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Etude du projet de loi no 90
(Dix heures vingt et une minutes)
Le Président (M. Boucher): La commission permanente de
l'agriculture est réunie pour entendre les mémoires des
organismes et individus concernant la Loi sur la protection du territoire
agricole.
Les membres de la commission sont: M. Baril (Arthabaska), M.
Beauséjour (Iberville), M. Dubois (Huntingdon), M. Gagnon (Champlain),
M. Garon (Lévis), M. Giasson (Montmagny-L'Islet), M. Lévesque
(Kamouraska-Témiscouata), M. Rancourt (Saint-François), M. Roy
(Beauce-Sud) et M. Vaillancourt (Orford).
M. Giasson: II faut remplacer M. Vaillancourt (Orford) par M.
Lavoie (Laval).
Le Président (M. Boucher): M. Lavoie (Laval) remplace M.
Vaillancourt (Orford).
Les intervenants sont M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Charbonneau
(Verchères), M. Chevrette (Joliette-Montcalm), M. Cordeau
(Saint-Hyacinthe), M. Larivière (Pontiac-Témiscamingue), M.
Mercier (Berthier), M. Ouellette (Beauce-Nord), M. Picotte (Maskinongé),
M. Samson (Rouyn-Noranda).
Ce matin, nous avons avec nous l'Association des manufacturiers
d'habitations et de véhicules récréatifs du Québec
Inc. et l'Association des commerçants de maisons mobiles et terrains du
Québec Inc., représentées par M. Raymond L'Italien,
directeur. J'inviterais les représentants de ces deux associations
à bien vouloir s'approcher de la table centrale. M. L'Italien, si vous
voulez vous identifier et identifier les gens qui vous accompagnent.
A.M.H.V.R.Q. et A.C.M.T.Q.
M. L'Italien: M. le Président, mon nom est Raymond
L'Italien, directeur général de l'Association des manufacturiers
d'habitations et de véhicules récréatifs du Québec.
A ma droite, Michel Gadbois, président de l'AMHVRQ, directeur
général de la compagnie Les Maisons Norcom Ltée,
Saint-Jean, Québec; à ma gauche, M. Claude Boi-lard,
commerçant de maisons mobiles, président de l'Association des
commerçants de maisons mobiles et terrains du Québec Inc, et,
à ma gauche, Me Bertrand Gobeil, secrétaire de l'association et
conseiller juridique.
Vous avez, je pense, copie du texte...
Le Président (M. Boucher): Du mémoire, oui. Vous
pouvez y aller de la lecture de votre mémoire.
M. L'Italien: Merci. Messieurs les membres de la commission, le
dépôt devant l'Assemblée nationale du projet de loi no 90
pose de très graves problèmes à notre industrie. L'objet
du présent mémoire est de vous sensibiliser à la nature et
aux caractéristiques de notre industrie, ainsi qu'aux effets
anticipés du projet de loi sur nos entreprises.
Parce que notre intérêt est avant tout économique,
nous croyons de notre devoir de soulever certaines questions de principe mises
en cause par ce projet de loi, lequel auront un effet négatif à
court, moyen et long termes sur notre secteur économique particulier,
soit celui de l'habitation.
L'AMHVRQ ou, si vous voulez, l'Association des manufacturiers
d'habitations et de véhicules récréatifs du Québec
est une corporation légalement constituée en vertu de la
troisième partie de la Loi des compagnies et représente les
intérêts de l'industrie de la maison-module pour ceux
d'entre vous qui ne sont pas familiers avec ce terme, les maisons modules,
c'est ce qu'on appelait traditionnellement des maisons mobiles. Elle
représente également les manufacturiers de véhicules
récréatifs, soit les tentes-roulottes, les roulottes de voyage,
les mini "motor homes", les fourgonnettes de camping, les maisons
motorisées et les fabricants d'unités industrielles, soit les
camps, les cuisines, les dortoirs, les cinémas, le genre de structures
qu'on retrouve sur les grands chantiers, tels ceux de la baie James.
L'AMHVRO compte 16 compagnies manufacturières-membres, employant
1600 hommes et un volume de production de $125 millions, annuellement.
Il nous paraît important de noter que nos usines sont
situées dans des centres où le chômage est relativement
élevé, des endroits comme Drummondville, Saint-Jean,
Saint-Joseph, Saint-Jérôme, pour n'en nommer que quelques-uns.
L'ACMTQ, pour sa part, représente les commerçants, les
propriétaires de parcs et les lotis-seurs de terrains, toujours pour
maisons-modules. Egalement incorporée en vertu de la troisième
partie de la Loi des compagnies, cette association regroupe une centaine de
membres assurant la mise en marché de plus de 70% des produits de nos
entreprises manufacturières.
A l'instar d'un grand nombre des interlocuteurs du gouvernement, notre
industrie reconnaît l'importance de préserver nos meilleurs sols
arables. Nous nous inquiétons toutefois du moyen
privilégié pour assurer la protection de ceux-ci. Tout en
admirant le courage et la détermination qu'il a sans doute fallu au
ministre de l'Agriculture pour soumettre le projet de loi dans cette forme,
nous soumettons que les mêmes fins auraient pu être atteintes avec
moins de fracas et une plus grande mesure de respect et d'équité
à la fois pour les institutions et les individus.
Nous craignons, pour notre part, que le gel d'immenses étendues
de territoire et le retrait de ces terres du patrimoine bâtissable
possible entraînent une surenchère sur ces terrains encore
disponibles pour la construction et que le prix de ces terrains monte en
flèche. Du lotisseur au commerçant, c'est finalement le
consommateur qui fera les frais de cette hausse du prix des terrains.
Egalement au chapitre du coût des terrains,
l'introduction d'un nouveau palier d'autorité en matière
d'affectation des sols se traduira inévitablement par des délais
supplémentaires dans le processus d'approbation de nos projets et se
reflétera par une hausse additionnelle du coût du
développement.
Puisque nous sommes là pour parler avant tout de notre industrie,
permettez-nous de préciser que la vocation première de celle-ci
est de satisfaire les besoins en logement des familles à revenu modeste
ou moyen.
Comme nous avons eu l'occasion de le dire et de le répéter
à plusieurs de nos interlocuteurs au sein de votre gouvernement, la
maison-module permet à des milliers, voire des dizaines de milliers de
familles québécoises de se loger en toute sécurité
et confort, sans aucune forme d'assistance gouvernementale. Dans l'industrie,
on parle de HMM par opposition aux HLM. Les HLM sont subventionnées
tandis que les HMM ne le sont pas.
M. Roy: Les HMM veulent signifier quoi?
M. L'Italien: Les hosties de maisons mobiles.
Sans faire le procès des manufacturiers ou des commerçants
ni celui du gouvernement provincial... On va s'en souvenir... ou des
corporations municipales, précisons que la plupart de nos maisons... M.
le ministre?
M. Garon: Appelez-vous cela ainsi parce que les gens sacrent
après vos maisons?
M. L'Italien: C'est pour bien se faire comprendre, M. le
ministre. Il y a des endroits où on les appelle les HDR; ce sont des
roulottes à ce moment-là.
Précisons que la plupart de nos maisons sont installées
à la périphérie des villes ou des villages ou encore en
pleine campagne. Au fil des années, la moitié de nos maisons,
environ, se sont retrouvées dans à peu près 185 parcs de
location ou de lotissement, l'autre moitié étant
disséminée à la une, le long des routes ou dans nos
campagnes.
A partir de cette mise en situation, il devient facile de comprendre que
si un nombre important des emplacements servant à l'immobilisation de
nos maisons est gelé, ne serait-ce que de façon transitoire, nos
entreprises feront face à une crise aiguë.
Pour vous permettre de mieux saisir Ie dilemme devant lequel le projet
de loi 90 place notre industrie, il faut comprendre le caractère
saisonnier de notre commerce. (10 h 30)
La plupart de nos ventes et livraisons s'effec-tuant entre les mois
d'avril et août, le manufacturier produit actuellement et accumule un
inventaire à la fois à l'usine et chez le commerçant, en
vue d'une demande qui devrait se réaliser durant les mois de mars, avril
et mai. Si au printemps 1979, les terrains demeurent gelés et que, par
conséquent, nos inventaires ne se vendent pas, la question que nous
avons à nous poser, c'est: Est- ce qu'il est plus opportun de fermer nos
usines immédiatement en attendant le dégel des terres? Cette
question, nous vous la posons.
La maison-module, quant à elle, a franchi des pas de
géant. De son obscure origine dans les années de crise, elle
s'est constamment améliorée en superficie, qualité,
confort et sécurité. Suite à une étude majeure du
gouvernement fédéral, en 1977, et aux termes d'une
négociation de plusieurs milliers d'heures-homme avec la
Société centrale d'hypothèques et de logement, celle-ci
reconnaît maintenant les normes de construction en vigueur dans notre
industrie.
A compter du 1er janvier 1979, toutes les maisons-modules
fabriquées au Canada seront admissibles au financement en vertu de la
Loi nationale sur l'habitation aux mêmes conditions que les maisons de
type conventionnel. Plus près de nous, au Québec, le gouvernement
du Québec, lui aussi, a reconnu l'importance et le rôle que notre
industrie peut jouer dans le domaine du logement. Vous vous souviendrez que
l'an dernier, dans son discours du budget, M. Parizeau annonçait une
réduction de 50% de la taxe de vente sur nos produits. Cela s'est
effectivement traduit par l'adoption, l'automne dernier, de la loi 61.
En avril 1978, le Conseil des ministres adoptait son arrêté
en conseil 1089 rendant obligatoires les normes minimales de qualité et
de sécurité pour la vente de maisons-modules au Québec. Le
projet de loi 112 actuellement en deuxième lecture portera la
maison-module au rôle d'évaluation, contribuant grandement
à faire accepter celle-ci en milieu municipal.
Malgré l'importance de ce cheminement, force nous est toutefois
de reconnaître que les attitudes à l'égard de la
maison-module ne seront pas modifiées en l'espace de quelques semaines
ou de quelques mois, avec le résultat que la localisation de nos
produits dans les secteurs zonés à la périphérie
des villes demeurera, pendant quelques années encore, une condition
essentielle à la survie de nos entreprises de fabrication.
Dans ce contexte, il est donc important de reconnaître les parcs
et lotissements de maisons-modules existants et leur extension prévue,
accordant à leur propriétaire une exclusion similaire à
celle dont le législateur fait bénéficier le
propriétaire du lot à l'article 31. Vous remarquerez après
la lecture de cette proposition d'articles que nous nous inspirons d'un
mémoire qui a déjà été
présenté devant vous il y a quelques jours, soit celui de
l'APCHQ.
Nous vous proposons que dans une région agricole
désignée, un lot puisse être aliéné, loti,
utilisé aux fins d'un développement pour maisons-modules, sans
l'autorisation de la commission, aux mêmes conditions ou à des
conditions analogues que celles que proposait l'APCHQ.
Nous tenons à vous souligner que si le texte intégral de
la recommandation de l'APCHQ était approuvé et le nôtre
refusé, il s'ensuivrait une grave injustice à l'égard de
notre industrie, du fait que la recommandation de l'APCHQ porte sur la
nécessité de détenir un permis de la Régie
des entreprises de construction alors que la loi de la régie exclut
textuellement la maison-module de son champ de compétence et
d'application. C'est-à-dire que si votre critère était
celui du permis de la régie, il est d'une certitude absolue qu'aucune de
nos entreprises et aucun de nos commerçants ne serait qualifié
parce que, par définition, la loi de la régie nous exclut.
A défaut par le législateur d'accepter notre proposition
et celle de l'APCHQ, nous soutenons qu'il faudra alors prévoir
l'amendement de la section IX du projet de loi relativement aux droits acquis
de façon à permettre la continuité de nos
activités. Il faudrait donc que je vous libère de la lecture du
texte qui s'en vient. Permettez-nous de préciser que l'amendement du
projet de loi en ce sens ne porterait que sur environ 0,001% du territoire
désigné par le projet de loi 90. Le calcul est facile à
faire parce que nous parlons d'environ 185 ou 200 parcs de maisons-modules au
Québec avec une superficie d'environ quinze acres par parc de maisons
mobiles ou de maisons-modules. Multipliez les 200 par 15 et vous avez à
peu près les superficies de terrain dont nous parlons et qui sont
nécessaires à nos entreprises pour continuer leurs
activités. Au-delà de cette recommandation majeure, l'industrie
soumet les commentaires et recommandations suivantes. Au sujet de la
centralisation des pouvoirs, à notre avis la concentration de pouvoirs,
prérogative traditionnellement reconnue de nature locale, entre les
mains de technocrates nantis de l'immunité absolue servira très
mal les intérêts de la collectivité
québécoise.
D'une part, malgré toute leur bonne volonté, les membres
de cette commission ne pourront jamais prétendre arriver à des
décisions aussi éclairées je parle de la commission
de contrôle que les habitants de la municipalité ou de la
région sensibles à l'ensemble du contexte socio-économique
de leur propre milieu. D'autre part, les délais imposés aux
propriétaires fonciers pour obtenir une décision seront d'autant
plus longs que le centre de décision sera éloigné du
milieu. Nous recommandons donc que le projet de loi no 90 soit modifié
pour instituer des commissions de contrôle du territoire agricole de
caractère régional.
Au chapitre du droit d'appel, il nous apparaît abusif qu'une
décision en matière de zonage agricole rendue par une
équipe de technocrates soit finale et sans appel. Nous recommandons, il
y a deux erreurs de typographie, M. le Président, que les articles 18 et
64 et non 17 et 44 du projet de loi soient modifiés pour y
prévoir un droit et mécanisme d'appel des décisions de la
commission.
Révocation de décisions rendues. Il nous apparaît
impensable qu'une décision favorable de la commission à
l'égard d'un propriétaire de terrains puisse être
révoquée jusqu'à six mois après qu'elle fut rendue.
Qu'il suffise, par exemple, de penser au propriétaire qui, suite
à une décision favorable, aurait investi des sommes d'argent
considérables dans les infrastructures pour être ensuite
informé qu'on lui révoquait son permis.
Nous recommandons que l'article 18 du projet de loi soit
rescindé. Au sujet de décisions différées, pour
éviter tout abus préjudiciable aux propriétaires fonciers,
nous recommandons que l'article 46 de la loi soit modifié pour
prévoir un délai maximum au-delà duquel une
décision soit obligatoirement rendue. Au niveau des pouvoirs
discrétionnaires, nous nous inquiétons d'un pouvoir
discrétionnaire que veut s'accorder le gouvernement dans une cause qui
ferait ou non son affaire. Aussi, nous craignons qu'une telle
prérogative donne lieu à des cas de patronage ou de vengeance
politique et nous recommandons que l'article 96 du projet de loi soit
rescindé.
MM. les membres de la commission, nos recommandations majeures de notre
industrie en rapport avec le projet de loi no 90 visent à assurer la
survie et la continuité des activités de nos entreprises au cours
des prochaines semaines et des prochains mois, mais elles visent avant tout
à assurer le droit au logement pour les quelques milliers de familles
québécoises qui en 1979, sans aucune forme d'assistance
gouvernementale, projettent l'acquisition d'un de nos produits parce qu'il
s'agit du seul type de logement qu'elles puissent financièrement se
permettre.
Nous aimerions reprendre avec vous les propos que nous tenions avec M.
Tardif, il y a quelques mois. L'industrie maintient que l'Etat a un rôle
et une responsabilité de voir à ce que tous les citoyens soient
traités de manière équitable et ne peut accepter qu'une
couche de la population soit privée de ses droits du seul fait qu'elle
ait choisi une forme de logement plutôt qu'une autre. Notre
mémoire vous est respectueusement soumis.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. L'Italien. M. le
ministre.
M. Garon: Quand vous dites que, dans vos entreprises, il y en a
aucun qui a reçu l'aide gouvernementale, je serais curieux de voir le
nombre qui a reçu l'aide de la SDI. J'ai bien l'impression, en tout cas,
que j'en connais quelques-uns qui l'ont reçue.
M. L'Italien: M. le Président, quand on parle d'aucune
assistance gouvernementale, nous parlons des gens qui achètent nos
produits, les consommateurs.
M. Garon: Vous auriez dû faire cette distinction dans votre
mémoire pour dire que vous en receviez sous d'autres formes.
Je vois votre mémoire, mais en quoi le fait qu'il y a des terres
qui sont réservées pour l'agriculture, puis qu'il y a d'autres
terres qui ne sont pas zonées pour l'agriculture, cela peut... A la
lecture de votre mémoire, je n'ai pas compris, parce qu'il y a des
terres qui sont réservées pour l'agriculture, mais il y en a
d'autres qui ne sont pas réservées pour l'agriculture où
la construction ne se fera plus n'importe où. Comme vous dites, la
moitié de vos maisons sont bâties dans les rangs; elles sont
bâties un peu partout dans le décor, dans le paysage. Là,
il va y avoir un certain ordre dans le logement.
Vous savez, dans une société civilisée, au 20e
siècle, il est normal qu'il y ait un zonage et qu'on ne se bâtisse
pas un peu comme dans le temps des Indiens, où on habitait là
où on plantait sa tente. Dans le temps des Indiens, il n'y avait pas de
lumières rouges. Aujourd'hui, il y a des lumières rouges parce
qu'il y a plus de trafic. Il est un peu normal aujourd'hui qu'on se
bâtisse comme des gens civilisés dans une société
civilisée, dans une communauté de village. Je ne vois pas qu'il
soit entièrement normal que des maisons se construisent n'importe
où dans le décor. Quand vous parlez du droit de l'individu, vous
oubliez peut-être le coût que doivent assumer tous les autres
individus, parce que les gens se bâtissent n'importe où. Combien
de rues, actuellement, coûtent très cher à l'ensemble de la
collectivité, parce qu'il y a trois zigotos qui se sont placés
dans telle rue et qui paient trois fois moins de taxes que l'entretien
coûte à tout le reste de la collectivité?
Il faudrait peut-être bien commencer à penser aussi non
seulement en termes d'abus individuels, mais en termes également de
répartition des coûts sociaux dans une société. A ce
moment, la construction ne peut pas se faire n'importe où et c'est cela
qui coûte le moins cher aux gens. J'avais encore des exemples hier
où on me disait que, pour trois individus qui étaient bâtis
dans le bout d'une rue, cela coûtait à peu près $3000 pour
l'enlèvement de la neige et qu'eux payaient à peu près
l'équivalent de $375 pour l'enlèvement de la neige. Cela veut
dire que c'était le reste du village qui payait pour eux autres.
Je pense que ces abus doivent être corrigés et que le
projet de loi que l'on fait actuellement va corriger des abus vis-à-vis
de l'agriculture, mais des abus vis-à-vis d'autres secteurs aussi. Il va
corriger une foule d'abus qui se font actuellement. Je ne vois d'aucune
façon qu'il ne pourrait pas y avoir des parcs de roulottes. Il pourrait
y avoir des parcs de roulottes. La seule chose, c'est que ces parcs de
roulottes ne pourront pas être sur les meilleures terres agricoles.
Alors, il y a de la place en masse, parce que des bonnes terres agricoles au
Québec, il n'y en a quasiment pas. On calcule qu'il y a 6 millions
d'acres. Je pense, par exemple, à une foule de régions où
la quantité de bonnes terres agricoles est très minime par
rapport à la quantité de sol à mauvais potentiel. A ce
moment, il s'agit tout simplement de réserver les bonnes terres pour
l'agriculture et de permettre la construction, ou ce que voudra faire la
municipalité sur son territoire qui n'est pas bon pour l'agriculture.
Mais je lui conseille, dans une perspective de prendre ses
responsabilités, de ne pas laisser faire n'importe quoi même sur
les territoires qu'on ne gardera pas pour l'agriculture. Il y a peut-être
80% du territoire qui ne sont pas bons pour l'agriculture. Je pense qu'une
municipalité qui est soucieuse du bien-être de la
communauté qu'elle a la charge de diriger ne laisse pas les gens
construire n'importe où parce que c'est tout le monde qui paie plus cher
quand les gens n'ont pas le courage de prendre leurs
responsabilités.
Je vous remercie du mémoire que vous nous avez
présenté. Il y a des points, par ailleurs, que nous allons
reconsidérer dans l'étude article par article, par exemple les
délais de révision. Plusieurs nous ont souligné que six
mois, c'est trop long. Je pense qu'il y a des points qui peuvent être
révisés. Par ailleurs, il y en a d'autres qui sont moins
facilement révisables. Nous allons tenir compte des suggestions que vous
nous avez faites dans des points particuliers dans votre mémoire
concernant le projet de loi sur la protection du territoire agricole, lors de
l'étude article par article en commission parlementaire à partir
du milieu de cette semaine. Je vous remercie.
Le Président (M. Boucher): M. L'Italien. (10 h 45)
M. L'Italien: M. le ministre, avec tout le respect qu'on vous
doit, je pense qu'il faut vous dire que les gens de l'industrie sont tout aussi
sensibles que vous, d'une part, à la nécessité de
protéger nos terres agricoles, d'autre part, à
l'impérieuse nécessité de contrôler le
développement urbain. Ce qu'il nous faut dire je pense qu on peut
le crier sur les toits et cela ne sera pas suffisant c'est qu'il n'y a
pas un propriétaire de maison-module, il n'y a pas un développeur
de parc, il n'y a pas un manufacturier qui a demandé que ces
propriétaires de maisons soient considérés comme des
citoyens de deuxième ordre. Personne n'a demandé non plus de ne
pas payer ses taxes, personne n'a demandé à aller s'installer
à la campagne plutôt qu'en ville. Dans ce sens, les travaux de
l'industrie, depuis les quatre dernières années, ont
été dans le sens d'une intégration à la
collectivité, de l'amélioration du type de développement
que nous faisons, de l'amélioration de l'esthétique de nos
produits. On a demandé à modifier les lois pour être
taxés, pour subir moins de discrimination au plan de la taxe de vente;
on a accepté de jouer les mêmes règles du jeu que tout le
domaine de l'habitation.
Quand notre produit est devenu trop grand en superficie... Notre
produit, maintenant, est plus grand qu'un bungalow de type traditionnel, il
mesure 14 pieds en largeur, 70 pieds en longueur, il a 980 pieds de plancher,
alors qu'un bungalow traditionnel, aujourd'hui, a 920 ou 960 pieds. Notre
maison a donc grandi beaucoup, elle s'est améliorée, elle est
construite suivant les exigences de la SCHL, elle sera finançable par la
SCHL. Mais si on se place dans le temps, cet automne, on a actuellement, pour
financer notre produit, une période d'amortissement de douze ans avec un
prix qui arrive à $18 000, $20 000 et $22 000. Vous allez
reconnaître que quand on est dans ce genre de contexte, d'une part, et
que, d'autre part, on n'a pas de zonage pour venir s'installer en ville,
là où on veut aller et où on veut payer nos services,
où on veut satisfaire toutes les autres exigences, il y a des attitudes
à modifier. Ces attitudes, pour les modifier, il fallait faire deux
choses. Il fallait, d'une part, que la maison devienne taxable et c'est ce
qu'on a demandé à M. Parizeau l'an dernier, c'est ce qu'on a
répété à M. Tardif cette année, et
maintenant on a, en deuxième lecture, devant
l'Assemblée nationale, le projet de loi no 112 qui va faire cela
exactement.
Jusqu'au dépôt de la loi no 90, on avait toujours la
prérogative, au niveau d'une municipalité, de dire: Nous avons
notre zonage pour les maisons mobiles, mais c'est à l'extérieur
de la ville. Les gens qui sont propriétaires de nos maisons, nos
entreprises et nos commerçants auraient bien voulu se faire zoner
ailleurs qu'à l'extérieur de la ville. On parle d'autonomie
municipale; c'est difficile de contraindre une municipalité qui craint
tel groupe, c'est difficile de contraindre ces gens à vivre à
côté des propriétaires de roulotte. C'est vrai que
l'industrie a présenté des problèmes quant à
l'esthétique de son produit. On s'est même demandé pendant
longtemps... Des gens de notre industrie ont fait faire des enquêtes
à ce sujet et on a dit: Les gars de roulotte, ce sont des gens qui font
de très mauvais citoyens. On a dit: Quand un gars a une roulotte, il y a
trois motoneiges autour, il y a quatre chiens dans la cour, il a une auto toute
délabrée dont on a sorti le moteur. C'est ça, des gars de
roulotte. On a fait des enquêtes sociologiques et on peut vous fournir
les résultats, si vous en avez besoin.
Les gens qui achètent nos produits, ce sont des enseignants, des
gars de la Sûreté, des gars de l'Hydro-Québec, des
gérants de magasin, des gérants de banque, quelques
médecins, quelques avocats, c'est du monde comme vous et moi.
M. Garon: Je n'ai rien contre les roulottes. M. L'Italien: Nous
autres non plus!
M. Garon: Au contraire, j'en ai quelques-unes dans mon
comté. Il y a des parcs de roulottes à Saint-Romuald, à
Lauzon et les propriétaires sont tous bien situés ensemble, il
ont des rues, dans des quartiers, ils ne sont pas à l'extérieur
de la ville. Tantôt, je ne parlais pas des maisons mobiles ou des
maisons-modules comme de quelque chose à part.
M. L'Italien: Pour nous, ce n'est pas à part, M. le
ministre, il faut que ce soit intégré à la ville.
M. Garon: Non, ce n'est pas à part non plus.
M. L'Italien: Pour cela, il faut qu'il y ait une ouverture
d'esprit au niveau des autorités municipales afin qu'elles accordent un
zonage qui a de l'allure. Au-delà de cela, on va vous embrasser, on vous
aime bien.
M. Garon: Ce qui est souhaitable ce qui est fait dans les
municipalités de mon comté c'est qu'il y ait des rues de
roulottes. Il y a une dizaine de rues ensemble et les roulottes sont sur ces
rues. Pour l'esthétique, comme vous dites, si vous passez d'une maison
de style canadien à une maison de style américain, à une
roulotte etc., cela fait un paysage curieux.
M. L'Italien: Non, cela ne se mélange pas facilement. Nous
sommes d'accord avec vous.
M. Garon: Non. Je n'ai rien contre les roulottes. Je ne pense pas
que notre loi nuise aux roulottes, sauf qu'il y a tellement d'espaces qui n'ont
pas de vocation agricole au Québec qu'il y a de la place pour les
construire. Il s'agit simplement de ne pas les construire sur les meilleures
terres. C'est uniquement cela.
M. L'Italien: Notre préoccupation, M. le ministre, pour le
moment, est surtout transitoire. On doit savoir si nos parcs et
développements actuels sont gelés et vont l'être pendant un
an. Ce que nous voulions vous dire, c'est qu'il n'y a aucune de nos entreprises
manufacturières qui est capable de garder un inventaire pendant un an en
attendant que. On a fait sensiblement les mêmes remarques sur ce plan que
celles qu'avait faites l'APCHQ: On ne peut pas arrêter de construire
pendant un an quitte à se reprendre l'année suivante,
au-delà du dégel.
M. Garon: A l'association des constructeurs, on a aussi dit que
40% de ses membres construisaient uniquement sur des terrains
viabilisés. Cela veut dire qu'ils n'ont aucun problème, puisque
les terrains viabilisés ne connaissent pas de restriction dans notre
loi. Il faudrait faire l'inventaire du reste. Tout de suite, en partant, on
sait qu'il y en a 40% qui n'ont aucun problème. Dans les 60% qui
restent, il y en a, imaginez-vous, un grand nombre qui construisent normalement
puisque les gens n'ont pas de gros inventaires dans les franges des
municipalités, tel qu'il a été prévu dans les plans
provisoires.
Nous avons fait des simulations et des scénarios pour voir
où étaient les constructions, etc. et combien il y avait de
transactions à ce temps-ci de l'année et tout cela. Ce n'est pas
pour rien qu'on a déposé notre loi en novembre. C'est pour donner
une période de temps très longue à ceux qui ont besoin de
s'ajuster. C'est vrai qu'il y en a qui construisaient sur le meilleur
territoire agricole. Alors, ils auront quand même plusieurs mois pour
faire des ajustements.
Le gros de la construction... il y a des endroits dans les
municipalités, les villages, qui n'augmentent pas véritablement.
Dans la plupart des villages, il y a peu de construction. Ces
villages-là ont des franges... Des 614 municipalités qui ont
été considérées dans la région
désignée, il y a 73 municipalités urbaines qui n'ont
aucune zone agricole. La plupart ont des franges, sauf une cinquantaine de
municipalités qui n'en ont pas parce qu'il n'y a pas de construction. Ce
sont des paroisses où il n'y a pas de construction.
On a regardé chacune des paroisses individuellement. Vous avez
des paroisses, par exemple, où il n'y a pas de construction. Il n'y en a
pas eu ces dernières années. Il n'y a pas de construction
là, ce sont des territoires agricoles. Chacune des municipalités
a été regardée une à une.
Quand des gens nous disent: Oui, mais il y a un centre commercial dans
ce développement, je leur dis: On le savait que c'était dans une
zone verte. C'est parce qu'on voulait qu'il y ait un périmètre.
Dans les endroits éloignés, ce sont les droits acquis qui
fonctionnent justement pour qu'il y ait une concentration principale. On
était conscients de cela. Ce n'est pas une erreur On l'a fait comme cela
volontairement pour...
Il y a une chose qu'il faut remarquer aussi. Je voudrais que vous
demandiez à vos avocats de regarder davantage l'article 31 et l'article
40. On dit, par exemple: "Dans l'aire retenue pour fins de contrôle, une
personne dont la principale occupation est l'agriculture peut, sans
l'autorisation de la commission, construire sur son lot une résidence
pour elle-même, pour son enfant et son employé. '
Vous savez qu'il y a plusieurs agriculteurs dont les employés
doivent rester sur leur ferme. C'est justement des maisons mobiles qu'ils
utilisent. L'article 31 également; qui est: dans une région
agricole désignée, le propriétaire d'un lot vacant avait
reçu une lettre enregistrée le 9 novembre...
M. L'Italien: On avait pris bonne note de ces dispositions, et je
pense qu'il fallait qu'elles soient là et on vous en
félicite.
M. Garon: Plus que cela même, l'article 40, en ne
favorisant pas le morcellement des terres, va, sans doute, favoriser la vente
de vos produits, parce que lorsqu'un agriculteur doit avoir des constructions,
une deuxième résidence pour ses enfants ou ses employés,
et qu'il ne veut pas avoir à vendre sa terre avec plusieurs maisons au
fond pour ses employés, c'est presque une incitation à acheter
une maison mobile.
M. L'Italien: Merci beaucoup M. le ministre. Le
Président (M. Boucher): M. Gadbois.
M. Gadbois (Michel): M. le Président, M. le ministre,
permettez-moi en tant que représentant de manufacturiers d'insister sur
un point, et je pense qu'on l'a clairement dit, mais je voudrais quand
même insister: c'est que ce qui nous préoccupe d'une façon
particulière, c'est la période transitoire, du fait que la
différence fondamentale entre l'industrie de la maison
préusinée sous quelque forme qu'elle soit et l'industrie de
l'habitation conventionnelle, c'est que l'industrie de la maison
préusinée a quand même les investissements des usines pour
lesquelles il nous faut absorber des coûts qu'on produise ou qu'on ne
produise pas. Quand une usine ne produit pas, en fait, les frais, les
intérêts et l'investissement, enfin, il faut quand même la
protéger. C'est une différence fondamentale avec l'habitation
conventionnelle et le petit contracteur, comme le disait tantôt M. le
ministre, peut peut-être, à cause du temps de l'année
où cela se passe, accepter de congédier quelques personnes, les
mettre sur l'assurance-chômage et se dire: je n'ai aucun investissement,
sauf un camion, et je recommencerai au printemps. Dans no- tre cas à
nous, en fait, on a des investissements qui se chiffrent par millions et pour
lesquels il nous faut des revenus pour couvrir ces dépenses. Je voudrais
tout simplement insister sur ce point-là qui est une différence
fondamentale dans notre genre d industrie.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Montmagny-L'Islet.
M. Giasson: Merci, M. le Président. M. L'Italien, vous
indiquez dans votre mémoire, à un endroit donné, le nombre
de compagnies manufacturières que vous représentez, le nombre
d'emplois qui ont été constitués par ces entreprises,
ainsi que le volume d'affaires annuel. Est-ce qu'il faut comprendre que le
volume annuel que vous déclarez représente non seulement la
maison mobile, mais également tous ces camps qui sont vendus à
des entreprises sur des chantiers éloignés.
M. L'Italien: Oui, effectivement.
M. Giasson: Si on disséquait cela: ce qui est vraiment
maison mobile qui sert d'habitation dans la région habitée du
Québec par rapport au volume de transaction, et ce qui est de la
construction de camps qui vont dans les zones les plus éloignées
du Québec je pense à la Côte-Nord, la baie James et
les grands chantiers cela serait quoi, si on départageait
cela?
M. L'Italien: La valeur de notre production dans le domaine de la
maison-module, pour l'année 1978 est à peu près de $60
millions, soit à peu près la moitié du chiffre qu on a
dévoilé.
M. Giasson: Donc, la maison-module, la petite maison modulaire
représente la moitié de votre chiffre d affaires
déclaré.
M. L'Italien: A peu près la moitié de notre chiffre
d'affaires. Maintenant ce qu'il faut dire et c est un secret pour personne,
à tout le moins, les gens qui sont familiers avec l'industrie, c'est que
notre industrie, depuis l'introduction au plan fédéral des fameux
programmes PAP, programmes d'assistance à la propriété,
fin 1974 début 1975, notre industrie à nous a pris une chute
très importante. Notre volume de vente à l'époque
était d'à peu près 7000 maisons; il est maintenant
d'à peu près 3000 maisons. Alors, l'industrie est dans une passe
difficile.
Je me permettrais en réponse à votre question de revenir
sur un des commentaires de M. le ministre qui parlait de certaines de nos
industries qui avaient reçu une assistance de la SDI. Si, effectivement,
il faisait allusion à la compagnie Belle-vue, on n'était pas plus
heureux que M. le ministre, ni son gouvernement, de ce qui est arrivé
là. On ne l'a pas trouvé drôle nous non plus.
M. Giasson: C'est une précision fort importante.
M. Garon: Je ne faisais allusion à rien. Je sais que la
plupart des entreprises se prévalent des dispositions de la SDI. Je
savais qu'il y en avait dans vos entreprises.
M. L'Italien: Celle-là entre autres. (11 heures)
M. Giasson: On a entendu les représentants des
entrepreneurs en construction de maisons de type régulier. On s'est
rendu compte que les grands entrepreneurs en construction se constituaient des
banques de terrains ou des réserves de terrains parce qu'il faut
prévoir au moins deux ans d'avance dans tout l'échéancier
d'aménagement. Est-ce que, dans votre secteur, il y a également
des réserves de terrains en disponibilité? Chez ceux qui
s'occupent non seulement de la construction, mais surtout de la vente, est-ce
qu'il y a des entrepreneurs qui prévoient des réserves, des
disponibilités de terrains afin de ne pas être pris au
dépourvu pour l'écoulement du produit?
Le Président (M. Boucher): M. Boilard.
M. Boilard (Claude): Je pense que c'est pas mal la même
chose que chez les gens de la construction. Nous, les commerçants de
maisons mobiles, devons prévoir absolument de l'aménagement de
terrains pour au moins deux ans d'avance parce qu'en fait, avec toutes les
infrastructures que cela prend pour ces développements, il faut
absolument penser au moins un an ou deux à l'avance.
M. Giasson: Si vous devez prévoir de ce
côté-là, quelles seraient les réserves que vous avez
en main présentement? Les terrains qui sont vraiment entre les mains des
entrepreneurs ou des commerçants de maisons et qui pourraient être
utilisés dès le printemps qui vient.
M. L'Italien: Cela varie en fonction du commerçant
lui-même. Cela varie beaucoup. Il y a des commerçants qui ont une
réserve pour environ six mois et il y en a d'autres qui ont une
réserve pour trois, quatre et cinq ans. C'est strictement lié
à l'individu qui est engagé dans ce type de commerce.
M. Gobeil (Bertrand): II n'y a jamais eu, M. le
député Giasson, pour répondre à votre question, de
données si vous voulez pour faire la comptabilité
de ces terrains. Mais la situation est d'autant plus critique dans le domaine
de la maison mobile. Il faut bien comprendre que dans les
développements, on n'a pas, à l'heure actuelle
peut-être que la situation changera avec l'évaluation de ces biens
au rôle d'évaluation l'aide au niveau des infrastructures
des corps publics comme les municipalités. Alors, la situation, le
développement est toujours fait à la base par le promoteur et
même les infrastructures sont faites par lui contrairement à un
développement de résidences conventionnelles.
M. Giasson: Dans votre mémoire, vous manifestez beaucoup
d'inquiétude vis-à-vis de l'opération gel qui a
été constituée par le dépôt de la loi. Vous
émettez même la possibilité d'un choix, à savoir,
soit de fermer immédiatement les portes, soit de les fermer
obligatoirement dans quelques mois. Quand vous portez un tel jugement sur
l'avenir qui vous concerne, est-ce que vous avez fait une étude? Est-ce
que le doute ou l'inquiétude que vous manifestez sont aussi grands que
cela dans les faits?
M. Gadbois: J'aimerais répondre à cette question si
vous me le permettez. Je peux vous dire que notre usine qui est située
à Saint-Jean où l'on emploie en période de pointe
jusqu'à 140 personnes, actuellement elle est fermée
temporairement et je ne dirai pas que c'est à cause du projet de loi
comme tel. Mais je peux aussi vous dire que, normalement on ouvre nos portes le
lendemain du Jour de l'An ou le surlendemain selon les congés. Je peux
vous assurer actuellement qu'il n'est pas question qu'on ouvre tant et aussi
longtemps qu'on n'aura pas un éclaircissement sur la loi. Je pense que
je peux faire appel à M. Roy afin qu'il puisse contrôler avec les
gens de Saint-Joseph-de-Beauce où il y a des industries très
importantes qui sont dans la même situation que nous. On n'ira pas
jusqu'à dire que la situation est strictement causée par le
projet de loi 90, mais je peux vous dire que chez nos actionnaires, nos
propriétaires et même au niveau des gérants d'usine, c'est
une préoccupation extrêmement sérieuse actuellement au
point que les réouvertures sont repoussées, actuellement, chez
nous en tout cas.
M. Giasson: Je vous pose la question parce que, si cette crainte
que vous manifestez se traduisait dans une réalité, quant
à moi, j'aurais une inquiétude très grande. Dans la
localité où j'habite, le principal employeur, et de loin, est un
fabricant de maisons mobiles que vous connaissez sans doute et qui doit
être membre de votre association, Industrie L'Islet. Cela veut dire que
si la période de gel devait s'étendre et établir une
espèce de blocus général, l'industrie la plus importante
de ma localité serait aux prises avec des problèmes très
aigus parce que, en période de pointe, c'est une entreprise qui...
M. L'Italien: Elle emploie environ 250 personnes.
M. Giasson: C'est cela. Au moment où on se parle, c'est le
même phénomène que chez vous qui joue: il y a environ 60
personnes au travail.
M. Gadbois: C'est extrêmement sérieux.
M. Garon: Un facteur dont il faut tenir compte, c'est que la
population du Québec n'augmente pas. Qu'est-ce que vous voulez? Il faut
tenir compte de ce facteur. Actuellement, toutes les prévisions
prévoient qu'au cours des prochaines
années il va y avoir moins de construction au Québec. La
population n'augmente pas. Elle ne diminue pas, j'espère.
M. Gadbois: Ce qu'on voudrait, M. le ministre, c'est au moins
conserver les marchés qu'on détient actuellement pour conserver
au moins les emplois qui ont déjà été
créés, qui sont encore là et qui y étaient au cours
de la période de pointe, que ces emplois soient encore là au
printemps.
M. Garon: On ne peut pas tout avoir en même temps, un boom
de la construction, une baisse de la natalité. C'est un vieillissement
de la population, tout cela. Vous pouvez demander à n'importe quelle
personne de faire une étude pour les prochaines années. Cela ne
prend pas un génie pour prévoir, par exemple, dans le domaine de
la construction, étant donné que les gens qui se marient, le
nombre va diminuer d'année en année.
M. L'Italien: M. le ministre, il faudra faire appel à M.
Couture pour hausser les rangs des immigrants.
M. Garon: Cela, c'est prévu par toutes les études
que j'ai vues, que la construction va diminuer au cours des prochaines
années parce qu'on n'a pas d'enfants.
M. Giasson: Je remarque également que vous avez une
inquiétude comme la plupart des gens qui sont venus devant la commission
jusqu'à maintenant. Vous trouvez qu'en matière de pouvoir
d'application de la loi, tout est centralisé à partir d'un seul
organisme qui éventuellement va opérer à partir de
Québec. C'est ce qu'on peut prévoir à moins que le
ministre nous indique un autre endroit. Pour vous autres, cela vous
apparaît vraiment excessif, ce contrôle à un seul endroit
sans faire appel ou en éliminant totalement d'autres instances au niveau
local ou régional.
M. L'Italien: M. le député, je pense que le
principal problème engendré par la centralisation des pouvoirs,
il y en a plusieurs mais le principal, sans aucun doute pour nous, au plan de
la considération économique, c'est qu'on ajoute à des
délais et les délais se traduisent inévitablement par des
hausses de coûts et notre considération première c'est le
coût final du produit qu'on met sur le marché. Au-delà de
cela, moi, en tant qu'individu, je peux bien vous dire que cela me
préoccupe grandement, la centralisation des pouvoirs surtout dans un
contexte politique où on prêche la décentralisation des
pouvoirs, l'autonomie au niveau municipal, comme on le dit en anglais "more
power to the people" et, en même temps qu'on dit "more power to the
people", on prend le droit de décision ou la prérogative de
l'affectation des sols et on l'amène à Québec. Moi, cela
me paraît paradoxal. Quand je vous dis cela, je ne vous dis pas cela en
tant que représentant de l'industrie, je vous dis cela en tant
qu'individu. Moi, cela m'inquiète.
M. Giasson: Dans l'hypothèse où l'opération
des gels, par des décisions qui seraient rendues par les commissaires...
Si, en juin prochain, il n'y avait pas vraiment eu de décisions, en
volume important, de prises par les membres de cette commission, quel serait
l'impact sur votre industrie?
M. Gadbois: Je voudrais répondre au nom des manufacturiers
et je pense que cela peut aussi avoir le même impact pour le
concessionnaire qui vit avec nous. Enfin, on forme une équipe presque
inséparable. Je peux vous dire que, dans notre cas à nous, notre
compagnie, en fait, c'est évident que la compagnie ne sera plus
là. L'industrie, comme M. le ministre le faisait remarquer, a
été, pour certaines industries, d'une façon
particulière, financée par les deniers publics tout comme la SDI.
Enfin, ce qui laisse supposer que l'industrie, à cause des
difficultés qu'elle a traversées depuis quelques années,
n'a pas une force financière qui puisse lui permettre de faire face
à une situation difficile comme celle qu'on pourrait prévoir et
que vous soulignez.
Même si la compagnie que je représente d'une façon
personnelle est une des plus solides financièrement, je puis vous
assurer, sans aucune arrière-pensée, qu'on ne sera plus là
au mois de juin, si on n'a pas, dans quelques semaines, le feu vert. On est
quand même un nombre restreint qui fabriquons une quantité assez
importante, et même si l'habitation est à la baisse au
Québec il nous faut planifier d'avance pour bâtir des inventaires
qu'on puisse envoyer chez nos concessionnaires qui, eux, vont les distribuer au
moment où le consommateur va faire appel à nous. On ne peut pas
construire un nombre important de maisons en disant: Aujourd'hui, on part et,
demain, en fin de compte on va en avoir 500 faites.
Pour nous, la planification, au moins à moyen et encore plus
à court terme, est extrêmement importante et c'est pour cela que
je soulignais tantôt que c'est une caractéristique qui est propre
à notre industrie. On a des usines qui ont une capacité de
production et il faut les utiliser au moment où on peut le faire.
M. Giasson: M. Gadbois, vous dites: Si nous n'avons pas le feu
vert d'ici à quelques semaines; vous avez bien pesé ces
propos?
M. Gadbois: Je les ai pesés, monsieur.
M. Giasson: Mais avoir le feu vert d'ici à quelques
semaines signifie que le ministre devrait apporter des dispositions nouvelles
dans le projet de loi.
M. Gadbois: Comme on le mentionnait un peu plus tôt,
l'industrie de la maison mobile n'a jamais eu une très bonne image aux
yeux du législateur, pour quelque raison que ce soit. Si une commission
doit siéger pour déterminer des priorités, je
prévois et ce n'est pas tellement compliqué de le faire
que la priorité va être donnée à
l'étude
de cas comme ceux de la ville de Laval, dont on parle tous les jours.
Nous, à cause des marchés que l'on dessert qui sont les
campagnes, comme on le disait tantôt on va passer en dernier lieu.
On va passer quand, s'il y a sept personnes qui siègent pour prendre des
décisions pour une province entière?
M. Giasson: Je pense que vous avez raison parce que, au cours des
derniers jours, la semaine dernière tout au moins, le ministre a
indiqué à quelques municipalités, à une
communauté régionale que ces organismes seraient l'objet de
sollicitude particulière dès le départ, dès la mise
en place de la commission. La remarque que vous venez de formuler va dans le
sens, je pense, des inquiétudes qu'il y a chez vous. Le ministre a
déjà indiqué quels seraient les organismes
privilégiés. Il a pris des engagements personnels ou il a fait
des commentaires aux personnes qui sont venues devant la commission au nom de
municipalités ou d'autres organismes.
M. Garon: Je n'y suis pas allé aussi
catégoriquement que cela. Même la ville de Repentigny, qui disait
qu'elle n'avait pas d'espace, dans son propre mémoire disait qu'elle
avait des terrains pour douze mois sans aucun problème. Il ne faut pas
exagérer; je peux bien passer des mouchoirs à tout le monde, si
vous le voulez! Il y a même des gens qui sont venus ici se plaindre et en
même temps le conseil municipal m'envoyait une lettre disant que tout
était parfait. J'ai des télégrammes dans lesquels le
conseil municipal me dit qu'il est satisfait du projet de loi.
M. L'Italien: J'ai hâte que vous receviez des lettres de ce
genre de notre industrie.
M. Garon: Non, mais il ne faut pas conter des histoires non plus,
vous êtes une industrie qui est en difficulté depuis plusieurs
années. Je sais bien qu'on peut conter des histoires sur tout cela, mais
vous êtes en difficulté depuis de nombreuses années. Cela
est passé de 7000 à 3000, avez-vous dit. En combien de temps?
M. L'Italien: En l'espace de quatre ans, M. le ministre.
M. Garon: II faudrait voir à...
M. L'Italien: II faut dire aussi, M. le ministre, que le
conventionnel a fait la même chose.
M. Garon: Pardon?
M. L'Italien: II faut dire aussi que la construction
conventionnelle a connu les mêmes écarts.
M. Garon: Oui, et à part cela vous avez eu des booms de
vente à cause de la baie James et des choses de la sorte. Mais
là, les maisons sont là, on ne peut pas les bâtir deux
fois. Elles ont, vous avez dit, une dépréciation sur douze ans.
Alors, il y a ces facteurs. Au point de vue de votre industrie, il faudrait
voir combien de parcs ont actuellement des problèmes, combien de parcs
sont en dehors des franges et combien de parcs n'ont pas de droits acquis, mais
là...
M. L'Italien: M. le ministre, on est en train de faire ce
relevé et on va être en mesure de vous le communiquer d'ici
à quelques jours.
M. Gadbois: M. le ministre, une précision, si vous le
permettez. Les statistiques que l'on vous a fournies tantôt on
parle de 3000 maisons excluent totalement les constructions qu'on
appelle industrielles pour la baie James. On parle strictement de l'habitation
destinée à un consommateur particulier.
Pour reprendre ce qu'on disait tantôt, notre but est simplement de
souligner aux gens ici présents que notre industrie a
particulièrement besoin d'être considérée, parce
qu'on n'a pas eu la faveur que ce soit à tort ou à raison,
on pense que c'est à tort on n'a vraiment pas eu la
considération des législateurs, à quelque niveau que ce
soit, même municipal. Dans ce sens, on pensait que c'était
important que vous connaissiez notre position.
M. Garon: Habituellement, autour d'une maison mobile, quel est
l'espace de terrain que vous prenez?
M. Boilard: La grandeur moyenne des terrains pour maisons mobiles
est d'environ 5000 pieds, 50 sur 100.
M. Garon: 5000 pieds. Cela veut dire que tout ce que vous
construisez occupe un maximum de 375 acres. Un an... Additionnez les franges,
additionnez les villes où il n'y a pas de gel, additionnez les franges
des villages, etc., je serais bien curieux de voir... Vous savez, 375 acres, ce
n'est pas bien grand. (11 h 15)
M. L'Italien: M. le ministre, il ne va nous manquer qu'une chose,
le zonage approprié.
M. Garon: Pardon?
M. L'Italien: II ne nous manquera qu'une chose, ce sera que ces
375 acres soient zonées pour les maisons mobiles; c'est la seule chose
qui nous manque.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Montmagny-L'Islet.
M. Giasson: M. le Président, je sais que d'autres parmi
mes collègues voudraient intervenir et ont des questions à poser;
je ne prolongerai pas davantage, quitte, peut-être, à revenir au
dernier moment. Je voudrais, avant de céder la parole à un de mes
collègues, remercier les représentants de l'association qui sont
devant nous pour nous avoir présenté un excellent mémoire
et nous avoir
soumis les problèmes qui vont découler de l'application de
cette loi, surtout vis-à-vis de certaines dispositions contenues dans la
loi.
Quant à moi, je sais que vous produisez des biens pour lesquels
une catégorie de citoyens font appel à vos services; c'est une
réalité, il s'agit d'avoir vu évoluer le Québec
depuis dix ans, entre autres, pour réaliser que vous répondez
à un besoin particulier d'une catégorie de citoyens. Je constate
que le projet de loi, s'il n'était aucunement modifié en
dépit de l'optimisme du ministre, va certainement causer des
problèmes à cette industrie. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. le
député de Montmagny-L'Islet. M. le député de
Huntingdon.
M. Dubois: Merci, M. le Président. M. L'Italien, il me
semblerait, en définitive, que vos inquiétudes proviennent du
fait que le respect des terres fertiles, ou des sols agricoles, ne se soit pas
inscrit dans un plan global d'aménagement et d'utilisation du
territoire. Je pense que si on avait apporté une mesure globale, vos
inquiétudes n'existeraient plus.
M. Garon: ... les terres fertiles.
M. Dubois: Votre ministre responsable de l'aménagement du
territoire, M. le ministre de l'Agriculture, désire un plan global
d'aménagement du territoire depuis qu'il est au pouvoir, depuis que
votre gouvernement est au pouvoir. Je pense qu'il aurait été tout
à fait logique et dans l'ordre des choses que le respect des terres
fertiles ne soit pas une mesure sectorielle, mais bien qu'il s'inscrive dans un
plan global d'aménagement. Et vous riez de cela. Là, je comprends
moins.
M. Garon: Est-ce que je peux vous poser une question? Si on
protège les terres, dans le cadre d'un aménagement ou sans
l'aménagement, de quelle façon, à ce moment-là, la
protection des terres cause-t-elle un problème?
M. Dubois: C'est parce que c'est une mesure sectorielle.
Là, on voit l'aspect de la protection des terres fertiles, mais on
oublie de regarder tous les autres aspects, l'aspect industriel, l'aspect
commercial, l'aspect résidentiel et, autant que possible, cet aspect de
la protection des sols agricoles.
S'il y avait eu un plan global d'aménagement, je pense qu'on
aurait pu évaluer les besoins de chacun des intervenants.
M. Garon: Comment cela aurait-il pris d'années à
faire un plan global d'aménagement?
M. Dubois: C'était l'objectif du gouvernement.
M. Garon: Oui, on va protéger les terres et le plan global
se fera par la suite.
M. Dubois: C'est cela. C'est une mesure sectorielle et c'est pour
cela qu'on devrait amener une mesure globale. Cela fait longtemps qu'on en
parle; cela fait quand même deux ans qu'on en parle. A la lumière
de tous les mémoires qui ont été présentés
ici, c'est toujours le même problème qui se pose, on amène
une mesure qui n'est pas globale et de là ressortent un tas de
problèmes. Je pense que cela aurait été le correctif pour
le respect des terres fertiles aussi bien que pour tous les autres besoins.
C'est un point de vue qui a été bien indiqué ici
par les gens qui ont présenté les mémoires.
J'espère que le ministre va quand même considérer
rapidement les demandes de ces gens.
Le Président (M. Boucher): Fin du dialogue.
M. Dubois: J'aimerais savoir, M. L'Italien, sur le territoire des
614 municipalités, avez-vous une idée du nombre de paroisses
où les conseils municipaux ont des règlements interdisant
l'érection de maisons mobiles en dehors des zones spécifiquement
désignées?
M. L'Italien: La Loi des cités et villes et le Code
municipal ne prévoient pas qu'on puisse prohiber l'installation de nos
produits dans une municipalité ou dans une autre. Par ailleurs, on a un
pouvoir de réglementer. Ce qui survient dans un nombre assez imposant de
cas, c'est qu'on prévoit une réglementation à laquelle on
annexe une carte. Sur la carte, il est arrivé plusieurs centaines de
fois qu'on a oublié de prévoir une zone spécifique.
Donc, on ne la défend pas, on ne la prohibe pas, mais on peut
avoir oublié de l'inclure dans le plan du territoire. Je n'ai pas de
données précises quant au nombre de paroisses où on a eu
ce genre d'oubli.
M. Dubois: Dans le comté que je représente, je
connais de nombreuses municipalités qui ont un règlement de
zonage de construction et qui n'acceptent pas qu'une maison mobile soit
installée en dehors d'un parc spécifiquement
réservé pour cette fin. Ce qui veut dire que sur une ferme... Il
y a un article du présent projet de loi qui affirme que toute
construction sur une ferme fait partie intégrale de la ferme. Ce qui
veut dire qu'un jour, on peut voir une ferme à vendre avec cinq
résidences dessus et les résidences et la ferme se vendront
ensemble. A ce moment-là, je comprends qu'il peut y avoir une incitation
à ériger une maison mobile au lieu d'une maison fixe. Le
problème, c'est que la plupart des municipalités ont
peut-être un règlement qui empêche cela et c'est le cas dans
le comté de Huntingdon. Je peux dire que les trois quarts des
municipalités et il y en a 28 ont des règlements
interdisant l'érection de maisons mobiles sur une ferme ou sur n'importe
quel lot, à l'exception d'un secteur spécifiquement
réservé.
Alors, je pense que l'argument du ministre à savoir que ce serait
une incitation ne tient pas tellement. Je ne sais pas si vous voulez commenter
là-dessus, vous devez vous buter à ce cas-là souvent.
M. Gobeil: Je pense que vous avez parfaitement raison. Mais vous
nous demandez de donner le nombre exact. On n'a pas fait de
comptabilité, encore une fois, là-dessus, et on s'en excuse, mais
effectivement les corporations municipales, régies par le Code municipal
ou la Loi des cités et villes, ont un pouvoir particulier dans le
domaine de la maison mobile, qui est de les envoyer sur des terrains
spécialement affectés à cette fin. Pour toutes les raisons
que l'on connaît, c'est peut-être préférable que ces
maisons mobiles soient regroupées dans un secteur donné pour
qu'elles soient ensemble. M. le ministre le soulignait d'ailleurs tout à
l'heure.
En pratique et en réalité, c'est effectivement ce qui est
fait. Il faut bien comprendre aussi qu'en tant qu'industrie, on ne peut pas
faire de développement en fonction de résidences mobiles qui
pourraient être vendues aux cultivateurs demain matin. Ce n'est pas
l'objet de notre démarche aujourd'hui. Ce que vous soulevez là
est une réalité juridique et pratique effectivement.
M. Dubois: Je n'ai pas d'autres questions, je vous remercie.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Beauce-Sud.
M. Roy: Merci, M. le Président. MM. L'Italien, Gadbois et
les autres qui vous accompagnent, je vous remercie à mon tour pour vous
être donné la peine de préparer un mémoire et de le
soumettre à la commission, et je vous remercie de votre présence
ici ce matin. Je remarque cependant dans votre mémoire trois points
principaux, auxquels vous vous référez et pour lesquels vous
demandez que des modifications soient apportées.
C'est-à-dire qu'il existe premièrement un droit d'appel,
si j'ai bien compris, qui permet de faire réviser les décisions
lorsqu'il y a suffisamment d'éléments pour démontrer que
la décision qui a été rendue n'était pas
justifiée ou pas justifiable. Deuxièmement, vous parlez aussi
d'un organisme régional et d'organismes régionaux. Vous avez
aussi des inquiétudes relativement aux délais pour obtenir les
fameux permis qui seront nécessaires suite à l'application de la
loi.
Je remarque que ces points auxquels vous vous êtes
référés font l'objet actuellement... On peut dire que
c'est une constance que nous avons ici à la commission parlementaire,
puisque tous les groupes et organismes qui sont venus ici ont soulevé
ces points et ont manifesté au ministre ainsi qu'aux membres de la
commission la nécessité de réviser la loi au niveau de ces
articles. J'espère bien que le ministre en prendra note. Compte tenu du
fait que tous ceux qui se sont présentés devant la commission se
sont référés à ces points, j'espère que des
amendements pourront être déposés avant même que nous
n'entreprenions l'étude de la loi article par article.
Vous avez parlé aussi il y a un certain nombre de
questions d'ailleurs qui ont déjà été posées
de 200 parcs d'environ quinze acres qui couvriraient un territoire
d'environ 3000 acres. J'aimerais savoir, dans le chiffre d'affaires de
l'ensemble de vos entreprises, ce que représentent les ventes dans les
territoires qui sont recouverts par la zone réservée, par ce
qu'on appelle actuellement la zone verte? Est-ce que ces 200 parcs se trouvent
dans cette zone ou s'il y en a également qui sont en dehors de la zone
réservée? Quel est le volume je ne veux pas
connaître le chiffre d'affaires parce que je ne veux pas vous obliger
à commettre des indiscrétions ou le pourcentage de vos
ventes qui sont faites dans le parc ou en dehors du parc et aussi le
pourcentage de vos ventes qui sont faites dans la zone qui, actuellement, n'est
pas réservée?
M. L'Italien: Quant à la détermination du nombre de
maisons qui vont être installées dans des parcs et à
l'extérieur de parcs, des endroits qui sont zonés le plus souvent
à la périphérie des villes par les administrations
municipales, le pourcentage varie de 50% à 75%. Nous de
l'industrie manufacturière estimons qu'il y a à peu
près 50% de nos maisons qui sont installées dans des parcs et un
autre 50% qui sont installées sur des terrains individuels. Du
côté des commerçants, on a une indication qui est
peut-être un peu plus précise et qui va plutôt dans le sens
de 60% à 65%, peut-être 70% des maisons qui iraient dans des parcs
toujours zonés, mais le plus souvent, un zonage qui est à la
périphérie de la ville plutôt que d'être en
ville.
Quand on revient avec la même question et la même
réponse, le pourcentage de nos ventes qui sont destinées à
des zones actuellement désignées par le projet de loi 90, c'est
à peu près, là aussi, 50% de notre chiffre d'affaires. Je
dirais plus que 50%, parce qu'on parle des régions
métropolitaines de Québec et de Montréal, de sorte qu'il y
a probablement à peu près 70% de notre chiffre d'affaires qui est
dans les zones désignées.
M. le Président, seriez-vous d'accord? Est-ce à peu
près cela?
Une Voix: Oui.
M. L'Italien: A peu près 70% dans la zone
désignée par le projet de loi 90.
M. Roy: Dans les 200 parcs que vous avez, avez-vous eu le temps
d'en faire un bon examen pour déterminer si l'ensemble des parcs
auxquels vous reférez sont dans la zone réservée
jusqu'à maintenant ou s'ils sont dans les zones qui actuellement sont
sous le contrôle des municipalités ou en dehors de la zone verte.
Quand je vous parle de la zone verte je pense que vous m'avez compris
tout à l'heure je parle de la zone réservée depuis
le 9 novembre par le projet de loi 90.
M. L'Italien: Dans quelques semaines, on sera en mesure de
répondre à votre question mais, actuellement, on ne l'est
pas.
M. Roy: Selon l'étude en gros que vous avez faite, est-ce
que ça représente 50% de ces parcs? Est-ce que c'est plus de la
moitié des parcs actuellement qui se trouvent gelés?
M. Boilard: Pour répondre, nous avons eu une
assemblée à Montréal il y a une semaine. Je pourrais vous
dire que cela ne représente peut-être pas 50% des parcs, mais cela
représente plus de 50% du volume de maisons. Ceux qui sont
touchés, en fait, sont peut-être les endroits où il y a
plus de volume de maisons mobiles. Pour vous donner un exemple, c'est que, en
fait, peut-être dans certaines municipalités de la Côte-Nord
où elles ne sont pas touchées, il y a plusieurs parcs,
malgré que le volume de ventes va quand même s'établir dans
des régions au Québec, Montréal, ces places-là,
où elles sont touchées par le zonage. Le volume est
définitivement plus élevé que 50%, mais le nombre de parcs
ne peut peut-être pas dépasser 50%.
M. Roy: Je vous remercie de ces réponses et de ces
précisions. J'aimerais tout simplement ajouter un bref commentaire
à ce niveau pour dire que, justement, vous avez bien
précisé dans votre mémoire que vous étiez d'accord
avec le principe qu'il fallait faire quelque chose pour protéger les
terres agricoles au Québec, mais que par contre, la fin ne justifie pas
tous les moyens. Il devrait y avoir des moyens qui devraient être pris de
façon à assurer un dialogue, un équilibre entre les
groupes en tenant compte des régions, en tenant compte des villages et
en tenant compte aussi des besoins des populations.
Je pense bien que M. le ministre devra tenir compte aussi du fait que ce
ne sera sûrement pas la même réglementation qui va
s'appliquer dans tous les villages, dans toutes les petites villes et les
grandes villes du Québec pour la bonne raison qu'il y a des villes et
des villages qui sont situés dans des zones agricoles où toutes
les terres sont des terres fertiles. Il y en a beaucoup.
Si je prends, par exemple, la région de la Beauce, la
région de Montmagny, c'est différent quand on se rapproche du
Saint-Laurent que quand on va au nord, c'est-à-dire que lorsqu'on
descend plus au sud. Au nord du Saint-Laurent, c'est la même chose. Plus
on est près du Saint-Laurent, plus les terres sont fertiles, c'est
évident. Plus on va au nord, nous approchons des montagnes. Il y aura
des problèmes pour les populations qui résident dans ces petites
villes. Si on veut faire du développement industriel pour baisser le
taux de chômage pour la municipalité, il va falloir que les
agrandissements d'usines prévoient des espaces. Il faudra...
M. Garon: C'est dans la loi!
M. Roy: C'est dans la loi, mais je me réfère
toujours au mécanisme unique à la commission provinciale.
M. Garon: Ce sera une commission provinciale.
M. Roy: Ce sera une commission provinciale. Il n'y a rien
à faire là-dessus, le ministre nous en donne la certitude ce
matin. (11 h 30)
M. Garon: Oui.
M. Roy: Je me rends bien compte que cela n'a pas donné
grand-chose de tenir des commissions parlementaires pendant une couple de
semaines, c'est une perte de temps, un semblant de dialogue, puisque le
ministre ne semble pas vouloir, malgré toutes les recommandations qui
ont été faites de la part de tous les organismes qui sont venus,
y compris des gens de l'UPA qui ont parlé à un moment
donné de la nécessité d'avoir des commissions
régionales... Je ne dirai pas tous les gens de l'UPA, des gens de l'UPA
en ont parlé; Saint-Hyacinthe en a parlé.
M. Garon: Ils n'ont pas parlé d'une commission
régionale, ils ont parlé d'un comité.
M. Roy: II y en a d'autres qui vont en parler aussi parce qu'on
n'a pas fini de tenir des séances.
M. Garon: Un instant, ce sont les mémoires.
M. Roy: II y en a d'autres qui vont en parler aussi. Alors, il y
a un point. On parle de dialogue. C'est un court commentaire que je voulais
faire pour faire une recommandation au ministre, à la suite des gens qui
sont ici devant nous ce matin. Il va falloir tenir compte de certains points;
il va falloir tenir compte de la réalité pour tâcher que
cette loi du zonage agricole ne permette pas à un groupe et à un
organisme d'avoir le droit de vie ou de mort sur le développement
économique de trop de villes et de trop de villages du Québec. Je
me suis prononcé en faveur lors de la deuxième lecture du projet
de loi de zonage.
M. Garon: Tout le monde s'est prononcé en faveur.
M. Roy: J'ai voté pour parce que je comprends qu'il est
nécessaire cela fait longtemps que je l'admets qu'il se
fasse quelque chose, mais la fin ne justifie pas tous les moyens et je crains,
actuellement, compte tenu des problèmes économiques pour les
populations qui sont concernées, celles qui travaillent dans les
industries représentées par les gens qui sont ici ce matin; il y
en a d'autres aussi. Il ne faudra pas que le ministre se dise: Je suis ministre
de l'Agriculture, je me ferme les yeux sur ce qui se passe ailleurs et je m'en
vais dans cette direction, advienne que pourra. Le rôle du gouvernement
est de voir à l'équilibre des choses. C'est la fin de mon
commentaire, M. le Président.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. le
député de Beauce-Sud. M. le député de
Beauce-Nord.
M. Ouellette: Merci, M. le Président. M. L'Italien,
étant député de Beauce-Nord qui inclut
Saint-Joseph-de-Beauce et étant citoyen de Saint-Joseph, vous
comprendrez l'intérêt que je porte au développement de la
maison mobile. J'ai eu la tristesse de vivre la décroissance si
le mot est français de cette industrie et les implications
négatives que cela a compris pour Saint-Joseph-de-Beauce. Je ne voudrais
pas que le règlement de protection des sols arables vienne sonner le
glas de cette entreprise.
J'aimerais vous poser quelques questions, risquant ainsi puisque
je suis arrivé en retard de vous faire répéter des
choses que vous avez pu dire tout à l'heure. Il faudrait d'abord qu'on
fasse le point. Tout ce qui concerne, par exemple, le véhicule
récréatif n'est pas affecté par cette loi.
M. L'Italien: M. le Président, non.
M. Ouellette: En aucune façon. Les unités que vous
construisez pour les chantiers éloignés non plus: la baie James,
le Grand Nord québécois, etc., aucun problème.
M. L'Italien: M. le Président, je vous ai dit tantôt
que cela ne touchait pas le véhicule récréatif. On peut
parler des emplacements de camping, des terrains de camping privés ou
publics, mais nous n'avons pas orienté notre étude et
l'étude du projet de loi et ses conséquences vers le
véhicule récréatif de notre industrie. Cela fera l'objet
d'une autre démarche. On a d'ailleurs un mémoire qui est
prêt pour M. Duhaime; on s'apprête à demander à le
rencontrer pour parler de terrains de camping. Notre démarche, ce matin,
ne tenait pas compte des effets potentiels de la loi 90 à ce
stade-ci.
M. Ouellette: Mais à ce stade-ci de vos réflexions
et de l'étude que vous avez faite du projet de loi...
M. L'Italien: Elle porte sur l'industrie de la maison-module, sur
l'habitation.
M. Ouellette: Vous n'avez pas pressenti de dangers ou de risques
de nuisance par rapport à votre industrie de la part de ce projet de
loi?
M. L'Italien: M. le Président, notre préoccupation
est à court terme.
M. Ouellette: D'accord.
M. L'Italien: Le véhicule récréatif, c'est
avant tout un produit qui se déplace sur les routes, qui sert à
des vacances dans les endroits de villégiature. Si la loi 90 devait
avoir des effets défavorables, cela ne s'en ressentirait pas d'une ma-
nière aussi dramatique sur ce secteur de notre industrie. Pour
répondre à votre question, je vais vous dire non.
Quant au territoire de la baie James, par exemple, à nos
exploitations forestières, à nos clients institutionnels,
commerciaux et autres, comme les écoles, les hôpitaux, les CLSC,
etc., ce n'est pas affecté. Ce volume ou cette partie de notre volume
d'affaires n'est pas affectée par les dispositions de la loi 90.
M. Ouellette: II reste donc un secteur qui risque de vous
affecter, c'est celui de la maison mobile proprement dite.
M. L'Italien: A cause des zonages que depuis des années et
des années on a repoussés à la périphérie
des villes de façon à assurer aux collectivités locales de
ces zones tampons, entre les habitations conventionnelles et les maisons
mobiles... Nous aurions bien voulu les voir rapprochés de la ville, mais
la municipalité les a toujours placés là, à la
périphérie. Aujourd'hui, la périphérie, en vertu de
la loi 90, risque de nous être fermée. La question est: A quel
endroit va-t-on mettre nos maisons? Elles mesurent 70 pieds de long sur 14
pieds de large et elles pèsent 15 tonnes. Pour les gens qui les
habitent, c'est leur seule maison; c'est la seule maison qu'ils peuvent se
permettre de payer. Le zonage de la municipalité les a placées
à la campagne. Si M. le ministre dit: "La campagne est fermée",
on va les mettre où?
M. Ouellette: Justement, est-ce que vous vous êtes
penché sur un certain nombre de cas précis dans la zone
touchée par la loi où vous auriez pu, par exemple, vous rendre
compte que des parcs de maisons mobiles actuellement constitués en
périphérie risquaient de ne plus pouvoir s'étendre, suite
à l'application de la loi?
M. L'Italien: Oui, on a des cas pratiques à
Saint-David-de-L'Auberivière; il y a un développement là,
avec 70 maisons qui y sont installées; il y en a 26 autres sur
lesquelles il y a déjà les services d'aqueduc et d'égouts;
il y a quelque chose comme 55 acres que le propriétaire du parc avait
achetées et aujourd'hui, c'est bloqué, tout est gelé. Il y
a un autre cas dans...
M. Garon: C'est justement dans mon comté. C'est dans
Lévis; ce n'est pas bloqué parce que... Vous devriez revoir la
carte.
M. L'Italien: C'est la municipalité de Saint-David qui a
revu la carte avec le développeur dont je vous parle.
M. Garon: C'est au nord de la route 20 ou au sud?
M. L'Italien: C'est au sud de la route 20, en face de
l'incinérateur.
M. Garon: D'un incinérateur? Bien là, vous
êtes dans la partie plus agricole.
M. L'Italien: Effectivement, c'est ce qu'on vient de vous
dire.
M. Garon: Alors, vous seriez mieux d'aller à Lauzon ou
à Saint-Romuald où vous avez le droit.
M. L'Italien: Oui, c'est facile de déplacer les soeurs! M.
le Président, en réponse à M. le député, il
y a aussi le cas dans le comté de M. Parizeau, le cas des Entreprises
Félix Chartrand Inc. qui est directement affecté par les
dispositions de la loi 90.
M. Ouellette: II serait peut-être bon de revenir sur le cas
de Saint-David-de-l'Auberivière puisque cela concerne directement le
ministre et mon rôle ici n'est pas nécessairement de lancer des
fleurs au ministre ce matin, mais d'essayer de clarifier un cas précis.
Si le Parti libéral peut cesser de déranger notre ministre, on va
se comprendre. La question est celle-ci, M. le ministre, et je l'adresse
à...
Une Voix: ...
M. Ouellette: Bon, c'est bien, moi aussi, d'ailleurs. Elle
s'adresse, évidemment, aux représentants des fabricants de
maisons mobiles. Dans un cas comme celui qui est cité, à savoir
Saint-David-de-l'Auberivière, on nous dit qu'il y a des terrains qui
sont prêts à recevoir l'agrandissement de ce parc de maisons
mobiles, mais que votre loi vient...
M. Garon: Est-ce qu'ils ont des aqueducs et des
égouts?
M. L'Italien: Oui, M. le Président. M. Ouellette:
Combien de lots?
M. Garon: Alors, il y a des droits acquis; il n'y a pas de
problème. C'est l'article 105 qui s'applique.
M. L'Italien: L'extension de l'aqueduc et de l'égout... A
l'heure actuelle, il y a une rue je vous le donne de mémoire
qui a peut-être 1000 pieds en longueur. Au pied no. 1000,
l'aqueduc et l'égout cessent là parce qu'on a actuellement une
bande de 26 terrains sur lesquels on va vouloir installer des maisons en avril,
mai, juin de cette année. Au-delà de ce pied no. 1000, le
développement qui était prévu là et pour lequel le
propriétaire du terrain a versé et je le sais, dans le cas
présent $235 000 qu'il a empruntés à la banque, il
va faire quoi avec?
M. Garon: Est-ce qu'il y avait un règlement de la
municipalité, autorisant les aqueducs et les égouts?
M. L'Italien: Oui.
M. Garon: Conformément à la loi?
M. L'Italien: Oui, monsieur.
M. Garon: Cela tombe sous l'article 105; il y a des droits
acquis?
M. L'Italien: Sur l'extension, M. le ministre.
M. Garon: S'il y avait un règlement qui
prévoyait... Lisez l'article 105. Parce que Saint-David, c'est justement
une municipalité qui fait son développement comme cela, en
faisant payer les promoteurs. C'est une façon intelligente de faire du
développement.
M. L'Italien: M. le Président, il faut prévoir que,
dans le cas présent, c'est le développeur qui fait les
services.
M. Garon: Oui, c'est cela; c'est cela que je vous dis.
Saint-David se fait payer des développeurs d'une façon
intelligente, comme en Ontario, au lieu de faire payer l'ensemble de la
collectivité.
Une Voix: L'Ontario fait payer le Québec aussi.
M. Garon: Alors, du moment qu'il devient adjacent à un
chemin public où les services d'aqueduc et d'égouts sont
déjà autorisés par un règlement municipal
adopté avant cette date, avant la date du 9 novembre, et approuvé
conformément à la loi, si un règlement a été
adopté en toute légalité avant le 9 novembre et qu'il y a
un aqueduc ou un égout qui doivent passer là, il n'y a pas de
problème.
M. L'Italien: M. le Président, je comprends bien avec M.
le ministre que cela va jusqu'au point où les services arrêtent
aujourd'hui, mais demain, on va vouloir continuer l'extension du
développement et ajouter des bouts de tuyaux, mais les tuyaux se
terminent là, actuellement. Alors, on n'est plus adjacent à des
services d'aqueduc et d'égouts. On est bout à bout, on est
rabouté à des services d'aqueduc et d'égouts et on a 70
maisons parmi lesquelles il y en a 26 dont les terrains sont prêts et on
a de la place pour en installer au-delà de 200, mais au lieu d'installer
200 maisons, on va mettre 200 vaches maintenant.
Une Voix: Vous avez un permis?
M. L'Italien: Non, parce que le permis n'est valide que
jusqu'à l'endroit précis où les services d'aqueduc et
d'égouts s'arrêtaient le 9 novembre.
Le Président (M. Boucher): M. Gadbois.
M. Gadbois: Ce que je voulais faire, à ce stade-ci,
c'était un rapprochement sur l'impact éco-
nomique dont je parlais tantôt. Ce monsieur qui est
propriétaire de ce terrain et qui dispose actuellement de 20 terrains
pour le printemps, de la façon que l'industrie a toujours vendu ses
maisons, le concessionnaire en garde quelques-unes sur son terrain de
façon à pouvoir en montrer aux consommateurs, donc les 20 maisons
qu'il pourra installer sur les terrains disponibles sont fort probablement
déjà sur son terrain.
Si j'étais son fournisseur, en tant que manufacturier plus
précisément, c'est un fournisseur de la Beauce il est
évident, en fait, qu'actuellement, je considérerais que je ne
peux absolument plus lui livrer aucune maison à partir de maintenant
jusqu'à ce qu'il ait la possibilité de construire ou de lotir un
nombre additionnel de 20 terrains. Je tiens à faire cette
précision afin que vous puissiez comprendre dans quelle position est
l'industrie de la maison préusinée.
M. L'Italien: Le manufacturier en cause, M. le ministre, c'est la
compagnie Glendale-Tréco de Saint-Joseph-de-Beauce.
M. Garon: Vous dites cela comme cela, mais quand vous avez vos
maisons mobiles, il doit y avoir un règlement pour les services
d'aqueduc et d'égouts. Le gars n'installe pas une maison mobile avant
d'avoir la certitude qu'il va y avoir des services d'aqueduc et d'égouts
autorisés.
M. Gobeil: Cela ne veut pas nécessairement dire que la
municipalité a accepté que cela lui soit cédé.
Une Voix: On va arrêter de les fabriquer.
M. Gobeil: Dans la plupart des développements de maisons
mobiles qui sont faits, c'est le promoteur qui a fait les infrastructures. Dans
le cas d'un développement résidentiel, la municipalité
fait les travaux et les fait payer par le promoteur; c'est tout à fait
différent. Dans la mesure où on n'a pas eu cette donnée,
on est bloqué. Dans la mesure où il y a déjà une
partie qui est faite, très bien, il y a des droits acquis suivant
l'utilisation, mais dans la mesure où cela s'arrête là, on
n'a aucun engagement pour le futur, le 9 novembre est passé. C'est cela
le problème.
M. Garon: II n'y avait pas de règlement concernant...
M. Gobeil: Ecoutez, je ne vous dis pas que c'est dans ce
cas-là, je n'ai pas d'idée, en pratique; je ne veux pas vous
induire en erreur. Vous me parlez, je vous réponds sur ce que vous me
dites.
M. L'Italien: M. le ministre...
M. Garon: Je comprends, vous me parlez de cas théoriques
qui ne se sont pas produits; il faudrait parler de quelque chose de
concret.
M. L'Italien: M. le ministre, dans le cas qui nous
intéresse ce matin, on parle de Saint-David-de-l'Auberivière. Il
y a 70 maisons, il y a 26 terrains qui sont prêts, sur lesquels l'aqueduc
et les égouts sont installés. On sait qu'au printemps, les 26
maisons vont être installées. A chaque année, ce
"développeur'' fait une phase de son développement pendant
l'été. Ce qu'on veut savoir maintenant, c'est si la compagnie
Glendale-Treco doit arrêter de fabriquer pour ce commerçant, ne
sachant plus, ou plutôt sachant, ce matin, qu'au-delà des 26
terrains, il n'est plus question d'autre chose? Est-ce qu'on doit informer la
Banque de Montréal que les $235 000 que le gars lui doit...
M. Garon: On ne réglera pas le plan d'un entrepreneur ou
d'un "développeur", ce matin, avec 20 maisons dans un endroit...
M. L'Italien: M. le ministre, vous nous demandez de ne pas
prendre des cas en l'air, vous nous demandez de prendre des cas
précis.
M. Garon: Vous dites que vous ne savez même pas. Votre
avocat ne sait même pas si les règlements sont faits ou non. Vous
avez dit cela tantôt.
M. L'Italien: Non. Dans ce cas-là, M. le Président,
tout est fait...
M. Garon: Combien de parcs avez-vous? Vous avez 200 parcs
à roulottes dans l'ensemble du Québec, c'est ce que vous disiez
tantôt.
M. L'Italien: M. le Président, dans le cas dont nous
parlons, on sait que tout a été fait conformément aux
dictées de la loi. Cela inclut les services d'aqueduc et d'égouts
qui ont été faits par des ingénieurs-conseils, cela inclut
une résolution de la ville selon laquelle elle allait les acheter, cela
inclut que le "développeur" allait faire l'aqueduc, les égouts,
que la ville allait faire l'éclairage, les chaînes de rue,
l'asphalte. Tout cela est déjà fait dans le développement
dont on parle. La ville a même demandé et obtenu $52 000 de
subvention de la SCHL en vertu de l'article 56.2 de la Loi nationale sur
l'habitation pour les développements de 10 unités à l'acre
et plus parce que ce genre de maisons se prête à ce genre de
développement.
La ville a déjà encaissé pour $52 000 dans le cas
dont on parle actuellement. Ce qu'on veut savoir, c'est ce qui va arriver
à ce gars-là on va le multiplier pour 200, tantôt
qui est un gars en chair et en os, qui a un commerce qui est bien
là, bien vivant. Que va-t-il lui arriver au-delà de ces 26 lots
actuels? Les terrains ne sont pas en bordure de services déjà
existants, mais comme il y a déjà eu trois autres permis pour
additionner des longueurs à ces routes, il doit maintenant avoir un
quatrième permis. Il n'aura plus le quatrième permis. (11 h
45)
M. Garon: C'est bien possible qu'il ne l'ait plus. A un moment
donné, il va falloir restreindre le développement. Si ce ne sont
pas des terrains agricoles, il a sans doute l'avoir, mais si ce sont de bonnes
terres agricoles, il faut arrêter à un moment donné. Les
roulottes se placeront ailleurs où les terres ne sont pas bonnes.
Je vais vous dire, entre vous et moi, si vous regardez sur la rive sud
je connais cela assez bien quand on construit au sud de la route
20 avec tout l'espace qu'on a au nord de la route 20, je ne trouve pas que
c'est la façon la plus intelligente de faire du développement. Je
vais vous le dire bien franchement. C'est un territoire que je connais
très bien. Il faudrait commencer à bâtir au nord de la
route 20, il me semble, rentabiliser les équipements qui sont
déjà là. Il y en a assez pour mettre quasiment la ville de
Québec, au nord de la route 20. Pourquoi aller bâtir au sud dans
les meilleures terres?
M. L'Italien: C'est aux corporations municipales que vous parlez
quand vous dites cela.
M. Garon: Un instant! Les corporations municipales ont un pouvoir
délégué du gouvernement du Québec. Un objectif de
protection des terres n'est pas un objectif local où tous les
développeurs, tous les promoteurs, tous les spéculateurs vont sur
le plan local influencer la petite politique locale pour dire: On ne s'occupera
plus d'aucun objectif national. C'est le "free for all ". Je regrette. Le
Québec n'est pas un dépotoir, comprenez-vous? Il va falloir,
à un moment donné, mettre un peu d'ordre là-dedans.
Actuellement, en Amérique du Nord et dans le monde occidental, l'endroit
où il y le moins d'ordre au point du vue de développement
municipal, c'est le Québec, et de loin le Québec. Regardez un peu
ce qui se passe. Aïe!
M. L'Italien: Je suis d'accord avec vous, M. le ministre. C'est
la raison pour laquelle on est d'accord avec le principe de la loi 90.
M. Garon: On n'a même pas besoin de voir clair. Un gars
même myope peut voir cela. Vous êtes d'accord à condition
qu'on puisse construire comme avant, n'importe où. Ecoutez, il faut
toujours bien...
M. Gobeil: Avec votre permission, M. le Président, tout ce
qu'on demande, M. le ministre on est d'accord avec le principe que vous
énoncez c'est peut-être que dans la toi la notion de droits
acquis soit étendue pour comprendre et régler à court
terme le problème des gens comme celui qu'on a donné à
titre d'exemple. C'est tout ce qu'on demande. Je veux peut-être revenir
sur ce qui a été soulevé tout à l'heure. Il est
bien certain qu'on ne veut pas faire de la loi ou du projet de loi sur la
protection du territoire agricole le seul élément des
difficultés de notre industrie. Encore là, ce n'est pas du tout
notre intention.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Beauce-Nord, est-ce que vous avez terminé?
M. Ouellette: II me resterait une question à poser et qui
revient au coeur du...
Le Président (M. Boucher): Rapidement, parce que nous
dépassons largement l'heure.
M. Ouellette: Ma question s'adresse au ministre et elle concerne
le rôle qu'aura à jouer cette commission, M. le ministre. On parle
ici d'un cas bien précis, celui de Saint-David et vous le connaissez
mieux parce qu'il est dans votre comté. Vous semblez avoir des
objections personnelles à ce qu'on étende le parc de maisons
mobiles de Saint-David.
M. Garon: Non. Je n'ai pas d'objection. Je ne suis pas au courant
de la qualité du sol à cet endroit.
M. Ouellette: Justement. C'est là qu'est ma question. La
commission aura le pouvoir de considérer, cas par cas, chacun des parcs
de maisons mobiles et de tenir compte de certaines normes, certains
critères et de dégeler progressivement, d'enlever l'aspect gel de
cette loi au fur et à mesure qu'elle aura acquis la certitude qu'il est
inutile d'empêcher le développement de ces parcs.
C'est une chose qui me frappe depuis que j'assiste à cette
commission. Chaque intervenant a l'impression que les cartes qui ont
été déposées jusqu'à maintenant par le
ministère de l'Agriculture constituent une espèce de
décret final non négociable et qui ne reculera jamais même
d'un pouce après discussion avec la commission. Quelle est la
réalité derrière tout cela?
M. Garon: Les cartes ont été mises là
justement pour empêcher qu'il y ait un gel total. Elles n'ont pas
été placées là dans un but négatif, mais
dans un but positif. Quand on dépose un avis de motion lors d'un
règlement municipal, à ce moment-là, tout le territoire
couvert est gelé à 100%. A ce moment-là, on a dit: Comme
c'est un règlement de zonage ou une loi de protection des terres pour
l'ensemble d'une région désignée, pour ne pas geler
à 100%, on a prévu un plan provisoire où une zone
d'urbanisation est prévue, un plan provisoire qui sera
négocié avec la municipalité et la commission. Ils vont
discuter cela ensemble. On va élargir sans doute le forum au niveau
municipal pour que des organismes on en parlera lors de l'étude
en deuxième lecture locaux ou régionaux puissent
participer à cette discussion lorsqu'on déterminera les zones
permanentes.
Il est évident que le cercle, le périmètre
d'urbanisation n'a pas pour but de restreindre... il a pour but de permettre la
construction pendant la période où on discutera des
périmètres ou des zones permanentes. Normalement, en
matière de zonage, tout est gelé à 100%.
Alors, le but des plans provisoires, qui sont vraiment des plans
provisoires... Dans certains cas les espaces sont très grands; dans
d'autres cas, le périmètre est tout à fait collé
à la municipalité parce qu'autour, les sols sont d'excellente
qualité.
Pour les sols d'excellente qualité où le
périmètre est serré, il y a bien des chances que cela ne
se desserre pas beaucoup après la négociation. Ou bien on
protège les terres, ou bien on ne les protège pas.
Il faut choisir, prendre une option. Tout le monde dit: "On est
d'accord". On est d'accord, mais cela nous cause des inconvénients.
C'est évident, si cela fait 10 ans, il y a un ajustement à faire.
On entend des partis qui disent: "On est pour", mais on n'a jamais rien fait
pour et on s'organise pour combattre à mort le projet. Alors, des gens
pour comme cela, je vais dire comme un gars disait: "Quand tu as des amis comme
cela, tu n'as plus besoin d'ennemis."
Alors, c'est clair. Nous nous sommes servis tout simplement de notre
tête. On a dit: On va mettre un périmètre pendant une
certaine période. On a été moins sévère
qu'ailleurs. On va essayer de mettre pendant une période un
périmètre. Regardez la plupart des gens qui viennent. Ils disent
je pense à des villes qui sont venues la semaine passée...
on regardait les acres. Il y avait de l'espace qui n'était pas
réservé, dans certains cas, pour tripler les
municipalités. Je comprends qu'il y a des intérêts, de gros
intérêts, et même de très gros
intérêts.
M. L'Italien: M. le ministre, quand vous parlez de gros
intérêts, vous ne parlez pas de notre industrie.
M. Roy: De très très gros
intérêts.
M. Garon: II y a des intérêts qui font leur lobby.
Je n'ai pas peur de le dire, et qui vont agir de plus en plus dans les semaines
qui vont venir. Je ne me fais pas d'illusions. Ils vont nous dire,
comprenez-vous, que la terre va s'entrouvrir, si on vote cette loi-là.
Cela, c'est un peu fatal. Quand j'ai déposé la loi, je
m'attendais à tout cela. C'est évident.
Il y avait un million d'acres sous spéculation. Quand vous
arrivez avec votre problème, il ne paraît pas aussi
considérable que vous le dites. D'abord, la première chose, cela
fait un mois qu'on l'a déposée, vous pourriez localiser vos 200
parcs. Ce n'est pas beaucoup 200. Et les 200 parcs, où sont-ils
situés? Combien sont dans les territoires protégés et
combien ne sont pas dans les territoires protégés? Et combien
sont en dehors de la région désignée? Sur 200, il doit y
en avoir quelques-uns qui ne sont pas dans la région
désignée, il y a 614 municipalités. Je ne sais pas
combien, mais il doit y en avoir un certain nombre.
A part cela, il doit y en avoir un certain nombre aussi qui sont dans
les franges. Il en reste combien d'affectés? Il me semble que ce serait
la première donnée à avoir. Moi, je me serais attendu que,
dans votre mémoire, vous nous disiez: "Voici concrètement".
Autrement, on ne peut pas...
Au niveau de chacune des municipalités, il y a des choix qui vont
se faire. Mais il ne faudrait pas, par exemple, attribuer certaines des
difficultés que vous créent les municipalités, que vous
avez bien mentionnées... Ce n'est pas à cause de la Loi sur la
protection du territoire agricole, c'est parce que les municipalités
essaient de vous mettre loin des villages. Il faudrait que la conscience
sociale, dans ces milieux-là, soit plus développée pour
qu'on permette des habitations à meilleur marché pour des gens
qui ont des salaires moins élevés, peut-être que s'ils
pouvaient travailler, mais ce n'est pas la loi de protection des terres,
à ce moment, qui règle ce problème. C'est clair.
Le Président (M. Boucher): Merci. M. le
député de Maskinongé, une courte question.
M. Picotte: Compte tenu, M. le Président, de l'impact
main-d'oeuvre et de l'impact économique que ces gens nous ont
soulignés, je pense que ce devrait être important que la
commission donne une priorité du côté des parcs et je dois
dire au ministre que, même si quelquefois les témoins ne sont pas
capables de répondre entièrement à nos questions, comme la
localisation des 200 parcs dont vous venez de parler, il faut admettre, aussi,
qu'il y a une nette improvisation du côté du ministère
d'avoir déposé un projet semblable, sans s'être enquis au
moins de certaines choses qui sont quand même bien importantes au point
de vue développement. C'est le seul commentaire que je voulais
faire.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. le
député de Maskinongé.
Une Voix: ...
Le Président (M. Boucher): A l'ordre!
M. Picotte: Vous n'avez pas l'air de vous en servir, par
exemple.
Le Président (M. Boucher): Au nom de tous les membres de
la commission, je remercie les représentants de l'Association des
manufacturiers de l'habitation et des commerçants de maisons mobiles
d'avoir présenté ce mémoire ainsi que les gens qui vous
accompagnent. Merci beaucoup.
M. L'Italien: Merci beaucoup.
Le Président (M. Boucher): J'appellerais maintenant
l'Ordre des ingénieurs forestiers, représenté par M.
Laurent Marois.
M. Garon: Est-ce qu'on cause des problèmes à la
forêt parce qu'on a déposé notre loi? Je vous l'avais bien
dit!
Ordre des ingénieurs forestiers
Le Président (M. Boucher): A l'ordre, s'il vous
plaît! M. Marois, si vous voulez présenter les gens qui vous
accompagnent et procéder à la lecture de votre mémoire,
s'il vous plaît.
M. Marois (Laurent): Je vous remercie, M. le Président et
je vais présenter mes collègues au
niveau de la table; ce sont toutes de personnes-ressources. Ils sont
tous des ingénieurs forestiers. A mon extrême droite, M. Marius
Mignault, qui est professeur à la faculté de foresterie et de
géodésie; M. Eric Rey-Lescure, qui est du Centre de recherche des
Laurentides; a mes côtés, Mme Denise Rousseau-Lafond qui est du
Centre de recherche des Laurentides; à côté d'elle, M.
Robert Carpentier, qui travaille au Haut-Commissariat à la jeunesse, aux
loisirs, et aux sports; M. Pierre Lafond qui travaille au Fonds de recherche
forestière de l'Université Laval et moi-même, Laurent
Marois; je suis président de l'Ordre des ingénieurs forestiers du
Québec.
Ceci étant dit, M. le Président, nous allons vous livrer
notre message en ce qui concerne notre mémoire. L'Ordre des
ingénieurs forestiers du Québec, après étude du
projet de loi 90, Loi sur la Protection du territoire agricole,
présentée par M. Jean Garon, ministre de l'Agriculture,
reconnaît le bien-fondé de l'objectif principal visé, soit
la protection du territoire contre l'envahissement des campagnes par le
développement domiciliaire et industriel au détriment des bonnes
terres agricoles. Nous nous devons, cependant, de rappeler que
l'aménagement du territoire ne devrait s'envisager que dans une
perspective de développement intégré de l'ensemble de ses
ressources.
Nous comprenons que ce projet de loi veut répondre à un
impératif de préservation du territoire rural, plutôt
qu'à un objectif d'aménagement et de mise en valeur des diverses
ressources concernées. De fait, nous constatons que le gouvernement a
adopté une approche sectorielle, en se limitant dans son projet de loi,
à déterminer les moyens d'assurer la protection du territoire
agricole à des fins agricoles seulement. Nous tenons donc à
souligner la nécessité d'adopter une approche globale lorsqu'il
s'agit de promouvoir le développement de l'ensemble des ressources d'un
territoire. (12 heures)
A cet effet, nous nous permettons de souligner l'intérêt
qu'a manifesté l'Ordre des ingénieurs-forestiers du Québec
au cours des dernières années pour l'aménagement
intégré du territoire québécois. Cet
intérêt s'est manifesté tout particulièrement lors
de la présentation de deux mémoires dont l'un a été
préparé conjointement avec l'Ordre des agronomes du
Québec, et je cite les mémoires: "Le zonage intégré
du territoire québécois', présenté en mai 1975 et
"L'aménagement du territoire par le développement communautaire",
présenté en mai 1976.
Quelques commentaires. L'étude du projet de loi nous laisse
croire que les superficies forestières englobées dans la
région agricole désignée sont effectivement
protégées du morcellement et du développement anarchique
au même titre que le sont les superficies agricoles proprement dites et
cette constatation ne peut que nous réjouir.
En effet, nul ne contestera l'importance biophysique, économique
et sociale qu'a la forêt du Québec rural pour l'ensemble de la
collectivité québécoise. On y dénombre une
très grande diversité d'essences forestières dont
l'importance est d'autant plus grande qu'on les trouve surtout dans la
vallée du Saint-Laurent. Que l'on parle des chênes, des caryers,
des noyers, du cerisier tardif, du tilleul, des ormes, des frênes, du
hêtre, des érables ou des pins, on ne pourrait passer sous silence
la valeur inestimable de ce patrimoine forestier dont les usages multiples sont
sources de nombreuses activités économiques, sociales et
culturelles.
Une ressource aussi importante et renouvelable de surcroît se
prête admirablement à plusieurs types d'aménagements dont
les objectifs peuvent être aussi variés que la production de bois
d'oeuvre, de bois à pâte, de sucre d'érable,
d'énergie à partir de la biomasse, sans compter les
possibilités de mise en valeur aux fins de récréation ou
de protection de la faune. Qu'une telle diversité de biens et services
actuels et potentiels puissent soutenir par le biais d'un sain
aménagement une activité économique régionale
prospère, nul n'en disconviendra.
Que ce projet de loi mette un frein au gaspillage d'une partie de notre
patrimoine forestier, on ne peut en douter, mais qu'il crée des
conditions favorables à la mise en valeur du potentiel forestier
existant, cela est moins sûr.
Nous croyons que seul un aménagement forestier s'inscrivant dans
une politique dynamique d'aménagement du territoire rural pourra fournir
les biens et services en qualité et en quantité suffisantes aux
besoins des générations présentes et futures. Eu
égard à la présence en milieu rural de petites et moyennes
entreprises et d'une main-d'oeuvre disponible et qualifiée, un tel
aménagement ne pourra que revitaliser certains secteurs mous de
l'économie régionale et susciter la création de nouvelles
activités dans le secteur manufacturier.
L'augmentation du rendement et de la qualité des produits
forestiers tirés de la forêt privée entraînerait
plusieurs avantages pour les producteurs agricoles qui trouvent
déjà depuis longtemps dans la forêt un complément
à leurs revenus. Nous croyons que l'augmentation des revenus
tirés à même la forêt, par suite d'un meilleur
aménagement, permettra aux producteurs agricoles de tendre vers une
situation de revenu minimum garanti, ainsi que leur intérêt le
réclame.
Nous espérons donc que l'importance des activités
reliées à la forêt en milieu rural sera reconnue par tous
les intéressés et que les membres de cette commission
parlementaire accueilleront favorablement les quelques modifications que nous
proposons dans ce mémoire. Ces modifications ne visent pas à
modifier l'esprit du projet de loi actuel, mais plutôt à modifier
la contribution positive du secteur forestier en milieu rural.
Nous avons quelques modifications à proposer. Il y en a six et je
vais les énumérer.
Le territoire rural; de façon à bien refléter le
caractère de la région désignée, nous proposons que
l'expression "territoire agricole" soit remplacée par celle de
"territoire rural". Le titre du projet
de loi no 90 deviendrait ainsi Loi sur la protection du territoire
rural. De même les expressions régions agricoles
désignées, zones agricoles et territoire agricole deviennent
respectivement régions rurales désignées, zones rurales et
territoire rural.
Une deuxième modification concernant la sylviculture; de
façon à indiquer explicitement ce qui nous semble inclus dans
l'esprit du projet de loi, à savoir que la sylviculture est une
utilisation permise au même titre que l'agriculture proprement dite, nous
proposons d'ajouter l'expression "et la" ou "de sylviculture" à la suite
du mot agriculture, chaque fois que la mention de ce mot intervient dans la
formulation des articles suivants: 12, 26, 40, 45, 62, 97, 101, 102, 104 et
105. A titre d'exemple, nous pouvons prendre l'article 26 qui pourrait se lire
comme suit: cela fait partie des effets du décret "Dans
une région agricole désignée, une personne ne peut, sans
l'autorisation de la commission, utiliser un lot à une fin autre que
l'agriculture et la sylviculture."
De plus, nous proposons d'ajouter la définition suivante du terme
"sylviculture" à l'article 1 du projet de loi. Je fais une
définition du mot sylviculture: C'est l'ensemble des traitements
appliqués à la forêt pour augmenter son accroissement,
améliorer sa qualité, favoriser sa
régénération et tendre vers un équilibre en
conformité avec les principes de l'aménagement forestier, et
à ces fins, la confection, la construction ou l'utilisation de travaux,
ouvrages ou bâtiments à l'exception de résidences.
Une troisième modification, celle des érabliè-res.
Si nous convenons que la pratique de la sylviculture puisse être reconnue
selon les termes de notre proposition précédente comme
complémentaire à la pratique de l'agriculture proprement dite, il
devient possible de proposer la suppression de l'article 27. Quoique nous
soyons très favorables à la mise en valeur de la production
sucrière de l'érable, et encouragions les initiatives du
ministère de l'Agriculture du Québec en ce sens, nous comprenons
mal que cette mise en valeur se fasse au détriment d'autres utilisations
traditionnelles de l'érablière, telle la production de bois
d'oeuvre.
Nous tenons à faire remarquer de surcroît que la
définition du mot "érablière ", adoptée dans ce
projet de loi, prête à confusion. De fait, l'expression
"peuplement forestier propice à la sylviculture" peut s'appliquer
à une très grande diversité de conditions
forestières, tant au point de vue de la composition en essences que de
stades de développement du peuplement.
Ainsi certaines érablières, dont l'érablière
à noyers, se composent d'une grande diversité d'essences, entre
autres, le chêne blanc, le chêne à gros fruits, l'orme, le
noyer caryer, tilleul, frêne blanc, hêtre, etc., dont la valeur
commerciale et l'importance économique présentent un
intérêt de beaucoup supérieur à la seule production
sucrière.
Restreindre l'aménagement de ce type d'éra-blière
à la seule production sucrière obligerait le sylviculteur
à sacrifier, à un stage non commercial, une grande partie des
essences autres que l'érable.
Une quatrième modification, la superficie boisée; nous
sommes convaincus qu'il est indispensable d'identifier clairement dans ce
projet de loi que la sylviculture et l'agriculture sont concomitantes. C'est
ainsi que le contenu de l'article 63 ne devrait pas porter sur la modification
de la superficie, même d'un boisé privé, mais plutôt
sur la modification de l'utilisation de toute superficie boisée,
à des fins autres que l'agriculture ou la sylviculture.
Or, le nouvel article devrait se lire comme suit, et je cite: "Toute
décision de la commission relative à une demande de nature
à modifier l'utilisation d'une superficie boisée à des
fins autres que l'agriculture ou la sylviculture, requiert l'avis
préalable du ministre des Terres et Forêts".
Une cinquième modification des sentiers de randonnée. Sans
vouloir entrer dans le domaine de l'utilisation polyvalente du territoire rural
(récréation, faune, production d'eau potable, etc), nous croyons
qu'il est un domaine qui a cependant un impact social extraordinaire, tout en
ayant très peu d'impact sur le territoire rural en termes de superficies
utilisées. Il s'agit d'un secteur particulier de l'utilisation
récréative du territoire rural, soit la réalisation et
l'utilisation de sentiers de randonnée.
En effet, l'utilisation de ces sentiers assure la pratique de plusieurs
activités de plein-air qui connaissent une très forte demande
depuis quelques années. Le projet de loi actuel nous laisse croire que
la création des sentiers de randonnée, du fait qu'elle exige la
cession d'un droit de passage temporaire de la part de nombreux
propriétaires ruraux, obligera chacun d'eux à demander une
permission à la commission avant de céder un tel droit pour une
ou plusieurs années.
Etant donné les resctrictions qu'entraînent ces droits de
passage et les nombreuses difficultés, pratiquement inutiles,
qu'occasionnerait l'application du projet de loi actuel dans ce domaine, nous
proposons d'ajouter à la section concernant les "effets du
décret", l'article suivant: "Dans une région rurale
désignée, le propriétaire d'un lot peut céder un
droit de passage à des fins de construction, d'utilisation et
d'entretien d'un sentier de randonnée sans l'autorisation de la
commission".
Nous proposons aussi d'ajouter à l'article 1 du projet de loi la
définition suivante de l'expression "sentier de randonnée". Or,
la définition peut se lire comme suit: "Chemin étroit
spécialement aménagé pour la randonnée
pédestre, équestre, à skis ou en motoneige sur une bande
de terrain devant faire l'objet d'une cession d'un droit de passage".
Une sixième recommandation, une proposition, celle du sol en
friche. Celle-là nous paraît excessivement importante. Nous avons
été très surpris, et nous pensons ne pas être les
seuls, de trouver dans l'interprétation du terme agriculture le fait de
laisser un sol en friche. Il nous semble
que le législateur a voulu par là, du seul fait de la
propriété d'un fond de terre, ne pas obliger dans le temps la
pratique de l'agriculture. A notre avis, les dispositions
générales de ce projet de loi, tenant compte des modifications
que nous proposons, devraient permettre une utilisation rationnelle de ces
friches en fonction des potentiels de leurs sols et cela, aux meilleurs
intérêts de leurs propriétaires et de la
collectivité.
En termes de conclusion, nous espérons que ces quelques
propositions seront perçues comme un apport positif aux objectifs que le
gouvernement poursuit au moyen du projet de loi 90 et qu'elles permettront
d'affirmer l'importance socio-économique pour la collectivité
québécoise de l'activité forestière et d'un sain
aménagement forestier en milieu rural.
Qu'il nous soit permis de répéter ici que nous
considérons ce projet de loi et les propositions que nous apportons
comme un premier jalon vers l'élaboration d'une politique de zonage
intégré du territoire rural et, mieux encore, vers l'adoption
d'une loi favorisant l'utilisation intégrée des ressources
naturelles du Québec. Nous demandons dès à présent
d'agir comme participant actif lors de l'élaboration de ces deux
étapes ultérieures plutôt que de devoir débattre ces
questions une fois parvenus à l'étape finale de la
législation.
Dans ce même esprit, veuillez considérer que notre
collaboration vous est d'ores et déjà acquise quant à
l'élaboration des plans de zonage du territoire rural dans toute
nouvelle région à protéger.
Nous apprécions beaucoup l'opportunité d'avoir pu
émettre notre point de vue devant les membres de cette commission et
nous croyons sincèrement que les objectifs de notre intervention sont
partagés par la plupart des personnes qui s'intéressent de
près ou de loin à la foresterie au Québec. (12 h 15)
Le Président (M. Boucher): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Marois (Laurent): M. le Président, juste une minute
avant de vous laisser la parole. Nous avons parmi nous un groupe
d'étudiants de la faculté de foresterie et de géologie de
Laval. Ils nous ont présenté une pétition concernant leur
avis face au projet de loi sur la protection du territoire agricole et nous
aimerions bien vous faire part de leurs commentaires et vous remettre cette
pétition qui est signée par 340 étudiants.
Je vous lis cette pétition. Suite à notre réflexion
personnelle et ayant eu la possibilité de s'informer et de clarifier ce
qu'est la Loi sur la protection du territoire agricole et son implication dans
le domaine qui nous tient à coeur, la foresterie, sachant l'importance
de la forêt dans le territoire rural qui se trouve à être
protégé par ce projet de loi, sachant d'autre part que les avis
des personnes concernées par la foresterie n ont pas été
impliqués de façon formelle, à notre connaissance, dans
l'édification de ce projet et que, d'autre part, après
étude, nous nous sommes aperçus de l'importance que pouvait avoir
dans la vie quotidienne la pratique de la foresterie, nous appuyons, par la
présente, le seul mémoire qui, d après nous, peut donner
une opinion concernée par ce problème devant la commission
parlementaire de l'agriculture." C'est le mémoire que nous
présentons ce matin. "Cette action de dernière minute illustre
bien notre préoccupation ultime dans l'adoption de cette loi,
malgré que les gens qui ont travaillé sur ce projet ont tant
attendu pour nous adresser la parole et pour nous écouter. Cet oubli ne
nous empêchera pas de prendre ultérieurement tout moyen que nous
jugerons bon pour rendre à la pratique de la foresterie l'importance
socio-économique qu'on doit lui reconnaître. '
C'est la pétition qui est présentée par les
étudiants de la faculté de foresterie.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. Marois. M. le
ministre.
M. Garon: Je vous remercie infiniment du mémoire que vous
nous avez présenté. A un moment donné, je me demandais si
vous vouliez créer un ministère du territoire agricole et
forestier et, par la suite, j'ai bien vu que vous vouliez avoir l'avis
préalable du ministre des Terres et Forêts. Alors, je me suis dis:
Ils ne veulent pas changer cela.
Je vous remercie infiniment du mémoire et je dois vous dire que,
quand vous parlez des randonnées, on n'avait pas pensé à
cela et on n'a pas pensé que les chemins de randonnée qui
passaient dans des érablières dérangeraient... parce que
ce n'est pas dans le temps des sucres que les gens font le plus de
randonnées. La neige est un peu molle, ce n'est pas bon pour les
motoneiges, ce n'est pas le temps de marcher à pied. On n'a pas
pensé que cela dérangerait véritablement...
M. Giasson: Les droits de passage pour les sentiers, ce sont des
forêts privées.
M. Garon: Pour les droits de passage, il n'y a pas
d'inconvénients. Le but, c'est de ne pas détruire des
érablières qui ont pris 75 ans à se constituer. Une
érablière, c'est long à constituer, c'est un capital qui
est là. J'ai des exemples concrets, par exemple, de cultivateurs qui
pensaient couper leurs érablières et qui en avaient fait part
à l'Office du crédit agricole. On leur disait: Fais-la donc
produire à la place. On m'a donné un cas qui s est passé
en 1977, le gars a réalisé qu'en un an, il produisait autant de
sirop d'érable que s'il avait coupé son érablière
il n'aurait plus eu de capital et qu'il lavait vendue. Le capital
aurait disparu, il l'aurait vendue et cela aurait été fini tandis
que l'érable à sucre, c'est un capital qui rapporte à
chaque année; c'est un marché qui est en plein
développement.
Il n'est pas question, non plus, de... Les érables ne sont pas
tous des érables à sucre. Il s'agit essentiellement de
protéger les érables à sucre. Plusieurs types
d'érables, ceux qui ne sont
pas bons pour le sucre, ce n'est pas cela qu'on veut protéger, ce
sont les érables dans le but de la production du sirop d'érable
qui rapportent actuellement... si on se fie à l'an dernier, cela a
rapporté à peu près $25 millions aux producteurs en
l'espace d'un mois. Cette production pourrait être augmentée
considérablement, parce qu'actuellement vous pouvez demander à
l'Institut international des érables ou à la Coopérative
des producteurs d'érable de Plessisville, il y a une pénurie de
sirop d'érable; on restreint même la mise en marché et la
publicité parce qu'on n'est pas capable de répondre à la
demande. Alors, c'est un secteur où notre potentiel de production
pourrait être triplé et quadruplé sinon,
quintuplé... je dirais quadruplé, sans problème.
M. Roy: Doublé.
M. Garon: Non, plus que doublé.
M. Roy: Doublé... pas beaucoup.
M. Garon: On a seulement 13 millions d'érables
entaillés au Québec, sur une possibilité de 52
millions.
M. Roy: Ah non, il n'y a pas 50 millions d'érables.
M. Garon: Ce sont les chiffres que j'ai. Je ne les ai pas
comptés un par un, mais ce sont les chiffres que les gens du
ministère me donnent...
M. Roy: Oui, on ne vous demandera pas cela non plus, je ne vous
demanderais pas cela non plus.
M. Garon: Mais il y a un potentiel de 52 millions
d'érables à entailler au Québec. D'après les gens
du ministère, il y en a seulement 13 millions d'entaillés.
Actuellement, on est en train d'essayer de mettre sur tubulure une grande
partie de ces 13 millions là parce qu'on peut doubler la
productivité de ces érables avec des systèmes de tubulure
et c'est cela qu'on voulait protéger.
M. Marois (Laurent): II reste, M. le ministre, que votre
définition la septième d'érablière,
pour nous, elle est tellement vague que tous les cultivateurs qui auront des
érablières devront passer par la commission pour savoir si elles
doivent faire partie de la zone protégée, à l'effet que
leur seule utilisation possible c'est pour des fins de sucreries ou bien pour
des fins de certains travaux sylvicoles en fonction des sucreries. On sait que,
quand même, dans la grande zone du Saint-Laurent, la plaine du
Saint-Laurent, qui est une zone climatique que l'on appelle
érablière à bouleau jaune, il reste quand même qu'en
cette grande zone, il n'y a pas uniquement des érablières pour
des fins de sucrerie. A ce moment, j'ai nettement l'impression que tous les
cultivateurs qui essaieront de les utiliser à d'autres fins que la
sucrerie devront passer par la commission; j'ai nettement l'impression qu'ils
n'en sortiront pas. Peut-être que la définition... vous pourriez
peut-être lui mettre un petit peu plus de chair autour.
M. Garon: II y a la définition de
l'érablière, peuplement forestier propice à
l'acériculture.
M. Roy: Cela veut dire que de la plaine l'érable
rouge peut servir pour des fins de sève, aussi.
M. Garon: Oui, mais ce n'est pas ce qu'on entendait.
M. Marois (Laurent): Non, mais c'est pour cela; c'est parce que
la loi n'est pas tellement claire là-dessus. C'est certain que cela va
être la commission qui va toujours décider et nous, on se demande,
à ce moment, si on n'embarque pas dans un grand carcan, si on ne serait
pas mieux de définir d'une façon beaucoup plus claire ce qu'on
entend par une érablière qui devrait servir pour des fins de
sucreries ou des fins de...
M. Garon: Un peuplement forestier, d'abord, cela suppose une
certaine densité pour être propice à l'acériculture,
autrement ce n'est pas propice à l'acériculture. S'il y a un
érable à tous les 100 pieds ou à tous les 50 pieds, ce
n'est pas propice à lacériculture même si la
variété est propice à l'acériculture; ce ne sont
pas toutes les variétés. Alors...
M. Marois: Mais si vous êtes prêts à inclure
dans...
M. Garon: Cela suppose densité et variété
favorable.
M. Marois: Si vous êtes prêts à inclure dans
votre loi, comme on mentionnait l'aspect sylvicole, je pense que vous
réglez tous vos problèmes.
M. Garon: Oui, mais là, vous lui mettez à
contrôler en plus des terres, des forêts. Si on veut
empêcher, peut-être faire boiser nos bonnes terres... J'en ai
parlé au ministre des Terres et Forêts. Dans certaines
régions du Québec, on est en train de reboiser des terres qui ont
été cultivées et défrichées et des
excellentes terres pendant 200 ans parce qu'un professionnel, qui achète
la terre, trouve cela plus facile de planter des petits pins dedans, des petits
arbres dedans que de la cultiver. Alors, il y a 200 ans d'effort, quelquefois
300 ans d'effort qui sont annihilés d'un coup sec par un professionnel
qui vient reboiser une terre qui est excellente pour la culture. Je pense que
dans la plupart de nos municipalités, les gens sont scandalisés
de cela.
M. Marois (Laurent): Etes-vous capable de nous dire pourquoi, M.
le ministre, il y a tant de terres en friche dans cette grande zone? Quand
même, la définition d'une friche c'est un sol qui retourne
à la forêt parce qu'elle n'est pas cultivée.
Mais est-ce qu'à ce moment, on n'est pas mieux, dans certaines de
ces friches... chez vous, à votre ministère, vous avez quand
même une classification des sols... je pense que c'est assez bien
défini qu'à un moment donné, il serait peut-être
préférable d'utiliser la friche à d'autres choses que la
laisser aller vers la forêt qui serait productive dans 40 ou 50 ans.
Peut-être, qu'à ce moment, un cultivateur
préférerait faire la culture de l'arbre de Noël ou faire la
culture qu'on appelle du peuplier qui a des rotations quand même de 20
à 25 ans, plutôt que de la laisser en friche. Pour nous, je pense
qu'en termes de potentiel forestier, cela nous paraît important. Laisser
une friche juste pour le plaisir de laisser une friche, cela ne nous
paraît pas tellement opportun.
M. Garon: Qui laisse une friche, dans votre esprit?
M. Marois (Laurent): Ce sont des cultivateurs qui ne cultivent
plus leurs terres.
M. Garon: Ce n'est justement pas cela. Il faudrait
définir...
M. Marois (Laurent): Mais oui, mais la loi ne les protège
pas.
M. Garon: Dans les régions éloignées, je
dirais dans les régions périphériques où les
conditions biophysiques sont plus difficiles et où le potentiel agricole
est moins favorable, il peut arriver que les cultivateurs laissent des friches,
mais dans la plaine de Montréal, essentiellement, ce qui est
laissé en friche, appartient rarement, à peu près jamais,
à des cultivateurs. Cela appartient à des
spéculateurs.
M. Rey-Lescure (Eric): Le meilleur exemple qu'on pourrait vous
donner, M. le ministre, ce serait sur la route 20, quand vous allez de
Québec à Montréal...
M. Garon: C'est cela. Ce sont des terres qui n'appartiennent plus
à des cultivateurs.
M. Rey-Lescure (Eric): Allez jusqu'à la sortie de
Trois-Rivières, qu'est-ce que vous voyez de chaque côté de
la route? Ce sont des friches. Ce ne sont pas des spéculateurs qui
possèdent ces terres-là.
M. Garon: Ce peut être deux choses. Ce peut être des
spéculateurs ou le ministère des Transports. Quand le
ministère des Transports faisait faire des autoroutes, il expropriait
des terres au complet et ce qui arrivait, une fois que l'autoroute était
faite, c'est qu'il restait des parcelles. Il y en a apparemment une trentaine
de milles. Alors cela aussi, on peut remettre en vente aux cultivateurs ces
bouts de parcelles qui ne sont plus nécessaires pour les autoroutes.
Or, cela, c'est une cause. L'autre grande cause, c'est que des terres...
Il y a 1 million d'acres, dans la plaine de Montréal presque un
million; en 1975, il y avait 839 000 acres dans les basses terres du
Saint-Laurent, qui appartenaient, qui étaient sous spéculation
probable. Or, vous pouvez regarder, depuis 1975, a rythme où cela a
augmenté, c'est entre 900 000 et 1 million d'acres qui sont la
propriété de spéculateurs.
M. Roy: Sous spéculation probable... Je m'excuse, mais
j'ai une précision; sous spéculation probable, cela ne veut pas
dire qu'elles sont effectivement sous spéculation. On fait une
distinction.
M. Picotte: Une grosse distinction.
M. Garon: Mais quand vous arrivez dans des régions... M.
le député de Beauce-Sud, je ne sais pas si vous étiez
là, vendredi soir, quand Saint-Hubert, par exemple, qui a un excellent
sol agricole... Il y a là 19 500 terrains qui sont la
propriété de 6 500 propriétaires différents, de
partout dans le monde. Qu'est-ce qui s'est passé? Il s'est passé
exactement ce qui s'est passé pour les Québécois, ici,
quand on a voulu nous vendre des terrains en Floride. Les gens achetaient toute
une terre, ils la divisaient en lots et ils venaient nous vendre des terrains
en Floride pour passer nos vieux jours. Cela s'est passé au
Québec. Et ce qui s'est passé en Europe et ailleurs, c'est que
les spéculateurs achetaient une terre au complet, ils la divisaient en
lots et la vendaient à des Européens, en leur disant: "si un jour
vous voulez émigrer en Amérique du Nord, vous aurez votre
terrain."
Or, vous avez, aujourd'hui, seulement à Saint-Hubert, 19 500
terrains différents, qui sont la propriété de 6 500
personnes différentes réparties à la grandeur du
monde.
Cela se passe au Québec, et à la grandeur du
Québec, c'est comme cela.
M. Roy: Non! un instant!
M. Garon: II y a 500 000 acres...
M. Roy: Quand même...
M. Garon: II y a 500 000 acres, j'ai vu les chiffres. Les
chiffres sont là. Il y avait, en 1975, 500 000 acres. Plus de 500 000
acres qui étaient la propriété de
non-résidents.
M. Roy: Le ministre a veillé tard en fin de semaine.
M. Garon: Ce sont des chiffres, des données. Je comprends
que ce n'est pas la machine à piastres qu'on a fait repartir, mais ce
sont quand même des chiffres réels.
M. Roy: C'est la machine à chiffres que vous avez fait
repartir.
M. Garon: Les chiffres ont été inscrits, cela a
été fait dans tous les bureaux d'enregistrement.
Les terres agricoles, en 1975, avaient environ 501 000 acres qui
étaient la propriété de non-résidents au
Québec; des terres agricoles. Et cela a été fait; vous
pourriez demander à M. Drummond s'il est d'accord avec ces
chiffres-là.
M. Roy: 501 000 acres, il faut que le ministre... M. Garon:
Dont 12% étaient cultivés.
M. Roy: II faut que le ministre ajoute que dans les 501 000
acres, il y en avait dans le Plateau laurentien, il y en avait dans le Plateau
des Appala-ches, il y en avait à la grandeur du Québec. Il y en
avait dans des territoires qui ne seront jamais désignés comme
zones agricoles. Jamais désignés comme zones agricoles.
M. Garon: A la grandeur du Québec, j'ai dit. M.
Giasson: II y en avait en Abitibi, d'ailleurs. M. Roy: Oui, il y en
avait beaucoup en Abitibi.
M. Garon: Oui, mais sur 501 000 acres, il y en avait 125 000 dans
les basses terres du Saint-Laurent, dans nos meilleures terres agricoles. 125
000 acres.
M. Roy: Cela, on est d'accord que c'est un problème.
Seulement qu'on ne généralise pas!
Le Président (M. Boucher): S'il vous plaît, M. le
député de Beauce-Sud.
M. Garon: Bien, vous avez vu l'exemple que donnait le
député de Deux-Montagnes, hier. Il le démontrait
même après avoir déposé notre loi. Une entreprise de
non-résidents achetait un grand nombre de terres je ne me
rappelle pas du nombre, c'était pour $10 millions dans ce
coin-là. Alors, ne nous trompons pas, ce phénomène est un
phénomène généralisé, au Québec. Je
comprends qu'on peut essayer, pour les besoins de la cause, de diminuer le
problème, mais le problème est exceptionnellement grave.
Le Président (M. Boucher): M. Carpentier. (12 h 30)
M. Carpentier: M. le Président, M. le ministre, je vais
essayer de revenir aux boisés. Un des dilemmes, d'ailleurs, qu'on a eus
en préparant ce mémoire était justement celui que vous
venez de mentionner, et on le signale brièvement au début du
mémoire. Pour résoudre les problèmes de
spéculation, d'envahissement de campagne, de mauvaise utilisation des
terres agricoles... le gouvernement n'a pas préparé une loi qui
s'applique directement à ces problèmes; il a voulu, semble-t-il,
donner plus d'envergure à sa loi.
Effectivement, la loi qu'on a devant nous est une loi sectorielle
d'aménagement du territoire. C'est une des raisons principales pour
lesquelles on intervient aujourd'hui. Si vous allez dans ce sens, bravo! c'est
déjà un effort sectoriel; mais, pour que cet effort soit valable,
il devrait être fait comme s'il existait déjà une loi
globale d'aménagement du territoire, loi qui concernerait
l'aménagement intégré. Même si elle n'existe
malheureusement pas, il faut quand même que le ministre ou le
ministère qui fait l'effort d'aller dans ce sens le fasse en tenant
compte des autres lois qui devraient exister ou, tout au moins, en tenant
compte des autres ressources, des autres utilisations qui peuvent se pratiquer
sur une terre agricole et, plus particulièrement, sur les terres que
nous appelons rurales. Non seulement votre loi s'applique à des terres
vraiment agricoles, où le potentiel agricole est fort, mais elle
s'applique également aux autres terres.
Si on regarde la carte générale qui est
généreusement peinte en vert, cela comprend à peu
près tout. Vous avez les montagnes, la roche, les falaises, l'eau, les
lacs, pratiquement tout, sauf quelques petits ronds blancs autour des villes,
qu'on est supposé voir sur des cartes plus détaillées,
qu'on ne voit même pas là-dessus, d'ailleurs, tellement elles sont
petites.
Si vous voulez aller dans ce sens, bravo! Mais il ne faudrait pas donner
à tout ce territoire une fin exclusive à l'agriculture et dire:
Bien, tous les autres qui veulent faire quelque chose, demandez des
permissions, subissez toutes les contraintes, le propriétaire passera
par la municipalité et la municipalité par la commission,
etc.
Vous avez mentionné dans vos remarques les sentiers de
randonnée. C'est justement un exemple Nous reviendrons aux
érablières après. C'est peut-être un cas
particulier, mais c'est un système qui procède par droit de
passage du propriétaire; c'est un ensemble de réseaux qui
permettent la pratique d'activités récréatives à
caractère social qui sont déjà très intenses, du
moins dans certains domaines déjà réglementés comme
la motoneige; c'est un secteur d'à peu près 30 000 milles de
sentiers de motoneige qui fonctionnent chaque hiver à l'aide de 300
associations agréées par le ministère des Transports, qui
desservent une population de plus de 500 000 usagers, qui causent relativement
peu de dommages aux propriétés et qui ne constituent pas une
grande contrainte, non plus, pour l'agriculture. C'est quelque chose qui
existe, il y a là besoin social, qui est exprimé, qui est
déjà bien vivant.
En faisant une loi globale touchant tout le milieu rural, vous touchez
directement ces gens en les obligeant, lorsqu'ils obtiennent un droit de
propriétaire, un droit quelconque d'aliéner, dont les droits de
passage c'est inclus, au point de vue légal ils seront
obligés de passer par leur municipalité, c'est-à-dire que
le club va passer par le propriétaire qui va aller expliquer à la
municipalité pourquoi il veut bien donner un droit de passage à
tel club et la municipalité devra défendre ce point de vue
auprès de la commission pour le faire approuver. J'ai comme l'impression
que les sentiers de motoneige au Québec ne courront pas les champs
après ce temps-là. Ils vont être assez difficiles à
réaliser avec toutes ces contraintes, qui ne sont peut-être pas
voulues, fondamentalement,
par la loi, comme vous le disiez. Ce n'était peut-être pas
dans votre intention, mais je pense qu'en vous alignant sur une loi sectorielle
d'aménagement du territoire, il aurait fallu lui donner cette envergure
et elle ne l'a pas actuellement.
La proposition que nous faisons a pour but de corriger un peu cette
situation pour l'atténuer.
M. Garon: Avez-vous fait étudier cette question par un
avocat?
M. Carpentier: Ecoutez, le texte de loi, il faut le prendre tel
qu'il est, et c'est ce qu'il dit.
M. Garon: Non, mais...
M. Carpentier: Pour aliéner tout droit... un droit de
passage sur un terrain est une aliénation de terrain. C'est un droit que
vous accordez à une autre personne pour qu'elle l'utilise à une
fin donnée.
M. Garon: C'est une servitude.
M. Carpentier: Bien, une servitude, c'est un droit acquis. On
peut aller... Vous pourrez vérifier à votre contentieux mais,
enfin, lorsqu'on a préparé...
M. Garon: Vous pouvez nous faire confiance, on l'a
vérifié avec notre contentieux.
M. Carpentier: Lorsqu'a été préparé
le règlement no 7 sur la motoneige ou tout autre sur la Loi des
transports, cela a également été vérifié;
une cession de droit de passage est une aliénation de terrain,
même si elle est partielle. C'est d'ailleurs tout le problème de
la loi actuelle. D'ailleurs, M. le ministre...
M. Garon: Cela ne pose aucun problème.
M. Carpentier: Bien, il n'y a aucun problème! Si on
reprend le texte de la loi, il y a un problème. C'est un peu cela la
difficulté, le problème est le même pour
l'érablière. Si vous définissez une
érablière comme un peuplement forestier propice à
l'acériculture... On sait que le terme acériculture n'est
défini dans aucun texte de loi et même dans aucun dictionnaire.
L'acériculture, au sens littéral, veut dire culture de
l'érable, culture de l'érablière. Les peuplements
forestiers propices à la culture des érables, ce sont toutes les
érablières du Québec pourvu qu'il y au moins 50% du
peuplement qui soit en érables, que ce soit l'érable rouge,
l'érable à sucre ou autre. Vous reconnaîtrez que c'est
joliment trop vague pour pouvoir déterminer une utilisation à des
fins sucrières. Ce n'est sûrement pas un forestier qui a
composé cet article, cette définition.
Quand on offre notre contribution, ce n'est pas tellement pour descendre
la loi ou être contre, mais beaucoup plus pour y apporter des
précisions et mieux exprimer l'esprit dans laquelle elle a
été faite. Le juge qui va se servir de cette définition,
je m'excuse, mais il va regarder: peuplement forestier propice à
l'acériculture". Il n'ira pas demander au ministre Garon: Qu'est-ce que
tu voulais dire par cette définition? Cela peut se vérifier
à un contentieux, mais je pense que ce n'est même pas
nécessaire. Il va prendre cette définition à la lettre. Il
la prendra mot pour mot et il aura raison. Sans cela, il va prendre quoi?
L'état d esprit de celui qui aura composé le texte, le
contentieux de l'Agriculture, du ministre Garon ou d'un autre ministre dans
quelques années? Les ministres changent, même si le parti ne
change pas. Ce n'est pas toujours la personne qui avait les bonnes intentions
à ce moment-là qui va expliquer ce que voulait dire la loi.
D'ailleurs, en cour, ce n'est généralement pas le ministre qui va
expliquer quel était l'esprit de la loi au moment où elle a
été adoptée.
Le Président (M. Boucher): Merci. M. Migneault.
M. Migneault: Etant donné, justement, rapproche
sectorielle du projet de loi tel que conçu, je vois mal, pour ma part,
de quelle façon on va pouvoir concilier ce projet de loi avec les
efforts d'aménagement intensifs qui se font présentement en
forêt privée. Evidemment, si on se limite tout simplement au
secteur ou à la région qui est présentement
désignée, il reste quand même que le projet de loi
prévoit d'autres régions qui, effectivement, le seront
peut-être demain.
Vous n'êtes pas sans savoir que, principalement dans le Bas
Saint-Laurent, la Gaspésie, Québec Sud, le Nord-Ouest
québécois, le Lac-Saint-Jean, il y a quelque 5000
propriétaires de lots qui font un aménagement intensif de la
petite forêt privée.
Je comprends mal qu'on puisse aller à tout hasard en disant,
quand on définit l'agriculture: "la culture du sol y compris le fait de
le laisser en friche'. A mon sens, c'est un danger tel pour les régions
que je mentionnais tout à l'heure qu'on pourrait éventuellement
aboutir aux mêmes difficultés que la colonisation a connues
pendant les années trente et quarante.
Encore une fois, je ne vois pas de quelle façon le projet de loi,
tel que conçu, pourra être conciliable avec les efforts
d'aménagement forestier je le dis bien qui se font dans
les territoires privés, dans les zones ou les régions qui seront
probablement demain matin d'autres régions désignées
à des fins agricoles. Je prétends que, tout simplement, partout
où on a du potentiel agricole, c'est au moins aussi du potentiel
forestier. Quand on regarde à l'intérieur de la loi le risque de
laisser des terres en friche qui vont être envahies demain matin par de
la broussaille, des essences indésirables, alors qu'elles pourraient
être immédiatement soumises à un reboisement, je
n'appelerais pas cela un suicide collectif, mais tout au moins un
appauvrissement collectif pour le Québec.
Le Président (M. Boucher): M. le ministre, est-ce que vous
avez quelque chose à dire?
M. Migneault (Marius): On peut donner des définitions qui
sont là et parfois qui n'y sont pas comme boisés privés et
boisés de ferme. Les définitions qui sont données
là, je pense, laissent une porte ouverte à toutes sortes d'abus
ou toutes sortes d'interprétations. Etant donné, justement, que
ce n'est pas basé sur l'aménagement intégral ou
intégré des ressources dans le milieu rural c'est une des
raisons d'ailleurs pour lesquelles on vous suggère des modifications
je pense qu'il y a un réel danger qu'on devrait essayer de
corriger.
M. Garon: Je sais qu'il y a de grands débats entre les
gens de la forêt et les gens de l'agriculture. Si on vous laissait faire,
vous boiseriez tout le Québec. Il faut garder quand même...
Des Voix: Ah!
Le Président (M. Boucher): S'il vous plaît!
M. Garon: C'est un fait. On a des terres actuellement, de bonnes
terres. Il y a d'excellentes terres. Par exemple, un professionnel
achète. Il dit: Cultiver, c'est trop de troubles. Alors, il se fait
donner de petits arbres par le ministres des Terres et Forêts. Il fait
passer la machine et après cela il reboise tout. Il crée des
problèmes chez deux voisins agriculteurs. Il vient de reboiser une terre
de première qualité qui a été travaillé
pendant des centaines d'années pour qu'elle soit remise dans
l'état où elle est.
Je pense qu'il faut se servir de sa tête, des têtes, ce ne
sont pas des boules de Noël, cela ne sert pas seulement pour la
décoration, il faut s'en servir. En s'en servant, on ne reboisera pas
des terres de première qualité. Je comprends qu'il y a eu des
terres de colonisation, dans le temps de la crise, qui n'auraient jamais
dû être déboisées. Si on les retourne à la
forêt, c'est parfait, mais les terres de première qualité
dans la plaine de Montréal ou dans les basses terres du Saint-Laurent,
je pense que ce ne serait pas intelligent de les reboiser, il faut les remettre
à la culture, d'autant plus qu'on manque de bonnes terres pour
l'agriculture.
Dans le reste du territoire du Québec où il y a 335
millions d'acres, on veut garder au maximum 10 millions d'acres, il vous en
reste 325 millions pour faire de la forêt. J'ai l'impression qu'entre ce
qu'on demande par rapport à ce que vous avez, il n'y a pas de commune
mesure.
M. Carpentier: La question de se partager le territoire du
Québec entre forestiers et agronomes, je pense que c'est biaiser le
problème. Finalement, c'est vrai que les gens ont besoin de nourriture,
qu'il faut cultiver, il faut faire quelque chose; je pense qu'on n'est pas pour
revenir sur ces arguments. Que l'agriculture ait préséance sur la
forêt lorsque c'est un bon sol et qu'on a besoin des produits agricoles,
je pense qu'il n'y a pas un forestier qui va s'opposer à vous
là-dessus.
La seule chose, par contre, c'est quand un sol est vraiment propice
à la culture de la forêt et qu'il n'est pas très bon pour
l'agriculture, à ce moment-là, on dit: II devrait être
reboisé s'il ne l'est pas; s'il l'est, il devrait être soumis aux
traitements sylvico-les les plus appropriés de façon à
fournir la meilleure production possible en termes de boisé, de
matière ligneuse et que ce soit aussi sous forme de
récréation, sous forme d'érablière ou autre.
La question fondamentale qu'on traite, finalement, c'est que vos 190 000
acres qui sont en vert sur la carte, on devrait y apporter un peu plus
d'attention et savoir exactement où sont les bons sols agricoles qui
méritent vraiment d'être protégés. Vous le
souligniez vous-même tout à l'heure au point de vue d'urbanisme,
lorsqu'il y a un développement résidentiel à faire
et là encore, je pense que ni vous ni nous n'allons contester qu'il faut
des maisons à Québec pour loger les Québécois
il faut les construire aux endroits où il y a le moins
d'incompatibilité possible avec l'agriculture et même avec la
forêt, si on y ajoute celle-là.
Cette localisation des bonnes terres agricoles ne nous paraît pas
tellement bien faite au point de vue du zonage et l'application de la loi est
tellement générale qu'elle s'applique finalement à tout le
territoire rural. C'est d'ailleurs pourquoi on fait la proposition d'un
territoire rural ou d'une zone rurale qui est beaucoup plus approprié au
type de loi, au texte qui a été rédigé, en tout
cas.
Il faut quand même tenir pour acquis ce qui a été
produit, on traite de cette loi. Si vous aviez une loi différente qui
s'appliquerait plutôt au problème de la spéculation, au
problème des bonnes terres qui sont malheureusement reboisées et
qui ne devraient pas l'être, au problème des bonnes terres qui
sont urbanisées et foutues en zone de développement industriel ou
domiciliaire alors qu'elles ne devraient pas l'être, on pourrait avoir
une loi qui serait plus appropriée aux problèmes concrets qu'on
traite, mais ce n'est pas celle-là qu'on a devant nous.
Etant donné que c'est une loi sectorielle, on dit que vous
englobez là-dedans tout le secteur forestier, alors il faudrait le
considérer à sa juste valeur, au même titre qu'il faut
considérer à leur juste valeur les bons sols agricoles. C'est
notre argumentation de fond, en tout cas.
M. Garon: Je peux vous donner tout de suite un renseignement sur
les sentiers de randonnée. Si vous aviez fait lire cela par un avocat,
vos inquiétudes auraient tout de suite disparu. L'article 29 qui dit:
"Une personne ne peut, sans l'autorisation de la commission, procéder
à l'aliénation d'un droit réel et immobilier sur un lot".
Au troisième aliéna, on dit: "Ne sont pas
considérés comme des droits réels immobiliers
différents types de droits". Alors...
Une Voix: Ce n'est pas cet article-là...
M. Marois (Laurent): Je m'excuse, M. le ministre, on ne comprend
absolument rien.
M. Cordeau: Nous autres non plus, d'ailleurs. Une Voix:
Cela ne date pas d'aujourd'hui. M. Garon: Non... Une Voix:
Personne ne comprend.
M. Garon: On va le faire vérifier de toute façon et
on va l'inclure si ce n'est pas inclus.
M. Roy: C'est dans l'esprit du ministre.
M. Garon: Dans notre esprit, ce n'était pas pour
empêcher les sentiers de randonnée. (12 h 45)
M. Picotte: Le pire, c'est un avocat qui nous répond.
M. Giasson: Et professeur de droit en plus! M. Carpentier:
Je m'en tiens au texte de loi.
M. Garon: Non, mais on n'a pas regardé dans le sens de
sentiers de randonnée; on ne visait pas cela et...
M. Carpentier: De toute façon, dans vos 190 000 acres,
vous incluez au moins 50% de l'ensemble je parle des motoneiges
seulement des 30 000 milles de sentiers qui existent et qui sont
basés sur des droits de passage accordés à titre gratuit
à des corporations dûment incorporées. A ce
moment-là, si vous traitez d'une loi concernant l'ensemble du territoire
agricole comme c'est fait dans la loi 90, je pense bien que ce sont des aspects
qui ne sont pas à négliger. Bravo pour l'envergure que vous
donnez, mais en prenant de l'envergure, il ne faudrait pas oublier l'ensemble
des responsabilités que cela implique.
M. Garon: Non, mais il y a des articles généraux
sur des droits acquis.
M. Carpentier: Un droit de passage est quelque chose de
temporaire, qui dure un an, deux ans, trois ans et au maximum, cinq ans. Ceux
qui ne sont pas renouvelables cette année le seront l'an prochain,
c'est-à-dire qu'il y a environ 10 000 droits de passage renouvelables
à chaque année.
M. Garon: Est-ce que ce sont des droits enregistrés ou
non?
M. Carpentier: Généralement, ce sont des choses qui
ne sont pas enregistrées mais il est suggéré de les
enregistrer. Ils le font. Normalement, le propriétaire est censé
l'enregistrer. Je ne vous dis pas qu'ils le font tous mais normalement les
droits devraient être enregistrés et plusieurs le sont
sûrement.
M. Chevrette: Les problèmes sont seulement là
où les droits sont enregistrés par rapport à la loi. Tu
pourrais passer chez nous, si je te donne mon accord, il n'y a aucun
problème.
M. Carpentier: Oui, mais si vous signez le droit de passage,
c'est quand même une acceptation d'aliéner une portion de
territoire pour une fin autre que l'agriculture; qu'on le veuille ou non. Le
texte de loi ne touche pas à cet aspect; il ne fait pas de
particularités. C'est d'ailleurs pourquoi on suggère une
particularité qui élimine tout le problème. Si dans votre
esprit, ce n'était pas un problème, si dans votre esprit, cela
devrait être une chose qui se fait et qui ne nuit pas, à ce
moment-là, on vous recommande d'accepter notre suggestion et de
l'inclure dans la loi. On dit la même chose.
M. Garon: On va faire regarder cela par les avocats qui ont
travaillé à la rédaction. Mais on ne visait pas cela du
tout, parce que cela ne dérange rien que les gens se promènent en
motoneige
Ihiver, et pour ce qui est des randonnées dans le bois, on ne
cultive pas dans le bois; alors on ne visait pas cela.
M. Carpentier: A ce moment-là, la principale
recommandation qu'on vous fait est justement de revoir un peu le texte de
façon à tenir compte de cet aspect et à ce qu'il n'y ait
plus contradiction.
M. Garon: Ce n'est pas nécessairement une
contradiction.
M. Rey-Lescure: M. le ministre, compte tenu du débat de
fond qui se passe aujourd'hui... Vous disiez tantôt que vous étiez
contre le reboisement inconsidéré des terres, on peut être
aussi de votre avis dans certains cas, mais à priori, cela semblerait
contre le reboisement, par exemple, des terres en friche. Si vous avez inclus
le mot friche dans la définition de l'agriculture, friche, c'est
justement de ne rien faire; ce n'est ni propice à l'agriculture, ni
propice à la foresterie bien pratiquée. Vous remarquerez que la
plantation n'est pas une utilisation sans retour vers l'agriculture, pas plus
que la friche. Une friche, au bout de dix ans, vous êtes obligés
de couper et de revenir à la colonisation antérieure, vers un sol
agricole.
Donc, vous semblez vous opposer au reboisement qui va finalement
apporter des jobs et des dollars à l'économie régionale et
vous acceptez la friche qui est de ne rien faire. Si le cultivateur ce
n'est pas un fou doit faire de l'agriculture sur ses terres,
actuellement... Les spéculateurs qui possèdent des friches n'ont
pas le choix maintenant, ils sont obligés de revendre selon la valeur
agricole ou, éventuellement, forestière. Ce sera donc des
agriculteurs qui vont reprendre ces terres et s'il y a là de
l'agriculture rentable à faire, ils vont en faire quand même; s'il
y a de l'agriculture non rentable à faire sur des sols marginaux...
II ne s'agit pas toujours de donner l'exemple de la région de
Montréal, mais dans cet ensemble de zones vertes, il y a un bon paquet
de sols qui sont très marginaux pour l'agriculture et qui sont
très bons pour la foresterie, donc, pour l'économie du
Québec. A ce moment-là, il me semble qu'il ne faudrait pas mettre
en opposition... Il ne faudrait pas accepter le mot friche dans l'utilisation
agricole et il faudrait permettre le reboisement.
Un dernier point à propos d'érablières. Vous avez
voulu conserver et protéger les érablières en production,
d'accord; ce sont des érablières pures. Sachez que cette
érablière est une fiction humaine parce que, naturellement, cette
érablière est composée d'une multitude d'essences
compagnes. Nécessairement, celui qui cultive pour le sirop
d'érable a besoin de bois de feu pour sa cabane, alors, il va aller
à l'éradication des autres essences comme le hêtre, l'orme,
etc.
Dans votre définition de la loi vous dites "tout peuplement
propice à " vous aviez dans la tête des érablières
pures, mais c'était une fiction. Nous, on se dit en tant que
biologistes, en tant que forestiers, cela couvre un maudit paquet de
terrains-érablières, avec un maudit paquet d'essences
extrêmement intéressantes pour les industries de meubles etc., des
industries très spécialisées. C'est un capital forestier
extraordinaire et on se dit que le cultivateur va être obligé de
passer par la commission. Il aura un peuplement de 20 ans devant lui, avec
toutes sortes d'essences. Il va se dire: Je fais faire de la sylviculture pour
faire du sciage parce que la sylviculture de sciage et la sylviculture de sirop
d'érable sont deux types de sylviculture bien différents. On dira
à cette commission, par exemple, s'il n'y a pas d'opinion
forestière d'émise: Non, vous n'avez pas le droit de rien faire,
sauf le sirop d'érable. Un peuplement forestier se prend
idéalement au plus jeune pour l'amener vers une direction donnée,
un objectif donné, que ce soit le sirop d'érable oui, ou que ce
soit la production de sciage, c'est un autre type d'utilisation.
M. Carpentier: Si je peux ajouter quelque chose comme exemple qui
peut pousser un peu à l'absurde. Vous avez une terre en friche qui est
peuplée au moins à 50% d'érables à épis, la
question que l'on va se poser: II ne faut pas y toucher ou faire des
aménagements, cela va nous conduire vers une érablière
à sucre. Ce n'est probablement pas ce que vous vouliez, mais le texte
peut aller jusque là. C'est le problème.
M. Garon: Mais non, mais non!
M. Giasson: C'est parce qu'il y a deux lois: celle dans l'esprit
du ministre et celle qui est écrite.
M. Carpentier: Oui, mais en terme de législation, je pense
que c'est très malsain.
M. Roy: ...II y en a plus dans l'esprit du ministre qu'il n'y en
a dans l'esprit de la loi écrite.
Le Président (M. Boucher): S'il vous plaît, M. le
député de Beauce-Sud.
M. Garon: Voulez-vous qu'on laisse tomber les
érablières?
M. Chevrette: II faudrait demander s'il y en a qui ont au moins
des principes.
Le Président (M. Boucher): A l'ordre! M. le
député de Montmagny-L'Islet.
M. Giasson: Merci, M. le Président, je voudrais d'abord
remercier les représentants de l'Association des ingénieurs pour
l'excellent mémoire qu'ils nous présentent. J'apprécie
également vivement les commentaires que les étudiants en
foresterie ont voulu déposer devant notre commission. Vous
déplorez comme beaucoup d'autres que la loi qui fait l'objet de nos
débats soit une loi strictement sectorielle et oublie une dimension
globale et complète de l'aménagement du territoire. Vous faites
des recommandations. Entre autres, vous proposez au ministre d'apporter des
éléments nouveaux à l'intérieur de cette loi,
surtout lorsque vous suggérez d'aménager non seulement le
territoire agricole, mais tout le terrritoire rural.
Vous êtes conscients de l'envergure que prend votre proposition?
Nous qui déplorons une trop grande centralisation des pouvoirs à
cause de la multitude de cas et de permissions, tout va être sous
permission pour bouger à l'intérieur du territoire zoné
agricole. Vous faites très peu de choses, sauf quelques exclusions
prévues dans la loi, tout le reste c'est de la permission à
demander constamment avant d'exécuter n'importe quel acte. Si vous
voulez voir changer la loi au point d'intégrer tout le territoire rural,
êtes-vous conscients du nombre de permissions additionnelles que va
exiger l'application de cette loi?
M. Marois (Laurent): Ecoutez, M. Giasson, si, aux modifications
proposées, on ajoute le terme "sylviculture" au même titre que
l'agriculture, il n'y a plus de permission à demander. Uniquement, si
l'on fait...
M. Giasson: A condition de modifier la loi au-delà de
cela. Vous ne pouvez même pas faire un aménagement dans une
érablière ce qui est prévu à l'article 27 de
la loi, je crois sans avoir l'autorisation de la commission. Imaginez
tout le territoire boisé du Québec dans le territoire
rural vous incluez à peu près tout ce qui est boisé au
Québec et même si vous avez vu le mémoire de l'UPA,
il recommandait d'inclure dans la loi du zonage ou de la protection des sols
tout terrain boisé, qu'il soit privé ou public, à
l'intérieur des municipalités organisées au Québec.
Vous voyez la carte qui est comprise dans tout cela? Cela veut dire que tous
les propriétaires de terrains boisés, y compris le
ministère des Terres et Forêts, qui mène des
opérations lui-même ou par sa société REXFOR,
devront toujours aller chercher les permissions avant de procéder
à des pratiques sylvicoles ou d'aménagement forestier.
Une Voix: De toute façon...
M. Giasson: Cela veut dire qu'il y aurait d'autres changements,
au-delà de cela, à apporter aux dispositions de la loi.
M. Carpentier: C'est sûr qu'actuellement, il y a d'autres
changements.
M. Giasson: C'est énorme quand vous pensez à tout
cela. Vous êtes propriétaire d'un boisé; avant de commencer
à faire de l'aménagement ou à faire des coupes, vous
devrez obtenir des permissions à savoir que dans tel type de coupe ou
telle élimination d'essences que vous voulez faire dans votre
boisé, vous pourrez le faire à la condition d'avoir la permission
de la commission.
M. Carpentier: C'est ce que dit la loi actuellement.
M. Giasson: C'est incroyable à mon point de vue. Je
possède un petit peu de terrain boisé et je me vois pris à
l'intérieur de cela...
M. Marois (Laurent): ... si vous prenez la loi telle qu'elle
est...
Une Voix: ...
M. Marois (Laurent): ... c'est cela qu'elle nous dit et on est
contre cela. Si vous prenez juste au début les notes explicatives, le
deuxième paragraphe dit: "Le projet de loi prévoit
l'établissement d'une région agricole désignée
à l'intérieur de laquelle nul ne pourra, sans l'autorisation de
la commission de protection du territoire agricole du Québec, poser
à l'égard un lot certains actes, tels le lotissement,
l'utilisation du lot à des fins autres que l'agriculture". Tout le
territoire que vous voyez en vert comprend le territoire forestier et le
territoire agricole.
M. Carpentier: Oui, et ce sont tous les lots privés.
M. Giasson: C'est cela, mais changez le même paragraphe. Au
lieu de mettre: "La protection du territoire agricole", mettez "territoire
rural". Ne changez rien au reste. Ce sont des millions de permissions qu'il va
falloir donner au Québec.
M. Carpentier: C'est cela qu'on veut vous faire comprendre. La
loi que vous avez devant vous, pour régler les problèmes
sectoriels, les problèmes d'urbanisation qui se posent en bordure des
villes surtout, et quelquefois à la campagne... pour régler les
problèmes occasionnels de mauvais reboisement; on a fait effectivement
une loi d'aménagement de tout le territoire rural incluant tous les
boisés privés. Tous, ils sont tous dedans. Prenons n'importe
quelle carte. Prenons la carte générale. Prenons les cartes
sectorielles. Je suis convaincu que tous les boisés privés sont
inclus dans la zone verte, dans la zone désignée. Ce n'est pas
nous qui avons fait cela.
M. Giasson: Mais pourquoi dites-vous cela? Je regarde le
comté de Montmagny-L'Islet. Vous avez une petite bordure le long du
Saint-Laurent qui est dans la zone verte. Or, l'immense majorité des
boisés privés sont à l'extérieur plus au sud
sur la partie du territoire qui est 500 pieds au-dessus du niveau de la
mer.
M. Carpentier: Oui, c'est parce que votre comté n'est pas
encore désigné, mais cela s'en vient. Prenez les comtés
qui le sont.
M. Giasson: Je suis touché. J'ai quatre
municipalités.
M. Carpentier: C'est parce que vous êtes à la marge.
Eventuellement, ces régions désignées vont
s'étendre à toutes les régions qui sont agricoles ou qui
méritent de l'être. C'est évident. Si on prend les
comtés qui ont déjà été
considérés actuellement dans la région
désignée, on n'a pas fait abstraction des zones boisées
qui méritent de le demeurer, qui sont incluses dedans.
On dit deux choses. Ou bien cette loi doit être
améliorée pour considérer d'autres fonctions que
l'agriculture, ou bien il faut revenir à une loi qui va s'attacher aux
problèmes concrets à régler, qui sont des problèmes
périurbains. On le dit dans le dernier numéro spécial de
la Revue municipale. On dit que cette loi devait résoudre des
problèmes mi-urbains, mi-ruraux. Quand on est rendu dans le milieu
forestier, le milieu naturel, on commence à être pas mal sorti du
milieu mi-urbain.
Notre préoccupation principale n'est pas la terre de friche qui
est autour de Montréal. C'est l'ensemble des boisés privés
qui font les fonds des rangs, qui font les fonds des terres et qui sont encore
des terrains privés. C'est sûr que notre préoccupation,
c'est la foresterie. Les terres de friche autour de Montréal, en
foresterie, cela ne change pas grand-chose au problème. Ce ne sont pas
ceux-là qui sont le problème. C'est bien mineur.
M. Migneault: Tout ce qu'on demande a mon sens, c'est de
consigner dans la loi un fait qui existe, à savoir que le
propriétaire de lots fait à la fois de l'agriculture et de la
sylviculture, ou il est possible qu'il en fasse. Cela peut être
l'intention du ministre ou de la loi de le pratiquer, mais nous serions plus
"sécures" si vous me permettez l'expression si on le
voyait dans la loi en toutes lettres. Il y a quand même une petite
nuance.
M. Carpentier: II faudrait préciser le terme "agriculture
" et le terme "sols" quand on parle de culture de sols. Quels sols? Est-ce que
ce sont vraiment ceux qui ont un haut potentiel forestier qui peuvent
être déterminés en fonction de la qualité des sols
ou bien est-ce n'importe quel sol? On ne le sait pas.
M. Giasson: Vous le savez un peu. La définition de sols
arables, à l'article 1, au 16e paragraphe...
M. Rey-Lescure: C'est justement. Citez-la. M. Carpentier:
Citez-la.
M. Giasson: "Tout ce qui pousse, des végétaux".
M. Carpentier: On ne résout rien.
M. Giasson: C'est un sol où poussent des
végétaux, quel que soit le type de végétaux qu'on y
retrouve.
M. Rey-Lescure: C'est cela, on dit maudit, on s'est fait passer
un sapin.
M. Carpentier: Oui, on s'est fait passer un sapin.
M. Marois (Laurent): D'ailleurs, du roc avec de la mousse, c'est
un sol arable d'après la définition.
M. Carpentier: Oui, même le lichen dans la toundra, ce sont
encore des végétaux. Il est propice à la culture des
végétaux.
M. Marois (Laurent): Je pense qu'on devrait préciser
davantage la définition de sols arables.
M. Carpentier: Les quelques épinettes noires ou pins
rouges accrochés dans une paroi rocheuse, c'est encore propice à
la végétation. Il n'y a pas beaucoup de sols sur terre qui ne
soient pas propices à la végétation. Même le
désert du Sahara, quand vous prenez la peine de le reboiser, les arbres
y poussent.
Le Président (M. Boucher): Etant donné que nous
sommes à l'heure de la suspension, la commission doit suspendre ses
travaux jusqu'à 15 heures.
M. Giasson: Vous pouvez revenir.
Le Président (M. Boucher): Vous pourrez revenir à
15 heures.
M. Marois (Laurent): Si vous désirez qu'on soit encore
présents pour continuer la discussion, nous sommes à votre
disposition.
Le Président (M. Boucher): II reste encore des questions
de la part de certains membres de la commission. Merci.
Suspension de la séance à 13 heures
Reprise de la séance à 15 h 12
Le Président (M. Boucher): A l'ordre, s'il vous
plaît! Je demanderais à MM. les ingénieurs forestiers de
bien vouloir prendre place.
A la suspension de 13 heures, nous en étions aux questions des
partis d'Opposition. M. le député de Montmagny-L'Islet, vous
aviez la parole.
M. Giasson: Merci, M. le Président. Au cours de votre
déposition, vous avez émis des doutes sur les droits qu'aurait un
propriétaire d'érablière de procéder à des
exploitations de coupe d'abord sur l'érable comme tel et,
également, sur sa capacité de faire des coupes touchant d'autres
essences que l'érable, à l'intérieur des
érablières. Je vous pose la question parce que dans certaines
régions du Québec, on sait que les érablières ne
sont pas constituées uniquement de peuplement d'érables.
Très souvent, on y retrouve du moins dans ma région
ce qu'on appelle le bois blanc, le tilleul, qui pousse dans nos
érablières et il y a également d'autres essences.
Est-ce que votre interprétation des dispositions de l'article 27
vous porte à croire qu'un propriétaire d'érablière
ne pourrait entreprendre de l'aménagement ou des opérations
sylvicoles sans obtenir l'autorisation de la commission de contrôle?
M. Marois (Laurent): Oui, je le pense, d'après l'article
27 qui est assez clair. Maintenant, pour avoir plus de détails, je peux
demander à mon compagnon de droite de préciser un peu pourquoi on
a certains doutes sur l'article 27.
M. Rey-Lescure: Dans le fond, c'est à cause de la
définition de l'érablière qui y a été mise,
à savoir: forestier propice à l'acériculture. A notre
avis, cela touche les érablières en production mais cela touche
beaucoup plus que cela. Donc, on s'est dit qu'on veut protéger les
érablières pour le sirop d'érable; nous disons: On est
d'accord avec les mesures incitatives données par le ministère de
l'Agriculture mais avec cette définition large, un individu qui a un
peuplement forestier dans lequel il y a des érables mais qui veut
destiner cela à autre chose que le sirop d'érable, en particulier
pour le sciage on connaît le prix que vaut les 1000 pmp de bois de
chêne, de frêne, etc., les bois d'oeuvre très
intéressants d'après notre interprétation, il est
obligé de faire une demande à la commission, parce qu'il ferait
autre chose que de la sylviculture propice, de la sylviculture de
sélection ou d'éclaircie propice à l'acériculture.
Ce qu'on veut dire par là, c'est qu'il y a différents types de
sylviculture dans une érablière donnée; cela dépend
de l'objectif qu'on veut donner à cette érablière ou
à tout peuplement forestier.
Si on donne un objectif d'acériculture, on va organiser les
coupes de telle sorte qu'on va favoriser l'érable à sucre, on va
favoriser l'espacement des arbres de telle sorte que la meilleure production
puisse se faire; c'est une question de grosseur de cîme, etc. Si on veut
vouer le peuplement à de la production de sciage de bois de très
haute qualité à ce moment-là, on n'ira pas éliminer
ces essences, au contraire, on ira les sauvegarder et les éclaircir en
conséquence. (15 h 15)
Alors, on dit que la définition est tellement large et tellement
vague qu'un jeune peuplement... C'est bien certain que le gars n'ira pas
demander dans tous les cas avis à la commission, mais s'il
était légaliste dans son interprétation, il dirait:
"Bien oui, effectivement, je destine mon peuplement à autre chose
qu'à du sirop d'érable; donc, je demande à la commission
son jugement là-dessus.
M. Giasson: Vous avez également émis des
réserves sur la possibilité d'aliénation d'un droit de
propriété en ce qui a trait à la signature de droits de
passage sur des propriétés privées, lorsqu'il s'agit
d'aménager les sentiers, que ce soit pour la motoneige, le ski de fond,
la raquette et les autres besoins en loisir. Le fait que ces droits de passage,
dans la plupart des cas, ne soient pas enregistrés, est-ce que vous
percevez cela quand même comme une aliénation de la
propriété?
M. Carpentier: Effectivement, le propriétaire cède
quand même un droit et il y a déjà des clubs qui le font
enregistrer; cela dépend des gens. Normalement, quand ils veulent
vraiment se protéger, ils les font enregistrer. Ce n'est pas grave,
c'est simplement un dépôt au bureau d'enregistrement; ce n'est pas
plus que cela. Ce sont les propriétaires et les représentants
dûment autorisés de l'association qui signent le document,
normalement, en présence d'un ou deux témoins. En fait, c'est
vraiment...
M. Giasson: Oui, mais vous reconnaissez que la plupart de ces
droits de passage sont signés sous seing privé, sans
nécessairement comporter la signature de deux témoins et,
même déposés au bureau d'enregistrement, dans ce cas, ils
n'ont pas une valeur tellement grande.
M. Carpentier: Pour que ce soit légal, il faut que le
propriétaire, le représentant de l'association et deux
témoins signent; c'est cela le vrai droit de passage. S'il n'y a pas
cela, il est incomplet et les gens devront prouver, en cas d'accident, pourquoi
il ne l'était pas, avec tous les problèmes juridiques qui en
découlent.
Normalement, il est signé par le propriétaire, au moins un
représentant de l'association et deux témoins, et il est
conseillé aux gens de les faire enregistrer. Combien yen a-t-il
d'enregistrés, cela, c'est une autre affaire. Mais, dans un texte de
loi, de toute façon, il faut s'en tenir à ce qui devrait
être fait légalement, même si cela ne l'est pas. Il ne faut
quand même pas encourager des choses qui ne devraient pas être
faites. Il ne faut pas considérer une mauvaise situation comme une
situation idéale ou comme celle qui devrait exister.
Vous pouvez acheter une terre de la même façon et le
propriétaire va vous signer un billet, en disant: "Oui, je m'engage
à la vendre telle date à tel prix", et vous n'aurez encore rien
fait enregistrer. Vous irez devant la cour et il sera obligé de vous la
vendre; il a déjà cédé son droit. Sa signature vaut
la signature d'un contrat. Elle peut être contestée, etc., mais il
a quand même endossé un billet selon lequel il vend sa terre
à tel montant. Cela peut être bon pour une
érablière, une terre agricole, une ferme ou un sentier. Enfin, je
laisse les avocats régler le fond de la question, mais cela vaudrait la
peine de l'examiner parce que c'est comme cela que cela se passe dans le
milieu, c'est comme cela que c'est accepté actuellement.
M. Giasson: Dans l'hypothèse où le ministre de
l'Agriculture ne donnerait pas suite aux recommandations que vous formulez,
c'est-à-dire reconnaître d'abord le territoire rural au lieu de
reconnaître uniquement le territoire agricole et, deuxièmement,
apporter la dimension de sylviculture, avez-vous au moins espoir que la loi qui
va être déposée prochainement par le ministre d'Etat
responsable à l'aménagement va contenir au moins des dispositions
qui vont faire en sorte que la protection du territoire, en ce qui a trait
à la foresterie, soit reconnue non seulement en principe, mais dans les
faits par le contenu ou les dimensions possibles à l'intérieur de
la nouvelle loi d'aménagement et d'urbanisme?
M. Marois (Laurent): Actuellement, d'après la loi, on n'a
aucun espoir; il n'y a rien qui nous dit qu'on peut avoir espoir qu'on en
tienne compte.
M. Chevrette: M. le Président, je m'excuse, mais M. le
député de Montmagny-L'Islet fait référence à
une loi que les témoins ne connaissent pas. Bien sûr, elle n'est
pas déposée devant l'Assemblée nationale. C'est une
loi-cadre sur l'aménagement. Même si vous leur demandez leur avis
sur une éventuelle loi, ils ne pourront rien vous dire...
M. Giasson: J'ai demandé au témoin, étant
donné l'absence de reconnaissance du territoire rural et de
l'opération sylvicole à l'intérieur de la loi 90, je lui
ai demandé s'il avait au moins espoir que la loi à venir
je ne lui ai pas demandé son avis sur le contenu d'une loi qui n'est pas
déposée s'il espérait, tout au moins, celle-ci
étant absolument muette sur la philosophie ou les objectifs visés
par nos visiteurs, si, au moins, il y avait un certain espoir chez eux de
retrouver une dimension dans la prochaine loi pour laisser place à ces
politiques sylvicoles et d'aménagement forestier. C'est cela qu'a
été ma question, M. le député de
Joliette-Montcalm
M. Carpentier: On a répondu, dans ce sens, qu'on n'avait
aucun espoir; on ne la connaît pas. Je pense qu'après avoir
écrit tout ce qu'on a écrit sur l'aménagement
intégré du territoire, après avoir dit tout ce qu'on a dit
ce matin, on ne peut pas faire autrement que d'espérer qu'ils vont en
tenir compte. Mais si elle est à l'image de celle du zonage agricole, il
faut en douter, et surtout si la loi du zonage agricole qui, pour nous, est une
loi sectorielle de l'aménagement du territoire rural est adoptée
telle quelle, il y a d'autres ministres qui vont avoir de la difficulté
à s'en sortir.
M. Giasson: M. le Président...
M. Carpentier: Enfin, c'est une opinion.
M. Giasson: Je vais laisser à mes autres collègues
la capacité d'intervenir.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. le
député de Montmagny-L'Islet. M. le député de
Beauce-Sud.
M. Roy: Merci, M. le Président. Je veux remercier nos
invités pour l'excellence de leur mémoire. A mon tour je veux les
remercier bien sincèrement pour leur contribution et leur collaboration
aux travaux de notre commission parlementaire.
En examinant le mémoire, suite aux questions qui ont
été posées, il y a un point qui m'intéresse et sur
lequel la région que je représente est particulièrement
intéressée, c'est le secteur des érablières. Vous
dites dans votre mémoire, à la page 5, au sous-paragraphe 3: "Si
nous convenons que la pratique de la sylviculture puisse être reconnue
selon les termes de notre proposition précédente comme
concomitante à la pratique de l'agriculture proprement dite, il devient
possible de proposer la suppression de l'article 27. '
Si je me réfère aux déclarations du ministre, tout
à l'heure, ou aux commentaires qu'il vous a formulés, il semble
très peu probable du moins, j'en suis venu à cette
conclusion que la pratique de la sylviculture soit reconnue par des
amendements au projet de loi.
Advenant cette hypothèse on est quand même dans le
domaine hypothétique, à ce moment-ci, mais on est ici, à
cette commission, pour examiner plusieurs hypothèses est-ce que
l'article 27, dans la loi actuelle, devrait être maintenu tel quel ou
s'il devrait être formulé différemment? Je m'explique: Dans
le secteur de l'exploitation des érablières, il y a à peu
près c'est connu, les chiffres sont là pour le
démontrer 50% des érablières qui sont actuellement
exploitées au Québec; il y a une possibilité d'augmenter
la productivité des érablières exploitées comme il
y a également la possibilité d'augmenter, de doubler la
production au point de vue potentiel d'érabliè-res. il y a
actuellement un phénomène qui a été
dénoncé depuis de nombreuses années, c'est le
phénomène des coupes à blanc des érablières
dans des paroisses, dans des rangs, des coupes à blanc de lots
entourés d'autres érablières, ce qui a pour effet de
créer un vide qui nuit considérablement et qui affecte la
rentabilité des érablières voisines. Il y a ce
phénomène.
Il y a aussi une autre réalité, c'est qu'il y a des petits
secteurs où il existe des érablières qui ne sont pas
exploitées et qui servent actuellement à l'alimentation de
l'industrie, aux besoins des moulins à scie concernant le bois, parce
qu'on sait très bien que l'érable est un bois de qualité
dans la fabrication du meuble et que ceci constitue une activité
économique assez importante au Québec. De quelle façon
voyez-vous la formulation, dans la loi, pour qu'il y ait effectivement des
moyens de contrôle concernant l'application de cette loi qui pourraient
tenir compte des deux en même temps?
M. Marois (Laurent): En principe, l'article 27 de la loi est
excellent. Où on devra revenir, c'est sur la définition du mot
"érablière" au début, à l'article 1 qui, à
notre point de vue, est trop large. Quand on dit, à la page 6,
"érablière: un peuplement forestier propice à
l'acériculture", on trouve que c'est trop général comme
définition de ce qu'est une érablière.
M. Carpentier: Est-ce que je pourrais ajouter une remarque? En
définissant un peuplement forestier "at large" on ne fait pas de
distinction, d'abord entre les types de peuplement, ni entre les types
d'érablières qui composent la majorité du peuplement, ni
entre le fait qu'il s'agisse d'une érablière déjà
exploitée ou qui est sur le point de l'être ou d'une qui n'est
même pas aménagée pour des fins de sucre, mais qui peut
l'être éventuellement. Je pense qu'il y a au moins deux types:
ceux qui sont entaillés d'année en année et ceux qui
risquent de l'être à plus ou moins long terme si le
propriétaire veut bien faire du sirop d'érable sur sa terre
à bois.
On ne voit pas cela dans la définition et on ne le voit pas
à l'article 27, à plus forte raison. On ne voit pas non plus quel
type de peuplement. Un peuplement forestier, écoutez, en foresterie,
c'est la première notion que tu peux apprendre pour savoir, pour
connaître ce qui compose la forêt. C'est un ensemble de peuplements
forestiers. Alors, on peut aller loin, avec une définition du genre.
Or, c'est déjà très vague, à ce
niveau-là. Si on précisait ce dont on veut parler, d'une
façon claire, là on pourrait dire: Est-ce que l'article 27
convient ou non? Mais on ne sait même pas de quoi on veut parler de
façon claire. On l'a démontré d'ailleurs ce matin. Parce
que la réponse du ministre montrait assez clairement que ce qui est
écrit ne veut pas nécessairement dire ce qu'il en pense.
M. Roy: II y a deux points sur lesquels j'aimerais vous
interroger et qui ne font pas l'objet d'attention particulière, dans
votre mémoire: c'est l'organisme central, parce qu'on parle
évidemment de la création d'un organisme central. Alors, vous
avez fait une étude de la situation, vous connaissez quand même
suffisamment le territoire du Québec. Est-ce qu'il est possible, selon
vous, de songer qu'un éventuel organisme central puisse être en
mesure de tenir compte des particularités des régions, capable de
couvrir tout le territoire du Québec? J'aimerais bien avoir l'opinion de
votre groupement là-dessus.
M. Marois: J'aimerais peut-être que vous repreniez votre
question, parce que je n'ai pas tout à fait compris.
M. Roy: Dans votre mémoire, j'ai dit que vous n'aviez pas
souligné la question qui a été rappelée à
l'attention des membres de la commission par à peu près tous les
organismes qui sont venus devant nous, à savoir les pouvoirs
discrétionnaires, les pouvoirs totalitaires, je vais être plus
direct, de l'organisme central, de la commission centrale, la commission
d'Etat, alors que d'autres ont préconisé j'ai
préconisé également, mais plusieurs organismes, et mes
collègues de l'Opposition sont unanimes là-dessus des
commissions régionales pour gérer l'application de la loi. Or,
j'aimerais avoir votre opinion à ce sujet. Comment voyez-vous un
organisme central? Comment verriez-vous des organismes régionaux?
M. Marois (Laurent): Je pense que tout l'objet de notre
mémoire, dans l'ensemble, vise à éviter la commission.
C'est évident qu'au départ, on dit que si on peut ajouter au
terme agriculture, sylviculture, c est parce qu en faisant cela, on va
éviter le plus possible d'aller à la commission. Parce qu'on s
est dit, au départ, que si chaque fois, qu'un petit propriétaire
privé, celui qui a un terrain privé, boisé, pour quelques
fins que ce soit, lorsqu'il modifie la superficie de son boisé, doit
retourner devant la commission, on se demande quand il va pouvoir faire des
travaux.
C'est la même chose pour les cultivateurs ou les petits
propriétaires qui veulent faire du reboisement, si chaque fois qu'ils
demandent au ministère des Terres et Forêts, des plans pour
reboiser, dans des sols qu'ils considèrent non agricoles ou qui sont en
friche depuis plusieurs années, eh bien, s'il faut que chaque fois ces
gens-là soient obligés de passer, soit par leur
municipalité, référer à la commission et,
peut-être, à la suite de cela, demander avis au ministère
des Terres et Forêts, j'ai nettement l'impression que le gars va reboiser
dans cinq ans. Et on sait quand même, sur le plan incitatif, le
ministère des Terres et Forêts, depuis quelques années,
dans la forêt privée, il se fait un reboisement d'environ 20
millions de plants par année. Or, je pense que c est important à
souligner.
M. Roy: Vous dites que votre mémoire, d'ailleurs, nous
l'avions remarqué, essaie d'éviter le plus possible la
commission. Maintenant il semble évident, et c'est bien clair, il est
inscrit dans la loi qu'il y a une commission qui existera. Le ministre nous a
dit, ce matin, qu'il y aura effectivement une commission provinciale.
Seulement, l'Opposition a le privilège de présenter, même
les députés du coté ministériel, des amendements
à la loi. Or j'aimerais savoir, j'insiste encore un peu sur ce plan,
parce que, pour moi, c'est une question fondamentale, étant donné
qu'on doit penser qu'il y aura un organisme provincial, au moins, si vous
favorisez des commissions régionales, plutôt que de favoriser une
seule commission provinciale.
M. Rey-Lescure: M. Roy, nous sommes tout à fait,
effectivement en faveur de cela. Mais, si on prend l'article 12, qui dit: c'est
plus encore qu'une commission régionale, c'est une commission qui
donnerait un avis forestier à la chose. L'article 12 se lit comme suit:
"Pour rendre une décision et émettre un avis dans une affaire qui
lui est soumise, la commission prend en considération ", vous allez me
dire notamment, mais c'est seule- ment ça qu'on peut penser, "les
conditions géophysiques du sol et du milieu, des possibilités
d'utilisation du lot à des fins d'agriculture et les conséquences
économiques qui découlent de ces possibilités, l'effet
d'accorder la demande sur la prévention du sol agricole dans la
municipalité et la région ainsi que
l'homogénéité de la communauté et de l'exploitation
agricoles". C'est rien que le mot "agricole ", qui revient. Donc on se dit, que
ce soit régional, que ce soit central, si on n'insiste pas, dès
à présent, de mettre sylviculture là-dedans et de
l'enlever de ce jeu de considérer cela comme une demande
extérieure, au même titre que le lotissement ou autre, on se
trouvera à être bloqué, à avoir les pieds
liés pour faire de la foresterie.
M. Roy: En supposant que le mot "sylvicole" serait ajouté
au mot "agricole" seriez-vous plutôt d'accord sur le fait de fonctionner
avec une commission provinciale ou avec des commissions régionales?
M. Carpentier: ... aucune information là-dessus. En fait,
comme disaient mes confrères, si on fait ajouter le mot "sylviculture"
comme étant une pratique ou des traitements appliqués à la
forêt ne devant pas relever d'une autorisation de la commission, c'est
qu'on croit effectivement que le propriétaire forestier, le
propriétaire d'un boisé, qu'il soit agriculteur ou autre, veut
faire quelque chose d'intéressant avec sa forêt.
Quand on parle de Sylviculture je souligne le fait on ne
parle pas d'une coupe à blanc, d'un rasage à blanc comme on voit
les superexploiteurs qui achètent des terres à bois, vident le
terrain et s'en vont. On parle d'abord du propriétaire privé qui
a une forêt, qu'il soit agriculteur ou non, et qui veut en tirer quelque
chose d'intéressant et qui veut surtout continuer à
posséder un bien valable. Je pense que la plus grande partie, sinon la
majorité des propriétaires ne sont généralement pas
intéressés à gaspiller leur terre à bois. Si le
propriétaire le fait, souvent c'est par ignorance, par manque
d'information ou parce qu'il n'a plus les moyens de faire autrement, il n'a pas
de relève; il y a beaucoup de raisons que même une loi de zonage
ne règlera pas, entre autres.
On pense, à ce moment-là, que le propriétaire est
capable de faire quelque chose et que si le gouvernement veut intervenir
là-dedans directement auprès du propriétaire, c'est
très local, ce n'est même pas au niveau municipal, c'est au niveau
du propriétaire même, si on veut une intervention valable à
ce niveau, que le ministère, par ses bureaux régionaux et autres,
ait des agents de développement, ait des gens qui puissent conseiller et
qu'il y en a de plus en plus.
Qu'il y ait aussi de l'information provinciale, on parle d'étude
pédologique des sols, on parle d'étude de la
végétation, le gouvernement est quand même capable de
produire, au niveau central, des cartes pour toute la province, des
informations que vont utiliser les agents régionaux pour vendre
l'idée, pour éduquer les propriétaires
privés et aussi pour aller informer les municipalités qui
sont responsables de l'utilisation de ces terrains, les conseiller dans leur
plan d'urbanisme.
Si je fais un tableau d'ensemble, on favorise la liberté de
l'individu propriétaire du fonds à gérer son fonds comme
il le veut, pourvu qu'il le fasse dans les règles valables de sain
aménagement et de saine utilisation des ressources. Le ministère
peut l'aider directement, du bureau central à l'individu. Il y a
d'autres organismes intermédiaires qui sont valables pour atteindre
l'individu plus facilement, pour l'atteindre avec un peu plus de confiance,
pour que ce soit plus facile d'avoir un accès aux informations; avoir
des conseillers sur place ou dans la région, c'est le processus de la
régionalisation et de la municipalisation.
Je pense que si on veut des effets valables au niveau local
auprès de chaque propriétaire, il n'y a pas d'autre moyen que de
se servir de ces organismes, de ces structures.
M. Roy: En somme, si j'ai bien compris, ni l'organisme
provincial, ni même les organismes régionaux directeurs, ce que
vous préconisez, ce sont des mesures incitatives pour que les
propriétaires travaillent de façon éclairée, qu'ils
soient motivés et qu'ils procèdent de façon intelligente.
Est-ce que je peux résumer ainsi votre pensée?
M. Carpentier: Oui, en fait, c'est cela, mais on n'enlève
pas trop le provincial, parce que le provincial jouera quand même un
rôle de coordination, un rôle d'étude de fonds pour
justement arriver à fournir des conseils valables... que les bureaux
régionaux disposent de conseils valables provenant d'études
provinciales dont ils vont pouvoir se servir pour aider les
municipalités et les conseils de comté à produire des
schémas de développement, des plans d'urbanisme, des choses qui
se tiennent et qui, à ce moment-là, vont tenir compte des zones
agricoles et des zones forestières.
Il y a tout un processus d'aménagement de territoire. En fait, ce
serait le cadre d'un aménagement de territoire. On devrait suivre ce
même schéma. Au point de vue structures, au point de vue
distribution d'information, au point de vue application des organismes,
propriétaires et organismes locaux et régionaux, on devrait aussi
en tenir compte. On est quand même parti de ce qui existait, on n'a pas
voulu refaire en moins de dix jours une loi d'aménagement du territoire
qui tienne compte de toutes les infrastructures locales, régionales et
provinciales avec tout ce que cela implique, ce n'est pas à nous
à le faire, mais fondamentalement, on est d'accord là-dessus.
On n'a qu'à prendre les volumes qui ont été
produits, les deux volumes qu'on citait au début de notre
mémoire, on ne les citait pas pour rien; il y a deux documents qui sont
cités: "Le zonage intégré du territoire
québécois, une urgence" en termes d'études, d'analyses,
d'identification des zones agricoles, forestières,
récréatives et autres, cela faisait partie de l'objet de ce
mémoire en 1975 et l'autre, "L'aménagement du territoire" parle
de développement communautaire. Fondamentalement, le
développement communautaire est quelque chose qui se réalise
à la base et ce sont les gens du milieu, le propriétaire local,
la municipalité qui est l'ensemble des contribuables qui prennent la
décision. Je pense que c'est vraiment, eux qui avaient la
priorité dans tout cela, aidés des bureaux régionaux,
conseillés et supervisés par un organisme provincial.
M. Roy: En somme, en utilisant toutes les instances actuellement
en place, à tous les niveaux?
M. Carpentier: Oui, ceux qui sont en place, en les
améliorant, les conditionnant, en fait, en leur fournissant
l'information dont ils ont besoin, ce qui n'empêcherait pas l'existence
d'une certaine commission provinciale comme organisme conseil informatif qui
superviserait ce qui va se passer au niveau des conseils municipaux.
M. Roy: J'aurais une toute dernière question à
poser avec votre permission, M. le Président.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Beauce-Sud, s'il vous plaît.
M. Roy: Vous avez parlé beaucoup, dans votre
mémoire, d'aménagement sylvicole. On le sait parce que vous nous
avez donné des chiffres tout à l'heure quant au nombre d'arbres,
de petits arbres qui sont plantés à chaque année. Est-ce
que vous pensez qu'actuellement, la politique de reboisement qui existe se fait
de façon rationnelle, à savoir qu'on procède correctement
à l'étude et à l'analyse des sols ou, si on fait cela de
façon totalement arbitraire, c'est-à-dire, en tenant compte
uniquement du point de vue du propriétaire qui demande à boiser
un terrain?
M. Marois (Laurent): Disons qu'en principe, le petit cultivateur
fait sa demande au ministère des Terres et Forêts dans les bureaux
régionaux. Il fait une demande pour obtenir des plants pour le
reboisement de l'année suivante. Suite à sa demande de plants, le
ministère des Terres et Forêts envoie un technicien chez
l'individu en question pour voir le sol et le terrain pour lequel il demande
d'avoir des plants. Moi, je ne sais pas, mais je pense que par
expérience comme ingénieur forestier, et aussi parce que j'ai une
certaine expérience au ministère des Terres et Forêts, les
demandes sont quand même assez bien contrôlées,
c'est-à-dire que si le cultivateur demande de faire du reboisement sur
des lots qui sont en friche depuis plusieurs années, eh bien, il est
fort possible que la demande soit retenue. D'autre part, où il peut y
avoir un certain malaise, c'est le printemps suivant, lorsque le petit
propriétaire reçoit ses plants, c'est lui qui le reboise et non
pas le ministère des Terres et Forêts. Dans bien des cas, si le
type décide de changer le terrain par rapport à celui qu'il a
demandé et que l'inspecteur passe deux ou trois mois après, c'est
le cultivateur qui est en
faute s'il n'a pas reboisé sur le bon lot, sur la bonne partie du
lot qui devait être reboisé.
Maintenant, je sais que depuis quelques années, au moins, depuis
un an, il y a des ententes qui se font entre les administrations
régionales des ministères des Terres et Forêts et de
l'Agriculture, à savoir, que toute demande qui est faite par un
cultivateur au ministère des Terres et Forêts soit acceptée
par les administrations régionales. Je sais qu'au moins dans le
Bas-Saint-Laurent, cela se fait.
M. Garon: Dans le Bas-Saint-Laurent... ce n'est pas cela. Ce qui
est discuté actuellement, c'est quelles terres on transfère aux
Terres et Forêts et quelles terres sont transférées
à l'Agriculture, mais pas le reboisement, sauf des terres qui nous
appartiennent. Mais les individus peuvent faire reboiser sans aucune
autorisation du ministère de l'Agriculture.
M. Marois (Laurent): Mais c'est évident qu'au
départ, l'année passée, dans le Bas-Saint-Laurent il y a
eu un genre de "gentlemen's agreement" entre les deux ministères. Je ne
dis pas qu'à chaque fois, cela se passe comme cela; ce n'est pas au
niveau provincial, mais cela serait peut-être souhaitable.
M. Garon: II y a eu une discussion pour un protocole d'entente
à ma demande et à la demande de M. Bérubé, mais ce
n'est pas encore terminé.
M. Migneault: Je pense, M. le ministre, que dans le
Bas-Saint-Laurent, effectivement, depuis au moins un an, tous les projets de
reboisement provenant des groupements et des sociétés
d'exploitation des ressources, avant qu'ils soient approuvés, passent
par le ministère de l'Agriculture. Bien, ce sont les gens de
l'administration régionale du ministère qui nous le disent.
Effectivement, ces reboisements...
M. Garon: Ce n'est pas cela; c'est qu'il y a des lots
actuellement qui sont sous le contrôle des Terres et Forêts et les
autres lots appartiennent au ministère de l'Agriculture, et qui ne sont
pas occupés par des gens...
M. Giasson: Des lots sur billet de location.
M. Garon: Non, même pas; des lots... lorsque... suite aux
conclusions du BAEQ, les paroisses ont été le Bureau
d'aménagement de l'Est du Québec il y a huit paroisses qui
ont été vidées. A ce moment, il y a des terres qui ont
été rachetées par des ministères et de ces terres
rachetées il y en a qui sont allées aux Terres et Forêts,
d'autres à l'Agriculture. Actuellement, on est en train de
déterminer lesquelles de ces terres devraient retourner aux Terres et
Forêts, lesquelles devraient être gardées à
l'Agriculture, en gardant des blocs homogènes pour des fins agricoles,
des fins sylvicoles. C'est cela qui est en discussion et cela, c'est le
protocole d'entente qui est en discussion entre les deux ministères. Ce
n'est pas encore terminé. Concernant le reboisement sur des lots
privés, le ministère des Terres et Forêts ne demande aucune
permission au ministère de l'Agriculture à l'heure actuelle.
M. Carpentier: D'ailleurs, dans ce contexte, ce que nous
proposons, c'est que le zonage agricole s'occupe réellement des zones
agricoles, qu'il n'y ait qu'une commission, qu'elle soit à
caractère régional préférablement qui ait un
droit de regard sur tout ce qui va se passer sur de bonnes terres agricoles et
dire aux gens: Ecoutez, si vous voulez vraiment y planter, il faudra
démontrer que c'est valable, que c'est tout ce que vous pouvez y faire,
que vous avez de bonnes raisons de le faire, etc. On n'a rien contre cela et on
pense que c'est tout à fait souhaitable.
Mais où c'est du sol à potentiel forestier, c'est une
autre affaire. Cela devrait, effectivement, relever d'un zonage forestier. On
espère que le ministre Bérubé fera la même chose que
vous à un moment donné et viendra demander l'opinion des gens sur
ce qu'il propose de faire avec les terres à vocation
forestière.
M. Roy: II faudrait être prudent dans la recommandation que
vous venez de faire: Faire comme le ministre de l'Agriculture, avoir sa loi de
zonage. Cela va devenir compliqué tantôt. Il faudrait
peut-être avoir une grande loi d'aménagement du territoire
à l'intérieur de laquelle on pourra retrouver des politiques pour
favoriser le développement de l'agriculture, le développement des
essences forestières, comme vous l'avez souligné dans votre
mémoire aussi.
M. Carpentier: II faut dire qu'en termes d'aménagement du
territoire, l'un n'interdit pas l'autre. Vous pouvez avoir une loi
générale qui concerne toutes les ressources ou toutes les formes
d'utilisation des ressources et avoir ensuite des lois sectorielles plus
détaillées qui s'appliquent à une des ressources
données mais tenant compte de tous les autres aussi. C'est un peu dans
ce sens qu'on fait notre mémoire.
Si on se dit, aujourd'hui, qu'on a seulement celle du zonage agricole,
on arrive avec celle-là en premier, il faut s'en accommoder au mieux
parce qu'il semble que, de toute façon, elle sera adoptée.
Même si on était arrivé, idéalement, à dire:
Vous ne devez pas présenter cette loi, cela n'a pas de sens,
présentez une loi d'aménagement du territoire et on viendra se
prononcer sur le zonage agricole après, je pense qu'on n'aurait pas
fourni grand-chose. Cela aurait peut-être été idéal
mais on a refusé cette position parce qu'on est quand même devant
une situation.
M. Roy: C'est cela. Je vous remercie.
Le Président (M. Boucher): M. Migneault avait quelque
chose à ajouter, je crois.
M. Migneault: C'est simplement une question. M. Roy, tout
à l'heure, semblait assez pessimiste en ce qui a trait à la
possibilité d'ajouter le mot "sylviculture" partout dans le texte de loi
où on retrouve le mot "agriculture". Je serais tenté, justement,
de demander au ministre de l'Agriculture quels sont les arguments qui
l'empêchent, ni plus, ni moins, de confirmer dans un texte de loi une
chose qui a toujours existé dans les faits, particulièrement dans
le milieu rural. J'ajouterais à ceci M. Giasson disait ce matin
que le fait d'ajouter "sylviculture", on risque fort d'avoir de plus en plus de
demandes de permissions, si vous voulez, à la commission. Justement, le
fait de l'ajouter, on pense qu'on vise exactement l'effet contraire.
Je me vois très bien, par exemple, dans l'aménagement des
forêts privées où vous avez affaire à une
érablière dégradée, accompagnée d'ormes et
de hêtres. Chaque fois que tu vas vouloir faire un traitement sylvicole
nous, les forestiers, disons autre que du reboisement, si je
comprends bien le texte de la loi, il va falloir référer, chaque
fois, à une commission qui probablement comme disait M. Roy tout
à l'heure siégera du côté de
Québec.
Pour reprendre ma question: Est-ce qu'il y a des arguments
remarquez que je ne connais pas du tout vos intentions, M. le ministre, mais je
me base sur le pessimisme de M. Roy tout à l'heure...
M. Roy: Excusez-moi, le mot "pessimisme", c'est un mot que j'aime
moins, comme Beauceron. Mais disons "sur un flair"; j'aimerais mieux que vous
disiez "sur un flair".
M. Migneault: D'accord. Alors, sur le "flair" de M. Roy,
qu'est-ce qui empêche... quels sont les arguments qui pourraient faire en
sorte que cela deviendrait difficile d'ajouter "sylviculture" au mot
"agriculture". Je pense qu'avec cela, il y a un tas de problèmes qui
pourraient être résolus.
M. Giasson: Grosse question.
M. Migneault: Parce qu'on tourne autour du pot, depuis tout
à l'heure. En fait, on a parlé des sentiers et tout cela. Oui,
c'est important, mais c'est peut-être pas ce qu'il y a encore de plus
important à l'intérieur de la loi qu'on a sur la table. Je ne
sais pas si j'entre dans le secret des dieux, M. le ministre, mais je serais
drôlement intéressé de voir où sont les ojbections
à confirmer dans la loi une chose qui a toujours existé. Pour
l'agriculteur, la sylviculture a toujours été un appoint. Dans
certaines régions, on est porté à dire que la sylviculture
est complémentaire à l'agriculture mais dans d'autres, comme dans
le Bas-Saint-Laurent et bien d'autres régions du Québec, je pense
qu'on n'a pas à se gêner pour dire que c'est l'inverse, parce que
la loi ne changera pas les climats, ni le potentiel du sol. Alors, quand vous
êtes rendus dans le Bas-Saint-Laurent... je sais que nous ne sommes pas
encore rendus dans le
Bas-Saint-Laurent, mais il y a peut-être des plans qui se
préparent en vue de s'y rendre pour désigner également
d'autres régions pour fins agricoles. (15 h 45)
Le Président (M. Boucher): M. le ministre.
M. Garon: Nous, on est dans l'agriculture, alors on a mis des
boisés de ferme qui sont un peu la continuation des fermes. On pense
protéger pour l'agriculture le bois qui a un sous-sol bon pour
l'agriculture, mais les endroits qui ne sont pas bons pour l'agriculture, c'est
à un autre ministère de s'en occuper, à s'occuper des
forêts.
M. Marois (Laurent): Pourquoi est-il actuellement zone?
M. Garon: Quoi?
M. Marois: L'ensemble des forêts du Québec.
M. Rey-Lescure: Qui sont touchées par le territoire.
M. Garon: C'est un plan provisoire. Je l'ai expliqué ce
matin. On l'a expliqué, plusieurs fois. C'est un plan provisoire pour
fins de discussion avec les municipalités, qui a pour but, non pas de
restreindre, geler le territoire, mais de dégeler une proportion dans
laquelle les gens fonctionnent, autour des municipalités, pour
l'urbanisation. C'est simple.
M. Rey-Lescure: Oui, mais, à ce moment-là, M. le
ministre, vous avez identifié un seul interlocuteur valable, les
municipalités, parce que votre loi visait le lotissement. Vous nous
englobez les forestiers, mais je ne vois nulle part d'organisme à
caractère forestier qui pourrait siéger avec vous autres. C'est
cela que je me dis. Ou alors vous enlevez les forêts, mais si vous les
gardez, à ce moment-là, tenez-en compte et ajoutez le mot
sylviculture.
M. Chevrette: II y a un article qui vous permet de dire: "Toute
personne intéressée a le droit d'acheminer à la
municipalité et à la commission", et à la commission. Vous
semblez faire fi de cet article-là, dans toute votre argumentation,
depuis le matin.
M. Giasson: Moi, je comprends que, pour ces gens-là, il y
a une très grande inconnue. On ne sait pas de quelle façon les
municipalités vont suggérer la zone agricole permanente sur le
territoire. Si les municipalités décident en
général d'inclure ce qui est le sol arable déjà
cultivé et d'exclure d'autres sols, d'une qualité beaucoup moins
grande pour l'agriculture en potentiel moins grand, où souvent, on
retrouve de la forêt, c'est que la forêt, à
l'intérieur de la municipalité, ne sera pas dans la zone
permanente recommandée par la municipalité. Ce qu'on ne sait pas,
c'est la façon ou la manière dont va procéder la
commission centrali-
sée, pour décider d'accueillir la recommandation de la
municipalité ou la rejeter et décider d'autorité quelle va
être la zone agricole permanente, dans chacune des municipalités.
C'est toute cette zone où on est complètement perdu, dans une
hypothèse possible, de décision de la commission permanente.
M. Marois (Laurent): Pourtant, on connaît très bien
la classification des sols du Québec, au moins dans cette
partie-là.
M. Carpentier: Si vous permettez, M. Giasson, je pense que je
suis d'accord avec vous qu'il y a une grande question, mais on peut avoir
déjà une bonne idée de la réponse, quand on sait
que le ministère de l'Agriculture, lui-même, dans ses plans
provisoires, l'a inclus, a inclus toutes les zones forestières, que ce
soit un bon sol agricole ou non, ou un bon sol forestier. La carte, on l'a
devant nous, et nous, c'est cela qui nous inquiète. La carte est toute
peinte en vert. On n'a pas fait de zones blanches, on en a fait pour les
églises et le centre des villes et des villages, mais les zones
forestières qui couvrent à peu près 20%, 30% de ce
même territoire, elles ne sont pas exclues, elles sont dedans.
Imaginez-vous que, quand la commission va administrer cette loi, sa tendance ne
sera certainement pas à l'exclure, les municipalités non plus. Si
elles sont conseillées de cette façon, c'est là que je
parlerai du rôle provincial de conseiller pour le gouvernement, ce
rôle de conseiller, il est déjà assez clair, assez ferme,
au niveau des propositions. Les plans provisoires prévoient que tout le
territoire rural, sauf les centres urbains, petits ou gros, font partie du
territoire agricole à protéger, à protéger pour des
fins agricoles. C'est là que c'est cocasse.
M. Giasson: Si vous me permettez, je comprends assez bien qu'au
départ, la commission n'existe même pas tant que la loi ne sera
pas sanctionnée. Je peux comprendre qu'au départ, le ministre ait
décidé de couvrir le plus de terrain à l'intérieur
de l'aire retenue, avec la dimension verte qu'on retrouve. Mais cela, ce n'est
que l'opération provisoire, le départ. La grande inconnue, c'est
de quelle façon les municipalités vont faire leur choix, à
l'intérieur du territoire propre d'une municipalité, recommandant
à la commission de dire: "Pour nous, le bon sol arable, dans notre
municipalité, est à tel endroit, tel endroit, tel endroit. Le
reste, on suggère qu'il ne soit pas retenu comme zone agricole
permanente protégée.
Mme Rousseau-Lafond (Denise): Si je comprends bien, toute la loi
est basée sur le lot. En fait la subdivision qui est utilisée,
c'est le lot. Or, on sait très bien, quand on se promène à
la campagne, que, sur un même lot, il y a une partie agricole et une
partie forestière.
M. Giasson: Oui, souvent.
Mme Rousseau-Lafond: Alors, je ne vois vraiment pas comment cela
va pouvoir être exclu éventuellement. On va diviser les lots en
deux? A quoi va-t-on en arriver, en pratique? La seule solution, c'est de
permettre à la fois l'agriculture et la sylviculture, sur un même
lot. Sinon, il faut subdiviser le lot et dire: Cette partie-là est
à potentiel agricole et l'autre partie à potentiel forestier.
M. Rey-Lescure: ... pour tenir compte que chaque cultivateur
aurait un lot boisé au bout. On pourrait dire qu'à part autour de
Saint-Hyacinthe, où 100% du lot est agricole, cela on l'admet, la
plupart des autres lots, c'est forestier et agricole. Toute l'argumentation
légale de cela, c'est d'exclure un lot, demande d'exclusion d'un lot. On
ne peut pas demander d'exclure un lot à 50% agricole et à 50%,
forestier. Alors, on demanderait seulement l'exclusion de 50%. Mais il n'y a
rien qui prévoit cela, dans cette loi.
M. Giasson: Mais lorsque vous dites que la division des lots a
été faite ainsi, je pense que souventefois, ce n'est pas la
division du lot qui a fait que vous avez une parcelle boisée sur une
ferme, ce sont les propriétaires, les uns après les autres, qui
ont décidé de conserver sur la ferme une partie boisée,
d'abord, pour s'alimenter au point de vue bois de feu, bois de chauffage. Ce
n'est pas nécessairement la subdivision des lots qui a voulu cela. C'est
une volonté des propriétaires, dans beaucoup de cas, de se garder
un petit coin boisé sur sa terre à bois.
Mme Rousseau-Lafond: Avec le zonage, on parle de lots complets,
qu'est-ce qui va arriver? C'est cela que je dis, c'est comme cela actuellement,
les lots sont utilisés à plusieurs fins, enfin agricoles,
forestières et, peut-être d'autres aussi,
récréatives, mais ce qui nous intéresse, pour le moment,
ce sont les fins forestières.
Alors, puisque c est comme cela en pratique, pourquoi veut-on zoner un
lot, une utilisation agricole et une utilisation forestière? Pourquoi ne
pas permettre les deux utilisations? Pour reprendre ce que disait M.
Rey-Lescure, tantôt, je ne vois vraiment pas quels sont les arguments qui
feraient qu'on ne puisse pas permettre la sylviculture? C'est une chose qui se
fait déjà, il s'agit seulement de l'indiquer dans la loi et je ne
vois pas, si c'est dans votre esprit...
M. Rey-Lescure: II y a beaucoup plus que l'intention du
cultivateur, c'est la nature, ce sont les glaciers. Dans une région que
je connais bien, qui est Mirabel, l'ensemble des boisés, des
érabliè-res, c'est quasiment pied par pied, le pied qui est en
argile, c'est cultivé, et ce qui est en "till", c'est resté en
forêt. Il n'y a pas de charrue qui puisse passer dans le "till". Ils ont
laissé cela en forêt. Et les peuplements ne suivent pas les lignes
de l'eau, bien sûr, mais les cultivateurs ont défriché tout
ce qui était bon à l'agriculture et, tout ce qui
n'était
pas bon, ils l'ont gardé en boisés. Cela faisait bien leur
affaire parce qu'ils avaient justement des besoins de bois. Vous regarderez les
types de sols, d'un côté l'argile, c'est en agriculture, de
l'autre côté, les "tills", ce n'est pas notre faute si les
glaciers sont passés avant la mer de Champlain ou après. C'est la
nature qui veut cela. Alors, on se dit, nous, qu'étant donné
qu'on marche lot par lot et que la plupart des lots, j'oserais dire 90% des
lots qui sont dans un territoire désigné, comprennent des parties
forestières et des parties agricoles, alors, comme on n'a pas un zonage
sectoriel, on a un zonage d'ensemble ou rural, on ne peut pas demander à
exclure un lot dans lequel il y aurait la moitié d'agriculture et la
moitié de forêt, on se dit: Soyons plus réalistes, plus
raisonnables et demandons que la foresterie fasse partie de ce zonage. Je pense
que c'est tout à fait réaliste.
Le Président (M. Boucher): M. Roy.
M. Roy: Juste un point, prenons la région 03, par exemple,
la région 03, comprenant Beauce, Dorchester, Frontenac et
Mégantic: 6521 fermes. Cela, c'est tiré du dernier annuaire
statistique publié par le ministère de l'Industrie et du
Commerce. C'est la région où vous avez la plus grande moyenne
d'exploitation de fermes acéricoles, c'est-à-dire le plus grand
nombre d'érablières.
Les fermes ont trois vocations-, une vocation agricole, une vocation
forestière, parce que les boisés de fermes, on sait que les
syndicats de producteurs de bois et les regroupements forestiers sont
extrêmement forts, bien organisés, bien structurés dans la
région. Il y a aussi les érablières. Alors, il va falloir
sûrement lors de l'étude de la loi, amener certaines
précisions à la suite de l'éclairage qui nous a
été apporté ce matin, de façon à ne pas
créer d'embêtements et obliger les gens, comme le disait le
député de Montmagny-L'Islet, à avoir un permis pour
n'importe quoi, pour continuer à travailler et à exploiter leurs
fermes.
Leurs fermes ont été exploitées non seulement en
regard des possibilités agricoles de la ferme, mais aussi en tenant
compte des possibilités et en tenant compte des besoins. Parce qu'on a
eu une agriculture de besoins au Québec, jusqu'à il n'y a pas
tellement d'années, une agriculture qui a été
développée en fonction des besoins de la population, en fonction
des besoins de survie. Aujourd'hui, cela s'est développé un peu
plus sur le plan commercial, voire sur le plan industriel. Il reste encore un
potentiel à faire, mais les agriculteurs retirent leurs revenus de trois
sources l'agriculture, les boisés et l'érablière.
C'est une remarque que je tenais à faire, à ce moment-ci,
M. le Président, parce que c'est un problème réel.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. le
député de Beauce-Sud. Alors, comme il n'y a pas d'autre
intervenant, je remercie M. Marois ainsi que ceux qui l'accompagnent, pour la
présentation de leur mémoire.
M. Marois (Laurent): On vous remercie infiniment.
Le Président (M. Boucher): J'appelle maintenant
l'ordre...
M. Chevrette: Voulez-vous attendre une seconde, M. le
Président?
Le Président (M. Boucher): Oui, M. le député
de Joliette-Montcalm.
M. Chevrette: Etant donné que M. Carpentier, je crois,
essayait de démontrer qu'il y avait une mauvaise définition,
auriez-vous l'amabilité d'en suggérer une qui serait
meilleure?
M. Carpentier: A quel sujet?
M. Chevrette: Sur les sols, les érablières,
etc.
M. Carpentier: Oui, on peut le faire.
M. Chevrette: Cela nous ferait plaisir.
M. Carpentier: Oui, on vous offre notre collaboration à ce
sujet-là.
M. Chevrette: Je transmettrai cela à nos
fonctionnaires.
Ordre des agronomes
Le Président (M. Boucher): J'appelle maintenant l'Ordre
des agronomes, représenté par M. Jean Genest. Bienvenue, M.
Genest, voulez-vous vous présenter et présenter également
celui qui vous accompagne?
M. Genest (Jean): Oui, je suis Jean Genest, président de
l'Ordre des agronomes. J'ai choisi de me faire accompagner par M. Pierre
Léger qui est agronome et membre de notre conseil exécutif.
Cela semble peut-être un peu prétentieux de se
présenter à deux comme cela, mais on ne risque pas d'être
en désaccord ou on risque moins de l'être.
M. Giasson: II n'y a pas de problème. Même la
commission peut siéger par groupe de deux; la commission de
protection.
M. Genest: Ah bon! Je pense que, dans un premier temps...
M. Garon: ... siège tout seul.
M. Genest: II y a des fois qu'on est toujours obligé de
siéger tout seul.
Une Voix: II est toujours en accord.
M. Genest: Ayant déjà donné notre point de
vue sur la protection du territoire agricole lors des consultations
effectuées par le ministre de l'Agri-
culture, l'Ordre des agronomes a décidé de donner son
opinion sur différents articles, principalement, du projet de loi.
D'abord, l'Ordre des agronomes du Québec veut signifier son
approbation à l'égard de l'esprit de la Loi sur la protection du
territoire agricole. Nous remarquons que la présente loi donne ouverture
à des ajustements que le temps peut rendre nécessaires.
Néanmoins, d'après moi, certains aspects de la loi
méritent un peu plus d'approfondissement. En particulière
l'article 1.1, l'ordre constate que la loi est trop peu exigeante quant
à l'utilisation des sols protégés. La possibilité
de laisser les zones agricoles en friche contredit le sens même de la loi
et il faut comprendre que celle-ci porte atteinte à la liberté du
développement domiciliaire, commercial et industriel. En
conséquence, les privations relatives qu'entraîne l'application de
la loi ne peuvent se justifier que par la volonté d'une utilisation
maximale des sols réservés uniquement à l'agriculture.
C'est pourquoi il nous apparaît obligatoire de favoriser la
production agricole sur les territoires protégés. Tout au moins,
il paraît important que les dispositions de la loi obligent la coupe de
la végétation sur les terres laissées en friche. Ceci,
afin d'éviter la pousse de mauvaises herbes et de broussailles, de
même que le développement d'autres parasites néfastes
à l'agriculture environnante et à la qualité de vie des
personnes.
A l'article 4, ayant trait à la composition de la commission, le
souhait que nous formulons est de voir la commission composée de
représentants. On dit ici: représentation équitable de
pouvoirs politiques provinciaux, municipaux et du monde agricole. Il ne
faudrait pas que les membres de cette commission y soient à titre
personnel, mais en représentant quelque chose. Après
consultation, bien entendu, auprès des organismes muni-nicipaux ou
agricoles, que le gouvernement nomme les membres de la commission.
A l'article 6, concernant le quorum de la commission, en admettant qu'un
quorum de trois membres, sur une possibilité de sept, peut permettre
à la commission de siéger à deux endroits
simultanément on s'imagine que c'est pour cela que cela a
été fait il nous semble avoir l'effet de conférer
tous les pouvoirs de la commission aux trois membres fonctionnaires. A notre
avis, le quorum devrait être formé de la majorité des
membres ou, tout au moins, inclure des membres autres que les seules trois
personnes exerçant leur fonction à temps plein. (16 heures)
A l'article 22: Tel que prévu à cet article, le
gouvernement peut, par décret, identifier comme une région
agricole désignée toute autre partie du territoire du
Québec. Le maintien de ces dispositions est, à notre avis,
indiscutable. Toutefois, nous préconisons que, par la présente
loi, toutes les meilleures terres présentement sous exploitation
agricole soient protégées, parce que certaines régions ne
possèdent qu'une superficie limitée de bons sols agricoles et il
nous apparaît d'autant plus justifié d'assurer une protection de
ces sols pour éviter l'affaiblissement du potentiel agricole de ces
régions.
A l'article 40, nous aimerions suggérer une option à la
construction de résidences pour des enfants, des employés. Tout
en considérant le peu d'impact négatif que cela pourrait avoir
sur la production agricole et le bénéfice que les agriculteurs
pourraient en retirer, nous suggérons que cette exception à la
loi parce qu'il s'agit bien d'une exception se rapporte à
une superficie plutôt qu'à des employés ou à des
parents. A titre d'exemple, le propriétaire pourrait lotir, sur la
devanture de son lot, une superficie maximale d'un demi-hectare par lot, sur
une profondeur de 60 mètres de I emprise du chemin public,
conformément aux autres articles.
Nous ajoutons que la disposition de l'article ne devrait pas restreindre
le choix de l'emplacement de la résidence même de la personne dont
la principale occupation est l'agriculture. Cela, à notre avis,
n'augmenterait pas le nombre de résidences, mais aurait tout simplement
comme effet de changer le critère d'affectation des lots.
A l'article 48, nous suggérons que, dans les cas où il est
question de la tenue d'auditions publiques, pour favoriser l'expression des
milieux locaux régionaux, à défaut d'entente entre les
municipalités et la commission, la tenue d'auditions publiques par la
commission soit obligatoire.
A l'article 96, sur le pouvoir du gouvernement de soustraire une affaire
à la juridiction de la commission, l'Ordre des agronomes s'interroge sur
la nécessité de cet article. S'il s'agit là d'une
procédure d'appel des décisions de la commission, il y aurait
avantage à la présenter comme telle. Dans le cas contraire, notre
suggestion va dans le sens du retrait de l'article, car de telles dispositions,
à notre avis, pourraient laisser trop de place à
l'arbitraire.
A l'article 106, en plus des cas d'expropriation, il nous semblerait
juste de soustraire le propriétaire d'une ferme aux exigences de la
dernière partie de l'article 106, dans le cas où la ferme serait
exclue à la suite d'une résolution de la corporation municipale.
La dernière partie de l'article 106 est celle sur les taxes qui peuvent
être réclamées dix ans en arrière.
Voilà donc, messieurs, la position de l'exécutif de
l'Ordre des agronomes à l'égard du projet de loi no 90.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. Genest. M. le
ministre, avez-vous des questions?
M. Garon: Non, je pense que c'est clair.
Le Président (M. Boucher): Merci. M. le
député de Montmagny-L'Islet.
M. Giasson: Je vais donner priorité au
député de Maskinongé.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Maskinongé, d'accord.
M. Picotte: Tout d'abord, je veux remercier et féliciter
les représentants de l'Ordre des agronomes de nous avoir
présenté ce mémoire et les remercier des quelques
recommandations qu'ils ont faites.
L'article 1 ; je pense que plusieurs intervenants à cette
commission ont souligné qu'ils sont très sceptiques en ce qui
concerne les sols laissés en friche. En considération de ce qui a
été dit auparavant parce que vous étiez
présents, je pense est-ce que vous trouvez que c'est vraiment
néfaste et que cela demanderait une obligation de la part de la
commission de biffer complètement cet article des sols en friche
à l'intérieur de la loi 90? Ou de favoriser une utilisation plus
rationnelle?
M. Genest: On n'a pas étudié quel effet cela aurait
de biffer ces mots dans la loi. Je pense qu'il faudrait la
réétudier au complet.
La préoccupation des agronomes à ce sujet, c'est
d'empêcher les centres de dissémination de mauvaises herbes, de
maladies, etc. Vous avez déjà une loi, au ministère de
l'Agriculture, sur les ennemis préjudiciables à l'agriculture,
dont l'application relève des municipalités. Normalement, ces
choses ne devraient pas exister, si la loi était respectée ou
appliquée, parce que, comme professionnels, il nous apparaît
important de garantir un meilleur statut à ces terrains,
c'est-à-dire qu'on les boise; qu'il y ait au moins une forme minimale
d'exploitation là-dessus, une utilisation.
M. Picotte: Une utilisation plus rationnelle et non pas de les
laisser en friche.
M. Genest: C'est cela.
M. Picotte: Plusieurs organismes semblent d'accord avec cela. A
la page 2, l'article 6, je pense qu'il y a eu... Je voudrais faire une petite
correction. Vous dites, à moment donné, que tout en admettant
qu'un quorum de trois membres peut permettre à la commission de
siéger à deux endroits simultanément... Je pense que c'est
encore pire que cela; ce sont deux membres seulement et sur les deux, il y en a
un qui a deux votes à l'article 7.
M. Giasson: A l'article 7.
M. Picotte: Pour mettre en relation ce qui a été
dit précédemment, le quorum qui devait être formé de
la majorité des membres, tel que vous le suggérez, ne croyez-vous
pas opportun, à ce moment, plutôt de s'orienter vers des
commissions régionales, comme il a été mentionné
plus tôt... Parce que cela a sûrement été fait dans
le but, si je ne m'abuse, de faire siéger deux membres à quelques
endroits différents de la commission pour leur permettre de passer
à travers les cas d'espèce le plus rapidement possible. Ceci nous
semble quand même important pour que cela ne prenne pas deux ans et trois
ans avant qu'on ait fait le tour de tout cela et pour qu'il n'y ait pas des
territoires qui soient gelés bien longtemps. Mais est-ce que, justement,
le fait qu'il y aurait possibilité d'établir des commissions
régionales, ce qui, à notre avis, permettrait de procéder
encore plus rapidement, ne serait pas souhaitable ou préférable,
dans votre esprit?
M. Genest: Vous savez, en tant qu'agronome, on a affaires
couramment à des lois dont l'application est régionale et on ne
peut pas dire que c'est tellement mieux. Maintenant, à notre avis, si
cela peut être utilisé correctement, il y a l'article no 10 du
projet de loi qui dit que la commission peut nommer ou s'adjoindre des experts
qu'elle juge nécessaires. Alors, j'imagine que pour un projet local,
elle peut très bien faire affaires avec un expert local et sous sa
recommmandation, émettre l'affaire comme une routine. Dans toutes les
régions, il y a des agronomes de comté et j'imagine que l'esprit
de la loi ne va pas à l'encontre de cela. Le ministère, dans
toutes les zones, a des bureaux partout et il y a toujours un expert qui est en
mesure de donner un avis à la commission, j'imagine à une
journée d'avis. C'est pour cela que pour nous autres, cela ne nous est
pas apparu comme une nécessité d'avoir une commission
régionale parce qu'il y avait des gens sur place qui étaient
déjà à l'emploi du ministère de l'Agriculture et
qui, de notre avis, pourraient transmettre de l'information très
rapidement.
M. Picotte: ... 40, M. le Président, vous mentionnez
à un moment donné: "Considérant le peu d'impact
négatif que cela pourrait avoir sur la production agricole et le
bénéfice que les agriculteurs pourraient en retirer, nous
suggérons que cette exception à la loi se rapporte à une
superficie plutôt qu'à des employés ou parents". Si j'ai
bien compris l'essentiel de votre recommandation, c'est que vous trouveriez
préférable qu'on puisse permettre sur une longueur, sur le chemin
public, la construction de lots ou la possibilité pour un agriculteur de
faire du lotissement à la longueur d'une chemin public.
M. Genest: Ce n'est pas tout le chemin; c'est un lot,
M. Picotte: Un lot?
M. Genest: Oui, et à ce moment, il le vendra à sa
belle-mère, à son garçon ou à son employé.
C'est parce que, comme tel, on ne peut pas... C'est très difficile de
s'assurer, j'imagine... Quelqu'un construit deux maisons sur son lot; en fait
c'est un privilège, j'imagine, qui a été demandé
par les agriculteurs. Il n'y a pas d'autre personne qui aurait eu à
solliciter cela. Dans le cadre de l'exploitation normale d'une ferme, admettons
qu'on construit deux résidences qu'on ne peut pas séparer de la
ferme, il y en a une pour l'enfant et l'autre pour employé. Lorsque
vient le temps de vendre cela, imaginez-vous le problème que cela peut
causer. Alors là, on se dit: "D'accord, on va te donner un droit pour un
lot et tu feras ce que tu voudras". Il n'y a pas de question de principe...
M. Picotte: Comme vous l'avez mentionné, le fonds de terre
ne serait pas rattaché à la ferme. A ce moment, vous ne trouvez
pas que cela pourrait être un danger? On connaît les
problèmes que vivent les agriculteurs présentement, à
cause du ministère de l'environnement. Si l'individu vend ce lot,
justement, à d'autres individus qui ne font pas partie intégrante
de la ferme, est-ce que vous prévoyez qu'il pourrait y avoir un
mécanisme qui permettrait au moins de garantir à l'agriculteur
qu'il n'aura pas d'ennuis avec cette partie qu'il vendra et qu'il n'y aura pas
de plaintes à l'Environnement pour lui causer toutes sortes de soucis
dont on vit présentement les...
M. Genest: C'est une possibilité mais il nous a
semblé que la loi avait des particularités quant à la
protection de l'environnement comme telle et si quelqu'un va se construire dans
une zone agricole après que le territoire aura été
zoné, j'imagine qu'il va falloir qu'il vive avec ses problèmes.
Lui il vient après. Cela ne justifie pas l'agriculture de polluer
délibérément le milieu mais il ne peut pas dire: II y a
une porcherie qui m'empêche de dormir la nuit et il faut que cela soit
effacé. Je pense qu'il faudrait qu'il y ait des dispositions
générales dans la question de l'application des règlements
de l'environnement à l'intérieur des zones agricoles.
M. Picotte: A ce moment-là, il ne faudrait pas que cela
reste uniquement dans l'esprit du législateur; il faudrait qu'on parle
dans la loi du droit du premier occupant et l'inscrire avec...
M. Genest: II y a déjà quelque chose
là-dessus mais je n'ai pas étudié si cela pouvait couvrir
d'éventuels cas, tel que c'est rédigé, mais il y a
déjà quand même une phrase à ce sujet.
M. Picotte: M. le Président, peut-être un
commentaire pour terminer. Je dois vous dire que lorsque vous parlez du retrait
de l'article 96, vous n'êtes pas les seuls car plusieurs autres
organismes et même l'UPA qui sont les premiers à vouloir
défendre les agriculteurs, ont fait la même recommandation. Je
veux tout simplement souligner à l'attention du ministre que cet article
ne semble pas populaire et que si vraiment on veut protéger
l'agriculture, d'après l'avis de plusieurs en tout cas, ce serait
préférable qu'on en prenne très bonne note. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Boucher): Merci. M. le
député de Huntingdon.
M. Dubois: Merci, M. le Président. Messieurs de l'Ordre
des agronomes, il me fait plaisir de vous saluer et merci de votre très
intéressant mémoire.
J'aimerais revenir sur l'article 40. Je pense que vous avez
touché là un point très sensible. On se pose beaucoup de
questions dans nos bureaux de comté sur cet article parce qu'on pourrait
bien lire dans un journal un jour: Ferme à vendre, 100 acres avec quatre
ou cinq résidences dessus. Je prétends que cela pourrait
peut-être devenir pré- judiciable à l'agriculture parce que
le transfert d'une ferme où il y aurait quatre ou cinq
résidences, je me demande comment cela peut se faire et quelles
possibilités de crédit on pourrait allouer à un fermier
qui voudrait acheter une ferme où il y aurait cinq résidences.
Cela peut devenir peut-être un élément nocif pour
l'agriculture au lieu d'aider l'agriculture. J'aimerais avoir vos commentaires
là-dessus. J'imagine que si vous avez touché à ce point
particulier, c'est parce que plusieurs remarques vous sont parvenues.
M. Genest: Les remarques qu'on a eues ont trait justement
à la difficulté de transmission de la propriété.
C'est pour cela qu'on a jugé bon d'en faire la remarque parce que c'est
précisément les personnes qui s'occupaient de crédit qui
ont porté cela à notre attention.
M. Dubois: Un jour on pourra en venir à une ferme
où il y aura deux fois plus de valeur en résidences que dans la
ferme elle-même et ses constructions et à ce moment-là, la
transmission sera très difficile. Je me demande comment l'Office du
crédit agricole peut, à ce moment-là, considérer un
prêt avec un bas taux d'intérêt quand la majorité de
la valeur sera des résidences au lieu d'être réellement du
sol cultivable. Je pense qu'il y a de quoi se préoccuper quand
même au sujet de cet article.
De plus, au niveau de la commission, il y a douze régions
agricoles au Québec vous les connaissez sûrement parce que
vous travaillez dans ce milieu je me demande comment il se fait qu'on ne
fait pas confiance aux élus du peuple, aux conseils de comté et
en plus, à l'effectif régional qu'on connaît au niveau des
bureaux agricoles. On a quand même de l'expérience dans les
bureaux agricoles. On a sur place tous les éléments voulus pour
contrôler la loi parce qu'il s'agit d'interpréter cette loi, je
pense. Une fois qu'on a la loi de base ou la loi-cadre, c'est une question
d'interprétation. Je me demande comment il se fait qu'on ne laisse pas
la possibilité aux élus locaux du peuple et peut-être
à des membres, des membre de l'UPA, à des producteurs,
peut-être à des agronomes ou à des urbanistes de participer
à l'application de la loi. Vous avez soulevé ce point et je pense
que cela mériterait d'être commenté davantage. (16 h
15)
M. Genest: D'abord, nous n'avons pas vu là un vote de
censure à l'endroit des régions, du moins selon l'expertise qu'on
a au niveau des régions, puisqu'on a prétendu qu'à
l'article 10 ce serait l'utilisation. Comme on connaît le fonctionnement
du ministère, habituellement l'expertise vient quand même des
experts régionaux. Mon confrère de droite, M. Léger, est
justement une des personnes qui s'occupent d'aménagement du territoire
en région.
Ce pourquoi on a été ce n'est pas sur une question
de principe ou de philosophie peu enclins à aller vers les
commissions régionales et locales, c'est à cause de la loi sur
les ennemis
préjudiciables à l'agriculture et l'expérience
qu'on a des lois sur les cours d'eau. Ce n'est pas de la philosophie, ce sont
des situations qu'on vit. Est-ce que tu as, Pierre, des...
M. Dubois: II y a la question de la lourdeur administrative. Si
une seule commission a à interpréter chacun des cas et à
rendre un jugement ou un verdict, si une seule commission siège, il y a
tout de suite une lourdeur administrative qu'on peut prévoir.
M. Genest: Oui, mais nous n'avons pas pensé que la plupart
des cas seraient compliqués. Une fois que quelques cas types auront
passé, j'imagine que, sur recommandation d'experts en aménagement
local, les choses vont être acceptées ou rejetées sur une
base assez routinière. C'est entendu qu'il va y avoir certaines
difficultés pour certaines municipalités qui vont probablement
obliger à des déplacements, mais pour la majorité des cas
qui vont être soumis à cette éventuelle commission, il
semblerait, après avoir pris conseil auprès des experts
régionaux en aménagement du territoire, que cela pourrait
être expéditif.
M. Dubois: Ce sont des craintes qui ont été
formulées par plusieurs personnes qui ont présenté des
mémoires ici.
M. Genest: On a noté cela. On se sentait un peu mal
à l'aise de ne pas penser comme tout le monde.
M. Dubois: Je vous remercie infiniment, messieurs.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Beauce-Sud.
M. Roy: Je vais déborder un peu le cadre de votre
mémoire pour vous demander, étant donné que votre
profession est essentielle à l'agriculture, s'il est possible de songer
sérieusement à une bonne loi de zonage des terres en ne disposant
pas de la classification des sols.
M. Léger (Pierre): Elle existe.
M. Roy: Elle existe, mais lorsque la loi a été
déposée... il en existe. Je sais très bien qu'il en
existe. L'OPDQ a fait des cartes. Cela a coûté cher. Il y a des
cartes qui ont été faites par le gouvernement
fédéral. Il y a des cartes de classification A-1, A-2, A-3, et
tout cela. Mais dans la loi actuellement, quand le gouvernement a
déposé sa loi et nous a fait parvenir les cartes, il y avait une
zone retenue et il n'était aucunement question de la classification des
sols.
M. Genest: Dans la loi, il est quand même question que,
dans les critères de jugement, on tienne compte de la classification des
sols. Je ne pouvais pas intervenir beaucoup là-dessus parce que dans ma
bibliothèque personnelle, j'ai à peu près deux rayons sur
la classification des sols comté par comté, paroisse par
paroisse. C'est provisoire. On imagine que la désignation de la
région agricole fera partie des critères de la commission pour
établir son jugement. On n'a pas vu là quelque chose qui nous
choquait.
M. Roy: Je pense surtout à des cas pratiques. Vous allez
prendre une région, par exemple, où la majorité des sols,
pour ne pas dire la totalité, est retenue pour fins de zonage du sol.
Comme on l'a dit et comme c'est indiqué dans les cartes et je me
réfère à la classification qui a été faite
lors de l'inventaire et à la classification qui a été
faite par le fédéral, les zones A-1, A-2, A-3... Il peut y avoir
des sols A-3 dans des zones agricoles retenues pour lesquels le type
d'agriculture qui se fait dans la région, dans le milieu fasse en sorte
que certaines parties de terrains ou quelques lots ne soient pas rentables
à cause des investissements que cela pourrait demander. Vous pouvez
avoir des sols ayant une très bonne classification, mais au point de vue
du drainage, ils pourraient nécessiter des investissements
considérables. Il y a cela aussi. Si les gens ne peuvent pas trouver
lorsqu'il s'agira de vendre leur ferme, s'il n'y a pratiquement aucune
possibilité de trouver preneurs chez des personnes
intéressées à l'agriculture, des personnes
désireuses de faire de l'agriculture. A cause de ces facteurs et
étant donné que le sol est gelé, que fait-on avec ces
personnes?
M. Genest: Le zonage comme tel, même beaucoup plus
détaillé que les numéros, cela existe, avec les noms des
séries et les recommandations quant à l'utilisation de chacune
des séries de sols. Quant aux investissements qui ne sont pas rentables,
cela me chatouille un peu, M. le député, parce que cela vous
porterait à croire que les agronomes peuvent recommander le drainage des
sols alors qu'ils ne le devraient pas. J'imagine que lorsque c'est
demandé et que c'est subventionné d'ailleurs, le
gouvernement y a déjà mis de l'argent cela n'a pas pour
effet de rendre le prix des terrains plus abordable. On a toujours fait en
sorte que les investissements qui étaient requis des
propriétaires soient à la mesure des bénéfices
qu'ils pouvaient en retirer.
D'ailleurs, je pense que c'est une des politiques sur lesquelles on ne
peut pas se tromper, du moins dans le milieu qui est visé par les zones
vertes sur vos cartes.
M. Roy: II y a des possibilités de drainage, il y a aussi
d'autres facteurs qui peuvent entrer en ligne de compte. Il y a des sols
arables qui, dans un territoire donné...
M. Garon: J'aimerais vous donner un mot d'explication
là-dessus. Ce n'est pas aussi simple que cela. Je vais vous donner un
exemple concret parce que je sens que le président de l'ordre se demande
s'il doit ouvrir ou non; ce n'est pas aussi simple que cela.
M. Roy: ... pas simple.
M. Garon: Je vais vous donner un exemple concret.
M. Giasson: Enfin...
M. Garon: Dans l'inventaire...
Une Voix: C'est compliqué.
M. Garon: Quand on dit que n'importe qui va faire cela, au niveau
municipal, au niveau régional, qu'on parle tout le monde dans le
décor. Un instant! Je vais vous donner un exemple concret: Les sols
organiques, par exemple, n'ont pas été compris dans l'inventaire
des terres du Canada, ils ont été mis à part; à
toutes fins pratiques, ce sont des marais, mais une fois drainés, ce
sont les meilleurs sols pour la culture des légumes, il n'y a rien de
mieux que cela. Au Québec, on compte beaucoup de ces sols. Actuellement,
ils sont mal utilisés. C'est un domaine que le député de
Huntingdon connaît peut-être plus.
Quand ces sols sont mal utilisés comme on le fait actuellement au
Québec; on ne fait que les drainer, ils baissent d'un pouce par
année.
M. Giasson: Le vent.
M. Garon: Ou à cause du vent. C'est une matière
très friable. A ce moment-là, le sol cela dépend
des endroits, en certains endroits, il peut y en avoir 3 pieds et à
d'autres endroits, il peut y en avoir 20 pieds baisse d'un pouce par
année alors qu'on pourrait, avec des méthodes d'irrigation et de
drainage, comme on fait aux Etats-Unis, les maintenir à la même
surface. C'est ce qu'il y a de meilleur; je ne suis pas un expert en la
matière, mais selon les experts, c'est le meilleur sol qu'il y ait au
Québec pour la culture des légumes.
Quand vous arrivez à un endroit, ce n'est pas n'importe qui qui
peut dire... Quand on parle comme cela, au niveau provincial... Par
tempérament, je ne suis pas centralisateur, mais quand il arrive une
chose comme celle-là, qui va jouer là-dedans pour dire: ceci est
bon, cela n'est pas bon, ceci est une matière organique, cela n'est pas
exploitable pour telle ou telle raison. Quand on voit une carte d'inventaire
des sols c'est quelque chose à voir, vous avez l'impression de
regarder une peinture non figurative et parfois cela peut être assez
beau, selon qu'il y a différentes sortes de sols et selon
l'entremêlement des couleurs cela devient plus complexe. Tout le
monde ne peut jouer là-dedans et interpréter cela.
L'inventaire est fait, il est là; il faut savoir comment
l'utiliser. Je suis persuadé que lorsque la protection des terres sera
faite, il faudra s'occuper en priorité de nos sols organiques parce
qu'on a une richesse incroyable et il ne faudrait surtout pas vendre cette
terre en tourbe et dire: On va vendre cela aux Etats-Unis. Les
Américains n'en exportent pas de sols organiques, ils ont compris depuis
longtemps, c'est nous qui leur en exportons. C'est un peu comme les
Haïtiens qui vendent leur sang, nous, on vend nos sols organiques, c'est
intelligent!
M. Roy: Le ministre... Excusez-moi.
M. Dubois: Dans nos belles régions de sols organiques, je
peux faire remarquer au ministre que, présentement, il se fait
très peu d'exploitation, mais je voudrais que cela soit banni
complètement; sur cela je suis bien d'accord avec lui. Mais...
M. Garon: C'est ce qu'il y a de mieux, c'est la plus grande
richesse au point de vue capital.
M. Dubois: Par vos remarques, vous avez quand même
laissé entendre que le bureau régional a quand même des
capacités et des connaissances pour juger ce qui est vraiment bon pour
l'agriculture et ce qui n'est pas bon. Je pense que, dans votre grande
volonté de décentralisation, que vous avez démontré
antérieurement mais que vous ne démontrez pas aujourd'hui, vous
auriez quand même des bureaux agricoles régionaux qui seraient
formés de spécialistes dans tous les domaines et je pense qu'ils
auraient vraiment la connaissance pour mettre en valeur les fermes qui
devraient l'être.
M. Garon: Des spécialistes de sols, on n'en a pas tant que
cela au Québec.
M. Dubois: Oui, mais vous commencez à les former de mieux
en mieux.
M. Roy: Si vous n'en avez pas, cela commence à être
inquiétant; vous parlez d'appliquer une loi.
M. Garon: Non, on...
M. Roy: Cela commence à être inquiétant, vous
le dites vous-même, M. le ministre, que c'est très
compliqué. C'est ce que nous vous disons depuis le début que
c'est très compliqué, mais vous nous référez
toujours à une commission de trois personnes qui va régler tous
les problèmes; c'est encore pas mal plus compliqué. C'est
beaucoup plus compliqué, parce que si vous dites que vous avez de la
difficulté à vous recruter des gens qui sont capables de faire
l'évaluation des sols et de voir... Des spécialistes, vous
êtes capables d'en recruter, mais ces trois superintelligents
parce qu'il va falloir que vous trouviez trois superintelligents pour diriger
tout cela vont avoir la mainmise sur tout le territoire
québécois. On a beau être en faveur du zonage des terres,
de la protection des terres arables, il ne faut pas non plus se mettre un
carcan et se rendre prisonnier. En prison, tout le monde est
protégé; ils sont en prison.
A l'article 48 du projet de loi, vous dites: "Pour favoriser
l'expression des milieux locaux et régionaux, nous suggérons
qu'à défaut d'entente, la tenue d'audiences publiques, par la
commission devienne obligatoire". J'aimerais que vous donniez plus
d'explication. On comprend que vous vouliez qu'elle devienne obligatoire, mais
qu'à la suite de ces audiences on puisse interroger les...
Comment verriez-vous la tenue de ces audiences publiques?
M. Genest: A défaut d'entente, c'est entre la corporation
municipale et la municipalité, alors j'imagine que... Comment on verrait
cela? Chaque participant inviterait des groupes d'intéressés et
des experts à témoigner, un peu comme vous procédez, ici,
en commission parlementaire, pour qu'ils puissent émettre leur avis sur
la question qui fait l'objet du ligige. Suite à cela on prendrait une
décision, mais notre intention c'est d'empêcher que des
décisions se prennent de façon unilatérale, sans avoir
suffisamment d'information de la part de la commission.
M. Roy: En somme, vous proposez cela comme soupape, pour
éviter qu'il y ait trop d'arbitraire dans l'application de la loi?
M. Genest: Oui, c'est cela.
M. Roy: J'espère que le ministre a pris bonne note de
cela.
M. Garon: Pris bonne note de quoi?
M. Roy: Est-ce que ce serait trop vous demander? Je vais
répéter ma question, si vous voulez répéter votre
réponse, s'il vous plaît!
Lorsque vous proposez des modifications à l'article 48, vous
proposez la tenue d'audiences publiques par la commission et que cela devienne
obligatoire. Est-ce que vous pourriez nous en donner les raisons, des
explications là-dessus?
M. Garon: Je peux bien vous dire que je suis d'accord!
M. Genest: Comme cela, vous l'avez noté?
M. Garon: Oui, cela a déjà été dit
jusqu'à maintenant. J'irais même plus loin que cela; quand j'ai
parlé de forums régionaux, c'est à cela que je faisais...
Vous parlez de 48 qui réfère à 35; 35 à 48 vont
ensemble, mais le forum, comme tel, au niveau municipal, c'est à 35
qu'il en est question. Je pense même qu'il faudrait formaliser, non pas
pour toutes les demandes individuelles, ce serait un mécanisme
où... Mais il faudrait peut-être penser, pour la
détermination de la zone permanente, qu'il y a des audiences publiques
et que soient avisés on va déterminer par qui en
deuxième lecture formellement le conseil de comté, l'Union
des producteurs agricoles, le conseil régional de développement,
certains organismes qui ont un mot à dire sur le plan local ou
régional, au niveau de la municipalité, sur la façon dont
ils voient la protection du territoire agricole dans cette municipalité.
(16 h 30)
M. Roy: Comment le mécanisme...
M. Garon: C'est ce que je voulais dire l'autre jour, lorsque j'ai
parlé ce n'était peut-être pas clair de
forums sur le plan local ayant une pensée régionale.
M. Roy: La raison pour laquelle, d'ailleurs, j'ai posé la
question à nos invités, c'est que, lorsque j'ai vu la
réponse du ministre à ce sujet et que j'ai lu les commentaires
dans les journaux, je me suis bien demandé, si on tient des forums dans
douze régions au Québec, quand les cas prioritaires dont le
ministre nous a parlé la semaine dernière pourraient passer, si
cela devait déboucher sur des forums régionaux. Je ne le sais
pas, mais j'essaie de trouver une application pratique de la loi. Il ne faut
pas oublier que le sol est gelé à ce jour, non pas par la
température, mais par la loi 90. C'est une tout autre distinction.
M. Genest: Les deux sont valables.
M. Roy: Les deux sont valables à ce temps-ci mais tout
à l'heure cela va dégeler; je parle de la température au
niveau de la loi. Avant que tous ces ajustements ne soient faits, en cas de
litige, par exemple... Des industriels sont venus devant nous, des
investisseurs, des propriétaires d'usines qui donnent du travail aux
gens du milieu, aux gens de ces localités, non pas aux gens des
comtés voisins ou d'autres provinces, aux gens de leur milieu
respectif.
M. Garon: Oui, oui.
M. Roy: Au lieu de tous ces forums régionaux, ne serait-il
pas plus sage d'avoir des commissions régionales, comme le disait le
député de Huntingdon, pour lesquelles nous sommes revenus
constamment à la charge, pour une application
décentralisée de la loi, qui verraient à tenir compte des
particularités de chacune des régions? Le règlement de
zonage ne s'applique pas de la même façon dans la région 03
que dans la région 01 ou dans les régions 06, 07, 09 et 11. Il y
a des applications régionales; on l'a vu depuis que la commission
parlementaire tient ses audiences, depuis que nous étudions le projet de
loi.
M. Garon: Oui, oui.
M. Roy: J'aimerais que le ministre nous explique un peu ce que
sont ces forums régionaux; c'est le temps de donner des explications et
des informations là-dessus, afin d'informer la population. Ce seraient
quoi, au juste, ces forums régionaux?
M. Garon: Cela peut être au niveau municipal, quand la
commission avise la municipalité que les 180 jours commencent.
D'ailleurs, vous seriez surpris du nombre de municipalités qui nous
téléphonent, qui nous écrivent, qui manifestent leur
esprit de collaboration; vous seriez estomaqué!
M. Roy: Je ne suis pas estomaqué, c'est normal!
M. Garon: Oui, c'est normal.
M. Roy: C'est normal parce qu'il y a un besoin à ce
niveau.
M. Garon: Oui.
M. Roy: Mais comment la structure du ministre va-t-elle tenir?
Pas le ministre, la structure du ministère!
M. Garon: Vous savez, cela a commencé à
paraître dans les journaux aujourd'hui, cela va paraître davantage
demain, l'augmentation du revenu des agriculteurs cette année est
d'environ 35% au Québec, environ 35% en revenu net. C'est une indication
du succès des politiques du ministère de l'Agriculture.
M. Roy: Un instant!
M. Giasson: 35% net?
M. Garon: Oui.
M. Giasson: C'est combien, brut?
M. Garon: Je n'ai pas le chiffre brut, c'est passé...
M. Giasson: Cela doit bien être 50%. M. Garon: ...
$1 500 000 000...
M. Giasson: Compte tenu de l'inflation et du coût des
intrants.
M. Garon: Cela a augmenté de $250 millions, brut.
M. Roy: II y a des statistiques qui ont été
publiées qui parlaient du revenu net des agriculteurs canadiens.
M. Garon: Cela sort à Ottawa.
M. Roy: Pas seulement du Québec, canadiens.
M. Garon: Mais le Québec est plus fort que la moyenne. Ce
n'est jamais arrivé avant, mais là cela va arriver. Il est plus
fort que la moyenne! Vous allez même voir à quel rang sera le
Québec, attendez de voir les chiffres.
M. Roy: Tant mieux! Tant mieux!
M. Garon: Je l'avais dit que vous ravaleriez votre gomme. En
plus, voilà les chiffres. L'industrie alimentaire, c'est le secteur
manufacturier qui s'est le mieux comporté en 1978; des augmentations de
près de 20%. Vous savez, le chiffre d'affaires, l'an passé,
était de $4 700 000 000, je pense, dans l'industrie alimentaire; 20%,
cela commence à faire de l'argent. Il faudrait commencer à ne
plus considérer le secteur agro-alimentai- re comme un secteur
folklorique. C'est le secteur économique le plus important; cette
année, en 1978, il le démontre.
Alors, ce à quoi il faut arriver sur le plan local, c'est que les
gens puissent en parler ensemble. Je vais vous donner un exemple concret: Dans
ma tournée, à Joliette justement, le soir, à l'heure du
souper, je marche avec deux agriculteurs d'une paroisse qui me disent: M.
Garon, au début, tout le monde dans la paroisse disait: II faut que cela
devienne touristique. Nous autres, on n'a pas d'agriculture, il faut s'orienter
vers le tourisme; on a une belle montagne, tout cela. On s'est mis à
additionner les chiffres et on s'est rendu compte que l'agriculture apportait
au village je ne me souviens plus exactement du nombre autour de
$3 millions. Sais-tu que cela va prendre des touristes pour apporter cela? On a
réalisé que notre avenir économique était bien plus
agricole qu'on ne le pensait, parce que cela va prendre un joli paquet de
touristes pour apporter $3 millions à la paroisse. Alors...
M. Roy: Enfin, on a compris.
M. Garon: Alors, je pense que, quand les gens... c'est pour cela
que le forum, à mon sens, au niveau municipal, est très important
parce que les gens qui vont arriver... Je pense que quand on va aviser la
municipalité, il faut en même temps l'aviser, je pense d'une
façon plus formelle. On ne l'avait pas mis dans la loi mais
peut-être qu'il faudrait le mettre: Aviser d'une façon plus
formelle les organismes qui sont directement intéressés de plus
près, en laissant à tous les organismes intéressés
la possibilité d'émettre leur opinion...
M. Giasson: C'est ce qu'on vous dit, d'ailleurs, depuis le
début.
M. Garon: Mais je pense que l'Union des producteurs
agricoles...
M. Chevrette: Mais c'est ce qu'il a répondu à IUPA
de Joliette, qui a été le deuxième mémoire; cela se
comprenait aussi. C'était le début...
M. Garon: Alors, dire, par exemple, avertir l'Union des
producteurs agricoles, le conseil de développement régional
que... je pense aux conseils de comté... Sans l'aviser officiellement,
je pense bien que les gens du ministère de l'Agriculture dans la
région pourraient aller dire leur mot. Je pense que cela serait un peu
normal; ils sont concernés par cela. Là, les gens vont discuter
avec la municipalité et il serait bon aussi de leur dire ce que rapporte
l'agriculture sur le plan local. Dans toutes les municipalités, ils vont
faire un saut; ils vont s'apercevoir que 80% des villages au Québec,
vivent de I'agriculture.
M. Roy: Bien oui.
M. Garon: Dans le secteur alimentaire, les gens ne sont pas
conscients de cela. Ils voient un
cultivateur et ils disent: "C'est un gars qui a 40 vaches". Bien, ils
oublient ce que cela amène à la municipalité, ces quarante
vaches-là et l'abattoir là-dedans et tout le secteur additionnel.
Bien, notre milieu rural dépend du monde agricole et avec une politique
de développement agro-alimentaire... Evidemment, les augmentations comme
cette année, il ne faudrait pas se faire de... ce ne sera pas à
toutes les années pareil; je pense que cela irait trop vite. Mais, je
pense qu'il y a une grosse part d'étude à faire dans le secteur
alimentaire et qu'il est possible de la faire.
Il faut aussi que les gens soient conscients localement de
l'importance... moi je pense que la déficience dans cette loi... il n'y
a pas de loi parfaite. Quand les gens disent "Vous avez mis telle chose
là-dedans; il y a des inconvénients" et si on avait mis autre
chose, ils auraient dit: "Ce sont d'autres inconvénients'. Vous savez,
il y a des inconvénients à toute chose; il y a des avantages et
des désavantages. Mais il y a des choix à faire et en
deuxième lecture, on va faire quelques modifications. Mais je pense,
qu'à la base, la loi est bonne. Ce qu'il faut permettre de plus,
à mon sens, c'est un forum local ou municipal, une place où les
gens vont aller discuter de leur municipalité et de l'avenir de leur
municipalité et que les intervenants puissent fournir des
données, des données comptabilisées; que les statistiques
puissent intervenir là et qu'ensemble ils discutent, ils
déterminent ce qu'ils devraient garder pour l'agriculture.
Normalement, par exemple, au niveau agromunicipal, la
municipalité, l'Union des producteurs agricoles, le CRD, le conseil de
comté, possiblement les gens du ministère, tous sont d'accord
pour dire: "Cela devrait être cela". Je n'ai pas l'impression que la
commission, à moins que les gens soient en collusion pour dire: "On veut
faire de la spéculation et lâcher l'agriculture ... Mais d'une
façon générale, à ce moment, la commission va dire:
"Oui, cela a du bon sens, votre affaire ".
A mon avis, c est lorsqu'il y aura mésentente entre les groupes
que la commission pourra dire qu'elle a un pouvoir décisionnel; au fond,
c'est beaucoup plus un pouvoir de venir arbitrer et de venir dire: "Bien voici,
vous avez tant de sols agricoles qui sont bons", les gens pourront venir
trancher la question; c'est plutôt cela que je pense. Cela ne veut pas
dire qu'il n'y aura pas des débats à certains endroits. Il va y
avoir des débats à certains endroits parce qu'il y a des
intérêts; il ne faut pas se faire d'illusions. Il y a des
intérêts et ce n'est pas indifférent; de la même
façon qu'un gars vous dirait qu'il veut être zoné et que
vous, vous ne voulez pas être zonés.
C'est pareil quand une route passe. Vous savez, j'étais pris dans
le parc Taschereau; les routes étaient toutes croches parce qu'on allait
prendre un bout de chaque terre pour ne pas exproprier tout le monde. Alors, on
se promenait sur des routes croches partout. Actuellement, c'est évident
que des gens vont dire: "J'aimerais mieux être zoné ou ne pas
être zoné". Il vont avoir un intérêt
là-dedans. Il va y avoir des gens qui ont acheté des terres pour
spéculer et aussi qui ont des intérêts. Tout cela va jouer
ensemble.
Mais il faut tenir compte de l'ensemble des facteurs et j'ai
l'impression que ce débat, si on réussit à
l'institutionnaliser aux articles 35 et 48, c'est la place pour
l'institutionnaliser si ce débat se fait bien, j'ai l'impression
que les gens de nos municipalités, dans le Québec, vont sortir de
ce débat avec une prise de conscience d'un tas de problèmes sur
lesquels, parce qu'ils n'ont peut-être pas eu l'occasion, parce qu'ils
n'auront pas été touchés dans le vif eux-mêmes, il
ne leur sera pas arrivé de réfléchir profondément.
J'ai l'impression que ce débat, pour qu'il soit vraiment... Si on parle
de la participation des gens; la participation des gens à la grandeur de
la province, je ne crois pas à cela. Habituellement, il nous arrive une
couple d'animateurs qui viennent nous dire ce que les autres pensent. On ne
sait jamais ce que le gars pense vraiment. Si on le fait au niveau
régional, ce sera pareil. Il va y avoir une couple de
spécialistes qui parlent fort et les gens ne sauront pas ce que le monde
pense. Je dis que cela devrait être au niveau municipal. C'est la seule
place où les gens peuvent vraiment dire ce qu'ils pensent parce qu'ils
sont chez eux et le fait de dire ce que l'on pense au gars d'en face, c'est
moins gênant, tandis que si on place cela au niveau régional, ce
seront des représentants qui vont parler pour les gens et ce ne sont pas
les gens qui vont parler, à mon avis.
C'est une conviction profonde. J'ai pensé à cela
longtemps; pendant la première année, j'ai cherché tous
les moyens de mettre cela au niveau des conseils de comté et à la
fin, je me suis dit que ce n'était pas possible. C'est un organisme qui
se réunit quatre fois par année. Il faut trouver un organisme
dans lequel les gens vont se reconnaître. Il m'est apparu qu'on n'a pas
le choix et qu'il faut prendre le niveau municipal. C'est là qu'il va y
avoir une véritable participation des citoyens. Je souhaite,
personnellement, que les organismes comme l'UPA, les CRD, les conseils de
comté, les gens du ministère de l'Agriculture viennent discuter
au niveau de la municipalité et jouent le rôle d'animateurs;
qu'ils n'animent pas des abstractions mais qu'ils animent quelque chose de
concret parce que les gens vont être chez eux.
Je me rappelle avoir assisté à des réunions, par
exemple, dans le Bas-Saint-Laurent, quand on faisait l'expérience du
BAEQ. On m'a même offert de m'engager au BAEQ et je n'ai pas voulu; je ne
croyais pas à cela. Je me rappelle avoir assisté à des
réunions où il y avait des animateurs qui expliquaient aux gens
leur devenir et les gens écoutaient cela; ils trouvaient cela pas mal.
Ensuite, le plan a été adopté; c'était un gros
plan. J'ai reçu les volumes; je pense qu'il y en avait 24 ou 30 et cela
m'a pris un an à passer à travers, et je pense bien qu'il n'y a
pas un grand nombre de gens qui ont lu cela. A un moment donné, ils ont
commencé à appliquer le plan. Quelques mois après, les
gens ont dit: Comment! Ils sont en train de vider nos villages, on est contre
cela. Mais tout le
temps, les gens disaient: Ils participent; ils participaient mais ils ne
savaient pas à quoi ils participaient au juste, et cela, sans que ce
soit leur faute. A un moment donné, ils se sont aperçus qu'ils
vidaient les villages.
M. Giasson: ... Qu'on voit cela au Québec.
M. Garon: Cela a été le commencement des
opérations dignité.
M. Giasson: Cela va se voir encore. M. Roy: C'est
cela.
M. Garon: Là, les gens ont dit: On reste chez nous. Je me
rappelle avoir dit à ce moment-là... J'avais des confrères
qui avaient étudié en sciences sociales là-dedans. J'avais
dit: Vous savez, le coin de terre sur lequel on vit, dans notre village, il
peut être très misérable, mais cela reste quand même
notre chez soi. Quand tu vas vouloir l'enlever de là, tu es mieux de le
laisser partir de lui-même parce qu'il va aller gagner sa vie ailleurs,
ou de le convaincre d'aller gagner sa vie ailleurs. S'il n'y a rien, s'il n'y a
pas moyen de lui permettre de gagner sa vie là, tu pourrais
peut-être l'inciter à s'en aller, mais fermer des villages comme
cela, je ne crois pas à cela. D'ailleurs, c'est ce qui s'est
révélé plus tard.
A mon avis, le mieux, c'est que le débat de 180 jours dont on
parle... Dans certains endroits, il ne durera pas 180 jours. Faire des
débats dans des villes, cela se fait mal parce que les gens sont plus
anonymes, mais dans des campagnes, j'ai l'impression que ce débat sera
beaucoup plus intense et si on veut qu'il ait vraiment lieu, c'est à ce
niveau qu'il faut qu'il se fasse. Je suis plutôt convaincu que le fait
qu'une commission nationale existe va favoriser davantage une participation
réelle des gens parce qu'il n'y aura pas de niveau intermédiaire
où certains veulent s'interposer pour décider à leur
place. J'ai l'impression qu'une commission nationale va protéger
beaucoup plus la participation locale que si on mettait trop de structures
là-dedans et si c'étaient seulement les experts en structure qui
se retrouvaient là. J'ai peut-être été un peu long,
mais c'est là ma philosophie.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. le ministre, de cet
avant-goût de votre discours de troisième lecture. M. le
député de Beauce-Sud.
M. Roy: J'aurais bien une autre question à poser, mais je
crains un peu la réponse. De toute façon, je veux remercier. Je
pense qu'on a suffisamment d'éclairage. Les arguments que vous avez
apportés, les points que vous avez soulevés, comme vous avez pu
le constater, ont nécessité une longue mise au point du ministre
que je pourrais considérer comme une ouverture à un meilleur
dialogue parce que cela peut être la première ouverture dont j'ai
connaissance devant la commission parlementaire, la première ouverture
dont j'ai réellement conscience que c'est une ouverture réelle
parce que le ministre était... Je ne veux pas entreprendre de
débat là-dessus, c'est ma conviction, c'est ma constatation
personnelle et j'ai le droit d'en avoir une. (16 h 45)
M. Chevrette: On a le droit de dire que vous n'étiez pas
toujours ici.
M. Roy: Je m'excuse, M. le Président, mais sauf pour les
deux débats auxquels j'ai été obligé de participer
à l'Assemblée nationale, j'étais ici, j'ai suivi les
travaux de la commission et j'ai l'intention de les suivre parce que c'est un
domaine qui m'intéresse d'une façon particulière. Je
m'excuse d'avoir à faire la mise au point.
Merci beaucoup de votre mémoire, de vos suggestions. Je tiens
à vous dire qu'étant donné que cela n'est pas tombé
dans les oreilles d'un sourd en ce qui a trait au ministre, cela n'est pas
tombé non plus dans les oreilles de sourds pour ce qui concerne les
parlementaires, membres de l'Opposition.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. le
député de Beauce-Sud. M. le député de
Joliette-Montcalm.
M. Chevrette: Les propos du député de Beauce-Sud
m'amènent à faire une mise au point, également. Je dois
dire que dès la lecture du troisième mémoire à
cette commission parlementaire, l'ouverture a été faite devant
les représentants de l'UPA de Joliette. Je l'ai dit tantôt. Cette
même ouverture a été réitérée au
niveau du CRD de Lanaudière, ou en tout cas, dans ce coin.
M. Giasson: Ce n'était pas le troisième
mémoire...
M. Chevrette: Malheureusement, le député de
Beauce-Sud pour d'excellentes raisons, je le sais n'était
pas ici, mais cette ouverture a été faite.
M. Roy: Mais c'est plus ouvert aujourd'hui, vous l'admettrez,
vous n'êtes quand même pas pour nier le fait que le ministre semble
plus ouvert aujourd'hui.
M. Chevrette: Vous devriez vous en réjouir et
arrêter d'en parler.
M. Roy: Je m'en réjouis, d'ailleurs. C'est la raison pour
laquelle je tenais à le souligner.
Le Président (M. Boucher): Au nom de tous les membres de
la commission, je remercie M. Genest et M. Léger pour leur excellent
mémoire. J'inviterais maintenant...
M. Genest: Je vous remercie de votre patience.
Union des producteurs agricoles et
Société d'agriculture de Laval
Le Président (M. Boucher): J'invite maintenant l'UPA de
Laval et la Société d'agriculture de la ville de Laval,
représentées par M. Lévis Nadon, président.
M. Garon: M. Nadon a une voix un peu comme la mienne.
Le Président (M. Boucher): M. Nadon, si vous voulez
présenter les gens qui vous accompagnent et, par la suite, passer...
M. Nadon (Lévis): M. le Président, M. le ministre
et MM. les membres de la commission, je vais vous présenter ceux qui
m'accompagnent. M. Desnoyers fera la lecture du mémoire. M. Desnoyers
est un attaché à l'UPA de la région des Laurentides; M.
Gibouleau qui est directeur de l'UPA de Laval.
Le Président (M. Boucher): M. Rouleau? Une Voix: M.
Gibouleau.
M. Nadon: M. Gilles Lacrois qui est directeur de la
Société d'agriculture de Laval et M. Normand Demers qui est
directeur du syndicat de base de l'UPA de Laval.
M. Desnoyers, si vous voulez faire la lecture du mémoire.
M. Garon: M. Desnoyers, je ne vous ai pas revu depuis mon passage
dans l'Outaouais. Avez-vous fini votre encan à temps? Est-ce que je
pourrais faire une mise au point qui n'est pas incluse dans le
mémoire?
Le Président (M. Boucher): Allez-y.
M. Desnoyers: Le présent mémoire en est un d'appui
au projet de Loi sur la protection du territoire agricole. Ce mémoire a
été discuté entre producteurs agricoles et
préparé par des producteurs agricoles. Il est court, mais je
crois qu'il est assez précis.
Nous soumettons quelques amendements qu'on pourrait aussi appeler des
éclaircissements à certains articles de la loi tant attendue.
Nous tenons d'abord à vous remercier de nous permettre d'exposer
nos besoins particuliers de producteurs agricoles de la deuxième plus
grande ville de la province de Québec.
Particularités des producteurs: La ville de Laval a pris
naissance par la fusion de quatorze municipalités de l'Ile-Jésus
qui, auparavant, planifiaient individuellement leur développement. La
Société d'agriculture de Laval inclut également certains
producteurs situés sur l'Ile-de-Montréal.
Diversité des agriculteurs: Nous retrouvons des agriculteurs qui
exploitent divers domaines tels que: jardiniers maraîchers, serres,
légumes, fleurs, ainsi que l'industrie laitière.
La population agricole de Laval est formée en grande partie de
non-producteurs citadins et les producteurs agricoles sont minoritaires.
Importance des agriculteurs. Les agriculteurs de Laval forment des
entreprises familiales et désirent assurer la continuité de leur
exploitation.
La nature de l'agriculture. L'agriculture de Laval revêt une
importance capitale due aux facteurs suivants: Proximité des centres
urbains importants tels que Montréal et Laval. Qualité des sols
et climat favorable permettant aux agriculteurs d'arriver sur le marché
tôt dans la saison.
En raison de tous les points énumérés ci-haut, nous
désirons vous suggérer respectueusement les amendements suivants:
A l'article 1.1. qui définit l'agriculture, on voudrait quand même
savoir si le ministre a tenu compte de la culture en serre sous toutes ses
formes. Est-ce une culture sous-sol? A l'article 4 déterminant la
composition, on demande respectueusement à la commission de tenir compte
qu'on voudrait quand même à Laval les producteurs se sont
exprimés là-dessus que des sept membres de la commission,
au moins quatre soient des producteurs agricoles. Ce sont quand même les
premiers intéressés. Considérant les articles 35 et 58, on
demande que "tout producteur agricole situé dans la zone blanche soit
inclus." Il manque peut-être le mot "automatiquement". "Il devrait
être automatiquement inclus dans la zone agricole en s'adres-sant
directement à la commission et non à la corporation municipale".
A l'article 40, il faudrait lire "pour ses enfants et pour ses
employés". A l'article 106, on demande qu'il y ait d'autres cas
possibles que l'expropriation pour éviter les pénalités
aux producteurs, c'est-à-dire lorsqu'une ferme est exclue de la zone
agricole la zone blanche contre le gré du producteur ou en
raison d'une expropriation et non pas seulement en raison d'une expropriation.
Que celui qui est tenu d'en payer les taxes n'ait aucune pénalité
à payer pour les années pendant lesquelles la ferme était
incluse dans la zone agricole. Pour ce qui est des articles 101 et 103, "que le
producteur qui dispose de son exploitation agricole ait le privilège de
conserver et de demeurer dans sa résidence." A la suite des discussions
qu'il y avait au congrès là-dessus, on ne savait pas trop comment
cela finirait. C'est pour cette raison qu'on le retrouve là.
En terminant, nous désirons, messieurs, que vous preniez en bonne
considération les amendements énumérés ci-haut qui
vous sont présentés au nom des producteurs de l'île
Jésus et de l'île de Montréal respectueusement.
Le Président (M. Boucher): Merci beaucoup. Je vous
félicite pour la concision du mémoire. M. le ministre.
M. Garon: Je pense bien, après les quelques explications
qu'on a eues, en tout cas, on va le regarder avec les gens du
contentieux que les cultures en serre se trouvent comprises, parce que
"culture du sol" est un terme général qui inclut
toutes les formes de cultures. Aux articles 35 et 58, s'adresser
directement à la commission et non à la corporation municipale ou
à la commission à condition d'envoyer un avis écrit
à la corporation municipale, on n'a pas regardé cela. A l'article
40, "pour ses enfants et ses employés", c'est parce que selon la loi
d'interprétation des statuts, quand c'est marqué au singulier,
"son enfant" veut dire "son ou ses enfants". C'est compris dedans. Quant au
sixième point, quand vous dites "le privilège conservé de
demeurer dans sa résidence", c'est comme cela qu'on l'a mis, mais il
faudra le clarifier pour que tout le monde soit bien sûr. Quand on a mis
l'article 101, il était clair avec l'interprétation de
l'agriculture qui dit que les résidences ne sont pas de l'agriculture,
à ce moment-là, que c'était une utilisation autre
qu'agricole et le cultivateur qui vend sa terre pouvait garder sa maison avec
un demi-hectare autour de la maison. Cela était clair. C'est cela qu'on
voulait mettre dans la loi. Dans notre interprétation de l'article 101,
on veut dire cela en tenant compte de la définition du mot "agriculture
". Je vais en parler avec les gens du... Je vais vous dire une chose à
part cela. C'est qu'il y a bien des affaires que les gens me disent.
L'autre jour, j'écoutais le mémoire des notaires. Ils
disent parfois que tel point n'est pas marqué ou que telle chose n'est
pas marquée. Mais les gens qui écrivent la loi sont des experts
dans ce domaine. Il y a des choses qui étaient dans notre loi, mais ce
n'est pas nécessaire de les dire; cela va de soi. Il y a certaines
choses qui sont parties du projet qui étaient dedans initialement. Des
fois je ris un peu parce que je pense à des choses, comme disait la
Chambre des notaires, quand la rédaction finale s'est faite parce que,
quand on a un projet de loi, il s'en va au comité de législation
où il y a des experts en loi elle disait: "Cela ne donne rien de dire
des choses qui ont déjà été dites ailleurs ou qui
sont déjà comprises dans la loi de l'interprétation. Par
exemple "est ou devient adjacent à un chemin public", on dit: S'il
devient adjacent à un chemin public, c'est permis, à plus forte
raison, s'il l'est déjà. Cela ne donne rien de le dire. Or, on a
enlevé "est" et c'est le genre de point sur lequel les gens se posent
des questions. Personnellement, j'ai toujours dit que le droit devait en
même temps être éducatif, c'est-à-dire assez simple
pour que les gens qui lisent les textes de loi puissent les comprendre,
mais...
M. Roy:... causes chez les avocats. Cela ouvre la porte à
des consultations auprès des avocats.
M. Garon: Oui, mais ils disent que les Beaucerons, s'ils
n'avaient pas une cause de temps en temps, ils seraient malheureux.
M. Roy: Oui, cela, c'est un peu vrai. Mais il ne faut pas
généraliser. Il ne faut pas généraliser non plus,
ce qui est bon à un endroit, cela ne veut pas dire que c'est
nécessairement bon ailleurs.
M. Garon: Alors, je vous remercie infiniment de votre
mémoire. Vous pouvez être certains que nous allons tenir compte
des remarques qui ont été déposées, lors de
l'analyse et de l'étude, article par article.
Le Président (M. Boucher): M. le ministre, M. le
député de Montmagny-L'Islet.
M. Giasson: Merci, M. le Président. Vous êtes de
véritables exploitants agricoles de la grande ville de Laval. Selon
vous, quel est le pourcentage du territoire de la ville de Laval qui, en 1978,
est vraiment utilisé à la production agricole?
M. Nadon (Lévy): II devrait y avoir, au moins, entre 50%
et 55% encore en agriculture.
M. Giasson: Qui est cultivé, là, par des
entreprises familiales qui retirent leurs principaux revenus, des familles qui
retirent leurs principaux revenus de l'exploitation de ce sol-là.
M. Nadon: Oui, mais là-dessus, on comprend qu'il y a un
peu de boisé. Moi, je vous parle de ce qui appartient encore à la
classe agricole.
M. Giasson: Je parle en exploitation, ce qui appartient...
M. Gibouleau (Richard): II y a des terrains aussi qui ne sont pas
exploités, mais qui pourraient être exploités. Parce qu'il
y a beaucoup de spéculation dans Laval.
M. Giasson: Ces terrains-là ne sont pas loués par
des agriculteurs.
M. Gibouleau: II y en a qui sont loués, mais il y a des
terres dont on n'est même pas capable de trouver les propriétaires
de qui louer ces terres. C'est cela qui arrive.
M. Giasson: Vous ne connaissez pas les propriétaires, vous
n'avez pas leur adresse.
M. Gibouleau: On en connaît les propriétaires, mais
les propriétaires ne veulent rien savoir de cela. Cela ne les
intéresse pas. Ils aiment mieux laisser les terres en friche que de les
cultiver.
M. Nadon (Lévy): Ou de les faire cultiver.
M. Giasson: Et, comme vous le dites dans votre mémoire, il
s'agit d'une qualité de sol qui est assez exceptionnelle au
Québec, surtout pour la culture maraîchère, qui permet
d'arriver avec les primeurs sur le marché.
M. Gibouleau: D'arriver 15 jours plus tôt que la plupart
des régions de la province, à Laval.
M. Giasson: Vous êtes combien de maraîchers à
Laval?
M. Nadon: II y a au-delà de 500 agriculteurs.
Là-dessus, vous pouvez en déduire une quinzaine
qui sont dans l'industrie laitière et bovine. Les autres sont
tous maraîchers.
M. Giasson: Une quinzaine qui sont dans l'industrie
laitière.
M. Nadon: Dans l'industrie laitière.
M. Giasson: Alors, c'est la production maraîchère
qui domine de beaucoup toutes les activités agricoles.
M. Gibouleau: Beaucoup de serres aussi.
M. Giasson: Et, chez les maraîchers, quand vous dites
beaucoup de serres, on a parlé de trente-cinq acres, en serres, est-ce
que cela se peut?
M. Gibouleau: C'est plus que cela. M. Nadon: Une
cinquantaine d'acres.
M. Lacroix (Gilles): C'est un chiffre pas mal conservateur, je
pense, trente-cinq acres.
M. Garon: Cela progresse tellement qu'on n'est pas capable de
garder...
M. Lacroix: On dit que dans la production
maraîchère, on peut faire de la production assez intensive, la
dimension moyenne d'une ferme maraîchère, à Laval, c'est
quoi?
M. Nadon: II y en a qui sont très petites, cela part de 3
acres, 4 acres, et si j'ai bonne mémoire, d'après les pronostics
avec lesquels j'ai travaillé avec le ministère de l'Agriculture,
ce serait entre 15 et 20 acres.
M. Giasson: Ce serait la moyenne.
M. Nadon: La moyenne. (17 heures)
M. Giasson: Et vous êtes 500 maraîchers à
posséder des fermes dont la dimension moyenne serait de 20 acres.
M. Nadon: Oui, une vingtaine d'acres. Mais là-dessus, il y
en a beaucoup qui ont seulement trois, quatre ou cinq acres avec sept, huit ou
dix serres de 100 sur 30 ou 32 de large. Alors, le père a divisé
sa terre en cinq ou six.
M. Giasson: Un maraîcher, sur une terre de vingt acres,
s'il fait une production intensive, a de quoi gagner sa vie convenablement?
M. Nadon: Avec des serres, il gagne sa vie honorablement, mais
s'il tombe dans le vrai maraîcher, cela lui prendra 40 ou 50 acres pour
produire du maïs, du chou, du chou-fleur, etc. D'abord, les terres sont
assez bien égouttées, le sol imbibe beaucoup.
M. Demers: Avec une acre en culture, quelqu'un gagne très
bien sa vie. Ce n'est pas tellement la superficie totale qui compte, c'est quel
genre de culture on fait à un endroit donné. Je pense qu'il ne
faudrait pas le leurrer dans ce sens. Du côté potentiel agricole,
Laval est l'un des endroits les plus favorisés, je parle en connaissance
de cause, étant agriculteur moi-même... Tout à l'heure, les
agronomes sont venus... Je n'utiliserai peut-être pas le mot
"professionnel..." Peut-être que je pourrais le prendre, mais
côté potentiel même de la région, c'est l'une des
régions au risque de me répéter les plus
favorisées, contrairement à ce que la spéculation
philosophique a pu dire, depuis un certain temps, dans le sens contraire.
Le Président (M. Boucher): M. Lacroix.
M. Lacroix: Depuis tantôt, il est question de serres, mais
cela est né, jusqu'à un certain point, du fait qu'il y a beaucoup
de spéculation, il y a beaucoup de plans domiciliaires et
résidentiels qui sont arrivés. Les gens ayant une moins grande
superficie se sont spécialisés dans la culture en serre. C'est
pour cela que l'on trouve beaucoup de serres à Laval.
M. Giasson: Cela veut dire qu'il y avait des propriétaires
de terres qui ont vendu une partie de leur terre, ce qui a réduit la
superficie possédée et, là, ils se sont dirigés
vers la production en serre?
M. Lacroix: Pour certains, c'est ce cas, mais pour d'autres, des
projets ont été créés et ils ont dû s'en
aller, disparaître.
M. Giasson: Ils ont été obligés de vendre
leur sol?
M. Lacroix: Oui, je vais vous lire le cas de Laval: En 1960,
quatorze municipalités se partagent le territoire de Nie-Jésus.
Chaque municipalité a ses idées sur son développement et
fait tout pour s'attirer industries, promoteurs, population, etc. Le 6
août 1965, quatorze municipalités de l'Ile-Jésus sont
fusionnées, Laval est née. Naît aussi le L-2000, ce plan
directeur de Laval. Mais qu'advient-il du territoire municipal? Laissons parler
les chiffres à ce sujet. Au point de vue démographique, de 1966
à 1971, il y a eu une élévation de 3% de la population; de
1971 à 1976, une élévation de la population de 1,5%. Si on
compare au Québec, l'élévation de la population totale du
Québec était de 0,6%, tandis que celle de Montréal
était de moins 0,9%.
Le secteur industriel maintenant. Avant 1950, treize implantations; de
1950 à 1959, 29 implantations; de 1960 à 1964, 42; de 1965
à 1969, 81 ; de 1970 à 1974, 114 et de 1975 à aujourd'hui,
124. Le secteur agricole, par contre; le nombre de fermes en 1961 était
de 502; en 1971, de 370; en 1976, de 317. L'agriculture lavalloise
connaît une érosion accélérée. Il n'existe
pas d'équilibre entre l'apri-
culture, le résidentiel et le domiciliaire. Ces trois forces, au
lieu d'être des composantes, sont des adversaires. La loi 90 vient
équilibrer les forces.
Je suis producteur à Laval et je veux rester un producteur; je
l'ai choisie, l'agriculture. Mais je ne veux pas qu'on m'enlève mon
gagne-pain et c'est ce qui se produit à l'heure actuelle. Tout le monde
veut avoir notre terre. On a vu, ce matin, les gens qui ont des maisons
mobiles, eux aussi veulent avoir un bout de terrain. Tout le monde veut avoir
du terrain mais nous, que sommes-nous là-dedans? On est comme des
poulets qui passent leur temps à se faire plumer.
M. Giasson: Vous dites que, au dernier recensement, vous demeurez
317 fermes en fonctionnement.
M. Lacroix: Ce sont les chiffres que j'ai eus de la ville de
Laval.
M. Giasson: Vous parliez de 500 producteurs, tout à
l'heure.
M. Lacroix: C'est le chiffre de la ville de Laval que j'ai
ici.
M. Giasson: Cela ne correspond pas aux autres chiffres, aux
autres données dont on nous a fait part tout à l'heure. On a
parlé de 500 maraîchers qui vivent...
M. Lacroix: Oui, 500 maraîchers; parfois, il y en a qui
sont plusieurs sur une ferme. Ce n'est pas seulement un individu; il peut y en
avoir deux, trois. A ce moment-là, ces gens sont comptés.
M. Garon: M. Gibouleau, je pense...
M. Gibouleau: Nous autres, on est trois sur la même ferme,
chez nous.
M. Garon: Vous avez combien d'acres en culture
maraîchère?
M. Gibouleau: On a 500 acres.
M. Garon: Cela commence à faire...
M. Gibouleau: Oui, 500.
M. Giasson: Récemment, les autorités de la ville de
Laval sont venues devant la commission parlementaire et nous ont
expliqué que la ville avait engagé des experts, des
spécialistes, pour procéder à l'aménagement du
territoire de la ville. A votre connaissance, est-ce que vous avez
été consultés ou est-ce qu'il y a eu des approches des
représentants des agriculteurs lors de ces plans d'aménagement,
lors de la confection ou dans le travail de recherche qu'il faut faire avant de
procéder à l'aménagement?
M. Lacroix: Si on se fie à ce qui est marqué dans
le mémoire qu'ils ont présenté hier, oui, c'est
marqué là-dedans. Mais qui...
M. Giasson: Là, je pose la question à des gens qui
sont impliqués directement dans l'agriculture.
M. Gibouleau: On n'a jamais entendu parler de rien.
M. Giasson: A aucun niveau?
M. Gibouleau: Non.
M. Giasson: Ni chez l'Association des maraîchers, ni dans
un syndicat possible, ni à l'UPA, nulle part?
M. Gibouleau: Disons que cela peut avoir été fait.
Il peut y avoir des individus qui ont été consultés
mais...
M. Giasson: Je parle des organisations qui regroupent des
cultivateurs sur une base syndicale, à vocation générale,
ou encore sous du syndicalisme spécialisé.
M. Gibouleau: Au niveau local de l'agriculture...
M. Nadon: C'est bien rarement qu'ils nous ont demandé de
les rencontrer; c'est plutôt nous qui demandons à les rencontrer.
On les a rencontrés plusieurs fois pour avoir un marché local;
depuis 1967 ou 1968 qu'on travaille pour un marché local et on est
toujours barré par la ville.
M. Giasson: Là, vous parlez de marché local, mais
je parle toujours en matière d'aménagement.
M. Gibouleau: Mais disons...
M. Nadon: Pour l'aménagement, non. Ils ont peut-être
consulté le bureau d'agriculture...
M. Giasson: Le bureau d'agriculture, c'est le bureau de I
agronome?
M. Nadon: Le bureau de l'agronome. M. Gibouleau: Oui.
M. Giasson: Ce ne sont pas nécessairement les
cultivateurs, là.
M. Nadon: Non, non, non.
M. Lacroix: M. Giasson, pour répondre à votre
question, la ville de Laval vous a présenté un beau
mémoire, mais si vous regardez à quelle date ce mémoire
est parti, cela ne fait pas tellement longtemps. J'ai l'impression que la ville
s'est fait prendre les culottes baissées. Normalement, quand on engage
un individu, on regarde son curriculum vitae, on regarde quel genre il est, on
regarde ce qu'il y a en arrière. On va plus loin qu'un an ou deux en
arrière. Si la ville avait voulu, disons, quatre ou cinq ans en
arrière, elle aurait pu faire quelque chose. Mais cela ne s'est jamais
fait. Tout le monde prend notre défense, mais
quand vous regardez en arrière ce qu'il y a de fait, il n'y a
rien qui a été fait. La question du zonage agricole, cela fait
combien d'années qu'on en parle? Cela ne s'est jamais fait. Cela, c'est
une tactique; tôt ou tard... Voyez-vous, tout à l'heure, je disais
502, 370, 317; dans trois ou quatre ans, combien pensez-vous qu'il en restera?
Il n'en restera plus, parce que tout le monde... Moi, si j'arrive en ville et
que je dis; J'aimerais conserver ma terre, et qu'il arrive un gars qui est un
gros promoteur, il bâtit 500 maisons; je ne sais pas qui des deux va
avoir le plus de poids. C'est ce qui arrive.
M. Giasson: Est-ce qu'il y a des cultivateurs qui ont subi la
dépossession de leur terre par voie d'expropriation ou si cela a
été des ventes négociées de gré à
gré?
M. Lacroix: Pour ma part, j'ai été
exproprié. Disons que cela n'a pas tellement affecté ma terre,
mais j'ai été exproprié pour une partie. Il arrive toutes
sortes de choses; si vous ne voulez pas vendre ou ceci ou cela, ils vous
poussent un chemin ou ils vous amènent des projets domiciliaires
à côté. Vous savez, c'est une forme détournée
de décourager les gens à produire de l'agriculture. Comme j'ai
dit tantôt, tout ce qu'on demande, on n'a rien contre les promoteurs,
absolument rien, mais on veut avoir notre part, nous aussi. On veut vivre de
l'agriculture.
M. Giasson: Votre place au soleil.
M. Lacroix: J'y crois, moi, à l'agriculture et je veux
conserver ma terre. Je ne veux pas arriver demain matin et qu'on me dise: On va
t'offrir un gros prix, va-t-en ailleurs. Ce n'est pas cela que je veux. J'ai
quitté un emploi à l'extérieur pour venir sur une terre,
j'ai choisi cette affaire-là.
M. Giasson: Vous-même, vous avez quelle superficie de
terre?
M. Lacroix: J'ai 25 arpents.
M. Giasson: Vous avez 25 arpents.
M. Lacroix: Ou 21 acres.
M. Giasson: Et vous pouvez gagner votre vie avec 25 arpents dans
l'agriculture?
M. Lacroix: Certainement que je gagne ma vie, je n'ai pas l'air
d'un gars qui...
M. Giasson: Non, non, mais il y a des gens qui gagnent leur vie
à faire de l'agriculture mais qui font également autre chose.
M. Lacroix: C'est cela, les gens ont dans l'idée je
ne sais pas, vous, où vous êtes, il y a beaucoup d'industries
laitières ou une autre sorte que cela prend beaucoup de
superficie, de très très grandes superficies. Mais nous autres,
on n'a pas besoin de si grand. Je peux vendre mon produit à la maison,
je peux le faire, c'est passant; ou, ce n'est pas compliqué, je prends
l'autoroute, je suis à quatre terres de l'autoroute des Laurentides, je
m'en vais au marché Central ou au marché Jean Talon. Il n'y a pas
de problème, car j'ai le marché, j'ai du monde. En plus de cela,
j'ai des serres. J ai 25 arpents de terre, mais j'ai cinq serres.
M. Gibouleau: On peut vérifier notre propre mise en
marché, nous autres, à Laval, c'est ce qui est différent
avec des régions éloignées où ils sont
obligés de vendre à des coopératives et plusieurs
intermédiaires entrent alors en ligne de compte.
M. Giasson: Vous détaillez votre produit?
M. Gibouleau: On ne détaille pas tout notre produit, mais
on fait toute notre mise en marché nous-mêmes. On vend directement
aux chaînes de magasins, on ne passe pas par dix intermédiaires
pour leur vendre. C'est pour cela que quelqu'un qui a 25 arpents de terrain
peut vivre aussi bien qu'un autre qui en a 100, mais qui passe par deux ou
trois intermédiaires pour vendre son produit.
M. Nadon: Vous n'êtes jamais venu visiter Laval,
monsieur?
M. Giasson: Ecoutez, j'ai passé à Laval mais je ne
me suis pas arrêté à faire une visite en profondeur de
l'île.
M. Nadon: Vous trouveriez que c'est charmant au printemps, au
début du mois de mai, quand vous voyez seulement des serres avec des
plants de fleurs et de légumes. Ce sont des grandeurs immenses.
M. Demers: J'aurais un petit mot à ajouter. Je ne le ferai
pas par méchanceté, mais c'est seulement une constatation de la
politique de zonage de la ville. Je le répète, ce n'est pas fait
par méchanceté. Certains ont eu des permis de construction il y a
à peine un an et demi pour construire des serres. Aujourd'hui, au moment
où on se parle, les plans de la zone verte du ministre Garon ont
été passés dans notre secteur et, actuellement,
d'énormes pressions sont faites pour "dézoner" le mettre
dans une zone blanche pour avoir cette terre pour construire des
maisons. Je me demande si vraiment il y avait une politique agricole valable
dans le sens que je l'entends si je me trompe, vous me corrigerez
si c'était une des meilleures solutions?
M. Giasson: Vous faites allusion à des terres qu'on
voudrait voir retourner à la zone blanche, sur lesquelles la ville a
émis un permis pour opérer des serres?
M. Demers (Normand): Des permis de construction, c'est cela.
Actuellement la terre voisine, tout près, se trouve aux mains des
promoteurs
pour construire des maisons et les services d'aqueduc et d'égout
ont été demandés. Ils attendent le "dézonage". Les
lignes de force si je peux prendre ce terme sont en train de
s'éclaircir.
M. Gibouleau: Si la ville avait eu un plan de zonage il y a un an
et demi, elle n'aurait pas donné de permis pour bâtir des serres.
C'était parce qu'elle n'avait pas de plan de zonage. C'était le
"free for all" dans la ville. C'est tout!
M. Giasson: Par les chiffres que vous nous avez donné,
vous avez selon les statistiques de la ville 317 fermes...
M. Lacroix: Ce sont les chiffres de la ville. J'ai appelé
vendredi, j'aurais voulu en avoir d'autres, mais la personne qui m'a
répondu ne m'a donné que ceux-là. Ce sont des chiffres
qu'on trouve je n'ai pas eu le temps de lire tout le mémoire
à peu près identiques là-dedans.
M. Giasson: Dans le nombre de 317 fermes, est-ce qu'on maintient
toujours la superficie moyenne de 15 à 20 acres que nous a donnée
monsieur tout à l'heure?
M. Lacroix: Cela, monsieur...
M. Giasson: Je parle toujours de la superficie moyenne...
M. Nadon: Pour ma part, c'est aussi d'après des chiffres
du ministère de l'Agriculture.
M. Giasson: Des agronomes... M. Nadon: Oui.
M. Giasson: 317 fermes, avec une moyenne de 20, cela fait...
M. Nadon: Franchement, vous avez au-delà de 500. Ma femme
est secrétaire de l'Union des producteurs agricoles
Laval-Montréal. C'est elle qui signe toutes les cartes.
M. Giasson: Oui, il peut y avoir 500 fermiers puisqu'on nous a
dit qu'il y avait des associés sur beaucoup de fermes.
M. Gibouleau: Oui.
M. Nadon: Si la ville n'a pris que les grandes fermes, c'est fort
possible.
M. Demers: Cela prouve un peu le fouillis dans lequel tout le
monde se trouve. On ne sait pas exactement le nombre d'agriculteurs. Cela
prouve un peu dans quel domaine on se trouve à être perdus.
M. Giasson: Même le bureau du ministère de
l'Agriculture dans cette région n'arrête pas de données
là-dessus. Les agronomes doivent avoir des données sur le nombre
de fermiers, chacun dans sa spécialité, qu'il peut y avoir
à Laval.
M. Demers: Même là, il ne faut pas se leurrer. Les
normes pour être reconnu agriculteur sont à $1000. C'est tout un
fouillis et on risque apparemment de passer quelque chose, mais, en fait, c'est
dû à tout ce fouillis.
M. Giasson: M. Desnoyers, est-ce que vous travaillez pour
l'UPA?
M. Desnoyers: Selon la liste...
M. Giasson: Combien de membres avez-vous àIUPA? (17 h
15)
M. Desnoyers: On va parler selon la liste des producteurs
agricoles qui répondent à la norme de la loi 64. Je crois que,
pour Laval, c'est dans les environs de 480 à 500. On a
vérifié...
M. Giasson: II y a combien de membres de IUPA sur ces 480?
M. Desnoyers: ... membres sur ces 500, probablement la
moitié, M. Nadon?
M. Nadon: Qui sont membres? M. Desnoyers: Oui.
M. Nadeau: Ils le sont presque tous présentement.
M. Desnoyers: II y a une partie de Montréal qui est
incluse là-dedans.
M. Lacroix: Là, on mêle une partie de
Montréal avec cela, Roxboro, Kirkland et tout cela.
M. Garon: ... ce n'est pas beaucoup.
M. Desnoyers: On mêle bien du monde; on n'a pas les
mêmes régions administratives que celles du ministère.
M. Giasson: Mais à Laval même, vous ne mêlez
pas cela, les...
M. Desnoyers: A Laval même, il semble, d'après ce
que M. Nadon dit, que la majorité des gens soient membres de IUPA; selon
la liste, il y en aurait environ 460, 480 agriculteurs reconnus par la loi
64.
M. Giasson: Qui mettent sur le marché pour une valeur de
$1000 et plus par année. D'après les superficies
cultivées, si je m'en remets aux chiffres que vous m'avez donnés,
vous auriez environ 6500 acres en culture.
M. Nadon: II y en a au-delà de 8000.
M. Giasson: Bien, j'ai pris 317 fermes sur lesquelles vous pouvez
trouver deux ou même trois propriétaires avec une moyenne de 20
acres par ferme. Cela donne 6340. Là, vous dites 8000.
M. Nadon: Si vous le multipliez par 480. Multipliez par 480 au
lieu de 317 et vous allez agrandir votre territoire.
M. Giasson: Oui, mais si vous avez trois propriétaires sur
la même ferme et que les trois sont membres de l'UPA.
M. Gibouleau: Oui, mais il y a beaucoup de fermes
louées.
M. Giasson: Vous avez trois membres de l'UPA sur la même
ferme, comme c'est là.
M. Gibouleau: II y a beaucoup de fermes louées à
ajouter là-dessus. Quand on dit que... Mettons un propriétaire
qui peut avoir 20 acres de terre, mais il peut en louer 20, 25, 30, 50. Elles
ne lui appartiennent pas, mais il les cultive quand même.
M. Giasson: D'accord, cela va. Cela fait une superficie
cultivée beaucoup plus grande que le calcul moyen.
M. Gibouleau: Oui, parce que nous autres, on a 1000 acres de
terre seulement à une place.'
M. Giasson: Vous en avez combien?
M. Gibouleau: 1000.
M. Giasson: 1000 au même endroit.
M. Gibouleau: Oui, qu'on loue et qu on cultive parce que cela
nous prend 500 à 600 acres en culture pour faire reposer le terrain.
Seulement nous autres, cela nous prend 1000 acres en culture.
M. Giasson: Est-ce qu'il est facile de croire que vous êtes
l'un des gros producteurs maraîchers de Laval?
M. Gibouleau: C'est le plus gros.
M. Nadon: C'est le plus gros. Pas le plus gros de corps!
M. Gibouleau: En superficie.
M. Nadon: Le plus gros en superficie.
M. Giasson: En volume de produits mis sur le marché.
M. Garon: Le plus gros en circonférence, c'est moi!
M. Giasson: Lorsque les autorités de la ville de Laval
nous ont indiqué que, selon leurs prévisions, elles voulaient
garder à l'agriculture entre 12 000 et 15 000 acres, est-ce que vous
trouvez que cela va être suffisant, quelle que soit la qualité des
cultures qu'on va pratiquer? Ce n'est pas suffisant pour répondre aux
besoins du marché local que vous avez réservé.
M. Gibouleau: C'est parce qu'il y a beaucoup d'agriculteurs dans
Laval; s'ils pouvaient avoir du terrain, ils pourraient grossir; ils ne sont
pas capables d'acheter le terrain et ils ne sont pas capables de le louer bien
souvent.
M. Giasson: Quand vous dites qu'ils ne sont pas capables de
l'acheter, c'est que les propriétaires ne veulent pas le vendre au prix
qu'on peut payer une terre pour fins agricoles parce qu'ils espèrent
obtenir de meilleurs prix.
M. Gibouleau: C'est cela.
M. Giasson: C'est de la spéculation.
M. Gibouleau: C'est de la spéculation.
M. Giasson: Ils veulent spéculer comme
propriétaires du sol.
M. Gibouleau: Oui.
M. Giasson: Quelles seraient, selon vous... Vous connaissez le
milieu de Laval. On a eu des chiffres venant des autorités de la ville;
on a une idée de la partie qui est zonée en vert, le zonage
provisoire...
M. Gibouleau: Dans lest surtout.
M. Giasson: ... dans l'est et il y en a près de la
rivière...
M. Gibouleau: Oui, Sainte-Dorothée.
M. Giasson: ... des Mille Isles et il y en a une petite pointe
dans l'ouest; je ne sais pas pourquoi, en partant d'une autoroute qui s'en va
vers Mirabel...
M. Gibouleau: Oui, Sainte-Dorothée; c'est un secteur de
serres uniquement, à peu près.
M. Giasson: Quelles seraient les capacités du
marché parce que vous avez un gros marché près de
vous autres, le marché de Laval, parce qu'il y a beaucoup de
résidents et vous avez l'île de Montréal tout près
quelles seraient les possibilités de conserver à
l'agriculture, quelle serait l'acrage ou la superficie qui pourrait être
gardée, sans nécessairement changer la vocation future? Il y a
encore de la place pour du développement résidentiel et autre.
Est-ce que 20 000 acres de terre à Laval pourraient être
conservées à l'agriculture, ou 25 000?
M. Gibouleau: C'est très difficile de répondre
à une question comme cela, parce qu'on n'est pas de là. Si vous
nous emmenez sur le terrain des technocrates... Si on est capable d'obtenir
encore du terrain, quitte... On est capable de s'agrandir. Comme j'ai dit, il
faut s'arranger pour se partager ce territoire, mais pas se l'enlever l'un
à l'autre. Si vous me demandez quelque chose à propos des
chiffres, je vous avoue franchement que c'est bien dommage, mais je ne suis pas
capable de vous répondre de façon précise
là-dessus.
M. Giasson: Je comprends que vous n'avez pas mené de
recherche particulière sur le potentiel d'avenir de la production
maraîchère ou un autre type de production.
M. Lacroix: Ce qui se produit, c'est qu'on sent le terrain se
dérober sous nos pieds et on dit: Whoa! Il faut que cette
affaire-là arrête. On veut conserver au moins ce que l'on a. Si on
est capable d'agrandir... C'est une loi sur la protection du territoire
agricole. Et, si on marche avec l'article 12 qui décrit tous les
critères pour savoir comment définir une bonne terre, à ce
moment-là, on pourrait facilement l'agrandir si on peut obtenir
cela.
M. Nadon: On ne pourra pas non plus empêcher la ville de
s'agrandir.
M. Demers: Ce n'est pas notre but non plus. Le potentiel est
là, mais on ne veut pas l'avoir complètement de notre
côté. Il faudrait se respecter mutuellement. Ce n'est pas dans
notre optique...
M. Giasson: Dans l'hypothèse où la partie qui est
en vert présentement ne serait pas tellement modifiée, sauf aux
endroits où, nécessairement, on ne peut pas arrêter parce
qu'il y a déjà des infrastructures placées et il faudra
que ce soit aménagé résidentiel, commercial ou autres,
croyez-vous que le fait d'établir un zonage qui détermine un
territoire agricole, une fois que cela sera effectué, que le prix des
terres va faire en sorte qu'un plus grand nombre de jeunes ou un plus grand
nombre de cultivateurs se porteront acquéreurs de ce sol?
M. Lacroix: Automatiquement, je crois qu'il y a une tendance
actuelle vers le retour à la nature. Si le ministre Garon travaille du
côté de la rentabilisation de l'agriculture, je pense que le
marché en sera activé du côté de l'agriculture. Dans
mon esprit, cela me paraît logique, même au risque de me tromper.
S'il décidait de moins rentabiliser cela qu'il le souhaiterait, on ne
viendrait peut-être pas en commission parlementaire, mais on essaierait
de trouver d'autres moyens...
M. Gibouleau: II y a des familles complètes... Les jeunes
ne peuvent pas acheter des terrains à Laval, c'est trop cher. Ils
doivent s'éloigner beaucoup. Il y a des familles complètes qui,
si elles avaient eu du terrain, il y a cinq ou dix ans, seraient
installées à Laval. Cela n'avait pas de sens de payer du terrain
$7000 ou $8000 l'arpent pour cultiver.
M. Giasson: Est-ce qu'il y a eu beaucoup de gens de Laval
intéressés en agriculture, entre autres dans l'industrie
maraîchère, qui ont quitté votre région pour aller
sur la rive sud?
M. Gibouleau: Beaucoup, sur la rive nord aussi, Saint-Roch et ces
places-là.
M. Nadon: A Saint-Roch et Mascouche, ce sont tous des anciens de
Laval qui cultivent et jardinent dans ce coin-là.
M. Gibouleau: Même à Laval, si les jardiniers
savaient où ils s'en vont, ils pourraient s'agrandir. Vous êtes
actuellement vis-à-vis de rien.
M. Giasson: Avez-vous des plans conjoints dans les
différentes productions maraîchères?
M. Gibouleau: Non. Ce n'est pas des plans conjoints que je
parlais...
M. Giasson: Ma question est hors de la réplique que vous
avez donnée. C'est pour...
M. Gibouleau: Quand vous voulez améliorer votre ferme et
que vous dépensez de l'argent, ce n'est pas pour un an ou deux, en
attendant... Il faudrait avoir des assurances que ce ne sera pas pour cinq ans
ou dix ans, alors on investirait de l'argent. Aujourd'hui, le prix d'une ferme
n'est plus de $20 000 ou de $25 000; souvent, une ferme qui est grosse un peu
vaut $150 000, $200 000 et $300 000.
M. Demers: C'est une industrie à ciel ouvert. Il y a
beaucoup de gens qui ne comprennent pas cela dans ce sens-là. Qu'on le
veuille ou non, l'agriculture est une industrie. Je verrais mal, dans un parc
industriel, prendre les industries et les faire déménager. On
trouverait cela absurde. C'est ce que l'on veut actuellement pour les
agriculteurs.
M. Giasson: Tout à l'heure, vous avez parlé des
espoirs que vous aviez à l'endroit du ministère de l'Agriculture
sur des politiques de rentabilisation de l'agriculture. Ces politiques
devraient être constituées de quel type de mesures?
M. Demers: Le projet de loi en soi est un pas en avant,
même si plusieurs le conçoivent autrement. Il faut commencer par
la protection du sol arable. Donc, je suis ici non pas pour appuyer le
gouvernement, mais pour appuyer la politique de protection du sol arable. Pour
les politiques, je pense qu'on pourra par la suite se réunir du
côté syndical et prendre position dans ce sens. C'est
prématuré je pense, actuellement de... On n'avait pas
planifié...
M. Giasson: C'est au fil de la conversation que je vous pose ces
questions. Cela va un peu dans le sens de la réponse qu'on m'a
donnée. Vous n'avez pas de plan conjoint, vous n'avez pas de programme
de stabilisation des prix dans les produits maraîchers non plus. Vous
jouez le jeu d'un marché ouvert, de l'offre et de la demande.
M. Demers: Oui, oui.
M. Desnoyers: C'est surprenant, mais cela va bien à Laval.
Dans ce sens, cela va bien, il y a un bon marché. On est collés
aux populations; les gars savent s'organiser, ils ont leur marché. Cela
va bien dans ce sens.
M. Giasson: D'accord.
M. Desnoyers: Mais il faut protéger les terres agricoles
à Laval parce qu'il n'y en aura plus tout à l'heure. C'est dans
ce sens qu'on est venus ici.
M. Gibouleau: On fait notre propre mise en marché, nous.
Autour de Montréal, tous les jardiniers font leur propre mise en
marché. C'est plus rentable comme cela.
M. Giasson: Vous vous protégez vous-mêmes...
M. Gibouleau: Oui.
M. Giasson: ... sans avoir la force du grand nombre.
M. Demers: On est venus ici, parce qu'on ne voulait pas qu'il y
ait d'intermédiaire du côté de la communication. On parle
d'agriculture à la personne visée directement, comme M. Garon l'a
bien spécifié tout à l'heure; même si ce n'est pas
volontaire, il y a toujours le risque de l'interprétation personnelle
quand on envoie des gens autres que ceux impliqués directement. Notre
but, comme agriculteurs j'espère qu'on ne sera pas les premiers
est de venir défendre notre position directement.
M. Giasson: Je vous remercie d'avoir préparé ce
mémoire qui touche un type d'agriculture un peu plus
spécialisé que celui qu'on peut retrouver dans d'autres
régions. C'est fort intéressant de prendre connaissance des
difficultés qui sont les vôtres, qui peuvent être
différentes de celles d'autres producteurs agricoles. Je voudrais vous
remercier d'être venus devant notre commission parlementaire. Merci, M.
le Président.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. le
député de Montmagny-L'Islet. M. le député de
Huntingdon.
M. Dubois: Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. Je
peux indiquer que j'ai vécu l'effritement de Laval depuis 25 ans. J'ai
connu le territoire il y a 25 ans et je l'ai vu diminuer progressivement au
niveau agricole. Je connais les fermes Mar-gi-ric, dont vous êtes un des
propriétaires, M. Gibouleau, et je connais vos
spécialités; c'est une des fermes les plus progressives du
Québec. Je suis au courant, vous avez de gros investissements dans le
prérefroidissement. Alors, j'imagine que vous ne seriez pas heureux de
laisser la ferme demain matin ou de la voir vendue. C'est cela?
M. Gibouleau: C'est cela.
M. Dubois: Je pense que vous tenez à être
protégé. La question que je veux vous poser, c'est: Est-ce que
vous êtes en danger, présentement, dans votre fonctionnement?
Est-ce que l'urbanisation vous serre de près?
M. Gibouleau: Non, pas pour le moment.
M. Dubois: Pas pour le moment. Maintenant, pendant ces
mêmes 25 ans... peut-être heureusement, les jardiniers de la
région de Laval, ou du Laval d'aujourd'hui, sont dans le comté de
Huntingdon; Sainte-Clothilde, Sherrington, Saint-Rémi, Saint-Michel. Un
bon groupe de ces jardiniers ont voulu garder la vocation d'agriculteurs ou de
producteurs maraîchers. On les a. Cela a quand même permis le
développement d'un autre secteur, qui n'était pas tellement
développé, celui de la production maraîchère.
A présent, disons que pour certains produits maraîchers, la
carotte, l'oignon, pour ne parler que de ces deux-là, on a
l'autosuffisance à cet égard. Dans d'autres domaines, on peut
rechercher l'autosuffisance, je suis d'accord, parce que la ville de Laval a
une vocation strictement de production maraîchère. Je ne pense pas
que l'on fasse de maïs-grain demain matin à Laval.
M. Gibouleau: Non.
M. Dubois: Le terrain est trop dispendieux pour le faire,
d'abord. Sans aucun doute, ce qui a poussé les gens à sortir de
Laval et à acheter des terres ailleurs, c'est le prix très
élevé des terres. Présentement, pouvez-vous nous dire
combien se vend une acre de terre qu'un agriculteur vendrait pour un
développement? Cela vaut quoi, l'acre?
M. Gibouleau: Pour le développement? M. Dubois:
Pour le développement, oui. M. Nadon: Du secteur.
M. Gibouleau: Cela dépend de sa situation
géographique, où elle se trouve.
M. Dubois: Mais au niveau...
M. Lacroix: Peut-être $5000, $10 000 même.
M. Dubois: L'acre?
M. Gibouleau: Oui.
M. Dubois: On peut voir par là l'attrait de vendre
à d'autres fins que la production agricole. Quelqu'un qui serait
propriétaire d'une centaine d acres et qui se verrait offrir, disons,
$5000 l'acre, c est quand même assez intéressant de recevoir $500
000.
M. Deniers: Disons qu'on va prendre 200 acres à $10 000,
cela fait $200 000. En tenant compte de l'intérêt...
M. Dubois: Cela fait $2 millions.
M. Demers: ... oublions la spéculation, l'inflation, cela
fait $20 000 par année.
M. Dubois: Si vous prenez 200 acres...
M. Demers: Automatiquement, il faut que le type qui vend...
M. Dubois: ... à $10 000, cela fait $2 millions.
M. Demers: ... aille investir ailleurs. (17 h 30)
M. Dubois: Oui, mais si vous payez 200 acres à $10 000
l'acre, cela fait 2 millions.
M. Demers: Non, 20 acres, excusez. 20 acres, ce qui fait 200 000,
bon, à 10% d'intérêt, on parle de taux
d'intérêt, cela fait $20 000 et on ne tient pas compte de
l'inflation. Automatiquement, quand un individu est déraciné
je vais prendre le terme je pense que c'est le mot en agriculture
déraciné, qui est arraché de son milieu,
automatiquement, si le type est assez jeune, il est presque obligé
d'aller se réinstaller ailleurs et souvent, ce n'est pas tellement
avantageux pour lui de...
M. Gibouleau: Même à $5000 l'acre, pour le
producteur agricole de Laval et il est préférable de rester
là, de refuser $5000 l'acre que d'aller s'établir ailleurs,
vendre cela et aller s'établir ailleurs.
M. Dubois: Mais il a eu la tentation de récupérer
un capital rapide et quand même assez intéressant. A certains
moments, c'est ce qui a poussé plusieurs producteurs agricoles à
vendre à Laval, pour la spéculation ou pour l'érection de
maisons ou de centres commerciaux ou de tout ce qu'on veut...
M. Gibouleau: Oui.
M. Dubois: II reste que, supposons que, présentement, tout
le territoire disponible à Laval serait en production
maraîchère, totalement en production maraîchère, y
aurait-il un danger de surplus, parce qu'en fait, il faut quand même
être conscient qu'on produit pendant trois mois, quatre mois par
année, et que tous les produits arrivent en même temps. Alors,
est-ce qu'il y aurait un danger, tenant compte du développement qui se
fait dans le sud il y en a de la production maraîchère
est-ce qu'il y aurait danger d'un surplus de production pour une
période donnée, si toutes les acres disponibles dans Laval
étaient développées pour production
maraîchère? Cela, disons que c'est une question que je tiens
à vous poser parce que je suis d'accord pour l'agriculture à
100%; c'est ma vie, l'agriculture. Je suis d'accord avec la protection de sols
fertiles, mais aussi il faut, par contre, peut-être, se donner un certain
degré d'autosuffisance et si on dépasse un certain pourcentage,
on peut créer des problèmes aussi... parce que je me dis que s'il
y avait, je ne sais pas, moi...
M. Gagnon: Vous dites que vous êtes d'accord avec la
protection du territoire agricole et vous avez voté contre le principe?
Non, mais c'est ce que vous mentionnez.
M. Dubois: Ecoutez, j'ai toujours dit que j'étais d'accord
pour le respect des terres fertiles; je n'ai jamais dit le contraire. La
deuxième lecture, chacun peut l'interpréter comme il veut, mais
il y avait tellement de vices dans le projet de loi que cela nous a
poussés à voter contre.
M. Gagnon: Non, mais depuis ce temps, en commission
parlementaire, vous vous dites d'accord avec le principe à chaque moment
et c'est tel principe pour lequel on votait.
M. Dubois: On a toujours été d'accord pour le
principe, même, je l'ai dit en deuxième lecture que j'étais
d'accord avec le principe.
Le Président (M. Boucher): S'il vous plaît,
messieurs, revenez-en à la discussion.
M. Dubois: Alors, cela ne sert à rien de s'engager vers
une deuxième... présentement, oui... Vous, M. Gibouleau, vous
avez certainement... avec un investissement de 500 acres que, je pense, vous
appartiennent, en fait, votre compagnie, vous avez un capital rapide possible
de $x millions. Je suis d'accord avec vous que vous voulez gardez votre
production maraîchère; c'est votre vie et vous aimez cela. Mais il
y a beaucoup de gens qui sont tentés par l'appât du gain rapide et
supposons que votre ferme vaut $1 million demain matin, par exemple, la ferme
de n'importe qui qui est près à de l'urbanisation, mais pour fins
agricoles, elle en vaut $100 000; c'est juste pour donner un exemple de
chiffres là. Il arrive la question d'indemnisation. Le type dit: "Moi,
je pourrais avoir $1 million dans ma poche demain matin pour ma ferme, mais je
suis obligé de la garder pour fins agricoles". Supposons que le zonage
se ferme, par exemple, est gelé, pour une longue échéance,
bien, qu'est-ce qui arrive avec le type qui dit: "Bien, moi, je viens
d'être pénalisé de $900 000. Cela, c'est une autre question
qui se pose et j'entends beaucoup de remarques à cet
effet. Je suis conscient que d'un côté on veut conserver
nos sols pour production maraîchère; d'un autre côté,
il y a un type qui dit: "Moi, je ne suis plus intéressé de
produire, je pourrais avoir $1 million pour ma ferme, mais je suis
obligé de la garder. Cela cause des problèmes quand
même.
M. Gibouleau: Oui, mais ce n'est pas dans la zone agricole qui va
rester que le gars peut vendre sa terre à $1 million. Il va vendre sa
terre... disons qu'on ne parlera pas de millions, on va parler de $1000 par
acre. Chez nous, le terrain ne vaut pas $10 000 l'acre comme c'est là.
Même si le zonage agricole n'était pas passé; s'il n'y
avait pas de protection de terres agricoles, le prix du terrain où je
suis, dans l'île, c'est $1000 à $1500 l'acre, pas $5000 et $10
000.
M. Dubois: Oui, mais il y en a présentement qui sont dans
le secteur réservé pour fins agricoles et qui sont très
près de l'urbanisation où les terres valent plus cher que $1000
l'acre, présentement, actuellement, au moment où on se parle.
M. Gibouleau: Oui, mais ce n'est pas la majorité. Cela,
c'est minime.
M. Dubois: Je suis d'accord, mais que ce soit un individu ou dix
individus ou 100 individus, es-ce que vous avez une formule à
suggérer pour ces gens? Est-ce que vous avez rencontré des gens
qui se sont sentis pénalisés?
M. Gibouleau: Oui, j'en connais.
M. Dubois: Et, qu'est-ce qu'ils en disent, eux, de la nouvelle
indemnité?
M. Gibouleau: Bien, ils ne trouvent pas cela juste.
M. Dubois: C'est un problème. M. Gibouleau: Ce
n'est pas la majorité des... M. Dubois: Je suis d'accord avec
vous. M. Gibouleau: C'est minime.
M. Dubois: Comme on va en rencontrer aux alentours des petites
villes un petit peu partout dans le secteur de Montréal?
M. Gibouleau: C'est cela.
M. Dubois: Ceux qui sont en périphérie et dont le
terrain vaut peut-être trois ou quatre fois plus cher pour l'exploitation
de résidences que pour la production agricole. C'est un problème
qu'on remarque fréquemment dans la région de Montréal
surtout.
M. Gibouleau: Oui.
M. Dubois: Je vous remercie, messieurs.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. le
député de Huntingdon. M. le député de
Beauce-Sud.
M. Roy: Merci. Vous avez parlé de la vente des terres, des
prix auxquels les terres peuvent se vendre à l'acre pour des fins de
construction domiciliaire ou pour des fins agricoles. Il y a une question qui a
été posée préalablement à laquelle vous avez
fait allusion lors des premières questions qui vous ont
été posées, à savoir qu'il y a quand même
certaines possibilités de location de terrain; combien cela coûte
annuellement pour louer une acre de terre?
M. Gibouleau: Pour louer du terrain? Il n'y a personne qui loue
le même prix; pour une terre de 50 acres, on peut vous demander $2000,
soit $40. l'acre; si tu ne donnes pas $2000, laisse-la là, elle va
pousser en friche et cela finit là.
M. Roy: Quand vous parlez de $2000, c'est pour 40 acres?
M. Gibouleau: 50 acres à $40 l'acre.
M. Roy: $40 l'acre. Quel est le prix moyen? Il y a quand
même une moyenne. Je pense que cela varie... Le minimum et le maximum,
par exemple?
M. Gibouleau: Cela va de $25 à $50. On en paye de $25
à $50.
M. Roy: Maintenant, pour ces terres louées, est-ce que
vous pouvez compter sur des locations à moyen terme ou si c'est à
très court terme?
M. Gibouleau: Un an.
M. Roy: II n'est pas possible d'aller plus loin qu'un an?
M. Gibouleau: Très rarement.
M. Roy: Cela veut dire que c'est absolument impossible et
impensable de songer à faire des investissements à moyen terme
pour l'exploitation de ces terres.
M. Gibouleau: C'est cela. Il y a des terres qu'on pourrait
drainer, mais on est dans l'impossibilité de drainer des terres quand on
a un bail d'un an.
M. Roy: C'est une information qui est importante, je pense, pour
la commission, à savoir quelles sont les possibilités à ce
niveau. Dans le plan que la ville a préparé et qu'on nous a
montré à la commission parlementaire de vendredi soir dernier, il
y avait, bien entendu, des différences marquées entre le volume
des terres réservées par la ville dans son plan de zonage et le
volume des terres qui étaient réservées en vertu du projet
de loi qui est actuellement en discussion. Vous connaissez sûrement les
deux plans, l'étendue des
deux territoires, est-ce qu'il est possible de maintenir à moyen
terme l'acrage" de terres qui est réservé actuellement dans le
projet de loi 90? Tout d'abord, est-ce que cela vous semble réaliste?
Deuxièmement, si cela vous semble réaliste, est-ce qu'il est
possible de le garder comme tel je ne parle pas de quelques petites
variantes, de petites questions d'ajustement dans l'ensemble?
M. Lacroix: M. Roy, vous parlez du plan actuel?
M. Roy: Je parle du territoire réservé actuellement
par la loi 90.
M. Lacroix: Comme tout le monde le sait et le dit, c'est un plan
provisoire. Le plan définitif sera situé après que la loi
sera adoptée, après que la municipalité et les producteurs
se seront entendus; à ce moment-là, on aura un plan
déterminé. Pour le moment, j'ai l'impression que nous, on dit: On
veut avoir cela. La municipalité veut avoir cela. Tout le monde veut
avoir du terrain. On saura cela après qu'on sera passé à
la commission.
M. Roy: Ce que je veux dire je me suis peut être mal
exprimé, je n'ai peut-être pas été assez clair dans
ma question est-ce que l'ensemble du territoire qui a été
réservé par la loi semble réaliste?
M. Lacroix: A l'heure actuelle, le territoire est trop grand. Il
y a des zones où il n'y a même plus d'exploitation. Cela ne donne
rien. On a parlé du projet Campeau; on a parlé du parc
industriel, cela ne dérange personne; il n'y a plus d'agriculture
à cet endroit. C'est pour cela que le plan... On a avancé des
chiffres de 50% du territoire; notre maire s'est plaint d'être le maire
de la plus grande municipalité rurale de la province. C'est
évident. On revient toujours au même point: C'est provisoire. Il y
a ce plan-là, mais il va être modifié.
M. Roy: On le sait très bien et on nous l'a d'ailleurs dit
que c'était un plan provisoire. Tout le monde en convient, mais à
cause des discussions que nous avons eues avec les autorités de Laval,
il y avait une énorme différence. Le plan réservé
par la ville était d'à peu près 50% inférieur aux
territoires réservés par la loi 90. C'est à peu
près la moitié de l'autre. Même pas. Je pense que c'est le
tiers. Moins de la moitié de l'autre. C'est la raison pour laquelle je
demande ici aujourd'hui des explications. J'essaie de savoir si le territoire
réservé correspond mieux à la réalité.
M. Nadon: M. Roy, le plan de la ville qu'on vous a
présenté était-il zoné vert, à l'ouest de
l'autoroute 13 et à l'est de l'autoroute Papineau-Leblanc?
M. Roy: Je connais moins la ville de Laval dans les
détails. Je me suis surtout référé à
l'étendue.
M. Nadon: En réservant le milieu pour le centre
industriel.
M. Garon: II n'y avait rien dans le milieu? Il n'y avait pas de
vert dans le milieu?
M. Nadon: Cela aurait peut-être du bon sens, à
condition que celui qui est déjà agriculteur dans le centre soit
protégé pour longtemps et qu'il n'ait pas de punition. Autrement
dit, s'il veut embarquer de lui-même dans la zone verte, il pourra durer
encore peut-être dix, douze, quinze ou vingt ans.
M. Roy: Selon le taux de croissance que connaît ville de
Laval depuis quelques années, en supposant que le taux de croissance
actuel soit maintenu il est évident que l'espace agricole
rétrécit d'année en année l'agriculture
pourrait durer pendant encore combien d'années à Laval?
M. Nadon: Si elle garde des zones vertes...
M. Roy: Non. Supposons qu'il n'y ait aucun plan. Compte tenu de
l'étendue, on a nettement l'impression n'étant pas
résident de Laval, il est évident qu'on connaît moins les
problèmes de la ville que le conseil de ville, comme la plupart
des conseils de ville de Québec, fait tout ce qu'il peut pour favoriser
le développement industriel et le développement domiciliaire de
sa municipalité. On nous a parlé d'un plan dont la confection
avait coûté près de $10 millions. On a même
parlé de plus de $10 millions pour le plan de zonage, le plan
d'urbanisme, tout cela, qui ont été préparés par la
ville de Laval. En supposant qu'on laisse faire les choses sans loi de
protection des terres agricoles, pendant combien d'années l'agriculture
à Laval pourrait-elle tenir le coup?
M. Nadon: Si la ville ne met pas de contrôles, si elle
donne des permis partout, ce sera un vrai fouillis. Mais si elle réserve
à l'ouest de l'autoroute Mirabel et à l'est de l'autoroute
Papineau-Leblanc, cela veut dire que cela ne passera pas devant l'île de
Montréal. On pourrait cultiver beaucoup sur l'île de
Montréal si on n'avait pas laissé pousser cela comme nous
l'appelons en "fardoche". Ce qui veut dire que dans 100 ans, il y aura encore
de la culture à Laval.
M. Roy: Je vous remercie.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. le
député de Beauce-Sud. M. le député de
Champlain.
M. Gagnon: C'est une question d'information. Vous avez
mentionné la grandeur de la terre par rapport à votre
spécialité, l'horticulture. Je voulais savoir si à l'UPA
on a défini ce qu'était une unité homme/travail suivant
les différentes spécialités. Je ne sais pas si cela a
été défini pour l'horticulture. Ce serait quoi, par
exemple, une unité homme/travail pour un spécialiste en
horticul-
ture? Quelle serait la grandeur de la ferme pour un propriétaire
d'une entreprise familiale?
M. Lacroix: Pour l'UPA, c'est 3000 heures de travail, si je me
souviens bien.
M. Gagnon: C'est cela. Cela donnerait quoi, en "acrage" dans
votre spécialité? Le savez-vous?
M. Desnoyers: Malheureusement, le comité MAQ-UPA qui
s'occupe des coûts de production et qui établit les ITH n'en est
pas rendu là. Il est rendu à d'autres étapes. Ce n'est pas
dû à l'UPA exclusivement. C'est un comité MAQ-UPA
qui...
M. Gagnon: Je voulais m'informer parce que la question m'a
été posée hier soir. Je n'avais pas la réponse non
plus et je me demandais si vous l'aviez.
M. Desnoyers: Tous les coûts de production vont sortir
aussi vite qu'ils agiront.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Saint-François.
M. Rancourt: M. Gibouleau, quel serait le revenu brut par acre en
culture maraîchère actuellement, à peu près,
à Laval?
M. Gibouleau: Tout dépend de la culture.
M. Rancourt: Cela dépend des cultures. Je le sais bien.
Mais quel est le plus élevé actuellement dans une production
donnée?
M. Nadon: Cela dépend des années.
M. Rancourt: Oui, des années aussi. Je suis bien conscient
de cela. Je suis aussi agriculteur.
M. Gibouleau: $500 à $3000 l'acre.
M. Rancourt: Oui, je sais que cela pouvait aller jusqu'à
$3000. Si vous considérez 8000 acres à $3000 l'acre comme revenu
maximum, cela fait un bon parc industriel, ne pensez-vous pas? Cela
équivaut à beaucoup de parcs industriels au Québec...
M. Gibouleau: Oui.
M. Rancourt: ... et je me demande s'il ne faudrait pas justement
avoir des parcs agricoles et qu'une ville considère que son parc
agricole est aussi rentable qu'un parc industriel.
M. Gibouleau: Oui.
M. Rancourt: Merci. (17 h 45)
Le Président (M. Boucher): Alors, comme il n'y a pas
d'autres intervenants, je remercie... Oui, M. le ministre.
M. Garon: Une acre de légumes, je ne parle pas des
légumes qui se vendent en grosse quantité, comme les patates ou
le maïs, mais des légumes qui se vendent plutôt à la
livre, cela rapporte combien?
M. Gibouleau: Une acre? M. Garon: Légumes fins,
oui.
M. Gibouleau: Une acre? Dans quoi, dans le chou, une affaire
comme cela?
M. Garon: Dans le brocoli, dans le chou-fleur ou dans...
M. Gibouleau: Dans le brocoli, cela peut aller à $3000
l'acre.
M. Giasson: La carotte?
M. Gibouleau: La carotte, je ne puis pas vous le dire.
M. Giasson: L'oignon?
M. Gibouleau: Ce ne sont pas des cultures qui se font à
Laval.
M. Giasson: Le concombre?
M. Gibouleau: A Laval, il y a presque 40% de la culture du chou
de la province, qui vient de cet endroit.
M. Garon: Et le chou, cela rapporte combien à l'acre?
M. Gibouleau: $1500 l'acre, approximativement. Cela dépend
de la saison et cela dépend du prix.
M. Garon: En moyenne. M. Gibouleau: En moyenne.
M. Garon: Et puis, quand vous dites $3000 de brocoli, sans tenir
compte du coût du sol, cela coûte combien de dépenses?
M. Giasson: Le ministre du Revenu n'est pas ici?
M. Garon: Tout cela en gros-là "rough". M. Gibouleau:
En gros "rough".
Une Voix: Ce n'est pas pour découvrir ce que vous
gagnez.
M. Garon: Non, c'est pour montrer, comme vous disiez plus
tôt, qu'une bonne terre à légumes, même si elle se
vend cher, elle peut être encore profitable.
M. Gibouleau: Cela dépend, il y a beaucoup
d'investissement. Comme la culture du brocoli, c'est un gros investissement
pour quelqu'un qui part là-dedans. Si on compte tout, je n'ai pas mes
chiffres ici.
M. Nadon: Vous irez faire un tour au bureau, chez le ministre.
Allez faire un tour à son bureau.
M. Garon: Non, ce n est pas pour moi que je veux le savoir. C'est
pour les fins de la commission, pour montrer que... Est-ce qu'il y a des petits
fruits qui se font sur lîle Laval?
M. Nadon: Très peu. M. Garon: Très peu.
M. Nadon: Si vous prenez le prix dans le maïs sucré,
cela va être pas mal en bas de $3000.
M. Garon: Je le sais.
M. Nadon: M. le ministre, pourriez-vous faire quelque chose,
à propos de l'article 106? Ces jardiniers-là, qui sont
ceinturés par des projets de résidences et qui veulent continuer
à être agriculteurs, un jour viendra qu'ils seront obligés
de partir. On ne veut pas qu'ils soient pénalisés. Si le type est
jeune et a des remplaçants, il pourra aller s établir un petit
peu plus loin. Mais si I homme a 65, 70 ans, de la relève il n'en a
plus. Il continue son métier, tant quïl peut, mais un jour
donné, un jour arrivé, il faut qu'il vende pour la
construction.
M. Giasson: M. le Président, une dernière question,
peut-être. J'ai oublié de vous la poser tout à l'heure, ce
ne sera pas long, M. le Président. Quand vous avez demandé
d'être libéré de l'obligation de passer par la
municipalité, c'est-à-dire que les décisions ou les
demandes que vous formulez soient acceptées directement à la
commission, sans le mot de la municipalité, est-ce que c est pour gagner
du temps, ou si vous craignez que la municipalité n'ait pas les
mêmes objectifs que vous?
M. Nadon: Savez-vous pourquoi? Depuis les lois 48 et 50: il faut
passer devant la régie pour se faire considérer agriculteur.
M. Giasson: Devant la régie?
M. Nadon: Devant la régie, pour voir si on est vraiment
agriculteur.
M. Giasson: La Régie des marchés agricoles?
M. Nadon: Non.
M. Lacroix: La Régie sur la Loi sur l'évaluation
foncière.
M. Nadon: L'évaluation foncière du "bill " 50,
là. En 1973-1974, seulement dans Laval, c étaient des vraies
processions. Des 250, 300 agriculteurs devaient passer devant la régie.
Encore l'an passé, il y en avait au-delà de 100.
M. Giasson: Pour faire la preuve qu'ils étaient des
producteurs agricoles au sens de la loi 64.
M. Nadon: Oui, cela fait que... les premières
années, quand on était assez nombreux on pouvait avoir le juge
à Laval. Mais, depuis deux ans, on ne la plus. Il faut aller faire la
parade à Montréal. Moi-même, j'en suis un qui passe tous
les ans.
M. Gibouleau: C'est parce que, si on passe par la
municipalité, on ne voit pas comment elle peut prendre nos
intérêts. C'est pour cela qu'on demande de passer directement par
la commission. C'est aussi simple que cela.
M. Giasson: Je comprends.
M. Garon: Est-ce que la municipalité, par ses
règlements, favorise l'agriculture? Par exemple, est-ce que les
policiers vous surveillent pour voir si vous ne faites pas trop de bruit?
M. Gibouleau: Ils font tout pour faire disparaître I
agriculture.
M. Garon: Voulez-vous expliquer davantage?
M. Demers: Avec l'exemple que j'ai donné du permis, tout
à l'heure, à mes yeux, on a pas mal le tableau de la situation.
Qu'on le veuille ou non, moi je le vois dans ce sens-là, au risque de me
tromper... Corrigez-moi.
M. Nadon: II y a quelques années, M. le ministre, on
n'avait pas besoin de permis pour bâtir une serre en polythene, qui est
couverte trois ou quatre mois par année, pour le restant elle est nue.
Aujourd'hui, si vous ne demandez pas un permis, la police vient tous les jours
et il y a une arrestation.
M. Gibouleau: Même plus, quelqu'un qui...
M. Nadon: Ensuite, on ne peut pas bâtir où l'on
veut, il faut bâtir où ils veulent.
M. Gibouleau: Quelqu'un veut bâtir une remise pour ranger
sa machinerie, il faut que ce soit fait suivant les plans de la ville, il faut
que ce soit en tôle de couleur pour l'esthétique de la ville. Aie!
I'agriculture, il y a toujours un martyr de bout! On n est pas dans
l'esthétique, on est dans l'agriculture...
M. Roy: J'aurais une question pour suivre celles qui viennent
d'être posées.
Le Président (M. Boucher): Si c'est sur le même
sujet. Est-ce que vous permettez M. le député de
Kamouraska-Témiscouata? C'est parce
que le député de Kamouraska-Témiscouata avait
demandé la parole...
M. Roy: Est-ce que l'environnement vous cause bien des
problèmes à Laval?
M. Lacroix: On n'a pas abordé ce problème-là
ici aujourd'hui...
M. Roy: Je sais que vous ne l'avez pas abordé, mais quand
même, ce serait important, je pense.
M. Lacroix: On a des problèmes, mais... La question de
l'environnement? Ah, d'accord, c'est correct. A ce point de vue-là, non,
pas tellement. Il n'y a pas beaucoup de production laitière, et c'est
toujours situé aux extrémités.
L'environnement, je le prenais dans le sens des gens qui nous
entourent...
M. Roy: Oui, c'était ma deuxième question.
M. Lacroix: De ces gens on a des problèmes, parce qu'au
niveau de la force constabulaire de Laval on a quelquefois des griefs à
ce sujet, mais on n'est pas tellement entendus. Il y a bien des choses qui sont
difficiles pour la municipalité ou pour les forces constabulaires. Par
exemple de surveiller des champs de maïs, de tomates ou de piments, c'est
difficile pour une municipalité. A ce moment-là, c'est nous, au
niveau local, qui pouvons régler nos problèmes. On va essayer
d'aller voir les gens en question et de s'entendre ou d'exprimer nos griefs
à ce sujet.
M. Roy: Est-ce à cause du pillage?
M. Lacroix: Le pillage, c'est inévitable, du vandalisme
aussi. Qui n'en a pas?
M. Roy: Mais à d'autres niveaux, vous n'avez pas d'autres
problèmes?
M. Lacroix: A quoi pensez-vous en me posant cette question?
M. Roy: Je pensais, par exemple on voit cela dans d'autres
endroits, on n'a pas besoin d'aller en ville... Un cultivateur veut agrandir
ses bâtisses vous en avez parlé au niveau des permis
tantôt mais vous pouvez avoir des plaintes de citoyens qui ne sont
pas dans l'agriculture et qui se plaignent... Par exemple, vous faites des
épandages d'engrais, j'imagine, à un moment donné...
M. Lacroix: Oui.
M. Roy: Bon! Vous avez des difficultés à ce
niveau-là?
M. Lacroix: C'est surtout de l'engrais chimique par
exemple...
M. Roy: Vous n'avez pas de fumier?
M. Lacroix: Oui, on en emploie, mais là-dessus, on se
conforme... Si on étend du fumier, on s'arrange pour l'enterrer. On ne
le laisse pas là pendant une semaine pour que tout le monde ait cette
senteur-là. On essaie de collaborer, de faire notre part nous aussi.
M. Roy: Ce n'était pas au sujet de votre part que je
m'interrogeais, parce que je n'en doutais pas. C'était au sujet de la
persécution qui pouvait vous être faite. C'est surtout à ce
niveau que je vous pose la question.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Kamouraska-Témiscouata.
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): Je voudrais
vous remercier pour votre mémoire. Je trouve intéressant de
discuter d'agriculture, de culture maraîchère, surtout lorsque
vous avez autour de la table trois députés agriculteurs dont
moi-même. Tout à l'heure j'ai eu un peu peur quand le ministre
voulait vous faire dévoiler vos secrets en culture
maraîchère. Parce que vous savez, le ministre cultive le
blé d'Inde et il était peut-être intéressé
à aller dans le chou. Il faudrait faire attention à cela...
Je voudrais vous poser la question suivante sur le projet de loi 90
concernant la protection des sols arables. Vous avez dit tout à l'heure
que c'était une étape et le député de
Montmagny-L'Islet vous demandait si c'est cela qui allait, juste ce projet de
loi. Vous avez répondu qu'il faudrait qu'il y ait d'autres poitiques
pour venir combler. Je pense que vous êtes au courant des projets de loi
99 et 100 pour créer une banque de sols et doubler les subventions pour
l'aide aux jeunes agriculteurs pour inciter les jeunes à prendre la
relève de l'agriculture. Je voudrais vous poser une question.
Pensez-vous que les gouvernements qui nous ont précédés se
sont réellement penchés sur la problème agricole tel quel,
d'après vous, comme agriculteurs, comme horticulteurs? Pensez-vous
qu'ils s'y sont réellement arrêtés comme le gouvernement
actuel le fait?
M. Demers: Je crois que leur intention était de s'y
arrêter. Je n'en doute aucunement. Mais c'est peut-être le courage
politique qui a manqué. Je suis convaincu qu'ils avaient de bonnes
intentions comme le gouvernement actuel, mais étant donné le
fouillis dont on a parlé tout à l'heure, cela demandait tellement
d'énergie, côté heures de travail, tout l'ensemble a
peut-être...
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata):
Est-ce que cela vous fait plaisir de voir des députés
agriculteurs qui siègent ici à l'Assemblée nationale?
M. Demers: Oui.
Le Président (M. Boucher): M. Lacroix.
M. Lacroix: II y a une chose que je n'arrive pas à
comprendre. J'ai ici un petit dépliant qui dit, au
sujet de I agriculture: "L'agriculture, en assurant la
rentabilité des fermes et des revenus acceptables aux agriculteurs par
l'adoption d'un plan complet de zonage agricole, l'augmentation substantielle
des mesures de crédit, la diversification des productions, la formation
de la main-d'oeuvre, l'efficacité des programmes de mise en
marché et le développement du secteur agro-alimentaire... ' C'est
un autre parti politique qui a déjà suggéré cette
chose-là. Je ne comprends pas cela; quand il s'agit d'une question de
zonage agricole, il y en a qui sont pour et d'autres qui sont contre. Le
principe du zonage agricole, il me semble, est un principe...
M. Chevrette: Qui a écrit cela?
M. Lacroix: C'est un parti politique. Je ne suis pas ici pour
faire de la politique. Je suis ici tout simplement pour dire ce qui en est.
M. Chevrette: Vous citez un document. Cela doit être
public.
M. Lacroix: C'est un ancien gouvernement. M. Chevrette:
Est-ce un article de journal? M. Lacroix: Non, c'est un
programme.
M. Chevrette: Un programme qui date de quelle année?
M. Lacroix: Les années soixante-dix. Une Voix: On
ne sait pas de qui.
Une Voix: C'est pour cela que je ne comprends pas comment il se
fait que...
M. Giasson: M. le Président, puisque la porte est ouverte,
nous allons pénétrer par la porte. Reconnaissez-vous tout de
même...
Le Président (M. Boucher): Une minute, monsieur...
M. Giasson: ... que le dernier gouvernement a donné
à l'agriculture la Loi des producteurs agricoles qui était
réclamée, d'accord, depuis des années, qu'il a
amélioré constamment la Loi de mise en marché...
M. Gagnon: Quelle loi?
M. Giasson: ... la loi 64... la Loi de mise en marché en
donnant de plus en plus de pouvoirs aux producteurs organisés à
l'intérieur de plans conjoints. Croire que l'agriculture a
commencé au Québec depuis deux ans, qu'il n'y avait rien avant
cela, s'il y a des gens qui veulent croire cela, libre à eux. Mais il
s'est fait une évolution en agriculture. Elle n'est pas terminée.
Elle va continuer. Ce gouvernement partira et d'autres gouvernements vont
suivre et ils vont continuer de travailler. Il ne faut pas croire qu'on a
réinventé la roue depuis deux ans au Québec en
matière d'agriculture.
M. Baril: II a donné un bon coup d'épaule, par
exemple!
M. Giasson: On n'a pas réinventé la roue. On a tout
simplement permis à des cultivateurs organisés à
l'intérieur de plans conjoints en vertu de pouvoirs qui ont
été votés par des gouvernements antérieurs
et je ne dis pas un gouvernement, je dis des gouvernements antérieurs
qui ont apporté les pouvoirs... L'histoire de l'agriculture va
continuer. Cela n'en sera ni le début ni la fin avec l'actuel
gouvernement.
M. Lacroix: M. Giasson, la question de la terre, c'est
l'instrument principal. La terre, être capable d'avoir des terrains pour
cultiver, c'est l'instrument principal. Comment s fait-il que cela ait pris
tant de temps avant qu'on aboutisse et pourquoi a-t-on tant de problèmes
avec...
M. Giasson: Les agriculteurs qui ont tenu à I'instrument
principal, ils ne l'ont jamais vendu. Il y a des milliers d'agriculteurs au
Québec qui n'ont jamais voulu disposer même d'un demi-hectare sur
leur ferme même si cela aurait été intéressant de le
vendre, ce demi-hectare, à quelqu'un qui aurait voulu s'y construire.
Beaucoup de cultivateurs ont dit: On conserve notre ferme intégrale. Il
n'y a pas de gouvernement qui les a forcés à vendre. Ces
gens-là ont toujours gardé leur ferme depuis des
décennies. Ils continuent et même s'il n'y avait pas eu de loi 90,
ceux qui croient à la conservation du sol l'auraient conservé
comme toutes les générations précédentes ont su le
faire. Par contre, à Laval, vous avez là des pressions qu'on ne
retrouve pas dans une région comme la mienne.
M. Lacroix: Justement. Notre cas est... (18 heures)
M. Giasson: Je comprends que chez vous, à cause de
conditions particulières, il faut que vous vous battiez, d'une certaine
manière, pour conserver votre terre ou acquérir la terre d'un
autre individu qui est agriculteur mais qui ne veut pas continuer ainsi, qui
veut la vendre, profitant d'un prix intéressant au moment de la
vente.
Le Président (M. Boucher): Excusez-moi, M. le
député de Montmagny-L'Islet, il est temps de fermer la porte,
c'est dangereux pour les courants d air. Il est 18 heures; nous devons
suspendre jusqu'à 20 heures.
M. Roy: Avant de suspendre, M. le Président, j'aimerais
qu'on fasse un survol rapide des organismes qui sont censés se
présenter devant nous ce soir.
Le Président (M. Boucher): Alors, le prochain
organisme...
M. Roy: Quels sont ceux et celles qui sont ici?
Le Président (M. Boucher): ... c'est la Corporation
professionnelle des urbanistes de Québec.
M. Roy: Sont-ils ici? Bon!
M. Nadon: Messieurs de la commission, je vous remercie de nous
avoir entendus.
Le Président (M. Boucher): Alors, je remercie M. Nadon et
ceux qui l'accompagnent, au nom de tous les membres de la commission.
Merci.
Il y a la Corporation professionnelle des urbanistes de Québec.
Il y avait quelqu'un.
M. Roy: Oui, ils sont ici.
Le Président (M. Boucher): La Fédération
interdisciplinaire de l'horticulture ornementale du Québec Inc.
M. Roy: Ils sont ici.
Le Président (M. Boucher): La municipalité de
Saint-Etienne-de-Beaumont.
M. Giasson: Le ministre est là. M. Garon: Comme
porte-parole.
Le Président (M. Boucher): Ces gens vont venir ce soir,
probablement. Ils sont venus cet après-midi et ils ont vu qu'il y en
avait d'autres qui attendaient. Il y a le Conseil régional de
développement des Laurentides et le Comité de vigilance de
Saint-Sulpice.
Bon! Possiblement qu'ils seront ici après le souper; de toute
façon... Il y a le Conseil de comté de Joliette.
La commission suspend ses travaux jusqu'à 20 heures.
Suspension de la séance à 18 h 2
Reprise de la séance à 20 h 10
Le Président (M. Boucher): A l'ordre, s'il vous
plaît!
Lors de la suspension, nous avions fermé les portes, étant
donné qu'il y avait danger de courant d'air et nous en étions
à la Corporation professionnelle des urbanistes de Québec,
représentée par M. Luc Tittley, président.
M. Chevrette: J'aurais une directive à vous demander.
Le Président (M. Boucher): Oui, M. le député
de Joliette-Montcalm.
M. Chevrette: J'aimerais que vous appeliez immédiatement
l'ordre des intervenants de ce soir, s'il vous plaît!
Le Président (M. Boucher): L'ordre des intervenants: Ce
soir, il y aurait la Corporation professionnelle des urbanistes de
Québec, suivie du Conseil de comté de Joliette, par la suite la
Fédération interdisciplinaire de l'horticulture ornementale du
Québec Inc., au nom de l'Association des producteurs de gazon du
Québec Inc., et l'Association des paysagistes et des
pépiniéristes du Québec Inc. et Fleur Canada,
région Québec. Ensuite, il y aurait la municipalité de
Saint-Etienne-de-Beaumont, le Conseil régional de développement
des Laurentides et le Comité de vigilance de Saint-Sulpice.
Voilà, M. le député de Joliette-Montcalm.
M. Chevrette: Merci.
M. Paquin (Jean): Est-ce que je peux vous demander pourquoi vous
nous retardez encore d'une coche?
Le Président (M. Boucher): It y a un organisme qui a pris
des arrangements pour passer en deuxième, étant donné
qu'ils n'ont pas de chambres pour ce soir et qu'ils doivent retourner
immédiatement.
M. Paquin: C'est le métier qui rentre, parce qu'on est ici
depuis 10 heures ce matin. A l'avenir, je prendrai des arrangements.
Le Président (M. Boucher): Quel organisme
représentez-vous?
M. Paquin: La Fédération qui porte un grand
nom.
Le Président (M. Boucher): La fédération
vient immédiatement après Joliette.
M. Paquin: C'est cela, mais...
Le Président (M. Boucher): Vous allez certainement
être entendus ce soir.
M. Paquin: Merci. M. Chevrette: Voilà l'Opposition!
Le Président (M. Boucher): Alors... M. Garon: ...
Le Président (M. Boucher): M. Tittley, si vous voulez
procéder à la lecture de votre mémoire, nous sommes
là pour vous entendre.
A l'ordre, s'il vous plaît!
Corporation professionnelle des urbanistes de
Québec
M. Tittley: Messieurs les membres de la commission parlementaire,
M. le ministre, M. le Président, les urbanistes que nous
représentons aujourd'hui devant vous forment le groupe de professionnels
le plus directement impliqué dans la
planification et la gestion de l'utilisation du sol. Nous sommes donc,
à ce titre, intéressés par le projet de loi que vous
êtes appelés à discuter.
Des représentations ont déjà été
faites au ministre de l'Agriculture lors de sa tournée de consultation.
Le mémoire que nous lui avons soumis soulignait l'urgence d'intervenir
dans le secteur économique important qu'est l'agriculture et la
priorité d'assurer la protection du territoire agricole. Sans reprendre
le débat sur la nécessité de viser la rentabilité
de l'agriculture, nous croyons toutefois important de rappeler que la
protection du territoire agricole ne peut être qu'un volet d'une
politique d'ensemble cohérente et dynamique de développement
agricole.
Plusieurs déclarations du ministre de l'Agriculture depuis le
mois de septembre nous portent à croire que ce message maintes fois
répété par des groupes plus directement concernés
ou plus qualifiés que nous n'est pas tombé dans l'oreille d'un
sourd. Le débat qui nous intéresse aujourd'hui ne porte pas sur
l'objectif visé par le ministre de l'Agriculture d'assurer la protection
du patrimoine foncier utilisé à des fins agricoles ou pouvant
l'être à cause de son potentiel intrinsèque. Tous ont
marqué leur adhésion à cet objectif.
Le débat porte plutôt sur le moyen choisi par le
gouvernement pour atteindre cet objectif, le projet de loi no 90 soumis par
l'honorable Jean Garon. En prenant connaissance de ce projet de loi, nous nous
sommes interrogés, d'une part, sur l'approche choisie par le ministre de
l'Agriculture pour assurer la protection du territoire agricole et, d'autre
part, sur son opportunité dans le contexte québécois de
contrôle de l'utilisation du sol et, enfin, sur les modalités de
mise en oeuvre du projet de loi.
L'approche. L'approche nous apparaît être d'une logique
implacable. Le projet de loi est fort bien conçu. La mesure
utilisée pour assurer la protection efficace du patrimoine foncier
agricole est l'exclusion a priori de toutes les activités autres que
l'agriculture. Le territoire d'application couvre toute la plaine du
Saint-Laurent et de l'Outaouais à l'exception des espaces
déjà urbanisés. Le mécanisme de gestion qu'on
envisage est celui de la négociation à la pièce des
limites spatiales du territoire, de l'application, de l'exclusion et de
l'étendue de sa portée. L'institution de mise en oeuvre est un
tribunal administratif, la Commission de protection du territoire agricole du
Québec. Ses pouvoirs outrepassent ceux des autres institutions
semblables qui ont été créées en vertu de la Loi
sur la régie des services publics, la Loi de la régie de
l'électricité et du gaz, la Loi des mines, la Loi des biens
culturels, la Loi de la qualité de l'environnement, la Loi sur les
réserves écologiques, etc. (20 h 15)
L option fondamentale, sous-jacente au projet de loi, est celle d'une
action énergique que justifie l'envergure du problème à
régler. Pour assurer une position de force nécessaire à
l'agriculture dans la dynamique de l'utilisation du sol, le marteau vaut sans
doute mieux que le plumeau. Les conséquences de cette approche peuvent
être doubles. En mettant les choses au pire, on pourrait assister
à des jugements de la commission fortement biaisés en faveur du
secteur agricole aux dépens du bien commun. Au mieux, la commission
voudra composer avec toutes les facettes de la réalité et
engagera avec le milieu local un débat quotidien sur
l'aménagement du territoire.
Nous n'avons aucune raison de croire que la mise en oeuvre de la Loi sur
la protection du territoire agricole sera l'occasion d'une dictature de la
société agricole sur le reste de la société
québécoise. Aussi, après avoir pris connaissance de
l'étendue du territoire couvert par les plans provisoires et la
définition restrictive donnée à I agriculture, sommes-nous
amenés à croire que le processus de délimitation de la
zone agricole définitive sera, en pratique, un exercice
d'aménagement du territoire auquel seront associées les
municipalités. En effet, plusieurs municipalités urbaines se
voient serrées de très près et même envahies, dans
certains cas, par le zonage provisoire. Elles seront appelées à
négocier tout leur développement futur auprès de la
Commission de protection du territoire agricole. En réalité,
toutes les décisions qui seront rendues par la commission seront des
décisions de I aménagement du territoire. Il est alors facile de
comprendre l'étonnement de I Union des municipalités du
Québec et de l'Union des conseils de comté qui se sont fait
vendre la nécessité de l'aménagement du territoire dans un
cadre fort différent de celui proposé dans le projet de loi no
90.
L opportunité du projet de loi. Alors que le gouvernement, et
plus particulièrement le ministre d Etat à l'aménagement
et le ministre des Affaires municipales, déploie des efforts
considérables auprès du milieu des dirigeants politiques locaux,
pour leur faire comprendre la nécessité de I'aménagement
du territoire, alors qu'on discute depuis des mois de décentralisation
et de structures régionales, on est en droit de s'interroger sur la
cohérence de l'action gouvernementale.
Toutefois, si l'on accepte l'urgence d intervenir et nous
l'acceptons force est de réaliser que les structures
régionales envisagées pour assumer les responsabilités de
I'aménagement du territoire n'existent pas, puisque la loi promise sur
l'aménagement et l'urbanisme n'a même pas encore été
déposée. Or, même si elle lavait été, ou
l'était prochainement, les délais nécessaires pour assurer
sa mise en place et son rodage sont tels qu'on ne pourrait espérer une
protection véritable du territoire agricole avant trois ou quatre ans d
ici.
L Union des municipalités du Québec et l'Union des
conseils de comté peuvent certes décrire ce projet de loi comme
une mesure sectorielle, centralisatrice et dévalorisante pour le palier
municipal. Il n'en reste pas moins qu elles n'ont pas réussi à
exercer de façon réelle et efficace les pouvoirs que le
législateur leur a confiés en matière de contrôle de
l'utilisation du sol, en particulier par l'article 426 de la Loi des
cités et villes et l'article 392 du Code municipal. Cette
incapacité a d ailleurs toujours été
particulièrement grande à I égard de l'agriculture.
Pourquoi cette situation? Essentiellement parce que la
société québécoise n'avait pas atteint un niveau de
sensibilisation suffisamment grand à l'égard de ces questions.
Or, on sait que les gouvernements, de quelque niveau qu'ils soient, sont le
reflet de la communauté qu'ils représentent.
La protection du territoire agricole est un problème qui
dépasse, croyons-nous, l'échelle locale. Devrait-elle être
assurée pour autant par une mesure centralisatrice comme le projet de
loi no 90? A cette question, nous répondons: Oui, aussi longtemps qu'une
structure régionale ayant les pouvoirs et les moyens d'assurer
l'aménagement du territoire n'aura pas été mise en place
dans toutes les régions du Québec. L'opportunité
immédiate de la Loi sur la protection du territoire agricole
risque-t-elle de violer la logique d'une éventuelle loi sur
l'aménagement du territoire et de l'urbanisme?
La réponse à cette question ne peut venir que du
gouvernement et il n'y a pas lieu, pour nous, d'en préjuger. Cette loi
promise depuis si longtemps aura d'ailleurs elle-même à composer
avec d'autres lois existantes tout aussi importantes que le projet de loi du
ministre Garon, par exemple la Loi sur les biens culturels, la Loi sur la
qualité de l'environnement, pour n'en nommer que deux.
Convaincus que nous sommes de l'urgence et de l'opportunité de ce
projet de loi, permettez-nous maintenant de suggérer certains
aménagements en vue d'en faciliter la mise en oeuvre. Nos suggestions
touchent principalement au fonctionnement de la Commission de protection du
territoire agricole qui sera l'élément central de la gestion de
la future loi. Nos suggestions portent sur ses critères de
décision, sur ses activités au niveau des régions et sur
son intégration éventuelle au processus d'aménagement du
territoire.
Les critères de décision. Le projet de loi no 90 trace le
cadre dans lequel doit fonctionner un tribunal administratif
spécialisé de même que les droits fondamentaux des citoyens
à l'égard de ses activités. Malgré l'article 12, on
ne peut guère prétendre qu'il est très loquace à
l'égard des critères qui devraient présider aux
décisions de la commission.
Nous pensons que l'inclusion dans la loi de critères trop
précis aurait pour effet de lui enlever toute flexibilité dans un
domaine d'intervention où les règles absolues ne peuvent
engendrer que l'injustice. Les divers cas d'espèce qui ont
été soulevés devant cette commission en sont la preuve.
Par contre, nous croyons à la nécessité de règles
connues de tous. A cette fin, nous recommandons que, dès le début
de son mandat, la commission définisse et fasse connaître les
critères qui inspireront ses décisions et ce, sans
préjudice à l'égard de la jurisprudence qu'elle pourra
établir par la suite.
Les critères devraient porter sur les différents sujets
que les municipalités et les individus seront appelés à
débattre devant la commission. Par exemple, l'horizon du
périmètre urbain doit-il porter sur les besoins en espace des
cinq prochaines années ou des dix prochaines années? Les
activités rurales non agricoles, c'est-à-dire les
activités qui ne sont ni agricoles, au sens de la définition de
la loi, ni urbaines; par exemple les manèges, les terrains d'exposition,
de courses, de camping, de golf, les sablières, carrières,
graviè-res, la villégiature, les pépinières
commerciales, les sentiers de randonnées, etc., ces activités
peuvent-elles être admises à l'intérieur de la zone
agricole et à quelles conditions?
Troisièmement, les activités complémentaires
à l'agriculture, comme la réparation de machinerie,
l'agro-tourisme, le transport artisanal de biens et de personnes, la
sylviculture, etc., sont-elles compatibles avec la définition de
l'agriculture?
Ces énoncés de politique serviraient de guide pour la
préparation des dossiers à soumettre à la commission. Ils
auraient le grand avantage de réduire le nombre de requêtes
farfelues qui risquent d'engorger son fonctionnement.
Le deuxième point, un fonctionnement régionalisé.
La deuxième suggestion que nous voulons apporter touche le
fonctionnement régionalisé de la commission. Dans le but
d'atteindre une harmonie et une équité régionale dans la
délimitation des zones agricoles, la commission devrait procéder
par région; elle ne devrait jamais juger de la zone agricole d'une
municipalité sans avoir étudié les dossiers de toutes les
municipalités qui constituent la région où cette
municipalité se localise.
Au moment de l'étude d'une région, la commission devrait
faire appel aux connaissances particulières qu'ont
développées les principaux intervenants qui oeuvrent dans la
région. Dans ce sens, la commission devrait rechercher pour chaque
région les expertises nécessaires à la définition
d'un cadre régional dans lequel elle aura à prendre des
décisions.
Enfin, pour accélérer ses travaux et réduire la
durée des préjudices que peut occasionner le plan provisoire de
zonage, la commission devra probablement diviser ses effectifs et siéger
en deux groupes comme le lui permet l'article 7 du projet de loi.
L'intégration éventuelle aux structures régionales
d'aménagement du territoire. Les pouvoirs confiés à la
commission par la loi ne devraient pas compromettre une prise en charge
ultérieure des responsabilités d'aménagement du territoire
par les gouvernements locaux. Le rôle de la commission devra
évoluer et la loi qui la régit devra être modifiée
de façon à s'adapter aux pouvoirs qui seront
conférés aux municipalités par une loi sur
l'aménagement du territoire et l'urbanisme.
En conclusion, nous avons voulu situer nos commentaires dans les limites
de notre champ de compétences qui est celui de la planification et de la
gestion de l'utilisation du sol. Les questions de justice sociale, les
technicités juridiques, les intérêts particuliers sont ou
seront sans doute traités par d'autres groupes ou individus. Le projet
de loi sur la protection du territoire agricole laisse à la commission
de protection une latitude considérable dans l'interprétation de
son mandat.
Malgré son objectif sectoriel, nous sommes d'avis que, dans les
faits, la mise en oeuvre de cette loi donnera lieu à un véritable
exercice d'aménagement du territoire. Le contexte présent
justifie sans doute cette approche. Nous souhaitons toutefois que la
commission fasse un usage éclairé de cette souplesse et qu'elle
reconnaisse quelle devra éventuellement laisser une place plus grande
aux autorités politiques régionales.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. Tittley. M. le
ministre.
M. Garon: A la page 4, au premier paragraphe, vous dites que, si
on avait voulu fonctionner par des structures régionales pour assumer
les responsabilités de l'aménagement du territoire, on n aurait
pas pu espérer une véritable protection du territoire avant trois
ou quatre ans. Qu'est-ce qui vous faire dire cela?
M. Tittley: D'une part, les structures régionales capables
d'assumer ces responsabilités n'existent pas à quelques
exceptions près dans l'ensemble du Québec. Leur mise en
place va exiger une période de concertation, de tractations, d ententes
intermunicipales et autres ententes du genre qui prennent toujours un bon bout
de temps à se concrétiser puisqu'étant donné qu'il
s'agirait d un organisme de type politique, il faut que, au plan politique, les
municipalités en faisant partie s entendent sur la nature de la
structure, sur la représentation au sein de la structure, sur les votes,
etc. Il y a déjà là une bonne période de
négociations entre elles.
Par la suite, une fois que la structure existera, elle aura à se
définir des objectifs et un plan d'aménagement pour son
territoire. Ceci, en soi, exige quand même passablement de temps au
niveau de I'analyse de la région, de la concertation des objectifs, de
leur traduction en plans, si bien que c est ce qui nous amène à
ce genre de délai. Cette évaluation est quand même
basée sur des expériences passées vécues au
Québec. (20 h 30)
M. Garon: A la page 5, vous dites qu'au fond, l'article 12
définit des règles générales, mais vous dites "que
cela va permettre plus de flexibilité dans un domaine d'intervention
où les règles absolues ne peuvent engendrer que l'injustice. Par
contre, vous dites que dès le début de son mandat, la commission
définisse et fasse connaître les critères qui inspireront
ses décisions et ce, sans préjudice à l'égard de la
jurisprudence qu'elle pourra établir par la suite".
Au fond, il n'y a pas beaucoup de façons de protéger les
terres. Tous les sols sont classés dans cette catégorie, sauf le
sol organique qui est en dehors, sol catégorie zéro, ou
zéro, le sol organique. Tous les autres sols sont classés en
catégories de 1 à 7.
Au fond, la commission, je pense, d'une façon
systématique, va être appelée à garder, d'une
façon constante, les sols organiques, les sols 1, les sols 2, les sols
3, les sols 4, pour les sols 5 cela va dépendre où et dans quelle
situation c'est, les sols 6, au Québec, il n'y en a pas, à toutes
fins utiles, il n'y en a que quelques milliers d'acres: ce sont des prairies,
et les sols 7. Les sols 7, à toutes fins pratiques, c'est de la roche,
avec un petit peu de brindilles entre les roches, si l'on veut, mais ce n'est
rien pour écrire à chez nous. Un gars qui se lance dans la
culture des sols 7, il a besoin d'avoir du courage.
M. Giasson: Pas trop d'animaux.
M. Garon: A moins qu'il ait du mouton, mais pas trop de loups,
autour. D'une façon générale, pour la commission
j'imagine qu'on a discuté beaucoup de cela, parce... c'est de
garder, au fond, 0, 1,2, 3, 4, de façon plus systématique et 5,
6, 7 quand, pour le caractère de continuité, c'est
nécessaire, mais autrement on ne gardera sûrement pas les sols: 6
et 7, sûrement pas; 5, cela va dépendre des situations, mais d'une
façon systématique: 0, 1,2, 3, 4. En tenant compte aussi du
caractère de la région où l'on se trouve et, écrire
d avance un grand nombre de règles à ce sujet-là, de
critères, je pense bien que ce serait un peu difficile. Evidemment, la
commission aura nécessairement une méthodologie sur laquelle elle
va se baser pour établir ce qui est gardé pour l'agriculture et
ce qui n'est pas gardé.
M. Tittley: II y a quand même le cas de la
périphérie des villes de la région de Montréal, par
exemple, où dès qu'on quitte le domaine bâti actuel on
tombe dans des sols de très bonne catégorie. Il reste qu'il
faudrait quand même donner des indications aux municipalités, sur
ce qu elles peuvent s'attendre de récupérer dans le
périmètre urbain, par exemple, mais aussi toute la
problématique des activités qui ne sont ni agricoles, ni urbaines
et, au cours de la journée, il y a eu toute sorte d'exemples
soulevés à ce sujet. Il faudrait savoir si la commission a
l'intention de les accepter dans la zone agricole ou bien de les exclure
systématiquement. On aurait le cas des boisés de ferme, en fait.
Va-t-on exclure les boisés de ferme de la zone agricole?
M. Garon: Non.
M. Tittley: Ou si l'on va accepter qu'un agriculteur ait un
boisé de ferme qu'il exploite?
M. Garon: Oui.
M. Tittley: Ce genre de nuance-là.
M. Garon: Cela va être indiqué. On peut s'attendre
à en arriver à 3 types de municipalités, en gros: une
municipalité dont l'expansion, à toutes fins pratiques, va
être terminée. Il va peut-être y avoir une période
transitoire où les infrastructures déjà placées
vont se terminer. Après cela, ce sera fini. Vous allez être
obligés d'agrandir à l'intérieur de votre
périmètre parce que vous êtes entourés de sol de
première qualité, et on peut imaginer le territoire d'une
municipalité qui est foncièrement de bonne qualité. Alors,
donc, croissance, zéro, à toutes fins pratiques, à moins
qu'on bâtisse en hauteur. On peut imaginer cela. Evidemment, il y a une
période de transition qui va être plus ou moins longue, suivant la
situation de chacun des cas.
La deuxième municipalité, celle à croissance
restreinte, c'est-à-dire la municipalité dont le territoire est
bon, mais où il y a du moins bon, et la troisième
municipalité où la croissance va être très peu
limitée parce que le territoire de cette municipalité n'est pas
bon. On peut imaginer les trois cas.
Ce sont des municipalités dont la croissance va être
arrêtée, la croissance en population, la croissance en superficie
pouvant être urbanisée; elle va être limitée d'une
façon plus radicale. Evidemment, pour ces gens on a été
habitués à dire que c est une croissance constante et que la
protection du sol, cela veut dire un développement
différé. Au lieu de mourir en dix ans, on peut mourir en 40 ans.
Si on imagine une croissance arrêtée après un certain
moment, c'est-à-dire... un périmètre
indéterminé, ce que vous aménagez, c'est l'urbaniste qui
va venir jouer son rôle dans ce territoire dont le
périmètre est limité. Il dira comment on aménage le
mieux possible cet intérieur urbanisé, alors qu'à
l'extérieur c'est agricole. Je suis convaincu que les urbanistes vont
avoir un rôle considérable à jouer.
La deuxième partie, ce sont les municipalités à
croissance restreinte. Là aussi cela va supposer une planification, de
même que pour les municipalités qui peuvent en prendre pas mal
plus, beaucoup plus, même, parce que les sols ne sont pas bons.
Il y a aussi les territoires municipaux où, dans certains cas, il
va y avoir deux ou trois grandes poches de mauvais sol. Ce qui va être
important pour les municipalités, une fois que la zone sera
déterminée, c'est comment rendre vivable et bien vivable le
territoire qui n'est pas réservé à l'agriculture. Dans
certains cas, cela va être très restreint; dans certains autres
cas, moyennement restreint; dans d'autres cas, il sera très vaste le
territoire pouvant être développé, urbanisé.
Dans ce sens, quand on parle de critères complètement
régionaux, je n'en suis pas convaincu, sauf que, dans certains cas,
comme le Bas-du-Fleuve ou la Gaspésie, le problème c'est beaucoup
plus l'abandon de l'agriculture. Il y a des gens qui viennent destructurer le
sol en l'achetant; c'est un autre problème. On enlève cet aspect.
J'ai plutôt l'impression que ce seront ces types de municipalités,
qu'elles ressembleront à cela. On va trouver dans les régions
périphériques d'autres types de municipalités qui
diminueront en population tout simplement.
M. Tittley: Je croirais que dans certaines régions
où l'agriculture est moins florissante que dans la plaine de
Montréal, par exemple, dans la marge du zonage agricole provisoire, il y
a quand même des régions où les caractéristiques de
l'agriculture sont fort différentes, où les activités
complémentaires à l'agriculture sont plus importantes que dans la
région de Saint-Hyacinthe où les gens vivent probablement
à 100% d'agriculture. Il y a sûrement d'autres régions
où les gens vivent partiellement d'agriculture et partiellement d'autre
chose. Il faudrait quand même qu'il y ait des modalités permettant
aux gens de maintenir cet équilibre qui est probablement essentiel
à leur survie économique, de toute façon.
C'est dans ce sens que je crois qu'il faut s'attaquer aux
problèmes, région par région et qu'il est possible que les
jugements soient différents ou que l'interprétation du mandat,
jusqu'à un certain point, soit différente, compte tenu du
contexte local. Il est particulièrement important, je pense, qu'on
intègre d'une façon très positive les représentants
de la région dans l'administration de cette loi. Sinon, cela risque
d'être interprété comme un coup de matraque. Je
reflète un peu le sentiment que j'ai pu sentir à la suite de
conversations avec différentes personnes qui ne saisissent pas
nécessairement toutes les subtilités du texte de loi parce
qu'à bien des points de vue, il est fort subtil, en
général. La commission aura une lourde responsabilité et
je m'attendrais que le gouvernement énonce clairement ses intentions qui
sont peut-être sous-jacentes à ce projet de loi, mais qui
n'apparaissent pas d'une façon nécessairement très
précise.
M. Garon: Je pense bien que c'est pour cela que les
critères ont été mis larges à l'argicle 12 pour
qu'on procède à l'anglaise plutôt qu'à la
française, c'est-à-dire par des précédents en
analysant la réalité plutôt que de mettre des concepts
abstraits qu'elle cherchera après à intégrer à la
réalité.
M. Tittley: Ayant l'expérience de la gestion de
l'utilisation du sol, on est porté à croire comme professionnel
que cette approche est probablement préférable parce qu'on
s'aventure dans un terrain dans lequel on n'a pas beaucoup d'expérience
au Québec ici. Je veux dire qu'on finit juste de se réaliser, de
se réveiller à la réalité de l'agriculture et on se
précipite dans une intervention massive, mais si on y va avec un carcan
trop serré, on risque probablement de causer davantage d'injustices.
Le Président (M. Boucher): M. le député
d'Orford.
M. Vaillancourt (Orford): Merci, M. le Président. J'ai
quelques questions à vous poser, M. Tittley, concernant votre
mémoire d'aujourd'hui et sur celui que vous avec déposé en
septembre lors du passage du ministre dans votre région. Etes-vous
d'accord, M. Tittley, avec le travail qui est fait dans les
municipalités par votre corps professionnel, les urbanistes, en ce qui
concerne tout le travail que vous avez fait au point de vue urbanisation des
municipalités?
M. Tittley: A l'intérieur des limites de leurs
responsabilités, en général, je dirais que oui, mais il ne
faudrait pas chercher à imputer la responsabilité du
développement urbain aux urbanistes. Les décisions en
matière de contrôle d'utilisation du sol sont prises par les
conseils municipaux à la suite des recommandations qui peuvent
être faites par des professionnels, mais la décision au bout de la
ligne n'est pas nécessairement ce que le pro-
fessionnel a recommandé au départ. Je pense qu'il faut
être bien conscient de cela.
M. Vaillancourt (Orford): D'après vous, les villes qui ont
fait faire des plans d'urbanisme ont-elles vu à protéger les
terres agricoles ou ne sont pas occupées de cela?
M. Tittley: Les efforts pour exercer un contrôle efficace
du territoire agricole en vue de le protéger sont relativement rares, je
dois l'admettre, et même les efforts qui ont pu être faits dans
certaines municipalités ont souvent été
contrecarrés par toutes sortes de procédures plus ou moins
judiciaires par la suite. Les municipalités ont sûrement souffert
d'un manque d'appui, peut-être au niveau provincial dans ce domaine. Le
genre de commentaires qu'on entend souvent dans les petites
municipalités rurales en particulier, là où lagriculture
domine, c'est qu'elles se sentent incapables, politiquement, d'assumer le
fardeau d'imposer des contraintes au développement dans les zones
agricoles. Je ne serais pas surpris que pour bon nombre d'entre elles,
finalement, l'intervention du gouvernement provincial dans ce champ-là,
d'une façon, même si c'est relativement autoritaire, fasse bien
leur affaire dans bien des cas. D'une part, ce sont des agriculteurs et d'autre
part ils ne veulent pas empêcher leur beau-frère de se construire
une maison ou de vendre un bout de terrain au voisin ou des choses de ce genre.
(20 h 45)
Pour bien des municipalités au Québec, dans le milieu
rural en particulier, jusqu'à un certain point, cela doit être
assez bien accueilli, mais je dois dire, à la décharge des
municipalités plus urbaines, que les possibilités légales
d'effectivement exercer un contrôle très intransigeant, comme
celui que le projet de loi propose sur le développement en milieu
agricole, ont été assez difficiles dans le passé.
M. Vaillancourt (Orford): Si je comprends bien votre idée,
c'est que les municipalités rurales n'ont pas tellement vu à
protéger les territoires agricoles, mais les municipalités plus
urbanisées ont fait plus attention de ne pas accaparer et inclure,
à l'intérieur de leur municipalité, des terres agricoles,
du sol arable.
M. Tittley: Ce n'est pas tout à fait ce que j'ai dit,
parce que ce n'est pas vraiment le cas. Il y a des municipalités
urbaines qui ont exercé un contrôle véritable sur le
territoire agricole à conserver à long terme et qui ont
été relativement modestes quant à leur besoin en terres
à urbaniser, ont planifié leur développement selon des
séquences ou un phasage intelligent, mais il y a bien des
municipalités au Québec qui ont zoné pour des fins de
développement à la grandeur.
M. Vaillancourt (Orford): Sans s occuper du milieu agricole.
M. Tittley: Sans s'occuper du milieu agricole.
M. Vaillancourt (Orford): Mais, croyez-vous que les
municipalités qui ont été sérieuses et qui ont vu
à faire une planification intelligente comme vous le dites
devraient être exclues de la Loi sur la protection du territoire
agricole? Je peux vous donner plusieurs exemples, comme la semaine
dernière, Repentigny, la ville de Laval. Plusieurs de ces villes ont
fait un très bon zonage. D'après vous, est-ce qu'elles devraient
être exclues de la Loi sur la protection du territoire agricole?
M. Tittley: Je crois que lorsque la commission sera
appelée à étudier le cas de ces municipalités, elle
devrait sûrement tenir compte du zonage que les municipalités ont
pu mettre en place. C'est évident que le projet de loi ne permet pas
à la municipalité qui serait bien équipée et qui
aurait bien géré l'utilisation du sol dans son territoire de
continuer de le faire à l'intérieur de la zone agricole, elle va
continuer à le faire ailleurs. Cela lui enlève la juridiction sur
le périmètre qui sera zoné agricole d'une façon
permanente. Je trouve cela un peu dommage pour les municipalités qui
sont capables de gérer convenablement ou qui ont manifesté, dans
le passé, qu'elles géraient convenablement leur territoire.
C'est pour cela qu'on situe notre adhésion dans le cadre de
l'aménagement du territoire et on espère que dans le projet de
loi sur l'aménagement du territoire, les municipalités vont
récupérer une partie de ce contrôle sur ce territoire.
Dans le cas des municipalités qui, jusqu'à maintenant, ont
bien géré leur territoire et qui ont des outils de contrôle
de l'utilisation du sol bien conçus, j'espère que la commission
en tiendra compte, quant à la délimitation au moins.
M. Vaillancourt (Orford): Autre question; êtes-vous
toujours d'accord avec le mécanisme que vous avez proposé dans
votre mémoire en septembre? Vous disiez que vous croyiez qu'un
mécanisme d'appel devrait être prévu auprès d'une
autorité investie d'un pouvoir de trancher des conflits, des pouvoirs de
réglementer l'utilisation du sol qui appartient aux conseils municipaux,
en vertu de la Loi des cités et villes, du Code municipal, etc.
Etes-vous toujours d'accord avec cette théorie, car vous n'en parlez pas
dans votre mémoire aujourd'hui?
M. Tittley: On n'en parle pas parce qu'on s'est penché sur
le projet de loi que le ministre nous avait soumis et qui ne va pas dans le
sens tout à fait de ce qu'on a suggéré au moment de la
consultation au mois de septembre à savoir qu'il était
préférable d'effectuer le contrôle c'était
notre idée initiale de l'agriculture ou de l'utilisation du sol
pour des fins agricoles dans le cadre de l'aménagement du territoire et
que la logique voudrait cela. La position qu'on a prise dans ce
mémoire-ci, c'est de se pencher sur l'urgence d'intervenir et on a
expliqué assez clairement que s'il était urgent d'intervenir, on
devait intervenir d'une façon qui puisse donner des résultats
assez
rapidement et que l'approche idéale au niveau de
l'aménagement du territoire est une approche qui va prendre passablement
plus de temps. Nous ne sommes pas véritablement compétents au
point de vue professionnel pour juger de l'urgence d'intervenir dans le domaine
agricole. On est portés à crore que si l'UPA ou les agronomes ou
ces gens-là considèrent qu'il y a effectivement urgence à
intervenir, cela nous satisfait.
M. Vaillancourt (Orford): Croyez-vous encore à ce que vous
avez avancé dans votre mémoire du mois de septembre, à
tous les avancés que vous avez faits dans votre mémoire?
Maintenant que la loi est déposée, vous avez dû vous rendre
compte que la majorité des recommandations que vous avez faites ne sont
pas incluses dans le projet de loi.
M. Tittley: Oui. On s'est rendu compte de cela.
M. Vaillancourt (Orford): Et vous êtes d'accord avec la
loi?
M. Tittley: On est d'accord qu'il faut intervenir pour
protéger les terres agricoles et le projet de loi qui nous est soumis
peut fonctionner, et, dans la mesure où on se fie, jusqu'à un
certain point, aux déclarations du gouvernement qu'il va harmoniser
cette loi avec une loi sur l'aménagement du territoire, on croit que les
objectifs qu'on vise à long terme seront assumés.
M. Vaillancourt (Orford): D'après vous, M. Tittley, quel
rôle pensez-vous que les urbanistes pourraient jouer dans une loi aussi
centralisatrice que la Loi sur la protection du territoire agricole? Quel
rôle votre corporation d'urbanistes pourrait-elle jouer à
l'intérieur de cela?
M. Tittley: Les urbanistes vont sans doute être fortement
impliqués dans la constitution et la défense des dossiers des
municipalités devant la commission en vue d'en arriver à
délimiter le périmètre agricole définitif, parce
que cette définition sera basée sur une analyse des besoins de
développement de la municipalité, sur la façon dont elle
est organisée, sur la façon dont elle est appelée à
se développer et sur les problèmes de contrôle de
l'utilisation du sol à l'égard de ce qu'on a mentionné,
comme les activités qui sont non agricoles et qu'il faut bien loger
quelque part, qui ne sont pas nécessairement à l'intérieur
d'un périmètre, sur ce qu'on entend habituellement comme un
périmètre urbain. Dans certains cas, ce sont des activités
de type plutôt rural, mais qui ne sont pas agricoles non plus. Cela va
poser un problème en soi.
M. Vaillancourt (Orford): Croyez-vous, M. Tittley, que votre
corporation professionnelle devrait être représentée
à la commission du zonage agricole?
M. Tittley: Oui, monsieur.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Montmagny-L'Islet.
M. Giasson: Je remarque ici que vous représentez trois
organismes, soit la Corporation des urbanistes de Québec, l'Association
professionnelle ainsi que l'Association des urbanistes municipaux. Combien
comptez-vous de membres dans l'Association des urbanistes municipaux?
M. Tittley: Je crois qu'il y en a 25 ou 30.
M. Giasson: Cela suppose qu'environ 25 villes au Québec en
ont en permanence à leur service.
M. Tittley: A peu près, oui.
M. Giasson: Et dans l'association provinciale?
M. Tittley: L'Association des urbanistes municipaux regroupe les
membres de la corporation qui oeuvrent dans le milieu municipal de la
même façon que l'Association des gérants municipaux, ces
gens-là. L'Association des urbanistes-conseils regroupe les membres de
la corporation qui oeuvrent dans la pratique privée. Il y a environ, je
dirais, une centaine de membres qui oeuvrent dans la pratique
privée.
M. Giasson: Cela ferait environ 125 urbanistes au
Québec.
M. Tittley: II y en a un certain nombre qui n'oeuvrent ni dans le
milieu municipal, ni dans le milieu privé; ils sont au gouvernement
provincial ou au fédéral. Mais, dans la corporation, il y a 160
membres au total.
Le Président (M. Boucher): Alors, au nom de tous les
membres de la commission, je remercie M. Tittley pour le mémoire qu'il a
bien voulu venir présenter au nom de l'Association des urbanistes du
Québec et j'inviterai maintenant la Fédération
interdisciplinaire de l'horticulture, c'est-à-dire le conseil de
comté de Joliette, excusez. Alors, c'est Me André Asselin,
préfet de comté de Joliette.
Conseil de comté de Joliette
M. Asselin (André): Je suis accompagné du maire de
Saint-Ambroise, M. Gilles Courchesne, qui est maire depuis 20 ans d'une
municipalité agricole et qui est lui-même un agriculteur à
Saint-Ambroise, et le secrétaire du conseil de comté, M.
Grypinich, qui m'a accompagné aujourd'hui. Je vous fais cadeau des six
premières pages de notre mémoire. Je n'ai pas envie de les lire.
C'est très très brillant; c'est extrait directement d'un discours
d'un des collègues du ministre de l'Agriculture, M. Léonard. Il
doit sans doute être au courant des cinq ou six premières pages du
mémoire et j'aimerais mieux qu'on parle immédiatement...
M. Chevrette: Un instant, j'aimerais qu'on inscrive au journal
des Débats les six premières pages, puisque c'était
entendu...
Le Président (M. Boucher): C'est une entente que nous
avons prise au niveau de la commission. Lorsqu'il n'y a pas lecture
complète, le mémoire au complet est transcrit au journal des
Débats, (voir annexe A)
M. Asselin: Oui, étant donné que le temps
s'écoule, les six premières pages du mémoire pourraient
être recopiées et nous irions directement aux suggestions que les
membres du conseil de comté de Joliette... Il y a eu une
assemblée le 30 novembre dernier, dès que le ministre a
annoncé la commission parlementaire du 4 décembre et, à ce
moment, il y avait les maires du comté et les conseillers municipaux,
une cinquantaine; on a étudié la loi et on a décidé
de faire des représentations sur des points très très
précis, bien que, dans la discussion, il y ait eu beaucoup plus que ce
qu'il y a dans le mémoire.
Tout d'abord, ces suggestions vont porter sur la composition de la
commission, sur la préparation du plan définitif
d'aménagement; ce qu'on veut dire par là, c'est du plan
définitif des territoires agricoles protégés; ce sont des
mécanismes d'amendements de la carte des territoires agricoles
protégés; en particulier lesarticles 58 et 59; de la notion des
droits acquis telle qu'elle est dans la loi, et de l'utilisation des
territoires situés en bordure de certains chemins publics. Quant
à la composition de la commission, en particulier de l'article 4, nous
savons pertinement que, dans le passé et encore maintenant, bon nombre
de dirigeants municipaux, dans leurs contacts avec certains ministères
ou avec certaines commissions ou régies gouvernementales, ont subi et
subissent encore les inconvénients d'un manque de coordination entre ces
différentes instances gouvernementales auxquelles ils doivent soumettre
leurs décisions. C'est pourquoi nous croyons que toute décision
rendue par cette commission devrait l'être en autant que tous les
ministères concernés puissent participer directement aux
négociations, assurant ainsi non seulement une décision
éclairée, mais encore permettant une information directe au
bénéfice des ministères concernés.
Ainsi, nous suggérons que la commission soit composée non
pas de sept, mais de neuf membres et que ces membres soient nommés de la
façon suivante: le président et les deux vice-présidents
par le ministre de l'Agriculture, un membre nommé par le ministre des
Affaires municipales, un membre nommé par le ministre d'Etat à
l'aménagement, un membre nommé par le ministre de
l'environnement, un membre nommé par l'Union des producteurs agricoles,
un membre nommé par l'Union des conseils de comté et un membre
nommé par l'Union des municipalités.
Nous croyons que cette forme de représentation au sein de cette
commission garantirait une meilleure coordination de ses actions positives, non
seulement dans le domaine de l'agriculture, mais également en d'autres
domaines qui auraient des implications par suite de décision qu'elle
pourrait être appelée à rendre.
En ce qui concerne la préparation du plan définitif qu'on
appelle, nous autres, d'aménage- ment, c'est-à-dire qui est de
zonage agricole protégé, articles 47 et 48, nous nous permettons
de répéter le texte des articles 47 et 48 du projet de loi: (21
heures)
L'article 47: "Dans les 180 jours d'un avis de la commission à
cet effet, une corporation municipale s'entend avec cette dernière sur
le plan de la zone agricole de son territoire ". L'article 48 dit: A
défaut d'entente, la commission prépare le plan de la zone
agricole dans une municipalité, en prenant en considération les
représentations qui lui sont faites et celles qui sont faites à
la corporation municipale".
Du point de vue des municipalités, vous comprendrez que pour la
majorité des quinze municipalités directement concernées,
dans le comté de Joliette, le gel temporaire ou permanent de certaines
terres depuis le 9 novembre 1978 a des effets inquiétants sur leur
développement. Nous sommes bien d'accord avec vous que l'importance de
l'objectif poursuivi par le ministre justifie jusqu'à un certain point
ce que plusieurs ont appelé le gel des terres depuis le 9 novembre 1978.
Plusieurs maires ont d'ailleurs fait la remarque qu'il était assez
difficile d'agir autrement si l'on voulait éviter une spéculation
effrénée ou des actes d'aménagement qui auraient
été irréparables.
Cependant, nous croyons que la période transitoire entre le 9
novembre 1978 et le moment où la commission commencera à
expédier des avis à certaines municipalités jusqu'au
moment où les décisions finales auront été prises,
risque d'être beaucoup trop lente, non seulement pour certaines
municipalités du comté, mais aussi pour bien des contribuables
qui avaient conclu des ententes de bonne foi avec des conseils municipaux,
à la suite de l'adoption d'un plan directeur d'urbanisme et de
zonage.
Nous redoutons plus que toute autre chose la lenteur proverbiale de
certaines commissions ou régies gouvernementales qui ont des pouvoirs
quasi judiciaires ou qui sont du type tribunal administratif. En effet,
plusieurs municipalités ont déjà eu à attendre de
nombreuses années des décisions ou ordonnances qui
s'étaient embourbées dans les marais de l'administration
publique. Nous croyons que les municipalités, conformément
à l'esprit des politiques déjà mises de l'avant par le
ministre d'Etat à l'aménagement, pourraient en arriver à
un résultat beaucoup plus rapide si elles devaient elles-mêmes
être chargées de la préparation de leur plan
d'aménagement et le soumettre à l'approbation de la commission
nationale selon le processus suivant, en attendant la formation des conseils de
comté renouvelés: a) Dès l'adoption du projet de loi, que
toute municipalité située dans une région agricole
désignée puisse préparer son propre plan
d'aménagement en tenant compte du fait que des impératifs
particuliers lui sont imposés, vu qu'elle a été
désignée comme région agricole à protéger;
b) Dès que le plan d'aménagement de la municipalité est
adoté localement, il doit être déposé à la
Commission de protection du terri-
toire agricole pour étude et approbation. Dans les 90 jours de la
réception du plan préparé par la municipalité
locale, la commission devra faire part de son refus total ou partiel du plan
présenté. A l'expiration de ces 90 jours, si la commission n'a
pas fait part de son refus total ou partiel du plan déposé, ce
dernier est réputé approuvé et entre en vigueur
automatiquement) c)Si la commission refuse ce plan dans les 90 jours de son
dépôt par une municipalité, une période
additionnelle de 90 jours de négociations est accordée à
la municipalité pour qu'elle en vienne à une entente avec la
commission; d) A défaut d'entente entre la municipalité et la
commission, la commission devra, dans les 30 jours qui suivent, rendre une
décision finale; e)Enfin, si dans les deux ans de l'adoption du projet
de loi 90 une municipalité n'a pas déposé son plan pour
adoption par la commission, nous suggérons qu'à ce moment, les
articles 47 et 48 entrent en application tels que rédigés dans le
projet de loi.
Vous comprendrez sans doute qu'il s'agit dans notre proposition d'une
période de 180 jours assimilable à celle qui est
mentionnée à l'article 48 du projet de loi. Cependant, nous
croyons qu'immédiatement lors de l'adoption du projet de loi 90 pour la
protection du territoire agricole du Québec, le ministre de
l'Agriculture procédera à l'organisation matérielle de la
commission.
Pendant cette période d'organisation au niveau gouvernemental,
nous croyons que, localement, plusieurs municipalités procéderont
rapidement à la préparation de cartes nouvelles afin de les
soumettre à l'approbation de la commission. A notre avis, nous
assisterions, fort probablement, à la même négociation que
celle prévue à l'article 47, sauf que l'échéancier
pourrait en être modifié par les municipalités et pourrait,
dans certains cas, être fortement écourté au profit des
administrations locales clairvoyantes soumises à la pression de leurs
citoyens.
Plutôt que d'attendre l'avis de la commission, les
municipalités pourraient elles-mêmes donner cet avis et
décider du point de départ de la négociation.
Mécanismes d'amendement de la carte des territoires agricoles
protégés; considérant que le but de la loi est de
protéger des sols agricoles zonés comme tels et
considérant toute décision de nature à assurer le maintien
du zonage initial négocié au départ entre la
municipalité et la commission, nous croyons que toutes ces
décisions locales devraient être sans appel et qu'elles ne
devraient pas être acheminées à la commission comme le veut
l'article 59 en particulier. Nous croyons que cet article 59, tel que
rédigé, va occasionner un acheminement de papeterie et de
formules vers la commission dans plusieurs cas, pratiquement inutilement.
Ainsi, nous sommes d'avis que lorsqu'une municipalité refuse qu'un lot
situé dans une zone agricole protégée soit exclu de cette
zone, en tout ou en partie, sa décision devrait être finale
puisqu'elle vise à protéger le zonage initial accepté par
la commission de protection.
De plus, nous croyons que lorsqu'une municipalité accepte
localement d'inclure, à l'intérieur d'une zone agricole, un lot
ou une partie de lot qui était, auparavant, à l'extérieur
de cette zone, cette dernière décision devrait aussi être
finale et sans appel puisqu'elle a pour effet d'agrandir le territoire agricole
protégé et ceci, dans le plus grand respect des principes et
objectifs fixés par le projet de loi no 90.
Nous croyons que, d'une façon transitoire et en attendant la
formation des conseils de comté renouvelés, dans le cas
d'amendements au zonage qui ne sont pas des cas prévus
précédemment dans ce mémoire mais qui auraient pour effet,
au contraire, de soustraire de la zone protégée des lots en
totalité ou en partie, pour permettre sur ces lots un usage autre que
l'usage agricole initialement décidé avec la commission, la
municipalité devrait cependant respecter les procédures suivantes
qui devraient être, selon nous, prévues dans le projet de loi no
90; a) toute personne désirant exclure un lot ou une partie de lot d'une
zone agricole désignée, fait sa demande à la
municipalité; b) lorsqu une municipalité accepte une telle
demande et modifie en conséquence son règlement de zonage, elle
doit en donner avis à la commission et lui expédier son
règlement pour approbation. Si, dans les 30 jours de la réception
de la décision motivée de la corporation municipale, la
Commission nationale n'a pas rendu une décision défavorable, le
règlement municipal d'amendement est réputé accepté
par la commission; c) lorsque la commission n'est pas d'accord avec le
règlement municipal d'amendement, elle devra, dans les 90 jours de
l'avis de son refus à la municipalité, tenir une audience
publique dans la municipalité ou dans une municipalité
contiguë, audience à laquelle tout intéressé pourra
faire valoir son point de vue; d) dans les 30 jours de l'audience publique
mentionnée à l'alinéa précédent, la
commission devra rendre sa décision finale motivée.
Nous croyons que cette façon de procéder permettra aux
municipalités de ne pas perdre un temps infini dans l'attente de
décisions qui risqueraient de mettre en jeu leur fonctionnement, leur
organisation, tant au niveau des services qu'à celui de leur
financement.
Il est évident que les municipalités locales doivent
répondre à des impératifs au niveau de I administration
des services qu'elles donnent à leurs contribuables et il est, à
notre avis, hors de question de ne pas encadrer d'une façon juridique
plus sévère les délais auxquels ces municipalités
pourraient être soumises advenant un fonctionnarisme lent, loin des
impératifs locaux, surtout lorsqu'une décision à
être rendue par un organisme a des implications politiques locales.
Lorsque je parle d'implications politiques locales, je voudrais, messieurs de
la commission, que vous compreniez bien qu'il n'est aucunement question pour
moi de dire que ces remarques pourraient avoir surtout une connotation
légèrement partisane.
La notion de droits acquis. Dans cette section de notre mémoire
qui traite des droits acquis, nous voudrions simplement vous souligner les
points qui ont été soulevés lors d'une
assemblée générale des maires et des conseillers
municipaux, assemblée tenue le 30 novembre dernier, à
l'instigation du comité administratif du comté de Joliette. Des
résolutions nous ont été présentées dans le
but de vous soumettre les points suivants: a) le propriétaire d'un lot
vacant, dont il a fait I'acquisition avant le 9 novembre 1978, devrait avoir le
droit de vendre ce dit lot après cette date, et celui qui a
acheté ce lot devrait avoir le même droit de construire que celui
qui l'a vendu; b) nous demandons qu'un citoyen propriétaire d'une
bâtisse nouvellement construite ou en voie de construction sur un lot ou
une partie de lot dont le contrat d'achat n'était pas encore
signé le 9 novembre 1978 puisse obtenir du propriétaire du
terrain le titre nécessaire attaché à sa
propriété car il est sans doute connu des membres de cette
commission que, dans nos municipalités rurales, plusieurs terrains sont
payés au moyen de petites annuités et le propriétaire
n'accepte de céder un bon titre que lorsque ce dernier terrain a
été entièrement payé. La bonne foi ayant
été traditionnellement à la base des contrats en milieu
rural, plusieurs personnes ont commencé des constructions ou les ont
même terminées dans plusieurs cas avant même d'être en
possession de leur titre sur le fonds du terrain construit. Nous croyons que la
loi pourrait être élargie de façon à ne pas
créer d'injustice à Tendrait de la bonne foi traditionnelle qui
existe en milieu rural.
Au niveau des droits acquis, nous demandons qu'une construction
incendiée ou démolie, après le 9 novembre 1978, puisse
être reconstruite sur le même lot, nonobstant les dispositions de
la loi, si une telle reconstruction est possible en vertu des règlements
municipaux en vigueur dans chaque municipalité locale. Nous croyons que
ces élargissements à la notion des droits acquis ne sont pas
considérables et ne risquent pas de mettre en péril la protection
des sols agricoles au Québec. e) L'utilisation des territoires
situés en bordure de certains chemins publics. Nous croyons que les
droits garantis par l'article 105 devraient s'appliquer en milieu rural, non
seulement aux chemins publics où les services d'égouts et
d'aqueduc sont déjà autorisés par un règlement
municipal adopté avant cette date et approuvé conformément
à la loi, mais que les lots faisant front sur un chemin public devraient
eux aussi pouvoir être construits, aliénés, lotis et
utilisés pour une fin autre que l'agriculture sans l'approbation de la
commission. Evidemment, il faut que le chemin ait déjà
été municipalisé avant le 9 novembre 1978 et qu'il ne
s'agisse pas, non plus, d'un chemin connu comme étant un chemin de
ligne. Cela aurait pour effet de saccager tout le lot au complet.
Les lots adjacents à un chemin de front devraient pouvoir
être construits, mais au moins 25% du frontage total du lot devraient
être réservés pour donner accès au lot situé
en arrière de la bordure non protégée. Nous sommes bien
conscients que les délais limités mis à notre disposition
ne nous ont pas permis de réaliser en profondeur les implications des
mesures que nous suggérons dans le présent mémoire. A
notre avis, ces mesu- res veulent être plutôt une façon
d'accélérer et d'assurer la mise en place des réformes
préconisées dans le projet de loi no 90.
Nous sommes fiers de notre participation aux différents
comités régionaux en matière de développement, de
gestion et de fiscalité. Nous sommes également fiers de nos
réalisations en matière d évaluation foncière et de
gestion de déchets.
Qu'il me soit permis, en terminant, d'assurer M. le ministre de
l'Agriculture du fait que les conseils municipaux, de même que le conseil
de comté de Joliette, n'ont pas la réputation d'un colonel
Sanders que vous redoutiez en lui confiant la protection de vos poulets. Cette
phrase prononcée par vous au CEGEP de Joliette le 26 septembre est
restée bien gravée dans nos mémoires. Vous comprendrez que
nous avons cru y déceler un manque total de confiance à notre
endroit. Nous croyons que ce manque de confiance n'était pas
justifié, mais bien au contraire, nos réalisations du
passé nous permettent aujourd'hui d'être tout à fait fiers
du travail accompli dans notre région, celle de Lanaudière, par
les maires et les conseillers municipaux du comté de Joliette.
Je vous remercie.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. Asselin. M. le
ministre.
M. Garon: J'avais plutôt parlé d'un renard; j'ai dit
que si j'avais des poules à garder, je ne les ferais pas garder par un
renard.
M. Asselin: Je regrette, M. le ministre, mais j étais
présent et cette fois-là, vous aviez lancé une boutade en
disant: "Si j'ai des poulets à faire garder, je ne les confierais pas au
colonel Sanders et vous l'avez dit en discutant avec le CRD de
Lanaudière, si je me souviens.
M. Garon: Oui?
M. Asselin: M. Mercier était là, d'ailleurs. Cela
avait fait rire les gens, mais remarquez qu'on ne vous en veut pas pour
autant.
M. Picotte: Le ministre a très peu de mémoire. On
lui a déjà rapporté des choses en commission parlementaire
et il a fallu lui montrer le journal des Débats.
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): ...
Le Président (M. Boucher): M. le ministre, à vous
la parole.
M. Giasson: II a prétendu que c'était le fait d une
mauvaise transcriptrice.
M. Garon: II y a une mauvaise transcription, aussi.
Revenons à nos poulets. Croyez-vous vraiment que les
municipalités et les conseils municipaux se considèrent comme
ayant un mandat de protéger les terres et qu'ils ont la volonté
de pro-
téger les terres? Je ne veux pas vous chanter des chansons, mais
pensez-vous vraiment que les municipalités sentent qu'elles ont un
mandat et qu'elles ont la volonté de protéger les terres?
M. Asselin: M. le ministre, je vais répondre à
votre question. Un conseil municipal, c'est une mise en commun de nos
énergies et de nos capacités pour mettre en commun les services
dont les citoyens ont besoin dans une municipalité: la collecte des
déchets, l'entretien des rues, l'organisation des loisirs,
l'éclairage, enfin tout ce que cela comporte. Evidemment, le conseil
municipal a plusieurs responsabilités. Ce qui est nouveau avec votre
loi, c'est que vous venez maintenant créer des objectifs nationaux. Il
n'y a pas nécessairement contradiction entre la réalisation
d'objectifs nationaux et l'exercice de nos pouvoirs locaux.
Autrement dit, chez nous, il faut comprendre à un moment
donné qu'au point de vue national, il y a des objectifs à
atteindre, qu'on va être obligés de se plier à ces
objectifs et qu'on est parfaitement capables et qu'on a actuellement le pouvoir
au niveau municipal, immédiatement, pour se mettre à l'oeuvre et
préparer des plans, en tenant compte, maintenant, du fait qu'on a un
impératif, qui est celui de protéger les sols agricoles qui sont
chez nous. (21 h 15)
Cela veut dire qu'il va probablement y avoir des modifications. C'est
probablement quelque chose, M. le ministre, à quoi on n'a pas
pensé dans le passé parce que cela ne nous était pas mis
comme un impératif ou comme une chose urgente, comme ce l'est
aujourd'hui. Il faut quand même penser que vos
prédécesseurs n'y ont pas toujours pensé, non plus.
Enfin, quand vous parlez du côté gouvernemental, le
gouvernement du Québec n'a pas commencé l'an dernier, ni il y a
deux ans; il y en a toujours eu, les gouvernements en ont fait des actes sur
nos territoires, qu'on a été obligés de subir et ils en
ont passé des lois que nous, les conseils municipaux, on a
été obligés de subir aussi; on a été
obligés de s'accommoder de ce qu'on avait comme législation et
comme décisions prises, à des niveaux où on n'avait,
parfois, aucune espèce de possibilité d'intervenir.
Or, là, aujourd'hui, voici encore une décision
gouvernementale qui nous dit qu'il va y avoir du zonage agricole. On
s'attendait que cela se fasse dans un contexte beaucoup plus global, mais cela
ne s'est pas produit comme cela et on pense que nous, dans les
municipalités, surtout, en particulier dans certaines
municipalités où la pression urbaine est la plus forte, ces
municipalités sont prêtes à soumettre des plans à
des commissions, sont prêtes à commencer immédiatement
à négocier et elles vont se dépêcher à le
faire parce que, localement, les conseils municipaux subissent actuellement la
pression d'entendre: "Dépêchez-vous et essayez de régler
vos affaires. Déjà, on la subit cette pression-là.
Là, on dit: On ne peut rien faire, il faut attendre l'avis de la
commission. Mais je pense que si ce qu'on suggère était mis en
oeuvre immédiatement, les municipalités pour- raient dire: C'est
parce que notre plan n'est pas terminé. Mais, nous, on pourrait
commencer le processus plutôt que d'attendre. Une municipalité qui
est très pressée va faire pression sur la commission pour que
cela décolle, cette affaire-là, tandis que la
municipalité... Il y a des municipalités, il y a même un
maire qui disait: Moi, je vais vous dire bien franchement, on est zoné
agricole protégé, vous autres, vous appelez cela du gel, nous
autres, chez nous, personne n'a dit un mot, cela ne nous dérange pas
beaucoup. On ne sera pas les premiers, en tout cas, à aller demander un
avis de la commission, on ne sera pas les premiers à courir pour faire
changer le zonage. Tant mieux, si son problème est réglé,
mais il y en a d'autres qui ont hâte que cela se règle. A ce
moment-là, je pense que ce serait aux municipalités de partir le
processus et, dès janvier, vous en auriez, parce qu'on soupçonne
que vous devriez avoir envie, dans certains cas, de régler cela avant la
reprise de la construction en avril ou en mai.
Qu'on donne plus de territoire ou moins de territoire, au moins qu'on
sache d'une façon définitive sur quel pied on va danser, dans les
municipalités. Cela veut dire que les municipalités où il
y a plus de pression, où c'est le plus urgent sont celles qui vont se
dépêcher à soumettre leur plan à la commission. Mais
on n'a pas connu dans le passé, des missions qui nous ont
été données de protéger des sols. Dans le
passé, on ne s'occupait pas de certaines responsabilités qui nous
ont été données depuis ce temps-là.
Quand le ministre de l'environnement a passé son
arrêté en conseil pour la disposition des déchets solides,
dans notre comté, immédiatement, il y a 15 municipalités
qui ont adhéré, les deux tiers ont adhéré
immédiatement. On a engagé une firme d'ingénieurs. On est
entré en contact avec l'environnement et on a commencé à
chercher des lieux d'enfouissement. Là, nos lieux d'enfouissement se
trouvent tous les deux arrêtés, mais on a dit: Cela va
débloquer, c'est temporaire. Mais il reste que, tout de suite, on s'est
mis à l'oeuvre. Ce n'était pas notre responsabilité dans
le passé, mais cela ne veut pas dire qu'on ne l'a pas assumée
quand elle nous a été donnée. Ce fut la même chose
dans le domaine de l'évaluation. Il faut quand même comprendre
qu'on est tout de suite les premiers attrapés. Quand, localement, il y a
quelque chose qui ne marche dans une municipalité, le premier à
s'en ressentir, c'est le conseil municipal.
Je pense qu'on est capable de faire l'ouvrage et il ne faudrait pas que
vous nous preniez pour des ennemis de l'agriculture. On a été
négligents, mais on ne se sent pas coupables d'avoir été
les seuls. Comprenez-vous? Je pense qu'un petit peu tout le monde l'a
été dans le passé. Et là, arrive un ministre qui
dit: C'est fini, et il ne rit pas. On ne s'en vient pas vous dire: Otez votre
commission, on n'en veut pas. On ne vient pas vous parler d'une commission
régionale. Notre mémoire vous parle de quelque chose
d'immédiat, tout de suite, là. On est prêts à
commencer demain matin. On est prêt à vous soumettre des cartes
dans des délais. La différence, par exemple, c'est que si on
va suivant l'article 47, on peut attendre 6 mois avant d'avoir l'avis de
la commission. Il y a 6 mois de négociations. Un conseil municipal, M.
le ministre, qui décide, par exemple, que localement, cela commence
à soulever des passions et puis qui dit: On n'a qu'à ne pas
s'entendre avec la commission, elle va nous l'imposer après. Alors, ils
ne s'entendent pas. Il laisse passer 6 mois, il se laisse imposer cela par la
commission et il se retourne et dit au gars: "Tu vois, on a tout fait pour
essayer de défendre ton affaire, mon vieux, mais on n'a jamais
été capable, on n'a jamais rien voulu comprendre et on nous l'a
imposé". Je pense que c'est un mécanisme qui n'est pas
responsable au point de vue des municipalités et, en fonctionnant de la
façon inverse, de la façon dont on vous le propose, c'est quand
même la commission qui a le dernier mot, mais, au niveau local, si cela
retarde ou si cela ne fonctionne pas bien, on aura beaucoup plus de
responsabilités devant nos gens, chez nous. On ne cherche pas à
éviter les responsabilités là-dedans. Bien au
contraire.
M. Garon: Je vous remercie de nous avoir présenté
votre mémoire. Je peux vous dire d'avance au sujet de la commission
qu'on reçoit déjà un certain nombre de lettres, d'appels
téléphoniques de municipalités qui veulent commencer
rapidement, dès la formation de la commission. J'ai l'impression que la
commission va d'abord commencer avec celles qui ne disent pas un mot parce
qu'elle n'enverra pas, j'imagine, 600 avis en même temps. Il est possible
qu'elle commence par un premier groupe. Je ne le sais pas. Ce n'est pas moi qui
déciderai cela. C'est elle. Mais j'ai bien l'impression que les
municipalités qui veulent commencer rapidement les discussions vont sans
doute recevoir leur avis. Si une municipalité demande de recevoir un
avis, j'ai bien l'impression qu'elle le recevra pour pouvoir commencer
immédiatement. Je vous remercie infiniment de nous avoir
présenté votre point de vvue et vous pouvez être certains
qu'on va regarder vos recommandations lors de l'étude du projet de loi,
article par article.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. le ministre. M. le
député de Maskinongé.
M. Picotte: M. le Président, à mon tour, je veux
remercier le conseil de comté de Joliette pour l'excellent
mémoire qu'il nous a présenté et les suggestions
très intéressantes qui sont contenues dans ce mémoire. Un
des premiers mémoires qui nous a été
présenté à cette commission parlementaire était
celui de l'Union des conseils de comté, qui semblait nous dire, à
ce moment-là, qu'à la suite de rencontres avec le ministre de
l'aménagement, entre autres, et peut-être d'autres ministres, on
les avait presque assurés, sans leur en donner l'assurance formelle,
qu'ils seraient sinon les maîtres d'oeuvre de l'aménagement, du
moins qu'ils seraient drôlement consultés. A notre avis, les
conseils de comté existant au Québec étaient-ils
prêts, au moment du dépôt de la loi, à assumer les
responsabilités que voulait lui voir assumer l'Union des conseils de
comté dans le domaine de la protection et de l'aménagement du
territoire? A mon avis, cela aurait dû être la protection de
l'aménagement du territoire, mais on y va de façon partielle. Les
conseils de comté étaient-ils prêts à assumer ces
responsabilités?
M. Asselin: Pas tous. Il faut quand même être
honnête, le comprendre et bien assumer cela. On n'avait pas les outils,
les moyens, les techniciens. On n'avait pas la permanence voulue. On n'a pas
les moyens financiers voulus pour s'organiser, mais on comptait bien que la loi
du ministre Léonard arriverait. Elle n'est pas arrivée. Elle va
arriver. Mais il reste que, devant la situation dans laquelle on se trouve, on
ne peut pas attendre, nous, les conseils de comté renouvelés qui
s'appelleront je ne sais comment, que les gouvernements régionaux qui
existeront à ce moment-là et qui sont très
hypothétiques... C'est à souhaiter que ces gouvernements
régionaux dans ce temps-là auront des pouvoirs
décisionnels dans leur région et que la commission nationale
deviendra finalement une espèce de commission d'appel des
décisions des régions ou une commission qui pourrait jouir d'un
certain droit de veto sur des décisions prises dans certaines
régions et qui pourraient être insensées.
Par contre, qu'on le donne actuellement et dès
immédiatement aux conseils de comté, on ne le croit pas, pas plus
que les maires à Joliette; je parle pour Joliette tout le temps. C'est
pour cela qu'on a présenté un mémoire qui n'était
pas celui de l'Union des conseils de comté; c'est pour cela qu'on est
à l'extérieur du CRD. On ne croit pas que nos structures, que les
structures locales existantes là-dessus, on rejoint un peu l'avis
du ministre cet après-midi quand il parlait aux agronomes et que M. le
Président lui a dit que c'était un beau discours pour la
troisième lecture on ne pense pas avoir actuellement, au niveau
régional, les outils nécessaires pour étudier toutes les
demandes de modification de zonage. On n'a pas cela actuellement. On veut
l'avoir et on le demande depuis longtemps. On espère bien que la loi du
ministre Léonard va le contenir. Mais quand vous me demandez si,
actuellement, on est prêt à assumer cela, je vous dirai que, dans
le comté de Joliette, je crois que nous étions prêts
à le faire. Chez nous, je n'ai aucune crainte à ce sujet. Si on
avait les pouvoirs de le faire, on l'aurait fait. On en a fait d'autres et on
aurait été capable de faire celui-là. Mais il reste que je
suis convaincu qu'au niveau de la province, cela ne se vérifierait
pas.
M. Picotte: Par contre, vous suggérez aussi que la
commission soit composée de neuf membres au lieu de sept.
M. Asselin: Oui.
M. Picotte: C'est sans doute dans le but de donner un meilleur
échantillonnage des person-
nes qui sont directement impliquées dans l'aménagement et
la protection du territoire agricole...
M. Asselin: Oui.
M. Picotte: ... mais est-ce que cela pourrait aller plus loin que
cela? Vous savez que deux membres de la commission peuvent aller siéger
dont un a un vote prépondérant pour tâcher
d'accélérer le processus. Est-ce que vous penseriez aussi
à donner un nombre additionnel de membres à l'intérieur de
cette commission, pour qu'on puisse la diviser en trois ou en quatre? Ce qui
permettrait d'accélérer davantage le processus de la commission
et des auditions.
M. Asselin: Vous savez, on parle de cela. Nous, on voit la
formation; ce qu'on veut, pour une fois, c'est qu'on laisse voir clairement
qu'on considère le zonage agricole comme un acte d'aménagement.
Evidemment, un acte d'aménagement suppose toujours une
espèce de cohabitation de différents facteurs au niveau local;
cela va avoir des effets sur les loisirs, sur la qualité de la vie, sur
les revenus de taxation des municipalités; les effets seront positifs ou
négatifs; je ne veux pas dire que ce sera tout le temps mauvais, cela
peut être bon dans certains coins, moins bon dans d'autres. Mais nous,
les municipalités, quand on est en face d'organismes gouvernementaux, on
craint toujours deux choses: La première, c'est qu'on ne regarde
toujours qu'un côté de la médaille, suivant la commission;
si on est à la Commission municipale, elle ne regarde qu'une chose; si
on est à la commission de l'environnement, elle ne regarde qu'une chose;
si on est au zonage agricole, ces gens ne regardent qu'une chose, mais nous, on
est obligé de voir plusieurs choses en même temps. Ce qu'on veut,
c'est justement avoir cette dimension qui dépasse un seul
ministère, mais on n'a pas demandé, si vous regardez dans la
composition de notre commission comme telle, que l'agriculture soit mise en
minorité pour autant; on pense que c'est important, mais que c'est aussi
important que ces gens voient aussi qu'il y a d'autres impératifs qui
peuvent diriger des décisions, même dans le domaine agricole.
La deuxième chose qu'on craint et c'est peut-être la
partie que vous soulevez c'est la lenteur des commissions. Il y a des
municipalités qui attendent depuis deux ou trois ou quatre ans des
décisions de la Commission municipale qui ne sont jamais venues. Que
voulez-vous que je vous dise?
M. Picotte: Pour faire suite à cela, en tout cas, moi et
d'autres membres de la commission prétendons que, à
l'intérieur de la loi telle que présentée, il n'y a pas de
mécanisme d'appel de la décision de la commission. Quelques
représentants d'associations qui sont venus nous rencontrer nous ont
proposé, étant donné qu'il y a douze régions
agricoles au Québec, qu'on puisse instituer des commissions
régionales. A ce moment, la Commission de protection du territoire
agricole pourrait agir comme mécanisme d'appel. Quelle serait, selon
vous, l'importance ou la non-importance, selon votre point de vue, d'une
commission régionale, en tout premier lieu?
M. Asselin: Mon sentiment est que, d'abord, on n'est pas
prêt à former les commissions régionales, et quel statut
auraient ces commissions régionales? Des membres nommés par des
municipalités, des membres nommés par le conseil de comté,
des membres nommés par l'UPA, peut-être par les
coopératives, enfin, tout le monde qui est intéressé au
monde agricole. Cette commission régionale, c'est un peu l'idée
du CRD. Nous, on ne la voit pas comme cela, on voit vraiment l'organisation de
notre territoire comme étant une responsabilité municipale. On se
dit; Tant et aussi longtemps que la loi d aménagement du territoire,
dans son ensemble, ne sera pas déposée, aussi bien rester comme
on est là, ne pas compliquer davantage, parce que le problème des
élus municipaux, c'est la multiplicité des commissions, des
rencontres, des veillées à passer à regarder et constituer
des dossiers, à faire un greffe, à établir une
procédure; enfin, disons que, quand on est là et qu'on se
réunit cinq, six, sept, huit ou dix soirs par mois, à un moment
donné, il faut établir un certain ordre dans cela. On se dit:
Avec les responsabilités nouvelles qui nous sont données
actuellement je ne vois pas comment on pourrait former une commission
régionale qui, elle, va étudier I'affaire après la
municipalité, quand on peut, au niveau municipal, prendre la
décision et aller régler notre problème directement avec
la commission. (21 h 30)
Quand le projet de loi du ministre d'Etat à l'aménagement
aura été déposé, quand on aura un organisme
régional qui sera le conseil de comté renouvelé, un
véritable organisme politique structuré, existant
légalement avec une fiscalité qui lui est propre, cela sera un
problème qu'il faudra régler. Qui financera votre organisme
régional? On se le demande. Si on crée une commission qui se
réunit, qui entend des témoins, qui fait des enquêtes, cela
prend des locaux, cela prend du papier, qui va payer cela? Le conseil de
comté? L'UPA? Les municipalités? Pourquoi les
municipalités paieraient-elles 100% de cela? On ne le sait pas, on se
demande cela. On s'est dit: On peut préparer notre plan, on va le
préparer et on va aller en commission pour régler notre
problème avec la commission.
Quand la loi du ministre d'Etat à l'Aménagement, M.
Léonard, sera adoptée je me dis qu'une loi, cela change
on tiendra compte de cette nouvelle donnée et si on a un
gouvernement régional qui peut vraiment inclure cela dans ses
responsabilités, j'aimerais mieux voir votre gouvernement
régional véritablement donné à un organisme
politique décentralisé en place.
M. Picotte: On a parlé tantôt de la lenteur
administrative au niveau gouvernemental. Je pense que c'est connu de tout le
monde, surtout du
gouvernement; ce n'est peut-être de la négligence de la
part de personne, mais c'est le système qui veut cela.
Je vous avouerai franchement que j'ai des réticences, parce que
la commission devrait transiger ou à peu près avec 614
municipalités au Québec. On a beau dire que ce ne sont pas toutes
les municipalités qui voudront faire appel à la commission, je
peux vous dire que, dans mon comté, avec les représentations que
j'ai eues jusqu'à maintenant et j'en ai 21 les
municipalités qui ne feront pas appel à la commission seront
très rares.
Je vous jure que j'ai un sérieux doute parce que,
présentement, on a un gel des terres. Vous avez dit, un peu plus loin,
que ce gel des terres avait des effets inquiétants sur le
développement, vous avez aussi dit que vous espériez que le
gouvernement règle cela au moins pour la reprise de la construction; je
mets cela en doute, parce que pour un organisme comme la commission, transiger
avec 614 municipalités ou à peu près, je ne suis par
certain que cela va porter des effets. Or, les effets inquiétants dont
vous parlez vont peut-être se multiplier de beaucoup d'ici quelque
temps.
M. Asselin: Cela dépend du personnel, du budget
alloué... Si vous me permettez d'intervenir immédiatement, avant
qu'on parle de délai, je crois que notre mémoire suggère
quand même quelque chose de différent de la loi. La
municipalité n'a plus à attendre un avis de la commission, quand
elle va commencer à négocier. Dès qu'elle l'a
donné, elle met en marche un processus qui va s'éteindre au bout
de 210 jours, au maximum. Cela ne peut pas durer plus que cela. Alors, quand la
municipalité entreprend quelque chose, elle sait qu'elle va terminer en
dedans de 210 jours: deux périodes de 90 jours, une période de 30
jours et c'est fini.
Tandis que, présentement, même si la commission donne son
avis de 180 jours, si elle ne s'entend pas, il n'est pas inscrit quand la
commission va rendre sa décision finale. On sait à quel point les
commissions où il y a des fonctionnaires sont sensibles aux questions
qui impliquent une politique locale. S'il y a un groupement de pression... Les
groupements de pression, cela ne s'exerce pas seulement sur les conseillers
municipaux, cela s'exerce sur des députés, sur des ministres,
cela s'exerce sur les personnes qui sont susceptibles d'aider ces gens.
M. Picotte: On a déjà vécu cela.
M. Asselin: C'est sûr. On a vu des commissions
gouvernementales retarder, être lentes dans leurs décisions. A
l'article 48, une municipalité ne sait pas si, un an après
qu'elle a reçu l'avis, la commission aura transigé son cas de
façon finale.
M. Picotte: Je suis d'autant plus d'accord, même si on
parle de 180 jours dans la loi et qu'on reporte cela à 210 jours avec
votre processus, et je préfère encore votre processus, parce
qu'il n'est pas dit que la commission va donner avis des 180 jours. On ne sait
pas quand, dans la loi, cela ne semble pas indiqué. Si la commission
donne avis que, dans 190 jours... mais qu'elle donne avis seulement dans un an,
cela fait 365 jours plus 190 jours.
M. Asselin: Je me dis que si l'Assemblée nationale peut
adopter une loi comme celle-là, à partir de son
dépôt le 9 novembre, dans une période d'à peu
près six semaines, je ne vois pas pourquoi nous si l'ensemble de
la province peut être régi en six semaines les
municipalités seraient obligées d'attendre durant des
périodes qu'on craint longues. Je ne vous dis pas que ce sera
nécessairement long, mais les bonnes intentions des législateurs
se terminent à partir du moment où le dossier tombe entre les
mains des commissions gouvernementales.
A partir de ce moment-là, ce sont des gens qui sont
nommés, qui sont là, le travail les attend de toute façon
tous les matins, les dossiers s'empilent et, parfois, c'est long. Encore une
fois, on recommence les pressions pour faire avancer ces dossiers rapidement,
et on ajoute des délais, etc. Vous comprendrez que, quand on nous
répond que c'est plus important de régler le cas de la ville de
Laval que celui de Saint-Ambroise-de-Kildare, on sait bien que c'est vrai, mais
si la commission est accaparée à 30%, 40%, 50% de ses
énergies là-dessus, les autres attendent. On se dit qu'il faut
que cela avance plus vite que cela. On a donné notre avis à la
commission et on lui soumet un plan, qu'elle engage des gens pour l'examiner
et, 90 jours après, si elle nous dit qu'elle refuse totalement ou
partiellement, là ou négociera avec elle. Qu'est-ce que vous
n'aimez pas dans notre affaire? Une fois que c'est terminé, si on ne
s'est pas entendu, elle a 30 jours pour nous dire ce que sera notre affaire.
Parce que, dans l'administration, ce qui coûte le plus cher, c'est quand
il n'y a pas de décision de prise.
M. Picotte: Remarquez bien que je ne veux pas mettre en doute la
bonne foi de la commission, loin de là...
M. Asselin: Ah! non, non.
M. Picotte: ... je sais quelle va prendre son boulot en main et
va essayer de faire le travail le mieux possible, mais il reste qu'on n'a
aucune garantie que ce sera fait rapidement ou non, ou qu'il n'y aura pas, en
cours de route, des embûches qui la retarderont davantage. A ce
moment-là, c'est tout le monde qui va en souffrir au bout du compte et
ce ne sera la faute de personne, mais tout le monde va être
drôlement impliqué dans ce maudit processus.
M. Asselin: Certainement.
M. Picotte: II me reste encore deux ou trois questions, M. le
Président, et je veux permettre à
d'autres d'en poser aussi. Vous avez dit, à la page 15 de votre
mémoire, qu'il semblait y avoir plusieurs cas où il pouvait y
avoir des constructions mais ces gens n'étaient pas encore en possession
de leurs titres.
M. Asselin: Et c'est bâti!
M. Picotte: Oui. Cela me semble quand même...
M. Asselin: Invraisemblable.
M. Picotte: Cela me semble invraisemblable.
M. Asselin: Mais c'est tout à fait vrai. Ecoutez, il y a
un maire à côté de moi...
M. Picotte: Si vous avouez quelque chose de semblable, c'est
parce que vous avez sûrement fait... peut-être pas une étude
approfondie, mais il y a sûrement des données pour vous permettre
d'avancer une chose semblable. Pourriez-vous donner l'ordre de grandeur?
M. Asselin: Ecoutez un peu, ce n'est quand même pas un
pourcentage féroce. Mais je vais vous expliquer que je suis maire dans
une municipalité depuis six ans, une municipalité rurale de 600
habitants et, chez nous, je peux vous nommer des gars qui vendent des terrains
comme cela, sur des promesses de vente; ils en ont toujours vendu, le gars
signe un papier et l'autre commence à bâtir dessus. Vous avez,
à côté de moi, le maire de Saint-Ambroise; cela fait 20 ans
qu'il est maire et je suis convaincu enfin, je ne veux pas parler
à sa place, mais...
M. Picotte: J'aimerais cela l'entendre.
M. Courchesne (Gilles): Cela arrive assez souvent que le
cultivateur ou le développeur vende des terrains au mois, à
l'année; le gars dit: Tu va me donner $100 par année pendant x
années, ou $200 par année. Là, ils signent un papier, ils
vont chez le notaire, et le type: Quand tu auras fini de me payer ton terrain,
on ira chez le notaire et on signera un contrat. Le gars, pendant ce temps,
c'est de bonne foi, construit et paie son terrain; quand c'est fini, ils vont
chez le notaire et le gars a les titres.
M. Asselin: On ne peut pas donner une idée de grandeur,
mais ce n'est pas rare.
M. Courchesne: Ce n'est pas rare. Ecoutez, je ne veux pas dire
que cela arrive tous les jours.
M. Picotte: Un cas pratique c'est ni plus ni moins qu'une
option si la loi était adoptée telle que
rédigée, quelle conséquence cela pourrait-il avoir?
M. Asselin: Bien, ces gars-là ne pourraient pas avoir les
titres.
M. Courchesne: Ils n'auront plus les titres, ils sont
là.
M. Asselin: Ils n'ont pas de droits acquis, eux autres.
M. Picotte: Ils n'auront plus de titres. Ils vont avoir une
bâtisse et le fond de terrain ne leur appartient pas, sauf...
M. Asselin: Ils n'ont pas de droits acquis parce qu'ils
n'étaient pas propriétaires le 9 novembre 1978. Alors, il faut
que le propriétaire... Là, il faut recommencer tout le processus,
c'est-à-dire la demande à la municipalité, l'étude
de la demande, l'acheminement à la commission...
M. Picotte: L'autorisation de la commission.
M. Asselin: Oui, oui, avant que ce soit fait. Il peut arriver
qu'un gars ait besoin d'argent, ou que quelqu'un meure, ou décide de
vendre. Qu'est-ce qu'on fait avec cela?
M. Picotte: Cela se produit effectivement parce que...
M. Courchesne: C'est un problème qui se produit.
M. Picotte: ... même en fin de semaine, j'ai eu un cas
exactement semblable à celui-là, le gars a $70 000 à payer
à payer et il n'est pas capable; il attend le crédit agricole et
il ne peut pas avoir de morcellement de terre, même si c'est le fils du
cultivateur qui va résider là, qui va vivre de cela. Je pense que
c'est important que ce soit souligné.
M. Asselin: Je vous le dis, cela a été
soulevé comme cela par des maires qui nous ont dit: Dites-leur parce
que, chez nous, cela va arriver.
M. Courchesne: C'est un problème qui existe.
M. Picotte: Une dernière question, M. le Président.
A la page 16, vous avez parlé de l'utilisation des territoires
situés en bordure de certains chemins publics.
M. Asselin: Oui.
M. Picotte: Pourriez-vous me donner plus d'explication sur votre
premier paragraphe, en donnant peut-être un exemple précis de ce
que cela voudrait dire?
M. Courchesne: Vous voulez dire l'utilisation des territoires
situés en bordure des chemins publics.
M. Picotte: Concernant les zones.
M. Courchesne: Ce que cela veut dire, en principe, c'est que,
dans l'article du projet de loi, on dit que tout cultivateur peut construire
une ré-
sidence pour son employé, son enfant, etc. Ces résidences
feront partie du tout. Nous disons: En pratique, il va falloir que cela se
sépare; quand cela se vendra, ces bâtisses, le gars va être
obligé d'acheter trois ou quatre maisons et une ferme. Il reste que le
montant qu'il va être obligé de débourser, c'est à
peu près impossible. Peut-être aussi qu'il n'aura même pas
besoin des résidences et qu'il sera obligé de les louer. Nous
autres, nous disons que la construction sur les chemins de front, non pas sur
les chemins de ligne...
M. Picotte: Les constructions existantes ou... M. Courchesne:
Non, non, non.
M. Picotte: ... la possibilité d'en construire d
autres?
M. Courchesne: Non, la possibilité d'en construire
d'autres sur les chemins de front existants avec des normes de distance; c'est
entendu, des bâtiments de ferme, avec un accès pour se rendre sur
la ferme. Nous autres, on dit qu'on pourrait construire des habitations, pas
seulement... Cela peut être pour le bureau du cultivateur, mais cette
habitation sera cadastrée et deviendra un lot distinct qui pourra
être vendu.
M. Picotte: A ce moment, vous n'avez pas peur, parce qu'on
connaît les problèmes que vivent les agriculteurs avec
l'environnement et...
M. Courchesne: Oui, mais je pense qu'il y a l'article 100 ou 110
dans le projet de loi qui dit...
Une Voix: Article 101.
M. Asselin: C'est cela. A ce moment, si on s'en va s'installer
dans une zone... Si on se construit dans une zone agricole, il faut en endurer
les conséquences. Alors je pense bien que...
M. Courchesne: C'est un peu cela qui est dit dans cet article. Il
le faut absolument.
M. Asselin: Celui qui ne veut pas avoir d'inconvénients
dans une zone agricole, n'a qu'à s'en aller ailleurs.
M. Courchesne: II ne faut pas qu'il s'en aille dans le
milieu.
M. Asselin: Qu'il leur laisse la paix! Cela finit là.
M. Picotte: D'accord, M. le Président, je vais encore une
fois vous remercier de votre excellent mémoire. Il y a des bonnes
suggestions et nous espérons que le ministre va en retenir quelques-unes
au moins qui seraient bénéfiques et qui rendraient le projet de
loi encore meilleur. Alors, merci, M. le Président.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Huntingdon.
M. Dubois: Merci, M. le Président. Je vais être
très bref sur la même question que le député de
Maskinongé.
M. Garon: ... on n'aurait pas eu besoin de le faire...
M. Dubois: Je voudrais premièrement vous féliciter
pour un mémoire très bien articulé et aussi pour les
suggestions bien sassées et réalistes que vous avez
apportées. Je pense qu'il y a beaucoup de bon sens là-dedans. Je
pense que le ministre devrait prendre vos suggestions en considération
et j'ai bien l'impression qu'il n'a pas été trop dissipé
ce soir. Parfois, il lit son journal en écoutant les
mémoires.
M. Chevrette: Ne commencez pas le trouble, vous! Cela allait bien
avant que vous arriviez! Il y en a qui lisent le journal, d'autres qui ne sont
pas souvent présents.
M. Dubois: Oh! Excusez monsieur, excusez-vous.
Une Voix: Nommez-les.
M. Dubois: En tout cas, vous avez touché à
plusieurs points importants et le député de Maskinongé en
a souligné quelques-uns. J'ai bien aimé, à la page 15, les
articles a) et b); c'est pour les droits acquis; la suggestion que vous faites
au ministre au niveau des droits acquis pour ce qui a trait aux
résidences de ferme qui deviendraient un tout intégré
à l'exploitation. Je pense que ce sont des cas qui nous sont
soulevés souvent au niveau de nos comtés respectifs, en tout cas
chez nous, et je pense que cela rend plusieurs personnes inquiètes.
Comme vous disiez tout à l'heure, il peut y avoir trois ou quatre
résidences sur une ferme et peut-être cinq résidences; on
ne sait pas combien font partie intégrante de la ferme. Quand il
s'agira, pour un agriculteur qui possédait trois ou quatre
résidences, de vendre sa ferme, il aura une plus grande valeur en
résidences qu'en ferme possiblement et cela pourra amener des
problèmes au niveau de la transmission de biens. Je pense que vous avez
bien raison de soulever ce problème pour que le producteur puisse
disposer de ces maisons, pour ne pas qu'il soit aux prises avec le fardeau
financier et je pense que c'est assez réaliste.
Vous avez mentionné aussi une lourdeur possible au niveau
administratif à la commission? C'est encore très censé, je
pense, très logique. Il y a aussi le rôle municipal par lequel on
semble manquer un peu de respect envers les élus du peuple et je pense
que cela tient bien avec la réalité. Enfin, je ne veux pas
soulever d'autres questions additionnelles parce qu'on a encore plusieurs
mémoires à entendre ce soir et je répéterais les
mêmes paroles que mon collègue de Maskinongé. Alors, je
vous remercie infiniment, monsieur.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. le
député de Huntingdon; M. le député de
Beauce-Sud.
M. Roy: Merci, M. le Président, je veux joindre aussi mes
remerciements à ceux qui m'ont précédé à
l'endroit de ceux qui nous visitent, le conseil de comté de Joliette qui
nous a préparé, soit dit en passant, un excellent mémoire.
J'en ai pris note un peu, parce que quelque chose a retenu mon attention d'une
façon bien particulière; c'est à la page 13 de votre
mémoire. Evidemment, j'avais proposé, d'autres également
l'ont fait, même du côté ministériel, on parlait de
commissions régionales. Je vois que la commission régionale, ce
n'est pas une solution à laquelle vous souscrivez parce que vous
craignez qu'elle empiète sur les droits des municipalités, des
instances déjà en place. Si j'ai bien compris votre
mémoire, vous demandez que la loi, plutôt, oblige les
municipalités en quelque sorte à préparer leurs propres
plans de zonage et qu'elles voient à délimiter et administrer
dans leurs territoires, leurs territoires réservés pour des fins
agricoles et que, dans le point b), lorsqu'une municipalité accepte une
telle demande et modifie en conséquence son règlement de zonage,
elle doit en donner avis à la commission et lui expédier son
règlement pour approbation. C'est dire que vous suggérez aussi
que la commission provinciale accepte, modifie ou refuse le règlement
préparé par la municipalité. (21 h 45)
En troisième lieu, vous proposez une soupape. Vous dites
pas au point c), je m'excuse, au point d) Dans les trente jours, s'il
n'y a pas entente avec la municipalité et la commission, que des
audiences publiques soient tenues et qu'on puisse examiner la question sur
place en faisant intervenir tous les organismes intéressés.
C'est une excellente suggestion que vous faites, et je pense qu'elle
répond aux préoccupations d'autres qui vous ont
précédés; nous y sommes très sensibles. Ce qui est
le plus à craindre dans une loi de zonage qui serait appliquée et
administrée unilatéralement par une commission provinciale, c'est
l'arbitraire, le pouvoir arbitraire et totalitaire des technocrates. Je veux
donc vous remercier pour cette excellente suggestion qui n'est pas
tombée dans les oreilles d'un sourd.
Il y a un point sur lequel, j'ai été un peu perplexe, si
on peut dire. C'est lorsque vous dites que dans votre région un
très grand nombre de personnes se font construire des maisons et
qu'elles donnent seulement un acompte sans passer le contrat sur le terrain.
Ces personnes paient pendant un certain temps avant que le contrat pour
tâcher de distraire le lopin de terre du lot concerné puisse
devenir un titre de propriété exclusif à l'endroit du
propriétaire éventuel.
Cela me surprend un peu et j'aimerais savoir dans quelle mesure cela se
fait. Les caisses populaires, les compagnies d'assurance, les caisses
d'établissement et les caisses d'entraide économique, pour avoir
travaillé un peu dans ce milieu, n'acceptent jamais d'accorder un
prêt à quicon- que, sans avoir pris la peine d'examiner et
d'exiger que des titres clairs de propriété soient établis
à l'avance. Et je sais que lors de l'étude des prêts, on
exige toujours une copie du contrat de possession du terrain avant de
l'examiner.
Alors, comment ces prêts-là sont-ils financés?
Comment ces maisons-là sont-elles financées? Et dans quelle
proportion cela peut-il exister chez vous?
M. Courchesne: Vous voulez dire comment elles sont
financées? Elles ne sont pas financées par un prêt, comme
vous le dites. Ces gens-là commencent à bâtir. Ils paient
leur terrain avec les années et ils construisent avec les années.
Il n'y a pas de prêt. Je suis tout à fait d'accord avec vous qu'il
n'y a pas une caisse populaire... Il va construire son solage cette
année et donner ses $200. L'année prochaine, il va monter cela.
Ecoutez, je ne vous dis pas que cela se fait d'une façon
régulière. Il y en a.
M. Roy: Cela se fait.
M. Courchesne: Dans ma municipalité, je n'en ai pas
beaucoup, mais dans plusieurs municipalités, il y en a pas mal.
M. Roy: Ce n'est pas une formule qui est à conseiller,
vous savez.
M. Courchesne: Je vous comprends.
M. Asselin: Je comprends que ce ne soit pas une formule à
conseiller, mais ces gens l'ont quand même fait de bonne foi. Cela se
répète dans nos paroisses, et cela a été
soulevé par bien des maires. C'est d'ailleurs un cas connu, en tout cas,
dans notre région. C'est bien clair que si quelqu'un venait me voir
à mon bureau pour me demander s'il devait agir de même, je lui
dirais: "Ce n'est pas prudent", parce que si la personne concernée
meurt, tu peux avoir du trouble avec sa succession pour avoir ton titre. Mais
cela se fait comme cela et on vous le dit. Cela nous a été
souligné et d'ailleurs on le sait. Chez nous, j'en ai, il en a chez lui
et...
M. Roy: Mais je pense bien que, dans ces cas-là, c'est
assez facile quand même de faire la preuve des droits acquis.
M. Courchesne: II le faudrait.
M. Roy: II y a des reçus qui ont été
émis et je ne vois pas que la commission provinciale, même si on a
bien des réserves à son sujet, commence par faire faire de la
démolition. Je pense qu'il va y avoir éûrement des
problèmes. Alors, on ose espérer qu'on n'ira pas
jusque-là.
J'aimerais vous dire tout simplement, pour votre information, que ce que
vous préconisez sur la loi du zonage agricole pour impliquer les
municipalités... J'ai fait faire une recherche pour savoir ce qui se
faisait sur le plan du zonage
agricole, non seulement au Canada, mais également à
travers le monde. Dans l'Etat de l'Oregon, aux Etats-Unis il y a une loi qu'on
appelle I'"Exclusive Farm Use Zoning Act"; c'est le chapitre 503 des lois de
l'Orégon de 1973. Ce projet de loi portait le no 101.
M. Garon: 101 quoi?
M. Roy: C'est le numéro du projet de loi dans l'Etat de
l'Oregon. J'ai fait faire une recherche pour voir un peu ce qui se faisait au
Canada sur le plan du zonage ainsi qu'ailleurs dans le monde; j'ai une
étude, ici, qui est extrêmement intéressante. Je voulais en
faire mention à nos invités de ce soir pour dire que dans l'Etat
de l'Oregon, en vertu de la loi, chaque gouvernement local peut établir
un "exclusive farm use zone ' ils appellent cela les "F use" afin
que les terres situées dans une telle zone soient exclusivement
utilisées pour des fins agricoles à l'exception de tout autre
usage dérogatoire permis par la loi. C'est créé
juridiquement pour chaque gouvernement municipal et aucune loi, ordonnance,
restriction, réglementation de provenance locale ou de toute agence
d'Etat... Le gouvernement urbain ne peut intervenir au niveau des terres
agricoles dans la zone aux fins de restreindre de façon
déraisonnable l'exploitation agricole ou la structure des exploitations
agricoles.
La suggestion que vous nous faites est appliquée ailleurs et il
semble que les résultats soient excellents. Je tenais un peu à le
rappeler...
M. Garon: Connaissez-vous l'Oregon? Moi, je connais très
bien lOregon; ma femme est originaire d'un endroit à quelques milles de
là. Je peux vous dire que l'Oregon et le Québec, ce n'est pas
tout à fait comparable. D'abord, il n'y a pas un million de population.
L Etat fait des efforts inouïs pour ne pas qu'il y ait d'immigration et il
y a des contrôles très stricts au niveau de l'Etat pour que le
moins de personnes possible viennent demeurer là. Vous devriez voir
comment cela fonctionne en Oregon.
M. Roy: Bonne mère!
M. Asselin: Pour revenir sur ce que le député dit,
M. le ministre, c est qu'on considère beaucoup plus la commission comme
une commission de surveillance, c'est-à-dire qu'elle se doit d'assurer
que des actes ne sont pas commis localement de façon à nuire
à la protection de ces sols; c est une commission de surveillance,
à strictement parler. Par contre, c'est difficile de faire faire cela
par les municipalités, mais la liberté a un certain prix et ce
prix est que c'est long: il faut travailler, revenir, et toujours recommencer
à se battre; c'est cela l'exercice de la liberté dans un
Etat.
M. Roy: Je pense que le gouvernement le plus important, c'est le
gouvernement municipal parce qu'il est le plus près du peuple et le
gouvernement supérieur au gouvernement toujours le plus près du
peuple doit faire en sorte de permettre à ces instances d'être
capables de se gouverner le mieux possible et de leur fournir les moyens, les
outils pour être en mesure de jouer leur rôle. C est I'observation
que je voulais faire, M. le Président.
Le Président (M. Boucher): Merci.
M. Garon: Seulement pour cela, je leur confierais le
bien-être social. Est-ce que c'est au niveau local qu'il y a du
bien-être social ou non?
M. Roy: Savez-vous que vous seriez surpris de voir les
économies qu on pourrait réaliser?
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Joliette-Montcalm.
M. Chevrette: Je voudrais remercier à mon tour les
représentants du conseil de comté. Vous êtes le seul
conseil de comté à avoir présenté un mémoire
après l'Union des conseils de comté, d autant plus que vous
adhérez au principe du gouvernement local. Donc, vous avez vraiment fait
abstraction du rôle du gouvernement régional par rapport à
l'aménagement global et vous vous en êtes tenu au principe
même de la loi qui faisait jouer un rôle au palier local.
Même si vous n'avez pas lu les six premières pages, je
remarque que vous ne remettez nullement en cause le principe même de la
loi, que vous adhérez au principe. Donc, ceci est passablement
intéressant de voir qu'un conseil de comté adhère au
principe même de la loi. Il me fait plaisir de le constater et de la
façon dont vous revalorisez le palier local dans vos suggestions me fait
également plaisir.
A la page 10, si je lis la procédure que vous suggérez, je
comprends par là que vous craignez le temps qu'il faudrait à la
commission au niveau provincial pour établir des plans et pour envoyer
des avis, ainsi de suite. Si je lis les articles 47 et 48... Personnellement,
j'adhère au principe d'accélérer le processus. Je vous dis
tout de suite que je ne sais pas comment cela pourrait se formuler ce type d
amendement, à l'aide de vos suggestions. Personnellement,
j'adhère au principe d'accélérer le processus, d'autant
plus que quand la municipalité veut elle-même présenter son
plan dans les plus brefs délais, je pense qu'on devrait faire une
révision pour que cela se fasse le plus rapidement possible. L'article
48 ne fixe pas de délai; j'ai bien lu I'article 48 avant d affirmer
cela. Là-dessus, vous avez sans doute un adepte de votre
côté.
A la page 11, d'autre part, j'ai une question précise à
vous poser. Quand vous dites qu'une municipalité prendrait deux ans pour
adopter son plan, est-ce que cela signifie que le gel des terres serait pour
deux ans?
M. Asselin: Oui, si elle ne bouge pas et ne fait pas adopter son
plan, elles restent toujours gelées. Depuis le 9 novembre 1978, c'est la
loi qui s'applique et cela peut arriver dans certains endroits, mais il va
falloir qu'on ait nos cartes défini-
tives. Alors, si une municipalité, dans une région, ne l'a
pas fait après deux ans, l'article 47 s'appliquera et la commission va
voir à ce que le plan définitif soit adopté.
M. Chevrette: Oui, mais dans la structure que vous
préconisez... Un conseil municipal qui désirerait ne pas se
prévaloir de la loi, alors qu'il y a deux ou trois individus, à
l'intérieur de cette municipalité, qui tirent sur le conseil
municipal... Mais la commission n'envoie pas d'avis à la
municipalité parce que dans la procédure que vous
préconisez, c'est la municipalité qui adhère...
M. Asselin: C'est cela.
M. Chevrette: Quel serait le recours de l'individu, dans de
telles circonstances?
M. Asselin: Le recours de l'individu... Vous savez, cela est de
la politique locale, c'est-à-dire que l'individu fait des pressions sur
le conseil; il y en a qui font des pressions pour être inclus dans la
zone verte et d'autres vont faire des pressions pour passer de la zone verte
à la zone blanche. On va avoir cela chez nous et on va prendre les
décisions localement. S'il y a deux individus qui ne sont pas contents
parce que la municipalité n'a pas envoyé sa demande à la
commission encore, ils feront des pressions sur le conseil, ils iront voir les
gens de la place et ils leur diront que le conseil n'avance pas, qu'on n'a pas
un bon conseil et que, si les gars veulent rester en place, ils doivent se
grouiller et s'organiser pour donner satisfaction. S'ils pensent que ces deux
individus sont minoritaires et que les gens ne souhaitent pas aller plus vite
que cela dans l'affaire, le conseil va dire: On n'ira pas plus vite que cela
parce que les gens ne le souhaitent pas.
C'est pour cela que je dis que, dans le fond, c'est au niveau local de
décider si c'est pressant ou si cela ne l'est pas. Nous ne sommes pas
assez fous, je pense, pour aller à l'encontre des intérêts
de nos contribuables, s'il y a une pression politique d'exercée sur nous
et qu'il y a un petit flair politique qui fait qu'on commence à sentir
qu'il y a des choses qui pressent, qu'il faut que ça grouille et qu'il
faut décider.
Tout à l'heure, vous disiez qu'on était d'accord avec le
principe de la loi. C'est totalement vrai, mais dans la dimension municipale.
On n'est pas d'accord que toutes les décisions doivent se rendre
à la régie et on suggère, au moins dans les cas où
on n'attaque pas la carte originale qui est adoptée, que ce soit
final.
La deuxième chose qu'on dit: La municipalité ne sera pas
un consultant comme aux articles 58 et 59 où on dit simplement: Toutes
les demandes des municipalités nous sont acheminées, là on
étudie tout cela et on fait des recommandations à la commission.
Laissez faire, vous n'avez pas besoin de passer chez nous, c'est seulement pour
recommander. On dit: On est capable et on va décider. Si ce qu'on
décide fait l'affaire de la commission et qu'elle ne nous donne pas
d'avis contraire, dans un certain délai, on continue de fonctionner,
notre règlement de zonage est en vigueur, on a respecté
l'idée de la loi, la commission est tout à fait d'accord avec
nous et on continue à procéder chez nous, on n'est pas
retardé par rien.
M. Chevrette: C'est sur le principe même de la loi; vous
n'avez pas parlé des modalités.
M. Asselin: Là-dessus, cent pour cent.
M. Chevrette: Vous divergez d'opinion sur la façon de
décider du plan définitif.
M. Asselin: Le rôle municipal.
M. Chevrette: Mais sur l'importance de sauvegarder les sols
arables, vous êtes entièrement d'accord?
M. Asselin: II n'a jamais été question de remettre
cela en question chez nous.
M. Chevrette: A la page 15 de votre mémoire vous dites que
le propriétaire d'un lot vacant, dont il a fait l'acquisition avant le 9
novembre 1978, devrait avoir le droit de vendre ledit lot après cette
date et celui qui a acheté ce lot devrait avoir le même droit de
construire que celui qui l'a vendu.
M. Asselin: C'est que celui qui a acheté a le droit de
bâtir sur un demi-hectare dans les trois ans qui suivent.
M. Chevrette: Oui, mais là-dessus est-ce que vous ne
risquez pas de voir détruire le principe même qu'on veut sauver
par la loi?
M. Asselin: Du tout, parce que si le gars veut vendre son lot, il
va le construire et va le vendre bâti. Si un autre n'a pas le droit de le
bâtir, il va bâtir son lot et le vendra après.
M. Chevrette: Mais, au bout de trois ans il pourrait le vendre
à sa femme.
M. Asselin: Dans le fond, si on a le droit de construire un
lot... Avant le 9 novembre on a acheté un terrain, dans une
municipalité, qui est zoné agricole, on a le droit de bâtir
sur un demi-hectare dans les trois années qui suivent. On dit: Parfait,
vous voulez bâtir; tout à coup lui ne veut plus bâtir parce
qu'il voit que le zonage va changer le portrait dans sa région,
là où il avait acheté, ce ne sera plus pareil. Il
décide qu'il y a une priorité donnée aux activités
agricoles, il ne veut plus bâtir là et il s'en va, mais il y en a
un autre qui est intéressé d'aller rester là, il lui
vendra son lot et l'autre bâtira à sa place; cela ne changera rien
au niveau de la loi. (22 heures)
M. Chevrette: Mais dans l'éventualité où il
y en aurait des centaines qui revendraient leur lot, vous pourriez...
M. Asselin: Ils vont les bâtir et les revendre quand
même.
M. Chevrette: Mais le principe de la loi est d'épargner le
plus de sols arables possible. Si tu crées l'obligation de bâtir,
dans trois ans, vous aurez gardé ce privilège et c'est cet
individu acheteur avant le 9 novembre et non plus après qui aura
précisément le privilège d'agrandir ton réseau de
lots de sols arables. Selon la suggestion que vous faites, si tous les gars qui
ont des lots vacants et qui ne veulent plus bâtir maintenant parce que le
zonage risque d'en changer le portrait, comme vous le dites, décidaient
de vendre, la provision que prévoit justement la loi est perdue.
M. Asselin: La notion de droits acquis en matière
immobilière a toujours été rattachée à
l'immeuble lui-même, pas au propriétaire de l'immeuble. Autrement
dit, le droit d'exploiter quelque chose, le droit acquis, par exemple, d'avoir
une épicerie dans une zone résidentielle ne dépend pas du
propriétaire. Le propriétaire a une épicerie. Il peut
vendre son épicerie à un autre qui continuera d'exploiter son
épicerie dans une zone résidentielle.
Autrement dit, le droit acquis devrait être immobilier. Cela veut
dire que si on a un lot qui est déjà subdivisé le 9
novembre 1978 ou qui est déjà organisé pour la
construction ou sur lequel on a le droit de construire par la suite pour le
demi-hectare, celui qui a ce droit pourrait vendre son lot avec le droit
rattaché au lot. Mais vous êtes certain, en tout cas, que tout ce
qui n'aura pas été bâti trois ans après l'adoption
de la loi ne le sera pas.
M. Chevrette: Mais c'est au lot qu'on donne le droit
acquis...
M. Asselin: Oui.
M. Chevrette: ... et à l'individu propriétaire
dudit lot.
M. Asselin: C'est cela.
M. Chevrette: Donc, on offre la possibilité, à
l'individu qui était propriétaire dudit lot avant le 9 novembre
1978, de construire sur le lot actuel peint en vert.
M. Asselin: Vous limitez trop la notion de droits acquis pour
rien, à mon point de vue. Vous limitez, vous donnez un droit acquis
immobilier sur un lot pendant une période fixe. Laissez faire qui en est
le propriétaire. Cela ne dérange absolument rien. Cela va
permettre de régler la question.
M. Chevrette: II n'y en aurait pas eu théoriquement, si on
avait dit: Les lots sont gelés pour les sols arables. Il n'y aurait pas
eu de construction, rien. On a ouvert un droit acquis au propriétaire du
lot avant le 9 novembre.
M. Asselin: C'est cela. Ce propriétaire qui l'a, on
va...
M. Chevrette: On vient de donner un droit acquis à un
individu qui n'en avait pas. Vous voudriez qu'on l'étende.
M. Asselin: Quand vous lui avez donné ce droit acquis,
vous le lui avez toujours donné en relation avec un immeuble
précis, "un demi-hectare". Si j'ai le droit de construire sur un
demi-hectare de terre à un endroit précis, je pourrais vendre ce
droit de construire à une autre personne. C'est cela qu'on demande.
C'est comme cela qu'on veut que ce soit mis dans la loi. Si je prends mon droit
acquis et que je construis, l'effet sur le sol arable sera le même que si
j'avais vendu ma propriété à un autre avec le droit de
construire jusqu'à telle date, parce que le 9 novembre je l'avais. S'il
construit à ma place, il n'y aura pas plus de dommage que si c'est moi
qui avais construit dessus.
M. Giasson: Oui, mais pour un lot. M. Asselin: Ah! oui.
C'est sûr.
M. Chevrette: L'article c) de la page 15, j'ai l'impression qu'il
est déjà couvert par la loi. "Au niveau des droits acquis, nous
demandons qu'une construction incendiée ou démolie..." A
l'article b), il y a la même chose. Cela me semble tout compris dans les
articles... Si vous avez lu l'article 101 au complet, ne croyez-vous pas que
vos articles b) et c) de la page 15 sont vraiment couverts?
M. Asselin: Oui, mais voici pourquoi on pense qu'il serait bon de
le préciser. Je pense que ce serait beaucoup plus aux juristes de
l'examiner qu'à nous. Nous croyons qu'un droit acquis disparaît
avec la disparition de la bâtisse. Je vais vous donner un exemple. S'il y
a une disparition à 100%, il y a une jurisprudence bien établie
devant les tribunaux selon laquelle quand cesse la pratique ou l'exercice d'un
droit, le droit acquis cesse avec lui. Dans les règlements municipaux
actuels, il y a toujours des clauses qui nous permettent de dire: Si c'est
détruit à plus de 50%, il y aura quand même un droit acquis
de reconstruire sur le lot, s'il y a les dimensions voulues, etc. Le danger de
la loi, c'est que les tribunaux interprètent cela différemment.
Ils pourront dire: Concernant le droit acquis que vous aviez en vertu de
l'article 101, comme c'est brûlé, il y a eu cessation de
l'exercice du droit; donc, le droit acquis ayant disparu ne renaît plus.
Il y a eu de la jurisprudence comme celle-là.
M. Chevrette: Si vous reliez les articles 102 et 101...
Peut-être que par la jurisprudence, vous avez raison de dire que devant
les tribunaux civils, c'est cela; mais reliez l'article 102 à l'article
101...
M. Asselin: Oui, mais il y a une période fixe à
l'article 102.
M. Chevrette: A l'article 102, on dit qu'il a le droit de
rebâtir.
M. Asselin: Oui, mais il faut qu'il ait déjà
été reconnu à l'article 101. S'il est interrompu et qu'il
meurt à l'article 101, le droit reconnu ne peut pas être plus
grand à l'article 101 qu'à l'article 102. En tout cas, c'est
l'interprétation que j'en donne. Le droit qui est reconnu à
l'article 101, s'il cesse, il n'est plus reconnu.
M. Chevrette: On n'a même pas besoin de reconnaître
ce droit à l'article 101, si la bâtisse brûle, elle
était reconnue dans le lot.
M. Asselin: Soumettez-le à vos juristes. Tout ce que je
vous dis, c'est que quant à nous, on veut s'assurer que quelqu'un qui
serait victime d'un incendie sur un lot qui serait situé dans un
territoire comme celui-là, légalement puisse rebâtir et que
la loi soit suffisamment claire pour ne pas permettre à un tribunal de
dire: Votre droit s'est éteint et ne renaît pas; une fois
éteint, ce droit n'est plus acquis, il est mort. C'est ce qu'on veut
éviter; je ne peux pas vous dire le mérite légal de
l'argument.
M. Chevrette: II y a une autre chose. Sur les chemins, à
l'exception des chemins de ligne, vous demandez la construction en bordure un
peu partout.
M. Courchesne: Selon les normes de distance des bâtiments
de ferme, c'est pour...
M. Chevrette: Selon les normes de l'environnement qui disent
à tant de pieds...
M. Courchesne: Comme on a dans tous les règlements. Je
sais bien que dans le règlement de chez nous...
M. Chevrette: Selon les règlements de construction et de
zonage de vos localités.
M. Courchesne: Oui, mais il y a différentes normes dans
différents règlements. On n'a pas voulu y inscrire les normes. Il
reste que la construction de trois ou quatre habitations sur la même
ferme, on ne pourra pas garder cela dans cinq ans ou dans dix ans parce que ce
seront des fermes à vendre avec trois ou quatre propriétés
dessus. Il faudra que cela se vende comme un tout. Qu'on lotisse un
demi-hectare, que ce soit la maison du cultivateur ou de son garçon,
cette maison-là pourra se vendre séparément de la ferme.
Il y a même des fermes sur lesquelles des bâtiments ne pourront pas
être construits parce que les fermes qui n'ont pas un frontage assez
grand ne pourront pas suivre les normes de distance. Chez nous, il y a des
fermes sur lesquelles on ne peut pas construire d'autre maison; par ailleurs,
sur certaines fermes, on peut en construire deux autres.
M. Chevrette: C'est dans cette optique que vous parlez de 25%
d'accès...
M. Courchesne: Si c'est un lot d'une largeur de 3 acres, en
garder 25%, cela fait long; il faudrait plutôt que ce soit calculé
en pieds, c'est très arbitraire.
M. Asselin: II y a une chose qu'on avait soulignée quand
cela avait été discuté, c'est le fait que le long des
chemins municipaux, en fait, des chemins de front parce qu'on n'a pas
parlé des chemins de ligne étant donné que cela peut
vraiment être désastreux sur les chemins qui font face aux
lots il reste qu'ouvrir cinq milles de chemin, l'hiver, avec la charrue, pour
dix ou pour vingt-cinq résidents, c'est le même prix. Ramasser les
vidanges sur trois quarts de mille comprenant six habitations ou quinze
habitations, c'est sensiblement la même chose. Ce qui coûtait cher,
c'était d'aller au bout des terres ou d'essayer de faire des chemins
pour aller sortir quatre ou cinq gars qui avaient commencé à
développer au bout des terres.
En fin de compte, il y a des aspects positifs de cette loi qu'il faut
regarder, mais en voulant aller trop loin, on peut parfois empêcher des
choses qui étaient déjà profitables. C'est ce qu'on a
essayé de voir là-dedans. Bâtir le long des chemins de
front quand on gardait suffisamment d'accès pour l'arrière et
ceux qui bâtissent à ces endroits savent déjà qu'ils
vont être obligés de subir le monde agricole qui les entoure, les
odeurs, les charrettes à foin dans le chemin, etc.; ils le savent et il
l'endureront.
Quant à nous, on se dit: Au niveau du coût des services
municipaux, éclairer les rues, par exemple; si on pose des
lumières à tous les deux ou les trois poteaux pour
éclairer un chemin municipal, si on éclaire dix
propriétés au lieu d'en éclairer deux avec les mêmes
lumières, cela fait une meilleure répartition du coût. Si
c'était pour avoir un impact très grand, si cela occasionnait un
gros gaspillage de terres, on dirait: Peut-être, mais on pense que si on
garde les accès voulus pour l'usage agricole et si on permet la
construction en bordure des chemins de front, on ne nuira pas
nécessairement à la protection des sols.
M. Giasson: Ne craignez-vous pas un problème au niveau de
la disposition des eaux usées si vous avez trop d'habitations sur des
chemins municipaux dans les rangs?
M. Asselin: Ecoutez un peu, chez nous, on a un règlement,
tout le monde l'a, vous savez. Les fosses septiques doivent être à
tant de pieds des maisons et il faut qu'elles soient au moins à tant de
pieds des prises d'eau, etc. Ensuite...
M. Giasson: Oui, cela a un surplus; cela se déverse dans
des ruisseaux.
M. Asselin: Non, mais il y a une chose, tout le monde y a
déversé, et pas principalement les maisons. Cela, en milieu
agricole, on le sait bien.
Effectivement, il y a beaucoup d'endroits où ils n'ont pas pu
développer des centres résidentiels parce que tout était
complètement pollué au point de vue de l'approvisionnement en eau
et on en a un exemple dans un comté qui n'est pas très loin de
chez nous dont j'avais parlé déjà avec notre
député et qui disait: "Bien, écoutez un peu". Je lui
expliquais qu'on forçait quelqu'un de faire l'épan-dage de son
fumier sur ses terres et, à un moment donné, on a commencé
à trouver des coliformes dans les puits d'eau de la municipalité
qui approvisionnait le village parce qu'on était allé chercher
l'eau souterraine là-bas; cela a été quand même fait
par ce puits, d'après l'enquête, les études en eaux
souterraines. C'était le fumier de surface qui avait fini par polluer
les puits d'eau d'approvisionnement de la municipalité.
Alors, ce sont des choses, en fait... on voit qu'il y a des
difficultés de cohabitation des deux. Mais il reste qu'il y a des
endroits où cela peut se faire, où cela ne sera pas dangereux
parce que, la seule contrainte qu'on a ne sera certainement pas l'agriculture.
Autrement dit, les municipalités ne commenceront pas à
émettre des permis partout où l'agriculture va lui permettre de
le faire. On va émettre des permis de construction là où
l'environnement, l'agriculture, le zonage et tous les impératifs qu'on a
vont permettre de le faire, même la fourniture des services municipaux.
On peut dire: "On n'émettra pas de permis là-bas, cela va
coûter trop cher à desservir". Même si l'agriculture le
permet, cela ne sera pas notre seule bête noire, si vous voulez, en
matière de construction de maison, si on est bien malade de cela. Mais
il reste qu'il y a une liberté qu'on voudrait garder à
l'intérieur et dire à l'agriculture: "Ne nous barrez pas", si, au
point de vue de l'environnement, au point de vue des autres impératifs
qu'on a localement, on peut le faire, sans créer de préjudice
à personne.
M. Chevrette: Je vous remercie.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. Asselin. M. le
député de Berthier, rapidement, étant donné que
nous avons encore trois mémoires à entendre.
M. Mercier: Est-ce que vous avez l'impression que les
municipalités de la région vont pouvoir s'acquitter assez
facilement de la tâche de préparer leurs demandes à la
commission, demandes qui soient techniquement et politiquement
justifiées parce qu'il va y avoir toutes sortes de tensions dans
certaines municipalités. Avez-vous l'impression que les
municipalités vont s'acquitter de cette tâche assez
facilement?
M. Asselin: Sans l'ombre d'un doute; cela ne fait aucun doute. Je
pense que le gros problème en milieu agricole, probablement que le
ministre s'y attend un peu, va être de définir le
périmètre urbain des endroits où il y a une forte
urbanisation. Dans les autres municipalités, les petites
municipalités rurales, on sait où cela peut être
cultivé et où cela ne peut pas l'être. Dans bien des cas,
80% des cas, elles vont arriver avec des cartes et elles vont dire: "Pourquoi
cela? On avait prévu que c'était agricole, pourquoi cela ne
l'est-il pas?" On dira: "Va voir". Il a pu y avoir des choses qu'elles n'ont
pas vues, des caps de roches ou même, il y en a dans cette
municipalité, on en parlait, des endroits absolument impraticables, mais
qui ont quand même été mis en zones; tout a
été mis là. Mais, localement, on va être capable de
faire un grand déblayage, sans qu'il y ait de heurts parce qu'on va
être pas mal capables d'identifier les endroits propices. Si on sait
qu'on est soumis à la surveillance d'une commission, vous avez de bonnes
chances que cela fonctionne, surtout qu'il y a nos urbanistes.
M. Mercier: Vous n'avez pas l'impression, au sujet de ce que vous
évoquez, que si la municipalité fait une demande et qu'au bout de
30 jours elle n'a pas reçu d'avis de la commission, elle pourrait
procéder? Cela pourrait placer la commission devant une foule de faits
acquis, de situations acquises. On reviendrait un peu aux choses qu'on a
connues avant la fameuse loi qui a été passée dans le
domaine des transports, qui oblige le ministère des Transports à
procéder par expropriation lorsque...
M. Giasson: Je ne vois pas de problème pour les 90 jours.
Si la commission n'est pas d'accord, elle dit aux municipalités:
"Non...
Une Voix: ... je ne suis pas d'accord ", on est obligés
d'attendre.
M. Giasson: On n'accepte pas votre plan, tel que...
M. Mercier: Oui, mais, pratiquement parlant, si le nombre de
demandes est considérable, et avec 614 municipalités, il peut
l'être, à ce moment, vous pouvez vous retrouver avec des conflits
quant aux délais.
M. Giasson: II n'y aura pas de conflits. Après 90 jours,
si c'est non, la municipalité n'a pas le droit de procéder; il
faut qu'elle respecte la zone désignée par décret.
M. Asselin: II y a quand même une chose, vous parlez de
trente jours, M. Mercier. Voici ce que je vous dis: La première phase,
le premier plan est de 90 jours, il n'est pas de 30 jours; le premier plan, le
plan initial. On donne notre avis, on soumet notre plan et, à
l'intérieur de 90 jours, si on n'a pas de réponse cela veut dire
que c'est approuvé. On dit: Après trois mois, on aura eu le temps
d'en faire l'étude pour nous dire son désaccord partiel ou total
sur le plan. S'il y a désaccord, on a une autre période de 90
jours. Quand on parle de 30 jours, c'est dans les cas des amendements pour
sortir des terrains de la zone agricole. Cela va probablement être un
département où on va s'occuper de tous les amendements concernant
le zonage agricole qui vont venir d'une
municipalité et se diriger là-bas, et vous remarquerez
que, dans notre mémoire les municipalités ce n'est
pas écrit, on envoie une copie du règlement. C'est marqué:
la décision motivée. C'est-à-dire que quand on rend une
décision pour modifier le zonage, on doit en donner les motifs. (22 h
15)
M. Mercier: Oui, mais concrètement parlant je ne
veux pas éterniser le débat, je terminerai là-dessus
la commission de protection des terres agricoles va fournir une
expertise technique de faits aux municipalités qui vont présenter
leur demande, sur l'évaluation de la qualité des sols, en tenant
compte du contexte d'aménagement, alors que la municipalité va
présenter une demande qui va être beaucoup plus globale,
c'est-à-dire qui devrait tenir compte des plans d'aménagement,
des réseaux, des services, etc. Et la question demeure, je pense, est-ce
qu'en l'espace de 90 jours, des municipalités de 2000, 3000 habitants
vont être capables de présenter des plans qui, techniquement, vont
tenir compte des données, quant à l'aménagement, quant au
coût des services, quant aux situations financières des
municipalités et quant à la qualité des sols, etc?
J'ai l'impression que pour plusieurs municipalités, il va y avoir
des... La commission va fournir, en même temps, des conseils, des
expertises techniques, et j'ai l'impression qu'il va y avoir une période
d'ajustement qui va être difficile pour certaines.
M. Asselin: Je ne sais pas si j'ai été mal compris
depuis le début. Mais ce que l'on suggère... Je n'ai pas
l'intention, moi, de faire adopter mon règlement de zonage par le
ministère de l'Agriculture ni par la commission. Moi, ce que je vais
faire préparer, pour soumettre à la commission, c'est le plan des
territoires que j'entends protéger pour fins agricoles et ce, d'une
façon permanente. Et je dis à la commission: c'est cela que je
vous soumets. La balance, que ce soit zoné résidentiel,
commercial, etc., la commission, ce qu'elle veut savoir, c'est ce que j'ai
protégé et pourquoi je n'en ai pas protégé plus ou
est-ce que si, dans ses données à elle, elle était
d'opinion que j'aurais dû protéger beaucoup plus que ce que j'ai
protégé chez moi; à ce moment-là, elle va dire: "On
n'accepte pas cela; dans nos livres, dans nos études, il y a un
territoire beaucoup plus grand que cela à protéger ". Alors,
c'est là, qu'il va falloir s'asseoir.
M. Mercier: D'accord, merci.
Le Président (M. Boucher): Merci Me Asselin. Alors, au nom
de tous les membres de la commission, je remercie le conseil de comté de
Joliette d'avoir bien voulu présenter ce mémoire.
M. Asselin: Merci beaucoup.
Fédération interdisciplinaire de
l'horticulture ornementale du Québec Inc.
Le Président (M. Boucher): J'appelle maintenant la
Fédération interdisciplinaire de l'horticul- ture ornementale du
Québec Inc., au nom de l'Association des producteurs de gazon du
Québec incorporée, Association des paysagistes et des
pépiniéristes du Québec incorporée et Fleurs
Canada, région Québec. M. Jacques Paquin, président.
M. Paquin: Bonjour.
Le Président (M. Boucher): Si vous voulez bien
présenter les gens qui vous accompagnent.
M. Paquin: II se fait tard; j'espère que, malgré
tout, on va pouvoir faire tout ce qu'on a à faire. A ma droite, M.
Jean-Guy Richer, qui est des Gazon-nières Richer et président de
l'Association des producteurs de gazon; M. Jean-Denis Boulet, qui est des
Gazonnières Boulet et qui est vice-président de l'Association des
producteurs de gazon; M. Julien Dumais, à ma gauche, membre du Paysage
Québec et président de la compagnie Embellissement Duberger; M.
Jean Speth, membre du Paysage Québec et président du Comptoir du
Jardin; Mme Ghislaine Cimon, vice-présidente de Paysage Québec,
déléguée par le président de Paysage Québec
et présidente de Motoculture Moderne incorporée; M. Fernand
Bourbeau, membre de Paysage Québec et président de la
Pépinière Bourbeau, à Québec.
Le Président (M. Boucher): M. Paquin, en examinant les
mémoires que vous avez présentés, il s'agit en fait de 3
mémoires.
M. Paquin: Dans le même oui.
Le Président (M. Boucher): Est-ce que vous avez
l'intention de les lire au complet ou si un résumé de chacun
permettrait d'accélérer...
M. Paquin: Si vous préférez... Ce qu'on pourrait
peut-être vous offrir, ce serait, si vous nous promettez qu'on passerait
les premiers, demain-matin, on pourrait revenir demain matin.
Le Président (M. Boucher): Ah! vous reviendriez demain
matin?
M. Paquin: Parce que je me demande si on ne peut pas être
aussi intéressant que...
Le Président (M. Boucher): Demain, durant la
journée, nous en avons treize à entendre, alors qu'aujourd'hui on
a à peine le temps d'en entendre dix.
M. Paquin: Je voudrais vous faire remarquer que je ne lis que la
première partie; je ne lis pas tous les mémoires.
Le Président (M. Boucher): Ecoutez, ces mémoires
ont été remis aux députés; tous les membres de la
commission les ont reçus et je puis vous assurer que même s'ils ne
sont pas lus, ils vont être transcrits dans le journal des
Débats.
M. Paquin: Je voudrais vous faire remarquer
aussi que de notre côté, vous savez que ce sont des
associations. Nous avons déplacé environ 50 personnes pour la
rédaction des mémoires. Ce ne sont pas des mémoires d'une
seule personne. On est ici depuis 10 heures ce matin. On nous a remis à
plus tard deux fois à cause de l'ordre du jour qui avait
été préparé... Si vous croyez que ce serait
vraiment préférable, je peux essayer de résumer
j'espère être aussi intéressant que si je l'avais lu
Le Président (M. Boucher): D'accord. M. Paquin: Si
aussi...
Le Président (M. Boucher): De toute façon, les
mémoires seront retranscrits au complet dans le journal des
Débats. (voir annexe B)
M. Paquin: D'accord.
Le Président (M. Boucher): Allez-y M. Paquin.
M. Paquin: Pour quelques-uns d'entre vous, peut-être, il
s'agit d'un premier contact avec notre jeune mais énergique
fédération. Je me permets dès maintenant de vous
présenter notre organisme qui regroupe huit associations membres: c'est
l'Association des marchands de semence, l'Association des paysagistes et des
pépiniéristes du Québec, l'Association des surintendants
de golf, la Société internationale d'arboriculture, l'Association
pour le contrôle des végétaux et insectes nuisibles du
Québec, l'Association Fleurs Canada, l'Association des producteurs
d'arbres de Noël du Québec et enfin, l'Association des producteurs
de gazon.
Nous représentons à peu près 1200 membres; les
membres de nos associations ne sont pas généralement des
personnes, mais des compagnies, donc, avec des employés.
Quand on parle du chiffre d'affaires de l'horticulture ornementale
et c'est pour cela que la loi sur le territoire agricole est vraiment
notre loi, en définitive elle nous touche de façon très
directe on parle d'un chiffre d'affaires d'environ $500 millions, comme
M. le ministre le disait justement au récent congrès de Paysage
Québec.
Nous voulons féliciter le gouvernement $500 millions pour
plusieurs personnes, c'est peut-être une révélation parce
que l'horticulture ornementale a toujours été mise un peu de
côté par les gens en général et vous, M. le
ministre, pour le courage et certains diraient pour la
témérité dont vous faites preuve en amenant cette loi
devant l'Assemblée nationale et surtout, en envisageant de l'appliquer
par la suite.
Nous avons deux associations en particulier qui ont des
problèmes. Elles ne se sentent pas vraiment menacées par la loi
mais craignent l'esprit de la loi. Je devrais dire que ce sont trois
associations parce que, dans les délais quand même assez courts
qui nous ont été accordés, le mémoire de
l'Association Fleurs Canada a été ajouté par la suite
parce que nous n'avions pas le temps de le préparer avant.
Est-ce que je pourrais, M. le Président, demander à
l'Association des producteurs de gazon de nous résumer son
mémoire? D'accord? M. Jean Denis va le faire à ma place.
M. Boulet (Jean-Denis): Suite à la présentation en
première lecture du projet de loi, il y a un article spécifique
qui nous a attaqués immédiatement, soit l'article 72 du projet de
loi qui dit que le seul enlèvement du gazon n'est pas
considéré comme une récolte normale d'une production
typiquement agricole. Cet article 72 fait partie des articles de la section 5
sur la protection du sol arable, interdisant l'enlèvement ou la
destruction du sol arable.
L'essence même du mémoire de l'Association des producteurs
de gazon est de montrer avec tous les documents qu'on a annexés à
ce mémoire je peux vous lire les titres des documents est
de prouver que les producteurs de gazon du Québec ont toujours
été, jusqu'à ce jour, considérés comme
producteurs agricoles. Evidemment, ils ont rencontré plusieurs
embûches en cours de route, entre autres deux cette année: une
première au cours de l'été lorsqu'un communiqué du
ministère de l'Agriculture dit à tous les bureaux
régionaux que les producteurs de gazon du Québec n'étaient
plus considérés commme des producteurs agricoles, à moins
de se présenter à la Régie des marchés agricoles
pour une détermination définitive, parce que la régie ne
s'était jamais prononcée sur la question. (22 h 30)
A la suite de la présentation à la Régie des
marchés agricoles, vous trouverez, dans les documents annexés,
copie du jugement de la Régie des marchés agricoles qui nous
confirme comme étant encore producteurs agricoles.
Vous y trouverez aussi la résolution de l'UPA, la
résolution de la Fédération des producteurs de culture
commerciale du Québec qui est une section de I'UPA qui
avait appuyé nos recommandations à la Régie des
marchés agricoles.
Nous avons annexé, en même temps, des documents techniques
concernant la modification du sol dans la culture de gazon, pour prouver que,
en somme, un producteur de gazon est un producteur agricole qui cultive sa
terre continuellement et qui voit toujours au maintien de la
productivité du sol en tant que capacité de production agricole
quelle qu'elle soit, gazon ou autre chose.
La définition d'un producteur agricole, à notre avis, est
donnée à la page 2, dans notre mémoire,
c'est-à-dire qu'un producteur de gazon est celui qui, après avoir
fait l'assainissement du sol et le nivelage, ensemence des herbes tapissantes
telles que les pâturins, les fétuques, les agrostides, le
ray-grass, utilise des fertilisants et pesticides pour la bonne croissance des
herbes, récolte la pelouse sous forme de gazon et reprépare le
sol pour un réensemencement sur la même surface de sol arable. Il
y a une distinction à faire entre celui qui enlève la couche
d'herbe ou d'ancien pâturage, qu'on appelle communément de la
tourbe de champ, et le producteur de gazon qui, lui, ense-
mence, qui travaille le sol et voit à sa
régénération continuelle ou à la
préservation de sa productivité agricole pour continuer à
cultiver sur les mêmes surfaces. Nous-mêmes, notre entreprise, qui
existe depuis au-delà de 25 ans, dans la culture de gazon, nous avons
des terres que nous cultivons depuis au moins 17 ans, à
Bernières, dans le comté de M. le ministre et nos terres ont une
capacité de production pour plusieurs années, même plus de
100 ans. Même si le commun des mortels pense qu'on décape une
terre, on ne la décape pas en réalité. J'ai apporté
des résumés d'études qui ont été faites par
l'Université de Guelph et aussi un document tiré de la revue
ASPA, qui est l'association de producteurs américains de gazon, qui a
fait des études et publié les résultats de recherches sur
la modification du sol et le retour de la matière organique dans le sol,
qui tendent à démontrer que la culture de gazon ne
déprécie pas plus les terres qu'une monoculture de maïs ou
une culture de pommes de terre, etc. Cela veut dire qu'il peut y avoir autant
de perte de sol par l'érosion, par le vent, dans d'autres cultures,
comme le maïs ou la pomme de terre, qu'il peut y en avoir dans le gazon au
point de vue quantité de terres perdues de surface. C'est la
démonstration que l'on veut donner et on veut tout de même que la
loi nous maintienne comme producteurs agricoles et non pas comme des
décapeurs de terre.
La recommandation que nous faisons, c'est le retrait de l'article 72 de
la section 5 du projet de loi ou encore l'adoption d'un règlement
spécial, mais une confirmation sûre que l'adoption d'un
règlement spécial, en vertu de l'article 80, paragraphe 3, pour
considérer les producteurs de gazon, qui sont actuellement producteurs
agricoles, comme des entreprises qui font une activité essentiellement
agricole, donc non sujette à un contrôle de permis d'utilisation,
auquel tout autre cultivateur n'est pas assujetti. En somme, un autre
cultivateur, un autre agriculteur n'est pas soumis à un contrôle
d'utilisation du sol quant à la culture qu'il fait et un producteur de
gazon devrait, normalement, ne pas avoir un contrôle semblable. (22 h
30)
M. Paquin: Ce que je pourrais peut-être ajouter à ce
que Jean-Denis a dit, c'est l'impact économique de la production du
gazon au Québec, qui représentait, en 1978, des ventes brutes de
$10 millions provenant de la culture sur environ 8000 acres de terre. La
pratique du permis, qui a d'ailleurs une durée de vie de seulement deux
ans, est absolument incompatible avec la culture du gazon puisqu'on
récole tous les deux ans et demi. Quelqu'un qui pourrait semer son gazon
serait obligé de redemander un permis pour le récolter. Une autre
des associations membres de la fédération est l'Association des
paysagistes et pépiniéristes du Québec. Les
pépiniéristes, en particulier pour commencer
craignent eux aussi qu'une application légalise ceux qui vont
appliquer la loi seront des fonctionnaires qui se fixera seulement sur
l'esprit de la loi vienne limiter leur production. Les
pépiniéristes veulent eux aussi s'assurer qu'ils n'auront pas
besoin de permis pour faire la production de leurs arbres de
pépinières. Eux aussi demandent de participer à la
rédaction du troisième paragraphe de l'article 80 pour
déterminer, aux fins de l'article 70, que les pépinières
n'ont pas besoin de permis pour pratiquer leur culture. La demande de permis
pour les pépiniéristes serait aussi préjudiciable;
d'abord, on ne cultive pas un arbre sur une période de deux ans, on le
cultive sur une période de trois, quatre, cinq ou six ans.
En plus de cela, chacun sait, au ministère de l'Agriculture, que
la production des pépinières au Québec est très
largement déficitaire, on parle de plus ou moins et plutôt plus de
80% d'importation de tout ce qui se vend d'arbres, d'arbustes, de
conifères, de rosiers, etc., au Québec. Ces produits viennent de
l'Ontario, de la Colombie-Britannique, des Etats-Unis et de l'Europe. On
retrouve peu d'experts et peu de techniciens auprès des producteurs.
Combien le ministère compte-t-il de spécialistes en horticulture
ornementale dans les régions dans les mêmes bureaux que ses
spécialistes de la fraise et du tabac?
L'importance dans l'environnement du développement de l'industrie
de l'horticulture ornementale est particulièrement facile à
saisir comparativement à celle du tabac, produit voué à la
pollution, ou comparativement à celle du maïs, produit
destiné à l'allégement de l'esprit. Notre culture ne
détériore d'aucune façon le sol et le producteur ne peut
que se préoccuper d'assurer le maintien de sa fertilité puisque
ses récoltes futures en dépendront.
Je continue avec la dernière partie des recommandations des
pépiniéristes. Je m'excuse d'être un peu à
bâtons rompus, mais vous m'avez forcé à résumer et
je ne veux pas en oublier. Les pépiniéristes voudraient
être consultés lors de la rédaction des règlements
qui régiront l'application de l'article 80, paragraphe 3, pour tout ce
qui concerne les pépiniéristes.
Enfin, les paysagistes, pour qui la terre est un matériau de
base, se sentent réconfortés et protégés par la
loi, par votre souci de protéger leur matériau de base
utilisé dans leurs travaux d'embellissement. La terre arable est
essentielle à leurs travaux comme la brique l'est au briqueteur. Les
paysagistes craignent que la présente loi provoquera en bien des zones
non protégées la spéculation et le gaspillage ou
même la destruction du sol arable. Il en sera de même lorsque les
permis seront accordés pour libérer les lots
protégés.
Les paysagistes demandent, devant les règlements pour
éviter des abus causés par des promoteurs ou par d'autres
organismes qui obtiendront un permis d'exploitation non agricole, si
ceux-là seront en mesure d'apprécier la valeur du sol arable
recouvrant les lots qu'ils veulent utiliser. Pour éviter ces abus, les
paysagistes suggèrent la mise en place immédiate de
mécanismes de contrôle pour sauver la terre arable et la
récupérer dans les zones non désignées.
Les paysagistes demandent aussi que les règlements soient
aménagés de telle façon que préséance soit
accordée aux paysagistes, les utili-
sateurs, pour la récupération de la terre arable lorsque
la commission accordera des permis d'exploitation de terre arable. Ils
suggèrent, pour renforcer l'article 74, que l'épaisseur du sol
arable à prélever soit déterminée par
règlement à chaque cas de demande de permis pour qu'il demeure
assuré que la pratique d'enlever une couche de sol n'empêche pas
la régénération de ce sol.
Il ne faut pas oublier aussi que les paysagistes, en
général, ont pris des contrats pour le printemps. S'il y avait
une certaine diligence dans l'émission des permis à leur
être accordés pour qu'ils puissent respecter leur engagement, cela
serait sûrement très apprécié.
Les paysagistes se joignent au pépiniéristes et aux
producteurs de gazon pour demander que les mandataires de la
Fédération interdisciplinaire de l'horticulture ornementale du
Québec soient consultés par vos experts pour la rédaction
des règlements dont on parle à l'article 80, paragraphe 3. Cette
consultation paraît à tous comme étant primordiale et
nécessaire car tous, nous sommes concernés par l'une ou l'autre
des dispositions de la loi. De plus, comme semble le laisser entendre l'article
8, la fédération demande même que l'un des membres de la
commission soit un représentant de la fédération.
A ce mémoire s'est ajouté celui de Fleurs Canada qui
regroupe 476 membres, fleuristes et horticulteurs et qui a pour but de
promouvoir, développer et améliorer l'industrie horticole
ornementale au Québec. L'impact économique de l'industrie florale
dépasse, au niveau des ventes, $60 millions en 1977 pour une superficie
cultivée supérieure à 100 hectares. Ces gens emploient
7000 personnes dans 1500 entreprises à travers le Québec. Or, il
appert que 75% des établissements horticoles de nos membres produisant
75% de la production florale du Québec se situent dans des zones
urbaines non désignées agricoles.
Ici, si vous me le permettez, le représentant n'est pas ici, je
vais lire le texte au complet. Ce n'est pas tellement long, de toute
façon. Dans l'alinéa i) et 1 et 2 de l'article 21a, le maximum de
la valeur imposable passerait de $150 l'acre à $2000 l'acre en quatre
ans et serait à la merci de l'estimateur municipal lors de la
cinquième année. Par exemple, un horticulteur possédant
quatre acres de terrain agricole verrait ses taxes passer de $600 à
$8000 en quatre ans, soit une augmentation de 1333%. Quand on voit le prix des
terres à Laval dont les gens parlaient ce midi, on est porté
à le croire. Il devient évident qu'avec un taux d'inflation de
444% par année pendant trois ans, nos horticulteurs n'ont plus que
quelques années à faire affaires ou bien ils devront se
débarrasser de leur terre le plus vite possible. Nous recommandons donc,
pour la sauvegarde de notre industrie florale et la survie de nos
établissements horticoles, la suppression de l'article 106 et le
maintien de l'article 21 de la Loi sur l'évaluation foncière de
1975, chapitre 50.
Les horticulteurs et fleuristes utilisent le sol arable de leurs
terrains agricoles en mélange avec des sols artificiels pour le
rempotage de leurs plantes. Il semble inconcevable qu'un permis soit
exigé parce que c'est un peu comme les pépiniéristes ici.
Chacun sait, au ministère de l'Agriculture, que la production florale au
Québec s'amoindrit d'année en année. Les importations des
autres provinces, surtout de l'Ontario et des pays étrangers,
envahissent de plus en plus notre province. Nos conditions climatiques
déjà défavorables, comme pour les
pépiniéristes, l'absence de subventions aux horticulteurs,
couplées avec une loi pénalisant les producteurs horticoles
situés dans les zones urbaines sont loin d'aider à
l'autosuffi-sance prônée par M. le ministre de l'Agriculture. Nous
avons été réjouis et surpris d'apprendre qu'un centre de
recherche sur les serres sera développé à Sainte-Martine,
comté de Châteauguay. Il semble curieux qu'un effort soit fait,
d'un côté, pour nous aider dans nos techniques de culture et que,
de l'autre, nous soyons pénalisés pour avoir nos serres et faire
nos cultures dans des zones urbaines. Comme les autres, ces gens demandent
aussi que quelqu'un de la fédération soit consulté pour
les règlements de l'article 80, paragraphe 3. Merci.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. Paquin. Je vous
remercie de votre collaboration pour les résumés impromptus que
vous avez pu nous faire.
M. Paquin: Du mieux que j'ai pu.
Le Président (M. Boucher): Merci, monsieur. M. le
ministre.
M. Garon: II y a une affaire que je peux vous dire. Les gens qui
sont dans la zone non agricole auront toujours la possibilité... Parce
que l'article 106 va jouer à partir de la formation du décret de
zones permanentes et l'individu qui n'est pas dans un territoire où le
plan provisoire l'inclut et où il est inclus dans la zone agricole aura
toujours le loisir de demander d'y être inclus lui-même. A ce
moment-là, il continuera à jouir de l'article 21, non seulement
en jouir tel qu'il est, mais en jouir avec 70% du remboursement d'impôt
plutôt que 40%.
M. Paquin: Mais, comme on en a parlé ce matin, avec les
difficultés avec la ville de Laval, est-ce que le monsieur en question
réussira à se faire inclure dans la zone verte?
M. Garon: En le demandant à la commission?
M. Paquin: Oui. La commission ne se préoccupera pas trop
de la ville de Laval, n'est-ce pas?
M. Garon: C'est-à-dire qu'il y a des questions. Supposons
que votre serre est à la Place d'You-ville à Québec,
peut-être que la commission se posera des questions. Cela dépend.
C'est la même chose pour la Place Ville-Marie à
Montréal.
M. Paquin: Cela me dit davantage quelque chose.
M. Garon: Place d'Youville, c'est ici, en bas.
Normalement, quelqu'un qui est dans un endroit où il peut faire
de la culture en serre, il n'y a pas de problème. La commission n'a pas
de raison de le refuser. Au point de départ, on ne voulait pas imposer
à des gens, par le fait qu'ils ne sont pas dans la zone agricole, qui
seraient dans la zone urbaine, de cultiver, à l'intérieur d'un
périmètre qui va être affecté essentiellement
à l'urbanisation.
Et si un producteur veut que sa terre soit incluse dans la zone
agricole, même s'il est dans le périmètre, s'il veut se
construire dans la zone agricole, ce sera son choix. A moins que cela
mène à des aberrations, la commission va acquiescer,
normalement.
Le Président (M. Boucher): Mme Cimon.
Mme Cimon (Ghislaine): M. le ministre, ce que les paysagistes
parce que je représente l'Association des paysagistes
craignent, c'est ce qui déjà est en train de se passer. Nous
trouvons que vous avez raison de commencer à protéger les
terres.
M. Garon: Oui.
Mme Cimon: Les terres agricoles, celles que vous avez
protégées. Mais ce qu'on voit, ce qu'on craint et ce qu'on
réalise tout le temps dans notre métier, c'est que les terres
arables qui sont en dehors de cette zone vont être de plus en plus
gaspillées. C'est même commencé. On pourrait vous citer le
nom d'une municipalité. On ne vous la citera pas parce qu'on ne veut pas
vous le dire, la municipalité ne nous a pas confirmé le fait.
Nous autres, on a besoin de terres arables pour faire des aménagements
paysagers.
M. Garon: Oui.
Mme Cimon: On a absolument besoin de terre arable pour travailler
et pour planter des arbres. Il faut la prendre quelque part. Actuellement, ce
que les municipalités font, déjà, celles qui sont
zonées en partie agricoles, elles sont en train de gaspiller cet hiver,
en ouvrant des lignes d'égouts et d'aqueduc, de développer des
quartiers qui ne sont pas zonés agricoles, dans lesquels elles peuvent
faire du développement et elles gaspillent complètement la terre
arable, comme cela se fait partout au Québec depuis
énormément d'années.
Nous pensions que cette loi allait protéger aussi, d'une
manière ou d'une autre, ces terres qui sont souvent très bonnes
aussi, dont nous pourrions nous servir quand on fait des aménagements et
qui, en fait, vont nous passer en-dessous du nez, parce qu'on ne croit pas du
tout que les municipalités voient à cela. Les
propriétaires de ces terres, de toute façon, sont bien contents
de les vendre. C'est inusité pour eux de les vendre pour de la
spéculation immobilière actuellement.
On se dit: Vous protégez un côté et d'un autre
côté, cela va être un saccage absolument total des
localités environnantes.
M. Garon: J'imagine que cela ne sera pas général.
Autrement, il faudrait croire que nous sommes un peuple non civilisé. Il
peut y avoir des exceptions pour confirmer la règle, mais normalement,
les municipalités ne saccageront pas leur périmètre
d'urbanisation.
Mme Cimon: Elles ne saccagent pas leur périmètre,
mais la terre arable, elles ne connaissent pas cela. Cela ne leur fait
rien.
M. Giasson: Mais au moment où une municipalité
donne des contrats de canalisation, la couche de surface, c'est ce que vous
voudriez récupérer?
Mme Cimon: Oui, c'est cela.
M. Giasson: Vous ne pouvez pas stocker ce matériel
avant...
Mme Cimon: On voudrait avoir une certaine préséance
sur cette terre, pour qu'au moins, si elle est livrée à tout le
monde, elle ne soit pas saccagée, que des municipalités ou les
promoteurs la mettent en tas et qu'ils nous la vendent. On ne leur demande pas
de nous la donner. Mais qu'ils nous la vendent et qu'on ait une certaine
préséance sur cette terre. Actuellement, ils ne la
protègent pas. La terre arable, c'est une notion... Quant à une
municipalité, à la limite, je ne sais pas si elle sait ce que
sont les arbres. La terre arable, ne lui en parlez pas, parce que... (22 h
45)
M. Giasson: D'ailleurs, ce n'est pas la préoccupation des
municipalités. J'ai regardé construire l'autoroute 20 dans ma
région, il faut dire que le gouvernement, le ministère des
Transports a fait le plus beau fouillis avec le "top soil", comme on l'appelle,
la couche de surface, et ce qui sortait d'en-dessous. On plaçait cela
dans des tas et tout cela était mêlé ensemble. A peu
près tout le monde se fout de la bonne couche, du "top soil" qu'on peut
avoir lorsqu'on a à travailler la terre.
M. Paquin: M. le Président, elle est toujours bonne
jusqu'à au moins huit pouces. Si on la laisse
régénérer, cela peut descendre aussi. C'est justement
comme elle le dit, quand on creuse pour les égouts, les caves qu'on
mélange, qu'on bouleverse tout. C'est tout saccagé, c'est fini.
Même M. Tardif en a parlé, qui travaille pour le gouvernement, qui
a participé à la préparation de ce projet de loi. C'est un
des problèmes des zones qui ne sont pas désignées. La
partie de terre qui est récupérable est perdue dans bien des cas,
parce que, comme dans le cas dont elle parle, on va creuser pour les
égouts cet hiver. C'est certain qu'on ne récupérera pas la
terre, c'est définitif.
En creusant pour les égouts, on bouleverse tout. Là, on va
commencer à creuser les caves. Tout est bouleversé. La terre,
où est-elle? Après cela, elle est mélangée, il n'y
en a plus.
M. Garon: Si on fait cela, on ne le fera plus
longtemps. On va se rendre compte rapidement que, si on ne
protège pas le sol arable qu'il y a à l'intérieur des
municipalités lorsqu'on bâtit les maisons faire un tas
à côté, c'est du gaspillage... Celui qui va vouloir acheter
la terre va s'apercevoir que le prix a monté. On ne laissera plus
décaper les terres; on a déjà assez gaspillé le soi
sur lequel on a bâti les maisons. Il va falloir agir un peu en personnes
civilisées.
M. Paquin: C'est cela qu'on demande. Si les gens agissaient de
façon civilisée, vous n'auriez pas besoin de faire une loi, il
n'y aurait aucun problème. C'est justement pour cela qu'on demande que
la loi soit un peu plus précise à ce point de vue.
M. Garon: Pour les autres aspects, le but n'était pas de
vous embêter. D'ailleurs, lors de l'étude article par article...
dans les règlements, on va tenir compte des représentations que
vous avez faites.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Montmagny-L'Islet.
M. Garon: Fleurs-Canada, est-ce que ce sont des fleurs
importées?
M. Paquin: Fleurs-Canada... il y en a une partie, comme on le dit
dans le mémoire... Je ne sais pas si on a dit la quantité qui est
importée.
M. Garon: Fleurs-Québec, je comprends que ce sont des
fleurs d'ici, mais Fleurs-Canada, est-ce que ce sont des fleurs
importées?
M. Paquin: Si on le prend comme cela, il y en a beaucoup qui sont
importées.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Montmagny-L'Islet.
M. Giasson: Merci, M. le Président. C'est dommage que nous
soyons pressés par le temps, parce que vous avez des mémoires
qui, selon moi, en tout cas...
M. Paquin: Selon nous aussi.
M. Giasson:... suscitent de nombreuses questions. Vous êtes
d'un secteur que je connais un peu moins. Tout à l'heure, M. Boulet, je
pense, a fait des commentaires sur la capacité du sol à
reproduire le gazon pendant des périodes très longues même
si, tous les deux ans et demi, on retire une couche de ce sol avec le gazon.
Quelle est l'épaisseur habituelle que vous enlevez lorsque vous
récoltez le gazon?
M. Boulet: M. le Président, si vous consultez les deux
documents annexés au mémoire de l'Association des producteurs de
gazon, dont l'un provient de l'Université de Guelph et l'autre est un
article qui provient d'une recherche faite aux
Etats-Unis dans la Nouvelle-Angleterre sur la production de gazon... on
va vous illustrer juste un cas décrit dans la revue ASPA. C'est
l'expérience d'une étude sur la production de gazon à
côté d'une production de pommes de terre. Les deux fermes,
soi-disant, ont été pendant de nombreuses années en
production de pommes de terre. Par la suite, elles ont été
acquises par un producteur de gazon qui en a fait la culture sur une base de
cinq ans. Après cinq ans de culture de gazon, pendant que l'autre champ
continuait la production de pommes de terre, les analyses ont
révélé ceci: II y avait une moyenne de 1,9% de
matières organiques à un niveau supérieur dans le champ de
production du gazon comparativement à celui de la production de pommes
de terre. Cela illustre que, dans d'autres cultures, comme celle de la pomme de
terre ou d'une monoculture comme le maïs, il peut y avoir une semblable
destruction du sol à cause de la culture.
Quand on maintient de la matière organique, la culture du gazon
ne détruit pas le pourcentage des matières organiques dans le
sol, puisqu'il reste, d'après cette étude, plus de racine et de
matières organiques dans le sol que la partie qu'on enlève, qu'on
va porter chez vous sous forme de pelouse.
M. Giasson: Vous laissez une partie...
M. Boulet: Pour ce qui est de la couche enlevée... on
enlève, quand vous voyez la couche, environ de un et demi à trois
quarts de pouce d'épaisseur. Cette épaisseur contient d'abord les
herbes, mais contient un matelassage, c'est-à-dire que dans le cas du
gazon coupé à toutes les semaines, les herbes coupées
descendent dans le fond et forment un matelassage entre la terre ce qui
contribue à diminuer la couche de terre qu'on enlève. Ensuite,
dans la couche de terre qu'on enlève, il y a un fort pourcentage de
racines, car le gazon se tient tellement que vous pouvez prendre la bande de
gazon qui a six pieds de long, la prendre par les mains sur un bout comme pour
un tapis et cela se tient ensemble. Ce qui veut dire que grâce à
une bonne quantité de rhizome et de racines qui y sont
entrelacées cela se tient ensemble.
Il reste environ un quart à environ un tiers de pouce, si on veut
encore parler en pouce ou en système anglais, de sol arable qui est
prélevé à chaque récolte, d'après
l'étude de l'Université de Guelph, ce qui est peut-être
facilement comparable avec les pertes de sol causées par
l'érosion, le vent, les autres cultures, monocultures, que ce soit le
maïs ou autres cultures, culture maraîchère ou culture
sarclée. Il peut y avoir des pertes de sols arables causées par
l'érosion et le vent plus considérables même que dans la
production du gazon, parce que durant la période entre le semis et la
récolte de gazon, il reste tout de même que les sols sont bien
couverts d'herbes tapissantes. A ce moment, la perte de sol par
l'érosion et le vent est très minime tandis que dans une culture
sarclée, vous pouvez avoir beaucoup plus de pertes
de sol par l'érosion et le vent. Scientifiquement parlant, cela
s'équivaut à peu près, entre la culture de maïs et la
production de gazon.
Ce qui importe pour nous, c'est de maintenir la matière organique
dans le sol, de cultiver continuellement sur le même champ, faire
l'assainissement du sol. Par expérience, vous remarquerez que les
producteurs de gazon cultivent habituellement sur des sols frais, à
profondeur assez grande, c'est-à-dire de deux à trois pieds de
terre facilement. On ne cultive pas du gazon sur des effleurements rocheux. On
ne cultive pas du gazon sur des sols à épaisseur mince, parce
qu'on a besoin d'une plus grande superficie, une plus grande profondeur. Du
moins, pour la moyenne des terres que nous avons chez nous, on peut calculer
qu'on en a pour une couple de siècles à faire du gazon au
même endroit.
M. Vaillancourt (Orford): Qu'est-ce que vous voulez dire par
l'épaisseur de la surface...
Une Voix: ... sur la glaise.
M. Boulet: Non, non, seulement de la texture de sol qui peut
être travaillé continuellement pour cultiver. Si on enlève
deux pieds de terre, cela va prendre plus de 100 ans, peut-être 150 ans
pour arriver à la quantité de deux pieds de terre...
M. Vaillancourt (Orford): Avant d'aller à la terre
glaise.
M. Boulet:... avant d'arriver à deux pieds plus bas. Il y
a une autre pratique aussi dans le gazon excusez-moi, si je
m'éternise qui fait qu'on est différent un peu des
producteurs d'autres cultures. Nous labourons les champs à une plus
grande profondeur. On ne cultive pas seulement sur six pouces. On cultive sur
neuf pouces et plus. Cela veut dire qu'on fait toujours un labour profond. En
labourant profondément comme cela, on mélange tout le temps le
"top soil " dont on parle avec le sous-sol, continuellement, comme cela, de
sorte qu'à ce moment, on régénère toujours le sol.
Il y a toujours une capacité de production aussi grande après
dix, vingt ou cent ans après. On est toujours capable d'avoir un sol qui
a une capacité productive au point de vue agricole.
Le sujet de l'inquiétude, de notre consternation quand on a vu
l'article 72, c'est qu'on ne traitait plus le producteur de gazon comme un
producteur agricole, mais strictement comme un dé-capeur de terre, un
vendeur de terre, alors que, pour nous, on a toujours vendu une pelouse, des
herbes, une récolte en somme, et non pas de la terre.
Le Président (M. Boucher): M. Paquin, vous aviez...
M. Paquin: Vous semblez vous préoccuper de la couche de
sol qui est enlevée de un tiers de pouce. En définitive, il y a
d'autres études qui ont dit aussi que la partie de racines qui est
laissée dans le gazon correspond même plus que le tiers de pouce
de terre qu'on enlève en matières végétales. La
partie de racine qui est laissée dans le sol au moment où on
récolte le gazon.
M. Giasson: Vous souhaiteriez là l'élimination
complète de l'article 72 de manière à ne pas être
tenu d'obtenir des permis de la commission de contrôle.
M. Boulet: Notre première demande était de nous
considérer toujours comme des producteurs agricoles et de supprimer
l'article 72. Maintenant, après discussion avec certains membres du
ministère de l'Agriculture, le problème de législation est
d'empêcher les gens qui enlèvent la tourbe de champ ou la tourbe
de pâturage, qui n'ont à ce moment-là aucun souci de
régénération de sol, aucun souci de réensemencement
de ces terres... Ils ne font que décaper la surface du dessus et s'en
vont. On est d'accord sur le point de vue selon lequel ce n'est pas une
pratique agricole, mais il reste tout de même que l'article 72 est
catégorique: quelle que soit l'activité, le gazon est
défini comme une bande de terre... Ce sont habituellement des
pâturages qui sont coupés sous forme de bandes de terre ou plaques
pour être transplantés. En employant ce terme, notre
inquiétude est de ne plus être considérés comme des
producteurs agricoles par les législateurs ou les inspecteurs ou les
gens de la commission qui verront à l'application de la loi du zonage
agricole. On a trouvé cela réellement dur à ce point de
vue.
M. Ouellette: Me permettez-vous une question?
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Beauce-Nord.
M. Ouellette: Si on enlevait l'article 72, monsieur, cela
voudrait dire qu'il faudrait enlever également les articles 73 et 74. En
supposant que tout ce que vous avez avancé tout à l'heure soit
vrai et je crois que c'est vrai parce que vous étayez vos propos
de preuves scientifiques n'avez-vous pas l'impression qu'on a mis
l'article 72 justement pour permettre au gouvernement d'imposer l'obligation
à un exploitant d'obtenir un permis, ce qui permet au gouvernement, au
ministère de l'Agriculture ou à la commission, d'exercer un
contrôle sur la qualité du travail des gens qui se
prévalent de ce permis? Je comprends que la très grande
majorité d'exploitants doit faire très attention pour conserver
ses terres agricoles pour justement avoir, d'année en année, une
production suffisante. Mais vous allez admettre avec moi qu'il doit s'en
trouver dans le groupe qui exagèrent, qui font ce que vous venez de
décrire, c'est-à-dire qui enlèvent une tourbe, qui font du
décapage déguisé. Alors, n'aimez-vous pas mieux qu'on vous
impose un permis par lequel le gouvernement contrôle la qualité de
votre travail et s'assure que les terres servent vraiment à la
production de tourbe?
M. Richer: Oui, M. le Président, mais la question est
qu'au sujet du permis, nous récoltons à tous les deux ans et demi
environ. Si on nous accorde un permis, nous n'aurons pas le temps de faire une
récolte.
M. Ouellette: Parce que vous pensez à un permis annuel
nécessairement.
M. Richer: On nous dit, je crois, un permis de deux ans.
M. Ouellette: Et que répond le ministre devant cette
objection?
M. Garon: On va tenir compte de ce que...
M. Boulet: M. le Président, il y a une question. Dans
l'esprit de la loi, ce qu'on a compris, c'est qu'un permis d'utilisation est
émis pour une utilisation autre que l'agriculture; c'est le premier
point.
M. Ouellette: Oui.
M. Boulet: Une autre chose dont vous avez parlé quand vous
avez commencé à expliquer la question... Nous n'avons aucune
objection aux articles 73 et 74; il n'y a rien là. S'il n'y avait pas
d'article 72, nous serions encore producteurs agricoles, on a toujours
été considérés comme producteurs agricoles depuis
20 ans.
M. Ouellette: Sans permis.
M. Boulet: Un producteur agricole n'a jamais eu besoin de permis
pour son activité agricole, mais à ce moment-là, ce qui
entre en ligne de compte, c'est que ce n'est pas nous qui vendons de la terre
arable. L'enlèvement de sols arables, ce n'est pas nous qui le faisons,
ce sont ceux qui les décapent en enlevant un pied de terre et en la
vendant. Nous vendons une récolte.
M. Ouellette: Ce que je veux dire, c'est que s'il n'y avait pas
d'article 72, vous seriez considérés comme producteurs agricoles
et de ce fait, vous n'auriez pas besoin de permis d'où l'absence
complète de contrôle de la commission sur le travail que vous
faites sur vos terres. C'est pourquoi je dis que si on enlève l'article
72, on vous reconnaît producteurs agricoles, les articles 73 et 74 n'ont
plus raison d'être non plus. (23 heures)
M. Giasson: Ils ont toujours leur raison d'être parce que
vous avez des citoyens, des agriculteurs qui vendent véritablement du
sol, le "top soil" et qui ont besoin de l'application de 73 et de 74.
M. Ouellette: J'imagine que la demande de permis est en rapport
avec 72.
M. Giasson: Non. Pour la vente de sol arable autre que la vente
de gazon tel que cultivé, comme on nous l'a expliqué.
M. Boulet: Très bien. C'est une réglementation
spéciale aussi en vertu de l'article 80, paragraphe 3. C'est tout de
même une réglementation spéciale, c'est une mise à
part et c'est sujet à changement continuel et est-ce qu'on sera toujours
consultés... On est toujours inquiets quant à la modification
d'une réglementation à l'intérieur même d'une
commission aussi parce qu'actuellement, on peut nous faire une promesse d'avoir
une réglementation spéciale comme producteurs agricoles ou
producteurs de gazon et dire qu'on n'a pas besoin de permis pour la culture de
gazon proprement dite si on est réellement producteurs et qu'on cultive
dans les mêmes champs, mais je sais bien que je travaille au niveau
municipal aussi comme conseiller et la première réaction qu'on
m'a donnée au conseil municipal, c'est: Vous n'êtes plus
considérés comme producteurs agricoles.
Alors, on va avoir des problèmes continuels, au niveau municipal
aussi, de reconnaissance.
M. Giasson: M. Boulet, même si 72 demeurait dans la loi,
par contre, dans la réglementation à l'article 80,
troisièmement, vous pourriez être libérés de
l'obligation d'avoir un permis.
M. Boulet: C'est exact. Au même titre qu'un cultivateur ou
un producteur agricole n'a pas besoin de permis de contrôle parce qu'il
fait une culture. C'est pour cela qu'on a ajouté dans notre demande:
Soit le rejet de l'article 72 ou encore l'adoption d'une réglementation
spéciale en vertu de l'article 80, paragraphe 3, pour être
considéré au même titre qu'un producteur agricole, reconnu
comme tel.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Huntingdon.
M. Dubois: Merci, M. le Président. Bonsoir messieurs. Ce
que je connais le mieux là-dedans, c'est le décapage de
gazonnière. J'en ai dans la région chez nous et puis j'ai
même travaillé dans ces champs au niveau de l'irrigation.
J'ai su de propriétaires de gazonnières qu'ils n'avaient
pas intérêt à enlever beaucoup de terre,
premièrement au niveau du coût du transport. Alors, apparemment,
on s'efforçait d'enlever le minimum de terrain parce qu'on a à se
faire concurrence entre entrepreneurs et que le coût du transport des
rouleaux de gazon devient tellement exorbitant que si on mettait 1/8 de pouce
de terre de plus par rouleau, on arriverait avec des tonnes
supplémentaires au niveau du recouvrement d'un parterre quelconque.
Alors, apparemment, tous les entrepreneurs s'efforcent d'enlever le
moins de terre possible et si on pouvait réduire de 1/8 de pouce, on le
ferait parce que pour eux, c'est important, financièrement, de ne
presque pas en enlever.
Je pense qu'on ne peut quand même pas décrire un exploitant
de gazonnière comme un déca-peur de terrains. A ce moment, je
comprends bien vos appréhensions et je pense que le ministre les
comprend aussi à l'effet de vous libérer de cet article ou
de l'inclure dans le "troisièmement" à l'effet que vous aurez le
droit d'exploiter sans permis. Je pense que je serai le premier à
appuyer cela et c'est une industrie très importante et si on ne le fait
pas au Québec, c'est l'Ontario qui va nous le vendre. Je pense que c'est
une économie qu'on doit garder ici et que c'est très
important.
Dans les autres domaines, remarquez bien que je m'y connais moins, alors
j'aime autant laisser à mes collègues qui sont connaissants
peut-être au niveau des fleurs et des pépiniéristes le soin
de poser des questions.
Je vous remercie.
Le Président (M. Boucher): Merci, M, le
député de Huntingdon. Alors, il n'y a pas d'autres
intervenants?
Je remercie donc M. Paquin et tous ceux qui l'accompagnent pour le
mémoire qu'ils nous ont présenté.
J'appelle maintenant les représentants de la municipalité
de Saint-Etienne-de-Beaumont.
Y a-t-il des représentants de la municipalité de
Beaumont?
Nous allons appeler le Conseil régional de développement
des Laurentides.
Une Voix: C'est le dernier.
Conseil régional de développement des
Laurentides
M. Audy (Claude): Claude Audy, président.
Le Président (M. Boucher): Oui, monsieur. Si vous voulez
présenter ceux qui vous accompagnent et procéder à la
lecture de votre mémoire.
M. Audy: A ma gauche, M. Yvon Robert, trésorier au CRD,
à ma droite, M. Serge Boucher, directeur général.
Nous sommes déjà intervenus sur le sujet dans le
passé et à l'occasion de la présentation de la loi et vu
la possibilité d'intervenir en commission parlementaire, nous nous
sentons obligés d'intervenir sur une particularité. Le titre du
mémoire que l'on a préparé le situe très bien
à savoir: Pour un zonage agricole efficace et respectueux des pouvoirs
locaux.
Le présent mémoire constitue la troisième
étape d'une action continue de sensibilisation et de consultation de la
région des Laurentides sur la protection du territoire agricole dont
voici le résumé.
Consultations menant à la délimitation du territoire
régional à protéger pour l'agriculture et consensus
régional sur les grandes lignes d'une loi de zonage agricole. Le
résultat de cette vaste opération qui a duré plus d'un an
fut présenté au ministre Garon le 4 mars 1977.
Deuxièmement, participation à la consultation du ministre
lors de sa venue à Joliette le 26 septembre dernier.
Troisièmement, aujourd'hui, une commission parlementaire. Le
court laps de temps qui nous est laissé entre la présentation du
projet de loi et la tenue de la commission parlementaire ne nous a pas
donné le temps cette fois-ci de nous concerter avec nos voisins et amis
de Lanaudière, mais nous défendons les mêmes principes
d'autonomie et de responsabilité des pouvoirs locaux.
Sommaire. Notre CRD réitère officiellement pour la
troisième fois son appui aux objectifs gouvernementaux de protection des
terres arables dans les Laurentides et ailleurs au Québec. Nous nous
opposons de toutes nos forces à l'évacuation des pouvoirs locaux
à toutes fins utiles du domaine du zonage agricole au profit de la
Commission de protection du territoire agricole du Québec. Nous
suggérons de remplacer l'approche centralisatrice du projet de loi par
une approche qui fait largement appel au sens des responsabilités des
pouvoirs locaux encadrés par une loi et une politique provinciale de
protection des terres arables. Nous affirmons que le gouvernement doit
respecter la politique de décentralisation qu'il a annoncée
depuis deux ans dans la mise en place de sa législation et de ses outils
pour la protection des terres arables. Ce n'est pas de Québec que doit
se faire l'aménagement.
(Citations du fascicule 5 sur la décentralisation).
Les défauts majeurs du projet de loi 90. Nous sommes fort
déçus du caractère centralisateur du projet de loi, vu le
grand projet de décentralisation mis de l'avant par le gouvernement
actuel. Nous croyons que le gouvernement rate une belle occasion de s'acheminer
progressivement vers la décentralisation souhaitée et nous ne
comprenons pas la contradiction entre les énoncés politiques
généraux sur la décentralisation et le texte du projet de
loi spécifique au zonage agricole. Cette centralisation à
outrance se manifeste dans la détermination des zones agricoles,
l'administration courante de la loi et les procédures d'amendement au
zonage agricole. a) Le gouvernement a déjà envoyé à
chaque municipalité un plan provisoire et lui donne 180 jours pour
s'entendre sur sa zone agricole avec la commission. Articles 34 à 47. A
défaut d'entente, la commission décide d'elle-même, article
48. Nous voulons suggérer une méthode beaucoup plus respectueuse
des pouvoirs locaux et beaucoup plus efficace pour arriver aux mêmes
fins. b) Toujours concernant les défauts majeurs que nous croyons
relever, la loi est administrée directement par la commission, qui devra
disposer à cette fin d'une armée d'inspecteurs et de
fonctionnaires que l'on voudra sans doute déconcentrer dans des
régions un peu plus tard. L'article 99 mentionne les enquêteurs de
la commission. La corporation municipale doit émettre un avis à
la commission sur toute demande d'autorisation en vertu de la loi, article 59,
mais la commission prend seule toutes les décisions avec ou sans
consultation publique. Articles 60 et 62. c)La corporation municipale doit
s'adresser à la commission pour tout amendement du zonage agricole sur
son territoire, article 65. Réalise-t-on les coûts d'une telle
administration et les garanties de lenteur et d'inefficacité qu'elle
comporte à
coup sûr? Dans un domaine aussi conditionné pour les
échéanciers que la construction, les délais
prévisibles de la bureaucratie centrale seront fatals à bien des
initiatives légitimes et productives locales. Les jeux d'influence
locaux seront remplacés par les jeux d'influence s'exer-çant au
niveau central. Est-ce bien là une amélioration pour le
citoyen?
Le processus de "déresponsabilisation" des pouvoirs locaux, tant
décrié par ce gouvernement, n'en sera que plus rapide. Jusqu'ici,
les pouvoirs locaux contrôlaient le zonage chez eux. Maintenant, ils
dépendront de Québec pour la zone agricole et de toutes les
interdépendances de cette zone pour leur développement global.
Dans notre région, le zonage contrôlé par le SATRA et le
MAM a mis en évidence ce mécanisme de dépendance des
élus locaux. En matière de zonage, on n'a plus aucune
épine dorsale, on se contente de passer le dossier à
Québec et d'attendre la réponse.
Pour un zonage agricole décentralisé. Nous voulons
proposer une approche totalement nouvelle sur le rôle des pouvoirs locaux
dans le projet de loi 90. Nous n'avons pas les ressources nécessaires
pour transposer notre approche en langage juridique, mais nous croyons qu'il
serait facile pour le législateur, s'il optait pour la méthode
décentralisée que nous proposons, de faire réécrire
les articles pertinents du projet de loi en conséquence.
Nous proposons, en substance, que les conseils de comté actuels
remplissent la plupart des rôles dévolus à la commission
dans le projet de loi 90. Après la prise en charge de
l'évaluation foncière, ils sont plus que prêts à
prendre en charge le zonage agricole en attendant une revalorisation plus
profonde et une modernisation de leur structure déjà
annoncées par ce gouvernement. La commission provinciale du zonage
agricole et le ministère des Affaires municipales encadreront leur
action dans ce domaine en fixant à chaque comté des objectifs
globaux en acres de terre à protéger, en suivant, au niveau
provincial, l'évolution des terres agricoles et en intervenant
directement dans les comtés qui ne rempliraient pas leurs
obligations.
Cette politique a l'avantage de l'efficacité, de la souplesse.
Elle laisse aux pouvoirs locaux une marge de manoeuvre, une capacité de
réaction aux situations nouvelles. Dans la section qui suit, nous
présentons une illustration de la façon que pourraient
s'enclencher les objectifs gouvernementaux et l'exercice, par les pouvoirs
locaux, de leur pleine juridiction en matière d'aménagement et de
zonage.
La mécanique du zonage agricole proposé, une illustration.
Le ministère de l'Agriculture doit d'abord évaluer les
quantités globales de terres agricoles qu'il est économique et
justifié de conserver pour les générations futures, en
tenant compte de tous les avantages et désavantages comparatifs des sols
agricoles québécois sur les sols des autres provinces ou Etats ou
du degré d'autosuffisance alimentaire souhaitable au Québec.
En déterminant ces quantités, le ministère doit
prendre en considération les coûts substantiels pour la
collectivité que pourrait entraîner un excès de sol
agricole protégé important: coût du sol urbain, coût
des surplus de production, coût de la protection douanière,
coût de subventions aux agriculteurs, etc. Le ministère aurait
ensuite à diviser les quantités retenues au plan national en
objectif spécifique à chaque comté, en tenant compte de la
valeur physique et économique des sols agricoles de ceux-ci et de
l'ensemble de leur potentiel de développement.
Il appartiendra aux comtés et aux municipalités de
déterminer les zones agricoles de leur territoire dans le cadre de leur
plan global d'aménagement et de zonage et des objectifs quantitatifs et
qualitatifs déterminés par le gouvernement. Le ministère
des Affaires municipales de qui relèvent les autres aspects de
l'aménagement des municipalités et des comtés aurait la
responsabilité d'approuver le zonage agricole, zone et normes, de
municipalités, ainsi que ses amendements et de faire appliquer la loi
par les pouvoirs locaux comme il le fait pour d'autres lois.
L'administration courante, l'émission de permis et de
contrôle relèveraient des pouvoirs locaux qui seront toujours plus
efficaces et plus économes que toute structure centralisée. Les
conseils de comté auraient l'autorité pour amender leur zonage
agricole et devraient informer le ministère des Affaires municipales de
ses amendements. Celui-ci pourrait exiger de tous les comtés qu'ils
maintiennent la même quantité de sols agricoles
protégés et qu'ils remplacent toute surface exclue des zones
agricoles par une surface équivalente en quantité et
qualité dans le même comté ou dans un comté
adjacent. (23 h 15)
La loi pourrait obliger les conseils de comté à nommer une
commission de zonage agricole consultative formée d'élus
municipaux et de délégués de l'Union des producteurs
agricoles en nombre égal. La commission aurait à conseiller le
comté et les municipalités à toutes les étapes de
la mise en place et de l'administration du zonage agricole. Elle jouerait
mutatis mutandis, le rôle d'une commission municipale d'urbanisme. La
commission aurait le mandat spécifique de recommander tout amendement
jugé nécessaire au zonage agricole, suivant une procédure
rigoureuse. Illustration: Le propriétaire du lot s'adresse à la
municipalité, la municipalité s'adresse à la commission,
la commission tient des audiences publiques, s'il y a lieu, la commission fait
ses recommandations au conseil de comté, le conseil de comté
décide en dernier ressort, en tenant compte des contraintes
particulières que le gouvernement peut lui avoir imposées
antérieurement.
En ce qui concerne les municipalités régies par la Loi des
cités et villes, elles seraient considérées comme conseils
de comté pour les fins de la présente loi en attendant leur
intégration aux conseils de comté ou à une structure
analogue au niveau de l'agglomération. Une commission consultative du
zonage agricole aviserait le gouver-
nement et plus particulièrement le ministère de
l'Agriculture sur toute matière relative à la protection et la
mise en valeur des terres arables au Québec. Elle serait
composée, en large partie, de représentants du monde
agricole.
Les avantages du zonage agricole décentralisé.
Les avantages que nous allons énoncer font directement
écho aux désavantages que nous voyons au projet de loi actuel sur
le zonage agricole. L'approche proposée a pour effet direct, de
valoriser des pouvoirs locaux qui en ont un grand besoin, de les placer face
à leurs responsabilité et de leur donner les moyens et les
pouvoirs d'y faire face. Leur contrôle sur l'aménagement n'en sera
que plus grand. Ils seront d'autant plus prêts à collaborer
à la réforme de la décentralisation administrative
proposée par le gouvernement. Le citoyen fera affaires avec une
administration locale qu'il connaît bien et dont il contrôle
l'efficacité. A ses yeux, l'administration de la loi sera plus
transparente, plus expéditive, plus économique, plus
cohérente, plus compréhensible, la loi sera mieux acceptée
par le public. Les pouvoirs locaux pourront administrer le zonage agricole avec
souplesse et intelligence, en tenant compte des changements rapides qui peuvent
intervenir localement.
Le gouvernement fera l'économie d'une armée de
fonctionnaires chargés d'administrer la loi et de toute la lourdeur
administrative propre aux armées, etc.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. Audy, M. le
ministre.
M. Garon: Je n'ai pas de questions à poser. Le
mémoire m'apparaît très clair. Je vous remercie de nous
avoir présenté votre point de vue concernant la protection du
territoire agricole.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Montmagny-L'Islet.
M. Giasson: Merci, M. le Président. Je remarque,
messieurs, que votre mémoire va assez bien dans le sens des suggestions
qui nous avaient été faites par un autre groupe, soit le CRD de
Lanau-dière, je pense.
M. Audy: Lanaudière, oui.
M. Giasson: Lanaudière a passé devant notre
commission et, à quelques différences près, je constate
que Lanaudière a suggéré au gouvernement un
mécanisme ou une structure beaucoup plus décentralisée que
celle qui est proposée par la loi par sa commission de contrôle au
palier provincial.
Vous me semblez accorder beaucoup de potentiel chez les
municipalités ou les conseils de comté pour appliquer
véritablement une politique de zonage. Vous ne craignez pas, d'une
certaine manière, que les gens qui siégeraient dans ces
organismes auraient d'autres préoccupations ou penseraient
également à d'autres types d'aménagement et ne pourraient
pas parfois, entre deux choix à faire, être beaucoup plus larges
pour ouvrir la zone agricole, face à d'autres besoins en matière
de développement parce qu'à l'intérieur d'un territoire,
la question de développement touche toute une série d'aspects.
Vous ne croyez pas qu'à un moment donné, on pourrait avoir
tendance à tenir compte d'autres intérêts qui sont
nécessaires à la région et vouloir rétrécir
graduellement la zone qui serait réservée au territoire agricole
qui normalement devrait être réservée dans l'optique de la
protection des terres?
M. Audy: A ceci, je réponds que nous sommes parfaitement
d'accord sur le rôle, d'abord, d'avoir une politique de protection des
sols arables qui fait l'objet du gouvernement provincial. Tel qu'exprimé
dans le mémoire, nous indiquons que le gouvernement provincial a le
devoir de déterminer les sols à protéger, en
quantité et en qualité, et en fait une obligation au niveau des
administrations locales de respecter la décision émanant de la
politique sur la protection des sols arables émanant du gouvernement
central ou provincial.
Je ne sais pas si cela répond à votre question. En fait
ils ont l'obligation, au départ, de conserver sur leur territoire une
certaine superficie qui est destinée à l'usage agricole,
uniquement, superficie qui est dotée des qualités voulues pour
assurer le rendement qu'on attendrait d'un sol agricole. Ceci émane du
pouvoir central. Cela a été défini. Ils n'ont qu'à
s'en tenir à cela. Eux, ce qu'ils font, c'est que dans leur
planification ils intègrent la part qu'ils doivent apporter ou retenir
dans leur territoire, retenir comme sol agricole.
M. Giasson: Je crois comprendre votre point de vue. Mais à
l'intérieur d'un comté, vous savez qu'il y a différents
types de sols. La qualité diffère. Si vous avez votre meilleur
sol situé près de petites villes, de villes ou de villages,
tandis que, dans une autre partie de la municipalité ou à
l'intérieur d'un comté, puisqu'on parle de conseil de
comté, vous avez des sols qui sont propices à l'agriculture, mais
de qualité inférieure, il peut y avoir également des choix
qui se feraient à l'effet de réserver au développement
urbain ou pour des fins résidentielles ou autres, ce qui est la
meilleure qualité de sol, quitte à répondre qu'on
protège la quantité qu'on veut protéger à
l'intérieur du comté, mais en protégeant, en
réservant à l'agriculture des catégories de sol qui
pourraient être inférieures à la qualité du sol
qu'on veut consacrer au développement urbain ou au développement
du village.
M. Audy: L'hypothèse que vous soulevez, si je comprends
bien, c'est qu'une municipalité aurait toute autorité de disposer
de son sol, en autant qu'elle rencontre certaines obligations. J'ai
mentionné que, dans votre esprit et c'est consigné
que les obligations de la municipalité ou d'un comté couvrent
autant les points de vue superficie ou quantité que qualité, que
les obli-
gations émanant du provincial sont définies autant du
point de vue qualité que du point de vue quantité. Or, je ne vois
pas de difficulté à une situation que vous soulevez
hypothétiquement parce qu'elle n'existera pas; ils ont l'obligation de
fournir un certain nombre de terres ayant certaines qualités.
M. Giasson: A la page 8 de votre mémoire, vous
suggérez une commission consultative du zonage agricole qui, elle,
serait composée en large partie de représentants du monde
agricole. Mais quels pouvoirs réels voyez-vous entre les mains de cette
commission consultative?
M. Audy: D'abord, par son énoncé, elle est
consultative. Mais je crois qu'elle devrait avoir cette particularité.
En plus, le gouvernement provincial, en plus d'avoir le devoir de faire le
zonage agricole ou de déterminer les quantités de sol à
protéger, a l'obligation de fournir l'expertise au niveau des
régions. On ne l'a peut-être pas exprimé de cette
façon-là. Mais ce serait au niveau de ces commissions
consultatives qu'il pourrait y avoir participation ou présence de
l'expertise requise, pour s'assurer de la poursuite ou de la bonne
administration de la loi de la protection des sols telle que conçue au
niveau provincial.
M. Boucher (Serge): En d'autres mots, pour résumer une
chose, les pouvoirs qui sont prévus dans la loi 90, à la
commission de protection des terres agricoles, nous les redistribuons aux
ministères concernés, c'est-à-dire Agriculture et Affaires
municipales, d'une part et, aux conseils de comté, ou pouvoirs locaux
d'autre part.
Alors, la commission consultative, pour nous, cela ne se compare pas
tellement à ce qui est dans la loi 90. C'est strictement consultatif,
avec le rôle qui vient d'être énoncé. Mais le
pouvoir, que cette commission avait, on le transfère au ministère
de l'Agriculture, au ministère des Affaires municipales, pour ce qui est
du contrôle des pouvoirs locaux, et l'autre partie de son pouvoir qui est
une centralisation qu'on juge inutile et même nuisible, on la
transfère aux pouvoirs locaux, mais le tout fonctionne quand
même.
M. Giasson: M. le Président, quant à moi, je laisse
la possibilité à d'autres collègues d'intervenir. Merci
monsieur; félicitations également pour votre mémoire.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. le
député de Montmagny-L'Islet. M. le député de
Huntingdon.
M. Dubois: Bonjour messieurs! Félicitations pour votre
mémoire, il est très intéressant. Vous avez soulevé
plusieurs points qui rejoignent nos revendications, quand vous avez
parlé de décentralisation, du manque de respect envers les
élus du peuple et de la lourdeur administrative qu'on peut
prévoir. De toute façon, on est rendu au 40eme mémoire
environ et plusieurs parmi ceux qui sont venus ici nous ont indiqué le
même souci. J'ai trouvé un point intéressant, entre autres,
où vous mentionnez: en tenant compte des avantages comparatifs à
produire ici au Québec. J'ai peur quelquefois je suis bien
d'accord qu'on atteigne l'autosuffisance et qu'on produise beaucoup plus
que l'on ne tombe dans un autre panneau en ce sens que l'on soutiendrait notre
économie agricole par de lourdes taxes qu'on imposerait aux
Québécois. S'il y a des avantages comparatifs à produire
au Québec, je suis d'accord; si, par contre, il faut soutenir notre
agriculture au point de prendre les taxes des contribuables pour les appliquer
à l'agriculture, on peut aussi aller à l'encontre d'une saine
économie. Je pense que vous avez soulevé un point qui est assez
important et il faudrait faire attention à ce niveau. Il y a des choses
qu'on peut produire de façon comparative au Québec et il y a
d'autres choses qu'on ne peut peut-être pas produire et qu'il serait
préférable d'importer. Je suis d'accord là-dessus et il
faudrait peut-être mettre les efforts sur les produits qu'on peut
produire facilement ici et qu'on peut exporter aussi.
Je n'avais pas d'autres points à soulever, je vous remercie,
messieurs.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. le
député de Huntingdon.
M. le député de Joliette-Montcalm.
M. Chevrette: II y a un point que j'aimerais soulever. Le
député de Montmagny-L'Islet disait que le mémoire du CRD
Laurentides ressemblait étrangement à celui de Joliette. Il y
avait quand même...
M. Giasson: Si vous me permettez, sauf quelques points
différents sur l'idée de fond de donner beaucoup plus de
pouvoirs, c'est cela...
M. Chevrette: ... ce n'est pas pour contredire ce que vous avez
dit, effectivement les mémoires se ressemblent, sauf sur un point, le
rôle de la commission consultative par rapport au rôle que vous y
voyez. Eux, ils voyaient la commission provinciale décisionnelle. Vous
voyez un cadre provincial fixé. C'est-à-dire un pourcentage X en
"acrage" à respecter au niveau de la municipalité et le pouvoir
revient à la localité de décider, si je comprends bien
votre mémoire, à partir des balises qui sont fixées au
niveau provincial. Est-ce que je vous comprends bien?
Une Voix: ...
M. Chevrette: Bon! A ce moment-là, le CRD de
Lanaudière disait: La commission décide s'il y a entente et voit
paritaires l'UPA et les organismes du milieu. A défaut d'entente, c'est
la commission. C'est quand même un peu différent comme
façon d'aborder par rapport à celle que vous présentez
ici. Eux la voyaient consultative au bout de la course parce qu'ils disaient,
s'il n'y a pas d'entente, c'est la commission provinciale qui a le
pouvoir de décision final. S'il y avait entente de toute
façon dans toute négociation ...
M. Audy: Ce sont plus des nuances que des modalités de
fond. Notre organisme ne soutiendrait pas une argumentation basée sur ce
point-là. D'ailleurs, le temps permettra d'arriver aux nuances les plus
appropriées au fonctionnement de toutes ces choses. Il faut d'abord lui
donner un fonctionnement qui a une certaine simplicité, tout en assurant
une souplesse et une dimension qui sont à l'intérieur du citoyen.
On ne mentionne peut-être pas une chose de la façon dont je
voudrais, c'est qu'il est reconnu que les résultats d'une gestion sont
d'autant plus améliorés que cette gestion est exercée au
niveau de l'action. Dans un cas d'aménagement du territoire, que ce soit
pour l'agriculture ou autre chose, c'est au niveau local qu'on décide de
l'utilisation du sol. Je considère important, pour qu'on ait du
succès et que cela fonctionne de façon harmonieuse, que la
gestion se fasse sans dilution au niveau local. (23 h 30)
M. Chevrette: Je vous remercie. Je veux vous souligner
qu'après une trentaine de mémoires, on a peut-être moins de
questions à poser simplement parce qu'on remarque que les organismes
à vocation à peu près similaire arrivent à des
conclusions semblables. Ce n'est pas par manque d'intérêt que les
questions ne sont pas nombreuses; je voulais vous le dire afin que vous ne
preniez pas notre attitude pour un manque d'intérêt. Au contraire,
nous avons déjà entendu 36 mémoires et il est bien
évident que, quand on arrive aux derniers, il y a beaucoup de choses
qu'on ne redemande pas parce que ce serait de la duplication, même s'il y
a des choses qu'on a demandées à quatre ou cinq reprises. Je vous
remercie beaucoup.
M. Audy: Est-ce que vous me permettez de mentionner autre
chose?
Le Président (M. Boucher): Oui, monsieur.
M. Audy: On vous rappelle et on vous signale qu'au premier
paragraphe, ce qui y est énoncé d'ailleurs, le
mémoire original qui a été présenté en mars
ne diffère, dans son essence, en rien de celui-ci n'est pas
l'opinion d'un groupe de quelques personnes assises ou faisant partie du
conseil d'administration d'un mouvement. Cela dérive d'une consultation
faite, en premier lieu, dans le milieu agricole et dans toute la région
qui s'étend de Carillon à Berthier.
Ce qui a été consigné dans le rapport
présenté en mars est en essence, sans insister sur les
détails concernant les pouvoirs, l'attitude que ces personnes,
consultées et ayant arrêté leur consensus, en sont venues
à adopter. Là-dessus, vous avez des membres de l'UPA qui a
été le corps principal consulté. Je tenais à le
dire parce que j'ai entendu des choses qui me préoccupaient.
Je vous remercie.
M. Giasson: Si vous me permettez, vous dites que vous avez
largement consulté les agriculteurs et l'UPA.
M. Audy: Absolument. Je ne pourrais pas... Je vais vous nommer
les gens qui étaient là: Jean-Paul Charpentier, cultivateur,
délégué de l'UPA; Claude Taillon, permanent
délégué; Germain Robert... Ils étaient dix-neuf et
parmi eux il y avait deux agents de développement. Je lis:
ministère de l'Agriculture, ministère de l'Agriculture,
ministère des Travaux publics fédéral, cultivateur,
cultivateur, cultivateur, cultivateur, cultivateur, administrateur de l'UPA,
producteur de bois, etc. C'est ainsi qu'a été faite la
consultation. C'est pour cela que je suis bien à l'aise parce que je ne
possède même pas le jargon.
M. Vaillancourt (Orford): Vous avez fait une bonne
consultation.
M. Audy: On prétend avoir fait une très bonne
consultation et je pense que les documents pour lesquels le consensus a
été arrêté, ont été utilisés
par plusieurs organismes qui ont voulu intervenir sur la question.
M. Chevrette: Cette consultation a été faite au
mois de mars, au mois d'avril?
M. Audy: Non, au mois de mars 1977, on avait les
résultats. Cela a été commencé un an avant, au
printemps 1976, aux environs de Pâques.
M. Boucher (Serge): Cette opération a eu lieu aux CRD de
Laurentides et de Lanaudière. C'est pour cela qu'il y a une ressemblance
entre les deux, parce qu'on a fait la consultation ensemble, comme un seul
organisme. Cela a duré un an.
M. Vaillancourt (Orford): Depuis que la loi est
déposée, vous n'avez pas fait de consultation.
M. Audy: Non, on n'est pas retourné demander une
consultation. D'ailleurs, on a tout juste eu le temps de situer notre point de
vue. On aurait aimé, peut-être, le souligner de façon un
peu moins... parce qu'on a des approches qui sont des images pour certains de
vous. Seulement, l'essence à laquelle on tient est là. On n'a pas
eu le temps, comme on l'explique dans cela; depuis le 9 novembre, on ne peut
pas... d'ailleurs, une consultation, cela prend plusieurs mois.
M. Giasson: Merci, monsieur.
Le Président (M. Boucher): Au nom des membres de la
commission, je vous remercie, M. Audy, ainsi que vos deux collègues,
pour la présentation de ce mémoire.
La commission ajourne donc ses travaux à 10 heures demain
matin.
Fin de la séance à 23 h 36
ANNEXE A
Mémoire du conseil de comté de Joliette
sur le projet de loi no 90
"Loi sur la protection du territoire agricole"
Présenté à la Commission
parlementaire
Québec Décembre 1978
Introduction
Messieurs les membres de la Commission,
Au nom des maires des municipalités du Comté de Joliette,
je veux tout d'abord vous remercier de nous avoir donné
l'opportunité de venir faire valoir, nous aussi, notre point de vue sur
le projet de Loi no. 90. Même si, déjà, d'autres organismes
de la région ont présenté d'excellents mémoires
auxquels nous souscrivons, nous tenions à expliciter la position du
Conseil de Comté de Joliette.
Je dois tout d'abord vous assurer qu'au sein de notre Conseil de
Comté aucun maire n'a jamais mis en doute la nécessité de
protéger les sols agricoles du Québec et l'urgence d'une
législation pour contrer le gaspillage de nos terres arables.
Ce qui nous a surpris, cependant, messieurs les membres de la
Commission, c'est que autant le ministre des Affaires municipales, M. Guy
Tardif, que le ministre de l'Agriculture, M. Jean Garon, nous avaient
assurés dans un communiqué conjoint publié dans la Revue
Municipalité 1978 qu'ils entendaient réaliser, en collaboration
avec les municipalités, la protection immédiate des sols
agricoles. Cette optique de collaboration avec les municipalités nous
avait d'ailleurs été présentée le 11 juin 1978 lors
de la Conférence Québec-Municipalités par l'Honorable
Jacques Léonard, ministre d'Etat à l'Aménagement, qui
avait remis aux maires présents un texte intitulé: "Pour mieux
vivre ensemble", texte qui me paraît d'une telle importance, que je ne
saurais me soustraire à en citer une partie, et je cite: "La
législation (en matière d'aménagement de territoire) sera
donc non seulement dans l'esprit de l'objectif de décentralisation du
gouvernement, mais elle sera aussi dans l'esprit de la réforme de la
démocratie municipale, en ce sens qu'elle assurera la participation des
citoyens à l'organisation de leur territoire. En d'autres termes, cette
législation partira du principe que l'élection n'épuise
pas la participation du citoyen.
Concrètement, cette approche décentralisée de
l'aménagement peut se caractériser par deux traits fondamentaux:
D'une part, le gouvernement, les comtés, les municipalités
sont des partenaires responsables de l'aménagement. Il s'agit d'un
partage de responsabilités. Il n'est pas question que Québec
fasse un plan national d'aménagement dans lequel s'inséreraient
des plans de comté qui détermineraient ensuite les lignes
directrices des plans municipaux. D'autre part, l'aménagement
implique des choix collectifs fondamentaux. Ce n'est pas aux techniciens, si
bons soient-ils, d'imposer aux citoyens à travers une carte
barriolée de couleurs les choix d'aménagement qui vont modeler la
municipalité ou la ville pour des années. Nous favorisons un
processus ouvert où les citoyens vont participer à définir
leur propre milieu. Ceci nous conduit aux paramètres suivants:
Pour les municipalités
Le nouveau partage de pouvoirs qui découlerait d'une politique de
décentralisation gardera aux municipalités le rôle qu'elles
jouent actuellement dans l'aménagement du cadre de vie des citoyens. Par
exemple, les plans d'urbanisme, les règlements de zonage, de lotissement
et de construction et la gestion de ces règlements. Bien plus, une fois
les objectifs nationaux atteints, elles auraient la responsabilité de
localiser de façon précise des équipements nationaux ou de
comté de leur territoire.
Les municipalités devraient disposer aussi de nouveaux pouvoirs
afin d'assurer l'organisation et le fonctionnement du cadre de vie
immédiat de leurs citoyens. Si elles veulent, selon les revenus qu'elles
voudront bien y affecter, elles pourraient désormais acquérir des
terrains plus librement que maintenant, promouvoir l'esthétique de leur
milieu, etc.
Il sera nécessaire, encore plus dans l'avenir, comme d'ailleurs
cela se pratique dans bon nombre d'endroits, que les actions d'une
municipalité qui en affectent une autre dans son aménagement
soient coordonnées aux fins d'éviter des duplications
coûteuses. Il est nécessaire de permettre aux autorités
publiques en cause de prendre en commun les décisions qui affectent
l'avenir de leur milieu de vie. Par exemple, la localisation d'un centre
d'achat ou d'un dépotoir.
Pour les comtés
Je viens de parler de relations intermunicipales. Je voudrais insister
un peu plus sur cet aspect. Il est reconnu par tous que certains
problèmes d'aménagement dépassent le niveau strictement
municipal. Il y a deux façons de résoudre ce type de
problèmes: premièrement, par des ententes intermunicipales; il y
en a eu plusieurs, mais elles n'ont pas toutes donné les
résultats escomptés. Deuxièmement, par la création
d'une structure dont les responsabilités s'étendent à des
territoires plus larges que celui d'une municipalité, et qui correspond
à "la petite région d'appartenance". Pourquoi faudrait-il
compliquer les choses en créant de nouveaux organismes de toutes
pièces? Nous avons les municipalités de comté qui existent
depuis 1855.
Le Conseil des ministres, à sa réunion du 19 mars 1978, a
accepté le principe que le conseil de comté renouvelé
serve de point d'appui comme structure d'aménagement du territoire en
complémentarité avec les municipalités. Il ne s'agit pas
d'une relation de dépendance, mais bien d'association et de
coopération entre les municipalités. Les conseils de comté
seraient donc dotés des pouvoirs nécessaires pour préparer
une orientation d'aménagement de leur territoire qui définirait
les grandes options de développement. Pour l'Etat
Ce faisant, l'Etat changerait assez radicalement sa manière de
faire. Il ne pourrait plus décréter de façon
unilatérale toute une série de gestes qui touchent la
localisation d'édifices gouvernementaux, les routes nationales, les
arrondissements naturels, les couloirs énergétiques, etc. L'Etat
devra préparer des avis de ses intentions d'agir dans tel ou tel secteur
qui touche tel territoire. Ces avis seraient envoyés aux conseils de
comté et aux municipalités pour les informer des intentions
gouvernementales. Ceux-ci auront une période de temps suffisamment
longue pour étudier les conséquences d'une telle implication et
en faire savoir s'ils donnent leur accord. De cette façon, lorsqu'une
municipalité locale ou une municipalité de comté adopte
son schéma d'aménagement, elle a la garantie légale que le
gouvernement ne viendra pas le bouleverser d'une façon
unilatérale ou sans consultation."
Extrait de CONFÉRENCE QUÉBEC-MUNICIPALITÉS
Notes pour une allocution de monsieur Jacques Léonard, Ministre
d'Etat à l'Aménagement "POUR MIEUX VIVRE ENSEMBLE" Centre
municipal des congrès Québec 11 juin 1978
Ce texte du ministre Jacques Léonard nous a laissés au
Conseil de Comté de Joliette sur une perspective tout à fait
encourageante pour notre avenir en matière d'aménagement du
territoire; pour la première fois, non seulement un ministre, mais un
gouvernement puisque le ministre fait mention dans son texte du principe
adopté par le Conseil des Ministres à sa réunion du 19
mars 1978 que non seulement les municipalités, mais le Conseil de
Comté renouvelé serviront de point d'appui des structures
d'aménagement au Québec. A la connaissance personnelle de celui
qui vous parle, il ne s'est pas trouvé un seul maire présent
à cette conférence qui n'ait pas été
enthousiasmé par cette prise de position gouvernementale.
Il nous paraît donc évident que le Projet de Loi 90, tel
qu'il a été déposé à l'Assemblée
nationale, va directement à rencontre des principes mêmes qui ont
été énoncés par l'Honorable Léonard,
principes qui avaient fait l'objet de la résolution de principe du
Conseil des Ministres en date du 19 mars 1978.
Nous avons donc quelques suggestions à faire sur certains points
contenus dans la Loi et qui, nous le croyons, du moins au sein du Conseil de
Comté de Joliette, seront de nature à rapprocher le zonage
agricole des objectifs généraux d'aménagement du
territoire du Québec.
Ces suggestions portent sur:
A) La composition de la Commission (article 4)
B) La préparation du plan définitif d'aménagement
(articles 47 et 48)
C) Les mécanismes d'amendement de la carte des territoires
agricoles protégés (articles 58 et 59)
D) La notion de droits acquis.
E) L'utilisation des territoires situés en bordure de certains
chemins publics.
B) La composition de la commission (article 4)
Nous savons pertinemment que, dans le passé et encore maintenant,
bon nombre de dirigeants municipaux, dans leurs contacts avec certains
ministères ou avec certaines commissions ou régies
gouvernementales, ont subi et subissent encore les inconvénients
d'un manque de coordination entre ces différentes instances
gouvernementales auxquelles ils doivent soumettre leurs décisions. C'est
pourquoi nous croyons que toute décision rendue par cette Commission
devrait l'être en autant que tous les ministères concernés
puissent participer directement aux négociations, assurant ainsi non
seulement une décision éclairée, mais encore, permettant
une information directe au bénéfice des ministères
impliqués.
Ainsi, nous suggérons que la Commission soit composée non
pas de 7 mais de 9 membres et que ces membres soient nommés de la
façon suivante: a) Le président et les deux
vice-présidents par le MINISTRE de l'AGRICULTURE b) Un membre
nommé par le MINISTRE des AFFAIRES MUNICIPALES c) Un membre nommé
par le MINISTRE D'ETAT A L'AMÉNAGEMENT d) Un membre nommé par le
MINISTRE de L'ENVIRONNEMENT e) Un membre nommé par L'UNION DES
PRODUCTEURS AGRICOLES f) Un membre nommé par L'UNION DES CONSEILS DE
COMTÉ g) Un membre nommé par L'UNION DES MUNICIPALITÉS
Nous croyons que cette forme de représentation au sein de cette
Commission garantirait une meilleure coordination de ses actions positives non
seulement dans le domaine de l'agriculture, mais également dans d'autres
domaines qui auraient des implications par suite de décisions qu'elle
pourrait être appelée à rendre.
B) Préparation du plan définitif
d'aménagement (art. 47 & 48)
Nous nous permettons de répéter le texte des articles 47
et 48 du Projet de Loi 90.
Article 47 Dans les cent quatre-vingts jours d'un avis de la
Commission à cet effet, une corporation municipale s'entend avec cette
dernière sur le plan de la zone agricole de son territoire.
Article 48 A défaut d'entente, la Commission
prépare le plan de la zone agricole dans une municipalité, en
prenant en considération les représentations qui lui sont faites
et celles qui sont faites à la corporation municipale.
Du point de vue des municipalités, vous comprendrez que pour la
majorité des 15 municipalités directement concernées dans
le Comté de Joliette, le gel temporaire ou permanent de certaines terres
depuis le 9 novembre 1978 a des effets inquiétants sur leur
développement. Nous sommes bien d'accord avec vous que l'importance de
l'objectif poursuivi par le Ministre justifie jusqu'à un certain point
ce que plusieurs ont appelé le gel des terres depuis le 9 novembre 1978.
Plusieurs maires ont d'ailleurs fait la remarque qu'il était assez
difficile d'agir autrement si l'on voulait éviter une spéculation
effrénée ou des actes d'aménagement qui auraient
été irréparables. Cependant, nous croyons que la
période transitoire entre le 9 novembre 1978 et le moment où la
Commission commencera à expédier des avis à certaines
municipalités jusqu'au moment où les décisions finales
auront été prises, risque d'être beaucoup trop lente non
seulement pour certaines municipalités du comté, mais aussi pour
bien des contribuables qui avaient conclu des ententes de bonne foi avec des
Conseils municipaux à la suite de l'adoption d'un Plan Directeur
d'Urbanisme et de Zonage. Nous redoutons plus que toute autre chose la lenteur
proverbiale de certaines Commissions ou Régies gouvernementales qui ont
des pouvoirs quasi judiciaires ou qui sont du type "tribunal administratif". En
effet, plusieurs municipalités ont déjà eu à
attendre de nombreuses années des décisions ou ordonnances qui
s'étaient embourbées dans les marais de l'administration
publique. Nous croyons que les municipalités, conformément
à l'esprit des politiques déjà mises de l'avant par le
Ministre d'Etat à l'Aménagement, pourraient en arriver à
un résultat beaucoup plus rapide si elles devaient elles-mêmes
être chargées de la présentation de leur plan
d'aménagement et le soumettre à l'approbation de la Commission
nationale selon le processus suivant, en attendant la formation des Conseils de
Comté renouvelés: a) Dès l'adoption du projet de Loi, que
toute municipalité située dans une région agricole
désignée puisse préparer son propre plan
d'aménagement en tenant compte du fait que des impératifs
particuliers lui sont imposés, vu qu'elle a été
désignée comme région agricole à protéger;
b) Dès que le plan d'aménagement de la municipalité est
adopté localement, il doit être déposé à la
Commission de Protection du territoire agricole pour étude et
approbation. Dans les 90 jours de la réception du plan
préparé par la municipalité locale, la Commission devra
faire part de son refus total ou partiel du plan présenté. A
l'expiration de ces 90 jours, si la Commission n'a pas fait part de son refus
total ou partiel du plan déposé, ce dernier est
réputé approuvé et entre en vigueur automatiquement:
c) Si la Commission refuse ce plan dans les 90 jours de son
dépôt par une municipalité, une période
additionnelle de 90 jours de négociations est accordée à
la municipalité pour qu'elle en vienne à une entente avec la
Commission; d) A défaut d'entente entre la municipalité et la
Commission, la Commission devra, dans les 30 jours qui suivent, rendre une
décision finale; e) Enfin, si dans les 2 ans de l'adoption du projet de
Loi 90 une municipalité n'a pas déposé son plan pour
adoption par la Commission, nous suggérons qu'à ce
moment-là, les articles 47 et 48 entrent en application, tels que
rédigés dans le projet de Loi.
Vous comprendrez sans doute qu'il s'agit dans notre proposition d'une
période de 180 jours assimilable à celle qui est
mentionnée à l'article 48 du projet de Loi. Cependant, nous
croyons qu'immédiatement lors de l'adoption du projet de Loi 90 pour la
Protection du Territore agricole du Québec, le ministre de l'Agriculture
procédera à l'organisation matérielle de la
Commission.
Pendant cette période d'organisation au niveau gouvernemental,
nous croyons que, localement, plusieurs municipalités procéderont
rapidement à la préparation de cartes nouvelles afin de les
soumettre à l'approbation de la Commission. A notre avis, nous
assisterions, fort probablement, à la même négociation que
celle prévue à l'article 47, sauf que l'échéancier
pourrait en être modifié par les municipalités et pourrait,
dans certains cas, être fortement écourté au profit des
administrations locales clairvoyantes soumises à la pression de leurs
citoyens.
Plutôt que d'attendre l'avis de la Commission, les
municipalités pourraient elles-mêmes donner cet avis et
décider du point de départ de la négociation.
C) Mécanismes d'amendement de la carte des
territoires agricoles protégés (articles 58 et 59)
Considérant que le but de la Loi est de protéger des sols
agricoles zonés comme tels et
Considérant toute décision de nature à assurer le
maintien du zonage initial négocié au départ entre la
municipalité et la Commission,
Nous croyons que toutes ces décisions locales devraient
être sans appel et qu'elles ne devraient pas être acheminées
à la Commission comme le veut l'article 59 en particulier. Nous croyons
que cet article 59, tel que rédigé, va occasionner un
acheminement de papeterie et de formules vers la Commission dans plusieurs cas
pratiquement inutiles.
Ainsi, nous sommes d'avis que lorsqu'une municipalité refuse
qu'un lot situé dans une zone agricole soit exclu de cette zone en tout
ou en partie, sa décision devrait être finale puisqu'elle vise
à protéger le zonage initial accepté par la Commission de
Protection. De plus, nous croyons que lorsqu'une municipalité accepte
localement d'inclure à l'intérieur d'une zone agricole un lot ou
une partie de lot qui était, auparavant, à l'extérieur de
cette zone, cette dernière décision devrait aussi être
finale et sans appel puisqu'elle a pour effet d'agrandir le territoire agricole
protégé et ceci dans le plus grand respect des objectifs
fixés par le projet de Loi 90.
Nous croyons que d'une façon transitoire et en attendant la
formation des conseils de comté renouvelés dans le cas
d'amendement au zonage qui ne sont pas des cas prévus
précédemment dans ce mémoire, mais qui auraient pour
effet, au contraire, de soustraire de la zone protégée des lots
en totalité ou en partie, pour permettre sur ces lots un usage autre que
l'usage agricole initialement décidé avec la Commission, la
municipalité devrait, à ce moment, respecter les
procédures suivantes qui devraient être, selon nous,
prévues dans le projet de Loi 90: a) Toute personne, désirant
exclure un lot ou une partie de lot d'une zone agricole désignée,
fait sa demande à la municipalité; b) Lorsqu'une
municipalité accepte une telle demande et modifie en conséquence
son Règlement de Zonage, elle doit en donner avis à la Commission
et lui expédier son règlement pour approbation. Si, dans les 30
jours de la réception de la décision motivée de la
Corporation municipale, la Commission nationale n'a pas rendu une
décision défavorable, le règlement municipal d'amendement
est réputé accepté par la Commission; c) Lorsque la
Commission n'est pas d'accord avec le règlement municipal d'amendement,
elle devra dans les 90 jours de l'avis de son refus à la
municipalité, tenir une audience publique dans la municipalité ou
dans une municipalité contiguë, audience publique à laquelle
tout intéressé pourra faire valoir son point de vue. d) Dans les
30 jours de l'audience publique mentionnée à l'alinéa
précédent, la Commission devra rendre sa décision finale
motivée.
Nous croyons que cette façon de procéder permettra aux
municipalités de ne pas perdre un temps infini dans l'attente de
décisions qui risqueraient de mettre en jeu leur fonctionnement, leur
organisation tant au niveau des services qu'à celui de leur
financement.
Il est évident que les municipalités locales doivent
répondre à des impératifs au niveau de l'administration
des services qu'elles donnent à leurs contribuables et il est, à
notre avis, hors de question de ne pas encadrer d'une façon juridique
plus sévère les délais auxquels ces municipalités
pourraient être soumises advenant un fonctionnarisme lent, loin des
impératifs locaux, surtout lorsqu'une décision
à être rendue par un organisme a des implications
politiques locales. Et lorsque je parle d'implications politiques locales, je
voudrais, messieurs de la Commission, que vous compreniez bien qu'il n'est
aucunement question pour moi de dire que ces remarques pourraient avoir surtout
une connotation légèrement partisane.
D) La notion de droits acquis
Dans cette section de notre mémoire qui traite des droits acquis,
nous voudrions simplement vous souligner les points qui ont été
soulevés lors d'une assemblée générale des maires
et des conseillers municipaux, assemblée tenue à Joliette le 30
novembre dernier à l'instigation du Comité administratif du
Comté de Joliette. Des résolutions nous ont été
présentées dans le but de vous soumettre les points suivants: a)
Le propriétaire d'un lot vacant, dont il a fait l'acquisition avant le 9
novembre 1978, devrait avoir le droit de vendre cedit lot après cette
date, et celui qui a acheté ce lot devrait avoir le même droit de
construire que celui qui l'a vendu. b) Nous demandons qu'un citoyen
propriétaire d'une bâtisse nouvellement construite ou en voie de
construction sur un lot ou une partie de lot dont le contrat d'achat
n'était pas encore signé le 9 novembre 1978, devrait pouvoir
obtenir du propriétaire du terrain le titre nécessaire
attaché à sa propriété, car il est sans doute connu
des membres de cette Commission que, dans nos municipalités rurales,
plusieurs terrains sont payés au moyen de petites annuités et le
propriétaire n'accepte de céder un bon titre que lorsque ce
dernier terrain a été entièrement payé. La bonne
foi ayant été traditionnellement la base des contrats en milieu
rural, plusieurs personnes ont commencé des constructions ou les ont
mêmes terminées dans plusieurs cas avant même d'être
en possession de leur titre sur le fond de terrain construit.
Nous croyons que la Loi pourrait être élargie de
façon à ne pas créer d'injustice à l'endroit de la
bonne foi traditionnelle qui existe en milieu rural. c) Au niveau des droits
acquis, nous demandons qu'une construction incendiée ou démolie
après le 9 novembre 1978 devrait pouvoir être reconstruite sur le
même lot, nonobstant les dispositions de la Loi, si une telle
reconstruction est possible en vertu des règlements municipaux en
vigueur dans chaque municipalité locale. Nous croyons que ces
élargissements à la notion de droits acquis ne sont pas
considérables et ne risquent pas de mettre en péril la protection
des sols agricoles au Québec.
E)
Utilisation des territoires situés en
bordure de certains chemins publics
Nous croyons que les droits garantis par l'article 105 devraient
s'appliquer, en milieu rural, non seulement aux chemins publics où les
services d'égout et d'aqueduc sont déjà autorisés
par un règlement municipal adopté avant cette date et
approuvé conformément à la Loi, mais que les lots faisant
front sur un chemin public devraient eux aussi pouvoir être construits,
aliénés, lotis et utilisés pour une fin autre que
l'agriculture sans l'approbation de la Commission. Evidemment, il faut que le
chemin ait déjà été municipalisé avant le 9
novembre 1978 et qu'il ne s'agisse pas non plus d'un chemin connu comme
étant un chemin de ligne. Les lots adjacents à un chemin de front
devraient pouvoir être construits, mais au moins 25% du frontage total du
lot devrait être réservé pour donner accès aux lots
situés en arrière de la bordure non protégée.
Nous sommes bien conscients que les délais limités mis
à notre disposition ne nous ont pas permis d'analyser en profondeur les
implications des mesures que nous suggérons dans le présent
mémoire. A notre avis, ces mesures veulent être plutôt une
façon d'accélérer et d'assurer la mise en place des
réformes préconisées dans le projet de Loi no 90.
Nous sommes fiers de notre participation aux différents
comités régionaux en matière de développement, de
gestion et de fiscalité; nous sommes également fiers de nos
réalisations en matière d'évaluation foncière et de
gestion de déchets.
Qu'il me soit permis, en terminant, d'assurer monsieur le ministre de
l'Agriculture du fait que les Conseils municipaux de même que le Conseil
de Comté de Joliette n'ont pas la réputation d'un "Colonel
Sanders que vous redoutiez en lui confiant la protection de vos poulets". Cette
phrase prononcée par vous au CEGEP de Joliette le 26 septembre est
restée bien gravée dans nos mémoires et vous comprendrez
que nous avons cru y déceler un manque total de confiance à notre
endroit. Nous croyons que ce manque de confiance n'était pas
justifié et que, bien au contraire, nos réalisations du
passé nous permettent aujourd'hui d'être tout à fait fiers
du travail effectué dans notre région, celle de
Lanaudière, par les maires et conseillers municipaux du Comté de
Joliette.
Merci, messieurs les membres de la Commission.
André Asselin Préfet du Comté de Joliette
ANNEXE B
Mémoire de la Fédération
Interdisciplinaire de l'Horticulture Ornementale
du Québec Inc. à la commission
parlementaire sur la protection du territoire agricole.
Présenté par: M. Jacques Paquin, B.A., B. SC. POL.
Président, F.I.H.O.Q.
1.
Présentation de la fédération
"Monsieur le Ministre, messieurs les Commissaires, la Fédération
Interdisciplinaire de l'Horticulture Ornementale du Québec Inc. vous
remercie de lui laisser la parole, devant vous, aujourd'hui.
Pour quelques uns d'entre vous, peut-être, il s'agit d'un premier
contact avec notre jeune mais énergique Fédération. Aussi,
je me permets dès maintenant de vous présenter notre
organisme:
Nous représentons, actuellement, huit (8) associations membres,
soit...
L'Association des Marchands de Semences du Québec;
L'Association des Paysagistes et Pépiniéristes du
Québec Inc.; aussi appelée Paysage Québec.
L'Association des Surintendants de Golf du Québec;
La Société Internationale d'Arboriculture
Région Québec;
L'Association pour le contrôle des végétaux et
insectes nuisibles du Québec Inc.;
Fleurs Canada Région Québec;
L'Association des Producteurs d'Arbres de Noël du Québec; et
enfin, l'Association des Producteurs de Gazon du Québec.
Comme vous le constatez, il y a du monde qui travaille dans
l'horticulture ornementale au Québec, puisque ces associations, au
total, représentent environ 1200 membres, qui sont
généralement des entreprises avec des employés, et non pas
des membres individuels.
Tout ce monde manipule de l'argent, car, lorsque l'on parle du chiffre
d'affaire de l'horticulture ornementale au Québec, on cite
généralement le chiffre de $500 millions de dollars, comme vous
le disiez vous-mêmes, Monsieur le Ministre, au récent
congrès de Paysage-Québec à Sherbrooke.
2.
Félicitations au gouvernement
La Fédération, vous le voyez, est composée de gens
qui vivent essentiellement de la terre. Elle se sent réconfortée
par la venue de la Loi de la protection du territoire agricole.
Elle tient de plus, à vous féliciter avec force, Monsieur
le ministre vous et votre gouvernement, pour le courage, certains diraient la
témérité, dont vous faites preuve en amenant cette loi
devant l'Assemblée Nationale et surtout, en envisageant de l'appliquer,
après!
3.
Problèmes pour deux associations
membres
Deux de nos associations membres, cependant, soit l'Association des
Producteurs de gazon du Québec et l'Association des Paysagistes et
Pépiniéristes du Québec Inc. entretiennent quelques
craintes.
Tout en se sentant protégés, ce dont ils sont heureux, ils
craignent que la loi donne lieu à de mauvaises interprétations
dans son application. Ils savent que l'esprit de la loi les protège,
mais craignent qu'un bon jour, un fonctionnaire, quoique bien
intentionné, oublie "l'esprit" de la loi et s'en serve d'une
façon très préjudiciable pour l'exercice de leurs travaux
de culture.
4.
Association des producteurs de gazon du
Québec
a) L'importance des pelouses
Les pelouses sont devenues très importantes aujourd'hui dans les
activités humaines. L'homme moderne, surtout dans les pays les plus
avancés en technologie, accorde beaucoup de place à
l'embellissement de son milieu de vie, milieu résidentiel, milieu de
travail, milieu scolaire, etc. Avec la civilisation des loisirs et la
protection de l'environnement, l'apparition et le développement de
nouveaux espaces verts consacrent encore davantage l'importance des pelouses
aux points de vue fonctionnel, récréatif et ornemental.
Fonctionnel. Un gazon est employé pour de nombreuses fins
utilitaires, entre autres:
Pour contrôler l'érosion des sols par le vent et l'eau:
Pour éliminer la poussière et la boue autour des
résidences, des écoles, etc.;
Pour réduire la pollution par le bruit et l'air, la chaleur,
etc.;
Pour augmenter la valeur des grandes propriétés et leur
donner un attrait commercial;
Pour former des zones de sécurité aux abords des routes et
leurs arrêts d'urgence et de détente;
Récréatif. Beaucoup d'activités sportives et
récréatives utilisent les pelouses, tels le baseball, le
football, le golf, etc. Dans certains sports particulièrement, le
gazon, en formant un bon coussin, réduit les blessures des participants.
Les pelouses remplissent un rôle d'importance vitale dans la
société urbaine d'aujourd'hui, en notre ère de
civilisation des loisirs et d'éducation physique. Ornemental. Les gazons
embellissent les abords des demeures, des écoles, des usines. C'est un
facteur important dans la santé mentale des urbains, les rapprochant
ainsi de la Nature. b) Impact économique.
L'impact économique des gazonnières du Québec est
relativement important et a atteint depuis ses débuts en 1953 un niveau
de ventes brutes de $10,000,000. en 1978, provenant de la culture du gazon sur
environ 8,000 acres de terres agricoles. Tout en considérant un
investissement global d'environ $15,000,000., soit une moyenne de $2,000.
l'acre, l'industrie des gazonnières procure directement de l'emploi
à environ 500 personnes pour une masse salariale d'environ $5,000,000.
c) Reconnaissance agricole des gazonnières.
Depuis le début, les gazonières ont toujours
été reconnues comme des entreprises essentiellement agricoles
utilisant les mêmes façons culturales que toute autre production
de grande culture, telles le labour, hersage, disquage, fertilisation,
ensemencement, contrôle des mauvaises herbes et maladies, récolte;
utilisant le même équipement tels que tracteurs, charrues, herses,
épandeurs d'engrais et de pesticides, semoirs, etc.
Enfin, pour assurer un rendement économique des
gazonnières, les producteurs font face aux mêmes problèmes
agricoles, tels l'assainissement des sols, un maintien de la fertilité
par une fertilisation adéquate des sols, etc.
Ainsi le jugement de la Régie de Marchés agricoles, en
août 1978, n'a fait que confirmer ce qui était pratiquement
reconnu antérieurement (voir détail du jugement en Annexe A). d)
La modification du sol par la culture du gazon.
Un producteur de gazon récolte tous les deux ans et demi environ.
La récolte qui est prélevée contient une partie du sol
nécessaire à la transplantation tout comme cela est
nécessaire à la transplantation d'arbres, conifères, etc.
et aussi des herbes tapissantes.
L'expérience poursuivie à l'Université de Guelph
par Shears et Van Patter (juillet 1978) (voir Annexe
B) a montré la quantité de sol prélevé
à chaque récolte et ses effets à long terme, sur la
capacité productive du sol pour l'agro-alimentaire.
Cette étude avait pour objectifs: 1) de mesurer la
quantité de sol prélevé durant la récolte de gazon;
2) de déterminer l'importance de l'incorporation du sous-sol au sol
arable par un labour profond; 3) de mesurer les changements physiques et
chimiques qui peuvent être occasionnés par la culture du gazon, et
4) d'évaluer les pertes de sol arable par l'érosion pendant
l'exploitation d'une gazonnière en regard d'une monoculture de
maïs.
On a conclu que: 1° la profondeur moyenne du sol
prélevé par une récolte de gazon se situait à 9.4mm
(1/3 de pouce). 2° La pratique d'un labour profond et de l'incorporation
continue du sous-sol, associée à une fertilisation
appropriée, est une garantie du maintien de la productivité du
sol arable. 3° On a constaté peut de changements chimiques ou
physiques du sol dû à la culture du gazon. 4° Si nous
considérons la récolte de gazon à tous les deux ans et
demi, une monoculture de maïs provoque une perte de sol arable de 8.58mm
comparativement à 9.42mm dans une culture de gazon
(0.025mm par l'érosion et 9.4mm par le prélèvement
du gazon). e) Conclusion.
Les efforts de rentabilisation et d'expansion de notre industrie
agricole ont été difficiles jusqu'à présent en
raison des conséquences néfastes de l'urbanisation, de la
spéculation foncière. Nous croyons le projet de loi valable et
très attendu.
Mais la récolte de pâturins sous forme de plaque (gazon)
nous oblige, pour une bonne transplantation, de prélever une mince
couche de terre arable (9.4mm/récolte) tout aussi importante que nous
prélevons lors de la transplantation de plantes ornementales que ce
soient des arbres, arbustres ou conifères. Il est donc important de
permettre une telle pratique sans que cela fasse l'objet d'un permis
spécial d'utilisation afin de promouvoir le bien-être de notre
environnement et de préserver cette industrie de l'horticulture
ornementale qui est une nécessité sociale.
La pratique du permis, d'ailleurs, est incompatible avec la culture du
gazon, puisque la durée de vie du permis n'est que de deux (2) ans,
alors que le gazon se cultive sur deux ans et demi.
Devant une telle situation, Monsieur le Ministre, l'Association des
producteurs de Gazon du Québec demande au gouvernement, par les pouvoirs
qui lui sont conférés à l'article 80, troisième
paragraphe, de déterminer, aux fins de l'article 70, que les producteurs
de gazon cultivé n'ont pas besoin de permis pour pratiquer leur
culture.
De plus, nous vous demandons de nous consulter lors de la
rédaction des règlements qui régiront l'application de
l'article 80, paragraphe 3, pour tout ce qui concerne les producteurs de
gazon.
5. Association des paysagistes et
pépiniéristes du Québec
L'Association de Paysage-Québec entretient, elle-aussi, des
craintes suffisamment sérieuses pour justifier notre présence
ici.
Paysage-Québec regroupe environ 200 membres et elle a pour but,
de par son statut, de promouvoir, développer et améliorer
l'industrie de l'horticulture ornementale au Québec.
Les paysagistes et les pépiniéristes savent très
bien, comme les producteurs de gazon, que vous ne cherchez pas, avec votre loi
à les empêcher de faire leur métier. Ils pratiquent, en
effet, un métier, pour les premiers, et une culture, pour les seconds,
qui sont le gage de la venue de jours meilleurs pour le Québec.
Notre industrie d'horticulture ornementale se développe
d'année en année et il ne faudrait pas qu'une loi, ayant pour but
de protéger cette industrie, la place dans une situation tellement
difficile qu'elle décourage les producteurs.
A. Problèmes des pépiniéristes 1) Le permis
décourage le pépiniériste.
Qu'arrivera-t-il, en effet, si un inspecteur dévoué et
bien intentionné s'amène chez le pépiniériste et
lui demande... "Qu'est-ce que tu mets dans tes pots pour planter tes arbres?"
"De la terre" répond le pépiniériste. "Je regrette,
répond l'inspecteur, mais votre pratique est interdite par l'article 70
de la Loi sur la protection du territoire agricole. Avez-vous un permis, tel
que défini à l'article 71 ?" Pour pouvoir vendre ses arbres, le
pépiniériste demande son permis, qui sera valide pour 2 ans.
Même si tout le monde essaie d'agir avec célérité
pour l'émission dudit permis, il est à peu près certain
que le pépiniériste aura manqué sa récolte, car
celle-ci doit se faire sur une période de temps passablement courte.
A. Problèmes des pépiniéristes 1) Le permis
décourage le pépiniériste.
Qu'arrivera-t-il, en effet, si un inspecteur dévoué et
bien intentionné s'amène chez le pépiniériste et
lui demande... "Qu'est-ce que tu mets dans tes pots pour planter tes arbres?"
"De la terre" répond le pépiniériste. "Je regrette,
répond l'inspecteur, mais votre pratique est interdite par l'article 70
de la Loi sur la protection du terrritoire agricole. Avez-vous un permis, tel
que défini à l'article 71 ?".
Pour pouvoir vendre ses arbres, le pépiniéristes demande
son permis, qui sera valide pour 2 ans.
Même si tout le monde essaie d'agir avec
célérité pour l'émission dudit permis, il est
à peu près certain que le pépiniériste aura
manqué sa récolte, car celle-ci doit se faire sur une
période de temps passablement courte.
Mais notre pépiniériste n'est pas au bout de ses peines!
Car son permis n'est que pour 2 ans! Or, il avait sur sa ferme de jeunes arbres
qui ne seront bons à vendre que trois (3) ans plus tard; il devra donc
demander un renouvellement de permis. Mais, le conseil municipal a
changé et le gouvernement aussi! De plus, deux commissaires entre-temps
sont arrivés à la fin de leur mandat et ont été
changés par le nouveau gouvernement. Donc, au bout de la ligne, il
serait surprenant que le nouvel "esprit de la loi" soit encore en tout point
identique. Or, dans le cas qui nous occupe, ce conseil municipal donne une
recommandation défavorable à cause du conflit
d'intérêt entre ses membres et le pépiniériste.
Celui-ci doit se défendre, bien qu'il n'ait rien fait de
répréhensible aux yeux de la loi. Rendu à Québec,
pour comble de malheur, la loi n'est plus tout à fait appliquée
de la même façon. On a changé quelques règlements et
notre pépiniériste de bonne foi doit encore se
défendre.
Jusqu'où cela ira-t-il?
Sera-t-il encouragé à augmenter sa production? 2) La
production de pépinières au Québec: déjà en
difficulté
Pourtant, chacun sait au Ministère de l'Agriculture que la
production de pépinières au Québec est très
largement déficitaire. On parle de plus ou moins (plutôt plus 80%
d'importations dans tout ce qui se vend d'arbres, d'arbustes, conifères,
rosiers etc.. au Québec. Ces produits viennent surtout de l'Ontario. Ils
viennent aussi de la Colombie Britannique, des Etats-Unis et d'Europe, en
Hollande et de plus, en France.
Il n'y a que 3,200 acres de pépinières au Québec,
selon le rapport Bérubé. Déjà, nos conditions
climatiques nous amènent des difficultés.
On retrouve peu d'experts et peu de techniciens auprès des
producteurs.
Combien le Ministère compte-t-il de spécialistes en
horticulture ornementale dans les régions, dans les mêmes bureaux
que ses spécialistes de la fraise, du tabac etc.?
Chacun sait que le ministère de l'Agriculture du Québec
tend vers l'auto-suffisance dans tous les secteurs. Il serait pour le moins
insensé que la loi destinée à garantir cette tendance,
aboutisse, en fait, pour un groupe déjà aussi
défavorisé que celui des pépiniéristes, à
leur créer de nouvelles difficultés, qui, loin de leur procurer
tout l'encouragement auquel ils s'attendaient, les place dans une situation
plus précaire encore. 3) L'importance de l'horticulture ornementale dans
l'environnement
L'importance, dans l'environnement, du développement de
l'industrie de l'horticulture ornementale est particulièrement facile
à saisir, comparativement à celle du tabac, produit s'il en est,
voué à la pollution, ou comparativement à celle du
maïs, produit destiné spécialement à
l'allégement de l'esprit et à l'oubli des problèmes
réels. Notre culture ne détériore d'aucune façon le
sol et le producteur ne peut que se préoccuper d'assurer le maintien de
sa fertilité, puisque ses récoltes futures en dépendront.
N'insistons pas sur ces points, car nous savons qu'à aucun moment vous
ne les mettez en doute. 4) Le permis est incompatible avec notre culture
Mais nous voulons insister sur le fait que la nécessité de
demander un permis pour pratiquer notre culture, si quelqu'un venait à
nous l'imposer, nous causerait un préjudice grave, car la
spécificité de notre culture, qui s'étend facilement sur
plusieurs années, est absolument incompatible, selon nous, avec la
pratique d'un permis, qui n'aura de valeur que pour deux (2) années.
Imposer d'ailleurs un tel permis dépasse largement l'objet
visé.
Nous vous approuvons sans réserve, lorsque vous voulez prohiber
l'enlèvement systématique et sauvage du sol arable, mais nous
aimons croire que vous ne visez pas l'action du pépiniériste qui
met un peu de terre dans ses pots. 5) Recommandations par les
pépiniéristes
Aussi, Monsieur le Ministre, comme les producteurs de gazon, nous
demandons au gouvernement, par les pouvoirs qui lui sont conférés
à l'article 80, troisième paragraphe, de déterminer aux
fins de l'article 70, que les pépiniéristes n'ont pas besoin de
permis pour pratiquer leur culture. De plus, nous vous demadons de nous
consulter lors de la rédaction des règlements, qui
régiront l'application de l'article 80, paragraphe 3, pour tout ce qui
concerne les pépiniéristes.
B. Paysagistes
Enfin, Monsieur le Ministre, le troisième groupe de nos membres
qui aimerait vous expliquer son cas, est celui des paysagistes, membres aussi
de l'Association des Paysagistes et Pépiniéristes du
Québec Inc. 1) L'importance du matériau pour eux.
Eux-aussi, Monsieur Le Ministre, se sentent réconfortés et
protégés par votre loi, par votre souci de protéger leur
matériau de base, utilisé dans les travaux d'embellissement, que
ce soit pour l'aménagement d'un gazon ou la plantation des autres
végétaux. La terre arable est essentielle à leurs travaux,
comme la brique l'est au briqueteur. Sachant utiliser au mieux ce
matériau de base, ils contribuent directement à l'embellisement
et à l'amériolation du milieu de vie, cherchant sans cesse
à recréer l'harmonie des formes et des couleurs, tout en luttant
avec cet arme très efficace qu'est la végétation, contre
la pollution de l'air et même du bruit. Les paysagistes du Québec,
Monsieur le Ministre, ceux-là même qui réaliseront vos
Floralies en 1980, ceux-là même dont les travaux seront
examinés par les experts internationaux en 1980, ont quelques
idées à vous proposer pour rendre votre loi plus efficace encore,
tellement ils y croient. Ils sont eux-aussi ahuris devant les actes
posés par certains promoteurs qui saccagent littéralement, sans
s'en préoccuper le moins du monde, la couche de sol arable qui recouvre
les terrains lorsqu'ils passent leurs rues, leurs égoûts, et
commencent à creuser leurs caves. 2) Craintes.
Les paysagistes croient que la présente loi provoquera en bien
des zones non protégées la spéculation ou le gaspillage ou
même la destruction du sol arable. Il en sera de même lorsque les
permis seront accordés pour libérer des lots
protégés.
Enfin, les promoteurs ou autres organismes, qui obtiendront un permis
d'exploitation non agricole seront-ils en mesure d'apprécier la valeur
du sol arable recouvrant les lots qu'ils veulent utiliser? 3) Suggestions.
Pour éviter ces abus, les paysagistes suggèrent la mise en
place immédiate de mécanismes de contrôle pour sauver la
terre arable et la récupérer dans les zones non
définies.
Par exemple, on sait déjà qu'une municipalité des
environs de Québec, dont une partie du territoire est zonée, et
désignée et l'autre non désignée, vient de prendre
des mesures pour réorienter son développement vers la zone non
désignée et dès cet hiver, le sol arable de cette zone
sera détruit par la construction d'égouts, car il n'a pas
été préalablement prélevé.
Ils suggèrent aussi, pour renforcer l'article 74, que
l'épaisseur de sol arable à prélever soit
déterminée par règlement à chaque cas de demande de
permis, pour qu'il demeure assuré que la pratique d'enlever une couche
de sol n'empêche pas la régénération de ce sol.
Conscients que pour leur propre protection, ils auront besoin de
demander un permis pour récupérer ce sol arable et le transporter
sur les lieux de leurs travaux, et conscients aussi qu'ils ont actuellement des
travaux commencés ou des engagements signés pour le printemps,
les paysagistes souhaitent cependant, que l'émission des permis, pour la
réalisation des contrats à brève échéance,
soit facilitée et ces permis accordés dans des délais
relativement courts pour leur permettre de rencontrer leurs engagements.
6. Demandes générales
Les paysagistes enfin, Monsieur le Ministre, se joignent aux
pépiniéristes et aux producteurs de gazon pour demander que les
mandataires de la Fédération interdisciplinaire de l'Horticulture
Ornementale du Québec soient consultés par vos experts pour la
rédaction des règlements, dont on parle à l'article 80,
paragraphe 3.
Cette consultation paraît à tous comme étant
primordiale et nécessaire, car tous, nous sommes concernés par
l'une ou l'autre des dispositions de la loi. De plus, comme semble le laisser
entendre l'article 8, la Fédération demande même que l'un
des membres de la Commission soit un représentant de la
Fédération.
Encore une fois, Monsieur le Ministre, Messieurs, nous vous remercions
bien sincèrement de nous avoir reçu et de nous avoir
écouté.
Fédération Interdisciplinaire de l'Horticulture
Ornementale du Québec Inc.
Par
Jacques Paquin, B.A.
B. SC. POL.
Président de la F.I.H.O.Q. Membres de la
Fédération.
L'Association des Producteurs de Gazon du Québec, L'Association
des Paysagistes et Pépiniéristes du Québec. Fleurs Canada
Région Québec.
Mémoire au Ministre de l'Agriculture De:
Fédération Interdisciplinaire de l'Horticulture Ornementale du
Québec.
Sujet: Retrait de l'article 72 de la section 5 du projet de loi 90 ou
adoption d'un règlement spécial en vertu de l'article 80
paragraphe 3.
Suite à la présentation en première lecture, le 9
novembre 1978, du projet de loi no 90 par le Ministre de l'Agriculture.
ATTENDU que la loi proposée ne prévoit une utilisation du
sol agricole qu'à des fins agricoles;
ATTENDU que le seul enlèvement du gazon n'est pas
considéré comme une récolte normale d'une protection
typiquement agricole;
ATTENDU que les articles 70 et 72 de la section V sur la protection du
sol arable interdisent le seul enlèvement du gazon;
II est nécessaire pour les membres de l'Association des
producteurs de Gazon du Québec, membres aussi de la
Fédération interdisciplinaire de l'horticulture ornementale du
Québec, d'intervenir auprès du Ministre de l'Agriculture pour lui
proposer des modifications importantes au présent projet de loi, soit la
suppression totale de l'article 72 ou la reconnaissance des producteurs de
gazon comme des entreprises essentiellement agricoles en adoptant une
réglementation spéciale en vertu de l'article 80 paragraphe
3.
Les pelouses sont devenues très importantes aujourd'hui dans les
activités humaines. L'homme moderne, surtout dans les pays les plus
avancés en technologie, accorde beaucoup de place à
l'embellissement de son milieu de vie, milieu résidentiel, milieu de
travail, milieu scolaire, etc. Avec la civilisation des loisirs et la
protection de l'environnement, l'apparition et le développement de
nouveaux espaces vers consacrent encore davantage l'importance des pelouses aux
points de vue: a) fonctionnel, b) récréatif et c) ornemental). a)
Fonctionnel. Un gazon est employé pour de nombreuses fins utilitaires,
entre autres: Pour contrôler l'érosion des sols par le vent et
l'eau;
Pour éliminer la poussière et la boue autour des
résidences, des écoles, etc.;
Pour réduire la pollution par le bruit et l'air, la chaleur,
etc.;
Pour augmenter la valeur des grandes propriétés et leur
donner un attrait commercial;
Pour former des zones de sécurité aux abords des routes et
leurs arrêts d'urgence et de détente;
Pour stabiliser la poussière et le sol sur les aéroports,
prolongeant ainsi la durée des moteurs d'avion. b)
Récréatif. Beaucoup d'activités sportives et
récréatives utilisent les pelouses, tels le baseball, le
football, le golf, etc. Dans certains sports particulièrement, le gazon,
en formant un bon coussin, réduit les blessures des participants. Les
pelouses remplissent un rôle d'importance vitale dans la
société urbaine d'aujourd'hui, en notre ère de
civilisation des loisirs et d'éducation physique. c) Ornemental. Les
gazons embellissent les abords des demeures, des écoles, des usines.
C'est un facteur important dans la santé mentale des urbains, les
rapprochant ainsi de la nature.
Impact économique
L'impact économique des gazonnières au Québec est
relativement important et a atteint depuis ses débuts en 1953 un niveau
de ventes brutes de $10,000,000. en 1978, provenant de la culture du gazon sur
environ 8,000 acres de terres agricoles. Tout en considérant un
investissement global d'environ $15,000,000., soit une moyenne de $2,000.
l'acre, l'industrie des gazonnières procure directement de l'emploi
à environ 500 personnes pour une masse salariale d'environ
$5,000,000.
Un producteur de gazon est celui qui, après avoir fait
l'assainissement du sol et le nivelage, ensemence des herbes tapissantes,
telles les pâturins, les fétuques, les agrostides et le Ray grass,
utilise des fertilisants et pesticides pour la bonne croissance des herbes,
récolte la pelouse sous forme de gazon et reprépare le sol pour
un réensemencement sur la même surface de sol arable.
Reconnaissance agricole des producteurs de
gazon
Depuis le début, les producteurs de gazon ont toujours
été reconnus comme des entreprises essentiellement agricoles
utilisant les mêmes façons culturales que toute autre production
de grande culture, telles le labour, hersage, disquage, fertilisation,
ensemencement, contrôle des mauvaises herbes et maladies, récolte;
utilisant le même équipement tels que tracteurs, charrues, herses,
épandeurs d'engrais et de pesticides, semoirs, etc.
Enfin, pour assurer un rendement économique des
gazonnières, les producteurs font face aux mêmes problèmes
agricoles, tels l'assainissement des sols, un maintien de la fertilité
par une fertilisation adéquate des sols, etc.
Ainsi le jugement de la Régie des Marchés agricoles, en
août 1978, n'a fait que confirmer ce qui était pratiquement
reconnu antérieurement (voir détail du jugement en Annexe A).
De plus, l'enseignement dispensé sur la culture du gazon ne se
trouve uniquement que dans des instituts technologiques agricoles ou
facultés d'agronomie dans les universités du Québec,
canadiennes ou américaines.
En Ontario, la culture du gazon et une pratique agricole reconnue au
même titre que les céréales.
La modification du sol par la culture du gazon
Un producteur de gazon récolte tous les deux ans et demi environ.
La récolte qui est prélevée contient une partie du sol
nécessaire à la transplantation tout comme cela est
nécessaire à la transplantation d'arbres, conifères, etc.
et aussi des herbes tapissantes.
L'expérience poursuivie à l'Université de Guelph
par Shears et Van Patter (juillet 1978) (voir Annexe B) a montré la
quantité de sol prélevé à chaque récolte et
ses effets à long terme, sur la capacité productive du soi pour
l'agro-alimentaire.
Cette étude avait pour objectifs: 1) de mesurer la
quantité de sol prélevé durant la récolte de gazon;
2) de déterminer l'importance de l'incorporation du sous-sol au sol
arable par un labour profond; 3) de mesurer les changements physiques et
chimiques qui peuvent être occasionnés par la culture du
gazon,
et 4) d'évaluer les pertes de sol arable par l'érosion
pendant l'exploitation d'une gazonnière en regard d'une monoculture de
maïs.
On a conclu par cette étude que la profondeur moyenne du sol
prélevé par une récolte de gazon se situait à 9.4
mm (1/3 de pouce).
Les variations constatées ont généralement
été associées au nivellement de la surface du sol lors de
l'ensemencement. Un sol bien nivelé favorisait une perte minime du sol
arable.
Il y a peu d'effets visuels de l'incorporation du sous-sol au sol arable
dans les champs exploités par le gazon. Une expérience en serre a
démontré qu'à moins de compenser par une plus grande
fertilisation, une diminution de croissance résultait de l'incorporation
du sous-sol au sol arable. Quand la fertilité du sol est
contrôlée, il y a une tendance à une plus grande croissance
lors de l'incorporation du sous-sol au sol arable.
Ainsi, la profondeur du sol arable n'est pas un indicateur
déterminant pour le nombre de récoltes de gazon qu'une terre peut
produire. La pratique d'un labour profond et de l'incorporation continue du
sous-sol, associée à une fertilisation appropriée, est une
garantie du maintien de la productivité du sol arable.
Toujours, selon l'étude de l'Université de Guelph,
l'analyse de l'acidité du sol dans les champs de culture du gazon et
ceux d'autres cultures ne démontre pas de différences
importantes. Cependant, la concentration en phosphore était plus
élevée dans les champs. L'humus, exprimé en pourcentage de
matière organique, était en quantité moins
élevée dans les champs exploités pour le gazon. La
faiblesse d'une gazonnière d'accroître la matière organique
est considérée comme l'effet du prélèvement de la
zone de sol arable où se situe la plus grande concentration de racines
durant la récolte, et l'effet de dilution occasionné par
l'incorporation du sol arable à des profondeurs plus grandes par le
labour et le hersage profond. Il est à noter cependant une pratique d'un
des membres de l'Association des producteurs de gazon du Québec, soit
Les Pelouses Boulet Inc., d'incorporer au sol arable à tous les trois ou
quatre récoltes de gazon, un engrais vert composé de 50%
d'avoine, 30% de pois des champs et 20% de lentille. Cette pratique contribue
à maintenir, sinon à élever, le niveau de la
matière organique dans le sol.
Les pertes de sol par l'érosion
II a été constaté dans des études
canadiennes qu'une perte de sol arable par l'érosion de l'eau a
été plus forte dans une monoculture de maïs, soit 2.86 mm
par an comparativement à 0.01 mm/ par an dans une gazonnière. Si
nous considérons la récolte de gazon à tous les deux ans
et demi, nous pouvons conclure qu'une monoculture de maïs provoque une
perte de sol arable de 8.58 mm comparativement à 9.42 mm dans une
culture de gazon (0.025 mm par l'érosion et 9.4 mm par le
prélèvement du gazon).
Conclusion
N'eut été l'article 72 du projet de loi numéro 90,
le présent projet aurait été acceptable par l'Association
des Producteurs de Gazon du Québec. Les efforts de rentabilisation et
d'expansion de notre industrie agricole ont été difficiles
jusqu'à présent en raison des conséquences néfastes
de l'urbanisation, de la spéculation foncière. Nous croyons le
projet de loi valable et très attendu.
Cependant, pour la protection du sol arable, soit le maintien de la
productivité agricole du sol, il est important de maintenir la teneur en
matière organique et en humus d'un sol. Un tel maintien dépend
des pratiques que nous observons lors de nos cultures, que ce soit pour la
production de grains, fourrages, aliments ou gazon.
Plusieurs de nos membres ont constaté, lors de l'achat d'une
nouvelle terre, une pauvreté des sols arables par des pratiques
inadéquates de culture de pommes de terre, de grains ou de maïs
fourrager. (Ex.: P.H. 4.9, Mat. org. 2.2%, Rapport C/N 6/1, P2Os
Kg/hectare 488, Saturation 49%).
Enfin, la récolte de pâturins sous forme de plaques (gazon)
nous oblige, pour une bonne transplantation, de prélever une mince
couche de terre arable (9.4 mm/récolte) tout aussi importante que nous
prélevons lors de la transplantation de plantes ornementales que ce
soient des arbres, arbustes ou conifères. Il est donc important de
permettre une telle pratique sans que cela fasse l'objet d'un permis
spécial d'utilisation afin de promouvoir le bien-être de notre
environnement et de préserver cette industrie de l'horticulture
ornementale qui est presqu'une nécessité sociale.
Nous vous demandons donc la suppression totale de l'article 72 du
présent projet de loi no 90 ou l'adoption d'une réglementation
spéciale en vertu de l'article 80, paragraphe 3.
Documents annexés: Jugement de la Régie des
Marchés agricoles. Etude de l'Université de Guelph sur la
modification du sol arable dans une gazonnière. Résolution
de l'U.P.A. Résolution de la Fédération des
producteurs de cultures commerciales du Québec.
Législation ontarienne sur la préservation du sol
arable. Correspondance du Service des Productions
végétales du Ministère de l'Agriculture du Québec.
Chronique de l'AsPa sur la perte de sol arable et le renouvellement de
la matière organique dans les gazonnières.
Jean-Denis Boulet pour l'Association des Producteurs de Gazon du
Québec 24 novembre 1978.
Mémoire de l'association Fleurs Canada
région du Québec Inc. Membre de la Fédération
interdisciplinaire de l'horticulture ornementale du Québec Inc.
A la commission parlementaire sur la protection du
territoire agricole.
SUJETS 1) Modification de l'article 106 (21a) de la section 10 du projet
de loi no: 90 2) Modification de l'article 70 et 71 de la section 5 du projet
de loi no: 90 3) Conclusion.
Association Fleurs Canada Région du
Québec Inc.
L'association Fleurs Canada R.Q. entretient elle aussi des craintes
assez sérieuses pour justifier sa présence devant votre
commission.
Fleurs Canada R.Q. regroupe 476 membres fleuristes et horticulteurs et
à pour but de promouvoir, développer et améliorer
l'industrie horticole ornementale au Québec.
Les Horticulteurs et Fleuristes s'étonnent de l'absence de
considération pour leur industrie dans le projet de loi no: 90, ils se
sentent néanmoins réconfortés par la première loi
établie dans la Province de Québec pour la protection du
territoire agricole.
Impact économique
L'impact économique de l'industrie florale au Québec est
très importante et dépasse au niveau des ventes $60 000 000 en
1977 pour une superficie cultivée supérieure à 100
hectares.
Nous employons 7000 personnes dans 1500 entreprises à la grandeur
du Québec.
1)
Modification de l'article 106 (21a) section
10
Après lecture de la "liste des municipalités incluses dans
la région agricole désignée, et visées par les
plans provisoires à l'Assemblée nationale", il appert que 75% des
établissements horticoles de nos membres produisant 75% de la production
Florale du Québec se situent dans des zones urbaines non
désignées agricoles.
D'après l'alinéa i et ii de l'article 21a le maximum de la
valeur imposable passerait de $150.00 l'acre à $2000.00 l'acre en quatre
années et serait à la merci de l'estimateur municipal lors de la
5e année.
EXEMPLE: Un horticulteur possédant 4 acres de terrain agricole
verrait ses taxes passées de $600.00 à $8000.00 en 4 ans soit une
augmentation de 1333%.
Il devient évident qu'avec un taux d'inflation de plus de 444%
par année, pendant 3 ans, nos horticulteurs n'ont plus que quelques
années à opérer ou bien se débarrasser de leurs
terres le plus vite possible.
Nous recommandons donc, pour la sauvegarde de notre industrie florale et
la survie de nos établissements horticoles la suppression de l'article
106 (21a) et le maintien de l'article 21 de la loi sur l'évaluation
foncière de 1975, chapitre 50.
2)
Modification de l'article 70 et 71 de la
section 5
Les horticulteurs et fleuristes utilisent le sol arable de leurs
terrains agricoles en mélange avec des sols artificiels, pour le
rempotage de leurs plantes, il semble inconcevable qu'un permis soit
exigé pour ces producteurs car la loi dans son texte prévoit une
utilisation du sol agricole qu'à des fins agricoles et d'après le
chapitre 50 de la loi sur l'évaluation foncière, l'horticulture
est reconnue comme pratique agricole.
3)
Conclusion.
La production de fleurs coupées et de plantes en pots en
difficulté au Québec.
Chacun soit au ministère de l'Agriculture que la production
florale au Québec s'amoindrit d'année en année, les
importations des autres provinces, surtout de l'Ontario, et des pays
étrangers (Etats-Unis et Europe) envahissent de plus en plus notre
province.
Nos conditions climatiques déjà défavorables,
l'absence de subvention aux horticulteurs couplées avec une loi
pénalisant les producteurs horticoles situés dans les zones
urbaines sont loin d'aider à l'autosuffisance pronée par Monsieur
le Ministre de l'Agriculture.
Nous avons été réjouis et surpris d'apprendre qu'un
centre de recherche sur les serres sera développé à
Ste-Martine, comté de Châteauguay, il semble curieux qu'un effort
soit fait d'un côté pour nous aider dans nos techniques de culture
et que de l'autre nous sommes pénalisés pour avoir nos serres et
faire nos cultures dans des zones urbaines.
De plus, nous vous demandons de nous consulter lors de la
rédaction des règlements qui régiront l'application de
l'article 80, paragraphe 3, pour tout ce qui concerne les horticulteurs et
fleuristes.
Nous vous remercions, messieurs, de nous avoir reçus et
entendus.
Fleurs Canada Région du Québec Inc. Par: Jacques
Cottin
Président de Fleurs Canada R.Q.
Section des Producteurs. 8 décembre 1978.