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Version finale

31st Legislature, 3rd Session
(February 21, 1978 au February 20, 1979)

Friday, December 8, 1978 - Vol. 20 N° 221

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude du projet de loi no 90 — Loi sur la protection du territoire agricole


Journal des débats

 

Etude du projet de loi no 90

(Onze heures cinquante-huit minutes)

Le Président (M. Boucher): A l'ordre, s'il vous plaît! La commission de l'agriculture est réunie pour entendre les mémoires des organismes et individus, sur la Loi sur la protection du territoire agricole.

Les membres de la commission sont: M. Baril (Arthabaska), M. Beauséjour (Iberville), M. Dubois (Huntingdon), M. Gagnon (Champlain), M. Garon (Lévis), M. Giasson (Montmagny-L'Islet), M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), M. Rancourt (Saint-François), M. Roy (Beauce-Sud), M. Vaillancourt (Orford).

Les intervenants: M. Marcoux (Rimouski) remplace M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Charbon-neau (Verchères), M. Chevrette (Joliette-Montcalm), M. Cordeau (Saint-Hyacinthe), M. Larivière (Pontiac-Témiscamingue) remplacé par M. Ver-reault (Shefford), M. Lavoie (Laval), M. Mercier (Berthier), M. Ouellette (Beauce-Nord), M. Picotte (Maskinongé), M. Samson (Rouyn-Noranda).

A l'ajournement d'hier soir, nous en étions à la Chambre des notaires du Québec et M. Audet avait la parole pour exposer le point de vue de la Chambre des notaires du Québec concernant la Loi sur la protection du territoire agricole. M. Audet, si vous voulez continuer votre exposé.

Chambre des notaires du Québec

M. Audet (Jean-Marc): Pour résumer un peu ce que nous avons dit hier, c'est que nous considérons que la Loi sur la protection du territoire agricole est une loi d'exception, tant au Code civil qu'à la Charte des droits et libertés de la personne. Dans le cas d'une loi d'exception semblable, nous vous faisons remarquer que la commission aura un rôle déterminant et prépondérant. Ses décisions seront très importantes. Elle aura à accorder des autorisations, des confirmations et des approbations qui feront que ce nouvel exercice du droit de propriété pourra être exercé de façon, nous le croyons bien, efficace et possible.

Comme il s'agit d'une loi qui concerne tout particulièrement le droit immobilier et que c'est une loi qui en touche même les fondements dans son exercice, nous considérons que nous voyons apparaître au Québec, une forme de prohibition d'aliéner, ou d'interdiction de construire, ou une sorte de servitude pour usage agricole, ou une forme d'affectation de patrimoine agricole.

Cet ensemble de restrictions et de limitations va entraîner des conséquences d'ordre juridique énormes, tant au plan de l'interprétation qu'au plan de I'application. Et la commission, nous en formulons le voeu, devrait avoir la capacité et la possibilité d'émettre des directives qui lieront les parties, tout comme le ministère du Revenu émet des directives d'ordre fiscal.

Il est impossible de songer à tous les cas imaginables d'interprétation que cette loi va entraîner.

On ne joue pas avec le droit de propriété de n'importe quelle manière. Les notaires ont un rôle immense à jouer dans ce domaine car ils doivent prouver, tant au propriétaire d'un immeuble qu'à un créancier hypothécaire ou privilégié, que les titres seront incontestables, irréfragables, inattaquables, inopposables et inexpugnables, c'est-à-dire que les titres doivent être clairs, ne doivent démontrer aucun vice, doivent écarter tout doute d'interprétation possible. Notre droit immobilier, depuis 1866, a été très bien appliqué au Québec car les titres de propriété, en général, sont clairs et sont acceptés par ceux qui prêtent, ceux qui détiennent des garanties et assurent la sécurité juridique aux propriétaires de terrains et d'immeubles.

Or, vous savez que l'évaluation des terres, au Québec, l'évaluation du patrimoine territorial est immense. C'est sur cette évaluation d'ailleurs qu'on taxe et cette évaluation démontre les sommes d'argent considérables qui sont investies dans le domaine immobilier. Et il serait tragique que cette loi vienne freiner les investissements immobiliers au motif qu'elle n'est pas assez claire, au motif qu'elle donne lieu à des interprétations diverses et qu'elle peut causer des doutes ou des vices de titres.

La commission devrait uniformiser son interprétation et devrait généraliser ses décisions de façon uniforme et logique.

Pour nous qui recherchons la certitude des titres de propriétés, nous croyons que la commission va être débordée par des demandes de confirmations et d'autorisations. Et peut-être y aurait-il lieu d'envisager qu'on crée des sous-commissions régionales avec lesquelles on pourrait communiquer d'une façon juridique, cordiale, affable, efficace et, surtout, rapide. Il faut éliminer les délais prolongés si on ne veut pas bloquer des transactions immobilières.

Je le répète, le marché immobilier, au Québec, mobilise des investissements considérables, des effectifs et des personnes — ressources en nombre illimité. Il y a un marché qu'on ne peut pas freiner ou qu'on ne peut pas affaiblir, et le droit immobilier est un droit sacré, c'était le droit de nos ancêtres; c'était la base de la conception de notre Code civil et lorsqu'on légifère en matières immobilières, il faut être très prudent.

Pour compléter sur ce point, il faudrait ajouter que depuis quelques années, au Québec, on semble affaiblir la portée du droit immobilier par des lois comme la Loi sur les biens culturels, la Loi sur l'expropriation, la future loi ou le troisième volet, si on veut, de la future Loi sur la protection du consommateur, ainsi de suite. Il y a certainement lieu de protéger ou de surveiller la normalité d'application du droit immobilier.

Dans une deuxième étape, nous allons maintenant passer — on n'a pas le choix — à la révision de quelques articles de cette loi car on veut en améliorer la teneur. On ne considère pas avoir compris toutes les subtilités de la loi; on vous suggère des cas d'espèce, des cas limités où on semble découvrir des faiblesses dans sa rédac-

tion ou dans son interprétation. Nous désirons tout simplement énumérer quelques cas qui, à notre avis, nous semblent assez faibles. Dans l'article...

M. Giasson: M. le Président, une question de directive. Il a sans doute d'excellentes raisons, mais je constate que le ministre n'a pu nous rejoindre encore ce matin. Au moment où notre intervenant doit commenter certains articles de cette loi, il serait de la logique la plus élémentaire que le ministre soit avec nous. Est-ce qu'on peut nous indiquer s'il doit revenir bientôt? Sinon, M. le Président, je demanderais une suspension temporaire de façon que nos invités puissent parler en présence du ministre.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Montmagny-L'Islet, le ministre nous a informés qu'il serait ici d'une minute à l'autre. Etant donné qu'il y a un exposé qui se fait présentement...

M. Desbiens: ...indiquer les articles où il y a des cas litigieux...

Le Président (M. Boucher): M. le ministre aura des commentaires à faire, étant donné qu'il y a quelqu'un qui s'occupe de prendre des notes.

M. Mercier: M. le Président, on m'avise que le ministre devrait arriver d'une minute à l'autre. Actuellement, compte tenu que ce sont des amendements ou des suggestions d'amendements à apporter, il y a quelqu'un qui en prend bonne note et même si le ministre n'est pas présent ici, il sera au courant de ces amendements lorsqu'il arrivera. On pourrait peut-être continuer la lecture et nous verrons à ce que le ministre arrive le plus rapidement possible. D'accord?

M. Giasson: Quand vous dites très prochainement, c'est dans combien de minutes?

Le Président (M. Boucher): II devrait être ici... M. Giasson: Dans deux minutes?

Le Président (M. Boucher): II devrait être ici actuellement.

Une Voix: On va voir.

M. Giasson: M. le Président, je donne mon assentiment si cela ne doit pas se poursuivre plus de deux minutes. Sinon, je reviendrai sur une question de directive.

Le Président (M. Boucher): D'accord. Allez-y, Me Audet.

M. Audet; Le premier commentaire concerne l'article 1, troisièmement, qui est la définition du terme "aliénation". L'aliénation s'identifie comme étant "tout acte translatif de propriété, y compris la vente à réméré et le bail emphytéotique".

Il y aurait un choix à faire; est-ce qu'on doit élimiter "y compris la vente à réméré et le bail emphytéotique car c'est une inclusion limitative, ou bien est-ce qu'il faudrait la compléter de manière plus précise en y ajoutant, en tout cas, "le bail à rente".

Dans la définition d) "aliénation", on se limite à "tout acte translatif de propriété". C'est sûr que l'exposé technique que je fais est d'ordre purement juridique; il y a des subtilités qu'il faut quand même énoncer et il y en a une en particulier qui est fort intéressante, c'est que le partage d'un bien, au sens juridique, n'est pas translatif de propriété, il est déclaratif de propriété. Si on veut, dans cette loi, éviter le morcellement des héritages, c'est-à-dire des lots, des terrains, des fermes, on n'y arrivera pas. Parce que, d'une part, le partage peut toujours être permis, c'est-à-dire qu'il y a certainement deux ou plusieurs individus qui sont propriétaires ensemble d'un même objet, d'un même bien immobilier et quand arrive le temps du partage, chacun en récupère une parcelle ou une partie.

De même, lorsque l'on permet la transmission pour cause de succession, cela n'empêche pas un père de léguer toute sa terre à ses cinq fils; les cinq fils seront copropriétaires et, s'il y a partage, chacun aura droit à une parcelle qui va représenter un cinquième de la terre. Nous soutenons que le terme "aliénation", en ce sens, devrait peut-être englober "partage" ou l'exclure d'une façon expresse ou, en tout cas, qu'on fasse allusion au moins au terme partage quelque part dans cette loi.

Il y a également la question du procès-verbal de bornage. Quelle est la nature et quels sont les effets juridiques du procès-verbal de bornage? Il faudrait peut-être le délimiter puisque le procès-verbal de bornage a bien souvent pour effet de transférer d'une certaine manière la propriété où sont déplacées les bornes.

L'article 1, 3o, sous-alinéa c), est très important. Nous croyons déceler dans cet article une déficience, puisque la fin de ce sous-alinéa on y lit ce qui suit: "De tous les lots faisant l'objet de l'acte." Or, l'acte peut avoir été constitué à une époque déterminée; donc, un créancier hypothécaire peut détenir en garantie le lot numéro 17A en totalité. Il peut y avoir eu expropriation d'une partie parce qu'il y a eu élargissement du chemin, alors le créancier a libéré son hypothèque sur cette partie. En vertu de la définition, le créancier reprendrait tous les lots faisant l'objet de l'acte, y compris la partie expropriée. Nous soutenons qu'on devrait ajouter après le terme "faisant" le mot "encore": Tous les lots faisant encore l'objet de l'acte, de sorte qu'on retire ce qui a déjà fait l'objet de main levée antérieure.

A l'article 1, 4o, "chemin public" concerne uniquement des lois énumérées. Il peut fort bien arriver des cas où on se trouve en face de chemins qui existent, mais qui n'existent pas en vertu d'une des lois qui sont déjà énumérées; par exemple, un chemin par dédicace suivant l'article 466 du Code municipal ou encore des chemins privés utilisés

par le public; cette définition nous paraît trop limitative.

A l'article 1, 80, sur la définition de "lot" on pose une question: Est-ce que cela comprend un lot désigné d'une façon individuelle ou cela peut-il comprendre toute une terre? Or, toute une terre peut comprendre évidemment plusieurs numéros de lots. Ici, on pose une question tout simplement.

A l'article 3a, pour faire suite à notre demande qui veut que la commission ait un rôle extrêmement important à jouer pour clarifier les titres de propriété, pour être certain que le titre ne sera jamais attaquable ou contestable, nous soutenons qu'il y aurait lieu d'étendre la portée de cet article 3a en disant: De décider des demandes d'autorisation et de confirmation et de faire mention que "cette commission pourra délivrer des certificats qui seront sujets à enregistrement le cas échéant", de manière à pouvoir retracer dans les bureaux d'enregistrement un certificat de validation des titres.

A l'article 14,1o, il est question d'ordonnance qui concerne un lotissement ou un travail sur un lot. Nous soutenons qu'il y aurait lieu d'enregistrer cette ordonnance.

A l'article 18, nous ne pouvons accepter qu'un délai de six mois vienne s'ajouter, bien souvent, à d'autres délais préalables. Les transactions immobilières doivent s'effectuer dans un délai raisonnable et même dans le plus court délai possible. Nous croyons qu'une commission qui rend une décision devrait rendre une décision finale ou, si cette décision doit être révisée, elle devrait l'être au plus dans les 30 jours suivant sa décision finale. Pourquoi permettre à une commission de prendre une décision finale et de se réserver la possibilité de la réviser encore pendant six mois sachant pertinemment que, lorsqu'elle a pris sa première décision, elle y a certainement réfléchi et elle a certainement étudié tous les documents pertinents soumis? (12 h 15)

A la section III de la page 11 du projet de loi, on mentionne le terme "décret". Juridiquement parlant, le terme "décret" se retrouve déjà au Code de procédure civile. Il a un sens qui est très précis et qui, d'ailleurs, a aussi été précisé par les tribunaux avec le temps. Le terme "décret", pour nous, a une connotation juridique très importante. Le terme "décret" ici se retrouve à plusieurs endroits dans la loi: que l'on parle de "décret de région agricole désignée" ou des "retenues pour fins agricoles", de "zonages agricoles", le terme "décret" revient. C'est une forme de législation par décret dont les effets en droit immobilier sont très importants puisqu'ils peuvent être une cause de nullité.

A l'article 24, pour une première fois, on rencontre "pour fins d'enregistrement". Vous savez que les notaires font des contrats qui ont pour objet des immeubles. Pour vérifier la validité des titres, les notaires se réfèrent constamment au Bureau d'enregistrement. C'est là qu'on puise la moëlle de notre travail; c'est là qu'on peut s'assurer des entrées qui sont faites contre un immeuble et c'est là qu'on pourrait s'assurer si une terre fait l'objet soit d'un décret ou d'un cas d'inclusion ou d'exclusion de lots.

Nous croyons que lorsqu'il est question d'enregistrement, le législateur devrait non pas dire qu'il doit déposer deux copies d'un plan au Bureau d'enregistrement, mais qu'il devrait obliger le régistrateur à inscrire à l'index aux immeubles toutes les entrées concernant les lots mentionnés sur les plans. Autrement, le certificat de recherche émis par le Bureau d'enregistrement ne pourra, à toutes fins utiles, constater ces mentions de décret.

Nous insistons énormément pour que la notion d'enregistrement soit fondamentale dans cette loi. L'enregistrement, c'est un avis à tout le monde, c'est un avis qui est présumé connu de tous et, bien sûr, en particulier des notaires. C'est là la source de renseignements qui nous permet de fonctionner, qui nous permet au moins de nous renseigner d'une façon légale.

L'article 24, on le retrouve à d'autres articles: 35, 36, 37, 52, mais, bien souvent, on n'oblige pas, dans chacun de ces articles, à référer à l'index aux immeubles. Les seuls articles qui réfèrent à l'index aux immeubles sont les articles 67 et 68 dans les cas d'inclusion ou d'exclusion de lots.

A la page 12 de la section II, les effets du décret représentent pour nous une section fondamentale puisqu'on y trouve la sanction de certains actes posés. Commençons par les articles 26et 27 qui ne disent pas qu'un acte est signé ou exécuté par une partie. C'est un changement de destination, soit pour fins agricoles, soit pour une érablière.

Or, l'article 82 de la loi réfère aux articles 26 et 27et permet à la Cour supérieure de demander la radiation de droits, privilèges et hypothèques qui pourraient résulter d'actes commis en contravention aux articles 26 et 27. Nous croyons que l'article 82 va beaucoup trop loin dans l'application des articles 26 et 27 et je vous donne un exemple: Si une société ou une corporation prête sur hypothèque à un cultivateur pour une terre donnée. L'hypothèque est valide lors de la constitution mais il peut fort bien arriver que la destination change peu de temps après, qu'en vertu de cette loi, la commission puisse ordonner la remise en état des travaux exécutés en contravention des articles 26 et 27. Nous pourrions nous retrouver devant le cas suivant: Premièrement, l'article 84 crée un privilège en faveur de l'Etat pour les sommes investies pour la remise en état — supposons $5000 — qui prennent rang immédiatement, après les frais de justice, donc qui seraient prioritaires à l'hypothèque, ce qui, pour nous, est inadmissible parce qu'il n'y a pas un prêteur hypothécaire qui va prendre le risque de prêter sur une terre. La deuxième conséquence, c'est que l'hypothèque elle-même qui pourra avoir été consentie par le prêteur pourra être radiée en vertu de l'article 82.

Les articles 26 et 27 ne devraient pas donner ouverture, soit à la radiation des privilèges et hypothèques constitués, soit à l'enregistrement d'un

privilège prenant rang après les frais de justice. Un privilège peut prendre rang après les hypothèques déjà enregistrées.

C'est une donnée technique qui, pour nous, est fondamentale. Qui nous dit que l'emprunteur ou le propriétaire ne changera pas la destination de sa terre agricole ou de son érablière? Nous croyons que l'article 82 ne devrait pas concerner les articles 26 et 27.

L'article 29 est certainement un article qui donne lieu à beaucoup d'interprétations. Tout d'abord, on y parle d'aliénation d'un droit réel immobilier. Nous soutenons qu'aliénation a déjà été définie comme étant un acte translatif de propriété. Ce qui fait qu'une personne ne peut procéder à un acte translatif de propriété d'un droit irréel immobilier sur un lot. Vraiment, nous nous confondons dans toutes les conjonctures d'interprétation de cet article.

Que veut dire droit réel immobilier? Est-ce qu'on ne voudrait pas dire par ailleurs procéder à la constitution d'un droit réel immobilier? C'est un premier point.

Le deuxième point: Lorsqu'on parle d'un lot séparé du premier lot par un chemin public, nous croyons que cette définition est encore imprécise. Je peux avoir un lot situé à un endroit donné d'un côté du chemin et avoir un autre lot de l'autre côté du chemin, mais situé à un mille du premier lot. Est-ce que la loi devrait être applicable? Nous pensons que le législateur veut dire que ces lots, qui sont séparés par un chemin public, seraient par ailleurs contigus, s'il n'y avait pas de chemin public. Autrement dit, ces lots sont face l'un à l'autre ou contigus, d'une certaine manière. Nous croyons que c'est une imprécision dans cette loi.

Au deuxième alinéa, lorsqu'il est question d'aliénation qui ne peut être faite simultanément à plus d'une personne, nous croyons que les termes "simultanément", d'une part, et "plus d'une personne", d'autre part, vont causer énormément d'ennuis. Comment vérifier la simultanéité de transactions? Pourquoi limiter à plus d'une personne l'aliénation d'un bien? Est-ce qu'une personne va comprendre une société, un organisme quelconque ou encore deux fils ensemble? Les deux fils d'un cultivateur ne pourraient acquérir d'un père cultivateur? Nous croyons que c'est très difficile de vérifier la portée de cet article.

La contiguïté des lots va être en pratique très difficilement vérifiable, à moins de rechercher tous les titres de propriété du propriétaire, de faire des vérifications des examens de titres encore plus approfondis.

L'article 30, à notre avis, est l'article clef de cette section, puisqu'il concerne la sanction, soit des contraventions à certains articles... c'est-à-dire qu'il concerne la sanction des actes commis en contravention des articles 28 ou 29.

De quelle nullité s'agit-il? A la première lecture, il semble bien que ce soit une nullité absolue, puisque la fin du deuxième alinéa de cet article 30, on permet à la Cour supérieure de constater cette nullité. Le texte anglais traduit nul par "annulable ", donc annulable.

Il n'y a pas tellement lieu de préciser ou de limiter la portée de cet article 30. Nous pensons qu'il devrait s'agir plutôt d'une nullité relative, et non pas absolue. Cette nullité, étant définie comme relative, devrait être sujette à un délai de prescription et cette nullité relative pourrait également être sujette à confirmation par la commission dans certains cas.

Cette loi va donner lieu à énormément de problèmes d'interprétation. Il peut fort bien arriver qu'un acte apparemment puisse être nul, mais puisse être bonifié par la suite avec la confirmation de la commission. Nous soutenons que créer une nullité absolue qui pourrait être demandée par tout intéressé serait une limitation juridique difficilement acceptable. Nous allons même demander que cette nullité relative, si elle est acceptée, ne puisse être demandée que par la commission qui, à toutes fins pratiques, a en dernier ressort la décision finale.

L article 31 est aussi un article fondamental puisqu'on réfère à une date, le 9 novembre 1978. Qu'arrive-t-il le 9 novembre 1978? Il arrive qu'il y a une ligne de démarcation entre ce qui était enregistré avant le 9 novembre 1978 et ce qui est enregistré le et après le 9 novembre 1978. Qu'arrive-t-il des promesses de vente qui ont été signées avant cette date? Nous croyons que les promesses de vente déjà consenties et qui ont donné la possession des terres promises aux promettants acquéreurs devraient être enregistrées après le 9 novembre 1978 avec tous les droits que cela comporte. De manière à valider le titre, nous aimerions que la commission confirme le titre au moyen d'un certificat qui sera enregistré de la même manière qu'on enregistre un certificat ou un permis de disposer en vertu du projet ou de la Loi sur les droits successoraux.

Quant aux promesses de vente, unilatérales à tout le moins, et même bilatérales dans certains cas, qui ont été signées avant le 9 novembre 1978, sans transférer la possession aux promettants acquéreurs, nous croyons que cette loi constitue un cas de force majeure. Il était imprévisible pour le promettant acquéreur de savoir qu'une telle loi serait déposée et qu elle limiterait d'autant lexer-cice de son droit futur de propriété. Nous estimons que ce promettant acquéreur, dans ce cas particulier, pourrait demander la nullité de sa promesse de vente au motif que le dépôt ou l'adoption de la présente loi constitue un cas de force majeure. Ou encore, une autre conclusion subsidiaire, c'est que le législateur pourrait peut-être régulariser un bon nombre de cas actuellement en suspens qui créent des doutes et entraînent une incertitude en reportant la date du 9 novembre 1978 à la date de la sanction de la loi.

Quant à la fin de l'article 31 où on limite l'utilisation d'une superficie de terre à une superficie n'excédant pas un demi-hectare. Vous conviendrez qu'il sera très difficile de vérifier cette superficie. Un demi-hectare, en premier lieu, c est en termes métriques, donc, difficilement compréhensible par le public et en deuxième lieu, un demi-hectare, ce n'est pas facile à calculer surtout

si ce sont des terrains irréguliers, en forme triangulaire ou en d'autres formes difficilement calculables. Nous soutenons que ces superficies de terrain limitées à un demi-hectare devraient être subdivisées officiellement avant leur aliénation.

Aux articles 32 et 33, on réfère à des déclarations du requérant qui auraient le même effet qu'une autorisation de la commission. Pour nous, une déclaration unilatérale ne peut comporter une certitude juridique aussi valable que l'autorisation de la commission. Nous croyons qu'une telle déclaration pourrait être un moyen de détourner la loi et d'entraîner, par voie de conséquence, des vices éventuels de titres. Nous avons des restrictions quant à ces déclarations unilatérales. (12 h 30)

Si vous le permettez, je reviens à la fin de l'article 31. Lorsqu'on parle de construire une seule résidence, sur l'un de ces lots, nous avons des doutes quant à l'interprétation de ces termes. Si on veut dire construire, parmi ces lots, une seule résidence, il y aurait peut-être là une distinction subtile à apporter. De la manière dont c'est rédigé, on pourrait peut-être croire que construire une seule résidence, sur un de ces lots, veut dire ne pas construire deux résidences sur l'un de ces lots. Ça pourrait peut-être vouloir dire construire une seule résidence sur chacun de ces lots. Nous croyons que si on veut comprendre l'ensemble des lots, construire une seule résidence sur l'ensemble des lots, il faudrait dire "construire parmi un seul de ces lots une seule résidence".

A l'article 40, on dit que sans l'autorisation de la commission, donc sans l'autorisation, une personne, dont la principale occupation est l'agriculture, peut construire sur son lot, une résidence pour elle-même, pour son enfant et son employé. Nous avons des restrictions à l'égard de ces termes très limitatifs que sont les mots "son lot", 'son enfant" et "son employé". Qu'arrive-t-il si le cultivateur a plusieurs enfants ou a plusieurs employés? Et construire sur "son lot", avec la définition donnée au début de la loi, nous croyons que "son lot " est beaucoup trop limité. Si on dit, au début de la loi, que le terme lot comprend l'ensemble des numéros de lots qui sont la propriété d'un cultivateur, alors le terme "lot", ici, serait compréhensible. Autrement, il faudrait savoir de quel lot, on veut parler.

On voudrait également que le dernier alinéa de l'article 40 soit mutatis mutandis répété à la fin de l'article 31.

A l'article 41, le terme "règlement " peut porter à confusion. S'agit-il d'un règlement en vertu de la loi ou d'un règlement municipal?

M. Garon: II s'agit d'un règlement de la loi, ici. M. Audet: II faudrait peut-être le préciser.

M. Garon: C'est marqué à l'article 80. Vous faites la correspondance avec l'article 80. Il réfère à l'article 41.

M. Lavoie: Identifié par règlement prévu dans la présente loi. Il faudrait que ce soit clarifié.

M. Audet: A l'article 44, à la fin, lorsqu'il est question que la décision de la commission est finale et sans appel, on y retrouve une limitation peut-être dans les droits qui sont accordés aux citoyens. C'est sûr qu'éviter l'appel d'une décision de la commission serait peut-être préjudiciable à l'égard de certains citoyens qui ne sont pas satisfaits des décisions de la commission. Ce droit de ne pas permettre l'appel, qui est également prévu à l'article 64, devrait être remplacé, à notre avis, par un droit d'appel qui serait possible dans un délai de 30 jours.

M. Garon: ...

M. Audet: Un délai de 30 jours.

M. Garon: A quel endroit?

M. Audet: A la Cour supérieure.

Aux articles 52 et 53, il semble bien que l'avis au régistrateur va précéder les publications dans la Gazette officielle et dans le journal qui sont prévues à l'article 53. Nous croyons que lorsqu'un document est enregistré, la date du dépôt d'enregistrement devrait constituer la dernière étape des formalités à remplir pour rendre la loi exécutoire. Ainsi, dans les articles 52 et 53, on devrait peut-être avoir les étapes suivantes: 1) expédition du décret au secrétaire-trésorier de la corporation municipale; 2) publication dans la Gazette officielle; 3) publication dans un journal; 4) dépôt au Bureau d'enregistrement, avec référence à la publication dans la Gazette officielle et dans un journal, parce que le Bureau d'enregistrement, encore une fois, constitue pour nous la source principale des informations d'ordre juridique.

Si on prenait, comme principe, que la date d'enregistrement constitue toujours la dernière étape avant la mise en vigueur ou la mise en effet d'une quelconque partie de cette loi, nous serions satisfaits car l'enregistrement — d'ailleurs, il y a une autre section de la loi qui dit expressément que I'enregistrement, soit dans les avis d'inclusion ou d'exclusion, donne effet à partir de sa date aux effets juridiques prévus — nous croyons qu'on doit respecter autant que possible les principes et les modalités d'enregistrement en matières immobilières.

A l'article 58, on a l'impression qu'au deuxième alinéa, lorsqu'il s'agit de faire inclure un lot dans une zone agricole, il faut d'abord préalablement demander l'autorisation de la commission. On aurait donc les étapes suivantes: D'abord, on demande l'autorisation à la commission pour avoir la possibilité d'inclure un lot dans une zone agricole; ensuite, on demande à la corporation municipale l'inclusion du lot; on attend la recommandation de la corporation municipale et, ensuite, on revient à la commission pour avoir l'autorisation finale. Nous estimons que ce serait peut-

être abusif que de vouloir demander deux autorisations à la commission pour un même objet.

A l'article 59, nous aimerions qu'un délai soit imposé à la commission pour rendre une décision, quelle soit positive ou négative, favorable ou non favorable, mais qu'on ait au moins un délai, qu'on n'attende pas indéfiniment. Je répète qu'en droit immobilier, les délais doivent être les plus courts possible parce qu'il s'agit des sommes d'argent considérables qui sont investies; il n'y a pas lieu de retarder les aliénations, les lotissements, les demandes de permis de construction ou d'autres demandes qui pourraient résulter de la loi.

A l'article 65, on a un cas particulier parce que, dans un premier temps, on permet I enregistrement d'un avis d'exclusion et, dans un deuxième temps, on permet la radiation de l'ordonnance d'exclusion. Or, à l'article 68, on est très précis, M. le ministre, pour dire que lorsqu'il s'agit d'un lot inclus, il y aura référence précise à l'index aux immeubles; que lorsqu'il y aura un lot exclu, il y aura référence précise à l'index aux immeubles. Or, en vertu de larticle 65, on peut se retrouver devant le cas suivant: Un lot est identifié comme exclu et enregistré comme tel à l'index aux immeubles et, quelque temps après, on demande... la commission fait procéder à la radiation de l'ordonnance d'exclusion. Si le lot est inclus ou si le lot est exclu, il faudrait qu'il le soit d une façon définitive.

Quant à l'article 65, si la demande d'exclusion est conditionnelle, il faudrait qu'on y réfère comme tel à l'index aux immeubles et qu'on écrive "exclu conditionnellement de la zone agricole, en vertu de l'article 68". Il faut se fier aux entrées à l'index aux immeubles, il ne faut pas avoir ce doute qu'à un moment donné le lot est exclu mais qu'il pourrait redevenir inclus avec...

Lorsqu'un lot est exclu, le lot tombe et, par le fait même, dans le commerce, on permet son aliénation, son utilisation, son lotissement sans autorisation de la commission. Mais lorsqu'un lot est inclus dans le zonage agricole, il est sujet à tous les effets du décret du zonage agricole.

A l'article 76, troisièmement, une petite remarque pour dire qu'on devrait dire non pas "ou ses intérêts " mais "ou la majorité de ses intérêts ".

A l'article 82, auquel on a fait allusion au départ, nous considérons qu'on devrait référer tout au plus aux articles 28 et 29 et non pas aux articles 26 à 29, parce qu'il est impossible, pour un créancier hypothécaire, de prévoir si le propriétaire de la terre faisant l'objet de sa garantie changera éventuellement la destination ou l'utilisation soit de sa terre agricole, soit de son érabliè-re.

Quant au privilège prévu à l'article 84, nous préférerions que ce privilège prenne rang suivant la date de son enregistrement et non pas immédiatement après les frais de justice.

A l'article 101, où il est question de droits acquis, nous sommes heureux de constater que le ministre a donné suite à notre recommandation lors de sa tournée d'information. La notion de droits acquis est certainement une notion fonda- mentale en droit. C'est une notion qu'il y a lieu de préciser, cependant, aux termes de cette loi. S'il y a des droits acquis, c'est parce qu'une terre a été utilisée à des fins autres qu'agricoles. Or, dans 20 ans, 20 ans après le 9 novembre 1978, comment va-t-on pouvoir vérifier s'il y avait ou non des droits acquis au 9 novembre 1978?

Nous estimons que pour les questions de droits acquis, je pense à une cour de ferraille, à une cour de voitures usagées, en fin de compte à toutes sortes de terrains qui peuvent être utilisés à des fins autres qu'agricoles, la commission devrait émettre un constat confirmant les droits acquis pour une superficie de terrain donnée. Ce constat devrait aussi, comme toute approbation ou autorisation résultant de cette loi, être enregistré, de manière qu'on sache, lors d'un examen des titres qui se fera dans l'avenir, qu'il y avait des droits acquis à une époque donnée et que ces droits acquis n'ont pas été affectés par l'adoption de cette loi. Ce constat devrait être émis sur demande du propriétaire.

Il faudrait que les inspecteurs du ministère, que les inspecteurs du gouvernement puissent vérifier les droits acquis d'un propriétaire à une époque donnée, de manière qu'on sache qu'une terre était affectée à des fins autres qu'agricoles. C'est un régime d'exception qui est créé en vertu des droits acquis. Les droits acquis sont interprétés d'une façon très restrictive et la notion de temps est très importante.

Nous estimons que cette notion de droits acquis doit être prise en très sérieuse considération par le ministère de manière à éviter des contestations et l'incertitude quant au titre de propriété. (12 h 45)

Nous aurions également une autre petite remarque à faire à l'égard de l'article 101. Est-ce que l'article 101 vient légaliser certaines situations? Par exemple: un individu est propriétaire d'un édifice ou d'un terrain utilisés à des fins autres qu'agricoles, mais il les utilise d'une façon illégale en ce sens que son utilisation n'est pas conforme aux règlements de zonage de la municipalité. Or, cette loi laisse en suspens tous les règlements de zonage, ce qui fait que notre individu pourrait avoir légalisé cette situation avec l'adoption de cette loi. Le fait de ne pas avoir respecté les règlements de zonage d'une municipalité d'une part, et le fait, que d'autre part, cette loi vienne laisser en suspens les règlements de zonage existants, pourraient-ils permettre de légaliser certaines situations? Je ne suis peut-être pas assez clair mais c'est un cas hypothétique plausible.

A l'article 102, il y a le terme d'un an alors qu'à l'article 31, il y a un délai de trois ans; pourquoi distinguer entre trois ans et un an? Trois ans pour construire en vertu de l'article 31 et ici, un an pour l'utilisation à des fins autres qu'agricoles.

A l'article 105, à la troisième ligne, on retrouve le terme "après". Nous croyons qu'il y aurait peut-être lieu de préciser en mentionnant "avant ou après" la date. Tout comme à la fin de ce premier alinéa, il est question de "approuvé conformément

à la loi"; est-ce que le règlement municipal approuvé conformément à la loi régissant cette municipalité devra être approuvé avant l'adoption de cette loi ou pourra être approuvé après l'adoption de cette présente loi? Nous croyons qu'il y a un terme d'interprétation.

Il y a également le cas des services d'égouts et d'aqueduc qui sont déjà installés par un promoteur avec l'entente que ces réseaux seraient cédés à la municipalité. L'article 105 semble limiter les services d'égouts et d'aqueduc qui ont été approuvés par règlement municipal. Nous croyons que c'est une restriction trop limitative; s'il y a déjà, à toutes fins pratiques, un réseau d'installé, qu'il soit permis ou non, qu'il l'ait été ou non par règlement municipal, c'est une restriction trop limitative.

Enfin, il y a peut-être quelques articles où il y a une certaine concordance à effectuer, pour la forme, à tout le moins. Il y a les articles 44 et 61. A l'article 44, on parle d'"audition publique", mais il n'y a pas d'avis de prévu, alors qu'à l'article 61, on parle d'"audience publique" avec avis prévu.

A l'article 30, "tout intéressé... — dit-on — peut s'adresser à la Cour supérieure pour faire constater cette nullité" alors que l'article 80 dit que le jugement prononce la nullité. Nous croyons qu'il y aurait peut-être lieu d'uniformiser, à moins que le but du législateur ne comprenne des objectifs différents.

Voilà quelques exemples parmi d'autres de certains problèmes d'interprétation. Il y aura certainement d'autres interprétations qui vont résulter de l'application de cette loi; qu'on pense aux droits indivis, qu'on pense à toutes ces subtilités d'exercice du droit de propriété, à toutes les modalités de fonctionnement de ce droit. Nous croyons que le droit de propriété est un droit fondamental surtout en matière immobilière. Le fait de légiférer par loi d'exception va constituer pour nous, au départ, des sources d'inquiétude et d'incertitude. Nous croyons que la commission aura tout intérêt à aider les praticiens à faire accepter cette loi et surtout, à l'appliquer.

Nous regrettons de ne pas vous avoir livré un document écrit. C'est une loi qui représente, c'est sûr, une étude juridique exhaustive. Nous avons simplement voulu émettre notre avis au ministre et à ses collaborateurs à savoir qu'il est bien difficile de légiférer en matière immobilière, que cela implique des intérêts énormes.

Je me permettrai peut-être de citer un juriste français du nom de Georges Ripert, qui définissait le droit "comme étant la somme des intérêts juridiquement protégés". Ici, nous allons protéger l'intérêt collectif du patrimoine agricole. Ce patrimoine va être sujet à de nombreuses règles, de nombreux règlements.

La loi, au départ, est une loi toute nouvelle dans le domaine immobilier. Nous sommes prêts à apporter notre collaboration. Nous sommes prêts à apporter des suggestions. Nous aimerions être consultés à l'occasion. Les notaires sont sur le champ de bataille, actuellement. Ils sont confrontés. Ils doivent quotidiennement répondre à de nombreuses questions même si la loi n'est pas encore adoptée. Le ministère aura certainement intérêt à communiquer avec les notaires du Québec, à leur faire parvenir des directives, des opinions, des règles d'interprétation, de manière à créer, avec le temps, une certaine jurisprudence qui aura constance.

Nous croyons même qu'au cours des années, il y aurait peut-être lieu d'amender cette loi de manière à la rendre modelable, de manière à la rendre plus pratique dans son application.

Nous sommes conscients que c'est très difficile mais nous voulons vous faire comprendre, M. le ministre, que c'est une loi qui a des conséquences énormes, actuellement.

Nous sommes heureux que, lors de la tournée de consultations, vous ayez pris bonne note de nos recommandations.

Aujourd'hui, notre étude n'est pas exhaustive. Elle souligne plusieurs points. Elle fait constater une certaine confusion, à certains égards. Elle fait constater certaines imprécisions mais les notaires ont la responsabilité de garantir la validité des titres de la propriété, tant à l'égard de ceux qui acquièrent un immeuble qu'à ceux qui prennent en garantie des immeubles. Et cette responsabilité, les notaires vont l'accepter en autant que les textes seront clairs, en autant que les formalités d'enregistrement seront respectées, en autant que la commission acceptera de confirmer son intention de ne pas contester un droit, ou l'utilisation, ou le lotissement, ou le permis de construction, ou l'aliénation.

Nous voulons que les permis, que les certificats émis par la commission puissent être enregistrés, séparément des actes, mais qu'ils puissent l'être dans une forme enregistrable de manière, dans le temps et pour le futur, à pouvoir maintenir nos titres de propriété dans un état fiable, dans un état sacramentel, puisque, depuis plus de 100 ans, notre droit immobilier, au Québec, est un droit qui est sacré; c'est un droit qui est respecté, chacun est certain d'être propriétaire. Chacun est certain d'avoir une bonne garantie hypothécaire. Chacun est certain que ses titres ne seront pas contestables. Et il faut rester dans la même ligne de pensée, rester avec cette possibilité de ne pas faire perdre confiance aux propriétaires et à tous ceux qui oeuvrent dans le domaine immobilier.

Le Président (M. Boucher): Merci, Me Audet.

M. Garon: Je vous remercie, Me Audet, de vos suggestions. Je dois dire que, quand on a fait notre tournée, en septembre, l'un des mémoires que nous avions bien aimés, c'était votre mémoire de la Chambre des notaires. Je pense que vous aviez fait plusieurs suggestions et je dois dire, je pense, qu'on avait tenu compte de toutes vos suggestions, sauf d'une concernant la rétroactivité, parce qu'on ne voyait pas comment on pouvait autrement, sans déclencher un mouvement spéculatif, ne pas avoir une loi rétroactive. Et, pour le reste, je peux vous dire qu'il y avait des projets et que plusieurs choses avaient été modifiées, suite à

votre mémoire de septembre. Et j'étais content de voir les remarques que vous avez faites sur ces différents articles. Evidemment quand on écrit un article, on sait ce qu'on veut dire dedans, mais celui qui le lit ne le lit peut-être pas dans le même sens, et c'est le but de l'étude, au fond, article par article, voir s'il y a des imprécisions, pour corriger les articles et pour rendre... La tâche qu'on a c'est qu'il y ait le maximum de sécurité juridique dans la loi, pour que des gens fassent exactement ce que cela veut dire et le fait que, même un article qui nous semble clair peut ne pas sembler clair à certains, est déjà une indication qu'il faut le préciser.

Je pense que c est le but de l'exercice qu'on fait actuellement en rencontrant tous les organismes qui veulent nous donner leur opinion. Cela fait une orientation au point de vue idéologique; ils disent on n est pas d'accord pour fonctionner comme cela, ils posent des questions et disent aussi si, au point de vue technique, il y a des améliorations à apporter au texte.

Et vous pouvez être certains que tous les commentaires que vous avez faits concernant chacun des articles vont être étudiés par les juristes qui travaillent sur le projet de loi et, dans un esprit de consultation, aussi, avec les notaires parce que vous allez être ceux qui, peut-être, vont avoir, comme vous l'avez dit, à appliquer davantage, cette loi.

Par ailleurs, il y a un maximum qu'on peut atteindre, je pense, au Québec. Vous savez, ce serait bien plus facile si on avait appliqué I'article 2175 du Code civil puisque le pourcentage des transactions, plus de 50% des transactions, au Québec, à Montréal en tout cas, sûrement beaucoup plus que 50% des transactions — je n ai pas de comptabilité de faite — peut-être 75% des transactions se font sans cadastre et par description, comme dans le temps de Champlain.

Alors, dans le monde rural...

M. Lavoie: Par la réaction d'un représentant de la Chambre des notaires sur cela, ce ne serait pas...

M. Garon: Quand je dis, c'est parce qu'on fait encore les limites... Dans le monde rural, je ne parle pas de la ville de Laval. Je parle du monde rural...

M. Lavoie: Ecoutez, on est sorti, là...

M. Garon: Avez-vous une idée du pourcentage des transactions qui se font par description?

M. Lavoie: On est sorti du Moyen Age.

M. Garon: Avez-vous une idée du pourcentage des transactions qui se font par...

M. Audet: C'est très difficile de savoir. C'est sûr qu'un cultivateur, bien souvent, va vendre le lot complet, mais bien souvent il va vendre des lots incomplets, parce qu'il y a eu des parties qui ont été vendues à d'autres. Cela, c'est...

M. Garon: Par tenants et aboutissants.

M. Lavoie: Vous allez un peu loin, quand vous dites sans mention cadastrale, parce que cela ne pourrait pas être enregistré. Vous voulez parler des parties de lots.

M. Garon: Des parties de lots, c'est cela, par description tout simplement, plutôt que par arpentage et, à IHydro-Québec, on me dit que dans des grandes parties du Québec, les transactions qui se font de cette façon-là, dépassent même 90%. Alors, je pense que c'est une lacune, mais on ne peut pas changer la vie d'un coup sec. Il faut essayer de faire en sorte... Mais c'est malheureux qu'on n'ait pas appliqué dans le passé l'article 2175, comme on aurait dû le faire, de sorte que c est peut-être un des secteurs qui a créé le plus d insécurité juridique, et peut-être, le plus de problèmes aux notaires, et aussi, à certains endroits par exemple où on a appliqué d'autres systèmes, le système Thorenz, par exemple et, encore là, il y a encore plus d'insécurité juridique. Au Québec, dans ces secteurs-là, je pense qu'on fonctionne un peu trop encore à l'ancienne manière, peut-être.

Mais on peut être certain que, dans l'étude du projet de loi, quand on voit cela article par article, les commentaires que vous avez faits sur chacun des articles vont être étudiés et je souhaiterais même que... Une loi au fond, c'est comme un outil: c est à l'usage qu'on voit si l'outil est à 100% correct ou perfectible. Dans 6 mois, dans un an, s'il y a des articles qui n'ont pas donné des résultats, qui créent des problèmes, une fois que la loi sera complètement adoptée — une loi, des amendements, c'est fait pour être utilisés — là il s agira de faire les amendements pour apporter des corrections également à l'usage. Je souhaite que même une rencontre éventuelle, possible, avec la Chambre des notaires pour se demander si. par exemple, à l'été ou à l'automne prochain, peut-être avant si c'est nécessaire, il y a des articles en particulier qui donnent des problèmes, des articles qu'on pourra corriger au cours de l'année parce que c'est une loi, comme vous dites, qui est excessivement importante, qui touche le droit immobilier, qui n'est peut-être plus la seule richesse aujourd'hui, qui n'est plus la seule richesse comme autrefois, mais qui est un droit très important. Il n'y a, dans notre esprit, rien qui soit figé dans le ciment. On ne dit pas: C'est parfait, on ne touche plus à cela. Tout projet est perfectible et nous voudrions que ce projet soit ciselé comme une oeuvre d'art. (13 heures)

M. Giasson: Peut-on savoir le nom de l'artiste?

M. Garon: Tous ceux qui, au Québec, auront contribué à ciseler cette oeuvre d'art en y mettant une petite touche, un petit coup de couteau. Ce ne sera pas un petit coup de couteau, j'aurais aimé mieux dire un petit coup de pinceau.

Le Président (M. Boucher): Messieurs, nous sommes à l'heure de la suspension. La commis-

sion doit suspendre ses débats jusqu'à 15 heures. Merci.

Suspension de la séance à 13 h 2

Reprise de la séance à 15 h 20

Le Président (M. Boucher): A l'ordre, s'il vous plaît!

A la suspension de 13 heures, nous en étions au mémoire de la Chambre des notaires du Québec. M. le ministre, est-ce que vous aviez terminé votre intervention?

M. Garon: Oui.

Le Président (M. Boucher): Je donne la parole à M. le député de Laval.

M. Lavoie: Je vous remercie, M. le Président. Je vais tenter d'être le plus bref possible parce que nous avons encore plusieurs organismes et personnes à entendre. Je voudrais expliquer pourquoi j'ai cru bien agir en refusant mon consentement hier soir, à minuit, pour continuer les travaux sur l'importance que nous attachions au mémoire et aux explications de la Chambre des notaires du Québec. Je pense bien que l'exposé de ce matin me libérera de soumettre plus de raisons pour lesquelles j'ai refusé ce consentement. Cela aurait été vraiment très difficile de prendre en considération toutes les remarques qui nous ont été faites à une heure aussi tardive, après minuit, hier soir.

Une autre chose que nous avons soulignée dans le passé, c'est, lors du débat en deuxième lecture ou de la présentation d'autres mémoires — ce ne sont pas des reproches, je ne voudrais pas être détestable envers le ministre — notre non-satisfaction vis-à-vis de la consultation que le ministre a faite dans le mois de septembre, à travers le Québec, dans certains milieux. Nous avons toujours dit qu'on ne pouvait pas considérer, même s'il y a eu certaines contributions de faites lors de ces consultations... La vraie consultation ne peut pas se faire sans avant-projet de loi, sans texte de loi ou sans projet de loi.

C'est sûr que beaucoup de gens, sous le couvert unique de voeux pieux, d'idée ou de politique générale, peuvent donner leur accord à une politique générale, mais tant qu'on n'a pas vu le texte de loi, on ne peut pas vraiment aller au fond des choses.

Justement, les propos ou les remarques des représentants de la Chambre des notaires valident les appréhensions multiples qu'avait l'Opposition libérale, entre autres. Lorsque nous avons pris connaissance de ce projet de loi, lorsque nous l'avons étudié en deuxième lecture, nous avons craint et nous nous sommes inquiétés de sa portée, de ses implications parce qu'il touche — lorsque l'on voit son impact, son importance — actuellement un territoire qui va de l'Outaouais jusqu'à Québec, qui comprend 85% de la population du Québec et 614 municipalités, soit la zone désignée. Sans oublier que même si on n'est pas couverts actuellement, comme la région de Gaspé, du Bas-Saint-Laurent, des Cantons de l'Est, du Lac-Saint-Jean ou d'autres régions qui ne le sont pas selon le plan déposé, on peut l'être avec cette loi en tout temps par simple dépôt, de la part du ministre, d'un autre plan pour couvrir ces régions.

Cela veut dire qu'en somme les implications de ce projet de loi ne se limitent même pas à la zone désignée actuellement, mais s'étendent à tout le territoire du Québec et, indirectement, à tous les citoyens du Québec, principalement les agriculteurs, sans aucun doute, mais toute la population urbaine, citadine, les commerçants ou les industriels qui sont en milieu agricole ou rural. On sait combien il y a de citadins ou de villageois qui, de Montréal ou de Québec, ont des droits de propriété de jouissance à protéger, à exercer, ou le désir d'acquérir certaines propriétés au Québec, non seulement dans la région couverte actuellement, mais sur tout le territoire.

Le représentant de la Chambre des notaires nous a soumis ce matin au moins une centaine — je ne veux pas charrier — de points d'interrogations, d'inquiétudes; c'est comme la pointe de l'iceberg, c'est à peine 1% de ce qui peut se présenter. Lorsqu'on touche le droit immobilier, le droit de propriété, il n'y a pas un notaire, un avocat ou un juriste assez brillant pour prévoir les millions de cas qui peuvent se présenter. Dès qu'on fait un texte de loi, le meilleur soit-il, tout en l'amendant comme j'espère vous comptez le faire, à chaque mot ou à chaque paragraphe qu'on ajoute, on ne bloque pas un trou; on sait qu'en droit, plus on écrit, plus on crée d'ouvertures. C'est reconnu.

C'est un projet de loi — je vous l'ai dit, M. le ministre — qui, à mon point de vue, est le plus important, peut-être, depuis que le Parlement du Québec existe. Il a beaucoup plus d'implications que la Loi 101 ou la Loi sur l'assurance automobile, parce qu'il touche à des traditions de droits de propriété qui sont ancrées dans notre peau depuis que l'humanité existe et particulièrement au Québec où on a un droit immobilier qui est bien établi, une tradition entre autres représentée par la Chambre des notaires du Québec, qui, eux, ont la responsabilité du respect et de la garantie du droit de propriété, non seulement pour le présent mais pour les années à venir, lorsqu'on sait que la prescription, en général, c'est pour 30 ans.

Cette loi va avoir des implications, non seulement dans le moment — on ne peut pas régler tous les cas — mais aussi dans l'avenir. C'est la raison pour laquelle, M. le Président, si nous sommes pour la vertu, comme tout le monde, pour la protection du territoire agricole que nous voulons protéger le mieux possible, autant par voeux ou des intentions d'autosuffisance dans l'agro-alimentaire et tout, qu'on arrête de gaspiller les sols dans les expansions désordonnées des villes et des villages; nous sommes d'accord sur cela. Nous sommes en faveur de la protection du terri-

toire agricole pour les meilleurs intérêts du Québec, pour les agriculteurs également. Mais on s'est prononcé contre le projet en deuxième lecture parce qu'il n'y a pas seulement le principe en deuxième lecture, c'est ce qu'on semble oublier.

Si vous lisez l'article 120 du règlement, il y a la valeur intrinsèque du projet de loi, la portée du projet de loi ou d'autres moyens pour atteindre les mêmes fins. C'est une erreur lorsqu'on dit qu'on vote contre le principe. On peut être pour le principe et voter contre en deuxième lecture à cause de la portée immense, imprévisible de ce projet de loi. Je me demande — c'est un peu une question que je me pose à moi-même, si le ministre est assez gentil pour répondre à ma place — comment le ministre peut-il envisager — vous connaissez la position du Parti libéral, on ne veut pas faire de "filibuster", on veut collaborer, mais on ne peut pas accepter le projet de loi et on ne veut pas retarder indéfiniment les travaux — d'ici le 21 décembre, d'apporter tous les amendements pour corriger ce projet de loi, pour tenter de calfeutrer quelques trous, parce qu'il y a des millions de trous dans votre projet de loi? Je m'adresse à un avocat qui peut considérer, justement, les appréhensions de la Chambre des notaires et les nôtres. Comment peut-on envisager d'adopter ce projet de loi d'ici le 21 décembre avec toute la bonne volonté du monde et avec toute la collaboration de l'Opposition? Si le ministre désire répondre à cela.

Au représentant de la Chambre des notaires, j'aurais une seule question à poser, je n'irai pas dans les détails; on en aurait pour des semaines et des mois, si je voulais revenir à tous les points soulevés, parce que chaque fois qu'on en traiterait un, il s'en soulèverait cinq ou six autres, ce seraient de vrais champignons, tous les problèmes qui pourraient être suscités si on voulait traiter chaque article comme l'a fait le représentant de la Chambre des notaires. Lui-même sait qu'il n'a abordé que certains problèmes; il a le projet de loi depuis peut-être une semaine, dix jours. En droit immobilier, en droit de propriété, c'est...

M. Garon: Cela fait un mois.

M. Lavoie: Le projet de loi? D'accord, je suis d'accord avec vous, ne vous fâchez pas. Mais si on voulait aller au fond des choses, pour chaque point soulevé, à chaque problème soulevé, il s'en soulèverait dix autres. Et je parle à un avocat, il sait que c'est vrai.

Une dernière question: Quel est le climat, cher confrère, dans le milieu notarial, actuellement? Dans quelle situation sont les notaires devant cette loi, autant les notaires pratiquants? Je dis, en terminant, que je préfère être à l'Assemblée nationale — même si ce n'est pas toujours facile — j'ai l'esprit encore plus tranquille ici que si j'avais à pratiquer le notariat actuellement.

Le Président (M. Boucher): Me Audet. (15 h 30)

M. Audet: M. le Président, disons qu'il semble bien que les notaires qui exercent dans la région qui a été désignée agricole en vertu de ce projet de loi sont très inquiets parce qu'ils ne peuvent plus se baser sur aucun principe déterminant pour donner une opinion juridique valable. Les conséquences sont qu'il y a des prêts agricoles qui peuvent être retardés; il y a des lotissements qui sont bloqués; il y a des aliénations qui ne peuvent pas se faire, à cause des imprécisions de la loi et surtout à cause de la rétroactivité de la loi. Or, la loi n'est pas encore adoptée et elle comporte certains effets immédiats.

L'incertitude en droit notarial est inadmissible. Il faut être certain des droits de propriété parce que. comme je l'ai dit ce matin, le notaire a la responsabilité d'assurer la sécurité du titre immobilier, tant à l'égard du propriétaire que du créancier hypothécaire, pour ne nommer que ces deux-là.

En deuxième lieu, il y a beaucoup de cas en suspens qui nécessiteraient l'adoption de mesures transitoires dans ce projet de loi. Je vais vous citer trois cas différents. Il y a des actes qui ont été signés avant le 9 novembre et qui n'ont pas été enregistrés. Le contrat qui a été signé le 8 novembre au soir, chez le notaire, qui est complété, finalisé, exécuté, ne pouvait pas être enregistré le 8 novembre au soir parce que les bureaux d'enregistrement étaient fermés. On ne pouvait non plus le déposer au bureau d'enregistrement le 9 novembre parce que la loi a été déposée le 9 novembre, avec effet rétroactif au matin du 9 novembre.

Donc, il faudrait une mesure transitoire pour dire que les actes, au moins les actes notariés qui ont été signés avant le 9 novembre, pourront être enregistrés après le 9 novembre. Il y a eu un contrat de signé; les parties se sont engagées à remplir leurs obligations, à respecter les termes et conditions de chacun de ces contrats. Le marché est conclu, il est fait, on ne peut plus l'annuler. Mais on ne peut plus l'enregistrer non plus. Donc, c'est une situation intenable pour tout le monde: le vendeur, l'acheteur, le notaire, tout le monde.

Le deuxième cas qu'il faudrait prévoir dans les mesures transitoires, ce sont les promesses de vente avec possession des lieux, ce qu'on appelle bien souvent les baux conditionnels. Il y a beaucoup de terrains qui sont vendus sous promesses de vente, c'est-à-dire que le promettant vendeur dit: Je promets de te vendre un terrain à raison de $10 par mois et quand tu m'auras donné $1000, je te signerai un acte de vente en bonne et due forme. Il y a de nombreuses promesses de vente qui ont été signées avant le 9 novembre. L'acquéreur, à toutes fins pratiques, était locataire et est encore locataire parce que son acte de vente n'est pas encore signé. Mais, en droit, c'est l'article 1478 du Code civil qui s'applique: 'Promesse de vente avec tradition et possession équivaut à vente".

La date précède le 9 novembre. Le contrat n est pas enregistré, parce que c'est souvent une condition du contrat que ce contrat ne puisse être

enregistré tant que le parfait paiement n'est pas exécuté. Il faudrait donc prévoir, dans les mesures transitoires, que. pour autant qu'on a l'assurance que la date précède le 9 novembre, ce contrat, qui est encore un contrat, qui lie les parties, puisse être enregistré, au moins dans un certain délai, à compter du 9 novembre.

Enfin, il y a les promesses de vente unilatérales ou bilatérales qui n'engagent pas d'une façon aussi absolue l'acquéreur ou le promettant acquéreur. Ce sont les cas où les parties se sont entendues pour faire un marché. Le marché n'est peut-être pas conclu, mais il est presque finalisé. Ou bien on donne l'autorité voulue pour que cette promesse de vente puisse se réaliser ou se concrétiser avec le temps, ou bien on dit: Cette promesse de vente ne sera jamais exécutée; si elle n'est pas exécutée, il faudra en demander l'annulation, si possible, selon le motif que cette loi constitue un cas de force majeure. Le promettant acquéreur ne pouvait pas prévoir d'une façon raisonnable qu'un dépôt de loi serait fait avec effet rétroactif au 9 novembre 1978.

En conséquence, dans ce dernier cas, il faudrait prévoir également des mesures transitoires pour avoir une solution juridique à ce genre de problème. Il y a aussi le cas d'autres mesures transitoires en matière de lotissement, en matière de permis de construction, mais là, je ne peux pas entrer dans autant de détails, mais il y a au moins ces trois cas patents où il y a des dates.

Remarquez que l'article 31 comprend une date. Le 9 novembre 1978, c'est une date. Il y a des contrats qui portent une date aussi certaine. Surtout si c'est devant notaire, la date est certaine. On ne peut pas frauder la loi, parce que la date est déjà établie. En conséquence, il faudrait respecter les conventions des parties et permettre l'enregistrement de ces contrats pour qu'ils puissent avoir effet à l'égard des tiers.

Le Président (M. Boucher): M. le ministre.

M. Garon: Je voudrais vous poser une question, M. Audet. Quand il y a des avis de motion dans des municipalités pour des règlements de zonage qui s'appliquent dès le dépôt de l'avis de motion, qu'est-ce que vous faites?

M. Audet: Ecoutez, s'il y a un avis de motion...

M. Garon: Dans le domaine municipal, cela s'applique dès le dépôt, même si ce n'est pas encore voté et que le référendum n'est pas fait.

M. Audet: Je comprends que l'avis de motion, dans certains cas, ou en tout cas dans le cas de règlement de construction... C'est sûr que si l'individu commence à construire après qu'un avis de motion a interdit la construction dans un domaine donné, c'est sûr que l'avis de motion prévaut. J'en suis certain, mais écoutez...

M. Garon: Alors...

M. Audet: C'est un cas différent ici, parce qu'il y a eu une convention qui a été exécutée entre les parties, préalablement à la loi, et l'enregistrement n'est qu'une formalité d'exécution à l'égard des tiers.

M. Garon: C'est la même chose. Dans le règlement qui est couvert, si je vais acheter, et puis il y a dépôt pour acheter, pour faire un garage, mettons. Tout-à-coup la municipalité, entre la promesse et l'achat, alors que le contrat n'est pas passé, dépose un règlement de zonage pour résidentiel, c'est fini. Qu'est-ce que vous faites dans ce temps-là?

M. Audet: M. le ministre, en matière de droit...

M. Garon: Non, mais qu'est-ce que vous faites dans ce temps-là?

M. Audet: C'est tout simplement un principe de droit. En matière de droit municipal, un avis de motion peut limiter ou interdire la construction de certains immeubles, mais n'interdit pas nécessairement la construction de tout immeuble. Le droit de propriété demeure. L'individu peut dire: "Je ne peux plus construire dans le domaine industriel, mais peut-être que le règlement va me permettre de construire dans le domaine unifamilial". Je veux dire ceci: II peut exercer son droit de propriété d'une autre manière, tandis qu'ici il ne peut pas l'exercer, il ne peut pas enregistrer son contrat.

M. Garon: Oui. Le droit de propriété existe de la même façon, sauf qu'on a le droit d'exiger que la terre serve à l'agriculture. C'est de la limitation, mais qui est autre. Il a le droit de prendre la terre, mais il n'a pas le droit de mettre des maisons dessus, il n'a pas le droit de mettre des garages dessus, mais il a le droit de faire de l'agriculture. Son droit de propriété est total, comme avant. Il a le droit de vendre comme avant, autant qu'avant. La seule chose qui est limitée, c'est l'utilisation.

M. Lavoie: Je vais vous donner un exemple, M. le ministre. Quelqu'un, un agriculteur est allé chez le notaire le 5 ou le 7 novembre et a vendu un arpent de sa terre à un voisin ou à un individu quelconque $5000, payé comptant devant notaire et le contrat est signé, mais le contrat n'est pas enregistré le 9 ou le 8 novembre. Le type a payé, mais il n'a pas de droit de propriété sur l'emplacement qu'il a acheté, parce que le notaire ne peut plus enregistrer le contrat. La somme a été déboursée, la convention entre les parties a eu lieu, le type a payé, mais il n'a pas le droit de propriété.

Dans une ville, au moins, cela n'arrive pas, le type devient propriétaire, l'usage est différent. Il ne peut plus bâtir de garage, mais au moins il a le terrain, il a le droit de propriété. S'il a un recours contre la ville ou des tiers, ou est victime de fausses représentations de la part du vendeur, cela s'exerce devant les tribunaux. Mais au moins

il a un droit de propriété. Dans ce cas-ci, il n'a pas de droit de propriété.

M. Cordeau: M. le Président, sur la même question. Je crois que dans les villes, si le type a obtenu un permis de la ville la veille de l'avis de motion, le type a le droit de construire, même si cela contrevient à l'avis de motion. Alors, je crois que c'est à peu près la même chose que le cas...

M. Garon: Non, ce n'est pas la même chose. S'il a un permis, cela va valoir pour lui aussi. Il y a une différence...

M. Cordeau: Oui, mais là, il y a eu entente pour la vente, avant, devant notaire.

M. Garon: Je comprends. M. le député de Saint-Hyacinthe, en droit, on est dans deux choses. Or, ce que vous dites-là et ce qu'a dit M. le député de Laval, ce n'est pas la même chose.

M. Lavoie: Oui, mais ce que j'ai dit, je le maintiens.

M. Cordeau: Au point de vue de l'équité, c'est la même chose.

M. Lavoie: Je pense bien que le ministre maintient mon opinion.

M. Cordeau: Au point de vue de l'équité, c'est la même chose.

M. Garon: Non, ce n'est pas la même chose. Le droit acquis, en droit, est une notion très connue. Si vous avez un permis de construction, c'est évident que vous avez acquis un droit. Ce n'est pas pareil.

Le Président (M. Boucher): Messieurs, les invités sont là. Est-ce que vous pourriez terminer vos questions? M. le député de St-Hyacinthe.

M. Cordeau: Oui, ce ne sera pas long. Ce seront de courtes questions. Est-ce que ce projet de loi, sans ou peu de modifications, vous donnerait satisfaction?

M. Audet: C est un projet de loi qui nécessite certaines modifications. On a insisté sur certaines modifications importantes pour nous. Il y a toute la question de l'enregistrement des droits qui est fondamentale; il faut à tout prix, quand on enregistre un document, dans un bureau d'enregistrement, qu'on puisse référer à l'index aux immeubles pour les lots qui sont compris dans les plans, c'est là une règle fondamentale; respecter les règles d'enregistrement, pour nous, c'est très important. Spécifier la nature de la nullité, en vertu de l'article 30, pour les actes faits suivant les articles 28 et 29, c est encore un cas important. Il y a aussi toute la question des approbations par la commission.

Je reviens sur un point très important. Vous savez qu'en vertu de la Loi sur les droits successoraux, qui va être adoptée, ou en vertu de notre ancienne Loi sur les droits de succession, lorsqu'il est question d'un immeuble, il faut toujours obtenir du ministère du Revenu, un certificat qui est enregistré contre l'immeuble et ce certificat comprend la désignation de l'immeuble. Ceci vaut parce que le bureau d'enregistrement, pour les notaires, est la source d'information fondamentale pour déterminer les droits des individus, pour les identifier. Donc, c'est un certificat émis par le ministère du Revenu qui permet de dire qu'on a respecté cette loi.

On voudrait, parallèlement, que dans cette loi, afin d'avoir la certitude et la garantie que les titres immobiliers seront incontestables et inopposables dans le temps... Mettons-nous dans 20 ans, qui garantit le passé? Il faudrait que la commission puisse également émettre des certificats séparés, semblables à ceux qu'émet le ministère du Revenu, pour que ces certificats puissent indiquer que tel individu avait un droit acquis sur tel immeuble, tel individu a un droit d'en faire ce qu'il veut parce que c'est un immeuble exclu, tel individu a un droit de construire, tel individu a un droit de lotir, parce que la permission a toujours été demandée à la commission. C'est une forme d'assurance pour garantir les titres immobiliers, sinon, ce sera toujours arbitraire, d'une certaine manière, ce sera toujours difficile de savoir si le propriétaire avait des droits acquis ou non, s'il avait demandé la permission de la commission ou non, s'il avait respecté les règlements de cette loi ou non, etc.; c est une assurance et, en droit immobilier, on ne peut pas agir comme dans les autres formes de droit, c est un droit qui est trop important. On peut construire des immeubles d'une très grande valeur sur de très petites superficies de terrain, il faut avoir la certitude que le propriétaire est vraiment propriétaire et que le créancier hypothécaire détient une bonne garantie sur I'immeuble. Pécher contre ces lois fondamentales de droit immobilier, c'est venir atténuer et affaiblir considérablement l'impact de tout le secteur du financement hypothécaire et du droit fondamental de propriété immobilière.

Au Québec, nous sommes chanceux, nous avons un régime de droit immobilier permanent, continuel, perpétuel qui cause très peu de problèmes, les règles du jeu sont clairement établies. Par une loi d'exception, il faut qu'on puisse quand même avoir une assurance en matière immobilière, pouvoir garantir les titres, pouvoir les valider, pouvoir certifier avec ces certificats qui seraient émis par la commission, avec des règles très précises émises par la loi et par les règlements, nous sommes certains que cette loi pourrait être applicable, avec moins de conséquences d'interprétation et d'interrogation.

M. Garon: J'aimerais vous poser une question. Sentez-vous les mêmes problèmes quand on ne fait pas respecter l'article 2175 du Code civil pour la sécurité juridique? Pourtant c'est une loi en vigueur qui apporterait beaucoup plus de sécurité si elle était respectée.

M. Lavoie: ... Est-ce une obligation?

M. Audet: Oui, mais le problème, à mon avis, est bien différent. Il y a eu des...

M. Garon: C'est une loi en vigueur qui apporterait de la sécurité.

M. Audet: M. le ministre, je pense qu'on a essayé de mettre en vigueur l'article 2175 à cinq ou six reprises depuis 1866; il y a même eu un projet de loi qui a été déposé, il y a quatre ou cinq ans, obligeant de subdiviser. C'est un voeu qu'on formule toujours et qu'on considère souhaitable, mais je pense que c'est une question de coût qui a fait que la loi 2175 n'a pas été appliquée.

Il est sûr que, pour le demi-hectare de la loi, on voudrait que ce soit subdivisé et obligatoirement subdivisé, parce qu'on veut savoir si c'est vraiment un demi-hectare sur lequel on va construire ou non, c'est un aspect de la loi, mais...

M. Garon: Cela n'est pas difficile à calculer. (15 h 45)

M. Audet: L'article 2168 de la loi permettait toujours de décrire, par tenants et aboutissants, un immeuble et en autant qu'on a les mesures d'un terrain et les bornes d'un terrain, on pouvait toujours s'en sortir; l'arpenteur était toujours disponible pour faite un procès-verbal de bornage dans les cas litigieux.

M. Garon: Au début des années soixante-dix, lorsqu'est arrivée la réforme fiscale, cela a dû causer des problèmes aussi.

M. Audet: Pas au niveau du droit de propriété lui-même. Le droit de propriété...

M. Garon: Les effets fiscaux des transactions qui avaient été faites... Quand on adopte une loi, le ministre des Finances peut déposer son discours du budget... Il y a des transactions qui ont été faites la veille, l'avant-veille, trois ou quatre jours avant et les gens ne pensaient pas que l'impôt serait changé à telle date. L'impôt est changé et cela affecte toutes leurs transactions.

NI. Lavoie: Cela n'affecte pas le droit de propriété d'aucune façon.

M. Garon: Cela l'affecte certainement. M. Lavoie: D'aucune façon.

M. Audet: II n'y a pas de conséquence civile à une législation fiscale; le droit de propriété demeure, les règles d'enregistrement demeurent, la liberté contractuelle demeure.

M. Garon: Oui, mais pensez-vous qu'on aurait pu reconnaître tous les écrits, sous seing privé, qui ont été faits avant le 9 novembre?

M. Audet: Non, je n'ai jamais affirmé cela d'ailleurs.

M. Garon: Bon, premièrement!

M. Audet: Pour la question de la date, c'est sûr.

M. Garon: Pour la publicité, ce qui est reconnu, c'est l'enregistrement?

M. Audet: Oui, mais il y a les actes notariés...

M. Garon: Pourtant, vous ne reconnaissez pas l'écrit de seing privé qui est un contrat aussi valable qu'un contrat fait devant notaire.

M. Lavoie: La date, devant notaire, est officielle à cause de la minute; c'est preuve incontestable. On ne peut pas contester la date d'un acte notarié.

M. Garon: Vous évaluez cela à combien de transactions devant notaire?

M. Audet: Je n'ai aucune idée du nombre de transactions. Ce que je veux dire, par exemple, c'est que pour l'acte sous seing privé, il... L'acte notarié est enregistrable, l'acte sous seing privé n'est pas nécessairement enregistrable. Il peut s'enregistrer par bordereau en autant qu'il a été signé* devant deux témoins, mais bien souvent il n'est pas signé devant deux témoins, donc l'acte sous seing privé n'est pas toujours enregistrable.

M. Charron: M. le Président, est-ce qu'on peut me reconnaître comme intervenant à cette commission?

Le Président (M. Boucher): Oui, M. le leader.

M. Charron: Merci. C'est simplement pour rappeler avertir, avec tous les égards dus à ceux qui sont ici, que nous avons une liste de gens qui doivent être invités cet après-midi et nous nous en sommes, avec le consentement de tous les partis, tenus à une moyenne d'une heure...

Une Voix: ...

M. Charron: Oui, je répète ce que je dis, parce que c'est avec vous que je l'ai négocié.

Nous nous en sommes tenus à une moyenne d'une heure, c'est-à-dire que devant l'importance de certains mémoires, il est entendu que les députés qui ont des questions peuvent dépasser l'heure. Dans d'autres cas, quand le point est fait et que tout le monde est informé à sa guise, cela peut être moins long; on n'a pas dit: Une règle fixe d'une heure. Je connais la liste de ceux qui sont invités et il me semble que la plupart sont ici cet après-midi.

D'autre part, sachant déjà le temps dont a disposé l'organisme qui est là, on peut dire qu'on a largement dépassé une heure avec cet organisme. Si les députés ont deux ou trois brèves questions à notre invité, tant mieux, mais je pense que l'heure est venue de passer à d'autres organismes qui attendent depuis un certain temps.

M. Cordeau: J'aurais encore une courte question.

M. Lavoie: Juste sur cette question, je voudrais dire, M. le Président, qu'il est vrai que nous avions une entente, tel que mentionné par le leader parlementaire du gouvernement, mais, à ma connaissance, cette entente allait jusqu'à hier soir, ce que nous avons respecté; nous avons pris cette entente mardi et elle valait jusqu'à hier soir.

Mais, nous sommes consentants, M. le ministre, à la reconduire, pour garder les mêmes principes d'environ une heure, ce n'est pas notre intention du tout de retarder les travaux, on voudrait même accélérer.

M. Charron: Très bien.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le député de Laval. M. le député de Saint-Hyacinthe, une dernière question.

M. Cordeau: On en avait du côté économique, mais on va les garder pour d'autres organismes.

Croyez-vous que les mécanismes de fonctionnement contenus dans ce projet de loi seront assez souples et efficaces?

M. Audet: Je pense que tout repose fondamentalement sur l'efficacité de la commission qui va être formée.

Les transactions immobilières doivent s'effectuer assez rapidement pour toutes sortes de raisons. Alors, si la commission réussit peut-être à régionaliser certaines fonctions, je pense que si la commission est efficace, cette loi pourra certainement être appliquée d'une façon plus facile.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. Audet. Alors, au nom de tous les membres de la commission, je remercie les représentants de la Chambre des notaires, Me Audet en particulier, et ceux qui vous accompagnent, pour avoir présenté ce mémoire. J'appelle maintenant la Fédération de l'UPA de Nicolet. Alors, messieurs, si vous voulez bien vous identifier et passer à la lecture de votre mémoire, s'il vous plaît.

Fédération de l'UPA de Nicolet

M. Gaudet (Pierre): M. le Président, vous avez à ma droite le premier vice-président de la Fédération de l'UPA de Nicolet, M. Gérard Gras et à ma gauche, M. Gérard Rainville qui est deuxième vice-président de la fédération, moi-même, Pierre Gaudet. président de la fédération, ainsi que M. Léopold Laroche, qui est membre de l'exécutif, puis M. Raiche, je pense qu'il s'en est ajouté un autre de l'autre côté. Or, vous voyez qu'on a une délégation qui est significative de l'importance qu on accorde au mémoire.

Or. M. le Président, d'abord on est très heureux que vous ayez accepté de recevoir notre minime contribution au niveau de cette commission, que vous ayez accepté d'entendre notre position régionale sur cette question.

La Fédération de I'UPA de Nicolet tient aujourd'hui à vous exprimer son assentiment sur l'ensemble du projet de loi 90 qui fait l'objet du débat actuel. Les producteurs de notre région ont, depuis plusieurs années déjà, souhaité un tel geste de la part des partis politiques qui ont successivement détenu le pouvoir au Québec. Nous sommes demeurés fidèles à notre position qui est, nous en sommes convaincus, l'unique moyen de garantir, à notre génération et à celles de nos héritiers, l'alimentation nécessaire à l'existence.

D'une part, ce voeu qui semble à prime abord des plus pieux, ne peut certainement pas être contesté. Cependant, l'application des mesures visant à cautionner cet engagement verra naître, sans aucun doute, de nombreux antagonismes puisque notre société actuelle se fonde sur des valeurs artificielles. La consistance du projet de loi 90 marque le réalisme de la situation actuelle et, si une pénurie alimentaire semble aujourd'hui difficilement concevable, les statistiques démontrent clairement que la production agricole, malgré la spécialisation et l'automatisation, ne pourra pas toujours suffire à la demande sans cesse croissante des consommateurs.

Nous ne voudrions pas créer une vision apocalyptique du secteur alimentaire, mais la protection de nos bons sols est directement liée à la capacité de consommation des Québécois, dans le futur. Cest pourquoi, la Fédération de l'UPA de Nicolet ne peut qu'approuver toute action gouvernementale en ce sens.

Cependant, nous considérons que le danger qui menace une partie du secteur agro-alimentaire est double: d'une part, la disparition de nos sols arables d'où la nécessité d'une législation efficace et. d autre part, la situation précaire de l'exploitant agricole et du développement des fermes québécoises.

L UPA a toujours considéré que la loi sur le zonage agricole se devait absolument d'être accompagnée de mesures visant à sécuriser et à rentabiliser le travail du producteur agricole. Malgré le bien-fondé du projet de loi 90, nous estimons qu'il n'est que prémisses au développement de l'agriculture au Québec. D'ailleurs, nous ne croyons pas que le gouvernement actuel doive intervenir par des formules d'indemnisation à l'intention des producteurs qui pourraient éventuellement être pénalisés par la disparition de la spéculation foncière. Nous croyons cependant que l'élément primordial est de sécuriser et de rentabiliser I'effort des producteurs québécois. De plus, le gouvernement actuel devra injecter des sommes — et quand je dis le gouvernement actuel, il faudrait que ce soit bien compris pour tout le monde que cela veut dire aussi les futurs, parce que là, c'est à vous qu'on parle et, s'il y en a d'autres plus tard, alors ils prendront la relève —

M.Garon: ...

M. Gaudet: Vous arrangez cela comme vous voulez. C est vous autres qui allez décider, peut-être un bon matin... en fonction de l'amélioration

de la situation de ceux qui vivent essentiellement de l'agriculture et non de la spéculation foncière.

Malgré qu'elle considère pertinent le projet de loi 90, la Fédération de l'UPA de Nicolet demeure sceptique sur un élément du document législatif. Ainsi, nous croyons qu'il est essentiel pour l'avenir de l'agriculture et la protection de tous les exploitants agricoles québécois que la Loi sur le zonage du territoire agricole couvre globalement l'ensemble des sols arables du Québec.

Le projet de loi qui nous est présenté définit les régions agricoles désignées et délaisse certaines zones qui sont susceptibles de répondre aux critères topographiques et pédologiques d'un sol potentiellement fertile. Dès que la loi sera adoptée, la commission devra siéger et inclure le territoire non visé actuellement parce que nous prévoyons que les agriculteurs qui y vivent seront éventuellement harcelés par les spéculateurs et les citoyens en mal d'air de campagne et, d'autre part, nous croyons que cette situation engendrera du mécontentement de la part de certains producteurs qui vivent dans les zones agricoles et qui prévoyaient une certaine spéculation sur leur terre.

Le seul moyen d'éviter ce conflit et de considérer également tous les producteurs agricoles serait d'englober d'une façon exhaustive tous les sols susceptibles d'être cultivables au Québec. Les producteurs agricoles du comté de Nicolet-Artha-baska, Drummond et Yamaska, par la voie de la fédération régionale de l'UPA réaffirment leur appui au projet de loi 90 et tiennent à souligner qu'ils croient ardemment que l'agriculture possède encore sa place dans un système économique au Québec et que le temps n'est plus aux paroles, mais aux actions concrètes et nous souhaitons que tous et chacun en découvre le profit.

Or, M. le Président, on n'a pas voulu prendre la loi article par article et se prononcer sur chacun des articles. L'objectif était le suivant; déjà, des représentations ont été faites par la fédération de l'UPA sur ce point. Nous sommes ici pour confirmer notre accord avec la position de notre union et c'est l'état d'esprit qui anime notre fédération.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. Gaudet. M. le ministre.

M. Garon: Je voudrais remercier incidemment l'Union des producteurs agricoles de Nicolet de son mémoire et de l'appui quelle donne au projet de loi. Nous allons, lors de l'étude article par article, bonifier encore le projet de loi en tenant compte de certaines remarques qui nous ont été faites, notamment par des producteurs, pour le rendre le meilleur possible. Je vous remercie infiniment d'être venus nous rencontrer.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Giasson: Merci, M. le Président. Je voudrais également féliciter la fédération de l'UPA de Nicolet d'avoir pris le temps de rédiger un mémoire et de venir le présenter à la commission par- lementaire. Comme votre président l'a indiqué, il va assez bien dans le sens de l'exposé ou des prises de position de la confédération de l'UPA du Québec.

J'aurais une question. A la première page de votre mémoire, vous dites que notre société actuelle se fonde sur des valeurs artificielles. Pour-riez-vous définir un peu ce que cela sous-tend?

M. Gaudet: La raison est bien simple. Vous avez une question qui est extrêmement importante quand on parle du développement de l'agriculture. Le choix qu'on fait, quand on prend le projet de loi 90 et qu'on parle des valeurs artificielles. On se dit dans un premier temps, qu'y a-t-il de plus important pour une société que de s'alimenter et de se posséder? Quand on parle des valeurs artificielles, on dit: Au point de vue économique, est-ce que le développement de I'agriculture n'est pas un des éléments premiers à considérer dans le développement au niveau du Québec à cause de ses effets d'entraînement? Parfois, quand on parle de développement artificiel, ce qu'on veut dire aussi par là, c'est que pour nous, en faisant le choix prioritaire du développement de l'agriculture, cela peut vouloir dire qu'on est prêt à laisser tomber des éléments qui seraient moins importants en termes économiques au Québec.

M. Giasson: Merci. J'avais une autre question. Vous souhaitez ardemment qu'au-delà du décret qui s'est appliqué sur une partie des sols arables du Québec, on étende le secteur ou la zone de protection à tout le territoire agricole du Québec qui est pourvu d'assez bons sols. Souhaitez-vous cela parce que vous craignez immédiatement un mouvement de spéculation dans les secteurs, les zones qui n'ont pas encore été touchés?

M. Gaudet: On pourrait vous démontrer qu'actuellement des mouvements de spéculation s'amorcent même à l'intérieur de notre territoire où il y a des municipalités qui ne sont pas zonées.

M. Giasson: Cela était inévitable. Parlez-vous du périmètre des petites villes ou moyennes villes? (16 heures)

M. Gaudet: Non. Dans le territoire de la fédération, il y a quelques municipalités qui ne sont pas dans la zone verte et, actuellement, un mouvement de spéculation s'amorce dans les municipalités en dehors de la zone verte. Alors, c'est pour cela qu'on a mis cette partie dans le mémoire. Ce n'est pas encore un phénomène exorbitant, cependant, il va falloir le surveiller, il va falloir s'assurer qu'on va apporter les correctifs nécessaires en temps opportun. C'était là l'objectif de cet article du mémoire.

M. Giasson: Quand vous parlez de spéculation, ce seraient les fermes qu'on vendrait à des gens qui n'ont pas l'intention de cultiver?

M. Gaudet: Ce n'est pas cela, ce sont des citadins qui vont dans les paroisses où ils peuvent... On parlait tantôt du mal de l'air pur et du

goût des petits oiseaux. Ce sont justement ces gens qui, actuellement, profitent du fait qu'il y a encore, au niveau de notre région, quelques paroisses qui ne sont pas zonées et qui sont à proximité de petites villes, en tout cas, des villes importantes pour notre région. Alors, les gars s'organisent pour faire de petits villages dortoirs dans des municipalités qui peuvent être à 12, 15, et 20 milles de la ville principale.

M. Giasson: Dans votre fédération, est-ce que vous avez mené une recherche sur le nombre de fermes qui seraient, à l'intérieur des comtés, regroupées dans la Fédération de l'UPA de Nicolet, le nombre de fermes qui seraient possédées par des gens qui ne cultivent pas, quelles que soient les raisons? Avez-vous des statistiques là-dessus?

M. Gaudet: On n'a pas un inventaire précis du nombre d'acres de terre qui sont passées... Pour prendre un exemple très concret, dans la paroisse voisine de chez nous, il y avait un rang qui n'était pas tellement cultivé, faute de programme d'é-gouttement. Or, ce qui s'est produit, c'est qu'à cause de l'abandon de ces fermes par des producteurs qui avaient des difficultés au niveau de la production et qui étaient rendus à un niveau d'âge élevé, ces fermes ont été vendues à des gens des villes, que je respecte et que j'admire pour ce qu'ils font. Ils ont payé cela le prix d'un chalet ou à peu près. Ils sont arrivés là; ils ont mis trois coqs, un poulet et une petite poule Bandy là-dessus.

Cela a comme effet que le prix des terres augmente, que les agriculteurs qui pouvaient être en compétition ou les vrais producteurs ont de la difficulté à acheter ces terres. Depuis ce temps, les cours d'eau se sont refaits sur ces terres. On veut les utiliser et on ne le peut plus parce qu'il y a des propriétaires qui n'ont pas payé cher ces terres et elles ne sont plus disponibles pour l'agriculture.

C'est cette forme de spéculation. Le besoin des gens de revenir à la nature nous inquiète, en termes de production agricole. C'est une des raisons qui nous force à appuyer le projet de loi qui est présentement devant cette commission et devant l'Assemblée nationale.

Alors, pour répondre bien précisément à votre question, on n'a pas réussi à faire d'inventaire systématique du nombre d'acres de sol qui ont été perdues, mais sans me tromper, je peux vous dire que dans un territoire comme le nôtre où il y a 185 000 acres de terre, c'est au moins 20 000 acres depuis les deux dernières années.

M. Giasson: Depuis les deux dernières années seulement. Il y avait un mouvement dans ce sens...

M. Gaudet: Oui, on avait déjà estimé, il y a quelques années, qu'il y avait une quarantaine de mille acres de perdues, mais depuis les deux dernières années, cela se situe autour de 20 000 acres.

M. Giasson: Merci, M. Gaudet.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Cordeau: Merci, M. le Président. A mon tour, au nom de l'Union Nationale, je tiens à remercier la Fédération de l'UPA de Nicolet de sa participation aux différentes commissions concernant l'agriculture ou l'environnement. Je pense que vous êtes une fédération active et on doit vous féliciter.

Maintenant, à deux occasions, dans votre mémoire, vous parlez, aux pages 2 et 3, de "sécuriser" et de rentabiliser le travail de l'agriculteur. J'aimerais vous poser une question: Quelles seraient les mesures que vous souhaiteriez que le gouvernement mette en place pour "sécuriser" et rentabiliser le travail du producteur agricole?

M. Gaudet: Cela, c'est une question de $3.25. M. Garon: Cela veut dire $64 000!

M. Gaudet: Vous savez, M. le ministre, quand on commence par $3.25, nous autres, on est habitué à $0.75! Alors, c'est déjà une bonne amélioration.

M. Garon: Dans le temps de l'Union Nationale.

M. Gaudet: Cela ne veut pas dire, M. le ministre, qu'on ne vise pas $64 000. Ecoutez, nous autres, notre compréhension du dépôt de la loi c'est la suivante: On réussit à se faire croire, à tort ou à raison — on espère qu'on a raison, on va le voir dans I avenir — que le gouvernement s'engage dans un processus de développement de l'agriculture, que le gouvernement s'engage dans un processus de rentabilisation des productions agricoles au Québec et de l'économie agricole. Pour cela, ce dont on a besoin, c'est que les producteurs qui se dirigent vers une production donnée, quelle qu'elle soit, que ce soit en termes de céréales, que ce soit en termes de production laitière, de production de viande, du porc, de la volaille ou quoi que ce soit... On s'attend que les agriculteurs qui vont prendre des risques en termes d'investissement pour développer une production aient les garanties suffisantes d'abord pour assurer la production du capital investi, assurer une rémunération normale des travailleurs, de l'exploitant et de sa famille et un profit normal que toute entreprise pourrait considérer comme un profit normal.

Quand on fait cette comparaison avec différents autres secteurs de l'industrie, sans pour autant vouloir dire que dans le secteur de l'agriculture nous sommes démunis, parce que ce n'est pas vrai que nous sommes démunis, ce qu'on veut dire, c'est qu'on a droit à notre part dans le système économique de la société actuelle. Ce sur quoi on mise dans le projet de loi, c'est non seulement sur le zonage des terres agricoles, mais sur le développement de l'ensemble de l'agriculture au Québec.

M. Cordeau: A court terme, quelles seraient les mesures que vous aimeriez voir implantées?

M. Gaudet: A court terme? On a actuellement des problèmes majeurs du côté de la production laitière dans une région comme la nôtre à cause de la spécialisation de la production au niveau de notre région. Nous sommes conscients qu'on ne pourra pas développer la production laitière d'une façon très accentuée, même au niveau de notre territoire, parce que tout cela s'implique, au fond, dans des besoins de marché.

Comme le marché du côté de la production laitière est saturé, on s'attend que les producteurs soient capables, par des programmes de production différents, soit de développer la production du boeuf, soit de développer aussi, pour une partie de notre territoire qui serait propice, la production des céréales de façon plus particulière; cela ne veut pas dire qu'on se limite concernant d'autres productions qui pourraient avoir du bon sens, mais on dira notre mot quand viendra le temps et on va suivre le gouvernement sur cette question.

Le Président (M. Boucher): M. le député d'Arthabaska.

M. Baril: II me fait plaisir de poser quelques questions au représentant de la fédération dont je suis membre. Il nous est parfois arrivé, au président et à moi, de nous poser certaines questions sous un angle tout à fait différent de celui d'aujourd'hui. Connaissant assez bien la délimitation du territoire de l'UPA de Nicolet, en pourcentage, quelle superficie du territoire ne fait pas partie du territoire protégé, à peu près?

M. Gaudet: Six ou sept municipalités, en termes de territoire, qui ne sont pas protégées par rapport à l'ensemble de notre région. Je n'ai pas fait de calcul pour répondre en termes de pourcentage, mais cela peut-être 5% ou 6%, j'imagine.

M. Baril: Quand vous avez parlé, tout à l'heure, d'une certaine spéculation dont vous aviez eu connaissance, cette spéculation aurait été faite du côté d'Arthabaska, Saint-Paul ou dans les environs parce qu'on sait que ces municipalités sont situées tout près d'une ville, la ville d'Arthabaska qui regroupe environ 40 000 habitants. Donc, ce serait dans ces municipalités que s'orienterait la spéculation.

M. Gaudet: C'est exact, M. le député.

M. Baril: D'un autre côté, est-ce que les agriculteurs de ces municipalités ont fait des pressions ou vont faire des demandes pour être intégrés à la zone protégée?

M. Gaudet: Actuellement, le problème qui s'est posé de façon plus particulière au niveau de ces municipalités est un problème d'environnement. A ce moment-ci, il n'y a pas encore d'agriculteurs qui ont, de façon très précise, formulé des plaintes, à savoir qu'ils sont craintifs par rapport à la spéculation, depuis que le projet de loi a été présenté. Beaucoup de producteurs continuent d'être très inquiets au sujet du développement ou de la construction en regard de l'application des normes de la protection de l'environnement. C'est par ce biais qu'on s'est rendu compte que certains gestes commençaient à être amorcés.

M. Baril: Chez-nous, sachant que nous faisons partie — et je vais m'impliquer — d'une région agricole qui a assez évolué, quand même, qui fait partie d'une des meilleures régions du Québec, on lit dans votre...

M. Gaudet: Je vous remercie de l'entendre dire. Nous en étions certains, mais nous n'étions pas sûrs que le gouvernement le pensait aussi. Est-ce qu'on peut dire que vous représentez le gouvernement, M. le député?

M. Baril: ... mémoire: Nous croyons que cette situation engendrera du mécontentement de la part de certains producteurs qui prévoyaient une certaine spéculation sur leurs terres. Il ne doit pas y en avoir beaucoup chez nous, parce que quand même, les gens sont assez bons agriculteurs, ils veulent beaucoup plus préserver l'agriculture que vendre leur terre.

M. Gaudet: Le problème ne se pose pas en termes des vrais producteurs; il se pose en termes de personnes qui ont gardé des sols autour des vrais agriculteurs et qui sont actuellement considérées comme des producteurs agricoles au sens de la loi. Ce sont eux qui nous causent des ennuis sur cette question-là. Il n'y a pas de cachette, là. Parce que nos agriculteurs prospères, ceux qui veulent vivre de l'agriculture, ne sont pas intéressés à vendre des parties de terrains sur le coin de leur terre.

Mais pour les municipalités que vous avez mentionnées tout à l'heure, vous êtes au courant, M. le député, qu'un bon nombre d'agriculteurs — il n'y en a pas 200 000, nous ne sommes que 5000 dans la région — quelques agriculteurs vont faire des levées de boucliers sur cette question et j'imagine que vous devez en connaître vous aussi.

M. Baril: On parle d'autre part — et je vais terminer ici — de la situation précaire de l'exploitant agricole, on parle du développement des fermes québécoises. Vous avez fait allusion et c'est vrai, que nous sommes une région qui s'est spécialisée surtout dans la production laitière. Est-ce que les agriculteurs de notre région commencent ou comprennent de plus en plus qu'il va falloir absolument s'en aller vers une diversification de production ou si les gens veulent encore se limiter à la production laitière.

M. Gaudet: Ecoutez, M. le Président, je ne pense pas qu'il y ait personne qui soit strictement attaché au besoin de traire des vaches pour gagner sa vie, car c'est quand même assez as-

treignant. Le problème c'est qu'il n'y a pas d'autres productions au niveau de notre région qui ont donné aux producteurs la garantie que cette production-là avait.

Je vais vous donner un exemple. Je suis un producteur agricole, j'ai une grande superficie de sol. Je ne fais pas de production laitière mais sur les propriétés que j'ai achetées depuis quatre ans, si j'avais seulement la partie de subvention qui est attachée de façon particulière aux producteurs de lait, je ne serais pas inquiet pour le développement de ma production qui est celle des céréales. Or, pour faire autre chose que du lait dans une région comme la nôtre à ce moment-ci — je vais peut-être me qualifier mais cela ne me choque pas trop — il faut quasiment être effronté parce qu'il faut prendre des risques — Or que font les producteurs? Ils se garantissent la sécurité et ils vont vers une production qui leur offre ce minimum de sécurité, parce que ce n'est pas encore le maximum.

M. Baril: Je vous remercie d'avoir présenté le mémoire.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Orford.

M. Vaillancourt: Merci, M. le Président, j'ai une courte question à poser au président de la fédération de l'UPA de Nicolet. Je n'ai rien vu dans votre mémoire à l'effet que vous vous prononciez en faveur de la loi ni en ce qui concerne la commission de protection du territoire agricole. Est-ce que vous êtes favorables au projet de loi dans tous les détails? J'aimerais avoir votre opinion en ce qui concerne l'organisme, c'est-à-dire la commission de protection du territoire agricole qui sera centralisée ici à Québec. Est-ce que vous seriez favorables à une décentralisation ou si vous êtes favorables à la loi telle quelle, en ce qui concerne la commission?

M. Gaudet: Tout d'abord, on a précisé au début de ce mémoire qu'on n'avait pas décidé d'intervenir sur plusieurs points. Cependant, je vais quand même vous donner notre position par rapport à la question que vous soulevez. (16 h 15)

En ce qui a trait à la commission prévue à la loi, nous sommes entièrement favorables à la mise en place d'une commission provinciale pour gérer et pour voir à l'application de cette loi. Cependant, nous croyons qu'au niveau des régions, il devrait y avoir un mécanisme de consultation ou un mécanisme qui pourrait être consultatif, qui permettrait aux agriculteurs de donner leur position et leur voix sur la réalisation concrète de l'application de la loi, mais on tient énormément à une commission provinciale. La raison fondamentale pour laquelle on y tient, c'est qu'on a eu l'expérience de l'application de règlements de zonage par des municipalités et on s'est rendu compte que les agriculteurs n'étaient pas traités de la même façon. On s'est aussi rendu compte que l'application des règlements de zonage, qui était uni- quement contrôlée par les municipalités, avait pour effet, suivant les intérêts de ceux qui étaient élus aux conseils municipaux, que le règlement de zonage était modifié dans un sens ou dans l'autre. Or, nous sommes favorables à une commission provinciale, mais nous croyons qu'il doit y avoir des mécanismes de consultation ou des mécanismes au niveau des régions pour permettre aux agriculteurs de se prononcer avec d'autres intervenants. Bien sûr, les agriculteurs sont les premiers intervenants à être consultés dans la question du zonage agricole, mais je pense qu'il faut être honnête, il faut reconnaître qu'il y a d'autres organismes, au niveau des régions, qui sont intéressés et qui ont des choses importantes à dire sur le développement des terres. C'est là notre position.

Le Président (M. Boucher): Merci.

M. Cordeau: M. le Président, une courte question.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Saint-Hyacinthe, une courte question.

M. Cordeau: Tantôt, dans une de vos réponses, vous avez mentionné qu'il y avait peut-être opposition de la part de certains cultivateurs qui ne gagneraient pas leur vie seulement avec leur terre. Ils ont peut-être un autre emploi, etc. Croyez-vous que le montant de $1000, provenant de revenus agricoles, exigé pour reconnaître une personne comme productrice agricole soit assez élevé en 1978?

M. Gaudet: Voulez-vous avoir une réponse courte ou une longue?

M. Cordeau: Une réponse franche, comme on vous connaît...

M. Gaudet: Une réponse franche, c'est non. On est convaincu que le montant prévu par la Loi 64 pour déterminer ce qu'est un producteur n'est pas suffisant. La définition d'un producteur agricole ne se limite pas au montant de la mise en marché. Mettez-le à $5000, si vous voulez, ou à $10 000, ce n'est pas ce qui va dire que c'est un agriculteur ou que ce n'en est pas un. Il y a d'autres critères qui devraient être incorporés dans la définition du producteur agricole.

Dans les critères que nous pensons être importants, il y a ceux de la principale occupation ou du principal revenu. Cela nous apparaît, au niveau d'une région comme la nôtre, un critère devant être pris en considération dans la définition du mot "agriculteur" au sens de l'ensemble des lois.

M. Cordeau: Merci.

Le Président (M. Boucher): M. le député d'Arthabaska, votre courte question.

M. Baril: Oui, une très courte question. En deuxième lecture, certains députés, à la Chambre, surtout de l'opposition, affirmaient que la Fédération de l'UPA n'avait pas l'appui de la base et que plusieurs articles de la loi étaient dénoncés très fortement par la classe agricole. Vous autres, la fédération de Nicolet, est-ce que vous avez senti ce non-appui de la part des agriculteurs? Ici, je fais allusion à l'indemnisation, à la possibilité de diviser les lots.

M. Gaudet: Ecoutez, cela fait quatre ans que notre fédération se promène dans notre territoire pour discuter de la question du zonage agricole des terres. On a discuté de long en large l'application d'une loi comme celle-là; les producteurs agricoles, dans notre territoire, encore cet automne, au moment de nos congrès régionaux, se sont montrés favorables à la position que nous prenons sur la question du zonage agricole des terres.

D'autre part, ces inquiétudes... Pour vous donner un exemple bien concret, j'arrive du congrès général de l'union. Nous étions environ 600 personnes presque tout le temps, des représentants des syndicats de base, des présidents de syndicats, des délégués, des producteurs agricoles de l'ensemble du territoire du Québec. On a discuté dans un premier temps de la loi, du mémoire que l'union a présenté, et je peux vous dire que le congrès général de l'UPA vient de se prononcer d'une façon très positive et unanime sur la position de l'union dans le débat sur le zonage agricole. Cette question est la même au niveau de notre territoire.

M. Baril: M. Gaudet, si je faisais allusion à cela, c'est parce que cela ma assez surpris de voir l'attitude que l'Opposition a prise face au mémoire que la confédération a présentée et également face à l'attitude que d'autres fédérations de l'UPA ont présentée à cette commission. J'aurais aimé cela que vous-même et les participants ou ceux qui sont venus vous appuyer, vous soyez en mesure de voir ou de comprendre exactement la position que les opposants ont prise sur ce projet de loi. Merci.

M. Gaudet: M. le Président, ce que je puis ajouter là-dessus, c'est que je ne veux pas entrer dans un débat politique, la politique, on va vous laisser cela, c'est votre "job". Cependant, nous, de l'union, notre consultation a été faite, au niveau de nos producteurs, elle est faite depuis un bon bout de temps. Seulement, on n'acceptera pas de se laisser charrier de n'importe quelle façon et par n'importe qui sur cette question. Ce n'est pas un défi mais on invite n'importe qui, dans le cadre de la discussion avec l'union et avec les producteurs agricoles, moi, n'importe quand, je suis prêt, à l'intérieur du territoire qu'on a chez nous, à rencontrer n'importe qui et avec n'importe quel producteur, sur la question du zonage, et je ne doute pas du tout du résultat d'une telle rencontre ou de telles interventions.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Kamouraska, c'est...

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata):

Merci, M. le Président. Je dois d'abord vous remercier de votre mémoire. Je voudrais revenir un peu sur la question des critères pour définir l'agriculteur et cela m'a un peu chatouillé, étant député-agriculteur, quand vous dites, quand vous demandez que l'agriculture, ce soit la principale occupation, savez-vous, vous nous embarrassez un petit brin. J'espère qu'on pourra modifier cela un petit peu. Je ne sais pas si vous êtes fiers de voir des députés-agriculteurs à l'Assemblée nationale, mais je pense que, depuis un an, il ne s'est jamais parlé comme depuis 10 ans, dans le passé, d'agriculture au Québec. Il faudra penser que les agriculteurs en Chambre aussi peuvent faire quelque chose et peuvent travailler dans le domaine agricole, aussi bien pour le bien des agriculteurs que de toute une population.

M. Cordeau: Vous pensez que c'est "une" job temporaire?

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata):

Oui, c'est temporaire. On est des fonctionnaires occasionnels.

M. Gaudet: Franchement, M. le député, quand on parle de principale occupation, cela peut être une occupation que d'être agriculteur à l'Assemblée nationale, comme c'est sûrement une occupation que d'être agriculteur à l'UPA. A ce moment-là, M. le député, je pense bien qu'on ne se fait pas bien mal.

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata):

Cela me soulève.

M. Gaudet: Cependant, il y a une question qui est très importante, et je ne voudrais pas qu'on fasse une parenthèse, en termes de précision, sur la principale occupation. C'est important, ce facteur, et je pense qu'il va falloir le considérer quelque part un bon matin.

M. Baril: C'est une interprétation de la loi qui me satisfait grandement.

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata):

Merci beaucoup.

Le Président (M. Boucher): Comme il n'y a pas d'autres interventions, je remercie les représentants de la Fédération de l'UPA de Nicolet, M. Gaudet, principalement, et ceux qui vous accompagnent. J'inviterais un autre groupe à venir se faire entendre. Merci.

M. Gaudet: On vous remercie beaucoup d'avoir accepté de nous recevoir.

Le Président (M. Boucher): J'invite maintenant la Fédération de l'UPA de Saint-Hyacinthe.

Fédération de l'UPA de Saint-Hyacinthe

M. Couillard: M. le Président, M. le ministre, messieurs les membres de la commission, il nous fait plaisir aujourd'hui de participer à la commission parlementaire sur le projet de loi no 90, Loi sur la protection du territoire agricole. Nous sommes conscients du défi considérable qui se pose à la collectivité québécoise. Comment aménager harmonieusement notre territoire et ses ressources naturelles dans une société en plein développement industriel? Depuis plusieurs années, la Fédération de l'UPA de Saint-Hyacinthe se préoccupe de la sauvegarde des terres fertiles pour fins agricoles.

La Fédération de l'UPA de Saint-Hyacinthe couvre le territoire des comtés municipaux de Missisquoi, Saint-Hyacinthe, Iberville, Richelieu, Rou-ville, Bagot et une partie du territoire des comtés de Shefford, Brome et Verchères. Seize syndicats de secteur et dix syndicats spécialisés y sont affiliés. La fédération représente 6475 producteurs agricoles. Le territoire de la fédération compte un grand pourcentage de sols fertiles, classés parmi les plus propices à l'agriculture.

Ce que veulent les producteurs agricoles. En septembre dernier, quelque 11 000 producteurs ont été consultés lors de réunions dans chaque syndicat de secteur. Leurs considérations et leurs recommandations ont été étudiées le 2 novembre 1978 au congrès de notre fédération, qui s'est tenu à l'ITAA de Saint-Hyacinthe. Nous vous présentons un extrait des résolutions qui furent adoptées à ce congrès concernant la protection du territoire agricole:

Que le gouvernement du Québec présente au plus tôt, dès cet automne, une loi de zonage pour conserver les terres arables et leur valeur; qu'au dépôt de la loi, le gouvernement présente une carte des zones agricoles et qu'il prohibe toute transaction foncière changeant la vocation d'un sol agricole; que la loi soit administrée par trois types d'intervenants: 1)la municipalité chargée de l'application de la loi; 2)le comité régional qui planifiera, surveillera, étudiera les besoins d'expansion des municipalités et les modifications à apporter au territoire pour ensuite faire des recommandations à la régie; 3)la régie publique qui coordonnera, supervisera les comités régionaux et tranchera les litiges;

Que soit zonée agricole toute terre arable au Québec; que soit valorisée l'exploitation des terres arables en assurant une rentabilité; que soit créée une banque de terres administrée par une société mixte MAQ-UPA; que soit interdite la propriété du sol zoné agricole aux non-résidents québécois; que les règlements d'environnement soient moins sévères en zone agricole et qu'ils tiennent compte du droit du premier occupant; que les odeurs et les bruits normaux aient priorité sur les autres lois en zone agricole; que les propriétaires de terres faisant partie du territoire d'une ville puissent garder leur statut de producteurs agricoles et les bénéfices courants attachés à ce statut.

Quelques points particuliers. Depuis longtemps, la Fédération de l'UPA de Saint-Hyacinthe est favorable à la protection du territoire agricole. Nous sommes aujourd'hui contents qu'un projet de loi soit soumis à l'approbation de l'Assemblée nationale. Cependant, nous regrettons qu'un certain nombre de points soumis au ministre lors de sa tournée de consultation ne soient pas inclus dans le projet de loi no 90.

Premièrement, le comité régional. Le projet de loi ne retient pas l'existence d'un organisme régional que nous nommons "comité régional"; nous le regrettons. Nous avions, le 12 septembre dernier, présenté clairement notre pensée au ministre. Nous continuons à recommander la mise en place d'un comité régional pour chacune des régions agronomiques. Cet organisme pourrait accomplir les tâches suivantes:

Surveiller l'application de la loi au niveau de chaque municipalité de la région; étudier les besoins d'expansion et de développement des municipalités de la région ainsi que tout problème affronté par elles dans l'application de la loi; élaborer un plan de développement régional; étudier toute demande de modification du territoire zoné agricole; faire des recommandations à la Commission de protection du territoire agricole du Québec concernant toutes les demandes de modification du territoire zoné agricole; faire le lien entre les municipalités et la commission.

Cet organisme pourrait, de fait, réaliser toute autre tâche utile à la protection du territoire agricole. La mise en place d'un tel organisme dans chacune des régions agronomiques du Québec nous apparaît très importante pour les raisons suivantes:

II faut décentraliser en confiant des responsabilités à des instances qui sont plus proches de la base; il faut intéresser et impliquer le plus de gens possible dans la protection du territoire agricole; il faut que des personnes ou organismes locaux et régionaux aient la possibilité, en travaillant ensemble, d'arriver à un consensus en vue de protéger leur territoire agricole. (16 h 30)

II faut que le développement des municipalités se fasse dans le cadre d'une planification d'ensemble de la région afin d'éviter que les intérêts de l'une ne s'avèrent néfastes à l'intérêt général. Il faut se rendre à l'évidence que de nombreuses personnes qui désirent poser, selon l'article 43, I un des actes pour lesquels une autorisation de la commission est requise, seront dans l'incapacité de remplir par elles-mêmes de façon satisfaisante la demande selon les normes exigées. L'organisme régional pourrait, en l'occurrence, aider ces personnes à bâtir le dossier, à préciser leurs demandes et assurer que le conseil municipal étudie au mérite leur dossier.

La commission de protection du territoire agricole du Québec doit, à notre avis, coordonner et superviser le travail des comités régionaux et des municipalités. Il importe que la commission ait des pouvoirs décisionnels. Elle doit être la seule instance habilitée à autoriser ou à refuser toute modification en territoire zoné agricole. Tout litige

devrait être tranché par la commission après audience publique.

Le territoire à protéger. Le présent projet de loi affecte une partie du territoire agricole du Québec comme l'indique l'annexe A. A notre avis, il devrait protéger toute terre arable au Québec. Il nous apparaît que la désignation du territoire agricole à protéger s'est faite d'une façon arbitraire. Nous demandons la protection immédiate de toutes les terres arables au Québec pour les raisons suivantes:

II est urgent d'enlever la pression des spéculateurs dans les zones agricoles non désignées;

Le zonage partiel permet à des gens d'établir dans les zones agricoles non désignées des situations non conformes au présent projet de loi et qu'une future désignation ne pourrait corriger;

II est important que tous les producteurs agricoles du Québec soient sur un pied d'égalité, partiellement concernant les coûts de production des produits agricoles et les avantages rattachés au statut de producteur agricole comme, par exemple, la remise des taxes;

L'entreprise agricole incluse dans une zone urbaine. Il y a encore des terres en culture qui font partie du territoire d'une ville et qui sont totalement ou en partie encerclées de bâtiments domiciliaires ou industriels. Ces terres sont certainement destinées dans un avenir plus ou moins lointain à changer de vocation. Nous demandons que le présent projet de loi ne prive pas les exploitants de ces terres, de leur statut de producteurs et des bénéfices courants attachés à ce statut.

Le territoire agricole et la protection de l'environnement. Dans les zones agricoles, les odeurs normales et les bruits normaux des activités agricoles ne doivent être soumis à aucune mesure de quelque loi que ce soit, y compris celle de l'environnement, à moins de preuve de toxicité, de mauvaise gestion ou de négligence.

Nous considérons que les producteurs qui, de bonne foi, ont les années passées modifié leurs installations ne devraient pas, en zone agricole désignée, pouvoir être soumis à des plaintes empêchant l'exploitation ou le développement de la ferme en raison de sa proximité ou des odeurs ou bruits qu'elle dégage. Les règlements concernant les dates d'épandage des fumiers et les normes de distance entre les bâtiments d'élevage et les résidences devront être moins sévères dans les territoires zonés agricoles et ils devront tenir compte du droit du premier occupant. Nous demandons que le projet de loi 90 tienne compte des recommandations de l'UPA en regard de la loi 69 et des règlements relatifs aux exploitations animales.

Les non-résidents québécois. Pour ne pas nous déposséder de notre territoire, nous pensons qu'il faudrait interdire à des non-résidents québécois l'accès à la propriété du sol dans les zones agricoles. Dans la région agricole de Richelieu, nous pouvons dénombrer plusieurs fermes qui sont actuellement possédées par des intérêts français, suisses, anglais, allemands et autres. Pour le moment, la plupart de ces fermes sont cultivées par des agriculteurs de la région qui les louent. La Loi de protection du territoire agricole devrait prévoir exproprier les terres qui appartiennent à des non-résidents québécois au prix de la valeur courante et les remettre à une banque de terres.

Une agriculture rentable. Nous sommes conscients que la protection du territoire agricole ne garantit pas sa mise en valeur. Elle ne constitue qu'un aspect d'une politique de développement agricole. Il faut — et c'est essentiel — valoriser l'exploitation des terres arables et rentables, afin d'inciter les agriculteurs à en constituer l'exploitation. Les projets de loi 99 et 100 nous apparaissent comme des mesures valables.

Le développement de l'agriculture. Nous sommes convaincus que le gouvernement doit aller encore plus loin. Il doit s'engager dans la reconnaissance intégrale des coûts de production dans chacune des productions agricoles du Québec. Il doit favoriser pleinement l'organisation de toutes les productions agricoles en plans conjoints assortis de tous les pouvoirs — ici, disons que cela aurait dû être souligné — dont les producteurs ont besoin pour mettre leurs produits en marché.

Telles sont les principales considérations que la Fédération de l'UPA de Saint-Hyacinthe tenait à soumettre à l'attention des membres de la commission.

Merci beaucoup.

Le Président (M. Boucher): Merci beaucoup, M. Couillard.

M. le ministre.

M. Garon: A la page 9, lorsque vous dites que dans une zone urbaine, dans un territoire municipal, une entreprise agricole, une ferme n'a pas été incluse dans la zone agricole, je dois vous dire qu'il sera possible en tout temps pour l'agriculteur de demander d'être inclus; également lors de la détermination de la zone permanente il pourra être inclus à sa demande ou à la demande de la municipalité. Mais il fallait, pour avoir un minimum de bon sens... C'est que dans un territoire entièrement... Apparemment, il y a un agriculteur à Outremont. Je ne sais pas où il est, mais il y en a un d'après nos chiffres. Il y en a deux dans telle autre ville, trois dans telle autre place mais en d'autres endroits, vous pouvez en avoir une vingtaine, dans tout le territoire municipal.

Au fond, on se dit: II y a le territoire municipal. Il y a un périmètre urbain de développement. En dehors, c'est zoné agricole. Dans le territoire qui n'est pas zoné agricole actuellement, un agriculteur pourra, dès la formation de la commission, demander d'être inclus dans la zone agricole. C'est son choix. Et on dit à ce moment: Soit qu'il demande d'être inclus et il est inclus dans la zone agricole ou qu'il ne le demande pas; alors, il vend sa terre qui sera urbanisée et il va s'en acheter une autre vraiment en zone agricole. On a voulu laisser ce choix parce qu'il y a toutes sortes de situations qu'on ne pouvait pas prévoir. Dans ces cas, l'agriculteur choisira, parce qu'on est dans une situation particulière.

Je ne sais pas si cela vous satisfait comme réponse.

M. Couillard: Ce qui arrive, c'est que souvent, si l'agriculteur fait partie d'une zone, vous allez séparer... C'est la façon dont vous allez séparer, zone complètement agricole ou zone urbaine. Il est certain aussi qu'à un moment, ces agriculteurs seront obligés, de toute façon, de se faire exproprier ou autre...

On voudrait qu'il conserve tous ses titres, dans le sens que si le gars veut réellement être agriculteur, on veut qu'il n'ait aucun problème, qu'il puisse continuer et avoir le droit aux cours d'eau, à l'accès aux cours d'eau, au drainage et à tous les autres privilèges qui sont rattachés à ce statut, même si on croit que dans une période X, il sera exproprié. Lorsqu'on fera des plans de planification et de développement, c'est là qu'arriveront des problèmes.

M. Garon: S'il demande d'être inclus dans la zone, il sera considéré dans la zone agricole où qu'elle soit.

M. Couillard: Même si la ville ne veut pas, il n'y aura pas de problème? Il va être inclus dans la zone?

M. Garon: II va pouvoir le demander...

M. Couillard: C'est justement là qu'est le problème...

M. Garon: ... et la commission pourra trancher. La ville pourra dire non et la commission tranchera le litige.

M. Couillard: Si la commission dit oui, cela fait quoi? En attendant qu'il soit exproprié, cela fait quoi? Qu'est-ce qu'il peut faire?

M. Garon: II sera zoné agricole.

M. Couillard: Et si la commission dit non?

M. Garon: La commission, normalement, aura tendance à protéger les gens qui vont vouloir que leurs terres soient zonées agricoles. Il peut arriver des cas aberrants. Je ne peux pas imaginer, mais on peut imaginer des cas qui n'ont aucun bon sens. D'une façon générale, j'imagine que la commission, s'il y a des cultivateurs dans une zone blanche... On l'a fait volontairement.

Je vais vous donner un exemple concret. Sur l'île de Montréal, il y a des cultivateurs à certains endroits. On a dit: Qu'est-ce qu'on fait? Cela a vraiment été un dilemme et on s'est dit que peut-être la meilleure solution serait de laisser le choix aux gens qui sont là, parce qu'il y a toutes sortes de titres de propriétés, il y a toutes sortes de situations différentes et on s'est dit: Qu'est-ce qu'on fait dans une telle situation?

On a préféré dans de tels cas laisser le choix à l'agriculteur parce qu'il est déjà normalement pénalisé dans cette région, cette zone urbaine; il est pénalisé d'être agriculteur là. Alors, si on dit: On l'oblige à être agriculteur dans cette zone, on le pénalise. Alors, on dit: Laissons-le faire son choix. S'il choisit de rester agriculteur dans cette partie de frange urbaine, plus urbaine, à ce moment, c'est son choix. S'il ne veut pas l'être, on ne l'aura pas inclus au point de départ.

M. Couillard: M. le ministre, je vais essayer de vous donner un exemple, moi aussi, si vous permettez, M. le Président. Prenez un agriculteur qui désire être dans la zone verte et à qui la commission dit non parce que vous avez un plan de développement autour d'une ville qui inclut un plan de développement industriel et ces choses-là, mais nécessairement, en attendant la suspension de ce plan-là, il peut continuer à cultiver pendant peut-être quatre ans, cinq ans... C'est à ce moment-là que nous voulons protéger ce cultivateur et on voudrait qu'il ait droit à tous les avantages qu'on vient d'énumérer. Je pense que c'est une bonne intention, c'est de bonne guerre qu'on veuille protéger nos agriculteurs qui désirent être en zone verte et qui seraient refusés par la commission pour des raisons de planification du plan de zonage.

M. Garon: II y a une chose dont il faut tenir compte aussi. C'est que si vous dites que pendant quatre ans, le gars a fait de sa terre une terre agricole et vend après quatre ans... Sur une terre agricole, le gouvernement va peut-être avoir mis $25 000, $30 000, et cela pour retourner à l'urbanisation. Je pense que c'est pour cela que le cultivateur a le choix. Selon ce qu'il choisit il y a un article sur la fiscalité qui s'applique, et je pense qu'il y a un système équitable dans ce qui est prévu dans la loi actuellement pour ces cas-là.

M. Couillard: Vous parlez du statut de producteur. Cela ne veut pas dire... Je suis peut-être allé à l'extrême quand j'ai parlé, parce qu'il y a la question du drainage, mais c'est certain que celui qui veut continuer à cultiver, à ce moment-là, c'est sûr que les fossés devront tout de même être en bonnes conditions pour la culture et tous les règlements au niveau de la taxation, au niveau de l'évaluation, des $150 l'acre devront exister, à ce moment-là, pour la protection de ce producteur.

M. Garon: L'autre point que je voulais souligner, quand vous parlez d'un comité régional... il y a différentes façons, je pense, de faire un forum au niveau local ou régional. C'est un problème complexe. C'est-à-dire qu'il y a plusieurs choses.

Pendant deux ans on a épuisé toutes ces questions-là. On a regardé comment cela se passait ailleurs. Il y a un problème qui m'apparaît, dans ce qui nous a été dit qui se passait ailleurs, qui est très important: c'est une constance de la jurisprudence. Autrement, on peut arriver à détruire la protection des terres agricoles parce que toutes les décisions se prennent d'une région à l'autre. Il n'y a plus aucune constance là-dedans,

c'est le "free for all". On s'est dit, par ailleurs, vous avez raison. Cela prend un forum local ou régional ou entre les deux. Il me semble qu'à la suite d'ailleurs des tournées de consultation du mois de septembre, c'est là qu'on a prévu, au niveau municipal. On s'est dit: On va prendre le niveau municipal parce qu'à mon avis, à l'heure actuelle on n'a pas le choix. Est-ce que cela va être au niveau des conseils de comté, au niveau de la municipalité, au niveau plus large d'une région agricole par exemple, comme la région 1 à 12, on en a douze. Là, on s'est dit: A quel niveau la protection des terres doit-elle se faire? Le choix qu'on a fait c'est le choix municipal parce qu'il nous semble que c'est la structure la plus admise par la population, la plus connue, parce que ce n'est pas à la faveur de la protection du territoire agricole, à notre avis, qu'il faut faire des réformes dans tous les secteurs. On en a déjà une bonne quantité avec la protection des terres. Alors, ce n'est pas le temps de faire la réforme de toute la province en même temps. On s'est dit: A ce moment-là, prenons le forum qui est reconnu par tout le monde actuellement, comme celui qui est le plus institutionnalisé, si on veut. Il nous est apparu, à ce moment-là que c'était au niveau municipal.

A la suite de la tournée de consultation, on voyait que les gens disaient: Oui, mais il faudrait que les instances locales ou régionales aient un mot à dire là-dedans. C'est là qu'on a modifié, qu'on a fait l'article 35 et qu'on a dit: Toute personne qui est intéressée, tout organisme intéressé pourra faire valoir ses représentations par écrit. On a entendu des mémoires sur la loi telle qu'elle est et, à ce moment-là, on pourrait modifier l'article 35 pour institutionnaliser davantage le forum municipal, par exemple. (16 h 45)

Peut-être qu'il devrait y avoir des audiences publiques au niveau municipal, il devrait peut-être y avoir des avis à des organismes comme les conseils de comté, l'union régionale des producteurs agricoles ou trouver la formule qui pourrait être régionale. Cela pourrait être le Conseil régional de développement, les organismes qui existent dans le milieu, qui représentent quelque chose sur le plan agricole, économique et municipal, du territoire. Quant à la discussion sur la protection des terres, il me paraît plus important qu'il y ait un forum où les gens vont discuter de l'affaire, vont se poser des questions et après ça, au niveau municipal, que la municipalité dise: Voici ce que je demande à la commission. Même si la commission n'a pas tenu compte des avis, elle va être au courant des représentations faites par ces organismes. Il faut rendre le forum plus important au niveau municipal, peut-être plus institutionnalisé, mais sans alourdir la procédure.

Parce que si la procédure est trop lourde, on va en arriver à déterminer des zones et ça va prendre des années. Puis, quand les gens vont vouloir faire des demandes, ça va suivre un canal et ça va aboutir des mois plus tard. Alors que dans ce domaine, c'est quand même économique, il faut qu'il y ait des décisions assez rapides. C'est peut-être dans ce sens qu'il faudrait améliorer le forum, sur le plan régional, plutôt que d'avoir des comités institutionnalisés qui feront une étape de plus dans le processus, vers une décision.

Je ne sais pas ce que vous en pensez. Je pense qu'à ce moment-là ça respecterait la voie régionale, ça permettrait aux organismes de dire ce qu'ils pensent, de participer au débat et, en même temps, en ayant une procédure pas trop lourde qui pourrait être rapide tout en maintenant une certaine constance dans les décisions, et en tenant compte également du caractère local ou régional. Qu'est-ce que vous en pensez, M. Couil-lard?

M. Couillard: M. le ministre, vous êtes très habile, très, très intelligent. Il demeure que vous avez parlé de beaucoup d'organismes et vous avez parlé d'une chose flexible, mais dans notre mémoire, on a simplement présenté un organisme qui pourrait planifier. C'est pour ça que le nôtre va être aussi rapide et il est non décisionnel; il s'agit de siéger sur un comité de planification. Cela s'adresse également aux députés de l'Opposition, on pourra revenir à cette question tout à l'heure, c'est qu'il est non décisionnel. C'est seulement un comité de planification, ce serait un lien avec les municipalités et, en même temps, ça permettrait à cet organisme, quand il y a des choses qui se passent qu'on puisse les voir, qu'on puisse dire au gouvernement: sur telle ou telle chose, on est d'accord.

A ce moment-là, ça éviterait certainement beaucoup de temps au niveau de la commission pour rendre des décisions dans des cas. C'est sûr que dans d'autres cas où il y aura des litiges, ce sera plus long, parce qu'à ce moment-là, on donnerait notre version à la commission qu'on n'est pas d'accord sur telle chose, et le litige serait tranché par la commission.

Je tiens à mentionner que le comité dont on a parlé, c'est un comité qui est non décisionnel, mais c'est un comité de planification qui peut aussi voir à ce que, entre les municipalités, les plans puissent s'agencer. C'est de cette façon qu'on a présenté un comité au niveau régional.

Le Président (M. Boucher): Merci. M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Giasson: M. le président de l'UPA de Saint-Hyacinthe, je veux vous remercier d'être venu devant la commission parlementaire qui étudie un projet de loi, comme vous le savez, fort important.

Je voudrais vous poser une question sur un aspect de votre mémoire qui est un peu différent, même si l'ensemble du mémoire soutient à peu près les mêmes objectifs que ceux de la fédération de l'UPA ou des fédérations de l'UPA d'autres territoires. Tout de même, suite à la consultation dont vous faites mention dans votre mémoire, soit 1100 producteurs agricoles, vous semblez attacher beaucoup d'importance à l'existence d'un comité régional. Ce que j'aimerais savoir de vous, c'est

l'opinion que vous avez de la constitution de ce comité qui irait siéger là-dessus. Est-ce qu'il y aurait des représentants de l'UPA, des corporations municipales, du Conseil de développement régional, quelles sont les personnes que vous verriez travailler à ce comité régional?

M. Couillard: C'est certain qu'au niveau du comité régional, M. le député, si vous me permettez de nommer les autres personnes qui devraient être là, je les nommerai, mais on veut simplement que notre organisme soit très bien représenté.

M. Giasson: Avez-vous accepté d'autres organisations, d'autres organismes?

M. Couillard: On travaille en étroite collaboration, dans notre milieu, avec le ministère de l'Agriculture sur bien des points et quand on parle de développement agricole, à ce moment-là, je. vous garantis qu'on se rejoint étroitrement.

M. Giasson: Mais ledit comité, pensez-vous qu'il alourdirait le processus dans les permissions qui devront être demandées, les autorisations, les acceptations, par rapport à ce que propose la loi c'est-à-dire une seule commission centralisée ici à Québec? Si je comprends bien, votre comité, vous ne tenez pas à lui donner des pouvoirs décisionnels.

M. Couillard: Certainement.

M. Giasson: Vous voyez entre les mains du comité des pouvoirs décisionnels.

M. Couillard: Non, non.

M. Giasson: Aucun pouvoir décisionnel.

M. Couillard: Un pouvoir de planification, tout simplement, c'est-à-dire qu'en étant présent à la base, ce serait beaucoup plus facile de planifier et d'avoir une bonne entente de discussion, pour avoir les éléments au complet, entre les mains. C'est beaucoup plus facile lorsqu'on est près. Ce n'est pas un comité de décisions. C'est un comité où on peut présenter à la commission notre accord, lorsque nous le sommes, et ce sera plus facile, en étant présent, à la base, d'avoir les éléments nécessaires.

M. Giasson: Je comprends difficilement le rôle que vous voulez confier au troisième palier qu'est la commission. Lorsque vous dites que la régie publique coordonnera, supervisera les comités régionaux et tranchera les litiges, mais tout va être litige. Même si vous avez fait des recommandations d'abord au palier premier qu'est la municipalité, au palier secondaire qu'est le comité régional, si vous n'avez aucune voie décisionnelle, c'est qu'effectivement, dans la vérité, c'est toujours la commission qui va décider.

M. Couillard: Quand il y a entente, je pense que cela va être assez facile, au niveau de la commission, de dire oui. A ces instances de la base, quand on possède tous les éléments nécessaires, cela va très bien. Et quand on présentera une entente, cela va être assez facile.

M. Giasson: Comme c'est là, si vous voulez lui confier un travail assez important, de façon que les dossiers qui arrivent à la commission soient bien étoffés, bien étayés, bien étudiés et tout cela, avez-vous l'impression que vous allez être obligé de maintenir une équipe, et que quelqu'un devra payer pour maintenir cette équipe en place?

M. Couillard: J'ai l'impression que, si vous voulez, vous pouvez les enlever les comités régionaux. Il peut bien ne plus y en avoir du tout. Mais les mêmes études, il va falloir qu'elles soient faites en commission, à un moment donné.

M. Giasson: Ce serait pour soulager la commission de toute la partie recherche et étude en fonction de la situation vécue sur place.

M. Couillard: Ecoutez une minute. Tout à l'heure M. le ministre vous a apporté tous les organismes qui peuvent fournir les élémets nécessaires. A ce moment-là, vous auriez un comité qui serait là, pour prendre connaissance, qui aurait en main tous les éléments nécessaires et qui serait au courant de ce qui se passe, il y aurait une planification, pas seulement au niveau d'une municipalité, mais entre les municipalités également.

M. Giasson: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): Merci. M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Cordeau: Merci, M. le Président. Je tiens à vous féliciter, MM. Couillard et Gagnon, pour votre participation à ce mémoire au nom de la fédération de l'UPA de Saint-Hyacinthe qui englobe le beau comté de Saint-Hyacinthe.

Une Voix: ...

M. Cordeau: II y a des échanges amicaux qui se font entre les membres du gouvernement et les membres de l'Opposition.

Est-ce que vous croyez que les pouvoirs accordés aux municipalités sont trop restreints?

M. Couillard: Est-ce que c'est à moi que vous posez la question?

M. Cordeau: Oui, parce qu'on n'a pas le droit de questionner le ministre.

M. Couillard: Si vous le permettez, je dois vous dire...

M. Cordeau: On n'a pas le droit de questionner le ministre, il faut questionner les intervenants.

M. Garon: Vous avez le droit. Vous pouvez me questionner tous les jours à l'Assemblée nationale.

M. Cordeau: Oui, mais pas ici en commission, M. le ministre.

M. Garon: Et toute la province va pouvoir comprendre les questions et les réponses et va pouvoir juger des deux.

M. Cordeau: Cela a toujours bien été.

M. Couillard: A ce moment-là, au niveau des municipalités, je dois dire tout de même qu'il y a quelques ébauches faites au niveau du zonage agricole mais, en somme il n'y en a jamais eu. Les municipalités avaient le droit et tout le loisir de le faire et elles ne l'ont pas fait. Les plans qui ont été faits, ce sont des plans d'urbanisation, simplement des plans de développement.

Alors, à partir de ce moment, vous pouvez confier aux municipalités tous les pouvoirs que vous voulez, il reste tout de même une chose, c'est que dans le passé, les pouvoirs, elles les avaient et elles ne s'en sont cas servies pour planifier. Alors, à partir de ce moment, nous disons tout simplement que nous ne pourrons pas faire pire. Nous essaierons d'être mieux avec le comité.

M. Cordeau: A la page 2 de votre mémoire, vous avez écrit que la loi devrait être administrée par trois types d'intervenants, en premier lieu, la municipalité. C'est dans cet esprit que je vous ai posé la question.

M. Couillard: C'est certain qu'on dit que la municipalité est chargée de l'application de la loi. Tout le monde est d'accord avec cela; c'est la municipalité qui va appliquer la loi et qui va la faire respecter aussi. Mais quand on parle du comité, actuellement, êtes-vous bien d'accord que c'est déjà respecté depuis ces moments, monsieur? Je ne le sais pas. Avez-vous des organismes pour vous assurer que tout est respecté actuellement?

M. Cordeau: Non, le ministre pourra y répondre. Ce n'est pas à moi de répondre. Il y a un autre point du projet de loi sur lequel j'aimerais connaître votre opinion; c'est qu'actuellement, un type qui va demander d'être zoné agricole près d'une municipalité devra payer à la municipalité, lorsqu'il changera la vocation de sa ferme, dix ans d'arrérages de taxes qu'il aurait dû payer s'il avait été dans la zone urbaine au tout début. Ne trouvez-vous pas que c'est un peu exagéré, lorsqu'un terrain de golf, actuellement, qui... Si, à un moment donné, les gens vendent un terrain de golf pour de l'urbanisation, leur pénalité n'est que de cinq ans, tandis que pour un cultivateur, la pénalité va être de dix ans?

M. Garon: ... Avantage.

M. Cordeau: Bien non, cela va être désavantageux pour les cultivateurs.

M. Garon: Bien non.

M. Cordeau: II va payer dix ans de taxes en retard, tandis que le terrain de golf, une corporation, un propriétaire de terrain de golf ne paiera que cinq ans. Un cultivateur va payer pendant dix ans les arrérages des taxes, la différence entre l'évaluation.

M. Garon: II était dans la zone depuis dix ans, pas depuis l'année passée.

M. Cordeau: II a été dans la zone pendant dix ans.

M. Garon: Depuis dix ans, ça va...

M. Cordeau: II a été dans la zone pendant dix ans, mais actuellement, un terrain de golf, même si cela fait dix ans, quinze ans qu'il est dans une municipalité...

M. Garon: Oui.

M. Cordeau: ... il ne paie pas comme les autres; il n'a pas une évaluation semblable aux autres immeubles et...

M. Garon: II paie des...

M. Cordeau: ... bien, de toute façon, il a seulement cinq ans de taxes à payer. S'il change de vocation, sa pénalité n'est que pour cinq ans seulement, tandis qu'un cultivateur qui va changer de vocation va être obligé de payer pendant dix ans.

M. Couillard: Je pense que ce sera plus facile, vous allez voir que c'est assez clair. Parfois on a des situations assez claires, nous les cultivateurs. C'est que nous, en réalité, dans des cas semblables, le gars qui ne veut plus être zoné et qui veut s'en aller dans la zone blanche, pour nous, il devient un spéculateur et on ne le défend pas.

M. Cordeau: Peut-être que les municipalités vont avoir le pouvoir d'acquérir des terrains pour fins d'habitation. C'est une chose qui peut arriver avant longtemps.

M. Couillard: Si la municipalité veut créer la zone, cela, c'est différent. C'est elle qui va payer la dette. Nous autres, ce que nous défendons, ce sont les producteurs agricoles. Les spéculateurs, on ne les défend pas.

M. Gagnon: Les défendez-vous, vous, M. Cordeau?

M. Baril: Je suis d'accord avec le principe.

8 décembre 1978

M. Gagnon: M. le député de Saint-Hyacinthe défend...

M. Cordeau: Je n'ai pas de problèmes avec les agriculteurs de mon comté.

M. Gagnon: Non, je n'ai pas dit agriculteurs, j'ai dit spéculateurs.

M. Cordeau: Croyez-vous que l'article 100 du projet de loi concernant l'environnement vous protège suffisamment?

M. Couillard: Je pense qu'on a mentionné dans notre mémoire qu'on voudrait que la protection soit encore plus élevée.

M. Cordeau: Dans quel sens? Pouvez-vous expliciter votre pensée un peu?

M. Couillard: On peut vous donner un exemple. Nous considérons que les producteurs qui ont, de bonne foi, par les années passées, modifié leurs installations, ne devraient pas, en zone agricole désignée, pouvoir être soumis à des plaintes empêchant l'exploitation ou le développement de la ferme en raison de sa proximité ou des odeurs qu'elle dégage. A ce moment-là, vous savez, tout le monde sait que les constructions qui sont faites après 1972, on peut dire en 1974, si vous nous le permettez... Les gars ont demandé des permis et n'en avaient même pas besoin et d'autres n'en ont pas demandé et ils ont construit quand même. Alors, ce qu'on veut, à ce moment, c'est que ces gars ne soient pas achalés... Cela ne veut pas dire qu'on empêche la commission, je veux dire le ministère de l'environnement de donner un permis. On ne veut pas que ces personnes soient lésées de quelque façon que ce soit dans quelque exploitation animale que ce soit. (17 heures)

M. Cordeau: M. le Président, en terminant je tiens à vous faire part que je suis tout à fait d'accord avec vous concernant le comité régional comme comité consultatif, et même qu'on pourrait aller un peu plus loin dans ce sens.

Une Voix: Etes-vous d'accord avec la loi puisque vous êtes d'accord avec le principe?

M. Couillard: Pourrais-je vous poser une question, M. le député?

M. Cordeau: Oui.

M. Couillard: Puis-je, M. le Président?

Le Président (M. Boucher): Si vous voulez. M. le député de Saint-Hyacinthe, est-ce que vous acceptez...

M. Cordeau: Si je ne veux pas répondre, je vais faire comme les ministres, je vais prendre l'avis de la commission.

M. Couillard: M. le député, j'ai bien mentionné que c'était un comité consultatif décisionnel, sans pouvoir.

Le Président (M. Boucher): Merci. M. Couillard, au nom des membres de la commission, je vous remercie ainsi que ceux qui vous accompagnent pour avoir présenté ce mémoire.

M. Couillard: Merci beaucoup.

M. Garon: ... nous savons que, depuis deux ans, le député écrit des dépliants, mais, quant à vous, trouvez-vous que cela fonctionne bien?

M. Cordeau: C'est depuis que j'écris des dépliants que cela va bien.

M. Couillard: M. le député, M. le ministre, j'ai l'impression qu'à Saint-Hyacinthe, quand on a des problèmes, on s'adresse où il faut s'adresser et je pense que comme cela, on avance, en tout cas à bien des endroits en même temps.

M. Cordeau: Chez nous, on est des gens positifs.

M. Garon: Oui, cela va assez bien, les investissements.

M. Cordeau: Oui. Ne lâchez pas!

M. Couillard: Cela va bien, M. le ministre.

Le Président (M. Boucher): Merci. M. Gagnon.

M. Gagnon: Merci. M. le Président, est-ce que je pourrais poser une question au député de Saint-Hyacinthe?

M. Cordeau: Oui, mais pas sur les autres.

Le Président (M. Boucher): Nous ne sommes pas à l'étude article par article et...

M. Cordeau: L'autre mémoire, celui-là est terminé.

Le Président (M. Boucher): J'appelle maintenant la Chambre de commerce de Québec représentée par M. Pierre Morin, directeur général des affaires publiques.

M. Garon: II y en a qui disent, M. Couillard, que c'est presque gênant d'avoir un député de l'Opposition dans un comté quand on veut être si mal servi que cela.

M. Cordeau: Cela incite peut-être le gouvernement à donner étant donné qu'il veut le prendre.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Saint-Hyacinthe, à l'ordre, s'il vous plaît! M. Morin, si vous voulez vous présenter et présenter celui qui vous accompagne.

Chambre de commerce de la province de Québec

M. Hamel (Roger): Merci, M. le Président. Je regrette, je ne suis pas M. Morin.

Le Président (M. Boucher): Excusez-moi.

M. Hamel: Mon nom est Roger Hamel.

Le Président (M. Boucher): M. Hamel.

M. Hamel: Je suis le président de la Chambre de commerce de la province de Québec et à mes heures de loisir, je suis le directeur, au Québec, de la compagnie pétrolière Impériale Limitée. J'aimerais vous présenter mes collègues, je dis bien que j'aimerais vous les présenter, malheureusement, il n'y en a qu'un seul qui est présent, c'est M. Andrew Winstanley qui est diplômé des universités Harvard et Dalhousie et qui est recherchiste à la chambre provinciale.

Je dois excuser Me René Alarie qui était le président de notre comité de l'agriculture, ancien président de la chambre et qui aurait été plus apte que moi à répondre à vos questions, ainsi que M. George Niedan, de Drummondville, qui a été membre de notre comité d'agriculture et qui a dû nous quitter cet après-midi à cause, je présume, des horaires des compagnies de transport, en vue de son retour chez lui.

Le Président (M. Boucher): M. Hamel, excusez-moi de vous interrompre. Je constate que votre mémoire contient deux annexes. Avez-vous l'intention de les lire ou d'éviter de le faire pour qu'ils soient inscrits au journal des Débats?

M. Hamel: Absolument, M. le Président, je vous remercie de la suggestion. Même, si vous permettez, je vais lire ce qui est inscrit au début, mais je vais glisser sur quelques passages afin de gagner du temps.

Le Président (M. Boucher): Alors...

M. Hamel: Si vous le permettez et si vous voulez suivre, parfois je vais passer outre, mais je pense que ce ne sera pas tellement difficile de suivre ce que je vais vous dire.

Le Président (M. Boucher): Le mémoire sera reproduit en entier au journal des Débats. (Voir annexe A).

M. Hamel: Absolument, et si vous le permettez, j'aimerais lire le court...

Le Président (M. Boucher): D'accord, allez-y.

M. Hamel: Alors, M. le Président, quelques mots d'introduction. 1 ) La Chambre de commerce de la province de Québec est la fédération des quelque 200 chambres et "boards of trade" locaux actifs au

Québec. Le nombre et la qualité de ses membres en font le principal porte-parole de la communauté québécoise des affaires. 2)L'intérêt de la chambre pour la protection du sol agricole n'est pas de récente date. Depuis au moins 5 ans, la chambre y attache une grande importance. 3)II est opportun d'indiquer à cette commission que la chambre a participé aux consultations réalisées préalablement au dépôt du projet de loi par le ministre de l'Agriculture. Afin d'éviter toute équivoque et d'informer tous les membres de la commission de nos positions, nous avons annexé ce mémoire à la présente intervention et nous vous demandons — vous nous avez déjà accordé la permission — de bien vouloir consigner l'ensemble de notre mémoire au journal des Débats. 6)(à la page 2) La chambre a déjà indiqué son accord sur la nécessité d'une loi de la protection du sol agricole, envisagée comme outil de développement de notre potentiel agricole au Québec.

Et je passe au paragraphe 7. 7)Au cours de nos nombreuses discussions avec les autorités, tant du gouvernement actuel que du précédent, sur la protection du territoire agricole, la chambre a soumis de nombreuses suggestions pour la réaliser. Malheureusement, malgré votre acceptation de notre problématique lors de notre rencontre du 27 septembre dernier, seulement deux d'entre elles ont été retenues.

Notre problématique. Notre problématique s'inspire du fait que ce qui amène le zonage agricole, ce sont des conflits dans l'utilisation des sols. Ces conflits proviennent des différents besoins de la société: se loger, se nourrir, se transporter, produire des biens industriels, commercer, se récréer et les autres, toujours au meilleur coût marginal possible. C'est le marché qui peut résoudre ces conflits d'usages multiples au meilleur coût marginal. Si nous devons recourir à une solution législative et bureaucratique aux soi-disant problèmes de ce marché, il faut reconnaître que le processus politique a aussi sa propre logique.

Même dans la solution bureaucratique, les conflits d'utilisation des sols ne devraient pas être tranchés ultimement par une autorité ayant pour mandat unique ou principal la protection du territoire agricole. Ce devrait plutôt être fait par une autorité ayant pour mandat le meilleur aménagement possible du territoire.

Et même là, la logique interne de la solution bureaucratique, qu'on le veuille ou non, amènera ses propres problèmes: 1) inefficacité et lenteur des décisions; 2) possibilité de corruption; 3; création d'inégalités entre catégories de citoyens.

Les points de nos désaccords. Dans cette perspective, examinons dans l'ordre les trois derniers problèmes mentionnés ci-dessus. Les textes qui suivent, qui sont en annexes, sont importants, parce qu'ils sont inspirés d'une argumentation plus élaborée, contenue dans l'annexe II "Examen critique de la problématique gouvernementale en matière de zonage agricole".

Inefficacité et lenteur. Notre argument est fondé sur le fait que tout système de zonage des terres

est essentiellement une redéfinition des droits de propriété. Ainsi, lorsque le zonage des terres s'accompagne d'un gel des transactions foncières, il faut prévoir les mécanismes pour déterminer habilement et rapidement ces "nouveaux" droits de propriété. Autrement, la frustration individuelle et les perturbations économiques qui en résultent raccourciront I'"espérance de vie" de cette politique de protection des sols agricoles.

En Colombie-Britannique, lors de la déclaration du gel des terres agricoles en 1973, 28 structures régionales étaient déjà en place.

Au Québec, ce genre de structure régionale n'est pas encore en place et ne le sera probablement pas avant au moins un an, même si le nouveau projet de loi sur l'aménagement et l'urbanisme de l'honorable Léonard est adopté pendant la session parlementaire du printemps. Dorénavant, les nombreuses activités économiques touchées par la loi n'auront lieu dans la zone verte qu'avec l'approbation de la commission des terres agricoles.

Décrivons cette réalité plus succinctement. Le marché foncier d'une région entière, marché capable d'allouer des terres pour des myriades d'usages différents et d'être le lieu d'arbitrage des demandes de milliers d'usagers différents sera dorénavant canalisé dans l'appareil décisionnel d'une seule bureaucratie centrale. Les dossiers de demandes s'empileront rapidement. Les propriétaires terriens qui auraient pu attendre plus de six mois avant d'apprendre que leurs terres étaient incluses dans la zone verte et trois mois de plus avant d'apprendre la recommandation de leur municipalité se trouveront maintenant en train de contempler un embâcle d'origine législative. Ils exprimeront alors de plus en plus publiquement leur colère et leur frustration contre la politique de protection des sols agricoles.

Dans une économie où les droits d'utilisation peuvent être déterminés par un verdict de la commission, si jamais ils peuvent l'être, les risques encourus par les investisseurs individuels et corporatifs augmenteront. Les nouveaux investissements seront réduits et l'économie de la région agricole désignée ralentira. A la fin, la politique deviendra encore une autre entrave à une économie provinciale qui traîne déjà la patte. Tout cela dans quel but? Pour que le ministre d'Etat à l'aménagement puisse avoir le temps nécessaire d'élaborer, selon les principes les plus rationnels qui soient, les structures administratives décentralisées, pour que les gouvernements qui suivent puissent à leur tour les élaborer à nouveau.

Nous recommandons, M. le Président, en conséquence, que premièrement, les municipalités et plus particulièrement les conseils de comité deviennent de véritables corps intermédiaires dans l'application de la politique de zonage agricole. Deuxièmement, que l'application de la loi soit accélérée par des délais statutaires plus courts, une campagne d'information auprès des intéressés, une organisation permettant un départ rapide et efficace du fonctionnement de la commission.

La possibilité de corruption; dans le projet de loi 90, les organismes gouvernementaux existant aux niveaux municipal et provincial sont en un sens écartés de l'application de la politique de protection des terres agricoles pour laisser la place à une seule commission omniprésente et omni-in-terventionniste. Le projet de loi 90 montre essentiellement que les structures municipales et régionales déjà existantes se sont montrées vulnérables face à ceux qui ont découvert qu'il est plus facile de manipuler l'appareil étatique que de fausser en leur faveur le fonctionnement d'un marché libre des terres agricoles. Elles reflètent aussi la pleine conscience que la création d'une seule commission centrale n'éliminera pas la possibilité de corruption, mais ne fera que changer les conditions dans lesquelles la corruption aura lieu et augmentera la récompense accordée au succès. C'est pourquoi l'article 96 est là, permettant au gouvernement, par avis écrit à la commission, de soustraire une affaire à sa juridiction.

L'expérience de la Colombie-Britannique nous enseigne que ce n'est pas nécessairement la bonne solution. Dans cette province, un gouvernement néo-démocratique soucieux de protéger le patrimoine agricole a doté sa "land commission ' du pouvoir de fouler aux pieds les administrations municipales et régionales qui, jusqu'alors, se distinguaient par leur incapacité et leur répugnance totale à résister aux forces de la spéculation et du développement. Le gouvernement n'a prévu aucun droit d'appel en cour et ne s'est pas réservé le droit de révision. Le résultat? Quatre ans après, un nouveau gouvernement qui se montrait hostile à la politique du zonage agricole prenait le pouvoir. L'un de ses premiers gestes fut d'amender la "land commission act" afin de donner au ministère de l'environnement à peu près les mêmes pouvoirs que ceux qui sont donnés par l'article 96 au Conseil des ministres. Du jour au lendemain, les municipalités désireuses de protéger leurs terres agricoles se trouvèrent face à une "land commission" contrôlée par un gouvernement disposé à saboter les principes de la loi. Les rôles étaient renversés.

Un système bureaucratique délimitant les droits de propriété n'admet pas d'arbitre final parfait. Il peut cependant utiliser les services d'une structure publique parallèle qui possède une certaine indépendance grâce à la titularisation de ses membres: le pouvoir juridique.

En conséquence, nous recommandons que le droit de révision conféré au gouvernement par l'article 96 soit transféré au pouvoir judiciaire.

Les inégalités entre les catégories de citoyens. Dans le projet de loi 90, le gouvernement a choisi d'ignorer notre suggestion selon laquelle une politique de protection des sols agricoles pourrait être réalisée efficacement et sans heurt inutile par la volonté seule des agriculteurs pour qui la loi a été faite. En proposant ce qui est en réalité un modèle urbain, notre premier objectif était de mettre en place une politique de protection des sols agricoles qui perturbe le moins possible léconomie. Nous étions également conscients de

l'importance du respect des droits de propriété qui permettent à une personne d'utiliser, de jouir et de disposer de ses biens.

Il appert que le gouvernement avait une problématique différente dont le résultat sera qu'au Québec il y aura deux catégories de citoyens propriétaires. Dans l'une de ces catégories, on retrouvera le citoyen dont les propriétés sont assujetties aux législations municipales. Si un règlement de zonage peut affecter ses propriétés, ce citoyen propriétaire aura le droit d'être avisé du changement proposé. Il y aura alors audiences publiques et il pourra voter sur ce règlement par référendum. Si ses biens doivent être expropriés à des fins publiques, il sera avisé, entendu et indemnisé. Il existe même une procédure d'appel auprès des instances judiciaires pour lui garantir ses droits.

Dans l'autre catégorie, on retrouvera le citoyen propriétaire dont les biens seront régis par la loi 90. Ce plan de zonage lui sera imposé et périodiquement révisé par une commission centrale agissant avec ou sans la collaboration de ses représentants locaux. Il ne sera pas consulté par voie de référendum. Il n'aura droit d'appel que devant cette même commission qui a préparé le plan de base. Son droit de propriété aura été démembré, mais l'article 407 du Code civil ne s'appliquera pas. Ses biens seront devenus, par extension, d'utilité publique à des fins agricoles. Enfin, s'il désire vendre sa propriété, son droit de disposition sera réduit au marché des agriculteurs ou à la banque de terres au prix fixé par le gouvernement.

Merci, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. Hamel. M. le ministre.

M. Garon: D'abord, vous allez me permettre de rétablir quelques faits qui sont inexacts, sinon complètement faux. En Colombie-Britannique — je ne sais pas qui vous a dit cela — le gouvernement créditiste n'était pas opposé au zonage. Je le tiens du ministre de l'Agriculture lui-même — à moins qu'il ne m'ait menti — qui m'a dit qu'au début de la campagne électorale, le Parti créditiste a fait une déclaration selon laquelle, s'il prenait le pouvoir, il ne changerait pas ce qui avait déjà été établi dans le zonage des terres parce qu'il craignait de perdre plus de voix en laissant entendre qu'il changerait les choses qu'en disant clairement qu'il ne changerait rien.

Ce sont les informations que j'ai obtenues du ministre lui-même. Quand je suis allé en Colombie-Britannique en juillet 1977 pour la conférence fédérale-provinciale, ce sont les informations que j'ai recueillies. D'ailleurs, j'ai l'impression que d'autres personnes sont allées en Colombie-Britannique, plusieurs Québécois sont allés en Colombie-Britannique seulement pour voir ce qui se passe là-bas.

Quand vous dites que les infrastructures régionales étaient déjà en place, c'est vrai, mais vous avez un délai pour faire des périmètres et, pendant le délai, personne n'a fait de périmètre de sorte que la "land commission ' de la Colombie-Britannique a dû faire elle-même les périmètres.

Vous savez, on peut dire qu'on peut donner des pouvoirs complets à tout le monde; cela fait sympathique, cela fait décentralisé au possible; mais vous savez, les spécialistes de sol ne courent pas les rues et ce n'est pas si facile de jouer dans des cartes de sol. De sorte que si on prend l'exemple de la Colombie-Britannique, les structures régionales n'ont pas joué le rôle que le gouvernement aurait voulu qu'elles jouent; même si elles avaient le pouvoir de le jouer, elles ne l'ont pas joué.

En Colombie-Britannique, le gel qui a été imposé était beaucoup plus sévère qu'au Québec, puisqu'ils ont tout gelé, toutes les terres existantes et tous les sols de catégories 1, 2, 3 et 4. Ils n'ont pas fait comme nous qui avons gelé une partie seulement du territoire. Ils n'avaient pas laissé de frange, ils n'avaient pas de droit acquis comme cela. Ils avaient des exclusions, mais pas de droit acquis, de sorte que le gel était beaucoup plus total en Colombie-Britannique qu'il ne l'est ici, alors qu'ici on a laissé des franges autour de toutes les municipalités et en certains endroits, comme la CRO, en tenant compte par exemple des mauvais potentiels.

Vous avez dit un mot aussi, à la page 7, au sujet du référendum qu'il n'y aurait qu'une catégorie de citoyens. A ce que je sache, les villes comme Québec, Montréal, Laval, font du zonage et ne font pas de référendum et personne ne crie qu'il y a de la dictature dans ces villes-là. Ces villes représentent — je ne sais pas quel pourcentage de la population du Québec — sûrement autour de 50% de la population du Québec et on n'entend parler de rien.

Il y a des choses qui sont inexactes, je vais laisser intervenir mes collègues et je reviendrai en terminant sur certains points.

Le Président (M. Boucher): M. Hamel, avez-vous des commentaires:

M. Hamel: Pas pour le moment. Je vais attendre les autres questions...

Le Président (M. Boucher): D'accord, M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Giasson: Merci, M. le Président. M. Hamel, dans l'évaluation que vous faites de la Commission de contrôle telle que voulue par la loi, définie avec pouvoirs qu'on lui donne, vous craignez trois choses principalement: Inefficacité et lenteur des décisions. Quand vous dites cela, vous croyez vraiment qu'un palier de décisions, au niveau régional — je pense que dans votre cas vous songiez aux conseils de comté — aurait diminué l'inefficacité et aurait permis un processus plus rapide sur les décisions à prendre suite aux nombreuses demandes que les citoyens vont formuler, soit pour être inclus, soit pour être exclus, ou toute modification qui, nécessairement, doit nécessiter

qu'on fasse une demande avant de l'effectuer. Est-ce que vous auriez vu plus d'efficacité dans une représentation régionale, que ce soit un conseil de comté, tel que vous le suggérez, ou encore un autre organisme? Quelle est votre position là-dessus?

M. Hamel: La Chambre évidemment s'inquiète beaucoup de cette commission parce que c'est une question d une autre couche de bureaucratie qui est établie et on a, dans cette commission, l'arbitre et le joueur en même temps, parce que c'est la commission qui établit le plan de zonage. Il n'y a pas de droit d'appel. On a, dans l'annexe 2, M. le député, un examen critique plus détaillé, si vous voulez vous y référer, aux pages 1 et 2 de l'annexe 2, où on commente plus en détails, sur cette question, des recommandations de la Chambre.

M. Giasson: Lorsque vous voyez une possibilité de corruption dans le mode qui est proposé par la loi 90, vous avez à l'esprit que cette possibilité de corruption serait moins grande si des décisions étaient prises au palier régional. Vous croyez que la possibilité de corruption serait plus grande si les pouvoirs étaient uniquement mis entre les mains dune commission provinciale?

M. Hamel: Pas exactement, M. le député. On semble dire que la formation du comité permettrait d'éviter les possibilités de corruption qui soi-disant existent aujourd'hui. Je ne suis pas expérimenté dans ce domaine, mais c'est ce qu'on dit.

Ce qu on dit dans notre mémoire, c'est que cela est possible à un niveau plus élevé où il peut y avoir surenchère. Ce sont toujours des êtres humains qui sont en place et cela ne changera pas nécessairement cette possibilité.

J'aimerais revenir aussi sur votre dernière question. Si vous regardez à l'annexe 1, qui était notre mémoire du mois de septembre 1978, à la page 8, vous verrez en somme ce que la chambre recommande. Cela a été tiré de nos politiques d'action approuvées à l'assemblée générale de la chambre en 1975. Là aussi on fait des recommandations allant dans le sens de la question que vous avez posée.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Cordeau: Croyez-vous que ce projet de loi aura des répercussions — on va les appeler néfastes — à court terme concernant l'économie en ce qui regarde la construction?

M. Hamel: Nous croyons que oui. Comme nous l'avons dit dans notre mémoire et comme je l'ai mentionné dans les quelques remarques que j'ai faites, oui, nous voyons cela comme un élément négatif par rapport à l'économie au Québec. Je l'ai dit dans mes remarques tout à l'heure.

M. Cordeau: Croyez-vous que les mécanismes de fonctionnement contenues dans ce projet de loi seront assez souples et efficaces?

M. Hamel: M. le député, je dois répondre négativement encore une fois à cette question. On prévoit, vu que toutes les transactions devront passer par cette commission, une grande inefficacité. Nous avons aussi dans nos annexes... J'ai fait mention dans mes remarques qu'à la page 4 on a dit que, dorénavant, les nombreuses activités économiques touchées par la loi n'auront lieu dans la zone verte qu'avec l'approbation de la commission des terres agricoles.

J'écoutais ce matin un représentant de la Chambre des notaires qui parlait du grand nombre de transactions, etc., qui devront être traitées par la commission des terres agricoles. Je pense qu'on peut voir là des problèmes possibles à l'horizon, bien possibles.

M. Cordeau: Est-ce la première fois que vous voyez un type qui va statuer dans un cas et siéger ensuite au tribunal de révision? Je vois dans le projet de loi: La commission doit rendre ses décisions et, ensuite, c'est elle qui jugera si elle a rendu ou non une bonne décision en révision.

M. Hamel: Je peux répondre oui à cela. Ma réponse vaut ce qu'elle vaut. Je ne suis pas législateur. Je ne suis pas expert dans le domaine. Mais comme je l'ai dit, la commission est arbitre, joueur, juge et partie au même moment.

M. Cordeau: Nous vous remercions aussi pour un autre point où vous mentionnez que, d'après vous, le ministre de l'Agriculture est à peu près le seul et unique juge de la Cour suprême; il peut, sans appel, puisqu'il a le pouvoir de retirer à la commission tout dossier, prendre une décision et seulement, ensuite, en informer la commission.

M. Garon: Vous dites que la Colombie-Britannique n'avait pas de droit d'appel, qu'il n'y avait pas de droit de révision. Ici, on a gardé un droit de révision. En passant, hier ou avant-hier, on avait les gens de la TransCanada Pipelines et de Gaz Métropolitain. Ils nous ont dit que, lorsqu'ils vont devant l'Office national de l'énergie, qui est fédéral et qui joue un rôle administratif un peu comme cette commission-ci... Il a exactement les mêmes pouvoirs, c'est-à-dire qu'il entend, prend la décision et a le pouvoir de révision et pas plus. (17 h 30)

M. Lavoie: C'est beaucoup plus court... En plus, c'est un droit d'appel. Devant les tribunaux, c'est trente jours en général.

M. Garon: C'est vrai, on pourrait possiblement le raccourcir. On a mis — vous voyez qu'on était large — six mois. On peut raccourcir la période. Mais dans les tribunaux administratifs, si on se retrouvait devant un droit d'appel, qu'est-ce qui arriverait en réalité? Il arriverait qu'il y aurait un appel; là, les appels sur le droit sont tous permis. C'est de leur judiriction; cela, c'est permis; cela,

c'est le droit commun, le pouvoir de la Cour supérieure de surveiller les tribunaux inférieurs; c'est l'article 33 du code de procédure civile; cela fonctionne comme avant. C'est un article général, on n'est pas obligé de le mettre dans la loi puisqu'il existe dans le code de procédure civile.

Maintenant, si on avait un appel devant un tribunal, qu'est-ce qui arriverait? Le juge dirait: Les sols, je ne connais pas cela. Il dirait: La loi me dit de prendre des décisions en fonction des sols. Alors il ferait venir un expert et il demanderait: Est-ce que ces sols sont vraiment des bons sols? L'expert dirait oui, et le juge dirait: Bien... Alors, autrement, il n'intervient pas dans les faits, il exerce de droit. S'il intervient dans les faits, le juge, normalement, ne connaît pas cela, l'agriculture. Alors il fait venir des témoins; c'est un peu comme dans les procès; pour savoir si quelqu'un est sain d'esprit ou ne l'est pas, on fait venir un psychiatre; il y a des gens qui viennent dire si le gars est correct ou pas parce que le juge n'est pas habilisé à faire cela; il ne connaît pas cela.

Alors, quand on se retrouve devant des décisions administratives, habituellement, qu'est-ce qu'on a? Ce sont des pouvoirs qu'on a mis; il y a un pouvoir de révision, mais on l'a prévu pour que la commission puisse réviser ses décisions et pour qu'on puisse expliquer pourquoi on demande une révision de décision.

Je remarque aussi un paragraphe qui m'a frappé dans votre mémoire; quand vous dites que le gouvernement de la Colombie-Britannique avait adopté sa commission qui pouvait fouler aux pieds les administrations municipales et régionales qui se distinguaient par leur incapacité et leur répugnance totale à résister aux forces de spéculation et du développement. Quand des administrations municipales et régionales ne peuvent pas résister aux forces de spéculation, trouvez-vous qu'il faut créer des organismes justement qui vont résister à ces forces de spéculation? Pensez-vous que c'est utile, à ce moment, qu'on le fasse avec des organismes qui vont avoir pour tâche, en particulier, de résister à la spéculation pour protéger les terres agricoles?

M. Hamel: Je ne sais pas si je comprends bien votre question, mais nous avons inclus dans notre mémoire à l'annexe qui vient immédiatement avant l'annexe 2, après l'annexe 1, un éditorial qui a paru à Vancouver en septembre 1977 et qui, je pense, répond à la question que vous posez.

M. Garon: Oui.

M. Hamel: Dans le paragraphe, M. le ministre, où on parle de l'assentiment royal. Le texte est en anglais ici. Le quatrième avant-dernier paragraphe.

M. Garon: Qu'est-ce que vous tirez de cet article de journal?

M. Hamel: Peut-être que je pourrais demander à mon collègue, M. Winstanley, de faire un commentaire à ce sujet en réponse à votre question.

M. Winstanley (Andrew): M. Winstanley, M. le Président.

M. le ministre, l'expérience en Colombie-Britannique... Vous avez mentionné quelques précisions sur le texte. Alors, je crois que l'éditorial, tel qu'inclus dans l'annexe A suggère qu'il y avait des amendements apportés par le gouvernement Bennett.

M. Garon: Oui.

M. Winstanley: Suite à la prise du pouvoir de 1976. Mes conversations avec le directeur de Land Use Secretariat, de la Colombie-Britannique, M. O. Gorman, qui sont aussi dans l'annexe II, m'a apporté l'information qu'en Colombie-Britannique, la commission n'a porté que 30% du poids de l'application de cette politique de zonage agricole, en Colombie-Britannique, 30% du poids total, du fardeau, de cette politique du zonage agricole.

M. Garon: Qu'est-ce que vous voulez dire: 30% du poids?

M. Winstanley: Cela veut dire que les autres ministères, surtout le ministère de l'Agriculture a précisé le chiffre de M. Gorman, chiffre qui se trouve à l'annexe II, qu'entre 40% et 50% du fardeau a été porté par les districts régionaux et par les municipalités. Et même là, M. le ministre, il y avait un — excusez-moi, si j'utilise le terme anglais — il y avait un retard "backlog" de 500 cas, avant même que la commission puisse se mettre en marche, 500 appels...

M. Garon: Quoi?

M. Winstanley: 500. Ce n'est pas beaucoup, sauf pour le fait que 500 appels après les instances régionales, après...

M. Garon: Vous voulez dire 500 dossiers avant qu'elle commence à fonctionner?

M. Winstanley: C'est cela, et cela, après que les instances régionales et municipales eussent déjà tranché la question relative aux règlements. Cela veut dire qu'ils avaient déjà établi les règlements municipaux ou régionaux et qu'ensuite il y eut des appels à la commission: 500, avant que la commission elle-même réussisse à se mettre en marche.

Troisième chose: c'est que les droits, M. le ministre, toujours en réponse à votre question, à vos questions... Vous avez dit que les droits acquis, en Colombie-Britannique, étaient définis d'une manière plus étroite. Alors, j'aimerais apporter quelques précisions à ce sujet.

D'abord, vous avez raison en disant que les droits acquis étaient reconnus seulement pour 6 mois avant l'application de la loi. Cela veut dire qu'ici, 6 mois avant le 9 novembre, cela c'était la date limite, dans la loi de la Colombie-Britannique qui est beaucoup plus sévère qu'elle ne l'est ici, au Québec.

Mais, dans la loi de la Colombie-Britannique, il y avait une exception très très importante: c'est que la politique de zonage agricole, le "Land Commission Act" de la Colombie-Britannique ne s'appliquait pas aux terres, aux terrains, si vous voulez, de moins de 2 acres. C'était une exception très importante, surtout pour les citadins qui étaient propriétaires des petits lots, etc.

Il y a une autre exception qui a été apportée par le gouvernement de M. Bennett: un deuxième amendement, M. le ministre...

M. Garon: Je comprends, vous donnez un paquet de faits, mais vous ne tenez pas compte de l'histoire de ces faits-là, par exemple. En Colombie-Britannique, par exemple, le cadastre est appliqué partout et l'équivalent de l'article 2175, du Code civil, qu'on a ici, est appliqué partout; toute vente se fait par lot et par subdivision de lot, avec arpentage, etc, alors qu'ici ce n'est pas appliqué. Ce n'est pas la même situation du tout.

Deuxièmement, quand vous parlez des 500 appels, c'est vrai. Mais ce que vous ne dites pas, par exemple, c'est qu'au début, il n'y avait pas de commission, c'était un comité ministériel qui entendait les demandes. Et à un moment donné, quand il a été pris avec des centaines de demandes, là, il a formé une commission pour que cela marche. C'est un peu différent. Ecoutez...

M. Winstanley: M. le ministre, pour terminer, le gouvernement de M. Bennett a apporté encore un autre amendement, en laissant les vieux parents des propriétaires, non seulement construire une deuxième résidence, mais subdiviser, lotir les terrains, pour construire cette deuxième résidence, c'est-à-dire qu'en Colombie-Britannique, maintenant, par suite d'un deuxième amendement apporté par le gouvernement de M. Bennett, les vieux parents peuvent demeurer sur les fermes avec leurs enfants.

M. Garon: ... à l'article 101. L'agriculteur qui prend sa retraite, eux ne l'avaient pas prévu, mais pour nous, avec l'article 101, l'agriculteur qui prend sa retraite peut garder sa maison avec une superficie d'un demi-hectare, il peut lotir et construire sa maison sur un demi-hectare de la superficie de sa ferme quand il prend sa retraite, non seulement lorsqu'il prend sa retraite, mais en tout temps.

M. Winstanley: Vous parlez de l'agriculture, M. le ministre, je parle des propriétaires en général.

M. Garon: L'article 31 le permet et il a trois ans pour le faire. Il faut lire les articles les uns avec les autres. La Colombie-Britannique a fait des expériences, on a vu ce qui en était. J'ai moi-même discuté avec le président de la commission assez longtemps, j'ai discuté avec le sous-ministre de la Colombie-Britannique, j'ai discuté avec le ministre, je suis resté deux jours de plus, lors de la conférence fédérale-provinciale de juillet 1977 — seulement les rencontres sociales, on en revient — justement pour pouvoir discuter de ces questions avec eux, et même des fonctionnaires sont allés, des gens de Colombie sont venus chez nous, on a regardé ce qu'ils ont fait pour ne pas répéter les erreurs qu'ils ont pu faire parce qu'ils ont procédé très rapidement, en Colombie-Britannique. Il n'y a pas eu de débat comme il y en a eu ici et ils ont procédé par arrêté en conseil, non pas par législation parce que la loi les habilitait à procéder. Alors, ils ont procédé par arrêté ministériel pour créer un gel afin de faire fonctionner leur système et ils l'ont fait fonctionner avec un comité ministériel qui recevait les demandes.

Quand ce comité ministériel a été complètement bloqué parce qu'il avait trop de demandes, ils ont formé une commission pour déploquer parce que le ministre n'avait pas le temps d'entendre ces demandes. On ne peut pas comparer les deux choses.

Le Président (M. Boucher): Est-ce qu'il y a d'autres questions?

M. Lavoie: ...

Le Président (M. Boucher): M. le député de Laval.

M. Lavoie: Lorsqu'on a traité, tout à l'heure, du non-droit d'appel qui existe — je ne voudrais pas élaborer comme je l'ai fait lors de la présentation d'un autre mémoire — je ne suis pas d'accord avec le ministre lorsqu'il dit que certaines commissions administratives comme la commission municipale, etc., n'ont pas le droit d'appel. Il est vrai que si on regarde les pouvoirs de la commission municipale, ils n'ont pas des pouvoirs aussi virulents, je dirais, que les pouvoirs qu'a actuellement la présente commission. La commission municipale est un arbitre entre les municipalités... ou joue le rôle d'une tutelle lorsqu'une municipalité ne remplit pas ses obligations; la commission municipale ne peut pas brimer les droits de propriété des individus.

M. Garon: ... une ville en tutelle.

M. Lavoie: Oui, une ville en tutelle, cela n'enlève aucun droit de propriété à personne. Où vous allez très loin ici, c'est en vertu de l'article qui dit que la commission peut siéger sur un banc de deux commissaires, deux seuls et qu'un des deux a deux votes. Cela veut dire qu'en somme, vous ramenez à un seul fonctionnaire les pouvoirs qu'il y a dans la loi lorsque siège un banc de deux commissaires. J'imagine qu'il va y avoir beaucoup de bancs de deux commissaires avec tous les cas que vous allez avoir. C'est grave quand vous donnez...

M. Garon: Me permettez-vous de dire un mot là-dessus?

M. Lavoie: ... des droits de propriété soit de rentrer dans une zone verte, de sortir d'une zone verte. Vous donnez la décision à un seul fonc-

tionnaire même s'ils ont droit de révision dans les trente jours, dans les soixante jours; c'est grave, et c'est sans droit d'appel.

M. Garon: Je comprends qu'à ce moment-là le pouvoir de révision va être exercé par la commission au complet.

M. Lavoie: Cela veut dire que la commission doit renverser un de ses commissaires.

M. Garon: Pourquoi pas? (17 h 45)

M. Lavoie: Vous savez, ils seront dans une drôle de situation aussi... C'est un vote de non-confiance à un commissaire. S'ils se font cela plusieurs fois à tour de rôle, il y aura un bon climat à la commission! C'est l'article 7.

M. Garon: Mais le pouvoir de révision qu'on a là, c'est un pouvoir de révision sur cause, pas un pouvoir de révision pour la révision. C'est-à-dire qu'il faut démontrer...

M. Lavoie: On dit ici: "La commission peut aussi siéger en divisions composées d'au moins deux membres, dont le président ou l'un des vice-présidents. Une division peut entendre toute affaire de la compétence de la commission et en décider.

En cas d'égalité des voix, celui qui préside une division a un vote prépondérant".

Vous êtes aussi bien de n'en mettre qu'un.

M. Cordeau: II serait mieux de n'en mettre qu'un. L'autre...

M. Lavoie: Ce serait bien plus simple.

Le Président (M. Boucher): Est-ce qu'on est rendu à l'étude article par article?

M. Lavoie: Non, mais c'est bien beau de dire qu'il y a l'appel et que tout le monde est protégé...

M. Garon: On peut enlever les divisions, vous savez.

Le Président (M. Boucher): Je vous demanderais de poser des questions aux témoins qui sont ici, s'il vous plaît!

M. Garon: Ce sera plus rapide avec les divisions.

Une Voix: Ce sera plus rapide.

Le Président (M. Boucher): Y a-t-il d'autres questions aux représentants de la Chambre de commerce? Alors... M. Hamel.

M. Hamel: ... je me suis excusé au tout début du fait qu'on n'avait pas les personnes ressources voulues à cause des problèmes de température et aussi des problèmes de santé. On va réviser quand même les débats et si on voit qu'on a répondu de façon incomplète, on vous enverra plus tard des réponses plus complètes aux questions que vous avez posées.

Le Président (M. Boucher): Merci.

M. Garon: Je voudrais vous remercier également...

M. Lavoie: Un instant, juste une seconde! Nous avons eu votre mémoire aujourd'hui, je crois. Personnellement, je n'ai pas eu le temps de le lire au complet, surtout pour ce qui est des annexes, mais je vous remercie de votre contribution et surtout de l'étude que vous avez faite sur l'expérience de la Colombie-Britannique. Soyez assuré qu'en ce qui nous concerne, nous allons le lire avec beaucoup d'attention. Cela nous sera utile à l'autre étape, après les auditions, lorsque nous étudierons le projet de loi article par article et en troisième lecture. Je vous remercie.

M. Hamel: On a été invité à comparaître il n'y a qu'une semaine.

M. Lavoie: Oui, je comprends.

M. Garon: Je vous remercie également d'être venu nous présenter votre mémoire et comme l'a dit le député de Laval, nous avons eu votre mémoire il y a très peu de temps, mais nous avons entendu la partie que vous nous avez lue. Pour le reste, nous le lirons et nous en tiendrons compte pour avoir toute l'information sur ce que vous nous dites. Comme on l'a eu au moment où on était à entendre d'autres groupes, on n'a pas pu le lire entièrement. On va le lire pour être au courant de ce que vous avez dit, pour l'étude article par article du projet de loi.

M. Hamel: ... très pertinente quand même, M. le ministre. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): Au nom de tous les membres de la commission, je remercie les représentants de la Chambre de commerce du Québec d'avoir présenté ce mémoire.

M. Hamel: Merci, M. le Président.

M. Cordeau: M. le Président, j'ai une question à poser au ministre, entre les deux. Est-il exact, M. le ministre, que nous devrons étudier ce projet de loi-là article par article, mercredi matin, le lendemain de l'audition du dernier mémoire? On va commencer article par article? Vos amendements vont tous être prêts?

M. Garon: S'ils ne sont pas prêts, on reviendra. On va commencer... Si à un moment donné il y avait quelque chose à changer, on pourra passer un article, quitte à revenir dessus. On pourra procéder assez rapidement.

M. Cordeau: Comme la période de temps n'est pas très longue entre le temps du dernier mémoire et l'étude article par article du projet de loi, il me semble qu'il faut être bien intelligent pour réaliser tout cela en huit heures ou douze heures. Vos fonctionnaires vont certainement travailler 24 heures par jour.

M. Garon: Je peux vous dire que cela fait un an qu'ils travaillent 24 heures par jour.

M. Cordeau: Ils ont l'habitude.

M. Garon: Ils ne travaillent pas 24 heures par jour, mais ils travaillent très fort sur ce projet-là. Les implications des différentes discussions, des points qui ont été soulevés, des possibilités de changement et aussi des failles qui ont été soulignées — il faut le dire, si c'était inutile d'entendre les gens et d'étudier le projet article par article, on ne le ferait pas — nous seront grandement utiles. Ce n'est pas mon enfant, je suis obligé de le prendre tel quel, c'est un projet qui a nécessité des années d'études. On a pris les études qui avaient été faites dans le temps des libéraux et qui n'avaient pas été appliquées. Après cela, on les a changées. On a fait d'autres consultations.

M. Lavoie: Non, à cause des implications très claires. On n'a jamais voulu toucher au droit de propriété des citoyens.

M. Garon: On a fait des consultations. On rencontre encore les gens et on va continuer jusqu'à la fin d'améliorer le projet de loi pour qu'il soit le meilleur possible. Je pense que c'est déjà un très bon projet de loi, mais il peut encore être bonifié. On va le faire. Une fois qu'il sera adopté, que la commission va opérer, s'il y a encore des points-virgules à changer ou des termes à améliorer, il y a encore une session qui va commencer au mois de février et on pourra changer des choses au mois d'avril, si c'est nécessaire.

Je pense que c'est de cette façon qu'il faut faire des lois. Je ne suis pas du genre à déposer un projet de loi et à dire: Maintenant, c'est parfait pour un siècle. Il y a un gars qui avait établi un régime pour 1000 ans et il a duré combien de temps? Douze ans.

Le Président (M. Boucher): Merci, messieurs.

M. Lavoie: Sur une question de règlement, je demanderais au ministre s'il n'aurait pas déjà — je vous demande cela à la suite de la question du député de Saint-Hyacinthe — un projet de règlements à nous remettre avant la fin de la semaine pour qu'on puisse travailler un peu à la maison. Cela pourrait accélérer les auditions qui restent. Il nous reste encore 25 ou 30 organismes et municipalités à entendre lundi et mardi, l'étude article par article commençant mercredi matin. Si vous aviez déjà certaines ébauches de règlements, cela nous aiderait en fin de semaine — les règlements et les amendements.

M. Garon: II n'y aura pas de proposition d'amendement avant de faire l'étude article par article. Pour les règlements, je l'ai toujours dit et je continue de le dire, les règlements dans ce projet de loi sont mineurs et il n'y a pas vraiment de règlements majeurs. Ils concernent à peu près tous la procédure et je ne vois pas l'utilité de déposer ces règlements.

Je l'ai déjà fait dans le domaine des abattoirs quand la loi comprenait à peu près six ou sept articles qu'on avait amendés, mais le règlement avait à peu près un pouce d'épaisseur, au moins trois quarts de pouce, en tout cas. Je pensais que l'essence avait beaucoup de poids dans les règlements et que c'était nécessaire. Je l'ai fait même si les gouvernements ne font pas cela souvent, déposer leurs règlements en même temps que la loi. Ils ne le font quasiment jamais. Je suis un des rares ministres dans l'histoire du Québec qui ait fait cela. Je pensais que c'était essentiel.

Mais dans ce cas-là, les règlements — je ne dirais pas qu'ils sont insignifiants — je dirais que ce ne sont pas des règlements qui ont une grande portée, tout simplement. Ce sont des règlements de procédure. Cela compliquerait le débat pour rien sur des questions de forme, de détail.

M. Lavoie: Lisez donc l'article 80, au paragraphe 12.

M. Garon: Le paragraphe 12 est...

M. Lavoie: "Par règlement, déterminer toute autre mesure nécessaire à l'application ou au bon fonctionnement de la présente..."

M. Garon: "... à l'application et au fonctionnement..."

M. Lavoie: C'est omnibus, cela.

M. Garon: Oui, au cas où il y aurait des choses qu'on aurait oubliées, mais il n'y aura pas de règlement là-dessus en partant. Regardez ce qu'on dit au fond: Définir les règles de pratique et de procédure de la commission lorsqu'elle tient une audience publique, définir les règles de régie interne de la commission..."

M. Cordeau: Le paragraphe 8 est...

M. Garon: "Déterminer le tarif des droits, honoraires, frais et dépens payables dans toute demande soumise à la commission..."

Une Voix: Quel paragraphe?

M. Cordeau: Les catégories de personnes qui peuvent être exemptées, c'est très important pour les citoyens.

M. Garon: Ah! oui, les catégories de personnes. Je comprends. Mais ce n'est pas quelque chose sur lequel on va faire un débat épouvantable.

M. Cordeau: Non, mais cela peut nous éviter de vous poser des questions si on connaît les règlements. Si c'est explicité dans les règlements, on ne vous posera pas de questions.

M. Garon: Oui? Voyons donc!

M. Cordeau: Avez-vous peur de ne pas avoir de questions?

M. Garon: Le paragraphe 9 dit: "... déterminer les honoraires des experts et enquêteurs."

M. Lavoie: Vous aurez beaucoup d'enquêteurs.

M. Garon: Oh! non. On va en avoir juste assez. M. Cordeau: C'est combien, juste assez?

M. Garon: Regardez bien ce que dit le paragraphe 10: "Prescrire les formulaires à utiliser pour l'application de toute disposition de la présente loi." Voulez-vous qu'on vous dépose des formules? "Déterminer les effectifs de la commission de même que les normes et barèmes applicables à son personnel." Ce sont toutes des questions...

M. Lavoie: Lisez donc encore une fois le paragraphe 12.

M. Garon: 12? "Déterminer toute autre mesure nécessaire à l'application ou au bon fonctionnement de la présente loi." Il n'y a pas de règlements majeurs là-dedans. Le sens est vraiment dans la loi et j'ai tenu personnellement à ce que cela y soit parce que je considère que c'est un projet de loi excessivement important. Il y en a qui disent que c'est même le plus important de toute l'histoire du Québec; il y en a d'autres qui disent: "C'est le troisième ou le quatrième". En tout cas, on ne s'obstinera pas sur le rang. C'est un projet de loi extrêmement important et c'est pour cela que j'ai voulu que tous les principes soient dans la loi pour ne pas qu'il y ait des cachettes et qu'on dise après cela: "Oui, le gouvernement nous met cela sur la table, mais toutes les cachettes vont être dans les règlements". Et, j'ai voulu que cela soit vraiment dans la loi.

M. Cordeau: Dernière question, est-ce que les règlements vont être prêts en même temps que la commission va être formée?

M. Garon: S'il n'y a pas trop d'amendements, ils vont être prêts pas mal en même temps.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Huntingdon.

M. Dubois: Merci M. le Président. M. le ministre, j'ai pris connaissance des organismes qui vont venir ici mardi et je m'aperçois que les trois derniers le 58, le 59 et le 60 ont disparu. Ils ne sont plus dans le portrait.

M. Garon: Je ne suis pas au courant; je ne l'ai pas vu. Alors, vous voyez, l'Opposition est même renseignée avant le gouvernement parce que je n'ai pas encore lu la liste...

M. Dubois: Ecoutez, je l'ai, la liste complète ici, là... 58, 59, 60. Alors, cela veut dire que vous en avez laissé tomber trois.

M. Garon: ... ce n'est pas démocratique, cela!

M. Dubois: Non, je viens de m'informer et j'en ai pris connaissance il y a une demi-heure alors... il y a un projet du comté de Huntingdon, premièrement, il y a l'Office des producteurs de porcs du Québec et il y a l'Association des producteurs d'oeufs; ces trois-là ont été rayés; cela a été décidé...

M. Cordeau: L'ordinateur ne les a pas choisis.

M. Garon: C'est parce qu'apparemment, il y a eu une entente pour qu'il y en ait dix, lundi. Mais je n'étais pas à la session ce matin. Le député de Laval disait que c'était trois ou treize. Alors, ils ont enlevé trois organismes sur la liste pour qu'il y en ait dix.

Une Voix: Oui, mais M. le ministre...

M. Dubois: On m'a appris qu'il y en avait quatorze; je sais que lundi, il y en a eu dix; je suis bien d'accord. Il reste quand même, qu'il y a trois organismes qui ont été prévus et finalement, ils ont laissé tomber ces trois-là. Bien, mardi, il y en a avait quatorze déjà. Il y en a quatorze dans la journée.

M. Lavoie: Non, mais c'est important là.

M. Garon: Alors, on me dit, dans ce cas, qu'il y a des organismes qui ont fait leur avis en retard pour se présenter à la commission.

M. Dubois: C'était lundi, la journée limite?

M. Garon: Non, vendredi à minuit.

Une Voix: C'était quelle date vendredi?

M. Garon: Vendredi à minuit.

Une Voix: Vendredi c'était le 1er décembre.

Une Voix: Vous avez bien vérifié cela?

Une Voix: Oui.

Le Président (M. Boucher): Compte tenu qu'il est très près de l'heure d'ajournement ou de suspension, je ne crois qu'il soit de bonne guerre de commencer le mémoire de la ville Laval. Alors j'informe les gens de la ville Laval, qu'à la reprise à huit heures, nous pourrons entendre la lecture de leur mémoire.

La commission suspend ses travaux jusqu'à vingt heures.

Fin de la séance à 17 h 58

Reprise de la séance à 20 h 22

Le Président (M. Boucher): A l'ordre, messieurs!

A la suspension de 18 heures, nous avions fini d'entendre la Chambre de commerce du Québec. J'appelle maintenant la ville de Laval, représentée par M. le maire Lucien Paiement.

M. le maire, si vous voulez identifier ceux qui vous accompagnent et procéder à la lecture de votre mémoire, s'il vous plaît!

Ville de Laval

M. Paiement (Lucien): M. le Président...

Le Président (M. Boucher): Vous pouvez vous asseoir, M. le maire, étant donné le micro.

M. Paiement: Je ne voulais que vous saluer, M. le Président, et je vais m'asseoir. Les intervenants possibles sont Marc Perron, gérant de Laval; Me Jean Allaire, conseiller juridique de la ville de Laval et M. Claude Langlois, assistant gérant au module "planification et développement", ainsi que moi-même, bien sûr.

M. le Président, M. le ministre de l'Agriculture, messieurs les membres de la commission parlementaire, nous n'avons pas la prétention, en nous présentant devant cette commission, d'apporter une solution au problème agro-alimentaire du Québec. Nous n'avons pas davantage l'impression de pouvoir suggérer des solutions de rechange au projet de loi du gouvernement sur la protection du territoire agricole, ni même de proposer quelque amendement susceptible d'en améliorer la portée.

Les quelques remarques que nous voulons soumettre à votre attention partent d'un sentiment beaucoup plus modeste, peut-être un peu égoïste, et ont pour but de sensibiliser le gouvernement aux problèmes pratiques soulevés à Laval par le dépôt du projet de loi no 90 et plus particulièrement du plan provisoire identifiant l'aire retenue aux fins de contrôle.

Deuxième ville du Québec, avec une population de quelque 260 000 âmes, Laval voit soudainement son territoire décrété agricole dans une proportion de 55%. Ce cas, probablement unique au Québec, suscite de vives inquiétudes pour l'avenir de Laval tant du point de vue de l'aménagement du territoire que de l'impact sur les finances de la ville et de la facture fiscale auprès des contribuables.

Le principe du zonage agricole. Nos représentations ne se veulent pas négatives pour autant. Au contraire. Nous tenons à souligner immédiatement notre accord de principe sur la nécessité de protéger les sols arables du Québec. Nous reconnaissons d ailleurs l'urgence d'une telle intervention et j'ajouterai, pour l'avoir déjà déclaré publiquement et pour avoir proposé certaines mesures à cet égard, que nous sommes même favorables à une utilisation agricole permanente de certaines parties du territoire de Laval.

Une telle utilisation peut fort bien s'harmoniser avec la trame urbaine d'une ville intermédiaire. D'ailleurs tous nos efforts portent depuis quelques années vers le développement d'une ville de ce type et ce en accord avec les grands objectifs et les scénarios mis de l'avant par diverses études du gouvernement du Québec ou de comités ad hoc mis sur pied par le gouvernement. Nous croyons cependant que les modalités d'application de la loi projetée peuvent devenir un sérieux handicap dans notre poursuite d'un aménagement rationnel du territoire que nous avons à administrer et compromettre l'objectif de ceux qui, il y a treize ans, ont présidé à la création de la ville de Laval et voulu soustraire à une urbanisation sauvage un territoire qui avait été morcelé au cours des années.

Nous croyons surtout qu'en déposant un plan provisoire pour Laval, le gouvernement a fait preuve, à notre endroit, d'une sollicitude ou d'une méfiance qu'il n'a pas manifestées à l'égard de plusieurs autres municipalités de la région de Montréal qui ne jouissent pourtant pas de l'organisation et des ressources dont dispose la ville de Laval pour la planification de son développement. Et cet excès d'attention nous gène quelque peu.

L'attitude responsable de Laval. Peu de villes, en effet, peuvent s'enorgueillir d'avoir agi avec autant de célérité et de façon aussi systématique pour maîtriser une situation de départ complexe et ardue et sans nuire à une activité fébrile de la construction comme celle que connaissait alors Laval.

La situation de départ. Le 6 août 1965, lorsque par un acte législatif d'une très grande portée, le gouvernement fusionnait en une seule les quatorze municipalités de l'île Jésus, il créait une entité juridique et administrative qui, au plan physique, demeurerait encore longtemps un agglomérat de quatorze noyaux urbanisés distincts avec autant de réseaux d'égouts et d'aqueduc à la mesure de leur taille, autant de réseaux routiers à caractère local, sans aucun lien organique.

Ce geste d'autorité ne créait pas pour autant une collectivité saine et équilibrée sur les plans social, économique et financier. L'industrie et le commerce étaient à peine développés et l'île Jésus offrait la caractéristique d'une ville dortoir. La vie communautaire était réduite à sa plus simple expression. La situation financière de la ville était dans un état lamentable et les Lavallois du temps ont dû payer très cher ce geste législatif, étant alors considérés comme les contribuables les plus taxés de la région métropolitaine.

La planification à Laval. Ne pouvant compter que sur eux-mêmes, et aux prises avec le défi d un territoire en pleine urbanisation, les Lavallois ont

vite senti le besoin dune intervention dynamique, à la fois sur le milieu physique, social et économique. A cet égard, je crois qu'il est important de souligner ici brièvement, par des exemples concrets, la démarche de planification qu'a poursuivie la ville de Laval à son développement. En effet, une ville ne croît pas, de 180 000 à 260 000 habitants en treize ans, soit une augmentation de près de 50%, sans avoir jeté les jalons, sans avoir mis sur pied une stratégie de développement basée sur une planification sérieuse et approfondie, sans avoir adopté une politique conséquente et responsable.

L'aménagement du territoire. Le schéma directeur d'aménagement. En 1970, cinq ans à peine après sa création et malgré toutes les études que cela présuppose, la ville adoptait un schéma directeur d'aménagement conformément aux dispositions prévues à sa charte. L'un des objectifs de ce schéma stipulait clairement l'intention de conserver le milieu physique et de mettre en valeur ces éléments positifs, tout en favorisant l'intégration des noyaux d'urbanisation dans un ensemble ordonné, harmonieux et cohérent.

M. le Président, nous déposerons les éléments, les instruments de planification de ville de Laval et j'aimerais qu'ils soient portés au journal des Débats.

Etude sur l'occupation des sols, OCSOL. Les données du schéma directeur d'aménagement ont été transposées par informatique et un plan d'ensemble de la ville a été préparé montrant les occupations du sol avec la densité d'occupation correspondante selon divers horizons. Ce document de base a par la suite permis de compléter les études pour les réseaux directeurs de distribution d'eau et d'assainissement des eaux-vannes, ainsi que pour le transport en commun.

Le schéma directeur d'alimentation en eau. De 1975 à 1977, une étude exhaustive sur l'alimentation en eau potable a été préparée afin d'établir les solutions optimales et une stratégie d'investissement pouvant le mieux répondre aux besoins de la population et ce, tant du point de vue rattrapage que développement de nouveaux secteurs, tout en tenant compte des capacités financières de la ville. Cette étude a débouché sur un plan quinquennal de mise en oeuvre pour les années 77 à 81, avec projection sur une base décennale pour la période de 1982 à 1991, et pour la période subséquente 1992 à l'an 2006. Les prévisions pour ces dernières périodes ayant été faites globalement, avec prévisions de raffinement durant les prochaines années. (20 h 30)

Le schéma directeur d'assainissement des eaux usées. Suite à un premier rapport qui avait été préparé en 1969, une nouvelle étude plus exhaustive a été élaborée en 1977 dans le but particulier de présenter au ministre délégué à l'Environnement un programme détaillé d'investissement pour I'assainissement des eaux usées. Cette étude prévoit, pour les périodes quiquennales 1977-1981, 1982-1986, 1987-1991 et 1992-1996, les étapes de réalisation de l'infrastructure à mettre en place pour l'assainissement des eaux à Laval. Le programme triennal d'immobilisation de la ville reflète les résultats de cette étude. D'ailleurs, plusieurs éléments des travaux préparatoires à la mise en oeuvre des premières étapes sont déjà en cours.

Le réseau routier. Laval, à la suite de longues négociations avec le ministère des Transports et ses consultants, a accepté un réseau autoroutier de base (l'autoroute 13, l'autoroute 15, l'autoroute 19, l'autoroute 25 et l'autoroute 440) et divers protocoles d'entente ont été signés ou sont à signer. D'ailleurs, l'autoroute Laval (A-440) est construite ou en construction entre l'autoroute 13 et l'autoroute 25; l'autoroute Chomedey (A-13) aété complétée, alors que l'autoroute Papineau (A-19) est en partie construite et que l'expropriation est terminée sur toute sa longueur. De plus, l'expropriation pour l'autoroute 25 est terminée.

Par ailleurs, l'infrastructure du réseau routier primaire qui vient compléter le réseau d'autoroutes doit être graduellement mise en place en fonction de l'intégration des divers réseaux qui existaient dans les 14 municipalités et en fonction des nouveaux besoins. Des sommes importantes ont été et devront être dépensées pour la construction de nouveaux boulevards, l'élargissement d'autres artères et la construction de viaducs traversant l'autoroute des Laurentides.

Le centre-ville. Tant la réalité vécue quotidiennement à Laval que les objectifs fixés par le schéma directeur d'aménagement exigent la structuration du centre-ville de Laval, centre-ville qui agira comme force motrice de l'économie lavalloi-se et, si possible, comme point de convergence des activités culturelles et communautaires. Les éléments disparates qui existent actuellement dans le périmètre du centre-ville, même s'ils sont imposants, ne peuvent correspondre à cet objectif impératif et la ville a déjà entrepris une étude globale de révision des données du schéma directeur d'aménagement afin de donner au centre-ville une orientation répondant mieux aux exigences de 1978.

Les besoins de la population.

Cette planification du territoire ne s'est pas faite sans la connaissance des besoins de la population et sans consultation de cette dernière. A cause d'un taux de croissance démographique fort élevé, Laval s'est préoccupée de connaître dès le début, et périodiquement par la suite, les caractéristiques structurelles de sa population avant de mesurer ses besoins en équipements communautaires, éducatifs, sociaux, culturels ou récréatifs.

Ainsi, dès 1966, la ville tentait de prévoir sa population future, ses caractéristiques d'âge et de sexe, sa répartition géographique.

La Cité de la Santé. Une étude exhaustive des services de santé à Laval effectuée au cours des années 1966 et 1967 devait amener la construction d'un hôpital moderne à vocation communautaire, la Cité de la santé qui a ouvert ses portes à la population au printemps dernier et qui se spécialise en médecine familiale. Cet hôpital se situe au

centre physique de l'île et au centre démographique éventuel de l'île.

Le livre blanc sur les loisirs. En 1974, après une session intense de consultation de la population et des organismes locaux, la ville préparait un volumineux dossier sur les loisirs, dossier qui prévoyait la mise en oeuvre d'un programme de réalisation d'infrastructures sportives et culturelles en trois phases, en fonction des besoins de la population de 1974. De plus, le même livre blanc établissait les normes pour les développements futurs. Déjà, une bonne partie des deux premières phases a été complétée et nous prévoyons le parachèvement de la mise en oeuvre des trois phases prévues plus la construction d'autres infrastructures afin de répondre aux besoins de la nouvelle population.

L'enquête participation sur l'avenir de Laval. En 1975, la ville procédait à une vaste enquête auprès de sa population pour connaître sa conception du Laval de demain, pour apprendre ses préférences sur la forme de développement de la ville, sur la place à accorder aux fonctions industrielles et commerciales dans l'aménagement futur et pour établir ses besoins prioritaires selon sa propre perception.

L'aménagement des berges. Consécutivement à l'un des besoins prioritaires exprimés par la population, la ville formait un comité d'étude sur l'aménagement des berges, comité qui déposait, en 1977, un rapport prévoyant les besoins à court, moyen et long termes en matière d'espaces verts riverains pour la récréation et l'embellissement.

Le développement économique. Dans le processus de transformation de Laval, nous avons agi avec vigueur et leadership sur le développement économique. C'est ainsi que nous avons adopté une stratégie de mise en valeur dynamique en réalisant d'importants efforts de promotion auprès des principaux "décideurs" québécois, canadiens et étrangers.

Les résultats que nous avons obtenus ont été étonnants et ont donné à Laval sa véritable envergure de deuxième ville du Québec. L'image de Laval est complètement transformée. Tous les milieux d'ailleurs admettent sa vitalité, son dynamisme, sa réalité insoupçonnée de carrefour économique, et on ne parle plus de ville dortoir.

De plus, toutes conditions restant égales et dans les perspectives d'une poursuite de la démarche lavalloise, il est évident que cette ville jouit d'un potentiel exceptionnel de développement québécois.

Nos efforts dans ce domaine se sont traduits d'une façon concrète: le nombre d'entreprises croît d'année en année. Laval assurait, en 1976, de l'emploi à 53% de sa main-d'oeuvre par rapport à 40% en 1971, soit une augmentation de 35%. Aujourd'hui, le nombre d'emplois disponibles dépasse les 58 000. Nous comptons 5350 établissements. Les revenus de la taxe de vente sont passés de $6 millions en 1972 à près de $18 millions en 1977, soit le triple. D'autre part, le rythme du développement résidentiel compte parmi les plus élevés au Québec. En 1973, il s'est construit 2000 logements à Laval. En 1977, il s'en est construit 3500, après un sommet de près de 5500 en 1976. La valeur des permis de construction résidentielle émis est passée de $33 millions en 1972 à $94 millions en 1977, avec un sommet de $130 millions en 1976.

Pour réaliser cet effort de planification et être à l'affût des événements susceptibles de commander des changements d'orientation dans ces politiques de développement, Laval n'a pas craint de poser les gestes administratifs susceptibles de lui procurer l'expertise et le soutien technique appropriés.

Module de planification et développement: C'est ainsi que l'administration procédait, en 1974, à une réforme en profondeur de ses structures impliquant la réforme de la gérance et la création de plusieurs services. Elle créait, notamment, un module "planification et développement", regroupant trois services axés vers la planification et la promotion économique, soit: Le service d'urbanisme, le commissariat au développement résidentiel, commercial et industriel, le service des recherches et de la statistique.

Le système PPB: Dès la même année, Laval a instauré un processus budgétaire basé sur le système PPB. Il s'agissait d'un effort de rationalisation de l'utilisation des ressources financières que Laval réalisait quatre ans avant que le gouvernement provincial ne légifère pour imposer le même effort aux autres villes en instituant les "programmes triennaux d'immobilisations. '

Cet effort et cette initiative novatrice de Laval pour interrelier la planification physique et la planification financière constituent des indications évidentes de sa capacité de gestion.

Scénarios de développement. En vue de son programme d'immobilisation, la ville a dû préparer des scénarios de développement découlant des diverses données qui ressortent des schémas d aménagement et de l'évolution du marché. A cette fin, la ville a préparé deux scénarios, l'un pour le développement résidentiel et I autre pour le développement industriel.

Le scénario de développement résidentiel prévoit la distribution quantitative et spatiale du développement résidentiel sur le territoire pour les années 1977 à 1980 dans une quinzaine de secteurs adjacents à l'aire urbanisée, pouvant être desservis dans le cadre des programmes d investissements pour la distribution en eau potable et pour l'épuration des eaux-vannes.

On y prévoit la construction d'environ 15 000 unités de logement qui seront implantées tant dans le périmètre des secteurs retenus que sur une base interstitielle. De façon plus précise, le scenario prévoit la construction de 4000 unités en 1977, de 4000 en 1978, de 3500 en 1979 et de 3500 en 1980. 60% de ces unités seront construites dans des structures multifamiliales.

Quant au scénario de développement industriel, il prévoit, en fonction des facteurs connus de développement économique et en fonction des paramètres provinciaux, régionaux et locaux, le développement annuel de 50 ou 70 acres à des

fins industrielles en 1978, 1979 et 1980, cette superficie étant repartie dans les parcs industriels ouest, centre, centre-est et est, avec une emphase particulièrement mise sur le parc centre.

Le zonage agricole à Laval. Malgré tous ces efforts de développement, de rationalisation de I'aménagement du territoire et un souci constant de rentabilisation des ressources lavalloises, nous n'avons pas négligé pour autant l'exploitation agricole du territoire. Le règlement L-2000 sur le zonage, adopté en 1970, prévoyait a son article 23 I usage agricole dans toutes les zones de la ville.

D'autre part, malgré les carences de la Loi des cités et villes à cet égard, Laval préparait, en 1977, un projet de scénario agricole accompagné d'un plan d'affectation du sol à cette fin. Ce projet de Laval contient même les ébauches d une réglementation municipale en matière de zonage agricole. Il a cependant dû être garde en suspens, en attendant les mesures législatives du gouvernement provincial en cette matière, et nous avons préféré le garder confidentiel afin d'éviter des difficultés d application et des implications financières défavorables, notamment par voie de jugement du Bureau de révision de l'évaluation foncière.

Depuis le dépôt du plan provisoire du gouvernement, il n'y a évidemment plus de problème à le rendre public et nous nous permettons de déposer devant cette commission une copie de cette étude préliminaire, préparée en septembre 1977, ainsi que des quatre plans qui l'accompagnent.

Je me permets de souligner que Laval a élaboré son projet de plan et de zonage agricole en se basant sur les caractéristiques physiques du sol, sur les contraintes imposées par l'urbanisation existante et sur les caractéristiques socio-économiques du milieu, en tenant compte des retombées économiques des activités agricoles possibles et des divers scénarios de développement de sorte que ce projet de zonage s'intégrait harmonieusement à l'ensemble de nos prévisions structurelles et de croissance, en conformité avec le processus de planification décrit plus haut.

Ce plan de zonage agricole de Laval a d'ailleurs été élaboré en consultation avec des personnes-ressources du ministère de l'Agriculture du Québec ainsi que du ministère des Affaires municipales, de l'Union des producteurs agricoles et de la Société d'agriculture de Laval.

L'option de développement de Laval et ses réalisations. Le projet de zonage agricole que nous venons de déposer est en accord non seulement avec le schéma d'aménagement de la ville, adopté en 1970, mais aussi avec une option de développement que Laval a adoptée, il y a quelques années, en vue de "densifier" l'occupation du sol et de concentrer l'urbanisation dans un corridor central, d'axe nord-sud, englobant le centre-ville projeté et une zone périphérique permettant d'intégrer les noyaux urbanisés de l'ex-ville Fabre-ville et de Sainte-Rose.

Pour atteindre cet objectif et desservir la population future, la ville a consenti depuis treize ans d'énormes investissements en infrastructures, soit pour l'agrandissement d'usines de traitement d'eau, pour l'installation de conduites maîtresses d'aqueduc ou pour la confection d'un réseau d'é-gouts collecteurs devant éventuellement amener les eaux usées à une usine d'épuration projetée. Elle a également procédé à la réalisation graduelle de son réseau routier. Elle a créé et agrandi à plusieurs reprises un imposant parc industriel. (20 h 45)

Tous ces investissements d'infrastructure réalisés depuis treize ans représentent pour les Lavallois un investissement d'une centaine de millions de dollars dont l'amortissement devra être réparti sur deux générations. Et Laval est actuellement en négociation avec les services de protection de l'environnement pour la poursuite de la mise en place de son réseau d'égouts collecteurs, un projet à lui seul de plusieurs dizaines de millions de dollars.

Les effets du projet de loi 90 sur le développement de Laval. Nous ne pouvons vous cacher que le dépôt du projet de loi no 90 et surtout du plan provisoire concernant le territoire de Laval a eu, quant à nous, un effet pour le moins contrariant non seulement à cause du fait qu'il soustrait, à la juridiction de Laval en matière d'aménagement, une importante partie de son territoire et qu'il paralyse partiellement, pour un temps du moins, son développement, mais surtout parce qu'il compromet l'avenir de Laval et l'oblige à remettre en question ses options de développement et ce, nonobstant les énormes investissements consentis à ce jour dans un effort de remembrement du territoire et d'intégration des zones urbanisées.

Le plan provisoire, tel que déposé, nie les efforts de Laval depuis sa création en vue de la réalisation d'une ville intermédiaire, harmonieusement développée autour d'un centre-ville réunissant les principales activités motrices de l'économie locale, d'une ville équilibrée où les Lavallois puissent travailler, se reposer et se récrééer.

Laval a été créée par un acte d'autorité du Parlement. Toutes les énergies et toutes les dépenses engagées à la suite de cet acte du législateur pour bâtir un milieu socio-économique homogène et viable risquent d'être annihilées par un autre acte de l'Assemblée nationale et nous pouvons difficilement admettre cela.

Nos recommandations. Nous croyons avoir démontré que Laval sait s'administrer et qu'elle s'est dotée d'instruments de planification lui permettant d'exploiter rationnellement son territoire dans le meilleur des intérêts des Lavallois et du Québec. Nous croyons que Laval méritait la même confiance que les autres municipalités de la région de Montréal. Aussi, notre seule et unique recommandation est-elle que le gouvernement retire le plan provisoire déposé quant au territoire de Laval. Nous nous engageons en retour à soumettre dans les délais prévus à la Commission de protection du territoire agricole de Québec un plan détaillé d'aménagement montrant les aires suggérées par Laval pour être retenues comme zones agricoles.

M. le Président, j'aimerais déposer la liste des annexes des documents appuyant cette communication.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le maire. Vous avez mentionné un dépôt de documents. Techniquement parlant, est-ce qu'il s'agit des documents que je vois à ce bout-ci de la table?

M. Paiement: Ce sont tous des instruments de planification que nous avons à Laval. Alors, je pense que c'est extrêmement important pour ceux qui font de la planification du territoire de prendre connaissance de ces documents.

Le Président (M. Boucher): Techniquement parlant, il n'y a pas de dépôt de documents en commission parlementaire. Il s'agit quand même de documents qui sont là pour consultation de la part des membres s'il y a lieu. D'autre part, vous avez mentionné que vous aimeriez que ces documents soient retranscrits au journal des Débats, si j'ai bien compris.

M. Paiement: Peut-être pas tous les documents à la lettre, mais qu'au moins la liste des documents qui ont été déposés soit retranscrite.

Le Président (M. Boucher): Etant donné qu'il n'y a pas de dépôt, ils ne pourront pas être retranscrits au journal des Débats.

M. Paiement: La liste des annexes.

Le Président (M. Boucher): La liste des annexes, d'accord. (Voir annexe B)

M. Paiement: II contient une liste de ce qui a été déposé, les titres. Je pense que c'est important, M. le Président, qu'on...

Le Président (M. Boucher): La liste des annexes, d'accord, mais pas l'ensemble des documents.

M. Paiement: Merci.

Le Président (M. Boucher): Très bien, M. le maire. M. le ministre.

M. Garon: Je veux vous remercier du mémoire que vous nous avez présenté. Votre règlement de zonage agricole est-il encore confidentiel?

M. Paiement: Non, je l'avais remis d'abord au ministre Joron, qui est notre député dans Mille-Iles, et j'ai communiqué avec votre secrétaire, votre chef de cabinet, pour l'informer que M. Joron était en possession du plan et qu'avant de déposer le plan que vous avez déposé, vous pouviez facilement en prendre connaissance.

M. Lavoie: Vous n'en avez pas pris connaissance.

M. Paiement: Et j'en ai déposé une copie ici, M. le ministre. Il n'est pas...

M. Garon: II est plus ou moins secret maintenant.

M. Paiement: Non, maintenant il n'y a plus rien de secret.

M. Garon: Est-ce que vous permettez l'élevage des animaux de ferme dans votre zonage agricole?

M. Paiement: Dans la plan qu'on propose, bien sûr. D'ailleurs nous en avons des animaux de ferme. Il y a encore des vaches à Laval, vous savez. Alors, je pense que c'est un animal de ferme typique et cela existe encore.

M. Garon: Vous zonez combien d'acres, dans votre projet?

M. Paiement: Dans notre projet, c'est environ — c'est approximatif — 12 000 à 15 000 arpents, ce qui représente plus ou moins, environ 20% du territoire.

M. Garon: Vous n'avez rien de plus précis que cela, 12 000 à 15 000?

M. Paiement: Evidemment, si on parle des présentes données de la loi, je vous dis: II est loisible, à ce stade-ci, d'envisager 12 000 à 15 000 arpents et environ 20% du territoire qui s'harmoniseraient et qui ne contrarieraient pas non plus les infrastructures déjà en place.

J'aimerais ajouter, M. le ministre, que c'était vraiment dans nos préoccupations et je n'irai pas plus loin que de dire que c'a fait l'objet d'un programme électoral en 1977, notre préoccupation agricole.

C'est un engagement du conseil municipal actuel également. Nous sommes dans la même veine au fond.

M. Garon: Vous m'en aviez déjà dit un mot à l'inauguration de Provigain, je pense, que vous songiez à protéger les terres agricoles. Vous comprenez qu'ici, c'est plutôt la loi qu'on étudie. Je pense que le mieux, lorsque la commission sera formée — elle va être formée d'ici Noël normalement — une des premières villes, sinon la première ville qui va rencontrer la commission, d'autant plus que vous avez tous les instruments concernant des études faites dans le passé à Laval, qui semblent des études assez récentes... A ce moment-là, j'ai l'impression que la ville de Laval sera prête à discuter, quasiment inaugurer — je dirais — la commission sur la protection du territoire agricole.

J'ai bien l'impression qu'à ce moment-là, ce qui serait à être déterminé comme zone permanente... ville de Laval pourrait être la première zone qui pourrait être faite au fond, la première

municipalité. Je pense bien que la commission ne commencera pas avec un endroit où il n'y a pas eu de construction depuis cinq ans, mais plutôt avec la ville la plus importante sur le plan urbain et peut-être la ville qui a, en même temps, un zonage agricole, c'est-à-dire la ville la plus importante sur le plan urbain et sur le plan agricole en même temps, au Québec, actuellement.

J'ai l'impression, je ne le dis pas comme un voeu pieu, je souhaite que la commission, une fois nommée, commence à discuter avec la ville de Laval en premier lieu.

M. Paiement: M. le ministre, on se sent quelque peu contrarié. Je vais vous dire ce qui retient l'attention de l'ensemble du conseil d'administration que je représente. Peut-être qu'on pourra argumenter que rétroagir devient difficile, à cause peut-être de la spéculation. Dans le contexte actuel, les plans étant connus et la planification de Laval étant déjà connue, je pense que l'argument d'éviter la spéculation me semble plutôt faible. Egalement, nous pensons qu'il serait préférable de procéder de façon positive. Je pense que nous avons ici à Laval une expertise qui a d'ailleurs été reconnue par le gouvernement qui vous a précédé et par l'actuel gouvernement.

Nous souhaitons procéder de façon positive plutôt que de procéder, un peu comme on le faisait en géométrie, par l'absurde. On dit non et maintenant on va démontrer que c'est oui. On aimerait mieux procéder de façon positive.

De plus, le principe de l'autonomie qui, historiquement, est la prérogative des villes, est drôlement mis en cause. Dans le cas de Laval, nous ne voyons pas la nécessité de le mettre vraiment en cause. Le principe de la décentralisation, dont on a tellement entendu parler depuis des années et auquel nous souscrivons pleinement, me semble tout à fait bafoué dans cette question. Je comprends mal comment, dans ce problème, on décentralise. J'ai plutôt l'impression, à moins que je comprenne mal, qu'on centralise.

Procéder avec la commission nous oblige à mettre un frein à l'élan dynamique qui est engagé à Laval. Il nous oblige forcément, pendant une certaine période, qui risque d'être de six mois, huit mois ou un an, à arrêter, à se remettre en cause, à se réinterroger, tant sur la démographie et que sur tous les éléments de planification que nous avons et ceci nous gêne un peu.

Je me demande pourquoi le gouvernement ne profiterait pas d'un acquis et d'une expertise valable à Laval, tant sur le plan des ressources humaines que des ressources techniques qui sont là. Je comprends que ce serait fastidieux pour les représentants de votre ministère que de se mettre à relire tout cela, mais cela nous paraît faire partie des coordonnées nécessaires pour une saine et équitable planification.

Le fait de procéder par la commission risque, pour l'année qui vient, de nous obliger à nous retrouver devant le tribunal d'évaluation, parce qu'il va sans dire qu'un ensemble de propriétaires terriens de cette zone, des bonhommes qui ont payé des terres $10 000, $12 000, $15 000 l'arpent, qu'on taxe sur cette base, vont contester leur compte de taxes et contester leur évaluation. On risque de se retrouver avec un ensemble de problèmes qu'on pourrait éviter puisque, en procédant par ses propres moyens et en utilisant ses propres instruments de gestion, la ville arriverait au même résultat qu'en procédant par la commission, mais beaucoup plus rapidement et avec beaucoup moins d'effets néfastes.

M. Garon: Je ne pense pas que cela puisse prendre tant de temps que cela. Si vous recevez un avis dès le mois de janvier — la commission étant formée, elle commencera par envoyer des avis aux municipalités avec lesquelles elle veut négocier — cela veut dire que vous aurez 180 jours pour vous entendre. Le délai est au maximum de six mois. Vous avez déjà des franges assez grandes. 180 jours, cela donne six mois.

M. Lavoie: Pour envoyer l'avis, non pas pour s'entendre.

M. Garon: Non pas pour envoyer l'avis, pour s'entendre, pour discuter ensemble et s'entendre. Vous avez vos plans de l'île et nous autres on a nos cartes. A ce moment-là, il s'agit de discuter ensemble.

Ce n'est pas ma prétention, M. le maire, de penser que ce qu'on a retenu est parfait. Ce n'est pas ma prétention. C'est un plan vraiment provisoire. Si la discussion s'amorce rapidement, j'ai l'impression que cela pourrait aller rapidement. Pour les municipalités qui ne sont pas prêtes ou qui n'ont pas les données techniques, cela peut être plus long. Les municipalités de l'importance de la vôtre ont ces données techniques, à ce moment-là, j'ai fortement l'impression, au contraire, que cela peut aller très rapidement. (21 heures)

II est évident que la commission va commencer par une ville comme Laval. Elle ne commencera pas par un village. Mais, pour une ville comme Laval, qui est la ville la plus importante, celle qui a la plus grande superficie, je n'ai pas l'impression que cela prendrait autant de temps que cela. Evidemment, il y a des places où vous allez vous entendre, des places où vous ne vous entendrez pas. Il y a des endroits, par exemple, qui seront dans le blanc immédiatement. Sous forme de plan provisoire, il n'était pas possible d inscrire votre parc industriel dans le plan provisoire. Evidemment, cela entre dans les droits acquis. Il y a plus de blanc actuellement qu'il n'y en a là-dessus, au fond, parce que tous les droits acquis sont dans le brun; mais en réalité, c'est du blanc. Il y a actuellement encore dans le brun des sections qui ne sont pas brunes, mais il s'agissait de déterminer les grands périmètres et le reste fonctionnera sous forme de droits acquis. A ce moment-là, quand le périmètre définitif sera terminé ou près de la zone permanente, c'est évident que la carte ne sera pas exactement comme cela.

M. Paiement: Oui, évidemment, c'est blanc brun ou brun blanc. Je pense qu'on s entend bien, M. Garon, sur le fait que notre parc industriel dans un contexte de relance économique, on en a besoin, il est dans le moment agricole. Je pense qu'on se comprend là-dessus.

M. Garon: Oui. Est-ce qu'il tombe sur le... Est-ce un parc industriel qui a été...

M. Paiement: En partie, M. le ministre.

M. Garon: Est-ce qu'il a été établi en vertu de la Loi sur les fonds industriels?

M. Paiement: Oui, en partie. M. Garon: II a un droit acquis.

M. Paiement: Je dois vous dire que dans ce secteur, une partie n'a pas été acquise en vertu de cette loi.

M. Garon: Oui.

M. Paiement: J aimerais vous souligner également qu'à court terme le développement peut ne pas trop bloquer, même si, au départ, la première interprétation de l'article 105 nous permettait de croire qu'au moins la moitié du développement de Laval était stoppée. Suite à l'interprétation beaucoup plus large que vous en avez faite, ceci nous a permis de débloquer tout au moins à court terme le développement à Laval.

Par contre, si on maintenait la zone verte actuelle, ceci risquerait de bloquer à moyen terme, mais très rapidement. Ce qui arrive, c'est que les constructeurs qui ont dans le moment un projet, peuvent commencer, mais ils doivent planifier pour six mois, huit mois, un an à venir. Au fond, on a deux récoltes, la récolte du printemps et la récolte de l'automne et la récolte de l'automne se prépare au printemps.

Dans ce contexte, si on n'enlevait pas immédiatement ce périmètre, nous risquerions de passer une mauvaise année, I'an prochain, parce que les constructeurs n'auront pas eu le temps de faire leur planification et de faire leur organisation tant financière que physique. Ceci risque de nous créer des malaises qu'on pourrait facilement éviter en procédant en sens inverse, c'est-à-dire en vous présentant nos plans de zonage agricole, en les présentant à la commission, on éviterait aussi ce genre de problème.

Au fond, je vois très mal, sauf pour sauvegarder le principe que vous avez mis de l'avant, pourquoi on ne procéderait pas en sens inverse.

M. Garon: Si on dégelait, vous gèleriez avez votre règlement.

M. Paiement: Pardon?

M. Garon: Vous déposeriez votre règlement à ce moment-là, c est cela que vous avez dit tantôt?

M. Paiement: C est cela. On se comporterait...

M. Garon: On gèle et on dégèle. Vous savez que la viande dégelée et gelée et à nouveau gelée, ce n est pas la meilleure.

M. Paiement: C est cela. Elle est déjà dégelée. Ne gelons pas la viande inutilement. On devra, de toute façon, la dégeler, M. le ministre.

M. Garon: Oui.

M. Paiement: Cela saigne toujours quand cela dégèle, vous savez. Au fond, je m'excuse...

M. Garon: Oui.

M. Paiement: ... ce qu'on vous demande, c est de nous donner le même traitement et la même attention qu à l'île de Montréal qui, à toutes fins utiles, a le droit, particulièrement dans I'Ouest ou à Rivière-des-Prairies, de demander qu'une partie de son secteur devienne agricole. Nous vous disons: Traitez-nous de la même façon. Nous faisons partie de la même région métropolitaine et nous allons rapidement — ceci pourrait nous prendre au maximum trois mois — vous demander de nous zoner environ 20% de notre territoire agricole. La proposition que je vous fais est une proposition déjà entérinée par le comité exécutif de Laval. C est un engagement solennel. Est-ce qu on fait un deal , M. le ministre?

M. Garon: J'avais l'impression, j'en parlais cet après-midi, qu'en commençant à discuter avec la commission au mois de janvier, tout cela serait réglé avant Pâques.

M. Paiement: On voudrait sauver les principes aussi, en autant qu'on est concerné dans cette question. On aimerait voir reconnaître, par le ministère de l'Agriculture, comme cela l'a été par le ministère des Affaires municipales et par différents ministères, nos efforts de planification à Laval. Cela constituerait, pour nous, une motivation extrêmement importante aussi.

M. Garon: Sauf qu'en discutant avec la commission, tous ces efforts ne seront pas inutiles parce que j'ai l'impression que cela va être la base de la discussion. Votre proposition est déjà prête. Quand on dit, à la commission, 180 jours, il y a un avis envoyé à la municipalité. Cela veut dire que vous, le lendemain, vous êtes prêts à arriver avec vos plans et commencer la discussion. On avait prévu 180 jours. Si on avait prévu que les plans seraient déjà faits, on n'aurait peut-être prévu que 90 jours. Là, vos plans sont déjà prêts. Cela veut dire que la discussion peut quasiment s'engager le lendemain matin, pas "quasiment", mais devrait théoriquement s'engager le lendemain matin. Je ne sais pas si ce serait faire du patronage que de faire cela. En nommant des commissaires, je pourrais demander de commencer avec Laval.

M. Paiement: Ecoutez, je ne veux sûrement pas vous inciter à faire du patronage. Je connais tous les mérites de la vertu. Est-ce qu'il y a une objection, M. le ministre — je ne veux pas insister — ...

M. Garon: Une objection à quoi?

M. Paiement: ... à ce qu'on ait le même traitement que l'île de Montréal?

M. Garon: Vous savez comme moi qu'en ayant déposé la loi en première lecture, deuxième lecture maintenant, les mécanismes sont connus. A ce moment, sachant qu'on va recommencer la discussion avec la ville de Laval, imaginez-vous la vague qu'on déclencherait dans Laval, à ce moment, au point de vue spéculatif. C'est inimaginable, ce qu'on déclencherait. A ce moment...

M. Paiement: M. le ministre, les plans sont connus. Le plan de Laval est connu. Je ne pense pas que l'argument de la spéculation tienne chez nous à Laval. C'est déjà connu; c'est un fait. La seule objection que je comprends, c'est une objection de principe. Je pense qu'au fond, vous êtes d'accord avec nous mais que vous voulez sauvegarder le principe. Laval a été, au moins depuis quinze ans, considérée comme une ville d'exception, a toujours eu un traitement en bien ou en mal, mais un traitement d'exception. Je vous demande de continuer à la considérer comme une ville d'exception. D'ailleurs, dans toutes les chartes et dans toutes les lois, la Loi des cités et villes, lorsqu'elle est amendée, on stipule toujours: exception faite de Montréal, Laval et Québec.

M. Garon: Non, la différence à Montréal, c'est qu'il y a 123 000 acres sur l'île de Montréal, dont 6000 à 10 000 pourraient être retenues pour l'agriculture, tandis que sur l'île de Jésus, il y a 60 000 acres, dont 35 000 acres pourraient être retenues pour l'agriculture. Je ne veux pas dire que 35 000 vont être retenues, comme je ne veux pas dire que les 6000 à 10 000 acres pourraient être retenues à Montréal, mais théoriquement, pourraient être retenues. Cela veut dire qu'au fond Montréal a une possibilité d'un certain nombre d'acres qui ne sont pas retenues, parce qu'il n'y a pas grand-chose. Tandis que chez vous, c'est différent. Les gens l'appellent toujours l'île Jésus, le Jardin du Québec. Quand je vais visiter le marché central, comme j'y suis allé cet été — j'y suis allé une fois, il ne faut pas que j'exagère — . J'y suis allé au matin, dans le milieu de la nuit, à 4 heures du matin, pour voir les gens là, et les trois quarts ou la moitié des maraîchers sûrement étaient là, ils venaient tous de l'île Jésus, la moitié au moins venait de l'île Jésus.

M. Paiement: Cela prouve, M. le ministre, que l'agriculture n'est pas trop maltraitée à Laval.

M. Garon: Mais ils m'ont demandé de les protéger parce qu'ils veulent... En faisant ma tournée, je l'ai demandé à chacun et je pourrais même vous dire que cette année, au ministère de l'Agriculture, nous avons subventionné des systèmes de refroidissement à l'eau froide pour les légumes et nous avons également subventionné des entrepôts de pommes de terre et de légumes; il y a eu des investissements de plus de $6 millions au Québec, seulement pour les entrepôts, et il y a eu plus de $2 millions de subventions du ministère, $1 575 000 pour les systèmes de refroidissement à l'eau, $4 millions d'investissements. Une bonne partie de ces subventions a été accordée aux producteurs de légumes de l'île-Jésus.

D'après les renseignements que j'ai eus du ministère de l'Agriculture... Je ne suis pas un expert en sol... D'après les experts en sol, les meilleures terres du Québec, si on tient compte de tous les facteurs, sont situées à l'île-Jésus et à l'île-Bizard. A ce moment-là, si on regarde, au point de vue alimentaire... Je me le proposais justement au cours du mois de janvier, j'ai justement dit à mon attaché de presse d'inscrire à l'horaire d'aller inaugurer toutes les entreprises auxquelles le ministère de l'Agriculture a accordé des subventions au cours de l'année 1977/78, de faire le tour de ces entreprises. Alors il m'a dit qu'on allait être obligé de passer un mois à Laval parce qu'il y a un nombre incroyable d'entreprises: charcuteries, salaisons, abattoirs, légumes, refroidissement, toutes sortes de domaines. Je n'ai pas demandé les chiffres, j'aurais dû le faire, mais je suis convaincu que le secteur qui emploie le plus de monde sur l'île-Jésus, c'est le secteur alimentaire.

M. Lavoie: Agro-alimentaire, mais au point de vue industriel.

M. Garon: Oui.

M. Lavoie: Ce n'est pas produit à Laval.

M. Garon: Non, il y a beaucoup d'entreprises alimentaires industrielles. Vous avez peut-être les données parce que vous avez fait des études sur les industries de Laval. Je suis convaincu que le secteur qui emploie le plus de monde à Laval, c'est le secteur alimentaire.

M. Paiement: Le secteur agro-alimentaire est un secteur extrêmement important à Laval; qu'on pense à Provigo, entre autres, qui emploie 600 ou 700 personnes. Si vous comptez ces employés et si vous comptez les entreprises qui se sont établies à Laval, parce que Laval est devenu un centre de distribution intéressant à cause de ses autoroutes, bien sûr... Si on parle en termes de main-d'oeuvre qui travaille dans le champ, peut-être qu'on pourrait modifier nos chiffres sensiblement.

Vous me dites qu'à Laval, le sol est excellent; on le pense également, comme Montréal l'était d'ailleurs. Ce qu'on essaie de vous dire, c'est qu'on est prêt, à Laval, à protéger ce qui est encore "protégeable", mais on ne peut pas demander à la population actuelle de payer des investissements faits en fonction d'une planification

qui essaierait de prévoir 15 ans d'avance. On ne pourra pas, aujourd'hui, nous blâmer d'avoir planifié pour 15 ans d'avance et d'avoir mis en terre un tuyau de 15 pieds au lieu d'un tuyau de 5 pieds parce qu'on pensait que dans cinq ans, il y aurait du monde qui s'en servirait.

Ce qui arriverait aujourd'hui, s'il fallait redevenir un secteur agricole, c'est que nous obligerions les citoyens d'aujourd'hui à payer deux fois plus de services qu'ils n'en ont réellement besoin. Lorsqu'on paie un tuyau de 15 pieds, c'est parce qu'on pense que dans dix ans il va y avoir un développement dans tel secteur et que ces gens vont tous le payer. C'est cela le problème. Ce qui est encore "protégeable", on est pleinement d'accord avec vous qu'il faut le protéger.

M. Garon: Oui. En parlant du tuyau, je pense qu'à certaines places il est tellement gros qu'il sort même de l'eau. C'est du tuyau d'épuration des eaux que vous parlez?

M. Paiement: II sort de l'eau?

M. Garon: C'est le tuyau des eaux usées.

M. Lavoie: L'égout pluvial, ce n'est pas de l'eau contaminée.

M. Garon: Non. Le tuyau est très grand, je me rappelle avoir vu des papiers là-dessus.

M. Paiement: Je pense, M. le ministre, que vous comprenez très bien qu'on ne peut pas avoir des autoroutes et des voies de services pour des tracteurs, et on ne peut pas donner des services urbains en milieu agricole. (21 h 15)

M. Garon: Si vous regardez le territoire, vous remarquerez qu'il y a de grands espaces que nous n avons pas retenus, là où il n'y a pas de maisons. On a gardé un caractère continu à ce qui était réservé. Si vous regardez, il y a des endroits où il y a des habitations. Vous avez de grands espaces où il n'y a pas de maisons, qu'on n'a pas retenus parce qu'on ne voulait pas garder de petites poches ici et là. Si vous y regardez de plus près, vous verrez qu'il y a un caractère complet de continuité.

Vous savez que l'acre à Laval, exactement à même les mêmes intrants, les mêmes dépenses pour I agriculteur, l'acre à Laval rapporte trois fois plus de produits qu une acre dans la région de Québec. C est seulement pour vous donner un exemple de ce que représente le sol de Laval en qualité de production. D'après les calculs faits par nos spécialistes au ministère, il y a un rendement trois fois supérieur comparativement à celui de la région de Québec, à cause des unités thermiques et de la qualité du sol.

Je ne voudrais pas trop m'avancer, mais je pense que c'est le fond de la mer Champlain... C est la qu il y a eu principalement des dépôts et la qualité du sol est extraordinaire.

Alors, ce qui a été réservé — encore une fois. je le dis — n'est pas dans ce périmètre, mais si vous regardez l'accroissement de la population de Laval au cours des dernières années et l'aire possible d'expansion, en plus, comme vous le disiez tantôt, de la possibilité de densification, vous avez du terrain, seulement dans le blanc qu'il y a là, sans compter que le brun peut être moins grand que cela, vous avez déjà pas mal d'espace pour les cinq prochaines années, sans problème. Quand vous parlez d'augmentation de la population...

M. Paiement: De 180 000 à 260 000, de 1965 à 1978.

M. Garon: Oui, en treize ans. Cela veut dire une augmentation de...

M. Paiement: Globalement, de 50%. Si on regade les analyses démographiques un peu partout au Quebec, c est certainement une des régions où la population augmente le plus...

M. Garon: Oui.

M. Paiement: ... et le plus rapidement.

M. Garon: Et où la ville est la moins dense aussi.

M. Paiement: En effet.

M. Garon: Je pense que c'est la ville la moins dense au Québec

M. Paiement: Oui.

M. Garon: C est plein d'espaces.

M. Paiement: Elle augmente en densité progressivement, mais il faut bien comprendre que nous sommes partis de 14 noyaux, de 14 villages qui eux aussi avaient besoin de services, d'égouts, d aqueduc et qu'il nous fallait quand même relier tout cela.

Alors, relier tout cela pour le rentabiliser, il fallait que, chemin faisant, il se fasse du développement parce que faire trois milles à travers des terres agricoles, quand on exige S1 les $100 d'évaluation et que c est évalué à S125 l'arpent, vous comprenez que ce sont encore les vieux résidents qui paient. Alors, c est un peu le phénomène qui est arrivé à Laval. Malgré cela, la ville a drôlement augmenté en densité depuis quatre ou cinq ans à cause de programmes de restrictions très sévères que nous avons imposés.

Nous avons développé un scénario de développement que les constructeurs connaissent, qui vise particulièrement le centre et à faire augmenter la densité de ce territoire. Lorsque nous parlons de cela, nous avons la même philosophie. On est d'accord, M. le ministre. La seule chose sur laquelle nous ne sommes pas d'accord, c'est sur la façon de procéder.

M. Garon: Même si on voulait négocier cela tous les deux...

M. Paiement: Peut-être qu'on s arrangerait bien tous les deux.

M. Garon: Je ne suis pas un spécialiste dans les cartes, mais je sais que dans votre espace, à un certain moment, quand j'ai regardé les cartes, pas longtemps avant le dépôt, j'ai vu cela et on m'avait même dit qu'il y avait un territoire qu'on pouvait vous laisser sans problème. C'était un champ d exercice de tir plein de bombes.

M. Paiement: II y a beaucoup de bombes à Laval. Elles éclatent de temps à autre.

M. Garon: Vous n avez pas un ancien camp militaire ou quelque chose comme cela?

M. Lavoie: II n'y a pas de camp militaire.

M. Paiement: Une carrière où même la police vient pratiquer le tir.

M. Garon: C'est moi qui me suis trompé. C'était sur une autre carte.

M. Lavoie: II n'y en a pas encore, du moins j'espère que le gouvernement n'en érigera pas un.

M. Garon: Un camp militaire un peu plus au nord.

M. Rancourt: Non, on fait de l'agriculture, on ne fait pas des...

Le Président (M. Boucher): M. le député de Laval.

M. Lavoie: J'aurais quelques questions à poser à nos témoins. Quel serait l'impact au point de vue fiscal si, dans l'espace — je ne sais pas si c'est vert ou brun — est-ce que vous avez une idée de l'évaluation, de la valeur réelle à votre rôle d'évaluation de ce territoire en comparaison avec une évaluation suivant une base d'usage agricole.

M. Paiement: Evidemment, cela ne peut être qu'hypothétique et on ne peut travailler qu'avec des hypothèses à ce stade-ci, parce que nous prenons évidemment pour acquis que cela ne peut pas rester comme cela. L'évidence ne se démontre pas, à un moment donné. Mais s'il fallait que le territoire actuel, tel que zoné, demeure agricole et que l'évaluation soit faite en fonction de l'article 21, je crois, de la loi sur l'évaluation foncière, nous subirions, de façon directe en manque à gagner sur la facture fiscale, environ $2 millions en pertes directes et, bien sûr il faudrait figurer à moyen et à plus long termes la perte indirecte engendrée par la construction qui ne se ferait pas et le développement qui ne se ferait pas. Mais en perte directe sur la facture fiscale — disons que cela arriverait demain matin — cela serait une perte d'environ $2 millions pour la ville de Laval.

M. Lavoie: Par année.

M. Paiement: Par année bien sûr.

M. Garon: Est-ce que vous me permettez?

M. Lavoie: Je ne vous ai pas interrompu, mais je vais vous le permettre.

M. Garon: Je ne veux pas vous interrompre, c'est pour cela que je vous disais: Permettez-vous? C'est parce que vous comptez que tout le brun serait taxé à $150 l'acre.

M. Paiement: Oui, avec des hypothèses.

M. Garon: Mais ce n'est pas cela qui arriverait.

M. Paiement: Je comprends, M. le ministre, mais je réponds à la question qui m'a été posée.

M. Lavoie: Qu'est-ce que vous prévoyez... — vous avez certainement pensé à votre service d'estimation, aux fonctionnaires que vous avez — est-ce que vous prévoyez que ces gens-là qui sont propriétaires dans la zone verte et qui sont des non-cultivateurs... Quelle va être leur réaction à partir du 1er janvier 1979, qui s'en vient, alors qu'ils seront toujours sous contrôle. Pour certains de ces propriétaires qui ont des évaluations actuellement de $3000, $4000, $5000, $7000, $10 000 l'arpent, à votre rôle, quelle va être leur réaction au 1er janvier? Ne croyez-vous pas qu'ils vont aller porter plainte pour se faire baisser, je ne sais pas à combien, à $500 ou $300 l'arpent, ou $700 l'arpent?

M. Paiement: On a déjà reçu un certain nombre d'avis à cet effet, c'est bien évident. L'individu qui a payé $10 000 l'arpent qui se retrouve en zone agricole et qui pensait construire l'an prochain ou dans deux ans, si on le taxe sur une évaluation de $10 000 l'arpent, il va la contester. Un mouvement est déjà commencé. Et je m'attends très bien qu'au moins la moitié sinon la totalité des propriétaires en zone verte, qui ne sont pas proprement des agriculteurs, vont tous contester. Et, si j'étais dans une zone comme celle-là, je serais le premier à contester. Je pense que le ministre Garon aussi. Pourquoi payer pour des choses que vous n'avez pas alors qu'on sait que, si cela restait agricole, une valeur hypothétique pourrait être de $1000 l'arpent. Alors, pourquoi payer pour des choses qu'on n'a pas.

M. Lavoie: Je connais personnellement, du moins de nom ou par les journaux, qu'il y a actuellement quatre ou cinq constructeurs importants à Laval actuellement qui ont des projets en pleine activité. A ce qu'on m'a dit, comme Campeau Construction, Albert Gagnon...

M. Paiement: Campeau, Denault, Gagnon.

M. Lavoie: Denault, BA Construction. D'après mes informations ces quatre ou cinq projets, et

chaque constructeur bâtit peut-être en moyenne 200 ou 300 maisons par année chacun, sont tous en zone verte actuellement, pratiquement.

M. Paiement: Ils sont, soit dans la zone verte ou en périphérie de la zone verte. Si on prend l'exemple de Gagnon — je ne veux pas faire de cas particulier — il peut construire, pour les six prochains mois, parce qu'il est dans la zone blanche. Il a acheté une terre au mois de juin 1978 qu'il a payée $10 000 l'arpent; c'est contigu, mais il est à la limite. L'an prochain, si ça devait rester zone verte, il devrait cesser de construire. C'est là que je veux essayer de démontrer l'urgence d'éliminer rapidement certaines zones vertes.

M. Lavoie: On m'a informé que vous aviez des difficultés, en ce sens que vous ne pouvez procéder à aucun lotissement dans tout le territoire de la ville, même dans les zones blanches, d'après l'interprétation de la loi.

M. Paiement: Je pense qu'on peut procéder aux lotissements, à moins qu'on interprète mal la loi...

M. Lavoie: Cela peut être douteux suivant l'article 33, à moins qu'on me dise qu'on peut envoyer un avis à une commission qui n'existe pas, à une commission qui n'est pas encore créée...

M. Paiement: Je ne suis pas tellement juriste; je peux peut-être demander au conseiller juridique de nous donner une interprétation là-dessus.

M. Allaire: Enfin, je ne veux pas entrer dans les détails, mais, d'après les informations reçues, actuellement, tout est bloqué au point de vue de l'approbation par le ministre des Terres et Forêts. Peut-être que le ministre pourrait nous dire ce qui en est. Ce sont les seules informations que nous avons reçues. On nous a dit qu'on attendait des instructions plus précises.

M. Garon: On les a eues et ce n'est pas bloqué actuellement. Cela fait au moins deux semaines, cela a été immédiatement réglé lors d'une rencontre.

M. Lavoie: De quelle manière cela a-t-il été réglé?

M. Giasson: ... avis adressé au ministère de l'Agriculture au nom de la commission de contrôle.

M. Lavoie: M. le Président, je connais bien Laval, ma famille est dans cette région depuis le régime français. Je pense que j'ai des racines assez profondes dans le sol lavallois. C'est vrai qu'on a dit dans le passé que l'île Jésus était le jardin du Québec. J'en doute malheureusement aujourd'hui, parce que... peut-être, mais il faudrait nécessairement... A propos du développement urbain, Paris s est développé, New York s est développé, Chicago s est développé, Toronto s'est développé. Ecoutez, il faudrait bien que le développement de Montréal parte de la place d'Armes, de l'Eglise Notre-Dame et du port de Montréal.

Je me souviens il n'y a pas tellement longtemps, que ville Saint-Laurent, Saint-Léonard-de-Port-Maurice, Côte-des-Neiges, c'était le vrai jardin de Montréal, de même que Côte Vertu, Bois Francs. Dans l'urbanisation, il faut qu'il y ait une espèce de discernement.

Aujourd'hui, je vois au moins une vocation mixte à Laval. C'est sûr qu'elle a une vocation urbaine, industrielle, économique de par sa position géographique entre Montréal et Mirabel, avec ses réseaux routiers. C'est une plaque tournante.

Je félicite les autorités municipales de vouloir protéger environ 20 000 arpents. Je pense que votre plan directeur les protégeait en tant que zone RX pour des années à venir. Selon votre planification, il n'y avait pas de service d'égouts, d'aqueduc disponibles. Votre programme de développement de la construction était connu depuis déjà plusieurs années.

Je veux faire une remarque. Le ministre dit: II y a 6000 à 10 000 acres, à Montréal, qu'on pourrait épargner. Je sais où; j'imagine que c est dans Senneville, Sainte-Anne-de-Bellevue, Beacons-field, ces coins-là, Saint-Laurent, Baie D'Urfé. Je vous ferai remarquer que le coeur de Laval est plus près du coeur de Montréal que Senneville, Sainte-Anne-de-Bellevue et Beaconsfield, au point de vue de la communauté métropolitaine de Montréal. Le coeur de Laval est plus près du coeur de Montreal que ces municipalités qui sont à l'extrême partie ouest de l'île de Montréal. (21 h 30)

Je suis bien d'accord avec le maire sur le statut particulier de Laval, celui de deuxième ville au Québec. On le reconnaît dans pratiquement tous les cas, notamment dans les subventions aux municipalités au-delà de 100 000 âmes. Il y a une catégorie. Je pense qu'il y a Longueuil qui entre dans ce club maintenant. Mais il n'y en avait que trois lorsque cette loi a été adoptée.

Un autre statut particulier qu'on reconnaît, cette fois uniquement à Montréal et à Québec, c'est dans le partage que le ministre du Revenu fait d'une certaine partie de la taxe des repas et des chambres d'hôtel. Uniquement ces trois villes ont le droit à une quote-part de cette taxe. C'est un statut particulier qui est reconnu pour les trois plus grandes villes du Québec, soit Montréal, la métropole, Québec, la capitale provinciale et Laval, deuxième ville en importance.

Ce qui me surprend et ce qui me renverse, M. le ministre, c'est que Laval avait déjà préparé un plan de zonage agricole l'année dernière, confidentiel, mais à ce qu'on me dit — je l'apprends ce soir — qui aurait été remis au ministre délégué à I'Energie, M. Joron, pour qu'on vous le remette. Je regrette l'absence de M. Joron ici, ce soir, ainsi que celle de M. Landry, ministre d'Etat au développement économique, parce qu'il y a des fortes implications économiques dans cela, énormes:

question de création d'emplois, question de l'industrie de la construction et tout.

Cela m'étonne que par un décret, par un diktat, ce plan de la ville de Laval, qui a été fait par les gens du milieu, n'ait pas été respecté et que vous ayez préféré prendre le plan qui a été fait à Québec, ici. Je connais assez bien Laval. Vous avez laissé en zone blanche, les franges urbaines — que vous appelez — le long de la rivière des Mille-Iles, en haut. C'est du terrain que vous ne pouvez pas destiner à une vocation résidentielle parce que ce sont des terrains, la plupart dans les bas-fonds, sujets aux inondations et que la ville n'entend développer d'aucune façon. Et il n'y a pas de possibilité. La ville n'est pas intéressée à amener l'égout là. Ce sont des cas-problèmes. C'est pour cela que la ville a une politique de protection des berges. Ce que vous avez laissé en blanc n'est pas développable. C'est tellement à l'envers, ce plan, qu'à certains moments, on se demande si ce qui est en vert n'aurait pas dû rester en blanc et vice versa. C'est justement ce défaut de consultation qui est une accusation qu'on doit vous porter.

Vous avez dit que Laval sera considéré en premier lieu, dès le mois de janvier. Il faut quand même être réalistes, M. le Président. Ces commissaires, même si vous les nommez entre Noël et le Jour de l'An, il va falloir qu'ils se trouvent des bureaux quelque part, qu'ils nomment un secrétaire, qu'ils se trouvent du personnel, qu'ils se fassent imprimer des formulaires. Et il va y en avoir beaucoup de formulaires. Ne me faites pas rire lorsque vous me dites qu'ils peuvent se mettre en marche au mois de janvier. Je connais la vitesse de l'Etat, en général. Quand cela se met en marche, cela prend quelques mois.

L'autre soir, vous avez reconnu que la région de Saint-Eustache, où il y avait 32 municipalités, où il y avait un plan d'aménagement avec des zones agricoles, un plan qui a été fait par le milieu consulté et tout, qu'elle serait prioritaire, elle aussi.

Hier, la CRO, la région de l'Outaouais, huit municipalités, cela a coûté $2 millions pour faire un schéma avec l'argent d'Ottawa, l'argent de Québec. Vous n'avez pas pris en considération, d'aucune façon, le plan d'aménagement fait par la Communauté régionale de l'Outaouais. Vous leur avez dit: Cela va aller vite. Vous autres aussi, vous allez passer parmi les premiers.

On a eu un individu hier, un monsieur Char-trand, je crois, qui a des lotissements à La Plaine et à Saint-Lin, des cas patents. Cela ne devrait pas être dans la région verte. Vous avez dit: Oui, la commission va se pencher sur votre cas en toute priorité, dès sa création.

Il va y en avoir des priorités, M. le ministre, et vos 50 ou 60 députés péquistes... Il va y avoir des problèmes partout, à Saint-Hubert, à Saint-Jean, à Saint-Hyacinthe, partout à travers le Québec. Je sais bien qu'il va y avoir des pressions de la part des députés du Parti québécois pour dire: Cela presse dans notre région. Je vous dis qu'il va y avoir... C'est l'application de la loi. Il faut quand même être réalistes.

Je ne voudrais pas aller dans les détails; il y a tellement d'implications dans cela. Le député d'Arthabaska... Il en a déjà des cas prioritaires à vous soumettre.

M. Baril: A vous entendre, vous me découragez quasiment. Je vais peut-être laisser tomber cela.

M. Lavoie: II commence à être jaloux. Il dit: Si le député de Laval passe avant nous, vous allez avoir un problème à votre caucus.

M. Garon: ... On a commencé dans la partie est...

M. Lavoie: Une autre chose, ce sont les implications. On a eu...

M. Garon: C'est évident que je dis cela — pour le journal des Débats — en blague.

M. Lavoie: Mais vous ne le ferez pas effacer quand même du journal des Débats?

M. Garon: Non, je veux vous agacer un peu.

M. Lavoie: La population est assez agacée dans le moment, ne faites pas d'effort...

M. Garon: ... le député en plus.

M. Lavoie: M. le Président, il y a les implications juridiques justement que la Chambre des notaires nous a soulevées hier qui vont affecter plusieurs constructeurs et plusieurs transactions. On sait que ce plan-là est inscrit au Bureau d'enregistrement comme une servitude réelle, que les notaires ne savent plus comment agir. On se pose des questions à savoir si certains constructeurs n'auront pas des...

J'en connais un, entre autres, M. Denault, qui a une centaine de maisons de vendues depuis trois ou quatre mois, des maisons modèles. C'est un constructeur qui bâtit à Laval depuis 25 ans et qui s'est engagé par des contrats à livrer une centaine de maisons pour le printemps, parce qu'il y a deux récoltes, comme le maire le dit, une récolte au printemps pour les ventes de maisons et une récolte l'automne. Ce monsieur a bâti, près du boulevard Labelle, 200 ou 300 maisons qui sont terminées, qui sont vendues, de magnifiques maisons — sans lui faire de publicité. Ces maisons sont dans la zone verte. Ce n'est pas trop grave, il a un droit acquis. D'accord.

Mais il arrive que son développement naturel, selon le plan directeur de la ville, est juste en arrière. Il tombe dans la zone verte, je vais vous le montrer, dans la cour en arrière.

M. Giasson: Dans quel comté?

M. Lavoie: C'est dans mon comté. Il y a trois comtés dans Laval. Ce monsieur-là est en négociation avec le service d'urbanisme de la ville de Laval qui a beaucoup de rigueur. Je le dis ici au

mérite de l'administration de la ville, parce qu'avant de faire accepter un plan de subdivision et de lotissement à Laval, cela prend des mois; les gens sont très sévères.

M. Garon: Des mois? A Laval?

M. Lavoie: Oui, pour la planification, mais on n'enlève le droit de propriété à personne, par exemple. Ce M. Denault qui s'est engagé à livrer cent maisons qu'il doit bâtir cet hiver a été en négociation avec la ville de Laval depuis quatre ou cinq mois pour le lotissement, en arrière, le développement naturel. La ville est à bâtir un collecteur actuellement à cet endroit. La ville de Laval est en frais, d'après ce qu'un échevin m'a dit, d'adopter les règlements d'aqueduc et d'é-gouts maintenant que la planification est acceptée, mais cela vient de finir. Tout est bloqué. Il n'y a plus de lotissement. Il n'y a plus d'aqueduc et d'égouts. Vous allez me dire: La commission va dans quelque temps régler cela, mais le type ne peut plus livrer ses maisons. C'est autant de travailleurs de la construction qui ne pourront plus travailler, cet hiver. Si vous attendez votre... Je sais que cela va éventuellement sortir, disons dans un an, dans six mois ou sept mois, mais vous allez avoir une année de perdue au point de vue chômage, économie de la construction et tout.

Je vous dis que... Les terrains appartiennent à Denault construction. Il bâtit cent maisons et elles sont vendues, mais il ne pourra pas les livrer. Les quatre constructeurs dont je vous parle, Campeau, à Sainte-Rose, 500 maisons de bâties, elles sont toutes dans l'espace vert. B.A. Construction, à Fabreville, qui bâtit depuis 25 ans et qui a un projet entièrement dans l'espace vert. Gagnon, près de la Cité de la santé, le nouvel hôpital, est sur la bordure. Il y a du vert et du blanc. Denault est dans le vert. Tous les gros projets, les gros agents économiques, sont tous paralysés actuellement. C'est grave, M. le ministre.

M. Garon: Vous êtes en train de nous prouver qu'il était temps qu'on protège les terres.

M. Lavoie: Vous ne pouvez même pas les protéger celles-là, les égouts sont là, l'aqueduc est là. Il y a des collecteurs. Il y a un collecteur de $22 millions qui a été bâti. Il y a 19 pieds de diamètre en fer à cheval coulé sur place. Qui va payer ces 19 pieds si la région reste agricole, à $125 l'arpent et à $1 les $100 d'évaluation?

M. Garon: Pour ce qui est des égouts et des aqueducs, il y a un droit acquis.

M. Lavoie: Mais cela va prendre un an ou deux avant qu'ils ne sortent.

M. Garon: Ils peuvent sortir immédiatement. Non, ils peuvent sortir...

Une Voix: Prioritaire.

M. Lavoie: M. le ministre, vous voyez à quoi je veux en venir. La ville est prête à protéger d'une manière stricte et sévère, dans trois mois, d'implanter elle-même, avec votre collaboration, M. le ministre, et suivant les exigences de votre ministère, sont prêts à protéger immédiatement, mais avec la même protection que vous voulez avoir dans votre loi, mais sur 20 000 acres de leur choix, qui connaissent leur milieu.

Pourquoi n'acceptez-vous pas cette proposition? Pourquoi avez-vous mis dans la loi l'article 37, qui vous permet d'amender le plan avant la troisième lecture? Autrement, on va l'enlever l'article 37. Une fois que la troisième lecture va être passée, la semaine prochaine, on n'aura plus besoin de l'article 3. C'est un article qui a été mis pour un dégel provisoire avant la troisième lecture.

M. Garon: Les entrepreneurs sont venus nous voir cette semaine. Ils nous ont bien dit que le problème était réglé, qu'ils s'étaient engagés un an d'avance et que s'il n'y avait pas de discussion d'ici à un an, cela leur créerait des problèmes. Actuellement, il n'y en a pas. On les a rencontrés et on a établi les règles concernant les droits acquis. Ils nous ont dit cela en commission cette semaine.

M. Lavoie: Ils vous ont proposé un amendement.

M. Garon: Ah oui!

M. Lavoie: Allez-vous accepter cet amendement?

M. Garon: Oui, mais plus tard. Ils nous ont bien dit que 40% de leurs gens travaillaient seulement sur des terrains viabilisés. Ils nous ont bien dit qu'en ce qui concernait la construction cet hiver, le problème était réglé, qu'il n'y avait pas de problème, et que c'était pour l'année suivante qu'ils nous en parlaient. Il y avait possibilité de discuter, entre-temps, de ces problèmes pour les régler.

M. Lavoie: Ecoutez, je n'éterniserai pas le débat, M. le ministre, mais je vous conseille fortement de vous servir de l'article 37 qui est prévu au projet de loi. Je ne vous demande pas d'exclure le territoire de Laval, mais vous devriez prendre les 20 000 arpents que la ville vous propose, après des études approfondies du sol et tout, suivant les infrastructures de la ville, suivant la planification de la ville. Enlevez votre vert et mettez le leur. On règle le problème.

Une Voix: Vous ne mettez pas...

Le Président (M. Boucher): M. le député de Huntingdon.

M. Dubois: Si j'y allais d'intérêts personnels, je pense que j'appuierais le ministre dans son gel

intégral. Cela n'arrive pas souvent que je dis cela au ministre, mais je trouve...

M. Garon: II doit y avoir un "mais"!

M. Dubois: Je trouve vraiment aberrant que le ministre n'ait pas consulté Laval, deuxième ville du Québec, avant d'appliquer le gel. Franchement, je ne l'accepte pas. Je pense que c'est un manque de conscience flagrant de la part du ministre. De toute façon, ce n'est pas la première fois que cela arrive. Des fois, il est gentil, et d'autres fois il ne l'est pas. Alors, des fois, je suis gentil et d'autres fois je ne le suis pas. C'est ainsi que cela fonctionne.

J'ai entendu plusieurs remarques de la part du ministre. Il dit souvent aux groupes qui présentent un mémoire très important que leur cas sera prioritaire. Je sais bien que la commission n'est pas formée. Le projet de loi ne sera probablement pas sanctionné avant le 22 au matin, parce que je pense bien qu'on va finir vers 5 heures du matin.

M. Lavoie: Non, on n'a pas le droit de dépasser minuit, le 21 au soir, en vertu du règlement.

M. Dubois: D'accord. De toute façon, dans la période entre Noël et le Jour de l'An, on ne peut pas dire qu'une commission pourra siéger, ou à peu près pas. Avant que la commission ne soit habilitée et que le rouage ne soit en marche, j'ai bien peur que cela aille vers le 15 janvier avant qu'on puisse considérer un premier cas sérieux — je parle de cas d'importance — du genre de celui de Laval. Je ne pense pas qu'un cas aussi sérieux puisse être analysé en une heure, quinze minutes, une journée ou deux.

Il faut quand même que cette commission aille sur place et puisse juger de la valeur de votre plan face à celui qui est proposé ici. Etant donné que le ministre a indiqué à plusieurs groupes... cela fait quand même plusieurs fois que je l'entends dire: C'est très sérieux, votre cas sera pris en considération un des premiers, je me demande où vous allez vous situer. Si on prend le cas de Laval en premier... si j'étais aux prises avec un problème personnel qui pouvait me mettre en difficulté financière ou en faillite, je dirais que mon cas est aussi important que celui de Laval.

Je pense que tous les cas au Québec, dans les 614 municipalités qui sont gelées, ont leur importance. Que ce soit un cas personnel ou un cas collectif, je pense que tous les cas ont une importance au niveau individuel.

Quand on pense qu'il y a une seule commission au Québec qui décidera d'un changement possible de l'aire retenue, c'est là que je me dis qu'on manque de réalisme quelque part. C'est pour cette raison que j'ai suggéré au ministre, maintes et maintes fois, qu'il y ait au moins douze commissions, une dans chacune des régions agricoles au Québec, parce qu'il va y avoir trop de demandes et trop de cas importants à juger. Je ne pense pas qu'on puisse y aller en "broche à foin", tel que le projet de loi 90 qui a peut-être été conçu trop rapidement; j'ai l'impression qu'au moment de sa présentation, on n'en a pas évalué toutes les répercussions. (21 h 45)

De toute façon, je vous souhaite bonne chance; je souhaite que votre cas soit évalué le 1er janvier parce que je pense qu'il faudra faire travailler les fonctionnaires au Jour de l'An.

Je ne sais pas si vous avez une indication quelconque des effets économiques. Disons que cela prendrait, par exemple, deux mois avant que le territoire soit dégelé, pour que vous puissiez en arriver à une entente avec le ministère, quel effet économique cela pourrait-il avoir sur votre territoire?

M. Paiement: Au départ, cela aurait un effet direct au niveau de la taxation — je l'ai mentionné tout à l'heure — environ $2 millions de manque à gagner. Egalement, si cela devait dépasser quelques mois, tous les projets planifiés des constructeurs pour une période avancée de l'année se verraient drôlement compromis. A ce niveau, si on parle de construction de 5000 logements par année à Laval — prenez comme hypothèse de travail au moins la moitié: 2500 constructions — qu'est-ce que cela signifie en termes d'employés: le plombier, l'électricien, le restaurant, la taverne, enfin, tout. Je pense qu'il faut partir de cette base. Qu'est-ce que la construction de 2500 logements, dans un secteur très particulier, très régionalisé qui s'appelle l'île Jésus ou, peut avoir comme impact sur l'économie locale et, partant de là, sur l'économie de toute la région métropolitaine?

Je pense qu'il y a des effets directs et des effets indirects importants. Nous pensons sans prétention que Laval, par son activité économique, par son contexte, est un partenaire économique extrêmement important au Québec. Si Laval est un partenaire agricole, je le veux bien, mais nous avons un apport qui dépasse largement cette dimension tout en ne minimisant pas l'importance de protéger les sols agricoles.

Il y a donc un impact direct et, partant de là, un impact négatif parce que le fardeau ou les entrées d'argent qui n'arrivent pas retombent forcément sur les autres contribuables qui devront absorber cette perte. Cela fait donc des contribuables qui, non seulement ne sont pas plus riches, mais eux aussi sont plus pauvres. En plus de la perte directe et du manque de construction, vous vous retrouvez avec des contribuables qui ont un pouvoir d'achat plus petit. Je pense qu'il faut mesurer cela.

M. Dubois: Ne croyez-vous pas que le rôle des élus du peuple de Laval est quand même assez restreint au niveau de l'application de ce projet de loi? Etant donné que, suite à l'entente qui existera entre la commission et votre ville,...

Une Voix: II n'y en a pas eu.

M. Dubois: J'imagine que c'est assez difficile de tout prévoir, quand vous en arrivez à une entente, ce qui va arriver dans un mois, deux mois, six mois ou un an. A ce moment-là, vous aurez à transiger chaque fois avec une commission à Québec.

Même si vous avez un schéma d'aménagement qui existe chez vous, vous n'aurez plus le choix; c'est Québec qui décidera pour vous et le rôle de I'élu du peuple, du conseil municipal de Laval, ne sera pas tellement grand. Je l'appelle porteur de document parce que, finalement, vous allez avoir un contracteur, vous allez avoir un résident qui va formuler des plaintes à l'hôtel de ville et tout ce que vous allez faire sera de formuler les mêmes plaintes à la commission. A ce moment-là, je me dis que le rôle des élus du peuple est assez restreint ou pratiquement nul. Je ne sais pas si vous avez un commentaire à faire au niveau du rôle que vous jouez, comme conseil municipal, dans l'application de cette loi.

M. Paiement: M. le Président, je ne veux pas procéder par parallèle mais toute relation entre différents gouvernements de différents niveaux entraîne un certain nombre de problèmes de cette nature. Nous prétendons que personne n'est mieux habilité que nous à Laval, sur le plan des ressources humaines, sur le plan technique, sur le plan connaissance du milieu, pour décider de I orientation de ce milieu tout en ayant une préoccupation plus large, une préoccupation d'ordre national.

Nous sommes bien conscients d'être partie du Québec et nous n'avons pas l'intention d'en être exclus non plus. On ne déménagera pas en Ontario. C'est clair et nous voulons participer au Québec, mais nous pensons que personne n'est plus habilité que Laval pour voir à l'aménagement de son territoie et personne ne peut mieux prendre le pouls de cette population qui est drôlement impliquée dans ce territoire parce qu'elle a déjà payé très cher pour essayer de s'en sortir et on a à Laval un problème particulier. On a payé cher pendant dix ans pour mettre tout cela en place.

On parle d'aménagement du territoire. On ne parle pas que de zonage. On parle de milieu social, de milieu communautaire, de milieu culturel, de démographie et de toute la dimension de l'homme en soi. Je pense que cela compte dans une planification. On ne me fera jamais croire que c'est un fonctionnaire de Québec qui va vraiment transposer dans les faits une réalité aussi locale et aussi vécue que nous avons chez nous à Laval.

Pour moi. c'est une aberration. Ce qui arrive dans le moment, c'est un corollaire qui procède d'une orientation et d'une philosophie centralisatrice que nous ne pouvons pas accepter parce qu'au fond, ce n'est pas cela qu'on nous a dit. Ce n'est pas là-dessus que nous nous sommes prononcés. Ce n'est pas l'engagement du gouvernement et la décentralisation est totalement opposée à l'orientation très autonomiste de Laval.

Or. comment voulez-vous que je vienne vous dire que je suis d'accord? Je vous dis que je suis d accord qu'il faut protéger les gens du Québec. Il faut que les gens du Québec mangent et il faut penser que dans vingt ans, ils vont continuer à manger. Je ne peux être contre cela. Je veux aller au ciel moi aussi. Mais c'est beaucoup plus que cela le problème de Laval. C'est un problème de milieu.

On va nier les efforts, les énergies dépensées dans ce milieu par une population qui est une des plus jeunes du Québec, qui a le goût et qui veut bâtir une ville. On lui dit maintenant: Ne t'occupe plus de rien. On s'en occupe pour toi. C'est une espèce de paternalisme qu'on a bien de la misère à avaler.

M. Dubois: Seulement une dernière remarque. Je connais personnellement la très grande majorité des producteurs maraîchers de votre région et d ailleurs, ceux qui ont vendu leur ferme, en majorité sont venus s'installer dans le comté de Huntingdon. Disons qu'on leur souhaite quand même la bienvenue là-bas, mais je peux vous assurer que j'ai eu une foule d'appels téléphoniques de producteurs maraîchers de la région de Laval qui étaient très inquiets, ceux surtout qui sont situés près des développements domiciliaires.

Je pense que mardi, comme premier intervenant ici. ce sera l'Association des jardiniers maraîchers du Québec dont le président est un résident de Sainte-Dorothée, anciennement de l'île-Jésus. Nous aurons à entendre son mémoire et je pense qu à ce moment, nous aurons quand même des remarques assez intéressantes des jardiniers maraîchers qui demeurent près des aires développées de Laval.

Je vous remercie, M. le maire.

M. Roy: M. le Président...

M. Dubois: J'ai terminé.

M. Roy: Le président est occupé!

Le Président (M. Boucher): M. le député de Beauce-Sud.

M. Roy: Merci, M. le Président. Je veux d'abord remercier les gens de Laval qui se sont donné la peine de nous préparer un excellent mémoire, de venir en commission parlementaire et d y montrer beaucoup de patience.

Vous nous avez dit tout à l'heure que vous aviez préparé un plan d'aménagement — d'ailleurs, vous avez les documents que vous nous avez montrés — et ce plan d'aménagement est le résultat, le fruit, de dix années d'étude. Vous est-il possible de nous donner une idée de ce que cela a coûté? Combien a coûté ce plan directeur, ce plan d'aménagement?

M. Paiement: Ces plans.

M. Roy: Oui, j'aurais pu dire ces plans.

M. Paiement: Je pense qu'il faudrait que j'avance un chiffre et je serai très conservateur — sans rapprochement...

M. Garon: II y en a plusieurs qui deviennent conservateurs ces jours-ci, apparemment.

M. Paiement: Je pense qu'on peut facilement parler d'environ $20 millions pour tous les plans et études qui ont été mis de l'avant. Qu'on pense actuellement au L 2000 de la ville de Laval. Cela a pris cinq ans, cela a pris un personnel extrêmement important au niveau du service d'urbanisme de Laval pour travailler constamment à l'élaboration de ce plan dans ses moindres détails. Alors, on peut parler de plusieurs millions de dollars, certainement de plus de $10 millions.

M. Roy: Plus de $10 millions, mais vous avez également avancé, si j'ai bien compris, le chiffre de $20 millions. Cela pourrait aller jusqu'à $20 millions, ce qui est une somme, il faut l'admettre, considérable. Vous aviez été informé, évidemment, comme tout le monde, de l'intention du gouvernement, et d'ailleurs on en parlait depuis un bon bout de temps, de préparer un projet de loi en vue de protéger les terres agricoles du Québec. J'aimerais savoir si quelqu'un du gouvernement, des autorités gouvernementales ou du ministère de l'Agriculture est entré en contact avec vous, ou avec d'autres membres du conseil municipal, ou avec le greffier de votre ville avant de déposer le plan de procéder au gel des terres. Est-ce que le ministère a communiqué avec votre ville à ce sujet-là?

M. Paiement: Oui, en effet, exclusion faite des membres du ministère de l'Agriculture ou des autres organismes qui s'intéressent à cette question-là... Lorsque les journaux ont rapporté que le ministre Garon faisait une tournée dans les différentes zones agricoles et que Laval n'était pas sur l'itinéraire, j'ai tenté d'appeler le ministère pour demander qu'on vienne nous rencontrer à Laval, étant donné qu'on passait. Je me suis dit qu'en passant on pourrait se saluer. A ce moment-là, on m'a répondu: On va à Montréal. J'ai alors répondu au secrétaire ou au chef de cabinet du ministre que nous étions une région en soi et que nous étions à Laval. Je me sentais très mal à l'aise d'aller défendre les Lavallois à Montréal. D'autre part, on m'a dit: Après Montréal, on va à Joliette. Je me sentais également très mal à l'aise d'aller à Joliette défendre les Lavallois. C'est le contact que j'ai eu avec le ministère.

M. Roy: Quant au contact, ce n'est pas le ministère qui a communiqué avec vous, c'est vous qui avez communiqué avec le ministère.

M. Paiement: Ecoutez, je ne veux pas qu'on procède à une enquête.

M. Roy: Je ne veux pas faire une enquête moi non plus.

M. Paiement: Je veux vous donner l'heure juste, M. le député. J'ai communiqué avec le ministère quand j'ai vu qu'on n'arrêtait pas chez nous. Je trouvais cela important qu'on arrête à Laval parce que nous étions conscients qu'il y avait de bonnes terres à Laval, nous étions conscients que les Lavallois pensent qu'ils constituent une entité physique, sociale, économique et communautaire importante et nous pensions que c'était important d'arrêter dans la deuxième ville du Québec. Je comprends ajourd'hui que c'était très important d'arrêter dans la deuxième ville du Québec.

M. Roy: Si je vous ai posé ces questions, ce n'est pas pour faire une enquête ou mettre qui que ce soit à la gêne. Mais il est bien important pour nous de savoir ici à cette commission parlementaire de quelle façon le plan a été préparé et quels sont les contacts, les communications qu'il y a eu avec les intéressés avant de procéder au gel des terres. C'est entendu que le gouvernement ne pouvait pas procéder au gel des terres et l'annoncer en donnant un avis de quelques jours, voire de quelques semaines. C'était impensable. Mais quand même, dans la confection des plans, dans la préparation des plans et dans la délimitation du territoire, ce qu'on appelle la zone verte ici, je pense qu'il est important pour la commission — en tout cas cela m'intéresse énormément — de savoir quels ont été les communications, les échanges qui ont eu lieu avec les autorités des villes, surtout avec la deuxième ville du Québec.

Vous avez parlé dans votre mémoire, à la page 5, de la croissance démographique de votre ville depuis treize ans, à savoir qu'il y a eu une augmentation de la population de près de 50%, c'est-à-dire qu'elle est passée de 180 000 à 260 000. Quelle est l'estimation? Est-ce que vous avez une idée des prévisions de développement sur le plan démographique pour les cinq ou dix prochaines années?

M. Paiement: Oui, compte tenu de la région métropolitaine. On sait que Montréal, sur le plan de la population, est en baisse et qu'il y a moins de monde aujourd'hui dans la ville de Montréal, même, qu'il y en avait il y a dix ou quinze ans. Compte tenu de la démographie générale au Québec, Laval — on pense — connaîtra, dans les cinq prochaines années, un taux de croissance qui variera entre 1,5% et 2%. (22 heures)

M. Roy: Par année?

M. Paiement: Par année, oui. Au départ, si on remonte quelques années en arrière, on pouvait parler d'un taux de croissance qui était près de 10%. Mais bien sûr, avec 260 000 et 300 000, en pourcentage, cela augmente moins rapidement. Mais en chiffres absolus, ça augmente plus rapidement.

M. Roy: En somme, il est possible de prévoir 350 000 personnes dans votre ville, en 1990, dans onze ans?

M. Paiement: Je pense avant ça. Evidemment, compte tenu de l'économie, compte tenu de tout ce qui peut se passer au niveau économique — je pense que c'est un facteur extrêmement important — ce n'est certainement pas illusoire de penser à 350 000 personnes.

M. Roy: Une autre question relativement aux différences qui semblent exister entre le plan de la ville et le plan préparé par le ministère concernant la zone agricole. Dans le plan que vous avez préparé dans votre schéma, est-ce que vous êtes en mesure de me dire, sur le nombre d'acres de terres agricoles auxquelles vous avez fait la référence tout à l'heure — vous avez parlé d'une vingtaine de mille acres environ — combien d'acres sont actuellement en culture? Est-ce que vous possédez des statistiques de ce côté? Et combien d'acres seraient en friche ou non cultivées, sur les 20 000 auxquelles vous avez fait référence tout à l'heure?

M. Paiement: On peut parler, en termes d'arpents — ça peut être transposé en acres — de 10 000 à 11 000 arpents qui sont cultivés ou tout au moins cultivables et considérés comme tels, en vertu de l'article 21 de la Loi sur l'évaluation foncière.

M. Roy: II y a sûrement des terres qui ont été achetées pour fins de lotissement et qui ne sont pas cultivées, qui sont en attente, qu'on appelle des terres en friche ou des terres abandonnées, au plan agricole, est-ce que vous pouvez me donner une idée du nombre d'acres ou du nombre d'arpents qui pourraient être classés de cette façon?

M. Paiement: Dans le moment, on peut certainement parler de 25 000 arpents de terre qui ne sont pas cultivés et un des problèmes à Laval, ce n'est pas que nous défendons de les cultiver, ce n'est pas qu'il y a des contraintes à la culture, c'est qu'il n'y a pas de main-d'oeuvre qui veut les cultiver. C'est un problème qu'on a chez nous. Qu'est-ce que vous voulez; la relève ne se fait pas. Les fils de cultivateurs qui ont vieilli ne veulent pas cultiver la terre. Evidemment, le maire de Laval ne peut pas refaire l'éducation de la popualtion et c'est un problème important; on a une très large part des sols qui sont cultivables, qui pourraient être cultivés et qui ne le sont pas, parce qu'il n'y a pas de main-d'oeuvre. Maintenant, on peut toujours se dire: pourquoi n'y a-t-il pas de main-d'oeuvre? Peut-être parce que ce n'est pas assez rentable de cultiver la terre; il y a peut-être d'autres facteurs — je ne veux pas entrer dans cette discussion — mais c'est une constatation qu'on se doit de faire chez nous, à Laval.

M. Roy: J'espère que M. le ministre a pris bonne note des statistiques qui viennent de nous êtres fournies, des chiffres qui nous sont fournis, puisque le ministre parlait tout à l'heure, là-dessus — nous sommes d'accord avec lui — que quand on connaît la région métropolitaine et le territoire de la région et de la ville de Laval, on sait très bien que la terre agricole qui se trouve sur cette île constitue une des terres les plus riches du Québec.

Mais lorsque, à une commission parlementaire, nous apprenons qu'il y a 25 000 acres qui ne sont pas cultivées, 25 000 acres de belle terre qui ne sont pas cultivées, parce qu'il n'y a personne qui semble intéressé à les cultiver, je pense qu'on peut se poser de sérieuses questions. C'est ce qui me fait dire que ce n'est pas tout de geler des terres agricoles, de geler des terres arables. Il faudra avoir des programmes pour la mise en valeur de ces terres. Il faudra avoir des marchés pour les produits qu'on est en mesure de fournir.

Cela me ramène un peu à mon intervention de deuxième lecture, lorsque j'ai dit qu'il n'y avait quand même pas pénurie de terres arables au Québec actuellement.

M. le maire, vous avez, dans vos remarques, insisté énormément sur l'autonomie des villes. Je ne poserai pas de questions là-dessus, mais je tiens à faire un court commentaire. Il est évident que les fonctionnaires gouvernementaux auront des pouvoirs extraordinaires, je dirais même abusifs, et ces pouvoirs ne pourront pas être contestés puisqu'il n'y aura aucun droit d'appel. Je pense que les villes du Québec ont raison de dire qu actuellement l'autonomie des villes est mise en cause. On parle de décentralisation. J'ai hâte de connaître la réponse du ministre. J espère qu'il nous fera connaître ses intentions avant la fin des travaux de la commission parlementaire, à savoir s'il accepte les demandes qui ont été faites et répétées par de nombreux organismes et qui sont répétées quotidiennement par tous les membres de l'Opposition qui font partie de la commission parlementaire sur la nécessité de décentraliser I application de la loi et de ne pas laisser autant de pouvoirs à un organisme composé de sept membres, dont un président, deux vice-présidents nommés par le gouvernement pour une période d'au plus cinq ans.

Je rappelle au ministre les propos qu'il a tenus tout à l'heure lorsqu'il a dit que cela pourrait être discuté en priorité en janvier: Dans l'article 4, au dernier paragraphe, on dit ceci: "Le président et les deux vice-présidents de la commission exercent leur fonction à temps plein."

Ce ne sont pas le président et les deux vice-présidents qui vont trancher les questions. Il ne faudrait quand même pas s illusionner. Il ne faudrait quand même pas faire croire à la population que dès le mois de janvier, on sera en mesure de commencer à régler des cas. Ces gens sont là pour mettre des structures en place et voir à l'engagement du personnel requis. Ce sont des points sur lesquels j'ai hâte que nous ayons plus de précision, en ce qui me concerne.

Je ne veux pas faire plus de commentaires. J'en aurais bien d'autres à faire, mais je veux quand même vous remercier, M. le maire, de vous être prêté de bonne grâce aux questions que je vous ai posées et de vous être prêté à l'attention des membres de la commission.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le député de Beauce-Sud. M. le député de Berthier, rapidement.

M. Mercier: En tant qu'ancien résident de Montréal, de l'île Jésus, cela me rappelle beaucoup de choses. Je me rappelle la vocation touristique des chalets de Sainte-Rose, de Laval-des-Rapides, des débuts de la construction domiciliaire de Pont-Viau, de Duvernay, des plages dans le secteur de Bois-des-Filions. Bref, c'est un secteur qui a changé rapidement. Je pense que cette intégration des 14 municipalités qui a été faite au moment où se manifestait l'urbanisation et le développement un peu anarchiques de ce secteur, de l'ensemble de l'île, a eu des conséquences désastreuses sur votre urbanisation. Je pense que, n'eût été le coût énorme des services que vous avez eu à assumer, sans doute n'y aurait-il plus d'agriculture sur l'île Jésus et elle serait complètement urbanisée.

Quand on regarde la population, 180 000 en 1965 et 260 000 maintenant, c est un taux de croissance qui est relativement faible, compte tenu de ce qui s'est passé dans l'ensemble de l'agglomération. Je pense à Repentigny, par exemple qui, en l'espace d'une vingtaine d'années, a eu une croissance beaucoup plus rapide, de même que Longueuil et Saint-Jean d'Iberville.

En définitive, le coût des services que vous avez eu à assumer, cette croissance énorme qu'il y a eu dans des secteurs, particulièrement à Duvernay, a freiné presque complètement, enfin, a ralenti énormément, malgré l'avantage que vous aviez d'être les plus près de Montréal, votre urbanisation.

Ce phénomène qu'on constate maintenant sur une agglomération beaucoup plus grande et cette concurrence qui se livre au niveau du coût des terrains non viabilisés, cette préoccupation de nombre de municipalités, sur un vaste territoire, de vouloir elles aussi s'urbaniser, a eu des conséquences tragiques au point de vue de la protection des terres agricoles, mais également au point de vue de l'accroissement fantastique du coût des services qu'alternativement elles ont à assumer.

Je pense que cette loi sur la protection agricole, même si ce n'est pas son objectif, dans la mesure où elle va vous permettre, parce qu'elle sera accompagnée d'une loi d'aménagement du territoire, de rentabiliser beaucoup plus rapidement le coût de vos services, ce qui aurait dû se faire dans la période de 1965 jusqu'à maintenant, je pense qu'elle est très avantageuse pour vous. En ce sens, je pense que vous devriez nous aimer beaucoup, puisque finalement, on rationalise la concurrence que vous livrait tout un secteur à 50 milles autour de Montréal. Si on avait laissé faire cela, non pas au niveau de l'industrie agricole, mais au niveau du coût des services, ce serait un fardeau énorme que l'Etat du Québec ne pourrait assumer et les municipalités non plus.

M. Paiement: Puis-je vous répondre?

Le Président (M. Boucher): M. le maire.

M. Paiement: Savez-vous où se trouve Laval? Je vous invite à venir à Laval et je vous invite à voir la situation financière de Laval. Remontons sept ans en arrière; nous avions un service de dette par rapport à l'évaluation qui était de 15,2%, il est maintenant de 7,5%. Nous avions un service de dette, par rapport au budget, de 40%, il est maintenant de 29%. Nous étions, en 1971, parmi les villes les plus taxées de la région métropolitaine, sur 23. Nous sommes maintenant dans les cinq villes les moins taxées de la région métropolitaine.

Le progrès de l'économie Lavalloise est indiscutable et la facture fiscale à Laval n'a jamais été aussi basse. C'est pour cela qu'on a eu une cote de la firme...

M. Mercier: ... plus haut que les autres municipalités environnantes.

M. Paiement: ... Moody's, "because of some management". Je traduis cela parce qu'il y a une bonne gestion bien orientée à Laval. Ce que vous venez de me dire démontre tout simplement que vous ne connaissez pas Laval.

M. Mercier: Je suis tout à fait d'avis contraire. Ce n'est pas du tout à comparer simplement les taux de taxation d'il y a une quinzaine d'années entre la municipalité de Laval et les autres municipalités environnantes à Montréal... Il n'y a aucune comparaison.

M. Lavoie: Etes-vous propriétaire à Laval pour dire cela?

M. Mercier: Non.

M. Lavoie: J'aurais quelques mots à dire.

Le Président (M. Boucher): Oui, M. le député de Laval.

M. Lavoie: On appelait Laval, c'est vrai, il y a quelques années, le jardin du Québec. Je pense bien qu'aujourd'hui le jardin du Québec est plutôt situé dans les terres noires de la rive sud de Montréal, Sainte-Clothilde, Sherrington et ce coin-là où les jardiniers maraîchers travaillent d'une manière vraiment industrielle et très moderne, lorsqu'on sait que des superficies de 300, 400 ou 500 arpents sont cultivés avec des spécialités.

Laval, c'est spécial. Il y a des gens à Laval qui vont protéger le sol agricole, mais les fermes sont plutôt petites. Les jardiniers peuvent assez bien gagner leur vie avec à peine quinze ou vingt arpents. Maintenant, il y a une spécialisation dans Laval. Il y avait les couches... Il y a encore les couches chaudes et tout, mais il y a aussi les serres. Je pense qu'on produit peut-être plus encore dans l'agro-alimentaire avec les moyens modernes de maintenant qu'on produisait il y a peut-être dix ou quinze ans. C'est la raison pour

laquelle on a peut-être besoin de moins de superficie, surtout pour toutes ces raisons.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le député. M. le ministre.

M. Garon: On dit dans le document qu'il y a à Laval 35 acres de serres. Dans l'ensembie du Québec, on a une cinquantaine d'acres en serres. C est à peu près douze fois moins qu'en Ontario.

M. Laval: C'est pas mal.

M. Garon: Je lis votre document sur le zonage. J écoutais et je lisais en même temps. Votre document: L'agriculture à Laval, préliminaires; service d'urbanisme, planification, développement et programmes. Gisèle Chapleau, conseiller professionnel. Normand Gariépy, surintendant, Claude Asselin, directeur. Septembre 1977. Mesures législatives.

La, vous énumérez les mesures. Les expériences qui ont été faites ailleurs qu'au Québec. La première dont vous parlez, c'est la loi sur la commission des terres de Colombie-Britannique. J aimerais lire ce qui est dit dans votre document. C est vous autres qui le dites. J'aimerais aussi que le député de Beauce-Sud écoute comme il faut en même temps.

M. Roy: Je suis tout oreilles.

M. Garon: Oui. La loi sur la commission des terres, Land Commission Act; J'ai bien dit que notre loi n'était pas une copie, qu elle était bien meilleure que celle adoptée en 1973 par le gouvernement de la Colombie-Britannique. Il a institué une commission provinciale des terres dont lobjet premier est de conserver à l'agriculture des terres agricoles à partir des potentiels déterminés par I'inventaire des terres du Canada — c est pour cela qu'on va pouvoir fonctionner en hiver, on a des cartes — comme faisant partie d une réserve agricole et ne pouvant être utilisées autrement que pour l'agriculture. La commission peut, avec la collaboration de la municipalité, acheter ou acquérir des terres ou désigner comme zones de verdure, des terres qu'il faut préserver en raison de leur valeur esthétique ou de leur situation dans les zones urbaines. (22 h 15)

C'est le commentaire que vous faites; vous analysez les différentes lois sur le zonage agricole. Malgré le mécontentement de certains agriculteurs de cette province face au gel des réserves agricoles, la mise en application de cette loi se révélait un instrument valable de sauvegarde des terres arables. Vous analysez ce qui a été fait en Californie ou vous référez à d'autres gens qui se disaient des experts sur la Loi sur la préservation des terres de la Californie de 1965, et là. vous dites que c'est un instrument. C'était conforme au jugement que je portais lors de ma tournée en septembre, à Lévis. Je disais cela, à des gens qui se prétendaient des experts, que ce n'était pas un bon instrument, et vous arrivez à la même conclusion. Il est dit qu'elle constitue un instrument intéressant pour contrôler l'aménagement du territoire, l'application de cette loi coûte cher et touche surtout les zones éloignées qui ne sont pas véritablement menacées par l'urbanisation. C'était aussi mon évaluation.

Je constate donc dans vos propres documents qu'on considère que les moyens employés, qui ne sont pas semblables à la Colombie-Britannique — mais qu'il y a de la parenté; je ne dirai pas à quel degré mais une certaine parenté — sont évalués par vos services comme tout bon instrument, avec une commission provinciale.

Je dirai aussi, pour terminer, qu au point de vue de I agriculture, le gouvernement du Québec n'a jamais eu une politique de développement agro-alimentaire. Depuis 1977, nous avons mis en place une politique de développement agro-alimentaire. Nous aurons l'occasion, au cours des Drochaines semaines, de démontrer les résultats sur le plan économique, tant de l'industrie alimentaire que du monde agricole, que cette politique a donnés. J'ai l'impression que certains sceptiques, au moins pour un an, n'auront pas de conseils à nous donner.

Quant au ministère de l'Agriculture, je veux dire ceci: Le ministère de l'Agriculture avait l'habitude de payer ses comptes aux six ou sept mois. Notre moyenne, cette année, est de 20.8 jours.

M. Roy: Quel rapport cela a-t-il avec le zonage des terres?

M. Garon: Je parle justement du fonctionnement. Attendez un peu!

M. Roy: Parce que vous les achetez, les terres?

M. Garon: Non. Je veux dire tout simplement ceci. Vous avez parlé principalement du fonctionnement, de l'efficacité et de la lenteur. Je veux dire que c était une préoccupation que de fonctionner rapidement. Je pense que le ministère fait ses paiements en dedans de 21 jours. Cela se compare a I'entreprise privée avantageusement. Cela se compare plus qu'avantageusement à n'importe quel organisme gouvernemental. Comme l'a dit le maire tout à l'heure, les organismes publics sont souvent lents. On a essayé, au ministère de I'Agriculture, de mettre un peu de rapidité. Le fonctionnement de la commission... — je comprends qu on dit — même si la commission va être formée officiellement au mois de décembre, cela ne nous empêche pas de prévoir et d essayer de penser comment elle va fonctionner pour que tous les blocs puissent être mis en place très rapidement. Je pense que la commission, dans mon esprit, va pouvoir fonctionner très rapidement dès le mois de janvier.

Quant à la relève agricole, les données ne sont pas complétées, mais les premiers indices nous indiquent — parce que les chiffres ne sont pas encore complétés — que le nombre de cultivateurs a cessé de diminuer au Québec, en 1978.

Le Président (M. Boucher): Merci. M. le ministre. M. le maire, au nom de tous les membres de la commission, je vous remercie ainsi que ceux qui vous accompagnent, pour avoir présenté ce mémoire.

M. Paiement: M. le Président, j'aimerais remercier tous ceux qui ont eu la patience d'écouter les représentants de Laval. C'est, bien sûr, une très maigre contribution. Je voudrais répéter à M. Garon que nous entérinons et supportons le principe de préservation des terres agricoles et que. malheureusement, sur l'application et sur la modalité d'application, nous ne sommes pas d'accord. Merci.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le maire.

M. Garon: Je vous remercie aussi. M. le maire, ainsi que les gens du conseil de ville qui sont venus avec vous, et les experts conseillers qui sont venus avec vous, parce que je sais que des fois, le vendredi soir, à 22 heures — vous n'êtes Das encore rendus chez vous — il y a autre chose à faire que de venir discuter à une commission parlementaire. Je vous remercie pour le temps que vous avez consacré, pour nous avoir apporté de la documentation. Je souhaite que tout puisse se discuter le plus normalement possible dans les meilleurs termes possible, avec la commission et que tout le monde à Laval — en particulier les agriculteurs — soit le plus heureux possible et que tout se fasse avec le plus d'harmonie possible.

M. Paiement: M. le Président, je ne veux pas m'éterniser, étant donné que vous ne pouvez pas recevoir ces documents. Peut-être le ministre pourrait-il les recevoir; cela pourrait sans doute aider ses fonctionnaires à étudier la planification de la ville de Laval.

Le Président (M. Boucher): Merci.

M. Lavoie: M. le maire, armez-vous de courage devant les problèmes que vous aurez à affronter et ayez également beaucoup de patience.

Le Président (M. Boucher): J'appelle maintenant la ville de Repentigny, représentée par M. Picard et M. Lepage.

M. Garon: ... en faisant les calculs des valeurs actualisées, comme on le fait habituellement pour les choses, on se rend compte qu'une terre agricole vaut plus de un million en valeur actualisée.

M. Roy: Une terre de grandeur normale. M. Garon: Une terre de 100 acres.

M. Giasson: ... on n'a pas de quota pour ces choses-là.

M. Garon: Non, seulement le fond de terre, pas les bâtisses ni rien, seulement le fond de terre actualisé sur...

Une Voix: La valeur de la production brute actualisée sur 40 ans.

Le Président (M. Boucher): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Roy: Ce sont des terres de classe "A", j'imagine, cela doit être des terres de classe "A-1".

M. Garon: Non, si vous allez à Laval, c'est deux millions pour... C'est un capital qu'on détruit...

Le Président (M. Boucher): M. le maire, si vous voulez procéder à la lecture de votre mémoire en identifiant les gens qui sont avec vous.

Ville de Repentigny

M. Picard (Louis-Philippe): M. le Président, je voudrais d'abord, ayant eu l'occasion de participer à la commission depuis ce matin, puisque nous avions été convoqués à la première heure, vous remercier de votre sollicitude et de la main très heureuse que vous avez eue de conserver la sérénité au débat. Je le fais au nom de mes collègues et officiers municipaux, M. Lepage, gérant municipal, notre conseiller juridique, M. Comeau, notre assistant-gérant, M. Deschamps.

La ville de Repentigny est située en banlieue est de Montréal, à la sortie du Pont Le Gardeur. Sa population actuelle est de plus de 30 000 citoyens. Depuis plusieurs années, il se construit à Repentigny de 700 à 850 logements par année. Récemment, en plus de la construction d'habitations unifamiliales, on constatait la construction d'habitations multifamiliales et d'établissements commerciaux et industriels. La valeur des constructions pour lesquelles des permis sont émis s'élève annuellement à environ $25 millions et, en 1978, ces chiffres seront encore atteints ou dépassés..

Nous croyons que la ville de Repentigny doit continuer de se développer. Le projet de loi no 90, s'il est adopté tel quel, empêchera pour l'avenir toute possibilité de développement pour Repentigny et arrêtera immédiatement et de façon irrémédiable la simple progression normale de notre municipalité.

Il apparaît essentiel à la ville de Repentigny que l'aire retenue pour fins de contrôle dans son territoire, telle que montrée aux feuillets 31H11 et 31H14 déposés à l'Assemblée nationale le 9 novembre 1978, soit modifiée avant l'adoption de la loi afin de tenir compte: premièrement, de la demande actuelle pour des terrains et des besoins immédiats, ou à très court terme, de Repentigny; deuxièmement, de l'état actuel du développement dans l'aire retenue pour fins de contrôle; et troisièmement, du fait que la ville de Repentigny a déjà effectué des investissements importants dans l'aire retenue pour fins de contrôle.

En effet, l'aire retenue pour fins de contrôle, telle qu'établie présentement, non seulement cer-

ne immédiatement le territoire actuellement développé de la ville mais encore empiète sur certaines parties du territoire de la ville déjà construit.

A l'extérieur de l'aire retenue pour fins de contrôle, seulement 450 terrains sont disponibles pour construction immédiate et 200 autres pourraient être développés si les services municipaux y sont construits. Cet inventaire de terrains sera épuisé au cours des douze prochains mois.

Quant à l'aire retenue pour fins de contrôle, le plan joint au présent mémoire, en annexe, permet de constater qu une partie de ce territoire n est aucunement destinée à une utilisation agricole; plus particulièrement, ce plan montre, en jaune, les terrains déjà construits; en bleu, les terrains subdivisés où la ville procède présentement à I'installation des services d'égouts sanitaires et pluviaux suite à I'adoption de règlements avant le 9 novembre 1978 et qui seront construits en 1978 et en 1979; en rose, les terrains qui doivent être développés dans un avenir très prochain (1979) et pour lesquels la ville a déjà entrepris les études nécessaires pour le prolongement des services déjà en opération dans ces secteurs.

Nous ne sommes aucunement convaincus que la section IX du projet de loi traitant des droits acquis et plus particulièrement l'article 105, tel que rédigé, permettra la construction sur ces lots ou même sur ceux qui sont déjà adjacents à un chemin public et aux services municipaux.

De plus dans ces mêmes secteurs, les travaux de construction de collecteurs d'égouts sanitaires et pluviaux qui sont déjà effectués ou sur le point d'être complétés (et dont les bassins sont montrés en brun sur le plan) représentent un investissement de $2 millions, sans compter une conduite principale d'aqueduc construite I'an dernier et destinée à desservir toute cette partie est de la ville située dans l'aire retenue pour fins de contrôle, et sans compter les $6 millions dépensés pour des travaux d'agrandissement et d'améliorations à l'usine de filtration pour desservir une population susceptible de venir s'installer à Repentigny.

Est-il nécessaire d'ajouter que les propriétaires de terrains dans ces secteurs sont déjà cotisés pour ces travaux et qu'il est légitime qu'ils puissent dans un avenir prochain construire et utiliser ces terrains. Il ne fait aucun doute que ces terrains doivent être exclus de l'aire retenue pour fins de contrôle et il est essentiel que cette modification se fasse avant I'adoption de la loi et ce, afin d'éviter d'inutiles délais.

Quant on sait qu'il faut présentement pour I'élaboration d un projet et sa mise en marche de quinze à dix-huit mois, nous ne voyons pas la nécessité d ajouter à ces délais les retards inévitables qui seront causés par la création d'une nouvelle commission par la détermination de la zone agricole définitive et par les débats qui s ensuivront nécessairement sur les demandes d exclusion.

Enfin, outre les remarques précédentes sur Faire retenue pour fins de contrôle, la ville de Repentigny désire porter à l'attention de la commission certaines réserves quant à l'adoption prématurée de ce projet de loi.

L aménagement du territoire a toujours été une responsabilité locale et le projet de loi no 90 constitue une intrusion injustifiée dans l'autonomie des conseils municipaux pour un gouvernement qui prône la décentralisation administrative. Ajoutons que, même si on prétend dans l'application de cette loi faire des municipalités des interlocuteurs privilégiés, les dispositions du projet de loi ne permettent pas de conclure en ce sens. (22 h 30)

Est-il nécessaire d'ajouter, par exemple, qu'à l'avenir, selon l'article 80, c'est le gouvernement qui identifiera les fins municipales auxquelles s'appliquera l'article 41? Permettez-nous également d'avoir de nettes réserves devant la création d'un autre organisme administratif dont les décisions seront tout à fait discrétionnaires et, qui plus est, sans appel.

Enfin, les conséquences du projet de loi numéro 90 quant à l'évaluation des immeubles situés dans une zone agricole sont pour l'instant difficilement prévisibles. Toutefois, avec le régime actuel prévu à l'article 21 de la Loi sur l'évaluation foncière, il est à craindre sérieusement que les revenus municipaux provenant de la taxe foncière générale et spéciale soient lourdement affectés et ce manque à gagner ne pourra qu'alourdir le fardeau fiscal des autres contribuables de la municipalité.

En conséquence, la ville de Repentigny propose respectueusement à la commission:

Que l'aire retenue pour fins de contrôle située dans son territoire soit corrigée immédiatement, tel que le permet d'ailleurs l'article 37 du projet de loi, afin de tenir compte du développement actuel et des investissements municipaux importants déjà effectués dans ce secteur et que la ville de Repentigny soit complètement exclue de l'aire de retenue.

Que l'adoption du projet de loi no 90 soit reportée à une date ultérieure afin d'en permettre un examen attentif par les intéressés et de remédier à certaines anomalies.

M. le Président, M. le ministre, nous déposons respectueusement ce mémoire à votre bonne attention.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le maire. M. le ministre.

M. Garon: M. le maire, vous ne nous dites pas dans votre mémoire si vous êtes favorable à la protection des terres agricoles.

M. Picard: M. le ministre, avec beaucoup de souplesse pour les municipalités qui, selon les lois actuelles connues, ont déjà amorcé un développement rationnel et économique de leur territoire.

M. Garon: Je vais vous poser une question. Voyez-vous, les terres de première valeur au Québec sont peu nombreuses. Il arrive que votre municipalité est entourée de sols de première qualité. Qu'est-ce qu'on devrait faire?

M. Picard: C'est évident, M. le ministre, que si notre municipalité est entourée de terres ayant un rendement agricole possible, vous devriez les zoner agricoles. Quant au territoire de Repentigny, il faudrait peut-être, comme je vous le mentionne, avec beaucoup de souplesse et compréhension de la part du législateur, faire une exclusion au moins pour les parties déjà en développement et qui ont été acceptées par le même gouvernement, par le ministère des Affaires municipales et où nous avons des investissements énormes, lesquels, n'étant pas rentabilisés, créeront un malaise économique à nos petits propriétaires dans Repentigny.

Nous avons, à Repentigny, M. le ministre, terminé un rôle d'évaluation qui a été déposé le 15 novembre. 85% ou environ de notre territoire est occupé par des maisons unifamiliales. 75% de ces maisons unifamiliales sont occupées par de petits contribuables. Notre population n'a pas pensé, lorsqu'elle est venue s'établir à Repentigny, usurper le territoire agricole. Au contraire, elle a pensé pouvoir y vivre selon les lois connues, dans une ambiance pour y élever une famille librement et de façon économique.

Le conseil municipal s'est appliqué, pendant les dix dernières années, à ne pas augmenter la taxe foncière, afin de permettre d'équilibrer les budgets de ces petits contribuables.

Si le projet de loi, dans sa géographie actuelle, n'est pas révisé, il y aura des répercussions économiques qui seront excessivement difficiles à supporter pour nos petits propriétaires, et qui les mettront sûrement dans des difficultés économiques et financières.

M. le ministre, pour avoir vécu la vie politique municipale pendant les dix dernières années, nous sommes conscients que, lorsque nous créons un problème financier à nos petits contribuables, cela a une répercussion énorme sur l'aspect social de la famille, sur les problèmes qui vont jusqu'au divorce, à la séparation. Vous êtes sans cloute au courant que dans notre monde moderne, quand on n'arrive pas financièrement dans la famille, cela tiraille.

Nous nous sommes appliqués depuis dix ans à protéger notre population, notre communauté. Nous espérons que le gouvernement, dans la même intention de protection du petit contribuable, procédera à la révision, avant que des dégâts économiques ne soient occasionnés dans notre secteur.

M. Garon: Vous parlez dans votre plan de la rue Beauchesne et de la rue Philippe; je ne les trouve pas.

M. Picard: Beauchesne est la première... Si vous partez de la zone rose, c'est la première ligne brune vers l'est, le bassin Beauchesne; le bassin Philippe est la deuxième ligne brune.

Ce sont des bassins, M. le ministre, d'égouts pluviaux qui existent présentement, qui ont été acceptés par le ministère des Affaires municipales et sur lesquels nous devons greffer des services d'égouts sanitaires pour satisfaire le développement du secteur.

M. Garon: Actuellement, il y a seulement des égouts pluviaux.

M. Picard: Pour une partie du secteur du bassin Philippe, pour le secteur finissant à Beauchesne, la première ligne brune, à l'est de la zone rouge, il y a d'autres services qui sont complétés. Nous avons même, dans cette zone une école bâtie en 1965.

M. Garon: Dans le temps, ils bâtissaient les écoles dans les champs.

M. Picard: Oui.

M. Roy: D'ailleurs, c'est le gouvernement qui a...

M. Garon: Je suis bien d'accord, mais ce n'est pas de notre faute si on n'a pas pris le pouvoir avant ça, on a essayé.

M. Picard: M. le ministre, on a fait un calcul rapide; si vous libérez le territoire de Repentigny au complet, ça ne représente que 0.2% de toute la superficie zonée agricole dans Laurentides-La-naudière, ça ne représente que 0.2%. Cela permet à une population de continuer de vivre dans un climat serein. Mais du moment qu'il y a un blocage de quelques mois sur une partie de ce territoire, nous avons envisagé des frais fiscaux auxquels nous sommes presque dans l'impossibilité de faire face.

M. Garon: Qu'est-ce que vous voulez dire par frais fiscaux?

M. Picard: Nous avons déterminé dans le mémoire que nous avons déjà des services pour environ $2 millions, $2 500 000, complétés dans ces secteurs. Nous avons déjà des plans qui sont complétés dans toute la zone bleue, vous avez des services complétés dans les zones rouges ou roses...

M. Garon: Quels sont les services qui sont complétés?

M. Picard: Des services d'égouts pluviaux et sanitaires dans le secteur bleu.

M. Garon: II n'y a pas d'aqueduc. M. Picard: Oui, il y a l'aqueduc aussi.

M. Garon: Alors, vous avez des droits qui s'appliquent, l'article 105 s'applique.

M. Picard: Dans la zone bleue, vous avez des droits acquis qui s'appliquent, mais pour le pendant du développement, on ne peut pas sauter par-dessus une zone, le développement est plus

particulièrement axé dans des zones rouges, présentement. C'est un tout. On ne peut pas le disséquer. En 1974, le même gouvernement, le gouvernement québécois, a fait une étude de l'épuration des eaux et nous nous dirigeons vers Saint-Sulpice avec tous nos égouts qui sont faits à partir, presque du milieu de Repentigny; tous les égouts ont une pente vers Saint-Sulpice. Le boulevard Iberville, le boulevard du centre, est exproprié jusqu'à l'extrême est. Il est au centre, vous avez l'autoroute... M. le ministre, est-ce que vous acceptez...

M. Garon: Mais dans la zone rose, ce sont des développements qui sont prévus à venir; les services ne sont pas mis en place encore.

M. Picard: Non, mais tout le bassin est présentement cotisé pour les services apportés dans ce bassin. Alors, il faut continuer le développement, parce qu'on pourrait difficilement continuer à exiger une cotisation de services à des gens qui ne peuvent pas se servir des terrains.

M. Garon: J'ai l'impression que...

M. Lavoie: Cela ne s'améliore pas, M. le ministe, votre affaire. Cela ne s'améliore pas.

M. Garon: Bien écoutez, voyez-vous, la loi va protéger les terres ou elle ne les protégera pas. A un moment donné, on dit, il y a une ville. Disons que vous avez votre ville, la ville voisine, les villes pas loin et, si on pouvait continuer, vous pourriez vous faire un plan à cinq milles et dire: On va rejoindre tout ça. Ce sont les meilleures terres du Québec, qu'est-ce qu'on fait? On ne peut pas dire qu'il n'y a pas quelque chose à ajuster là parce que des services sont mis en place, des choses comme ça. Ce n'est pas ce que je veux dire. Mais à un moment donné, il va falloir penser qu'une ville, qui a les meilleures terres agricoles, va avoir une limite de croissance à un moment donné, que la croissance va arrêter là, parce que, débordant de ça, il n'y a plus de terres.

Je regarde, par exemple, tout à l'heure, la ville de Laval; je n'ai pas les chiffres de la municipalité, c'est une ville de 60 000 acres. En 1956 — ça ne fait que 22 ans — il y avait 40 000 acres pour l'agriculture, 67%. Aujourd'hui, les gens de la ville de Laval parlaient tantôt de garder 12 000 acres.

M. Lavoie: ...

M. Garon: 12 000 acres à 15 000 acres. M. Lavoie: Oui, ce sont des arpents. M. Garon: 12 000 à 15 000, a-t-il dit.

M. Roy: Je l'ai fait répéter, il a parlé de 20 000 acres.

M. Garon: Non, non, il a parlé de 20%.

M. Roy: 20%, mais il y a 90 000 acres environ.

M. Garon: II a dit que 20%, c'étaient 12 000 acres. Il a dit 20% de l'île, parfois, 12 000 à 15 000 acres, mais il disait 20%, un des deux.

Alors, ce qui veut dire à ce moment-là, que si on disait: Oui, mais la ville, sa zone d'expansion, c'est jusqu à la rivière. A un moment donné, on prend toutes les terres pour le développement. Est-ce qu'il faut, à un certain moment, se demander si on veut protéger les terres... ou si on ne les protège pas. Si on les protège, on peut imaginer qu'on va dire: telle municipalité, sa croissance a une limite, il faut que ça arrête à telle place et ensuite, c'est fini; cette municipalité ne grossira plus. C'est imaginable, ça.

M. Lavoie: Est-ce que je peux vous poser une question, M. le ministre?

M. Garon: Je comprends que ça suppose un changement de mentalité.

M. Lavoie: Est-ce que je peux vous poser une question, M. le ministre?

M. Roy: Cela suppose, non seulement un changement de mentalité, mais ça suppose une dictature. Quand on dit à une ville: Vous ne profiterez plus...

M. Garon: Voyons donc...

M. Roy: Supposons qu'on arrive...

Le Président (M. Boucher): M. le député de Beauce-Sud...

M. Roy: Quand même, il y en a qui sont pas mal fortes à digérer.

Le Président (M. Boucher): Oui, mais vous aurez l'occasion...

M. Roy: Je m'excuse un peu.

Le Président (M. Boucher): ... tout à l'heure de vous faire entendre.

M. Garon: Je comprends, mais vous savez... M. Roy: J'aurai l'occasion, mais c est fort.

M. Garon: ... dans un certain nombre d années, quand les gens manqueront de nourriture, parce qu'il y aura des gens qui n'auront pas le courage de faire ça; évidemment, ça suppose qu'il faut dire, à un moment donné: II faut arrêter. Il y en a qui remercieront cette commission d avoir arrêté et le Parlement d'avoir arrêté ça. Parce qu'ils vont dire: Si on a aujourd'hui de l'alimentation c est parce que ces gens, en 1978, ont dit: C est assez. Autrement, si on dit que les municipalités... c est évident que les municipalités,

actuellement, sont dans des endroits,... si on laisse faire, évidemment, ça va continuer indéfiniment, les municipalités vont tripler, quadrupler, quintupler. Et après, quelle est la...

M. Lavoie: On ne manque pas de terres, on n'en manque pas; elles ne sont pas exploitées, les terres. On ne manque pas de terres. (22 h 45)

M. Garon: On va les développer les terres, mais actuellement on importe 40% de la nourriture qu'on consomme au Québec. Cette année, le secteur agro-alimentaire va avoir une croissance de près de $1 milliard. On veut parler d'économie, on va en parler, hein? Trouvez-moi un secteur, cette année, qui a augmenté plus que le secteur agro-alimentaire. Vous verrez les chiffres de fin d'année.

M. Lavoie: On serait mieux de parler du rapport...

M. Garon: Cela veut dire qu'au point de vue économique, quand on parle de terres, quand on parle d'une terre comme la vôtre, l'une des meilleures du Québec, si on calcule la valeur actuarielle productive de cette terre, elle doit valoir entre $1 500 000 et $2 millions, pour 100 arpents. Pensez-vous que c'est un bon choix économique que de mettre six ou sept bungalows sur cette terre? C'est un gaspillage économique.

M. Lavoie: Est-ce que vous me permettez une question?

M. Garon: Laissez-moi finir, vous parlerez après.

M. Lavoie: Seulement une question.

M. Garon: On a des chiffres là-dessus. En valeurs actualisées, c'est un gaspillage économique, parce que ces terres sont les meilleures du Québec. Je ne dis pas qu'il n'y a pas d'ajustement à faire. A mon avis, votre municipalité devrait, dès la formation de la commission, faire une demande d'exclusion pour négocier. Sans cela, vous allez être une des rares municipalités, je dois le dire, à ne pas avoir procédé comme les autres.

Si vous regardez le plan de cette municipalité, il n'y avait pas de zonage agricole. Je comprends que la préoccupation des municipalités n'est pas de protéger les terres arables. Mais, pour une fois, si on regarde le plan de la municipalité, c'est une des rares municipalités au Québec qui n'ait pas dit: On laisse tout le monde bâtir n'importe où, et qui a crû tranquillement, qui a procédé d'une façon rationnelle sur le plan de l'expansion domiciliaire.

Il n'y a pas beaucoup de municipalités qui ont opéré d'une façon plus rationnelle que votre ville. Dans ce sens-là, vous devriez préparer une demande d'exclusion pour tout le secteur où vous avez installé des égouts ou des infrastructures qui ne correspondent pas aux objectifs de l'article 105 qui dit qu'un territoire prêt à recevoir un aqueduc et des égouts et qui ne correspond pas aux droits acquis, quitte à négocier sur une période un peu plus longue la zone permanente... Je pense qu'à ce moment-là une décision très rapide pourra être prise au cours du mois de janvier.

M. Picard: M. le ministre...

Le Président (M. Boucher): Oui, M. le maire.

M. Picard: ... vos bonnes paroles nous consolent tout de même, parce que nous pensions avoir fait un effort dans le bon sens et vous venez de le certifier. Il reste tout de même que le projet de zonage que nous avions planifié avec les autorités provinciales et fédérales pour le développement du secteur en question prévoyait une densité de population de dix unités à l'acre, ce qui est peu diversifié quant au développement que nous avions déjà connu dans Repentigny. C était pour satisfaire aux exigences des gouvernements supérieurs dont nous avons une ristourne pour un projet conjoint fédéral-provincial de $1000 l'unité construite.

Nous pouvons difficilement, M. le ministre, reporter cela dans le temps, et nous comptons sur la bonne foi du ministre et du gouvernement dans les circonstances selon laquelle la formation d'une commission est sur le point de se compléter... Tout de même, nous ne pouvons pas retarder cela, même d'une couple de mois. On ne peut pas arrêter un projet semblable sans affecter l'économie de notre municipalité.

Nous avons inscrit dans le mémoire que nous avions pour $25 millions de construction par année. D'après les économistes, environ 40% de ce montant sera affecté à la main-d'oeuvre. Si vous enlevez une dizaine de millions de dollars, destinés à la main-d'oeuvre, dans un secteur comme le nôtre vous créerez un malaise économique dont on ne se remettra pas.

M. Garon: Quand je parle d'exclusion, je ne parle pas de la zone permanente qui peut prendre un peu plus de temps. Vous devriez faire, dès la formation de la commission, la demande d'exclure de vos territoires ce que vous appelez le rose, le bleu et je suis persuadé que la décision sera prise au cours du mois de janvier.

M. Picard: Nous avons assisté à toutes vos délibérations aujourd'hui et nous vous trouvons bien patient, nous vous le répétons, mais je pense que la commission va être surchargée, dès le début. Nous avons élu le gouvernement, le gouvernement adopte une loi et, dans sa loi, il se réserve l'article 37 pour faire des exclusions. Il n'y a pas, je le pense bien, un seul gouvernement qui peut se vanter de ne jamais adopter de lois sujettes à critiques.

Mais là, ce n'est pas une critique destructive, c'est une critique constructive et qui nous permettrait, comme agent économique dans notre région, de continuer le développement sans délai; même

en espérant et en souhaitant qu'une commission soit formée le plus rapidement possible, nous n'avons pas la certitude que nous pouvons procéder. Nous avons des projets sur la table, nous avons des règlements en discussion avec le ministère des Affaires municipales, qui est le même gouvernement et il nous dit: On ne peut pas marcher, parce que vous êtes dans la zone agricole.

Peut-être, comme vous dites, que nous avons été privilégiés, parce qu'on nous a zonés en vert, c est une couleur d'espérance, au moins, de nous faire dédouaner, comme vous disiez. Nous avons aussi un problème qui paraît particulier à notre région. M. le ministre, M. le député de Berthier, vous êtes au courant, l'Hydro-Québec ne nous donne pas les services dans une zone verte. Elle a eu une consigne dans notre secteur.

Alors, nous sommes là, les mains liées, nous ne pouvons plus bouger. Imaginez-vous le problème que ça crée, nous ne défendons pas un point de vue politique, M. le ministre, nous défendons un point de vue du citoyen, du simple citoyen qui, chez nous, est la majorité, il y a près de 75% de petits contribuables. On ne peut pas les grever davantage. Cela ne peut pas être arrêté dans le temps, c'est une machine qui marche. Même si vous nous dites que la formation de la commission doit être faite incessamment, qu'elle doit réagir sur le problème, nous vous disons: Nous avons élu un gouvernement, vous avez un article d exclusion, servez-vous en. Surtout que vous acceptiez que ce soit un cas d'exception chez nous. On n'a pas de zone blanche du tout, on est bloqué à la limite de notre développement. M. le député de Berthier, vous connaissez bien le secteur, on ne peut pas agir.

Une Voix: M. le député de Berthier, est-ce que vous allez répondre...

M. Giasson: Est-ce que vous êtes d'accord avec les craintes de la ville?

M. Mercier: Je pense que le problème qui se pose, c'est le même que pour la ville de Laval, où on arrête. Je pense que c'est l'objet de cette loi, parce que la ville de Saint-Sulpice va venir la semaine prochaine, avec sensiblement les mêmes arguments, Saint-Sulpice n'a pas de terrains viabilisés, alors ça va faire quoi? Si on laisse aller Repentigny, est-ce que Saint-Sulpice va laisser continuer. Lavaltrie et où? En fin de compte... c'est tout le phénomène de la déstructuration des sols, bien sûr. Je pense bien que Repentigny, à cause de ses services, à cause déjà de la présence de l'urbanisation, aura, par rapport à l'ensemble de la région, des avantages structurels qui lui permettront une urbanisation plus planifiée.

Mais je ne pense pas qu'à ce stade-ci... D abord, ce n'est pas le rôle de cette commission de définir des exclusions. Mais je pense que la commission, par le projet de loi, pose vraiment le problème de toute notre région et de toutes les régions agricoles du Québec, cette concurrence que vous livrent les endroits non urbanisés pré- sentement, Saint-Sulpice, paroisse de l'Assomption, concurrence qui se livre sur le coût des terrains non viabilisés. Je pense que c est au désavantage de tout le monde, particulièrement et premièrement au désavantage de l'agriculture dans la région. Le problème est là.

M. Picard: Le député de Berthier connaît si bien notre région, je ne pourrais pas lui dire, comme le maire de Laval, qu'il connaît pas la région, il la connaît très bien. Il sait très bien que le développement de Repentigny n'a rien de semblable à ce qui se passe à Lanoraie, Berthier ou Saint-Sulpice. Je veux bien qu'il en discute et qu on le mette sur la table, mais notre problème est totalement différent. Nous avons une ville en pleine progression. Nous avons une évolution constante dans notre municipalité, ce qui faisait dire à trois de nos citoyens l'autre jour, des vieux citoyens: Vous vous en allez toujours dans la bonne direction. Remarquez bien que je vous les cite, simplement avec leur sens de l'humour, ils ont dit: Vous avez élu en 1970 un gouvernement de l'Union Nationale, après, un gouvernement libéral et là. vous avez un gouvernement PQ. Alors, vous avez une saine évolution. C'est ce qu'ils me disaient. Mais il faudrait le prouver dans les faits, parce qu'il ne faut pas laisser crever des gens qui raisonnent aussi bien que ça, n'est-ce pas, M. le ministre?

M. Garon: Ils avaient raison, d'ailleurs, révolution, actuellement, ne peut pas aller plus loin, parce qu'il a fait la gamme. Il faut que vous continuiez avec un bon gouvernement.

M. Grenier: Mais là où ça se gâte, c'est quand ils n'ont pas l'appui de leur députe, qui est ministre, et l'ancien ministre était leur député aussi.

M. Garon: Non.

Le Président (M. Boucher): M. le député...

M. Garon: Je pense ceci, on revient au débat complètement...

Le Président (M. Boucher): M. le député de Mégantic-Compton...

M. Garon: Je pense que...

Le Président (M. Boucher): ... est-ce que vous êtes inscrit à la commission?

M. Grenier: J imagine que je peux avoir le droit de parole, oui?

M. Garon: ... il faut régler une question... M. Grenier: On a le droit à deux porte-parole.

Le Président (M. Boucher): Je regrette, mais il vous faut le consentement de la commission, en plus du consentement du président.

M. Garon:... je sais quand je vous dis ça, vous me regardez, vous êtes peut-être sceptique un peu...

M. Grenier: On va le demander.

M. Garon: Mais je peux vous dire de préparer une demande d'exclusion pour ce qui est immédiat. Dès l'adoption de la loi, immédiatement, la commission va être formée, vous pourrez présenter votre demande d'exclusion. Moi, je vous dis que ça va prendre quelques jours et votre demande va avoir une réponse. Mais je ne parle pas de la zone permanente. Vous savez, ce n'est pas un projet improvisé. Cela fait quand même deux ans qu'on travaille là-dessus et il y avait des gens qui y avaient travaillé avant. Aujourd'hui, il y a des gens qui sont prêts à entrer en fonction aussitôt que le projet de loi est adopté. Ce sont des gens qui ont fait ces cartes, ils ont travaillé là-dessus, ils savent comment ça va fonctionner, ce ne sont pas des gens qui vont passer à l'entraînement en commençant, ils vont dire: dans six mois, ils commenceront à opérer, il faut les entraîner.

Il y a quand même une équipe qui a travaillé là-dessus, qui est capable de fonctionner, dès l'adoption de la loi. Je peux vous dire qu'au point de vue... c'est pour ça que je vous suggère de procéder comme ça, avec une demande d'exclusion pour ce qui est immédiat, où il y a déjà des réseaux, des choses comme ça, après ça, vous pourrez, dans un deuxième temps, moins urgent, discuter de la zone permanente agricole. Je sais que vous dites que vous ne voulez aucune zone, vous voulez l'exclusion totale de Repentigny. Vous pourrez discuter avec la commission de ce point de vue.

Je suis persuadé qu'en même temps, elle va tenir compte du fait que vous êtes dans les meilleures terres agricoles. C'est évident aussi qu'il va y avoir une phase de transition où il y a des équipements, des choses dans le sol, ça va être un facteur qui va jouer. A un moment donné, il faut dire que si on protège les sols, ce n'est pas un développement différé qui va s'en aller tranquillement, de sorte que, dans 50 ans, il n'y aura plus du tout de sols au Québec, nulle part.

Il va falloir dire, à un moment donné: On arrête quelque part. Je comprends que ce n'est pas facile. Ce serait plus facile de dire: Bien, comme disait, je pense, Louis XV: Après moi, le déluge, nos enfants s'occuperont de ça, que le diable les emporte. Nous autres, on a pensé que c'était important de s'occuper...

M. Roy: II est mort aussi.

M. Garon: ... de protéger les terres. Je comprends que, là-dedans, en Amérique du Nord, la Colombie-Britannique a fait oeuvre de pionniers. Je pense qu'aux Etats-Unis, il y a eu des méthodes employées mais qui ne donnent pas de très bons résultats. La Colombie-Britannique a agi d'une certaine façon et Québec opère aujourd'hui... vous avez vu, dans un journal de cette semaine même, que l'Ontario est obligée de déclarer que, dès 1979, il va lui falloir adopter une loi de protection des terres. Pourquoi? Ce qu'on fait, je vous le dis, d'ici cinq ans, la majeure partie de l'Amérique du Nord va être obligée de faire quelque chose.

Evidemment, habituellement, au Québec, on fait tout 25 ans après tout le monde. Mais dans le domaine des terres, nous faisons moins que tout le monde en Amérique du Nord, on est peut-être obligé d'y aller plus rapidement. Je vais vous dire bien franchement que ce n'est pas par jouissance qu'on dit que le plan doit arrêter à tel endroit. Je pense que c'est en pensant au mieux-être collectif nécessaire, ou à une sécurité collective nécessaire au point de vue alimentaire et à l'importance de l'agriculture et de l'alimentation dans notre économie qu'on est obligé de faire quelque chose.

Il arrive que votre municipalité est située dans les meilleures terres du Québec, comme il y en a d'autres. Vous allez voir d'autres endroits où la municipalité est entourée complètement des meilleures terres agricoles du Québec, c'est évident qu'à ce moment-là, le zonage va être plus serré. A d'autres endroits, il va être beaucoup plus large, parce que les sols ne sont pas bons. Mais en tenant compte qu'il y a des infrastructures, il y a des choses placées dans le sol auxquelles il faut penser, il faut aussi se préparer à se dire qu'à un moment donné, le développement dans certaines municipalités doit connaître un cran d'arrêt et que la municipalité va dire: C'est mon périmètre déterminé. S'il y a un accroissement de population, il ne se fera pas avec l'étalement urbain, par des bungalows qui s'étendent indéfiniment.

D'ailleurs, vous savez, de plus en plus d'études démontrent qu'en Amérique du Nord, le développement de style bungalow commence à décroître. Ce ne sera plus la formule, parce qu'elle est trop dispendieuse, elle coûte trop cher et les formules d'habitation ou de logement vont être de plus en plus différentes. Même la formule des centres commerciaux — les Etats-Unis ont l'habitude de devancer les autres — c'est arrêté aux Etats-Unis. Il se construit de moins en moins de centres commerciaux. Pourquoi? Parce qu'on commence à densifier les municipalités, parce que ça coûte trop cher de faire de l'étalement urbain. Il y a des problèmes qu'on ne connaissait pas auparavant, des problèmes d'énergie, de transport en commun, une foule de problèmes qui rendent la vie urbaine dispendieuse. A ce moment-là, la protection des terres, la rationalisation urbaine, les coûts à cause d'un paquets de facteurs qui arrivent depuis quelques années, vont s'accentuer terriblement à l'avenir et vont dans le même sens. (23 heures)

Je ne veux pas vous faire un discours là-dessus, mais je souhaiterais ou je suggère de procéder; préparez votre demande d'exclusion, vous avez déjà rencontré, je pense, les gens du ministère, restez en contact avec eux pour la préparation de votre demande d'exclusion, quitte à négocier avec eux sur une période plus longue de temps — quand je dis une période plus longue, je ne veux pas parler d'années, mais peut-être de

semaines ou de quelques mois — votre périmètre plus permanent, votre zone plus permanente.

M. Picard: M. le ministre, je vous remercie. Vous semblez un homme d'une grande compréhension de tout le problème municipal. Il reste tout de même que vous ajoutez à votre exposé que des officiers de votre ministère ou d'autres ont travaillé depuis deux ans au projet que nous vous transmettons ce soir. Vous voyez l'erreur monumentale qui a été faite chez nous. Vous nous dites: on va vous remettre entre les mains de ces fonctionnaires ou d'autres, pour accomplir certains changements.

Nous avons élu un gouvernement qui est en train d'adopter une loi, même le ministre vient de nous dire que ça semble être un cas particulier chez nous. Il y a un article 37 dans la loi, où le ministre, dans un cas semblable, pourrait réagir, et ne pas nous laisser dans les mains de fonctionnaires que nous n'avons pas élus, parce que c'est un gouvernement qu'on a élu, un gouvernement qui travaille à une loi. Avant la troisième lecture, le ministre peut, par un article de la loi, changer la géographie de l'application de la loi. Vous acceptez le fait que c'est une erreur. Alors, il faudrait peut-être que ce soit le législateur qui nous protège.

Je ne sais pas, peut-être que vous nous avez inspiré confiance et que c'est pour ça qu'on vous transmet ce voeu. Il faudrait que ce soit le législateur qui change.

M. Garon: C'est dans ce sens que je dis, par exemple: Vous parlez d'entrer en contact avec des gens du ministère que vous connaissez, pour parler de l'exclusion, parce que vous avez déjà des infrastructures dans le sol. Au fond, votre demande d'exclusion va être prête à peu près en même temps, je suppose que la commission va être formée. A ce moment-là, la commission pourra prendre une décision sur votre demande d'exclusion. Quand je vous parle de ça, je vous parle des premiers jours de janvier, je ne vous parle pas d'une affaire pour le printemps.

M. Picard: M. le ministre, dans la loi, vous dites expressément que la commission est sans appel?

M. Garon: Oui.

M. Picard: Avant donc de nous livrer à une commission de fonctionnaires que nous ne connaissons pas et qui n'est pas encore formée, nous demandons au législateur de réagir sur le projet de loi. Si nous allons devant la commission et qu'elle nous refuse et que nous n'avons pas droit d'appel, je vous ne garantis pas que notre situation financière ne nous acculera pas à une faillite prochaine.

M. Giasson: M. le Président...

Le Président (M. Boucher): M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Giasson: M. le Président, je me pose une question. Pourquoi le ministre a-t-il jugé nécessaire ou essentiel d'inclure dans le projet de loi les dispositions de l'article 37? J'aimerais que le ministre nous indique quels étaient les cas possibles ou dans quelles situations il jugeait nécessaire d'avoir une disposition telle que l'article 37 pour apporter des solutions, je présume, à des cas fatals, à des cas qui posaient des problèmes fort aigus pour des citoyens ou des communautés.

Est-ce que le ministre peut nous indiquer, tout au moins, les raisons ou les causes qui pouvaient justifier l'inclusion de l'article 37 dans ce projet de loi? Si vous l'avez mis là, il y avait certainement des raisons. Ces raisons, c'est dans quel type de cas, quelles seraient les situations qui justifient l'inclusion de l'article 37 dans la loi?

M. Garon: La municipalité dit elle-même, dans son rapport à la page 3, "à l'extérieur de la retenue pour fins de contrôle, seulement 450 terrains sont disponibles pour construction immédiate et 200 autres pourraient être développés si les services municipaux y sont construits. Cet inventaire de terrains sera épuisé au cours des douze prochains mois."

M. Giasson: J'avais lu cet article, M. le ministre, mais ma question n'a rien à voir avec le texte que vous venez de lire. J'ai lu ça et on a entendu le maire en donner lecture tout à l'heure. Mais je vous ai posé une question fort précise, qui m'apparaît fort pertinente en raison de problèmes qui nous sont exposés depuis quatre ou cinq jours. Quelles étaient les choses que vous aviez à l'esprit pour justifier l'inclusion, dans la loi, du contenu de l'article 37? Vous ne l'avez pas mis inutilement, vous aviez certainement des choses à l'esprit, vous ou vos conseillers? Quelle genre de situation a fait en sorte que vous incluiez un tel article dans votre loi?

M. Garon: C'est moi qui l'ai fait inclure.

M. Giasson: C'est vous? Alors, vous êtes encore plus en mesure de me répondre, vous n'avez même pas besoin d'un souffleur derrière vous, vous pouvez y aller fort librement, M. le ministre.

M. Garon: Je pensais qu'un tel article pourrait être utile dans certains cas. Mais je pense qu'actuellement...

M. Vaillancourt (Orford): ... Repentigny, c'est un bon cas pour s'en servir.

M. Garon: Je vais vous dire, 150 terrains... On a déposé la loi le 9 novembre. On va être rendu au lundi, 11 décembre. La session va se terminer le 21 décembre. Normalement, la loi va être approuvée le 21 décembre et ça veut dire que dans dix jours, la loi sera adoptée et la commission pourra commencer à fonctionner. On n'est pas dans une situation... Il y a une autre chose aussi, dont il faut tenir compte, c'est que l'hiver s'est engagé beau-

coup plus rapidement qu'on aurait pu le croire quand on a déposé la loi. Il y a eu un ensemble de facteurs... Mais je voulais un article de précaution, je suis un homme prudent, j'ai voulu un article de précaution au cas où cela aurait pu être nécessaire.

Dans dix jours, la loi sera adoptée et la commission formée. C'est pour ça que je dis à la municipalité de préparer sa demande d'exclusion; le temps de la préparer et de l'envoyer et la commission va être en fonction.

M. Giasson: C'est bien beau de dire que dans dix jours, la commission va exister et le personnel initial va être en fonction. Mais il reste tout de même, au-delà de ça, que la municipalité qui est devant nous a des problèmes, ses représentants ne sont pas venus ici pour nous raconter des boniments. Ils exposent une situation; il va découler des problèmes, de la situation créée par le zonage agricole que vous avez appliqué à une partie du territoire de la municipalité. Dans les projections, toute municipalité, de nos jours, qui connaît une expansion rapide, doit projeter sur un certain nombre d'années.

Dans les projections que la municipalité a faites, si on ne connaît pas l'ouverture qu'auraient les commissaires à l'endroit des demandes de la municipalité, s'il n'y a pas d'ouverture, pour des raisons auxquelles vous tenez terriblement et qu'on comprend, soit celle de protéger les meilleurs sols agricoles, s'il n'y a pas d'ouverture, qu'est-ce qui advient d'une municipalité ou d'une collectivité de 30 000 de population? Qu'est-ce qui advient, comme situation, dans les années à venir?

M. Garon: Bien, je l'ai dit.

M. Giasson: Est-ce que votre gouvernement, sans que ne vous l'ayez signalé, s'engage à compenser toutes les municipalités qui vont vivre des problèmes fort aigus au plan de l'administration? Si c'est ça que vous avez en réserve, dites-le nous. Au moins, ces gens vont dire: D'un côté, on est très dur, au ministère de lAgriculture du Québec pour protéger tout ce qui est bon sol, mais on est prêt à en payer le prix d'une autre manière.

Au bout de la logique et du raisonnement, quelle est la situation?

M. Garon: La situation, c'est que ce soir, on est en commission parlementaire pour étudier a loi.

M. Roy: Pas pour étudier la loi, pour entendre des mémoires de personnes qui viennent se présenter devant nous.

M. Giasson: ... M. Garon: Oui. M. Giasson: Pour examiner les conséquences d'exposés qui nous sont faits par des groupes et des gens en rapport avec le contenu de la loi. Pour discuter sur la capacité, peut-être, par des mécanismes qui existent, comme des mécanismes qu'on devrait retrouver dans la loi, de changer des situations qui existent présentement au Québec depuis le 9 novembre dernier. On est ici pour ça, je pense.

M. Garon: Oui, mais ça va être justement le rôle de la commission, d'étudier toutes ces questions.

M. Mercier: Nous sommes ici pour entendre les représentants de la ville de Repentigny, pour poser des questions ou nous faire poser des questions par eux et non pas pour ouvrir un débat, je pense, entre les représentants de l'Opposition et les représentants du gouvernement sur des détails du projet de loi.

M. Giasson: Très bien, M. le Président. Je crois que, d'une certaine manière, le député de Berthier a raison mais, depuis le début de nos travaux, on a entendu différents intervenants commenter de mille et une manières, selon leur choix... Je n'ai jamais contesté cela. A preuve, il est arrivé souvent au ministre de partir dans des commentaires qui n'étaient pas nécessairement des questions aux intervenants, aux visiteurs qu'on avait ici, mais c'est dans les règles du jeu d'une commission parlementaire ouverte au public dans un but de consultation et d'examen de situations. Il ne faut pas trop jouer au légalisme à l'intérieur des règles de notre commission parlementaire.

M. Mercier: Non, mais seulement, nous avons des droits aussi de poser des questions.

M. Giasson: M. le Président, j'aurai des questions au maire. Présentement, dans le secteur qui n'est pas encore aménagé et développé, est-ce qu'il se pratique encore de l'agriculture dans le territoire de Repentigny?

M. Picard: Dans le territoire de Repentigny, vous avez présentement — cela a été fait par l'étude d'un agronome — nous avons actuellement quatre cultivateurs, au sens du mot, mais qui...

M. Giasson: Quatre producteurs agricoles.

M. Picard: Quatre producteurs agricoles mais qui ne font pas nécessairement la culture maraîchère. Je ne pense pas que M. le ministre les ait rencontrés au marché central, l'an passé, parce qu'ils ne produisent pas de culture maraîchère; ce sont des terres en foin permettant de se servir des articles de la présente loi afin d'obtenir le rabais fiscal.

M. Giasson: Ah bon! Mais ce sont des terres encore cultivées?

M. Picard: Oui.

M. Giasson: Pour récolter le foin, cela se limite à cela. Mais je remarque également, dans le plan déposé à l'intérieur du mémoire, que vous avez deux secteurs de lotissement: l'un qui longe le fleuve Saint-Laurent et l'autre qui longe la rivière l'Assomption. Est-ce qu'il s'agit de lotissements qui ont été faits à partir d'autorisations ou de permis émis par la ville?

M. Picard: Vous parlez des zones jaunes? M. Giasson: Jaunes, oui.

M. Picard: Oui, cela a été fait. C'est le développement qui est compris dans la zone verte mais qui est déjà construit ou presque entièrement construit.

M. Giasson: La bande jaune le long de la rivière l'Assomption est déjà construite?

M. Picard: Pardon?

M. Giasson: La bande jaune en bordure de la rivière l'Assomption serait déjà construite?

M. Picard: Construite en partie ou lotie. Elle est tout de même sujette à la loi agricole. Le long de la rivière L'Assomption, dans cette bande, nous pensons, M. le Président, à un problème parce que ces gens-là n'ont pas les services au complet; ils ont des fosses septiques pour un élément. Selon la loi, si un des citoyens passait au feu, apparemment, d'après notre conseiller juridique, nous ne pourrions pas lui donner un permis de construction, parce qu'il n'a pas les services au sens de la loi.

M. Giasson: Comme conséquence prévisible — vous n'avez pas peut-être pas mené de recherche là-dessus — si la zone agricole proposée par le ministère de l'Agriculture n'était pas modifiée, sauf pour les secteurs en bleu et en rouge, quelles seraient, pour vos contribuables, les conséquences financières d'une telle situation?

M. Picard: Nous aurions, M. le Président, un manque à gagner ou un manque de revenus d'environ $750 000 à $1 million, par année. Notre taxe foncière rapporte, à l'heure actuelle, $1 700 000. Ce serait presque doubler la taxe foncière d'ici quelques années. C'est un fardeau fiscal qui est inimaginable pour notre population.

M. le Président, pourrais-je, avec votre permission, faire une rectification? A la page 3, lorsque l'on vous dit, très candidement, que nous avons encore la possibilité de développer 450 terrains et 200 autes qui nous donneraient un inventaire de terrains non agricoles pour une période de développement d'un an ou pas tout à fait, cela ne veut pas dire que les services sont mis en place; nous n'avons pas les services dans ce secteur. Nous avons été assez honnêtes pour les inscrire comme non zonés agricoles. C'est le seul développement que nous pourrions faire mais, à long terme, parce que si vous vous reportez à la page 5, il est très bien indiqué que, pour toute la mise en place des services d'infrastructure et la mise en marche de la procédure municipale et provinciale d'acceptation, cela prend au moins 15 mois à 18 mois. C'est une rectification très importante. Dans le bassin zoné agricole, nous pouvons présentement construire une grande section. Dans l'autre, nous avons un potentiel qui n'a pas été zoné agricole, mais qui n'est pas utilisable immédiatement et qui nous donnerait, lorsque développé avec les infrastructures, une production d'environ un an.

Le Président (M. Boucher): Merci. M. le député de Huntingdon.

M. Dubois: Merci, M. le Président. Comme première question... M. le maire, M. Picard, il me fait plaisir de vous saluer ainsi que les membres du conseil. Avez-vous l'intention de vous prévaloir de l'article 37 et de faire immédiatement une demande d'exclusion pour une partie de votre territoire? (22 h 75)

M. Picard: M. le Président, je ne le sais pas. J'ai probablement mal exprimé l'opinion du conseil et de la ville de Repentigny. Nous demandons présentement à la commission qui siège de bien vouloir...

M. Dubois: Avez-vous l'intention de vous prévaloir de cet article immédiatement?

M. Picard: C'est ce que nous demandons au ministre.

M. Dubois: Je parle d'une demande enregistrée, en bonne et due forme, écrite.

M. Picard: Pour l'article 37, demander au ministre qu'il se serve de sa possibilité d'exclusion de la zone géographique actuellement zonée agricole pour nous soustraire à cela avant que la loi ne soit adoptée...

M. le Président, je m'excuse, je ne comprends pas bien. Je pense que nous avons exprimé au ministre notre désir de se voir inscrits par la commission pour que le ministre se serve de cette clause.

M. Dubois: D'accord, M. le maire, mais je veux dire dans ce sens une résolution de votre conseil demandant... Est-ce que vous avez fait parvenir une résolution de votre conseil demandant au ministre de vous...

M. Picard: Tout le mémoire a été adopté par résolution.

M. Dubois: D'accord.

M. Picard: II est soumis, ce soir, à la commission.

M. Dubois: J'espère alors que le ministre pourra vous donner une réponse immédiatement.

A présent, pour ce qui est en jaune où il n'y a pas de services, y a-t-il un engagement de fonds assez important dans ce secteur au niveau des lotissements, même s'il n'y a pas de services municipaux?

M. Picard: ...

M. Dubois: Dans le secteur en jaune, près de la rivière L'Assomption. Je vois que, près du fleuve Saint-Laurent, il y a des services. Mais, près de la rivière L'Assomption, il n'y a pas de services existants, je pense.

M. Picard: II y a l'aqueduc existant jusqu'à l'extrême est, parce que nous desservons la paroisse voisine de L'Assomption en eau potable.

M. Dubois: Ah bon! d'accord. Il y a alors un engagement de fonds très important.

M. Picard: L'installation est complétée, sauf qu'au sens de la loi nous n'avons pas les services complets en cas d'incendie pour donner un permis à ces gens-là.

M. Dubois: Antérieurement au 9 novembre, est-ce que vous auriez reçu la visite du ministère de l'Agriculture dans votre ville pour vérifier où vous aviez des services et quels secteurs devaient être réservés aux fins d'urbanisation?

M. Picard: Pas à ma connaissance, pas à la connaissance des officiers municipaux. On ne vous dit pas qu'ils ne sont pas venus sur le territoire, mais on ne les a pas vus.

M. Dubois: D'accord. Il n'y a eu aucune consultation de faite entre votre ville et le ministère de l'Agriculture avant le 9 novembre?

M. Picard: Non.

M. Dubois: M. le ministre, j'ai une petite question à vous poser. Antérieurement au 9 novembre, je pense que la Commission municipale devait être au courant des services existants dans la ville de Repentigny. A présent, je vous demande pourquoi le ministère de l'Agriculture n'a pas pris d'informations auprès de la Commission municipale pour connaître les secteurs de toutes les villes du Québec où il y a des services.

Je pense que ce ministère est réellement au courant, parce que tout passe par règlement d'emprunt. Il est au courant des endroits où il y a des infrastructures. Je pense que vous auriez quand même pu respecter les secteurs de toutes les villes du Québec où il y a des infrastructures quelconques. Cela aurait été passablement moins désagréable pour ces villes qui ont à se présenter aujourd'hui et qui font face à un problème.

M. Garon: On a fait plus que cela. Si vous lisez l'article 105, on a reconnu les droits acquis dans les endroits où les services d'aqueduc et d'égouts sanitaires sont déjà autorisés par un règlement municipal adopté avant cette date et approuvé conformément à la loi. Pas même construits, autorisés seulement.

M. Dubois: Vous parlez d'égouts sanitaires et d'aqueduc?

M. Garon: Oui.

M. Dubois: Vous auriez dû inscrire "égouts sanitaires et ou", parce que, si on regarde ici, il y a un service d'aqueduc. Il reste que vous causez un foule de problèmes à cause de cela.

Le Président (M. Boucher): On fera cela, article par article, dès la semaine prochaine. M. le député de Huntingdon, avez-vous terminé?

M. Dubois: Accepteriez-vous que mon collègue de Mégantic-Compton pose quelques questions?

Le Président (M. Boucher): M. le député de Berthier avait demandé la parole. M. le député de Mégantic-Compton, je vous ferai remarquer que nous avons encore deux municipalités qui attendent depuis ce matin et il ne nous reste que trois quarts d'heure, même pas trois quarts d'heure, il ne nous reste que quarante minutes pour entendre ces deux municipalités. Je demanderais de limiter les débats, compte tenu que nous avons commencé à 22 h 20 avec cette municipalité et que nous nous étions entendus pour une heure.

M. Grenier: Une couple de petites questions. Je n'ai pas l'intention d'éterniser le débat. Me permettez-vous de prendre la parole?

Le Président (M. Boucher): Ce sont les membres de la commission qui décident.

M. Grenier: Si ce n'est pas tout de suite...

M. Giasson: Laissez aller le député de Berthier.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Berthier, rapidement.

M. Mercier: Ce sera très bref. Tout à l'heure, vous avez parlé d'un égout collecteur qui a une pente en direction de Saint-Sulpice. Pouvez-vous m'expliquer pourquoi il est en direction de Saint-Sulpice et non pas en direction inverse?

M. Picard: En 1974, le gouvernement provincial, avec les municipalités de notre région, a fait une étude sur l'épuration des eaux. La moitié — ou à peu près — de la ville de Repentigny va du côté de Rivière-des-Prairies et l'autre partie égoutte du côté de Saint-Sulpice, dans une usine d'épuration qui devait être construite dans Saint-Sulpice. Tout l'aménagement de l'infrastructure est fait en rapport avec cette étude, ce qui fait que

nous devons développer le secteur en entier pour aller rejoindre la future usine d'épuration proposée dans l'étude soumise et acceptée par le gouvernement du côté de Saint-Sulpice.

M. Mercier: Cette usine d'épuration a une capacité de desservir combien d'unités de logements?

M. Picard: Cela a été fait par les techniciens en rapport avec l'urbanisation et le zonage dans Repentigny et possiblement dans les autres municipalités. Cela a été calculé par des ingénieurs-conseils. Tout ce que nous avons eu à faire lorsque l'étude a été déposée, c'est d'en faire prendre connaissance à notre service technique et depuis ce temps, nous réagissons pour nos services d'amélioration locale en rapport avec l'étude qui a été acceptée par le gouvernement.

Une Voix: II y en a 60, on en a 24...

Le Président (M. Boucher): M. le député de Mégantic-Compton, très rapidement.

M. Grenier: Oui, très rapidement. Dans la partie rose et bleu, ce sont des investissements d'infrastructure de quel ordre qui ont été mis là-dedans? J'ai cru comprendre tout à l'heure que ce n'est pas encore tout bâti.

M. Picard: Non, ce n'est pas bâti, c'est actuellement en voie de développement. La partie bleue est la partie que l'on pourrait construire immédiatement.

M. Grenier: L'infrastructure est en place.

M. Picard: Dans la partie rouge, il faudrait compléter certaines parties d'infrastructure, mais toute la zone brune vous indique le bassin de développement. La cotisation se fait sur l'ensemble du bassin. L'ensemble du bassin est actuellement dans la zone verte.

M. Grenier: L'ensemble de ce qui est zoné agricole à l'intérieur de votre municipalité, est-ce que cela a été décrété par une résolution du conseil municipal? Y a-t-il eu un référendum là-dessus, pour le développement de la partie domiciliaire?

M. Garon: ...

M. Grenier: C'est peut-être important de savoir — c'est ma dernière question — si les citoyens se sont prononcés là-dessus, si c'est une décision du conseil. Ce serait peut-être plus facile à régler. Je veux vous aider. C'est facile à régler quand ce n'est pas tout le monde qui s'est prononcé à ce sujet.

M. Picard: Vous savez, M. le Président, nous sommes régis par la Loi des cités et villes. Pour un changement de zonage, nous avons une procédu- re qui n'est pas nécessairement celle adoptée par le gouvernement présentement, parce que nous devons faire le dépôt des plans. Nous avons une période d'environ trois semaines ou un mois pendant laquelle le public peut venir consulter les plans. Nous avons deux jours pendant lesquels le public peut venir s'opposer en signant un document pour demander un référendum et nous sommes obligés d'aller en référendum.

Toute la procédure, chez nous, a été complétée en 1976, pour l'ensemble du territoire et cela a été accepté par les citoyens. Ceci nous ferait dire, M. le Président, si vous me permettez, que si le gouvernement qui impose aux municipalités d'aller jusqu'au référendum pour un changement de zonage pouvait, dans un secteur comme le nôtre, avant de changer une grosse partie du territoire, soit 45%, chez nous, au moins procéder par la même voie, la voie du référendum, si nécessaire...

M. Grenier: C'est bon.

M. Picard: M. le Président, accepteriez-vous que nous soumettions, comme le veut la Loi des cités et villes pour un changement de zonage, la procédure habituelle de la Loi des cités et villes?

Le Président (M. Boucher): M. le maire vous a posé une question.

M. Garon: Je m'excuse, M. le maire... M. Grenier: Je m'excuse, répétez.

M. Picard: Je comprends très bien cela, M. le ministre, parce que je vous ai vu ici toute la journée...

M. Garon: Non, ce n'est pas cela.

M. Picard: ... mais vous avez une préoccupation de donner satisfaction aux gens qui sont ici et parfois, vous pouvez être distrait par ceux qui, à un moment donné, voudraient que vous fassiez d'autre chose.

M. Garon: Oui.

M. Picard: La question était. Nous avons...

M. Giasson: Je dois préciser que ce n'est pas le cas.

M. Picard: Même si cela avait été une mauvaise pensée, M. le ministre, rendu à cette heure-ci, c'est permis.

M. Garon: ... lui qui me parlait.

M. Picard: On disait que la Loi des cités et villes, par laquelle nous sommes régis, nous oblige, pour un changement de zonage, à aller jusqu'au référendum. Le même gouvernement pourrait-il satisfaire aux exigences de la Loi des cités et villes, pour un changement aussi impor-

tant, dans une municipalité comme Repentigny? Nous vous avons transmis dans le rapport que nous vous soumettons, dans le mémoire, ce que le gouvernement nous avait demandé, à savoir consulter nos citoyens. Nous les avons consultés. Nous vous en rendons compte. Les gens ne sont pas heureux du zonage géographique que vous avez fait inscrire. On ne discute pas de la loi, du principe; on discute de la géographie physique. Le gouvernement irait-il jusqu'au référendum puisque le même gouvernement nous force à le faire sur notre territoire?

M. Grenier: Sûrement.

M. Garon: C'est-à-dire que c'était dans le programme électoral, lors des élections, la protection des terres. Cela avait été promis par tous les partis politiques. Certains en avaient parlé pendant trois campagnes électorales. Actuellement, dans tous les partis, tant le Parti libéral, que celui de l'Union Nationale, chez les démocrates, les créditistes, les "PPP"... Comment appelez-vous cela?

M. Grenier: Les "pénépistes".

M. Garon: ... et le PNP avaient un programme de protection des terres. La population était donc au courant.

Deuxièmement, je dois dire qu'il y a différentes façons de faire du zonage, que pour plus de 50% de la population du Québec, le zonage se fait sans référendum, puisque dans la ville de Montréal, dans la ville de Laval, dans la ville de Québec, etc., tous les règlements de zonage sont adoptés sans référendum. Il doit y avoir d'autres municipalités aussi, mais je ne suis pas au courant des règles de fonctionnement de toutes les municipalités. Je dois dire qu'au fond il se fait du zonage pour plus de 50% de la population du Québec, sans référendum.

M. Grenier: M. le Président, si vous permettez, ma dernière question. M. le maire vient de souligner... On se rappelle que quand on a adopté la loi se donnant la possibilité de faire des référendums au Québec — ce qui a souvent attiré notre attention autour de cette même table — c'était que ce référendum, le premier qu'il aurait pu y avoir, c'était justement sur une loi de zonage agricole. C'était toujours l'exemple dont on se servait, ici, autour de cette table. A partir de là, je ne sais pas si ce serait une bonne idée de permettre à des municipalités comme celles-là, principalement celles où il y a des problèmes importants, comme il y en a à Repentigny, de se servir des lois qu'ils ont dans les municipalités pour faire leur propre référendum. Les référendums ne sont pas bons seulement à sens unique; c'est bon pour tout le monde si c'est bon pour quelques-uns.

M. Garon: Faire un référendum sur la loi? M. Grenier: Non, qu'elles fassent leurs réfé- rendums municipaux pour savoir ce que les gens pensent chez eux — cela donnerait une bonne éducation au gouvernement — du zonage qu'on leur demande dans cette grande loi du zonage agricole. Je pense que c'est tout à fait sérieux.

M. Rancourt: Question de règlement. Cela fait une heure maintenant et nous avons deux groupes à passer.

Le Président (M. Boucher): M. le maire, je vous remercie au nom des membres de la commission.

M. Giasson: Si vous me permettez, avant de clore, je voudrais féliciter la municipalité de Repentigny, non seulement d'avoir préparé un mémoire fort bien présenté, mais également pour la façon dont elle a procédé depuis quelques années dans le développement de sa municipalité. Lorsqu'on voit la carte, il est fort évident que cela s'est fait de façon ordonnée, planifiée, et cela mérite, je pense, des félicitations.

M. Grenier: M. le Président, au nom de notre formation également...

Le Président (M. Boucher): Au nom de tous les membres de la commission...

M. Grenier:... je voudrais remercier la ville de Repentigny du travail qu'elle a fait. On voit que c'est un travail de longue haleine qu'on nous présente ici. J'aurais également aimé que ces gens aient eu aussi de l'autre côté de la barre leur député pour les supporter dans leurs demandes.

M. Rancourt: ... protéger les sols agricoles.

Le Président (M. Boucher): Au nom de tous les membres de la commission, cette fois-ci, je vous remercie M. le maire d'avoir présenté ce mémoire ainsi que les gens qui vous accompagnent. Merci.

M. Picard: M. le Président, au nom de mes collègues du conseil et aussi des membres de la presse qui nous accompagnent et de nos citoyens, nous vous remercions de votre sollicitude tout en espérant que, M. le ministre, vous n'oublierez pas l'article 37 pour la ville de Repentigny.

Le Président (M. Boucher): Merci! J'appelle maintenant la ville de Saint-Hubert. M. le maire Bernard Racicot, si vous voulez présenter les gens qui sont avec vous. (23 h 30)

Ville de Saint-Hubert

M. Ciciarello (Yvon): M. le Président, M. le maire et MM. les conseillers ne sont pas avec nous. Nous sommes des fonctionnaires de la ville de Saint-Hubert. Mon nom est Yvon Ciciarello, conseiller juridique. Vous avez, à ma gauche, M. Yvan Grenier, directeur général des services et M.

René Jutras, directeur des services techniques. A ma droite, vous avez M. Raymond Boissonneault, directeur des finances et trésorier et, à mon extrême droite, M. Jean-Marie Gagné, évaluateur.

Le Président (M. Boucher): Vous pouvez y aller de votre mémoire.

M. Ciciarello: M. le Président, M. le ministre et MM. les membres de la commission parlementaire, suite à votre récente convocation par télégramme, en date du 5 décembre 1978, la ville de Saint-Hubert...

M. Garon: Qui signait le télégramme?

M. Ciciarello: M. Bernard Racicot, maire de la municipalité.

M. Garon: Non, mais vous dites que je vous ai convoqués par télégramme.

M. Ciciarello: M. Pouliot.

M. Garon: Ah! c'est parce que vous aviez demandé d'être entendus. D'accord.

M. Ciciarello: ... dans son présent mémoire préliminaire, puisqu'un rapport final devra être présenté dans les 180 jours de la sanction du bill 90, vous soumet respectueusement une demande pour être en partie exclue de la région agricole désignée, le tout pour des raisons d'ordre économique.

Avant d'aborder la question proprement dite, des impacts d'ordre économique, nous désirons, M. le ministre, vous informer que la ville de Saint-Hubert a déjà procédé à l'engagement de personnes compétentes et expérimentées dans le domaine pour faire une étude exhaustive de la question. Les résultats vous seront évidemment produits avec le rapport final que nous vous présenterons ultérieurement.

Aux fins du présent rapport, nous aimerions attirer votre attention sur le fait que l'aire retenue aux fins de contrôle de l'espace agricole représente près de 45% du territoire de la municipalité de Saint-Hubert et se trouve actuellement subdivisée à 85% en terrains d'une superficie moyenne de 6000 pieds carrés. Ces terrains, au nombre de 19 500, sont détenus par près de 6500 propriétaires différents disséminés à travers le monde. Les revenus de 1978 procurés par le secteur concerné sont de l'ordre de $2 300 000 et devraient atteindre, pour 1979, $2 600 000.

La plupart de ces terres, faisant partie du plan provisoire, ont été vendues à des prix exorbitants. Elles ont été subdivisées et préparées pour être développées et il serait illusoire de croire que des agriculteurs puissent en faire l'acquisition. Depuis plus de dix ans, les terres dont il est question ne sont plus en culture et il faudrait beaucoup de temps et d'argent pour les remettre en état et les rentabiliser.

D'autre part, si la municipalité se trouvait dans l'obligation, à cause du zonage agricole, d'appliquer l'article 21 de la Loi sur l'évaluation foncière, nous serions dans l'obligation de récupérer du propriétaire résident ce manque à gagner qui se traduirait par une augmentation de la taxe de $0.65 à $0.70 les $100 d'évaluation.

Nous avons actuellement treize terres exemptées en vertu de cet article, qui se trouvent dans la zone verte. Il serait donc absolument essentiel qu'un mécanisme de compensation soit prévu par le gouvernement provincial pour éviter un bouleversement de l'assiette fiscale de la municipalité de Saint-Hubert, ce qui n'est malheureusement pas le cas avec l'actuel projet de loi 90.

La ville de Saint-Hubert étant devenue une ville hautement urbanisée, il n'est plus possible maintenant de revenir à l'aspect des terres agricoles. En effet, la Commission d'urbanisme de la ville de Saint-Hubert étudie déjà depuis quelque temps le développement de la zone aéroportuaire, c'est-à-dire tout le territoire à la périphérie de l'aéroport et vise pour ledit territoire l'implantation de l'industrie aéronautique afin de continuer le processus déjà amorcé par la compagnie Pratt et Whitney.

La ville a déjà entrepris et effectué certains travaux coûteux dans le but de réaliser lesdits projets. Que dire encore du développement occasionné par la construction récente de l'autoroute 30 qui traverse la ville de Saint-Hubert et dont une partie est comprise dans les plans provisoires, de certains des facteurs déterminants de l'implantation des promenades de Saint-Bruno, un des plus importants centre commercial au Québec qui se trouve à la limite de la ville de Saint-Hubert et, par le fait même, aux abords de la zone prévue dans les plans provisoires? Toutes les projections concernant les développements domiciliaires, commerciaux voire même industriels de la région sont, dès lors, totalement perturbées.

Pour toutes ces raisons, M. le ministre, nous vous suggérons humblement, dans un premier temps, de zoner agricoles les treize terres en culture dont il a été question précédemment et pour lesquelles la ville de Saint-Hubert reconnaît un statut agricole évidemment par le biais du bureau de l'évaluation et, dans un deuxième temps, d'exclure de la zone désignée tout le reste du territoire de la ville de Saint-Hubert. Je dois vous dire, en passant, que le projet a été préparé par des fonctionnaires, sous l'oeil bienveillant du conseil municipal et que le conseil est complètement d'accord avec les politiques du ministère de l'agriculture mais que, par contre, il aimerait bien que les zones agricoles soient planifiées par lui, c'est-à-dire par le conseil.

J'aimerais aussi vous informer du fait que la municipalité de Saint-Hubert a déjà formé un comité pour s'occuper du projet de loi 90 et que ce comité peut s'adjoindre toutes les compétences voulues: arpenteurs, agronomes ou qui que ce soit aux fins de l'étude du projet de loi en question.

Espérant, M. le ministre et MM. les membres de la commission, que vous prendrez en considé-

ration notre demande, nous attendons de vous une réponse favorable.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. Ciciarello. M. le ministre.

M. Garon: J'aimerais vous dire tout d'abord qu'à la page 2, quand vous dites — je voudrais d abord vous remercier d'être venus et de nous avoir présenté votre mémoire et de vous être déplacés — que, de par l'article 21, la partie zonée agricole sera un manque à gagner, je dois dire que normalement les gens qui ne cultivent pas ne cultiveront pas par après... mais les taxes ne sont pas réduites pour autant. Ils vont payer les mêmes taxes qu'ils paient actuellement. La taxation est réduite uniquement pour les terres cultivées.

Je dois aussi vous dire que la superficie de votre municipalité est de 5889.02 hectares, de 5889 hectares. La zone agricole qui a été retenue est de 2804 hectares. L'aire non retenue est de 3085 hectares. Là-dessus, il y a 2225 hectares bâtis, cela ne veut pas dire qu'ils sont bâtis à 100%; il y a passablement de trous là-dedans. La zone d'expansion qui n'est pas bâtie, qui n'est pas dans le territoire agricole, comprend 860 hectares. Si vous multipliez par 2,5, cela fait autour de 2000 acres pas bâties. Vous avez de la place, s'il vous plaît, pour faire de l'expansion. Dans l'aire qui est non retenue, parce que c'est un territoire où les sols sont très bons, 80% des sols sont classés AA ou 2 et 3, 20% des sols sont classés AB ou des sols 4. Ce sont des sols de bonne qualité.

M. Ciciarello: M. le ministre, nous ne contestons pas vos chiffres, ni vos dires, au contraire, mais ce que nous voulons vous faire comprendre là-dedans ou vous souligner, c'est qu'il y a quand même 19 500 terrains qui sont détenus par différentes personnes, que ces terrains sont subdivisés et nous avons un cas patent qui nous est arrivé, pas plus tard que jeudi ou hier: une compagnie qui détenait un certain nombre de terres sur lesquelles elle devait des arrérages de taxes au montant de $70 000 a tout simplement arrêté son chèque disant qu'elles étaient maintenant zonées agricoles. Il y a là un manque à gagner pour la ville de Saint-Hubert. Aujourd'hui et pour demain, si le zonage agricole dans les plans provisoires était retiré, la ville de Saint-Hubert aurait la possibilité de récupérer une somme de près de $300 000.

M. Garon: Pardon?

M. Ciciarello: Si la ville de Saint-Hubert était retirée de la zone désignée actuellement, elle aurait la possibilité de récupérer — je dis bien la possibilité de récupérer — une somme de $300 000, parce que, comme je vous le dis, le cas Winzen chez nous, c'est un cas patent. Il y a $70 000 qu'on ne peut pas encaisser à cause de cette zone désignée.

M. Garon: Vous avez les moyens de faire payer vos taxes, si le gars ne veut pas payer.

M. Ciciarello: Ce n'est pas cela qui va arriver, c'est que les lots sont subdivisés et on va récupérer les terrains. La ville de Saint-Hubert est déjà propriétaire d'un certain nombre de terrains. Ce qui va arriver, c'est qu'on sera encore propriétaires d'une banque de terrains plus grande et plus considérable. L'impact sera le même, ce seront les propriétaires résidents qui auront à supporter l'onéreux de ces terrains.

M. Garon: ... à la banque de terres. M. Giasson: Quelle superficie...

M. Ciciarello: La banque de terres, c'est nous autres qui allons la supporter, M. le ministre.

M. Garon: Non, on va en former une. On a un projet de loi déposé pour constituer une banque de terres. Vous pourriez offrir vos terres en vente à la banque de terres. On va vous les acheter.

M. Ciciarello: Allez-vous payer $2 600 000 de taxes, M. le ministre?

M. Garon: Non, mais, actuellement, vous ne recevez pas de taxes pour les terres dont vous êtes propriétaires.

M. Ciciarello: Non, il y en a une partie. Il y a 19 500 terrains pour lesquels les gens qui sont propriétaires paient des taxes. Ce n'est quand même pas la ville de Saint-Hubert qui en supporte le coût actuellement.

M. Garon: Vous dites que vous en avez...

M. Ciciarello: Tout simplement, avec l'implantation du projet de loi 90, les propriétaires intéressés vont délaisser les terrains subdivisés. La ville de Saint-Hubert les acquerra évidemment pour le montant des taxes et nous aurons l'onéreux de les supporter. C'est dans ce sens-là. S'il y avait dans le projet de loi une compensation pécuniaire, nous autes on se retirerait immédiatement et on ne déposerait même pas de mémoire. En fait, c'est le fardeau fiscal qu'on aura à supporter...

M. Garon: Dans la loi, l'article 31... Vous dites qu'il y a des terrains au nombre de 19 500 détenus par près de 6500 propriétaires différents disséminés à travers le monde. En vertu de l'article 31, le propriétaire d'un terrain a le droit de se construire. Il a trois ans pour le faire.

M. Ciciarello: M. le ministre, il n'y a pas de services sur ces terrains-là actuellement.

M. Garon: Ah! oui, mais...

M. Ciciarello: D'où notre banque de terres qui revient.

M. Garon: Comment se fait-il que vous ayez des propriétaires disséminés à travers le monde?

M. Ciciarello: II y a des compagnies qui ont vendu des terrains, M. le ministre. J'ai personnellement envoyé des mises en demeure dernièrement à des personnes résidant en Belgique, en Suisse, à Hong Kong. Ce sont des propriétaires de terres. Je vous jure que j'en ai.

C'est exactement pour cela, M. le ministre, qu'on retire $2 600 000 de taxes actuellement de ces terres-là.

M. Vaillancourt (Orford): Vous avez des propriétaires des Etats-Unis aussi?

M. Ciciarello: On a beaucoup de propriétaires des Etats-Unis et du Mexique, oui. Pour votre information, M. le ministre, je viens, dans la semaine qui se termine, d'envoyer au-delà de 500 mises en demeure.

M. Garon: Pardon?

M. Ciciarello: Je viens, dans la semaine qui vient de se terminer, d'envoyer personnellement au-delà de 500 mises en demeure pour récupérer l'argent de ces terrains.

M. Garon: Vous devriez avertir l'Office du crédit agricole quand vous allez mettre vos terrains en vente pour les taxes, on va y aller.

M. Ciciarello: Allez-vous payer nos taxes après, M. le ministre?

M. Garon: On va payer des taxes sur vos terrains après et on va les mettre en valeur. (23 h 45)

M. Giasson: Ce sera sur une évaluation de terres agricoles.

M. Ciciarello: C'est cela, c'est exactement ce qu'on se demandait. En fait, c'est vraiment un problème particulier qui s'explique numériquement. C'est un problème d'argent. En fait, M. le ministre, nous sommes entièrement d'accord avec le zonage agricole tel que prévu, mais en y ajoutant des correctifs. Laissez-nous la possibilité de récupérer ces montants.

Le Président (M. Boucher): M. le ministre, avez-vous terminé ou est-ce que vous avez quelque chose à ajouter?

M. Garon: Je vous remercie d'être venus et de nous avoir exposé votre problème.

M. Ciciarello: Pensez-vous, M. le ministre, que c'est un problème de taille?

M. Garon: C'est la première municipalité qui nous explique un problème comme celui-là.

M. Giasson: Ce serait un cas pour l'article 37.

M. Ciciarello: A ce sujet, M. le ministre, pourrait-on être une des premières municipalités à rencontrer la commission?

Le Président (M. Boucher): M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Giasson: Merci, M. le Président. Je pense avoir saisi un peu la nature du problème que vous vivez. C'est véritablement une situation qui est sans doute unique au Québec, mais on ne sait jamais! De toute manière, il m'apparaît que vous faites face à des difficultés fort importantes, étant donné que cette zone a été retenue comme zone agricole provisoire. Pour le ministre, il y a de quoi faire un examen sérieux de la situation. Je crois que ce serait un beau cas pour l'application de l'article 37, ou encore que cela devrait retenir l'attention des commissaires aussitôt qu'ils seront entrés en fonctions. De toute façon, on vous remercie d'avoir déposé ce mémoire et on vous souhaite bonne chance dans la recherche d'une solution que vous devez, coûte que coûte obtenir de la part du ministre lui-même ou de ses fonctionnaires.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le député de Montmagny-L'Islet. M. le député de Huntingdon.

M. Dubois: Merci, M. le Président. Je ne devrais pas rire, mais je pense que vous avez un cas d'espèce quand même très intéressant pour la future commission qui aura à siéger et à évaluer ce cas, parce que je pense qu'elle aura l'occasion de prendre là une expérience quand même formidable. Connaissez-vous d'autres villes de la région de Montréal qui ont des cas d'espèce à peu près comme le vôtre, en fait peut-être à un plus bas degré?

M. Ciciarello: A notre connaissance personnelle, non, M. le député.

M. Dubois: De toute façon, je suis heureux de vous entendre dire que vous êtes d'accord avec le respect des terres fertiles. C'est quand même un point de départ. Je ne peux faire autrement que de vous souhaiter bonne chance lors de votre rencontre avec la commission. Je vous remercie infiniment d'être venus ici ce soir.

M. Ciciarello: Merci.

Le Président (M. Boucher): Vous avez terminé. M. le député de Huntingdon? Merci. Il nous reste à remercier M. Ciciarello et ceux qui l'accompagnent pour la présentation de ce mémoire.

M. Ciciarello: M. le Président, j'aimerais, au nom de mes collègues, en mon nom personnel ainsi qu'au nom des membres du conseil, vous remercier de la bienveillante attention. J'aimerais souligner, en terminant, que les chiffres que nous vous avons mentionnés tantôt représentent 10% de notre budget et que, deuxièmement, nous avons tenu à être concis, vu qu'il y a déjà une autre municipalité qui attend.

Le Président (M. Boucher): Merci beaucoup, M. Ciciarello.

M. Garon: Nous vous remercions aussi pour votre concision. Vous avez quand même bien exprimé votre problème, on l'a bien compris.

Le Président (M. Boucher): J'appelle maintenant la ville de Saint-Jean.

M. Giasson: M. le Président, le trésorier de la ville de Saint-Jean, M. Roger Coulombe, avait déposé un mémoire. Or, on m'a remis, au cours de la soirée, une lettre datée du 8 décembre signée par M. Roger Coulombe, le trésorier. La lettre qui dit ceci est adressée au secrétariat des commissions, aux soins de M. Jacques Pouliot: "Monsieur, j'ai soumis aujourd'hui, un court mémoire au nom de la ville de Saint-Jean à la suite de consultations avec divers groupes de citoyens. Ce texte ne critique pas le principe du projet de loi, mais soumet plutôt des suggestions pour clarifier le texte de loi. Le représentant de la Chambre des notaires, Me Jean-Marc Audet, a couvert presque tous les points que je signale dans notre mémoire. Je vous demande donc de transcrire dans le journal des Débats, in extenso, le mémoire de la ville de Saint-Jean. Je signale cependant deux points saillants de notre mémoire: premièrement, à savoir l'importance de définir clairement le mot "agriculture" afin de permettre aux installations de conditionnement des produits agricoles de s'installer dans une zone agricole; deuxièmement, d'assurer une concordance entre le projet de loi 90 et l'article 21 de la Loi de l'évaluation foncière afin d'éviter des problèmes d'interprétation aux municipalités."

C'est signé: "Roger Coulombe, trésorier, ville de Saint-Jean-sur-Richelieu."

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le député de Montmagny-L'Islet. Comme entendu au début de la commission, le mémoire de la ville de Saint-Jean sera retranscrit au journal des Débats. (Voir annexe C)

Je demanderais à M. le ministre s'il a quelque chose à ajouter sur la demande de la ville de Saint-Jean qui, actuellement, a fait parvenir une lettre pour expliquer son absence ce soir.

M. Garon: Non.

M. Giasson: M. le ministre, il y a une des demandes qui fait état de la possibilité d'obtenir des autorisations de la commission, en temps opportun, de pouvoir utiliser de petites parcelles dans un territoire agricole pour l'implantation d'industries qui ont une relation directe avec le secteur agricole ou agro-alimentaire. J'ai bien l'impression qu'il n'y aura pas de problème là.

M. Garon: C'est dit dans la loi.

M. Giasson: M. le Président, les membres de la commission sont efficaces. On ne croyait pas pouvoir entendre tous les intervenants.

Une Voix: Passer à travers.

Le Président (M. Boucher): Vous nous aviez caché cela, M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Giasson: C'était la carte de réserve dans la manche.

Le Président (M. Boucher): La commission ajourne donc ses travaux à 10 heures, lundi prochain.

M. Garon: Sine die. Fin de la séance à 23 h 53

ANNEXE A

La Chambre de Commerce de la province de Québec

Mémoire à ta commission parlementaire de l'Agriculture

8 décembre 1978

Monsieur le président,

Monsieur le ministre,

Messieurs les membres de la Commission,

Introduction 1) La Chambre de Commerce de la province de Québec est la fédération des quelque 200 chambres et boards of trade locaux actifs au Québec. Elle regroupe ainsi plus de 35,000 membres auxquels s ajoutent près de 2,500 entreprises qui y ont adhéré volontairement et directement. Le nombre et la qualité de ses membres en font le principal porte-parole de la communauté québécoise des affaires. 2) L'intérêt de la Chambre pour la protection du sol agricole n'est pas de récente date. Depuis au moins cinq ans, la Chambre y attache une grande importance. A ce point, qu'à notre connaissance elle est, outre les partis politiques, le seul organisme d'envergure québécoise dont la vocation première déborde l'agro-alimentaire où la question a fait I'objet d'au moins deux prises de position de l'ensemble de son membership. 3) II est opportun d'indiquer à cette commission que la Chambre a participé aux consultations réalisées préalablement au dépôt du projet de loi par le ministre de I'agriculture. Afin d'éviter toute équivoque et d'informer tous les membres de la commission de nos positions, nous avons annexé ce mémoire à la présente intervention et nous vous demandons de bien vouloir consigner l'ensemble de notre mémoire au Journal des Débats. 4) Nous sommes conscients, monsieur le président, de comparaître devant cette commission après l'adoption du projet de loi 90 en deuxième lecture. Nos propos ne toucheront donc pas "à la portée, à I'à-propos, aux principes fondamentaux et à la valeur intrinsèque du projet de loi", comme le dit si bien l'article 120 du règlement de l'Assemblée nationale. Nous aurions cependant et de beaucoup préféré voir ce projet référé à la commission après la première lecture. Non pas que notre intervention ait été fondamentalement différente, mais elle aurait eu le grand avantage de ne pas "s'enfarger" dans les discussions de principes et de grandes modalités. 5) A nouveau, nous considérons un projet de loi qui sera articulé par "le règlement", ce grand inconnu, ce grand absent de l'Assemblée nationale sans lequel la législation à l'étude perd une bonne partie de sons sens. Les membres de la commission nous excuseront donc de ne pouvoir être entièrement cohérents puisque nous sommes privés de la connaissance du "règlement ". 6) La Chambre a déjà indiqué son accord sur la nécessité d'une loi de la protection du sol agricole envisagée comme outil de développement de notre potentiel agricole au Québec. Nous croyons cependant que ce projet de loi est perfectible et, tout en félicitant son parrain d'avoir présenté une mesure qui demandait beaucoup de courage, nous allons tenter de mettre en évidence certaines lacunes et les moyens d'y remédier. Même si l'actuel projet de loi 90 introduit un train de mesures susceptibles de protéger l'intégrité du sol agricole, ses modalités (auxquelles doivent s'ajouter les projets de loi 99 et 100) n'en font pas pour autant un véritable mécanisme de développement de notre potentiel agricole.

Les points d'accord 7) Au cours de nos nombreuses discussions avec les autorités, tant du gouvernement actuel que du précédent, sur la protection du territoire agricole, la Chambre a soumis de nombreuses suggestions pour la réaliser. Malheureusement, malgré votre acceptation de notre problématique lors de notre rencontre du 27 septembre dernier, seulement deux d entre elles ont été retenues. Nous sommes cependant heureux de les identifier et d'y apporter notre appui: 1- Les modalités fiscales dont le mécanisme d impôt différé (Voir Annexe I, page 11). 2- La décision de ne pas interdire l'accès à la propriété agricole par des fermiers étrangers (Voir Annexe I, page 11).

Notre problématique

Notre problématique s'inspire du fait que ce qui amène le zonage agricole, ce sont des conflits dans l'utilisation des sols. Ces conflits originent des différents besoins de la société: besoins de se loger, de se nourrir, de se transporter, de produire des biens industriels, de commercer, de se récréer et autres, toujours au meilleur coût marginal possible. C'est le marché qui peut résoudre ces conflits d'usages multiples au meilleur coût marginal. Si nous devons recourir à une solution législative et bureaucratique, il faut reconnaître que le processus politique a aussi sa propre logique.

Même dans la solution bureaucratique, les conflits d'utilisation des sols ne devraient pas ultimement être tranchés par une autorité ayant pour mandat unique ou principal la protection du territoire agricole. Ce devrait plutôt être par une autorité ayant pour mandat le meilleur aménagement possible du territoire.

Et même là, la logique interne de la solution bureaucratique, qu'on le veuille ou non, amène ses propres problèmes: 1-innefficacité et lenteur des décisions; 2-possibilité de corruption; 3-création d'inégalités entre catégories de citoyens.

Les points de nos désaccords

Dans cette perspective, examinons dans l'ordre les trois derniers problèmes mentionnés ci-dessus:' Inefficacité et lenteur:

Notre argument est fondé sur le fait que tout système de zonage des terres est essentiellement une redéfinition des droits de propriété. Ainsi, lorsque le zonage des terres s'accompagne d'un gel des transactions foncières, il faut prévoir des mécanismes pour déterminer habilement et rapidement ces "nouveaux " droits de propriété. Autrement, la frustration individuelle et les perturbations économiques qui en résultent raccourciront l'espérance de vie" de cette politique de protection des sols agricoles.

Les textes qui suivent sont inspirés d'une argumentation plus élaborée contenue à l'annexe II "Examen critique de la problématique gouvernementale en matière de zonage agricole ".

En Colombie-Britannique, lors de la déclaration du gel des terres agricoles en 1973, 28 structures régionales étaient déjà en place. Elles étaient tout à fait adéquates (1) pour délimiter les périmètres urbains selon les renseignements tirés du "Canada Land Inventory"; (2) pour permettre l'organisation de réunions d'information et d'audiences publiques au cours desquelles les citoyens pouvaient participer activement à l'élaboration du plan de la zone agricole de leurs régions; (3) pour faire, au moyen de règlements, une première délimitation, ayant force de loi, des droits des parties intéressées; (4) et pour négocier effectivement les intérêts locaux définis dans ce plan auprès d'une commission centrale ayant pour mandat de sauvegarder les principes fondamentaux de la loi.

Au Québec, ce genre de structures régionales n'est pas encore en place et ne le sera probablement pas avant au moins un an, même si le nouveau projet de loi sur l'aménagement et l'urbanisme de l'honorable Léonard est adopté pendant la session parlementaire du printemps.

Dorénavant, les nombreuses activités économiques touchées par la loi n'auront lieu dans la "zone verte" QU'AVEC L'APPROBATION DE LA COMMISSION DES TERRES AGRICOLES.

Décrivons cette réalité plus succinctement: le marché foncier d'une région entière, marché capable d'allouer des terres pour des myriades d'usages différents et d'être le lieu d'arbitrage des demandes de milliers d'usagers différents, sera dorénavant canalisé dans l'appareil décisionnel d'une seule bureaucratie centrale. "La Commission doit donner au demandeur et à tout intéressé l'occasion de lui soumettre des représentations écrites", lit-on dans l'article 60 et nous avons presque envie d'ajouter "quelque superflue et répétée que puisse être la demande de dérogation ou d'autorisation". Toutefois, presque toutes ces décisions seront loin d'être faciles: la plupart éprouveront même sans doute durement les ressources collectives de l'armée d'experts, d'enquêteurs et de fonctionnaires engendrée par le projet de loi 90.

Les dossiers de demandes s'empileront rapidement. Les propriétaires terriens qui auraient pu attendre plus de six mois avant d'apprendre que leurs terres étaient incluses dans la "zone verte" et trois mois de plus avant d'apprendre "la recommandation" de leur municipalité, se trouveront maintenant en train de contempler une embâcle d'origine législative. Ils exprimeront alors de plus en plus publiquement leur colère et leur frustration contre la politique de protection des sols agricoles.

Dans une économie où les droits de propriété peuvent être déterminés par un verdict de commission, si jamais ils peuvent l'être, les risques encourus par les investisseurs individuels et corporatifs augmenteront; les nouveaux investissements seront réduits et l'économie de la région agricole désignée ralentira. A la fin, la politique deviendra encore une autre entrave à une économie provinciale qui traîne déjà la jambe.

Et tout cela, dans quel but? Pour que le Ministre d'Etat à l'aménagement puisse avoir le temps nécessaire d'élaborer, selon les principes les plus rationnels qui soient, les structures administratives décentralisées? Pour que les gouvernements qui suivent puissent à leur tour les ré-élaborer?

Nous recommandons, en conséquence, que:

1- Les municipalités et plus particulièrement les conseils de comté deviennent de véritables corps intermédiaires dans l'application de la politique de zonage agricole. 2- L'application de la loi accélérée par: a) des délais statutaires plus courts; b) une campagne d'information auprès des intéressés; c) une organisation permettant un départ rapide et efficace du fonctionnement de la Commission.

La possibilité de corruption:

Dans le projet de loi 90, les organismes gouvernementaux existant aux niveaux municipaux et provinciaux sont, en un sens, écartés de l'application de la politique de protection des terres agricoles pour laisser la place à une seule commission omniprésente et omni-interventionniste.

Le projet de loi 90 suggère essentiellement que les structures municipales et régionales déjà existantes se sont montrées vulnérables face à ceux qui ont découvert qu'il est plus facile de manipuler l'appareil étatique que de fausser en leur faveur le fonctionnement d'un marché libre des terres agricoles. Elles reflètent aussi la pleine conscience que la création d'une seule commission centrale n'éliminera pas la possibilité de corruption mais ne fera que changer les conditions dans lesquelles la corruption aura lieu et qu'augmenter les récompenses accordées aux succès. C'est pourquoi l'article 96 est là permettant au gouvernement, "par avis écrit à la Commission, de soustraire une affaire à sa juridiction".

L'expérience de la Colombie-Britannique nous enseigne que ce n'est pas nécessairement la bonne solution. Dans cette province, un gouvernement néo-démocratique, soucieux de protéger le patrimoine agricole, a doté sa "Land Commission" du pouvoir de fouler aux pieds les administrations municipales et régionales, qui jusqu'alors se distinguaient par leur incapacité et leur répugnance totales à résister aux forces de la spéculation et du développement. Le gouvernement n'a prévu aucun droit d'appel en cour et ne s'est pas réservé le droit de révision.

Un système bureaucratique délimitant les droits de propriété n'admet pas d'arbitre final parfait. Il peut cependant utiliser les services d'une structure publique parallèle qui possède une certaine indépendance grâce à la titularisation de ses membres: le pouvoir judiciaire.

En conséquence, nous recommandons que: 3- Le droit de révision conféré au gouvernement par l'article 96 soit transféré au pouvoir judiciaire. Les inégalités entre catégories de citoyens:

Dans le projet de loi 90, le gouvernement a choisi d'ignorer notre suggestion qu'une politique de protection des sols agricoles pourrait être réalisée efficacement et sans heurts inutiles par la volonté seule des agriculteurs pour qui la loi a été faite. En proposant ce qui est, en réalité, "un modèle urbain", notre premier objectif était de mettre en place une politique de protection des sols agricoles qui perturbe le moins possible l'économie. Nous étions également conscients de l'importance du respect des droits de propriété qui permettent à une personne d'utiliser, de jouir et de disposer de ses biens.

Il appert que le gouvernement avait une problématique différente dont le résultat sera qu'au Québec, il y aura deux catégories de citoyens-propriétaires.

Dans l'une de ces catégories, on retrouvera le citoyen dont les propriétés sont assujetties aux législations municipales. Si un règlement de zonage peut affecter ses propriétés, ce citoyen-propriétaire aura le droit d'être avisé du changement proposé; il y aura alors audiences publiques et il pourra voter sur ce règlement par référendum. Si ses biens doivent être expropriés pour fins publiques, il sera avisé, entendu et indemnisé. Il existe même une procédure d'appel auprès des instances judiciaires pour lui garantir ses droits.

Dans l'autre catégorie, on retrouvera le citoyen-propriétaire dont les biens seront régis par la loi 90.

Ce plan de zonage lui sera imposé, et périodiquement revisé, par une commission centrale agissant avec ou sans la collaboration de ses représentants locaux. Il ne sera pas consulté par voie de référendum

II n'aura droit d'appel que devant cette même commission qui a préparé le plan de base. Son droit de propriété aura été démembré, mais l'article 407 du Code civil ne s'appliquera pas.* Ses biens seront devenus, par extension, "utilité publique" pour fins d'agriculture. Enfin, s'il désire vendre sa propriété, son droit de disposition sera réduit au marché des agriculteurs ou à la banque des terres au prix fixé par le gouvernement.

Ce 8 décembre 1978.

LA CHAMBRE DE COMMERCE DE LA PROVINCE DE QUÉBEC "'Nul ne peut être contraint de céder sa propriété si ce n'est pour cause d'utilité publique et moyennant une juste et préalable indemnité."

(ANNEXE I)

Le zonage agricole

par La Chambre de Commerce de la province de Québec

en réaction au "Document de consultation sur la protection du territoire agricole québécois"

Septembre 1978 Avant-propos

C'est avec plaisir que la Chambre a accepté de participer aux consultations que le ministre de l'Agriculture a entreprises sur l'opportunité et les moyens de protéger le sol agricole du Québec.

La contribution de la Chambre à ce dossier s'élabore en fait depuis près de cinq ans et ce, fondamentalement pour répondre aux besoins de son membership. Nos membres, aussi bien les quelque 35,000 qui adhèrent volontairement par le biais d'une des 200 chambres de commerce ou boards of trade locaux, que les plus de 2,500 entreprises qui adhèrent directement à la Chambre provinciale, sont actifs dans toutes les sphères de l'activité économique au Québec.

Ceci, bien sûr, comprend la production agricole au niveau des producteurs et, en plus, tous les maillons de la chaîne agro-alimentaire auxquels s'ajoutent les industriels désireux d'implanter ou d'agrandir leurs établissements et même les promoteurs immobiliers des secteurs industriels et résidentiels.

En somme, sauf pour le grand public, nous réunissons de nombreux éléments représentatifs des intérêts visés par toute politique de protection des sols agricoles.

Enfin, nos membres ont eu à se prononcer à deux reprises, au cours des assemblées générales de 1974 et 1975, sur cette question et notre communication s'inspire largement du fruit de ces débats.

Introduction'

C'est le 11 août dernier qu'était rendu public le document de consultation sur la protection du territoire agricole québécois. Puisque ce document élabore les prémisses de l'action proposée, il nous apparaît opportun, avant même d'en aborder l'objet principal, de discuter de certains énoncés et d'en revoir la perspective. Cet exercice peut, à prime abord, paraître dilatoire. Telle n'est pas notre intention. Les intérêts en jeu sont d'une importance telle (au moins deux ministres ont dû abandonner le projet depuis son inscription aux priorités gouvernementales en 1974) que l'appui sollicité de la population doit procéder de l'information la plus objective et la plus limpide possible. C'est donc d'abord à cet aspect que nous nous attarderons.

Chapitre I: L'auto-suffisance: peut-être, mais jusqu'où?

Après avoir fait le constat de la dégradation, surtout depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, de l'intégrité du sol agricole (diagnostic appuyé par la Chambre) et conclu "qu'en terme de sol à haut potentiel agricole, le Québec se retrouve parmi les plus démunis"*, le document cite, dans la section consacrée aux tendances, la diminution de 12,4% des superficies cultivées au Québec de 1961 à 1976 en regard d'augmentations de 8,5% en Ontario et de 12,2% au Canada. Aucune suggestion quant aux raisons pouvant motiver de tels écarts de comportement n'est offerte et cela est malheureux, car il est alors permis de supposer que ce sont les politiques agricoles du Québec qui sont les principales responsables de cette détérioration, les autres parties du Canada, à l'exception de la Colombie-Britannique depuis 1973, n'ayant pas de zonage agricole durant la même période.

Nous préférons voir dans la donnée qui précède une différence dans les conjonctures agricoles, le Québec ayant amorcé un redressement depuis les quelques dernières années dans la superficie des terres cultivées. Sinon, la question serait d'une telle importance qu'elle permettrait de remettre en question l'argument sur lequel s'appuie l'essentiel de la cause présentée en faveur de la protection des sols: l'auto-suffisance.

La volonté politique du Québec d'atteindre le degré le plus élevé possible d'autarcie dans sa production alimentaire date de tellement de décennies qu'elle fait presque partie de notre patrimoine culturel. Elle est "dans nos trippes".

Le document de consultation, en page 12, affirme que: "Laisser dilapider nos bonnes terres nous obligerait à dépendre encore davantage des marchés extérieurs pour notre ravitaillement et compromettrait irrémédiablement nos chances d'atteindre, un jour, l'objectif souhaitable de l'auto-suffisance".

Lors du récent mini-sommet sur l'agro-alimentaire, table de consultation par excellence, la notion d'auto-suffisance fut remplacée par l'objectif d'équilibre de nos échanges. C'est un objectif plus réaliste

quoique ambitieux. Pourtant, le document revient continuellement avec la notion d'auto-suffisance. Serait-ce une indication de la valeur de la consultation?

Pourtant, sur le strict plan économique, non seulement cette politique d'auto-suffisance a-t-elle des limites (pensons aux agrumes), mais elle impose aussi de sérieuses contraintes. La plus importante de ces contraintes est celle nous empêchant de développer une ou des spécialités à l'envergure du marché mondial, laquelle nous permettrait d'échanger cette ou ces quelques denrées pour satisfaire nos autres besoins alimentaires. Cette politique d'auto-suffisance nous voue donc, à longue échéance à cause de la multiplicité des denrées à produire, à n'avoir aucun débouché significatif sur les marchés d'exportations.

Deux autres alternatives, toujours sur un plan strictement économique, doivent être écartées par notre recherche de la sécurité qu'est la politique d'auto-suffisance.

La première s'appuie sur un degré assez poussé d'initiative où le Québec (comme le fait le Japon) prendrait l'attitude d'échanger des produits finis contre la fourniture par des partenaires extérieurs de ses besoins alimentaires. Cela n'a rien de bien nouveau, nous reprochons à d'autres pays d'avoir ce même comportement face à l'acquisition de nos richesses naturelles.

La deuxième pousse le rafinement un peu plus loin. Nous avons développé au Québec un important dispositif de transformation des produits agricoles. Nous pourrions en accentuer le développement et même innover pour un marché mondial en transformant des produits de toutes origines. (Par exemple, nos charcuteries reçoivent un excellent accueil à l'étranger, potentiellement elles peuvent être considérablement développées.)

Que nous choisissions collectivement I'auto-suffisance n'a de valeur que dans la mesure où nous savons combien il nous en coûte potentielllement. Cet examen n'a pas encore été fait.

L'autre dimension à I'auto-suffisance s'adresse à ses limites. Le document de consultation nous laisse songeurs à cet effet. A la page 8, on y affirme qu'en 1977, le Québec satisfaisait 60% de ses besoins. Plus loin, à la page 21, il est indiqué, et nous citons: "II faut toutefois se rappeler qu'il n'existe plus au Québec de réserves significatives de sols fertiles non-exploités pour fins agricoles". Enfin, aux pages 12 et 9, les chiffres laissent croire que, pour rétablir notre degré d'auto-suffisance en céréales fourragères au 55% qu'il était en 1961, il faut récupérer plus de 300,000 acres de sol à potentiel élevé. C'est 20% du total des terres à haut potentiel agricole au Québec.

Est-ce réaliste d'envisager une telle politique?

L'objet de notre propos ici est de tenter d'obtenir au départ des réponses réalistes aux questions que soulève la politique d'auto-suffisance et de déterminer les politiques alternatives pour la portion que nous nous attendons d'atteindre.

Enfin, d'autres questions sont intimement liées à la politique d'auto-suffisance, notamment celles abordées dans le deuxième chapitre du document, soit: "les facteurs responsables de cette évolution et les conséquences qui en découlent".

Le texte de ce chapitre s'attarde beaucoup plus longuement aux facteurs externes qu'aux facteurs internes, quoique ces derniers soient abordés. Parmi ces facteurs internes propres au Québec, il eut été aussi important d'attirer l'attention du lecteur sur le fait que l'âge moyen du producteur agricole québécois se situe actuellement à 47,5 ans, soit environ 17 ans de plus que la moyenne de la population active.

Cet écart témoigne d'une sérieuse carence dans la relève, explique en partie le phénomène de la déstructuration et limite, à moins d'être radicalement modifié, notre potentiel d'avenir.

Si l'on nous permet une parenthèse, nous voulons brièvement aborder une notion économique fondamentale trop souvent oubliée par ceux qui nous gouvernent en général (pour ne pas viser que le gouvernement actuel, sans l'oublier). Cette notion s'appuie sur le postulat que l'homme étant rationnel, il prendra des décisions rationnelles en fonction des informations qu'il possède. Pour illustrer cette notion, le document cite, en page 5, une conclusion d'une étude de l'I.N.R.S. à l'effet que la région Sud de Montréal avait connu une déstructuration de 366,354 acres, alors que le besoin réel pour l'urbanisation n'était que de 33,808 acres. Ne faut-il pas penser que les producteurs agricoles ayant atteint un âge les rapprochant de la fin de leurs activités professionnelles sans voir de relève ont agi rationnellement en changeant la destination de leurs principaux avoirs, leurs terres?

La protection proposée du sol agricole modifiera-t-elle ce choix économique? Seulement dans la mesure où une relève bien préparée sera prête à intervenir à très courte échéance.

Une autre question laissée sans réponse par le document de consultation s'apparente à celle de la relève. Parmi les nombreuses acres retirées à l'agriculture au fil des ans, un grand nombre est encore sous l'effet de la "spéculation ", donc inutilisé. Par quel mécanisme prévoit-on retourner ces terres à brève échéance à l'agriculture une fois les mesures de protection en vigueur? Et que seront les agriculteurs pour le faire?

Chapitre II: Pourquoi alors la protection du sol agricole?

Les questions soulevées au chapitre précédent pourraient laisser croire en notre opposition à la protection de l'intégrité du sol agricole par le zonage. Pourtant, non seulement en est-il autrement, mais la Chambre en réclame l'adoption depuis son congrès de septembre 1975. Permettez-nous de citer cette politique d'action:

"Concernant la protection et l'utilisation du sol agricole: 1) adopter une loi — permettant de procéder, avec le concours des municipalités et après consultation avec les intéressés, à une délimitation efficace du territoire agricole; — favorisant une utilisation optimale du même territoire pour fins agricoles tout en sauvegardant les droits acquis des intéressés y inclus l'expansion des villes selon des plans d'aménagement; — contrôlant également les transactions de fermes en faveur des non-résidents; — assurant la concertation de tous les ministères intéressés par la création d'une commission interministérielle d'aménagement du territoire; 2) adopter cette loi dans les meilleurs délais sans préjudice à toute autre loi favorisant le zonage et l'aménagement intégrés du territoire qui pourrait éventuellement en assurer la complémentarité. Pour qu'une telle loi soit efficace, elle devra prévoir des avantages pertinents au développement agricoles'.

Cette politique, adoptée en assemblée générale, avait été précédée d'une intervention du président de la Chambre auprès du premier ministre, le 17 juin 1975. Cette communication proposait un mécanisme d'intervention immédiate. Il est utile de le rappeler: "A ce sujet, le Conseil d'administration de la Chambre, lors de sa réunion du 27 mai dernier, m'a chargé de vous demander qu'une directive du Conseil exécutif soit adressée au ministre des affaires municipales l'enjoignant, lorsqu'une demande d'approbation d'extension des services municipaux pour fins d'expansion urbaine lui est soumise, de consulter et d'obtenir l'avis du ministre de l'agriculture avant d'autoriser la demande.

Nous croyons que cette mesure aurait pour effet de soulager considérablement les pressions auxquelles sont soumis les sols agricoles avant le dépôt et l'adoption d'un éventuel projet de loi". Le fondement de nos politiques se retrouve dans une autre de nos résolutions adoptées lors de la même assemblée générale. Cette dernière vise à voir s'accentuer la vocation économique du ministère de l'Agriculture en lui demandant: "a) d'arrêter des priorités agricoles; "b) de déterminer un certain nombre de cultures, d'élevages et d'opérations de transformation à être développées graduellement; et "c) d'épauler ces déterminations d'une politique de commercialisation."

A ce stade, nous étions et demeurons conscients que la réalisation de cette dernière politique (surtout à l'alinéa b) allait requérir des investissements considérables aussi bien de la part des producteurs agricoles que de l'Etat et que la réalisation de ces investissements commandait l'assurance d'une assez longue période de stabilité. De plus, il est notoire que les activités agricoles, de par leur nature, voisinent mal les activités urbaines, surtout par leurs effets sur l'environnement (ce que rappelle avec beaucoup d'à-propos le document de consultation).

Il n'en demeure pas moins que, pour la Chambre, le zonage agricole sera essentiellement une mesure artificielle aussi longtemps qu'il ne sera accompagné d'un programme concret et articulé de mise en valeur du sol à être protégé.

Malheureusement, le document de consultation ne s'en tient qu'à de pieuses intentions quant aux moyens concrets de réaliser la mise en valeur.

Chapitre III: L'indemnisation — tout n'a pas été dit!

Le document de consultation élabore toute une thèse pour démontrer l'iniquité de l'indemnisation suite à l'application de mesures de protection du sol agricole, surtout en s'appuyant sur les règlements de zonage urbain. La Chambre, à une condition expresse, est prête à accepter cette argumentation. Cette condition est à l'effet d'appliquer intégralement le mécanisme suivant: "Incorporer à tout projet de loi d'urbanisme ou d'aménagement du territoire ou à tout projet de loi modifiant la Loi des cités et villes ou le Code municipal portant sur l'aménagement du territoire des dispositions: a) Prévoyant une consultation formelle et obligatoire de la population directement touchée, par voie de référendum, avant l'adoption d'un schéma d'aménagement régional, d'un schéma d'aménagement de secteur, d'un schéma d'urbanisme ou d'un règlement de zonage; b) Prévoyant la possibilité d'une semblable consultation, conforme à l'esprit de la Loi des cités et villes, lors de la révision périodique des divers schémas et règlements de zonage; c) Prévoyant le cens d'éligibilité à voter de toute personne de dix-huit ans et plus habitant une municipalité ou un secteur touché par un schéma ou un règlement de zonage; d) Prévoyant la nullité de toute disposition contenue dans un schéma ou un règlement de zonage qui a pour effet d'imposer l'équivalent d'une réserve pour fins publiques sans donner droit aux mêmes recours que ceux imposés en vertu de la Loi sur l'expropriation;

e) Prévoyant l'obligation de dresser une synthèse et sa mise à jour du régime des réserves pour fins publiques, des réserves pour parcs et terrains de jeux et des plans de rénovation urbaine dont l'enregistrement a le même effet (conformément à la Loi de la Société d'Habitation du Québec) de façon à assurer une uniformité des lois et une meilleure planification en milieu urbain; f) Prévoyant que lorsqu'une municipalité décidera de disposer de terrains acquis pour parcs et terrains de jeux, l'ancien propriétaire possède un premier droit d'option de rachat à la valeur telle qu'inscrite au rôle municipal desdits terrains et que l'enchère publique n'ait lieu qu'au cas de refus de ce dernier de s'en porter ainsi l'acquéreur. "

La raison qui sous-tend cette condition est fort simple: le système actuel prévoit la libre disposition par le producteur agricole de ses biens sans poser de conditions restrictives sur les changements de destination. Ce droit ne peut être aliéné que par celui qui le possède, tout comme c'est le cas en matière de zonage urbain.

Par ailleurs, le document de consultation ne fait nulle part référence à un problème de taille soulevé par le ministre d'Etat à l'Aménagement du territoire, dans une entrevue publiée par Le Devoir, le 3 février 1978. Nous en citons un extrait: "Au ministère des Finances, on prépare aussi une mesure complémentaire à ces dispositions antispéculatives. Souvent la spéculation était pour les agriculteurs un moyen de se constituer un fonds de pension à la fin de leur vie active. La vente de leurs terres à des fins commerciales, industrielles ou domiciliaires, leur rapportait beaucoup plus qu'une vente à des fins strictement agricoles. Pour pallier à une telle situation, on étudie la création d'un régime de retraite pour les agriculteurs."

Cette question a-t-elle été laissée pour compte?

Chapitre IV: Et qui sera l'arbitre?

La section sur les intervenants abordée dans le troisième chapitre a tôt fait de disposer de la municipalité comme principale responsable du contrôle de la protection des sols agricoles. Les arguments utilisés à bon escient s'appliquent par ailleurs "mutatis mutandis" comme l'invoquent si souvent nos législations, au ministre de l'Agriculture. (Voir annexe).

A notre avis, l'organisme intervenant le plus souhaitable se situe au niveau régional (conseils de comtés), se compose de représentants des intéressés auxquels s'ajoutent un nombre suffisant de personnes neutres. Un mécanisme d'appel des décisions régionales doit aussi être prévu et, tout en étant composé des représentants des mêmes intérêts, relèverait du ministère d'Etat à l'Aménagement du territoire.

Chapitre V: Comment protéger nos sols arables?

Un scénario souhaitable

Après toutes ces considérations, comment la Chambre voit-elle s'effectuer, efficacement mais sans heurts inutiles, la protection des sols agricoles? Fondamentalement, par étapes.

Une première étape consiste en l'adoption d'une loi à quatre volets: celui de la mise en valeur, celui de la protection, celui de la délimitation des sols et celui de l'application.

Le volet de la mise en valeur porterait sur les engagements de l'Etat concernant, entre autres, l'irrigation, le drainage, la commercialisation, la formation et l'assistance technique (nous présumons que les mesures actuelles d'assistance financière seraient maintenues) en vue de soutenir la valeur économique du sol, auquel s'ajouteraient des mécanismes permettant, si la situation le justifie, d'inviter des producteurs spécialisés étrangers à s'établir au Québec.

Le volet de la protection porterait, pour sa part, sur des mesures fiscales, notamment des avantages en matière de fiscalité foncière et impôt différé à être remboursé s'il y a changement de destination et sur une mesure de planification, la création de banques de terres.

Nous comprenons la notion d'impôt différé comme étant plus large que le seul remboursement des avantages fiscaux fonciers dont aurait bénéficié le producteur agricole. Ce remboursement comprendrait aussi la valeur en gains de capital que lui auraient procurée des investissements de l'Etat. Par exemple, le drainage souterrain auquel l'Etat aurait contribué a augmenté la valeur des avoirs. Une proportion de cette contribution serait aussi remboursable.

Nous avons éliminé certaines propositions du document de consultation: 1. l'impôt sur les mutations foncières auquel nous préférons l'impôt différé; 2. l'impôt sur les gains de spéculation car, d'une part, l'imposition des gains en capital existe déjà et il faudrait prévoir la contrepartie en équité fiscale, soit la déduction des pertes de la spéculation. Dans le secteur de la planification, nous avons éliminé la création de réserves agricoles pour éviter les problèmes connexes aux réserves pour fins publiques qui comportent une indemnisation, la régie-

mentation du lotissement et de l'utilisation des terres comme mécanisme beaucoup trop lourd et fastidieux, et le contrôle de la propriété à des non-résidents dans la mesure où ces derniers respectent activement la destination agricole de la terre.

Les territoires ayant refusé la protection de la loi seraient exclus des bénéfices.

Le troisième volet prévoirait la délimitation des sols à protéger en collaboration avec les municipalités pour tenir compte de leurs besoins prévisibles et de leur localisation.

Le quatrième volet prévoirait qu'une fois une zone régionale délimitée, les électeurs (au cens d'éligibilité municipale) seraient invités à se prononcer, par voie de référendum, sur l'opportunité de se prévaloir des avantages et de la protection offerte par la loi.

Voilà, en somme, le mécanisme concret que vous propose la Chambre, pour atteindre les divers objectifs que nous partageons quant au développement de l'agriculture québécoise.

Chapitre VI: De la consultation, en guise de conclusion

Dans son propos sur la consultation, le ministre l'invite surtout sur les principes d'intervention, sur les responsabilités des intervenants et sur les mécanismes de contrôle.

Nous y sommes arrivés, certes. Mais non sans contester les arguments invoqués en faveur de la "nécessité évidente". Ce n'est pas par frivolité. Depuis trop longtemps au Québec, et c'est notre drame collectif, nous recherchons la sécurité dans toutes nos activités. La sécurité sclérose. Elle tue l'initiative et l'imagination, nous empêche souvent de nous améliorer et laisse partout dans son sillage la stagnation et la démotivation.

La Chambre a préféré donner une autre perspective à la question de la protection des sols agricoles: en faire une mesure essentiellement axée sur sa mise en valeur et sur le développement accéléré de son potentiel.

C'est à ce titre qu'elle offre sa collaboration à cette démarche de consultation.

LA CHAMBRE DE COMMERCE Montréal, ce 15 septembre 1978. DE LA PROVINCE DE QUEBEC

Examen critique de la problématique gouvernementale en matière de zonage agricole A. Une question d'inefficacité

Dans son premier mémoire, la Chambre a proposé que la protection des sols agricoles du Québec s'effectue "efficacement mais sans heurts inutiles" en quatre étapes. Les trois premières consisteraient dans la mise en valeur des sols, dans leur protection apportée par un régime fiscal spécialisé et dans leur délimitation; la dernière, l'application du zonage agricole, découlerait des précédentes, selon les modalités d'un modèle urbain prévoyant "une consultation formelle et obligatoire de la population directement touchée, par voie de référendum." En effet, la Chambre envisagerait une situation dans laquelle les propriétaires des terres agricoles "seraient invités à se prononcer... sur l'opportunité de se prévaloir des avantages et de la protection offerte par la loi". (Politiques d'action, 1975).

Nous prétendons alors qu'en choisissant d'ignorer cette approche non-coercitive, le gouvernement met en péril sa propre politique de protection des sols agricoles. Notre argument est fondé sur le fait que tout système de zonage des terres est essentiellement une redéfinition des droits de propriété. Ainsi, lorsque le zonage des terres s'accompagne d'un gel des transactions foncières, il faut prévoir des mécanismes pour déterminer habilement et rapidement ces "nouveaux" droits de propriété. Autrement, la frustration individuelle et les perturbations économiques qui en résultent raccourciront l'espérance de vie" de cette politique de protection des sols agricoles.

Or, l'application de la loi 90 promet de n'être ni habile ni rapide: fait qui sera plus évident si on la compare avec sa "parente" de la Colombie-Britannique.

En Colombie-Britannique, lors de la déclaration du gel des terres agricoles en 1973, des structures régionales étaient déjà en place. Elles étaient tout à fait adéquates (1) pour délimiter les périmètres urbains selon les renseignements tirés de "l'Inventaire canadien des terres"; (2) pour permettre l'organisation de réunions d'information et d'audiences publiques au cours desquelles les citoyens pouvaient participer activement à l'élaboration du plan de la zone agricole de leurs régions; (3) pour faire, au moyen de règlements*, une première délimitation, ayant force de loi, des droits des parties intéressées; (4) et pour négocier effectivement.

Au Québec, ce genre de structures régionales n'est pas encore en place et ne le sera probablement pas avant au moins un an, même si le nouveau projet de loi sur l'aménagement et l'urbanisme de "Edictés par les districts régionaux ou les municipalités.

l'Honorable Léonard est adopté pendant la session parlementaire du printemps. Ce que nous avons actuellement en fait de structures régionales, les conseils de comtés, par exemple, ne prévoient pas habituellement les ressources humaines et fiscales nécessaires à la pratique de la gestion intégrée des sols (integrated land use management). Il en résulte que la tâche d'élaborer les plans locaux et de les négocier ensuite auprès de la commission centrale, incombe à la myriade des 614 municipalités locales dont peu possèdent les ressources, les talents ou les compétences techniques requises pour défendre les intérêts particuliers de leur localité ou de leur région. Comme si l'inégalité dans leurs pouvoirs de négocier ne constituait pas déjà un handicap assez grand, ces municipalités souffriront en plus de l'absence de mandat général leur permettant d'informer et d'écouter les propriétaires des terres agricoles locales lorsque ceux-ci rédigent leurs plans locaux; donc, elles n'auront aucun mandat spécifique pour les représenter devant la commission.

En Colombie-Britannique, le "Land Commission Act" prévoit que toutes les parties affectées par la politique du zonage des terres agricoles recevront une première délimitation légale de leurs droits de propriété, dûment ratifié par un règlement d'un des 28 districts régionaux ou des 139 municipalités concernés, dans les 90 jours suivant la promulgation de la loi. Ceux qui n'étaient pas satisfaits de cette délimitation, c'est-à-dire environ 10% des propriétaires des terres agricoles, ont fait ensuite appel auprès de la Commission de la protection des terres agricoles à Vancouver. M. Denis K. O.Gorman, directeur de ('"Environment and Land Use Committee" de la Colombie-Britannique, estime que, à peine 30% du poids de la politique du zonage agricole a été supporté par la Commission et malgré cela il y avait un retard de 500 appels avant même que la Commission puisse se mettre en marche.

Au Québec, les corporations municipales ont deux fois plus de temps (180 jours) pour négocier auprès de la Commission, le plan imposé par le gouvernement de la zone agricole de leurs territoires. De plus, jusqu'à ce que ce plan soit soumis à I'approbation du gouvernement et que le décret subséquent soit publié, les propriétaires ayant l'intention de soumettre des demandes de dérogation ou d autorisation devant la Commission ne peuvent pas, à toutes fins utiles, engager des procédures visant à une délimitation finale de leurs "nouveaux " droits de propriété*. Pour aggraver encore plus la situation la première barrière est une réunion peu concluante avec une corporation municipale dotée seulement d'un pouvoir de faire des recommandations devant la Commission. Cette réunion peut durer trois mois. Donc, plus d'un an peut s'écouler avant que les parties intéressées à déterminer, selon la politique de la protection des sols agricoles, le "nouveau" droit de propriété, ne se trouvent même devant l'organisme habilité à faire cette délimitation!

La lenteur et le manque d uniformité sont encore compréhensibles lorsque tout le monde attend la législation qui mettra en place les structures régionales nécessaires, mais elles sont tout à fait intolérables dans un marché foncier agricole presque gelé.

Nous avons dit "presque gelé'. Soyons plus précis. L'imposition d'un gel partiel des terres agricoles aura pour effet de déplacer certaines activités économiques vers la périphérie de la "zone verte". (Nous pensons aux comtés de Grand-Mère, de Richmond et de la Beauce). Toutefois, la création d'une région agricole potagère haussera les coûts des terres, à la fois dans les villes et dans les régions périphériques. Cette inflation des coûts des terres ralentira la construction partout où le marché foncier est affecté par l'existence de la "zone verte".

Il est vrai qu'un certain nombre de lots déjà desservis par les aqueducs et les égouts sanitaires ou déjà autorisés à l'être, sera disponible dans les mois à venir, dans les régions agricoles désignées. Il est vrai aussi que certains entrepreneurs possédant des terres pour lesquelles un permis d'utilisation à une fin autre que l'agriculture existe déjà, voudront construire dans l'année à venir, plutôt que de voir leur permis éteint selon l'article 102. Peut-être aussi que, dans les mois à venir, divers commerces et industries utiliseront leur hectare permis pour s'agrandir et que les rares fermiers à posséder une ferme sans maison de ferme se décideront à corriger cette anomalie.

Mais cela s'arrêtera là! Il n'y aura pas de lotissement ou d'aliénation des parties inutilisables des fermes... pas de construction de chalets par les citadins... pas de développement résidentiel, commercial ou industriel des terres en friche par des personnes autres que des agriculteurs...' pas de construction de résidences secondaires par les fermiers, pour leurs vieux parents ou leurs employés..."" pas d'agrandissement de "gravellière ', de sablière ou d'entreprises de décapage de terres gazonnières... pas d'importants centres commerciaux ou industries nouvelles... Dorénavant, toutes ces activités économiques n auront lieu dans la "zone verte" QU'AVEC L'APPROBATION DE LA COMMISSION DES TERRES AGRICOLES.

Décrivons cette réalité plus succinctement: le marché foncier d'une région entière, marché capable d'allouer des terres pour des myriades d'usages différents et d'être le lieu d'arbitrage des demandes de milliers d'usagers différents, sera dorénavant canalisé dans l'appareil décisionnel d'une seule bureaucratie centrale. "La Commission doit donner au demandeur et à tout intéressé l'occasion de lui soumettre des représentations écrites ", lit-on dans l'article 60 et nous avons presque envie d'ajouter "quelque superflue et répétée que puisse être la demande de dérogation ou d'autorisation ". Toutefois, presque toutes ses décisions seront loin d'être faciles: la plupart éprouveront même sans doute

Nous considérons que l'article 35 ne prévoit pas de telles procédures.

durement les ressources collectives de l'armée d'experts, d'enquêteurs et de fonctionnaires engendrés par le projet de loi 90.

Les dossiers de demandes s'empileront rapidement. Les propriétaires terriens qui auraient pu attendre plus de six mois avant d'apprendre que leurs terres étaient incluses dans la "zone verte'' et trois mois de plus avant d'apprendre "la recommandation" de leur municipalité, se trouveront maintenant en train de contempler une embâcle d'origine législative. Ils exprimeront de plus en plus publiquement leur colère et leur frustration contre la politique de protection des sols agricoles.

Dans une économie où les droits de propriété peuvent être déterminés par un verdict de commission, si jamais ils peuvent l'être, les risques encourus par les investisseurs individuels et corporatifs augmenteront; les nouveaux investissements se seront réduit et l'économie de la région agricole désignée ralentira. A la fin, la politique deviendra encore une autre entrave à une économie provinciale qui traîne déjà la jambe.

Et tout cela, dans quel but? Pour que le Ministre d'Etat à l'aménagement puisse avoir le temps nécessaire d'élaborer, selon les principes les plus rationnels qui soient, les structures administratives décentralisées? Pour que les gouvernements qui suivent puissent à leur tour les ré-élaborer?

Devant le fait accompli du gel des terres agricoles, la Chambre recommande respectueusement que les modalités de la loi 90 s'éloignent de l'uniformité pour aller vers une plus grande efficacité et une plus grande rapidité des structures décisionnelles. Plus particulièrement, la Chambre recommande: que les municipalités et surtout les conseils de comtés, en collaboration avec leurs municipalités membres) soient dotés des ressources fiscales et des compétences techniques nécessaires pour (1) élaborer des plans de la zone agricole de leurs territoires, avec, au besoin, les conseils et l'aide de la Commission; (2) pour informer et pour écouter les parties intéressées et pour faire une première délimitation de leurs droits de propriété ayant force de loi; (3) pour négocier efficacement les intérêts locaux définis dans ledit plan auprès d'une commission centrale ayant comme mandat de sauvegarder les principes fondamentaux de la loi; que le gouvernement raccourcisse les délais statutaires à l'intérieur desquels les municipalités doivent soumettre leur plan pour approbation par la commission, de la zone agricole et les délais de publication de l'entrée en vigueur du décret établissant cette zone agricole;. que le gouvernement établisse les délais statutaires à l'intérieur desquels la commission doit se prononcer sur les soumissions lorsque les représentations écrites sont jugées suffisantes; et que les critères avec lesquels seront évaluées les demandes de dérogation et d'autorisation soient établis au plus tôt et que l'entraînement du personnel se fasse sans délai afin de permettre un démarrage rapide du fonctionnement de la Commission; que, pendant les 18 mois suivants, le gouvernement fasse tout en son pouvoir pour informer la population sur le contenu de cette politique, de façon à éviter des demandes de dérogation et d'autorisation superflues.

La possibilité de corruption

Dans le projet de loi 90, les organismes gouvernementaux existant aux niveaux municipaux et provinciaux sont, en un sens, écartés de l'application de la politique de protection des terres agricoles pour laisser la place à une seule Commission omni-interventionniste. C'est cette Commission qui, avec ou sans la collaboration des 614 municipalités, élaborera les plans locaux de zonage agricole, qui statuera sur l'ensemble des demandes de dérogation et d'autorisation et qui émettra les ordonnances enjoignant les personnes à respecter la loi. Dans l'exercice de ces pouvoirs étendus, la commission pourra décréter et enquêter partout où elle le voudra. Enfin, en vertu du mandat lui permettant de "surveiller l'application de la politique", la commission est elle-même une partie intéressée, mais partie intéressée munie des pouvoirs de passer des jugements finals et sans appel.

Quelles sont les raisons justifiant la création de cette nouvelle et importante omnipotence bureaucratique? L'une est que les fermiers ont besoin de ce rempart pour les protéger des actions arbitraires des pouvoirs locaux. L'exemple de Laval, qui a littéralement mis ses agriculteurs et éleveurs hors-la-loi en interdisant sur son territoire tout élevage autre que celui de chiens, des chats et des chevaux, prouve que ce besoin de protection n'est pas sans fondement. Ce que cet exemple n'explique pas, cependant, est la raison pour laquelle une Commission de protection des terres agricoles serait plus en mesure de servir de rempart que, disons, le Ministère de l'Agriculture.

Une autre raison avancée pour justifier la création d'une Commission si forte et si dominante est le prétendu besoin d'une intervention gouvernementale directe qui, au moins dans les premières années "En Colombie Britannique, tout terrain de moins de deux acres n'était pas touché par la loi. "Que l'interprétation soit conforme ou non aux intentions du Ministère de l'agriculture, elle est en tous cas tout à fait conforme à larticle 40, au dépliant du Ministère de l'agriculture intitulé "Information aux citoyens " et aux déclarations du Ministre à l'Assemblée nationale, le 16 novembre 1978, Débats de l'Assemblée nationale, page 3777. Cette pratique est permise en Colombie Britannique.

de l'application de la politique du zonage agricole, sera uniforme, rapide et efficace. En fait, comme nous l'avons déjà constaté dans la partie précédente, la création d'une seule Commission centrale constitue plus une entrave qu'une aide pour mener à bien ce processus essentiel qui doit permettre de définir les "nouveaux" droits de propriété créés par cette politique.

La troisième et dernière raison pour ériger la Commission au-dessus des structures municipales et régionales déjà existantes transparaît dans les provisions mêmes du projet de loi 90. Nous nous référons ici à l'attitude de méfiance allant presque jusqu'au mépris dont font preuve les provisions du projet de loi en ce qui concerne la capacité des structures gouvernementales inférieures à faire face aux chants des sirènes des spéculateurs et des promoteurs.

Les provisions du projet de loi 90 suggèrent essentiellement que les structures municipales et régionales déjà existantes se sont montrées vulnérables face à ceux qui ont découvert qu'il est plus facile de manipuler l'appareil étatique que de fausser en leur faveur le fonctionnement d'un marché libre des terres agricoles. Elles reflètent aussi la pleine conscience que la création d'une seule Commission centrale n'éliminera pas la possibilité de corruption mais ne fera que changer les conditions dans lesquelles la corruption aura lieu et qu'augmenter les récompenses accordées aux succès.* C'est pourquoi l'article 96 est là, permettant au gouvernement, "par avis écrit à la Commission, de soustraire une affaire à sa juridiction". L'intention est claire: dorénavant l'arbitre final sera le Gouvernement lui-même. Mettra-t-on ainsi fin à la tentation d'"acheter" le personnel politique et bureaucratique, tentation qui semble refaire surface chaque fois qu'un Etat veut améliorer un marché libre dans lequel les clients sont "achetés" en leur offrant ce qu'ils demandent?

Si l'expérience de la Colombie-Britannique peut nous servir de guide, la réponse est non. Dans cette province, un gouvernement néo-démocratique, soucieux de protéger le patrimoine agricole, a doté sa "Land Commission" du pouvoir de fouler aux pieds les administrations municipales et régionales, qui jusqu'alors se distinguaient par leur incapacité et leur répugnance totales à résister aux forces de la spéculation et du développement. Le Gouvernement n'a prévu aucun droit d'appel en cour et ne s'est pas réservé le droit de révision.

Le résultat? Quatre ans après, un nouveau gouvernement qui se montrait hostile à la politique du zonage agricole, prenait le pouvoir. L'un de ses premiers gestes fut d'amender la "Land Commission Act" afin de donner au Ministre de l'Environnement à peu près les mêmes pouvoirs que ceux qui sont donnés par l'article 96 au Conseil des ministres.*

Du jour au lendemain, les municipalités désireuses de protéger leurs terres agricoles, se trouvèrent face à une "Land Commission" contrôlée par un Gouvernement disposé à saboter les principes de la Loi. Les rôles étaient renversés.

Un système bureaucratique délimitant les droits de propriété n'admet pas d'arbitre final parfait. Il peut cependant utiliser les services d'une structure publique parallèle qui possède une certaine indépendance grâce à la titularisation de ses membres: le pouvoir judiciaire.

Si notre Gouvernement est vraiment soucieux d'énoncer une politique de protection des terres agricoles qui lui survive, il devra d'abord, à notre avis, commencer par créer un équilibre entre les pouvoirs de la nouvelle Commission et ceux des autorités locales et régionales, et ensuite, se retirer complètement du dossier. Le droit de révision qui lui est actuellement conféré par l'article 96 devrait être transféré au pouvoir judiciaire qui aurait dorénavant le devoir d'entendre les appels des individus ou des administrations locales alléguant qu'une décision de la Commission n'est pas conforme aux principes directeurs de la loi.

C'est ce que nous recommandons. *Nous suggérons à ceux qui ne sont pas convaincus d'étudier de près l'histoire du non moins puissant organisme régulateur qu'est la "Interestate Commerce Commission'' aux Etats-Unis. Gabriel Kolko, The Triumph of Conservatism (Glencoe, Illinois: The Free Press, 1963) and Railroads and Regulations 1877-1916 (Princeton University Press, 1965). A ce propos, il faut souligner que Mr. Kolko est un historien socialiste. *Un virulent éditorial du Vancouver Sun, daté du 10 septembre 1977, a qualifié cet amendement "d'invitation ouverte au patronage politique du plus haut niveau " et d'invitation à s'entendre, en privé, avec des ministres, dans le but de fractionner les réserves de terres agricoles. (Voir l'annexe de l'annexe I).

ANNEXE B

Commission parlementaire sur le zonage agricole Liste des ouvrages annexés

1. Schéma Directeur d'Aménagement 1/4 Schéma Directeur — texte explicatif 2/4 Schéma Directeur — plan 3/4 Règlement concernant l'aménagement du territoire et le zonage 4/4 Plans de zonage 2. Etude OCSOL 3. Schéma Directeur d'alimentation en eau 4. Schéma Directeur d'assainissement des eaux 1/3 Réseau d'assainissement des eaux 2/3 Assainissement des eaux usées 3/3 Rapport complémentaire 5. Réseau routier — plan 1000' au pouce 6. Centre-ville — Carré Laval 7. Besoins de la population 1/12 Etude démographique Vol. I (1967) 2/12 Population probable par groupes d'âges et selon le sexe Vol. Il (1967) 3/12 Appendice Statistique Vol. Ill (1967) 4/12 Perspectives de population pour Ville de Laval et ses 38 secteurs de recensement 1976 à 1996 —Vol. I 5/12 Population probable par groupes d'âges et selon le sexe, 1976 à 1996 analyse des résultats Vol. Il 6/12 Appendice Statistique Vol. Ill 7/12 Profil structurel et distribution géographique stratifiée de la population selon le sexe et. certains groupes d'âges pour divers systèmes de divisions territoriales 8/12 Etude prospective de population par périodes quinquennales (1976 à 1991) 9/12 Le Transport en commun à Laval — janvier 1971 10/12 Rapport sur le transport en commun à Laval — octobre 1978 11/12 Institutions d'enseignement et clientèle scolaire 1974-75 et 1975-76 12/12 Institutions d'enseignement et clientèle scolaire 1976-77 et 1977-78 8. La Santé à Ville de Laval 1/3 .Volume I: La santé, bien communautaire — la Ville de Laval et le problème de la santé 2/3 Volume 2: Les ressources sanitaires de la Ville de Laval; les besoins sanitaires de la Ville de Laval 3/3 Volume 3: L'organisation des services de santé à Laval 9. Livre Blanc sur les Loisirs Socio-culturels et Sportifs 1/7 Synthèse: Les recommandations 2/7 Tome I préambule; démarche; notions générales 3/7 Tome 2 profil structurel; programmation; les bibliothèques 4/7 Tome 3 principes; secteurs; espaces et équipements 5/7 Tome 4 recommandations; programmation; estimation des coûts 6/7 Atlas cartographique 7/7 Parcs et espaces libres — répertoire 200' au pouce 10. L'Avenir de Laval — Enquête participation 1975 1/5 à 5/5 — rapport et annexes en 5 volumes 11. Aménagement des berges 1/3 Synthèse des recommandations 2/3 Volume 1 : texte sur l'aménagement des berges 3/3 Volume 2: répertoire des plans

12. Développement économique 1/11 Dossier statistique 2/11 Brochure sur le développement: L'avenir est à Laval 3/11 Répertoire des commerces de détail: secteur de l'alimentation 4/11 Répertoire des commerces de détail: secteur de l'habillement et habitation 5/11 Répertoire des commerces de détail: secteur du transport 6/11 Répertoire des commerces de détail: secteur soins personnels, loisirs et autres 7/11 Revenu Familial — Laval (1966 à 1976) 8/11 Relevé des emplois à Laval — 1976 9/11 Relevé des emplois à Laval — 1977 10/11 Evolution du stock de maisons unifamiliales 1931 à 1976 11/11 Répertoire des industries manufacturières 1978 13. Instruments de Gestion 1/5 Structure: Direction et coordination des objectifs 2/5 Structure: Planification et Développement économique 3/5 Structure: Gestion et finances 4/5 Structure: Services à la collectivité 5/5 Structure: Services à l'individu 14. Le système P.P.B. 1/3 Budget Programme: arrière-plan théorique (stratégie d'implantation) 2/3 Budget Programme: annexe illustrée 3/3 Budget Programme: structure de programmes 15. Scénario de développement résidentiel 1/2 Texte du scénario résidentiel 2/2 Plan d'accompagnement 16. Scénario de développement industriel 1/8 Texte du scénario industriel 2/8 Parc industriel centre: plan — structure actuelle 3/8 Parc industriel centre: plan — phases de développement 4/8 Parc industriel ouest: plan — structure actuelle 5/8 Parc industriel ouest: plan — phases de développement 6/8 Parc industriel centre-est: plan — structure actuelle 7/8 Parc industriel centre-est: plan — phases de développement 8 8 Parc industriel est: plan — structure actuelle 17. L'agriculture à Laval 1/5 Rapport préliminaire — septembre 1977 2/5 Plan — terres agricoles à Laval 3/5 Plan — potentiel agricole 4 /5 Plan — zonage actuel des terres agricoles 5/5 Plan — urbanisation prévue 1991

ANNEXE C

VILLE DE SAINT-JEAN, QUE. Bureau du Trésorier Case postale 1025 Tél. 347-5351

Saint-Jean-sur-Richelieu,

Le 7 décembre 1978.

M. Jean Garon,

Ministre de l'Agriculture du Québec,

Hôtel du Gouvernement,

Québec.

Sujet: Projet de loi no. 90 sur la protection du terrain agricole. Monsieur Le Ministre,

La Ville de Saint-Jean-sur-Richelieu après avoir étudié le projet de loi no. 90 et suite aux représentations de divers groupes de citoyens, vous soumet respectueusement les amendements qui selon nous pourraient clarifier le texte du projet de loi 90, et formule les commentaires suivants:

A) Le paragraphe 1° de l'article 1, devrait se lire comme suit: 1° "agriculture": l'élevage des animaux, l'industrie agricole comprenant tout le processus de la culture du sol, de la production agricole, de l'entreposage, du conditionnement, de la conservation et enfin de la vente des produits n'ayant subi aucune transformation ou modification dans leur nature intrinsèque;

Une modification du texte de loi dans ce sens permettrait de clarifier les droits de s'installer dans une zone agricole aux entreprises du genre suivant:

Exemple: Un Centre Régional de Grains, dont le but serait la location de services par une compagnie aux agriculteurs, quant à l'entreposage, au séchage de grains et également un centre de revente des produits.

B)L article 31 : Afin de permettre de compléter dans les plus brefs délais les transactions débutées avant le 9 novembre 1978, nous soumettons qu'il faut compléter l'article 31 en prévoyant un mécanisme automatique, qui évitera d'attendre une décision de la commission qui, nous nous en doutons, sera inondée de demandes de toutes sortes et par ce fait, sera ralenti au départ.

Exemple: En vertu d'une promesse de vente signée depuis plusieurs mois conditionnellement à l'obtention d'un prêt agricole nécessaire, un agriculteur prenait possession de deux lots pour fins d'utilisation agricole. L'acheteur a investi $55,000.00, dans cette terre pour le drainage sous-terrain, dont $30,000.00 de son argent personnel et la différence venant d'octrois du Ministère de l'agriculture.

Ce drainage a été effectué au cours du mois de juillet 1978, et il a depuis labouré et préparé cette terre pour la semence.

Le notaire a reçu le 16 novembre 1978, le chèque de déboursé du prêt agricole au montant de $165,000.00, comportant un refinancement des autres terres de culture de l'acheteur, un montant de $12,000.00 relativement au drainage desdits lots précités, et un montant de $88,500.00 pour le paiement du prix d'achat desdits lots. Hors, en vertu de l'article 29, du projet de loi no. 90, le notaire ne peut plus maintenant procéder à la signature de cet acte de vente et au déboursé du prêt, puisque le vendeur se réserve sa maison, et un terrain de 160 pieds par 202 pieds autour de cette maison, soit une superficie de 32,320 pieds carrés. C'est du moins l'interprétation qu'il fait de l'article 29. Il résulte de cette situation, un grave préjudice pour l'acheteur qui risque de perdre le $30,000.00 investi dans le drainage, l'argent donné en acompte sur le prix de vente et peut être des dommages-intérêts réclamés par le vendeur. L'acheteur a besoin du déboursé de ce prêt, pour rembourser la banque qui lui avait avancé temporairement l'argent nécessaire au drainage. L'acheteur est un vrai cultivateur qui possède plusieurs terres et qu'il cultive.

Autre exemple: Un constructeur local s'était réservé depuis plusieurs mois, une trentaine de terrains sur des lots subdivisés et cela par promesse de vente, sous seing privé, avec l'entente que le vendeur lui concéderait un titre ou acte de vente enregistré à demande et que le prix en serait payé à même les déboursés progressifs du prêt hypothécaire à être contracté lors de la construction de chacun de ces lots. Cette pratique est fort courante d'ailleurs. Le

notaire a donc le problème de ce constructeur qui a maintenant quelques maisons de construites sur ces terrains ainsi réservés et construites en vertu de l'entente ci-haut mentionnée. Ces maisons sont également vendues par ce constructeur sous promesse de vente à des tiers, ses propres acheteurs; ces derniers réclament leur maison et un contrat de vente, et font valoir à grands cris les acomptes qu'ils ont déjà versés au constructeur. Que faut-il faire puisqu'aucun titre n'ayant été enregistré avant le 9 novembre 1978, la vente de ces lots contreviendrait aux dispositions de l'article 31 du projet de loi numéro 90. Nous croyons qu'il s agit là de deux exemples de problèmes graves à résoudre, et qu'il est urgent de les solutionner puisque les esprits s'échauffent et que les intérêts continuent à courir sur les prêts en suspens et les promesses de vente en vigueur, sans compter les compagnies prêteuses qui réclament des titres clairs avant le déboursé.

Nous suggérons donc, d'ajouter à l'article 31 après "d'un titre enregistré le 9 novembre 1978", la phrase suivante: Ou d'une promesse de vente ou d'achat antérieure au 9 novembre 1978 et prônée par le serment d'au moins un témoin et/ou des parties.

Nous croyons également qu'à l'article 101 le mot "utilisé" devrait être précisé afin de répondre à nos questions suivantes: 1° Devrait-on considérer comme des lots qui sont utilisés pour des fins autre que l'agriculture, une partie de terre faisant l'objet d'un plan de subdivision déposée avant le 9 novembre 1978, ou les rues ont été physiquement tracées et construites avant le 9 novembre 1978, ou lorsque des travaux concrets ont été exécutés tel rehaussement de lots prévus, confection de fossés, égoutement, préparation du terrain par l'éclaircissement et nettoyage des boisés, installation des poteaux d'électricité et de téléphone, ou travaux préparatoires à ces fins, etc. 2° Est-ce que le fait qu'une terre subdivisée pour des fins d'habitation depuis plusieurs années pour laquelle on a refusé devant le bureau de revision provincial l'exemption prévue à l'article 21 de la loi de l'évaluation foncière constitue en vertu de l'article 101 toujours, un droit acquis? Il ne faut pas oublier que la Municipalité a taxé ce propriétaire en tenant compte qu'il possédait ces lots dans un but spéculatif. Il aurait aussi lieu, d'assurer la concordance entre l'article 21 de la loi de l'évaluation foncière et le présent projet de loi afin de définir clairement les droits à l'exemption dudit article 21 d'un propriétaire de terre agricole.

Nous croyons que la clarification du mot "utilisé", permettrait à notre Municipalité d'accepter ou de refuser sans équivoque toute demande de permis de construction sur de tels lots.

Article 40: Nous croyons qu'il est important de préciser le nombre d'enfants et d'employés, pouvant construire leur résidence en vertu de cet article, voir même d'en limiter le nombre. Nous voudrions aussi voir clarifier les droits des résidents de ces maisons dans léventualité de la vente de la terre à un autre agriculteur.

Article 64: Compte tenu que l'erreur est humaine, compte tenu que la décision de la commission pourra dans certaine circonstance par un vote prépondérant, être rendu par une seule personne, nous recommandons qu'un droit d'appel, des décisions de la commission devant la cour supérieure, soit accordé aux contribuables.

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