseils municipaux et le syndicat. (20 h 15)

Les conseils municipaux voudraient avoir des pouvoirs administratifs dans la loi, ils voudraient avoir beaucoup plus de contrôle pour eux et, d'un autre côté, ces mêmes agriculteurs qui sont représentés par l'UPA nous disent: Ne donnez jamais cela aux conseils municipaux, ni aux conseils de comté. C'est le gouvernement qui doit prendre cela et c'est lui qui doit contrôler cela. Donc, si on part de ces deux philosophies, j'aimerais un peu connaître comment vous expliquez cela, d'autant plus qu'il y a beaucoup de maires et de conseillers qui, individuellement, nous disent, nous laissent entendre qu'ils ne sont pas capables. En tout cas, ils ne se sentent pas capables, ils ne veulent pas toucher à cela, parce que c'est trop malin, c'est trop grave et trop propre.

M. Charbonneau (Honorius): M. le Président, je pense bien, d'abord, pour répondre au début de votre question... Vous avez dit qu'il y avait des agriculteurs qui étaient maires, qui étaient éche-vins; il y en a peut-être de moins en moins, mais c'est comme dans toutes les autres classes de la société; je pense bien que, dans un conseil municipal, il y a des gens de toutes les classes de la société.

Deuxièmement, vous nous avez demandé, à un moment donné, comment il se fait que les agriculteurs eux-mêmes ne voulaient pas que ce soient les conseils municipaux qui prennent en main leurs affaires. Je pense bien, sans déplaire à qui que ce soit comme agriculteur, que, si les agriculteurs sont certains aujourd'hui de remplir leur tâche en prenant en main leurs affaires, ils auraient dû le faire plutôt que de laisser le soin au gouvernement et aux municipalités de prendre l'affaire en main. Il y a quand même cela, je pense, parce qu'actuellement, ces gens-là vous disent: Ne donnez pas cela aux municipalités. Alors, si on regarde ce qui s'est fait dans le passé, ce serait peut être une bonne chose que les municipalités les aident. Je pense qu'il y aurait quelque chose à faire; ces gens des municipalités sont quand même des gens élus. Ils ont des responsabilités. S'ils ne font pas l'affaire, aux prochaines élections, ils auront seulement à les mettre dehors. Personnellement, j'ai fait, dans ma ville, un plan de zonage et jamais je n'ai eu d'opposition des agriculteurs. Ce que j'ai eu d'opposition, c'était beaucoup plus des citadins que des agriculteurs. Je pense que les municipalités sont prêtes à prendre

leurs responsabilités en collaboration avec la classe agricole, dans certains endroits où c'est nécessaire de le faire, mais il ne faudrait pas que ces gens-là pensent que les municipalités ne peuvent rien faire pour eux aussi bien que l'Etat ne peut rien faire pour eux. Parce qu'ils ont des responsabilités comme nous en avons.

M. Baril: Je comprends, mais, quand même, on voit une tendance très nette, très claire de la part des agriculteurs de laisser diriger cela par les conseils municipaux ou les municipalités. Pourtant, je sais qu'eux-mêmes savent qu'ils sont représentés par des agriculteurs à ces mêmes conseils. J'ai fait partie d'un conseil municipal et je suis un agriculteur également. J'ai essayé de faire voter un règlement de zonage dans ma municipalité. Je n'ai jamais été capable. Pourtant, c'étaient pour tous des agriculteurs qui siégeaient au conseil municipal. Je n'ai jamais été capable d'en faire voter un. Pourquoi? Parce qu'on disait: II n'y a pas de danger, c'est bien trop grave. Le problème n'est pas là. Vous savez qu'il y a des municipalités aujourd'hui qui ne sont même pas conscientes des problèmes de développement urbain dans leur paroisse. C'est vrai.

Bien plus que ça, il y a des municipalités où on commence à avoir une sensibilisation, heureusement. S'il y avait un groupe de citoyens qui désiraient se présenter pour faire valoir, démocratiquement, leurs idées à un conseil municipal, ce serait assez facile pour eux, parce que dans certaines paroisses, il y a plus de résidents non agriculteurs dans les municipalités que d'agriculteurs eux-mêmes. Donc, ce serait assez facile de se former un conseil municipal, majoritairement, de représentants non agriculteurs qui ne s'intéressent absolument pas ou, plus ou moins, à l'agriculture.

C'est pour cette raison, quand on voit les agriculteurs eux-mêmes avoir des réticences à donner tous les pouvoirs ou toute la latitude possible aux conseils municipaux pour administrer une telle loi, que je voulais vous entendre expliquer, parce que les deux groupes sont représentés.

M. Dufour: J'ai bien l'impression que lorsque vous affirmez que certains agriculteurs ne veulent pas que les municipalités s'embarquent là-dedans, c'est d'abord l'expression d'une méconnaissance d'un plan d'aménagement de territoie, d'une loi de zonage. Je pense qu'au départ, ils ont peur. Ils pensent aussi qu'en confiant leur problème à un gouvernement supérieur, c'est un peu naturel, il y a beaucoup de gens qui disent: Quand on n'est pas capable de régler notre problème, on va l'envoyer plus haut pour le régler. Il n'y a rien de plus faux, parce que penser que le gouvernement d'en haut est plus fin que celui d'en bas, au départ, c'est une mauvaise interprétation ou une mauvaise vision de l'administration municipale.

J'ai l'impression que les gens qui font des représentations semblables ne connaissent pas ce qu'est un plan de zonage, ce qu'est un plan d'urbanisme, ce que tout cela veut dire. Ils ont peur au départ et ils disent: Peut-être que nos gars ne sont pas bien fins, ils ne l'ont jamais fait et ils vont venir nous dire quoi faire. C'est plutôt une méconnaissance du sujet qu'une réticence par rapport à la responsabilité qui pourrait être exercée localement.

Vous avez dit: J'ai voulu en établir un, en faire adopter un chez nous et ils ont dit non. Pourquoi ont-ils dit non? C'est parce qu'ils ne connaissent pas ça; parce qu'il y a une façon de protéger tout le monde, au point de vue de la justice et de l'équité, ave un plan directeur d'urbanisme, on sait où on va.

M. Baril: II faut bien admettre, si on veut être terre à terre, être réaliste...

M. Dufour: D'ailleurs, on est comme ça.

M. Baril: ... que quand il y a une mesure à adopter, d'avance, on le sait, elle ne plaira pas à tout le monde, parce qu'une mesure qui plaît à tout le monde n'est pas bonne, automatiquement.

Donc, si on sait qu'en voulant passer une mesure, on va déplaire à quelqu'un, on aime bien mieux remettre la charge de la responsabilité sur le dos des autres, pour ne pas avoir l'odieux de passer cette même réglementation ou cette même décision.

C'est possible que ce soit pour cela que certaines municipalités ne veulent pas avoir à prendre une décision. On sait comment cela fonctionne partout à travers le Québec, partout ailleurs, dans n'importe quel pays ou dans n'importe quelle province: le maire est élu démocratiquement, les conseillers aussi. Par contre, il y a toujours des pressions qui se font, assez fortes, parce que, dans une municipalité, les gens se connaissent tous et c'est difficile de dire non à un gars. C'est assez difficile.

C'est cela que je veux essayer de faire ressortir. Possiblement, ils vont arriver et... On aime mieux laisser passer cette responsabilité ou cette décision à d'autres que l'assumer nous-mêmes.

M. Dufour: Avez-vous l'assurance que le gouvernement ou la commission serait à l'abri des pressions? Chez nous, on a un plan d'urbanisme. Venez voir les pressions, ils en font. Mais quand c'est coulé dans le ciment, cela reste là. Cela ne bouge pas.

M. Baril: Je ne veux absolument pas défendre la commission sans la connaître, mais ce ne seront tout de même pas des gens qui connaîtront tout le monde à travers le Québec.

M. Picotte: Tout à coup ces gens-là ne prennent pas leurs responsabilités...

M. Baril: Ecoutez un peu.

M. Picotte: Cela ressemble un peu à cela.

M. Garon: Je pense que ce n'est pas une

question de ne pas prendre leurs responsabilités ou non. Ce n'est pas cela. Est-ce que vous pensez vraiment que l'un de vos mandats est d'assurer la protection du territoire agricole pour qu'on puisse développer l'agriculture au Québec?

M. Dufour: Je dois vous répondre que la responsabilité de l'aménagement du territoire, dans son ensemble, est une responsabilité municipale, qui est peut-être conjointe avec le gouvernement du Québec, ou sûrement conjointe. Mais le zonage agricole ou la protection des terres agricoles, fait partie — et je pense que c'est indissociable — de l'aménagement du territoire.

M. Garon: II faut faire des distinctions entre localiser un terrain de camping et les terres agricoles. Il y a une différence. Le terrain de camping, on peut le mettre à bien des places. Les terres agricoles, on ne peut que les prendre là où elles sont. On ne peut pas... Je vais vous donner un exemple.

M. Dufour: Je vais vous poser une question. Est-ce que, dans votre esprit, une terre agricole va être immuable, en supposant qu'elle serait prise entre deux territoires complètement urbanisés où tous les services techniques de nos municipalités en viennent à la conclusion que ce territoire est une entrave au développement harmonieux de la ville et est en même temps une entrave à l'intégration de la ville et des services. A ce moment-là, je pense qu'il va falloir qu'il se fasse un choix. C'est un choix économique qu'il va falloir faire.

M. Garon: Oui.

M. Dufour: C'est pour le mieux-être de la population.

M. Garon: Oui.

M. Dufour: Si vous me dites que le zonage agricole est dissocié de l'aménagement du territoire, je vais avoir de la misère à vous suivre.

M. Garon: Je vais vous poser une question plus simple. C'est quoi l'aménagement du territoire pour vous?

M. Dufour: L'aménagement du territoire, pour moi, c'est d'abord une délimitation d'un territoire donné. Je pense qu'il faut s'entendre là-dessus. Il y a donc un certain découpage territorial. A l'intérieur de ce découpage, il faut absolument qu'un gouvernement local puisse trouver les grandes vocations qu'une région doit se donner. Je pense par exemple au développement économique. De quelle façon allons-nous entreprendre le développement économique? Quelles sont les infrastructures que la région doit se donner? Quelles sont les terres agricoles qu'on doit protéger pour que cela ait de l'allure? Quelles sont les grandes routes? Où doivent être ces routes? Quels sont les équipements collectifs qu'on doit se donner?

Quels sont les parcs qui doivent être là? C'est cela que j'appelle un développement harmonieux, mais je n'oublie pas et je n'exclus jamais dans mon esprit que le zonage agricole, c'est bien important.

M. Garon: D'accord. Le développement d'une politique agro-alimentaire est la responsabilité de quel ordre de gouvernement dans votre esprit?

M. Dufour: Je pense que vous l'avez déterminé. Je pense que c'est le ministre de l'Agriculture qui doit être responsable de cette loi, mais cela n'empêcherait pas le ministre de l'Agriculture, par l'intermédiaire de son organisme ou de son corps politique, dans toute sa grandeur et sa splendeur, de venir faire des pressions, de venir dire au comité d'aménagement du territoire régional: Ecoutez, les gars, vous vous trompez, vous vous fourvoyez. Le gouvernement du Québec a telle politique. En vertu de cela, vous devriez vous conformer... Si on ne s'intègre pas, je pense qu'à ce moment-là, on ne veut pas prendre la place du gouvernement, on veut que le gouvernement local ait son autonomie, une autonomie certaine plutôt qu'une certaine autonomie, mais en respectant tous les intervenants, non pas en les dissociant. J'ai peur qu'on fasse des gens séparés un de ces jours, séparés dans le sens que, dans une région, on n'ait pas le même langage, on n'ait pas les mêmes buts, les mêmes intérêts.

M. Garon: Je vais vous poser une dernière question. Vous dites que c'est une politique nationale, une politique de développement agro-alimentaire. Vous avez parlé d'appartenance à de petites régions, quelque chose comme cela — ces petites régions d'appartenance, il y en a combien dans la province, en passant? Il y en aurait combien?

M. Dufour: Nous disons que cela pourrait se limiter à environ 87 divisions territoriales. C'est donc beaucoup plus grand qu'une municipalité.

M. Garon: Et c'est plus petit qu'un conseil de comté.

M. Dufour: Non, parce qu'il y a 71 conseils de comté. Je ne voudrais pas employer cela.

M. Garon: Si vous en avez 87, c'est parce que c'est plus petit qu'un conseil de comté, en moyenne.

M. Dufour: C'est parce qu'on sait que, si on veut vraiment faire de l'aménagement du territoire, les conseils de comté divisés en 71 comtés ne répondraient pas, d'une façon certaine, à une vraie délimitation de régions d'appartenance. Je pense qu'il va falloir qu'on retouche les conseils de comté, parce que, si je regarde comment c'est divisé chez nous et un peu ailleurs, il va falloir qu'on se trouve des points communs...

M. Garon: Oui.

M. Dufour: ... et qu'on puisse parler le même langage, parce que, vous savez, quand on est assis à la même table, s'il y en a un qui demeure à 150 milles, c'est difficile de faire du développement de territoire. On ne veut pas que Québec le fasse et je ne voudrais pas le faire à la place de tout le monde, quand je sais que je ne répondrais pas.

M. Garon: Les conseils de comté seraient modifiés.

M. Dufour: On pense, nous autres, qu'ils devraient être modifiés. Il y aura une consultation là-dessus.

M. Garon: Cela devrait être modifié comment? M. Dufour: Pardon?

M. Garon: Comment devraient-ils être modifiés?

M. Dufour: II va y avoir — vous êtes en train de nous faire dire ce à quoi le comité est en train de travailler; en tout cas, je pense que ce n'est pas mauvais qu'on fasse de la coordination, si c'est possible d'en faire — des projets de découpage territorial que vont être soumis à l'ensemble des municipalités du Québec qui, elles, par un mécanisme de consultation, auront à se prononcer là-dessus et sur d'autre chose.

M. Garon: Dans vos petites régions d'appartenance, supposons, dans n'importe quelle région du Québec, une région X, pour ne pas l'identifier... Le même problème s'est présenté dans la Communauté régionale de l'Outaouais, où il y avait des agriculteurs... Oui, c'est le point fondamental dans tout cela; il y avait, à ce moment...

Le Président (M. Boucher): M. le ministre, je suis obligé de demander le consentement des membres à ce stade, parce qu'étant donné que c'était le député d'Arthabaska qui avait la parole et que vous lui avez... Je vous ferai remarquer qu'il y a d'autres intervenants.

M. Garon: Une dernière question. A ce moment, il y a le monde agricole et alimentaire, dans votre petite région d'appartenance, qui dit qu'il devrait y avoir 108 000 acres ou 110 000 acres pour l'agriculture. Vous avez les autres intervenants qui sont des organismes municipaux, récréatifs, et tous les autres; ils disent 60 000 acres. Qui doit trancher cela? (20 h 30)

M. Dufour: Quand vous aurez respecté, M. le ministre, le gouvernement local dans la nouvelle loi, j'ai bien l'impression que votre commission d'aménagement québécoise pourra venir jouer le rôle d'arbitre. A ce moment, le ministère de I Agriculture pourra se faire entendre une autre fois. Je pense que, fondamentalement, et c'est un principe que le gouvernement a admis, on doit redonner aux gouvernements locaux leurs places. Qu'on leur fasse jouer le rôle qu'ils doivent jouer. A ce moment, le rôle d'arbitre, votre commission nationale qui aura aussi des élus et peut-être autre chose... Je pense bien que nous, on ne fait pas la loi, on fait des suggestions. A ce moment, on pourra peut-être se comprendre et accepter.

M. Garon: Je vais vous dire une chose. Si votre petit gouvernement local, dans la petite région d appartenance, d'après ce que j'ai pu comprendre, va regrouper les villages et les villes, vous ne pensez pas que les cultivateurs ne seront pas bien pesants? Ils ne sont déjà pas pesants dans les villages.

M. Dufour: Là, je vais vous servir le même argument. J ai négocié avec des cultivateurs et, s il y a des gars qui sont "tough", ce sont eux. Il faut méconnaître le monde rural — je m'excuse, je voulais le dire sans animosité et bien honnêtement, parce que j'essaie de parler le plus simplement possible — pour croire un instant que ces gens vont se laisser dépouiller facilement, pour avoir travaillé de très près avec eux.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Beauce-Sud, j'avais promis de vous reconnaître après le député d'Arthabaska. M. le député de Beauce-Sud, si vous voulez terminer votre intervention.

M. Roy: Oui, merci. Je vois que le gouvernement inférieur, le gouvernement municipal est aussi jaloux de ses prérogatives vis-à-vis de son gouvernement supérieur, que le gouvernement provincial vis-à-vis de son gouvernement supérieur actuel.

M. Garon: N'oublions pas une chose, c'est que les gouvernements provinciaux ont fait deux créatures, ils ont créé le gouvernement fédéral et les gouvernements municipaux et les deux veulent le manger maintenant.

M. Roy: C'est épouvantable! Le ministre est réellement en danger.

Le Président (M. Boucher): M. le ministre, vous me créez des problèmes. M. le député de Beauce-Sud.

M. Roy: Relativement à la question que j'avais posée, suite à ce qui avait été dit par le maire de la ville de Charlesbourg, je ne veux pas aborder de cas spécifiques, de cas frontières, vis-à-vis des cas frontières qui, à l'heure actuelle, peuvent être tranchés dans un sens ou dans l'autre et qui constituent des cas d'urgence dans certaines municipalités, dans certains régions du Québec. J'aimerais que le ministre puisse nous dire, ce soir, en commission parlementaire, quels sont les moyens qu'elles ont actuellement ou qu'elles auront d'ici quelques jours, pour pouvoir trancher ces questions.

C'est une question fondamentale, et importante que je pose, puisqu'actuellement, dans certains endroits, cela peut compromettre l'établissement d'industries. Cela peut aile jusque-là. Je n'ai pas d'exemple à donner, mais cela peut aller jusque là. On pourrait même donner aussi des exemples. J'aimerais savoir quels sont les mécanismes, les moyens qui sont à la disposition des municipalités du Québec pour pouvoir faire trancher une question.

M. Garon: D'abord, ne charrions pas. M. Roy: Je ne charrie pas.

M. Garon: On est au mois de décembre, ce n'est pas la période forte pour la construction. Premièrement, sur 614 municipalités, il y en a 73 où il n'y a aucune zone verte, ce sont des villes; les parcs industriels sont prévus dans les droits acquis, regardez tous les droits acquis, regardez les franges, etc., et vous allez voir que les usines qui s'établissent dans le quatrième rang, peut-être n'est-ce pas la bonne place, peut-être devraient-elles aller dans les parcs industriels. Il n'y a pas de problème.

M. Dubois: Je vais vous soumettre un cas, moi.

M. Garon: Oui, votre cas c'est une usine d'engrais chimique. On n'épandra pas beaucoup d'engrais chimique au mois de janvier.

M. Dubois: ... au mois de janvier, M. le ministre, vous ne connaissez pas cela, voyons donc.

M. Roy: M. le Président, sur un point de règlement, je ne veux pas argumenter sur des cas spécifiques; ma question est bien précise. Actuellement, on ne peut pas geler un territoire de l'étendue de celle qui vient d'être gelée par le dépôt de la loi, sans que cela cause des problèmes spécifiques, dans des endroits donnés. Je ne veux pas discuter de cas particuliers pour ne pas entreprendre de discussion pour s'implanter ou encore essayer de s'improviser en juges de la question; ce n'est pas cela, mais quelles sont les possibilités que les municipalités ont, à ce moment-ci? Ou, est-ce que tout simplement il n'y en a aucune?

Le Président (M. Boucher): M. le député de Beauce-Sud...

M. Garon: II y a la loi, les droits acquis et l'article 31.

M. Roy: C'est tout ce qu'il y a, il n'y a pas d'autres instances.

M. Garon: C'est pas mal.

M. Roy: S'il y a une question litigieuse, il n'y a aucune instance actuellement. Est-ce que le ministre pourrait nous dire quand on prévoit qu'il y aura une instance qui sera en mesure de trancher?

M. Garon: Dès l'adoption de la loi. M. Roy: Immédiatement après?

M. Garon: Oui, il y aura une commission de formée.

Le Président (M. Boucher): Vous avez terminé, M. le député de Beauce-Sud? Permettez-moi tout simplement de passer une remarque. Nous sommes à une étape de l'étude où il y a des invités qui représentent des mémoires. Je demanderais que les questions s'adressent aux invités et non pas au ministre, étant donné qu'on va étudier le projet de loi, article par article, dans une deuxième étape et que vous aurez le loisir, à ce moment, de poser des questions au ministre.

Je pense qu'on fait perdre un peu de temps aux invités qui sont ici lorsqu'on pose des questions au ministre.

M. Roy: Vous avez raison, mais la question que j'ai posée au ministre, je l'avais posée avant le dîner. J'avais la moitié de ma phrase de dite devant la commission lorsque vous avez ajourné les travaux, mais elle faisait suite, effectivement, à des discussions que j'avais eues avec nos invités.

Le Président (M. Boucher): D'accord. M. le député de Verchères.

M. Charbonneau (Jean-Pierre): Je voudrais d'abord féliciter l'Union des municipalités pour le ton qu'elle a adopté devant la commission. Elle a démontré une ouverture d'esprit qui est intéressante à souligner, même si on n'est pas nécessairement obligé de partager toutes ses opinions.

Je voudrais vous poser une question. Vous avez dit que ce que vous préféreriez c'est un organisme... quelque chose comme 80 organismes locaux qui seraient des espèces de structures régionales ou mini-régionales qui assumeraient une partie du pouvoir d'application de la loi sur la protection du territoire agricole.

Ne craignez-vous pas que le grand nombre d'organismes de ce genre ferait en sorte que, finalement, il n'y aurait pas d'uniformité dans l'application de la loi, qu'on aurait toutes sortes de critères, chacun dans sa région, dans tout le Québec, pour l'application de la loi? On se retrouverait avec des interprétations différentes. On se retrouverait avec des décisions dans un coin où on aurait décidé de dézoner, par exemple, une terre qu'on aurait voulu protéger, de permettre un développement dans un secteur et les mêmes critères pourraient être invoqués ailleurs pour une décision contraire et vice-versa. N'y a-t-il pas un danger, finalement, qu'on en arrive à avoir une multitude d'interprétations d'une loi qui devrait être uniforme partout, compte tenu qu'il y a des problèmes en jeu, notamment des problèmes — on l'a signalé à quelques reprises — de propriété? A partir du moment où on décide que c'est selon certains critères, le droit de propriété peut être limité ou réglementé, s'il y a des interprétations différentes dans tout le Québec...

M. Dufour: Lorsqu'on parle de décentraliser, il y a un danger parce que lorsqu'on décentralise, cela veut dire qu'on donne des pouvoirs à d'autres. Il y a des dangers qu'il y ait 87 intervenants ou 80 ou 82 — je pense qu'on ne s'entendra pas sur le nombre exact...

M. Charbonneau (Jean-Pierre): Ce n'est pas important.

M. Dufour: Ce n'est pas important. C'est un nombre qu'on met. Il faut bien comprendre que le plan d'aménagement du territoire ou la loi de zonage, parce que cela sera intégré, il y en aura 80 ou 87 et je pense qu'il ne faut pas avoir peur que le Québec n'ait pas la même paire de culottes pour l'ensemble de la province.

Chacun dans sa région va trouver sa vocation ou son orientation lorsque le plan d'aménagement sera adopté, comprenant le zonage agricole, ce qui veut dire qu'il y aura une commission nationale qui aura le dépôt de tous ces plans et, à ce moment, je pense qu'il sera possible de faire une coordination afin que les décisions qui seront prises au niveau régional soient soumises ou soient remises à la commission nationale d'aménagement qui verra si c'est suivi.

M. Charbonneau (Jean-Pierre): Dans ce cas, je me pose la question. Etant donné que ces organismes n'existent pas actuellement, on a des conseils de comté, d'une part, et des cités et villes, d'autre part. Etant donné aussi que cela peut prendre un certain temps avant de les mettre en application — on a dit qu'on déposerait la loi... J'ai vu dans les journaux que le ministre voulait la déposer avant Noël — j'espère que cela pourra se faire — mais il y aura une période de consultation qu'on a également annoncée qui va dépasser la consultation privée, par exemple, dont votre organisme a pu bénéficier...

En attendant, finalement, je crois qu'on a fait un choix qui permet de revoir vos préoccupations, c'est-à-dire de respecter le pouvoir local premier, d'abord la municipalité, qu'elle soit cité, ville ou municipalité rurale, cette municipalité fait la première étape et soumet sa décision à l'approbation de la commission. Est-ce que ce n'est pas, finalement, ce qu'on fait en attendant qu'il y ait une structure régionale qui intègre d'une façon cohérente et les cités et villes et les municipalités rurales?

M. Dufour: J'ai l'impression que ce que nous proposons n'a pas pour effet de retarder l'application de la loi. Quand vous me dites: Cela n'existe pas, je peux peut-être vous citer de mémoire qu'il y a une communauté urbaine à Montréal qui fait de l'aménagement du territoire, il y a la Communauté urbaine de Québec, il y a la région de l'Outaouais, il y a le Conseil métropolitain du Haut-Saguenay qui fait aussi de l'aménagement du territoire, c'est sa principale fonction. On a donc déjà quatre organismes qui, actuellement, oeuvrent dans ce domaine. Je ne pense pas que cela puisse être de nature à retarder. Il s'agit que la loi nous dise ce qu'elle doit avoir et d'y aller carrément. Si vous me dites que c'est dangereux pour ce qui reste à faire, cela a été dangereux depuis le temps que les municipalités existent. Il n'y a jamais eu de plans d'aménagement du territoire. Cela ne m'énerve pas plus que cela. Cela prendra six mois ou cela prendra sept mois avant de devenir fonctionnel, mais qu'on prenne le temps et qu'on le fasse comme il faut. C'est ce qu'on fait là si on n'implique pas et si on n'embarque pas les municipalités ou les gouvernements locaux dans le coup, j'ai l'impression qu'on va se ramasser avec de petits et de gros problèmes tantôt. C'est là qu'il va y avoir des notes discordantes. J'aimerais bien qu'on le fasse avec le milieu. C'est bien sûr que cela prend un peu plus de temps et que c'est fatiguant. La démocratie, c'est fatiguant à vivre aussi, parce qu'il faut demander à tout le monde, il faut consulter. Cela m'embarrasse parfois. Je vous le dis bien honnêtement. Mais c'est le seul moyen qu'on ait trouvé pour faire passer des choses et, si le monde ne l'accepte pas, de les rallier et de dire: C'est la voix de la majorité.

M. Charbonneau (Jean-Pierre): On ne peut pas être nécessairement en désaccord total avec ce que vous dites, mais j'ai l'impression que, finalement, en attendant que la loi d'aménagement soit...

M. Dufour: C'est une hypothèse ensemble...

M. Charbonneau (Jean-Pierre): Allez-y donc pour voir. Je vais vous suivre.

M. Dufour: Supposons, qu'au départ de la loi, on l'accepte. Il y a une commission nationale qui se crée avec des représentants locaux élus. Au début, je pense bien que, les problèmes majeurs qui ont été soulevés par le député de Beauce-Sud, on peut y porter attention en attendant, mais, en même temps que cela se fait, on met nos structures régionales en place et on dit: Maintenant, vous allez jouer votre rôle et vous allez prendre vos responsabilités. A ce moment-là, je pense que vous n'embarrassez personne et le gouvernement local a l'impression, et c'est plus qu'une impression, il a l'assurance, qu'il a son autonomie et qu'il va jouer son rôle.

M. Charbonneau (Jean-Pierre): En fait, si je vous ai bien compris, vous me dites: II y a une commission nationale qui est créée où...

M. Dufour: Avec les élus.

M. Charbonneau (Jean-Pierre): ... il y aurait... Vous suggérez actuellement qu'il y ait des représentants régionaux. C'est cela que vous dites.

M. Dufour: Qu'il y ait des élus municipaux à l'intérieur de cette commission pour s'assurer que, lorsque se fera l'aménagement du territoire, parce que, dans l'aménagement, il va peut-être y avoir

une autre commission d'arbitrage aussi là-dedans, on tienne compte de cela.

M. Charbonneau (Jean-Pierre): Est-ce que vous aimeriez, si jamais on n'allait pas complètement dans votre direction, qu'il y ait au minimum à la commission nationale des représentants du monde municipal?

M. Dufour: En majorité.

M. Charbonneau (Jean-Pierre): En majorité.

M. Dufour: En majorité, quatre sur sept. C'est un compromis. On parlait de six sur sept. Je suis rendu à quatre.

M. Charbonneau (Jean-Pierre): Comment arbitrez-vous cela avec les agriculteurs qui eux aussi veulent la majorité?

M. Dufour: Je vous l'ai dit. Si vous demandez aux syndicats d'appliquer la loi du travail vous allez peut-être avoir des problèmes, le ministre du Travail va peut-être avoir des problèmes tantôt. Il va être juge et partie. Demandez au patron de faire la même chose et cela va être la même maudite affaire. D'une façon ou de l'autre, vous arrivez toujours avec le même problème. Je vous dis une chose: c'est qu'au moins j'ai l'assurance qu'avec des élus qui ont la préoccupation de leur milieu, et j'espère que la population fait de bons choix de temps en temps, en ce qui concerne les élus, ces élus vont avoir conscience de leurs responsabilités, et s'ils n'en ont pas conscience il faudra peut-être les remettre à l'ordre quelque part. Il y a moyen de le faire. Cela se fait. Il en tombe des représentants en chemin.

M. Charbonneau (Jean-Pierre): Une dernière question, est-ce que vous pensez que ces élus devraient pouvoir siéger à la commission nationale pour l'ensemble du Québec ou régionalement? (20 h 45)

M. Dufour: Je pense qu'il appartient au gouvernement de nommer, que ce soit par une consultation avec l'Union des municipalités et l'Union des conseils de comté, à savoir quels seraient les gens susceptibles ou que le gouvernement décide... Moi, je n'irais pas jusqu'à imposer mes vues à ce sujet. Je fais confiance au gouvernement pour aller choisir des gens qui sont valables. Ce n'est pas parce qu'il est élu qu'il est fin.

Le Président (M. Boucher): Merci. M. le député de Shefford.

M. Verreault: M. Dufour, ma question est hypothétique. Si le gouvernement acceptait les structures de contrôle suggérées dans votre mémoire, est-ce que vous auriez certaines régions ou certains secteurs privilégiés que vous porteriez comme prioritaires ou si, simplement, vous agiriez d'une manière générale, en prenant les dossiers tels qu'ils se présentent?

M. Dufour: Je pense bien que, si cet organisme était créé de la façon qu'on le propose, il y a une loi du zonage agricole qui est déposée. Je pense qu'on ne pourrait la laisser de côté, au départ; donc, il faudrait la privilégier d'une certaine façon. Mais, globalement, je n'oublie jamais — j'espère que c'est votre préoccupation aussi — que l'aménagement du territoire, c'est global. Trop longtemps, on veut séparer des choses l'une de l'autre, on veut séparer les gens l'un de l'autre. On est tous des gens pris avec les mêmes problèmes. Quand il y a un problème de chômage dans une région, c'est l'ensemble de la région qui en souffre; quand on est pris avec un problème de développement touristique, c'est l'ensemble de la région.

Donc, on devrait, à travers tout ça, si les gens qui sont là ont bien la préoccupation de leur milieu, retrouver les préoccupations de l'ensemble de la population.

M. Verreault: Ce que je voulais particulièrement dire, c'est que vous avez déjà une zone dans le projet de loi qui est désignée. Evidemment, il y a des municipalités et des villages. La question que je vous posais, encore hypothétiquement, c'est pour savoir si vous aviez certaines priorités dans certaines régions ou dans certains secteurs de cette zone.

M. Dufour: II faudrait nécessairement. M. Verreault: Merci.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Rimouski.

M. Marcoux: J'aurais une question. Tantôt, vous avez donné un exemple concret, vous avez une ville qui se développe des deux côtés et, au centre, vous avez une terre agricole. Vous disiez que ça coûterait probablement moins cher à la municipalité de développer ce territoire pour regrouper les deux parties. Je vous fais le raisonnement suivant, je voudrais avoir votre avis sur ceci. C'est sûr, comme le disait également le maire de Charlesbourg qui donnait à peu près le même exemple cet après-midi, que c'est plus facile de développer des réseaux d'aqueduc, etc., dans la terre que dans la roche.

Bien sûr, pour les citoyens, ça coûterait moins cher à court terme. Mais, si on fait le calcul à long terme, un peu comme on a eu le problème depuis plusieurs années avec les "lignes" de l'Hydro-Québec. L'Hydro-Québec faisait le raisonnement suivant: Si on passe en ligne droite, ça nous coûte beaucoup moins cher, même si on coupe les terres agricoles. Mais le ministre de l'Agriculture a défendu un autre point de vue, il a regardé comment les autres fonctionnaient, le coût, les taux actuariels; il s'est mis à faire le même raisonnement, ce qu'une terre ne produirait pas, en échelonnant ça sur plusieurs années, avec des taux actuariels; il a prouvé à l'Hydro-Québec, noir sur blanc, que, même au plan de la rentabilité éco-

nomique, l'ensemble de la société économisait à faire passer l'installation ailleurs, même si c'était plus long que de la faire passer dans les terres.

Par rapport au même type de choix qui peut se poser chez nous pour une municipalité, quelle est l'attitude que devrait adopter la commission nationale, est-ce qu'elle doit choisir le coût économique à court terme ou le gain économique à long terme?

M. Dufour: Je pense qu'assez longtemps, au Québec, on a tenu compte ou on n'a pas assez tenu compte des coûts économiques du développement des municipalités. Parfois, on a tenu compte, sentimentalement, d'autres choses. Il faut qu'un jour, cela arrête. Je vais vous donner un exemple concret. Chez nous, dans ma municipalité, c'est une ville fusionnée qui a été créée par une loi. J'espère que les législateurs savaient ce qu'ils faisaient. Je suis pris avec une zone où il y a 40 000 de population d'un côté, 22 000 de l'autre; comment vais-je faire pour les réunir?

Ou c'est vrai ou ce n'est pas vrai. Une ville, c'est un ensemble de citoyens qui vivent, qui mettent des choses en commun. Chaque fois qu'on fait des barrières physiques ou qu'on crée une barrière psychologique, on ne réussira jamais à s'en sortir. J'aimerais bien mieux que, fondamentalement, on décide, économiquement, de réunir nos villes et de les rendre plus denses, de les mettre ensemble plutôt que d'accepter que tout le monde se place n'importe comment dans la province de Québec. Ce sont des coûts extraordinaires. Vous n'avez qu'à regarder les subventions qui sont données un peu partout. C'est causé par quoi? Au développement sauvage qui s'est fait n'importe comment.

On est obligé de donner des réseaux d égouts et d aqueduc sur des milles de long, pour pas de monde du tout. Dans ma municipalité, pour 582 familles, cela coûterait $9 millions pour donner de l'eau. Il y a 58 000 personnes dans la région urbaine; les autres sont des cultivateurs et il y a aussi des cultivailleurs". Il y a les deux là-dedans.

Cela coûte un prix fou. A un moment donné, je pense que le gouvernement du Québec, comme l'ensemble des citoyens, décident qu'ils vont rentabiliser leurs investissements et vont arrêter de disperser leurs efforts. Quand on demande cela, je ne pense pas qu'on demande une chose qui mette en danger la loi du zonage agricole et je ne pense pas qu on mette en danger I'industrie agro-alimentaire. Il faut faire des choix. Celui-ci est un choix économique, basé sur des sociétés équilibrées. Des zones grises dans des municipalités, il ne devrait plus y en avoir. Si vous mettez des secteurs séparés, il y a des dangers que cela se produise. Vous avez des dangers que des gens n'aient jamais de sentiment d'appartenance. Il faudrait qu'un jour nos citoyens se rallient à quelque chose et soient capables de s identifier à des choses bien précises, qu'est une municipalité bien organisée et ordonnée, surtout ordonnée.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Rimouski, vous avez terminé?

M. Marcoux: Oui.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Laval.

M. Lavoie: J'aurais une courte question à poser à nos invités. Vous représentez un certain nombre de municipalités. On nous a dit que I Union des conseils de comté représentait environ 400 municipalités rurales.

M. Dufour: ...

M. Lavoie: Si je fais la soustraction, vous devez en représenter...

M. Dufour: 250.

M. Lavoie: 250.

Pour les fins du journal des Débats et l'étude du dossier, avant que le plan qui gèle toute la zone de l'Outaouais à Québec, qui perturbe un tant soit peu les plans directeurs d'urbanisme des municipalités, vos maires des conseils municipaux de ces 200 municipalités ont-ils été consultés sur le plan de la zone agricole désignée, qui est en annexe au projet de loi 90?

M. Dufour: Selon toutes les démarches qu'on a effectuées à l'Union des municipalités, les maires n ont pas été consultés, que je sache.

M. Lavoie: Ils n ont pas été consultés.

M. Dufour: A moins que le ministre me contredise.

M. Garon: Non, non.

M. Lavoie: II n y a pas de quoi rire, M. le ministre, quand même.

Deuxième point, concernant la fiscalité municipale de ces 250 cités et villes. Est-ce que vous prévoyez qu'il peut y avoir une implication fiscale? Si, d après la décision de la commission de contrôle, ou si la commission de protection des terres agricoles décide, en dernier appel, que dans vos municipalités, certaines zones vertes actuellement et qui pourraient possiblement rester vertes, deviennent zones agricoles finales, où la limite d évaluation qui est de $150 l'acre serait appliquée dans les zones vertes et où ces terres, avant ce plan, ont des évaluations possibles de $1000, $2000, $3000 ou $4000 I arpent, quelles seront les implications fiscales pour ces municipalités, si ces évaluations sont réduites de $2000, $3000 ou $4000 I arpent à $150 l'acre, avec un taux d'imposition maximum de $1 du $100 d évaluation? Est-ce que vous prévoyez que cela peut chambarder joliment la fiscalité ou I imposition de quelques-unes de vos villes?

M. Dufour: La réponse est oui. En même temps, si on ne peut pas développer le territoire selon ce que j'ai expliqué tout à l'heure, cela a des incidences fiscales au point de vue de la municipalité.

M. Lavoie: Dernière question, M. le Président. Est-ce que cela ne chambarde pas à ce point certaines villes, où on a fait des investissements d'infrastructure d égouts, de collecteurs assez importants, ou des conduites maîtresses d'aqueduc, ou des grandes artères qui sont amorcées, si le plan est changé, cela devient du territoire agricole, à vocation strictement agricole? Que vont faire ces municipalités pour amortir ces investissements d'infrastructure?

M. Dufour: Je pense qu'on...

M. Lavoie: Ce sont des implications, je crois, qu'il faut aborder.

M. Dufour: Je pense qu'on va dans le domaine de l'expectative. J'espère tout de même que la Commission d'aménagement du territoire québécois, la commission nationale qui aura des élus municipaux sur la commission...

M. Lavoie: Est-ce que vous faites un amendement au projet de loi?

M. Dufour: Non, mais c'est dans nos propositions. Je veux être logique avec ce qu'on propose. ...va tenir compte de l'aspect financier aussi dans ses décisions, surtout qu'il faut tenir compte aussi que les municipalités ne connaissant pas de loi de zonage au moment où elles ont adopté leur plan directeur, on devra au moins essayer de rentabiliser les équipements qui sont en place.

M. Lavoie: J'ai terminé, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le député de Laval. Comme il n'y a pas d'autres opinants, je remercie, au nom de tous les membres de la commission, l'Union des municipalités pour le mémoire qu'elle a présenté.

Nous allons passer immédiatement à la Confédération de l'UPA.

M. Dufour: Avant de terminer, j'aimerais...

Le Président (M. Boucher): Oui, Monsieur le maire.

M. Dufour: ... remercier la commission qui a bien accepté de nous recevoir. Je voudrais peut-être rappeler, très vite, que le zonage agricole doit être considéré dans sa juste perspective de développement, c'est-à-dire dans un plan global d'aménagement du territoire, assurer aussi que l'administration de la loi soit décentralisée et que ce soit géré par des corporations municipales; assurer que l'aménagement se fasse au plan régional, pour une meilleure compréhension; donner à la commission nationale le rôle d'arbitre pour qu'elle puisse jouer ce rôle-là et non pas se substituer au gouvernement local et en même temps respecter le principe de la décision qui doit être confliée aux élus.

Je pense que c'est dans cette optique que l'Union des municipalités a voulu collaborer à la mise en place et à l'adoption du prochain projet de loi que vous aurez à adopter. Là-dessus, je vous remercie.

Le Président (M. Boucher): Merci beaucoup, M. Dufour. J'appellerais la Confédération de l'Union des producteurs agricoles représentée par M. Paul Couture.

Une Voix: Ils ont de bonnes recommandations.

Le Président (M. Boucher): M. Couture, si vous voulez présenter les gens qui vous accompagnent, s'il vous plaît.

Union des producteurs agricoles

M. Couture (Paul): II me fait plaisir de présenter d'abord M. Pierre Gaudet, vice-président de l'UPA, M. Jean-Marc Kirouac, secrétaire général et M. Mario Dumais, économiste au service d'étude et de recherche à l'UPA.

Nous vous remercions d'abord de nous permettre de présenter un rapport. Avec votre permission, M. le Président, je demanderais à M. Jean-Marc Kirouac, secrétaire général, de donner lecture du rapport.

M. Kirouac (Jean-Marc): M. le Président, l'Union des producteurs agricoles a fait connaître sa position sur la question de la protection du territoire agricole dans un mémoire qui fut rendu public en septembre 1978, qui fut présenté au ministre de l'Agriculture dans le cadre de sa tournée de consultation.

Ce mémoire est contenu en annexe du présent document.

Etant donné que nous réunissons en 26 propositions nos recommandations sur cette question, nous examinerons chacune d'entre elles afin de voir dans quelle mesure le contenu du projet de loi correspond à ces propositions.

L'UPA réclame, premièrement, l'adoption d'une loi de zonage ayant comme objectif la protection du territoire agricole, pourvu que cette loi soit assortie de mesures visant à accroître la rentabilité des exploitations agricoles et, deuxièmement, qu'un tel projet de loi soit déposé dans les plus brefs délais.

Le congrès général de l'UPA a demandé à quatre reprises que le gouvernement du Québec intervienne en vue de protéger le territoire agricole. Par conséquent, l'UPA aborde aujourd'hui la discussion sur le projet de loi 90 dans un esprit positif. Nous discuterons plus loin, dans ce texte, des mesures de rentabilisation de l'agriculture annoncées par le ministère de l'Agriculture et

nous ferons état de celles que nous voudrions voir implantées.

Troisièmement, l'UPA réclame que le ministère de l'Agriculture soit responsable de la loi et des organismes auxquels elle donnera naissance.

Cette demande de l'UPA avait pour but de s'assurer que la Loi sur la protection du territoire agricole et les organismes auxquels elle donnera naissance soient sous la juridiction du ministère de l'Agriculture, parce que celui-ci est, de tous les ministères, le plus susceptible de comprendre les préoccupations du monde agricole. (21 heures)

Le rôle dévolu au ministère de l'Agriculture en vertu des articles 3, 20, 21, 34, 35, 36 et 37 et en particulier 115, qui stipule que "le ministre est responsable de l'application de la présente loi", correspond à cette exigence.

Quatrièmement, que la loi de zonage s'applique dès le départ à l'ensemble du territoire québécois. Cette demande n'est manifestement pas satisfaite par le projet de loi, puisque seules les basses terres du Saint-Laurent et de l'Outaouais sont incluses dans la région désignée. En particulier, ceci aura pour conséquence que l'accroissement des remises de taxes foncières ne s'appliquera qu'aux agriculteurs établis dans cette région. De plus, nous réaffirmons notre crainte que cette situation n'aggrave la dilapidation des terres arables en dehors de la région désignée. Cependant, l'article 22 du projet de loi, qui permet au gouvernement de décréter "région agricole désignée" toute partie du territoire du Québec, tempère notre mécontentement face à cet état de faits. Nous demandons que, dans un délai maximum de six mois, les autres régions fassent partie du territoire protégé. "Entre-temps, que les bénéfices prévus pour la rentabilisation de la production agricole, et, en particulier, l'accroissement des remises de taxes foncières, s'appliquent aussi aux producteurs agricoles en dehors de la région agricole désignée."

Cinquièmement, que la loi sur le zonage agricole s'étende à tout le territoire municipalisé du Québec, à l'exception du territoire urbain, c'est-à-dire le territoire effectivement occupé par les cités et villes. La zone agricole proprement dite devra inclure toutes les terres cultivées ou susceptibles de l'être, de même que les boisés privés et les lots de la couronne situés à l'intérieur des municipalités.

Compte tenu des remarques formulées à notre proposition no 4, la définition des mots "agriculture" et "sol arable" à l'article 1 et le contenu des articles 12, 63, 27 et 105 font que le projet de loi correspond à l'esprit de notre proposition no 5. Cependant, c'est par une étude au niveau de chaque municipalité de ce qu'inclut exactement la zone agricole que nous serons le mieux en mesure de le vérifier. Nous nous proposons d'intervenir en temps et lieu à ce sujet.

Sixièmement, qu'une carte délimitant sur une base temporaire l'ensemble du territoire agricole soit déposée en même temps que le projet de loi et qu'un délai soit fixé au bout duquel le zonage temporaire deviendra permanent.

Cette demande correspond aux articles 34, 35, 37 et 47 du projet de loi.

Septièmement, que toute transaction ayant pour conséquence de changer la vocation d'une terre agricole soit interdite durant la période qui sépare le zonage temporaire du zonage permanent. Les articles 39 et 42 du projet de loi correspondent à cette revendication. "Par ailleurs, nous insistons pour que le délai qui sépare le zonage temporaire du zonage permanent soit réduit au minimum."

Huitièmement, qu'une régie publique provinciale soit créée, composée majoritairement de membres choisis à même une liste soumise par l'association accréditée pour représenter les producteurs agricoles. Cette régie détiendra le pouvoir décisionnel en matière de zonage.

L'article 4 du projet de loi spécifie que les membres de la commission seront nommés par le gouvernement. Nous réitérons sur cette question notre demande que les membres de la commission soient choisis, en majorité à même une liste soumise par l'association accréditée pour représenter les producteurs agricoles.

Quant aux pouvoirs détenus par la commission, ils sont considérables, tel que nous l'avions demandé. Il nous semble que la protection des terres arables ne peut être laissée entre les mains d'autorités locales, susceptibles d'interpréter d'une manière variable la poursuite de cet objectif. Cependant, en vertu de l'article 96, "le gouvernement peut, par avis écrit à la commission, soustraire une affaire à sa juridiction."

L'article 96 ouvre la porte à des interventions trop considérables du pouvoir politique dans les opérations du zonage du territoire et constitue de plus une incitation pour les opposants au zonage agricole à chercher constamment à se soustraire à l'autorité de la commission. Nous demandons la disparition de cet article.

Neuvièmement, que soit créé un organisme par région agricole, regroupant, sous la coordination des représentants des producteurs agricoles, les parties intéressées par la loi de zonage. Cet organisme aura pour tâche de délimiter sur une base permanente le territoire agricole à partir de la carte du zonage temporaire. Si un tel organisme arrive à une entente, il soumettra pour approbation ses recommandations à la régie. Si les participants n'arrivent pas à s'entendre, les points de vue divergents seront soumis à la régie, qui tranchera la question.

Eu égard à cette recommandation, c'est aux municipalités qu'est dévolu, dans le projet de loi, le rôle que nous assignions à un organisme régional, coordonné par les représentants des producteurs agricoles. Dans la version finale du projet de loi, lorsqu'on mentionne que les intéressés peuvent intervenir devant la commission ou les municipalités, nous demandons que l'on précise que les diverses instances de l'UPA seront considérées comme des parties intéressées. Selon

l'article 59, qu'une municipalité qui est saisie d'une demande du type de celles qui sont prévues à l'article 58 soit tenue d'aviser le public à cet effet et d'entendre les intéressés, plutôt que de dire qu'elle peut les entendre.

L'article 10: Que les organismes ou les groupes d'individus ou les individus touchés par le zonage puissent faire appel d'une décision de la régie auprès du lieutenant-gouverneur en conseil.

Les dispositions des articles 18 et 44 prévoient que seule la commission peut réviser ou révoquer l'une de ses décisions ou ordonnances. Nous sommes insatisfaits de cette disposition et nous estimons que les intéressés devraient pouvoir en appeler d'une décision de la commission auprès du lieutenant-gouverneur en conseil.

Demande no 11: Que seule la régie soit autorisée, sur l'avis des instances régionales prévues à notre proposition no 9, à permettre l'utilisation à des fins non agricoles d'une partie des terres arables, ces utilisations devront être compatibles avec l'activité agricole.

Compte tenu de nos remarques relatives à notre proposition no 9, les dispositions des articles 12 et 62 correspondent à cette proposition.

No 12: Qu'aucun lotissement et qu'aucune construction, sauf celles qui servent directement ou indirectement à l'agriculture, ne soient permis en zone agricole, à moins d'obtenir un permis de la régie.

No 13: Qu'aucune construction de résidence principale ou secondaire ne soit permise, sauf celles servant à la main-d'oeuvre agricole.

No 14: Qu'il soit permis de construire, sur une exploitation agricole, autant de résidences que l'exploitation compte de propriétaires qui travaillent, la majorité de leur temps, sur la ferme, et d'employés permanents. Ces résidences pourront être louées, mais ne pourront être vendues qu'avec l'exploitation.

No 15: Que la régie soit chargée d'établir la liste des constructions servant directement ou indirectement à des fins agricoles.

Nous trouvons, dans le projet de loi, des dispositions qui correspondent à ces revendications, en particulier aux articles 26, 28, 31, 40, 62, 101, 103 et 105. Par ailleurs, étant donné que la commission peut émettre des autorisations qui permettent de déroger à ces règles, il faudra dire de quelle manière ces dispositions seront appliquées.

Demande no 16: Toute utilisation à des fins d'établissement d'infrastructures, par exemple: les routes, les aéroports, les "lignes" hydroélectriques, les oléoducs, les parcs industriels, etc., requerra l'approbation de la régie.

Les articles 66, 107, 108, 109, 110 et 112 prévoient que l'utilisation des terres arables à des fins autres qu'agricoles, par les organismes gouvernementaux, exige un avis de la commission.

Nous avions demandé que la commission approuve un tel geste; de plus, l'article 96 peut même dispenser le gouvernement de devoir se soumettre à un avis de la commission. C'est une raison supplémentaire pour demander la disparition de cet article.

Demande no 17: Tout terrain sera immédiatement restitué au territoire agricole lorsque sera discontinuée une utilisation non agricole d'une partie des terres arables et que cette utilisation n'aura pas détruit son potentiel agricole.

L'article 102 du projet de loi prévoit qu'il en sera ainsi, après un délai d'un an, lorsqu'il sera mis fin à l'utilisation non agricole. Nous considérons qu'il correspond à notre demande.

Demande no 18: Que toute transaction ayant pour effet de démembrer une exploitation agricole soit interdite, sauf aux fins de consolidation d'une ou de plusieurs autres exploitations ou si les subdivisions peuvent constituer des exploitations agricoles rentables. L'article 29 correspond à cette demande.

Demande no 19: Qu'aucune partie du territoire ne puisse être vendue à des non-résidents du Québec, les terres appartenant à des non-résidents ne pourront être revendues qu'à des résidents.

Aucune disposition du projet de loi ne correspond à cette demande et nous soulignons à nouveau l'urgence d'intervenir sur cette question. Soulignons, par ailleurs, que nous établissons une nette distinction entre un non-résident et un immigrant, puisque celui-ci n'est pas un non-résident à partir du moment où il s'établit au Québec.

Demande no 20: Que, dans un délai fixé par la loi, soient établies les zones d'extension futures du territoire urbain. Que les procédures et les mécanismes prévus aux propositions 8 et 9 pour rendre permanent le zonage temporaire, servent également à la réalisation de cet objectif.

Précisons à propos de cette revendication que le point de vue de l'UPA n'est pas d'enfermer les villes dans un territoire dont l'extension serait impossible. Il s'agit plutôt de forcer les autorités municipales à planifier le développement urbain, planification dont l'un des impératifs serait de minimiser l'étendue du territoire soustrait à l'agriculture et de privilégier l'extension urbaine sur les terres de moins bonne qualité.

Ici encore, c'est une étude spécifique des zones non agricoles dans chaque municipalité qui nous permettra de vérifier dans quelle mesure on a répondu à cette demande. Nous nous proposons d'intervenir dans le processus que prévoira le projet de loi.

Demande 21. Que soit créée une banque de terres qui fera, entre autres, le pont entre les propriétaires de sols agricoles qui ne peuvent les cultiver et les agriculteurs qui recherchent de la terre. Le projet de loi 99 autorise le gouvernement à agir dans ce sens.

Il s'agit, cependant, d'une autorisation et non d'une obligation. Par conséquent, c'est par l'usage que fera le gouvernement des pouvoirs qui lui sont conférés par cette loi que nous serons en mesure de juger jusqu'à quel point il s'oriente dans la direction que nous souhaitons.

Demande 22. Que les lois et règlements visant à la protection de l'environnement qui s'appliquent en zone agricole soient adaptés à l'activité principale qui s'y déroule. Les articles 97 et 111 et spécialement l'article 100 du projet de loi consti-

tuent une première démarche dans la bonne direction. A l'article 100, cependant, nous demandons au premier paragraphe les mots "à la délivrance d'un certificat d'autorisation en vertu de la Loi de la qualité de l'environnement ou de ses règlements permettant l'établissement ou l'agrandissement d'une exploitation de production animale... " soient remplacés par ce qui suit: "à l'implantation d'une exploitation de production animale construite ou agrandie après 1972 et qui détient un certificat d'autorisation en vertu de la Loi de la qualité de l'environnement ou de ses règlements."

De plus, pour que la volonté politique sous-ja-cente à l'article 100 s'applique vraiment, il faut, non seulement que les nouveaux arrivants ne puissent pas se plaindre des agriculteurs qui y étaient avant eux, mais de plus, il faut que les nouveaux arrivants ne puissent pas, par leur seule présence, comme habitation voisine, empêcher l'agrandissement des fermes qui y étaient avant eux.

C'est pourquoi nous demandons que le droit de premier occupant que nous avons réclamé lors de la commission parlementaire de l'environnement soit incorporé à la loi de zonage. Ce droit de premier occupant se formule comme suit: Au moment de la demande d'un permis d'agrandissement, les habitations qui se sont construites dans les 30 années précédant la demande de permis et dont la construction est postérieure à celle des bâtiments de la ferme ne seront pas considérées au chapitre des distances à respecter par rapport aux habitations voisines ou par rapport aux agglomérations.

La demande 23. Que les lois fiscales s'appli-quant aux exploitations agricoles, en particulier, les taxes foncières et les droits successoraux, soient réexaminées et réaménagées afin de les rendre compatibles avec les objectifs poursuivis par la politique de développement de l'agriculture et de la Loi sur la protection du territoire agricole.

Demande 24. Que le ministère de l'Agriculture formule une politique globale de l'assainissement des sols.

Article 25. Que le gouvernement s'engage à garantir des revenus stables et adéquats pour les producteurs agricoles en accélérant la mise en place des plans conjoints et le développement des programmes d'assurance-stabilisation et d'assurance-récolte.

Que des politiques additionnelles de développement régional soient adoptées visant à combler les inégalités régionales de revenu en milieu agricole.

Et la demande 26. En vue d'en arriver à la pleine utilisation des terres protégées et à un meilleur développement régional, que le gouvernement mette immédiatement en oeuvre des politiques visant au développement des productions actuelles et des nouvelles productions.

Tout au long du mémoire que l'UPA présentait sur la protection du territoire agricole en septembre, de même que dans la première de la série de propositions qui l'accompagnait et dans les résolutions 23, 24, 25 et 26, nous avons essayé d'exprimer aussi clairement que possible l'idée que la protection du territoire agricole est une mesure nécessaire, mais non suffisante pour assurer le développement de l'agriculture.

Nous tenons à souligner, à nouveau, qu'une terre arable protégée ne sera pas nécessairement mise en valeur si le contexte socio-économique n est pas modifié en vue d'accroître la rentabilité de la production agricole. (21 h 15)

L'article 106 du projet de loi 90 qui prévoit en zone agricole la hausse de 40% à 70% du remboursement des taxes foncières, le projet de loi 100 qui a pour objet de doubler le montant maximum des subventions de mise en valeur des exploitations agricoles, l'annonce de l'extension aux finisseurs du programme de stabilisation dans le boeuf et l'implantation d'un tel programme dans le cas du maïs-grain, constituent des pas dans la bonne direction. Nous demandons que de nombreuses autres mesures allant dans le même sens soient adoptées, en particulier pour faciliter l'implantation d'autres plans conjoints, étendre les programmes de stabilisation à d'autres productions, accélérer l'acceptation des programmes de développement régional, permettre l'expansion des productions actuelles et nouvelles, alléger le fardeau fiscal des producteurs agricoles, faciliter le transfert des exploitations d'une génération à I'autre et le reste.

Pour nous, le dépôt du projet de loi 90 doit constituer un engagement du gouvernement à développer l'agriculture par d'autres mesures. Il devra agir vigoureusement dans le sens des domaines mentionnés ci-haut, sinon les producteurs agricoles considéreront qu'ils ont été leurrés dans ce débat.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. Kirouac. M. le ministre.

M. Garon: J'ai toujours commencé depuis le matin. Je vais laisser commencer l'Opposition.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Maskinongé.

M. Picotte: M. le Président, j'aimerais tout d'abord remercier et féliciter la Confédération de l'UPA pour le magnifique mémoire qu'elle a présenté et l'esprit dans lequel elle l'a présenté, d'autant plus que cela correspond peut-être pas en tout, mais en partie aux discours de deuxième lecture que les membres de l'Opposition officielle ont faits et la raison pour laquelle nous avons...

M. Marcoux: Le consentement...

M. Picotte: Ce n'est pas surprenant qu'ils ne se souviennent pas de cela, on a demandé le quorum trois fois à certains moments, M. le Président. Ils n'étaient pas là.

Il y a plusieurs points, d'ailleurs, M. le Président, qui ont été soulignés par le député de Montmagny-L'Islet, par moi et par d'autres concernant certaines demandes que vous faites. Un premier point m'accroche, M. le Président, et sur lequel je voudrais vous poser ma première question. Lors-

que je regarde l'article 1 du projet de loi, lorsqu'on définit le mot "agriculture", qu'on parle de culture du sol, y compris le fait de le laisser en friche, j'aimerais connaître, selon vous, quelles implications pourraient avoir une telle affirmation lorsqu'on définit le mot "agriculture". J'imagine que cela ne doit pas aider tellement l'agriculture, des sols en friche.

M. Couture (Paul): Notre compréhension en disant: Le laisser en friche, c'est que cela détermine qu'une terre qui est en friche dans une zone agricole est aussi zonée agricole; mais le problème, comme on le voit, c'est que le projet doit s'accompagner de mesures de rentabilisation de l'agriculture qui feront que ces terres-là devront être cultivées.

M. Picotte: Comme deuxième question, nous avons nettement remarqué, dans le projet de loi, que l'agriculteur voit ses droits fondamentaux brimés dans certains articles, pour n'en mentionner que deux. Il y a l'article qui mentionne, à un moment donné, que l'agriculteur ne peut donner librement de son vivant une partie de son bien à ses enfants pour fins d'habitation. L'article 29 dit, entre autres, que l'agriculteur ne peut partager avec ses enfants même pour fins d'agriculture, son bien immobilier à parts égales, en fait, que la terre est indivisible. J'aimerais connaître votre réaction à ces articles.

M. Couture (Paul): Le problème que vous soulevez est un problème qu'on a longuement discuté, parce qu'on sait que le zonage brime certaines possibilités, certaines disponibilités d'établir ses enfants sur la ferme et le reste. Mais, devant les problèmes auxquels on a fait face, avec la protection de l'environnement, notre position a été claire, la position des agriculteurs est que la zone agricole est une zone industrielle-agricole. Comme on ne laisse pas construire n'importe comment dans une zone industrielle, la zone industrielle-agricole amène des inconvénients et souvent les résidents qui sont dans cette zone s'en plaignent.

Donc, notre raisonnement, si on fait bâtir... Disons que j'ai cinq enfants, ils se construisent chez nous, parce que c'est plaisant. Je peux vendre ma ferme ou, dans dix ans, des cinq enfants, il n'en restera peut-être plus qu'un. Ils auront des exigences et ceux qui auront acheté la ferme auront des exigences, soit pour la protection de l'environnement, l'épandage du fumier et le reste. Donc, la relation avec ça, cela pose des problèmes et on dit, à partir des problèmes auxquels on a fait face, on a préféré laisser aller cette possibilité parce qu'elle pouvait nous créer des inconvénients, à long terme.

M. Picotte: M. le Président, à maintes reprises, depuis que je suis député à l'Assemblée nationale, nous avons entendu les discours du député de Saguenay dans le temps où il était dans l'Opposition. J'ai même lu le programme du Parti québécois en 1976 et j'ai même entendu l'UPA, à certains moments, qui demandait de protéger les terres arables contre les acheteurs non résidents. Nous constatons que dans ce projet de loi, il n'en est fait aucunement mention. Trouveriez-vous essentiel que, dans le projet de loi, on ait un article qui inclurait cette demande que vous faisiez?

M. Couture (Paul): Chez nous, c'est dans nos demandes. On le signale, le non-accès aux fermes à des non-résidents. Je ne sais pas si cela devrait être dans ce projet de loi ou dans un autre, mais on trouve importante la question du non-accès aux fermes à des non-résidents. Cependant, à partir de la définition qu'on donne, on ne veut pas dire par là les gens qui achètent des fermes, qui cultivent et qui vivent dessus; même s'ils viennent de l'extérieur, ça ne pose pas de problèmes.

Mais l'achat de fermes par des non-résidents, c'était une de nos demandes.

M. Picotte: Cela devrait être prohibé, selon votre organisme.

M. le Président, à la page 4 de votre mémoire, vous mentionnez au milieu: "L'article 4 du projet de loi spécifie que les membres de la commission seront nommés par le gouvernement. Nous réitérons sur cette question notre demande à l'effet que les membres de la commission soient choisis, en majorité, à même une liste soumise par l'association accréditée pour représenter les producteurs agricoles". Pensez-vous qu'il est essentiel que cette mesure que vous demandez avec instance soit inscrite dans le même projet de loi?

M. Couture (Paul): Pour les agriculteurs, c'est essentiel, parce qu'on dit que c'est la gestion de nos fermes, cela implique une responsabilité qui relève des agriculteurs. On maintient cette demande, on la remet à nouveau dans le mémoire.

M. Picotte: Je vais en profiter pour faire un commentaire, M. le Président. Un peu plus loin, dans le mémoire, justement au bas de la page 4, il est fait mention de l'article 96. Nous sommes entièrement d'accord avec votre demande, parce que nous constatons que les articles 66, 107, 108, 109, 110 et 112 sont tout simplement des articles trompe-l'oeil, parce qu'on aura beau dire que même les organismes gouvernementaux doivent se soumettre à la commission, d'un revers de la main, avec l'article 96, on pourrait le démolir. Alors, je demande au ministre ici de bien prendre en note cette demande de la Confédération de l'UPA, demande qui a été faite par d'autres organismes qui sont venus avant vous, pour que l'article 96 soit biffé du projet de loi.

Je pense que c'est quand même bien important.

M. Garon: L'article 96, vous avez voté contre en deuxième lecture?

M. Picotte: Non, pour une foule de raisons dont vous connaissez déjà les réponses.

M. Chevrette: Contre le principe.

M. Picotte: Vous dites aussi dans votre rapport, à la page 5, vous semblez... nous avons entendu l'Union des conseils de comté, auparavant, qui parlait de créer un organisme régional. Je remarque que vous-même, qui connaissez passablement l'agriculture, revenez avec la même recommandation au sujet d'un organisme régional. Pourriez-vous me donner votre opinion et les raisons fondamentales pour lesquelles vous semblez insister concernant cet organisme régional?

M. Couture (Paul): L'organisme régional étant proche du milieu, c'était la principale raison. Il est composé de gens de la profession, encore en majorité, parce que c'est le même raisonnement. Donc, on dit que ces gens plus proches du milieu seraient peut-être plus en mesure de juger des problèmes qui se posent.

M. Picotte: A la page 6, je lis votre recommandation no 10: "Que les organismes, les groupes d'individus ou les individus touchés par le zonage puissent faire appel d'une décision de la régie auprès du lieutenant-gouverneur en conseil.

Dans le projet de loi, comme on l'a présentement, nous voyons qu'il n'existe pas de droit d'appel, peu importe ce qu'on pense. C'est tout simplement un droit de révision par la même commission, qui se trouverait, à ce moment-là, à être juge et partie. Vous avez d'ailleurs très bien saisi l'importance de ce point de vue puisque vous le soulignez avec pertinence à la recommandation no 10.

Personnellement, je trouve que cette décision de faire appel au lieutenant-gouverneur en conseil alourdirait peut-être davantage la procédure, mais, en supposant que le ministre, étant donné qu à d autres occasions, il a mentionné qu'il ne semblait pas tellement enclin à accepter une telle recommandation, en supposant que le ministre ne voudrait pas accepter une telle recommandation, auriez-vous un autre mécanisme qui pourrait permettre aux gens qui se sentent lésés, aux agriculteurs qui se sentent lésés, de faire appel à un autre organisme pour que justice soit rendue?

M. Couture (Paul): L'habitude de fonctionnement qu'on a chez nous, notre expérience, c'est surtout avec la Régie des marchés agricoles. On dit que la régie peut décider des choses, elle entend les parties. Il y a toujours un recours, si on n'a pas satisfaction, au lieutenant-gouverneur en conseil. Mais ce sont des exceptions qui se sont faites dans le passé. Cela a été des cas très rares.

Mais il faut donner la possibilité à l'organisme de régler ces problèmes, pour qu'il n'y ait pas un engorgement au niveau du lieutenant-gouverneur en conseii.

M. Picotte: A la page 7, il y a une autre recommandation qui a attiré mon attention, la recommandation no 14: "Qu'il soit permis de construire, sur une exploitation agricole, autant de résidences que l'exploitation compte de propriétaires qui travaillent, la majorité de leur temps, sur la ferme, et d employés permanents. Ces résidences pourront être louées, mais ne pourront être vendues qu'avec l'exploitation."

M. le Président, quand on lit attentivement le projet de loi tel que rédigé, on se rend compte que c est loin d'être ce que vous espérez obtenir, ce que le projet de loi vous accorde. Là-dessus, je suis peut-être un peu embêté. Je ne suis pas prêt à dire que, tel qu'il est rédigé, ce n'est pas nécessairement une bonne chose, mais j'aimerais connaître les inconvénients majeurs qui pourraient résulter ou qui pourraient affecter un agriculteur si la loi demeurait telle que rédigée.

M. Couture (Paul): Si vous faites référence à l'article 40, je pense, on dit: "Dans l'aire retenue pour fins de contrôle, une personne dont la principale occupation est l'agriculture peut, sans l'autorisation de la commission, construire sur son lot une résidence pour elle-même, pour son enfant et son employé. La construction d'une résidence en vertu du présent article n'a pas pour effet de soustraire la partie du lot sur laquelle elle est construite... "

Je pense que c'est le même raisonnement que celui de tout à l'heure. On voudrait que, s'il y a des enfants, un ou deux de ses enfants qui travaillent sur la ferme, ils aient la possibilité de se construire, mais que la maison qui est construite reste attachée à la ferme pour qu'elle ne passe pas à des mains extérieures, ce qui viendrait créer des inconvénients à cause de ce que je vous disais tout à l'heure: l'environnement, etc.

M. Gaudet (Pierre): Je voudrais peut-être ajouter une chose là-dessus. Notre position, c'est un choix. Et le choix qu'on fait, c'est le développement de l'agriculture dans une zone agricole. Pour cela, ce qu'on regarde, en même temps qu'on regarde la loi, c'est au niveau du développement; il y a une question bien importante et les problèmes qu'on a eus avant aujourd'hui, c'est sur

I'environnement. (21 h 30)

Quand on dit cela dans notre demande, au niveau de l'article 14, ce qu'on veut faire, c'est se protéger en regard de ceux qui vont venir dans notre territoire. Voici notre exemple. Quand une municipalité détermine, décide qu'il y a une zone industrielle, il n'y a pas de maisons qui se construisent là, ce sont des industries. Nous disons que l'agriculture, c'est aussi une industrie.

II y a des résidents qui doivent être près de l'industrie, à cause du type de l'industrie, mais c est cela qu'on développe et c'est sur ce point-là qu'on argumente pour prendre la position que nous avons prise, sur l'article 14, parce que, notre choix, c'est le développement de l'agriculture, de ceux qui en vivent, non pas de ceux qui n'y sont plus ou qui s'en vont.

M. Picotte: Dans votre esprit, si je prends I'article 40 tel que vous l'avez mentionné — je vais

surtout vers la fin de l'article — lorsqu'on dit "construire sur son lot une résidence pour elle-même, pour son enfant ou son employé", comprenez-vous par là, dans cet article tel que rédigé, que vous avez la possibilité d'ériger trois résidences?

M. Couture (Paul): Ce que nous croyons, c'est qu'il devrait y avoir autant de résidences qu'il y a de personnes impliquées dans l'administration de la ferme, la possibilité de cela.

M. Picotte: D'accord, vous l'avez fait dans votre recommandation tantôt, mais je vous demande, tel que l'article est rédigé ici "construire sur son lot une résidence pour elle-même, pour son enfant ou son employé", est-ce que, dans votre esprit — vous avez étudié le projet de loi — cela veut dire qu'un agriculteur pourrait construire trois résidences à sa ferme?

M. Couture (Paul): Dans notre esprit, si le projet ne veut pas dire cela, on voudrait qu'il veuille dire cela.

M. Picotte: Je voudrais poser seulement une courte question au ministre à ce moment-ci. Est-ce que cela veut effectivement dire, dans l'esprit selon lequel le projet de loi est rédigé, que l'agriculteur a le droit de construire trois résidences sur sa terre?

M. Garon: Oui, je pense que cela veut dire cela. La personne peut construire une résidence pour elle-même. Remarquez bien que cela s'applique à une personne dont la principale occupation est l'agriculture.

Une Voix: Oui.

M. Garon: Elle peut construire une résidence pour elle-même, pour son enfant...

M. Picotte: Parce qu'il travaille en agriculture.

M. Garon: Non, son enfant. On ne spécifie pas. ... et son employé. En droit, le singulier inclut toujours le pluriel, n'est-ce pas? Le paragraphe suivant dit: "La construction d'une résidence en vertu du présent article n'a pas pour effet de soustraire le lot ou la partie du lot sur laquelle elle est construite à l'application des articles 28 à 30".

Cela veut dire que, par ailleurs, ces résidences-là ne peuvent pas être séparées de la ferme, sans autorisation de la commission.

M. Picotte: Le ministre a mentionné que même si son enfant ne travaille pas au niveau de la ferme... Cela veut dire que si l'agriculteur a trois enfants...

M. Garon: Je vais vous dire une chose. M. Picotte: Un cas précis. M. Garon: Oui, c'est cela.

M. Picotte: C'est sûr que cela ne se produit pas à des centaines d'exemplaires.

M. Garon: Des couvées d'enfants qui sont autour de leurs parents, on ne voit pas cela sauf dans un poulailler habituellement. Deuxièmement, un fils d'agriculteur qui ne travaillerait même pas dans la ferme à temps plein, disons qu'il travaillerait au village, qui veut se bâtir à côté de son père, la résidence se trouverait la propriété du père. Il faut permettre cela, parce que, souvent, le fils permet des vacances au père. Il ne travaille pas à temp plein dans la ferme, mais si le père veut quitter une fin de semaine, le soir, pour une assemblée de l'UPA, par exemple, s'il veut que quelqu'un s'occupe de la ferme, le fils est bâti là, ou c'est le gendre avec la fille du cultivateur, cela permet une aide à l'agriculteur, cela lui permet une relève, non pas dans le sens qu'elle va prendre sa place, mais cela lui permet de le remplacer pour que l'agriculteur puisse vaquer à d'autres activités et possiblement prendre des vacances, etc.

Je pense que c'est important.

M. Vaillancourt (Orford): Occasionnellement.

M. Garon: Occasionnellement, oui. Je pense qu'il ne fallait pas empêcher cela, mais que la résidence demeure sa propriété et se vend avec la ferme. Mais, d'une façon générale, les agriculteurs qui ont dix employés et cinq enfants qui veulent bâtir dans la ferme, je n'ai jamais entendu parler de cela.

M. Gaudet: Je tiens à préciser une autre chose, c'est que celui qui aurait quatorze enfants, pour prendre un exemple, cela a déjà existé dans le milieu rural, c'est ce qui fait qu'on est grand et fort aujourd'hui, il va falloir qu'on y pense. On ne pourra pas construire dix de nos enfants dans nos terres, parce que, si vous regardez ce qu'on demande, ce qu'il y a dans la loi, on demande que ce soit rattaché à la terre, qui va vendre cette terre avec dix maisons s'il n'y a pas de ferme? Je pense que cette question-là limite dans une certaine partie le nombre de constructions possibles.

M. Picotte: Je suis d'accord avec vous. Est-ce que...

M. Gaudet: II y a un autre point, un autre facteur aussi qui est assez limité, c'est que, pour que le père les bâtisse tous, il va falloir que l'agriculture soit passablement rentable.

M. Picotte: C'est vrai, c'est exact. Ce à quoi je voulais en arriver tout simplement, par cet exemple, c'était de faire dire au ministre que c'était possible, que cela ne se produirait pas à des centaines d'exemplaires, mais que même s'il n'y avait qu'un cas à l'intérieur de la province, je voulais savoir du ministre si c'était possible. On me dit que c'est possible. Je prends bonne note de cela.

Il y a un autre point, à la page 11 de votre

mémoire, qui est fondamental. D'ailleurs, j'ai eu l'occasion d'en discuter avec quelques-uns des représentants de la confédération. J'ai eu l'occasion de participer à la commission parlementaire de l'environnement, à ce moment. Le mémoire que vous aviez présenté faisait état du droit du premier occupant. Je pense — et c'est peut-être un autre point que j'apporte à l'attention du ministre, et de façon bien particulière — il serait excessivement important que le droit du premier occupant soit inscrit dans la loi de zonage, ce qui éliminerait un tas de procédures concernant l'environnement. On le connaît, les agriculteurs ont vécu le problème. Je pense que si ce point faisait partie de la loi, ce serait déjà un gros point d'acquis. J'aimerais attirer l'attention du ministre de façon spéciale là-dessus. J'espère que, parmi les amendements qu'il apportera au projet de loi, cela en sera un qui retiendra son attention de façon particulière. Cela rejoint, évidemment, les préoccupations de la Confédération de l'UPA, mais je pense que c'est un point majeur, fondamental.

M. Garon: Quand m'avez-vous dit cela?

M. Picotte: Ce n'est pas à vous que j'ai dit cela.

M. Chevrette: II l'a dit en deuxième lecture.

M. Picotte: Non.

M. Garon: Vous avez voté contre.

M. Picotte: Ce n'est pas à vous que j'ai dit cela. C'est lors de la commission parlementaire de l'environnement où on s'est battus, les députés de l'Opposition, pour vous inviter à venir. Vous êtes venu faire un tour cinq minutes et vous vous êtes sauvé après. Vous n'avez pas pu comprendre. Si vous aviez passé les trois jours avec nous autres, vous auriez compris cela du premier coup. On n'aurait même pas eu besoin de le demander, il aurait été dans votre projet de loi.

M. Charbonneau: Vous avez tellement bien compris que vous n'avez pas voté pour en deuxième lecture.

M. Picotte: Cela, on s'en reparlera!

M. Chevrette: J'ai l'impression que vous étiez tiraillé, M. le député de Maskinongé.

M. Picotte: Ne me dites pas que j'ai des allures de premier ministre.

M. Garon: Pensez-vous que le député de Laval...

M. Picotte: Le premier ministre a été tiraillé avant moi.

M. Garon: Pensez-vous que le député de Laval défendait beaucoup les agriculteurs tantôt devant les municipalités?

M. Lavoie: Pourriez-vous répéter votre question, s'il vous plaît?

M. Garon: Je lui demandais s'il trouvait que le député de Laval avait beaucoup défendu les agriculteurs devant les municipalités tout à l'heure?

M. Lavoie: Ecoutez, M. le Président, je crois que je défends ici les citoyens qui me mandatent. Parmi ces citoyens, il y a des municipalités, il y a des agriculteurs, il y a des maraîchers. J'entends les représenter, ce que je fais depuis 19 ans d'ailleurs, le mieux possible, et ils me le rendent bien à chaque élection.

Le Président (M. Boucher): Je crois qu'on doit revenir...

M. Picotte: A la pertinence du débat.

Le Président (M. Boucher): ... à nos moutons.

M. Picotte: La recommandation 26, quand je mentionnais tantôt les discours de deuxième lecture des députés de l'Opposition, entre autres, je pensais à la recommandation 26. Cela a été l'argumentation, peut-être pas de base du député de Montmagny-L'Islet, il l'a évoquée, mais cela a été mon argumentation de base aussi lorsque je suis intervenu en deuxième lecture, en vue d'en arriver, comme vous le dites si bien, "à la pleine utilisation des terres protégées, à un meilleur développement régional et que le gouvernement mette immédiatement en oeuvre des politiques visant au développement des productions actuelles et de nouvelles productions."

En zonant le territoire arable au Québec, on va donner une grosse chance. Même s'il y avait un beau zonage agricole au Québec, si on ne s'organise pas comme gouvernement pour rentabiliser l'agriculture, cela ne donnera absolument rien. Vous soulignez un point qui est fondamental. J'aurais espéré qu'en même temps qu'on dépose ce projet de loi, on nous apporte d'autres projets de loi qui puissent venir nous confirmer, une fois pour toutes, qu'il y aura des mesures apportées pour rentabiliser l'agriculture. On nous a dit que cela viendrait. Je ne veux pas mettre en doute la bonne foi, ni du ministre, ni de personne, mais j'ose espérer que ce ne sont pas des voeux pieux.

J'ose espérer que ces mesures viendront dans un court laps de temps, qu'on n'aura pas besoin de quémander et que ce ne sera pas une occasion pour le ministre de nous dire: Ecoutez, on a adopté une grosse pièce législative, qui s'appelle la loi 90, laissez-nous souffler un peu, on a déjà un gros magot d'accompli, on verra par la suite. Je pense que ces lois que vous demandez devraient suivre dans pas grand-temps. J'ose espérer qu'au mois d'avril on va avoir un budget, que quelques centaines de millions additionnels apparaîtront au budget de l'Agriculture. A ce moment, on me convaincra que le ministre n'a pas fait de voeux pieux.

Le Président (M. Boucher): S'il vous plaît!

M. Picotte: M. le Président, je pense que j'ai relevé quelques points; évidemment, il y en aurait d'autres, mais je ne veux pas accaparer tout le temps de la commission, parce que je sais qu'il y aura d'autres députés qui voudront intervenir, je me réserve évidemment le droit de revenir par la suite, lorsqu'on aura fait un tour des partis reconnus. Encore une fois, M. le Président et ceux qui vous accompagnent, je vous félicite de votre mémoire, il est très constructif, je pense qu'il dit exactement ce qu'il veut dire, et si le ministre acceptait la totalité des points que vous soulevez, il aurait déjà fait un bon pas pour nous faire voter en faveur de la loi en troisième lecture.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le député de Maskinongé. M. le député de Huntingdon.

M. Dubois: Merci, M. le Président, je voudrais adresser un bonsoir à vous, messieurs de la Confédération de l'UPA. C'est avec plaisir que j'ai parcouru votre document et que j'ai pu constater vos bonnes recommandations.

M. Marcoux: Est-ce que vous êtes prêt à répéter ce que vous avez dit en Chambre concernant les dirigeants de l'UPA?

Le Président (M. Boucher): S'il vous plaît, M. le député de Rimouski! M. le député de Huntingdon, vous avez la parole.

M. Dubois: Merci, M. le Président. M. Chevrette: ... ce que vous avez dit.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Joliette-Montcalm, à l'ordre!

M. Dubois: M. le Président — je m'adresse à M. Couture — vous avez certainement entendu d'autres intervenants cet après-midi — je pense que vous étiez ici pendant un bout de temps quand même — où on a fait part à la commission de plusieurs suggestions, que j'ai trouvées très concrètes, et que nous avons d'ailleurs nous-mêmes proposées au moment de la deuxième lecture. Entre autres, nous avons parlé de planifi-caton globale au niveau de l'aménagement et de l'utilisation du territoire. Nous croyons fermement que le zonage agricole devrait s'inscrire à même un plan global. J'ai remarqué que, dans votre mémoire, vous n'avez pas soulevé ce cas. Ce serait ma première question; j'aimerais savoir si vous croyez qu'on aurait dû procéder par un plan global d'aménagement et d'utilisation du territoire dans lequel on aurait inscrit le zonage agricole?

M. Couture (Paul): Notre préoccupation... D'abord, les commentaires qui ont été faits cet après-midi étaient toujours en fonction du bien commun. Mais, en fonction du bien commun, le problème, comment se le pose-t-on? On dit: La collecivité de l'agriculture, en a-t-on besoin? A partir du fait qu'on a besoin de l'agriculture, le premier choix qu'on a à faire, c'est de protéger nos sols. Je pense que, pour être en mesure de fonctionner avec d'autres organismes qui ont déjà des plans de zonage — prenez les municipalités de villes, il y a déjà des plans de zonage, elles sont déjà équipées — je pense que, pour arriver à être capables de discuter au même niveau, il nous faut aussi avoir notre plan de zonage et être capables de fonctionner. Je pense que c'est une préoccupation de la collectivité de protéger ces sols agricoles, parce que la collectivité en a besoin. A partir de là, quand on vient dire qu'on va arrêter tout développement, je n'y crois pas du tout, parce qu'on n'arrêtera pas le monde de tourner. Il y a environ 2% des sols qui sont à vocation agricole, de bons sols, il en reste 98%. Ensuite, à l'intérieur de cela, il y aura des possibilités de discussion; si une municipalité a un plan, je pense que le développement se fera après une étude et il sera mieux planifié que si on part de pouvoirs à des municipalités et qu'ensuite on en vient à un objectif secondaire.

Dans les discussions, cet après-midi, l'inquiétude a persisté dans mon esprit, parce que la préoccupation était beaucoup plus pour le développement — surtout dans le mémoire de l'Union des municipalités — de la municipalité que le souci de la protection des sols. On le voit, même par le potentiel de sols que l'on prétend protéger — on parle d'un potentiel de 120 millions d'acres, on dit: On va en protéger 60 millions, on en protège la moitié, donc la préoccupation n'est pas la même que de sauver cette richesse non renouvelable qu'est le sol et je pense que c'est important. (21 h 45)

M. Gaudet: II faudrait préciser aussi que cela fait 20 ans qu'on attend des programmes de planification globale et là, on a décidé de commencer par un bout.

M. Dubois: II y a aussi le fait qu'il y a trois ministres, présentement, qui travaillent en collaboration, afin d'établir un plan d'aménagement et d'utilisation globale.

Ce qui veut dire que vous ne croyez pas que le respect des terres fertiles ou du territoire agricole puisse s'exercer dans un plan de planification globale. Vous n'y croyez pas?

M. Couture (Paul): Je pense que, pour être capable de travailler dans un plan global, il faut avoir une loi sur la protection des sols agricoles et ensuite, on part en partenaires et on est capable de discuter et cela s'inclut ensuite dans un plan global agricole.

M. Dubois: Sur un autre sujet, vous êtes certainement au courant qu'il y a eu, depuis longtemps, des voeux pieux de formulés par le gouvernement actuel en vue de décentraliser les services de l'agriculture. Nous avons une commission qui siégera de Québec, une commission qu'on peut appeler une régie d'Etat, une seule commission, qui prendra 614 dossiers municipaux, premièrement, et peut-être des milliers de cas privés. Je

pense qu'au niveau des services agricoles, l'UPA est favorable à une décentralisation des services envers l'agriculture.

Croyez-vous qu'une seule commission, c'est rendre un véritable service à l'agriculture, une seule commission qui siège à partir de Québec, parce que c'est encore un service à l'agriculture qu'on va rendre à partir de cette commission?

M. Couture (Paul): Ma compréhension de la loi, ce n'est pas que tout sera fait à partir de la commission; c'est que la commission a la responsabilité d'administrer la loi et il y aura du travail qui sera fait dans le milieu, mais qui sera sous la surveillance de la commission. Si je comprenais que la commission devra préparer tous les programmes et les plans, je pense que cela serait anormal; les organismes du milieu auront un travail à faire mais la commission, selon ma compréhension, a la responsabilité d'administrer la loi, de surveiller comment cela s'applique.

M. Dubois: Donc, à la suite du dépôt que chacune des 614 municipalités aura à faire, vous acceptez que le rôle de ces municipalités soit celui de porteur de documents. Cela revient à peu près à dire cela, à la suite du dépôt de chacun de leur plan...

M. Couture (Paul): Cela dépend...

M. Dubois: ... parce que, tout ce qu'elles auront à prendre ou à juger — elles n'ont même pas le droit de juger — c'est-à-dire qu'elles auront le privilège de transférer le document du fermier ou de la personne qui se sent brimée dans ses droits à la commission de contrôle.

M. Couture (Paul): Cela dépend de la philosophie, de l'approche qu'on a parce que, pour moi, comme toute loi a un responsable pour l'administrer, les gens ont tous une responsabilité à l'intérieur. Je pense que le rôle des organismes est quand même assez respectable et ce n'est pas le seul rôle d'une municipalité d'administrer la loi de zonage. Elle a beaucoup d'autres rôles à jouer et on les respecte. A l'intérieur de cela, je pense qu'elle a un rôle qui est important.

M. Dubois: Je voudrais avoir votre opinion sur une suggestion que j'ai faite en deuxième lecture. Etant donné que nous avons douze régions agricoles au Québec, douze services agricoles, j'ai suggéré qu'il y ait douze commissions où pourraient siéger certains membres du bureau régional agricole, certains membres élus de conseils municipaux ou de conseils de comté, des membres de l'UPA, des producteurs agricoles, bien d'accord, peut-être un commissaire industriel, peut-être un urbaniste, enfin, on pourrait avoir des groupes régionaux, étant donné que nous avons douze régions agricoles.

J'aimerais que vous donniez votre opinion sur la valeur d'une telle suggestion.

M. Couture (Paul): Sur ce paragraphe, on a notre recommandation ici. Je pense que c'est assez clair, le point 9. On dit que l'UPA, à l'intérieur... On ne nie pas que les autres corps aient le droit d'être entendus, mais on dit qu'on considère l'UPA, à l'intérieur de cela, comme un interlocuteur valable et qu'il soit consulté à ce moment au niveau de la région, parce qu'il y a une implication qui est régionale et il y a des gens qui sont plus en mesure de fonctionner.

M. Dubois: Cela n'exclut pas la commission de contrôle qui chapeauterait tout cela...

M. Couture (Paul): Bien non.

M. Dubois: ... qui serait le dernier intervenant s'il y a litige.

M. Gaudet: Au niveau de la commission de contrôle, le chapeau dont vous faites mention est important pour nous pour une raison bien simple. On tient à ce que l'application d'une telle loi soit conrôlée à un certain niveau pour garantir aux agriculteurs de l'ensemble des régions qui seront zonées d'avoir le même cheminement, la même démarche, pour s'assurer qu'il n'y ait pas un régime qui s'applique d'une façon à un endroit et d'une autre façon à un autre endroit, ce qui aurait pour effet de brimer les agriculteurs dans une région ou dans une autre si la loi ne s'appliquait pas de la même façon.

M. Dubois: C'est la raison pour laquelle j'accepte bien le chapeau de la façon que vous l'interprétez à titre de surveillance de douze commissions régionales possibles, parce que je suis d'accord que cela prend une surveillance quand même pour vérifier si les services sont rendus d'une façon équitable à travers les régions. De toute façon, je pense que personne n'est cimenté, pas plus l'UPA que le ministre. J'espère que le ministre ne l'est pas trop. Il me semble l'être pas mal, quand même. Nous sommes prêts à concéder, tout le monde est prêt à concéder, mais le but, c'est de bonifier la loi, c'est la raison pour laquelle vous êtes ici et que nous sommes ici.

J'ai d'autres questions ici. On parle, dans le projet de loi, de 70% d'exemption ou de rabattement de taxes scolaires et municipales. Je pense que vous savez tous que j'ai un préjugé très favorable pour les agriculteurs, mais...

M. Baril: II faudrait le démontrer.

M. Lavoie: M. le Président, le député de Joliette... On discute de choses sérieuses actuellement.

Le Président (M. Boucher): S'il vous plaît

M. Chevrette: On n'a aucune leçon à recevoir de vous.

Le Président (M. Boucher): S'il vous plaît, M. le député de Joliette-Montcalm, je vous rappelle à l'ordre!

M. Chevrette: L'ancien président qui est censé donner l'exemple! Vierge offensée.

Le Président (M. Boucher): A l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Joliette-Montcalm. M. le député de Huntingdon, vous avez la parole.

M. Dubois: Je suis loin d'être contre le fait de rembourser ou d'aider. Pas rembourser, mais plutôt aider l'agriculteur. Je crois qu'il va y avoir une levée de boucliers vis-à-vis des 70% parce que vous savez qu'il y a peut-être 12% de la population qui vivent de la ferme, ou environ, pas loin, en tout cas qui vivent en secteur rural, et on sait que le travailleur d'usine ne retirera pas des 70% de remboursement scolaire surtout. C'est à celui-là que je m'attaque premièrement. Je crois que le même argent, en fait c'est une suggestion que je fais, les mêmes 70%, les fonds des 70% qu'on va verser en remboursement de taxes scolaires surtout pourraient peut-être servir à de meilleures fins si on prenait le même argent pour rentabiliser davantage l'agriculture. Je pense à ce moment-là à l'égouttement. On est très en arrière au niveau de l'égouttement des sols au Québec et cela prend nombre d'années pour arriver à quelque chose et, en plus, si on calculait le nombre d'acres perdues en récolte au Québec, c'est fantastique quand même ce qu'on perd chaque année à cause du mauvais égouttement. Alors, il n'y a rien qui enlève, le plus de motivation au producteur que quand il arrive pour récolter et qu'il a une demi-récolte et en plus qu'il ne peut pas entrer dans le champ. Si on veut faire bénéficier le vrai producteur agricole, celui qui vit de la ferme, ce n'est pas là qu'on devrait mettre nos dollars. Il y a d'autres places pour les mettre, comme la recherche au niveau des nouvelles variétés, parce qu'on est en arrière au niveau de la productivité à l'acre. Si je ne me trompe pas, le Québec se situe le dernier dans le monde industriellement développé au niveau de la productivité à l'acre. Alors, il y a beaucoup d'endroits où notre argent devrait être mis en agriculture. Quant à moi, en tout cas, je ne considère pas comme prioritaires les 70% de taxes scolaires. J'aimerais savoir pourquoi vous avez apporté cette proposition. Il y a bien d'autres places pour mettre l'argent.

M. Couture (Paul): D'abord, quant à la productivité, qu'on soit les derniers agriculteurs, les moins productifs, je mets cela en doute. Mais ce n'est pas votre question. C'est la question des 70%. La question des 70% relève d'une vieille défense des agriculteurs qui dit: Pourquoi, dans le cas de l'agriculteur, sa terre qui est son outil de travail, est taxée. Je pense que c'est cela le raisonnement. Ce qui était demandé à ce moment-là, c'est qu'on taxe sa maison, mais qu'on ne taxe pas sa terre. Mais la formalité qui s'est trouvée la plus plausible, j'en ai discuté longuement avec M.

Goldbloom lorsqu'il était ministre des Affaires municipales, parce que c'est la question du remboursement des 40%, qu'on demandait, à ce moment-là, seulement sur la terre. Mais la difficulté d'appliquer cela a amené une remise de taxe qui était de l'ordre de 40%, parce qu'on disait que cela se rapprochait de la demande de l'UPA. Les 70%, je pense que cela peut créer une certaine équité, parce que les 30% peuvent représenter a peu près l'évaluation, la taxation sur la maison et cela ne taxe pas un bien de production qui est la terre agricole et tout son équipement.

M. Dubois: Quand j'ai dit que le Québec se situait le dernier, le Canada se situe présentement le deuxième pays industriellement développé, selon les dernières statistiques. Le Québec est le dernier, ou à peu près, au Canada. Alors, on est près... Si on n'est pas le dernier, on est à 1 1/2, si ce n'est pas 1. Alors...

M. Couture (Paul): Là-dessus, on pourrait reprendre une autre discussion, je pense.

M. Dubois: Je pense qu'il y a du chemin à faire là. En plus, au niveau de la reconnaissance du producteur agricole, les $1000, est-ce que vous êtes prêt à faire des suggestions pour amender ce statut? Parce que vous savez pertinemment qu'il y a environ 9000 à 10 000 producteurs qui ont peut-être un revenu de $1000 ou à peu près, qui vont recevoir 70% de remboursement de taxes scolaires et municipales. Ne croyez-vous pas qu'il y aurait lieu d'avoir un changement immédiatement, afin de ne pas faire bénéficier des producteurs de fin de semaine ou des "gentlemen farmers", de ces 70% de remboursement? Est-ce que vous avez un commentaire là-dessus?

M. Couture (Paul): D'abord, la formule, la remise de 40% présentement, ne s'applique pas à tout agriculteur qui a produit pour $1000. Cela s'applique selon certaines normes d'occupation de l'agriculteur. Cela ne s'applique pas automatiquement au gars qui fait $1000, la formule actuelle.

M. Dubois: Je connais des avocats, des notaires qui reçoivent 40% présentement, ils demeurent à Montréal et ils vont chercher...

M. Couture (Paul): Ce sont des classes de gens qui peuvent passer à travers bien des choses.

M. Dubois: ... dix tonnes ou vingt tonnes de foin, ils ont une facture de $1000 et ça y est.

M. Couture (Paul): La question des $1000 n'est pas automatique. Mais cette question, on en discute tous les ans, c'est étudié, c'est une formule que les agriculteurs mettent en cause, la définition de producteur agricole, c'est ce qui existe dans la loi présentement. Mais les agriculteurs, à tous les congrès, tous les ans, étudient cette hypothèse. L'application des politiques agricoles n'est pas automatique pour le gars qui a $1000 de revenus.

M. Dubois: Je comprends que ça peut contribuer à la vente de cartes de membres aux producteurs agricoles, parce qu'il y en a 9000 à 10 000 qui en achètent présentement, ou à peu près, ce sont les chiffres que j'ai eus. Remarquez bien qu'ils ne sont pas officiels et je ne les confirme pas comme officiels. Mais on prétend qu'il y a 9000 à 10 000 personnes qui, avec leur carte de membre de l'UPA, qui coûte S50, bénéficient d'un abattement de taxes scolaires et municipales.

Je me demande... Vous avez un congrès cette semaine, est-ce qu'il va en être question, du statut de producteur?

M. Mailloux (Marcel): Comme à l'UPA, on vise à améliorer le revenu du producteur, une des politiques mises de l'avant, le zonage agricole en fait partie comme tel. Deuxièmement, la politique de l'union, on va revendiquer pour obtenir un meilleur revenu pour le producteur. Etant donné que vous jugez qu'il y en a 8000 ou 9000, on estime de plus en plus qu'il y en a de moins en moins, en ayant des politiques pour améliorer le revenu du producteur. C'est un objectif à atteindre pour le bien-être de la collectivité, le bien-être de la classe agricole au Québec. C'est dans ce sens que l'Union des producteurs agricoles travaille.

M. Dubois: Nous avons discuté de régie temporaire avec l'Union des municipalités. Trouvez-vous que cela aurait été une solution, depuis le début, lors de la présentation du projet de loi 90, une mesure législative qui aurait préconisé une régie provisoire pour s'occuper des cas urgents? Dans les 614 municipalités, c'est sûr qu'il va y avoir des cas urgents. C'est sûr que quand on parle de droits acquis, ça n'existe pas dans 614 municipalités, il y en a peut-être seulement 150 ou 175 qui ont un parc industriel et un service d'égouts ou d'aqueduc.

Dans ces cas-là, je comprends qu'il y a des droits acquis. Mais dans une municipalité où il n'y a aucun service, cela veut dire qu'il n'y a aucune zone réservée pour d'autres fins que l'agriculture. A ce moment-là, il y a des investissements qui devraient se faire et vous savez qu'on a un grand nombre de travailleurs de la construction qui ne trouvent pas d'emploi durant l'hiver et je pense que, jusqu'à un certain point, on participe à ralentir l'économie. Il me semble que l'UPA pourrait peut-être réagir dans ce sens. Je sais que le ministre réagit bien aux demandes de l'UPA.

Je me demande si vous ne pourriez pas pousser le ministre à avoir une régie temporaire.

M. Couture (Paul): La question de la régie temporaire n'a pas été étudiée, mais je pense qu'on est à étudier une loi de zonage. Je pense que le plus réaliste, c'est d'essayer de l'adopter et, ensuite, de s'équiper, parce que si on revient à une régie temporaire, on remet tout en cause, on reprend toutes les études qui ont été faites; je pense que c'est ce qui serait le plus long aujourd'hui.

M. Dubois: Cela ne touche pas les études du projet de loi 90. C'est bien en dehors du projet de loi 90. Cela aurait pu être présenté en même temps et dans une journée, on adopte ça à l'Assemblée nationale et il y aurait eu une commission provisoire qui aurait pu prendre charge des cas urgents. C'est dans ce sens-là que je pose la question.

M. Couture (Paul): On n'a pas étudié cette approche...

M. Dubois: D'accord.

M. Couture (Paul): ... et spontanément...

M. Gaudet (Pierre): II faudrait peut-être préciser là-dessus que nous autres, cela nous apparaissait facile d'avoir une loi du zonage, parce qu'à venir jusqu'à maintenant, tous les gouvernements ont dit qu'ils étaient d'accord avec une loi du zonage. On a dit: Cela va passer comme du beurre dans la poêle et cela va s'appliquer tout de suite. (22 heures)

M. Dubois: II faut quand même sortir les vices de la loi, ne pensez-vous pas?

M. Gaudet: Je suis bien d'accord.

M. Dubois: Si vous allez à l'article 96, c'est un vice de la loi. On est d'accord là-dessus, on a critiqué ouvertement cet article. Il laisse la porte au gouvernement pour imposer à la commission à peu près n'importe quoi.

Ensuite, quand on touche la construction domiciliaire sur le territoire agricole, j'ai des cas particuliers qui m'ont été soulignés en fin de semaine et cela n'a pas été éclairci. On en a parlé un peu tout à l'heure.

Par exemple, si le fermier, à 60 ans, décide de demeurer dans sa maison, garder son petit lopin de terre, vendre la terre à son fils, le fils doit se construire une maison. D'accord? Il peut s'en construire une sur sa ferme également. Il va y avoir deux maisons sur la ferme. Dix ans après, le père décide d'aller vivre dans un centre d'accueil. Il a un fils. L'autre maison fait partie intégrante de l'exploitation. D'après le texte de la loi, le fils ne peut pas se retourner et vendre cette maison à n'importe qui. Je parle de la maison de son père. Il est obligé de l'acheter, cela fait partie intégrante de la ferme et il n'a pas le droit de la vendre à n'importe qui. Qu'est-ce qui arrive dans ce cas-là? Est-ce que vous avez étudié cette approche?

M. Couture (Paul): Cela fait partie de tous les inconvénients de la loi, mais, présentement, le père, comme vous le dites, peut séparer sa maison.

M. Dubois: D'accord, je le concède.

M. Couture (Paul): La maison qui est construite.

M. Dubois: Oui.

M. Couture (Paul): Mais, par la suite, il peut en disposer, s'il l'a sortie de sa ferme.

M. Dubois: On dit que toutes les constructions sur la ferme font partie intégrante de l'exploitation.

M. Couture (Paul): Mais il n'est plus sur la ferme le matin qu'il l'a lotie, qu'il l'a sortie de sa ferme, qu'il l'a cadastrée.

M. Dubois: Ce n'est pas clair dans la loi.

M. Lavoie: Est-ce que le ministre est d'accord pour dire qu'on peut...

M. Garon: Quoi?

M. Lavoie: Que le cas exposé par le député de Huntingdon est véridique?

M. Garon: Si le cultivateur a le droit de sortir sa maison? Le père?

M. Dubois: Le père a-t-il le droit de sortir la maison de l'exploitation de la ferme?

M. Garon: Oui, et si on combine l'article 101 et l'article 1, paragraphe 1, qui est la définition de l'agriculture, l'agriculture ne comprend pas les résidences, alors qu'à l'article 101, on dit: "Une personne peut, sans l'autorisation de la commission, aliéner, lotir et utiliser à une fin autre que l'agriculture un lot situé dans une région agricole désignée, une aire retenue pour fins de contrôle ou une zone agricole, dans la mesure où ce lot était utilisé ou faisait déjà l'objet d'un permis d'utilisation à une fin autre que l'agriculture lorsque les dispositions de la présente loi visant à exiger une autorisation de la commission ont été rendues applicables sur ce lot. "

Ce lot était donc utilisé à une fin autre que l'agriculture, puisque la résidence d'un demi-hectare autour de la résidence, est distrayable, peut être distraite du lot principal. A ce moment-là, l'agriculteur est dans la même position qu'un individu qui a une terre qui est en friche. Celui-ci va pouvoir garder pour des fins non agricoles sa maison et un demi-hectare. Le reste tombe agricole.

Le même droit est à l'agriculteur. Il n'est pas différent de celui-là. La seule chose que cela pourrait amener, c'est que celui qui n'est pas agriculteur ne pourrait pas bâtir une autre maison, mais l'agriculteur dont l'occupation principale est l'agriculture, lui, va le pouvoir.

M. Lavoie: II faudrait clarifier, je crois, parce que l'article 29 également défend les démembrements. Il faudrait clarifier. Si c'est l'intention du ministre, ce sera facile de clarifier article par article.

M. Garon: Voyons donc, on l'a rédigé comme cela, justement pour le permettre.

M. Dubois: Dans votre suggestion, au numéro 19...

M. Garon: On avait de bons avocats.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Huntingdon, si vous voulez poursuivre.

M. Picotte: Vous étiez leur professeur? J'espère que non.

M. Dubois: A la page 8, au numéro 19, on dit: "Qu'aucune partie du territoire ne puisse être vendue à des non-résidents du Québec." Je me pose une question sur Québec. Que je sache, nous sommes encore au Canada. C'est encore un pays.

M. Charbonneau: II voit des séparatistes partout.

M. Dubois: Un instant! Cela va bien plus loin que cela.

M. Baril: Tout à coup la reine Elizabeth s'en vient ici.

M. Dubois: L'Ontarien qui vit à un quart de mille des limites du Québec, le gars du Nouveau-Brunswick qui vit à un quart de mille des limites du Québec, n'auraient pas le droit d'acheter une terre et de résider en Ontario ou de résider au Nouveau-Brunswick. C'est à peu près cela. Je pense que c'est très coercitif. Je ne sais pas si vous allez dans le sens du gouvernement séparatiste, mais là, je pense que c'est pousser, c'est charrier. Je le pense réellement.

M. Couture (Paul): Mais la question, je pense...

M. Dubois: Oui, écoutez...

M. Couture (Paul): Un type de la Colombie — si on peut donner des exemples et aller aux excès — qui aurait acheté une terre ici et qui réside en Colombie ne cultive pas sa terre. On dit que c'est pour celui qui va acheter une terre pour la cultiver.

M. Dubois: Un non-résident, cela veut dire celui qui ne réside pas au Québec, n'est-ce pas? Le Québec, ce n'est pas une île. On touche à d'autres frontières d'autres provinces. C'est dans ce sens que je pose ma question. Le type qui demeure en Ontario, près des frontières du Québec, ne pourrait pas acheter une terre au Québec, l'exploiter et résider en Ontario, comme c'est là. Comme c'est proposé, c'est cela.

M. Mailloux (Marcel): Mais les lois de lotissement, les lois de cadastre et tout cela, c'est de nature provinciale. C'est relié aux politiques provinciales comme telles. C'est dans ce sens-là que la protection des terres est assujettie à notre juridiction provinciale.

M. Dubois: Qu'aucune partie du territoire ne puisse être vendue à des non-résidents du Québec; c'est bien cela, n'est-ce pas?

M. Gaudet: D'autre part, M. le Président, il y a une autre question dans cette argumentation qui est la suivante: C'est qu'en fonction de nos organismes de mise en marché, avec lesquels on brasse des affaires, on a eu du "fun" avec les gens qui étaient aux frontières...

M. Dubois: Vous en avez des gars de l'Ontario qui...

M. Gaudet: On a eu passablement de "fun" avec les gars qui essayaient de jouer sur les doubles frontières. C'est pour cela que, dans le paragraphe 19, quand on parle de non-résidents du Québec, on pense aussi à nos formules de commercialisation et on veut s'assurer que, quand on va participer à des formules au Québec, un gars ne pourra pas être à cheval sur la clôture.

M. Dubois: Je pense bien que le Québécois qui réside aux frontières Québec-Ontario va avoir encore le privilège d'aller acheter une ferme en Ontario, de recevoir les services du gouvernement de l'Ontario, du ministère de l'Agriculture là-bas, et je pense qu'il sera le bienvenu de l'acheter. Là, on empêche les autres provinces ou les résidents des autres provinces, aux frontières, à venir acheter ici. En tout cas, remarquez bien que je vais combattre cet élément jusqu'au bout. C'est votre privilège de le présenter comme cela.

M. Baril: ... défendre les Québécois. M. Dubois: Tu charries royalement. M. Baril: Non, mais c'est cela.

M. Dubois: Tu ne comprends même pas le texte de loi, comme c'est là.

Une Voix: II faudrait quand même que ce soit constitutionnel.

Le Président (M. Boucher): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Dubois: A présent, je vais aller à un autre domaine, moins litigieux peut-être. J'ai suggéré, en deuxième lecture, que l'environnement agricole soit séparé de l'environnement comme tel. La dépollution du Saint-Laurent, c'est une chose, mais l'environnement agricole, quand il s'agit de donner des permis d'exploitation aux porcheries, enfin, à l'exploitation animale, je pense que c'est un autre domaine plus particulier. Est-ce que vous seriez d'accord qu'il y ait une division de l'environnement dont un secteur touche spécialement l'agriculture? Comme c'est là, il n'y a pas d'entente. Enfin, on ne s'entend pas trop bien entre les deux ministres. Entre le ministre délégué à l'environnement et celui de l'Agriculture, il y a des frictions. Pour éliminer cela et rendre un meilleur service à l'agriculteur, ne croyez-vous pas qu'il y aurait peut-être lieu qu'il y ait deux services distincts?

M. Couture (Paul): On a une mentalité au niveau de l'environnement. On sait qu'il y a des problèmes avec le ministère de l'environnement. On a dit: On est d'accord avec des règlements. On sait que, par le développement des élevages et le reste, tu ne peux plus produire sans règlement, mais on dit que ces règlements doivent être applicables et tiennent compte de la réalité. Vous demandez s'il serait possible qu'il y ait deux règlements de l'environnement, etc.; on n'a pas d'objection à cela, si cela se réalise mieux, mais ce qu'on a dit, et c'est là l'essentiel, c'est qu'on n'est pas contre des règlements concernant l'environnement, mais on est contre qu'ils mettent en cause toute l'économie de l'agriculture. On veut que cela s'applique normalement, qu'on permette aux agriculteurs de s'ajuster à cela et que cela ne demande pas des investissements qui soient hors de leur portée.

M. Dubois: Si j'amène cela, c'est parce qu'on constate souvent qu'il y a un ralentissement dans l'investissement agricole ou l'aménagement, enfin, vers une nouvelle...

M. Garon: M. le Président, M. le député de Huntingdon, je peux donner une clarification ici. Si vous regardez l'article 111, il dit exactement ce que vous dites actuellement: "Aucune disposition d'un règlement susceptible d'affecter les immeubles compris dans une aire retenue pour fins de contrôle ou dans une zone agricole établie suivant la Loi sur la protection du territoire agricole... ne s'applique à cette aire ou à cette zone à moins que le règlement ne l'indique expressément.

Cela veut dire que, dans un règlement de l'environnement, pour affecter un territoire zoné agricole, il devrait être inscrit spécifiquement que ce règlement s'applique au territoire zoné agricole, ce qui veut dire, au fond, que l'environnement devra avoir des règlements spécifiques à l'agriculture et d'autres qui ne seront pas spécifiques à l'agriculture, avec l'article 111 qui ajoute l'article 124a dans la Loi de l'environnement.

M. Dubois: L'article 111 n'apporte pas nécessairement un service plus rapide envers les producteurs agricoles.

M. Garon: Non, je ne parle pas des permis.

M. Dubois: C'est cela le problème présentement.

M. Garon: II y a un règlement d'environnement particulier à la zone agricole.

M. Charbonneau: Ce n'est pas une loi-parapluie pour régler tous les problèmes.

M. Garon: Evidemment, on ne peut régler notre système administratif par une loi.

M. Baril: Ce n'est pas une encyclopédie.

M. Dubois: J'achève, M. le Président. A l'article 25, on parle de plans conjoints. J'aimerais savoir si ces plans conjoints que vous désirez voir mis en place, c'est avec référendum ou sans référendum, et si vous comptez tenir compte du volume de production au moment du vote au référendum sur les plans conjoints.

M. Couture (Paul): Là-dessus, il y a un raisonnement assez simple. On veut demander des amendements d'abord à la loi de mise en marché pour permettre des référendums avec des normes normales, comme on a des exigences pour n'importe quelle autre industrie, n'importe quel autre cinquante plus un; je pense que c'est normal. Pour la question à savoir si le vote va être relié au nombre de cochons, notre raisonnement, c'est que ce sont les individus qui votent, pas les cochons.

Le Président (M. Boucher): S'il vous plaît!

M. Dubois: Vous êtes peut-être applaudi sur votre raisonnement.

Le Président (M. Boucher): S'il vous plaît! Je ferai remarquer à l'assistance qu'en aucun cas, on doit manifester. Merci.

M. Dubois: Voter à un référendum pour l'avenir du Québec, c'est une chose, mais voter à un référendum économique, parce qu'un plan conjoint, il faut quand même penser que c'est un référendum économique seulement. Un instant!

M. Charbonneau: Question de règlement! M. Dubois: II n'y a pas de règlement.

M. Charbonneau: Question de règlement. Je voudrais simplement demander à la présidence de faire appliquer le règlement qui veut que les droits de parole soient limités à vingt minutes. Je pense qu'il y a d'autres députés qui voudraient poser des questions sur le projet de loi.

Le Président (M. Boucher): M. le député...

M. Dubois: Dans l'ensemble, je n'ai pas eu vingt minutes encore.

M. Charbonneau: Vous avez eu vingt minutes de parole, vous en avez eu au-delà de vingt minutes.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Verchères, je crois que de ce côté, si on avait appliqué le règlement, je pense qu'on aurait passé notre temps dans le règlement.

M. Picotte: On serait rendu au onzième mémoire.

M. Charbonneau: Pardon?

M. Picotte: On serait rendu au onzième mémoire, si on avait appliqué le règlement depuis le début, ce qu'on n'a pas fait.

M. Charbonneau: Ce qu'on lui demande, c'est de s'en tenir à la pertinence du débat, par exemple. On a le droit de faire cela?

Le Président (M. Boucher): S'il vous plaît!

M. Picotte: C'est au président à le rappeler à l'ordre, ce n'est pas au député de Verchères.

Le Président (M. Boucher): A l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Maskinongé, s'il vous plaît!

M. Picotte: C'est à vous à le rappeler à l'ordre, ce n'est pas au député de Verchères.

Le Président (M. Boucher): D'accord. M. le député de Huntingdon, vous avez la parole. Maintenant, je vous demanderais de tenir compte qu'il y a d'autres organismes qui attendent aussi pour être entendus. Merci.

M. Dubois: Je disais qu'un référendum sur l'avenir constitutionnel, c'est une chose. Un référendum économique, c'est une autre chose. Un référendum sur une production agricole, c'est bien plus économique que politique. Il est question de l'avenir économique agricole du Québec quand on vote à un référendum. C'est là qu'entre en ligne de compte la production. Si vous arriviez demain matin à un vote, vous vous diriez, c'est General Motors contre une usine de dix automobiles par années, je pense qu'il y aurait un déséquilibre. C'est à peu près à la même chose que vous en venez. Vous dites: Un cochon, 5000 cochons, 50 000 cochons. C'est cela que vous voulez dire? Si c'est comme cela que vous fonctionnez, d'accord.

M. Couture (Paul): On peut le ramener à une autre production qui est peut-être plus simple. Les producteurs d'abord qui administrent les plans conjoints sont élus par les producteurs — je pense que c'est un cas — comme hommes. Les agriculteurs qui sont élus, ce n'est pas vrai que ce sont de petits producteurs. Ce sont des producteurs qui sont efficaces, qui représentent un volume de production. Le gars qui administre le plan conjoint, qu'il ait un volume de 100 000 livres ou de 50 000 livres, cela ne veut pas dire qu'il est plus efficace et qu'il est meilleur comme administrateur. Donc, il y a une relation comme dans n'importe quelle autre représentation. La valeur financière du gars ne veut pas toujours dire sa valeur morale ou sa valeur...

M. Dubois: Pas valeur financière, ni valeur morale, mais capacité de production, c'est quelque chose quand même à évaluer, je pense. Quand il arrive avec un plan conjoint où il y a 60% des producteurs qui disent oui, mais qui représentent peut-être 10%, 15% ou 20% de la production globale, ce n'est pas tout à fait représentatif au niveau économique. Je le prends dans ce sens. Si...

M. Couture (Paul): Oui, c'est assez difficile. On parle beaucoup... Vous faites allusion, si je comprends bien, au phénomène d'intégration, si vous voulez...

M. Dubois: Les coopératives sont les plus grands intégrateurs, alors pourquoi parle-t-on d'intégration ici? (22 h 15)

M. Couture (Paul): Est-ce qu'on va laisser administrer toute la production par un gars — pas par lui-même — parce qu'il représente une compagnie et qu'il va contrôler, mettons, le tiers ou la moitié de la production. Quelle justification a-t-il de mener à lui seul toute la mise en marché de la production, parce que ce qu'on veut par un plan conjoint, c est un équilibre de forces pour les producteurs qui sont des unités, des entités, pour essayer de leur redonner une force pour faire face à des entités qui sont regroupées comme acheteurs.

M. Dubois: C'est un sujet sur lequel on pourrait s'étirer pendant bien des semaines, je pense, alors je vais l'abandonner immédiatement parce qu'il y a d'autres intervenants ici.

Je peux quand même percevoir que vous donnez un oui à peu près systématique au projet de loi 90. Je me demande jusqu'à quel point ce oui, presque systématique, ne serait pas motivé par le dépôt du projet de loi no 116.

M. Couture (Paul): II n'y a aucune relation avec le projet de loi 116.

M. Dubois: Non, mais il y a eu un dépôt de projet de loi et vous connaissez le projet de loi 116.

M. Couture (Paul): Oui, mais pour nous il n'y a aucune relation. Une loi de zonage, chez nous, c'est une loi de zonage, cela fait longtemps quelle a été demandée.

M. Dubois: Oui, je comprends très bien, mais je parle du oui systématique ou à peu près, parce qu'on peut quand même s'apercevoir que la plupart des mémoires revendiquaient plus de droits aux municipalités, le fait qu'il n'y ait pas de plan d'aménagement global du territoire et je pense que ce sont des choses qui sont assez raisonnables. Le fait que vous acceptiez à peu près intégralement le projet de loi, quand vous êtes au courant que le projet de loi no 116 est déposé — qui est d'ailleurs très plaisant pour l'UPA et pour les fédérations de producteurs — je me demande s'il n'y a pas un lien entre les deux; c'était plutôt une question que je me posais. C'est tout, M. le Président.

M. Gaudet: M. le Président, si vous le permettez, il faudrait peut-être préciser que les positions de l'union, en ce qui a trait au zonage, ne sont pas nouvelles; ce n'est pas d'aujourd'hui. Par exemple, on pourrait regarder le mémoire qui est en annexe, mémoire qu'on a présenté au cours du mois de septembre, en annexe du présent mémoire. Les positions de l'UPA sont telles que présentées depuis quatre ans. Or, je ne sais pas s'il y a quatre ans, il y a eu dépôt du projet de loi 116.

M. Dubois: Merci, messieurs de I'UPA.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le député de Huntingdon. M. le député d'Iberville.

M. Beauséjour: J'aimerais d'abord vous féliciter parce qu'après la deuxième lecture, on a adopté le principe, ce qui veut dire qu'on ne peut pas revenir et changer, dans la loi, ce qui est de principe.

Ce que je remarque dans votre mémoire, c est que vous avez beaucoup d'aspects qui étudient différents articles et aussi qui apportent des idées.

Pour poser ma première question, je partirais d'une constatation de quelqu'un qui a dit récemment: C est de savoir si le ministre de l'Agriculture, le gouvernement péquiste et l'UPA ont vraiment travaillé sur le projet de loi dans l'intérêt propre du cultivateur ou si ce n'est tout simplement pas dans leur intérêt personnel? Il s'adressait à Mme le Président — je reviendrai tout à l'heure sur l'UPA, car j'en ai long à dire — le député de Shefford.

Je sais que vous êtes en congrès, je suppose que vous êtes élus démocratiquement, alors ce que je voudrais savoir d'abord c'est combien de producteurs agricoles vous représentez?

M. Couture (Paul): 48 000 agriculteurs qui sont membres.

M. Beauséjour: Merci. Permettez que je vous cite autre chose en vue d'une deuxième question? C'est au sujet de la commission; le député de Shefford disait, au sujet de l'UPA: "Si ça reste comme c'est là, c'est la course, c'est le concours de popularité, le concours de belles langues et le concours de tout ce que vous voudrez, même Miss UPA, pour essayer d'avoir l'un des quatre postes qui vont faire l'objet des nominations "patroneuses du gouvernement d'en face. " Si je prends la page 4 de votre mémoire, vous indiquez que vous voudriez que la majorité des membres soit choisie à partir d'une liste présentée par votre organisme. Est-ce que vous voyez, dans les autres membres, soit des représentants municipaux ou autres?

M. Couture (Paul): Pour notre part, ce qu'on demande, c'est que la majorité soit formée de représentants de l'UPA et comme on ne voulait pas d'interférence politique, on dit: A même une liste qui est fournie. Je pense que c'est assez clair.

Pour ce qui est de l'insinuation qu'il y aurait une course pour des fonctions ou chose du genre, c'est assez simple d'y répondre. Je pense qu'il y a une réponse du congrès.

Ce matin, on avait 300 délégués en congrès. Ils ont adopté une résolution unanime appuyant les délégués, les représentants de l'UPA ici, et appuyant leur mémoire. Donc, les représentants peuvent bien être un peu... on peut les juger comme on veut, mais on ne peut pas juger toute la classe agricole de travers. Ces gars représentent leur milieu et ils sont aussi conscients que n'importe qui et aussi responsables que n'importe qui, c'est leur représentation et c'est leur point de vue.

Pour ceux qui craignent que, si on a défendu le projet de loi, c'est pour avoir des jobs, je me refuse à tout qualificatif parce que, spontanément, on peut dire des choses qui ne sont peut-être pas acceptées dans cette assemblée. Mais les dirigeants de l'UPA ont quand même été élus par les agriculteurs, ils sont en poste, ils jouent leur rôle honnêtement et le temps qu'ils seront là, ils joueront leur rôle honnêtement.

M. Beauséjour: Je vous remercie. Je suppose que ceux qui en ont long à dire s'ouvriront la trappe à un certain moment.

M. Verreault: Voulez-vous m'agacer?

M. Beauséjour: A la page 5, je trouve qu'il y a un aspect très intéressant que vous signalez, et j'aimerais vous en faire part. Pour ce qui est des interventions devant la commission et surtout aussi au niveau des municipalités, vous suggérez, dans votre mémoire qu'elle soit tenue d'aviser le public à cet effet et d'entendre les intéressés plutôt que de dire qu'elle peut les entendre, mais qu'elle soit obligée de les entendre. C'est un aspect que je trouve très positif.

A la page 11, sur l'article 23, vous dites "que les lois fiscales s'appliquant aux exploitations agricoles, en particulier les taxes foncières et les droits successoraux, soient réexaminés et réaménagés afin de les rendre compatibles avec les objectifs poursuivis par la politique de développement de l'agriculture et la Loi sur la protection du territoire agricole.

Pourriez-vous me préciser un peu ce que vous entendez par cet article?

M. Couture (Paul): D'abord, là-dessus, on a des représentations à faire au ministre des Finances en temps et lieu, mais la question des droits successoraux, des problèmes de passation de la propriété ou de la ferme qui impliquent aujourd'hui des montants considérables, cela crée des problèmes de transmission aux enfants, et comme il y a une possibilité de don pour une valeur maximale de $75 000 pour l'ensemble des enfants, si je donne ma ferme à un de mes fils, et que je le fais bénéficier de l'avantage de $75 000 parce que, souvent, c'est plus difficile de vendre à son fils que de vendre à un étranger, car on est plus surveillé par la loi, je pense que cela crée des problèmes et je lèse mes autres enfants. Si j'ai sept enfants, j'ai alors donné la plus grosse partie de mon avoir à un de mes fils et je ne suis pas capable d'en donner à d'autres.

M. Beauséjour: Merci, monsieur.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le député d'Iberville. M. le député de Rimouski.

M. Marcoux: Merci. Les premières questions que je voulais soulever ont été abordées par le député d'Iberville. Je vais aborder d'autres questions. D'abord, un premier commentaire. Je vous remercie d'appuyer à nouveau l'idée que le zonage soit étendu le plus tôt possible, d'ici un délai de six mois, à l'ensemble des régions du Québec. Je pense que cet appui que vous donnez va aider à ce que ceci se réalise le plus tôt possible.

Ma première question concerne ce que je pense être une contradiction dans votre mémoire entre l'opinion que vous donnez concernant l'article 96, les articles 18 et 44 et la façon dont vous regardez l'avis de la commission par rapport aux organismes gouvernementaux qui voudraient se soustraire du territoire agricole.

D'une part, je voudrais traiter les trois ensemble pour vous permettre de vraiment clarifier votre idée sur ce sujet. D'abord, vous demandez l'abolition de l'article 96, qui permet, en somme, au gouvernement de changer ou de soustraire à la commission une matière qui est sous décision ou à être décidée.

D'autre part, parce que vous craignez jusqu'à un certain point l'intervention gouvernementale dans certaines décisions, vous demandez de modifier l'article 18 et l'article 44 pour qu'on puisse en appeler de la décision, mais au lieutenant-gouverneur, donc au gouvernement. D'une part, vous voulez soustraire au gouvernement une possibilité de décision ou peut-être d'appel et, d'autre part, vous dites: On voudrait qu'il y ait une instance subséquente qui serait le gouvernement comme tel. Et une troisième contradiction apparente, en tout cas, vous dites: En ce qui concerne les organismes gouvernementaux, on ne veut pas que la commission donne seulement son avis, on veut qu'elle soit décisionnelle. Là, il n'y aurait plus de possibilité d'appel. Si, pour les organismes gouvernementaux, c'est la commission qui a la décision finale, il n'y a plus d'appel, même le gouvernement ne peut plus en appeler de la décision de la commission. Alors, comment concilier ces trois choses-là? J'ai l'impression qu'il y a au moins une contradiction qui peut disparaître, mais...

M. Couture (Paul): Je pense que c'est assez simple. La première, c'est que le lieutenant-gouverneur en conseil peut soustraire de lui-même, sans passer par la commission, quand il dit: Peut soustraire...

M. Marcoux: C'est l'article 96. Vous proposez qu'il soit biffé.

M. Couture (Paul): Oui. Parce que là, il peut le soustraire. Mais dans l'autre, si la commission ou les individus se sentent lésés, ils ont une demande qui est faite au lieutenant-gouverneur en conseil et

c'est différent. C'est parce que le lieutenant-gouverneur en conseil, dans le premier cas, à l'article 96, peut le soustraire, mais, dans l'autre cas, il peut se prononcer, parce qu'il y a une demande soit de la commission, soit des intéressés. Est-ce que vous comprenez la différence?

M. Marcoux: Disons que je m'attendais un peu à cette réponse pour les deux premiers aspects, mais le troisième, je le concilie mal avec les deux premiers.

M. Dumais (Mario): Celui sur les articles 66 et...

M. Marcoux: Celui qui interdit au gouvernement d'en appeler de la décision de la commission concernant les organismes gouvernementaux.

M. Dumais: Là-dessus, si vous lisez très attentivement ce qu'on écrit, on maintient notre demande. C'est évident que c'est un peu difficile de dire au gouvernement: Tu vas toi-même passer par là et tu n'auras pas de droit d'appel. On n'insiste pas nécessairement dans la représentation qu'on fait pour dire: On tient mordicus à ce que ce soit, plutôt qu'un avis, une décision ferme de la commission là-dessus; de la manière que c'est régidé, cela le dit bien clairement. Mais je voudrais juste souligner, pour revenir aux deux autres, qu'il y a une différence fondamentale entre le 96 et le droit d'appel. Lorsqu'on va en appel, la commission s'est d'abord prononcée tandis que, par le 96, ce qui nous apparaît un peu exorbitant, c'est que la commission ne se prononce pas dans un premier temps et c'est par un simple avis écrit. Beaucoup de gens pourraient dire: De toute manière, le gouvernement peut tout faire. Il peut changer la loi. Il peut défaire ce qu'il y a dans la loi de zonage, un éventuel gouvernement, celui-là ou un autre. C'est vrai, mais défaire par un processus législatif, c'est plus compliqué. Cela implique des débats à l'Assemblée, dans l'opinion publique, tandis que soustraire par un simple avis écrit, la commission ne se prononçant pas sur la question, on trouve cela vraiment trop fort et on demande que ce soit biffé. On ne trouve pas cela contradictoire avec la demande d'avis au lieutenant-gouverneur en conseil, parce que la commission se prononce dans un premier temps.

M. Marcoux: Pour les deux premiers aspects, et vous avez nuancé le troisième, disons que cela répond très bien à mes questions. En ce qui concerne la banque de terres, il y a une petite précision que j'aimerais avoir. Vous avez regardé le projet de loi 99. Vous faites une distinction entre autorisation et obligation. Je voudrais que vous précisiez un peu cela.

M. Gaudet: La question est bien simple. L'inquiétude qu'on avait, ce qu'on a cru comprendre dans la loi 99, c'est que le gouvernement pouvait créer, pouvait acheter des terres. Le problème qui se posait, c'est que, pour nous, il ne faut pas seulement qu'il puisse, il faut, dans certains cas, qu'il doive les acheter. On prend l'exemple d'un gars qui a 82 ans et qui est dans une zone délimitée. Pour une raison ou pour une autre, il n'aurait pas d'autre acheteur autour. Plutôt que de laisser cette terre aller en friche, que le gouvernement l'achète. Il y aura un autre producteur qui va la louer ou un autre jeune qui pourra s'y installer à cause des possibilités que pourrait lui offrir l'Etat.

M. Couture (Paul): J'aimerais mettre une nuance sur une intervention que vous avez faite au début, quand vous avez dit que vous nous remerciiez d'appuyer le gouvernement.

M. Marcoux: Je vous remercie d'appuyer l'idée d'étendre l'application de la zone désignée à l'ensemble du territoire.

M. Couture (Paul): Parce que nous, l'appui, ce n'est pas l'appui au gouvernement, c'est l'appui à la loi. (22 h 30)

M. Marcoux: Non, d'appuyer l'idée d'étendre le territoire zone à l'ensemble des régions.

M. Couture (Paul): Je trouvais ça important.

M. Marcoux: Je n'essaierai pas de tirer la couverture. Je vous remercie pour cet aspect. Vous parlez d'amélioration des programmes pour rentabiliser l'agriculture, étendre les programmes de stabilisation à de nouvelles productions. Rapidement, en 30 secondes, quelles sont les nouvelles productions auxquelles vous songez, qui seraient prioritaires?

M. Couture (Paul): II y a des productions qu'on commence à développer, on va donner un exemple, le boeuf, les productions de céréales, il y a d'autres productions maraîchères pour lesquelles on dépend de l'extérieur. On a un ensemble de productions qu'on peut développer et aussi, créer des conditions. On parle souvent de concurrence, être capable de produire avec les autres, créer des conditions pour le faire. Tantôt, M. Dubois parlait de la recherche, c'est important. On dit que c'est l'optique de développement. Quand les gens disent — on l'entend dire — que l'UPA appuie le gouvernement, l'UPA demande, que ce soit n'importe quel gouvernement, une loi de zonage dans une optique de développement de l'agriculture.

On est loin de rien demander au gouvernement, on va exiger, ça va être un défi et c'est un défi qui n'est pas facile, on sait qu'il va y avoir des choses à monter et ça va aller assez loin, c'est un défi pour les agriculteurs de voir à ce que le gouvernement réalise cet engagement. C'est l'optique de la loi. On n'appuie ni un parti politique ni un gouvernement, on appuie une loi de zonage qu'on demande depuis cinq ans, dans une optique de développement de l'agriculture, qu'on pense importante pour l'économie agricole, pour l'économie en général surtout.

M. Marcoux: Voici un autre point que je voudrais aborder avec vous, une double question, la question des normes régionales et la question de l'application de la loi par des formules décentralisées. Si on prend le niveau de la moyenne, il y a une commission nationale proposée. Hier, dans le discours de deuxième lecture, j'ai suggéré qu'il pourrait y avoir deux façons d'améliorer cet aspect de la loi pour rejoindre les objectifs d'une certaine décentralisation au niveau de la décision. Une première hypothèse que j'ai émise, c'était qu'il y ait des commissions régionales décisionnelles qui pourraient être composées sur le même modèle que celle proposée actuellement, de 3, 5 ou 7 personnes nommées, mais qui permettraient de tenir davantage compte des facteurs régionaux, peut-être aussi pour qu'il n'y ait pas engorgement, qu'on puisse étendre le zonage à l'ensemble du territoire agricole, à l'ensemble du Québec.

Il y a différents autres objectifs que je n'ai pas l'intention de reprendre tous. On pourrait maintenir la commission nationale, mais comme instance d'appel, jusqu'à un certain point ou de ratification. C'est une première hypothèse.

Une deuxième hypothèse que j'ai émise, c'est que la commission nationale, telle qu'elle est proposée actuellement comporte des membres permanents, 4 ou 5, et un certain nombre de membres nommés par région, 2 ou 3, ces membres étant partie aux décisions concernant leur région, ce qui rendrait plus facile le fait de tenir compte de certaines normes régionales ou de certains besoins régionaux.

Quand je parle de ces normes régionales, je veux simplement vous donner un exemple, en une minute. Dans ma région, autour de Matane, Mont-Joli, Rimouski, tout ça, on veut l'application de la loi dans le même esprit qu'à Montréal, Sherbrooke et Trois-Rivières. Dès qu'on s'étend dans les autres paroisses environnantes, les paroisses d'arrière-pays, c'est un peu l'inverse, ce qui manque, c'est du monde dans les rangs, pour justifier les services qui y sont, les services d'électricité, de transport, etc. Les groupes qui sont venus rencontrer le ministre, lors de ses audiences publiques, ont plutôt insisté pour qu'on permette que ces rangs continuent d'accueillir de nouveaux résidents.

Ce qui veut dire, en somme, que dans la région, on veut que la loi s'applique et on dit que les mêmes normes ne pourraient pas s'appliquer dans les zones plus densément peuplées, que dans les paroisses plutôt marginales.

Je reviens à ma question, clairement. Qu'est-ce que vous pensez de l'idée que la commission nationale comporte un certain nombre de membres régionaux ou l'idée de créer les commissions régionales décentralisées?

M. Couture (Paul): Ce qu'on a suggéré, c'était d'abord qu'il y ait un genre de commission avec un rôle consultatif au niveau des régions qui pourrait se faire entendre. On n'a pas été plus loin dans les structures, parce qu'on a fonctionné selon la loi et la représentation de l'agriculteur et la possibilité de participer. Ce qu'on n'a pas voulu, c'est d'essayer de recommander une double structure qui serait permanente. Je ne sais pas quel serait son rôle.

Mais à partir des unités qui sont là, le rôle qui a été dévolu, la responsabilité qu'il y a dans les régions par les municipalités ou les conseils de comté — je ne sais pas quelle sera la structure, à ce niveau-là, qu'on puisse se faire entendre et qu'on puisse être présents, que les agriculteurs du milieu puissent être présents.

M. Mailloux (Marcel): Vous invoquez une argumentation qui peut aussi entrer dans les cadres administratifs. C'est sûr. Pour nous, l'assurance qu'il faut obtenir, c'est que l'esprit de la protection des terres soit assuré. Pour qu'il soit assuré, cela prend la reconnaissance pratique des producteurs agricoles.

La vocation comme telle sera d'autant plus assurée si ce sont des producteurs. Dans l'esprit que vous l'apportez, cela peut être des représentants sur la commission provinciale, au niveau des régions, auxquels on fait allusion dans le projet de loi. Mais l'assurance qu'on veut comme producteurs agricoles, comme union des producteurs, c'est que la protection de cette terre arable, comme telle, soit reconnue.

M. Marcoux: Une dernière question. Je m'étonne que ni aujourd'hui, ni hier, on ait parlé de l'indemnisation. Je ne sais pas ce que cela veut dire. On a oublié ce terme. Vous avez rencontré vos membres aujourd'hui. Il en a peut-être été question. J'aimerais savoir quels sont les arguments clefs qui emportent le fait que ce besoin ou cette demande d'indemnisation, pour vous, ce n'est pas une demande, alors qu'on nous dit que les véritables agriculteurs, la base des agriculteurs, ceux qu'on rencontre dans le champ, eux, ce qu'ils veulent c'est l'indemnisation. Vous autres, la direction, c'est vous autres qui empêchez que ce besoin s'exprime.

M. Couture (Paul): C'est une question qui se pose, que je juge importante. On en a discuté à plusieurs reprises, de cette question d'indemnisation. Que la base veuille l'indemnisation, je pense que l'opinion de l'UPA représente la position de la base. Je ne vous dirai pas qu'il n'y a pas un agriculteur qui est proche du village, qui est proche d'une route, qui dit: Je viendrai à vendre, cela peut me léser. Mais l'ensemble des agriculteurs, et à forte majorité, a dit: S'il y a des montants d'argent à mettre, qu'on les mette dans le développement de l'agriculture, parce qu'elle en a besoin et cela va en prendre, de l'argent, pour développer l'agriculture.

Comme raisonnement, admettons que j'aie une terre le long d'une route. Je juge, ou on juge — je ne pense pas que cela soit laissé à la discrétion de personne — que cela vaut $300 000 d'indemnisation. Pour la collectivité agricole, qu'on me donne $300 000, pourquoi mon voisin, qui est dans les mêmes conditions, n'aurait rien? On se dit: Comment va-t-on régler ce problème?

On dit: Si on met les montants d'argent nécessaires au développement de l'agriculture, toute la classe agricole va en bénéficier. Je peux vous donner des exemples. Nous sommes tous pris un peu comme cela. Nous avons des terres. Moi, le premier, j'ai une terre à laquelle je pourrais m'attacher. Mais ma sécurité comme agriculteur, c'est dans le développement de l'agriculture, c'est dans la rentabilisation de l'agriculture et c'est là que je vais aller chercher mon affaire et c'est là qu'on va servir l'ensemble de l'agriculture. Sur le plan économique, cela n'a pas la même influence. Cela n'a pas le même impact. Si vous mettez le montant d'argent pour développer l'agriculture, vous développez l'économie. Et si vous donnez de l'argent à quelques agriculteurs qui seraient placés pour recevoir une indemnisation, vous allez permettre à ces gars-là de se retirer souvent et ça ne va pas beaucoup plus loin que cela. Mais je ne pense pas qu'il y ait beaucoup de gens qui soient lésés.

Si on part du principe qu'une terre qui est zonée agricole ne vaudra plus rien, je suis d'accord, qu'il y a une perte, mais ce n'est pas vrai, une terre zonée agricole vaut de l'argent et, l'année prochaine et dans deux ans, elle va valoir plus qu'elle ne vaut aujourd'hui pour fins agricoles. Si on rentabilise l'agriculture, elle va prendre de la valeur et le gars ne sera pas beaucoup plus lésé, mais l'ensemble de la collectivité agricole et l'ensemble de l'économie vont se porter mieux. Ces choses ne sont pas faciles. Ce sont des options à prendre, un matin. Nous en avons discuté sérieusement. Ceux qui disent qu'on ne représente pas les agriculteurs là-dessus viendront me le dire, parce que, personnellement, j'ai demandé d'en discuter à plusieurs réunions. On a repris ces points, parce qu'on les savait chauds. On a repris le point de la façon de lotir une terre. Les agriculteurs ont pris une option, mais c'est dans l'option du développement.

Ceux qui pensent qu'on ne pose pas au gouvernement et à tous les gouvernements qui sont là un défi important à relever auront des comptes à rendre, c'est le défi de rentabiliser et de développer l'agriculture. On est conscient de cela. Je ne dirais même pas qu'on court un risque, parce que le gouvernement, s'il prend l'option de zoner ses terres agricoles et s'il n'a pas l'intention de développer l'agriculture et de la rentabiliser, est inconséquent ou il y a quelque chose qui ne marche pas.

A partir de là, comme raisonnement, chez les agriculteurs, on dit: A partir de cet engagement, on va faire des bouts. Je vais vous donner des exemples. Vous vous souvenez des problèmes de boeuf qu'on a eus. On a rencontré le gouvernement, qui était un autre gouvernement que celui-ci, et on est sorti de là avec un engagement que les producteurs agricoles avaient droit à des revenus. En principe, cela ne réglait rien, mais, maudit, on s'est accroché à cela et on a fait des bouts en agriculture et, à partir de la Loi sur le zonage agricole, on va en faire des bouts, et si vous ne voulez pas la respecter, je vous mets au défi de ne pas la respecter, et les agriculteurs seront en arrière de nous.

M. Marcoux: Merci.

Le Président (M. Boucher): Vous avez terminé? M. le député de Berthier.

M. Mercier: Je voudrais revenir sur votre option de protéger l'ensemble du territoire du Québec pour fins d'agriculture. Pourriez-vous refaire l'argumentation qui vous a amenés à cela, parce qu'en somme, vous savez la complexité que cela représente déjà d'avoir à faire passer 614 municipalités par la régie et dans un laps de temps assez court, puisqu'en fin de compte, il ne faut pas trop nuire à l'activité économique. D'autre part, c'est la région la plus stratégique. Sur quoi fondez-vous votre argumentation pour nous inciter à faire l'ensemble du territoire?

M. Couture (Paul): La réponse est simple, et c'est une preuve que les agriculteurs veulent du zonage. On est en congrès présentement. On sort d'un conseil général. Les producteurs disent: Nous, quand serons-nous zonés? C'est que, dans les zones limitrophes, il y a déjà un commencement de grugeage. Les gens disent: Là, c'est possible et ils refoulent ces zones. Ensuite, les gens veulent participer au développement de l'agriculture et ils ne voudraient pas être lésés et être en arrière. Prenez même la remise de 70%. Vous allez prendre un agriculteur dans une zone désignée et il aura un voisin qui ne sera pas dans la zone désignée. Vous voyez l'iniquité que cela pose. Les agriculteurs disent: Nous autres, ce n'est pas notre faute si nous ne sommes pas dans une zone désignée. On veut participer au développement et on veut avoir la même protection. Ils l'exigent donc. Je pense que c'est une preuve que de la volonté des agriculteurs de vouloir une Loi sur le zonage agricole quand déjà ceux qui ne sont pas dans les zones désignées nous demandent de l'être.

M. Mercier: Je poursuis justement sur cette idée, sur la définition même de la ferme. Je pense que ce qu'on a connu, c'est une période de temps où des gens achetaient des fermes dans des régions à très fort potentiel. Or, depuis quelques années, on constate que des boisés dans des régions à potentiel agricole presque inexistant, selon les définitions traditionnelles, ces terres, ces boisés se sont vendus à bon marché mais risquent de présenter également certains inconvénients dans la mesure où, pour les moulins à scie de la région, ce sont des espaces considérables où la coupe de bois devient absolument impossible, parce que les gens ne sont pas intéressés. Enfin, cela modifie les vocations de ces territoires. Il y a également coexistence entre des vocations touristiques beaucoup plus prononcées et des vocations agricoles. Mais, dans la section des "boisés ", les exploitations forestières sont compromises. Est-ce que l'UPA est en mesure d'évaluer un peu l'impact

que cela représente actuellement et les conséquences que cela peut avoir? (22 h 45)

M. Couture (Paul): L'évaluation qu'on a, c'est qu'on a des agriculteurs dans des régions où la forêt est une partie importante de leur revenu. A partir de là, il s'est développé des formules à cause de la mécanisation — d'aménagement, de groupements forestiers qui font de l'aménagement et du reboisement. A partir de là, ils ne veulent pas que ces terres qui sont à proximité de leurs fermes, qui fournissent de l'emploi, soient gaspillées. Donc, ils disent: On veut faire une sélection, une production forestière intéressante. Je pense que cette production s'avère rentable. C'est là qu'on a les meilleurs rendements et c'est là que les repeuplements se font le mieux. C'est pour cette raison que les producteurs de bois, et surtout ceux qui ont des groupes forestiers d'aménagement, ont demandé que ces sols soient protégés.

M. Mercier: D'accord. Une dernière question. Vous avez évoqué tout à l'heure l'article 96 dont vous aimeriez voir le retrait et, d'autre part, vous avez évoqué dans votre présentation un appel au lieutenant-gouverneur en conseil, ce qui demeure toujours possible. Ne craignez-vous pas que le retrait de l'article 96 amène une utilisation plus fréquente des interventions du lieutenant-gouverneur en conseil, ce qui risque, par l'habitude, de politiser en quelque sorte un tribunal administratif? Ne craignez-vous pas, compte tenu des implications extrêmement politiques de ces décisions, que cela puisse atténuer un peu les pouvoirs de décision de cette commission?

M. Couture (Paul): L'inquiétude qu'on a, selon la compréhension qu'on a, est plutôt contraire à ce que vous mentionnez. On dit: D'abord, vu la possibilité sans demande d'intervenir, il y a une possibilité d'intervention qui est politique. Donc, c'est cela qu'on veut éviter, c'est pour cela qu'on le demande.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Laval.

M. Lavoie: Sur une question technique, en ce qui concerne l'article 106 du projet de loi, qu'est-ce que vous répondez à certains de vos membres qui sont des cultivateurs, des maraîchers, des jardiniers de bonne foi, dont la principale occupation est l'agriculture — vous en avez certainement un certain nombre dans les régions suburbaines de Montréal ou de Québec ou d'ailleurs — qui ne seront pas compris dans une zone agricole, ceux qui ne seront pas compris dans une zone agricole et qui demeureront agriculteurs? Ils vont perdre, d'après mon interprétation, non seulement les 40% ou les 70%, mais même les 40% qu'ils ont sur le rabais de taxes municipales et scolaires. Ils vont perdre également le maximum d'imposition de 1% sur leur évaluation ainsi que le maximum d'évaluation de $150 l'acre, avec une espèce de "phase- out" de $500, $1000, $2000 l'arpent, et, après la quatrième année, il n'y a plus de maximum. Cela veut dire que, s'ils sont évalués vraiment à la valeur marchande, ils peuvent avoir une évaluation de $2000, $3000, $5000, $10 000 ou $20 000 l'arpent. Cela existe. En vertu de cette loi, ils ne seront plus protégés. C'est pour ceux qui ne seront pas compris dans une zone agricole.

Deuxièmement, ceux qui seront éventuellement exclus, peut-être pas à leur demande, mais par une décision de la commission, à la suite de représentations d'une municipalité ou d'une autre, et qui devront, à ce moment, rembourser au ministre de l'Agriculture, pendant dix ans, les 70% qu'ils ont eus de rabais de taxes, et également aux municipalités, sur une période de dix ans, la vraie imposition qu'ils aurient dû payer sur des montants d'évaluation de $150 000... Qu'est-ce que vous répondez à vos membres qui sont dans ce cas?

M. Couture (Paul): Une première chose, d'abord, selon ma compréhension de la loi, celui qui est dans un secteur qui n'est pas zoné agricole peut se faire inscrire comme producteur agricole, peut se faire zoner agricole.

M. Lavoie: Oui, mais vous allez comprendre qu'on ne peut pas faire ce qu'on appelle communément du "spot zoning"; s'il y a seulement, une, deux, quatre ou cinq terres entourées de développements, je me demande si elles peuvent rester indéfiniment à vocation agricole. Vous savez, cela existe dans les municipalités suburbaines. Celles qui ont une vocation assez directement reliée à un développement urbain éventuel.

M. Couture (Paul): II y a de ces cas où les gens ont la volonté de faire zoner leur terre agricole, j en connais de ces gens.

M. Lavoie: Certainement, il y a des cas.

M. Couture (Paul): C'est un choix qu'ils font. Pour la question...

M. Lavoie: Par contre, même s'ils le veulent, cela ne veut pas dire qu'ils vont l'être, c'est la commission qui décide.

M. Couture (Paul): Oui, mais je ne vois pas comment la commission, à partir d'une option de zonage...

M. Lavoie: Mais il va y avoir des représentants du milieu, de la municipalité ou d'autres qui peuvent dire: On ne voit pas pourquoi vous resteriez agriculteurs.

Je m'excuse de vous avoir interrompu.

M. Couture (Paul): Ma réponse, c'est la possibilité, pour une terre, d'être zonée agricole. Ensuite, la question de la remise sur une période de X temps, là c'est le choix ou non, mais il y a une plus-value quand même, le zonage va quand

même lui donner un marché assez captif, parce qu'il y a la possibilité, en limitant l'accessibilité au développement extérieur, cela donne une accessibilité beaucoup plus forte à ceux qui sont à l'intérieur. C'est un problème plus délicat, la question des dix ans.

M. Lavoie: Je connais des cas particuliers, où des gens qui paient $150 ou $200 de taxe, qui ont 25 ou 30 arpents, qui sont de vrais maraîchers, des producteurs de génération en génération et qui, avec cette loi, vont se réveiller, dans trois ou quatre ans, avec des comptes de taxe de $10 000, $15 000 ou $20 000 par année; tel que l'article 106 est rédigé.

M. Gaudet: Je ne sais pas si on comprend bien le mécanisme de la loi, en tout cas il y a pas mal de monde, ici, qui peut nous l'expliquer...

M. Lavoie: Je l'ai étudiée.

M. Gaudet: Notre compréhension, à ce moment-ci, — je comprends bien ce que vous voulez dire et je comprends surtout les cas que vous voulez défendre dans le secteur où vous êtes...

M. Lavoie: J'ai un comté suburbain de la région métropolitaine de Montréal.

M. Gaudet: Notre compréhension est la suivante. Un gars, qui est dans un territoire urbain, peut-être comme les vôtres...

M. Lavoie: Ou peut-être semi-urbain.

M. Gaudet: Appelez-les comme vous le voulez. Quelqu'un fait de la production, au moment où on se parle, il va être en production en attendant que le développement s'en vienne, parce que, pour avoir pataugé un peu dans votre territoire, je dis que ce n'est pas sûr que cela va se construire du soir au matin. Notre compréhension et la raison pour laquelle on veut que ce soit des agriculteurs qui soient au niveau de la commission, c'est que lorsqu'un tel cas sera présenté devant la commission, que celle-ci décide qu'une ferme comme celle-là, pour une période de temps donné jusqu'à ce que le développement soit rendu, puisse avoir les avantages d'une ferme dans une zone agricole. C'est notre compréhension. Il y a des articles dans la loi qui nous laissaient croire cela. Je ne sais pas si on est naïfs.

M. Lavoie: Je ne pense pas. La commission n'est pas au-dessus de la loi. La commission applique la loi, mais elle n'a pas le droit de l'appliquer à sa...

M. Gaudet: C'est notre compréhension des articles 62 et 65 de la loi. Lorsque nous avons consulté nos avocats, ils nous ont dit cela. Je ne sais pas si les avocats sont là pour se manger, mais en tout cas, nous autres, c'est ce qu'on nous a dit.

M. Lavoie: Si on lit bien l'article 106, on a demandé des opinions juridiques à ce sujet-là.

M. Gaudet: On pourrait peut-être retourner la question au ministre et lui demander si la commission, en vertu de la loi, pourrait faire cela.

M. Lavoie: C'est pénaliser des agriculteurs, des producteurs, de bonne foi, qui veulent rester, qui veulent continuer à produire pendant un certain nombre d'années et même si le développement est à leur porte. Cela doit exister sur la rive sud de Montréal, un peu partout, et ils ont même résisté à vendre. Ils veulent produire. Mais à un certain moment, il peut arriver un problème de relève, de succession ou autres. L'agriculteur veut produire encore cinq ou sept ans. Quelqu'un a le droit d'avoir un libre choix de disposer de ses biens. Telle que la loi est rédigée, il est pris pour avoir résisté ou pour avoir continué à être agriculteur et producteur, il est pénalisé par votre loi.

M. Garon: Non. Il n'est pas pénalisé. Il peut toujours demander de se faire inclure dans la zone. Si on ne l'a pas inclus dans le plan provisoire, l'agriculteur peut demander de l'être. S'il l'est, il bénéficie des avantages qui s'y trouvent.

M. Lavoie: Ecoutez, il y a des...

M. Garon: Si l'agriculteur ne peut pas se faire inclure, c'est parce qu'il est davantage spéculateur qu'agriculteur.

M. Lavoie: Non. C'est un membre de l'UPA, mais il y a des endroits...

M. Garon: Vous êtes notaire. M. Lavoie: Pardon? M. Garon: Vous êtes notaire. M. Lavoie: Oui, je suis notaire. M. Garon: Moi, je suis avocat.

M. Lavoie: Je préfère être notaire quand même.

M. Garon: Dans l'UPA, comme chez les notaires et chez les avocats, on a nos brebis galeuses chacun dans notre domaine.

M. Lavoie: Je n'en connais pas beaucoup.

M. Garon: Ecoutez.

M. Lavoie: Je ne les fréquente pas.

M. Garon: Je ne les connais pas moi non plus, mais cela veut dire qu'à ce moment... Vous savez que ce n'est pas écrit dans la figure d'un gars s'il est un spéculateur ou un agriculteur.

M. Lavoie: Je ne parle pas des notaires, ni des avocats. Je parle des agriculteurs, des producteurs agricoles, membres de l'UPA. Je ne parle pas des notaires et des avocats.

M. Garon: Vous pouvez demander, dans la zone agricole, s'il ne l'a pas été par le plan provisoire. Il n'y a pas de problème. Il devient sur le même pied que les autres.

M. Lavoie: Vous savez comme moi que même s'il en fait la demande et si sa terre, à moins de faire ce qu'on appelle du "spot zoning" à des endroits, tout bon sens dit qu'il ne peut y avoir un zonage uniquement pour lui, pour 30 arpents ou deux ou trois ou 50 arpents dans un ensemble de 500 arpents, à moins de faire du "spot zoning", ce qui est impossible. A part cela, même s'il le désire, c'est la commission qui va décider et il va avoir des représentations à moins que la commission...

M. Garon: A ce moment, voyez-vous...

M. Lavoie: La municipalité va faire des représentations. Elle va dire qu'elle a fait de l'infrastructure d'égouts, d'aqueduc, etc. C'est dans notre développement normal...

M. Garon: Normalement...

M. Lavoie: ... tout en protégeant, dans d'autres endroits, des terres agricoles.

M. Garon: Prenons un gars qui est agriculteur au carré d'Youville à Québec. Il est en plein milieu de la ville. Il est en plein milieu de la ville ou il ne l'est pas. S'il est en plein milieu comme vous le dites, normalement, il n'est pas intéressé à l'agriculture parce qu'il va trop se faire déranger. Il va vouloir vendre et s'en aller à un autre endroit. Comme il va être en plein milieu d'une ville, il va avoir un bon prix et il va pouvoir s'en aller et acheter une terre à un endroit où il va être tranquille pour cultiver.

Je n'ai pas l'impression...

M. Lavoie: Cela veut dire que, par votre projet de loi, vous découragez la production agricole.

M. Garon: Bien non.

M. Lavoie: C'est peut-être un très bon producteur agricole et vous l'empêchez de produire à cause de la pénalité que vous lui imposez au point de vue taxation.

M. Garon: Je ne pense pas qu'un agriculteur de façon normale, à moins qu'il ait beaucoup d'acrage... Si un agriculteur a 1000 acres, 500 acres, même on me dit qu'à Zurich, en plein milieu de la ville, il y a un gars qui cultive du maïs et il a plusieurs centaines d'acres et les gens de Zurich disent: On garde cela pour l'agriculture. Je comprends que c'est exceptionnel, mais je pense que, d'une façon générale, les gens n'essaieront pas de faire de l'agriculture en plein milieu des villes et, à ce moment, je pense que ce n'est pas un vrai problème. Les gars, à ce moment-là, vont dire: Ce n'est pas là qu'on va cultiver. Je pense bien que dans le cas de Montréal, selon mes listes, il y a un agriculteur à Outremont. Alors, on n'a rien zoné à Outremont. Le gars aura à décider s'il se fait inclure ou non.

M. Lavoie: Kevin Drummond.

M. Garon: S'il ne se fait pas inclure, alors, à ce moment, il est évident qu'il ne sera pas taxé comme un agriculteur. Normalement, en plein milieu d'Outremont, il devrait avoir un bon prix pour sa terre et il aura le moyen de s'en acheter une n'importe où, avoir la plus belle terre qu'il peut y avoir dans le milieu agricole.

Je pense que c'est là que le choix va se faire.

M. Mailloux (Marcel): Dans ma région, le comté de Shefford, dans la municipalité de Gran-by, la municipalité comme telle a annexé un immense territoire comprenant des producteurs agricoles et ces producteurs agricoles, actuellement, sont très heureux de constater que la loi de zonage va les protéger parce qu'ils ont été annexés pour des raisons surtout d'ordre municipal, urbain et ils ne vont pas reconnaître dans la politique agricole des avantages.

C'est toujours au détriment des producteurs, avec des mesures additionnelles de taxation quelconque. Or, à ce moment, le zonage agricole va leur donner une protection en ce qui concerne ces individus.

Le Président (M. Boucher): Alors, comme il n'y a pas d'autres intervenants, je vais laisser la parole au ministre pour le mot de la fin.

M. Garon: Vous avez écouté aujourd'hui, j'ai remarqué — je ne sais pas si tous les dirigeants étaient ici, je ne pense pas — mais j'ai vu M. Couture à un certain moment cet après-midi, M. Gaudet... Je n'ai pas vu M. Mailloux aujourd'hui. Je pense que vous deviez être au congrès. Vous avez entendu, cet après-midi, les représentants des municipalités et des conseils de comté qui voulaient avoir la responsabilité de la protection du territoire agricole. Dans votre mémoire, je remarque que vous demandez que ce soit une responsabilité du ministre de l'agriculture. J'aimerais que vous donniez votre position là-dessus. (23 heures)

M. Couture (Paul): Là-dessus, notre position est assez claire. On demande d'abord qu'une loi de zonage soit sous la responsabilité du ministère de l'Agriculture parce que, jusqu'à maintenant, cette responsabilité, les conseils de comté et les municipalités ne s'en sont pas servis et on pense qu'il y a conflit. Ce n'est pas qu'on méprise les administrateurs des conseils de comté, mais on pense qu'il y a conflit d'intérêts entre une municipalité face à un projet de zonage. C'est que, de plus en plus, la représentation au niveau d'une

municipalité est de moins en moins agricole. Comme exemple, j'ai une paroisse qui est exclusivement agricole, il n'y a aucune industrie. Il y a 40 familles d'agriculteurs et il y a 200 familles qui sont des gens de village, des gens qui travaillent à l'extérieur. Donc, la représentation au niveau de la municipalité est de moins en moins agricole. Le souci d'une municipalité, c'est son développement, c'est d'avoir des revenus, et je pense que c'est un souci normal. On pense donc qu'en confiant toute l'autorité aux municipalités, il y a ce conflit d'intérêts, on ne se sent pas protégé et on dit: Jusqu'à maintenant, comment ceux qui ont fait même des règlements de zonage ne les ont-ils pas fait dans l'esprit de ce qu'on veut, d'une loi de protection des sols agricoles?

M. Garon: A la page 5 de votre mémoire, je pense que vous vous référez à l'article 35, qui permet après le dépôt du plan provisoire et l'avis à la municipalité, que tout organisme intéressé, que toute personne intéressée puissent faire des représentations à la corporation municipale. Mais vous exprimez une crainte, je pense, que la municipalité n'entendrait pas nécessairement les intéressés. Est-ce que je comprends bien? Vous voudriez que la municipalité soit tenue de tenir des audiences publiques en plus des représentations écrites qui peuvent lui être faites? Vous aimeriez même, je pense, quand on dit "toute personne " qu'on soit plus précis, pour nommer les producteurs agricoles ou leurs représentations.

M. Couture (Paul): Ce que nous pensons, c'est que les municipalités qui prépareraient un genre de plan à l'intérieur d'une loi qu'elles devront soumettre à la commission doivent entendre les intéressés, qui sont les agriculteurs, parce qu'on lit dans la loi qu'elles "pouvaient" entendre.

M. Gaudet: M. le Président, il y aurait peut-être une chose sur laquelle je voudrais revenir par rapport à la responsabilité que vous avez soulevée, M. le ministre, c'est que, dans l'affaire de la responsabilité et dans l'ensemble de notre mémoire, ce que je pense qu'il est important que vous compreniez bien, ce sur quoi on mise, c'est le développement de l'agriculture. Le développement de l'agriculture, d'après nous, ne peut pas être fait par le ministère des Affaires intergouvernementales ou le ministère des Affaires municipales, il doit être fait par le ministère de l'Agriculture. C'est pour cela qu'on tient aussi à ce que la loi de zonage soit sous la responsabilité du ministère de l'Agriculture.

M. Garon: Je pense que cela se tient. A la page 11, vous parlez du droit du premier occupant, Au deuxième paragraphe de l'article 100, il me semble que c'est reconnu, dans le deuxième paragraphe, quand on dit: "A l'égard d'une ferme d'élevage d'animaux établie ou agrandie avant que la Loi de la qualité de l'environnement ne soit en vigueur et ne lui soit applicable, le propriétaire ou l'occupant d'un bâtiment résidentiel, commercial, industriel ou institutionnel construit postérieurement à l'établissement d'une exploitation animale — donc c'est établi après l'établissement de l'exploitation animale — ne peut porter plainte ou agir en justice de quelque façon"... contre l'agriculture... "ou pour empêcher l'exploitation ou le développement de cette ferme en raison de sa proximité, du zonage ou des bruits quelle dégage"-

J'ai l'impression que ce deuxième paragraphe reconnaît entièrement le droit du premier occupant, puisque toute personne qui s'est installée là après que l'agriculteur a organisé son établissement d'exploitation animale ne peut pas...

M. Couture (Paul): Mais l'esprit qu'on veut, c'est d'abord le respect du droit du gars qui était là, un droit de premier occupant, c'est important. Ce qui est sous-jacent à cela, c'est qu'on dit: Avec les règlements de l'environnement, il y a des productions, disons que les règlemens datent de 1972; pour les productions laitières, on n'a pas exigé de permis, les gars ont bâti. On veut que nos gars n'aient pas de difficultés avec ça. Qu'on le mette dans une phraséologie qui respecte ça, parce qu'on n'est pas des légistes, c'est ce qu'on veut. On dit qu'on a des gars qui sont exposés à avoir un paquet de difficultés avec l'environnement; étant donné que la préoccupation est là, qu'on les protège.

Le Président (M. Boucher): Oui, Me Dumais.

M. Dumais: J'aurais une petite chose à ajouter. A l'article 100, c'est intéressant de voir l'esprit qui est sous-jacent à ça. Mais il y a une chose qu'on veut souligner, c'est que l'article 100, entre autres le deuxième paragraphe qui traite de ceux qui ont construit avant 1972, protège les agriculteurs contre les plaintes des voisins. Mais ce qui arrive, c'est que ce n'est pas le principal problème. Le principal problème, même si le voisin ne peut pas se plaindre, c'est que, si les services de protection de l'environnement, lorsqu'une demande de permis leur est acheminée, considèrent les distances, en tiennent compte, le voisin n'a pas besoin de se plaindre, ce sont les services de protection de l'environnement qui vont dire: La distance n'est pas respectée.

L'article 100 protège seulement contre les plaintes des voisins. Ce n'est pas ça; le principal problème, ce sont les Services de protection de l'environnement et l'obtention des permis, les normes qu'ils utilisent. Le voisin, même s'il ne s'est pas plaint, s'il est situé à telle distance, pour les Services de protection de l'environnement, ça va compter, même s'il ne s'est pas plaint, ce voisin qui est situé là, et on ne peut pas émettre le permis. C'est pour ça que l'article 100 a un esprit intéressant, mais il ne touche pas au principal problème. C'est du côté des Services de protection de l'environnement, pour les distances, lorsqu'ils émettent un permis, que ce soit là. C'est là qu'est le principal problème, que ce soit considéré.

L'article 100 ne nous donne pas grand-chose là-dessus.

M. Garon: C'est l'article 111 qui ajoute l'article 124a, parce qu'il y a eu des audiences de la commission parlementaire de l'environnement. Normalement, il va y avoir un règlement de l'environnement et, à ce moment-là, on dit que l'article 111 modifie l'article 124a de la Loi de la qualité de l'environnement pour dire qu'à l'avenir, il ne pourra pas y avoir un règlement dans une zone agricole, à moins qu'on dise que ça s'applique spécifiquement à la zone agricole.

A ce moment-là, en faisant ce règlement, on tiendrait compte de ça, mais le règlement n'existe pas actuellement.

M. Mailloux (Marcel): Ce que vous mentionnez, M. le ministre, c'est pour l'avenir, en partant d'aujourd'hui. Mais ce qu'on vient d'expliquer, c'est pour la période rétroactive de 1972 jusqu'à ajourd'hui. C'est cette partie, actuellement, qui concerne l'article 100 et les autres; on considère qu'ils ne nous protègent pas suffisamment.

M. Garon: J'aimerais dire un dernier mot en terminant. Quand vous mentionnez que le développement économique, M. Couture l'a dit pas mal parfaitement... Il a dit qu'un gouvernement qui zonerait les terres agricoles réserverait les terres pour l'agriculture et ne s'occuperait pas de développer l'agriculture; j'ai l'impression qu'il se ferait tomber sur la margoulette, parce que ça n'a pas de bon sens. D'ailleurs, c'est un peu pour ça qu'à la conférence fédérale-provinciale, où j'accompagnais le premier ministre, quand il a parlé des programmes de stabilisation du gouvernement fédéral, je pense qu'on a exprimé clairement qu'à ce moment-là, le but de la protection des terres agricoles, c'était qu'on fasse un développement accéléré de l'agriculture au Québec.

Quand vous mentionnez les programmes, vous demandez pourquoi on a pris en premier celui du boeuf; c'est le plus gros secteur qu'il est possible de développer au Québec. On va importer à peu près $900 millions de boeuf en 1978 au Québec; au prix de 1978, entre $800 et $900 millions; au prix de 1977, cela aurait été à peu près $500 millions. C'est le plus gros secteur, on a dit: On va le stabiliser en premier. Là, vous avez bien dit le maïs-grain également... Je pense qu'il va falloir l'étendre à d'autres productions, qu'il faut développer en premier — il faut toujours calculer les coûts — dans les secteurs où on peut prendre de l'expansion. Je pense qu'en faisant cela, on aide aussi la production laitière.

D'autres vont se diversifier au point de vue agricole, cela va libérer des quotas pour ceux qui sont dans le lait, cela va consolider leur exploitation, alors qu'ils vont pouvoir se dissocier dans d'autres productions. Je pense que je suis complètement d'accord avec vous pour essayer d'aller le plus rapidement possible pour adopter d'autres mesures de stabilisation des revenus. Il y aura aussi des programmes de développement régio- naux dans différentes régions pour aider l'agriculture.

Concernant la facilité de transfert des exploitations d'une génération à l'autre, je suis parfaitement de cet avis également. Vous comprenez qu'on ne peut pas tout annoncer dans la loi 90. Il y a d'autres mesures qui vont venir éventuellement, qui ne dépendent pas de moi, mais qui vont venir, à un moment donné. Vous savez, il y a encore le discours inaugural qui va venir avant longtemps, au début de l'année 1979, de même que le discours du budget.

Mais je pense que le gouvernement est vraiment engagé dans une politique de développement agro-alimentaire. Je pense que les députés que vous avez ici, dont plusieurs sont agriculteurs, poussent constamment pour que cela aille le plus rapidement possible. Il reste une chose, c'est que la machine administrative, il faut essayer de la faire aller plus rapidement, parce qu'elle n'était pas habituée à aller toujours vite.

Il y a eu des efforts considérables qui ont été faits. Quand on pense que dans les paiements des remboursements du ministère pour les subventions du drainage et des travaux mécanisés, cela prenait une moyenne de six ou sept mois auparavant et que cela a été ramené à peu près à 21 jours cette année, comme moyenne, je peux dire "chapeau" aux fonctionnaires, parce que même dans l'entreprise privée, c'est considéré comme exceptionnel.

Pour eux qui disaient que le ministère de l'Agriculture était une vieille "picouille" avant, c'est un vrai cheval arabe aujourd'hui, parce qu'il est en train de devenir pas mal fringant et il se compare avantageusement, pas encore dans tous les secteurs, mais de plus en plus il essaie de se comparer à l'entreprise privée au point de vue efficacité.

M. Lavoie: Faites attention au prochain budget et aux suivants. C'est enregistré ce que vous dites.

M. Garon: Oui. Voyez-vous, les budgets, ce n'est pas pour la grosseur.

M. Lavoie: J'en ai vu beaucoup de ministres qui ont fait des discours comme cela.

M. Garon: Le budget du ministère de l'Agriculture cette année est de $255 millions. Celui de l'Ontario est de $170 millions. Déjà, on prend une distance par rapport au budget de l'Ontario. Dans les ministères à vocation économique, le budget du ministère de l'Agriculture — si je ne compte pas les routes, on ne sait pas trop où le mettre, on le met dans les vocations économiques parce qu'il dépense beaucoup d'argent — si on ne tient pas compte du ministère des Transports, le ministère qui a le plus gros budget actuellement, dans tous les ministères à vocation économique, c'est le ministère de l'Agriculture. Si je prends l'Industrie et Commerce, les Terres et Forêts, les mines, etc.

M. Lavoie: On va revenir à la pertinence.

M. Garon: Vous m'avez ouvert une porte. J'y suis entré.

M. Lavoie: Je veux vous empêcher de faire des erreurs.

M. Garon: Cela ne veut pas dire qu'il ne va pas continuer à s'accroître. Je pense qu'il faut surtout avoir l'argent nécessaire pour faire fonctionner les programmes qu'on a développés.

M. Lavoie: II est sur un "trip".

M. Garon: Je voudrais, en terminant, vous faire une confidence. Quand vous avez présenté votre mémoire, au mois de septembre, l'UPA disait quelle était sa position sur la protection des terres agricoles. Nous, on préparait notre projet de loi. Il y avait plusieurs personnes qui disaient: L'UPA vous envoie dans cette direction et une fois que le gouvernement va y être allé, elle va vous laisser tomber.

Je voudrais vous remercier d'avoir gardé la position que vous aviez prise au mois de septembre. Je regarde une chose, c'est que votre mémoire réfère exactement au mémoire que vous aviez soumis en septembre, qui était d'ailleurs contenu dans vos congrès généraux, à la page 16, si je me rappelle bien. Je voudrais vous remercier et vous féliciter d'avoir gardé votre position avant et après — ce n'est pas toujours facile — de l'avoir fait et de l'avoir défendue dans chacun des congrès régionaux qui ont suivi votre prise de position au cours du mois de septembre. (23 h 15)

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le ministre. Au nom de tous les membres de la commission, je remercie M. Couture et ceux qui l'accompagnent pour le mémoire qu'ils ont présenté.

Je demanderais maintenant à la ville de Saint-Eustache, représentée par M. Guy Bélisle, maire, de bien vouloir s'approcher, s'il vous plaît! Oui, M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: J'aurai une demande de directive à vous faire dès que les représentants de la ville de Saint-Eustache auront pu s'identifier.

Le Président (M. Boucher): D'accord. A l'ordre, s'il vous plaît! M. Bélisle, si vous voulez vous identifier de même que ceux qui vous accompagnent.

Ville de Saint-Eustache

M. Bélisle (Guy): M. le Président, MM. les membres de la commission, tout d'abord, permettez-nous de vous remercier d'avoir bien voulu accepter d'entendre notre point de vue concernant le projet de loi 90. Si, actuellement, nous avons...

Le Président (M. Boucher): M. le député de Joliette-Montcalm, excusez-moi, une minute.

M. Chevrette: Pourriez-vous vous identifier? Ensuite j'aurai une suggestion. Je me suis entendu avec le député de Deux-Montagnes. J'en ai parlé au député de Huntingdon tantôt et à M. Giasson. J'aurai une suggestion à faire à la commission, ce sera très bref. Donnez-nous seulement votre identité avant.

M. Bélisle: Mon nom est Guy Bélisle, je suis maire.

Le Président (M. Boucher): Et monsieur...

M. Bélisle: Me Richard Lacharité, conseiller juridique et M. Ronald Biard, directeur général de la ville.

Le Président (M. Boucher): Merci. M. le député de Joliette-Montcalm.

M. Chevrette: M. le Président, je voulais faire une suggestion. J'ai regardé le mémoire de la ville de Saint-Eustache qui compte 52 pages. Compte tenu de l'heure, j'ai demandé à l'Opposition si elle acceptait — la suggestion est aussi faite aux témoins — qu'on s'entende pour qu'il y ait un résumé de fait, mais que le mémoire soit en entier consigné au journal des Débats. Vous pourriez résumer ou faire ressortir les points les plus importants du mémoire, ou les grandes lignes, et en faire un résumé assez complet.

M. Bélisle: J'allais justement vous le suggérer.

Le Président (M. Boucher): Vous n'avez pas d'objection?

M. Bélisle: Non, aucune objection. D'ailleurs...

M. Chevrette: On accepte que ce soit au journal des Débats.

M. Bélisle: ... il y a toute une partie...

Le Président (M. Boucher): II y aura transcription de votre mémoire au journal des Débats. (Voir annexe).

M. Bélisle: Merci.

Le Président (M. Boucher): Je vous invite à résumer le mémoire immédiatement.

M. Bélisle: Je vais le faire de la façon la plus cohérente possible. Naturellement, il faudra me pardonner certaines hésitations; je vais quand même essayer de le suivre.

La raison profonde de notre intervention, c'est que la ville de Saint-Eustache se trouve actuellement dans une région aéroportuaire soumise à l'application de la loi 48, loi d'exception qui fait en

sorte que les villes autour de l'aéroport, au nombre de 32 soient régies par une loi spéciale. Cette loi a été sanctionnée en 1970. Elle a fait en sorte que les municipalités ont été obligées de se concerter et d'obtenir la concertation de leurs citoyens, au nombre de 180 000; ils ont préparé ensemble un schéma régional d'aménagement, schéma qui a été par la suite complété par un plan d'urbanisme, un plan directeur, un règlement de zonage et un règlement de construction, de sorte que toutes ces villes, les 32 municipalités concernées par le schéma d'aménagement ou par la loi 48 se trouvaient automatiquement liées par le respect du schéma d'aménagement et de tout ce qui en découlait, incluant les plans d'urbanisme et tout ce que j'ai énuméré tout à l'heure.

Naturellement, il n'est pas du tout question pour nous de contester le principe de la loi sur le zonage agricole, puisque dans notre propre schéma d'aménagement, nous avons déjà une réglementation très précise concernant la protection du territoire agricole. Dans la seule ville de Saint-Eustache, par exemple, on a environ 10 000 arpents de terre qui sont en culture, qui sont protégés par un plan de zonage et également par le schéma d'aménagement. Ces 10 000 arpents se trouvent également soumis à une réglementation très précise quant au développement de la ville sur ce territoire. Naturellement, il manquait une loi-cadre qui empêchait la ville ou les villes de refuser des permis de construction sur tout le territoire, de sorte qu'on était obligé de donner des permis de construction sur tout le territoire, pour autant que les requérants respectaient et le règlement de construction et les aménagements.

Maintenant, la loi 90 nous donnerait justement cette réglementation ou ce carcan qui ferait que nous pourrions désormais refuser sur une partie de notre territoire des permis de construction ou une permission de développer en dehors du périmètre définitivement zoné agricole.

Il n'est pas du tout dans notre intention d'essayer de transgresser la loi. La loi, dans son essence, lorsqu'elle sera sanctionnée, nous voulons la respecter. Cependant, nous voulons, et c'est l'objet même de notre démarche, qu'à cause justement de cette loi spéciale qui nous rend dépendants actuellement en ce qui concerne tout changement au schéma d'aménagement, au plan directeur, au plan d'urbanisme ou même au zonage, au changement de règlement de zonage, qui nous rend dépendants de l'acceptation du ministre des Affaires municipales... Ceci ferait que sur notre territoire, on se trouverait avec deux lois d'exception et tout le lourd processus que cela exige pour arriver à une décision finale.

C'est justement la première partie de notre mémoire où, de façon très technique, on dit de quelle façon la loi s'applique ou de quelie façon la loi a pris naissance pour évoluer et pour ensuite présenter à toute la région un schéma d'aménagement articulé, d'autant plus que ce schéma d'aménagement a été fait, je le répète, en concertation avec toutes les municipalités, et également en concertation avec tous les citoyens.

Les objectifs précis qu'on nous avait alors fixés, étaient, dans un premier temps, d'identifier les pôles d'attraction de la région aéroportuaire. Naturellement, la ville de Saint-Eustache, suite aux recherches et aux études des experts, a été reconnue, cataloguée comme étant le centre de tout le secteur sud de la zone aéroportuaire.

Un deuxième objectif était de développer l'autonomie des centres, tout en favorisant la mobilité physique de la population.

Un troisième objectif, favoriser les retombées économiques de l'aéroport.

Un quatrième, assurer aux populations du territoire le meilleur service urbain possible, au moindre coût de mise en valeur et de fonctionnement.

Cinquièmement, assurer la meilleure utilisation possible des ressources du milieu naturel de la région en favorisant leur mise en valeur et en réduisant les conflits entre les différentes utilisations du sol.

Sixièmement, rentabiliser les investissements des divers niveaux de gouvernement. Sur ce point, je tiens à souligner que le gouvernement provincial et le gouvernement fédéral ont investi des millions de dollars pour que ce schéma d'aménagement puisse trouver écho et application. Ce schéma d'aménagement correspond au milieu ambiant, correspond aussi aux objectifs économiques que l'on peut normalement espérer de l'environnement créé autour de l'aéroport.

Cependant — c'est le deuxième point de notre exposé — les études du ministère des Affaires municipales ont considéré l'aspect particulier de l'agriculture et c'était justement un des buts poursuivis, protéger le territoire agricole qui se trouvait dans tout le territoire des 38 municipalités. Ce territoire agricole se trouvait à comprendre environ 50% de toute la superficie ainsi aménagée de façon régionale.

La ville de Saint-Eustache, je le disais donc, désire tout de suite, vous indiquer qu'elle a vu elle-même, sans attendre d'autres interventions d'ordre gouvernemental et par la force du bill 48 — on le reconnaît — à protéger l'aire agricole de son territoire.

Effectivement, comme il sera fait mention plus loin dans notre mémoire, la ville de Saint-Eustache a fait en sorte, par ses règlements, son plan directeur, premièrement, de protéger l'aire agricole de son territoire et deuxièmement, d'adopter une réglementation appropriée.

Elle a, de fait, zoné secteur agricole 10 680 acres de son territoire. Actuellement, le plan provisoire déposé fait en sorte qu'il ne nous reste de notre territoire que 16%, ce qui fait que le plan provisoire a inclus une grande partie de la partie déjà urbanisée ou de la partie pour laquelle la ville avait dépensé de fortes sommes d'argent pour continuer l'urbanisation par des plans directeurs appropriés que l'on complète au fur et à mesure.

Le moyen pour parvenir au but visé. Tout d'abord, il y avait la préparation du schéma d'aménagement régional qui a quand même pris quatre ans à créer, à discuter, à développer. Il y a

également le schéma directeur des structures. Il y a le programme de services et d'équipement. Ce programme de services et d'équipement traduit le schéma directeur des structures en termes d'échéancier et de réalisation, c'est-à-dire qu'il présente un programme échelonné sur plusieurs années, les investissements des immobilisations que la municipalité devra réaliser en conformité avec ses capacités financières.

Actuellement, qu'il me soit tout simplement permis de souligner que dans la perspective de ce schéma d'aménagement et de ce développement envisagé, la municipalité a investi de très fortes sommes d'argent pour se donner des structures et des mécanismes qui lui permettraient de recevoir la population et les investissements envisagés, que cela soit d'ordre industriel ou commercial. (23 h 30)

Ensuite, il y a eu la réglementation d'urbanisme qui a fait l'objet d'un règlement spécial et cette réglementation faisait en sorte que le plan directeur, de même que le schéma d'aménagement, puisse trouver application de façon très précise.

Ensuite, il y a eu les études et plans particuliers comme dans tout schéma d'aménagement, il y a toujours également certains plans particuliers. Les municipalités, naturellement, peuvent préparer des plans particuliers. Ce sont des plans qui précisent les directives du schéma directeur des structures concernant une partie du territoire ou un domaine spécifique. Ces études fournissent donc les recommandations appropriées à la mise en commun et au regroupement de services et, éventuellement, à des modifications aux limites municipales. Je pense que ce qu'il y a de plus important à retenir de ces études, de ce schéma d'aménagement, c'est que ce schéma d'aménagement nous appartient en propre parce qu'il a été élaboré par les instances locales incluant autant la population que les structures municipales.

La ville de Saint-Eustache, avec les autres municipalités du secteur sud, s'est donc dotée de tous les moyens imposés par le ministre des Affaires municipales en vue d'atteindre les buts visés, dont — et c'était un des buts visés — celui de la protection du territoire agricole. En effet, les organismes régionaux suivants ont été créés. Ils ont apporté des conséquences importantes et heureuses pour le développement régional. Parmi les organismes régionaux créés suite à l'aménagement du territoire régional, il y a eu, premièrement, une commission spéciale qui a été formée créant un incinérateur qui, en fait, appartient à huit municipalités différentes, bien qu'il se trouve sur le territoire de la ville de Saint-Eustache. Il est justement administré par les huit municipalités en question et dispose d'un budget qui est voté par les huit municipalités.

Dans un deuxième temps, il y a eu la formation de la commission industrielle. Je pense que c'est à peu près unique qu'une commission industrielle régionale réunisse plusieurs municipalités qui, ensemble, se sont entendues pour ne pas faire plusieurs parcs industriels sur un même territoire donné. La ville de Saint-Eustache a été retenue comme choix des huit municipalités pour installer et être le maître d'oeuvre du parc industriel, mais il reste que le parc industriel comme tel, c'est le parc de toute la région. Ce parc est administré par une commission qu'on appelle la Commission industrielle de Mirabel-Sud, qui est une commission régionale qui dispose également d'un budget. Ce parc, depuis qu'il a été fondé en 1973, a attiré au-delà de 40 industries créant 800 nouveaux emplois. Je pense que pour une ville ou pour un groupe de petites villes comme chez nous, c'est quand même assez appréciable et ce dynamisme s'est reflété sur des industries qui sont de beaucoup plus grande envergure que celles qu'on avait dans le passé puisque, actuellement, le parc industriel de Mirabel-Sud a sur son territoire la compagnie General Motors, celle qui construit les autobus et que, possiblement, à brève échéance, nous aurons une autre assez grosse industrie qui pourrait donner encore un nombre très intéressant d'emplois.

Ensuite, il y a, pour superviser les changements à l'aménagement du territoire régional, ce qu'on appelle une commission conjointe d'urbanisme qui pourrait peut-être être l'équivalent d'un conseil de comté tel que le gouvernement l'envisage dans les mois à venir. Cette commission conjointe d'urbanisme se réunit lorsqu'il s'agit de faire des changements d'importance au plan d'aménagement. Naturellement toutes ces décisions, tout changements, qu'ils soient majeurs ou mineurs, dans tous les cas, se trouvent à être ratifiés par le ministre des Affaires municipales lui-même.

Je disais tout à l'heure, c'est important de le resouligner, que des centaines de milliers de dollars ont été investis par le gouvernement provincial pour doter les organismes régionaux de développement de moyens efficaces et modernes pour parvenir au but visé, suivant les objectifs définis précédemment, en tenant compte de la situation particulière créée justement par la venue dans la région de l'aéroport international de Mirabel. Les retombées économiques de l'aéroport, on peut dire qu'actuellement, Saint-Eustache en retire la plus grosse partie, de toutes les municipalités. C'est justement pour pouvoir continuer à manifester un certain dynamisme et une organisation cohérente qui constituerait un attrait pour ceux qui veulent s'établir autour, que nous faisons la présente démarche, actuellement.

La ville de Saint-Eustache s'est entièrement conformée aux dispositions obligatoires de la loi sur les environs du nouvel aéroport, et, en paticu-lier aux articles 19, 20, 21 et 22, elle a mis en application les recommandations de tous les experts mis à sa disposition par le gouvernement. A un moment donné, ces experts, on pouvait en compter environ une cinquantaine. Ce qui veut dire que le gouvernement y a mis le paquet pour que toute la région aéroportuaire puisse être en mesure de faire face à la musique et à un développement qui était peut-être dans l'inconnu, à cette date, mais qui répondait quand même à certaines projections qui s'avèrent de plus en plus précises.

Cette réglementation et le plan directeur d'urbanisme ont été approuvés par le ministère des Affaires municipales, ces règlements sont légalement en vigueur, ils sont en application de façon scrupuleuse. Conformément au schéma d'aménagement préparé par le ministère, une zone agricole a été prévue en accord avec les objectifs et ainsi, dans la seule ville de Saint-Eustache, je le répète, nous avons un territoire agricole de grande importance. Je vous prie de me croire, malgré que nous ayons un territoire agricole d'importance, cette protection du territoire ne se fait pas en contradiction des objectifs précédemment établis, mais bien de façon harmonieuse, afin d'assurer le développement de toute la collectivité de Saint-Eustache et en rapport avec sa situation privilégiée.

En somme, il s'agit d'une heureuse synthèse, d'une urbanisation progressive de la ville de Saint-Eustache, en accord avec sa vocation spéciale et du développement rationnel de ses meilleures terres agricoles. En fait, la ville a mis en application le principe à la fois si raisonnable et si essentiel que l'on retrouve à la page 13 du fascicule 3 intitulé: "L'aménagement et l'urbanisme", publié le 2 octobre 1978 par le ministère du Conseil exécutif et que le ministère de l'aménagement nous a remis précisément la semaine dernière.

On y lit...

M. Lavoie: il faudrait je crois, qu'on suspende les travaux, si on n'a la présence du ministre, ni de l'adjoint parlementaire. J'aurais des questions à poser, autant à nos invités qu'au ministre sur ce mémoire, qui est bien structuré. Je me demande pourquoi on siège, si le ministre ni l'adjoint ne sont là.

Le Président (M. Boucher): Le ministre s'est absenté momentanément pour...

M. Lavoie: Je proposerais qu'on suspende, parce que ces gens n'ont pas travaillé pour rien, ils s'attendent à avoir des réponses.

Le Président (M. Boucher): ... quelques minutes, il revient.

M. de Bellefeuille: M. le Président, sur cette question... M. le Président...

Le Président (M. Boucher): Oui, M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: ... sur la question soulevée par le député de Laval, peut-être pas l'aspect de la présence du ministre, mais l'aspect temps, peut-être que la commission pourrait convenir de siéger un peu au-delà de l'heure convenue.

Le Président (M. Boucher): Je regrette, M. le député de Deux-Montagnes, le règlement session-nel ne permet pas de siéger après minuit. M. Bélisle, vous pouvez continuer votre exposé.

M. Bélisle: Pour autant que cela donnera des résultats, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): Le ministre a pris connaissance de votre mémoire.

M. Lavoie: Ces gens-là attendent depuis le matin. On peut suspendre la séance pendant quelques minutes, quand même.

Le Président (M. Boucher): Le ministre a pris connaissance du mémoire. Il reviendra dans quelques minutes. Cela ne sera pas long. Cela va nous permettre de gagner du temps...

M. de Bellefeuille:... de commenter le mémoire en son nom.

Le Président (M. Boucher): Allez-y, cela va épargner du temps pour les commentaires par la suite.

M. Lavoie: Est-ce qu'il y a quorum, M. le Président?

Le Président (M. Boucher): Nous sommes six. Je crois qu'il y a quorum. Le quorum est de six, M. le député de Laval. Il y a quorum. Allez-y, M. Bélisle.

M. Bélisle: Cela va. Pour nous, voici les effets du projet de loi sur la protection du territoire agricole. On en déduit que le législateur, par l'article 98 du projet de loi 90, raie d'un trait de plume les années d'efforts et de concertation de la ville, des municipalités environnantes et de leurs citoyens ainsi que le travail des experts mis en place par le ministère des Affaires municipales et les sommes considérables d'argent investies depuis l'année 1969 pour doter la ville de Saint-Eustache et les autres de moyens adéquats et assurer le développement harmonieux de son territoire.

L'article 98 du projet de loi stipule en effet ce qui suit: "La présente loi prévaut sur toute disposition inconciliable d'une loi générale ou spéciale applicable à une communauté, à une corporation ou à une corporation de comté. "Elle prévaut également sur toute disposition incompatible d'un schéma d'aménagement, d'un plan directeur ou d'un règlement de zonage, de lotissement ou de construction."

Or, si l'on se réfère à la définition que donne le ministre d'Etat à l'aménagement, M. Jacques Léonard, on sait ce que cela peut avoir comme conséquence, cette disposition. C'est ni plus ni moins qu'ignorer tout simplement les efforts de plusieurs années de plusieurs personnes et également de tous les citoyens qui ont bien voulu participer à l'élaboration de ce schéma d'aménagement.

Le projet de loi 90, s'il est adopté tel quel, aura les conséquences particulières suivantes pour notre ville:

Premièrement, perte de juridiction du conseil de la ville sur environ 84% de son territoire, suivant

l'aire actuellement retenue pour fins agricoles, et ce, dans un domaine aussi fondamental que l'aménagement et l'urbanisme. Ce résultat inquiétant nous semble contredire nettement le principe émis dans la publication citée précédemment, soit "L'aménagement et l'urbanisme", publiée le 2 octobre 1978, où on lit, à propos des pouvoirs partagés respectant les domaines propres d'intervention: "L'aménagement doit être perçu, non pas comme l'apanage exclusif de l'Etat, mais bien comme la responsabilité conjointe et partagée des trois paliers de gouvernement, c'est-à-dire les municipalités, les comtés municipaux et le gouvernement québécois. Ce partage de responsabilités doit se comprendre comme un domaine de juridiction concourrente, mais non exclusive, même pas, quant à nous, dans le domaine agricole. "Par contre, il appartient en propre aux municipalités" — et c'est mentionné tel quel dans le texte — "de continuer d'exercer les responsabilités qu'elles assument présentement et que plusieurs devront assumer plus réellement."

Deuxièmement, la synthèse harmonieuse que la ville de Saint-Eustache avait réussi à établir entre une urbanisation progressive et le développement rationnel de l'agriculture est nettement mis en péril.

Troisièmement, alors que la ville, par ses textes législatifs, protège actuellement environ 160 terres pour fins agricoles, le projet de loi no 90 ajoute inutilement environ 40 autres terres qui n'ont aucune vocation agricole, mais bien une vocation urbaine, ce qui a pour effet de compromettre, de façon très grave, le développement de l'ensemble de la municipalité vis-à-vis des objectifs que les citoyens se sont fixés. (23 h 45)

Quatrièmement, l'expansion du parc industriel est arrêtée.

Cinquièmement, des équipements municipaux et des infrastructures ont été mis en place, en accord avec le plan directeur de la ville de Saint-Eustache, à un coût considérable, qui devaient tenir compte de l'urbanisation prochaine et progressive d'un secteur de la municipalité. Ce secteur fait maintenant partie de l'aire actuellement retenue pour fins agricoles. Ces équipements et ces infrastructures imposeront un fardeau fiscal considérable aux contribuables de la ville de Saint-Eustache.

Sixièmement, la ville de Saint-Eustache perdra des revenus importants de taxes, compte tenu de la baisse certaine de l'évaluation des immeubles situés dans la zone agricole. Actuellement, en effet, les terres qui sont détenues pour des fins autres qu'agricoles dans ce secteur sont évaluées, suivant la Loi sur l'évaluation foncière, à la valeur réelle, c'est-à-dire à leur valeur du marché qui, dans la ville de Saint-Eustache, est un marché autre que pour fins agricoles.

L'effet du projet de loi no 90, pour ces terres qui sont maintenant retenues dans l'aire agricole, sera de baisser considérablement leur évaluation, puisque ces terres n'auront maintenant qu'un seul marché, soit le marché agricole.

La ville de Saint-Eustache perdra donc des revenus sur une évaluation de l'ordre de $3 millions.

Septièmement, déjà des plans de développement sont complétés par les urbanistes-conseils de la ville de Saint-Eustache et prêts à être mis à exécution et ce, dans une partie de l'aire pour fins agricoles. La ville devra en absorber le coût sans que les effets escomptés de ces plans puissent se produire.

Huitièmement, le développement de l'aéroport de Mirabel ne fera que s'accentuer dans les prochains mois. Les journaux récents font état de cette réalité prochaine. Ce développement amènera sûrement une forte pression sur le développement urbain de la ville de Saint-Eustache et celle-ci doit être prête à répondre à cette exigence, non seulement pour le bienfait de ses contribuables, mais bien pour ceux de toute la province.

Le projet de loi 90 met donc des embûches des plus sérieux à notre ville sous ce rapport et la prive de moyens essentiels dont elle s était dotée à cette fin.

Notre demande particulière. En regard de tout ce qui précède, la ville de Saint-Eustache demande respectueusement d'être soustraite, pour l'application du projet de loi 90, à la commission prévue à cette loi. Elle est en effet toujours obligée de respecter le schéma d'aménagement régional préparé par le ministère des Affaires municipales, suivant la loi concernant les environs du nouvel aéroport international.

La ville de Saint-Eustache ne veut pas être tiraillée entre deux lois tout aussi coercitives, soit la loi concernant les environs du nouvel aéroport et la Loi sur la protection du territoire agricole, alors qu'elle s'est conformée en tout point à la première et qu'elle s'est dotée de tous les instruments pour être en mesure de réaliser les objectifs prévus par la deuxième.

Elle demande d'être elle-même chargée d'appliquer cette loi, sous la responsabilité du ministre des Affaires municipales qui a juridiction explicite en pareille matière, suivant la loi concernée par le chapitre 48 qui contrôle effectivement le zonage et la protection du territoire agricole suivant cette loi.

La ville de Saint-Eustache soumet respectueusement, en tenant compte de la situation qui existe chez nous, en prenant en considération les commissions régionales qui existent, la réglementation appropriée qui a été faite par la ville et qui a été approuvée par le ministre des Affaires municipales que le but visé par la Loi sur la protection du territoire agricole sera intégralement atteint dans le cas de notre ville et ce, en pleine harmonie... avec les autres objectifs visés par la ville, qui lui permettront d'assumer pleinement sa vocation particulière au bénéfice de toute la collectivité.

La ville a tenu à consulter les producteurs agricoles de son territoire. Elle a même tenu une soirée d'information, à laquelle ceux-ci ont assisté en grand nombre. Ils se sont déclarés en entier, à une exception près, d'accord avec la demande faite par la ville dans le présent mémoire. Nous croyons sincèrement que cette demande, loin

d'être présomptueuse, est en parfait accord avec les vues de M. Guy Tardif, ministre des Affaires municipales, qui s'est employé, particulièrement depuis les derniers mois, à revaloriser la fonction des élus municipaux.

Nous soutenons respectueusement que le projet de loi 90 est contraire à cet objectif. Il prive le conseil municipal de la ville de Saint-Eustache d'un champ de juridiction qui lui est essentiel, et qui lui appartient, pour assurer l'épanouissement de la municipalité. Nous ajoutons, de plus, respectueusement, que cette demande est dans la ligne d'orientation et de pensée de M. Jacques Léonard, ministre d'Etat à l'aménagement, qui, au risque de répéter une partie du mémoire de ceux qui nous ont précédés, disait, en ce qui concerne l'aménagement du territoire, de quelle façon il devait être pensé: "Là-dessus l'orientation a été claire, ce n'est pas de Québec que doit se faire l'aménagement".

Or, justement, nous l'avons fait à partir de notre propre territoire, de nos propres citoyens, de nos propres institutions et de nos propres municipalités.

Vous me permettrez de vous demander tout simplement de lire de la page 46 à la fin, puisque le contenu de ces pages a été discuté en long et en large depuis ce matin. Ce contenu, quand même, représente l'opinion de nos agriculteurs, opinion qui a été émise lors de la réunion que nous avons faite il y a environ une dizaine de jours. Nous avons retenu les demandes faites par eux qui, malheureusement, ne semblent pas avoir été acheminées à bon port par la consultation qui a été faite par l'UPA.

Justement, sur ce point...

M. Lavoie: M. le Président, il reste six minutes, et ces pages sont intéressantes. De toute façon, on ne pourra pas vider la question de Saint-Eustache ce soir. J'inviterais le maire à résumer, comme il l'a fait depuis le début, les cinq ou six pages qui restent. Elles sont très intéressantes, d'ailleurs.

M. Garon: Je comprends. Je pense que pour l'avenir on ne peut pas avoir de romans. Il faudrait avoir une période délimitée pendant laquelle on pourrait questionner les gens et une période pendant laquelle on résumerait les mémoires. Je n'ai jamais vu des mémoires durer une heure et plus.

M. Lavoie: Est-ce qu'il y a deux poids, deux mesures? On a passé une heure ou une heure et demie avec...

M. Garon: Non, pour la lecture.

M. Lavoie: Un instant! Je vais terminer. D'ailleurs, on ne se disputera pas longtemps, il reste cinq minutes. Ce que je voulais dire, c'est que je pense qu'on a laissé une certaine latitude depuis le début à l'Union des conseils de comté, l'Union des municipalités et l'Union des producteurs agri- coles. La ville de Saint-Eustache est une municipalité importante de la région métropolitaine de Montréal. Je ne pense pas qu'il y ait eu abus de la part de l'opposition.

M. Garon: Non.

M. Lavoie: On n'acceptera de la part du ministre aucune restriction et nous allons donner la liberté voulue et désirée par ceux qui prennent la peine de préparer des mémoires comme celui-ci et qui veulent se faire entendre.

M. Garon: Je comprends que l'Union des municipalités, pour toutes les municipalités du Québec, a présenté un mémoire de 12 pages. On demande un résumé. On l'a lu le mémoire. Je l'ai lu le mémoire. Normalement, la méthode, c'est de résumer le mémoire, et après cela on pose des questions.

M. Lavoie: De toute façon, je pense bien...

M. de Bellefeuille: M. le Président, j'ai demandé la parole.

M. Lavoie: Oui, allez-y! J'aimerais bien entendre le député de Deux-Montagnes.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: J'aimerais demander, par votre intermédiaire, M. le Président, au maire Bélisle et aux autres représentants de la ville de Saint-Eustache s'ils peuvent revenir demain devant la commission.

M. Bélisle: On va revenir étant donné qu'on a quand même pris la peine de préparer ce mémoire. Je tiens quand même à vous souligner que si je l'avais lu, cela aurait peut-être pris une heure et quart, mais je l'ai fait en moins de 25 minutes.

M. de Bellefeuille: Je voudrais simplement ajouter que je reconnais que le mémoire contient beaucoup de substance et je suis très heureux que la délégation de Saint-Eustache puisse se présenter de nouveau demain.

M. Lavoie: Peut-être pourriez-vous laisser M. le Maire terminer son exposé et demain on procédera aux questions.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Laval, j'aimerais peut-être profiter des dernières minutes qui restent pour discuter des prochains organismes qui vont se présenter. Il y a deux organismes qui n'ont pu se faire entendre ce soir. Alors, il faudrait leur demander s'ils sont prêts à revenir demain matin.

Alors, l'Association provinciale des constructeurs et l'Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec, vous pouvez revenir

demain. Donc, vous passerez dans l'ordre après la ville de Saint-Eustache.

Je ferai remarquer aussi qu'il y en a huit...

M. Lavoie: L'Association des urbanistes-conseils du Québec qui était prévue, pour aujourd'hui, je crois.

Le Président (M. Boucher): Non. Elle n'était pas sur la liste, M. le député de Laval.

M. Lavoie: Sur la liste que j'ai, moi, ici, le 5 décembre...

Le Président (M. Boucher): Alors, pour demain, il y aurait neuf autres organismes de prévus. Ah! Il y en a un qui est annulé. Alors, il y en aurait huit en plus des deux autres et avec Saint-Eustache, cela fait onze.

M. Lavoie: Onze pour demain.

Le Président (M. Boucher): Onze, en terminant avec Saint-Eustache.

M. Lavoie: Cela va bien, M. le ministre?

Le Président (M. Boucher): Disons qu'on essaiera de faire notre possible.

M. Garon: Cela va très bien.

Le Président (M. Boucher): On essaiera de faire notre possible pour demain.

M. Garon: On n'a qu'à aller jusqu'à 18 heures, éventuellement. Je suis très résistant au sommeil.

M. Lavoie: A six heures?

M. Garon: 24 heures sur 24, on est capable de faire cela.

M. Lavoie: Ecoutez, il faut quand même être raisonnable. Vous savez que l'Assemblée nationale siège actuellement et qu'elle peut siéger après minuit.

M. Garon: Oui.

M. Lavoie: Et moi, je me dirige à l'Assemblée nationale actuellement pour continuer les travaux là-bas.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Champlain.

M. Gagnon: Comme on a presque terminé pour ce soir et qu'on va s'aligner avec onze organismes pour demain — comme vous l'avez mentionné, onze mémoires à entendre — n'y aurait-il pas possibilité d'essayer de déterminer un temps pour chaque mémoire ou avez-vous l'intention de continuer à aller librement comme cela...

Le Président (M. Boucher): Je l'ai mentionné au début des travaux de la commission et il n'y a pas eu d'entente entre les leaders sur le temps pour chacun des mémoires. On a compté sur la collaboration des membres de la commission pour se limiter. Comme président, je pense que je n'ai pas de qualité spéciale pour voir l'heure passer. Tous les membres de la commission peuvent voir tourner les aiguilles de l'horloge et lors de leurs interventions, ils peuvent essayer de limiter leurs questions.

M. Garon: D'accord qu'on ne limite pas les périodes d'échange pour les mémoires, mais les mémoires, on les a rédigés. Alors, je pense qu'il faudrait quand même que ce soit un résumé qu on nous présente, lequel pourrait durer peut-être dix minutes, un quart d'heure, mais pas des textes qui vont durer une heure.

M. Lavoie: Justement la ville de Saint-Eustache a résumé son mémoire et a pris à peine une demi-heure pour présenter son mémoire.

M. Garon: ... parce qu'on a les textes. On peut les lire.

M. Lavoie: II n'y a pas d'abus là.

M. Garon: ... plus qu'une demi-heure.

Le Président (M. Boucher): Pour clore la question...

M. Garon: Ils seront imprimés au journal des Débats quand même.

Le Président (M. Boucher): ... j'invite les représentants de Saint-Eustache à revenir demain, après la période de questions.

M. Bélisle: Vers quelle heure? Onze heures?

Le Président (M. Boucher): Cela veut dire vers onze heures et ils poursuivront pour les questions. Merci beaucoup.

M. Bélisle: Merci.

Le Président (M. Boucher): Alors, la commission ajourne ses travaux sine die.

Fin de la séance à minuit

ANNEXE

MÉMOIRE

de la ville de St-Eustache à la commission parlementaire chargée d'étudier le projet

de loi numéro 90 "Loi sur la protection du territoire agricole"

Le 30 novembre 1978.

Monsieur le Président,

Messieurs les Membres,

La Commission Parlementaire chargée d'étudier le Projet de loi numéro 90 "Loi sur la Protection du Territoire Agricole"

La ville de St-Eustache vous soumet respectueusement

PRÉAMBULE

Suivant les notes explicatives qui sont attachées au Projet de loi numéro 90, "Loi sur la protection du territoire agricole", ce Projet de loi a "principalement pour objet d'assurer la protection du territoire agricole ".

La ville de St-Eustache se déclare entièrement d'accord avec le but visé par ce Projet de loi.

Par le présent Mémoire, elle espère vous convaincre qu'il ne s'agit pas là de la formulation d'un énoncé poli, pour pouvoir ensuite le détruire par une série de "réticences", mais bien qu'elle a déjà agi, de façon positive, réaliste et concrète, dans l'esprit dudit Projet de loi.

La ville de St-Eustache croit sincèrement, cependant, que le Législateur devrait tenir compte de la situation particulière qui existe actuellement à St-Eustache, au niveau de la protection du territoire agricole et en regard du développement harmonieux de toute la municipalité, et eu égard aux mécanismes juridiques, et aux infrastructures importantes, économiques et autres, dont elle s'est dotée, pour prévoir l'avenir avec réalisme et pour recueillir le plus de retombées économiques possibles, suite à l'événement majeur qui s'est produit dans sa région immédiate, à savoir l'implantation de l'Aéroport International de Mirabel, dont les phases de réalisation les plus importantes restent à venir, selon une planification préalablement établie.

Premier point:

La venue de l'Aéroport International de Mirabel et les organismes de planification

En 1969 et en 1970, à la suite de la décision d'implanter à Sainte-Scholastique un nouvel aéroport international, les gouvernements mettent en place différents organismes de planification et de mise en oeuvre. Ces organismes ont pour but d'obtenir le maximum d'effets bénéfiques liés à l'implantation de l'aéroport et d'aménager le territoire en accueillant cette infrastructure d'importance.

En juin 1969, le gouvernement provincial vote le bill 48, 1969, Ch. 57, "Loi créant le Bureau d'aménagement des environs d'un nouvel aéroport international au Québec (BAENAIQ)."

En juillet 1970, en vertu de la loi de l'O.P.D.Q., le gouvernement provincial créait par arrêté en conseil, la Commission de développement de la région de Montréal (CDRM) avec le mandat d'élaborer un schéma de développement, principalement pour la sous-région nord de Montréal et d'assurer la coordination des efforts interministériels dans ce territoire. En janvier 1971, le président de la CDRM déposait son rapport (Rapport du Président) définissant des objectifs de cadrage au développement et à l'aménagement de la sous-région nord.

Le 19 décembre 1970, le bill 60, 1970, Ch. 48 "Loi concernant les environs du nouvel aéroport" crée la nouvelle municipalité de Sainte-Scholastique, abolit la loi du BAENAIQ et transfère les droits et obligations du Bureau d'aménagement au ministre des Affaires municipales. Le personnel technique du BAENAIQ est regroupé dans le Service d'aménagement du territoire de la région aéroportuaire (SATRA). L'annexe B du bill 60 définit le territoire des 32 municipalités pour lequel doit être préparé un schéma d'aménagement.

Les 32 municipalités qui s'étendent au nord de la rivière des Mille-Iles jusqu'à Saint-Jérôme et du Canton de Chatham à l'ouest, à Terrebonne à l'est, comptaient 180,000 habitants et couvrent une superficie de près de 400,000 acres (1620 km carrés), sept fois la superficie de l'Ile Jésus.

La région aéroportuaire est une partie de la région administrative no 6 et s'étend sur trois comtés: Deux-Montagnes, Terrebonne et Argenteuil.

La ville de St-Eustache est la ville la plus importante du Comté des Deux-Montagnes.

Le mandat de SATRA était de préparer un schéma d'aménagement pour la région aéroportuaire, sensibiliser les ministères aux problèmes de la mise en place de l'aéroport, assurer l'information, la

consultation et la concertation des administrations municipales et de leurs citoyens, solutionner les problèmes liés à l'implantation de l'aéroport et en négocier leur solution avec le BANAIM (Bureau d'aménagement du nouvel aéroport international de Montréal — Transport Canada), appliquer le bill 60 quant au schéma d'aménagement, au plan d'urbanisme, au zonage et à l'annexe A (Sainte Scholastique).

L'on sait que, de façon générale, un schéma d'aménagement tend à préciser sur un territoire donné quelles parties de ce territoire doivent être affectées à des fins agricoles, industrielles, commerciales, récréatives, ainsi que les services à mettre en place pour favoriser ces types d'utilisation. Pour ce faire, le schéma doit inventorier les éléments naturels du milieu, les caractéristiques de sa population et des équipements urbains, industriels, routiers déjà en place. Une fois le schéma précisé, il peut servir de guide à l'élaboration des politiques des différents niveaux de gouvernement mais principalement celles des municipalités concernées. Il permet d'éviter les effets néfastes d'une organisation mal conçue: gaspillage de terrains, dilapidation du patrimoine naturel et culturel, dispersion excessive des équipements et des activités.

Les objectifs précis du SATRA étaient les suivants: 1o. - Identifier les pôles d'attraction de la région aéroportuaire.

(La ville de St-Eustache, suite aux recherches et études des experts, a été reconnue et cataloguée comme étant le centre de tout le secteur sud de la zone aéroportuaire). 2o. - Développer l'autonomie des centres, tout en favorisant la mobilité physique de la population. 3o. - Favoriser les retombées économiques de l'aéroport. 4o. -Assurer aux populations du territoire les meilleurs services urbains possibles, au moindre coût de mise en valeur et de fonctionnement. 5o. - Assurer la meilleure utilisation possible des ressources du milieu naturel de la région en favorisant leur mise en valeur et en réduisant les conflits entre les différentes utilisations du sol. 60. - Rentabiliser les investissements des divers niveaux de gouvernement.

Deuxième point: Le ministère des Affaires municipales, le SATRA et l'Agriculture

Dans les documents officiels du ministère des Affaires municipales et du SATRA, l'on retrouve l'objectif suivant, clairement défini quant à l'agriculture: "La sauvegarde de l'agriculture est un objectif à atteindre et il importe d'en faire une activité rentable et concurrentielle. Ainsi, non seulement, l'aire agricole doit-elle être protégée, mais elle doit être mise en valeur dans le cadre du développement régional. Le territoire aéroportuaire est agricole à plus de 50% et la lutte pour l'utilisation du sol devrait se faire de plus en plus vive.

Le contrôle de l'aire agricole et la rentabilité de celle-ci ne sauraient se faire sans une règlementation de l'utilisation du sol et de l'adoption de programmes assurant la mise en valeur du territoire. Les objectifs généraux du ministère de l'Agriculture décrivent ce concept".

En conséquence, le SATRA a, dans la région aéroportuaire, déterminé un périmètre agricole, qui a été rendu obligatoire par les règlements de zonage que les municipalités étaient tenues d'adopter en vertu de la "loi concernant les environs du nouvel aéroport international".

Nous avons déjà cette règlementation particulière quant à l'utilisation du sol pour fins agricoles mais il n'était pas de notre responsabilité de mettre en oeuvre les grandes politiques qui devaient émaner du ministère de l'Agriculture du Québec, suivant les recommandations mêmes de SATRA: "Intégration du secteur agricole dans l'économie, Parité des revenus,

Régionalisation et diversification des productions, Mobilité et réaffection des ressources, Augmentation du degré d'auto-approvisionnement, Gestion de l'offre et partage des marchés, Maintien d'une infrastructure socio-économique en milieu rural, Intensification de la recherche et des programmes en formation technique et professionnelle".

Remarque importante

La ville de St-Eustache, je le disais donc, désire tout de suite vous indiquer qu'elle a vu elle-même, sans attendre d'autres interventions, à protéger l'aire agricole de son territoire.

C'est ainsi que, dès 1974, l'on retrouve dans le document d'expertise intitulé "Schéma directeur des structures-St-Eustache et la région", préparé par Chagnon et Sunderland, urbanistes-conseils, les textes suivants: 1o.-"La fonction agricole au sein de secteur sud de la région aéroportuaire est répartie principalement sur le territoire de St-Eustache, de St-Joseph du Lac, de la paroisse d'Oka et de la paroisse de St-Placide... 2o. - De cette analyse, il ressort que la partie Est du secteur est la plus productive au point de vue agricole et qu'elle se distingue par des productions hautement spécialisées.

3o. - L'agriculture est localisée sur certaines parties bien déterminées du territoire; d'autres terres sont affectées soit la récréation, soit la villégiature, deux activités qui ne sont pas du tout incompatibles avec les activités agricoles, bien au contraire.

L'affectation des sols spécifiés au plan du secteur rural est établie en fonction du potentiel agricole des sols.

C'est ainsi que l'on remarquera certaines enclaves affectées à la récréation au sein même du secteur agricole".

Et, effectivement, comme il sera fait mention plus loin dans le présent Mémoire, la ville de St-Eustache a fait en sorte, par ses Règlements et son plan directeur, à protéger l'aire agricole de son territoire. Elle a, de fait, zoné "agricole" 10680.8 acres de son territoire.

Mais, il n'était certes pas de la compétence et de la responsabilité de la ville de St-Eustache de prendre les autres moyens pour réaliser les buts du SATRA vis-à-vis l'agriculture, soit l'adoption de programmes assurant la mise en vigueur du territoire, lesquels relevaient des objectifs généraux du ministère de l'Agriculture, suivant les détails, d'ailleurs, qui apparaissent à la page précédente.

Troisième point: Les moyens pour parvenir aux buts visés

Afin que les buts visés pour la zone aéroportuaire ne restent pas lettres mortes, le législateur a prévu des moyens radicaux pour y parvenir.

Suivant l'article 19 de la "Loi concernant les environs du nouvel aéroport international", le ministre des Affaires municipales a préparé un plan indiquant les affectations du sol du territoire.

Par la suite les municipalités ont été dans l'obligation d'exécuter des plans municipaux d'urbanisme.

Ces plans devaient être conformes avec les grandes orientations du schéma d'aménagement régional, et obtenir l'assentiment des paliers supérieurs, dont, entre autres, l'approbation du ministre des Affaires municipales et celle du ministre de l'Agriculture. Nous avons déjà obtenu ces approbations après de longues discussions.

La confection des plans d'urbanisme, placée sous la responsabilité des commissions conjointes d'urbanisme de secteur, assurait la concertation intermunicipale.

Ces plans comprenaient: 1o. - Le schéma directeur des structures.

Il définit les concepts d'organisation de l'espace d'une municipalité ou d'une agglomération, identifie et esquisse les besoins en équipements et infrastructures majeures et dresse un aperçu des priorités d'action.

Il détermine les affectations du sol (résidentiel, commercial, industriel, récréatif, agricole, etc.) et les densités d'occupation.

Il établit les zones d'expansion urbaine et leurs étapes de développement.

Il délimite les zones à rénover et définit le type d'intervention (restauration, démolition, etc.).

Il établit la répartition, l'importance et la localisation des noyaux de services commerciaux (centreville, centre de voisinage, etc.).

Il identifie les besoins en équipements, les prévoit et les localise (écoles, hôpitaux, postes de pompiers, parc, etc.).

Il indique le tracé des voies de circulation à conserver, à modifier ou à créer. Il définit la hiérarchie routière, de même que la largeur et les caractéristiques générales de routes.

Il identifie les besoins en infrastructures d'utilité publique, prévoit leur emplacement ou leur tracé (égout, aqueduc, dépotoir).

Il identifie et définit les principaux problèmes d'aménagement, précise les solutions et les priorités d'action.

Il précise la politique municipale ou intermunicipale en termes de conservation et de protection du milieu (protection du patrimoine historique et architectural, lutte contre la pollution, etc.) et précise les politiques sur les ressources naturelles. 2o. - Le programme des services et équipements

II traduit le schéma directeur des structures en termes d'échéancier de réalisation, c'est-à-dire qu'il présente un programme échelonné sur plusieurs années des investissements et des immobilisations que la municipalité devra réaliser en conformité avec ses capacités financières.

Il comprend un énoncé d'intention sur la nature et le niveau des services dont la municipalité, ou le groupe de municipalités, veut se doter.

Il précise les politiques et les échéances de réalisation des équipements, des services ou des infrastructures, selon les directives indiquées dans le schéma directeur des structures et selon la capacité financière de la municipalité ou du groupe de municipalités.

II prévoit, en termes de budget et de localisation dans le temps, la mise sur pied des programmes de promotion économique, d'action socioculturelle ou encore de protection de l'environnement.

Il inscrit dans son processus, les réalisations d'équipements ou de services qui ne sont pas de sa compétence, mais qui sont toutefois prévues dans le schéma directeur des structures (voirie provinciale, parcs provinciaux, programmes de conservation, services de santé, etc.). 3o - La réglementation d'urbanisme

Elle est le second mécanisme complémentaire au schéma directeur des structures. C'est un élément de contrôle de l'occupation du sol dans la municipalité et de l'utilisation des différentes parcelles de son territoire.

D'une façon générale, la réglementation d'urbanisme se compose de trois sections:

Un plan divisant le territoire municipal en zones pour des fins de réglementation des utilisations du sol.

Un règlement de zonage spécifiant, pour chaque zone, les constructions et les usages autorisés ou prohibés, les règles applicables pour chaque construction ou usage, les modalités applicables à toute rénovation ou démolition.

Un règlement de lotissement spécifiant, pour chaque zone, les critères d'approbation d'un plan de lotissement. 4o - Les études et plans particuliers

Les municipalités peuvent aussi préparer des plans particuliers. Ce sont des plans qui précisent les directives du schéma directeur des structures concernant une partie du territoire ou un domaine spécifique. Ils prévoient, parallèlement et en accord avec le programme des services et équipements, toutes les modalités précises de financement et de réalisation des aménagements ou activités prévues dans cette partie du territoire ou dans ce domaine spécifique; il peut s'agir aussi bien d'un plan d'aménagement d'une carrière, que d'un programme complet de rénovation, par exemple.

Ces études fournissent les recommandations appropriées à la mise en commun et au regroupement de services et, éventuellement, à des modifications aux limites municipales.

Quatrième point:

La ville de St-Eustache s'est dotée de tous les moyens imposés par

le ministère des Affaires municipales, en vue d'atteindre les buts visés

dont celui de la protection du territoire agricole

En effet, les organismes régionaux suivants ont été créés et ils ont apporté des conséquences importantes et heureuses pour le développement régional. Ces orgnismes sont les suivants: 10- Le 14 janvier 1972, la Cité des Deux-Montagnes, le village d'Oka, la paroisse de St-Joseph du Lac, le village de Pointe Calumet, la Corporation Municipale de Ste-Marthe sur le Lac et la Corporation Municipale de la paroisse de St-Eustache signaient avec la ville de St-Eustache une entente concernant l'organisation en commun d'un système pour l'élimination des déchets, et ces municipalités formaient une Commission Conjointe à cette fin sous le nom de "Comité Intermunicipal de Deux-Montagnes".

A la suite de subventions très importantes reçues du Gouvernement Provincial et du Gouvernement Fédéral, un incinérateur régional fut construit sur le territoire de la ville de St-Eustache (dans une aire actuellement retenue pour fins agricoles, par le Projet de loi numéro 90).

Grâce à de nouvelles subventions importantes, l'incinérateur régional s'est agrandi en 1974.

Il dessert maintenant les villes mentionnées ci-dessus, et en plus, de nombreuses municipalités environnantes, l'aéroport de Mirabel même, les organismes bancaires, et Loto-Québec et Loto-Canada. 2o. - Le 16 janvier 1973, la ville de St-Eustache, dont alors la paroisse de St-Eustache faisait partie intégrante, créait une Commission Industrielle Régionale connue sous le nom de "Commission Industrielle de Mirabel Sud", avec toutes les municipalités mentionnées précédemment, et avec en plus la municipalité de la paroisse de l'Annonciation d'Oka, le village de St-Placide et la paroisse de St-Placide.

Cette Commission Industrielle Régionale a eu pour effet immédiat la création d'un parc industriel régional, situé dans la ville de St-Eustache (malheureusement dans une aire actuellement retenue comme agricole suivant le Projet de loi numéro 90).

Cette Commission a également vu à l'engagement d'un Commissaire Industriel et les efforts concertés de tous ont amené dans le parc industriel régional de St-Eustache, au delà de quarante (40) entreprises qui ont généré plus de huit cents (800) emplois.

La dernière industrie à s'y installer est celle de la compagnie General Motors pour les fins de la construction ou assemblage d'autobus scolaires, production qui doit débuter incessamment.

3o. - Le 7 septembre 1972, la ville de St-Eustache constituait avec les huit autres municipalités mentionnées précédemment au paragraphe 2o, une Commission Conjointe d'Urbanisme qui porte le nom de "Commission d'Urbanisme de Mirabel Sud".

Cette Commission est des plus active depuis, et voit à la concrétisation des objectifs visés dans les très nombreux documents préparés depuis l'année 1969 par tous les experts en la matière.

Des centaines de milliers de dollars ont été investies par le Gouvernement Provincial pour doter les organismes de développement de moyens efficaces et modernes pour parvenir aux buts visés, suivant les objectifs définis précédemment, en tenant compte de la situation particulière créée par la venue dans la région de l'aéroport international de Mirabel. 4o. - La ville de St-Eustache s'est entièrement conformée aux dispositions obligatoires de la "loi sur les environs du nouvel aéroport international," et en particulier aux articles 19, 20, 21 et 22, et elle a mis en application les recommandations de tous les experts mis à sa disposition par le Gouvernement.

En collaboration avec la commission" conjointe de l'urbanisme, elle a édicté les Règlements suivants: le Règlement sur le lotissement: numéro 763 et amendements. Le Règlement sur la Construction: numéro 764 et amendements. Le Règlement sur la zonage avec l'adoption d'un plan directeur d'urbanisme: numéro 762 et suivants.

Cette règlementation et le plan directeur d'urbanisme ont été approuvés par le ministre des Affaires municipales, suivant la loi "concernant les environs du nouvel aéroport international" (chapitre 48 des Lois de 1970).

Ces Règlements sont légalement en vigueur et ils sont mis en application de façon scrupuleuse.

Conformément au schéma d'aménagement régional préparé par le ministère des Affaires municipales, une zone agricole a été prévue, en accord avec les objectifs de SATRA, et ainsi, dans la seule ville de St-Eustache, une superficie de 10680.8 acres a été affectée au zonage agricole.

Cette protection du territoire agricole ne se fait pas en contradiction des objectifs précédemment établis, mais de façon harmonieuse, afin d'assurer le développement de toute la collectivité de St-Eustache en rapport avec sa situation privilégiée.

En somme, il s'agit d'une heureuse synthèse d'une urbanisation progressive de la ville de St-Eustache, en accord avec sa vocation spéciale, et du développement rationnel de ses meilleures terres agricoles.

Ces textes législatifs ont concrétisé l'expression de volonté et de désir des citoyens de la ville de St-Eustache, qui ont été longuement consultés depuis l'année 1969.

En fait, la ville de St-Eustache a mis en application le principe à la fois si raisonnable et si essentiel que l'on retrouve à la page 13 du fascicule 3, intitulé "L'aménagement et l'Urbanisme", publié le 2 octobre 1978 par le ministère du Conseil Exécutif: "L'aménagement est l'affaire de tous les citoyens et de leurs élus dans le cadre de leurs institutions municipales, de comté ou de l'Etat. Chaque niveau de gouvernement doit être en mesure de jouer le rôle d'un meneur de jeu pour l'aménagement du territoire dont il est responsable. Les élus de chaque palier, en association étroite avec les citoyens, définissent le type d'aménagement auquel la communauté aspire, En définitive, il reviendra aux élus de faire les choix, en tenant compte de points de vue de leurs citoyens".

Cinquième point:

Les effets du projet de la loi sur la protection du territoire agricole pour la ville de St-Eustache

Le Législateur, par l'article 98 du Projet de loi numéro 90, raye d'un trait de plume les années d'efforts et de concertation de la ville de St-Eustache, des municipalités environnantes et de leurs citoyens, le travail des experts mis en place par le ministère des Affaires municipales, et les sommes considérables d'argent investies depuis l'année 1969 pour doter la ville de St-Eustache de moyens adéquats et assurer le développement harmonieux de son territoire.

L'article 98 du Projet de loi susdit stipule, en effet, ce qui suit: "La présente loi prévaut sur toute disposition inconciliable d'une loi générale ou spéciale applicable à une communauté, à une corporation municipale ou à une corporation de comté.

Elle prévaut également sur toute disposition incompatible d'un schéma d'aménagement, d'un plan directeur ou d'un règlement de zonage, de lotissement ou de construction".

Le Projet de loi numéro 90, s'il est adopté tel quel, aura les conséquences particulières suivantes pour la ville de St-Eustache. 1o. - Perte de juridiction du Conseil de la ville de St-Eustache sur environ 84% de son territoire, suivant l'aire actuellement retenue pour fin agricole, et ce, dans un domaine aussi fondamental que "l'aménagement et l'urbanisme".

Ce résultat inquiétant nous semble contredira nettement le principe émis dans la publication citée précédemment, soit "l'aménagement et l'urbanisme" publiée le 2 octobre 1978, par le ministère du Conseil exécutif, pages 13 et 14,

"DEUXIÈME PRINCIPE: DES POUVOIRS PARTAGÉS RESPECTANT LES DOMAINES PROPRES D'INTERVENTION. "L'aménagement doit être perçu non pas comme l'apanage exclusif de l'Etat, mais bien comme la responsabilité conjointe et partagée des trois paliers de gouvernement, c'est-à-dire les municipalités, les comtés municipaux et le gouvernement québécois. Ce partage de responsabilités doit se comprendre comme un domaine de juridiction concurrente mais non exclusive. Un tel partage doit cependant faire une large place aux champs relativement autonomes de responsabilités. Cette autonomie représente d'ailleurs le seul véritable fondement de la responsabilité politique des choix à faire en matière d'aménagement tout comme elle constitue la principale garantie que le niveau où ces choix doivent être faits (collectivité locale, collectivité de comté, collectivité québécoise) sera respecté"... "Par contre, il appartient en propre aux municipalités de continuer d'exercer les responsabilités quelles assument présentement et que plusieurs devront assumer plus réellement. Il leur revient d'élaborer des plans et règlements en matière d'urbanisme, tout comme il est de leur ressort de procéder à l'implantation d'un parc municipal ou à la mise en oeuvre d'un programme d'habitation pour leur collectivité.

Des moyens plus étendus et plus complets pour assurer une gestion appropriée de l'aménagement de leur milieu leur seront d'ailleurs confiés.

Quant au comté, tout en étant une instance de concertation du milieu municipal et de négociation avec le gouvernement, il pourra assumer des responsabilités ou exercer un droit de regard sur les grands équipements intermunicipaux, sur les infrastructures de voirie et autres. De plus, il sera responsable des grandes affectations de son territoire et de la délimitation des périmètres d'urbanisation". 2o. - La synthèse harmonieuse que la ville de St-Eustache avait réussi à établir entre une urbanisation progressive et le développement rationnel de l'agriculture est nettement mise en péril. 3o.-Alors que la ville, par ses textes législatifs, protège actuellement environ cent soixante (160) terres pour fins agricoles, le Projet de loi numéro 90 rajoute inutilement environ quarante (40) autres terres, qui n'ont aucune vocation agricole, mais bien une vocation urbaine, ce qui a pour effet de compromettre de façon très grave le développement de l'ensemble de la municipalité, vis-à-vis les objectifs que ses citoyens se sont fixés. 4o. - L'expansion du Parc Industriel Régional est arrêtée. 5o. - Des équipements municipaux et des infrastructures ont déjà été mis en place en accord avec le pian directeur de la ville de St-Eustache, à un coût considérable, mais qui tenait compte de l'urbanisation prochaine et progressive d'un secteur de la municipalité.

Ce secteur fait maintenant partie de l'aire actuellement retenue pour fins agricoles.

Ces équipements et ces infrastructures imposeront un fardeau fiscal considérable aux contribuables de la ville de St-Eustache. 6o. - La ville de St-Eustache perdra des revenus importants de taxes, compte tenu de la baisse certaine de l'évaluation des immeubles situés dans la zone agricole.

Actuellement, en effet, les terres qui sont détenues pour des fins autres qu'agricoles, dans ce secteur, sont évaluées, suivant la loi sur l'évaluation foncière à leur valeur réelle, c'est-à-dire à leur valeur du marché qui, dans la ville de St-Eustache, est un marché autre que pour fins agricoles.

L'effet du projet de loi numéro 90 pour ces terres qui sont maintenant retenues dans l'aire agricole, sera de baisser considérablement leur évaluation, puisque ces terres n'auront maintenant qu'un seul marché, le marché agricole.

La ville de St-Eustache est convaincue que le Bureau de Révision de l'Evaluation Foncière du Québec ne pourra faire autrement que de tenir compte de cette situation, dans les décisions qu'il aura à rendre sur les contestations d'évaluation qui lui seront soumises.

La ville de St-Eustache perdra des revenus sur une évaluation de l'ordre de $3,000,000.00. 7o. - Déjà, des plans de développement sont complétés par les urbanistes-conseils de la ville de St-Eustache, et prêts à être mis à exécution, et ce dans l'aire pour fin agricole.

La ville de St-Eustache devra en absorber le coût, sans que les effets escomptés de ces plans puissent se produire. 8o. - Le développement de l'aéroport de Mirabel ne fera que s'accentuer dans les prochains mois.

Les journaux récents font état de cette réalité prochaine.

Ce développement amènera sûrement une forte pression sur le développement urbain pour la ville de St-Eustache, et celle-ci doit être prête à répondre à cette exigence, non seulement pour le bienfait de ses contribuables, mais bien pour ceux de toute la province de Québec.

Le Projet de loi numéro 90 met des embûches des plus sérieuses à la ville de St-Eustache, sous ce rapport, et la prive de moyens essentiels dont elle s'était dotée à cette fin.

Sixième point: La demande de la ville de St-Eustache

En regard de tout ce qui précède, la ville de St-Eustache demande respectueusement d'être soustraite, pour l'application du Projet de loi numéro 90, à la Commission prévue à cette loi.

Elle est en effet toujours obligée de respecter le schéma d'aménagement régional préparé par le ministère des Affaires municipales, suivant la "loi concernant les environs du nouvel aéroport international."

La ville de St-Eustache ne veut pas être tiraillée entre deux lois, tout aussi coercitives, soit la "loi concernant les environs du nouvel aéroport international" et la "loi sur la protection du territoire agricole ", alors qu'elle s'est conformée en tout point à la première et qu'elle s'est dotée de tous les instruments pour être en mesure de réaliser les objectifs prévus par la deuxième.

Elle demande d'être elle-même chargée d'appliquer cette loi, sous la responsabilité du ministre des Affaires municipales qui a juridiction explicite en pareille matière suivant la "loi concernant les environs du nouvel aéroport international", le chapitre 48 des Lois de 1970, et qui contrôle effectivement le zonage et la protection du territoire agricole suivant ladite loi.

La ville de St-Eustache soumet respectueusement qu'en tenant compte de la situation qui existe actuellement dans la ville de St-Eustache, en prenant en considération les Commissions Régionales qui existent, la réglementation appropriée qui a été faite par la ville de St-Eustache et qui a été approuvée par le ministre des Affaires municipales: le but visé par la loi sur la protection du territoire agricole sera intégralement rempli dans le cas de la ville de St-Eustache, et ce, en pleine harmonie avec les autres objectifs visés par la ville de St-Eustache et lui permettront d'assumer pleinement sa vocation particulière, au bénéfice de toute la collectivité.

La ville de St-Eustache a tenu à consulter les producteurs agricoles de son territoire.

Elle a même tenu une soirée d'information à laquelle, ceux-ci assistaient en grand nombre.

Ils se sont déclarés en entier accord avec la demande faite par la ville de St-Eustache dans le présent Mémoire.

Nous croyons sincèrement que cette demande, loin d'être présomptueuse, est en parfait accord avec les vues de Monsieur Guy Tardif, ministre des Affaires municipales, qui s'est employé, depuis particulièrement les derniers mois, à revaloriser les fonctions des élus municipaux.

Nous soumettons respectueusement que le Projet de loi numéro 90 est contraire à cet objectif: il prive le Conseil Municipal de la ville de St-Eustache d'un champ de juridiction qui lui est essentiel, pour assurer l'épanouissement de la municipalité.

Nous ajoutons de plus, respectueusement, que cette demande est dans la ligne d'orientation et de pensée de Monsieur Jacques Léonard, le ministre d'Etat à l'aménagement qui s'exprime ainsi, dans l'avant-propos de chacun des fascicules de l'ouvrage "La décentralisation: une perspective communautaire nouvelle", publié par le ministère du Conseil Exécutif, ouvrage auquel il a été référé précédemment: "Au début de l'année 1977, j'ai entrepris avec mes collègues du Comité ministériel de l'aménagement une réflexion sur les problèmes généraux d'aménagement du territoire du Québec et sur la prise de décision en aménagement. Nous avons rapidement fait une distinction entre deux modèles possibles: ou c'est le gouvernement lui-même qui aménage le territoire selon sa propre perception des besoins des individus et des collectivités; ou encore le gouvernement confie à des instances plus locales les responsabilités de l'aménagement et leur donne les moyens de faire face à ces responsabilités.

Là-dessus, l'orientation a été claire: ce n'est pas de Québec que doit se faire l'aménagement."

LE TOUT RESPECTUEUSEMENT SOUMIS.

VILLE DE ST-EUSTACHE, le 30 novembre 1978

LA VILLE DE ST-EUSTACHE

Par: Me Guy Belisle Maire

Notes complémentaires

La ville de Saint-Eustache espère ardemment que la demande qu'elle a faite dans la première partie de son Mémoire sera agréée, dans l'intérêt général de ses concitoyens, et notamment de ses producteurs agricoles.

La ville de St-Eustache est consciente que plusieurs intervenants ont soumis et soumettront des Mémoires intéressants sur le texe même du Projet de loi numéro 90.

Aussi, elle demande respectueusement à la Commission de formuler les brèves remarques suivantes: 1o - L'intérêt des producteurs agricoles

Par le projet de loi numéro 90, le Législateur n'a porté son attention que sur le fonds de terre agricole.

Il ne s'est pas attaché à la personne du producteur agricole.

La ville de St-Eustache souhaite très fortement que, dans le domaine agricole aussi, LA PERSONNE PASSE AVANT TOUTE CHOSE.

La ville de St-Eustache prie respectueusement le gouvernement de prendre les mesures appropriées pour rentabiliser les productions agricoles existantes, et notamment pour ouvrir des marchés sûrs et diversifiés aux producteurs agricoles.

Le Projet de loi numéro 90 voue de nombreuses terres à une nouvelle vocation qu'elles n'avaient pas, la vocation agricole, sans pour autant que le producteur agricole soit assuré d'un revenu suffisant.

Les nombreuses contraintes auxquelles le producteur agricole est astreint par le Projet de loi devraient être allégées.

En particulier, le producteur agricole devrait pouvoir continuer à jouir de sa terre, en liberté.

Toutes les mesures devraient être prises pour que le producteur agricole assure sa relève, notamment, par l'établissement de ses enfants sur la ferme, à des conditions autres que celles prévues dans le Projet de loi.

Le producteur agricole devrait également conserver son droit de disposer de son bien, dans son meilleur intérêt.

Les pénalités rigoureuses imposées par le dernier paragraphe de l'article 106, devraient être retranchées. 2o-La commission spéciale créée par le Projet de loi numéro 90

Nous suggérons que cette Commission soit formée, entre autres, de représentants des municipalités, qui sont les plus près des citoyens et qui sont les mieux placés pour connaître les problèmes et les solutionner.

En effet, la Commission n'aura qu'un seul objectif, régir le zonage agricole, sans se préoccuper des autres impératifs d'un plan d'aménagement rationnel.

Ces représentants devraient normalement venir de l'Union des municipalités et de l'Union des Conseils de Comté.

Le type de Commission préconisé par le Projet de loi et son mode même d'opération créeront de sérieuses difficultés aux municipalités à vocation urbaine: leur territoire ne pourra, vraisemblablement, être "dégelé" qu'après plusieurs mois.

D'autre part, les pouvoirs de cette Commission nous semblent absolument exorbitants: elle consulte seulement les municipalités, pour l'établissement du périmètre final du zonage agricole, mais c'est elle qui va décider exclusivement et de façon finale.

Aucun appel n'est prévu des décisions de la Commission.

Et, fort curieusement, la Cour supérieure est appelée à faire observer les décisions de la Commission, mais elle n'a aucun contrôle sur celle-ci, contrairement aux dispositions mêmes de notre régime juridique actuel.

Nous suggérons qu'un droit d'appel soit donné des décisions de la Commission et investi dans un pouvoir municipal régional ou entre les mains de la Commission Municipale du Québec.

De plus, un délai devrait être stipulé pendant lequel la Commission doit rendre ses décisions sur les demandes qui lui sont soumises. 3o-ll nous paraît anormal que ce soit le Gouvernement qui établisse tous les règlements relatifs au Projet de loi numéro 90, y compris les règles de régie interne de la Commission et les règles de pratique et de procédure de celle-ci.

4o. - L'article 95 nous paraît injuste et discriminatoire.

Il consacre en fait le principe d'une expropriation déguisée, sans indemnité, ce qui est absolument contraire aux notions fondamentales du droit de propriété que la Province de Québec connaît depuis toujours.

Dans le régime actuel municipal, tout changement de zonage est sujet au contrôle des citoyens, par la voie du référendum, et au contrôle du ministère des Affaires municipales.

Le Législateur devrait prévoir un mécanisme d'indemnisation valable pour tous les propriétaires de biens fonciers de bonne foi, et affectés directement par le Projet de loi.

Le tout respectueusement soumis. Ville de St-Eustache, le 30 novembre 1978

La ville de St-Eustache

Par: Me Guy Bélisle

Maire

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