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Etude du projet de loi no 90
(Dix heures vingt-trois minutes)
Le Président (M. Boucher): A l'ordre, s'il vous
plaît! La commission permanente de l'agriculture se réunit ce
matin pour étudier les mémoires des groupes et personnes
concernant la Loi sur la protection du territoire agricole.
Les membres de la commission sont: M. Baril (Arthabaska), M.
Beauséjour (Iberville), M. Dubois (Huntingdon), M. Gagnon (Champlain),
M. Garon (Lévis), M. Giasson (Montmagny-L'Islet), M. Lévesque
(Kamouraska-Témiscouata), M. Rancourt (Saint-François), M. Roy
(Beauce-Sud), M. Vaillancourt (Orford), M. Marcoux (Rimouski) remplace M.
Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Charbonneau (Verchères), M. Chevrette
(Joliette-Montcalm), M. Cordeau (Saint-Hyacinthe), M. Larivière
(Pontiac-Témiscamingue) remplacé par M. Lavoie (Laval), M.
Mercier (Berthier), M. Ouellette (Beauce-Nord), M. Picotte (Maskinongé),
M. Samson (Rouyn-Noranda).
Ce matin, nous avons, en premier lieu, l'Association des jardiniers
maraîchers, représentée par M. Dominique Charbonneau,
président. M. Charbonneau, si vous voulez vous identifier et identifier
ceux qui sont avec vous.
Association des jardiniers maraîchers de la
région de Montréal
M. Charbonneau (Dominique): J'aimerais présenter ceux qui
sont ici à la table. Dominique Charbonneau, président de
l'Association des jardiniers maraîchers...
Le Président (M. Boucher): Pourriez-vous vous asseoir,
pour le microphone, s'il vous plaît!
M. Charbonneau (Dominique):... Alain Gibou-leau,
vice-président, Raymond Guinois, directeur, Michel Legault, directeur,
Pierre Hubert, directeur, Denis Locas, directeur et M. Alphonse Couture, notre
porte-parole officiel.
Le Président (M. Boucher): Alors, M. Couture, si vous
voulez présenter le mémoire.
M. Couture (Alphonse): M. le Président, MM. les membres de
la commission, l'Association des jardiniers maraîchers de la
région de Montréal regroupe les jardiniers et horticulteurs de
cette région qui englobe un secteur d'environ 50 milles autour de
Montréal.
Le secteur horticole est l'un des plus dynamiques de l'agriculture
québécoise. Sa croissance a été constante depuis le
début des années soixante et la valeur annuelle de la production
des légumes pour vente à l'état frais et des plants de
fleurs excède $60 millions. On exclut ici naturellement les
légumes pour la conserve ainsi que la pomme de terre.
Ces jardiniers et horticulteurs emploient une main-d'oeuvre
saisonnière très nombreuse, plus de 6000 ce sont des
emplois directs et quelques centaines d'ouvriers permanents. A cause du
climat et de la proximité du marché de Montréal, qui est
le principal centre de consommation de la province, cette industrie est
fortement concentrée dans la région de Montréal,
c'est-à-dire l'île Jésus, le nord-ouest, l'est et le sud de
Montréal.
En période de production, nous alimentons, en plus de la province
de Québec, une bonne partie de l'est de l'Ontario et des Maritimes. Nos
exportations de légumes, principalement sur le marché
américain, sont importantes: carotte, céleri, oignon, chou,
laitue, etc.
Les jardiniers des zones urbaines sont ceux qui ont le plus souffert de
l'absence d'un zonage agricole adéquat au cours des 30 dernières
années et ils se réjouissent de son avènement ou, du
moins, ils s'en réjouissaient jusqu'au dépôt du projet de
loi.
Telle que rédigée, cette loi peut causer de graves
préjudices aux jardiniers à l'intérieur des zones urbaines
où on les retrouve majoritairement; plus de 275 à l'île
Jésus et un grand nombre dans les villes satellites de Montréal
le chiffre de 275 provient d'une liste de statistiques du
ministère de l'Agriculture. On l'a mentionné hier, et je pense
que ceux qui sont ici considèrent qu'il y en a plus que cela, mais
officiellement, sur la liste du ministère, on en voit 275 ou 278
La valeur annuelle de leur production est d'environ $20 millions parce que leur
culture est plus intensive. Ils emploient environ 40% de la main-d'oeuvre
saisonnière de ce secteur.
Le zonage devra: a) freiner l'urbanisation sauvage du territoire; b)
limiter la croissance désordonnée des agglomérations
urbaines; c) créer des zones de verdure permanentes à
l'intérieur des zones urbaines; d) conserver les meilleurs sols des
zones urbaines pour assurer des sources de production et d'approvisionnement
locales de légumes frais; e) permettre aux jardiniers et horticulteurs
de la ville et de la périphérie de planifier à long terme
l'exploitation de leur entreprise et d'y faire les améliorations et
investissements nécessaires sans crainte de voir leurs efforts
anéantis par l'urbanisation de leur terre.
Nous nous bornerons à vous signaler quelques articles de ce
projet de loi qui inquiètent les jardiniers ou qui leur sont
préjudiciables. Nous vous suggérons quelques amendements
indispensables si on veut corriger certaines injustices et permettre aux
jardiniers de survivre en zone urbaine, à l'intérieur ou à
l'extérieur d'une zone agricole, tout particulièrement: 1) le
sens du mot "agriculture"; 2) les restrictions concernant le lotissement en
zone agricole; 3) la procédure et les conditions d'intégration
d'un jardinier ou agriculteur à une zone agricole;
4) la procédure et les conditions d'exclusion d'un jardinier ou
agriculteur d'une zone agricole ou du changement de zonage d'un territoire
agricole; 5) les amendements à la loi de l'évaluation
foncière prévus à l'intérieur de ce projet de loi;
6) l'établissement de critères d'admissibilité pour les
jardiniers ou agriculteurs situés à l'extérieur d'une zone
agricole d'une région agricole désignée; 7) les vieux
jardiniers et le sort que leur réserve ce projet de loi.
Le sens du mot "agriculture ". Nous considérons que la
définition du terme "agriculture" à l'article 1, au premier
paragraphe, est insuffisante pour couvrir adéquatement les
activités agricoles des jardiniers et horticulteurs.
En plus des activités énumérées, nous
suggérons d'insérer après les mots "la culture du sol" la
culture en serre et hydroponique, la classification, l'emballage et le
préemballage des fruits et légumes, l'entreposage, la
congélation et la transformation de ces produits.
Les restrictions concernant le lotissement en zone agricole. A l'article
40 ainsi qu'aux articles 28 et 29, on restreint le droit de subdiviser et on
limite la construction permise à celle d'une résidence pour le
père, son fils et un employé. Dans le cas du secteur horticole,
ces restrictions sont inadmissibles. Un jardinier doit conserver le droit de
céder une partie de sa ferme à des fins agricoles, de bâtir
des maisons pour ses enfants et ses employés permanents ainsi que des
serres, des entrepôts frigorifiques ou non, une salle de classification
et d'emballage, les installations nécessaires à la
congélation, à la déshydratation, à la mise en
conserve et à la vente de ses produits sur sa ferme ou des subdivisions
de sa ferme.
Il faut aussi prévoir les installations connexes, telles que des
remises et ateliers de réparations de la machinerie agricole, un
système de refroidissement, des kiosques à léqumes, etc.
Les constructions permises devraient être clairement définies dans
la loi et la subdivision à ces fins doit être accordée pour
en faciliter le financement et la copropriété. Lors de la vente
d'une ferme, le propriétaire devrait avoir le privilège de
conserver sa résidence, même si celle-ci a été
construite après l'entrée en vigueur de cette loi.
Les jardiniers, du moins ceux en zone urbaine, préfèrent
la petite ou moyenne entreprise qui leur permet de bien vivre. Ils n'ont pas
l'ambition de posséder des fermes d'une valeur de $400 000 ou $500 000
en quotas, bâtisses, entrepôts et fonds de terre.
Les jardiniers, en zone urbaine ou à la campagne, ont besoin
d'une main-d'oeuvre nombreuse et de résidences pour les employés.
Ils sont souvent copropriétaires d'un entrepôt ou d'un centre de
classification. Ils ont besoin de connaître les règles du jeu pour
planifier leurs activités et ne veulent pas subir les tracasseries de
modifications constantes aux règlements de zonage qui les concernent.
(10 h 30)
L'interdiction de subdiviser peut aussi causer de très nombreux
problèmes de financement et empêcher l'établissement d'un
enfant sur sa propre ferme. En horticulture, il n'est pas nécessaire
d'avoir cinquante ou cent arpents en culture pour obtenir un revenu raisonnable
si le sol est fertile et si l'entreprise est située à
proximité des marchés. Il est normal que le père partage
sa terre entre 2 et 3 enfants qui veulent s'établir à leur
compte. Dans certains cas, cela peut aller même jusqu'à 4 ou 5
enfants qui s'établissent sur la terre paternelle.
La procédure et les conditions d'intégration d'un
jardinier ou agriculteur à une zone agricole. A l'article 58, on
mentionne qu'un lot peut être inclus dans une zone agricole en en faisant
la demande à la corporation municipale. Les jardiniers hors zone seront
très nombreux et ne pourront continuer à exercer leur profession
si la ville s'y oppose et si la commission lui donne raison, ce qui est plus
que probable. Nous nous opposons fortement à cette procédure qui
va priver un jardinier de ses droits légitimes et l'exposer à la
perte de ses biens au bout de quelques années. La majorité des
villes vont refuser de faire une recommandation favorable à la
commission. Le zonage agricole va faire baisser l'évaluation
foncière globale des villes et il est normal que celles-ci
désirent réduire la zone agricole au minimum en s'opposant
énergiquement à toute addition à cette zone, parce que la
diminution de l'évaluation, par suite du zonage, va affaiblir leur
pouvoir d'emprunt.
Ils vont également s'opposer à ce qu'on appelle le "spot
zoning ". Si un cultivateur est isolé dans le secteur, cela va
être difficile.
Nous insistons fortement pour que tous les jardiniers ou agriculteurs
hors zone d'une région agricole désignée soient
considérés comme étant inclus dans la zone agricole d'une
région désignée ou bénéficient des
mêmes avantages et privilèges que ceux d'une zone agricole, s'ils
répondent aux critères que nous vous suggérons, à
moins que l'agriculteur n'indique par écrit à sa corporation
municipale qu'il désire être exclu de la zone agricole.
Les jardiniers ont des droits prioritaires sur le territoire et si le
zonage avait été fait en temps, il y a vingt-cinq ou trente ans,
ils auraient tous été inclus dans une zone agricole. Pourquoi les
priver de leurs droits et en vertu de quels principes?
La plupart ne seront pas intéressés à abandonner
leur terre. Ils n'ont pas les moyens de prendre une retraite
prématurée et ils sont trop âgés pour songer
à s'installer ailleurs. Si la corporation municipale s'oppose à
leur inclusion dans la zone agricole, ils devront se résigner à
vivre en marginaux, payer des taxes quarante ou cinquante fois plus
considérables que celles de leurs confrères ou céder leur
ferme à très bas prix et se voir condamner à
l'oisiveté et au bien-être social éventuel. C'est une
situation absolument injuste et inhumaine qui leur est faite et nous
espérons que cette anomalie sera corrigée. Il ne faut pas oublier
que la disparition de ces jardiniers va tout simplement accélérer
le mouvement d'abandon d'une foule d'excellentes terres que le
propriétaire ne pourra pas vendre avant
plusieurs années, à moins de la céder à vil
prix à un spéculateur ou à un investisseur qui a les
capitaux suffisants pour acquitter les taxes annuelles, en attendant que les
services municipaux soient rendus et que les terres aient atteint une valeur
raisonnable pour fins de construction domiciliaire ou commerciale. On va
relancer un mouvement de spéculation sur les terres des agriculteurs
hors zone qui seront forcés de vendre, parce qu'ils n'auront pas les
moyens d'acquitter les taxes foncières annuelles.
S'ils veulent continuer à exploiter leur ferme, ils auront
à faire face à une concurrence déloyale, parce que les
jardiniers de la zone agricole adjacente bénéficieront
d'avantages fiscaux et autres qui leur seront refusés.
La procédure et les conditions d'exclusion d'un jardinier ou
agriculteur d'une zone agricole ou du changement de zonage d'un territoire
agricole. A l'article 65, il est prévu que la corporation municipale
pourra toujours demander l'exclusion d'un ensemble de lots d'une zone agricole.
Cette clause, nécessaire pour permettre l'évolution normale d'une
zone domiciliaire, industrielle ou commerciale, est inadmissible si les
pénalités prévues à l'article 106 sont maintenues.
On traite alors ces jardiniers comme s'ils avaient commis un vol au cours des
dix dernières années et ils devront, au moment de l'exclusion de
la zone agricole, restituer ces sommes, même s'ils n'en ont pas les
moyens.
Les amendements à la loi de l'évaluation foncière
prévus à l'intérieur de ce projet de loi. A la section X,
article 106, on modifie la Loi de l'évaluation foncière en
ajoutant l'article 21a, qui a pour effet d'augmenter les avantages consentis
aux agriculteurs d'une zone agricole désignée qui continueront
à payer leurs taxes foncières sur une évaluation maximale
de cent cinquante dollars l'acre et le ministère remboursera
désormais aux agriculteurs inclus dans une zone agricole reconnue 70%
des taxes foncières que les jardiniers, pour leur part, remettront en
partie aux gouvernements fédéral et provincial, sous forme
d'impôt additionnel sur le revenu. Cet article classifie les agriculteurs
en 3 catégories: ceux situés à l'extérieur d'une
région agricole désignée; ceux qui sont situés hors
zone agricole d'une région agricole désignée et enfin, les
agriculteurs de la zone agricole.
Le paragraphe suivant concerne prioritairement les jardiniers et les
horticulteurs des zones urbaines où ils se trouvent en grande
majorité.
Dans un premier temps, il y a ceux qui sont exclus de la zone agricole,
et ils seront très nombreux, surtout après les très fortes
pressions qui seront faites par les villes et les communautés urbaines
pour convaincre la commission de réduire la zone agricole. C'est
d'ailleurs pour cette raison qu'il faut tous les inclure dans la zone agricole
au point de départ, à moins qu'ils n'expriment le désir
d'en être exclus ou, du moins, qu'on leur accorde les mêmes
privilèges qu'à ceux qui sont inclus dans la zone agricole. On
maintient les droits acquis aux commerces inclus dans une zone agricole, mais
on va dépouiller les jardiniers d'une partie importante de leurs droits
acquis, s'ils ont le malheur de se retrouver à l'extérieur d'une
zone agricole, d'une région agricole désignée.
Le jardinier ou l'horticulteur ainsi exclu voit son évaluation
imposable grimper en flèche sur une période de quatre ans et
perdre tout privilège à la cinquième année. Ces
valeurs indiquées dans le projet de loi excéderont, dans certains
cas, la valeur réelle des terrains adjacents.
Ces jardiniers, les brebis galeuses du ministère de
l'Agriculture, n'auront plus droit aux avantages fiscaux. Ils devront subir la
concurrence de leurs confrères de la zone agricole qui auront des
coûts de production moindres; ils paieront 40 ou 50 fois plus de taxes
foncières qu'eux et ils n'auront plus de subvention du ministère.
Ils seront probablement mis à l'écart de tout programme
gouvernemental de financement et d'aide à l'agriculture. Pourquoi
veut-on les éliminer, les sortir, malgré eux, du secteur
agricole? Ils sont les principaux producteurs de primeurs et de plants de
fleurs; ils exploitent des centaines de serres et des milliers de couches
chaudes. Rien ne justifie leur exclusion, tant et aussi longtemps que leur
terre est en culture. Ils ont droit d'être traités de la
même façon et de bénéficier des mêmes
avantages que les jardiniers ou horticulteurs de la zone agricole. Il est
injuste de créer deux classes de jardiniers: les exploités en
ville et les bénéficiaires des largesses du gouvernement, parce
que localisés à l'intérieur d'une zone agricole stable,
située en dehors d'un territoire urbain.
En cas de vente de la terre pour des fins non agricoles, telle que
définie par la loi du zonage agricole, un jardinier ou un horticulteur
hors-zone, mais considéré comme en faisant partie ou
bénéficiant des mêmes avantages, pourrait devoir
rembourser, à la ville, les taxes qu'il aurait dû normalement
payer sur son évaluation foncière des trois dernières
années et les remboursements de taxes reçus du ministère
de l'Agriculture au cours de cette même période. Il y a
déjà un précédent de créer dans ce sens avec
les clubs de golf. Ce serait une pénalité suffisante parce qu'il
aura, de toute façon, à acquitter l'impôt sur le gain de
capital qu'il pourra alors réaliser et les terres ne valaient pas cher
dans l'île Jésus le 31 décembre 1971, jour de
l'évaluation pour fins de calcul des gains de capitaux imposables.
La même règle pourrait s'appliquer lorsqu'un producteur est
exclu d'une zone agricole à sa propre demande. Il ne faut pas oublier
qu'un horticulteur ou un jardinier n'a pas de quota de production à
vendre lorsqu'il cesse de cultiver.
Au paragraphe suivant, du même article 106, on prévoit que
lorsqu'une ferme est exclue de la zone agricole après dix ans, sauf pour
cause d'expropriation, le fermier aura à payer, au moment de
l'exclusion, dix ans de taxes foncières et devra rembourser au
ministère le 70% de rabais de taxes reçu au cours de ces dix ans
et sur lequel il aura déjà payé l'impôt sur le
revenu. Ces remboursements au ministère et à la ville ne seront
pas déductibles de son revenu; il pourra seulement les déduire du
prix de vente éventuel.
On dit bien au sous-paragraphe ii) de l'article 21a, que ce
remboursement se fera au moment de l'exclusion, et je cite: "Lorsqu'une ferme
est exclue de la zone agricole, sauf en raison d'une expropriation, celui qui
est tenu d'en payer les taxes doit rembourser" et non au moment de la vente ou
graduellement, au fur et à mesure de la perception du prix de vente.
Dans le premier cas, s'il est hors-zone, on le torture pendant quatre
ans, avec l'espoir de le voir mourir dans le cours de la cinquième
année! Dans le second cas, s'il et dézoné, exclu d'une
zone agricole contre son gré, on veut qu'il meure tout de suite au
moment du dézonage!
Il n'y a rien qui indique que l'agriculteur sera dézoné
seulement lorsqu'il aura un acheteur pour sa terre. Il est plus probable qu'il
devra attendre que les services municipaux et les travaux d'infrastructure se
fassent par la ville avant qu'il puisse obtenir la valeur réelle de sa
terre. Veut-on le forcer à vendre à vil prix à un
spéculateur?
Le jardinier inclus dans une zone agricole va investir, à long
terme, dans des serres, des entrepôts, des salles de classification, des
systèmes de refroidissement et le reste. En sortant de la zone, la
valeur de ses immobilisations sera réduite à néant. Il
faudra déduire le coût de la démolition de ses
installations de la valeur du fonds de terre. Le sortir de la zone, sans son
consentement et, de plus, lui imposer le remboursement immédiat de dix
ans d'arrérages de taxes basées sur une évaluation
arbitraire faite au moment de l'exclusion pour les dix dernières
années, est une mesure d'extorsion inadmissible et injuste. Après
avoir payé ses taxes, ses impôts sur le gain de capital,
absorbé la perte de valeur des immobilisations faites sur sa ferme, il
ne lui restera pas suffisamment d'argent pour se réinstaller ailleurs ni
pour prendre sa retraite.
Cette mesure injuste va maintenir les jardiniers dans la crainte et
l'angoisse d'être "dézonés" et va les décourager
d'investir au lieu de les inciter à faire progresser leur
entreprise.
L'établissement des critères d'admissibilité pour
les jardiniers ou autres agriculteurs qui sont situés à
l'extérieur d'une zone agricole d'une région agricole
désignée. Cependant, nous croyons qu'il serait logique
d'établir des critères d'admissibilité pour qu'un
jardinier, un horticulteur ou un agriculteur qui est à
l'extérieur de la zone agricole d'une région
désignée puisse bénéficier des avantages de ceux
qui en font partie. Il devrait faire la preuve que la valeur de sa production
annuelle moyenne est d'au moins $10 000 pour les trois ou cinq dernières
années, excepté s'il est trop âgé ou que sa
santé ne lui permet plus de cultiver.
Les vieux jardiniers et le sort que leur réserve ce projet de
loi. Avant de terminer, nous désirons attirer votre attention sur une
autre injustice plus grave que cette loi va créer.
Il s'agit du cas des jardiniers ou horticulteurs qui sont
propriétaires de leur terre, dans la majorité des cas, de petites
terres de 10, 20 ou 50 arpents depuis 20, 25 ans ou plus, donc, trop vieux pour
repartir à zéro sur une autre ferme et souvent encore trop jeunes
et trop pauvres pour prendre leur retraite, même en tenant compte du
produit éventuel de la vente de la terre qui sera diminué de
l'impôt sur le gain de capital.
Pour bénéficier actuellement d'une exemption de taxes
foncières, la terre doit être cultivée, mais les
critères sont nébuleux et imprécis et, en vertu du projet
de loi, les exemptions disparaissent pour les jardiniers d'un territoire hors
de la zone agricole d'une région agricole désignée. Comme
nous l'avons mentionné plus haut, il faut protéger les
producteurs hors de la zone tout en fixant des critères réalistes
auxquels les vieux jardiniers pourront difficilement satisfaire dans certains
cas.
Les producteurs âgés, propriétaires depuis 20, 25
ans ou plus de leur terre, devraient avoir le droit de vivre leur retraite chez
eux s'ils le désirent, dans la dignité et la quiétude,
sans être menacés de se voir dépossédés
lentement de leurs biens. A leur âge, leur état de santé
les empêche souvent de se défendre contre les empiétements
de l'Etat. Au cours des dernières années, de vieux jardiniers ont
sacrifié leurs terres parce qu'ils n'en pouvaient plus de voir fondre
leurs économies en payant des taxes foncières
exagérées et injustifiées et ce, parce que leur
contestation de taxes foncières avait été mal
présentée au bureau de révision.
C'est pourquoi nous recommandons et espérons que le gouvernement
va prévoir dans la loi qu'un jardinier propriétaire de sa terre
depuis 20, 25 ans ou plus, âgé de 60 ou 65 ans, qu'il soit
situé dans une zone agricole ou non, pourra continuer à
bénéficier, sa vie durant, de son statut d'agriculteur aux fins
de taxation foncière sans qu'il soit requis de satisfaire à des
critères de production.
En cas de vente à des fins non agricoles, il pourrait être
assujetti aux mêmes exigences que les autres agriculteurs en pareil
cas.
Ces vieux propriétaires, s'ils sont affectés par le zonage
agricole, devraient de plus être compensés pour la perte d'une
partie de leurs droits. Ces vieux jardiniers, dès l'achat de leur terre,
il y a 20 ou 25 ans, ont tenu compte de la plus-value éventuelle, comme
leur père l'avait fait avant eux. Toute leur vie, ils se sont satisfaits
d'un revenu de subsistance, comptant sur la plus-value de leur ferme pour
assurer leur retraite et celle de leur épouse. Ils n'ont pas de quota de
production à vendre. Ce ne sont pas des spéculateurs. Ils ont
fait un investissement à long terme et ils ont largement
contribué à l'économie de la province par leur
activité agricole et leurs impôts.
Si, sous prétexte d'une justice égalitaire, mais qui, en
réalité, va surtout favoriser les gros agriculteurs qui vont
largement profiter des largesses gouvernementales, on leur refuse toute
compensation, on doit au moins reconnaître leur statut d'agriculteur
à vie, tant et aussi longtemps qu'ils seront propriétaires de
leur terre, avec les avantages que cela comporte, même s'ils cessent de
cultiver.
Les jardiniers sont ceux qui seront les plus directement
impliqués par cette législation étant en majorité
dans les zones urbaines affectées par le zonage agricole et, en
conséquence, ils espèrent être adéquatement
représentés au sein de cette commission.
Nous espérons que les recommandations de notre association seront
prises en très sérieuse considération et nous remercions
votre commission de nous entendre.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. Couture. M. le
ministre. (10 h 45)
M. Garon: Je vous remercie infiniment, M. Couture, pour votre
mémoire. Nous allons sûrement lors de l'étude article par
article, regarder les points que vous avez soulevés. Il y en a un, entre
autres, qui me frappe parce qu'il serait peut-être celui qui
réglerait tous les autres. En fait, vous savez pourquoi il a
été difficile d'inclure tout le monde, au point de départ;
il n'y a pas vraiment de définition d'un agriculteur. Si on regarde les
jugements des tribunaux et la jurisprudence, il n'y a pas de définition
d'un agriculteur. Un gars qui a un jardin et qui fait un profit de $50 est un
agriculteur aux yeux des tribunaux.
On ne pouvait donc pas procéder avec cette formule parce qu'on
arrivait avec des aberrations: tous ceux qui avaient un jardin devenaient
agriculteurs. Je l'ai d'ailleurs déjà mentionné
antérieurement à l'Assemblée nationale lors de
l'étude de la loi sur les mauvaises herbes et cela posait des
problèmes. La solution c'est peut-être la première que vous
mentionnez, à savoir qu'une personne qui veut être incluse puisse
faire sa demande directement à la commission sans envoyer un avis
à la municipalité. Vous savez, c'est toujours la même
chose, si on ne passe pas par la municipalité, les gens disent: Vous
voulez centraliser; si on passe par la municipalité, les gens disent:
Vous nous empêchez d'avoir des droits que les autres vont avoir.
M. Couture (Alphonse): C'est pour cela qu'on insiste pour que ce
soit dans la loi parce que, qu'on s'adresse à la municipalité qui
transmet la demande à la commission ou qu'on s'adresse à la
commission qui va ensuite se référer à la
municipalité pour avoir une opinion, on ne règle pas le
problème. J'ai l'impression que cela revient au même.
M. Garon: Vous mentionnez dans votre mémoire...
M. Couture (Alphonse): II va y avoir des objections
considérables de la part des municipalités parce
qu'effectivement, à ce moment-là, elles vont dire: Vous voulez
nous faire faire du "spot zoning". Malheureusement, les jardiniers ne sont pas
tous groupés dans une zone urbaine, ils sont dispersés dans le
territoire. Il y en a énormément dans la zone blanche, même
telle qu'elle apparaît pour l'île Jésus; ils sont
dispersés. De quelle façon... à moins qu'on dise, dans la
loi, que tous les véritables jardiniers sont inclus...
M. Garon: Du "spot zoning", cela ne m'énerve pas tant que
cela parce qu'en réalité, de la même façon dont on
reconnaît les droits acquis dans la zone agricole, le "spot zoning"
équivaut uniquement à reconnaître les droits acquis dans la
zone urbaine. Personnellement...
M. Couture (Alphonse): Je pense bien que les jardiniers seraient
très satisfaits si, dans la loi, on disait que tous les producteurs
actifs sont automatiquement inclus dans la zone et pourront en être
exclus à leur demande s'ils sont dans une zone blanche; ils seraient
entièrement satisfaits de cela.
M. Garon: Je vous remercie.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. le ministre. M. le
député de Montmagny-L'Islet.
M. Giasson: Merci, M. le Président. M. Couture, dans les
premières pages de votre mémoire, vous faites allusion au revenu
que pourraient obtenir annuellement les jardiniers maraîchers de
l'île Jésus. Entre autres, vous mentionnez que plus de 275
jardiniers maraîchers habitent l'île Jésus. Est-ce que ce
sont des chiffres assez précis?
M. Couture (Alphonse): Nécessairement, ce sont des
chiffres approximatifs. Je pense qu'on s'est basé sur les statistiques
selon lesquelles il n'y a que 275 producteurs. D'après les jardiniers,
aussi bien en assemblée générale que comme ceux qui font
partie du conseil, tout le monde est d'accord pour dire que le chiffre est trop
bas; il y en a beaucoup plus que cela. Cela peut se situer autour de 400
à 500.
En comptant de 400 à 500 jardiniers, on évalue la
production moyenne d'un jardinier de l'île Jésus à environ
$40 000. $40 000 multipliés par 500 jardiniers donnent les $20 millions
que vous voyez dans le mémoire.
M. Giasson: Comment expliquez-vous cette variante de chiffres
qu'on peut nous donner. Hier, nous recevions des jardiniers de la ville de
Laval, de l'île Jésus et ils avaient d'autres données.
Aujourd'hui, vous arrivez avec d'autres données dans votre
mémoire.
M. Couture (Alphonse): Justement, on n'avait pas de chiffres et
on s'est basé sur une liste de producteurs que le député
de Verchères avait, laquelle provient, je pense, du ministère de
l'Agriculture et qui mentionnait qu'il y avait 275 jardiniers. Cette liste
était-elle récente?
Il me semble que plusieurs personnes ont regardé la liste et ont
dit: Untel n'y est pas, untel autre n'y est pas, il semblait y avoir des
lacunes dans la liste. On a quand même pris ce chiffre pour se raccrocher
à quelque chose de bien concret. Déjà, 275 jardiniers,
c'est un bon nombre de jardiniers. Parmi le nombre, plus de la
moitié
probablement seront dans la zone blanche. Ils ne seront pas dans la zone
verte.
M. Giasson: Vous aimeriez également que la
définition du terme "agriculture" soit autre que celle que nous
retrouvons dans la loi?
M. Couture (Alphonse): II faut tout de même être
logique. Si on demande que les jardiniers maraîchers qui sont dans la
zone blanche... En fait, la loi leur en fait prendre un bon coup. Si on veut
les sauver, les jardiniers sont prêts... D'ailleurs, il n'y a pas de
problème pour eux. La majorité des jardiniers produisent pour
plus de $10 000. Il n'y a que le cas qu'on a mentionné, des personnes
âgées, des vieux jardiniers qui sont rendus à 60 ou 65 ans.
A un moment donné, il faut bien qu'ils ralentissent. Ils n'ont pas le
choix.
Mais il n'y a pas de problème pour une production d'au moins $10
000 pour l'ensemble des jardiniers de la zone blanche. De toute façon,
à un moment donné, il va falloir faire une définition.
Qu'est-ce qu'un agriculteur? Il faudrait peut-être commencer tout de
suite par un secteur, prendre le secteur jardinier. Ce serait une
expérience. On verrait ce que cela donne dans la pratique,
graduellement. Les jardiniers sont prêts à l'accepter parce que le
mémoire n'est pas seulement l'opinion d'un groupe de directeurs. Il a
été adopté en assemblée générale,
dans l'île Jésus.
M. Giasson: Mais si on modifie la définition du terme
"agriculture", ce n'est pas encore la définition du terme
"agriculteur".
M. Couture (Alphonse): Excusez, le terme "agriculture". Voici,
entre autres choses, il y a une très bonne raison pour changer ce
paragraphe. Dans l'île Jésus, vous avez beaucoup de jardiniers. A
un moment donné, on leur contestait leur titre parce que des gars qui
avaient des serres, on disait: Ce ne sont pas des agriculteurs. Ils ont eu un
paquet de problèmes avec la Loi de l'évaluation foncière
et ils ont encore des problèmes lorsqu'ils vont chercher un permis
à l'hôtel de ville, etc. Ils aimeraient bien qu'on
définisse ce qu'est l'agriculture et ce que cela comprend. Même si
vous dites: Oui, d'accord...
Il y a la culture hydroponique. Dans la loi, je pense qu'on n'en parle
absolument pas. Et cela s'en vient.
M. Garon: Ce n'est pas fait sur des sols.
M. Couture (Alphonse): Ce n'est pas la culture du sol. Et il n'y
a pas de sols en cause là-dedans.
M. Garon: Ici, on protège les sols, on ne protège
pas l'eau.
M. Couture (Alphonse): Pardon?
M. Garon: On ne protège que les sols, on ne protège
pas l'eau.
M. Couture (Alphonse): Dans les cultures hydroponiques, on
utilise de l'eau. A part cela, pour les jardiniers, c'est aussi important,
parce que si on définit quels sont les secteurs couverts, on parle un
peu des activités, ce qu'ils ont le droit de faire,
nécessairement, les règlements, on ne les voit pas. Quels vont
être les règlements? Si c'est dans la loi, tout de suite les gens
ont déjà une assurance. On n'insiste pas plus que cela sur ce
sujet.
M. Garon: Suite aux mémoires qui nous ont
été présentés, pour nous, ce serait clair que ce
serait dans la culture du sol. Mais pour plus de clarification, je pense qu'on
va pouvoir marquer "y compris ' ou quelque chose comme cela. On va marquer,
à la fin...
M. Couture (Alphonse): J'imagine qu'il y en a d'autres qui vont
être des pépiniéristes qui...
M. Garon: Oui, on va clarifier.
M. Giasson: M. Couture, étant donné l'absence de
précision dans la loi, vous semblez croire qu'il serait difficile pour
des producteurs agricoles, jardiniers même, de se faire inclure dans la
zone agricole, même si leur établissement, présentement,
n'est pas à l'intérieur de la zone verte telle que
déterminée par le ministre sur les cartes produites.
Vous n'aimeriez pas passer par la municipalité ou par
l'hôtel de ville pour demander que l'un de vos membres demande que sa
ferme soit incluse ou soit zonée verte ou zonée agricole?
M. Couture (Alphonse): Chat échaudé craint l'eau
froide. Les jardiniers l'ont été souvent,
échau-dés. Mais il est évident que si la loi reste telle
quelle ou si on la change pour dire qu'on s'adressera à la commission
plutôt qu'à la ville, d'une façon ou de l'autre, la ville
va faire des objections. Elle va avoir toutes sortes de bonnes raisons. Elle va
invoquer le "spot zoning", elle va invoquer la diminution de
l'évaluation de ces terres. Elle va dire: On a déjà
concédé une zone verte alors si vous voulez nous en zoner une
autre partie, c'est notre pouvoir d'emprunt qui dégringole avec
l'évaluation foncière. Ils vont avoir 56 bons arguments pour
essayer de convaincre les membres de la commission de ne pas accepter. Les
jardiniers, il y en a peut-être 150 ou 175 qui seront dans la zone
blanche peut-être plus que cela. Une fois que la zone verte à
l'île Jésus sera achevée, il va y en avoir peut-être
plus dans la zone blanche.
Tout de même, c'est impossible de fonctionner pour ces
gens-là, si on regarde la loi, avec la loi telle qu'elle est là,
quand ils voient monter leurs taxes en flèche pour finalement se
ramasser la cinquième année avec une évaluation à
sa pleine valeur. A l'île Jésus, cela ne veut pas
nécessairement dire que le gars peut vendre sa terre demain matin $5000
ou $8000. L'évaluation cela varie entre $3000, $4000 et $5000 et cela
peut aller jusqu'à $8000 ou $9000 l'arpent. Si le gars est obligé
de payer des taxes sur cette base, pour le
jardinier qui sera dans la zone verte de l'autre côté, qui
est évalué à $150 et qui reçoit un rabattement de
70% du ministère, c'est une concurrence qui est un peu difficile. Le
gars, à ce moment-là, il n'a qu'une chose à faire, c'est
de vendre et de se débarrasser au plus vite. je ne pense pas que ce soit
l'idée du ministère d'accélérer la disparition des
jardiniers à l'île Jésus. C'est regrettable. Cette loi
aurait dû être adoptée il y a vingt ans. C'étaient
les jardins de la province et on les aurait encore. Il reste tout de même
de bons morceaux de jardins qu'il faudrait conserver.
M. Giasson: Vous avez parlé aussi des problèmes que
la loi pouvait apporter à l'endroit des vieux jardiniers qui voudraient
terminer leurs jours sur leur entreprise. Comment peut-on concevoir une forme
d'indemnisation pour ces vieux jardiniers?
M. Couture (Alphonse): J'ai l'impression que, pour les vieux
jardiniers qui seront en dehors de la zone verte, il faudrait c'est
justement ce qu'on dit qu'on continue à les considérer
comme des jardiniers. Il y en a plusieurs là-dedans qui n'ont qu'une
dizaine d'arpents, dix ou quinze arpents. Généralement, la maison
n'a pas été faite en fonction d'un développement
domiciliaire. La maison est mal placée. Si le gars vend, il faut qu'il
vende avec la maison et quant à la maison il faut qu'elle
"décolle". A ce moment-là, il perd sur la valeur de la maison ou
il perd sur la valeur de la terre. S'il veut se relever, il ne lui restera plus
rien. Il est "poigné" et il est tout de même pris avec un compte
de taxes qui peut s'élever à $3000, $4000 ou $5000 par
année. C'est évident. Avec les économies qu'il a
réalisées... Aujourd'hui, les gens font plus d'argent, en fait,
avec l'inflation, mais au moment où il était actif, il
prêtait quelques piastres tous les ans, mais il n'a pas pu en
économiser tellement. Il faudrait le protéger.
Celui qui sera dans la zone verte et qui a une petite terre, il ne
cultive pas beaucoup. J'admets qu'aujourd'hui il n'y en a pas. On dit: C'est en
friche ou je ne sais pas quoi. Tout à l'heure, j'imagine qu'il y a
d'autres projets de loi qui vont venir ou des règlements, je ne sais pas
quoi. Si le type ne cultive plus, il peut arriver autre chose. A part cela, si
ce type vend sa terre c'est pour des fins agricoles. Il ne pourra pas vendre
pour autre chose. Combien va valoir la terre pour des fins agricoles? Cela peut
varier de combien? Ce ne sont tout de même pas des terres noires,
à l'île Jésus. Il y en a de petits morceaux, il n'y en a
pas grand. Ce sera peut-être $500 ou $1000 l'acre, je ne le sais pas,
mais ce ne sera pas cher.
En fait, il ne faut pas oublier une chose. Si vous regardez le mouvement
qui s'est fait; l'évolution de la culture maraîchère, cela
a commencé à Côte-des-Neiges, c'est
déménagé un peu plus loin, c'est allé à
Saint-Léonard, à Sainte-Geneviève, à l'île
Jésus. Cela a commencé au bord de la rivière à
l'île Jésus pour finalement sauter dans le rang Saint-Antoine, en
arrière. Mais la plupart de ces gens-là, quand ils ont
acheté, ils payaient plus cher, passablement plus cher leur terre que
s'ils étaient allés s'installer 25 milles plus loin mais, comme
leur père, une génération, deux générations
vont cultiver sur la terre et à un moment donné on va la vendre
et on recommencera, parce qu'en fait c'était réellement le fonds
de pension de ces gars-là. En les zonant, leur fonds de pension,
jusqu'à un certain point, "branle dans le manche". N'y aurait-il pas
moyen de compenser ces gens-là? On vous souligne le problème.
Malheureusement, on ne vous dit pas d'une façon précise: II faut
faire cela.
Vous avez également les gars des zones blanches, s'ils sont pris,
eux, avec des taxes, ce n'est pas compliqué, ils vont manger leurs
épargnes et ce ne sera pas long, parce que des acheteurs pour des terres
à l'île Jésus ils ne courent pas la rue dans le moment. La
spéculation, même les constructeurs de maison, il y en a
passablement de terres à vendre et elles ne se vendent pas si cher que
cela. (11 heures)
M. Giasson: M. le Président, je vais laisser à mes
collègues, mais je voudrais remercier les jardiniers maraîchers de
l'excellent mémoire qu'ils nous ont présenté. Je continue
d'espérer avec eux que le ministre va trouver des formules que la loi ne
prévoit pas dans le moment de manière à protéger
davantage ceux qui seront touchés dans votre région de
façon fort différente que dans la plupart des autres
régions du Québec. Merci.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. le
député de Montmagny-L'Islet. Oui, M. le ministre.
M. Garon: II y a une question que je veux vous poser. Supposons
que quelqu'un d'âgé, qui possède dix acres, ne cultive plus
et prenne sa retraite. Cela veut dire qu'il en a vendu bien des morceaux au
cours des années.
Une Voix: Pas nécessairement. M. Garon: Comment
cela?
M. Couture (Alphonse): Pas nécessairement, M. le ministre.
Je m'excuse, je n'avais pas bien saisi. Il ne faut pas oublier une chose. Vous
avez une foule de jardiniers maraîchers. Je vais vous donner un cas
précis. Le père du président ici, présent n'a
jamais eu plus de 22 acres de terre à l'île Jésus. Avec ces
22 acres, il a réussi à installer six fils sur la terre. Il ne
leur a pas vendu la terre, il a donné une terre à chacun de ses
six fils. La petite terre est encore là, 22 acres. Il y en a qui en ont
moins, il y en a qui en ont quatre ou cinq.
M. Garon: Elle n'est cultivée par personne?
M. Couture (Alphonse): Cette terre? Oui elle est
cultivée.
M. Garon: Alors, il n'y a pas de problème.
M. Couture (Alphonse): II n'y a pas de problème... le
jardinier qui vieillit et qui n'a pas d'enfant, il a un problème, parce
qu'à un moment donné... On a des cas qui sont pathétiques.
Il y a des gars qui se sont fait accrocher, malheureusement, par le Bureau de
révision, ils ne sont plus reconnus comme agriculteurs. Cela leur
coûte $4000 ou $5000 de taxes par année. C'est triste.
M. Garon: Le gars peut se faire inclure et louer sa terre; ainsi,
il profite de l'article 21.
M. Couture (Alphonse): Oui, dans le moment... Il y a un autre
problème à l'île Jésus. Malheureusement, je n'ai pas
eu le temps de l'approfondir. Il semble qu'il y ait deux... Selon la Loi de
l'évaluation foncière, lorsqu'un cultivateur, dans le moment,
loue sa terre, il est correct. Par contre, et c'est important que vous le
sachiez, que vous en teniez compte, lorsque c'est un spéculateur qui
loue sa terre c'est ce cas même ici, on en a parlé hier, on
en a entendu parler je ne sais pas en vertu de quel principe, mais il
semble que le gars paie ses taxes d'après la pleine valeur, même
si la terre est cultivée. Si ce n'est pas un cultivateur qui est le vrai
propriétaire à la source, il paie ses taxes, il n'est pas
exempté en vertu de la Loi de l'évaluation foncière. Il
paie ses taxes d'après la pleine valeur, même si la terre est en
culture.
M. Garon: D'après la loi, telle qu'elle est, le gars a un
choix à faire. Celui qui est inclus est inclus. Celui qui n'est pas
inclus, qui est dans la zone blanche, comme on l'appelle, peut demander ou non
d'être inclus. S'il ne le demande pas, c'est parce qu'il ne veut plus
s'occuper d'agriculture. Il n'a pas, en fait, à jouir des avantages d'un
agriculteur.
M. Couture (Alphonse): Oui, maintenant...
M. Garon: Laissez-moi finir! Ou bien il demande d'être
inclus. S'il demande d'être inclus, sa terre va être incluse dans
la zone agricole. A partir de là, pour bénéficier de
l'article 21, il faut qu'il fasse produire sa terre pour $1000. Il peut la
louer et avoir le produit. Votre cultivateur à sa retraite, normalement,
peut le faire faire. S'il l'a cultivée toute sa vie, pendant 25 ans,
c'est une terre en bon ordre. Il va pouvoir la louer.
M. Couture (Alphonse): Voici...
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Montmagny-L'Islet.
M. Giasson: J'essaie de suivre le ministre. Si vous louez votre
terre, elle se loue à combien l'arpent?
M. Gibouleau (Alain): Tout dépend de la terre, pour
commencer. Elle se loue entre $25 et $40 ou $45, cela dépend...
M. Giasson: Celui qui a 20 acres de terre à $50 l'acre,
cela lui donne $1000 de location, mais ce n'est pas une vente de produits
agricoles.
M. Gibouleau: Non.
M. Garon: C'est reconnu par? D'ailleurs, je connais cela.
M. Giasson: Oui, mais ce n'est pas une vente de produits
agricoles. S'il a des revenus de ses intérêts, on va les
reconnaître?
M. Garon: Non, pas les revenus des intérêts.
M. Giasson: Oui, mais un revenu de location ou un revenu
d'intérêts, c'est pas mal différent de la vente de produits
agricoles pour un montant de $1000.
M. Garon: Oui, mais c'est l'article 21.
M. Dubois: ... le reconnaît.
M. Garon: C'est reconnu comme de la production agricole.
M. Dubois: M. le Président...
Le Président (M. Boucher): Oui, M. Couture?
M. Couture (Alphonse): C'est là qu'il y a une
espèce de zone grise. Actuellement, si c'est un cultivateur qui loue ou
si c'est son fils qui cultive, il n'y a pas de problème. Si c'est un
spéculateur qui loue une terre à un jardinier, il paie ses taxes
sur la pleine évaluation foncière, il semble y avoir une
différence entre les deux groupes.
M. Garon: S'il est dans la zone blanche, il n'est pas inclus;
s'il ne demande pas d'être inclus, même si le spéculateur
loue la terre pour un revenu additionnel, il ne bénéficiera plus
de l'article 21 parce qu'il n'a pas demandé d'être inclus. C'est
là que la loi va jouer tout son rôle, c'est-à-dire que dans
la zone verte, les agriculteurs sont tous sur le même pied, mais dans la
zone blanche, vous avez, disons, l'agriculteur et le spéculateur.
L'agriculteur va dire normalement: Je veux être inclus. On peut modifier
cela et demander directement à la commission, etc. Mais le
spéculateur, normalement, ne demandera pas d'être inclus. Si
l'agriculteur est inclus, alors il sera dans la même condition que les
autres.
M. Couture (Alphonse): Les demandes d'inclusion, je suis bien
d'accord; il y en a un grand nombre qui vont en demander, mais s'il faut qu'ils
passent par la ville ou par la commission, j'ai l'impression qu'il y en a un
grand nombre qui vont frapper un noeud. C'est pour cela qu'on aimerait que dans
la loi on le dise. Ils sont inclus, mais s'ils envoient une lettre à la
ville demandant d'être exclus, pas d'objection; vous êtes dans la
zone blan-
che, si vous voulez être exclus, vous allez l'être tout de
suite. Mais, qu'automatiquement, ils soient tous inclus, quitte à faire
des barèmes. C'est pour cela d'ailleurs qu'on disait: Les jardiniers
sont prêts, en contrepartie, à dire: d'accord, remontez les
barèmes, que ce soit une production d'au moins une dizaine de milliers
de dollars ou quelque chose comme cela.
M. Garon: On ne peut pas faire en sorte que cela soit partout
pareil.
M. Dubois: ... de revenir tout à l'heure.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Huntingdon, vous allez avoir votre tour.
M. Garon: On ne pourra pas faire cela de la même
façon partout, parce que si on met $10 000, dans d'autres régions
on va créer des aberrations. Je vais laisser les autres parler parce que
j'ai parlé deux fois.
M. Couture (Alphonse): On étudie justement une loi de
zonage, M. le ministre, alors vous pourriez zoner le territoire et dire: Dans
un secteur donné, le barème, c'est cela; dans une autre
région c'est un autre barèrne. C'est évident qu'en grande
culture, cela ne serait peut-être pas la même chose du tout.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Huntingdon.
M. Dubois: Merci, M. le Président. Je voudrais,
premièrement, souhaiter la bienvenue aux dirigeants...
M. Giasson: II va prendre de l'expérience... M. Garon: II
est encore jeune.
Le Président (M. Boucher): S'il vous plaît, M. le
député de Montmagny-L'Islet! M. le député de
Huntingdon.
M. Dubois: Je voudrais premièrement souhaiter la bienvenue
aux dirigeants de l'Association des jardiniers maraîchers ainsi qu'au
président du Marché central métropolitain.
Vous faites état, je pense, de nombreuses craintes au niveau
fiscal. C'est surtout dans ce domaine que se situent la plupart de vos
craintes. Ma première question serait celle-ci: Je connais assez bien
Laval et je sais qu'il y a de belles terres qui sont dans des enclaves et sans
doute, le conseil municipal de ville Laval voudra les annexer à ses
terres en développement, même à rencontre de la
volonté de certains jardiniers maraîchers; c'est ce qu'on appelle
du "spot zoning" qui peut se faire; la commission peut faire du "spot zoning"
en ce sens qu'on réserve une terre pour fins agricoles dans une enclave
ou peut-être que cette terre devrait être retournée pour
fins de construction domiciliaire. Je pense que c'est une crainte que vous avez
formulée et je me demande quelles pressions pourra exercer la ville sur
la commission pour qu'effectivement ces terres retournent aux fins de
construction résidentielle. Vous craignez que la ville puisse exercer
des pressions trop fortes sur la commission et que le jardinier ne puisse pas
résister à ces pressions exercées par la ville? Est-ce un
peu dans ce sens que vos craintes sont formulées?
M. Couture (Alphonse): II est évident que c'est là
la crainte. Maintenant, j'ai l'impression que dans plusieurs cas, la ville va
peut-être avoir des arguments qui vont être valables et il est fort
probable qu'elle gagne son point. Les jardiniers tiennent à leur
métier; ils ont des droits acquis, ils veulent les conserver et je pense
que c'est compréhensible.
M. Dubois: Au niveau des services municipaux, à certains
moments, une terre dans une enclave peut couper certains services de la ville
et entraîner des coûts pas mal plus élevés pour que
ces services contournent ces enclaves.
M. Couture (Alphonse): C'est pour cela," d'ailleurs, que dans
notre mémoire, nous avons dit: Soit qu'on les inclue automatiquement
dans la zone, soit qu'on leur accorde les mêmes privilèges que
ceux de la zone. A ce moment-là, ces terres ne seraient pas incluses
dans la zone, donc elles ne pourraient pas nuire tellement à la ville
s'il y avait un développement; mais alors, qu'elles
bénéficient des mêmes avantages que celles des autres
cultivateurs, qu'elles soient évaluées à $150 et qu'elles
paient sur une base de $150. Cela n'affecterait pas l'évaluation de la
ville et le jardinier serait protégé.
Il est évident que si, à un certain moment, il y a un
développement domiciliaire qui commence à se faire chez lui...
parce qu'il ne faut pas oublier une chose. Quand vous avez un
développement domiciliaire qui est parallèle à une ferme,
et cela va arriver à un certain moment, à la ligne de la zone, le
jardinier qui est à côté résiste pendant un certain
temps, mais si c'est un gars qui cultive des concombres, il dit: Mes deux
premières rangées de concombres, c'est pour mes voisins. Je
récolte le reste.
M. Dubois: Présentement, à Laval, on vit
peut-être une expérience différente d'ailleurs au
Québec. Vous avez certains propriétaires de fermes qui
cèdent même des terres en location pour rien, sans exiger aucune
redevance, pour l'exemption des taxes foncières.
M. Charbonneau (Dominique): Des personnes
âgées...
M. Dubois: Je pense que cela n'arrivera plus, suite au projet de
loi. Celui qui voudra louer une ferme dans la zone non réservée
pour fins agricoles devra payer quand même un coût très
élevé de location puisque le propriétaire devra payer
lui-même des taxes très élevées à la
ville.
Alors, les terres qui sont présentement louées à
des agriculteurs par des exploitants ou des proprié-
taires qui désirent acquérir des fermes pour location,
ceux-ci vont être obligés d'exiger le gros prix, le plein prix de
leurs taxes et peut-être un revenu additionnel.
Alors, sera-t-il possible pour un agriculteur de louer des fermes
à $500 l'acre finalement.
M. Couture (Alphonse): Non. Cela va être assez difficile
maintenant. J'ai l'impression que... quel est le pourcentage de terres qui peut
être loué dans la zone blanche? Il y en a peut-être moins
que dans la zone verte qui est actuellement montrée... Je pense que les
terres louées sont surtout dans la zone verte. Il y en a beaucoup
moins.
Généralement, je pense que dans le cas des terres qu'on
dit louées, cela sera plutôt le père qui est
âgé qui fait cultiver la terre par un de ses fils, quelque chose
comme cela, sans lui avoir cédé la propriété. Ce
sont plutôt de tels cas dans la zone blanche.
M. Dubois: Et les fermes dans la zone blanche, avez-vous
l'impression que ces fermes prendront de la valeur ou diminueront de
valeur?
M. Couture (Alphonse): Si la loi ne change pas, il est
évident qu'il va y avoir un mouvement de spéculation qui va se
faire sur ces terres parce que le maraîcher jardinier n'est pas
millionnaire. Il a peut-être épargné quelques dollars, mais
il n'est pas riche. Alors, il est évident que si cela reste ainsi, il
dit: Un instant. Mon évaluation monte à $500, à $1000 et
à $2000 et après cela, à sa pleine valeur, iI va y avoir
une certaine panique peut-être, d'autant plus que c'est une
période actuellement où la vente de terres pour le
développement domiciliaire, la demande n'est pas tellement forte. Alors,
cela va créer une espèce de mouvement de panique. Il est fort
probable qu'il y a peut-être des spéculateurs qui vont en profiter
pour ramasser ces terres à vil prix et les garder un certain nombre
d'années en attendant que la terre ait pris sa pleine valeur parce qu'il
y a des terres dans la zone blanche, et cela va prendre au moins quinze ans
à vingt ans avant que le développement domiciliaire soit rendu
là.
M. Dubois: Je vais revenir avec cette affaire. Vous avez
indiqué que l'agriculteur serait, présentement, selon le projet
de loi, pénalisés pour dix ans de remboursement de taxes
foncières, contrairement à un club de golf qui,
présentement, selon la loi de l'évaluation, ne rembourse que cinq
ans d'arrérages. C'est à peu près cela, je pense?
M. Couture (Alphonse): Dans le cas des clubs de golf, oui.
M. Dubois: On pénalise le club de golf qui vendrait pour
d'autres fins...
M. Couture (Alphonse):... cinq ans d'arrérages.
M. Dubois: ... cinq ans d'arrérages de taxes tandis que
l'agriculteur, selon le projet de loi, on le pénalise pour dix ans.
Trouvez-vous cela juste ou moins juste?
M. Couture (Alphonse): Non. On ne dit pas c'est juste. On trouve
cela injuste et je pense bien que c'est une erreur. Cela doit être une
erreur.
M. Dubois: Je pense qu'il y aurait lieu de corriger cet
article.
M. Garon:... en zone permanente, vous avez le choix.
M. Dubois: A la page 5 de votre mémoire, vous avez
indiqué dans le cas du secteur agricole, que ces restrictions sont
inadmissibles. Un jardinier doit conserver le droit de céder une partie
de sa ferme à des fins agricoles, de bâtir des maisons pour ses
enfants et ses employés permanents ainsi que des serres, entrepôts
frigorifiques ou non, une salle de classification.
Selon le projet de loi présentement, les maisons que le
père construirait pour ses fils ou céderait à ses fils
feraient partie intégrale de l'exploitation. On sait pertinemment qu'il
pourrait y avoir cinq maisons sur la même ferme ou six maisons et le jour
de la transmission de ses biens, cela sera pas mal difficile. Vous avez
soulevé le cas; avez-vous des suggestions à faire à la
commission? (11 h 15)
M. Couture (Alphonse): Effectivement, il y a deux
problèmes. D'abord, il ne faut pas oublier que le secteur jardinier et
le secteur de la grande culture, ce n'est pas du tout la même chose. Il
est évident que pour les jardiniers, en règle
générale, c'est la coutume, de bâtir la maison de leurs
enfants, même s'il y en a 3, 4, 5 ou 6. Maintenant, même en dehors
de la zone, si un type veut bâtir la maison de son garçon, il ne
faut pas oublier une chose, c'est que, généralement, le
garçon n'a pas l'argent pour payer la maison d'un seul coup, ni le
père. Donc, il faut faire un emprunt; s'il a déjà un
crédit agricole de $50 000 ou $60 000 sur la terre, il va demander au
crédit agricole une main levée sur un lot. Il le subdivise et
bâtit la maison de son gars.
Au point de vue du financement, ça va certainement créer
des problèmes assez sérieux. C'est un peu la même chose
dans le cas de certains entrepôts où deux ou trois cultivateurs
vont se mettre ensemble pour former une société. C'est la
même chose. Même au crédit agricole, on va leur dire:
Ecoutez, la première chose à faire, c'est que le fonds de terre
où va être bâti l'entrepôt devienne la
propriété conjointe des trois individus, même s'ils ont
chacun leur terre, personnellement.
Maintenant, on dit ailleurs aussi qu'on ne peut pas subdiviser. Pour un
jardinier maraîcher, subdiviser sa terre, c'est quasiment une
nécessité. Même si les enfants restent en
société, en règle générale, le père
subdivise sa terre entre ses deux fils pour que, si un jour ça ne va pas
trop bien, chacun soit à son compte. Vous savez que même dans
votre région, ça se produit de temps à autre. Cela
fonctionne bien. Mais, à un moment donné, si ça fonctionne
moins bien les gars se divisent. A ce moment-là, ils ont chacun leur
terre, ils sont propriétaires.
M. Dubois: Est-ce que vous avez l'impression,
spécifiquement à Laval, que, quand il s'agira de construire des
salles de classification, d'emballage, des entrepôts frigoriques ou autre
chose, la ville exercera des pressions pour que ces bâtiments aillent
dans la zone...
M. Couture (Alphonse): La zone industrielle qui est
là.
M. Dubois: ... industrielle ou commerciale de la ville?
M. Couture (Alphonse): Même en dehors de la zone, les
jardiniers voudraient bien avoir l'assurance qu'effectivement le
préemballage, l'entreposage, la congélation et la transformation
puissent se faire à l'intérieur de la zone. En fait, s'ils
veulent bâtir une usine, ils voudraient que ça puisse se faire sur
leur propre propriété.
M. Dubois: M. le Président, il y a un membre
présent à la commission ici ce matin, M. Legault, qui a un
problème particulier et j'aimerais qu'il l'expose au ministre, parce que
ce n'est pas le seul problème que j'ai vécu dans la région
chez nous...
M. Couture (Alphonse): II y en a plusieurs semblables.
M. Dubois: M. le ministre, il y a un monsieur de la commission
qui aimerait vous poser une question.
Le Président (M. Boucher): M. Legault.
M. Garon: Quoi?
M. Dubois: Vous allez l'écouter? M. Legault.
M. Legault (Michel): M. le ministre, on est un groupe de
producteurs agricoles qui avons décidé de construire un
entrepôt qui doit être en exploitation l'été
prochain...
M. Garon: A quel endroit? M. Legault: A Sainte-Clothilde.
M. Garon: Dans la zone agricole? M. Legault: Dans une zone
agricole.
M. Garon: Vous n'aurez pas de problème. La
définition de l'agriculture, c'est "la culture du sol, y compris le fait
de le laisser en friche, l'élevage des animaux et, à ces fins, la
confection, la construction ou l'utilisation de travaux, ouvrages ou
bâtiments..." Un entrepôt entre dans la définition de
l'agriculture. Ce sont des travaux, des bâtiments à des fins
agricoles.
M. Legault: Est-ce que le fait que l'on ne soit pas
propriétaire actuellement d'une terre, qu'il faut la subdiviser, est-ce
que ça ne peut pas nous créer des délais?
M. Garon: Pourquoi pas la subdiviser pour faire ça?
M. Legault: On ne peut pas construire sur une terre de 60 acres,
on a besoin de 3 ou 4 acres pour construire un entrepôt.
M. Garon: Vous n'êtes pas propriétaire de la
terre?
M. Legault: II y a un membre du groupe qui est
propriétaire de la terre, mais pour se former en compagnie, il faut que
la compagnie soit propriétaire de la terre.
M. Dubois: II faut que l'un d'eux fasse partie de la ferme pour
permettre la construction en compagnie d'une...
M. Garon: Là, on se comprend...
M. Dubois: Cela arrive très fréquemment.
M. Giasson: Cela commence à être un peu...
M. Garon: Non, cela a été mis comme ça
précisément, parce que la porte de sortie est toujours
celle-là. C'est comme l'impôt. C'est évident qu'à ce
moment-là le bâtiment doit être au service de la ferme.
M. Dubois: II est au service de plusieurs fermes, mais il est
bâti sur un lot particulier. Afin d'avoir une hypothèque, il faut
quand même "sortir" ce lot.
M. Garon: Comment cela, il est au service de plusieurs
fermes?
M. Dubois: Ils sont plusieurs...
M. Legault: On est trois producteurs de carottes et on veut faire
un centre d'entreposage et d'emballage commun aux trois, pour toutes sortes de
raisons évidentes d'économie. Là, on est aux prises avec
ce problème, à savoir quoi faire et le faire à temps pour
pouvoir construire l'été prochain. J'aimerais savoir si...
M. Garon: Une loi ne peut pas prévoir tous ces cas. C'est
pour ça qu'on prévoit dans la loi tous les cas
généraux et, pour les cas particuliers, on dit de demander
l'autorisation à la commission. Vous avez un cas patent. Normalement, la
loi dit qu'il y a des bâtiments sur une ferme à des fins
agricoles. Vous êtes trois propriétaires individuels et vous
voulez construire un entrepôt commun aux trois. Vous ne pouvez pas
prévoir tous ces cas dans une loi, c'est impossible. Autrement, la loi
aura 500 pages. A ce moment-là, vous demandez à la commission...
C'est l'esprit de la loi, permettre une chose comme celle-là.
M. Legault: Mais est-ce que c'est possible de croire qu'on peut
avoir une autorisation assez rapidement pour...
M. Garon: Moi, je le pense. Parce que c'est l'esprit de la loi.
C'est un cas qui est clair.
M. Legault: Mais est-ce qu'il y a des procédures à
prendre actuellement pour accélérer la décision de la
commission?
M. Giasson: ... recommandé à la commission à
200A Chemin Sainte-Foy, Québec. Ce sont les bureaux du ministère
de l'Agriculture.
M. Garon: Parlez-en un mot à M. Landry qui est ici pour
voir comment faire votre demande. Je comprends qu'il va y avoir des
règlements, qu'il va y avoir de la procédure, mais c'est une
demande tout simplement en vertu de l'article de la loi. On ne peut pas
prévoir tous ces cas-là dans la loi. Il faut voir les cas
généraux. On ne peux pas dire: II n'y a pas d'autorisation de la
commission dans tel cas, tel cas. Ce sont des cas particuliers. Je pense que
c'est un beau cas pour montrer que la commission ne prendra pas cinq minutes
pour régler un cas comme celui-là.
M. Giasson: C'est curieux, mais vous devez adresser une lettre
à une commission qui n'existe pas. La lettre va se rendre quand
même à l'endroit donné et quand la commission sera
créée, nantie de commissaires, là elle va prendre
connaissance de toute cette correspondance.
Une Voix: Elle va exister bientôt.
M. Legault: Je demanderais peut-être au ministre s'il peut
prévoir un calendrier normal pour une telle réponse.
M. Garon: C'est une façon de parler parce que là on
est rendu au 12. Normalement, cela doit être adopté le 22. Le
temps de préparer votre lettre, de l'envoyer et le délai du temps
des Fêtes, quand votre lettre arrivera la commission sera
formée.
M. Giasson: Le ministère fédéral des Postes
n'est pas vite.
M. Garon: La Gendarmerie royale qui ouvre les lettres pour voir
ce qu'il y a dedans.
M. Giasson: Ils ouvrent les lettres.
M. Legault: Mais est-ce qu'il n'y a pas risque d'encombrement
quand même pour le début des travaux de la commission?
M. Garon: Non. La commission normalement qui va être
formée... C est seulement un début, mais là on va dire: Ce
sont les demandes individuelles. Il y a des négociations permanentes. Il
va y avoir un gars en charge de cela et à un moment donné il va
dire: Les dossiers qui sont automatiques. Disons qu'ils sont cinq pour les
régler. Vous avez des dossiers qui sont plus compliqués. Je pense
qu'une affaire comme celle-là, à mon avis, c'est simple à
régler. C'est l'esprit de la loi. Si cela avait concerné une
terre individuelle, il n'y aurait même pas eu d'autorisation à
demander. Au fond, en faisant cela, vous détériorez encore moins
de sol parce que vous avez un bâtiment pour trois fermes au lieu d'un par
ferme. C'est l'esprit de la loi. Il me semble, quand le gars voit arriver
cela...
M. Roy: M. le Président, est-ce que vous permettez?
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Beauce-Sud.
M. Roy: J'ai seulement une remarque sur la question qui est
actuellement discutée. Il y a les conditions de prêts
hypothécaires, soit les prêts d'une compagnie. Il y a,
évidemment, les clauses de réméré qu'on appelle,
les clauses dans le cas où la compagnie ne puisse pas subvenir à
ses versements.
Je ne dis pas que cela peut arriver dans leur cas, mais ce sont des
prévisions générales qu'on retrouve dans tous les contrats
hypothécaires. Alors, l'entreprise qui fait le financement,
l'institution qui fait le financement redevient propriétaire et elle
peut le vendre ou le mettre en vente à des organismes, à des
entreprises qui peuvent être intéressées par
l'entrepôt et qui ne serait pas nécessairement utilisé pour
des fins agricoles, d'où une complication qui peut arriver au niveau du
financement à cause de ces exigences. Si le prêt était
consenti par le prêt agricole j'espère que le prêt
agricole ne ferait pas de réserve mais dans le cas où ce
serait une autre institution qui ferait le prêt, même les caisses
populaires, il y a danger qu'il y ait une réserve à ce
moment-là, une restriction et cela peut créer des
embêtements.
M. Garon: Mais il n'y a pas de problème. Il y a même
un programme du ministère qui subventionne à 35% la construction
d'entrepôts, jusqu'à $35 000.
M. Legault: Par contre, un entrepôt de $300 000, il reste
une balance hypothécaire assez importante.
M. Garon: Oui, très importante. M. Roy: C'est
cela.
M. Giasson: Sauf si vous avez assez pour ne pas avoir à
toucher...
M. Dubois: Est-ce que votre construction doit commencer
bientôt, M. Legault?
M. Legault: Aussitôt le gel terminé. Au début
d'avril, il faut commencer et, entre temps, il faut obtenir le financement et
pour obtenir le financement cela prend des autorisations.
M. Garon: Voyez M. Landry, tantôt on va ajourner
à midi pour savoir le numéro de télé-
phone et tout cela. Vous pouvez envoyer votre demande
immédiatement. Des cas comme ceux-là, je compte qu'une commission
peut en régler 100 par jour. Ce n'est pas compliqué.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Huntingdon, est-ce que vous avez terminé?
M. Dubois: Une dernière question. Vous avez indiqué
le désir que les agriculteurs puissent conserver leur statut
d'agriculteur même s'ils ne cultivent plus le sol. J'aimerais que vous
explicitiez un peu plus là-dessus, parce que je pense que vous avez
touché un point quand même assez important, étant
donné que le vieil agriculteur peut se voir pénalisé par
des taxes de $5000, $6000, $7000 ou $10 000 par année et il va
finalement perdre tous ses revenus ou son fonds de pension qu'il aura
accumulé pendant nombre d'années. Je pense que ce serait un bon
point à expliciter. J'espère que le ministre en prendra bonne
note.
M. Couture (Alphone): Dans l'île Jésus, il y a
plusieurs jardiniers, nécessairement, qui sont assez âgés.
Etant donné que les terres sont tellement petites dans bien des cas, des
terres de 15 ou 20 arpents, il y a une maison déjà dessus qui est
mal située, donc, qui va nuire à la vente de l'ensemble,
c'est-à-dire que si le type vend, de deux choses l'une; s'il faut
déplacer la maison pour donner une certaine valeur au terrain, alors,
cela diminue la valeur globale de la propriété actuelle. Et si
ces gens se ramassent dans la zone blanche, il y en a définitivement
dont la santé ne leur permet plus de cultiver. Ils sont trop
âgés. D'un autre côté, ils veulent rester chez eux.
Et c'est un peu normal; les personnes âgées n'aiment pas
déménager. Elles tiennent à rester chez elles et
même si elles voulaient déménager, au prix qu'elles
pourraient vendre actuellement, cela ne leur permettra pas de se
réinstaller. Cela est clair comme de l'eau de roche.
A ce moment-là, je pense que ces gens ont tout de même des
droits acquis et on devrait leur laisser leur titre d'agriculteur et les
exempter. Cela va peut-être durer quelques années. Si le
développement les atteint, ils vont peut-être vendre
éventuellement. A ce moment-là, on sera prêt à
accepter qu'ilsjemboursent peut-être trois ou quatre ans de taxes
foncières, mais durant les quelques années qu'il leur reste
à vivre, au moins, qu'on les laisse tranquilles, que ces gens puissent
continuer. Il y en a qui cultivent encore un peu. Mais on ne voudrait pas
qu'ils soient "maganés" parce qu'ils ne méritent pas le sort
qu'on leur réserve en vertu de ce projet de loi.
M. Dubois: Un dernier point. On sait tous que la loi ne
prévoit aucune indemnité. Spécifiquement, à Laval,
je suis certain qu'il y a beaucoup de jardiniers qui sont tout près des
zones résidentielles et voient leur terre prendre de la valeur
annuellement. S'ils sont dans un secteur réservé pour fins
agricoles, ils ne pourront pas vendre pour d'autres fins que l'agriculture. Une
ferme peut être vendue pour $100 000 quand elle pourrait valoir $1
million pour d'autres fins. Cela peut arriver des cas comme cela, j'imagine, de
temps à autre. Pour ces gens qui se sentiraient pénalisés,
avez-vous eu des cas soulevés lors de vos rencontres avec les gens du
milieux?
M. Couture (Alphonse): II y a le cas des vieux agriculteurs qui
sont dans une zone. Il est évident que leur terre a absolument une
valeur agricole. Il devrait y avoir compensation pour eux, un peu.
Il y a un point qu'on n'a pas mentionné. Vous avez des jardiniers
qui ont acheté au cours des deux ou trois dernières années
des terres qu'ils ont payées cher, peut-être $1500, $2000
l'arpent. Ils viennent de construire des serres, et ils ont investi un paquet
d'argent sur ces terres. Ils sont dans une zone blanche. Ils ont obtenu un
prêt du crédit agricole, tout le sacré bazar, $100 000 ou
$125 000 et ils sont dans une zone blanche, complètement isolés.
Il n'y a pas de cultivateurs à côté d'eux. Il y en a une
couple. Ils ne seront pas faciles à sauver à moins qu'on les
sauve par la loi. Et ce ne sont pas des gars qui ont acheté pour
spéculer. Ils étaient au bord de l'eau. Ils ont
déménagé plus loin et ils se sont installés parce
qu'ils connaissent l'île Jésus. Ils aiment le climat. Ce sont des
gars qui se spécialisent dans la culture en serre. Cela faisait leur
affaire. Ils ont investi. Mais ils ne savaient pas qu'il y aurait une loi de
zonage et qu'à un moment donné, ils seraient du mauvais
côté de la clôture. Ce ne sont pas des farces, quand on y
pense! C'est pour cela qu'il faut les sauver à tout prix.
M. Dubois: Je vous remercie M. Couture.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Beauce-Sud.
M. Roy: Merci, M. le Président. Je remercie M. Couture et
sous ses collaborateurs pour l'excellent mémoire qu'ils ont soumis
à la commission ainsi que pour leur disponibilité. Je devrais
ajouter leur grande patience, parce que plusieurs d'entre eux étaient
déjà parmi nous hier.
Dans votre mémoire, vous avez soulevé un point qui est
extrêmement important. Vous avez parlé des agriculteurs, des
jardiniers maraîchers qui sont en dehors des zones, qui risquent
d'être en dehors d'une zone agricole et qui veulent continuer d'exercer
l'agriculture. Je pense que c'est un point extrêmement important, qui a
une importance très grande dans la région que vous
représentez, mais qui a également une autre importance dans
d'autres régions actuellement du Québec, dans certaines
localités qui peuvent avoir des étendues de terrains qui ne sont
pas actuellement dans la zone réservée et pour lesquelles des
agriculteurs voudraient bénéficier des avantages qui
découleront de la loi relativement aux exemptions fiscales et aux
subventions particulières qui doivent s'y rattacher. (11 h 30)
J'aimerais demander vous qui avez fait une étude
très attentive sur ce sujet si vous iriez jusqu'à proposer
que sur simple requête faite par les agriculteurs concernés, les
agriculteurs intéressés à la commission provinciale,
automatiquement pourraient être inclus?
M. Couture (Alphonse): Vous voulez dire, à ce
moment-là, que le type soulignerait ou demanderait à la
commission d'être inclus; que la loi serait modifiée pour
qu'effectivement, dès qu'il ferait sa demande, il serait automatiquement
inclus, sans qu'il y ait aucune référence à la corporation
municipale; autrement dit, que ce soit automatique? Si c'est automatique,
pourquoi ne le met-on pas tout de suite dans la loi? Ce serait plus simple.
M. Roy: L'inclure dans la loi. J'ai parlé de la loi de
l'Oregon hier, mais je l'ai laissée de côté parce que le
ministre n'a pas l'air d'avoir des affections particulières pour cette
région des Etats-Unis.
M. Garon: Ah! c'est très beau, c'est un des plus beaux
endroits au monde.
M. Roy: Je vais lui parler de l'Etat de New York un peu. La loi
de l'Etat de New York a été amendée en 1971 en vue de
permettre la création de districts agricoles pour assurer ainsi la
protection et la revalorisation des terres agricoles. La loi permet
plutôt la création de districts agricoles dont les
propriétaires, sur requête individuelle, accepteraient de
conserver ces terres pour l'agriculture moyennant un allégement de la
fiscalité foncière ou de la taxation foncière devant alors
être basée exclusivement sur une valeur agricole. Dans l'Etat de
New York, c'est une demande qui est faite sur une requête de la part des
agriculteurs concernés et ils se trouvent automatiquement si j'en
tire une conclusion comme faisant partie de la zone
protégée dans le territoire agricole protégé.
J'aimerais demander au gouvernement si le ministère a des
objections sérieuses à la demande qui est faite ce matin par les
jardiniers pour qu'il y ait une disposition dans la loi comme quoi ce serait
automatique qu'un agriculteur... Parce que, prenons sur
l'Ile-de-Montréal, il y a sûrement des secteurs les gens
qui connaissent un peu la ville de Montréal en connaissent des
enclaves, des îlots qu'on pourrait appeler des îlots de
résistance parce que cela a été effectivement par
résistance que ces gens ont réussi à conserver leur
terrain, leur lopin de terre, pour l'agriculture... S'il y a possibilité
qu'il y ait des prévisions dans la loi pour permettre à ces gens,
propriétaires de terres agricoles, d'avoir la protection de la loi et de
bénéficier des avantages qui découleront...
M. Giasson: Une protection automatique.
M. Roy: ... d'une protection automatique. On touche un point
extrêmement important, extrêmement névralgique, qui couvre
des centaines de milliers d'acres, si on fait l'inventaire de tout cela
à la grandeur du Québec.
M. Garon: Non. Peut-être pas des centaines de milliers
d'acres.
M. Roy: II y a des centaines de milliers d'acres parce que dans
le plateau laurentien, comme dans le plateau appalachien, il y a de petites
régions à l'intérieur même des municipalités
qui peuvent regrouper trois, quatre ou cinq fermes. Les municipalités
verront peut-être difficilement la nécessité, ne croiront
pas à la nécessité ou ne voudront pas faire en sorte que
ce territoire soit zoné agricole. Les agriculteurs qui sont dans ces
territoires, dans ces enclaves, voudront, eux, bénéficier de la
protection de la loi et des avantages qui découleront de la loi.
M. Garon: Quand on a fait la loi, dans les zones blanches, on a
évalué dans les régions désignées qu'il
pouvait y avoir environ 300 fermes, à peu près.
M. Roy: 300 fermes dans la zone blanche?
M. Garon: Dans l'ensemble des zones blanches, les 614
municipalités. C'est cela qu'on a calculé à peu
près.
M. Giasson: C'est beaucoup d'acres.
M. Garon: Non. Ce ne sont pas de gros "acrages". Non, parce qu'il
y a beaucoup de petites fermes là-dedans. Comme le disait M. Couture,
normalement, dans la zone blanche de ville Laval, même si cela fait un
nombre d'individus, je suis persuadé qu'en termes d'acres, cela ne
représente pas beaucoup d'acres.
M. Couture (Alphonse): Oui, mais la densité de production
est là, ce sont en partie tous des gens qui ont des serres. A part cela,
la zone verte telle qu'on le voit actuellement, j'ai l'impression qu'elle
subira des modifications. La zone verte va rapetisser, dans certains cas, et au
fur et à mesure que les zones vertes vont rapetisser, il y a encore des
jardiniers qui vont valser et qui vont se ramasser dans la zone blanche. C'est
normal. On serait à la place des autorités municipales et on
aurait une tendance à vouloir rapetisser la zone verte pour toutes
sortes de bonnes raisons. Si, à un moment donné, on
délimite la zone, il est évident qu'après cela, la
municipalité va s'opposer et ne voudra plus en voir entrer une
espèce dans la zone verte.
M. Garon: Quand on dit qu'elle va rapetisser, elle ne rapetissera
pas si vite que cela. Il y a trois phases, à mon avis; la
première phase est qu'une municipalité disons comme celle
de Repentigny fait une demande d'exclusion sur la tendance à zone
permanente, à des fins immédiates.
M. Giasson: L'article 37.
M. Garon: Ensuite, il y a la discussion sur la zone permanente.
La zone permanente normalement en zone agricole, par décret, une fois
qu'elle a été discutée entre la municipalité et la
commission, va avoir un certain caractère de permanence. Il n'y aura
plus de discussion sur la zone permanente après cela. Ce qu'il va y
avoir après, ce sont des demandes d'exclusion ou de dérogation.
Les demandes d'exclusion, après cela, évidemment, comme
c'est une zone permanente, on ne regardera pas tout au pouce carré; on
dira: C'est un périmètre comme celui-là seront
examinées individuellement: Est-ce un bon sol ou non? Si c'est un bon
sol, on va dire: Pas d'exclusion. Si c'est un sol avec un mauvais potentiel,
parfait, exclusion. C'est un peu cela qui va se faire, si vous regardez cela.
C'est pour cela qu'il ne faudrait pas d'ailleurs je l'ai dit plusieurs
fois au cours de cette commission considérer la zone agricole
permanente comme une zone à développement différé,
ce ne sera pas cela. Ce sera une zone permanente qui va avoir un certain
caractère de permanence.
M. Lavoie: Elle va rester agricole.
M. Garon: Elle va normalement rester en grande partie agricole,
sauf que les demandes d'exclusion... Parce que, dans la grande zone permanente,
il y aura peut-être 100 acres qui ne seront vraiment pas bonnes, et une
fois qu'on regardera en détail la zone permanente, on dira: Ces 100
acres, cela ne donne rien de les garder, elles ne sont pas bonnes. On va les
enlever, mais dans la première phase, on va faire une zone
permanente.
M. Roy: Oui, mais cela ne répond pas tout à fait
à la question que j'ai posée tout à l'heure.
M. Garon: Non, je le sais, mais je voulais d'abord expliquer
cela.
M. Chevrette: II va y répondre.
M. Garon: Deuxièmement, ce que je veux dire, c'est que
moi, je n'ai pas vraiment d'objection à ce qu'on dise: Celui qui demande
d'être inclus... Mais il faudrait prévoir si celui qui demande
d'être inclus est un agriculteur qui fait de l'agriculture, qu'il aille
directement à la commission. Mais si on fait un amendement, il faudrait
le faire de telle sorte que ce soit quasi automatique, que la commission puisse
regarder un peu pour que ce ne soit pas une aberration.
M. Roy: Je pense que s'il y avait une convention qui existait...
Prenons le cas, par exemple... Là on a parlé abondamment des cas
qui sont à l'intérieur du grand territoire actuellement
réservé; il y a des zones blanches dans le territoire
réservé, mais il y a des dispositions dans la loi je pense
à l'article 22 selon lesquelles le gouvernement peut, par
décret, identifier comme une région agricole
désignée toute partie du territoire du Québec.
Quand j'ai parlé de centaines de milliers d'acres tantôt,
je faisais référence également aux plans éventuels
que les municipalités pourront soumettre, plans à
l'extérieur de la zone réservée actuelle, mais qui
pourraient s'ajouter à la zone agricole réservée. Mais
autour de ces municipalités et même à l'intérieur de
ces municipalités, il y a des agriculteurs qui ne sont pas dans la zone
réservée, mais qui désirent, eux, conserver leur droit
d'agriculteur et leurs privilèges. Si on ajoute cette catégorie,
on couvre tout le territoire du Québec et on touche à des
centaines de milliers d'acres, inévitablement, par la force des choses;
j'en suis convaincu. Je ne dirais pas un million, mais je dis quelques
centaines, cela peut être 200 000 acres, cela peut être 300 000
acres, dans tout le territoire du Québec.
Je prends, à titre d'exemple, M. le ministre je ne
voudrais pas retarder nos invités, on pourra y revenir lors de la
discussion du projet de loi article par article mais qu'est-ce que le
gouvernement entend faire vis-à-vis des agriculteurs qui, actuellement,
sont en dehors des zones réservées et qui désirent
maintenir leurs activités agricoles et avoir les garanties
nécessaires?
M. Garon: Ils vont avoir le choix de demander s'ils veulent
être inclus ou non. Le raisonnement qu'on a fait est le suivant: II y a
une zone qui a été établie; il y a une zone agricole et il
y a une zone non agricole. Celui qui est dans la zone non agricole,
évidemment, cela va lui imposer des contraintes. Les gars qui, par
exemple, ont des serres dans les milieux plus urbanisés ont des
emmerdements; il y a des jeunes qui lancent des roches, etc. On en rit, mais
ils ont à subir de telles contraintes. Alors, plutôt que le gars
soit dans une zone blanche, non agricole, s'il veut continuer à cultiver
dans cette zone et être inclus, on lui laisse le choix; c'est cela qu'on
a voulu faire.
On se dit: II va y avoir des contraintes, si lui, il dit: Moi, je suis
d'accord, moi je veux être agriculteur dans cette zone-là. On dit:
Parfait. C'est lui qui va décider. On considérait cela plus
équitable.
S'il dit: Je ne continue pas. Il vend sa terre, elle va aller au
développement. Le produit de sa vente va lui donner la
possibilité de s'en acheter une autre, dans un endroit, dans une zone
agricole, supposons. C'est pour cela qu'on a dit: On va laisser le choix, comme
cela. Si l'individu dont vous parlez dit: Je veux rester là et je veux
continuer à faire de l'agriculture là. Je n'y vois aucune
objection.
M. Roy: II n'y a pas de disposition qui le garantit, comme le
disait M. Couture, dans la loi, actuellement.
M. Garon: Non. Il faut dire que dans le cas des maraîchers
cela, je suis prêt à le mettre dans le cas des
maraîchers, cela ne posera pas autant de problèmes, sauf celui des
serres où il y a des affaires de roches, des affaires comme cela, ce
sont des petits problèmes d'ailleurs si vous regardez le film
"Québec à vendre" ils le disent, les gars qui ont des
serres.
Deuxièmement, c'est parce que ce n'est pas le même
problème pour tout le monde. Si le gars a des vaches, par exemple,
à un moment donné il est avec ses vaches en plein milieu de la
ville. Cela dérange peut-être un peu tout le monde et lui aussi.
Et si c'est une porcherie, la situation n'est pas la même. C'est pour
cela qu'on a dit: On va laisser le gars faire sa demande d'inclusion
lui-même.
C'est évident que dans le cas des légumes d'un
maraîcher qui poussent à côté des maisons, cela ne
dérange pas les maisons du tout.
M. Roy: II y a lieu, je pense de faire une distinction. Ce serait
assez facile de faire une distinction dans la loi: entre quelqu'un qui fait de
la culture comme les maraîchers font et quelqu'un qui fait de la
production animale. Il n'est pas nécessaire de faire de grands
articles...
M. Garon: Mais, on va tomber dans d'autres conséquences.
C'est pour cela qu'on a dit: Laissons l'individu faire sa demande. Parce que si
on essaie de trop réglementer cela, vous voyez, vous êtes pris au
jeu, vous essayez de réglementer aussi.
M. Roy: Voyez-vous, moi... Quand on dit: Laisser l'individu faire
la demande... M. le Président, c'est la raison pour laquelle je reviens
toujours à ce que j'ai dit au début, cela va être
extrêmement compliqué et les agriculteurs risquent d'avoir des
délais extrêmement longs. Je me rappellerai toujours les
réserves que nous avons eues au moment où nous avons
étudié et où nous avons voté la Loi de
l'environnement, ici à Québec, en 1971-1972. Il y a des gens qui
ont attendu 18 mois pour avoir un permis pour pouvoir agrandir leur
étable. Dix-huit mois de correspondance et si le député ne
s'en était pas mêlé, peut-être que certains
appelleront cela du patronage, cela je m'en contrefous comme de l'an quarante,
mais si le député n'était pas intervenu pour faire
hâter la décision, cela aurait pris 24 mois.
Alors, ce sont des situations dans lesquelles les gens se trouvent,
à un moment donné, lorsque tout se réfère toujours
à la commission gouvernementale, l'attitude, la discussion et la
négociation et tout cela... S'il y avait des garanties dans la loi, des
précisions dans la loi, comme ces gens-là le demandent, ici, ce
matin, ce serait beaucoup plus simple. Parce qu'à partir du moment
où l'agriculteur en ferait sa demande, par lettre recommandée, en
vertu d'une requête, c'est automatique dans la loi. Quitte à
reprendre la discussion par la suite dans la loi et faire en sorte
d'étudier le cas. Mais qu'il y ait quand même un point de
départ légal.
M. Garon: Oui, mais à l'Agriculture, là...
Le Président (M. Boucher): On a dépassé
l'heure et largement.
M. Roy: Non, mais ces gens-là sont ici et ils ont
présenté un mémoire, ici ce matin.
M. Garon: A l'Agriculture, on est habitué de traiter des
milliers de demandes. Dans les travaux mécanisés, ce sont quelque
20,000 demandes. Dans les entrepôts, dont parle monsieur, cette
année, cela a été 140 demandes; dans les silos à
grain, cela a été presque 2000 demandes; dans les silos
verticaux, cela a été autour de 800; dans les séchoirs
à foin, cela a été 2500. On est habitué à
traiter sur des milliers de demandes.
Et vous allez voir que les délais moi je me fie à
mes gars jusqu'à maintenant, les délais on les a
raccourcis terriblement. Quand vous parlez d'environnement, c'est autre chose,
mais il faut dire que ce n'est pas le ministère de l'Agriculture,
d'abord, et deuxièmement, c'est que la croissance de la production
porcine, depuis 1976, s'est accrue de 50%, au Québec. Vous allez dire:
"C'est du monde à la messe".
M. Roy: Non, il ne vont pas à la messe.
M. Garon: Non, ils ne vont pas à la messe. Mais, cela fait
du cochon. On est au-dessus de 3 000 000 de cochons au Québec.
M. Roy: Je veux laisser mon droit de parole à d'autres
personnes. Je veux également en profiter pour remercier nos
invités.
Le Président (M. Boucher): Nous avons largement
dépassé l'heure. Il est déjà midi moins quart. Nous
avons plusieurs mémoires à entendre aujourd'hui.
M. Garon: Mais, j'aimerais qu'on y pense. Je ne suis pas
rébarbatif à un droit quasi-automatique. On pourrait y penser. On
va regarder quelque chose d'un bord, et quand on va regarder cet
article-là, on a le problème qui est posé.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Laval.
M. Lavoie: M. le Président, je ne voudrais pas
être... Ah! M. Couture.
M. Couture (Alphonse): Je constate que le ministre est pas mal
d'accord avec les jardiniers maraîchers pour trouver la formule. Alors
j'espère que cela va se concrétiser parce que franchement, si on
élimine complètement la corporation municipale du portrait, cela
se fait automatiquement, à la demande d'un producteur. Ce n'est pas si
mal. Si on pouvait faire cela ainsi, je pense que les gens seraient satisfaits.
(11 h 45)
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Laval.
M. Lavoie: Est-ce que le ministre nous assure... Cette question a
été soulevée à plusieurs reprises, on a
parlé de la fameuse taxation des jardiniers qui ne sont pas inclus dans
la zone verte, c'est un gros problème.
M. Garon: Vous seriez d'accord?
M. Lavoie: Certainement. Ce sont de vrais jardiniers et ce serait
pénaliser ceux qui ont survécu au jardinage et à
l'agriculture. Si vous ne leur donnez pas une protection, vous allez les forcer
à arrêter de produire, ils ne pourront plus produire, ils vont
crever avec les taxes qui vont leur être imposées. Est-ce que le
ministre peut nous assurer que dans le projet de loi, il va y avoir des
modifications à cet effet?
M. Garon: Dans le sens de l'inclusion quasi automatique, je ne
suis pas rébarbatif. Allez-vous toujours être pour cela quand ces
gens seront partis?
M. Lavoie: Pardon? M. le ministre, cela fait trois ou quatre fois
que je soulève cette question et je vois que pour la première
fois, cela commence à entrer un peu, vous commencez à...
M. Gagnon: Cela a toujours été les mêmes
réponses.
M. Lavoie: M. le Président, je n'en ai pas pour tellement
longtemps, mais ne me bousculez pas. L'entente d'une heure, on a dit que
c'était une question de bon sens.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Laval, il y a des gens qui sont ici et nous avons 11 mémoires à
entendre; nous avons largement dépassé l'heure puisque cela fait
déjà une heure et demie...
M. Lavoie: M. le Président, vous n'avez aucun droit de
m'arrêter. On va être poli et on va s'entendre.
Le Président (M. Boucher): Je ne veux pas vous
arrêter, M. le député de Laval, mais je vous demande
d'être le plus bref possible dans vos questions.
M. Lavoie: Je ne sais pas pourquoi et je n'en ferai pas une
question de privilège, il n'y en a pas en commission. Mais je ne
comprends pas pourquoi, lorsque l'UPA de Laval s'est présentée
hier devant la commission, alors qu'elle était au bout de la liste, vous
en avez profité pour la faire devancer alors que j'étais retenu
à une autre commission pour le projet de loi de la ville de Laval.
J'aurais eu des questions intéressantes à poser à l'UPA de
Laval.
Le Président (M. Boucher): C'est une demande qui m'a
été faite...
M. Lavoie: C'est la raison pour laquelle je veux prendre quelques
minutes, ce matin, étant donné que j'ai été
privé de mon droit, hier. J'avais des questions. Est-ce que vous en avez
profité parce que vous saviez que j'étais à la commission
des affaires municipales?
M. Gagnon: Absolument pas.
Le Président (M. Boucher): Ils étaient sur la
liste, hier.
M. Clair: M. le député de Laval a été
retenu jusqu'à 2 heures ce matin. De toute façon, il
n'était pas question de profiter... Le Conseil de comté de
Joliette a eu, lui aussi, le privilège d'être entendu plus
tôt.
M. Lavoie: J'ai fini à 3 heures ce matin.
M. Clair: Ce n'est pas une question de profiter de
l'absence...
M. Lavoie: C'est pour cela que je veux demander une dizaine de
minutes, actuellement; vous avez toujours eu notre collaboration, nous sommes
rendus au quarantième organisme.
M. Garon: Je n'ai aucune... M. Clair: Consentement.
Le Président (M. Boucher): Nous devons ajourner à
midi, M. le député de Laval.
M. Lavoie: M. Couture, depuis combien d'années
êtes-vous au Marché central à Montréal?
M. Couture (Alphonse): C'est une bonne question. Depuis son
ouverture en 1960, mais j'étais là bien avant cela.
M. Lavoie: Vous étiez à place Jacques-Cartier
avant, j'imagine?
M. Couture (Alphonse): J'étais à place
Jacques-Cartier depuis 1947 ou 1948.
M. Lavoie: Vous vivez dans le milieu des maraîchers et des
jardiniers de la région de Montréal?
M. Couture (Alphonse): Je suis mêlé au milieu des
jardiniers depuis un bon nombre d'années et même, je suis un
résident de Sainte-Dorothée. Donc, je suis complètement
intégré.
M. Lavoie: Existe-t-il de l'appréhension, actuellement,
dans le milieu des jardiniers, des maraîchers, de la grande
région, non seulement de l'île Jésus, parce que cela couvre
les terres noires et toute la région métropolitaine de
Montréal, mais on pourrait dire une périphérie qui se rend
jusqu'à Joliette au moins? Est-ce qu'il y a certaines
appréhensions, actuellement, dans ce milieu devant le projet de loi 90
sur le zonage agricole?
M. Couture (Alphonse): Oui, mais il faut dire que très peu
ont eu l'occasion d'étudier la loi. On ne peut pas dire que la loi soit
tellement bien connue. J'ai participé à une réunion de
jardiniers
qui regroupait l'UPA et les jardiniers maraîchers; finalement, les
jardiniers maraîchers ont tenu une autre réunion deux jours plus
tard et c'est seulement à la deuxième journée que les gars
ont commencé à comprendre les implications du projet de loi. Il
reste une chose, c'est que les jardiniers de l'île Jésus sont
convaincus et très convaincus que c'est absolument impensable et
impossible que le gouvernement adopte une loi qui comporte tout
particulièrement les deux articles concernant le gars qui est dans la
zone blanche et qui est un peu considéré comme un
spéculateur, du moins au bout de trois, quatre ou cinq ans et d'autres
restrictions selon lesquelles le gars est dans une zone et on "le
dézone" au bout de dix ans; il aura donc des taxes à payer pour
dix ans d'arrérages. Ils ne l'admettent pas et ils sont convaincus que
le gouvernement ne fera pas cela. On espère aussi, avec eux, que cela ne
sera pas comme cela.
M. Lavoie: M. le ministre, c'est très important, lorsque
M. Couture nous dit il nous dit, en somme, je voudrais bien le
répéter le plus honnêtement possible qu'il existe,
que cette loi, malheureusement, est plus ou moins bien connue dans le milieu
des producteurs agricoles et des jardiniers maraîchers de la
région de Montréal, et que leur grande appréhension, c'est
l'article 106, la question de la taxation. Moi, je vous dis que... je pense
qu'il n'y a pas eu de normes régionales, dans votre projet de loi; vous
avez trop voulu uniformiser à l'échelle du Québec. Cela
fait longtemps qu'on vous le dit. Pour les grands producteurs agricoles qui
exploitent 200 ou 300 acres qui sont situés à 100 ou 125 milles
ou à 75 milles de Montréal, ce n'est pas le même
problème que pour ceux qui sont dans la périphérie de 25
milles dans le rayon de Montréal; ce sont deux paires de manches
complètement.
M. Garon: Mais on ne les pénalise pas parce qu'ils nous
disaient tantôt que cela pourrait aller jusqu'à $10 000 pour
être reconnu producteur agricole. Si on regarde, actuellement, pour
être considéré comme producteur agricole, c'est $1000; cela
ne pénalise personne sur l'île Jésus.
M. Lavoie: Ce n'est pas cela.
M. Garon: Bien, de quoi parlez-vous?
M. Giasson: C'est l'article 21a de la loi d'évaluation
modifiée par l'article 106.
M. Garon: Ah bien non; là, il faut...
M. Lavoie: II va falloir... parce que nous...
M. Garon: C'est un article essentiel qui... cela, c'est un
article essentiel; si on zone une... à part de ça, si on fait une
zone permanente. Le gars est dans une zone agricole et il est agriculteur; sa
terre est bonne pour l'agriculture; elle va rester dans la zone agricole.
L'article 106 ne jouera pas contre le gars.
M. Lavoie: D'accord, celui-là, mais avez-vous
constaté qu'ils sont dans le milieu; ils sont dans un milieu
quasi-urbain. Pensez-vous que c'est toujours agréable de jardiner et de
faire cultiver.
M. Garon: II y en a d'autres qui aiment cela. M. Lavoie:
Ils aiment cela, eux, bon.
M. Garon: Vous, vous n'aimeriez pas cela mais eux, ils aiment
cela.
M. Lavoie: Je les connais, M. Garon. Ma famille vient de
là depuis 200 ans. Je connais ce milieu pas mal plus que vous à
part cela.
Le Président (M. Boucher): A l'ordre s'il vous
plaît, M. le député de Laval!
M. Lavoie: Peut-être que la grande culture, vous la
connaissez, mais la question maraîchère dans la région de
Montréal; j'ai été élevé là. Je le
connais ce problème. Il y a des gens, il y a des problèmes de
relève, également, dans ce milieu. Des gens, même s'ils
sont dans la zone agricole et qu'ils ont 25 ou 30 arpents, qui ont toute la
misère du monde à cultiver parce qu'ils ont des
développements de 300 ou 400 maisons à leur porte et vous savez,
les terres sont traversées et tout; elles sont pillées souvent.
Les jeunes se trouvent d'autres occupations aussi. C'est plus facile dans la
région métropolitaine de Montréal, d'aller dans d'autres
occupations, d'aller chercher des salaires intéressants.
M. Gagnon: Oui, mais là, cela ne semble pas être le
problème.
M. Lavoie: S'ils restent dans la zone agricole et qu'il n'y a pas
de relève...
M. Garon: Et la relève...
M. Lavoie: ... qu'est-ce qu'ils vont faire avec leur terre qu'ils
ont conservée; ils ne pourront pas la... Si le développement est
à côté, le développement normal urbanisé, il
va y avoir des pressions de la municipalité éventuellement, vers
la commission, pour qu'ils soient exclus de la zone agricole. Là, ils
vont être obligés de payer dix ans en arrière, rembourser
70%. Vous les tuez sur un bord et il y en a d'autres, à moins qu'on
fasse des "poches" et du "spot zoning ", il y en a qui vont rester dans la zone
blanche. Même, une fois la zone définitive faite, ils vont
être dans la zone blanche; ils vont être taxés au bout de
trois ou quatre ans; ils vont mourir!
Une Voix: Ah, ah, ah!
M. Garon: Par ailleurs...
M. Gagnon: Arrêtez donc de charrier!
M. Lavoie: Savez-vous que cela... j'en connais... M. Gaqnon, M.
le député de Champlain,
écoutez: II y en a qui paient $100 ou $150 de taxes actuellement
et qui vont payer avec la même terre dans quatre ou cinq ans,
s'ils ne sont pas dans la zone agricole $25 000 de taxes par
année. Savez-vous que les terres dans notre bout sont
évaluées à $10 000 l'arpent au point de vue municipal? Je
ne rigole pas; je ne suis pas dans Champlain. Ce n'est pas évalué
à $30 l'acre, comme dans certaines régions.
M. Gagnon: Un instant, ne commencez pas à comparer les
régions; on a chacun nos problèmes. Le ministre a justement
réglé ce problème...
Le Président (M. Boucher): Je m'excuse de vous
interrompre, mais il y a des gens qui sont devant nous et vous êtes en
train de dialoguer entre les membres de la commission. Vous ferez cela article
par article, s'il vous plaît. Alors, posez les questions aux gens qui
sont devant nous.
M. Lavoie: Non, mais je voudrais sensibiliser le ministre que sa
loi n'est pas tellement...; elle n'est pas achetée et ce n'est pas parce
que les gens de l'UPA de Laval, qui sont venus hier, que je respecte et qui
veulent, comme nous préserver les terres agricoles, mais pas... Vous
avez dit aux municipalités, quand les représentants de la ville
de Laval sont venus, qu'il y a 40 000 arpents de zones comme zones
réservées, vous avez dit au maire de Laval...
M. Garon: 35 000 acres sur 60 000 acres de Laval.
M. Lavoie: Oui, j'ai dit 40 000 arpents, c'est à peu
près cela, sur 72 000 arpents, c'est 20% de différence.
M. Garon: Pas tant que cela.
M. Lavoie: C'est exactement cela, M. le minisre. Vous avez dit
aux gens de Laval vous tenez un langage à certains groupes et un
autre langage à d'autres groupes voyons! Cela va changer, cette
zone verte va rapetisser, ça n'a pas de bon sens.
M. Garon: Je n'ai pas dit cela.
M. Lavoie: Vous dites aux agriculteurs... Vous avez dit cela aux
gens de Laval, vous avez dit cela aux gens de Repentigny.
Le Président (M. Boucher): S'il vous plaît! S'il
vous plaît!
M. Garon: Ce que j'ai dit aux gens de Repentigny, au
contraire...
Le Président (M. Boucher): Je m'excuse...
M. Garon: ... vous êtes entourés de bonnes terres
agricoles...
Le Président (M. Boucher): C'est un dialogue.
M. Garon: Oui.
M. Gagnon: II y a une chose que je voudrais vous faire remarquer,
M. le Président, c'est que j'ai demandé la parole et j'ai
accepté, pour donner la chance à d'autres de venir
comparaître ici... Vous l'avez donnée au député de
Laval qui charrie comme ce n'est pas possible. Il essaie de faire dire des
choses qui n'ont pas été dites. Si quelqu'un a changé de
couleur suivant les intervenants ici, c'est bien le député de
Laval et les autres députés de l'Opposition.
M. Lavoie: Je termine. Je voudrais vraiment que le ministre se
penche sur ce problème de l'article 106. Le député de
Champlain dira que je charrie, mais dans la région de Montréal,
au point de vue de la taxation, je dis que c'est suicidaire pour ceux qui vont
rester dans la zone définitive s'ils ne peuvent pas disposer de leurs
terres de leur vivant ou autrement. Si vous gardez cette pénalité
de dix ans, il vous faudra amoindrir cette pénalité
peut-être à deux ou trois ans. Prévoir que ceux qui
resteront seront exclus de la zone. Vous avez beau dire qu'ils le demandent ou
qu'ils le désirent, ce n'est pas l'agriculteur qui décide, c'est
la commission qui va décider. Il y aura des pressions de la
municipalité ou d'autres qui pourront soit les exclure ou les faire
entrer et des deux côtés il y a de grands préjudices. Je
vous assure que d'un côté ou de l'autre, il y a de grands
préjudices.
M. Garon: C'est vrai qu'il va y avoir de grandes pressions, comme
vous dites, et c'est pour cela qu'il faut une commission qui va être
impartiale. Mettre des politiciens là-dedans, vous savez ce que cela va
donner? Les gars vont dire: II faut que je me fasse élire et cela va
faire le diable à quatre, les pressions là-dedans. Il faut sortir
cela de la politique.
M. Lavoie: Par contre, si vous donnez cela uniquement à
l'UPA, par exemple, ou aux gens...
M. Garon: Pas à l'UPA, à une commission.
M. Lavoie: Oui à une commission, mais il paraît que
vous êtes très près de l'UPA, vous faites partie de... Et
je n'ai rien contre cela... Mais est-ce qu'elle n'est pas en conflit
d'intérêts...
M. Garon: Tout le monde...
M. Lavoie:... dans les régions métropolitaines de
Montréal, lorsqu'elle veut entrer dans des marchés conjoints sur
toutes les productions? Les jardiniers maraîchers ne sont peut-être
pas d'accord avec cela.
Le Président (M. Boucher): Est-ce que vous leur posez la
question, M. le député de Laval?
M. Lavoie: Oui. Je vous pose la question, M. Couture. Est-ce que
les jardiniers maraîchers de la région de Montréal sont
d'accord avec les marchés conjoints sur toutes les productions?
M. Couture: J'ai l'impression qu'en fait, si on peut faire une
comparaison, on parle beaucoup de souveraineté-association, et les
jardiniers maraîchers seraient également pour la
souveraineté, l'indépendance et peut-être ensuite
l'association avec l'UPA. Lorsque cette loi a été adoptée,
dans le mémoire que l'association avait soumis, on avait
suggéré certains amendements pour permettre aux jardiniers de
conserver leur souveraineté. Malheureusement ils l'ont perdue en grande
partie dans ce projet de loi. Officiellement, tout le monde est membre de
l'UPA, chacun paie sa cotisation. Leur association est demeurée bien
vivante.
M. Garon: Vous parlez de la loi 64? M. Couture: Oui, la
loi 64.
M. Garon: Adoptée dans le temps des libéraux.
M. Couture: Je ne me rappelle plus au juste si c'est dans le
temps des libéraux ou de l'Union Nationale. De toute façon, quel
que soit le gouvernement, j'ai l'impression... On a créé une
vraie fédération, une confédération et les
jardiniers ont opté pour conserver leur indépendance, quitte
ensuite à faire une association. Mais ils auraient voulu avoir leur
association indépendante.
M. Lavoie: Une dernière question, M. le Président,
on nous a dit je n'étais pas là hier
Le Président (M. Boucher): II est l'heure de
l'ajournement, M. le député de Laval.
M. Lavoie: On m'a rapporté que les représentants de
l'UPA de la section de Laval auraient dit à la commission que la
très grande majorité de leurs membres vos membres sont
membres de l'UPA nécessairement; je crois; ... oui, je crois, pour avoir
leur rabais de taxes et tout, cela prend...
M. Garon: Non. (12 heures)
M. Couture (Alphonse): Non. Cela prend la carte du
ministère de l'Agriculture. Malheureusement, cela a été
tellement bien colporté dans l'île Jésus que même le
député de Laval est convaincu que cela prend une carte de
l'UPA.
M. Lavoie: Mais est-ce que la majorité de vos membres sont
membres de l'UPA en même temps?
M. Couture (Alphonse): La majorité des membres de
l'Association des jardiniers maraîchers doivent payer leur cotisation
à l'UPA en vertu de la loi. Ils continuent à maintenir leur
association qu'ils considèrent réellement comme l'organisme
professionnel qui les représente.
M. Lavoie: Je suis d'accord, mais ils ont deux "memberships".
M. Couture (Alphonse): Oui, un peu comme le Québec, la
Confédération, le Canada, tout le bazar.
M. Chevrette: M. le député de Laval, hier,
cependant, face à la question que vous posiez sur les comités
conjoints, il faut admettre que le groupe de Laval a répondu à
peu près la même chose que répondent ces messieurs, en ce
sens qu'ils ont dit qu'ils étaient capables, à cause de la
proximité des lieux, à cause de la proximité des
marchés, qu'ils assumaient eux-mêmes leur mise en marché et
qu'ils ne favorisaient pas, pour le moment, les plans conjoints. Il faut
être honnête avec les groupes.
M. Lavoie: C'est le pouls que j'avais pris d'ailleurs. On a
rapporté hier que les gens de l'UPA auraient dit que la grande
majorité de leurs membres étaient favorables à la loi,
telle que rédigée actuellement.
M. Couture (Alphonse): Je ne voudrais pas agir comme
interprète des gens qui ont présenté un mémoire
hier. En autant que l'Association des jardiniers maraîchers est
concernée, les jardiniers sont en faveur du principe de la loi. Ils sont
en faveur du zonage agricole. En fait, ils l'auraient souhaité il y a 20
ou 25 ans et ils ont même participé à des réunions
il y a dix ou quinze ans où ils disaient déjà qu'ils
étaient en faveur du zonage agricole.
Il y a certains articles qu'on a mentionnés dans notre
mémoire et sur lesquels on a attiré l'attention du gouvernement
parce qu'on ne voudrait pas créer deux classes de jardiniers: les
jardiniers qui seront dans la zone verte et les jardiniers qui seront dans
l'autre zone. Tout le monde sera sur le même pied
d'égalité. Justement parce qu'on fonctionne dans une
économie de libre marché, il est important que les règles
du jeu soient identiques pour tout le monde.
Il reste qu'on peut certainement dire que les jardiniers
maraîchers sont peut-être ceux qui sont le plus heureux de voir
arriver cette loi à condition qu'ils ne soient pas
pénalisés à la suite d'un jeu de procédures,
question de zonage, dézonage, ces choses-là. Mais
définitivement, ils sont d'accord avec le zonage. Cela aura des suites
heureuses pour les jardiniers maraîchers.
M. Garon: Je vous remercie de nous avoir présenté
votre mémoire. Vous pouvez être certain qu'on va en tenir
compte.
M. Couture (Alphonse): Merci.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. Couture. Nous sommes
à l'heure de l'ajournement. La commission ajourne ses travaux sine
die.
Fin de la séance à 12 h 4
Reprise de la séance à 15 h 55
Le Président (M. Clair): A l'ordre, messieurs! M.
Giasson: Tiens, un nouveau président.
Le Président (M. Clair): La commission permanente de
l'agriculture est réunie pour procéder à l'audition des
mémoires relatifs au projet de loi no 90, Loi sur la protection du
territoire agricole.
Les membres de la commission sont les suivants. Vous voudrez bien me
prévenir au fur et à mesure, s'il y a des remplacements.
Les membres sont donc les suivants: M. Baril (Arthabaska), M.
Beauséjour (Iberville), M. Dubois (Huntingdon), M. Gagnon (Champlain),
M. Garon (Lévis), M. Giasson (Montmagny-L'Islet), M. Lévesque
(Kamouraska-Témiscouata), M. Rancourt (Saint-François), M. Roy
(Beauce-Sud) et M. Vaillancourt (Orford).
Les intervenants sont les suivants: M. Brassard (Lac Saint-Jean)
remplacé par M. Marcoux (Rimouski); M. Charbonneau (Verchères),
M. Chevrette (Joliette-Montcalm), M. Cordeau (Saint-Hyacinthe), M.
Larivière (Pontiac-Témiscamingue) remplacé par M. Lavoie
(Laval); M. Mercier (Berthier), M. Ouellette (Beauce-Nord), M. Picotte
(Maskinongé) et M. Samson (Rouyn-Noranda).
Comme les membres de cette commission l'ont sans doute remarqué,
le député de Rivière-du-Loup, qui a été
assigné à la présidence des travaux de cette commission
est absent pour quelques heures. C'est moi qui le remplace en l'occurrence.
Selon les indications qu'il m'a données, premièrement, vous en
êtes, dans vos travaux, à entendre les représentants du
Marché central métropolitain.
M. Garon: Oui.
Le Président (M. Clair): Et il y avait une entente assez
souple qui était intervenue, à l'effet d'accorder environ une
heure, en plus ou en moins, à chacun des groupes. Je tâcherai
d'interpréter cette entente au fur et à mesure, si besoin
est.
J'invite immédiatement les représentants du Marché
central métropolitain...
M. Garon: On ne l'a jamais interprété strictement.
Quelquefois, cela dure une demi-heure, d'autres fois trois heures.
Le Président (M. Clair): On jugera au fur et à
mesure si besoin est.
Au nom des membres de la commission, je souhaite la bienvenue aux
représentants du Marché central métropolitain et j'invite
immédiatement M. Alphonse Couture, le directeur général
qui, je crois, est le principal porte-parole du groupe à s'identifier et
à nous présenter les gens qui l'accompagnent. M. Couture.
Marché central métropolitain
M. Couture (Alphonse): J'ai, à ma droite, M. Raymond
Guinois qui est le président de la compagnie Marché central ainsi
que M. Pierre Hubert qui est un des administrateurs de la compagnie, de
même que M. Robert Vais qui est un autre administrateur de la compagnie.
Quant à moi, j'en suis le directeur général.
M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de la
commission, la compagnie du Marché central métropolitain
limitée a été incorporée en vertu de la
première partie de la Loi des compagnies du Québec le 13 novembre
1948.
Elle compte actuellement 685 actionnaires dont la grande majorité
sont des jardiniers maraîchers de la région de Montréal.
Elle est propriétaire et administre le marché central, centre de
distribution en gros de produits agricoles, qui a ouvert ses portes en 1960.
Pour ceux qui l'ignorent peut-être, le marché central couvre une
superficie d'environ 102 acres. Il est situé à l'intersection du
boulevard Crémazie et du boulevard L'Acadie, à
Montréal.
Ce marché groupe sur son territoire la Coopérative
fédérée de Québec, qui y a son siège social
ainsi que des entrepôts importants; les Pêcheurs unis de
Québec, qui y a son siège social et deux entrepôts; de
nombreux grossistes et courtiers en fruits et légumes; deux
épiceries en gros; trois vendeurs de contenants; les services
ferroviaires, les deux chemins de fer: CN et CP; le service des douanes; le
service d'inspection de fruits et légumes, provincial et
fédéral; le service de restauration et le service bancaire. Et,
au centre de son territoire, un marché des cultivateurs d'une
capacité de 450 places.
La section des cultivateurs du marché central,
réservée exclusivement à la vente des fruits et
légumes du Québec, est fréquentée par plus de 1500
jardiniers et pomiculteurs qui y ont vendu environ 100 000 tonnes de fruits et
légumes en 1978 et plus de 1 100 000 boîtes de plants de
fleurs.
La fréquentation du marché, par les cultivateurs, qui
était de 21 324 assistances quotidiennes en 1960, l'année
d'ouverture, va dépasser les 51 000 assistances quotidiennes en 1978,
soit un record inégalé.
Les investissements en immobilisation de la compagnie sont de $7 573
000, y inclus les subventions reçues, au début, du gouvernement
de la province de Québec, au montant de $1 896 000. (16 heures)
L'évaluation foncière excessive depuis le début est
actuellement de $13 897 200 et ne tient pas compte des restrictions
imposées quant aux activités permises qui sont définies
par le chapitre 190 des lois du Québec de 1958-1959. La compagnie a
payé $864 000 de taxe foncière pour l'exercice 1978/79. Cela
représente plus de 60%, 70% à peu près de son revenu
brut.
Par un amendement au règlement de zonage, la ville de
Montréal adoptait, à la séance du 31 juillet 1978, le
zonage du territoire du marché qui est maintenant conforme à sa
vocation spécifique. Nous espérons toujours que le gouvernement
va finalement intervenir pour nous aider à régler de façon
définitive ce problème d'évaluation, ce qui
nous permettra de relancer l'expansion du marché central qui est
paralysé depuis 1965 par le fardeau excessif des taxes
foncières.
Il n'y a eu aucune construction de bâtisses, depuis 1965, parce
qu'effectivement le taux de la taxation, si on le reporte sur nos
immobilisations, représente environ 9% ou 10% plus
l'intérêt de l'amortissement de la dette; cela fait un loyer
prohibitif. Effectivement, tous les locataires ont été
pénalisés à la suite de cette surévaluation.
Cette entreprise est essentielle à la mise en marché des
fruits et légumes du Québec et est absolument indispensable aux
petits et moyens jardiniers. Il y a suffisamment d'espace disponible au
marché pour recevoir et accommoder les autres secteurs agricoles qui
auraient avantage à y établir des entrepôts et à y
centraliser leurs activités de mise en marché. C'est possible
à condition que les taxes soient normales.
La compagnie a toujours été pour le zonage agricole et
félicite le gouvernement de son initiative. La culture horticole dans
l'île Jésus et autres zones urbaines va connaître un essor
considérable à la suite de cette loi qui va protéger tous
les jardiniers si le gouvernement tient compte des recommandations faites par
l'Association des jardiniers maraîchers de la région de
Montréal.
M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de la
commission, nous vous remercions de nous avoir entendus.
Le Président (M. Clair): Le ministre de l'Agriculture.
M. Garon: Je vous remercie infiniment, M. Couture, d'être
venu faire une représentation au niveau du marché central. Je
vais laisser mes...
Le Président (M. Clair): Le député de
Montmagny-L'Islet.
M. Giasson: Merci, M. le Président. Merci, M. Couture, et
les gens que vous représentez pour la préparation de ce
mémoire qui fait part aux députés membres de la commission
parlementaire des difficultés que vous rencontrez surtout
vis-à-vis du problème découlant de l'évaluation qui
vous est faite par la ville de Montréal. C'est cela?
M. Couture (Alphonse): Exactement.
M. Giasson: Quand vous dites: Nous espérons toujours que
le gouvernement va finalement intervenir pour nous aider à régler
de façon définitive ce problème d'évaluation, ce
qui nous permettra de relancer l'expansion du marché, etc., est-ce que
vous croyez que cette aide que devrait vous donner le gouvernement doit venir
à l'intérieur de la loi 90 sur la protection du sol arable ou
est-ce que ce ne serait pas plutôt par l'intermédiaire du
ministère des Affaires municipales? Autrement dit, est-ce que vous
croyez que le territoire de 102 acres que vous possédez dans l'île
de Montréal devrait être reconnu aux fins de la loi 90 sur la
protection et en même temps de l'agriculture?
M. Couture (Alphonse): II est évident que si le
gouvernement acceptait de reconnaître le territoire comme faisant partie
d'une zone verte, je pense que tous les jardiniers en seraient très
heureux. Cela contribuerait également à donner un essor à
l'ensemble du secteur agricole et de l'agro-alimentaire. C'est certainement un
moyen. Cela peut se faire peut-être par l'intermédiaire d'autres
lois, mais il est évident que c'est peut-être une loi qui nous
permettrait de régler ce problème.
M. Giasson: Je crois qu'il serait intéressant de
connaître l'attitude de notre ministre de l'Agriculture qui se fait le
champion de l'agro-alimentaire au Québec afin qu'il nous indique quelles
seraient ses capacités ou son pouvoir de trouver une solution aux
problèmes que vous rencontrez à l'intérieur de la loi 90
en décrétant zone agricole soit le territoire que vous
possédez ou tout au moins une partie de ce territoire, compte tenu des
installations sur le terrain.
Le Président (M. Clair): M. le député de
Montmagny-L'Islet, j'ignore l'attitude adoptée par le
député de Rivière-du-Loup à la présidence de
cette commission, sauf que je n'ai pas personnellement l'intention de permettre
qu'un débat s'engage entre des membres de l'Opposition et le ministre
sur des sujets qui ne sont pas directement reliés à la protection
du territoire agricole. Le mandat de la commission, à ce moment-ci,
c'est d'entendre des groupes. Au moment de l'étude article par article,
si le député voit l'occasion de relier sa question à un
article, en particulier, il aura l'occasion de le faire au niveau de
l'étude article par article du projet de loi. M. le
député.
M. Giasson: M. le Président, l'attitude de votre
prédécesseur, le député de Rivière-du-Loup,
a été une attitude de franche collaboration à l'endroit de
tous les membres de la commission, comme à l'endroit des intervenants.
S'il faut relier cela à une des dispositions, je demande au ministre si,
par le biais de l'article 106 qui a pour effet de modifier l'article 21 de la
Loi de l'évaluation foncière, il se croit en mesure d'apporter
une solution au problème d'évaluation que connaît le
Marché central métropolitain, si cela vous va, M. le
Président.
Le Président (M. Clair): M. le député de
Montmagny-L'Islet, je m'appuierai sur l'opinion des membres de cette
commission, mais je peux vous assurer que cela ne me va pas du tout, puisqu'il
me semble que le mandat de la commission, à ce moment, c'est d'entendre
les groupes et non d'avoir des discussions entre les différents partis
représentés à cette commission. Maintenant, si le ministre
veut y répondre, je suis ici pour environ une heure. Je n'ai pas
l'intention d'être un fauteur de troubles, sauf qu'il m'apparaît
que c'est absolument en dehors du sujet.
M. Giasson: C'est totalement à l'intérieur du
sujet. Vous me permettrez de différer d'avis avec vous, M. le
Président...
Le Président (M. Clair): Vous avez le droit.
M. Giasson: ... même si je respecte la présidence.
J'aimerais entendre le ministre.
M. Gagnon: Cela va prendre une motion... Une Voix: Une
motion dilatoire.
M. Giasson: On n'aura pas le temps de formuler de motions
dilatoires aujourd'hui.
M. Garon: En réalité, par le règlement de
zonage de la ville de Montréal adopté au mois de juillet, au
fond, je pense que cela règle votre problème actuellement, sauf
que... Pardon?
M. Couture (Alphonse): Sauf qu'effectivement, M. le ministre,
depuis longtemps, on voulait que le zonage soit spécifique à
l'usage qu'il est permis d'en faire en vertu de la loi. Maintenant, il reste
que les évaluateurs vont être en face d'un zonage assez
spécial.
Nos experts en évaluation, comme nos conseillers légaux,
nous ont signalé qu'évidemment, c'est quelque chose, c'est un pas
dans la bonne direction. Si on doit suivre le cours normal des
procédures, aller au Bureau de révision, évidemment, si
à ce moment, la décision n'est pas favorable pour des raisons
qu'on ignore, soit parce qu'on a mal plaidé notre cause ou je ne sais
quoi, il faut aller en Cour d'appel, il faut éventuellement aller en
Cour suprême. Cela peut prendre cinq ou six ans. Durant ce temps, le
marché est paralysé, les jardiniers maraîchers...
Actuellement, vous zonez le territoire agricole d'une partie de l'île
Jésus dans les zones urbaines. Le complément essentiel pour les
jardiniers maraîchers, surtout ceux qui sont à proximité de
la ville, est qu'ils ont absolument besoin de leur marché. Pour que leur
marché soit efficace, il faut que ce soit un véritable centre de
distribution en gros de produits agricoles.
Il est évident aussi qu'il y a certains organismes aujourd'hui
qui sont installés hors-marché, même ceux qui
découlent de plans conjoints. Il y aurait certainement avantage pour eux
d'être installés au marché. A ce moment, ils
réaliseraient des économies formidables au niveau de la
distribution, parce que les clients s'amènent au marché. Dans le
moment, ils s'approvisionnent surtout en fruits, en légumes, et en
épicerie, en gros. S'il y avait d'autres secteurs, c'est évident
qu'ils pourraient s'y approvisionner. A ce moment, c'est dans
l'intérêt de tout le monde comme dans l'intérêt des
consommateurs.
Maintenant, on a déjà dans la Loi de l'évaluation
foncière les clubs de golf qui jouissent d'un certain privilège.
Peut-être qu'il y aurait une possibilité, parce qu'on y touche
à la Loi de l'évaluation foncière dans le bill 90, de
fixer... pour que le marché soit considéré comme zone
agricole. A ce moment, on tombe à 150. On n'en demande pas tant.
Même si on avait une évaluation de $300 000 ou $400 000 pour le
terrain, tout le monde serait heureux. Actuellement, le fonds de terre est
évalué à $4 200 000. Dans le cas d'un marché
agricole, tous les experts américains comme européens admettent
que l'utilisation maximum du sol, c'est 20% de la surface en bâtisse, un
très petit pourcentage. Les bâtisses, toutes des bâtisses
d'un étage, les entrepôts et ces choses, c'est un étage, un
point, c'est tout.
Alors, il est évident que si l'évaluateur continue
à vouloir donner aux terrains une valeur comparative aux terrains
adjacents, on n'en sort pas. Ils ont été évalués
à $4 200 000 et la seule chose qui peut arriver, c'est que cela peut
monter encore, à moins qu'on tienne réellement compte du
règlement de zonage qui a été adopté.
Maintenant, étant donné qu'on est en face d'un zonage
spécial c'est une formule qui est actuellement dans les
règlements de zonage de la ville quels sont les
évaluateurs qui savent ce qu'est un marché de gros de produits
agricoles? Il y en a un à Montréal, il y en a un de moindre
importance à Toronto. Pour en trouver d'importance comparable, il faut
aller aux Etats-Unis ou en Europe, et même là, souvent, le
marché a une section agricole, mais qui est bien petite et qui a
très peu d'importance comparativement au marché de
Montréal parce qu'on a l'avantage, dans la région de
Montréal, d'avoir 1500 jardiniers dans un rayon d'à peu
près 50 milles.
M. Garon: Ce que je vais faire, on a déjà
parlé ensemble, M. Couture. Là, il y a un pas de fait et je ne
pense pas que la loi 90 soit la façon de le faire. Je pense que cela
devrait être par le ministère des Affaires municipales et la ville
de Montréal. De toute façon, je vais en parler au ministre des
Affaires municipales. Je dois aussi rencontrer M. Drapeau prochainement
concernant les Floralies, parce que le gouvernement du Québec a obtenu
au mois de mars 1978 que les Floralies internationales viennent au
Québec en 1980 et, à travers les candidatures, nous avons choisi
la ville de Montréal comme site des Floralies de 1980; il doit y avoir,
avant longtemps, la signature d'un protocole d'entente entre Montréal et
le gouvernement du Québec. Je saisirai l'occasion pour dire un mot
à M. Drapeau pour qu'on trouve une solution si possible permanente pour
le Marché central et regarder aussi, possiblement, le Marché
central dans une perspective d'avenir, comment anticiper son
développement, ce qu'on veut en faire, regarder toute la question.
Je pense qu'il y a un pas de franchi avec la ville de Montréal,
qui lui reconnaît une vocation spécifique de marché
agricole. Maintenant, il faudrait, comme vous le dites, aller plus loin et dire
ce que signifie "connaître sa vocation agricole". Je ne pense pas que ce
soit l'endroit, dans la Loi sur la protection du territoire agricole, pour
inclure des... Tout à l'heure, on parlait de toutes sortes d'enclaves.
Je pense que cela serait mieux de les prévoir dans la loi
d'évaluation foncière.
M. Couture (Alphonse): Si vous me le permettez, M. le ministre,
il y aurait peut-être un autre
moyen. Il y a déjà une loi qui est justement
mentionnée dans le règlement de zonage de la ville, au chapitre
190 de la loi 58, je crois.
M. Garon: Oui.
M. Couture (Alphonse): Nécessairement, si le gouvernement
est d'accord avec les partis de l'Opposition et que tous les
députés sont d'accord, le marché pourrait peut-être
présenter un amendement à cette loi spéciale, c'est une
alternative. Je pense que ce qui est extrêmement important, c'est de le
rayer et de le rayer une fois pour toutes. Cela fait depuis 1965 qu'on
rencontre les autorités gouvernementales; tout le monde est en faveur
mais on cherche depuis 1965 le moyen de le rayer et il n'y a personne qui
réussit à trouver le tour de rayer ce damné
problème. Il faudrait à un moment donné que cela accouche,
parce...
M. Garon: On en arrive là.
M. Couture (Alphonse):... qu'on a quatre ans de révision
de taxes en arrière et on n'a pas encore été entendus au
bureau de révision, c'est-à-dire que, de temps en temps, il nous
invite; on demande un délai, parce qu'on voudrait bien que cela se
règle autrement que par ce moyen. Autrement, on s'embarque encore dans
une dépense de $50 000, $60 000 ou $75 000 pour une nouvelle
contestation sans savoir si, éventuellement, cela aura une solution
favorable. On a déjà dépensé à peu
près $150 000; on a gagné un montant peut-être un peu plus
élevé au bureau de révision, mais le problème n'est
pas réglé, et il faudrait le régler. Je regarde M.
Couture, mon homonyme de l'UPA, qui dit: On est en faveur du zonage agricole,
à condition qu'il y ait une relance de l'agriculture. Je pense que, pour
les jardiniers maraîchers, la relance: "Un coup de pouce au Marché
central", cela presse.
M. Garon: D'accord.
Le Président (M. Clair): Le député de
Montmagny-L'Islet avait-il terminé ses questions?
M. Giasson: J'y reviendrai, M. le Président.
Le Président (M. Clair): M. le député de
Huntingdon.
M. Dubois: Merci, M. le Président. J'appuie les paroles du
député de Montmagny-L'Islet, parce que je pense que si, d'une
part, on veut retenir comme aire réservée pour l'agriculture le
secteur de Laval et de la périphérie de Montréal, d'autre
part, on devrait considérer le Marché central comme vital pour
les jardiniers maraîchers. Je pense que la seule manière d'avoir
une expansion en production maraîchère est d'assurer la survie du
Marché central et je sais, que sa survie est très en danger. J'ai
vécu une expérience l'an passé où des grossistes
sont allés construire à l'extérieur parce que les taxes
étaient plus élevées sur le Marché central pour les
grossistes en fruits et légumes qu'elles ne l'étaient dans le
territoire adjacent du Marché central. (16 h 15)
Alors, c'est une situation intolérable et d'ailleurs, je pense
que je l'ai soulevée en commission parlementaire l'an dernier, au moment
de l'étude des crédits et depuis ce temps cela n'a pas
bougé et je pense qu'il serait temps que cela bouge et je
suggérerais qu'on peigne ce secteur en vert. Amendez la carte et peignez
en vert. On verra la réaction de la ville de Montréal
après.
M. Garon: Ce que je ne comprends pas, vous êtes pour
l'autonomie municipale; d'un coup sec, vous voulez d'autorité qu'on
fasse, des zones de marché central, des zones vertes? Je trouve que
c'est un peu incohérent.
M. Dubois: C'est peut-être poussé, mais il va
falloir faire quelque chose et d'autres marchés ont le même
problème...
Le Président (M. Boucher): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Garon: Vous remarquerez que mon attitude est constante. Je dis
qu'on va discuter avec la ville de Montréal; comme dans la loi 90, on
est en commission, on va discuter avec les municipalités.
M. Giasson: ... parti pour dire une si belle chose.
Le Président (M. Boucher): A l'ordre!
M. Giasson: Vous étiez sur le point de dire une si belle
chose. Comme la commission, par 90, va discuter avec la ville de
Montréal.
M. Garon: ... avec les municipalités. Alors, on va
discuter avec les municipalités pour trouver une solution à la
question le plus rapidement possible. M. Couture, je me rappelle vous avoir
rencontré à ce sujet à quelques reprises, mais on va
essayer de trouver quelque chose, une solution à ce problème.
M. Dubois: Mais vous savez, M. le ministre, que la ville de
Montréal ne veut même pas discuter de ce problème. Alors,
il va falloir arriver à imposer quelque chose si on veut que les
jardiniers maraîchers survivent.
M. Gagnon: Ah! Cela change.
Le Président (M. Boucher): A l'ordre, s'il vous
plaît! Nous devrions profiter de l'occasion de la visite des gens du
Marché métropolitain pour leur poser des questions...
M. Dubois: Ce sont ces gens qu'on protège et qu'on veut
protéger.
Le Président (M. Boucher): Je veux simplement
éviter que le député de Champlain et d'autres entament une
conversation avec vous.
M. Dubois: J'ai une autre question à poser à M.
Couture. Je voudrais connaître la situation financière du
Marché central présentement. Etes-vous en difficulté
financière?
M. Couture (Alphonse): Non.
M. Dubois: Non. Etes-vous obligé de...
M. Couture (Alphonse): Des organismes en déficit, les
jardiniers n'aiment pas cela. Le Marché central est viable. On rencontre
nos obligations. Le personnel est restreint; il est extrêmement
limité. Il n'y a pas de syndicat. Les gars travaillent. En
définitive, on se demande toujours à tous les ans si on va
pouvoir faire face à la prochaine augmentation de taxes, mais on ne peut
pas dire que le Marché central... Il fait ses frais, mais effectivement,
les locataires paient plus cher que n'importe où ailleurs.
Vous avez des grossistes en fruits et légumes qui sont
installés de l'autre côté de la rue et ils ont un loyer qui
est à peu près le quart des grossistes qui sont installés
au Marché central et c'est de même pour tous les locataires. Ces
gars sont victimes d'une injustice depuis qu'ils sont installés au
marché depuis 1960 alors que, normalement, à
Toronto comme la plupart des marchés, non seulement ils
bénéficient d'avantages au point de vue taxation, mais en plus de
cela, on crée une zone de protection.
A Montréal, il n'y a pas de zone de protection. Actuellement, on
doit avoir au moins six ou sept grossistes dans un rayon d'à peu
près un quart de mille. Ces gens font leurs affaires au marché.
Ils vendent au marché. Cela ne leur coûte pas un sacré
cent. Ils n'ont qu'à envoyer leurs gens le matin, durant la
période de vente, ils brassent leurs affaires, ils viennent chercher
leurs clients, mais on n'a pas de zone de protection. Qu'est-ce que vous voulez
qu'on fasse.
Dans le temps, cela n'a pas été facile parce qu'à
ce moment, la ville était contre le marché quand on l'a construit
les autorités du temps. Cela a été imposé
par la Législature du temps. Actuellement, le marché existe. Le
marché a certainement joué un rôle très important
dans l'essor que la culture maraîchère a connu dans les
années soixante.
On dit que le nombre d'agriculteurs a diminué depuis 1960. Le
nombre de jardiniers n'a pas diminué. Il s'est multiplié. Si les
jardiniers maraîchers aujourd'hui sont capables de vivre sur dix, quinze,
vingt arpents de terre, qu'ils font bien vivre leurs familles et qu'ils
réussissent même à acheter des terres à leurs gars,
c'est parce qu'ils ont l'avantage de fréquenter un marché et
c'est un marché libre. Les gars ne travaillent pas en arrière
d'un plan conjoint avec des prix garantis. Ils prennent les risques du
marché, mais c'est normal qu'en prenant les risques du marché,
une année de temps en temps, ils en profitent. Ils rencontrent des bons
prix. Ils font de bonnes années de temps en temps, sur une moyenne de
cinq ans, à tel point que vous avez pu le constater hier que les gens
sont assez satisfaits de fonctionner dans un régime d'entreprise libre
et ils ont à faire face à la concurrence de l'Ontario, des
Etats-Unis, une concurrence extrêmement serrée, très
difficile, parce qu'au point de vue climat, on est un peu
défavorisé. Ils ne perdent pas de terrain. Ils en gagnent du
terrain parce qu'il y a 20 ans, on n'exportait pas et actuellement, on exporte
du céleri, des carottes, toutes sortes de choses.
Il est évident que pour être dynamique, pour être
effectif, il faut justement un peu fonctionner dans un système
d'entreprise libre parce qu'autrement, si on était pris avec des quotas,
si on avait mis des quotas dans le céleri il y a dix ans, c'est bien
dommage mais notre production serait restée ce qu'elle était
à ce moment-là. On a rien contre les plans conjoints et les
producteurs qui veulent s'en servir dans certains secteurs agricoles,
peut-être la meilleure formule dans le secteur horticole; étant
donné les variations de rendement avec la même superficie, vous
pouvez avoir des surplus épouvantables, une autre année vous
pouvez avoir pratiquement une disette. A cause de la température, les
rendements varient énormément.
Je pense que dans le secteur maraîcher, c'est assez difficile de
vouloir passer à côté de l'entreprise libre. Nos jardiniers
sont des gens qui ont une bonne connaissance du marché, qui se tiennent
au courant de la situation dans les autres provinces, dans les pays
étrangers et ils se défendent assez bien. Ils réussissent.
Mais pour cela, il faut leur donner des instruments et l'instrument par
excellence pour eux, c'est le marché. Comme je le mentionnais dans le
rapport, l'an passé, il y a au moins 100 000 tonnes de légumes
qui sont passés par là. Vous avez des fleurs qui s'y vendent. De
ce temps-ci, même là, de plus en plus, vous avez des gens qui
viennent, ils vendent du bois pour les foyers. Cela commence. Il y a les sapins
au temps des Fêtes. Durant l'été, vous avez des gens qui
viennent vendre des fleurs toutes les fins de semaine, des fleurs en pots, des
fleurs coupées. Je pense que le marché joue réellement son
rôle. Il y aurait certainement un besoin d'amélioration. Pour le
faire, il faut régler le problème.
C'est un autre point aussi. A un moment donné, les jardiniers se
posent la question: Est-ce que le ministère de l'Agriculture est pour ou
contre le marché? Il y a des échos qui arrivent de temps en
temps. On se pose des questions. Il faudrait bien régler cela aussi une
fois pour toutes en même temps qu'on va régler son problème
d'évaluation.
M. Garon: Est-ce qu'il y a moyen, M. Couture, qu'on se rencontre
à la fin de janvier ou au début de février? Disons
à la fin de janvier. On va communiquer ensemble. On va essayer de... On
a été pris pas mal depuis le début de l'automne avec cette
loi et les mesures qui s'y rattachent. On pourra communiquer ensemble, se
rencontrer et travailler là-dessus pour régler cela au plus
sacrant.
M. Couture (Alphonse): Est-ce qu'on va le régler cette
fois-là?
M. Garon: On va essayer.
M. Couture (Alphonse): Parce qu'on s'est rencontré
plusieurs fois.
M. Garon: Oui, mais vous comprenez que dans les deux
premières années... On a communiqué. Ce n'est pas un
dossier qui était fermé. Il y a de la correspondance, mais
à travers la multitude de problèmes, beaucoup de choses ont
été faites. En 1979, disons qu'on s'occupe du marché
central.
M. Couture (Alphonse): Alors, on tient pour acquis qu'au mois de
janvier au plus tard, il y a une rencontre et on...
M. Garon: Mais vous savez, si on ne procède pas par la loi
90... La loi 90 va être adoptée, cela s'amende des lois. Alors,
s'il n'y a pas d'autre solution, on pourra faire une plaque verte avec la loi
90.
M. Couture (Alphonse): Si le gouvernement est d'accord, si les
membres du Parlement sont d'accord, il y a la possibilité d'apporter un
amendement, par un projet de loi privé, à la loi de
1958-1959.
M. Garon: C'est toujours mieux, dans une première phase,
dans les premières phases, qu'on essaie de rencontrer les institutions
et de discuter pour essayer de régler cela harmonieusement plutôt
qu'arriver et bang! Jusqu'à maintenant, dans mes relations avec M.
Drapeau, il y a toujours eu une bonne collaboration dans les dossiers qu'on a
eu à régler ensemble.
M. Couture (Alphonse): Vous réglez cela comment? A
l'intérieur de la charte de Montréal ou... Cela va prendre
combien de temps?
M. Garon: Cela peut être plus rapide qu'on ne le pense.
Parce qu'il semble que l'Opposition serait d'accord. Alors, elle dit cela des
fois, c'est toujours en principe, mais...
M. Dubois: Ne charriez pas, M. le ministre.
Le Président (M. Clair): Est-ce que le
député de Huntingdon avait terminé ses questions?
M. Dubois: De toute façon, je veux seulement indiquer que
je vais talonner le ministre afin que ce problème soit
réglé dans les plus brefs délais et je ne lâcherai
pas. J'ai déjà commencé et je vais aller plus rapidement.
Je vais indiquer au ministre que je pense que s'il veut que la production
maraîchère vive, c'est la seule façon et il va falloir y
penser très tôt. Je pense que ce marché pourrait être
développé du double des activités qu'il a
présentement. Je vous remercie, messieurs.
Le Président (M. Clair): Merci, M. le
député. M. le député de Montmagny-L'Islet avait
d'autres questions.
M. Giasson: Oui. M. Couture, vous avez 102 acres de terrain au
marché central. L'évaluation pour le fond de terre
oublions tous les bâtiments qu'il y a dessus, vous donnez une description
de tout cela, le fond de terrain lui-même est évalué
à combien l'acre?
M. Couture (Alphonse): $4 200 000 en tout. Alors, si on divise,
cela fait...
M. Giasson: $40 000 l'acre.
M. Couture (Alphonse): A peu près, oui.
M. Giasson: $40 000 l'acre.
M. Couture (Alphonse): A peu près.
M. Giasson: C'est incroyable.
M. Couture (Alphonse): Vous savez, il y a différentes
formules d'évaluation. Il y a la méthode comparative, il y a la
valeur économique. Si on employait la valeur économique en
fait, nous, on dit que c'est la seule méthode de l'évaluer, ce
sacré marché on arrive invariablement à une valeur
résiduaire de terrain, parce qu'à ce moment-là on fait un
résiduaire terrain. On trouve la valeur globale de l'entreprise, on
soustrait la valeur des bâtisses et on dit: Ce qui reste, ça
s'applique au terrain. La valeur résiduaire terrain, ça donne
à peu près une valeur constante, au cours des années, de
$300 000 ou $400 000 pour le terrain, ce qui est à peu près le
prix qu'on a payé, à peu près $300 000.
Maintenant, ça s'explique facilement, parce que l'espace qui est
occupé par les chemins de fer, l'espace de chargement et de
déchargement, la section des cultivateurs où il n'y a pas de
bâtisses du tout, les rues la ville nous a imposé des
artères, ce ne sont pas des rues, ce sont des boulevards
nécessairement, tout ça est évalué. Même nos
rues sont évaluées. Les rues sont privées à
l'intérieur de ça; tout est évalué. Cela donne une
valeur à peu près constante de terrain de $300 000 ou $400
000.
A cette valeur qui pourrait être fixée dans la loi, quitte
à être révisée, par exemple, à tous les cinq
ou dix ans, il n'y a pas de problème, le marché central pourrait
lancer le développement de son entreprise, continuer de progresser,
d'ailleurs, comme on l'a fait de 1960 à 1965. Cela a été
très rapide. On a commencé et, à tous les ans, on avait
deux ou trois bâtisses qui s'additionnaient. En fait, la ville aurait
fait plus d'argent en taxes si on avait été bien
évalué au point de départ, parce qu'actuellement, ce
serait probablement tout bâti, tandis que là, plus de 60% des
revenus bruts s'en vont en taxes foncières. Cela coûte plus cher
aux locataires; le montant des taxes qu'ils ont à payer au
marché, c'est souvent supérieur au montant du loyer qu'ils
payent, le loyer véritable.
M. Giasson: Quelle est la superficie du terrain qui n'est pas
construite?
M. Couture (Alphonse): A peu près 1 million de pieds.
M. Giasson: Là, vous n'avez plus de demandes par des
locataires éventuels qui veulent s'installer chez vous?
M. Couture (Alphonse): Dans le moment, non seulement on n'a plus
de demandes pour des locataires éventuels, mais le marché est
tellement bien reconnu comme étant un site où le coût est
exorbitant que, même lorsqu'on a des bâtisses actuellement,
on a une bâtisse à louer, ça ne fait pas tellement
longtemps à louer, les gens disent: Ecoutez, le loyer, c'est
rien, mais ce sont les taxes. Elles sont tellement fortes que les gens ont peur
de venir s'installer au marché parce qu'ils ont peur de se faire pincer
et c'est malaisé de les blâmer.
M. Giasson: J'ai bien l'impression que ça va vous prendre
le poids d'un ministre lourd pour être capable de trouver une solution au
problème dans lequel vous vous débattez depuis longtemps. Je
pense qu'en la personne du ministre de l'Agriculture on aurait ce poids lourd,
s'il veut appuyer de tout son poids les revendications que vous formulez.
M. Couture (Alphonse): On a fait beaucoup de suggestions par le
passé à différents gouvernements et, invariablement, cela
ne s'est jamais concrétisé. Le problème n'a pas
été réglé; ça ne date pas d'hier, ça
date de 1965.
M. Giasson: Est-ce que vous avez plus d'espoir en la loi 90 que
dans d'autres modes d'intervention, soit au niveau des Affaires municipales,
soit au niveau de la ville de Montréal?
M. Couture (Alphonse): Je pense qu'au niveau des Affaires
municipales, comme au niveau de la ville de Montréal, ça va
être difficile. A mon point de vue, il y a deux choix, le bill 90 ou un
bill privé qui serait présenté avec l'assentiment du
gouvernement, nécessairement, qui serait un amendement à la loi
actuelle qui définit ce qu'on peut faire au marché central.
M. Giasson: Merci, monsieur.
M. Couture (Alphonse): Ces deux formules.
Le Président (M. Clair): Le député de
Saint-Hyacinthe.
M. Cordeau: Tantôt, vous avez parlé de taxation.
Vous avez dit, si j'ai bien compris, que ce sont surtout les taxes qui
empêchent le développement du marché central. Mais est-ce
que les gens ne paient pas le même taux de taxes lorsqu'ils vont se
construire en face ou de l'autre côté de la rue?
M. Couture (Alphonse): Cela fait une différence assez
importante, parce que, lorsqu'ils s'installent de l'autre côté de
la rue, ils sont en bordure d'une rue publique. Alors, vous savez
j'imagine, peut-être, que dans votre région, c'est un peu comme
à Montréal, que pour la plupart des entrepôts qui sont
construits en bordure d'une rue publique, le propriétaire ou ses clients
utilisent la rue pour le mouvement des camions, pour le stationnement et,
effectivement, l'espace de terrain vacant autour de l'entrepôt est
généralement restreint. (16 h 30)
Maintenant, autour du marché central, il y a un autre facteur qui
intervient, c'est qu'il y a eu de vieux entrepôts qui étaient
utilisés par d'autres entreprises, c'est-à-dire des
entrepôts assez confortables, assez modernes qui ont été
libérés et ils ont pu les louer à des taux très
raisonnables. D'ailleurs, l'évaluation de ces bâtisses,
comparée à celle du marché, était faible parce que
le marché est considéré par les évaluateurs comme
un beau secteur. Alors, on y goûte.
Le marché, en fait, c'est un peu une petite ville; il faut faire
l'entretien de rues, il faut faire du déneigement l'hiver, il faut
mettre du sable, il faut éclairer. On a plusieurs obligations qu'un type
n'a pas à rencontrer lorsqu'il est situé en bordure d'une rue.
Justement parce que le territoire est occupé au maximum à 20%,
cela implique que, si le terrain est évalué cher, cela augmente
forcément le coût des taxes pour chacun des locataires qui est au
marché, parce que, en définitive, les taxes sont
distribuées en fonction des immobilisations que le marché a
faites pour chaque locataire ou que le locataire lui-même a faites
à l'intérieur de sa bâtisse.
M. Cordeau: Lorsque vous parlez de taxes, c'est surtout des frais
d'administration que vous devez exiger automatiquement pour pouvoir administrer
votre budget et pour l'équilibrer.
M. Couture (Alphonse): Voici, la formule c'est qu'il y a un loyer
de base qui tient compte des frais d'amortissement de la dette lorsqu'on
bâtit, de l'amortissement du coût de la construction sur une
période d'une quarantaine d'années. Lorsqu'on a signé des
baux, on savait, par expérience, qu'il y a d'autres marchés qui
sont morts à cause de la taxation foncière ailleurs. D'ailleurs,
question d'équité, il y a une clause qui dit qu'effectivement le
compte de taxes foncières sera partagé entre les locataires et le
propriétaire en fonction des immobilisations qui sont faites par le
marché, pour lui même ou pour ses locataires. Autrement dit, le
compte de taxes est partagé sur une base coopérative en fonction
des immobilisations de chacun. Quant aux frais d'administration comme tels,
c'est toujours le marché qui les a absorbés depuis le
début, sans qu'il y ait majoration de loyer, mais c'est le compte de
taxes qui a fait cela. Sur une période de quatre ou cinq ans cela a
monté. Ce n'est pas d'hier que le terrain est évalué
à $4 200 000; cela fait déjà six ou sept ans.
Le Président (M. Clair): M. le député de
Champlain.
M. Gagnon: Merci, M. le Président. Quand on regarde ce
problème que vous avez au marché métropolitain et qu'on
analyse un peu les statistiques que vous nous donnez, c'est tout de même
un marché qui est de plus en plus fréquenté. Vous
êtes passés de 21 000 à environ 51 000 acheteurs par
semaine. Est-ce qu'il existe à Montréal, dans les politiques
municipales, une aide quelconque au consommateur, parce que finalement vous
rendez un service au consommateur qui vient s'approvisionner directement du
producteur? Y a-t-il d'autres avenues, M. le ministre, qui pourraient
être regardées, en collaboration avec la ville, pour une question
d'aide au consommateur?
M. Garon: II n'y a pas de plan provisoire déposé
pour l'île de Montréal, c'est-à-dire qu'il n'y a pas eu de
terres retenues sur l'île de Montréal. En vertu des articles 35,
36, 37, après la formation de la commission, Montréal va avoir un
avis comme les autres et elle va avoir une période de six mois.
Théoriquement, en vertu des articles de la loi, il serait possible, au
cours des prochains mois, de dire: On fait un plan provisoire et le
marché central est zoné agricole.
Mais, avant de faire cela, je pense qu'on peut...
M. Couture (Alphonse): M. le Président, si vous me le
permettez, pour répondre au député de Champlain, la ville
de Montréal ne semble pas avoir tellement modifié son opinion
concernant les marchés, parce qu'actuellement il reste le marché
Jean-Talon. Ils ont essayé de le fermer à plusieurs reprises,
mais cela a été un tollé général, c'est un
marché de détail. Il a été question, avant les
élections municipales, d'ouvrir le marché Maisonneuve; il y a eu
des pressions assez fortes exercées par des groupes de consommateurs
pour faire ouvrir ce marché. La réponse de l'hôtel de ville
a été négative.
Au marché central, nécessairement, c'est différent
parce que c'est un marché de gros malgré qu'avec des
activités de gros vous avez, surtout en fin de semaine, au cours des
mois d'été, un marché de détail qui est
peut-être aujourd'hui le marché de détail le plus important
de la province; il s'y passe passablement de choses. Cela est
toléré. C'est d'ailleurs marqué dans la loi, les
activités de détail au marché central sont
considérées comme accessoires; elles sont permises par la loi. De
là à dire que... Si on va trouver les autorités de la
ville pour leur demander des faveurs, je n'ai pas l'impression qu'il y ait
quelque chose à faire de ce côté-là.
M. Gagnon: Vous dites que depuis une quinzaine d'années
vous tentez de trouver une solution, vous vous adressez à tous les
paliers de gouvernement pour tenter de trouver une solution; la ville a-t-elle
été rencontrée? A-t-on proposé à la ville un
plan de travail quelconque de façon à réduire...
M. Couture (Alphonse): On a fait des démarches
auprès du gouvernement et auprès de la ville. Finalement,
l'été dernier, on a fini par obtenir que la ville accepte de
zoner le terrain comme marché de gros de produits agricoles
conformément à la loi qui régit le marché. C'est
déjà un pas dans la bonne direction, mais je pense que c'est le
plus loin qu'on peut leur demander d'aller.
Le Président (M. Clair): Le député de
Champlain a-t-il d'autres questions à poser à nos invités?
Le député de Montmagny-L'Islet.
M. Giasson: M. Couture, n'auriez-vous pas l'impression qu'en
vertu de deux articles qu'on retrouve dans notre loi, les articles 36 et 37, il
y aurait possibilité d'apporter une modification au plan provisoire qui
a été déposé en date du 9 novembre? Ces deux
articles peuvent permettre au ministre, bien avant que soit définie la
zone agricole permanente, de modifier les plans provisoires qui ont
été déposés en date du 9 novembre.
M. Couture (Alphonse): Je ne sais pas, je ne suis pas le ministre
de l'Agriculture. Je pense que la Législature est souveraine
jusqu'à un certain point, elle peut se permettre de faire beaucoup de
choses, mais de là à dire que... Je ne voudrais pas me substituer
au ministre de l'Agriculture. Je réglerais le problème du
marché, je pense que cela ne prendrait pas 24 heures.
M. Cordeau: Vous pouvez...
Le Président (M. Clair): Messieurs, au nom des membres de
la commission, je vous remercie de la présentation de votre
mémoire. Maintenant, j'inviterais M. Albert Rioux, qui a demandé
à être entendu à titre personnel.
M. Couture (Alphonse): Je vous remercie de nous avoir
écoutés; on compte sur une prochaine rencontre au mois de
janvier, M. le ministre.
M. Garon: Merci.
M. Albert Rioux
Le Président (M. Clair): Merci. J'invite maintenant M.
Albert Rioux.
M. Rioux, au nom des membres de cette commission, je vous souhaite la
bienvenue et je vous invite immédiatement à procéder
à la présentation de vos commentaires ou de votre
mémoire.
M. Rioux: M. le Président, je m'aperçois que mon
mémoire est adressé au ministre de l'Agriculture. Excusez-moi de
cette dérogation aux règlements parlementaires, c'est
peut-être parce que cela m'inspire plus de m'adresser directement au
ministre.
Je vous félicite, M. le ministre, de présenter cette loi
depuis longtemps réclamée. C'est un geste politique courageux,
parce que vous ne pourrez pas satisfaire tout le monde. Aucun autre
gouvernement n'a osé affronter le lobby des
spéculateurs et les intérêts de quelques
cultivateurs anticipant leur retraite. Je ne m'atterderai pas à prouver
que la perte accélérée de nos meilleures terres arables
menace l'avenir de notre agriculture. Je n'ai qu'à me
référer à l'excellent document de travail
préparé par votre ministère et au discours
étoffé que vous avez prononcé en présentant cette
loi.
Vous savez que l'incitation seule ne peut arrêter la perte
accélérée de notre sol arable. La loi que vous proposez
prévoit la création d'une commission de protection du territoire
agricole du Québec ayant le pouvoir de prendre les mesures radicales qui
s'imposent. Vous admettez, M. le ministre, que cette loi devrait
protéger tous les sols arables du Québec, comme le suggère
le mémoire de l'UPA. Alléguant que vos études ne sont pas
prêtes pour le reste du territoire, vous avez dû limiter cette
protection aux régions les plus fertiles et les plus menacées, la
plaine du Saint-Laurent et l'Outaouais.
Cependant, il se fait aussi de l'agriculture dans l'Estrie, la Beauce,
le Saguenay-Lac-Saint-Jean, l'Abitibi, le Témiscamingue, le
Bas-Saint-Laurent et la Gaspésie. Les mémoires de l'UPA et de
l'Ordre des agronomes de ces régions font entendre le même cri
d'alarme. Les agronomes de Chicoutimi, par exemple, écrivent: "Le
développement anarchique dont la région est victime." L'Alcan a
récemment acheté 1000 acres de terre arable pour construire une
nouvelle aluminerie.
Des chalets d'été, des résidences ont envahi des
rangs entiers de fermes prospères. Des hommes d'affaires, des
professionnels achètent de bonnes terres sur lesquelles ils
bâtissent une maison, en laissant le reste en friche. On estime que 10
000 acres sur un total de 300 000 sont perdues pour l'agriculture depuis
quelques années.
Je pourrais faire le tour des régions laissées de
côté par la loi pour prouver que ce gaspillage de nos meilleures
terres s'accélère partout. Les spéculateurs,
frustrés dans le territoire protégé, vont se lancer
à l'assaut des sols qui ne bénéficient pas de la
même protection.
C'est pourquoi nous croyons, avec l'UPA et l'Ordre des agronomes, qu'il
est urgent d'étendre la loi de protection des sols à tout le
territoire agricole du Québec. M. Marcel Léger demande aux six
millions de Québécois d'être ses inspecteurs pour
l'application de la loi de l'environnement. Pourquoi n'enrôleriez-vous
pas toutes les régions dans cette croisade pour la protection de leur
propre sol? Aucune loi d'aménagement, d'environnement, de protection des
sols n'atteindra ses objectifs si vous n'intéressez pas la population et
surtout l'élite de chaque région.
La montagne a enfanté d'une souris dans le Bas-Saint-Laurent,
parce que les deux gouvernements, fédéral et provincial, se sont
bagarrés sur la place publique, sans mettre la population locale dans le
coup. C'est pourquoi la centaine de millions de dollars dépensés
a produit de piètres résultats.
Une étude qui a coûté $5 millions concluait à
la nécessité de concentrer les usines laitières, une
mesure que préconisaient, depuis quelques années, l'UPA et
l'Ordre des agronomes de la région.
Des technocrates de Québec décidèrent un jour de
fermer une vingtaine de paroisses qui auraient été viables avec
une politique appropriée. Les mouvements dignité 1 et
dignité 2 arrêtèrent cette destruction. Les dirigeants
locaux prirent leurs affaires en main. Plusieurs paroisses condamnées
à mort sont devenues plus prospères que jamais.
Votre gouvernement, M. le ministre, a proclamé qu'il veut donner
aux différentes régions la possibilité de promouvoir leur
propre développement économique et social. Il a
déménagé la gestion des pêcheries à
Gaspé. Le ministre préposé à l'aménagement
du territoire présentera bientôt un projet de loi pour
décentraliser l'administration. Grâce à une loi que vous
venez de faire approuver, les cultivateurs pourront emprunter des banques et
des caisses populaires, dans toutes les régions.
Vous avez une occasion en or d'appliquer ce principe primordial de la
régionalisation. Vous avez à votre disposition douze organismes
régionaux prêts à servir de cadres pour l'application de
votre loi de protection des sols. Le Québec est trois fois plus
étendu que la France. Il compte plusieurs régions,
différentes par leur sol, leur climat, leur distance des marchés
et d'autres conditions économiques. Chacune d'elles exige une politique
agricole appropriée pour donner son plein rendement.
A cette fin, le ministère de l'Agriculture a divisé le
Québec en douze régions agronomiques dirigées par autant
de coordonnateurs. Chaque région, composée de quatre à dix
comtés, possède un petit ministère de l'Agriculture,
comptant de 35 à 65 agronomes ou techniciens agricoles, dont une
vingtaine sont affectés au bureau régional et les autres, au
bureau de comté. (16 h 45)
Les bureaux régionaux ont leurs chefs-lieux à Rimouski,
Sainte-Foy, Saint-Joseph-de-Beauce, Nicolet, Rock Forest, Saint-Hyacinthe,
Châteauguay, Buckingham, Noranda, L'Assomption, Cap-de-la-Madeleine et
Aima. Ils sont situés au centre de régions homogènes, mais
différentes les unes des autres. On ne peut pas appliquer les
mêmes politiques agricoles dans la région métropolitaine
à proximité d'un grand marché et comptant 180 jours sans
gelée que dans l'Abitibi avec 90 jours sans gel et à 500 milles
des grands marchés.
M. le ministre, vous avez souvent proclamé avec éloquence
la nécessité de régionaliser l'agriculture pour que chaque
région donne son plein rendement et contribue, selon ses
possibilités agricoles, à l'autosuffisance alimentaire du
Québec, il semble que le ministère n'exige pas assez de ses
bureaux agricoles régionaux, dont l'efficacité dépend de
trois conditions.
La première est qu'ils aient assez de pouvoirs
décisionnels non seulement pour orienter les cultures et élevages
déjà pratiqués, mais aussi pour découvrir et mettre
en marche de nouvelles
productions végétales et animales qui seraient rentables
dans certains comtés, comme l'élevage du mouton ou du boeuf, la
culture des céréales, quelques-unes des 35 denrées que
nous importons et que nous pourrions produire.
La deuxième condition est qu'ils travaillent en étroite
collaboration avec les autres organismes du milieu.
La troisième condition, et comme corollaire indispensable, est
qu'ils aient leur mot à dire dans la protection des sols de leur
région.
Vous avez, M. le ministre, l'occasion idéale de réaliser
ces trois conditions, d'accentuer la régionalisation de l'agriculture et
d'appliquer d'une façon plus démocratique votre loi de protection
des sols. Il suffirait de former, dans chacune des douze régions
agronomiques, un comité composé de représentants de l'UPA,
de délégués municipaux désignés par les
conseils de comté et d'agronomes du bureau régional.
Vous alléguez, M. le ministre, que votre ministère n'a pas
eu le temps de préparer les cartes nécessaires pour les
régions laissées de côté par la loi, mais ces cartes
existent. Hier après-midi, je lisais dans la Presse que le
président de la région du Saguenay déplorait que votre loi
ne s'applique pas à la région de
Chicoutimi-Lac-Saint-Jean-Saguenay. Il dit: Nous avons les cartes
nécessaires pour mettre cette loi en application. Nous les avons et nous
les connaissons. J'en sais quelque chose, c'est moi qui ai signé le
premier accord avec Ottawa pour la classification des sols
arrêtez, c'est en 1938 il y a quarante ans. Il y a quarante ans
qu'on a fait cette classification. Elle est prête pour toute la
région. Voici, par exemple, une carte comme illustration. C'est la carte
des sols de la municipalité de Saint-Fabien, dans Rimouski. C'est en
dehors de la zone. Vous voyez ici les bleus, ce sont les sols de plus mauvaise
qualité, no 6. A mesure que cela devient moins bleu, les sols
s'améliorent. Le jaune, ce sont les...
M. Cordeau: C'est vert, cela.
M. Picotte: C'est vert bleu.
M. Cordeau: C'est vert, d'accord.
M. Picotte: Cela pourrait être "vers demain".
M. Rioux: Excusez-moi, c'est vert, mais cela devient bleu ici.
Mais quand cela devient bleu, cela s'améliore.
M. Cordeau: II me semblait bien.
M. Rioux: Ici, c'est jaune. Ce sont les meilleures terres, les
jaunes. Vous voyez, à la mesure d'une municipalité, la
variété de terres qu'il y a. Saint-Fabien, le village, est
bâti dans les meilleures terres. Il n'est pas besoin de le déloger
de là, mais il y a des leçons à prendre pour l'avenir, par
exemple. Ces cartes existent. Des équipes de géologues, agronomes
et ingénieurs forestiers ont fait la classification des sols dans tout
le Québec, d'après leur texture, leur composition physique,
chimique et biologique, leurs possibilités agricoles, en tenant compte
de la demande et de la distance des marchés. Elles ont tracé des
cartes de sols que possèdent les bureaux agronomiques régionaux
et que peuvent consulter les dirigeants de l'UPA et des municipalités.
Ces dirigeants ont, d'ailleurs, une connaissance pratique de la valeur agricole
des terres de leur région.
Comment fonctionnera le comité régional? Toutes les ventes
de sols à des non-résidents ou pour des fins non agricoles,
toutes les transactions mentionnées dans le projet de loi 90 que nous
avons là seront d'abord soumises, sous peine de nullité, à
ces organismes qui prendront des décisions selon des barèmes
déterminés par cette loi, notamment, par les articles 26 à
32, 70 et le reste. Seules les décisions du comité
contestées par une des parties seront soumises à la Commission de
protection des sols.
Quels sont les problèmes que le comité aura à
régler? Evidemment, cette loi n'arrêtera pas le progrès du
Québec. On continuera à construire des routes, des installations
électriques, des usines, des centres commerciaux, des résidences
et le reste. Il s'agira, pour le comité régional d'empêcher
ces développements d'envahir nos meilleures terres. La plupart de ses
décisions seront dictées par le bon sens autant que par la
technique, il est clair qu'il ne permettra pas d'établir un terrain de
golf sur un sol de première classe. Il se basera, d'ailleurs, sur les
directives de la commission provinciale qui ne tardera pas à
établir une jurisprudence basée sur ses propres décisions.
Les parties sauront qu'il ne servira à rien d'en appeler à la
commission quand un comité régional ne fera qu'appliquer les
articles de la loi.
Vous prenez, par exemple, la carte que je vous ai montrée.
Supposons qu'une scierie veuille s'établir à Saint-Fabien, elle
s'adresse au comité. Si la scierie veut s'établir dans la partie
jaune, le comité dit: Non, c'est de la terre arable de première
qualité. Alors, il y a assez de parties vertes pour établir une
scierie dans Saint-Fabien sans gâter une partie de la meilleure terre de
la paroisse. C'est un principe général que les comités
régionaux devront établir. Je vous dis que cela dépendra
surtout du bons sens. On ne fera pas un terrain de golf sur la meilleure terre.
Je pense qu'il faut faire confiance aux gens de chaque région. J'ai dit
que cela s'appuierait sur le bon sens, mais le bon sens, c'est une
denrée, M. le ministre, qui est autosuffisante dans nos régions
rurales, pour employer une de vos expressions favorites.
Je crois qu'il faut en profiter pour leur donner un peu
d'initiative.
Le Président (M. Boucher): Je m'excuse, M. Rioux, s'il
vous plaît, compte tenu de l'heure, est-ce que vous voulez vous en tenir
à votre texte?
M. Rioux: J'ai été impliqué dans une loi
comportant deux paliers décisionnels: la Loi du concordat,
adoptée par le gouvernement fédéral en 1934 pour
régler les dettes des cultivateurs
pendant la crise. Chaque commission provinciale était
présidée par un juge et comptait deux autres membres
représentant les créanciers et les débiteurs. Les
cultivateurs endettés soumettaient leur cause à un
séquestre nommé dans chacun des quelque 60 comtés ruraux
de la province. Seuls les cas qui n'avaient pas été
réglés par un séquestre, soit environ 50%, allaient devant
la commission provinciale. S'il n'y avait pas eu un séquestre
prévu dans cette loi, un séquestre par comté, la
commission provinciale aurait été enterrée, nous n'aurions
jamais pu en sortir. Les gens allaient devant le séquestre et les
séquestres habiles réglaient 60% des cas. Il y avait seulement
les cas qui n'étaient pas réglés devant le
séquestre qui venaient devant nous autres. Quand cela arrivait devant
nous autres, il y avait déjà un déblayage de fait. On
savait pourquoi l'entente n'avait pas été conclue. On savait ce
qui avait bloqué. Là, on avait déjà un
déblayage de fait. Je vous prédis que si vous laissez seulement
une commission provinciale, vous allez avoir une avalanche de cas, un
embouteillage. Je suis convaincu que les comités régionaux de
protection des sols régleront au moins 50% des cas qui leur seront
soumis.
L'administration de la loi coûtera-t-elle plus cher? Je suis
convaincu du contraire. Les membres des comités régionaux
recevront un cachet lorsqu'ils siégeront seulement. La commission
provinciale exigera beaucoup moins de personnel et déboursera moins de
frais de voyage. Ces comités pourront rendre d'autres services.
L'exercice de leurs fonctions mettra les membres au courant des fermes à
vendre pour constituer la banque des sols prévue par la loi no 100.
Pourquoi ces comités ne seraient-ils pas les agents du ministère
de l'Agriculture pour étudier et régler les problèmes
d'environnement dans la région?
Pourquoi multiplier les organismes, un organisme pour l'environnement,
un organisme pour la banque des sols, donc, pour régler les
problèmes de l'environnement? Ces comités savent certainement
d'où viennent les vents dominants dont on a tant parlé.
Cette régionalisation de la protection des sols devrait recevoir
l'approbation de l'UPA, qui est aussi structurée régionalement en
trois paliers: le cercle paroissial, la fédération
diocésaine et la centrale. L'OCC ou l'UPA doit au clergé ses
premiers succès dans les cadres de la paroisse et du diocèse.
Plus tard, elle a divisé quelques diocèses pour s'identifier
davantage à chaque région du Québec.
Dans son mémoire. l'UPA insiste sur la nécessité
d'un organisme par région agricole qui aurait des pouvoirs
décisionnels et qui soumettrait à la commission provinciale les
causes contestées par une des parties. C'est précisément
dans le cadre des douzes régions agronomiques que le ministère de
l'Agriculture peut immédiatement protéger tout le territoire du
Québec selon la principale exigence de l'UPA.
Je me suis basé sur le mémoire de l'UPA
présenté au ministre avant la passation de la loi. Je ne lis que
le résumé. 4. Que la loi de zonage s'applique dès le
départ à l'ensemble du territoire québécois. C'est
cela que l'UPA demandait. Ensuite:
Que soit créé un organisme par région agricole
regroupant sous la coordination des représentants des producteurs
agricoles les parties intéressées par la loi du zonage. Cet
organisme aura pour tâche de délimiter, sur une base permanente,
le territoire agricole à partir de la carte de zonage temporaire. Si un
tel organisme arrive à une entente, il soumettra pour approbation ses
recommandations à la régie. Si les participants n'arrivent pas
à s'entendre, les points de vue divergents seront soumis à la
régie, qui tranchera la question.
Donc, la région sera un arbitre comme notre commission
provinciale de concordat agricole l'était.
M. le ministre, vous avez un choix difficile à faire, centraliser
la protection des sols dans une grosse machine ou partager cette
responsabilité avec des organismes régionaux. Le gouvernement
s'est trouvé devant le même dilemme pour l'élec-trification
rurale. Cette loi fut une réussite incontestable, parce qu'elle a mis
les intéressés dans le coup. Il y a une analogie quasi
complète entre les deux situations.
J'avais préconisé dans une thèse de doctorat
l'étatisation de la production électrique et
l'élec-trification des campagnes par des coopératives
régionales. Quand je lui ai parlé de ce projet, M. Duplessis me
répondit qu'il n'avait pas de sens. Lorsque le premier ministre Godbout
présenta sa loi étatisant la Montréal Light, Heat and
Power, je lui exposai le succès phénoménal des
coopératives d'électricité aux Etats-Unis et dans d'autres
pays. Il me promit d'ajouter un chapitre comportant la création de
coopératives pour distribuer l'électricité dans les
régions rurales. Quelques semaines plus tard, un haut fonctionnaire
m'avisait que le Cabinet provincial renonçait à ce projet parce
que le lobby des compagnies s'y opposait. Je rencontrai le chef de l'Opposition
Duplessis, qui changea d'avis à son tour et fit présenter une
motion demandant au gouvernement d'électrifier les campagnes par les
coopératives. Sa motion fut battue, mais, devenu premier ministre, il
fit adopter sa loi d'électrification rurale. Ce fut un succès
prodigieux. Les coopératives et les compagnies, stimulées par
leur exemple, construisirent 23 000 milles de lignes, soit le tour du monde
à notre latitude pour desservir 180,000 familles, faisant passer le
pourcentage des fermes électrifiées de 20% à 97%, hissant
le Québec à la tête de toutes les provinces. (17
heures)
Cette réussite fut loin d'être onéreuse. Les
déboursés de l'Etat pour l'office et les coopératives ne
dépassèrent pas $20 millions, comparés à $120
millions que l'Ontario a consacrés en subvention aux
municipalités pour électrifier les campagnes. C'est parce qu'ils
étaient vitalement inté-
ressés que les membres et administrateurs des coopératives
travaillèrent bénévolement d'arrache-pied pour recueillir
les parts sociales, obtenir les droits de passage et assurer le succès
de leur réseau électrique.
J'ai préparé cette Loi de l'électrification rurale
avec les légistes Emery Beaulieu et Edouard Asselin. Nous l'avons
divisée en deux chapitres, le premier concernant l'Office de
l'électrification rurale, le second, les coopératives
d'électricité. Je suggère d'appliquer la même
formule à la loi de la protection des sols. La première partie
est déjà rédigée. C'est le projet de loi no 90
créant la commission provinciale. La seconde, beaucoup plus courte,
définira la composition, le rôle et les pouvoirs des
comités régionaux formés dans le cadre des régions
agronomiques du ministère de l'Agriculture.
M. le ministre, vous vous donnez corps et âme à vos
fonctions. Vous avez déjà d'excellentes mesures à votre
crédit. Vous voulez faire adopter la loi de la protection des sols
arables la plus parfaite possible. C'est sans doute aussi le désir des
députés de l'Opposition. Aucun parti ne ferait de la petite
politique quand il s'agit de défendre le sol de la patrie contre des
envahisseurs autochtones ou non résidents.
Permettez-moi de vous suggérer de former un comité
composé de membres de cette commission parlementaire et de juristes pour
tracer les grandes lignes du chapitre sur les organismes régionaux de
protection des sols arables. Cette addition ferait tomber la plupart des
objections soulevées contre l'actuel projet de loi. Elle
remédiera à la centralisation et à l'autoritarisme qu'on
lui reproche. Elle empêchera, par un premier triage à la base, les
embouteillages à la commission provinciale. Elle remportera
l'adhésion spontanée, la collaboration active de l'élite
et de la population de chaque région. Elle vous permettra
d'intégrer la protection des sols de tout le territoire du Québec
dans cette politique de régionalisation de notre agriculture.
M. le ministre, j'ai ici la liste de tous les agronomes et des
techniciens agricoles attachés aux douze régions agronomiques. Il
y en a 465. Comme je vous l'ai dit, le minimum dans chaque région
agronomique est de 40 et le maximum de 60. Vous auriez là tout de suite
465 bénévoles travaillant pour votre loi. Vous avez ensuite dans
chaque région une élite de cultivateurs très intelligents,
très débrouillards qui vous feraient aussi au moins 500 autres
bénévoles. Vous auriez tout de suite 1000 bénévoles
qui travailleraient. Je vous dis que cela remplacerait un tas de fonctionnaires
à la centrale.
Ensuite, savez-vous que chaque fois, cela sera des cas particuliers?
J'ai entendu la plus grande partie des discussions qui ont eu lieu au dernier
congrès de l'UPA. Tous ceux qui ont pris part à la discussion
nous arrivaient avec des cas particuliers et des hypothèses. J'ai
entendu ensuite la plupart des discussions qui ont eu lieu à
l'Assemblée nationale. Je suis retraité et j'ai eu beau
écouter cela. Ecouter les débats de l'Assemblée nationale,
cela veut la plupart des navets qu'on nous sert à la
télévision.
M. Giasson: Cela vaut ou cela s'équivaut?
M. Rioux: Alors, tous les cas qui vont être
présentés sont des cas particuliers. J'ai aussi
écouté les discours, comme je vous l'ai dit, à
l'Assemblée nationale. La plupart des députés de
l'Opposition qui ont parlé sur cette question ont cité des cas
hypothétiques, des cas qui peuvent se présenter,
évidemment, des cas qui se sont présentés. Ils ont raison
de les citer, peut-être, mais je vous dis que la plupart des cas, si vous
créez des organismes régionaux, vont se régler
régionalement. Vous pouvez citer des cas hypothétiques. Je
connais un cultivateur qui a placé ses quatre enfants, qui a
donné des terrains à ses quatre enfants sur sa terre. Ses enfants
travaillent en ville. C'est contre la nouvelle loi, n'est-ce pas? Seulement,
cette partie de la terre, c'est près d'une dépression, c'est un
rocher. Le roc affleure ici et là. Ce n'est pas cultivable. Alors, le
comité régional va dire: C'est une terre qui n'est pas
cultivable. C'est vrai que la loi défend à un cultivateur de
placer ses enfants sur sa terre, mais c'est une terre qui n'est pas cultivable.
Alors, le bon sens va dire: C'est très bien, bâtissez-les, donnez
ces terrains à vos enfants. Je connais un autre cas, un cultivateur qui
vend sa terre à son fils et qui...
Le Président (M. Boucher): M. Rioux, je m'excuse de vous
interrompre. Compte tenu de l'heure, est-ce que vous avez terminé votre
mémoire?
M. Rioux: Oui.
Le Président (M. Boucher): Nous pourrions passer aux
questions des membres de la commission.
M. Rioux: C'est ce que je fais, je réponds aux questions
d'avance. Je savais que la question me serait posée.
Le Président (M. Boucher): Justement, si vous
répondez à toutes les questions avant qu'elles soient
posées, on ne pourra plus vous parler.
M. Giasson: On n'aura pas d'autres questions.
Le Président (M. Boucher): Alors, je donne la parole
à M. le ministre. D'accord? Merci. M. le ministre.
M. Garon: Vous savez, M. Rioux, dans toute affaire, il faut faire
des choix. Cette année, on a entrepris des programmes régionaux
à peu près dans toutes les régions, mais l'affaire la plus
difficile dans les programmes régionaux, c'est de faire faire des
choix.
M. Rioux: S'il vous plaît, je ne suis pas de votre
âge, je suis plus vieux que vous et, à mon
âge, j'ai l'oreille dure un peu. Voulez-vous parler plus fort?
M. Garon: Le principal problème, c'est de faire faire des
choix, parce que, si on ne demandait pas aux régions de faire des choix,
vous savez ce qu'on aurait? On aurait tous les mêmes programmes dans
toutes les régions pour toutes les productions, indépendamment
des vocations des régions, indépendamment de la capacité
de production des régions. Je comprends que votre mémoire
procède d'une grande générosité, mais, quand on
arrive dans le concret, les gens peuvent dire: II faudrait bien faire du bleuet
parce qu'il y a un gars qui en a déjà fait. Il faudrait un
programme sur le bleuet. Finalement, on se retrouve avec autant de
ministères de l'Agriculture dans les régions qu'on en a à
Québec. Dans les régions, le grand problème, je vais vous
dire ce que c'est: c'est que tout le monde veut être dans la
région, mais ne veut plus être dans le comté. Alors, on se
retrouve avec une centralisation au niveau de la région. Actuellement,
on a fait une décentralisation. On n'en a pas parlé beaucoup. On
a fermé les bureaux de l'hydraulique agricole pour les envoyer dans les
comtés; pas dans les régions, dans les comtés, dans les 84
bureaux de comté. Si on ne disait pas un mot et qu'on laissait faire le
ministère, ce ne serait pas long que vous n'auriez plus de bureaux de
comté ou des bureaux de comté très faibles. Tout le monde
se retrouverait dans la région avec le bureau régional.
Notre tendance, actuellement, au lieu de faire les plans au niveau de la
région, est de les faire au niveau des bureaux de comté pour que
ce soit le plus proche possible de l'agriculteur, parce que c'est là que
les gens rendent des services à l'agriculteur. C'est le travail qu'on
fait. Dans les années qui s'en viennent, cela va être de
décentraliser le ministère encore plus qu'il n'est pour le
rapprocher de l'agriculteur.
Quand vous dites que les commissions régionales coûteraient
moins cher, vous savez, dans les années trente, les gens travaillaient
gratuitement, mais aujourd'hui ils demanderaient tous des per diem. On se
retrouverait avec 12 commissions... C'est la réalité. Ne
charrions pas, c'est la réalité.
M. Roy: Je n'ai pas dit un mot, je n'ai pas dit un mot, M. le
Président.
M. Garon: II faut bien... Non, mais je vois ça, je
vois.
M. Giasson: Vous le sentez venir.
M. Garon: Je verrais ça, on aurait 12 commissions, avec 5
ou 6 commissaires, à tous des per diem. 60 commissaires. Et comme c'est
per diem, c'est encourageant de faire des réunions, parce que plus tu en
fais, plus c'est payant. Moins tu en fais, moins c'est payant. Alors, vous vous
retrouvez avec une autre bureaucratie, avec des délais encore plus
longs. C'est pour ça qu'on a pensé à ce problème.
L'idéal, pour moi, j'aurais pensé que cela aurait
été ça. On a pensé, pour éviter le plus
possible la bureaucratie, que ce soit le plus simple possible, que le
débat se fasse au niveau des municipalités, et si cela avait
été les conseils de comté... Je ne dis pas
qu'éventuellement ça ne pourra pas être les conseils de
comté. Seulement, il va y avoir la loi de l'aménagement qui va
arriver, mais actuellement, il faut prendre les conseils de comté tels
qu'ils sont. Je ne voulais pas faire la réforme des conseils de
comté en même temps qu'on fait la protection des terres. Les
conseils de comté sont comme ça. Il faut aller au niveau
municipal, c'est la réalité la plus proche des gens. Faire le
débat au niveau des municipalités, mais pas en créant de
nouvelles structures, pas en engageant de nouveaux fonctionnaires et de
nouveaux organismes, mais avec des organismes existants, pour qu'il y ait le
moins de bureaucratie possible.
On s'est dit: Le débat devrait avoir lieu au niveau de la
municipalité, avec des organismes. C'est pour ça que j'ai dit
qu'il faudrait préciser le sens de l'article 35 pour qu'il n'y ait pas
seulement des représentations écrites, mais aussi des audiences
publiques où pourront venir faire des représentations, des
discussions, les gens de l'UPA, les producteurs agricoles, les gens des
conseils de comté, possiblement les gens des conseils régionaux
de développement ou d'autres personnes intéressées, mais
au niveau des municipalités, sans créer d'organismes nouveaux,
sans créer de structures nouvelles, en utilisant ce qui existe
déjà. On peut multiplier les structures. Je pense que ça
ne donne rien d'en multiplier d'autres, il faut utiliser celles qui existent,
actuellement, sur le territoire.
Il y a l'aide technique, comme vous dites, du ministère de
l'Agriculture. Le ministère des Affaires municipales vient de faire une
décentralisation à la faveur du projet de loi sur la protection
du territoire agricole pour fournir les services de professionnels sur tout le
territoire québécois des municipalités. C'est la
première fois que ça se fait. 31 professionnels vont aider les
municipalités. Les gens vont savoir comment fonctionner, mais avec ce
qui existe déjà. C'est évident que quand, au niveau local,
par exemple, avec l'aide du ministère, avec l'aide des gens des Affaires
municipales, les organismes au niveau local vont discuter de cela ensemble, ils
vont dire comme vous dites: notre affaire, c'est quoi? Il va y avoir des gens
pour leur expliquer les capacités des sols, tout ça, faire le
périmètre et dégager ce qui n'est pas bon pour
l'agriculture dans la municipalité, sans perdre le caractère de
continuité, il va y avoir l'agriculture en même temps.
A ce moment-là, c'est évident que si ça arrive
à la commission, vous avez la municipalité qui dit: Bon, nous
autres, on a regardé ça tous ensemble, les représentations
sont faites à la commission, tout le monde est d'accord. Là, il
n'y aura pas de problème. C'est quand il va y avoir des
désaccords qu'il va y avoir des problèmes. Les gens nous
disaient: ça prend des décisions rapides, par exemple, qui ne
sont pas soumises trop à des
pressions politiques. Je pense qu'une commission provinciale... Il faut
regarder les articles qui s'écrivent dans les journaux. Les journalistes
vont en Colombie-Britannique; d'où vient le problème, disent-ils?
Ils vous disent que le problème vjent du même endroit: les
pressions politiques qui essaient de contrevenir aux décisions qui
seraient rendues d'une façon normale. (17 h 15)
A ce moment-là, il y a des pressions politiques qui sont faites
et je pense que la meilleure protection au sujet des pressions politiques, dans
une phase où il n'y a personne d'expert en zonage agricole... Il ne faut
pas se faire d'illusion, il n'y en a pas d'experts dans le zonage agricole,
parce qu'il ne s'en est jamais fait, en pratique. Il y a eu quelques
municipalités qui en ont fait un peu. Alors, la commission, pendant les
premières années, sera composée de gens qui seront les
seuls dans le Québec. Il ne faut pas se faire d'illusion. Les gens qui
travaillent là-dessus ce sont des gens qui travaillent depuis quelques
années. Ceux qui travaillaient dans le temps des libéraux vont
travailler avec nous autres. Il y en a d'autres qui travaillent depuis moins
d'années. Mais les seules gens qui connaissent cela vraiment, qui
connaissent les différentes hypothèses et qui ont
étudié les conséquences des décisions à
rendre, c'est l'équipe qui travaille là-dessus actuellement.
Si on veut aller assez rapidement et procéder sans créer
de structures inutiles et des paliers... Des gens nous ont dit, par exemple:
Vous avez mis un délai de six mois pour l'appel. C'est trop long, parce
qu'on ne pourra pas prendre de décision tant que le délai de
révision ne sera pas passé. Plusieurs organismes nous ont
demandé de ramener cela à trente jours. Ils ont dit: En
attendant, on ne pourra pas prendre de décision, parce qu'il peut y
avoir une révision et que la décision peut être
changée.
Vous voyez à quel point il y a des articles qui sont importants.
Je pense que, du jour au lendemain, garrocher dans le décor un tas de
commissions régionales ou de comités régionaux qui se
retrouvent avec des cartes de sols... Il y a des cartes de sols et il n'y a pas
beaucoup de gens qui connaissent les sols au Québec. Il y a plusieurs
façons d'interpréter ces cartes. Elles ont été
bâties d'une façon particulière. Les pédologues, au
Québec, se comptent sur les doigts de deux mains.
Je pense qu'il faut agir prudemment. C'est pour cela qu'on a voulu faire
un débat au niveau municipal, avec l'intervention des organismes locaux
et régionaux, mais en même temps, pour qu'il y ait un organisme
qui s'occupe de la conformité des décisions, avec la protection
du territoire agricole.
Au fond, il faut voir aussi que les organismes, dans les premiers
mois... Il ne s'est jamais parlé autant, depuis quelques mois, de zonage
agricole, ce que cela signifie et les implications que cela apporte. Cela se
parle. Il ne s'en parlait pas avant. Il s'en parlait dans les grands principes,
mais là, concrètement, qu'est-ce que cela veut dire? Les gens
parlent de cela, à toutes fins utiles, depuis septembre. Avant, il ne
fallait pas. Là, il s'en parle plus concrètement. Les gens voient
les hypothèses, les problèmes que cela pose. Et avec le projet de
loi, ils sont allés encore plus loin, parce qu'on entre dans les
détails et qu'il y a eu des décisions prises. C'est le fruit des
années de réflexion qui sont dans ce projet de loi. Il y a des
choix qui sont faits. Avec la commission qui va commencer à être
appliquée, dans six mois, un an, deux ans, cette loi va connaître
des ajustements pour tenir compte de la réalité.
Je pense qu'il s'agit d'un problème complexe. Il s'agit d'un
problème très complexe, qu'il faut traiter avec prudence, et qui
n'est pas simple, à part cela. Dire que n'importe quel petit Croteau va
arriver à une commission et va prendre des décisions, ouf! Je
vous dis que c'est un problème complexe...
M. Picotte: II va s'ajuster en cours de route.
M. Garon: Oui, mais il faut y aller prudemment. C'est pour cela
que je dis toujours qu'il faudrait avoir le plus de discussion, le plus
d'organismes impliqués sur le plan local, mais ne pas multiplier les
structures intermédiaires.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. le ministre. M. le
député de Maskinongé.
M. Picotte: M. le Président, le moins qu'on puisse dire,
c'est que M. Rioux a l'air d'aimer l'agriculture. Il a vraiment choisi la bonne
profession quand il a décidé de s'en aller là-dedans.
Je voudrais tout d'abord vous féliciter de votre mémoire
et de vos suggestions qui ont été très
intéressantes. Vous comprendrez cependant, M. Rioux, que nous en sommes
rendus à peu près au quarantième mémoire.
Souventefois les mêmes suggestions ont été faites et les
mêmes choses sont revenues. Si on a un peu moins de questions à
vous poser, c'est parce que ces questions ont été
débattues à plusieurs reprises.
Il y aurait une chose, entre autres. On doit dire d'ailleurs que nous
sommes d'accord sur plusieurs questions soulevées dans votre
mémoire, et nous en avons discuté. Le ministre a
prêté une oreille assez attentive à ces suggestions. Il y a
une chose entre autres j'aurai une seule question à vous poser
on sait que, dans le projet de loi, tel que rédigé
présentement, il n'est pas question de terres vendues à des
non-résidents de même que dans la définition
d'"agriculture", à l'article 1, il est question qu'on parle de terre en
friche. Selon vous, pensez-vous qu'il serait primordial qu'à
l'intérieur du projet de loi 90, ces deux points majeurs soient inscrits
dans le sens qu'on ne puisse laisser à l'intérieur d'un zonage
agricole les terres en friche et que ces terres ne soient pas vendues à
des non-résidents? J'aimerais connaître vos brefs commentaires en
ce sens.
M. Rioux: Je crois qu'il devrait y avoir une clause pour
empêcher la vente de terres agricoles à des non-résidents,
c'est évident. Je le crois.
D'ailleurs, dans le programme même du Parti
québécois, c'est indiqué en grosses lettres, la
défense de vendre des terres à des non-résidents. M. le
ministre disait tantôt qu'il fallait utiliser ce qu'on a. Justement, les
douze bureaux régionaux sont payés déjà par le
ministère de l'Agriculture. C'est déjà quelque chose que
le ministère de l'Agriculture paie. Les fonctionnaires, il les paie
déjà. Je crois que, quand on peut intéresser des gens
bénévolement, leur donner la fierté, l'amour de leur
petite patrie, le dévouement pour leur petite patrie, on peut obtenir
n'importe quoi d'eux. C'est pourquoi je crois qu'aucune loi ne peut avoir de
succès si elle ne se base pas sur les gens du milieu, de chaque
région. C'est mon opinion. Cela me fait bien de la peine que le ministre
de l'Agriculture... Il aurait eu une loi tellement merveilleuse à faire
avec ce qu'il a en main, ces douze régions où il paie
déjà les bureaux, où il paie déjà des
agronomes. Vous savez, M. le ministre, quand on fait la Loi de
I'électrification rurale, cela a été une autre affaire. On
a été obligé de parcourir la province, de fonder 110
coopératives pour ensuite en garder 48, après des fusions et
après toutes sortes... pour diriger ces coopératives. Vous, vous
êtes bien chanceux, vous avez déjà douze bureaux
régionaux tout prêts, des instruments merveilleux pour faire votre
loi.
M. Picotte: D'accord, M. Rioux, cela a été
mentionné à quelques reprises dans d'autres mémoires
aussi. L'autre partie de ma question à laquelle vous n'avez pas
répondu concerne les terres en friche.
M. Rioux: Oui.
M. Picotte: Pensez-vous que cela devrait être biffé
dans le projet de loi?
M. Rioux: Voici: J'ai passé par des paroisses qui ont
été fermées depuis ce temps-là. J'ai vu de beaux
champs de grains, j'ai vu de beaux troupeaux et ces paroisses ont
été fermées. Il y a bien des terres en friche qui
pourraient être utilisées actuellement pour faire des
céréales, pour faire l'élevage du boeuf, l'élevage
du mouton, etc. J'ai été dans le désert du Sahara. Si vous
voyiez ce qu'il y a à manger pour les moutons. Cependant, vous y voyez
d'immenses troupeaux de moutons. Je crois qu'on pourrait utiliser beaucoup de
terres du Québec à faire du mouton, des terres où on ne
peut pas faire de culture intensive. Ce programme, les cartes de sols indiquent
les possibilités agricoles de chaque sol. Elles sont faites pour toute
la province.
M. Picotte: M. le Président, je veux remercier encore une
fois M. Rioux de sa collaboration, en espérant que les bonnes remarques
qu'il a faites seront non seulement appréciées mais
étudiées attentivement par le ministre. Merci infiniment.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. le
député de Maskinongé. M. le député de
Huntingdon.
M. Dubois: Merci, M. le Président. Brièvement, je
voudrais remercier M. Rioux de l'excellent dossier qu'il nous a
présenté. Vos remarques sont passablement importantes, je pense,
parce que j'ai remarqué que vous avez soulevé des points qui
s'apparentent étrangement avec mon discours de deuxième lecture.
Je me demande bien qui a volé qui, quoi à qui. En tout cas! J'ai
aussi apprécié le fait que vous avez passé des remarques
dans le sens que plus c'était bleu, meilleur c'était. De toute
façon...
M. Garon: Insinuez-vous que M. Rioux est un voleur? Il vous
accuse quasiment d'être un voleur.
M. Dubois: Cela peut être moi le voleur. M. Garon:
Mais vous ne le connaissiez pas.
M. Dubois: Non, mais je peux avoir lu le mémoire
avant.
M. Giasson: J'y vois plutôt une similitude de pensée
qu'un vol à l'étalage.
M. Ouellette: ... M. le Président, comme le
député de Huntingdon, c'est là la ressemblance
fondamentale des deux discours.
M. Giasson: Non, M. Rioux disait: M. le ministre.
Le Président (M. Boucher): S'il vous plaît! M. le
député de Huntingdon. Allez-y, votre question.
M. Dubois: Non, j'ai fini. Je n'ai pas de question à
soulever. Je vous remercie infiniment, M. Rioux.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Beauce-Sud.
M. Roy: A mon tour je veux me joindre à mes
collègues pour remercier bien sincèrement M. Rioux qui nous a
présenté un mémoire basé sur une longue
expérience, une riche expérience et le gros bon sens. M. Rioux
nous a dit que dans le milieu rural, il y avait une autosuffisance de gros bon
sens. Je voudrais peut-être ajouter...
M. Garon: ... fonctionnaires qu'en vous, par exemple!
M. Roy: Pardon? Comment dites-vous cela?
M. Garon: J'ai plus confiance en nos fonctionnaires qu'en
vous.
M. Roy: Qu'en moi?
M. Garon: Oui, parce que vous dites toujours qu'ils sont bien
lents, nos fonctionnaires.
M. Roy: Un instant! Je n'ai pas interrompu le ministre, si ma
mémoire est bonne. Je voulais ajouter aussi que dans le milieu rural, le
gros bon
sens est une richesse renouvelable parce qu'il y en a encore du gros bon
sens dans le milieu rural et il y en a beaucoup. Je veux vous remercier bien
sincèrement, compte tenu que vous avez fait une analyse très
sérieuse de la question du zonage agricole. Vous êtes venu
connaissant à fond l'agriculture québécoise, la
mentalité rurale... Le ministre me donne l'impression qu'il
connaît peu ou connaît mal la mentalité rurale. Le
mémoire que vous avez préparé tient compte, effectivement,
de cette mentalité rurale ainsi que de cette volonté qu'ont les
ruraux de se gouverner eux-mêmes autant que possible, à la
condition de disposer des structures et des moyens pour être en mesure de
régler leurs problèmes.
Je remarque que votre mémoire est centré sur la
régionalisation. C'est un point sur lequel vous êtes constamment
revenu et je tiens à le souligner ici, puisque le point de vue que vous
soulignez a été partagé par tous nos collègues de
l'Opposition et la majorité des personnes qui se sont fait entendre
devant la commission.
J'écoutais rire mes collègues du côté
ministériel tout à l'heure lorsque vous avez dit que les
députés de l'Opposition étaient en faveur du zonage
agricole, en ce sens qu'ils avaient parlé en faveur du zonage agricole,
mais qu'ils avaient des réserves. Je tiens à être bien
clair là-dessus. La grande réserve que nous avons... Quand je
vois des hommes d'expérience comme M. Rioux venir nous parler ici
aujourd'hui lequel n'a aucune implication dans quelque parti politique
autour de cette table avec une connaissance approfondie du milieu rural,
de l'engorgement d'un bureau provincial, à la suite des
expériences qu'il a lui-même vécues et que nous vivons dans
le milieu rural quand même... Il ne faudrait pas oublier que tous les
actes hypothécaires, les transactions de terrains devront passer devant
la commission pour avoir un permis. Je me demande quelle structure on pourra
mettre sur pied pour tâcher de faire en sorte justement que les droits
des uns ne soient pas lésés par les objectifs des autres. Vous
suggérez, M. Rioux, qu'une commission parlementaire particulière
soit formée pour faire en sorte qu'on puisse étudier un
deuxième volet du projet de loi voulant qu'on prépare un
mécanisme, qu'on prépare des structures pour permettre la
création d'organismes régionaux pour que le plus grand nombre
possible de dossiers soit réglé au niveau des instances
régionales, compte tenu des particularités, des besoins de
chacune des régions et des objectifs de chacune des régions.
C'est le commentaire que je voulais faire, tout en remerciant bien
sincèrement M. Rioux pour son mémoire. Encore une fois, je pense
que les députés et tous mes collègues seront unanimes pour
vous rendre hommage, à la suite d'une longue carrière dans le
milieu rural, de vous être donné la peine de vous présenter
devant la commission et franchement de vous être imposé des heures
de travail et des sacrifices pour venir vous faire entendre et exposer votre
point de vue sur cet important projet de loi, compte tenu que vous avez
à coeur le bien-être du Québec et des
Québécois. Merci, M. Rioux.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. le
député de Beauce-Sud. Au nom de tous les membres de la
commission, je remercie M. Rioux d'avoir bien voulu présenter ce
mémoire. J'invite un autre organisme, soit l'Association de la
relève agricole, représentée par M. Michel Lozeau. (17 h
30)
Association de la relève agricole de la
région du Richelieu
M. Lozeau (Michel): Avant de commencer je voudrais
présenter M. Claude Giard. On est ici à titre de porte-parole
à part entière. De toute façon vous allez le voir par la
façon dont on va procéder pour notre mémoire.
M. Giard (Claude): M. le Président, M. le ministre, MM.
les députés, mesdames et messieurs. Nous sommes présents
aujourd'hui en commission parlementaire au nom de l'Association de la
relève agricole de la région du Richelieu. Etant bien conscients
qu'il nous faut une loi de zonage pour protéger nos bonnes terres
arables, nous considérons que le projet de loi dans son ensemble aura
sans doute des répercussions favorables dans le milieu agricole
d'aujourd'hui et celui de demain. C'est nous, de la relève agricole, qui
sommes le plus impliqués dans ce projet de loi, étant un genre de
tampon entre un zonage agricole souhaitable et sa réalisation
pratique.
Durant toute notre vie agricole, 20, 30, 40 ou 50 ans, elle sera
toujours présente. Il nous faut donc protéger nos bonnes terres,
mais aussi conserver notre liberté d'agriculteur. Pour atteindre cet
objectif, nous nous sommes penchés sur le projet de loi 90 pour
s'assurer qu'il protège nos droits d'agriculteur.
Récemment nous avons organisé un colloque qui a
réuni au-delà de 140 futurs agriculteurs. Cette rencontre nous a
permis de percevoir que certains articles du projet de loi n'assuraient pas
à la relève agricole une protection suffisante pour l'avenir.
En ce sens, nous exprimons aujourd'hui notre vision assez technique au
sujet des équivoques que posent certaines facettes du projet de loi
90.
M. Lozeau: Attendu que l'article 4 du projet de loi 90 n'assure
pas la représentativité du milieu agricole à
l'intérieur de la commission;
Attendu que nous considérons cette présence indispensable
pour favoriser la protection du territoire agricole;
Attendu que nous considérons cette présence
bénéfique pour rehausser la confiance du milieu rural envers
cette commission;
Attendu que nous considérons la grande importance d'une mutuelle
confiance pour favoriser une bonne relation entre la commission et le milieu
agricole;
Nous demandons au gouvernement d'intégrer à cette dite
commission trois personnes nommées par des institutions
représentatives du milieu agricole telles que l'Association de la
relève agricole et l'UPA.
Attendu que le projet de loi 90 ne donne pas un droit d'appel pour les
agriculteurs en cas d'injustice;
Attendu que nous considérons ce droit comme fondamental dans une
société telle que la notre qui prône la libre entreprise et
le respect des libertés individuelles;
Nous demandons que le gouvernement respecte ce droit en reconnaissant le
droit d'appel pour le milieu agricole.
Attendu que l'article 40 du projet de loi 90 oblige la résidence
de l'agriculteur à rester avec le fonds de terre si cette
dernière est construite après le 9 novembre 1978;
Attendu que nous considérons ce point important et
bénéfique pour la protection du sol arable;
Attendu, cependant, que ce même article empêche les jeunes
agriculteurs établis ou en voie d'établissement en compagnie de
posséder en main leur propre résidence et le lot qui est requis
pour la construction de cette dernière;
Attendu que nous considérons la tendance déjà
significative de la relève agricole vers la coexploitation;
Attendu que ce facteur est déterminant et démontre
l'importance de l'impact des compagnies qui constituent une grande partie de
l'avenir agricole du Québec qu'assume la relève;
Nous demandons au gouvernement d'insérer à
l'intérieur de son projet de loi une clause spéciale permettant
au jeune agriculteur à l'intérieur d'une compagnie agricole de
pouvoir posséder son lot pour la construction de sa propre
résidence.
Attendu que l'article 66 est suffisant pour permettre l'expansion des
services à la communauté;
Nous nous demandons l'intérêt du gouvernement à
inclure dans son projet de loi l'article 96 qui lui confère une
substitution bien inutile à la commission, puisque celui-ci s'attribue
les mêmes pouvoirs.
Attendu que le seul intérêt que nous avons
décelé de la part du gouvernement en analysant les articles 12 et
96 du projet de loi 90 serait la flexibilité qu'il s'assure sur le choix
des critères pour émettre une décision ou un avis;
Nous demandons à cet effet au gouvernement d'expliquer avec
franchise quelle est la nature exacte des affaires à soustraire à
la juridiction de la commission telle qu'indiquée à l'article 96
et quelle assurance le gouvernement nous offre afin d'assurer une
flexibilité surtout profitable pour le futur agriculteur.
M. Giard: Ceci étant dit, nous désirons que notre
point de vue soit considéré dans toute sa portée pour la
relève agricole qui, ne l'oublions surtout pas, représente la
pierre angulaire de l'autosuffisance de demain.
En dernier lieu, nous tenons à souligner l'aspect très
centralisateur du projet de loi, ce qui nous apparaît une flagrante
contradiction avec les politiques actuelles mises de l'avant par le
gouvernement vers une décentralisation qui tiendrait compte davantage
des besoins de la base.
Le Président (M. Boucher): Merci, MM. Giard et Lozeau.
M. le ministre.
M. Garon: La discussion va se faire au niveau municipal. Vous
dites que c'est centralisé. A quel niveau inférieur cela
aurait-il pu être fait?
M. Giard: On a pensé au niveau régional. M.
Garon: C'est supérieur à municipal.
M. Lozeau: Disons que ce point n'a pas été... Je
voudrais quand même tout de suite dire dans quel contexte on a
rédigé notre mémoire. On a fait notre colloque le 30
novembre et, le 7 décembre, notre mémoire était fini de
rédiger. Nous sommes à temps partiel, c'est après nos
cours. Il y a eu aussi les fameuses journées de la relève
agricole provinciale. Cela a considérablement réduit notre temps.
Sur ce point, nous n'avons pu vraiment approfondir, mais cela a
été un point. On a tenu à le souligner parce que c'est un
point qui a été rappelé assez souvent durant notre
colloque, et le monde semblait voir cela dans cette optique.
Evidemment, on n'a pas eu le temps de détailler sur quelle
facette on verrait cette décentralisation.
M. Garon: La discussion va se faire au niveau municipal. Cela ne
peut être plus décentralisé que cela. Si on veut l'envoyer
au niveau régional, on centralise plus qu'au niveau municipal.
M. Giard: Oui, mais si on regarde quand même la
façon dont le projet de loi est... De la façon que le projet de
loi est apporté, il faut que les municipalités s'accordent avec
la commission et si la commission n'est pas d'accord, à ce moment, cela
retourne à la juridiction du gouvernement. On se demande jusqu'à
quel point c'est décentralisé vers les municipalités.
M. Garon: Très bien. Je vous remercie.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Montmagny-L'Islet.
M. Giasson: Merci, M. le Président. Messieurs,
félicitations pour votre mémoire. A la lecture de ce
mémoire, on constate qu'au Québec il y a encore des jeunes qui
pensent à une carrière en agriculture et qui ont l'intention de
jouer un rôle dans la société. Je dois vous dire que cela
vous fait honneur.
J'ai cru comprendre que vous êtes des étudiants à
l'ITA sans doute.
M. Lozeau: Personnellement, je suis étudiant au CEGEP
à Saint-Hyacinthe.
M. Giasson: Etudiant de CEGEP.
M. Lozeau: Je suis en techniques administratives, mais je
désire m'établir. J'ai fait un an à l'ITA, mais j'ai
considéré que ce n'étaient pas des
cours tellement adéquats selon ma personnalité. C'est
là que j'ai opté pour techniques administratives au CEGEP.
M. Giasson: Vous allez être bon administrateur de
compagnies agricoles qui vont exploiter des fermes. Et vous, monsieur?
M. Giard: Je suis établi en coexploitation depuis moins
d'un an.
M. Garon: Avec votre père?
M. Giard: Avec mon père et mon frère.
M. Garon: A quel endroit?
M. Giard: A Saint-Hughes.
M. Garon: Dans le comté de Johnson?
M. Cordeau: Le comté de Verchères.
M. Giasson: Saint-Hughes, c'est dans le comté de
Johnson.
M. Cordeau: Le comté de Johnson.
M. Giasson: A la page 1 de votre mémoire, vous dites:
C'est nous de la relève agricole, qui sommes le plus impliqués
dans ce projet de loi étant un genre de tampon entre un zonage agricole
souhaitable et sa réalisation pratique. Qu'est-ce que vous entendez par
là?
M. Giard: Nous voulons un zonage agricole, mais, comme on dit, on
veut garder notre liberté d'agriculteur. Nous voulons pouvoir faire les
transactions qu'on désire sans avoir à demander la permission
à trop de gens, ce qui entraîne trop de pertes de temps, d'un
côté, et l'autre. C'est qu'on peut perdre des transactions qui
seraient bénéfiques à long terme.
M. Lozeau: Pour compléter, c'est aussi le fait qu'on s'est
dit: C'est bien beau sur papier, le projet de loi 90, tous les articles, mais
nous nous demandons ce que cela va faire dans dix ou dans 20 ans, ce qui va se
passer pratiquement, si cela va être vraiment les buts qui ont
été fixés au départ par le gouvernement. C'est ce
qu'on se demande. On se dit: Est-ce que vraiment cela va être axé
dans ce sens et si les résultats, à long terme, vont être
les mêmes? C'est dans ce sens qu'on a dit qu'on se considérait
bien importants, parce que, s'il y a des côtés
bénéfiques au projet de loi, c'est nous qui allons les assumer et
si, par contre, il y a des points qui ont été mal orientés
ou mal pensés, à ce moment, c'est nous qui allons en subir les
conséquences. C'est dans cette optique qu'on parle de tampon entre la
réalité et le côté technique.
M. Giasson: Lorsque vous avez tenu votre colloque, vous aviez 140
personnes. Est-ce qu'il s'agissait de jeunes ou de cultivateurs d'âge
moyen?
M. Lozeau: Notre association s'adresse surtout à des
jeunes en voie d'établissement d'environ trois ans et non établis
depuis plus que cinq ans.
M. Giasson: II s'agit de jeunes qui ont l'intention de se diriger
vers l'agriculture?
M. Lozeau: Oui, ou qui se sont très récemment
établis et, du côté de l'UPA, ils ne semblent pas
présentement établis encore. A ce moment-là, ils se
considèrent plus encore dans la relève agricole et leurs
idées sont encore plus vers la relève agricole que
déjà un cultivateur établi.
M. Giasson: Vous semblez également souhaiter que la
formation de la commission de contrôle ou de protection, la Commission de
protection du sol, ait des gens représentatifs du milieu agricole, et
vous proposez même d'avoir la possibilité d'une personne qui
serait désignée par l'Association des jeunes en relève
agricole.
M. Lozeau: Non, nous pensions que, sans que ce soient des
personnes justement de l'UPA et de l'association, l'association et l'UPA aient
quand même leur mot à dire dans le choix d'au moins trois
personnes de cette commission. Dans ce sens-là, on ne demande pas
d'imposer un gars de l'UPA ou un gars de l'association. On voudrait qu'il y ait
une entente avec l'association, l'UPA et le gouvernement, pour choisir au moins
trois personnes qui vont siéger à la commission. Dans ce sens, si
vous regardez les points qu'on a apportés, on voyait cela pour appuyer
quand même la publicité face à la commission. Nous
considérons que c'est important que les agriculteurs aient confiance
à la commission, cela va aider à empêcher des prises de bec
et des malentendus qui ne seraient pas souhaitables. C'est dans cette optique
qu'on a apporté notre point de vue, et, du même coup, pour qu'on
ait la possibilité de choisir les personnes qu'on croirait
représentatives du milieu. C'est dans cette optique que nous nous sommes
exprimés.
M. Giasson: Vous semblez craindre également la situation
qui est faite par la loi 90 à savoir que la décision de la
commission devient finale sauf si la commission veut elle-même
reconsidérer une décision qu'elle aurait prise
antérieurement.
Quand vous parlez de la nécessité, selon votre vision des
choses, d'avoir une capacité d'appel, un droit d'appel, quel genre de
droit d'appel avez-vous à l'esprit?
M. Lozeau: Le fait de revenir devant un même jury, on ne
considère pas cela comme un droit d'appel.
M. Giasson: Qu'est-ce que vous voudriez? Un appel devant un
tribunal ou devant une autre commission administrative?
M. Lozeau: Justement, à ce titre-là.
M. Giasson: II y a un autre élément dans votre
mémoire qui laisse croire qu'une évolution va continuer de se
produire dans la propriété des fermes, c'est-à-dire que
vous semblez déceler une capacité dans l'avenir que des jeunes se
regroupent à l'intérieur de compagnies pour fins d'exploitation
agricole. Vous êtes portés à croire que cela va être
une nouvelle forme de possession de l'entreprise agricole, c'est-à-dire
des gens qui s'associent à l'intérieur d'une corporation? (17 h
45)
M. Lozeau: C'est déjà un facteur très
présent aujourd'hui. Même mon collègue ici présent
est en compagnie, en société avec ses frères et son
père. On considère que du côté financement, c'est
meilleur, les conditions de vie et de travail sont meilleures aussi. On
considère que c'est une option importante pour la relève
agricole, la co-exploitation. A cet effet, le fait qu'on ne puisse pas avoir
notre terrain à nous pour bâtir notre maison, on considère
que cela brime nos droits qu'on avait avant. C'est dans ce sens qu'on va.
M. Giasson: Comme la plupart des intervenants, je remarque que
vous demandez l'élimination de l'article 96 qui donne des pouvoirs
absolus et discrétionnaires au gouvernement de soustraire de l'attention
de la commission un ou des dossiers.
M. Lozeau: Justement, à cet effet, on avait posé
une question dans notre mémoire. Ce qui est dommage, c'est que le
ministre ne nous ait pas répondu. On voulait qu'il dise ce qu'il entend
par "les affaires à soustraire de la juridiction de la commission" et
aussi, qu'est-ce qui... je vais reprendre notre mémoire: "Quelle
assurance le gouvernement nous offre-t-il afin d'assurer une flexibilité
surtout profitable pour le futur agricole, l'agriculteur?" Ce sont ces deux
questions qui ont été posées tantôt. C'est dommage
que le ministre ne nous ait pas répondu là-dessus. C'est quand
même quelque chose qu'on considérait comme important et on
n'était pas sûr.
M. Garon: L'article 96, on va sans doute l'enlever. C'est un
article qui était mis là simplement au cas où il
arriverait une affaire un peu exceptionnelle, comme General Motors ou Ford qui
voudrait s'établir au Québec. C'est une décision de
politique économique que le Conseil des ministres aurait pu prendre
lui-même. Mais moi, je n'y tiens pas plus que ça. Alors, si les
gens n'en veulent pas... Par ailleurs, s'il arrive des délais, vous avez
certaines décisions comme ça, je ne manquerai pas de rappeler
à l'Opposition qu'elle a voulu que cet article-là n'y soit
pas.
M. Giasson: Pas seulement l'Opposition, M. le ministre.
M. Garon: Et je rappellerai à l'Opposition qu'il y avait
un article 96 et que cette Opposition a fait une campagne pour que l'article
disparaisse. Je peux le faire disparaître, mais il y a des
conséquences à ça.
Quant à l'autre affaire...
M. Giasson: M. le ministre, vous devez reconnaître qu'il
n'y a pas seulement l'Opposition.
M. Garon: Non, mais je veux dire... J'ai expliqué pourquoi
les gens n'ont pas voulu écouter, ça ne me fait rien, je n'y
tiens pas plus que ça. Mais c'était pour ça, des cas
exceptionnels. L'article 96 n'était pas pour rejeter à tout
moment les décisions de la commission, parce qu'il n'y a pas un
gouvernement intelligent qui agit comme ça. Quand vous créez une
commission et que vous rejetez, pas beaucoup de ses décisions mais trois
ou quatre durant l'année, vous lui faites perdre sa
crédibilité. C'est évident qu'un homme qui a le
moindrement d'expérience sait que l'article 96 n'était pas
là pour que le gouvernement, à tout bout de champ, rejette des
décisions à la commission. Parce que cela n'a aucun bon sens, il
n'y a aucun organisme qui pourrait vivre avec ça.
Alors, c'était clair, tout ça. Tout simplement, je veux
rappeler ça, on en reparlera à l'article 96, quand on va
étudier article par article le projet de loi. Je ne comprends pas trop
quand vous dites: "Quelle assurance le gouvernement offre-t-il, afin d'assurer
une flexibilité surtout profitable pour le futur agriculteur?" Je ne
comprends pas la question. Qu'est-ce que vous voulez dire par là?
M. Lozeau: Si on regarde l'article 12 qui dit: Les
critères de base pour émettre un avis ou une décision, on
marque notamment... à la suite, on énumère certains
facteurs qui vont être déterminants pour prendre une
décision. Quand même, vous étiez représenté
à notre colloque...
M. Garon: Par qui?
M. Lozeau: Par M. Charbonneau, député de
Verchères.
M. Garon: Ah bon.
M. Lozeau: Au colloque, on avait un avocat de l'UPA et un avocat
du Barreau et ils ont expliqué que l'article 12...
M. Garon: Quels avocats étaient là?
M. Lozeau: M. Pierre Paradis.
M. Garon: Oui, un avocat du Barreau, celui-là.
M. Lozeau: Enfin...
M. Garon: Tous les avocats sont membres du Barreau.
M. Lozeau: Enfin, je sais... Je ne pense pas que ça puisse
faire grand-chose, là-dessus. Ce qui est bon à retenir, c'est que
les trois qui étaient
présents ont été unanimes à nous dire que,
notamment, ça pouvait impliquer qu'on puisse mettre autre chose dans cet
article, d'autres prérequis pour émettre une décision ou
un avis.
M. Garon: A quel sujet? Je ne comprends pas. M. Lozeau: L'article
12... M. Garon: Oui.
M. Lozeau: ... dit que notamment la commission va tenir compte
des facteurs biophysiques du sol et du milieu, des possibilités... Quand
on dit "notamment" il nous a été expliqué qu'à ce
moment-là le gouvernement pouvait en mettre ou en enlever.
M. Garon: Non. Le lieutenant-gouverneur ne peut pas en ajouter.
La loi ne dit pas qu'il doit en ajouter. Mais la commission, en rendant sa
décision, pourrait tenir compte de ces facteurs. Elle peut tenir compte
d'autres facteurs qui ne sont pas indiqués là, mais elle doit
tenir compte de ceux-là.
M. Lozeau: A cet effet, quand on parle des facteurs dont elle
peut se prévaloir en disant qu'elle peut prendre autre chose, on se
disait: Qu'est-ce que cela donne? Le gouvernement prend la juridiction, mais il
se sert des mêmes critères de base que la commission pour
émettre son avis ou sa décision.
A ce moment-là, on s'est dit: II n'y a que l'article 12 qui
permet de prendre d'autres critères de base pour établir une
décision. A cet effet-là, on se demande dans quelle mesure le
gouvernement va nous assurer que cela ne reviendra pas contre les agriculteurs
à un moment donné. Justement, vous parliez de l'installation
d'une grosse entreprise multinationale. Si c'est en plein milieu d'un
territoire agricole avec un bon sol, vous brimez une partie de cette
région agricole. C'est dans ce sens-là qu'on a apporté ce
point. Je ne sais pas si c'est clair.
M. Garon: Oui, c'est clair.
M. Lozeau: Bon. Mais, si vous me dites que l'article 96 va sans
doute être enlevé, à ce moment-là, on n'a plus
besoin de vous demander cela. Mais, si vous n'êtes pas sûr que
l'article 96 va être enlevé, à ce moment-là, on vous
demande d'expliquer dans quelle...
M. Garon: Je comprends.
M. Lozeau: Vous comprenez mon approche?
M. Garon: II n'y a pas de problème. L'article 96 va
être modifié ou possiblement enlevé.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Saint-Hyacinthe.
M. Cordeau: Merci, M. le Président. D'abord, je tiens
à vous féliciter tous les deux, de même que toute votre
équipe, l'Association de la relève agricole de la région
du Richelieu no 6, dont fait partie le comté de Saint-Hyacinthe, pour
l'excellent travail que vous accomplissez dans la région et
également pour votre dynamisme et l'intérêt que vous portez
à votre cause, l'agriculture. Pour informer les membres de la
commission, ce sont deux jeunes agriculteurs qui sont dans l'industrie
laitière.
M. le député de Montmagny-L'Islet a posé plusieurs
questions que j'aurais moi-même posées. Je ne les reposerai pas.
Par contre, tantôt, vous avez mentionné le deuxième
article, soit le droit d'appel. Je ne sais pas si les explications ou les
commentaires que le ministre a faits vous rassurent ou si vous aimeriez que le
ministre soit plus explicite concernant le droit d'appel et concernant votre
demande de détacher d'une ferme coopérative les terrains sur
lesquels les sociétaires construiraient leur propre maison.
Je crois que ce sont deux points que le ministre n'a pas touchés
ou très peu dans ses remarques. Je pense que si vous êtes venus
ici présenter ce mémoire, c'est que vous vous posez des questions
et que vous aimeriez retourner chez vous avec des explications un peu plus
précises. Est-ce que M. le ministre serait prêt à
préciser ces deux points en quelques minutes, parce qu'il reste 20
minutes?
M. Garon: Qu'est-ce que vous m'avez demandé?
M. Cordeau: Le droit d'appel et également le droit de
détacher d'une ferme coopérative les terrains sur lesquels les
membres de la...
Une Voix: Compagnie.
M. Cordeau: La compagnie. Ce n'est pas une coopérative,
c'est une compagnie. Le droit de détacher d'une compagnie les terrains
sur lesquels les membres construiraient leur maison.
Une Voix: Je voudrais ajouter quelque chose.
M. Garon: C'est plus compliqué que cela. Il faut dire
qu'une loi, quand elle est faite, elle est toujours faite pour être
interprétée d'une façon intelligente. Il y a des gens qui
peuvent dire que cela pourrait vouloir dire telle affaire, mais elle est faite
pour être interprétée d'une façon intelligente tout
le temps, la loi. Le principe d'interprétation du législateur,
c'est qu'il a écrit pour dire quelque chose qui, normalement, a du bon
sens. Je vais vous donner un exemple pourquoi ce n'est pas si simple que cela,
pourquoi on dit que cela prend des permissions de la commission.
Théoriquement, ce serait possible. On a vu, par exemple, des affaires
qui ont été plaidées. Je vais vous donner des exemples.
Vous demanderez à Me Paradis, il connaît cela. Dans le domaine des
oeufs, par
exemple, cela a déjà été dit que dans le
même poulailler, il y avait 10 000 poules. Je ne me rappelle pas du
nombre, mais je me demande si ce n'était pas quarante personnes qui
avaient 250 poules chacune. Un certain nombre de personnes différentes
étaient dans le poulailler. Pourquoi? Pour ne pas être dans le
plan conjoint, parce qu'à 250 poules, elles en étaient
exemptées. Le gars qui avait le poulailler disait que chacune avait 250
poules, qu'il y avait quarante personnes différentes qui avaient 250
poules.
M. Giasson: Dans votre comté, M. le ministre?
M. Garon: Evidemment, les lois ne sont pas faites pour faire ce
genre de "gimmick". Quand les personnes qui ont 250 poules sont
exemptées, ce n'est pas pour mettre quarante fois 250 poules dans un
poulailler. Ce n'était pas cela, le but de la loi. Quand on fait cela,
c'est parce qu'on essaie de faire servir des lois à d'autres fins que
les fins pour lesquelles elles ont été faites. Je veux être
clair là-dessus.
La loi dit quoi? Je vais vous donner un exemple concret et vous allez
comprendre. Vous avez une coopérative qui a 200 membres. C'est possible.
Elle est propriétaire d'une ferme. Théoriquement, un esprit
vicieux pourrait dire: On peut tous se bâtir sur la ferme de notre
coopérative. On va bâtir 200 maisons pour chacun des membres.
M. Giasson: 200 coopérateurs vivant de l'exploitation
d'une ferme?
M. Garon: Une coopérative qui serait propriétaire
d'une ferme. Il y a différentes situations. Dans l'industrie
laitière, vous avez parlé d'une ferme de 100 ou 200 acres, selon
le nombre d'animaux que vous avez. On parlait ce matin, par exemple, des
maraîchers qui vivent avec... On disait: Si ce sont des serres, cela peut
être deux acres. Il y en a qui ont parlé de production
maraîchère de vingt acres. Selon les types de produits, dix acres
seraient suffisantes. Une loi, à moins d'avoir 500 pages ou même
1000 pages, ne peut pas prévoir tous les cas. La façon la plus
simple, la plus facile pour les gens aussi et la façon de le faire de la
façon la plus intelligente possible, c'est de dire: On va mettre le
grand principe dans la loi. Pour juger de chacun des aspects, on va demander
à un organisme. On peut faire deux choses. Ou bien vous dites: On va
faire des règlements pour prévoir chaque affaire. C'est pour cela
que les députés disent: C'est tout dans les règlements et
il n'y a rien dans la loi. Il est impossible de prévoir tous les cas
dans le domaine agricole; c'est trop diversifié, l'agriculture. Chacun
pourra soumettre son cas à la commission qui dira: Oui, cela
répond aux fins de l'article 12. Cela va bien dans le sens de
l'agriculture. Cela, c'est correct. Mais, on va avoir la prudence que cela ne
desserve pas les fins de l'agriculture.
Je vais vous donner un exemple: Dans le journal de ce matin, en
Colombie-Britannique, il y avait des exemples de trous dans leur loi. Vous avez
une ferme de 240 acres. La personne demande de la diviser en autant de fermes
de vingt acres. Leur commission avait parlé de quatre fermes de soixante
acres. La discussion s'est faite là-dessus. Finalement, la ferme a
été divisée en douze fermes de vingt acres. Ce sont douze
gars qui ont de l'argent qui ont acheté la ferme de vingt acres pour
aller passer leurs vieux jours. Est-ce que c'est cela la protection des terres?
Comprenez-vous? Il peut arriver toutes sortes de situations. Il faut être
capable d'évaluer chaque situation au mérite pour rendre justice
aux gens et aussi assurer la protection des terres que la loi veut assurer.
M. Cordeau: M. le ministre, vous avez donné des exemples
assez frappants, mais cela ne répond pas à
l'interprétation qu'ils ont posée tantôt: Claude, qui
s'associe avec son père et son frère il est garçon
encore, mais tantôt il sera peut-être marié et il voudra
avoir sa maison voudrait que le terrain sur lequel sa maison sera
construite soit séparé de la compagnie, ne fasse pas partie de la
compagnie. (18 heures)
M. Lozeau: Je voudrais, en plus, sensibiliser le ministre au fait
que ce n'est pas un point particulier qu'on amène. C'est une tendance
générale. Il faut faire attention à la coexploitation. Il
faut être d'avis qu'il faut admettre la coexploitation. Cela va
être une grande priorité dans le domaine de l'agriculture. On se
demande si justement il n'y aurait pas moyen de prévoir cela dans le
projet de loi, sans passer après... Je suis d'accord sur le point dont
vous parlez, c'est cela qui revient. Si vous avez 200 ou 300 coexploitations
à passer, cela vous fait 200 ou 300 points à réviser
encore. Je me demande jusqu'à quel point...
M. Garon: C'est pour une compagnie, par exemple.
M. Lozeau: Oui, une compagnie, précisément.
M. Garon: Une compagnie a des actionnaires et des
employés. Comme cultivateurs, vous allez être actionnaires de la
compagnie et, comme cultivateurs qui travaillez pour la compagnie, vous
êtes employés. Or la loi dit bien que l'employé peut
construire sur sa terre.
M. Cordeau: Le père peut construire. M. Garon: Une
personne. M. Giasson: L'article 40.
M. Garon: L'article 40. Il peut construire une maison pour son
employé.
M. Giasson: Sans l'autorisation de la commission?
M. Garon: C'est cela.
M. Lozeau: Oui. C'est cela, une personne pour son employé.
La compagnie considère tous ses gars comme employés. Je ne
comprends pas.
M. Giasson: Nécesairement. Si vous travaillez pour une
compagnie, vous devenez des salariés de la compagnie.
M. Giard: Oui, au point de vue économique, les compagnies,
c'est ce qu'il y a de mieux au point de vue humain, au point de vue social.
Pour moi-même, m'incorporer, c'était la solution idéale.
J'aimerais quand même avoir quelque chose qui m'appartienne un jour. Ce
quelque chose, ce serait une maison. La femme que je vais probablement
épouser, j'aimerais aussi qu'elle travaille dans sa maison, et non dans
la maison de la compagnie. Avec l'article 40 comme il est écrit, la
maison va toujours devoir appartenir à la compagnie et non à
l'individu.
M. Cordeau: Oui, c'est sur ce point. M. Garon: Alors...
M. Lozeau: ... vous me demandez. M. Garon: Oui.
M. Lozeau: Le problème, c'est que les gars... A l'article
40...
M. Garon: Qu'est-ce qu'il vous dit? M. Lozeau: C'est
surtout l'article 40...
M. Garon: Non, je ne dis pas qu'il ne peut pas être
disséqué. Une personne dont la principale occupation est
l'agriculture peut, sans l'autorisation de la commission, construire sur son
lot une résidence, etc.. La construction d'une résidence en vertu
du présent article n'a pas pour effet de soustraire le lot ou la partie,
du lot... C'est l'application des articles 28 à 30, où on dit que
vous ne pouvez pas distraire une maison de la ferme sans l'autorisation de la
commission. Comprenez-vous? Il s'agit, dans le cas de l'article 40, de faire
cela sans l'autorisation de la commission. Si vous voulez vous séparer
on va voir les articles 28 à 30 - la maison, vous demandez la
permission de la commission. Si vous ne faites pas ces articles comme cela, il
y aura toujours des fins finauds qui vont dire: On se bâtit des maisons,
elles sont pour nos enfants. Alors, ils changent d'idée, ils ne vont pas
rester là, il faut que je la vende. Il y a tout un processus. Le but de
la loi, ce n'est pas d'embarquer les cultivateurs pour les "maganer". L'article
40 est là pour permettre de construire sans problème et
même sans la permission de la commission. On dit: Les articles 28
à 30 s'appliquent. Si vous voulez séparer la maison de la ferme,
à ce moment, vous pouvez le faire en demandant l'autorisation de la
commission à l'article 28. C'est pour empêcher les abus, c'est
évident! Par exemple, s'il y a une compagnie qui a deux
cultivateurs...
M. Giasson: Une compagnie, c'est une personne morale!
M. Lozeau: Là-dessus...
Le Président (M. Boucher): Messieurs, nous sommes à
l'heure de la suspension. Est-ce que j'ai le consentement pour qu'on continue
quelques minutes pour terminer?
M. Cordeau: Pour leur permettre de retourner. M. Giasson:
C'est oui.
Le Président (M. Boucher): D'accord. Alors, allez-y, M. le
ministre. Oui, monsieur.
M. Lozeau: Là-dessus, je voudrais que ce soit clair, parce
que, quand même, j'en ai 140 qui veulent être renseignés
là-dessus. Selon la loi telle qu'elle est là, le gars peut
bâtir une maison à son fils ou à son employé. Les
gars qui sont à l'intérieur d'une compagnie ne peuvent pas se
bâtir une maison à eux seuls. Est-ce comme cela? Nous autres, on
l'a interprété comme cela, et c'est comme cela que cela a
été interprété. C'est cela qu'on veut savoir.
M. Garon: L'article...
M. Giasson: Cela prend une permission de la commission.
M. Garon: Cela prend une permission de la commission.
M. Lozeau: Cela prend une permission de la commission. C'est cela
qu'on se demande. Vu l'importance des compagnies à cet effet, on se
demandait jusqu'à quel point il serait bon d'insérer une clause
qui aide les gars qui sont en compagnie et dont la principale activité
est l'agriculture pour pouvoir avoir leur maison à eux seuls.
M. Garon: On ne pouvait pas mettre un article bidon, omnibus,
c'est-à-dire un article qui comprend tout dans une telle loi. Là,
chaque cas va être étudié à l'espèce. C'est
évident que vous vous êtes formés en compagnie parce que
cela facilite vos affaires. Vous êtes agriculteur et vous voulez vous
bâtir sur votre ferme. A ce moment, vous demandez la permission à
la commission et, normalement, vous n'aurez pas de problèmes. Mais c'est
écrit de cette façon pour qu'il n'y ait pas des exclusions
automatiques qui vont amener des abus.
Le but de la loi n'est pas de faire des absurdités, de vous
empêcher de demeurer sur votre ferme. Ce n'est pas le but de la loi. Le
but de la loi est de fontionner de façon intelligence. Mais, en
même temps, elle doit être rédigée de façon
à ne pas mettre certains droits dans la loi qui permettent des abus que
vous ne serez pas capable d'arrêter. C'est pour cela.
M. Lozeau: Donc, tout revient à la commission à ce
moment tous les jugements sur cela?
M. Garon: Sauf ce qui prévu pour fonctionner sans
autorisation de la commission. Il y a un paquet d'affaires qui sont
indiquées dans la loi et qui n'ont pas besoin de l'autorisation de la
commission.
M. Lozeau: En le demandant à la commission, on pourrait
lotir un terrain appartenant à la compagnie et, avec ce lotissement, on
pourrait se construire une maison.
M. Garon: II faudrait le demander.
M. Lozeau: La commission a le pouvoir...
M. Garon: Oui.
M. Lozeau: ... de permettre le lotissement.
M. Cordeau: Vous affirmez que, comme le demande l'association des
jeunes de la relève agricole, ils pourront distraire d'une ferme...
M. Lozeau: En compagnie.
M. Cordeau: ... en compagnie le lot des coactionnaires.
M. Garon: Avec l'approbation de la commission.
M. Cordeau: Oui, avec l'approbation de la commission.
M. Beauséjour: Elle peut bien dire non aussi.
M Giasson: Oui, cela peut être non également.
M. Beauséjour: II faut éviter de contourner la loi
et qu'à un certain moment tu te ramasses avec un
développement.
M. Cordeau: Je veux savoir du ministre, si la loi actuelle telle
que rédigée le permet.
M. Garon: Quoi?
M. Giasson: Sans l'autorisation de la commission. Non.
M. Cordeau: Non. Avec l'autorisation de la commission.
M. Beauséjour: Le ministre n'a pas parlé de la
commission.
M. Garon: L'article 28 dit: "Une personne ne peut, sans
l'autorisation de la commission, effectuer un lotissement dans une
région agricole désignée".
M. Giasson: Cela ne peut pas être plus net. M. Garon:
C'est pour empêcher le lotisse- ment, de morceler les terres, de
faire des lots et de les revendre. La loi dit: "Une personne ne peut, sans
l'autorisation de la commission...", mais elle pourra avec l'autorisation de la
commission. Elle peut pouvoir avec l'autorisation de la commission.
M. Vaillancourt (Orford): Si la commission décide que
c'est acceptable; cela va dépendre des cas.
M. Giasson: Si elle juge que ce n'est pas correct, cela va
être non.
M. Vaillancourt (Orford): Si elle juge que ce n'est pas
acceptable, cela ne sera pas acceptable.
M. Garon: Le but de la loi, ce n'est pas d'empêcher le
cultivateur de rester sur sa ferme. C'est évident, cela.
M. Cordeau: Je suis bien heureux de vous l'entendre dire, parce
qu'il y en a plusieurs qui se posent des questions, même des avocats.
M. Garon: C'est normal.
M. Cordeau: Même les jeunes qui ont étudié le
projet de loi, et qui, je pense, y ont apporté une attention bien
spéciale se posent cette question.
M. Garon: C'est pour cela que je dis que c'est un secteur
complexe. C'est parce qu'il y a toutes sortes d'affaires dans cette loi, qui
ont été pensées, un paquet de problèmes qui ont
été pensés au cours des dernières années et
sur lesquels on a réfléchi et on a fait un choix comme cela dans
cette loi. C'est pour cela qu'on a parlé à un certain moment de
l'interprétation. Ce qui va se faire durant la première
année et durant la deuxième année sera extrêmement
important parce que c'est là que la ligne va se tracer, comment cela va
fonctionner.
C'est pour cela que je disais au départ qu'il était
absolument essentiel qu'il y ait une commission. Eventuellement, on peut
imaginer que cela pourrait être différent, dans un an ou deux,
mais, au départ, il va vraiment y avoir une tendance. Il n'y a pas
d'expert en zonage agricole au Québec. Il va falloir bâtir cela
ensemble un peu.
M. Ouellette: Quand vous allez comprendre toutes les
substilités, vous allez vous acheter une terre.
M. Garon: Si, à certain moment, il arrivait qu'un article
soit interprété par la commission d'une façon absurde,
supposons que cela arriverait, qu'est-ce qui va arriver? On va amender la loi
pour qu'elle ne dise pas cela.
La loi a été faite d'une façon intelligente. Un
cultivateur qui reste sur sa ferme, c'est la façon normale de la faire
fonctionner. Il faut l'interpréter dans le sens qui a bu bon sens.
Maintenant, s'il arrivait que, pour une raison ou pour une autre, la
commission disait: Cela veut
dire telle chose. Le gouvernement dirait: Cela n'a pas de bon sens. On
n'est pas d'accord sur cela et on changerait la loi pour que cela ne veuille
pas dire cela. Comprenez-vous? Mais, au début, c'est normal que les gens
se posent des questions et aient certaines inquiétudes. C'est normal,
mais tout cela va se clarifier. Les gens connaissent beaucoup plus la loi
aujourd'hui qu'ils ne la connaissaient il y a un mois.
M. Lozeau: On vous remercie beaucoup, M. le ministre, et on
espère que cette commission va nous donner un coup de pouce à la
relève agricole. Comme on le disait tantôt, c'est quand même
nous qui sommes le tampon entre les réalités techniques et les
réalisations pratiques qui vont se faire dans le futur.
M. Garon: Merci.
Le Président (M. Boucher): Au nom de tous les membres de
la commission, je remercie, M. Giard et M. Lozeau pour le mémoire qu'ils
nous ont présenté.
La commission suspend ses travaux jusqu'à 20 heures.
Suspension de la séance à 18 h 10
Reprise de la séance à 20 h 21
Le Président (M. Boucher): A l'ordre s'il vous
plaît! A la suspension de 18 heures, nous avions terminé avec
l'Association de la relève agricole. J'appelle maintenant le Conseil
régional de développement de l'Est du Québec,
représenté par M. Pierre Jobin, directeur général,
et M. Jocelyn Lachance.
M. Lachance, si vous voulez procéder à la lecture de votre
mémoire.
Conseil régional de développement de
l'Est du Québec
M. Lachance (Jocelyn): On a noté les interventions de cet
après-midi. On va essayer d'être brefs.
Le Président (M. Boucher): Merci.
M. Lachance: M. le Président, messieurs les membres de la
commission, l'intervention qu'on vous présente fait un petit historique
de ce qu'est le CRD, rappelle les interventions faites jusqu'à
maintenant dans le dossier et, dans un deuxième temps, indique pourquoi
zoner dans l'est et comment.
Il nous est apparu à propos de mettre sur papier les raisons qui
justifient à nos yeux notre participation à la commission
parlementaire avant d'aborder l'objet proprement dit de notre intervention et
d'exprimer les réactions que nous inspire le projet de loi à
l'étude.
Né en 1967 de la fusion entre le Conseil d'orientation
économique du Bas-Saint-Laurent et le Conseil régional
d'expansion économique de la Gaspésie et des
Iles-de-la-Madeleine, le Conseil régional de développement de
l'Est du Québec est une compagnie sans but lucratif régie selon
la troisième partie de la Loi des compagnies. Reconnu comme
interlocuteur privilégié en matière de
développement régional, il vise des objectifs de consultation et
de concertation en regroupant les organismes régionaux
préoccupés du développement de la région. Ces
derniers participent à l'assemblée générale
annuelle qui choisit les membres du conseil d'administration, lesquels nomment
les membres du conseil exécutif. Le CRD regroupe des associations
syndicales, telles l'UPA, la CSN, la FTQ, la CEQ, des associations patronales,
le CDE, des coopératives, l'Union régionale des caisses
populaires, des associations communautaires comme la régionale des
jeunes chambres, la Société nationale de l'Est du Québec
et divers conseils spécialisés: culture, loisirs, forêt,
environnement, communications, aménagement intégré,
conférences municipales, et favorise la concertation sur des questions
d'intérêt régional. Consultatif, il émet avis et
recommandations sur les questions de développement régional.
Mentionnons la négociation de diverses ententes de développement,
les programmations régionales, le fonds de développement
régional et le reste.
Notre participation en commission parlementaire n'est pas la
première intervention que nous faisons dans ce dossier. Lors de la
tournée de M. Garon sur la question du zonage, le CRD a
présenté un avis dont les grandes lignes sont les suivantes: 1)
la dilapidation des bons sols agricoles est une cause de contraintes pour
l'agriculture; 2) cette situation est, par ailleurs, le reflet d'un
problème plus vaste où l'âge des exploitants, les revenus
agricoles et la valeur des terres sont des composantes majeures; 3) la
région de l'Est est défavorisée dans son ensemble, y
compris en agriculture, car le nombre de fermes diminue rapidement, les revenus
agricoles augmentent, mais cela s'accompagne de la spécialisation, voire
de la surspécialisation de la production régionale. Le secteur
agro-alimentaire est au premier rang de la région et double la moyenne
du Québec. Le ministère de l'Agriculture s'est donné dans
l'est une banque de terres de plus de 100 000 acres. 4) la gestion actuelle du
zonage par les municipalités offre les inconvénients de
l'éparpillement, mais les avantages de la décentralisation. Et,
enfin, les recommandations qu'on faisait à ce moment-là et qu'on
continue, évidemment, à faire: Que le ministère de
l'Agriculture prépare un zonage qui est homologué automatiquement
par les municipalités, mais demeure sujet à amendement selon les
formules habituelles. Une taxe spéciale serait imposée au
bénéficiaire d'un changement de zonage. Qu'on crée des
sociétés d'aménagement foncier. Qu'on accorde aux plans de
développement de l'agriculture préparés par nos UPA les
budgets requis.
Lors de la discussion avec le ministre sur notre mémoire, nous
avons eu l'occasion de dialoguer sur la multiplicité des structures dans
notre région, UPA, CRD, municipalités, sociétés
d'exploitation des ressources, groupements forestiers, CEREQ, JAL, etc. Nous
avons mis de l'avant que la concertation était non seulement
souhaitable, mais possible compte tenu des nombreuses collaborations
déjà vécues entre ces divers organismes. Lors du
dépôt du projet de loi 90, nous avons, après une analyse
que nous avouons sommaire, tenté de comparer ce qu'on pourrait appeler
le point de vue régional, tel que présenté par les
mémoires soumis au ministre, et les réponses contenues dans le
projet de loi. Le tableau est éloquent.
On a divisé ce tableau en cinq catégories. En ce qui
concerne le zonage des terres dans l'est, sur les dix intervenants, les dix ont
dit oui, le ministre a dit non; en ce qui concerne la banque de sols, deux
intervenants se sont prononcés; les deux ont dit oui, le ministre a dit
non.
M. Garon: Sur la banque de sols?
M. Lachance: En ce qui concerne la régie centrale, neuf
intervenants se sont prononcés; sept ont dit non, le ministre a dit oui;
gestion décentralisée, six intervenants se sont prononcés
en faveur, le ministre a dit non; mesures de rentabilisation, huit intervenants
ont dit oui, le ministre a dit non.
M. Garon: Je vais vous dire une chose, par exemple...
M. Lachance: Depuis, toutefois...
M. Garon: Je vais répondre à ça tout
à l'heure.
Le Président (M. Boucher): D'accord, M. le ministre.
M. Giasson: Quelle tentation!
M. Lachance: Depuis, toutefois, des mesures ont été
annoncées en ce qui concerne la banque de sols, d'une part, et certains
programmes de rentabilisation de l'agriculture, d'autre part. A ce dernier
propos, il ne s'agit toutefois pas encore de plans de développement
soumis par nos UPA. Nous comprenons que ce sont là des mesures qui sont
difficilement intégrables comme telles dans une loi sur le zonage, mais
on nous comprendra de profiter de toutes les occasions pour sensibiliser le
ministre à ce propos.
Nous tenons, dans un premier temps, face au dépôt du projet
de loi, à faire un certain nombre de remarques. D'abord, nos propos
valent pour l'Est du Québec; ensuite, nous n'avons pas l'intention de
faire porter nos commentaires sur l'indemnisation ou les pouvoirs des
enquêteurs ou d'autres aspects très précis du projet de
loi, mais plutôt sur les raisons qui font, selon nous, que l'on devrait
avoir des mesures de protection des terres arables dans notre région et
sur les grandes lignes de leur application.
Sans prétendre pour autant qu'il faille appliquer
aveuglément dans notre région toutes les prescriptions
prévues au projet de loi 90, il nous est apparu qu'il existe une
série de raisons qui justifient qu'on applique dans l'Est du
Québec les mesures qui s'en inspirent. On ne peut prétendre
longuement que c'est pour des raisons techniques qu'on n'a pas pu inscrire
l'Est du Québec dans le territoire à être régi par
la loi 90. D'abord, parce que, pour une fois que ça peut servir les
tonnes de livres, cartes, documents, études, analyses, recherches et le
reste dont nous sommes spécialement fournis à titre de
région pilote, on serait fort malvenus de dire qu'ils n'existent
pas.
En plus de ces aspects documentaires, nous avons dans la région
des ressources humaines en qualité et en quantité suffisante, que
ce soit dans les bureaux locaux ou au bureau régional du
ministère de l'Agriculture. D'ailleurs, on a prêté des
ressources aux centrales, d'une part, et à l'Université du
Québec, d'autre part. Nous devons en conclure que, si l'Est du
Québec n'est pas couvert, ce n'est pas pour des raisons techniques, du
moins au sens que nous donnons généralement à ce
terme.
Nous avons fait référence plus haut à une analyse
sommaire des mémoires présentés dans la région au
ministre Garon lors de sa tournée à l'automne. Notre propos n'est
pas de faire une savante étude de la représentativité de
ces divers intervenants, même si nous croyons être en mesure
d'affirmer, à partir de notre connaissance du milieu, que les principaux
intéressés étaient là. Cependant, on peut et on
doit noter que, lors d'audiences publiques ouvertes à tout le monde et
ayant fait l'objet d'une publicité importante, tant au niveau des
personnes que des organismes, personne ne s'est présenté pour
demander que la région ne soit pas couverte ou pour s'opposer, en
principe, au zonage. (20 h 30)
Or, dans les mêmes circonstances, le projet de réforme de
l'assurance automobile avait soulevé des objections nombreuses. Donc,
sans en faire une certitude et sans avoir d'arguments scientifiques à
l'appui de cette thèse, on peut avancer que les intéressés
se sont, dans l'Est du Québec, prononcés en faveur du principe
d'une loi de protection des terres arables qui s'appliquerait à la
région.
Une loi de protection des sols arables peut se justifier et
s'interpréter de diverses façons. Voyons comment ces raisons
s'appliquent ou pas à notre région, partant du constat que la loi
est conçue en fonction du Québec dans son ensemble et non en
fonction de l'est. 1. C'est pour protéger toutes les bonnes terres
agricoles, auquel cas l'Est du Québec serait couvert, car nous comptons
422 000 des 2 917 400 acres de sol de catégorie AA du Québec. 2.
C'est pour couvrir les cas où la menace est la plus grande. Si c'est par
rapport à des sols d'une qualité et d'une productivité
exceptionnel-
les, nous ne sommes pas spécialement touchés. Si c'est par
rapport à un volume de transactions très élevé,
nous ne sommes pas spécialement touchés non plus. Par contre, si
c'est en termes de menace à l'agriculture, nous croyons que notre
région mérite toute la protection possible. En effet, la perte
d'une terre de qualité dans une région où il y en a trop
peu, il faut bien le reconnaître, mais qui est à la fois la plus
rurale du Québec, constitue un phénomène beaucoup plus
grave qu'ailleurs. D'abord, parce que la perte est beaucoup plus significative
en termes relatifs; ensuite, parce que les effets psychologiques sur le milieu
rural sont beaucoup plus considérables surtout dans une région
où la fermeture des paroisses est encore une ombre menaçante. On
pourra toujours objecter que la population diminue dans notre région et
que ce ralentissement démographique se produisant surtout en milieu
rural, il devrait en résulter une pression moindre sur les sols
agricoles. C'est faire bon marché de quelques phénomènes,
dont celui qui veut que ce ne soit pas dans les meilleures paroisses agricoles
qu'on observe le plus fort déclin démographique et que ces
paroisses sont, comme presque partout au Québec, situées à
proximité des agglomérations urbaines.
C'est donc dans la mesure où nous disposons de relativement peu
de bon sols dans la région la plus rurale du Québec, d'une part,
et que l'agriculture est en butte, chez nous, à de nombreux obstacles,
d'autre part, que nous croyons que devraient s'appliquer dans l'Est du
Québec des mesures de même ordre que celles prévues dans la
loi 90.
Une fois admis et justifié le prérequis de la protection
des sols arables, encore faut-il y aller de recommandations quant à son
application. Nous n'allons pas nous lancer dans une savante analyse des
disparités régionales, de l'évolution différente
des pratiques agricoles, des variantes climatiques et pédologiques,
etc., pour justifier que nous ne sommes pas une région comme toutes les
autres, au moins certaines d'entre elles
Le ministre l'a fait à notre place dans son projet de loi. Nous
ne sommes pas régis par la loi 90.
Si, donc, nous sommes une région pas comme les autres, ce que
nous venons de démontrer, il nous semble que la structure de
régie de zonage agricole chez nous pourrait ne pas être comme
l'autre. Nous croyons que dans l'Est du Québec on pourrait fonctionner
comme suit: 1. Le bureau régional du ministère de l'Agriculture
transmet tous les documents pertinents à la commission régionale
de protection du territoire agricole formée des représentants des
corporations municipales, des unions de producteurs agricoles et du Conseil
régional de développement de l'Est du Québec et de deux
représentants du public. 2. La commission régionale
prépare et expédie aux diverses municipalités du
territoire un plan de zonage agricole automatiquement homologué sur
réception. 3. Les amendements aux règlements se font selon la
formule habituelle. 4. Toute personne, corporation ou municipalité se
sentant lésée par une décision de la commission
régionale pourrait en appeler à la Commission de protection du
territoire agricole du Québec.
Les avantages de cette formule sont les suivants: protection du
territoire agricole de l'est; association des principaux
intéressés à la préparation des plans de zonage;
décentralisation des décisions; possibilité d'appel
à un organisme panquébécois neutre et
spécialisé et, enfin, coût réduit et structure
légère. Cela suffit pour nous donner le goût de montrer que
chez nous aussi on est capable de zoner. Merci.
Le Président (M. Boucher): Merci", M. Lachan-ce. M. le
ministre.
M. Garon: D'abord, pour être honnête, il va falloir
mettre au point certaines choses qui ne sont pas exactes. Premièrement,
vous dites que le MAQ s'est donné dans l'est une banque de terres de
plus de 100 000 acres. Vous savez que le ministère de l'Agriculture n'a
pas voulu se donner une banque de terres. Ce sont des décisions qui sont
venues d'ailleurs. Il n'était qu'un instrument qui appliquait des
décisions venues d'ailleurs.
Quand vous dites que vos organismes voulaient tellement la protection du
territoire agricole, remarquez qu'une bonne partie d'entre eux disaient que le
problème chez vous n'était pas la protection des terres, mais
l'abandon des terres. Le problème était beaucoup plus,
plutôt que de geler du territoire pour l'agriculture, de remettre du
monde dans les rangs qui se vidaient. Je ne voudrais pas protéger des
fantômes ou bien des rangs.
Quand vous dites que pour la banque de sols, il y en a deux qui ont dit
oui et le ministre a dit non, je regrette. Il faudrait que vous soyez au
courant qu'il y a une loi devant l'Assemblée nationale concernant une
banque de terres.
Lorsque vous dites qu'une régie centrale, les UPA en veulent et
que les autres n'en veulent pas, j'ai l'impression que les principaux
conseillers dans le domaine agricole, ce sont les UPA, justement.
Je peux vous dire aussi que, lorsqu'on a fait le plan
d'aménagement Basque-Neigette, qui a été fait par toutes
sortes d'organismes, l'UPA, la première chose que l'UPA a
demandée, c'est d'être consultée, parce qu'elle n'avait pas
été assez consultée. Le projet a été,
à toutes fins pratiques, retardé d'un an. Si tous vos organismes
régionaux se concertent tant que cela, pourquoi a-t-il fallu recommencer
la consultation pour Basque-Neigette avec l'UPA qui n'avait pas
été assez consultée?
Concernant les organismes régionaux, je pense que, d'une
façon générale, le ministère de l'Agriculture a
aidé tous les organismes régionaux dans tous les cas. Le
ministère de l'Agriculture, par exemple, a subventionné la
coopérative du JAL, alors qu'on aurait normalement dû
subventionner uniquement ce qui concernait l'agriculture.
M. Giasson: Vous êtes allés au-delà de
l'agriculture.
M. Garon: En subventionnant la coopérative du JAL, on
allait au-delà de l'agriculture un peu, je pense.
M. Giasson: Le député de Rivière-du-Loup est
d'accord.
M. Garon: En l'absence d'autres organismes qui le faisaient.
Je dirais ceci également. Vous parlez de mesures de
rentabilité. Je dirais que, pour l'est, ce serait bon que vous
commenciez à convaincre les gens de chez vous, parce que, lorsqu'on a
discuté avec l'UPA des programmes régionaux cela fait deux
ou trois fois que je le dis, mais je voudrais que ce soit clair, c'est
enregistré dans le Bas-du-Fleuve, dans le Bas-Saint-Laurent, il
n'y avait pas de budget à ce moment-là, parce que les budgets
sont prévus d'avance dans le budget du ministère. Normalement,
les budgets en cours d'année sont pris dans le fonds de
développement régional.
Troisièmement, il y avait eu des recommandations négatives
de la conférence administrative régionale du Bas-Saint-Laurent
pour qu'il y ait des fonds investis dans le développement agricole
primaire. Est-ce que c'est clair? Quand vous dites que le ministère de
l'Agriculture, à Québec, ne développe pas le
Bas-Saint-Laurent, j'aimerais que vous commenciez à faire la
concertation chez vous.
Le Président (M. Boucher): M. Lachance.
M. Lachance: Je pensais que ce serait bref. On part?
M. Giasson: D'accord. Attachons nos ceintures.
M. Lachance: Je veux souligner six points. Le premier, la banque
de sols; que cela dépende du ministère de l'Agriculture ou pas,
il reste qu'elle est là. Il y a 100 000 acres de sols.
Deuxièmement, quand on parle de zonage et que le ministre dit:
Chez vous, il y a des terres en friche, et on les abandonne, c'est
peut-être vrai, sauf que, lorsqu'il y a des politiques de
rentabilisation, il faut se souvenir puisque M. le ministre a
parlé du JAL que nos premières patates, on les a
plantées dans une plantation de sapins. Cela se fait. Et c'est rentable
présentement.
La troisième remarque sur Basque-Neigette, j'aimerais mieux qu'on
ne parle pas de ce qui s'est passé pour Basque-Neigette au niveau de la
consultation. Ce n'était pas au niveau de la population qu'on ne
s'entendait pas; c'était au niveau du ministère de
l'Agriculture.
M. Garon: Le ministère de l'Agriculture en
région.
M. Lachance: Pour nous autres, c'est le ministère de
l'Agriculture.
En ce qui concerne les organismes régionaux, on parle de la
coopérative du JAL qui est subventionnée pour d'autres fins que
de l'agriculture; de cela aussi, on pourrait en parler longtemps. Du JAL, je
pense que je peux en parler beaucoup, mais on n'est pas venu ici
spécialement pour cela. Ce qu'on note, par exemple, c'est que les
subventions du ministère de l'Agriculture sont présentée
sur un "phasing out" de trois ans avec rien au bout, supposément dans la
région la plus rurale au Québec. Quand vous dites que vous
subventionnez le JAL pour quelque chose qui n'est pas de l'agriculture, vos
subventions, le dernier CT qui a passé, cela a été $200
000 sur trois ans; après trois ans rien, sans consultation, à ma
connaissance, ni de la région, ni des gens du JAL.
Sixième point, les mesures de rentabilité UPA
Bas-Saint-Laurent. S'il y a des chicanes entre l'OPDQ et le ministère de
l'Agriculture...
M. Garon: Pas l'OPDQ; la conférence administrative.
M. Lachance: La conférence administrative. Si au niveau de
la conférence administrative on ne s'entend pas, je n'aimerais pas qu'on
dise que les organismes populaires de la région ne s'entendent pas,
parce que ce n'est pas tout à fait à la même table qu'on se
rencontre.
M. Garon: Je n'aimerais pas, non plus, qu'on dise que c'est
Québec qui ne veut pas aider dans le bas.
M. Jobin (Pierre): Je ne pense pas qu'on ait mentionné
qu'il y avait de la mauvaise volonté du ministère de
l'Agriculture par rapport à ce programme. Tout ce qu'on dit c'est qu'on
profite de toutes les occasions pour en parler. De toute façon, c'est un
plan qui a été mis de l'avant par l'UPA au sujet duquel on n'a
pas toutes les réponses encore. Mais il n'a pas été
mentionné là-dedans, en tout cas à ma souvenance pour
avoir lu le mémoire une couple de fois, qu'il y avait de la mauvaise
volonté quelque part.
Par ailleurs, quand on parle de la banque de sols, vous pouvez noter
qu'on a repris le tableau, parce qu'on l'avait sorti très vite pour des
fins internes. On a repris celui-là, parce qu'on n'a pas eu le temps de
le refaire, mais il est noté immédiatement en bas, à la
ligne suivante: "Depuis, toutefois, des mesures ont été
annoncées en ce qui concerne la banque de sols, d'une part, etc."
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Montmagny-L'Islet.
M. Giasson: Messieurs, merci pour le mémoire que vous
déposez au nom du CRD de l'Est du Québec. Le tour d'horizon que
vous faites à l'intérieur de votre mémoire permet à
des gens qui ne vivent pas à l'intérieur de la région de
l'Est, la région qu'on appelle, nous autres,
Gaspésie-Bas-Saint-Laurent, de voir certains sujets de
préoccupation.
A la lecture de votre mémoire, on voit que vous déclarez,
à la page 4, que la région de l'Est est défavorisée
dans son ensemble, y compris en agriculture. Vous dites cela à
l'intérieur d'un mémoire qui vient commenter la loi de protection
des terres. La première remarque que vous faites, c'est que le nombre de
fermes diminue rapidement. Est-ce que le nombre de fermes diminue parce que les
gens cessent de les cultiver ou parce que les fermes sont achetées par
des voisins ou des cultivateurs qui veulent agrandir?
M. Jobin: II y a un peu des deux phénomènes, mais
la majeure partie de cette diminution provient d'un abandon de l'agriculture
par un certain nombre de cultivateurs. Il y a eu une consolidation importante
tant en termes de superficie des fermes que de grosseur des exploitations dans
la région, mais il nous reste, dans la région, un peu moins que
4000 fermes et, depuis 1966, on en a perdu 6000. Cela vous donne une
idée du phénomène. On ne peut plus en perdre autant qu'on
en a perdu.
M. Giasson: D'accord, vous avez perdu 6000 fermes, en l'espace de
dix ans, de douze ans.
M. Jobin: Dix ans, à toutes fins pratiques.
M. Giasson: Vous aviez combien d'acres en culture il y a dix ans
et vous avez combien d'acres en 1978?
M. Jobin: Là-dessus, mes chiffres sont moins
précis, mais il y a eu une diminution de 10% ou 15%. Je ne voudrais pas
vous induire en erreur, mais il y a une diminution de cet ordre, si j'ai bonne
souvenance, de l'acrage. Mais la valeur de la production a
considérablement augmenté. On a de meilleurs cultivateurs, mieux
équipés et plus rentables, etc., mais ils sont beaucoup moins
nombreux.
M. Giasson: Cet abandon de l'agriculture, le retrouvez-vous
principalement dans les paroisses de l'arrière-pays ou est-ce que le
phénomène joue également dans les municipalités ou
les paroisses qui longent le fleuve?
M. Jobin: Dans l'arrière-pays, il y a eu vraiment abandon
massif, sans consolidation ou très peu, tandis que, dans les paroisses
agricoles, il y a eu consolidation surtout. Il n'y a pas eu de terres de
perdues finalement, pas d'exploitations agricoles de perdues. Il y a moins de
cultivateurs, mais on peut dire qu'en gros on n'a pas perdu d'agriculture. (20
h 45)
M. Giasson: En bordure du Saint-Laurent, de la baie des Chaleurs,
dans la vallée de la Matapédia, est-ce qu'il y a peu de terres en
friche?
M. Jobin: II y en a. Mettre un pourcentage, ce serait vraiment
risqué, mais il y en a, spécialement dans la vallée de la
Matapédia et également dans la baie des Chaleurs, parce qu'il n'y
a pas là une exploitation agricole aussi intense qu'il pourrait y en
avoir si ce n'était de la qualité du sol. A cause des
difficultés de transport et du nombre de cultivateurs qu'il y a
là...
M. Giasson: Je me pose une question, après la lecture de
votre mémoire, quant à la priorité dans le
Bas-Saint-Laurent et la Gaspésie. Est-ce qu'il y a urgence de
protéger le sol agricole ou s'il n'y a pas plutôt urgence de
bâtir des programmes spéciaux adaptés à une
région du Québec qui est différente des autres pour un tas
de raisons que vous connaissez mieux que moi? Vous auriez aimé voir le
zonage s'appliquer intégralement sur tout le territoire du
Québec, puisque, s'il se rend chez vous, il va aller dans le
Saguenay-Lac-Saint-Jean, il va aller dans l'Estrie, à peu près
dans toutes les régions, même celle du Nord-Ouest. Je vous avoue
qu'après la lecture du mémoire l'urgence, même si c'est
important de zoner et de protéger ce n'est pas là-dessus
que je veux émettre des doutes ce seraient des programmes
nouveaux fort importants qui s'adaptent à la région, parce que
vous ne pouvez pas avoir le même type d'agriculture que dans le coeur du
Québec et dans la vallée du Saint-Laurent en allant vers
Montréal. Vous n'avez pas le même climat, ce n'est pas le
même type de sol, ce ne sont pas les mêmes productions dans
l'ensemble. Vous avez l'industrie laitière qui va très bien avec
le reste, mais, au-delà de cela, je pense qu'il faut reconnaître
que cela diffère.
M. Lachance: Je pense qu'il faut se remettre un petit peu dans le
contexte de l'est où, il y a dix ans, on vidait systématiquement
les paroisses. Quand on parle d'une banque de sols, elle n'est pas
arrivée tout d'un coup. Il y avait des politiques claires, nettes et
précises, dans un premier temps, de fermer les paroisses globalement;
dans un deuxième temps, d'inciter les gens à s'en aller en ville.
Le problème, c'est que, quand ils arrivaient en ville, il n'y avait pas
plus de solutions et ils étaient autant sur le chômage ou
marginaux qu'ils l'étaient à la campagne, de telle sorte que
présentement, on se ramasse avec un tas de sols qui ont du potentiel
agricole, mais avec moins de gens pour s'en servir et avec des terres en friche
qu'on est obligé de reprendre et de labourer pendant cinq ou six ans
avant que cela finisse par faire une terre normalement rentable. C'est
évident, quand vous me parlez de politique de rentabilisation, on est
100% d'accord. On regrette en même temps que la programmation
régionale ne soit pas encore passée au Conseil du trésor,
mais un n'élimine pas l'autre, je pense, parce qu'en même temps
qu'il y a de l'abandon on commence à ressentir des problèmes de
spéculation, c'est-à-dire des gens de Québec, de Rimouski,
de Rivière-du-Loup qui viennent s'acheter une terre à la
campagne. A la campagne, c'est chez nous, c'est mon voisin. Il me semble que ce
sont deux politiques qui doivent être menées de front.
M. Giasson: Si vous avez des gens de l'extérieur de votre
région qui vont acheter des fermes, c'est parce que, tout de même,
il y a des cultivateurs qui consentent à les vendre. S'ils ont des
fermes, c'est parce qu'il y a un gars qui possède une ferme et qui la
vend à un acquéreur éventuel.
M. Lachance: Evidemment. Ceux qui vendent, ce sont des gens
marginaux qui vont, évidemment, avoir normalement un peu plus cher d'un
gars de Québec que de leur voisin qui a besoin de leur terre pour
prendre de l'expansion et se stabiliser. Présentement, chez nous, on vit
ce problème. On a des cultivateurs ayant 30 ou 35 vaches qui voudraient
s'agrandir, se stabiliser, sauf que les voisins vendent au gars de la ville. Le
gars de la ville passe deux mois là quand il a deux mois de
vacances.
M. Giasson: Parce qu'il paie plus cher que les offres qui peuvent
venir d'autres cultivateurs.
M. Lachance: Chez nous, pour vous donner une idée de la
valeur des terres cela pose peut-être un autre problème de
stabilisation des fermes il y a cinq ou six ans, des terres s'achetaient
facilement pour $2000 à $3000.
M. Giasson: Quoi? Une ferme?
M. Lachance: Des terres. Une maison de 1940 avec des
bâtiments plus ou moins valables et une terre de 105 acres, cela se
vendait de $2000 à $3000. Présentement, après cinq ou six
ans, les terres ont augmenté. Compte tenu de ce qui se passe dans l'est
depuis quelque temps, cela vaut entre $12 000 et $14 000 pour
l'équivalent. Il reste que pour $12 000, pour quelqu'un de la ville,
c'est le prix d'un chalet. Là, il se ramasse avec une terre d'un mille
de long et un ruisseau et du bois. Il n'en revient pas, il achète. Le
voisin n'a peut-être pas les moyens d'acheter.
M. Giasson: Quoique, si une ferme se vend $10 000 à $12
000 avec les bâtiments et un boisé, j'ai bien l'impression que, si
le voisin en a vraiment besoin, il va payer les $10 000 ou $12 000.
M. Lachance: Le gros avantage qu'on a depuis tout
récemment, c'est le crédit forestier. Par le biais du
crédit forestier, beaucoup de cultivateurs ceux qui voulaient
prendre de l'expansion ont été soulagés. Le
Crédit agricole chez nous prête sur la valeur foncière et
les terres sont encore évaluées à $2000 ou $3000.
M. Giasson: Vous avez fait allusion à la fermeture de
paroisses ces dernières années, mais vous indiquez que la
fermeture des paroisses est toujours une ombre menaçante. Craignez-vous
la fermeture d'autres paroisses dans le Bas-Saint-Laurent et la
Gaspésie?
M. Lachance: Si on regarde l'évolution
démographique, en milieu vraiment rural, elle est à la baisse.
Pierre peut peut-être en parler plus. As-tu des chiffres, Pierre?
M. Jobin: Cela baisse dans l'ensemble de la région en
valeur absolue. Notre région représentait en gros 325 000
personnes en 1971; c'est rendu à 315 000 en 1976. Là-dessus, il
faut comprendre qu'il y a un bilan migratoire négatif de l'ordre de 5000
personnes par année. Cela veut dire qu'il y a 5000 personnes de plus qui
quittent la région qu'il n'y en a qui y entrent. Comme ce
phénomène se produit dans les couches relativement jeunes, il y a
un fort vieillissement de la population et on peut penser que la courbe va
baisser encore plus rapidement dans la décennie qui va suivre. Cela
frappe particulièrement le milieu rural, c'est clair, net et
évident.
Ces propos sont illustrés de façon claire dans le document
sur la gestion des déchets, des ordures, présenté par le
ministre léger. Ce document contient des annexes avec des
prévisions démographiques pour l'an 2001 et les commissions
scolaires jouent aussi beaucoup là-dedans. Dans le comté de
Matapédia, je ne me rappelle pas à combien il est rendu en 2001,
mais il me semble que c'est en bas de 15 000 personnes.
A part Amqui et Causapscal, c'est passablement rural, agricole,
agroforestier. Donc, ces paroisses-là sont fortement touchées. Il
est clair que, même avec des mesures rapides, quelques-unes de ces
paroisses sont appelées à disparaître. D'ailleurs, on
appelle cela des paroisses, mais bien souvent c'est un bout de rang. La
paroisse de Routhierville ne comprend que huit ou dix familles. C'est un rang.
Il y a un peu de fiction là-dedans aussi, on a 215 paroisses pour 315
000 de population. Donc, il y en a qui sont très petites, mais il va y
avoir des abandons.
La fermeture des écoles à cause du petit nombre
d'élèves amène des départs de parents et c'est le
doigt dans l'engrenage. A moins de mesures vraiment dynamiques pour contrer un
mouvement comme celui-là, il y a des dangers prochains d'ici 1981. Cela
sans programme systématique d'aide aux migrants.
M. Giasson: En page 10, vous signalez que vous avez une
région qui n'est pas comme les autres et que vous voulez une
régie pas comme les autres aussi. Vous voudriez une espèce de
statut particulier dans la protection des terres agricoles, dans
l'hypothèse où le ministre déciderait d'étendre la
zone jusqu'à l'est de la province. Vous réclameriez un genre de
statut particulier en matière de protection des terres agricoles par
rapport aux dispositions de la loi.
M. Jobin: De fait, on pense que cette formule-là pourrait
être applicable chez nous. Peut-être pourrait-elle être
applicable dans d'autres régions; on n'a pas l'ambition on ne
s'est pas concerté à ce point-là avec l'extérieur
de prétendre que c'est un modèle qui fonctionnerait
partout. Mais on pense que chez nous il y aurait moyen de fonctionner comme
cela.
Un des avantages de cette formule et qu'il n'y a pas dans une autre
formule, c'est que le rythme et les priorités d'intervention resteraient
dans une région comme la nôtre. Même si la loi s'appliquait
chez nous, j'ai l'impression que l'Est ne serait pas la priorité sur la
liste de la commission. Je ne connais pas les membres de la commission et je ne
veux pas leur prêter de mauvaises intentions, mais j'ai l'impression
à la façon dont on parle généralement du
problème de la protection des sols arables au Québec, qu'on ne
serait pas les premiers sur la liste.
Avec cela, il y aurait moyen chez nous de s'organiser peut-être
pas pour aller plus vite que le violon et que la commission, mais pour
définir des priorités d'intervention dans l'Est parce que
ce n'est pas tout qui est également menacé chez nous qui
colleraient à peu près aux besoins ressentis dans le milieu.
Je ne sais pas jusqu'à quel point c'est la même chose
ailleurs, mais, chez nous, j'ai l'impression que tous les documents sur le
zonage ont été faits et refaits un certain nombre de fois. On a
trois ou quatre sortes de zonages. Il n'y a pas de problème de
documentation là-dessus. Ce qu'il y a à faire, c'est un choix. On
a à dire: Cela, on le protège ou on ne le protège pas. Il
n'y a pas de considérations techniques qui peuvent freiner cette
affaire. Il y a un choix à faire et cela peut prendre beaucoup de temps
faire un choix. C'est finalement une décision. Il n'y a pas de travail
technique à monter.
M. Giasson: Autrement dit, vous avez tout le matériel en
main pour procéder...
M. Jobin: Je considère qu'on en aurait assez pour pouvoir
faire quelque chose qui aurait à peu près de l'allure.
Mailloux-Dubé n'a pas été inventé quelque part dans
les nuages. Cela a été inventé chez nous. Le
ministère de l'Agriculture a produit à plusieurs reprises
différents types de zonages biophysiques, socio-économiques, etc.
Il y a vraiment là une documentation de base très
considérable.
M. Giasson: C'est un élément qui m'apparaît
coller à une réalité de votre milieu et, d'ailleurs, cela
va dans le sens d'un grand nombre de recommandations qui sont venues de
différentes régions du Québec. Je parle de gens qui sont
venus devant la commission, qui viennent tant des Laurentides que d'autres
endroits, d'autres régions du Québec.
A ce niveau, cet avis en matière de possibilité de
commission régionale, ce n'est pas particulier à votre
région. Nous avons eu devant la commission plusieurs intervenants qui
ont fait des recommandations dans ce sens pour des motifs à peu
près similaires à ceux que vous invoquez dans votre
mémoire.
De toute façon, je veux donner la possibilité à mes
collègues d'intervenir.
Je vous remercie encore une fois du mémoire que vous nous
déposez.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. le
député de Montmagny-L'Islet.
M. le député de Huntingdon.
M. Dubois: Merci, M. le Président. Bonsoir, messieurs du
CRD du Bas-Saint-Laurent.
Vous indiquez dans votre mémoire que vous avez 422 000 acres de
terre AA. Il y en a combien en exploitation présentement? Je parle
d'exploitation viable et rentable. Un pourcentage approximatif.
M. Jobin: J'ai l'impression que c'est la majeure partie. Il faut
tenir compte que là-dessus, il y a les utilités publiques. La
voirie, la plupart du temps, passe sur les bonnes terres agricoles, l'Hydro,
etc. Enfin, vraiment agricoles, cela doit aller chercher entre 60% et 75%,
quelque part là-dedans. Si on exclut les villes comme
Rivière-du-Loup, Trois-Pistoles, Rimouski, Matane, Mont-Joli, a la
limite, c'est construit dans le AA, cela doit être entre 70% et 75%, mais
j'ai l'impression qu'il n'y en a plus de disponibles pour être mises en
valeur au plan agricole.
M. Dubois: Celles qui sont exploitées présentement,
elles sont viables et rentables?
M. Jobin: Dans cette zone, pour la plupart, oui. Il y a encore de
petites exploitations, mais, pour la plupart, on peut dire que c'est une
agriculture rentable.
M. Dubois: Sont-elles vraiment menacées
présentement? (21 heures)
M. Jobin: La menace n'est certainement pas du même ordre
que ce qu'on peut voir dans la plaine de Montréal. Je ne suis pas
originaire de Rimouski. Quand je suis arrivé à Rimouski,
Saint-Anaclet était une paroisse agricole. Aujourd'hui, ce sont
seulement des gens du CEGEP et de l'université qui restent là.
C'est une paroisse où restent les professeurs du CEGEP, de
l'université, des voyageurs de commerce, des gens comme cela. De
l'agriculture il y en a dans les autres rangs, mais dans le deuxième
rang, il n'y en a plus. Le Bic, tout près du futur parc
éventuellement, c'était également une paroisse agricole.
C'était, parce qu'aujourd'hui, c'est la même chose que
Saint-Anaclet. Cela se meuble de gens qui aiment voir le fleuve, la campagne,
le bon air, etc., et qui aiment payer moins de taxes qu'à Rimouski. Il y
a toutes sortes de bonnes raisons pour aller là. Mais quand ils vont
là ce sont les agriculteurs qui s'en vont. Je comprends que ce n'est
pas, à l'échelle du Québec, fort impressionnant, mais on
n'a pas assez de bonnes paroisses agricoles dans la région pour en
perdre trop. Il n'y en a pas beaucoup.
M. Dubois: Le ministre a fait cela pour semer du blé
d'Inde, à Beaumont.
M. Garon: Oui, mais moi, je le cultive. J'ai pris un bien petit
morceau, six ou sept acres. Mais cela
me fait penser, quand vous dites cela, à Jean Narrache. Vous
rappelez-vous le programme de Jean Narrache? Là-dedans, il y a les deux
femmes qui vont au cinéma, qui voient deux orphelines, elles pleurent
à mort, elles ont les larmes aux yeux et, quand elles sortent du
cinéma, il y a justement deux orphelines qui tendent la main parce
qu'elles n'ont pas une "cenne". Les deux femmes disent: Tassez-vous, mes
petites gueuses, vous achalez le monde. Il y a des gens de même qui
aiment mieux les cultivateurs dans les vues.
M. Dubois: Vous avez indiqué que vous aviez perdu 6000
fermes. Quelles sont les raisons exactement? Quelles sont-elles?
M. Jobin: II y a diverses raisons. Ce serait d'abord le fait que
c'était recommandé dans le plan du BAEQ et dans l'entente qu'on
en a retenue par la suite, l'entente générale de
coopération Canada-Québec, de parvenir à la
rationalisation des activités traditionnelles de base. Cela voulait dire
de la petite pêche en petites barques, n'en faites plus. De la petite
forêt avec la petite hache, n'en faites plus. Et de la petite agriculture
avec la petite charrue, n'en faites plus. Rationaliser, cela voulait
dire...
M. Dubois: Cela ne se fait plus, non plus, à la
hache...
M. Jobin: ... consolider. Non, mais...
M. Dubois: ... cela ne se fait plus à la pelle, cela ne se
fait plus avec la pelle et la charrue à une raie. Cela se fait
autrement, aujourd'hui, l'agriculture.
M. Jobin: Oui, mais il y a dix ou quinze ans, cela se faisait
encore dans la région en quantité importante.
M. Dubois: Oui, mais là c'est en 1978. On parle
d'aujourd'hui.
M. Jobin: Oui, mais ce qui a fait la diminution de 6000 ou
à peu près, en bonne partie, c'est la rationalisation, ces
programmes de consolidation qui ont fait que notre production laitière a
presque doublé. La région, sur le plan agricole, en termes de
revenus agricoles, c'est deux ou trois fois mieux qu'avant, mais il y a deux ou
trois fois moins de monde là-dedans qu'avant.
M. Dubois: Est-ce qu'il y a avantage comparatif à
produire?
M. Jobin: Avantage?
M. Dubois: Un avantage comparatif à produire. Est-ce que
cela prendrait des programmes agricoles différents d'autres
régions pour que l'agriculture soit plus prospère là-bas?
Enfin, est-ce qu'il faudrait investir plus dans l'agriculture chez vous par
acre en culture que dans d'autres régions plus centrées vers
Montréal afin d'attirer l'agriculteur à rester sur sa ferme? Vous
dites que vous avez perdu 6000 fermes, c'est parce qu'il y a des agriculteurs
qui ne sont pas intéressés à produire. Les gens
délaissent la ferme parce que ce n'est pas rentable ou il n'y a pas
avantage comparatif à produire. Il y a une raison pour laquelle les gens
délaissent la ferme.
M. Jobin: C'est cela. Dans la mesure où il y a ce vaste
mouvement de consolidation qui s'est amorcé chez nous, en même
temps, au Québec, l'agriculture évoluait aussi. Ce qui fait qu'on
avait, il y a quinze ans, seulement ou à peu près seulement de
petits cultivateurs, très petits. Ce sont eux qui ont
lâché. Dans les années qui vont venir, à moins de
frapper de grosses malchances dans le lait, comme cela a été le
cas il n'y a pas si longtemps malgré tout, il est à
prévoir que ceux qui sont là vont rester. En tout cas, ceux qu'on
a perdus, c'est ceux qui étaient destinés à sortir. Ceux
qui sont restés sont ceux qui ont investi considérablement, qui
ont amélioré leur gestion de ferme, qui ont
amélioré leurs troupeaux, leur équipement, qui se sont
agrandis, etc. Ceux-là, donc, ont la couenne plus dure, mais, en
même temps, c'est clair qu'ils ont des besoins plus grands. En termes
financiers, c'est plus gros. Ils ont plus d'obligations à assumer,
etc.
M. Dubois: Si vous désirez être vous-même
producteur agricole à temps plein sur une ferme, est-ce que vous allez
vous localiser dans la région du Bas-Saint-Laurent ou si vous allez vers
la région de Montréal, si vous aviez le goût d'y aller
à temps plein, comme vrai producteur? Si vous aviez un choix à
faire, c'est quoi?
M. Garon: On ne décide pas ça de même. M.
Dubois: Tout sentiment enlevé.
M. Jobin: Tout sentiment enlevé, je ne suis pas
sûr...
M. Giasson: Les racines, c'est fort.
M. Dubois: Oui, je parle de sentiment, ce n'est pas le sentiment
qui fait foi de tout, dans l'agriculture, quand même.
M. Jobin: En me mettant absolument neutre, je ne suis pas
sûr qu'avec un certain nombre de programmes de rentabilisation de
l'agriculture un peu particuliers à l'Est du Québec, il n'y a
pas, à la limite, pour quelqu'un qui part de rien, pour qu'il n'y a pas
plus d'inconvénient à aller à une place qu'à
l'autre, avantage à aller chez nous, dans la mesure où les
coûts d'installation, de base, ce que ça coûte pour acheter
de la terre, finalement, sont beaucoup moins élevés qu'ils
peuvent l'être à Saint-Hyacinthe, par exemple et la concurrence
est moins forte pour l'achat de ces terres.
M. Dubois: Même avec le fait que vous puissiez
acquérir une ferme à coût beaucoup plus bas que n'importe
où ailleurs, ça vous prendrait
des programmes agricoles encore, en fait, où on investirait plus
d'argent pour vous garder sur la ferme là-bas, que dans la région
de Montréal ou que dans la région de Saint-Hyacinthe. Il faudrait
investir plus dans l'agriculture.
M. Jobin: C'est-à-dire que le problème, en tout
cas, ce n'est pas le seul problème dans l'agriculture de l'Est, sans
doute que M. Garon pourrait vous en citer quelques autres, mais un des
problèmes, c'est que presque tout notre monde est dans l'industrie
laitière et qu'il n'y a plus d'avenir là-dedans. Il n'y a plus
moyen de grossir tellement la production, on en fait déjà trop
dans la région; Québec en fait déjà trop dans un
Canada qui en fait déjà trop.
M. Dubois: Ecoutez, on connaît plus les problèmes du
lait.
M. Jobin: II y a des quotas, les quotas baissent, les gars se
font serrer la vis.
M. Dubois: II s'agit de savoir s'il y a avantage comparatif
à diversifier, à aller dans d'autres cultures là-bas.
C'est ce qu'il faut savoir...
M. Jobin: Voilà.
M. Dubois: ... si c'est une culture qui doit être
supportée par l'Etat à coups de taxes, ça vient que c'est
peut-être indécent de produire dans certaines régions
où il faudrait investir toutes les taxes de l'Etat. C'est la question
qu'on doit se poser quand même.
M. Jobin: En tout cas, c'est la problématique qu'il y a
dans le plan de développement qui a été mis de l'avant par
l'UPA, ce que j'en ai retenu après une lecture attentive. C'est qu'il
faut absolument parvenir à la diversification des productions dans notre
région, parce qu'avec le lait, les gens se nuisent.
M. Dubois: En définitive...
M. Jobin: Ils se marchent sur les pieds. Il faut absolument
trouver des programmes de diversification et même des programmes de
transfert de production, parce que le gars, ce n'est pas tout de lui dire: Tu
devrais diversifier et lâcher le lait, mais, quand il est poigné
avec ses cent vaches, disons qu'il est moins mobiles que d'autres.
M. Dubois: En définitive, il ne semble pas que vous ayez
un problème majeur de zonage agricole, c'est plutôt un
problème de programmation en agriculture que de zonage agricole que vous
avez chez vous.
M. Jobin: Oui. D'ailleurs, c'est ce qui se dégageait du
mémoire qu'on a soumis à M. Garon lors de sa tournée.
Comme il l'a bien dit, c'est ce qui se dégageait de la majorité
des mémoires qui ont été présentés dans
notre région.
M. Dubois: Merci beaucoup, monsieur.
M. Garon: II y a plus de possibilités qu'on pense quand
même. Parce qu'il y a de bons potentiels, il y a de bons territoires. Je
vais vous donner un exemple qu'on m'a raconté récemment au
ministère. Il y a eu une expérience dans le chou-fleur dans le
Témiscouata. Apparemment, il est sorti un chou-fleur de là cet
été, pas épouvantable, c'est extraordinaire. Le chou-fleur
était très beau, parfaitement blanc, on ne pourra pas sortir
quelque chose de plus beau que ça, n'importe où au monde. C'est
sorti dans le Témiscouata. Je ne sais pas à quel endroit, je ne
peux pas vous le dire.
Il y a des possibilités de développer certaines affaires,
des pommes de terre de semence, des choses comme ça. Mais il n'y a pas
d'impossibilité qu'il en ait aussi dans la plaine de Montréal.
Eventuellement, ce qui est un fait idéal, c'est qu'en développant
l'agriculture, dans la région de Montréal, dans certains
domaines, il va y avoir des avantages comparatifs, comme pour les
céréales, les légumes, des choses comme ça.
Normalement, la production de lait nature devrait rester près des
centres de consommation, mais il faudrait qu'éventuellement
ça, ce sont les producteurs entre eux qui doivent s'en parler, parce
qu'il y a des règlements de quotas, par région, ça
appartient à la Fédération du lait industriel ces
règlements de quotas puissent prévoir des transferts de quotas de
lait industriel vers les régions qui sont moins favorisées, alors
que des régions plus favorisées vont se développer en
regard d'autres productions.
Ce qui peut arriver aussi, c'est que la région plus
favorisée dise: J'ai un quota, mettons, de 30 millions de livres de
lait, et ce qui part d'un producteur de la région, doit aller à
un autre producteur de la région. Donc, tous les quotas vont rester dans
la région. Les producteurs vont devenir de plus en plus gros, et
certaines régions périphériques qui ont des avantages
moins grands, mais qui, au point de vue des pâturages, sont parfaites,
pourraient faire du lait industriel. On pourrait y faire de l'élevage de
boeuf et certains types de production. C'est évident qu'ils ne feront
pas des tomates, il n'y aurait pas d'avantage à y faire des tomates.
Mais il y a des produits offrant des avantages. C'est en développant
tous les secteurs dans lesquels il y a des avantages, c'est un peu ce dont on
voulait vous parler, le zonage de production, mais cela ne peut pas se faire
d'une façon impérative, par exemple, le climat
économique.
M. Dubois: II ne peut pas y avoir de production de légumes
dans cette région parce qu'il n'y a pas de marché,
premièrement. Avec le zonage agricole qui se fait actuellement, on va
avoir assez de problèmes aux alentours de Montréal, dans la
région périphérique de Montréal et de
Québec, si on a plus de production maraîchère plus que pour
les besoins actuels.
M. Garon: II y a des légumes qui viennent bien chez
eux.
M. Dubois: C'est local. C'est quand même assez
limité. Cela peut aller pour quelques centaines d'acres peut-être.
On ne peut pas remonter la production maraîchère
indéfiniment, il y a une limite quand même, parce que les
marchés ne sont pas là.
M. Giasson: En culture maraîchère, il y a toujours
un marché local, la Côte-Nord et le Bas-Saint-Laurent.
M. Dubois: En dehors du marché local, cela se limite quand
même à un certain nombre d'acres, cela ne va pas tellement
loin.
M. Garon: Pour nous, le marché local, cela peut vouloir
dire également le Bas-Saint-Laurent et la Côte-Nord. Cela veut
toujours dire quelque chose, en plus des productions de boeuf. Même s'il
n'y a pas eu de programmes régionaux, le programme national du boeuf
à 50 têtes joue à plein dans leur région au fond.
Elle peut augmenter, elle peut donc jouer dans la région. D'ailleurs, il
y en a déjà dans la Gaspésie qui s'en sont
prévalus.
M. Giasson: A condition que les exigences de l'environnement ne
mangent pas les $5000 de subvention.
M. Garon: Pardon?
M. Giasson: Le programme des parcs d'engraissement, 50
têtes?
M. Garon: Oui.
M. Giasson: A condition que les exigences de l'environnement ne
viennent pas manger la subvention.
M. Garon: Ce programme ne va pas trop mal jusqu'à
maintenant.
M. Giasson: J'ai des éleveurs de boeuf chez nous qui sont
aux prises avec des permis de l'environnement et ils vont manger la subvention
accordée pour les parcs d'engraissement à cause d'exigences
folichonnes.
M. Garon: Ce n'est pas comme cela ailleurs.
M. Giasson: C'est ce que je vis chez nous avec deux producteurs
de boeuf.
M. Garon: Dans quelle paroisse?
M. Giasson: Un à Saint-Omer et l'autre à
L'Islet.
M. Garon: C'est parce qu'ils sont bâtis à
côté du motel!
Le Président (M. Boucher): Je m'excuse, M. le
député de Montmagny-L'Islet...
M. Giasson): Le vrai nom, M. le Président, de
l'organisme.
Le Président (M. Boucher): Nous sommes en face d'un
organisme qui s'appelle le CRD de l'est du Québec. M. Jobin, vous aviez
quelque chose à ajouter? M. Lachance.
M. Lachance: On pourrait ajouter une ou deux petites choses,
comme souligner de nouveau la spéculation qui commence chez nous,
souligner aussi qu'il ne faut pas évaluer l'Est du Québec avec
des yeux de Montréal. C'est ce qu'on dit dans le mémoire, on
n'est pas pareils. Perdre 100 acres chez nous, c'est grave, beaucoup plus grave
qu'ailleurs, justement parce qu'on n'en a pas beaucoup. Zoner, pour nous
autres, cela veut aussi dire qu'on s'assure que le ministère des Terres
et Fôrets n'ira pas planter sur une terre agricole, ce qui se fait
actuellement.
M. Garon: Ah oui.
M. Lachance: C'est plat, mais cela se fait. Cela se fait au
niveau des individus. Il y a des particuliers qui achètent une terre et
qui reboisent, parce qu'il y a des programmes du ministère des Terres et
Forêts qui incitent au reboisement. Enfin, peut-être la
dernière chose que je voudrais souligner, c'est qu'on part en bas de
zéro. Quand je donnais l'exemple des pommes de terre tout à
l'heure, c'est vrai qu'on a besoin de programmes supplémentaires, mais
des programmes supplémentaires à court terme, parce que, quand tu
sèmes des pommes de terre et qu'avant, l'année
précédente, il y avait des arbres de dix pieds de hauteur, tu
n'as pas un rendement qui entre dans la moyenne régionale, ce n'est pas
vrai. On ne fait pas de miracles. Mais si on a des programmes d'aide pendant
les deux ou trois premières années pour finir par avoir un
rendement normal, après cela, je ne pense pas qu'on quête plus que
d'autres. Sauf que si on dit: On relève la région, on la
relève avec tout ce que cela comporte, c'est parce qu'elle est en bas de
zéro. Présentement, on est en bas de zéro. Pardon?
M. Giasson: Est-ce que vous êtes producteur
vous-même?
M. Lachance: Je fais partie d'une coopérative de
production de pommes de terre de semence. Autre chose qu'il faudrait dire
aussi, c'est que de la pomme de terre de semence, vous n'en ferez pas à
Montréal, ce n'est pas vrai. Vous allez en faire dans des régions
froides comme chez nous.
M. Dubois: Je suis bien au courant de la situation.
M. Lachance: Et on produit en bas de 35% de nos besoins.
M. Dubois: De la pomme de terre élite, je sais où
cela se fait.
M. Lachance: II y a de la place en masse. Nous autres, ce qu'on
veut dire, c'est qu'il y a entre ministères de petits conflits qui se
régleraient peut-être avec un zonage. Il y a des gens qui n'ont
pas une préoccupation agricole et qui achètent parce que, chez
nous, les terres ne sont pas chères. Cela réglerait aussi ce
problème, mais cela ne veut pas dire que cela ne nous prend pas des
programmes spéciaux de rentabilisation pour qu'on finisse par rattraper
le restant de la province, parce qu'on est en retard. (21 h 15)
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Rimouski.
M. Marcoux: Nous avons encore plusieurs autres mémoires
à attendre. Ce serait tout simplement de vous remercier d'être
venus nous présenter votre mémoire, surtout par les
réponses aux questions qui ont été posées,
peut-être d'avoir illustré la complexité et même
l'ambiguïté qu'il peut y avoir dans les objectifs qu'on peut viser
au plan agricole dans la région. Je veux simplement rappeler deux
chiffres que j'ai eu l'occasion de citer en deuxième lecture pour
montrer l'importance, même si, pour l'ensemble du Québec,
l'agriculture, c'est dans la région de Montréal, Québec,
Trois-Rivières et tout cela, par rapport à notre région,
le secteur agricole, c'est 35% de l'ensemble... L'agriculture, dans l'Est du
Québec, engendre le secteur agro-alimentaire, plus de 35% de l'ensemble
du secteur manufacturier, tout en générant 28% des salaires,
alors que, pour le Québec, c'est 16% du secteur manufacturier et 22% des
salaires. On voit là l'importance du développement de
l'agriculture, et qu'il y a une agriculture qui est rentable. Vous avez
montré, en fait, là où elle est rentable et là
où elle ne l'est pas. C'était quand même assez complexe.
Mais l'importance, en termes d'emploi et de vitalité dans la
région, du développement de l'agriculture est beaucoup plus forte
que dans une autre région où il y a plus de choix et même
où les choix de productions sont beaucoup plus importants. De toute
façon, je pense que les problèmes ont été
abordés avec suffisamment de nuances sans qu'il faille insister et poser
d'autres questions. Je vous remercie.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. le
député de Rimouski. Au nom des membres de la commission, je
remercie, M. Jobin et M. Lachance pour le mémoire qu'ils ont
présenté au nom du CRD de l'Est du Québec. J'appelle
maintenant le Conseil de recherche de la Haute-Yamaska, présenté
par M. Jules Thibault.
Conseil de recherche de la Haute-Yamaska
M. Thibault (Jules): Je vais prendre un verre d'eau. Je commence
à être fatigué un petit peu.
Le Président (M. Boucher): Certainement.
M. Thibault: On va parler de choses sérieuses, mais pas
trop sérieusement, parce que vous avez subi le marathon. C'est assez
rare qu'une loi a une aussi longue séance. Maintenant, avant de
commencer, je vais demander à ceux qui m'accompagnent de se
présenter. Mon nom est Jules Thibault, président du conseil de
recherche.
Mme Simard: Je suis Danielle Simard, je suis directrice du projet
qui s'appelle schéma d'aménagement du comté de Shefford,
projet qui a accouché pendant l'été aussi, parce qu'on a
fait un inventaire du milieu physique et socio-économique. En même
temps, il y en avait un autre qui se situait aussi dans le bassin de la
Yamaska, pour Brome-Missisquoi, qui était dirigé par d'autres
personnes. Ce projet, le projet du comté de Shefford, se continue, entre
autres, à l'intérieur de ce qu'on retrouve dans la région
du bassin de la Yamaska, et il y a quand même différentes choses
à souligner dans le cadre d'un zonage agricole.
M. Garon: Vous êtes financés par qui, quand vous
dites être un groupe du schéma d'aménagement?
Mme Simard: Devinez.
M. Garon: Je ne le sais pas.
Mme Simard: Canada au travail.
M. Thibault: On va vous en parler tout à l'heure.
M. Garon: Vous appelez cela le schéma d'aménagement
du comté de Shefford.
Mme Simard: Oui. Cela s'appelle comme cela parce que, tout
simplement, vous savez que cela fonctionne par comtés, par divisions,
c'est-à-dire par comtés électoraux. Cela fait qu'à
ce moment, on ne pouvait pas couvrir plus grand que cela, malheureusement.
M. Garon: Le Conseil de recherche de la Haute-Yamaska, c'est
incorporé? C'est qui?
M. Thibault: C'est qui? Ici, vous avez la
délégation qui a été nommée...
M. Picotte: Est-ce qu'on pourrait connaître la
troisième personne?
M. Racine: Mon nom est Jean-Marie Racine. Je suis
vice-président du Conseil de recherche. Nous sommes tous trois de
Granby.
M. Thibault: Mon premier mot est pour féliciter...
M. Garon: On sait que Mme Simard est pour le schéma
d'aménagement, vous avez parlé de Canada au travail. Et le
Conseil de recherche de la
Haute-Yamaska Inc. comme tel, c'est quoi? Moi, je ne le sais pas.
M. Thibault: Dans le texte, on vous l'explique, mais je dois vous
dire franchement que c'est assez simple. C'est un organisme formé de
citoyens. Dans le texte, c'est écrit, c'est formé de citoyens et
on s'occupe de planification. En tout cas, en lisant le texte...
Je voudrais d'abord vous adresser mes félicitations, M. le
ministre, pour avoir eu le courage de présenter une loi aussi importante
que celle-là. On a beau rire, je vous ai vu rire tout à l'heure,
mais vous ne pourrez pas rire bien longtemps parce que vous avez une grosse
loi, vous savez. Plus on fait les choses en grand et en gros, plus on a de
petits problèmes. Je vous félicite parce que c'est vraiment une
loi dont on avait besoin. Il y a des conséquences à cela. Il y a
des choses qui vont survenir. A longue échéance, c'est une
très belle loi. Mais à courte échéance, c'est un
tas de troubles. Maintenant, je ne veux pas être trop sérieux
parce qu'on a des choses pas mal sérieuses à vous dire. Mais ce
matin, on s'est levé de bonne heure, vous savez. Je comprends votre
lassitude. Je veux vous faire reposer un petit peu. Je pourrais vous raconter
une petite histoire, mais je vais vous épargner cela.
On était convoqué pour 10 heures ce matin.
M. Giasson: Si elle est bonne, allez-y. M. Garon: Si elle
est bonne, envoyez.
Le Président (M. Boucher): Je considère que nous
avons le consentement des membres pour l'histoire. Merci.
M. Giasson: Est-ce que vous tenez à ce qu'elle soit
enregistrée au journal des Débats?
M. Thibault: Non. Nous regrettons avec cette fatigue que vous
avez de vous dire des choses très sérieuses. Mais nous allons le
faire de façon que ce soit le moins pénible possible. Voici,
à la page 1, introduction: Le Conseil de recherche de la Haute-Yamaska
couvre le territoire du bassin de la rivière Yamaska. Environ 200 000
personnes et une centaine de municipalités ont juridiction sur ce
territoire. Les deux principales villes du territoire sont Granby et
Saint-Hyacinthe. Nous sommes une région non identifiée, sans
services adéquats, au sens large du mot. Pour l'agriculture, notamment,
trois comtés de la Haute-Yamaska sont rattachés à
Sherbrooke et quatre autre comtés sont rattachés à
Montréal et Saint-Hyacinthe. Quand on veut obtenir des informations, on
n'en finit plus de chercher. Dans des brochures du ministère de
l'Agriculture, les gens de la Yamaska sont classés dans la section
Richelieu. Notre conseil est un organisme créé par la
volonté des citoyens et financé par eux-mêmes.
Nous avons réalisé la première phase d'un
schéma d'aménagement dans trois comtés, soit
Brome-Missisquoi et Shefford. Ces projets ont été financés
par Ottawa. M. le ministre, Ottawa, on l'a mis là. Inutile de vous dire
qu'on a vite l'impression que le secteur agricole est un secteur marginal, non
organisé et non planifié. Quand on fait l'inventaire du milieu,
on se rend compte rapidement qu'on a perdu le sens des valeurs et de
l'équilibre. Tout le monde peut intervenir dans le secteur agricole, y
installer n'importe quoi, cultures maraîchères, porcheries,
campings, pistes de courses automobiles et le reste. On peut en ajouter. Les
municipalités rurales interviennent rarement et des permis, on n'en
exige pas dans bien des cas. Les taxes sont peu élevées et on se
contente de cela.
Dans l'ordre des valeurs humaines je parle des choses
sérieuses l'alimentation et les ressources
énergétiques sont à la base du fonctionnement de notre
régime socio-économique. Ce sont des valeurs de bien commun qui
doivent être au service de la communauté avant de servir les
intérêts des particuliers. L'objectif de notre intervention est
premièrement d'appuyer le projet de loi sur la détermination de
zones agricoles, deuxièmement, d'améliorer notre bilan
alimentaire en favorisant la production et le développement
agro-alimentaire et la transformation de l'agro-alimentaire. Donc, une
agriculture plus prospère et plus dynamique.
Le projet de loi no 90, Loi sur la protection du territoire agricole.
Nous sommes en faveur d'une loi-cadre. Quant à la formation de la
commission, nous sommes d'accord avec l'article 4. Cependant, nous croyons
qu'en plus des membres de la commission devraient s'ajouter des
représentants des producteurs, du secteur de la transformation et un
représentant des consommateurs.
Je ne sais pas si c'est cela que vous avez derrière la
tête, M. le ministre, ou bien si vous êtes trop fatigué et
que vous aimez mieux répondre à la fin.
M. Garon: D'habitude, on répond à la fin afin
d'avoir une idée globale.
M. Thibault: D'accord, très bien. Pourvoir
régional: Les groupes régionaux... J'ai sauté une feuille.
Excusez-moi. Régions agricoles désignées. Le gel des
terres agricoles pour 614 municipalités est en vigueur depuis le 9
novembre 1978. Cette procédure a créé beaucoup
d'émotions et nous recommandons au ministre d'agir avec une certaine
célérité, car il y a des craintes qui sont fondées
et beaucoup d'autres qui ne le sont pas, soit par le manque d'information ou
par pure démagogie. Ce ne sont pas seulement 614 municipalités
qui sont concernées, mais, vous le savez, c'est l'ensemble du territoire
agricole du Québec. 3. Dépôt du plan provisoire. Article
34: "Le ministre prépare un plan provisoire identifiant l'aire retenue
pour fins de contrôle à l'égard de chaque
municipalité située dans la région agricole
désignée." A cette fin, on met de côté toute
régionalisation qui serait de bon aloi. Il est préférable
de s'associer avec la population que d'imposer une politique. Le paternalisme,
c'est terminé.
La population veut avoir son mot à dire sur le sol qu'elle
habite. Il est entendu que la commission devrait avoir pleine autorité
sur le plan déposé. La concentration des demandes à
Québec des 600 municipalités ou plus est inconcevable. Il
faudrait songer à la formation d'environ dix régions. Certains
ont dit douze, cela peut être cela. Une bonne loi mal administrée
ne vaut guère mieux que pas de loi du tout. (21 h 30)
Pouvoir régional: Les groupes régionaux devraient
être composés des représentants des producteurs, des
municipalités, des groupes socio-économiques régionaux, du
ministère de l'Agriculture, des Terres et Forêts, du secteur de la
transformation agro-alimentaire, environ sept membres. Il y aura des demandes
de modification de zones. L'appréciation régionale est quelque
chose de valable. De plus, faire confiance aux gens, c'est s'assurer leur
estime. Nous insistons pour que la loi soit appliquée
uniformément sur tout le territoire.
Recours civil: La loi ne permet pas de recours civil. J'aimerais poser
une question au ministre de l'Agriculture. D'après nos renseignements,
la Loi sur la protection du territoire agricole de la Colombie-Britannique
permet les recours au civil. Existe-t-il une raison particulière pour ne
pas les permettre au Québec?
Article 100: Cet article a une grande portée et ne fait pas
concordance avec les règlements de l'environnement. Il ne faudrait pas
être rétrograde. Nous insistons pour que vos collègues des
services de l'environnement concourent aux bienfaits de cette loi. Je veux
citer un cas typique, il y en aurait plusieurs. Par exemple, dans un rang
où ce sont tous des maraîchers les maraîchers, c'est
la population de la ville qui vient chercher ses fruits, qui vient faire la
cueillette de ses fruits et des ses légumes on a une porcherie
à côté. Quand on va voir les cultivateurs, savez-vous ce
qu'ils nous disent: Le gars d'en face, si je pouvais, je le tirerais au fusil!
Il y a quelque chose qui ne va pas dans cela. Je n'ai pas de solution à
vous proposer, vous les connaissez. Il n'y a pas que ce cas, il y en a
d'autres. C'est un cas véridique, ce n'est pas un cas inventé.
Vous savez que Saint-Hyacinthe, c'est une bonne région agricole, mais
Granby aussi. On ne peut pas concevoir, alors que la population des villes
encourage surtout les maraîchers de plus en plus, pour
réduire leurs frais d'exploitation, les gens vont faire la cueillette
eux-mêmes qu'on ait à côté ou en avant des
porcheries. Peu importe la direction des vents, cela n'a pas de sens. Je suis
allé là. Cela puait tellement, c'était effrayant!
C'était pour souligner ce cas. Oui.
M. Garon: Qu'est-ce qui sentait? Une vieille porcherie ou une
porcherie neuve?
M. Thibault: Je n'ai pas vérifié la date, elle
semblait à peu près à 700, 800 ou 1000 pieds de chemin.
L'âge, je n'ai pas regardé. Vous savez, quand on va chez un
maraîcher, on ne va pas demander au voisin son âge. C'est ce qui
s'est passé. Je ne le sais pas.
M. Garon: Les porcheries modernes ne sentent pas.
M. Thibault: Cela sent passablement. J'ai un fils qui en a
une.
M. Garon: II a une porcherie.
M. Thibault: Je pourrais vous répondre
là-dessus.
M. Garon: II a une vieille porcherie?
M. Thibault: Elle n'est pas vieille, il est à la
bâtir.
M. Garon: Elle n'est pas encore bâtie, elle ne peut pas
sentir.
M. Thibault: Elle est bâtie. Là, je vous tiens. Non,
pas d'arguments, on va arrêter cela là. On va passer à la
page suivante.
M. Garon: Je vais vous dire une chose.
M. Thibault: La porcherie, cela sent le cochon, n'oubliez pas
cela! Voyons donc!
M. Garon: Une porcherie neuve faite selon les normes, cela ne
sent rien.
M. Thibault: Pas dans le salon rouge, mais dans la porcherie,
cela sent. Les indemnités: Plusieurs groupes privés et organismes
publics réclament des mesures pour compenser les pertes encourues si
leurs fermes avaient été vendues pour usage urbain, lotissement
et le reste. Nous ne sommes pas favorables à l'enrichissement des
spéculateurs. On n'a pas besoin de loi pour enrichir les
spéculateurs professionnels. Ils ont généralement
suffisamment de ressources pour y parvenir autrement.
La socialisation: On a tellement attendu pour adopter une loi qui aurait
dû exister depuis au moins quinze ans que les spéculateurs se
réclament des droits acquis. Messieurs, que faut-il penser de
l'agriculteur marginal, celui dont la ferme est trop petite ou
sous-équipée pour vivre convenablement, quand les
spéculateurs veulent se faire payer en plus.
Il convient de noter ici qu'il existe en plusieurs pays, des
déséquilibres marqués entre terre et peuplement. Dans
certains pays, les hommes sont rares et les terres cultivables abondent. En
d'autres régions, à l'inverse, les hommes abondent et les terres
cultivables sont rares.
Nous avons à peine 1,5 million d'acres de sol à
très bon potentiel, soit 0,44% de l'ensemble du territoire
québécois. Quelle voie devons-nous choisir? Il faut accepter la
socialisation, celle qui crée la solidarité humaine et place le
bien commun avant l'intérêt personnel.
De nos jours, l'Etat intervient de plus en plus dans des domaines qu'on
considérait comme intouchables. La fonction sociale de la
propriété privée n'en est pas pour autant
altérée, désuète, comme certains auraient tendance
à le croire par erreur, et là, s'enracine dans la nature
même du droit de propriété. Citation de Jean XXIII, Mater
Magistra.
Dans la société moderne, la notion de
propriété a quelque peu changé. Dans bien des secteurs, on
préfère une formation professionnelle plus poussée, donc,
plus enrichissante pour l'individu. Le développement de la science et
les moyens technologiques nous ont permis d'évoluer dans ce sens. Je
crois que cela ne s'arrêtera pas là. Au contraire, ce mouvement va
s'accentuer.
Le "développement" doit demeurer sous le contrôle de
l'homme. Il ne doit pas être abandonné à la
discrétion d'un petit nombre d'hommes ou de groupes jouissant d'une trop
grande puissance économique ni à celle de la communauté
politique ou à celle de quelque nation puissante.
Il convient, au contraire, que le plus grand nombre possible d'hommes de
tous les niveaux puissent prendre une part active à son orientation. Le
rôle de l'Etat est d'encourager les initiatives spontanées des
citoyens, de les coordonner, de les ajuster, de les harmoniser entre elles.
Le développement ne peut être laissé ni au jeu quasi
automatique de l'activité économique des individus, ni à
la seule puissance publique. Nous avons fait de la recherche pour vous autres.
Vous n'avez pas besoin de vous cacher, on l'a faite pour vous autres, pour vous
sauver du travail.
M. Garon: Quelle subvention aviez-vous pour votre projet de
recherche, avec Canada au travail?
Mme Simard: C'est ridicule comme montant. M. Garon: Ce
n'est pas beaucoup? Mme Simard: Non.
M. Thibault: Est-ce que vous permettez que je finisse?
Franchement, j'aimerais mieux finir, M. le ministre.
M. Garon: Oui.
Une Voix: Finissez votre mémoire et, après cela, on
passera aux interventions.
M. Thibault: J'aimerais mieux cela que les interventions.
M. Picotte: II vous reste deux pages.
M. Thibault: II m'a mêlé, lui, là.
D'après cet énoncé, si l'on veut que le
développement soit acceptable, il faut une participation des individus.
S'il est impossible de satisfaire ces exigences, il faut prendre les moyens
nécessaires pour que nos institutions puissent prendre en main les
responsabilités qui leur incombent, par une modernisation des structures
et, par consé- quent, un changement d'attitude. Vous voulez bien noter
que l'insistance s'adresse aux municipalités et au gouvernement, car la
décentralisation doit se réaliser.
Malheureusement, nos municipalités n'ayant pas
évolué avec le temps je parle surtout des
municipalités rurales se trouvent dans une position
dérisoire et sans autorité. Les solutions de facilité,
à coups de subventions ne les ont pas préparées pour le
rôle qu'elles devraient normalement jouer.
Il faut regrouper nos municipalités pour en faire des
unités serviables et rentables. Des tâches importantes les
attendent, si elles veulent bien évoluer.
Le zonage n'est que la première étape juridique d'un
encadrement qui devra être suivi de bien d'autres mesures qui ont encore
plus de profondeur, comme l'aménagement du territoire, car il n'y a pas
seulement les sols arables dont il faut s'occuper. Il y a bien d'autres choses,
comme les lacs, les lieux touristiques, les lieux de nature écologique,
enfin, toute l'organisation du territoire.
L'administration des nouvelles politiques est celle que le gouvernement
fait déjà à la place des municipalités, les permis
d'établissements, leur contrôle, le service de la police, la
protection contre le feu, etc.
Il ne faut pas se leurrer, il y a longtemps qu'on fait ce zonage dans
les villes, on ne s'en plaint pas trop pour autant. A nous aussi, il nous
arrive que la valeur de nos propriétés baisse à cause de
modifications du zonage ou par la pollution accrue de l'environnement, il
arrive aussi que la valeur de nos propriétés augmente.
Conclusion de cette première partie; nous voulons que la Loi sur
le zonage soit adoptée, afin qu'on puisse entrevoir le renouveau
agricole, des emplois nouveaux et une vie meilleure.
Je demanderais à mademoiselle de continuer.
Le Président (M. Boucher): Compte tenu du temps qu'il nous
reste...
M. Thibault: Les recommandations sont dans l'autre partie.
Le Président (M. Boucher): ... seriez-vous d'accord pour
qu'on puisse inclure l'appendice au journal des Débats, sans qu'il y ait
lecture?
M. Picotte: M. le Président, je pense qu'on pourrait
donner notre consentement, il y a peu de pages et on pourrait
l'écouter.
M. Garon: C'est une demoiselle à part cela. M.
Thibault: Donnez-lui une chance!
M. Vaillancourt (Orford): Nous sommes d'accord.
Mme Simard (Danielle): Je suis rarement speakerine, mais je vais
m'arranger pour que ce soit rapide.
C'est intitulé: Regardez en avant. Regardez en avant, c'est
penser à demain, c'est également espérer, c'est
également avoir foi en l'avenir, la justice et l'équité;
regardez en avant, c'est également briser quelques liens avec le
passé. Pourquoi toujours répéter les mêmes gestes et
dans les mêmes circonstances?
Nous savons tous que des gestes répétés trop
souvent risquent de devenir mécaniques et d'aboutir à la mort
à brève échéance. L'homme est essentiellement
mobile et doit toujours travailler pour demain afin d'atteindre sa dimension
spirituelle.
En conséquence, nous demandons que l'agriculteur de demain puisse
jouir d'un revenu annuel garanti et nous demandons que le gouvernement
rachète les terres marginales pour en constituer une banque, de
gré à gré.
Nous demandons également que la participation des organismes
actifs du milieu prennent part à ce vaste programme de zonage par le
CRI. Nous demandons également que le ministre des Affaires municipales
prenne des mesures incitatives et financières pour regrouper les
municipalités, afin qu'elles puissent jouer d'autres rôles que
celui de commis délégué de l'Etat.
Nous demandons aux élus municipaux de faire moins de
déclarations politiques, afin d'être les dignes
représentants du peuple, tant pour ses besoins que pour ses aspirations,
auprès des autorités supérieures.
Nous recommandons une redéfinition plus réaliste des zones
régionales, accompagnée d'un traitement plus équitable des
organismes régionaux en place; d'après l'Office de planification,
Granby et Saint-Hyacinthe sont, à l'échelle
para-métropolitaine, des villes satellites de quatrième niveau.
Ce sont vraiment des descriptions d'échelle de fonctionnaires. Nous
demandons une meilleure représentation et une désignation plus
réelle. Nous offrons notre collaboration.
Nous demandons que l'aménagement du territoire soit d'abord et
avant tout l'expression du milieu et non une politique élaborée
de la capitale et imposée au reste de la province.
Nous demandons que le zonage et l'aménagement soient
envisagés sur une base régionale et non sur la base de
comté. Il faudrait plutôt envisager comme base les bassins
versants des eaux, la qualité des sols, la pédologie.
Qu'une saine régionalisation soit mise à l'étude,
ayant comme base la zone d'influence des centres urbains et non les conseils de
comté.
Nous demandons que l'agriculture soit valorisée par des
politiques appropriées et sélectives, que les villes
situées dans les zones agricoles soient favorisées par le
développement du secteur tertiaire et de l'industrie
agro-alimentaire.
M. le ministre, messieurs les députés, voilà nos
humbles recommandations et considérations. Merci à tous.
Le Président (M. Boucher): Merci, Mlle Simard, merci M.
Thibault. M. le ministre.
M. Garon: Vous avez l'air joyeux, M. Thibault.
M. Thibault: Pardon?
M. Garon: Vous avez l'air de bonne humeur.
M. Thibault: Je pense qu'après tout le travail que vous
avez fait, le marathon, il faut tout de même vous encourager un peu.
C'est ma façon de vous dire ma joie, aussi bien au parti au pouvoir
qu'à l'Opposition, parce que nous sommes apolitiques, nous ne nous
occupons pas de politique, on veut le bien-être des citoyens.
Il y a quelques questions que nous avons posées au début,
pouvez-vous y répondre brièvement? Vous avez répondu des
centaines de fois, mais nous n'étions pas là.
M. Garon: II n'y avait pas de questions là-dedans, je n'ai
pas vu de questions.
M. Thibault: Si vous ne les avez pas vues, c'est bien de
valeur!
M. Garon: Lesquelles?
M. Thibault: Pauvre vous!
M. Garon: A quelle page?
M. Thibault: A la page 4.
M. Garon: II y avait une question à la page 4?
M. Thibault: Les recours au civil, pourquoi ne les permet-on pas
dans la province de Québec, alors que la Colombie-Britannique les
permet? (21 h 45)
M. Garon: C'est parce qu'on n'occupe pas la
Colombie-Britannique!
M. Thibault: Non, mais une réponse courte, simple; dites
ce que vous pensez tout simplement, sans détour.
M. Garon: Vous vous référez à l'article 100,
n'est-ce pas?
M. Thibault: Non, 80...
M. Garon: L'article 82 ne servait pas à des recours. "S'il
y a recours, la Cour supérieure peut ordonner la radiation de tous
droits, privilèges et hypothèques qui sont créés ou
qui découlent de tout fait en contravention des articles 26 à 29,
55 et 70".
Cela veut dire que si des actes sont faits contrairement à la loi
et qu'ils peuvent être déclarés nuls par la cour, la cour
peut radier les droits et privilèges des hypothèques qui ont
été créés illégalement.
M. Thibault: D'accord, s'ils n'ont pas suivi la loi. Mais, ce
n'est pas dans ce sens, c'est dans le
sens que si, par exemple, quelqu'un se sent lésé, soit par
le zonage, par exemple, qu'il trouve qu'il y a eu des erreurs...
M. Garon: II pourra demander une révision à la
commission.
M. Thibault: Alors, après cela, ça va au Conseil
des ministres, n'est-ce pas?
M. Garon: Non, l'article 18 dit justement...
M. Thibault: S'il veut poursuivre plus loin, cela va au ministre
de l'Agriculture et au Conseil des ministres après.
M. Garon: Non, c'est de révision à la commission,
mais la décision ou ordonnance entachée d'erreur
d'écriture, de calcul ou de quelque autre erreur de forme peut
être modifiée par la commission, sans même qu'il y ait de
demande de révision.
M. Thibault: Oui, mais supposons qu'elle refuse. Là je
parle d'un cas où il n'y a pas de mésentente.
M. Garon: S'il n'y a pas de mésentente, il n'y aura pas de
litige.
M. Thibault: II y aurait les deux, un grief, si vous voulez.
M. Garon: II y a mésentente, s'il y a grief. Vous avez
dit: S'il n'y a pas de mésentente. S'il n'y a pas de mésentente,
il n'arrive rien.
M. Thibault: Non, mais s'il y a mésentente, vous ne
permettez pas de recours au civil.
M. Garon: Entre qui et qui il y a mésentente? M.
Thibault: Franchement!
M. Garon: Cela peut être entre la municipalité et la
commission. A quel stade y a-t-il mésentente? Ce ne peut pas être
une mésentente en général; c'est une mésentente
à quel sujet?
M. Thibault: Non, le pouvoir de recours au civil pour contester
une décision qu'on croit léser les biens de quelqu'un.
Une Voix: C'est une autre loi.
M. Thibault: Ce n'est pas une autre loi. C'est que la loi de la
Colombie-Britannique permet cela et nous, nous ne le permettons pas au
Québec. Est-ce que c'est parce qu'il y aurait affluence de contestations
qui empêcheraient la loi de fonctionner?
M. Garon: Vous voulez dire des recours à quel sujet? En
dommages-intérêts?
M. Thibault: Cela pourrait être n'importe quoi. Tandis que
là, telle que la loi est faite, la décision finale, c'est celle
de la commission.
M. Garon: Oui.
M. Thibault: C'est cela; alors, est-ce que vous avez
réfléchi à cela? Est-ce que cela amènerait trop de
problèmes? Si c'est permis dans la loi de la Colombie-Britannique, il y
a certainement des raisons.
M. Garon: Vous voulez dire un appel au Conseil des ministres?
M. Thibault: C'est cela.
M. Garon: Oui, mais c'est bien critiqué aussi, n'est-ce
pas?
M. Thibault: Oui, on dit que le pouvoir est parti des
spéculateurs et qu'il est rendu aux politiciens, en
Colombie-Britannique, ce qui n'est pas joli.
M. Garon: Non, mais justement, on va pouvoir éviter
cela.
M. Thibault: C'est ce qu'on dit qui existe après six ans,
alors...
M. Garon: La Colombie-Britannique a trouvé que notre loi
était meilleure que la leur.
M. Thibault: Je ne veux pas dire que la loi de la
Colombie-Britannique était meilleure que la vôtre; ce n'est pas ce
que je veux dire.
M. Garon: Non, on ne pense pas cela non plus.
M. Thibault: Je ne veux rien insinuer, mais je parle de
l'expérience de six ans, qui est quelque chose de valable.
M. Garon: C'est cela, on s'est aperçu que le droit d'appel
donnait de mauvais résultats, parce qu'on reportait le droit d'appel au
Conseil des ministres ou à un tribunal. Si vous reportez le droit
d'appel au Conseil des ministres, l'appel est plus politisé, n'est-ce
pas?
M. Thibault: C'est ce qui se produit en Colombie-Britannique,
apparemment, c'est devenu plus politisé.
M. Garon: Alors, vous avez le droit d'appel actuellement, selon
l'article 33 du Code de procédure civile; ce n'est pas marqué
dans cet esprit, parce que c'est le recours en droit commun, sur le droit, en
vertu du pouvoir de surveillance de la Cour supérieure, mais sur les
faits, vous pouvez seulement demander une révision à la
commission elle-même, si elle s'est trompée sur les faits.
Je vous remercie infiniment d'être venus nous rencontrer pour nous
expliquer votre point de vue, comme centre recherche de votre région. Je
vais donner la parole à l'Opposition... Vous vous demandez pourquoi on
ne rit pas souvent, c'est que nous, nous avons l'Opposition en face de nous.
Elle va maintenant vous poser des questions.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Maskinongé.
M. Picotte: M. le Président, je veux remercier les gens
qui sont devant nous de s'être donné la peine de nous faire
quelques recommandations et de nous avoir présenté leur
mémoire.
A la page 3 du mémoire, vous avez soulevé certaines
inquiétudes concernant le gel des terres au niveau de 614
municipalités. Remarquez bien qu'il y a des organismes qui sont
passés avant vous et qui ont parlé de la même chose que
vous, c'est-à-dire de la possibilité de commissions
régionales, parce que déjà on avait une crainte que la
commission de protection du territoire ait beaucoup de boulot à entendre
les griefs de possiblement 614 municipalités. On prétend que le
gel des terres pourrait se poursuivre trop longtemps. Dans votre esprit, quand
vous parlez de commissions régionales, était-ce dans le but
justement de venir...
M. Thibault: Oui, je vais préciser ma pensée, parce
que c'est assez important; un connaisseur en a parlé cet
après-midi. Selon notre opinion, la loi est celle du gouvernement; le
plan provisoire déposé est la responsabilité pleine et
entière du gouvernement. L'organisme régional vient ensuite
à l'écoute des citoyens, parce que le gouvernement qui adopte la
loi est le responsable; à ce moment, c'est lui qui doit endosser et doit
avoir la liberté entière de faire ce qu'il veut et de la
manière qu'il veut le faire. Mais l'organisme régional est
ensuite un niveau intermédiaire à l'écoute des citoyens
pour apporter au niveau de la commission les problèmes. Je ne veux pas
entrer dans les détails, mais il y aurait un certain pouvoir
décisionnel pour ce groupe, mais pas au premier plan, parce que le
premier plan appartient au gouvernement; c'est lui qui a pris la
décision, c'est à lui de le faire tel qu'il le veut. Je ne veux
pas mêler les cartes, mais il faut développer un pouvoir
régional.
Aujourd'hui, on a visité des ministères et, savez-vous, ce
ne sont pas les lieutenants auprès des ministres qui nous créent
des problèmes, ce sont les fonctionnaires mêmes qui faussent
l'opinion. On a attendu longtemps, on est arrivé à 10 heures ce
matin et on a attendu toute la journée. Alors, on est allé
ailleurs. Mais il y a des problèmes, vous savez, et ce n'est pas de
votre faute, ce n'est pas la faute des gens qui sont autour de la table
ici.
M. Garon: C'est la faute de qui?
M. Thibault: C'est que, lorsqu'on est chef de service et qu'on a
un bon personnel, il faut décentraliser et envoyer des gens dans le
champ. Tiens, c'est la cloche pour les élèves!
M. Garon: Non, c'est qu'il y a un vote. M. Thibault: On
peut clore là-dessus.
M. Garon: Est-ce que vous avez d'autres questions?
M. Picotte: Deux minutes au plus, parce qu'il me restait deux
commentaires. Lorsque vous parlez de l'article 82 recours au civil
si vous voulez dire que le citoyen pourrait faire appel d'une
décision de la commission constituée, je serais, pour ma part,
réticent à ce qu'on donne un recours au civil comme tel, parce
qu'on sait jusqu'à quel point parfois un recours peut prendre deux,
trois ou quatre ans, ce qui deviendrait un embêtement additionnel, parce
que tout le monde était en faveur du gel des terres momentanément
et tout le monde a hâte qu'elles se dégèlent aussi, surtout
les municipalités. Je pense que c'est le voeu de la commission. Alors,
si on donne des possibilités d'aller au civil, je pense qu'on donne
encore plus de temps; le temps que cela prendra va causer des
inconvénients additionnels. Je préférerais de beaucoup
qu'il y ait une commission d'appel qui soit constituée où le
citoyen pourra justement faire appel d'une décision rendue par la
commission. Je pense que cela a été exprimé à
certains endroits.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Maskinongé, étant donné qu'il y a un vote à
l'Assemblée nationale, nous devons suspendre pour dix ou quinze
minutes.
M. Dubois: Ce que j'ai à demander ne prendra que 30
secondes.
Le Président (M. Boucher): 30 secondes, M. le
député de Huntingdon?
Une Voix: On pourrait les libérer ensuite.
Le Président (M. Boucher): D'accord, vous pourriez
être libérés tout de suite. 30 secondes, M. le
député de Huntingdon.
M. Dubois: Je voudrais vous remercier pour votre mémoire;
il y a seulement un bout que je ne comprends pas et je vais vous dire ce que
c'est. "Les deux principales villes du territoire sont Granby et
Saint-Hyacinthe. Nous sommes une région non identifiée et sans
services adéquats". C'est ce bout-là que je ne comprends pas,
parce que Saint-Hyacinthe a tout du ministre de l'Agriculture et c'est non
identifié et sans services. Alors, là je me pose des
questions.
M. Thibault: Cela prendrait une réponse assez
détaillée. On n'a pas de services gouvernementaux
adéquats; c'est la caisse populaire de l'endroit qui
fournit l'information, la papeterie, etc., pour les différents
services. Il n'est pas normal qu'un gouvernement aujourd'hui ait recours
à de tels moyens. Je n'appelle pas cela du service. Quand il faut aller
à Sherbrooke et à Montréal tout le temps, alors qu'on a
une région qui a 200 000 de population, on ne peut pas appeler cela du
service.
Cela est en général. Cela n'attaque pas le ministre de
l'Agriculture plus que d'autres, mais c'est une situation de fait qu'une
population de 200 000 devrait avoir plus de services que ce que la caisse
populaire du coin peut donner, à un kiosque, pour s'amener de la
clientèle.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. Thibault. Merci, Mlle
Simard, ainsi que les messieurs qui vous accompagnent. La commission suspend
ses travaux jusqu'après le vote.
M. Picotte: M. le Président, on reprend avec quel
organisme après?
Le Président (M. Boucher): Ce sera la municipalité
de Franklin.
Suspension de la séance à 21 h 57
Reprise de la séance à 22 h 18
Le Président (M. Boucher): A l'ordre, s'il vous
plaît!
A la suspension, avant le vote, nous avions complété avec
le Conseil de recherche de la Haute-Yamaska. J'appelle maintenant la
municipalité de Franklin, représentée par M. Jean-Guy
Latreille. M. Latreille, si vous voulez lire votre mémoire.
Municipalité de Franklin
M. Latreille (Jean-Guy): Mon nom est Jean-Guy Latreille, je suis
maire de la municipalité de Franklin. J'ai seulement une intervention
sur un article de la loi. C'est l'article 1 sur l'interprétation de
l'alinéa 16 qui dit "sol arable". La définition du projet de loi
est la suivante: "Le sol possédant les propriétés qui le
rendent propice à la croissance des végétaux".
M. Garon: Qu'est-ce que vous avez dit? Une Voix: II a lu
la définition.
M. Latreille: "Le sol possédant les
propriétés qui le rendent propice à la croissance des
végétaux". C'est l'article 1, alinéa 16, dans votre projet
de loi.
M. Garon: Je n'avais pas votre mémoire.
M. Latreille: La définition du Larousse donne
l'interprétation suivante des mots "sol arable": Sol qui peut être
labouré, qui vient du mot latin "arare", qui veut dire "labourer".
"Croissance" veut dire développement progressif d'une chose.
"Végétaux" veut dire arbres et plantes. Ces définitions
sont contradictoires et, comme tel, nous protégeons tous les terrains
inclus dans le projet de loi, la région verte. Exemple: les terres
rocheuses, les terres sableuses, les marécages, les rochers, car elles
sont toutes propices à la végétation. Est-ce
réellement le but de ce projet de loi ou est-ce la protection des terres
fertiles à l'agriculture?
J'aimerais vous présenter un exposé du règlement de
zonage de notre municipalité, qui est en vigueur depuis trois ans. Le
but de ce projet était de protéger les fermes agricoles, de
contrôler la construction des industries, des projets domiciliaires et de
tout autre commerce.
Franklin est une municipalité située dans le comté
de Huntingdon, bordant les frontières américaines et ayant une
population de 1600 personnes. Les caractéristiques sont très
diversifiées. Premièrement, nous avons deux agglomérations
de population: le village Saint-Antoine-Abbé et le village Franklin
centre, et une montagne de huit milles de long qui s'appelle la Covey Hill,
dont le bas est très fertile à la pomiculture.
En plus, il y a une paroisse qui comprend de très bonnes terres
agricoles et un terrain de roc solide de quatre milles de long par six milles
de large, qui a une très pauvre qualité de
végétation. Enfin, ce qui reste, ce sont des terres sableuses, de
gravier, qui sont très peu propices à l'agriculture. Nous avons
donc la gamme complète. Inutile de vous dire que ce fut un travail
complexe et laborieux de préparer un règlement de zonage.
En plus, nous avons les industries suivantes qui sont situées
dans notre municipalité: Lussier et Frère, Leahy et Fils, deux
des plus grands emballeurs de pommes de la province de Québec; la
cidrerie Lubec, une des deux cidreries qui sont encore en opération;
l'Institut Dorea, qui est une institution pour les enfants handicapés;
trois terrains de camping dont un est au lac des Pins, le plus gros et le mieux
organisé de la province; et un moulin à scie. Ces industries
apportent beaucoup d'emplois et, vu qu'il y a très peu de logis et de
maisons disponibles, cette situation a stimulé de nouvelles
constructions dans notre municipalité.
Cette période de croissance nous a portés à
préparer ce projet de zonage et à établir un
règlement de construction. Pour nous aider à préparer ce
plan directeur, nous avons engagé les services d'un urbaniste. Le
premier travail qu'il a entrepris fut l'étude des sols avec les cartes
géographiques qu'il s'est procurées du gouvernement provincial,
de même que des photos aériennes. Avec le résultat de ces
études de sols, nous avons pu déterminer trois zones: la zone
agricole, la zone rurale (zone non propice à l'agriculture) et la zone
urbaine. On a pu constater que les gens qui demeuraient dans la zone agricole,
incluant agriculture et pomiculture, étaient réellement
prospères des fruits de l'agriculture.
Depuis que ce règlement de zonage est en vigueur, à ma
connaissance, il y a eu la vente de deux fermes situées dans la zone
agricole, qui se
sont vendues à des prix très bons et qui étaient
très convoitées. Il est donc évident que toute ferme
propice à l'agriculture garde sa valeur et reste convoitée.
La majorité des constructions qui se sont faites dans notre
municipalité est dans la zone rurale. Cette année, en 1978, nous
avons émis 27 permis de construction pour des maisons neuves, dont 23
étaient dans la zone rurale. On se rend compte que ces constructions
sont faites, en majorité, dans des endroits boisés, montagneux et
ne nuisent pas. S'il y a de quoi, ces constructions sont plutôt
avantageuses. Comme nous ne donnons pas les services d'aqueduc et
d'égouts, ils doivent avoir un terrain de 30 000 pieds carrés
pour construire. Ils doivent aussi avoir une façade sur une route
publique.
A la suite de notre expérience que je viens de vous exposer, nous
recommandons les points suivants: que la définition du sol arable soit
remplacée par la définition suivante: "sol propice à
l'agriculture", avec des critères précis. Nous sommes convaincus
que ce changement clarifierait beaucoup de choses et permettrait aux
municipalités d'établir leur zone agricole et leur zone non
agricole avec plus de facilité. Un agronome qui travaille pour le
ministère de l'Agriculture me disait que la définition d'un sol
arable doit être: un sol apte à la production agricole
commerciale, suivant les normes déjà connues avec les
différents types de sols du Québec.
M. le ministre, depuis le 9 novembre 1978, nous avons dû refuser
quatre permis de construction pour des jeunes gens de chez nous qui voulaient
s'établir dans notre municipalité. Où iront-ils
s'établir?
Pour terminer, j'aurais quelques questions à poser à M. le
ministre. Permièrement, est-ce que vous allez faire adopter le projet de
loi 90 sur la protection du territoire agricole pour réellement
protéger les cultivateurs ou pour protéger les villes?
Deuxièmement, quand vous avez gelé le territoire agricole,
j'ai vérifié la carte que vous nous avez fait parvenir. Le rocher
de quatre milles sur six milles, vous l'avez inclus dans l'aire
protégée pour l'agriculture. La population de Franklin trouve
cela très ridicule. Vous allez probablement dire la même chose.
Vous allez aussi me répondre que les municipalités ont 180 jours
pour présenter les amendements à la commission. Quels
critères avons-nous pour définir le plan de zones agricoles de
notre territoire? M. le ministre, la commission devra suivre la loi telle
qu'elle sera adoptée. Dans ce cas précis, avec notre rocher, avec
très faible végétation, elle devrait simplement nous dire
que, par définition, un sol arable est le sol possédant les
propriétés qui le rendent propice à la croissance des
végétaux. Or, notre rocher reste dans le territoire agricole.
Troisièmement, M. le ministre, avec les critères
précis sur le sol que vous voulez protéger dans la Loi sur la
protection du territoire agricole, ceci facilitera la tâche de la
commission, des municipalités et des contribuables. De plus, ceci
éliminera une multitude de demandes de la commission.
Quatrièmement, ne trouvez-vous pas, M. le ministre, que la base
de cette loi devrait se faire avec des études de sols? Merci
beaucoup.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. Latreil-le. M. le
ministre.
M. Garon: C'est exact ce que vous dites, que la base de la
protection des terres va se faire avec les études de sols. Ce que vous
avez reçu actuellement, c'est un plan provisoire qui trace un
périmètre autour de votre municipalité pour une zone
urbanisable. Le reste, c'était zoné agricole temporairement,
provisoirement. Par exemple, lors de la définition de la zone
permanente, puisque vous parlez du rocher de 4 milles sur 6 milles, c'est
évident qu'il pourrait être exclu, à ce moment. Au point de
départ, c'était pour permettre un périmètre. Si on
avait procédé comme d'autres ont procédé quand ils
font un zonage, un règlement de zonage, à ce moment, tout est
gelé, sans exception. Le plan provisoire a uniquement pour but de
dégager dans un périmètre autour de votre
municipalité, lequel la construction est entièrement la
responsabilité de la municipalité et il n'y a rien de
gelé. C'est pour cela, le plan provisoire. Le but de cela,
c'était de prévoir un périmètre pour la
construction pendant une période de temps au cours de laquelle la zone
permanente va être discutée entre la municipalité et la
commission. A ce moment, lors de l'établissement de la zone permanente,
des territoires qui n'ont aucun potentiel agricole, comme votre rocher, par
exemple, pourront être exclus.
M. Latreille: M. le ministre, je suis au courant de cela, mais il
y a une chose que je me demande. Je parle du rocher, parce que c'est pire, mais
il y a des régions où on a fait le zonage agricole et où
on a gardé seulement les terres qui sont réellement fertiles
à l'agriculture comme régions agricoles. Dans ces régions
agricoles, il n'y a pas d'industrie, il n'y a pas de construction,
excepté les domiciles des cultivateurs, ou suivant la route, ce qui est
semblable un peu à votre projet de loi, excepté qu'on a des
normes très précises. Les fermes qui n'étaient pas
propices à l'agriculture, les fermes qu'on appelle de sable, les terres
de sable où il n'y a rien qui pousse, on les a enlevées, on les a
exclues, avec les études de sols qu'on a faites. Dans le moment, dans le
projet de loi, il n'y a rien de précis là-dedans. C'est cela qui
va être important pour les municipalités. Dans le moment, ce que
je vais faire, à la commission, quand elle sera ouverte, je vais
présenter notre plan de zonage tel qu'il est. Peut-être qu'elle va
l'accepter, peut-être qu'elle ne l'acceptera pas. J'espère qu'elle
va l'accepter. Peut-être qu'elle va dire qu'une telle zone qu'on a
décrétée rurale...
M. Garon: Si vous avez, à ce moment, un modèle de
zonage pour votre municipalité, vous aurez une base de discussion,
à savoir le plan provisoire et le vôtre. Vous savez, à ce
moment, ce que vous voulez demander, qui va être protégé
dans votre municipalité. A ce moment, vous pou-
vez commencer vos délibérations plus rapidement avec la
commission.
M. Latreille: Ce que je veux dire, ce n'est pas seulement chez
nous...
M. Garon: Avez-vous consulté les cultivateurs, quand vous
avez fait...
M. Latreille: Non, nous avons fait des études de sols.
M. Garon: Ah oui!
M. Latreille: On n'a pas consulté les cultivateurs pour
faire cela. C'est la municipalité qui a pris charge de faire le zonage
agricole chez nous.
M. Garon: Voyez-vous, ce serait peut-être une bonne chose
de consulter les cultivateurs pour savoir ce qu'ils en pensent.
M. Latreille: De quoi? De notre plan de zonage? De chez nous? Les
gens sont très satisfaits de cela. Chez nous, les gens sont très
satisfaits de la manière que c'est fait.
M. Garon: En avez-vous parlé aux cultivateurs?
M. Latreille: Tout le monde est au courant de notre projet de
loi. On l'a fait il y a quatre ans. Cela fait trois ans qu'il est en
application. Cela nous a pris un an à le travailler, par exemple, parce
qu'on l'a fait faire trois fois par l'urbaniste pour le rendre propice à
notre municipalité.
M. Garon: Combien de cultivateurs avez-vous chez vous? (22 h
30)
M. Latreille: Des cultivateurs qui possèdent des vaches
laitières, on en a à peu près 75. Pour ce qui est de la
pomiculture, et nous sommes l'une des plus grosses régions de
pomiculture de la province de Québec, il doit y en avoir à peu
près une centaine.
M. Giasson: Si vous permettez, est-ce que, vous avez des
cultivateurs qui siègent au conseil municipal?
M. Latreille: Oui. Il y a deux conseillers municipaux qui sont
cultivateurs et possèdent des fermes laitières et il y a deux
pomiculteurs.
M. Giasson: II y a quatre agriculteurs qui vivent des
activités agricoles et qui siègent au conseil municipal?
M. Latreille: C'est cela. Quand on a passé notre plan de
zonage agricole ce n'est pas seulement du zonage agricole, cela a
été zoné municipalité au complet on n'a eu
aucune critique. Mais on a gardé les terres réellement propices
à l'agriculture, les fermes qui ont été vendues depuis ce
temps qui étaient dans la zone agricole ont été vendues
à des prix extraordinaires.
Il y a un type, cette année, qui a eu une offre de $1 million
pour ses fermes. Il avait grand de ferme, il a 800 arpents de terre. Avec les
quotas de lait, il a refusé une offre de $1 million cette année.
Et ils sont heureux d'être dans la zone agricole, parce qu'ils savent que
c'est du terrain qui est réellement propice à l'agriculture.
Quand on a fait des études de sol, on a gardé le meilleur et non
les sols qui n'étaient pas propices à l'agriculture.
C'est pour cela que j'insiste dans le moment. Si le projet de loi est
clair et qu'on donne des indications précises sur les sols qu'on doit
conserver pour l'agriculture, les cultivateurs vont être contents de
demeurer sur leurs terrains.
Le Président (M. Boucher): Est-ce qu'il y a d'autres
questions? M. le député de Huntingdon.
M. Dubois: Merci, M. le Président. Bonsoir, M. le maire.
J'imagine que vous perdez certains investissements depuis un bout de temps,
étant donné que le territoire est gelé au complet,
même la bande de roc de quatre milles sur six milles. C'est malheureux
que la carte le démontre en vert. Vraiment, il n'y a rien de possible en
culture là-dessus. Est-ce que c'est là que les lots se
vendent?
M. Latreille: Non, pour la partie qui est rocheuse, dans le
moment, on refuse d'accorder des permis de construction parce que, chez nous,
cela prend 30 000 pieds carrés et il faut que le type creuse un puits et
ait une fosse septique. Une fosse septique sur du roc, cela ne se fait pas. Il
faut qu'il apporte un plan d'ingénieur parce que cela prend à peu
près de quatre à six pieds de gravier avant d'y poser une fosse
septique. Dans le moment il n'y en a que trois qui ont bâti à cet
endroit. Il n'y en a pas d'autres qui bâtissent.
Il y a deux campings existants qui étaient dans la zone rurale.
Quand on a présenté notre plan de zonage, il y en a un nouveau
qui s'est implanté. Et lui aussi, il est dans la zone rurale, parce que
ce n'était pas une place qui était propice à
l'agriculture.
M. Dubois: Est-ce qu'il y a eu une étude des sols?
M. Latreille: C'était la base de tout le travail.
M. Dubois: Et elle vient du ministère de
l'Agriculture?
M. Latreille: On s'est servi des cartes du ministère de
l'Agriculture parce qu'elles nous donnaient l'étude des sols. En plus de
cela, il y a une étude qui a été faite par une personne
spécialisée dans les sols afin de savoir exactement si les cartes
étaient réelles. On n'a pas eu de difficultés avec
cela.
M. Dubois: Je pense qu'il y aurait avantage, dans votre cas,
à présenter à la commission votre
plan de zonage tel que vous l'avez présentement, aussitôt
qu'elle sera formée. Je pense que ce serait un cas assez rapide à
trancher. Je ne pense pas qu'il soit très litigieux, étant
donné qu'il y a un bon travail de fait.
M. Latreille: Non, c'est à peu près 200 pages et
c'est clair. Tout est clair et précis. Il y a des cartes à
l'appui.
Mais ce n'est pas seulement pour la municipalité chez nous. En
général, cela manque dans le projet de loi, la classification de
ce point qui est trop vague. La définition des sols arables, lorsqu'on
dit "sol possédant les propriétés qui le rendent propice
à la croissance des végétaux "; les
végétaux, c'est un peu de tout.
M. Dubois: C'est peut-être cela qui est malheureux. Le
projet de loi dit: On veut protéger les sols arables, mais on
protège toute la province, pratiquement, ou la région
urbanisée, si on veut. Cela amène des problèmes de
construction. Je suis bien d'accord avec vous sur cela. Et il y a des manques
d'investissements qui se font présentement. Cela peut causer du
chômage. Cela amène des problèmes dans toutes les
municipalités, définitivement. Il ne reste qu'à
espérer que la commission pourrait trancher la question rapidement, tout
de suite après le 1er janvier. C'est ce que le ministre nous permet,
d'ailleurs. Il nous a dit que cela irait bien, que cela irait vite. C'est
cela?
M. Garon: J'ai dit: Dans certains cas.
M. Dubois: Oui; pas dans tous les cas? C'est un cas assez facile
à trancher, je pense, parce qu'il y a un travail de départ qui
est bien fait. Il y aura des gens au sein de la commission qui connaissent la
région, je n'en doute pas, ou des fonctionnaires qui connaîtront
la région très bien et qui pourront évaluer...
M. Garon: D'habitude, vous donnez 27 permis de construction par
année?
M. Latreille: Non, j'ai dit 27 permis de construction pour
maisons neuves. On en a donné plus que cela, parce que...
M. Garon: Quand?
M. Latreille: Cette année, en 1978.
M. Garon: 27.
M. Latreille: C'est l'année où on en a donné
plus. C'est pour cela qu'il ne faut pas avoir peur là-dedans, dans le
zonage.
M. Garon: 27. Comme cela, quand le député de
Huntingdon dit que cela va plus mal depuis 1976, ce n'est pas vrai.
M. Latreille: Comment dites-vous cela, vous?
M. Garon: La construction va mieux que jamais chez vous.
M. Dubois: C'est parce que les gens...
M. Garon: C'est votre plus grosse année, 1978.
M. Dubois: ... sortent des autres comtés et s'en viennent
dans le comté de Huntingdon.
M. Latreille: On ne discutera pas de cela. C'est de la
politicaillerie!
M. Garon: C'est parce qu'il nous dit cela. Je constate que...
M. Dubois: C'est parce que...
Une Voix: II part de Lévis pour s'en aller à
Huntingdon.
M. Latreille: Vous devriez venir voir cela chez nous, c'est une
des plus belles régions.
M. Garon: Je le sais.
M. Latreille: Vous êtes au courant de cela?
M. Garon: D'ailleurs, dans l'entreprise Leahy & Fils...
M. Latreille: C'est vrai. C'est mon ancien employeur.
M. Garon: La Société québécoise des
produits agro-alimentaires est partenaire là-dedans. On a pleine
confiance dans votre région.
M. Latreille: Voyez-vous, M. le ministre, vous avez un cas. Vous
êtes au courant de celui de Leahy & Fils. Leahy et Fils emploient
environ cent personnes. Lubec, vous devez être au courant, vous venez de
lui donner un permis pour les frais du vin. C'est un autre employeur qui doit
employer environ 40 à 50 personnes. Son père, à qui
appartient Lussier & Frères, emploie environ une cinquantaine de
personnes. C'est tout dans l'agriculture. C'est dans le produit
agro-alimentaire. Les quatre permis qu'on a refusés dernièrement,
c'étaient à des personnes de chez nous qui se marient. Vous
savez, les jeunes de chez nous se marient comme ailleurs et ils n'ont pas de
place où rester. Les maisons, dans notre coin, il n'y en a pas; des
logis vides, il n'y en a pas.
M. Garon: Vous devez avoir un périmètre autour de
votre village.
M. Latreille: II est tellement maigre. J'ai un terrain vacant
chez nous, il a pris de la valeur depuis que vous avez adopté votre loi.
Il en reste trois et j'en ai un parmi eux. Il n'y en a pas beaucoup.
M. Garon: Vous avez eu 28 constructions en 1978. En 1977?
M. Latreille: L'année dernière, il y en a eu
à peu près 15 ou 16 maisons neuves. Quand on parle de
construction, on doit parler de maison neuve, parce que des silos, il s'en
bâtit pour des granges.
M. Garon: En 1976?
M. Latreille: A peu près 12 à 15. Les années
précédentes, cela se joue à peu près entre 10 et
12. C'est notre meilleure année, cette année.
M. Dubois: II y a des industries florissantes aussi, cela
amène des employés supplémentaires. Avec tout cela, cela
amène de la construction supplémentaire.
M. Giasson: ... Saint-Hyacinthe qui va bien.
M. Latreille: II y a une chose, M. le ministre, nos taxes, chez
nous, ne sont pas tellement élevées. On suit des normes et cela
aide beaucoup, ces choses. Je ne suis pas contre les normes en autant qu'on ne
contrôle pas le gars jusqu'à lui dire comment faire tourner son
robinet. Il y a des normes chez nous et les gens sont heureux avec ces normes.
Les maisons sont à trente pieds du chemin et les gens respectent nos
normes. Ce n'est pas facile, cela a pris du temps, mais, aujourd'hui, les gens
comprennent.
M. Garon: Vous me parlez de construction, des quatre permis,
est-ce que c'était pour commencer en hiver ou au printemps?
M. Latreille: Non, c'était pour commencer bientôt.
Ce sont des personnes qui se marient et elles veulent commencer à faire
bâtir cet automne. Il y a une chose que les gens ne font pas, c'est
qu'ils ne prévoient pas un an d'avance pour bâtir. Ils
décident de bâtir demain matin et ils viennent chercher leur
permis. Ils décident de se marier, cela prend une place et il n'y a pas
de place pour habiter, alors ils viennent chercher leur permis. A la campagne,
on fonctionne à la dernière minute.
M. Garon: Cela les prend quasiment comme une grippe, sans
avertissement!
M. Dubois: Le mariage, cela doit être cela,
paraît-il! Je ne connais pas, mais...
M. Garon: Comme vous disiez tantôt, il faut qu'ils
choisissent!
M. Dubois: Oui, bien choisir.
M. Garon: Sans émotion!
M. Dubois: Sans émotion, surtout!
M. Garon: C'est ce que vous disiez tantôt!
M. Dubois: Oui, je suis bien d'accord.
M. Giasson: Que ce soit au Québec ou dans l'Orégon,
mais il faut choisir sans émotion!
M. Dubois: Cela...
M. Garon: Cela veut dire que les jeunes ont confiance dans
l'avenir du Québec chez vous! Ils n'attendent même pas le
printemps pour se marier.
M. Giasson: C'est parce que la frontière est tout
près.
M. Latreille: On est près des frontières. Les gens
sont dynamiques et on a des personnes... Il y a du travail chez nous, on ne le
nie pas.
M. Dubois: C'est parce que c'est la onzième province en
perspective. C'est la porte d'entrée des Etats-Unis vers
Montréal. C'est pour cela que les gens sont confiants.
Une Voix: ... ils s'organisent pour ne pas avoir de
misère.
M. Garon: Je pense que l'idéal, comme vous avez
déjà un plan de fait, ce serait de communiquer avec la commission
dès sa formation pour dire que vous êtes intéressés
à discuter votre zone agricole. A ce moment, la commission pourra entrer
en communication avec vous pour commencer la discussion le plus rapidement
possible sur la zone permanente à Franklin.
M. Dubois: On vous remercie, M. le maire. M. Latreille: Merci
beaucoup.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. le maire, au nom de
tous les membres de la commission pour ce mémoire.
M. Giasson: Félicitations également pour votre plan
d'aménagement de la municipalité.
M. Garon: Oui.
Le Président (M. Boucher): J'appelle maintenant la
municipalité de Saint-Patrice de Shering-ton, représentée
par M. René Poirier, maire.
Une Voix: Ils ne sont pas présents.
Municipalité du village d'Ormstown et
Saint-Malachie d'Ormstown
Le Président (M. Boucher): Ils ne sont pas
présents, alors, nous allons passer immédiatement à la
municipalité du village d'Ormstown. Est-ce que la municipalité de
Saint-Malachie-d'Ormstown est avec le village d'Ormstown? Alors, les deux
ensemble.
M. Garon: Faites rapport en même temps.
Le Président (M. Boucher): Est-ce que vous aviez un texte,
M. Marcil?
M. Marcil (J. Claude): Non, nous n'avons pas de texte.
Le Président (M. Boucher): Vous n'avez pas de texte, alors
vous pouvez y aller.
M. McDougall (Russell G.): Mr President, Mr Agricultural Minister
Garon, representatives of the National Assembly, I have no prepared document to
present this evening, whatever I have to present will be entirely verbal.
Possibly, you know that the area I represent has some of the finest
agricultural lands in the whole of the province or, further, in all of Canada.
Yet, on the other hand, if you go south of Ormstown, towards the municipality
that Mr Latreille represents, towards Franklin, you come into an entirely
different area, more or less lightly wooded, brushy, sandy, gravelly and most
of the owners on this type of land have abandoned it, most of them are employed
in industry outside of the land altogether. It is not suitable at all for
farming.
We would ask that this part be removed from agricultural zoning. Two
years ago, at quite a large expense, we had an agricultural plan drawn up by a
professional. The council studied this matter with him, they held public
hearings, public meetings three, I believe to get the opinion of
the people. I would say roughly 90% of the farmers were in favour of some sort
of a zoning plan. Those who opposed it were mostly, as I say, people in this
marginal area, who were employed outside; they possibly had left a small plot
of land and, according to our law, if the house should burn down, they did not
have the right to build on this same lot because it was too small by today's
standards; they could not come up to the 30 000 feet required by law, for most
of them had only half of it. In many instances, they had a good drilled well,
possibly they had a first class basement in cement and they felt
that was a great hindrance to them.
For one reason or another, this plan was never passed by the council,
but it is already made, sitting right there; the types of soil have been
studied and it is there.
Now, we would like this poorer, what we call the poor land, removed from
this zoning law. We feel that it would be very suitable for housing projects;
we have nowhere to expand, if we do not go somewhere. There are areas in that
designated for light industry, heavy industry; we already have one, what we
call the Blueberry Rock, it is an ammunition plant. We feel that to give
employment to our residents, it is only fair that somewhere should be reserved
for this type of use. Right at the border of the village, and our municipality,
we have a zephyr textile plant. That has given employment to 250 people over
the last 30 years. Should they wish to expand, where are they going to go? The
only suitable spot is into our parish, we have the water mains right up to
them, the sewers; does it not seem reasonable that we should be allowed a
little bit of acrage here or there to accommodate these industries? Without
business, there is not very much in a community. (22 h 45)
These are some of the main points. I am not here to take up a lot of
your time, but one other point I would like to make is the odd farmer, who
accepts this plan, but says: I have a second farm there, the whole front is
four acres wide, possibly limestone ridged, you could take out rocks the
size of the square of that table it could never be ploughed, you could
bulldoze it from now till doomsday, you would still have a rock pile. Now,
those people think that they should have the right to say: Two or three houses
could be built there; the drainage is perfect, it is high and dry. This is a
proposition I bring before the commission.
M. Garon: You talked about a plan that was made. Was it adopted
or?
M. McDougall: A plan, yes, it is right here with us.
M. Garon: No, I know that you have it with you, but was it
adopted by the municipality or...
M. McDougall: Zoning, yes.
M. Garon: When was it adopted? When was it voted?
M. McDougall: It was never voted, it never went to a vote; we had
three public meetings and it sat on the desk ever since.
M. Vaillancourt (Orford): It was accepted without a
referendum?
M. McDougall: No, it never was accepted, they did not put it to a
vote.
M. Garon: ... was it a bylaw?
M. McDougall: It was the small lot holders who contested it more
than anyone else, not the farmers.
M. Garon: Have you adopted a bylaw?
M. McDougall: It has not been adopted yet, no.
M. Garon: It is only a project...
M. McDougall: A $10 000 project, paid for.
M. Marcil: Le conseil a présenté le
règlement en assemblée des électeurs et 200 personnes se
sont présentées pour demander le référendum. Alors,
devant leur nombre imposant, le conseil a décidé de "tabler",
temporairement, le projet de règlement de zonage, ainsi que le
règlement de construction et de lotissement.
M. Garon: Quand?
M. Marcil: II y a près d'un an et demi. Tout de suite
après cela, on a commencé à avoir des échos qu'un
zonage agricole par le gouvernement allait être présenté
dans un avenir assez rapproché, alors le conseil a décidé
d'attendre que cette Loi sur le zonage agricole soit adoptée, pour
ensuite le modifier et le présenter à nouveau.
M. Vaillancourt (Orford): Etes-vous dans la zone verte, chez
vous, à Saint-Malachie?
M. Marcil: Oui, au complet.
Le Président (M. Lévesque,
Kamouraska-Témiscouata): Avez-vous terminé votre
mémoire?
M. Marcil: Je représente le village d'Ormstown et, en
prenant connaissance...
M. Dubois: M. le Président, j'aurais peut-être
quelques questions à poser à M. McDougall avant.
Le Président (M. Lévesque,
Kamouraska-Témiscouata): On va prendre le mémoire de la
municipalité du village et on reviendra.
M. Garon: Etes-vous les deux en même temps ou...
M. Marcil: Oui.
M. Garon: Cela vous concerne tous les deux ce que dit...
M. Marcil: Oui, parce que le problème du village est
relié à celui de la paroisse, autant que celui de la paroisse est
relié à celui du village.
M. Garon: Etes-vous fusionnés?
M. Marcil: Non, on n'est pas fusionné; par contre, le
village donne quand même plusieurs services à la paroisse et
d'autres services sont en commun. En ce qui concerne les lots à
bâtir ou l'expansion du village, cela fait autant partie de...
M. Garon: Comment trouvez-vous le plan provisoire que vous avez
reçu?
M. Marcil: En ce qui concerne le village, je trouve qu'on a mis
une cage autour des maisons, parce que, d'après la description de l'aire
retenue pour fins de contrôle de l'espace agricole, en lisant cela, je
constate qu'on décrit toute la zone bâtie en faisant le tour des
maisons, pour laisser trois petits morceaux de terrain vacant qui tombent sous
la coupe du contrôle agricole.
Un premier terrain représente environ 45 arpents, dont un
boisé, soit une érablière, où le village a sa
source d'approvisionnement en eau potable; on a cinq puits et le
réservoir souterrain, le village ne veut certainement pas se
débarrasser de cela, parce qu'il doit le conserver pour fins d'aqueduc.
Les 20 autres arpents sont 20 arpents d'assez bonne terre, évidemment,
mais c'est traversé pour la conduite maîtresse pour amener l'eau
au village, alors les 20 arpents tombent dans la zone agricole et la
propriété appartient à la municipalité, elle
n'appartient pas à un particulier.
M. Garon: Mais votre plan, que vous avez fait sous forme de
projet, il y a un an et demi, couvre la municipalité, le village et la
paroisse?
M. Marcil: Non, le village a son propre règlement de
zonage et le lot 631, évidemment, est zoné pour le
résidentiel, l'unifamilial ou le semi-détaché, sauf pour
la partie boisée, qui est à peu près de 25 arpents et qui
est zonée comme parc. Evidemment, la municipalité veut en faire
un parc de verdure éventuellement. Cela coûterait assez cher pour
le transformer, mais il est sûr et certain qu'elle ne veut pas s'en
défaire, de quelque façon que ce soit, parce que Cela
protège ses installations.
Dans le deuxième terrain, il s'agit du lot 81, qui est
coupé par la route 138. Eventuellement, le ministère des
Transports a un projet pour une autre route qui raccorderait la route 138 avec
la route 201 et cela passerait encore à travers le même lot 81 qui
a une superficie totale, dans les limites du village, d'à peu
près 20 à 25 arpents. Ce qui va rester, ce sera encore une petite
pointe de terrain et avec la machinerie que les cultivateurs ont aujourd'hui,
ce serait à peine travaillable avec l'équipement, parce qu'il y
aurait trop de perte.
Evidemment, ce terrain est zoné, par le village, pour des
immeubles à logements; c'est le seul terrain qui soit zoné comme
cela, alors, en le zonant agricole, on n'a plus aucun endroit, dans la
municipalité, pour les immeubles à logements.
La troisième parcelle de terrain qui reste est de l'autre
côté de la voie ferrée. C'est un terrain industriel qui a
sept arpents de superficie, avec un bâtiment industriel dessus. Alors, il
ne reste qu'à peu près cinq ou six arpents de terrain dans ce
coin, terrain qui est en plus coupé par un cours d'eau. Je ne vois pas
comment cela pourrait être utile pour fins d'agriculture.
Ce qu'on demande c'est d'enlever au village tout contrôle
agricole, parce que, en totalité, cela ne représente même
pas 100 arpents de terre; il y en a peut-être 75 ou 80 qui sont
déjà coupaillés par toutes sortes de choses. Ce n'est
pratiquement pas utile au point de vue de l'agriculture, même s'il s'agit
de quelques petits morceaux de glaise sur lesquels pourraient être
cultivées quelques petites choses, mais enfin ce n'est pas assez grand
pour que cela vaille vraiment la peine.
M. Garon: Et ceci est près du village?
M. Marcil: Oui, c'est à l'intérieur des limites du
village.
M. Garon: De quelle grandeur est-ce?
M. Marcil: Je dirais qu'au maximum c'est à peu près
80 arpents, mais c'est déjà coupaillé par une route, un
autre morceau va être coupaillé
éventuellement et le boisé prend déjà 25
arpents là-dessus. Ce qui reste d'utile pourrait être 40 arpents
en totalité. D'autant plus que d'après la façon dont c'est
décrit, il reste à peu près 20 terrains vacants à
l'intérieur de l'autre territoire et cela répond à peu
près à la demande de terrains pour un an. Le village est
bloqué, il ne peut plus s'étendre, il ne pourra pas
répondre à la demande de terrains pour la construction
résidentielle, qu'elle soit unifamiliale, semi-détachée ou
qu'il s'agisse d'immeubles à logements. On ne pourra plus
répondre d'ici un an, parce qu'on n'aura plus de terrain disponible,
tout va être bâti au complet à l'intérieur de la zone
non protégée.
Le Président (M. Lévesque,
Kamouraska-Témiscouata): Avez-vous d'autres points que vous voulez
soulever, avant que je donne la parole pour une période de
questions?
M. Marcil: Non, c'était l'essentiel.
Le Président (M. Lévesque,
Kamouraska-Témiscouata): M. le ministre avez-vous d'autres
questions, soit à l'une ou l'autre municipalité?!
M. Garon: Non, je pense que le mieux sera, dès le mois de
janvier, de faire savoir à la commission que vous êtes
intéressés à recevoir un avis pour discuter de votre zone
permanente le plus rapidement possible. Je suis persuadé que vous allez
bien vous entendre. Did you understand, Mr McDougall? Do yu speak French
or...
M. McDougall: I am English, I speak some French...
M. Garon: McDougall, is not English?
M. McDougall: Pardon?
M. Garon: Are you White or McDougall?!
M. McDougall: McDougall, a Scotchman.
M. Garon: That is what I thought.
M. McDougall: That makes it worst.
M. Garon: I am 50% Irish.
Le Président (M. Lévesque,
Kamouraska-Témiscouata): M. le député de
Montmagny-L'Islet. Vous avez fini, M. le ministre?
M. Garon: Oui.
M. McDougall: At home, we all get along, I never ask a man in the
parish his language or his religion; I attend to my business and we get along
well.
Le Président (M. Lévesque,
Kamouraska-Témiscouata): M. le député de
Montmagny-L'Islet.
M. Giasson: Dans la municipalité du village d'Ormstown,
vous avez combien de citoyens?
M. Marcil: Environ 1650.
M. Giasson: 1650 et vous avez besoin d'environ 20 terrains par
année pour les demandes de construction?
M. Marcil: De 15 à 20 terrains par année, oui.
M. Giasson: Et puis là, tout ce qu'il vous reste, à
l'intérieur de votre municipalité, c'est ce que vous avez
décrit tout à l'heure, avec les restrictions qui s'imposent et
que vous avez mentionnées.
M. Marcil: Oui, le village en a 8, l'hôpital en a 5 ou 6,
la fabrique en a 3 ou 4 et il y en a peut-être 2 ou 3
d'éparpillées, ici et là, dans la municipalité.
M. Giasson: Mais au-delà du développement
domiciliaire qui se fait chaque année pour répondre à des
besoins locaux, est-ce qu'il y a également de la construction
domiciliaire dans la municipalité rurale de Saint-Malachie?
M. Marcil: Oui, dans la municipalité rurale, il y en a. Il
y a à peu près de 40 à 50 permis pour des maisons mobiles
ou des nouvelles maisons, des nouvelles constructions, qui sont émis
chaque année. Or, depuis le dépôt de la loi, on a
été obligé de tout bloquer de ce
côté-là.
M. Giasson: Alors, cela se développe autant du
côté de la municipalité rurale que dans le village?
M. Marcil: Oui, cela se développe plus dans la paroisse.
C'est dû à la rareté des terrains dans le village et puis
maintenant, cela étant bloqué, on ne peut pas penser à
étendre les services, tels les services d'aqueduc, d'égout et de
construction de rues.
M. Giasson: D'accord, merci, M. le Président.
Le Président (M. Lévesque,
Kamouraska-Témiscouata): D'accord, le député de
Huntingdon.
M. Dubois: Non, ce n'est pas grave...
M. Vaillancourt (Orford): Peut-être que vous allez poser
les questions que je voulais poser.
M. Dubois: Ah! je ne le sais pas. Au tout début, M.
Marcil, en ce qui a trait à la corporation du village d'Ormstown, vous
avez déjà un plan depuis un an et demi.
M. Marcil: Cela fait plusieurs années qu'on a notre
règlement de zonage.
M. Dubois: Cela fait plusieurs années.
M. Marcil: II a été révisé dans les
années 1971 -1972, peut-être.
M. Dubois: II touche tout le territoire du village, c'est
cela?
M. Marcil: Oui, parce qu'il y a eu annexion en 1969 de certains
lots de la paroisse et on a dû réviser le règlement de
zonage, pour donner du zonage aux nouveaux lots qui ont été
annexés et en même temps on a révisé les
différentes zones à l'intérieur de la
municipalité.
M. Dubois: Ce qui veut dire que présentement, il n'y a pas
beaucoup de travail à faire pour préparer le plan que vous devrez
présenter à la commission. Vous êtes presque
prêt.
M. Marcil: II est complet.
M. Dubois: Alors, vous êtes prêt à
présenter un plan à la commission afin de retirer de l'aire
retenue les secteurs dont vous avez besoin pour la construction pendant
quelques années. Je ne sais pas combien, ce sera votre choix de les
définir. Puis ce sera à la commission de l'accepter ou non.
M. Marcil: Oui, c'est essentiel pour la municipalité. Avec
les industries, l'hôpital et le ministère des Transports, on
fournit quand même au-delà de 1000 emplois aux gens qui habitent
le village, la paroisse et même la région. Et un bon nombre
veulent s'approcher, parfois, de leur lieu de travail. On a des demandes assez
fréquentes pour des terrains.
M. Dubois: Je pense bien qu'étant donné que vous
êtes presque prêt, ou prêt à présenter votre
plan, au début de janvier, la commission devrait commencer à
siéger ou à être formée, et je pense bien que vous
aurez une réponse assez rapide, quand même. Est-ce qu'il vous
reste quelques terrains de disponibles, encore, là, qui ne seraient pas
retenus dans l'aire agricole?
M. Marcil: II y en a à peu près une vingtaine.
M. Dubois: Présentement, là? M. Marcil: Oui,
présentement.
M. Dubois: Alors, vous êtes bon pour d'ici au mois de
février, à peu près?
M. Marcil: Oui, mais on ne peut pas en... M. Garon: D'ici
au mois de février. M. Marcil: II n'y a sûrement pas de
problème. M. Dubois: Je pense bien...
M. Garon: Vous êtes bon jusqu'à quand, sans
problème?
M. Marcil: Le fait que ce soit bloqué dans la paroisse,
cela peut changer beaucoup.
M. Garon: Oui, dans la paroisse, tout le monde ne se bâtit
pas là.
M. Marcil: Oui, il y en a une quarantaine au moins qui se
bâtissent, par année.
M. Garon: Dans la paroisse?
M. Marcil: Dans la paroisse oui. Depuis 4 ans, on a
au-delà de 200 maisons mobiles qui se sont installées.
M. Garon: Mais là, dans la paroisse, vous êtes dans
les terres agricoles.
M. Marcil: Tout est gelé dans la paroisse. A ce
moment-là, c'est que pour les quelques terrains qui ne sont pas
gelés à l'intérieur des limites du village, il va y avoir
des demandes, ce ne sera pas long. Surtout que les gens commencent
déjà à dire que les prix vont augmenter. Alors, ils se
dépêchent à essayer de les acheter. J'ai été
le premier à essayer, moi, la semaine passée, j'en ai
acheté deux. Je n'ai pas pris de chance.
M. Garon: Vous voyez que la loi de la protection des terres
agricoles stimule l'activité économique.
M. Giasson: A des endroits.
M. Dubois: Mr McDougall, you have a plan prepared that costs
$10,000? Right? Your plan costs $10,000.
M. McDougall: Right.
M. Dubois: It did not go through the council, it was not
accepted?
M. McDougall: We did not put it to the vote of the people.
M. Garon: Why did not you?
M. McDougall: They felt that the cost of putting a vote, suppose
it had not gone through, it was by the numbers and by the response that they
got at their public hearings. They figured that there were too many of these
small lot holders opposed to it. Those who opposed to it were mostley from one
area. It was not farmers. There were formers all aroud; they had no meeting and
they came up after and they said that it is the finest thing you ever come up
with. Push it through. (23 heures)
M. Dubois: Why did they oppose it?
M. McDougall: The farmers did not. It was the...
M. Dubois: I mean these small lot holders?
M. McDougall: Mostly.
M. Dubois: But what was the reason?
M. McDougall: I think if they had made a few changes in that,
would you agree with that Mr Secretary?
M. Marcil: Yes, it was mentioned at one point that those that
objected, it was mainly because they had residential zones on one road and the
people there have some small businesses and they felt that they would not be
allowed to practise their business any longer. This is why, so they just got
other people on another road to support them and they came in. They were close
to 200 to object to it, and in fact they made so much noise that night
that I could just not read them.
M. McDougall: I might add that the evening they came to protest,
I was outside the door at 10 o'clock. The room was full, you could not get
another person in I suppose it is a square roughly the size of this
there were out on the street, for 150 feet, down the street, 2 and 2,
and 2. There it was decided against coming up with a referendum. But it has
been talked about at council I have only been the mayor I am beginning my
second year. It has been mentioned several times.if we should bring this out,
make a few amendments. Get hold of our professionnal man and say here is what
they...
M. Garon: But the farmers were happy with your plan?
M. McDougall: Most of them, yes.
M. Garon: As a matter of fact, that law will help you to enforce
or to adopt a zoning plan for your municipality.
M. McDougall: Well, without changes, if we had said to these
people: We have made some amendments...
M. Garon: Yes.
M. McDougall: It could have been through, I believe.
M. Dubois: Presently nobody can oppose it. The plan, nobody can
oppose it, because you have got to present it to the commission. But is it
ready for presentation or have you got to rework it?
M. Marcil: We may need to revise a couple of zones.
M. McDougall: It is all prepared...
M. Dubois: And pinpoint the areas which are not good for
agriculture?
M. McDougall: Oh! yes, entirely. M. Dubois: It is done.
M. McDougall: Yes.
M. Garon: It is easier for the municipality.
M. McDougall: Light zoning, light industry, heavy industry, etc.,
residential and area for recreation, another area for mobile homes, etc.
M. Dubois: But, presently, you are completely frozen. There is
nothing you can do anywhere. You do not have one single lot? Not a single lot,
presently?
M. Garon: Ils ont dit qu'ils avaient 25 acres. M. McDougall:
Lots of land, but it is frozen.
M. Garon: But you said that 25 acres are not frozen.
M. Marcil: C'est dans le village, M. le ministre, ce n'est pas
dans la même municipalité.
M. Garon: C'est plus normal que les gens se bâtissent dans
le village.
M. Marcil: Par contre, si on prend le cas de la paroisse, sur le
James tunnel, qui est contigu aux limites du village, où il y a les
services d'aqueduc actuellement, il y a quand même peut-être un
potentiel de 40 à 50 terrains qui pourraient être bâtis et
c'est tout gelé et ce sont des terrains éparpillés ici et
là, entre les maisons existantes. Sur une distance d'environ 3000 pieds,
il y a 87 maisons. Cela veut dire qu'il reste quelques terrains ici et
là, dans tout cela. Et là, il n'y a rien qui puisse se vendre, on
ne peut pas faire une terre sur un terrain de 30 000 pieds carrés ici,
22 000 pieds là, ainsi de suite. Alors, tout cela est bloqué
quand même, tout est gelé.
M. Dubois: II n'y a pas d'égouts sanitaires, il y a
seulement l'aqueduc sur ce...
M. Marcil: Seulement l'aqueduc, oui.
M. Garon: Thank you for having come to explain what is happening
in Ormstown, and I hope that the law will not give you too much disagreement,
but will help you to have a good zoning for your municipality.
M. McDougall: Thank you for the privilege of allowing us to come
and explain our case.
M. Garon: Thank you.
Le Président (M. Boucher): Au nom des membres de la
commission, je remercie M. McDougall et M. Marcil, pour leur
mémoire.
M. Garon: Merci, M. Marcil.
Le Président (M. Boucher): Maintenant, j'appelle le Club
des administrateurs municipaux actifs, représenté par M. Paul
Biron. M. Biron.
Club des administrateurs municipaux actifs
M. Biron (Paul): M. le Président, le Club des
administrateurs municipaux actifs est un organisme reconnu par le
ministère des Affaires municipales.
Au niveau de l'agriculture, je vais vous expliquer brièvement que
c'est un organisme formé de plus de 80 conseils municipaux, soit maires,
conseillers et secrétaires-trésoriers qui ont des réunions
mensuelles d'information et de renseignements au niveau municipal.
J'aimerais remettre au ministre 75 copies conformes des
résolutions que vous avez en main, qui ont été
adoptées par les 75 municipalités en question la semaine
dernière. Je représente ces municipalités pour vous
expliquer la résolution.
M. Garon: Vous auriez pu nous donner une liste.
M. Biron (Paul): Oui, je pense que cela aurait pu être
fait. Vous m'excuserez si cela fait un document de plus, M. le ministre.
Vu le projet de loi 90 sur la protection du territoire;
Attendu que cette loi vise en premier lieu les agriculteurs;
Attendu cependant que le corporations municipales sont fortement
impliquées;
Attendu que la corporation municipale ne se prononce pas sur le
mérite de la loi, mais désire cependant des modifications en ce
qui la concerne;
Attendu que l'article 12 du projet de loi qui définit les
critères qui doivent guider la commission dans ses décisions est
muet sur l'opinion de l'administration municipale;
Attendu que l'article 41 retire aux municipalités le pouvoir de
déterminer ce que sont les fins municipales, étant donné
que le 7e paragraphe de l'article 80 dicte que c'est le gouvernement qui
définit de telles fins;
Attendu que l'article 47 du projet de loi prévoit le délai
de négociation entre la municipalité et la commission, mais ne
prévoit pas quand ce délai commencera, de sorte que la
période de gel qui existe actuellement risque de se prolonger de
façon préjudiciable;
Attendu que l'article 48 prévoit que si, à la fin du
délai, aucune entente n'est intervenue, la commission décide en
dernier ressort alors qu'il serait plus juste qu'un arbitre rende plutôt
la décision, de même que dans le cas de l'article 65;
Attendu que l'article 62 est muet sur l'opinion de l'administration
municipale;
Attendu que l'article 98 du projet de loi rend inopérante toute
disposition inconciliable des règlements municipaux, de sorte que la
municipalité ne peut plus contrôler la localisation des
productions sans sol;
Attendu que l'article 98 crée de sérieux problèmes
durant la période transitoire, à savoir jusqu'au moment où
les négociations avec la commission auront eu lieu, car toute personne
peut construire pour fins agricoles dans l'aire retenue pour fins de
contrôle malgré le règlement de zonage local et
malgré qu'il soit possible qu'une partie de cette aire ne soit pas dans
la zone agricole définitive;
Attendu que l'article 101 du projet de loi autorise les
détenteurs de droits acquis à faire toute utilisation autre que
l'agriculture, sans que ces détenteurs ne soient soumis aux
règlements de zonage de la municipalité;
Attendu que l'article 105 du projet de loi ne concerne que les lots qui
deviennent adjacents à des chemins desservis par les services d'aqueduc
et d'égouts sanitaires, sans tenir compte des lots déjà
desservis pas lesdits services;
Attendu que l'article 105 exige que les services d'aqueduc et
d'égouts sanitaires soient tous les deux existants, alors qu'il existe
des chemins desservis par l'aqueduc seulement;
Attendu que l'article 111 du projet de loi exclut tous les
règlements de la loi de la qualité de l'environnement sauf
indication contraire desdits règlements; or aucun de ces
règlements ne spécifie le contraire et, en conséquence,
toute personne située dans l'aire retenue pour fins de contrôle
peut construire à des fins agricoles sans tenir compte des
règlements de l'environnement, de même que toute personne
détentrice de droits acquis par l'utilisation peut faire ce qui
était interdit par les règlements de l'environnement;
Attendu que les maires et conseillers de la municipalité sont les
élus de la population, y inclus les agriculteurs;
Attendu finalement que les agriculteurs font également partie des
conseils municipaux;
En conséquence, il est proposé et résolu à
l'unanimité de demander d'apporter au projet de loi les modifications
suivantes: 1.D'obliger explicitement la future commission à prendre en
considération l'opinion exprimée par la corporation municipale
dans ses décisions. Les articles 12 et 62 ne parlent pas de cela. 2.De
laisser aux municipalités le pouvoir de déterminer ce que sont
les fins municipales.
Actuellement, dans votre projet de loi, le gouvernement détermine
les fins municipales, alors que le législateur a déjà
décidé que les municipalités décident ce que sont
les fins municipales, de sorte que l'exécutif défait ce que le
législateur a fait.
Il faut aussi considérer que les administrateurs municipaux ne
sont pas des spéculateurs et n'iront pas construire des maisons, parce
que ce n'est pas pour des fins municipales, sur des sols arables. La seule
chose que la municipalité peut faire, c'est de faire passer un chemin
à un endroit parce que c'est pour le bien de la municipalité ou
de dire qu'un tel terrain est propice pour un centre de loisirs, parce que
c'est
le bien de la municipalité. Je pense qu'il y aurait lieu de
prêter bonne foi aux administrateurs municipaux.
Troisièmement, laisser en vigueur les règlements sur la
qualité de l'environnement et les règlements municipaux de zonage
jusqu'à ce que soit déterminée la zone agricole et
également après que la zone agricole sera
déterminée. Ce qui arrive, c'est que dans l'aire retenue pour
fins de contrôle, aucun règlement de l'environnement ne s'applique
actuellement, de sorte que vous pouvez avoir un terrain de camping, par
exemple, qui est actuellement dans une aire retenue; demain matin, il peut
devenir un dépotoir sans que personne puisse l'empêcher. Cela
crée des problèmes à la municipalité.
Un autre exemple que je puis vous donner, ce sont les distances requises
pour les porcheries. Si le règlement municipal n'en parle pas
actuellement, les règlements de l'environnement ne s'appliquent pas dans
l'aire retenue pour fins de contrôle, vous pouvez avoir des situations
embêtantes pour les municipalités.
Quatrièmement, prévoir un mécanisme d'arbitrage en
cas d'échec...
M. Garon: Pourquoi les règlements municipaux ne
s'appliqueraient-ils pas?
M. Giasson: L'article 111.
M. Garon: L'article 111, ce n'est pas cela.
M. Biron (Paul): Les règlements ne s'appliquent pas parce
que l'article 111 dit que les règlements de l'environnement ne
s'appliquent que si c'est spécifié dans iesdits
règlements. Or, vous n'avez aucun règlement de l'environnement,
actuellement, qui l'a spécifié; évidemment, ils sont tous
antérieurs à ce projet de loi, de sorte qu'aujourd'hui, M. le
ministre, aucun règlement de l'environnement ne s'applique dans l'aire
retenue pour fins de contrôle.
Quatrièmement, prévoir un mécanisme d'arbitrage en
cas d'échec des négociations entre les municipalités et la
commission, de même que dans le cas de l'article 65. Pour que les
négociations qui auront lieu entre la commission et la
municipalité se jouent à armes égales, on demande un
mécanisme d'arbitrage. On vous laisse le soin de déterminer quel
mécanisme pourrait arbitrer un litige. La municipalité se sent
mal à l'aise de négocier avec la personne qui prend la
décision finale; s'il n'y a pas d'entente, les règles du jeu sont
difficiles pour les municipalités.
Cinquièmement, prévoir qu'à l'intérieur de
la zone agricole les municipalités pourront faire du zonage de
productions agricoles. Antérieurement au 9 novembre, les
municipalités en faisant du zonage agricole pouvaient déterminer,
dans leur territoire, les endroits où il y aurait de l'agriculture.
Elles pouvaient déterminer, par exemple, à quel endroit les
porcheries pourraient s'établir en déterminant les zones
agricoles. Désormais, vous pouvez avoir des porcheries tout autour du
coeur du village, parce que la zone blanche est limitée. Je n'ai
absolument rien contre les porcheries et les municipalités non plus,
mais il faut quand même prévoir les problèmes qui seront
causés à l'ensemble de la municipalité. En faisant du
zonage de productions agricoles et vous verrez plus loin appouvé
par le ministre de l'Agriculture cela permettrait de régler
beaucoup de problèmes éventuels.
M. Garon: Qui vous a dit que vous n'aviez pas le droit de faire
cela?
M. Biron (Paul): On n'a pas le droit de faire cela actuellement,
mais ce n'est pas prévu dans la loi qu'on aura le droit de le faire,
parce que votre loi, M. le ministre, dit que les dispositions incompatibles du
règlement de zonage local ne s'appliqueront pas. Incompatibles avec
cette loi, mais cette loi ne fait pas de zonage de productions agricoles.
M. Garon: Non, mais cela n'empêche pas la
municipalité de faire des règlements.
M. Biron (Paul): Si les règlements sont incompatibles avec
la loi.
M. Garon: Avec ce qu'il y a dans la loi?
M. Biron (Paul): Oui, les règlements ne s'appliquent pas;
la loi ne fait pas de zonage de productions agricoles. Elle dit: Dans la zone
agricole, vous pouvez faire tout ce qui est agricole, y compris la laisser
friche. D'accord?
M. Garon: Alors, ce que vous allez faire, s'il n'y a rien dans
notre loi, ne sera pas incompatible.
M. Biron (Paul): Oui, si la municipalité dit: Les
porcheries seront limitées au sud-est du territoire de la
municipalité, le type qui reste au nord-est et qui est dans la zone
agricole se sert de la loi pour dire: Moi, j'ai le droit, dans la zone
agricole, de faire ce qui est prévu à la définition 1.1 de
l'agriculture, c'est-à-dire la culture du sol, l'élevage des
animaux. J'ai le droit de le faire. La municipalité ne pourra pas lui
interdire de faire cela, parce que c'est incompatible avec 1.1.
M. Garon: Mais, elle va pouvoir le réglementer.
M. Biron (Paul): Non, elle ne pourra pas faire de zonage de
productions parce que c'est contraire à l'article 1.1.
M. Garon: Oui, mais la loi n'empêche pas de faire cela. (23
h 15)
M. Giasson: Définition de l'agriculture.
M. Biron (Paul): Si, M. le ministre, la loi permet à la
municipalité de faire du zonage de production agricole, suivant votre
interprétation,
je pense que vous n'aurez pas d'objection à ce que ce soit
clarifié clairement, à ce moment-là.
M. Garon: C'est clair.
M. Biron (Paul): Sixièmement, de soumettre les
détenteurs de droits acquis aux règlements municipaux de zonage.
C'est qu'en vertu de l'article 101, vous dites qu'une personne qui a un droit
acquis en vertu de l'utilisation je ne parle pas du permis d'utilisation
je pense, par exemple, à un terrain de camping dans la zone
verte, cette personne a le droit de faire n'importe quoi qui n'est pas de
l'agriculture; elle va pouvoir prendre son terrain de camping et en faire un
dépotoir ou une industrie parce que l'environnement ne s'applique pas,
en vertu de l'article 111 où on parle des normes de l'environnement;
deuxièmement, votre article 101 dit ceci, M. le ministre: Une personne
peut, sans l'autorisation de la commission, utiliser à une fin autre que
l'agriculture un lot situé dans une région agricole, dans la
mesure où il était déjà utilisé autrement.
Vous ne dites pas que cette personne ne peut pas l'utiliser de façon
différente de ce qu'elle faisait le 9 novembre; vous dites: Elle peut
l'utiliser de façon autre que l'agriculture. Je suis heureux de voir
que, dans votre idée, vous entendez respecter les règlements
locaux de zonage, vous entendez que la personne qui a un droit acquis de
terrain de camping ne peut pas faire autre chose qu'un terrain de camping.
M. Garon: Ce n'est pas cela qu'on dit.
M. Biron (Paul): Ce n'est pas cela que vous voulez dire.
M. Giasson: Bien, 101...
M. Biron (Paul): En lisant l'article 101, je dis: La personne qui
a un droit acquis au 9 novembre...
M. Garon: Pour une fin autre que l'agriculture...
M. Biron (Paul): Oui.
M. Garon:... n'a pas une fin autre uniquement d'un terrain de
camping, a une fin autre que l'agriculture.
M. Biron (Paul): Elle va pouvoir transformer son terrain de
camping en dépotoir.
M. Garon: Théoriquement, elle le pourrait, mais c'est
toujours sujet aux règlements de la municipalité.
M. Giasson: Oui, mais s'il est permis de...
M. Biron (Paul): Mais non, parce que vous avez toujours le fameux
article qui dit que les règlements municipaux...
M. Garon: Non, avez-vous vu un avocat?
M. Biron (Paul): Je suis avocat, M. le ministre. On est
collègues en ce sens. C'est pour cela que je viens ici, M. le ministre,
pour vous dire que j'ai une interprétation différente de la
vôtre; jusqu'à ce que la loi soit adoptée, vous avez un
avantage sur moi, j'en conviens, et c'est pour cela que je suis ici, mais
est-ce que... Je pense qu'il serait simple de la clarifier avant qu'elle soit
adoptée.
M. Garon: Quand on dit que quelqu'un a le droit à une
utilisation autre que l'agriculture, cela n'empêche pas la
réglementation municipale, sur ces fins autres que l'agriculture.
M. Biron (Paul): Oui, mais si la réglementation municipale
contredit l'article 101, qu'arrive-t-il?
M. Garon: Je vais aller plus loin que cela: Si la commission dit
à quelqu'un: "Vous avez le droit de vous construire en fonction de
nous"; cela ne lui donne pas le droit. Pour nous, c'est clair, mais il n'a pas
le droit tant qu'il n'a pas eu son permis de la municipalité. On
n'abroge pas les pouvoirs municipaux avec cela.
M. Biron (Paul): Que faites-vous de l'article qui dit que les
règlements municipaux incompatibles n'ont pas d'application?
M. Garon: Est-ce que c'est incompatible de réglementer
l'utilisation?
M. Biron (Paul): M. le ministre, pourquoi refuseriez-vous de
l'écrire clairement dans la loi?
M. Garon: C'est clair pour nous.
M. Biron (Paul): C'est clair pour vous, mais ce n'est pas clair
pour tout le monde, M. le ministre.
M. Garon: Mais là, il faut savoir lire.
M. Biron (Paul): Oui, je suis d'accord qu'il faut savoir lire,
mais...
M. Garon: Quand on dit, dans une municipalité, qu'on a une
utilisation agricole ou non agricole, on n'a pas été plus loin
que cela parce que ce n'est pas notre rôle d'aller plus loin que cela.
Pour le reste, c'est nous.
M. Biron (Paul): Je dois tenir pour acquis, suivant ce que vous
me dites, que l'article 101, par exemple, de votre projet de loi, est sous
réserve des règlements municipaux de zonage.
M. Giasson: Vous faites référence à
l'article 32?
M. Biron (Paul): Je parle de l'article 101.
M. Giasson: L'article 101 par rapport à l'article 32?
M. Garon: On dit qu'on respecte les droits qui existaient
déjà, les droits acquis, parce que le lot était
utilisé, de fait...
M. Biron (Paul): Oui.
M. Garon: De fait, parce qu'il peut ne pas y avoir de
règlements de la municipalité, ou faisant déjà
l'objet d'un permis d'utilisation à des fins autres que l'agriculture;
un permis, normalement, c'est vous qui l'avez donné.
M. Biron: Je dis au début, ne parlons pas de permis,
parlons de l'utilisation effective.
M. Garon: On a mis l'un et l'autre dans notre article 101,
utilisation de fait sans réglementation municipale ou faisant l'objet
d'un permis d'utilisation à une fin autre que l'agriculture. Si vous
avez un permis d'une municipalité, vous ne pouvez pas avoir de permis
ailleurs, normalement. On respecte les droits acquis. Nous disons tout
simplement qu'il a le droit à de l'utilisation non agricole et plus loin
on dit: S'il arrête l'utilisation non agricole, pendant un an, il perd
son droit d'utilisation non agricole. Il peut transformer son utilisation non
agricole. Comme vous le dites, cela peut être un terrain de camping qui
devient dépotoir. On ne dit pas de devenir un dépotoir, c'est
à vous autres à réglementer cela.
M. Biron (Paul): Vous dites qu'il peut faire toute chose autre
que l'agriculture, d'après ses droits acquis.
M. Garon: Pour autant que cette loi est concernée. Cette
loi ne fait pas disparaître les règlements municipaux.
M. Biron (Paul): Non, mais M. le ministre, vous dites que les
règlements municipaux qui vont à l'encontre de l'article 101 ne
s'appliquent pas.
M. Garon: Cela ne va pas à l'encontre de l'article
101.
M. Biron (Paul): Bien oui, l'article 101 dit que vous pouvez
prendre votre terrain de camping et en faire un dépotoir. Si vous passez
un règlement pour dire: Non, vous ne le pouvez pas...
M. Garon: Ce n'est pas cela.
M. Biron (Paul): Je respecte votre opinion, M. le ministre, mais
je pense que l'opinion contraire n'est pas nécessairement sans
fondement. C'est juste créer des problèmes aux
municipalités. Je suis heureux de constater votre prise de position.
Tout ce que je vous demande, c'est de la clarifier, cela ne coûte pas
cher, avant que le projet de loi ne soit adopté.
M. Garon: C'est clair, c'est marqué là.
M. Biron (Paul): Vous avez 75 municipalités qui ne le
comprennent pas comme vous et il y en a peut-être d'autres aussi. La
clarifier, cela ferait le bonheur de tout le monde, surtout si c'est votre
intention.
Septièmement, inclure à l'article 105 les lots
déjà adjacents à des chemins desservis par l'aqueduc et
les égouts sanitaires. L'article 105 parle de lots qui deviendront
adjacents à un chemin public, on ne parle pas du tout des lots
déjà adjacents à un chemin public.
Huitièmement, inclure à l'article 105 les lots adjacents
à des chemins desservis par un seul des services. Vous avez des
municipalités qui n'ont qu'un service d'aqueduc et qui n'ont pas le
service d'égouts. Pour ces municipalités, pour que le
réseau devienne rentable, il y aurait lieu que le droit linéaire
de construire sur un demi-hectare s'applique lorsqu'il n'y a qu'un des
services, pour que le réseau puisse se payer.
M. Garon: Vous savez, ce projet de loi laisse beaucoup plus de
pouvoirs aux municipalités qu'on ne le pense.
M. Biron (Paul): Je suis heureux de vous l'entendre dire.
M. Garon: Bien oui.
M. Biron (Paul): Neuvièmement, laisser en vigueur les
règlements sur la qualité de l'environnement dans la zone
agricole. J'ai parlé tout à l'heure de l'article 111 qui dit que
les règlements sur l'environnement ne s'appliquent pas, à moins
qu'on ne le dise. Dans l'immédiat, cela peut créer des
problèmes jusqu'à ce que de nouveaux règlements de
l'environnement soient promulgués. Il serait bon, je pense, que les
règlements existants de l'environnement, que ce soit concernant les
dépotoirs ou les porcheries, etc., s'appliquent et continuent de
s'appliquer dans la zone verte.
Dixièmement, M. le Président, faire en sorte que ce soit
la corporation municipale et non la commission qui rende les décisions
et donne les approbations requises par le projet de loi. Lorsque la corporation
municipale a un règlement de zonage approuvé par le
ministère de l'Agriculture et qui ne peut être modifié sans
l'approbation du ministère de l'Agriculture.
Evidemment, je ne suis pas le premier à parler de
décentralisation. Il y a eu plusieurs suggestions de faites, c'en est
une je ne sais pas si elle vous a été faite
à savoir laisser aux administrations locales, rurales, donc où il
y a des agriculteurs, le soin d'appliquer la loi, mais sous votre surveillance,
en ce sens que le règlement approuvé ne peut être
modifié sans votre autorisation. Je vous remercie.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. Biron. M. le
ministre, est-ce que vous avez d'autres questions?
M. Garon: Vous avez les municipalités, laissez-les
étudier le projet de loi comme il faut, elles
vont se rendre compte que ce projet de loi tait des choses; il y a
beaucoup de choses que certaines municipalités pensent interdites et qui
ne le sont pas. Il ne fait pas plus que ce qu'il dit, le projet de loi. Quand
vous dites que l'article sur les dispositions est incompatible, il y a beaucoup
de choses qui ne sont pas incompatibles et qui vont s'appliquer dans les
municipalités. Quant à l'article 111, il dit tout simplement:
Pour ce qui est des règlements de l'environnement faits en vertu de la
Loi sur la qualité de l'environnement, ils vont s'appliquer dans la zone
agricole... Cela veut dire qu'ils vont s'appliquer expressément dans la
zone agricole. Pourquoi cet article est-il là? Cela vient modifier la
Loi sur la qualité de l'environnement. Les règlements
adoptés en vertu de la Loi sur la qualité de l'environnement qui
vont s'appliquer à la zone agricole, ce n'est pas spécifique
à la zone agricole. Vous avez remarqué, à l'article 100,
qu'il y a une certaine protection accordée concernant la
réglementation en vertu de la Loi sur la qualité de
l'environnement et cela concerne uniquement les bruits, les odeurs et les
distances. Il n'y a aucune protection apportée en vertu de l'eau, par
exemple on dit alors que cela veut dire que pour les règlements qui
seront apportés, concernant la protection animale, par exemple, les
articles qui vont s'appliquer vont devoir spécifier quand ils
s'appliquent à la zone agricole.
M. Biron: En attendant, il peut se produire des situations qui
vont être un peu absurdes. D'ici à ce que ces règlements
soient approuvés, il peut se produire des situations difficiles avec les
municipalités.
Sur votre premier point, vous dites que les municipalités ont
beaucoup de pouvoirs. Ce que je demande, bien humblement, c'est de le dire plus
clairement. C'est tout.
M. Gagnon: En attendant que ces règlements soient
adoptés, il n'y a pas de transaction qui puisse se faire, il n'y a pas
de dommage qui puisse se faire. Si j'ai bien compris le sens de l'intervenant,
c'est qu'en attendant la loi, on pourrait ouvrir des bâtiments ou une
porcherie n'importe où.
M. Garon: II faut inspecter ces bâtiments.
M. Gagnon: S'il n'y a pas de règlement. Ce que je veux
dire, compte tenu que le territoire est gelé...
M. Garon: ...
M. Gagnon: Si la loi n'est pas adoptée et que la
commission n'est pas formée, en attendant, il n'y a rien qui se
fait.
M. Garon: Non, non. Ecoutez. Avant cette loi, dans un endroit,
disons qu'un type qui avait un terrain de camping pouvait faire un
dépotoir. Avec la loi telle qu'elle est, un terrain de camping peut
faire un dépotoir. Après que la commission sera
créée un terrain de camping pourra faire un dépotoir. Il
n'y a rien de changé. Tout ce qu'on dit là-dedans, c'est une fin
non agricole. Toutes les fins agricoles sont permises sur un terrain, mais en
autant qu'on est concerné. Il y a une chose, c'est qu'on ne
réglemente pas la municipalité; on dit tout simplement que dans
les endroits où il y a des fins agricoles et des fins non agricoles, il
faut inventorier les fins non agricoles.
M. Biron: M. le ministre, que je sache, le ministère de
l'Environnement a émis des règlements concernant les
dépotoirs.
M. Garon: Oui.
M. Biron: Bon! Alors, en vertu de cette loi, ces
règlements ne s'appliquent pas dans la zone retenue pour fins de
contrôle. Et sans qu'il y ait transaction parce que le
député a soulevé la question de transaction je n'ai
pas à faire de transaction si je suis déjà
propriétaire du terrain. Je veux en faire un dépotoir. Avant le 9
novembre, je n'en avais pas le droit à cause des règlements de
l'environnement. Depuis le 9 novembre, j'ai ce droit.
M. Garon: Oui, mais...
M. Biron: En théorie.
M. Garon: Théoriquement.
M. Biron: Bien oui, théoriquement, cela peut se
produire.
M. Garon: Quand la loi sera adoptée, normalement, le
ministère de l'Environnement va voir à amender des
règlements qu'il veut voir appliquer en zone agricole.
M. Biron: Pendant ces quatre mois, dans les 613
municipalités, il peut se produire deux ou trois cas... Ecoutez, j'en
représente 75 ici qui disent: On peut avoir le problème.
Une Voix: II faudra que le type demande un permis à la
municipalité. La municipalité a le droit de refuser.
M. Biron: Pas nécessairement, si la
municipalité...
M. Giasson: Quand c'est un droit acquis, non.
M. Gagnon: II n'y a pas de droit acquis, il n'y a pas de
dépotoir.
M. Biron: Si la municipalité n'a pas de règlement,
parce qu'il y a des municipalités qui n'ont pas de règlement,
mais les règlements de l'environnement protégeaient la
municipalité, ce qu'ils ne font plus.
M. Giasson: Lisez l'article 101, cela ne peut pas être plus
précis.
M. Garon: Sur la décentralisation, vous utilisez votre
pouvoir de faire des règlements.
M. Biron: On vous offre d'approuver des règlements et on
ne les changera pas sans votre approbation. Ce sont des organismes
déjà existants. Certaines suggestions vous sont faites
là-dessus.
M. Garon: Je pense que ce qui va arriver, c'est que
l'environnement va modifier les règlements qui doivent être
modifiés et appliqués en zone agricole.
M. Biron: Si cela se fait vite, il n'y a pas de problème.
C'est ce que je demande, tout simplement. (23 h 30)
M. Garon: Les dépotoirs qui se forment au mois de
décembre, entre Noël et le Jour de l'An, vous savez...
M. Biron (Paul): Je vous parle de dépotoirs, mais il y a
bien d'autres règlements qui...
M. Garon: D'accord. Je vous remercie infiniment, on va regarder
les considérations que vous avez faites, lors de l'étude article
par article.
M. Biron (Paul): Merci.
Le Président (M. Boucher): Merci. M. le
député de Montmagny-L'Islet.
M. Giasson: Merci, M. le Président. M. Biron, dans les
recommandations que vous faites, dans la première, vous semblez demander
beaucoup de pouvoirs pour les municipalités, lorsque vous dites qu'une
modification serait pour obliger explicitement la future commission à
prendre en considération l'opinion exprimée par la corporation
municipale. Si, par hasard vous allez me dire: Les municipalités
ont le sens des responsabilités; je suis d'accord vous aviez une
ou deux des municipalités... Dans l'hypothèse où le
ministre accepterait la recommandation d'obliger explicitement la future
commission à prendre en considération une demande formulée
par une municipalité et que cette demande irait justement à
l'encontre de l'objectif poursuivi par la loi de protéger du bon sol
agricole, qui n'est pas encore pourvu des services municipaux, vous n'avez pas
l'impression que...
M. Biron (Paul): Non, M. le...
M. Giasson: Vous allez me dire: Faites confiance aux
municipalités; je suis d'accord...
M. Biron (Paul): Non, ce n'est pas cela que je vais vous dire; je
ne demande pas, dans la première recommandation, de forcer la commission
à accepter l'opinion de la municipalité; je demande tout
simplement que l'opinion de la municipalité entre à
l'intérieur de l'article 12 qui définit les critères sur
lesquels la commission doit se baser pour rendre une décision. A
l'article 12, on parle des conditions biophysiques du sol et du milieu, des
possibilités d'utilisation du lot, etc.; je veux seulement qu'on ajoute
un critère, qui ne sera pas nécessairement de force
exécutoire; c'est un critère de plus dont la commission devrait
tenir compte; je ne dis pas "devra", je dis "devrait" tenir compte. La
commission ne serait pas liée par l'opinion de la municipalité,
mais elle devrait en tenir compte de la même façon que des
conditions du sol et des autres conditions prévues à l'article
12.
M. Giasson: Oui, mais vous dites, dans votre texte, obliger
explicitement la future commission à prendre en
considération...
M. Biron (Paul): Oui, à prendre en
considération.
M. Giasson: Elle peut considérer, décider que ce
n'est pas cela et...
M. Biron (Paul): C'est cela; mais, si c'est inscrit dans le texte
de la loi, la commission va peut-être le prendre en considération
plus sérieusement que si elle n'est pas tenue de le faire. Si elle n'est
pas tenue de le prendre considération, qu'est-ce que cela donne de
passer par les municipalités pour faire les demandes?
M. Giasson: D'accord, je saisis mieux.
Vous dites également qu'il faudrait laisser aux
municipalités le pouvoir de déterminer les fins municipales.
Là encore, quel est l'objet de vos craintes sur les dispositions de la
loi, pour autant que les fins municipales sont concernées?
M. Biron (Paul): C'est que les fins municipales seront, par
exemple, un centre de loisirs, un chemin public, cela peut être... Disons
que ce sont les deux exemples qui me viennent en tête.
Pourquoi ne pas prêter bonne foi aux administrateurs municipaux
qui ne sont pas là pour mettre de l'argent dans leur poche? S'ils
décident que le meilleur endroit pour faire le centre des loisirs de la
municipalité est sur tel terrain, géogra-phiquement et pour
d'autres raisons, pourquoi dire: Non, ce n'est plus vrai, ce n'est plus vous
qui décidez. Cela va être le gouvernement qui va décider,
alors que le législateur a déjà accordé ce
pouvoir-là aux municipalités, celui de décider des fins
municipales? Et les administrateurs municipaux ne sont pas des
imbéciles. Ils administrent pour le bien de la municipalité. Je
pense qu'il faut leur laisser décider au moins ce qu'est une fin
municipale. C'est dans ce sens-là que l'article 2 existe.
M. Giasson: Vous aimeriez également découvrir dans
la loi un mécanisme d'arbitrage, afin que quelqu'un tranche les
différents...
M. Biron (Paul): Entre la municipalité et la
commission.
M. Giasson: Mais cet arbitre-là ou ce mécanisme,
dans votre esprit, c'est quoi?
M. Biron (Paul): Ecoutez, moi, j'agis au nom des
municipalités et les municipalités ne veulent pas s'avancer
à faire des suggestions sur l'arbitre. Evidemment, un arbitre, en
principe, c'est un neutre.
M. Giasson: Ce serait quoi, la Commission municipale?
M. Biron (Paul): Ce pourrait être la Commission municipale.
Ce pourrait l'être ou ce pourra être un autre organisme
gouvernemental déjà existant, mais qui serait neutre, en ce sens
qu'il ne serait pas nommé, ne serait pas partie ou ne serait pas
impliqué...
M. Giasson: ... partie à l'application de la Loi de la
protection des terres.
M. Biron (Paul): C'est cela.
M. Giasson: Mais vous êtes d'avis que, présentement,
en vertu du libellé de l'article 111, les lois de l'environnement ne
s'appliqueraient plus, à moins de dispositions particulières,
à l'intérieur de l'aire retenue pour fins de contrôle.
M. Biron (Paul): Oui, et le ministre est aussi d'accord avec moi
là-dessus.
M. Giasson: Si je comprends bien l'article 111, c'est la solution
à laquelle j'en viens aussi.
M. Biron (Paul): Oui, et le ministre était d'accord avec
cette interprétation-là. La seule chose où on ne s'est pas
entendu, c'est sur ce qui est compatible ou non avec la loi. Je le vois ainsi:
Lorsqu'une chose est permise par cette loi et qu'un règlement municipal
l'interdit, je me dis que le règlement municipal est incompatible avec
la loi. C'est ainsi que les tribunaux ont toujours interprété des
clauses semblables. Tout ce que je demande, c'est que ce soit plus clair pour
éviter des problèmes, surtout que c'est ainsi que vous le voyez.
C'est tout ce que je demande.
M. Garon: Les règlements adoptés en vertu de la Loi
de la qualité de l'environnement?
M. Biron (Paul): Non, on parle des règlements municipaux
incompatibles avec la loi 90.
M. Garon: Les règlements municipaux qui ne sont pas
incompatibles seront appliqués.
M. Biron (Paul): Oui, mais, M. le ministre, quand le projet de
loi 90 permet de faire quelque chose et que le règlement municipal
l'interdit, n'est-ce pas incompatible?
M. Garon: Ah non! mais non! c'est incompatible.
M. Biron (Paul): Bon! La loi 90 va me permettre de faire un
dépotoir. D'accord? La loi 90 va me permettre de faire un
dépotoir, l'environnement ne s'applique pas, j'ai un terrain de camping
et j'en fais un dépotoir. J'en ai le droit en vertu de 101 et de
111.
M. Garon: C'est-à-dire qu'il est possible, à ce
moment-là, que les règlements adoptés en vertu de la Loi
de la qualité de l'environnement je n'en suis pas certain, il
faudrait que je la regarde plus ...
M. Biron (Paul): M. le ministre, en vertu de 101 et 111, j'ai un
terrain de camping dans la zone verte et j'en fais un dépotoir. J'en ai
le droit.
M. Giasson: M. Biron...
M. Biron (Paul): Le règlement municipal qui
m'empêche de faire cela, n'est-il pas incompatible?
M. Garon: Non.
M. Biron (Paul): II n'est pas incompatible. Il m'empêche de
faire ce que la loi me permet et il n'est pas incompatible.
M. Giasson: M. Biron, si, avant le 9 novembre, dans votre
municipalité, vous aviez un permis pour gérer un terrain de
camping, vous êtes d'avis que l'article 101 vous permet de changer la
vocation de ce terrain de camping?
M. Biron: Oui, parce que l'article 101 me permet de faire toute
chose qui n'est pas de l'agriculture. Ce n'est pas...
M. Giasson: Pour autant que...
M. Biron: ... écrit en accord avec le règlement de
zonage; c'est écrit que le règlement de zonage local ne
s'applique pas, si c'est incompatible. Si l'article 101 me permet de faire
quelque chose et que le règlement local me l'interdit, je vous ferai
remarquer respectueusement que c'est incompatible. Pourquoi ne pas ajouter ces
trois mots: "sous réserve du règlement local"? Ce serait si
simple.
M. Giasson: Je partage votre avis dans le cas d'un terrain de
camping, puisque c'est l'exemple que vous avez pris, dans une
municipalité qui n'émet pas de permis et il y en a encore
beaucoup au Québec.
M. Biron: Oui.
M. Giasson: Vous avez aménagé un terrain de camping
sans obtenir de permis municipal, parce qu'il n'y a pas d'obligation; l'article
101 vous donne des droits acquis pour une utilisation, une fin autre que
l'agriculture. Il vous permettrait de modifier l'utilisation de ce terrain de
camping, pour lequel vous n'avez pas de permis parce que la municipalité
n'en émet pas, à d'autres fins.
M. Biron: Que j'aie un permis municipal ou pas.
M. Garon: Je pense, monsieur l'avocat...
M. Giasson: Je n'ai pas fait d'études de droit.
M. Garon:... que, quand on les a rédigés, on a pris
l'avis des Affaires municipales et on les a consultés.
M. Biron: J'ai déjà, M. le ministre,
été en cour avec des avis du ministère des Affaires
municipales et j'ai perdu. Je ne critique pas le contentieux du
ministère des Affaires municipales, mais je vous dis que c'est une
question d'opinion et que c'est facile de régler ce problème.
M. Garon: A mon avis, c'est clair, cette loi n'interdit pas la
réglementation municipale, simplement la réglementation
municipale incompatible.
M. Biron: Bien oui, mais...
M. Garon: Ecoutez-moi, laissez-moi finir un peu. Quand on dit,
à l'article 101, qu'il y a des droits acquis à des fins autres
que l'agriculture, ce n'est pas n'importe quelle fin, sans aucune
réglementation municipale, ce sont des fins autres que l'agriculture
dans le cadre de la réglementation municipale.
M. Giasson: Ce n'est pas dit de cette façon.
M. Garon: Non, mais...
M. Biron: Vous avez même dit...
M. Garon: Je vais aller plus loin que cela. Quand vous dites, par
exemple, que dans la zone agricole, une municipalité pourrait dire que
des porcheries devraient être dans telle partie de la zone non agricole
et que ce serait valable.
M. Biron (Paul): En parlant de porcheries, le règlement
local, s'il parlait de distances, je suis d'accord avec vous pour les distances
par rapport aux voisins. Cela s'appliquerait, ce n'est pas incompatible. Mais
s'il disait, par exemple, que dans la partie nord-est ou nord-ouest, il n'y
aura pas de porcherie, ce serait incompatible avec votre projet de loi qui dit:
Dans la zone verte, vous pouvez avoir des porcheries. C'est cela que vous
dites, cela fait partie de l'agriculture.
M. Giasson: D'après la définition du moins. Oui, je
peux construire...
M. Garon: Cela, à notre avis...
M. Biron (Paul): D'autant plus, là-dessus, M. le ministre,
si vous me permettez d'ajouter quelque chose, c'est qu'actuellement les
municipalités n'ont aucun pouvoir de faire du zonage de pro- ductions
agricoles. A quelle place vont-elles le prendre le pouvoir de le faire? Vous me
dites qu'elles l'ont; ce n'est pas écrit qu'elles l'ont. Dans le Code
municipal, elles ne l'ont pas ce pouvoir. Comment se fait-il que du jour au
lendemain elles se trouveraient à avoir un pouvoir et qu'il n'y a aucune
loi qui leur donne ce pouvoir? Vous savez que les municipalités ont des
pouvoirs délégués. Je ne peux pas concevoir...
M. Garon: Comment se fait-il que vous dites que vous le faites
actuellement?
M. Biron (Paul): Pardon?
M. Garon: Vous avez un règlement et vous dites que les
porcheries sont dans le nord-est du village, de la municipalité.
M. Biron (Paul): Vous me dites que les municipalités
pourraient faire un règlement pour dire qu'il n'y aurait pas de
porcheries dans le nord-est de la municipalité.
M. Garon: Est-ce qu'elles en auraient le droit?
M. Biron (Paul): Elles n'ont pas le droit de faire cela. C'est le
pouvoir que je vous demande d'avoir, parce que vous dites: II y a des
porcheries tout le tour dans le territoire de la municipalité.
M. Beauséjour: Actuellement, elles en ont le droit, il y
en a qui le font.
M. Biron (Paul): Non, actuellement, elles peuvent dire que la
zone agricole va être uniquement dans le sud-est.
M. Beauséjour: Je ne parle pas de la loi. Actuellement,
dans la réalité, une municipalité peut décider par
règlement que dans telle région, cela va être des
porcheries, etc. Elles le font.
M. Biron (Paul): Elles peuvent décider actuellement que la
zone agricole va être au sud-est, d'accord? Puis que le reste sera
résidentiel. De cette façon, elles vont limiter les porcheries au
sud-est. Mais avec le projet de loi, vous dites: La zone agricole, c'est tout
le tour du coeur du village. A ce moment, les porcheries ne sont plus juste
dans le sud-est, elles sont partout autour du village. On ne l'a pas, le
pouvoir de délimiter à l'intérieur de la zone agricole
l'endroit où les porcheries pourront s'établir. Le seul pouvoir
qu'on a, c'est de dire que cela sera à 500 pieds du voisin.
M. Garon: Cette loi n'enlève pas le pouvoir de
réglementation des municipalités. Elle ne lui donne pas de
pouvoirs de réglementation, mais elle n'enlève pas le pouvoir de
réglementation des municipalités à moins qu'il ait pour
but d'empêcher l'agriculture dans une zone agricole.
M. Biron (Paul): C'est cela que je dis.
M. Garon: C'est clair? Une Voix: C'est clair.
M. Biron (Paul): M. le ministre, on ne se comprend pas.
M. Garon: Me Biron voudrait qu'on lui donne des pouvoirs par
notre loi. Notre loi ne lui donne pas des pouvoirs de réglementation
nouveaux. Ce n'est pas à nous de lui donner cela.
M. Biron (Paul): C'est au législateur à le donner.
Il y a des lois agricoles, M. le ministre, qui donnent des pouvoirs aux
municipalités. Ces lois viennent toutes du législateur. Cela peut
y être inclus. Ce n'est pas nécessaire que cela soit dans le Code
municipal.
M. Garon: Je comprends. Mais votre pouvoir normal de
réglementation, ce n'est pas dans la Loi sur la protection du territoire
agricole que vous allez le trouver.
M. Biron (Paul): La loi sur la protection des abeilles n'est pas
une loi du ministère des Affaires municipales. C'est une loi qui existe,
qui donne des pouvoirs aux municipalités. Il y a une soixantaine
d'autres lois qui ne proviennent pas des Affaires municipales et qui donnent
des pouvoirs aux municipalités. Elles viennent toutes du
législateur. Vous avez maintenant une loi. C'est le meilleur moment pour
donner ce pouvoir de zonage, de productions. Vous changez la zone agricole et
s'il y a des porcheries tout autour du village, vous voyez les problèmes
que cela peut entraîner? Avec cette loi, on ne peut pas interdire les
porcheries, sauf pour ce qui est de la distance des voisins. Avant, on pouvait
le faire indirectement en limitant la zone agricole dans une partie du
territoire. Pour éviter un problème, je vous demande de nous
donner le pouvoir de faire du zonage de productions agricoles, que vous
approuverez.
M. Garon: L'article 100, ce sont les droits acquis qu'on
reconnaît.
M. Vaillancourt (Orford): D'après moi, l'article 100 est
bon. Ce sont des droits acquis. Cela veut dire qu'on suit les lois de
l'environnement et les lois des municipalités. C'est comme cela que je
le comprends.
Une Voix: C'est cela. (23 h 45)
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Huntingdon.
M. Dubois: J'avais seulement une remarque à faire. Je ne
serais pas d'accord pour céder à une corporation municipale le
pouvoir de régir les opérations agricoles sur son territoire,
c'est-à-dire situer une porcherie, un poulailler... Si on lui donne ce
pouvoir, elle pourrait dire à un jardinier: Tu n'as plus le droit de
produire des produits maraîchers. Tu vas produire autre chose. Ce
seraient des pouvoirs abusifs donnés aux municipalités. Il y a un
ministère de l'environnement qui étudie la situation
géographique d'une porcherie. Il émet un permis ou il n'en
émet pas. S'il y a un impact sur la municipalité quant à
établir une porcherie à un tel endroit, le ministère de
l'environnement s'en charge. Mais je n'oserais pas céder à une
corporation municipale des pouvoirs aussi abusifs que de réglementer la
culture sur son territoire.
M. Biron (Paul): Sauf votre respect, justement, les
règlements de l'environnement ne s'appliquent plus. Deuxièmement,
les règlements de l'environnement, pour ce qui concerne les porcheries,
sont très minimes. On parle de 500 pieds et c'est tout ce dont on parle;
même pas 500 pieds. Je n'ai rien contre les porcheries, mais vu les vents
dominants, si vous mettez les porcheries dans les vents dominants, vous voyez
le problème au coeur du village?
M. Dubois: Oui, mais vous parlez de production agricole;
réglementer la production agricole sur un territoire, c'est aller
très loin quand même.
M. Biron (Paul): Ce serait approuvé par le ministre. Il
faut se fier, encore une fois, au bon sens des administrateurs municipaux. Ils
ne prendront pas une terre bonne pour la culture pour dire: Là, il n'y
aura pas de culture. Je pense bien que là-dessus, il faut
concéder un peu de bonne foi.
M. Dubois: Ce n'est pas à cela que je veux en venir. Je
suis d'accord pour que les municipalités aient certains pouvoirs.
D'ailleurs, je l'ai souvent demandé. Mais de là à
céder aux municipalités le pouvoir de réglementer la
production agricole, je pense que cela pourrait devenir abusif dans certains
cas, à moins que la commission dise à une municipalité:
Oui, on accepte que vous réglementiez de telle façon. Par contre,
le ministère de l'environnement s'en charge présentement. C'est
un fait. Il n'y a tout de même pas une porcherie qui va construire
présentement sans l'approbation du ministère de l'environnement.
Peut-être conjointement avec le ministère de l'Agriculture,
d'accord, parce qu'ils vont travailler main dans la main à partir de ce
projet de loi plus qu'avant parce qu'ils travaillaient séparément
mais je ne pense pas que, présentement, le projet de loi
prévoie qu'une porcherie pourrait être installée n'importe
où sans que l'environnement ait un mot à dire.
M. Biron (Paul): L'article 111.
M. Dubois: Des droits acquis, oui, mais est-ce que cela veut
dire...
M. Biron (Paul): Non. L'article 111...
M. Dubois: Oui, vous parlez de l'article 111, mais il reste quand
même que l'environnement a son mot à dire. Au lieu de travailler
séparément
comme deux ministères bien individuels, il va y avoir de
l'environnement agricole qui va se pratiquer quand même à
l'intérieur de ce projet de loi. En tout cas, c'est mon point de vue.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Champlain.
M. Gagnon: M. le Président, comme cela semble, de toute
façon, créer un problème d'interprétation, je
demanderais au ministre de vérifier avec le ministère de
l'environnement de façon qu'il n'y ait pas les problèmes que M.
Biron mentionne. Je ne sais pas exactement comment l'interpréter, mais
c'est difficile à interpréter, l'article 111. Il semblerait que
l'interprétation que vous donnez n'est pas nécessairement celle
que l'on comprend. Est-ce qu'il y aurait possibilité de vérifier
pour être...
M. Garon: Oui, quand on va étudier article par article.
Nos gars qui étaient ici tout le temps commencent le travail sur les
amendements possibles ou des choses semblables, mais on va regarder des choses
comme celle-là et on va vous donner... Je me rappelle très bien
que le but de l'article 111 était de faire une réglementation
d'environnement qui s'applique dans la zone agricole et une autre dans la zone
agricole. Il y a beaucoup de réglementations qui seront communes. Je
pense aux dépotoirs et aux choses semblables. On n'a pas à mettre
plus de dépotoirs en zone agricole qu'en zone non agricole. Mais c'est
la réglementation. Ce sera réglementé. Pour les
activités agricoles, la Loi de la qualité de l'environnement peut
réglementer des activités agricoles. Il faut qu'en zone agricole,
on ait une réglementation qui tienne compte qu'on est en zone agricole
et que les gens font de l'agriculture. Si, à un moment donné, le
gars bat du grain et on dit: Cela fait de la poussière. Eh bien, cela
fait de la poussière! Ce sont des choses comme cela. Si le gars
étend du fumier, habituellement, il ne s'amuse pas à en
étendre pour le faire sentir au monde. Il va en étendre. Il y en
a qui vont dire: II devrait l'étendre à telle date. Que cela
sente le 15 juin ou le 15 juillet, cela ne me dérange pas du tout que
cela sente le 15 juin ou le 15 juillet. Il y des affaires comme cela dont il
faut tenir compte. Qu'on tienne compte qu'on est en zone agricole.
Le cultivateur, à un moment donné, fait ses
récoltes le soir par exemple, quelquefois, il faut qu'il fasse ses
récoltes parce qu'il n'a pas beaucoup de temps à cause de la
température on ne sait jamais il veut se presser, alors
qu'on ne l'achale pas pendant les quelques jours où il fait ses
récoltes. Au fond, ce sont des choses comme cela. Ce n'est pas pour
ennuyer le monde mais pour empêcher des gens un peu pincés qui
sont venus rester à la campagne et qui ne sont pas à leur
place...
M. Biron (Paul): Si vous remarquez, M. le ministre, j'ai
bien...
M. Garon: Ce n'est rien que cela.
M. Giasson: Ils veulent jouir du bonheur mais ils ne veulent
prendre aucun petit inconvénient.
M. Biron (Paul): Si vous remarquez, M. le ministre, j'ai bien dit
dans mes considérations que je ne me prononce pas sur le
bien-fondé de la loi en aucune façon; je viens vous exposer les
problèmes municipaux. Je ne vous demande pas d'abolir la loi en aucune
façon.
M. Garon: Je comprends.
M. Biron (Paul): Je vous demande tout simplement... Je vous
expose des problèmes et, surtout, il y en a que j'aimerais voir
clarifier parce que vous dites...
M. Garon: Je vais vous dire une chose. Actuellement, le
ministère des Affaires municipales est à mettre en place une
trentaine de personnes qui vont travailler avec les municipalités
concernées et qui vont dépendre de quelqu'un au ministère
des Affaires municipales pour expliquer toutes ces affaires tranquillement aux
municipalités.
M. Biron (Paul): Je suis au courant mais ce qui arrive est ceci:
Ces 30 personnes ou 30 bureaux expliquent la loi d'une façon et le type
se construit mais la commission fait démolir cinq ans après parce
qu'elle n'est pas d'accord avec l'interprétation de ces personnes. Vous
voyez le problème que cela cause à l'individu alors que ce serait
si simple de le mettre clair. C'est juste cela que je vous demande d'autant
plus que vous dites que c'est comme on veut que cela soit; alors ce n'est pas
compliqué de le mettre clair dans le texte de la loi.
M. Giasson: M. Biron, pourrais-je vous remercier de la recherche
que vous avez faite sur le projet de loi; c'est évident que vous avez eu
à le fouiller même dans les questions d'interprétation
juridique, vous pouvez différer d'opinion. Il est évident,
à entendre votre discussion ce soir, que vous vous êtes
donné la peine d'examiner fort sérieusement le contenu du projet
de loi et les conséquences que cela peut entraîner, par cet
excellent travail que vous avez fait au nom de 65 municipalités...
M. Biron (Paul): 75.
M. Giasson: 75, nous vous remercions.
M. Biron (Paul): Merci.
Le Président (M. Boucher): M. le député
d'Iberville.
M. Beauséjour: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Boucher): Vous n'avez pas d'autres
questions?
Au nom de tous les membres de la commission, M. Biron, je vous remercie
pour cet excellent mémoire étant donné que c'est le 41e
mémoire, vous êtes le dernier...
M. Garon: 49e.
Le Président (M. Boucher): Sauf ceux qui se sont abstenus.
Alors, je vous remercie au nom de tous les membres de la commission.
M. Biron (Paul): Merci.
M. Giasson: Comme vous êtes le dernier intervenant, la
commission vous invite à prendre un verre.
M. Garon: Etes-vous un avocat qui gagne au-dessus de $75 000?
Le Président (M. Boucher): La commission ajourne ses
travaux sine die.
Fin de la séance à 23 h 54