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Version finale

32nd Legislature, 3rd Session
(November 9, 1981 au March 10, 1983)

Tuesday, February 22, 1983 - Vol. 26 N° 239

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Audition de personnes et d'organismes concernant le projet de loi no 109 - Loi sur le cinéma et la vidéo


Journal des débats

 

(Quatorze heures vingt-trois minutes)

Le Président (M. Paré): À l'ordre, mesdames et messieurs!

Je suis Roger Paré, député de Shefford. Je déclare la séance de la commission des affaires culturelles ouverte. Le mandat de la commission est d'entendre les personnes et les organismes en regard du projet de loi no 109, Loi sur le cinéma et la vidéo.

Les membres de la commission sont: Mme Bacon (Chomedey), M. Champagne (Mille-Îles), Mme Harel, (Maisonneuve), M. Hains (Saint-Henri), M. Proulx (Saint-Jean), M. Richard (Montmorency), M. Ryan (Argenteuil), M. Payne (Vachon), M. Saintonge (Laprairie), M. Dussault (Châteauguay), M. LeBlanc (Montmagny-L'Islet).

Les intervenants à la même commission sont: M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Blouin (Rousseau), M. Dauphin (Marquette), M. Lavigne (Beauharnois), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), M. Leduc (Fabre), M. Scowen (Notre-Dame-de-Grâce), M. Marx (D'Arcy McGee), Mme Lachapelle (Dorion) et M. Bertrand (Vanier).

À ce moment-ci, je demanderais qu'on désigne un rapporteur à la commission.

M. Proulx: M. Dussault, député de Châteauguay, un député jeune et brillant.

M. Dussault: Je le ferai avec plaisir, M. le Président.

Mme Lavoie-Roux: Le député de Saint-Jean...

Le Président (M. Paré): Je m'excuse. Il faudrait qu'on aille en ordre.

Mme Bacon: Moins jeune et moins brillant.

M. Proulx: Madame.

Le Président (M. Paré): M'ont été recommandés M. Blouin de Rousseau et M. Dussault de Châteauguay. Est-ce que...

M. Dussault: M. le Président, je décline en faveur de M. le député de Roussseau.

Le Président (M. Paré): M. Blouin, député de Rousseau, vous acceptez d'être rapporteur?

M. Blouin: Qu'est-ce que je fais?

Le Président (M. Paré): Rapporteur de la commission à l'Assemblée nationale. Merci. Donc le rapporteur désigné sera M. Blouin, député de Rousseau.

Je vais maintenant vous donner l'ordre du jour, la séquence de présentation des mémoires à la présente commission. Pour aujourd'hui, mardi le 22 février 1983, j'aimerais vous rappeler que les travaux doivent se poursuivre jusqu'à 18 heures pour être ensuite interrompus jusqu'à 20 heures et reprendre ensuite jusqu'à 22 heures.

Les intervenants seront, dans l'ordre: l'Institut québécois du cinéma, représenté par M. Claude Godbout, Mme Louise Ranger et M. Zénaïde Lussier; le Conseil du statut de la femme, représenté par Mme Claire Bonenfant, Mme Elizabeth Powers et Mme Lise Dunnigan; le Regroupement des intervenants de l'industrie du cinéma de l'Est du Québec, représenté par M. Jean-Claude Filion et Mme Denise Lévesque.

Le quatrième organisme est l'Association des cinémas parallèles du Québec, représentée par M. Jurgen Pesot, M. Jacques Labrecque, M. Guillaume Bélanger et M. Renaud Thériault; le cinquième, le Regroupement des bibliothèques centrales de prêt du Québec, représenté par M. Gilles Dubé; le sixième, la Société de distribution cinéma libre Inc., représentée par Mme Sylvie Groulx; le septième organisme, les Films du crépuscule, représentés par M. Louis Dussault, et le huitième et dernier organisme pour aujourd'hui, l'Association vidéo et cinéma du Québec, représentée par M. Pierre Goupil.

M. le député de Rousseau.

M. Blouin: Compte tenu que l'organisme qui suivra l'Institut québécois du cinéma est le Conseil du statut de la femme, et pour éviter de créer un incident, je vous signale que la troisième représentante de l'Institut québécois du cinéma est, non pas M. Zénaïde Lussier, mais Mme Zénaïde Lussier.

Le Président (M. Paré): Je vous remercie, M. le député, mais j'avais seulement un "M." Maintenant, j'inviterais le ministre des Affaires culturelles à nous faire ses remarques préliminaires.

Remarques préliminaires M. Clément Richard

M. Richard: M. le Président, ces audiences publiques de la commission permanente des affaires culturelles sont pour moi l'occasion de poursuivre un processus de consultation sur la politique du cinéma et de la vidéo au Québec amorcé en janvier 1981.

En effet, le projet de loi no 109 que je soumets aujourd'hui à la discussion est le fruit d'une démarche approfondie d'analyse et d'un effort de concertation dont je voudrais rappeler ici les principales étapes.

En janvier 1981, le gouvernement du Québec, par la voie de mon prédécesseur aux Affaires cultures, M. Denis Vaugeois, créait une commission d'étude sur le cinéma et l'audiovisuel, chargée de lui faire des recommandations sur certains aspects précis et spécifiques de la politique cinématographique. Parallèlement, un projet de loi sur le cinéma était déposé devant l'Assemblée nationale. Il visait à pallier les carences de la loi 1 de 1975, dont plusieurs des articles n'avaient jamais été promulgués. Quelques mois après, j'étais appelé à prendre la direction du ministère des Affaires culturelles.

En prenant connaissance du dossier cinéma, il m'apparut évident qu'une réforme globale de l'intervention de l'État s'imposait. Elle s'imposait avec urgence compte tenu des grandes difficultés que connaissent l'industrie et la création cinématographiques québécoises et des conséquences néfastes d'une telle situation sur le développement culturel et économique du Québec. J'ai donc décidé de ne pas reconduire le projet de loi no 20 et d'élargir plutôt le mandat de la commission, de façon que celle-ci soit amenée à proposer des solutions globales et cohérentes à l'ensemble des problèmes qui confrontent le cinéma et la vidéo québécois ou afférents à la diffusion de la culture cinématographique au Québec.

Le 2 septembre 1982, la commission, à la suite de nombreuses recherches, consultations et analyses, rendait public son rapport intitulé "Le cinéma, une question de survie et d'excellence". Ce rapport unanime fut, règle générale, favorablement accueilli par les milieux du cinéma et de la vidéo. J'ai plaisir à souligner qu'il fut réalisé à l'intérieur des délais et des budgets impartis à la commission, chose tout à fait exceptionnelle dans l'histoire des commissions d'étude ou des commissions d'enquête. (14 h 30)

J'en profite d'ailleurs pour remercier de nouveau les membres de la commission: M. Guy Fournier, président; Mme Andréanne Bournival, MM. Fernand Dansereau, Paul Gendron et André Link, pour l'excellence du travail accompli et la diligence avec laquelle ils ont travaillé.

Dès la réception du rapport Fournier, je m'engageais à déposer avant Noël un projet de loi-cadre sur le cinéma et la vidéo, ce qui fut fait le 17 décembre dernier; c'est-à-dire que nous avons agi avec célérité et que la volonté politique que la commission Fournier appelait de ses voeux n'a pas tardé à se manifester.

Fidèle à un autre de mes engagements, j'annonçais alors la tenue d'une commission parlementaire où tous les intervenants concernés, à un titre ou à un autre, pourraient faire valoir leurs points de vue sur ce projet de loi-cadre, demandé par la profession depuis près de 20 ans.

Nous voici donc aujourd'hui au rendez-vous. C'est un rendez-vous important, d'une part, parce que j'entends accorder aux propos qui seront énoncés devant cette commission toute l'attention qu'ils méritent. J'ai maintes fois indiqué que je demeure ouvert au dialogue et que je suis disposé à accueillir favorablement toute proposition susceptible d'améliorer ce projet de loi et qui respecte ses objectifs fondamentaux. Je me réjouis d'ailleurs que plus de quarante intervenants aient annoncé leur intention de se présenter devant cette commission.

C'est aussi un rendez-vous important en raison de ce qui fera l'objet même de nos délibérations: l'essor d'une véritable cinématographie nationale et la promotion de la culture cinématographique au Québec.

Le cinéma est un art majeur, un des plus important du XXe siècle, un moyen d'expression privilégié par un nombre grandissant de créateurs, ici comme à l'étranger. À la fois témoin de la réalité d'un peuple et porteur de son imaginaire, le cinéma est un extraordinaire instrument d'affirmation des identités nationales et de communication entre les peuples.

C'est aussi un véhicule de création et d'expression culturelle qui atteint un nombre sans cesse croissant de spectateurs. Bien que la fréquentation des salles de cinéma n'ait plus l'ampleur populaire qu'elle avait avant la télévision, il n'en reste pas moins que les longs métrages programmés dans les salles et ciné-parcs du Québec sont vus chaque année par près de 30 000 000 de personnes, ce qui signifie qu'ils rejoignent plus de spectateurs payants que ne le font tous les sports professionnels réunis: hockey, baseball, football, soccer, etc.

Mais il n'y a pas que les spectateurs des salles commerciales qui fréquentent le cinéma. Si l'on tient compte des autres canaux de diffusion qui s'offrent à lui -télévision, diffusion en réseaux scolaires et parallèles, vidéodisques, vidéocassettes, etc. -c'est près d'un milliard de spectateurs qui sont rejoints chaque année au Québec par le cinéma.

Le cinéma et la vidéo ont donc un

impact social et culturel profond en nos sociétés. Cet impact risque d'être encore amplifié par les années à venir. L'apparition de la télévision payante, la vidéodiffusion sur grand écran, la télédiffusion par satellite, le cinéma en trois dimensions, la vidéolégère, l'accessibilité plus grande des appareils d'enregistrement et de reproduction des oeuvres audiovisuelles sont autant de phénomènes susceptibles d'accroître et de multiplier à court terme leur auditoire.

C'est par les contenus, par une production nourrie et de qualité d'oeuvres audiovisuelles de tous types que le Québec peut et doit prendre sa place dans ce vaste réseau de communications. Ce faisant, non seulement pourrons-nous offrir à nos créateurs l'occasion de raffermir les liens qui unissent un peuple à sa cinématographie et participer au dialogue culturel entre les nations, mais nous contribuerons à lancer l'économie, à créer des milliers d'emplois directs et indirects, à consolider des dizaines de petites et moyennes entreprises de production et de services. Le Québec pourra ainsi, et c'est important, rétablir une balance des paiements actuellement largement déficitaire dans ce secteur.

Il est d'autant plus important de s'arrêter à réfléchir à ces phénomènes lorsque l'on constate que ce milliard de spectateurs québécois se voient aujourd'hui offrir une programmation presque totalement étrangère. En effet, le cinéma québécois occupe moins de 1% du temps-écran consacré au long métrage sur l'ensemble des réseaux de télévision et moins de 3% de la programmation des salles de cinéma au Québec. C'est dire le colonialisme qui nous afflige.

Pourtant, la cinématographie québécoise est déjà riche de plus de 500 longs métrages dramatiques ou documentaires. Bon nombre d'entre eux ont connu, au Québec, des succès d'estime et de public considérables. Que l'on songe aux Plouffe, à La tête de Normande St-Onge, de Gilles Carle, aux Bons débarras, de Francis Mankiewickz, aux Dernières fiançailles, de Jean-Pierre Lefebvre, à Réjane Padovani, de Denys Arcand, aux Ordres, de Michel Brault, à Mourir à tue-tête, d'Anne-Claire Poirier, à Not a love story, de Bonnie Klein, à J.-A. Martin photographe, de Jean Beaudin, à L'affaire Coffin, de Jean-Claude Labrecque, à Mon oncle Antoine et Kamouraska, de Claude Jutras et bien d'autres encore.

Depuis 20 ans, chaque année, des films québécois de court, moyen ou long métrage méritent des " honneurs dans des manifestations cinématographiques importantes: Cannes, Los Angeles, Berlin, Chicago, Venise. Plusieurs des créateurs, artisans et interprètes d'ici jouissent d'une renommée internationale. Le Québec a acquis, dans certains domaines spécialisés - cinéma d'animation, cinéma direct, vidéo d'intervention - une expertise qui fait mondialement envie. Pourtant, en 1981, seulement deux longs métrages québécois de fiction et de langue française ont pris l'affiche sur nos écrans: Les Plouffe et Les beaux souvenirs, alors qu'en 1971, on en comptait 17 qui accaparaient alors près de 11% du temps-écran. La grave crise économique que nous traversons, conjuguée au problème que l'étroitesse du marché québécois pose à toutes nos industries culturelles, ont entraîné un ralentissement généralisé de la production dans tous les secteurs.

Sans vouloir lui jeter la pierre, on doit constater que l'intervention du gouvernement fédéral n'est pas étrangère à cette récession des films québécois. Un des effets directs de sa politique de déduction à 100% pour amortissement des capitaux investis dans les longs métrages "canadiens" et de la réglementation qui l'accompagnait fut de drainer la quasi-totalité des investissements privés vers le film de langue anglaise et de culture américaine. Ce qui eut pour effet d'accroître dramatiquement les difficultés de financement des films québécois de langue française, et ce, avant même que la hausse vertigineuse des taux d'intérêt ne vienne à son tour contribuer au tarissement des investissements privés.

De son côté, la Société de développement de l'industrie cinématographique canadienne, contrairement à ses engagements initiaux, réduisait progressivement ses investissements dans la production de langue française. Ceux-ci s'établissaient à 40% des investissements dans la production anglaise, entre 1975 et 1978, mais à seulement 20% entre 1979 et 1981. L'Institut québécois du cinéma se retouvait pratiquement seul dans ce contexte pour soutenir une production originale québécoise, ce qui l'a obligé à abandonner de nombreux programmes existants: aide au court, moyen et long métrages documentaires, aide au court métrage d'animation et au moyen métrage de fiction. Il a dû surseoir, faute de fonds suffisants, à l'instauration de programmes d'aide à l'entreprise et à la vidéo. Il a dû accroître sa participation en termes de pourcentage du budget global dans les deux seuls longs métrages prévus pour l'exercice financier en cours.

Résultat net: le Québec se trouve menacé d'une perte de ses infrastructures. Déjà, plusieurs sociétés de production, laboratoires et maisons de services ont du fermer leurs portes ou mettre à pied jusqu'à la moitié de leur personnel. Un fort pourcentage de créateurs, techniciens, scénographes et interprètes, même parmi les plus chevronnés et les plus talentueux sont sans emploi. Et il devient extrêmement

difficile dans un pareil contexte d'assurer la formation d'une relève.

Le cinéma québécois se trouve donc menacé de perdre une expertise chèrement acquise, de prendre des retards à la fois au plan des équipements, des capacités d'innovation technologique et des performances de création. Car il en est de la création cinématographie ou vidéo, comme de l'exploration minière ou pétrolière: on ne trouve pas le filon à tous les coups. La continuité est un facteur indispensable si l'on veut atteindre la qualité et l'excellence que toute cinématographie forte requiert.

Tout État soucieux de son identité culturelle et de son développement économique doit donc intervenir avec constance et fermeté pour soutenir le développement d'une cinématographie nationale.

Cet encouragement de l'État doit, bien sûr, prendre la forme d'une assistance financière: fonds de soutien, incitatifs fiscaux. Sur ce point, je réitère mon engagement afin que les sommes que le gouvernement destine au secteur privé du cinéma soient sensiblement augmentées au cours des années à venir. Il est toutefois prématuré de s'engager plus à fond sur cette question qui sera considérée dans l'ensemble des interventions budgétaires du gouvernement.

L'État se doit aussi d'intervenir pour atténuer les menaces, arbitrer certains conflits, établir, en concertation avec la profession, des mécanismes de distribution de l'aide gouvernementale qui protègent l'autonomie des créateurs et assurent la vitalité des entreprises culturelles. Il doit également faire en sorte que les citoyens du Québec aient accès à une culture et à un patrimoine cinématographiques riches et diversifiés; que l'exploitation du cinéma et de la vidéo s'effectue dans des conditions qui respectent tant les oeuvres que les droits de la personne.

Bref, le gouvernement se doit d'élaborer un cadre législatif qui concoure à créer les meilleures conditions d'épanouissement du cinéma et de la vidéo au Québec, dans le respect de la liberté d'expression et de création ainsi que de la liberté de choix du public.

Dans cette optique, le projet de loi no 109 propose une réforme des sociétés d'aide au cinéma. Il crée un nouvel Institut québécois du cinéma et de la vidéo doté d'un conseil d'administration de douze membres: huit membres émanant d'autant de secteurs distincts de la profession, les quatre autres représentant le public.

Comme son prédécesseur, l'institut a pour fonctions de conseiller le ministre sur l'élaboration et l'application de la politique du cinéma et de la vidéo, de la mettre en oeuvre et d'en coordonner l'exécution.

L'institut se voit toutefois dégagé de l'administration quotidienne des programmes et du plan d'aide, qui est confié à la Société générale du cinéma et de la vidéo, dont le conseil d'administration est formé de cinq membres, tous nommés par le gouvernement sur recommandation du ministre, et qui, bien que familiers avec le cinéma, ne sont pas actifs dans la profession.

Cette nouvelle structure à double volet réaffirme le principe d'une représentation majoritaire et élargie de la profession au sein de l'organisme chargé, en vertu d'un contrat signé avec le ministre, de mettre en oeuvre la politique du cinéma. Elle permet en outre de se prémunir contre d'éventuels conflits d'intérêts, voire d'éliminer toute apparence de conflits d'intérêts, ce qui doit être la règle dans l'administration des fonds publics. Elle favorise, enfin, une qualité de réflexion et une efficacité de gestion qui profiteront, il me semble, à tous et à toutes.

Le projet de loi propose également une Régie du cinéma et de la vidéo qui prend la relève de l'actuel Bureau de surveillance du cinéma, un organisme qui a accompli pendant quinze ans un travail remarquable, mais dont les mandats se devaient d'être élargis pour prendre en compte les bouleversements qui ont affecté et qui affecteront encore davantage dans les années à venir le monde du cinéma et de l'audiovisuel.

La régie prendra en charge l'émission des différents permis, l'administration d'un système national de billetterie, l'émission de certificats de dépôt aux distributeurs de matériel vidéo, la fonction de surveillance du cinéma et l'établissement de normes techniques dans les domaines de sa compétence.

Certains trouveront que cette régie se voit dotée de trop de pouvoirs réglementaires. J'aimerais les inviter à prendre en ligne de compte le retard historique du Québec en ces matières. Tous les pays européens ont adopté depuis un demi-siècle des mesures qui leur permettent de régir la circulation des films sur leur territoire, de briser les monopoles, de se doter d'instruments d'analyse du marché, de protéger les droits de propriété intellectuelle sur les oeuvres et d'assurer au public cinéphile l'équivalent du droit au texte intégral en littérature. (14 h 45)

Chez nos voisins du Sud, par exemple, la Cour suprême a interdit l'intégration verticale des activités de production, de distribution et d'exploitation, cette intégration étant jugée préjudiciable à l'intérêt public.

Au Québec et au Canada, elle est toujours tolérée puisque le plus important réseau de salles, Famous Players, est contrôlé par un conglomérat qui contrôle un des grands producteurs et distributeurs

d'Hollywood. Plusieurs États américains obligent les distributeurs à procéder par voie d'enchères publiques pour mettre leurs films en circulation.

Mon homologue français, M. Jack Lang, vient d'annoncer une série de dispositions visant à briser les monopoles de programmation, même ceux qui sont propriété française. La France, encore une fois exige que les films doublés présentés sur son territoire, le soient chez eux.

Bref, tous les États modernes ont légiféré pour réglementer ce domaine au nom de l'intérêt collectif. À ce jour, le Québec n'a hélasl fait que subir les effets du protectionnisme législatif, réglementaire ou de fait des autres pays. Sans compter qu'une large portion des activités de distribution et d'exploitation au Québec sont sous mainmise étrangère.

D'ailleurs relativement à ce point j'aimerais insister sur deux aspects fondamentaux du projet de loi no 109: la réappropriation du marché de la distribution et la présentation des versions françaises des films au Québec.

Sur le continent américain, le Québec et ses citoyens jouissent d'une situation privilégiée si l'on considère la qualité et la diversité de la programmation cinématographique qui leur est offerte. Grâce à la présence de plusieurs distributeurs indépendants québécois, des films de toutes nationalités sont présentés régulièrement sur nos écrans: films français, italiens, allemands, suédois, japonais, etc. En raison de sa situation linguistique et culturelle particulière, le Québec témoigne d'une ouverture au monde unique et exceptionnelle.

Ailleurs au Canada anglais et aux États-Unis où la distribution est sous contrôle exclusif des grands studios américains, appelés "MAJORS", la production américaine monopolise presque entièrement les écrans. Ainsi, aux États-Unis, 1% seulement du temps-écran de toutes les salles de cinéma est-il consacré aux films de langue originale autre que l'anglais. C'est dire la fermeture aux cultures étrangères qui caractérise, à cet égard, le marché nord-américain.

Au Québec, les entreprises américaines de distribution contrôlent 40% de la programmation et 56,5% des recettes-guichets. En raison de leur poids économique, ces distributeurs disposent de surcroît d'ententes privilégiées et exclusives avec les deux grands circuits pan-canadiens d'exploitation, Cinémas Unis et Odéon, pour la programmation en première exclusivité de leurs films.

Concrètement, cela signifie qu'une part importante des décisions de programmation qui affectent l'ensemble des citoyens et citoyennes du Québec, c'est-à-dire choix des films, des dates de leur sortie, de la langue et du nombre des copies mises en circulation, sont prises à Los Angeles et relayées ici, via Toronto.

Cela implique également que les distributeurs québécois ne disposent, le plus souvent, que de ce qu'on appelle les "trous de programmation" laissés vacants par les distributeurs américains pour présenter les films dont ils ont acquis les droits.

Cette situation a constitué historiquement une entrave au développement de ces entreprises québécoises. Mais voilà que plus récemment les distributeurs américains ont conclu avec leurs homologues européens des ententes en vertu desquelles ils s'emparaient des droits de distribution pour l'Amérique du Nord entière, y compris le Québec, de plusieurs des films européens les plus populaires. Privés de ces films qui leur assuraient l'essentiel de leurs revenus, les distributeurs québécois, dont la situation était déjà précaire, sont carrément menacés de disparition.

On pourrait invoquer une volonté légitime de protectionnisme économique pour justifier l'intervention du Québec dans ce dossier, certes. Mais les enjeux sont, quant à nous, beaucoup plus importants encore.

D'une part, en l'absence d'un secteur national de distribution qui puisse participer financièrement à la production des films, c'est le développement même d'un cinéma national qui se trouve compromis. D'autre part, c'est l'ouverture même du Québec aux films de toutes cultures et de toutes origines qui est remise en cause. Aucun gouvernement responsable, aucun ministre des Affaires culturelles ne peut accepter de prendre le risque que la programmation des salles se voie réduite aux seuls films américains et à quelques grands succès du cinéma français susceptibles d'intéresser l'ensemble des spectateurs nord-américains.

Il en va du respect de la spécificité culturelle du Québec et du droit de ses citoyens d'avoir accès à un éventail varié de films produits partout dans le monde, y compris bien sûr les films américains.

C'est pour toutes ces raisons et, notamment, pour éviter une fermeture, un rétrécissement inadmissible du marché que la loi 109 propose que seules les entreprises qui sont majoritairement propriété québécoise ou canadienne puissent obtenir des permis de distribution au Québec.

Une autre disposition du projet de loi devrait être bénéfique pour l'ensemble des spectateurs québécois. C'est celle qui vise à accélérer la présentation des films en version française. On sait que la plupart des films de langue anglaise connaissent une double carrière au Québec. D'abord présentés exclusivement en version originale, ils seront repris quelques mois, souvent même plus d'une année, plus tard en version française.

À première vue, on pourrait croire que

ces retards considérables sont le résultat d'une non-disponibilité des versions françaises. En fait, il n'en est rien. Une étude d'une firme indépendante révèle, en effet, que les versions françaises des films américains sont présentés à Paris deux à trois mois, en moyenne, avant d'être exploités au Québec.

La pratique commerciale des doubles sorties est évidemment rentable pour les distributeurs puisqu'une fraction importante du public québécois est amenée ainsi à voir deux fois le même film. Cette pratique témoigne d'un manque de respect flagrant à l'endroit du public et, notamment, de la majorité francophone du Québec.

Le projet de loi no 109 affirme donc le principe d'une sortie simultanée: versions françaises/autres versions. Toutefois, pour éviter de retarder la sortie des films en version autre que française, et pour ne pas entraver la circulation des films à faibles possibilités commerciales ou destinés aux diverses communautés ethniques, plusieurs dispositions ont été prévues. Nos objectifs sont, sur ce point, fort clairs: le projet de loi no 109 vise à accélérer la présentation de versions françaises au public québécois et non à provoquer un quelconque repli du Québec sur lui-même. Je m'engage à ce que le principe fondamental d'ouverture aux films de toutes cultures, que j'évoquais plus tôt, soit, lui aussi, respecté.

En terminant, M. le Président, j'aimerais insister à nouveau sur l'importance pour le Québec de supporter le développement d'un cinéma national. Nous sommes à l'orée d'une nouvelle révolution des communications et tous les spécialistes s'accordent pour affirmer qu'au cours de la nouvelle décennie la demande d'oeuvres audiovisuelles de tout type excédera l'offre. Si nous n'intervenons pas fermement et rapidement, tous les nouveaux moyens de diffusion qui s'annoncent continueront, comme les anciens, à être massivement alimentés par des productions étrangères avec tout ce que cela implique d'aliénation culturelle et politique.

Pouvons-nous ainsi continuer à nous laisser définir par d'autres sans encourir le risque de voir se dissoudre notre identité?

Il faut également prendre conscience que dans le domaine des industries culturelles et notamment du cinéma, la vieille dichotomie culture-économie est à ranger au musée du folklore.

En soutenant l'émergence d'une cinématographie québécoise dans toutes ses composantes, le gouvernement que je représente engage aussi la relance économique, concourt à la création de milliers d'emplois et arme le Québec pour conquérir un marché qui, il n'est pas inutile de le rappeler, est évalué à plusieurs centaines de millions de dollars. On oublie trop souvent que la qualité que nos créateurs, nos artistes et nos artisans insufflent aux produits culturels contribue à l'enrichissement du Québec à plus d'un titre. Enfin, je voudrais remercier toutes les personnes, tous les groupes ou associations qui ont déposé des mémoires et qui viendront, dans la quasi-totalité des cas, les présenter devant cette commission. Je puis les assurer que toute mon attention leur est acquise. Merci, M. le Président.

Le Président (M, Paré): Merci, M. le ministre. La parole est maintenant au député de Saint-Henri.

M. Roma Hains

M. Hains: M. le Président, M. le ministre, chers collègues, mesdames et messieurs, nous voici donc réunis en des assises officielles pour étudier ensemble le projet de loi no 109, Loi sur le cinéma et la vidéo. M. le ministre, avec sa verve habituelle et son accent grave, vient presque de canoniser son projet de loi, pour l'exposer à la vénération des artisans et du peuple québécois. C'est vrai que le bébé est beau, qu'il a subi le baptême de sa première lecture, que son père et son parrain sont bien fins, mais le chemin est peut-être long cependant avant qu'il ne reçoive sa confirmation. Il faudra qu'il affronte les feux de l'Opposition, que le poupon cesse de mouiller sa couche et qu'il mûrisse en sagesse et en grâce devant nous et devant les hommes.

C'est à cette oeuvre de perfectionnement que tous ensemble nous travaillerons aujourd'hui et dans les jours à venir. C'est avec conviction que nous offrons notre opposition et notre coopération - ici, les deux mots sont synonymes - pour parfaire le nouveau-né qui a vraiment créé beaucoup d'émoi et de joie dans le monde cinématographique. C'est avec une oreille attentive et condescendante que nous écouterons les mémoires de nos participants et que nous saurons faire une place à leurs suggestions, avec la bénédiction du culte... de la ministre... de la culture...

M. Proulx: Pardon, je n'ai pas compris.

M. Hains: ...avec la bénédiction du ministre du culte ou de la culture, excusez-moi.

En général, le projet de loi a reçu un accueil favorable, sinon vraiment chaleureux, dans le milieu. Évidemment, tous les invités à ces assises n'apporteront pas que de l'encens, mais tous reconnaissent le bien-fondé de ce projet de loi qui répond à une attente et à un besoin certains. Mais que de questions, cependant, que de réactions, positives, sans doute, mais aussi négatives,

soulève ce projet de loi. Si nous n'avons pas encore une levée de boucliers contre cette réforme, et personne n'ose affirmer qu'il n'y en aura pas, surtout de la part des fournisseurs américains et des traducteurs français, nous avons tout au moins une levée de mémoires qui, même s'ils sont polis et laudatifs, en expriment pas moins beaucoup de réticences, de récriminations et de réclamations. Mais c'est de bon aloi. Ce n'est pas la guerre des dentelles, M. le ministre, mais c'est la guerre des rubans et la chasse aux pellicules. Comme vous le disiez si bien, vous vous attendez à des remous. Il y en aura certes de tous bords, de tous côtés, des petits et des gros. Mais l'important, c'est de conduire ce projet de loi à bon port, renforcé et regaillardi par le vent, l'air salin vraiment de la liberté et les marées des opinions. Surtout, n'oubliez pas les provisions. Il faudra certes faire appel à MM. les ministres des Finances et du Revenu et les embarquer aussi dans notre bateau.

Après cette entrée en scène quelque peu imagée, nous en arrivons à la toile de fond de notre intervention. En général, ce projet de loi foissonne de bonnes intentions. On veut revaloriser le cinéma et la vidéo, en faire une entreprise de plus en plus rentable et autonome et faire la promotion du film québécois. Il y a, dans ce milieu, un monde qui bouillonne de talent, d'ambition, de dynamisme et d'énergie; pourtant, cette industrie a peine à sortir de l'ombre, à cumuler des recettes et à réaliser des succès, autant chez nous qu'à l'extérieur. Ce projet est là, maintenant, aujourd'hui, devant nous. Apportera-t-il la solution à nos maux? Apportera-t-il l'aide qu'on espère pour sortir le cinéma de sa situation vraiment précaire? (15 heures)

À première vue nous émettons des doutes sur la valeur de certaines dispositions de la réforme. Nous notons par exemple des oublis très sérieux au sujet des artistes qui semblent oubliés, du cinéma parallèle, des propriétaires indépendants, du cinéma pour enfants, du cinéma en région, etc.

Nous soulignons aussi l'absence totale d'une analyse des prix, des coûts et bénéfices, un exposé même sommaire de financement, et pour moi la grande inconnue qui demeure la qualité de la production. Selon le projet, on créera un institut, une société et une régie du cinéma et de la vidéo. La grosse trinité, quoi! Déjà, l'on alourdit l'ancien régime d'un nouvel organisme avec tout ce qu'il comporte de nouveaux fonctionnaires et de dépenses accrues. L'élargissement du cercle de l'institut permettra à un certain public d'occuper quatre des douze fauteuils à l'administration, bien qu'on aurait pu souhaiter une parité de membres de chaque côté de l'écran.

Peut-être que l'idée de créer une société comme pourvoyeur de fonds assurera-t-elle une plus grande liberté et une meilleure équité dans l'octroi des subventions du cinéma? Quant à la régie, certains groupes ont déposé des mémoires sur sa composition et son fonctionnement, et quelques-uns sont très très incisifs.

Mais, une chose est frappante dans cette structure nouvelle: c'est l'omnipotence du ministre dans les nominations. Pour l'institut, il choisit huit personnes parmi les 24 suggérées par les associations citées à l'article 16, puis il nomme les quatre autres ainsi que le président du conseil d'administration. À la société, sans fausse pudeur, il nomme les cinq membres dont le président. Trois membres, dont un président, sont nommés encore par le ministre plénipotentiaire pour la régie. C'est presque un peu, j'ose à peine le dire, de l'impertinence.

Dans plusieurs mémoires d'ailleurs, on rappellera cette incongruité, car le public veut avoir son mot à dire; les membres de l'institut et, les dames aussi, avec raison, veulent tous s'en mêler. Dans cette philosophie globable qui entoure le projet, une autre remarque générale: la multiplication des permis. C'est presque navrant sinon hilarant. C'est la politique du décret qui se poursuit. On décrète qu'il faut obtenir un permis d'exploitation, un permis de distributeur, un permis de producteur, un permis de tournage de films, et qui plus est, il faudra un permis, et je cite, "à toute personne qui vend, loue, prête ou échange du matériel vidéo à un commerçant au détail".

Un éditorialiste ironisait là-dessus en disant qu'il faudra ouvrir tous les colis venant de Toronto ou installer des douaniers spéciaux aux frontières pour empêcher l'invasion, surtout des vidéocassettes. Un autre disait, toujours en ironisant, qu'il faudrait peut-être un jour un permis de spectateur. Vraiment c'est une attaque aiguë de "contrôlite". De plus, il y aura encore la billetterie, qui peut être fort utile, mais où un propriétaire devra déclarer "sous serment" combien de spectateurs sont allés voir tel ou tel film, et ce, à chaque semaine. Dans l'article 107, la loi réglementerait "le pourcentage minimum de la recette brute" entre distributeurs et exploitants de salle. Si ce n'est pas mettre le nez dans la chambre du voisin, c'est certainement mettre la main dans ses affaires.

Cela va mettre de l'ordre dans la boutique, dit-on. Bravo! Mais l'exagération a surtout des limites. C'est clair et évident qu'il y a eu des abus dans ce domaine, que les petits ont souffert et souffrent encore, qu'il faut colliger toutes les informations sur cette industrie, mais il ne faut pas céder cependant aux menées tâtillonnes. Les réglementations excessives créent trop souvent des barrières artificielles, des tracasseries administratives que détestent le

secteur privé et le monde artistique. Se sentir épiés et espionnés, surveillés et quadrillés, décourage souvent les grands esprits et les grands gestionnaires qui veulent exploiter librement leurs propres entreprises.

Face à toutes ces réglementations, où sont les incitations à la création? Où est le souffle de la liberté? Où sont les clauses de la qualité? Où est l'appel au dépassement? Où est l'espoir des chefs-d'oeuvre québécois? Une loi, c'est clair, de par sa nature, est froide et dure. Il faut que je sorte mon latin aujourd'hui: Dura lex sed lex, comme on dit. La loi est dure, mais c'est la loi. Mais ne pourrait-elle pas être autre chose que restrictive et punitive? Sans devenir évidemment un chant ou un poème, une loi sur les arts, sur le cinéma, ne pourrait-elle pas, par ses encouragements financiers et honorifiques, inspirer créateurs, producteurs et artistes et leur insuffler le désir et la joie de produire des choses remarquables sinon immortelles?

Ce que je vais dire ici est assez triste mais je le dis. C'est une citation de Ginette Major: "Chez nous, malheureusement, nos cinéastes possèdent une vision déterministe et fataliste de la société québécoise, d'où un cinéma qui est axé sur l'échec qui mènerait indubitablement même à l'échec commercial. Notre cinéma retrouvera sa note d'espoir, lorsqu'il cessera d'être - comme elle le dit brutalement - le miroir complaisant d'une société avachie".

Oui, il faut se l'avouer, la désaffection que les Québécois manifestent envers leur cinéma frôle vraiment le tragique et le projet de loi no 109 devrait aider à recouvrer et à apprivoiser la clientèle de chez nous par des oeuvres de qualité.

Il ne s'agit pas de créer, seulement par la loi, une industrie bureaucratique bien structurée car elle ne sera jamais rentable. Il faut une loi, une politique réaliste de marketing pour percer non seulement sur la scène québécoise ou canadienne, mais aussi sur les marchés étrangers. Il faut mettre l'accent sur la qualité, une politique du cinéma que l'on ignore et que l'on attend encore. Inutile autrement de parler de rentabilité et de prospérité.

C'est dans cette optique qu'il faut se dire que la meilleure protection et la meilleure expansion à donner à notre cinéma et aux gens qui y travaillent est d'essayer de les grandir nous-mêmes et non, nécessairement, de brimer et de limiter les autres. Notre champ d'action est vaste et immense et point n'est nécessaire, ici comme ailleurs, de nous enfermer derrière des clôtures qui risquent d'être néfastes. Les articles 79 et 97, dans cette vision, méritent qu'on s'y arrête.

Dans l'article 79, le projet de loi vise le louable objectif de promouvoir la parution la plus rapide des versions françaises de films étrangers, par le biais du sous-titrage et du doublage. Tous s'accordent: c'est le désir de tous les francophones. Mais, au point de départ, est-ce que les moyens énumérés dans le projet de loi n'enfreignent pas les chartes canadienne et québécoise des droits? En restreignant la circulation des films dans leur version originale, est-ce qu'on n'empiète pas sur les libertés d'expression et d'opinion? Est-ce qu'on a vraiment pris un avis juridique sur ce sujet?

On sait aussi que la loi française exige que tous les films étrangers, exploités sur son territoire, soient doublés en France. Le ministre a-t-il alors entrepris des démarches pour régler le problème de la traduction? Les producteurs et les distributeurs seront-ils disposés à payer deux versions françaises, une pour la France et une pour le Québec? C'est cela la politique du cinéma et c'est cela que nous ne retrouvons pas, malheureusement, dans ce projet de loi.

Pourquoi légiférer sur des clauses incertaines qui peuvent bloquer tout le mécanisme de francisation au Québec ou retarder et même exclure la présentation de certaines primeurs américaines dans nos cinémas? Selon la politique de négociation et d'incitation dont je parle, n'aurait-on pas de meilleurs résultats qu'avec des directives toujours restrictives ou coercitives qui risquent de se tourner contre le public? C'est par des stimulants à la postsynchronisation au Québec et par des ententes négociées qu'on pourra arriver à réduire les délais de traduction. N'est-ce pas jouer un peu faux le violon nationaliste que d'affirmer qu'on peut espérer une meilleure assistance en salle "lorsque le film parle une langue plus proche de celle de la population qui le reçoit" et que surtout cette langue est malheureusement trop souvent émaillée de toutes les fleurs sacrées de la sacristie?

Quant à l'article 97, il pose le même problème de contrainte envers les distributeurs. C'est clair et c'est normal que l'on veuille se protéger contre les "MAJORS" américains qui dictent et imposent leurs volontés aux propriétaires de salles de cinéma. L'intention d'exiger 80% de contenu canadien dans la propriété des distributeurs est vraiment généreuse. Mais, là encore, M. le ministre a-t-il contacté les magnats américains avant de légiférer? Il est presque gratuit et naïf d'affirmer qu'Hollywood va modifier ses habitudes pour se plier à notre loi, nous qui ne représentons que 2% de son "domestic market". Ce serait l'idéal si cette réglementation favorisait effectivement nos entreprises québécoises sans nuire pourtant au public amateur. Sinon, faute d'entente, on peut craindre des effets négatifs dont le public et les cinéphiles feront les frais.

Et même à 100% canadiennes, nos compagnies pourraient-elles mettre certainement la main sur les films améri-

cains? Les "MAJORS" n'exigeront-ils pas des redevances même à 90% pour libérer le champ québécois de la distribution? Tout en se conformant à cette loi 109, ne pourront-ils pas établir leurs centres et leurs organismes de distribution à Toronto? Comme le disait joliment M. Michel Nadeau dans le Devoir du 23 décembre dernier: "Rien ne sert à Québec de jouer à la mouche du coche sous la feuille d'érable".

Le mieux, évidemment, serait d'unifier nos forces et de bâtir ici une organisation solide, capable de négocier avec le géant américain. En France, Mitterrand n'a-t-il pas signé une entente entre Gaumont et Columbia? Alors, au lieu de décréter, de légiférer sans aucune politique sérieuse préalable, pourquoi ne pas essayer d'en venir à un accord avec les "MAJORS"? Pourquoi toujours fermer portes et fenêtres pour nous isoler et ensuite pleurer et maudire ceux qui ne veulent pas nous aider alors qu'on leur tire dessus souvent pour les éloigner? Dans les jours douloureux que nous traversons, la cruelle leçon des décrets devrait vraiment nous instruire.

Un autre aspect politique de la législation cinématographique a été oublié. Pourquoi ne pas insérer dans la loi des structures d'accueil, de marketing, des protocoles d'entente afin d'attirer chez nous des producteurs de films étrangers et leur offrir nos incomparables sites comme plateau de tournage? L'an dernier, selon le Devoir du 5 février dernier, ce marché a généré 100 000 000 $ en retombées directes au Canada, sans compter la création et le maintien de plusieurs centaines d'emplois. Que font nos importantes délégations provinciales à Los Angeles? Nous n'avons recueilli au Québec qu'une infime partie de ce marché, l'Ontario, la Colombie britannique, l'Alberta et même la Nouvelle-Écosse rammassant le gros du magot.

(15 h 15)

Voilà ce qu'on appelle le dynamisme d'une loi et non une froide charpente législative. Il ne faudrait donc pas qu'une politique casanière nous isole du cinéma extérieur, du vent du large et qu'elle nous cantonne dans un ghetto culturel. Comme le disait Jean-Guy Dubuc, dans la Presse du 26 décembre dernier: La commission parlementaire devra étudier les dimensions idéologiques du projet de loi."

L'on pourrait poursuivre longtemps encore toutes ces remarques sur ce projet de loi qui est intéressant à plusieurs égards mais qui demeure incomplet tant que l'on ignorera les démarches politiques du ministre pour appuyer son projet, tant qu'on ignorera les intentions précises du ministre quant au soutien financier qu'il entend donner à cette industrie et tant qu'on ignorera aussi tout l'aspect de la réglementation qui doit inévitablement découler de ce projet de loi.

L'industrie de l'image de la région du Québec réclame, par exemple, des mesures concrètes de financement car, nous dit Jean-Robert Faucher, "si on nous offre une nouvelle caméra, il faut mettre des pellicules dedans". Il demandait même que les ministres Parizeau, Bérubé et Fréchette soient présents à notre commission parlementaire.

De son côté, aussi, le Conseil du patronat veut un débat sur les coûts impliqués et la répartition de ces coûts entre les contribuables. Selon le CPQ, le projet de loi suggère de mettre en place un ensemble de règlements dont le nombre et l'objet semblent nettement exagérés. De plus, on se demande ce que cette loi-cadre apportera de concret aux petites entreprises qui sont au bord de la faillite.

Voilà autant de questions et encore beaucoup d'autres non soumises aujourd'hui qui attendront des réponses, jointes à toutes les interrogations qu'apportent nos invités. Durant ces jours, nous étudierons ensemble tous ces problèmes et les suggestions que nous communiquera cette riche collection de plus de 40 mémoires. Quant à nous, de l'Opposition, nous vous écouterons avec attention et bienveillance afin que, avec votre concours et celui du parti ministériel, nous puissions façonner - et nous l'espérons -une loi sur le cinéma et la vidéo, pour le plus grand avantage de notre industrie et, aussi, pour notre peuple québécois. Merci.

Le Président (M. Paré): Merci, M. le député de Saint-Henri.

M. Richard: M. le Président.

Le Président (M. Paré): Oui, M. le ministre.

Réponse du ministre

M. Richard: Avec votre permission, je pourrais intervenir pour répondre aux questions que se pose mon collègue le député de Saint-Henri, mais je vais plutôt céder la place aux intervenants, à ceux qui ont accepté de présenter des mémoires dont plusieurs vont répondre aux questions que se pose le député de Saint-Henri. Alors, je ne voudrais pas occuper tout le temps mais je voudrais quand même faire une remarque. Quand le député de Saint-Henri a parlé de la guerre des dentelles, il m'a fait penser à la Guerre des boutons, mais quand j'ai entendu sa conclusion, j'ai compris qu'il songeait davantage à Pour qui sonne le glas. M. le Président, je cède la parole aux intervenants.

M. Marx: M. le Président.

Le Président (M. Paré): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Question de, comment dirais-je, procédure. Le ministre a dit, à la page 15 de son discours, que l'étude d'une firme indépendante révèle, et ainsi de suite. Est-ce que le ministre est prêt à déposer cette étude? Je sais que le ministre va faire état d'un certain nombre d'études, lors des séances de cette commission, et j'aimerais avoir ces études pour que nous puissions les évaluer nous-mêmes.

M. Richard: M. le Président, je prends l'engagement, immédiatement, de déposer toutes les études dont nous disposons.

M. Marx: Est-ce que le ministre a aussi des avis juridiques en ce qui concerne la validité d'un certain nombre des articles de ce projet de loi?

M. Richard: Non, à cet égard, il n'y a eu que des avis verbaux.

M. Marx: Verbaux...

M. Richard: Des opinions.

M. Marx: ...c'est-à-dire que vous avez téléphoné à un avocat et il vous a donné...

M. Richard: Non, non. Des opinions émises verbalement par...

M. Marx: Vous n'avez pas d'opinion de poids?

M. Richard: ...par le... M. Marx: Ce n'est pas...

M. Richard: ...secrétariat du comité de législation et par le contentieux du ministère de la Justice.

M. Marx: C'est-à-dire qu'on a téléphoné à un avocat pour avoir son opinion sans se munir d'une opinion écrite.

Le Président (M. Paré): M. le ministre.

M. Richard: II n'y a pas eu d'opinion écrite en la matière, sauf que le projet de loi a été examiné par les légistes et il semblerait que cela ne pose pas de problème à cet égard.

Le Président (M. Paré): J'inviterais maintenant l'Institut québécois du cinéma à prendre place ici à l'avant pour la présentation de son mémoire. J'inviterais le porte-parole à s'identifier et à nous présenter aussi les personnes qui l'accompagnent. La parole est à vous.

Institut québécois du cinéma

M. Godbout (Claude): M. le Président, M. le ministre des Affaires culturelles, j'aimerais présenter aux membres de la commission parlementaire, à ma gauche, Mme Zénaïde Lussier, qui est la conseillère juridique de l'institut et, à ma droite, Mme Louise Ranger, directrice générale de l'institut. Pour ma part, mon nom est Claude Godbout et je préside le conseil d'administration de l'Institut québécois du cinéma.

Si vous le permettez, M. le Président, j'aimerais maintenant passer à la lecture du mémoire de l'institut, intitulé Pour une politique de développement. En 1975, le gouvernement reconnaissait l'importance de donner au Québec une politique cinématographique lorsqu'il adopta la Loi sur le cinéma qui créait, entre autres choses, l'Institut québécois du cinéma. Moins de sept ans après l'adoption de la première loi favorable à l'industrie cinématographique québécoise, le gouvernement amorce une autre démarche majeure: doter le Québec d'une véritable loi-cadre sur le cinéma et la vidéo. Les membres de l'Institut québécois du cinéma sont heureux d'avoir été associés au processus de réflexion ayant amené, le 17 décembre dernier, le dépôt du projet de loi no 109; ils sont fiers de jouer pleinement le rôle de conseillers que leur avait octroyé la Loi sur le cinéma et de déposer le présent mémoire.

Le cinéma est devenu, pour de nombreuses sociétés, un puissant instrument d'affirmation culturelle et nationale. La Commission d'étude sur le cinéma et l'audiovisuel, constituée en janvier 1981, remettait en septembre 1982 au ministre des Affaires culturelles un rapport sur l'industrie du cinéma au Québec. Le rapport, intitulé fort à propos Une question de survie et d'excellence, soulignait que le lien qui unit aujourd'hui le cinéma et l'identité d'un peuple est tel qu'il constitue le motif le plus puissant pour justifier l'intervention de l'Etat québécois en faveur de son industrie cinématographique. Le rapport constatait que le cinéma et la vidéo sont des instruments dont le Québec doit dès aujourd'hui s'assurer la maîtrise et le rayonnement s'il veut prendre la place qui lui revient dans le concert des peuples.

Nous tenons à souligner ici le remarquable travail de la commission qui a su mettre en perspective l'ensemble des demandes du milieu du cinéma et faire preuve d'imagination au niveau des solutions proposées.

L'importance du cinéma dans la vie moderne est un phénomène qu'on ne se lasse pas d'analyser. Au Québec, comme le disait tout à l'heure le ministre, plus de 900 000 000 de spectateurs visionnent des

films de longs métrages sans aller au cinéma, ce qui confirme qu'un consommateur québécois voit en moyenne 150 films de longs métrages par année à la télévision, auxquels il faut ajouter les quelque 30 000 000 de spectateurs-films qui fréquentent les salles commerciales.

Le cinéma québécois et canadien occupe moins de 1% du temps-écran à la télévision et un maigre 3% de la programmation des salles de cinéma. Les films québécois, même présentés en aussi petite quantité, ont enrichi notre vie culturelle et servi plusieurs fois de véhicules à l'identité nationale.

Ces statistiques mettent l'accent sur l'urgence de passer à l'action si le Québec veut cesser de se nourrir presque exclusivement de films qui, même excellents, nous détournent de nous-mêmes, ne nous parlent jamais de notre société et nous encouragent à un exil culturel permanent. Le lien entre le cinéma et l'identité nationale est tel qu'à l'étranger le Québec n'est parfois connu que par les oeuvres de ses cinéastes. On peut, d'ailleurs, se poser la question: Un peuple qui ne possède pas de cinéma au XXe siècle peut-il avoir un visage pour lui-même et pour les autres?

D'autres raisons, toutes aussi importantes que celles que nous venons de citer, militent en faveur d'une loi qui encourage une industrie qui, pendant de longues années, a vécu dans l'ombre et qu'aujourd'hui le gouvernement reconnaît comme étant un outil important de sa politique culturelle.

Dès le début de l'exploitation du cinéma parlant sur le territoire du Québec, c'est grâce aux propriétaires de salles de cinéma et aux distributeurs indépendants que le public francophone a eu accès à des films français. Puis, le goût du public évoluant, ces mêmes distributeurs présentèrent, à côté de la production américaine distribuée par les "MAJORS", des films italiens, suédois, allemands et, plus tard, québécois. À la fin de la dernière guerre, ce sont encore les distributeurs indépendants qui financèrent les premiers longs métrages canadiens-français. Au cours des années soixante, Montréal devient le principal centre de production au Canada. L'industrie indépendante a été impliquée dans plus de 65% des longs métrages produits à ce jour au Québec.

Les oeuvres des cinéastes québécois dans les années soixante-dix accèdent à la notoriété dans les festivals internationaux. L'industrie, pour sa part, multiplie ses efforts pour percer les marchés étrangers et le Québec se transforme en partenaire important dans les coproductions. Les années quatre-vingt voient l'arrivée en force de l'industrie indépendante de la vidéo. Mais c'est également à cette époque que l'inflation frappe l'ensemble de l'économie et enregistre des ravages dans le cinéma. À tel point que l'industrie cinématographique la plus importante du Canada vit aujourd'hui en sursis et est même menacée de disparition.

On tourne de moins en moins au Québec. On tourne de moins en moins de films pour enfants, de films éducatifs, de films d'information, de messages publicitaires. Même si le documentaire, la fiction, le long, le moyen, le court métrage sont pratiqués au Québec depuis plus de 40 ans, il y en a très peu sur les écrans de la télévision et des salles de cinéma. Les plateaux sont déserts. Dix-sept longs métrages ont été produits en 1971, neuf en 1976, deux en 1981. Ce phénomène de décroissance, s'il se poursuivait, aurait des conséquences incalculables sur la vie culturelle et économique de notre société.

L'institut a été, depuis sa création en 1975, non seulement un soutien financier précieux pour l'industrie du cinéma, mais aussi un témoin privilégié de l'évolution de la création cinématographique. L'institut constitue un lieu d'échange et de concertation, un forum où ont été élaborés plusieurs projets d'action dont on retrouve l'esprit dans le projet de loi no 109. Le ministère met à la disposition de l'institut un montant annuel qui a été toujours de 4 000 000 $ au cours des quatre dernières années. L'institut a reçu à ce jour plus de 2600 demandes à tous les niveaux. C'est dire l'intérêt soulevé dans le milieu du cinéma pour les programmes de l'institut. Son taux moyen d'acceptation de 36% dénote l'impact certain sur la vie de l'industrie cinématographique québécoise.

Depuis quelques années, le pouvoir d'intervention de l'institut s'est amenuisé considérablement, principalement à cause de l'inflation qui a connu une augmentation moyenne de 20% par année depuis 1978. Plusieurs programmes d'aide à la création et à la production ont dû être mis en veilleuse, ce qui a provoqué d'énormes frustrations et fait parfois douter le milieu du cinéma de la volonté de l'État de soutenir son cinéma national.

Dans le contexte nord-américain où nous vivons, la cinématographie québécoise a besoin, en plus de l'aide financière de l'État, d'un train de mesures législatives pour protéger son industrie. La loi de 1975, dont je parlais tout à l'heure, avait opté pour le développement de l'industrie du cinéma et de l'audiovisuel, mais cette loi, dont une grande partie n'a pas été promulguée, comporte des lacunes et des omissions importantes. L'Institut québécois du cinéma est heureux de constater qu'après de si nombreuses années de discussion il y ait entre l'industrie et le gouvernement une identité de points de vue sur les grandes réformes à mettre de l'avant. (15 h 30)

Le projet de loi no 109 propose à l'industrie et aux créateurs un cadre de développement. Ceci constitue le principal mérite de la démarche et son originalité. Plusieurs des dispositions du texte du projet de loi dénotent du courage, de l'innovation et une volonté certaine de proposer à l'industrie cinématographique québécoise un projet global. Le projet de loi à l'étude corrige et évite certains excès de structures que nous avions pu craindre à la suite des conclusions de la Commission d'étude sur le cinéma et l'audiovisuel. Le projet de loi donne à la vidéo ses lettres de noblesse, ce qui correspond à la réalité et au développement technologique.

L'institut est heureux de constater que le cadre juridique proposé permette la poursuite de l'oeuvre entreprise par la Cinémathèque québécoise, qu'il apprécie et encourage. L'institut note le souci du gouvernement de préserver les droits relatifs à la propriété intellectuelle et salue l'arrivée de moyens pour parer à certains excès qui ont cours actuellement. L'institut considère que les dispositions de l'article 79 accéléreront, par des exigences raisonnables, la sortie des films en langue française.

L'analyse exhaustive que l'institut a fait du texte de loi l'a amené à commenter certains points qu'il juge particulièrement importants. L'institut qui est continuellement en action dans le milieu du cinéma croit sincèrement que la réflexion qu'il propose aux membres de la commission parlementaire mérite d'être entendue parce qu'elle s'inspire du souci de mettre en lumière non seulement les qualités, mais aussi les correctifs qui pourraient être apportés à une loi nécessaire au développement de notre cinéma national.

Le projet de loi no 109, dans sa forme actuelle, annonce déjà un virage important pour l'industrie du film et de la vidéo, suscite l'intérêt et provoque l'interrogation. L'institut adhère aux grands principes et objectifs qui sous-tendent le projet de loi à l'étude. L'institut considère également que la politique du cinéma et de la vidéo du gouvernement doit, tout en respectant la liberté de création et d'expression, respecter également la liberté de choix du public. L'institut partage la déception de plusieurs qui auraient souhaité voir le cinéma pour enfants faire partie des objectifs de la loi. La présence de cet objectif dans celle de 1975 avait fait l'unanimité, car c'est en cultivant nos rapports avec les jeunes générations que nous assurons un public pour notre cinéma national.

Pour réaliser les objectifs du projet de loi, le gouvernement met en place trois organismes: la Régie du cinéma et de la vidéo, l'Institut québécois du cinéma et de la vidéo et la Société générale du cinéma et de la vidéo. De plus, il compte sur une cinémathèque ou vidéothèque pour la conservation du patrimoine cinématographique et vidéo.

La Régie du cinéma et de la vidéo est l'organisme de contrôle qui surveille l'application de la loi. Cette structure de nature quasi judiciaire exerce des pouvoirs dont la portée pourra être considérable, mais dont la mesure sera réellement prise à travers la réglementation qu'elle élaborera. La régie exerce aussi une fonction de conseiller auprès du ministre sur toute question qu'il lui soumet.

L'Institut québécois du cinéma et de la vidéo est le siège du milieu cinématographique québécois où toutes les tendances s'expriment. Tourné vers la réflexion et la concertation, c'est à lui que reviennent les fonctions de conseiller le ministre sur l'élaboration et l'application de la politique du cinéma et de la vidéo, de la mettre en oeuvre selon le plan d'aide et les orientations qu'il détermine et d'en coordonner l'exécution à travers les programmes qu'il approuve.

La Société générale du cinéma et de la vidéo - élément neutre - voit à l'administration et à l'attribution des fonds que le gouvernement destine au secteur privé de l'industrie, conformément aux orientations, plan d'aide et programmes établis ou approuvés par l'institut.

Nous sommes devant un projet de loi qui vise une concertation avec l'industrie et propose des contrôles qui trouvent leur justification dans les moyens dont ils sont censés doter le milieu qu'ils assujettissent. Quelle sera la nature des contrôles, de quoi sera faite cette concertation?

L'institut est fier de voir le rôle de premier plan du milieu du cinéma confirmé par cette loi. Certains prophètes de malheur, qui entretenaient de sombres présages au sujet de sa viabilité, doivent aujourd'hui reconnaître que l'industrie du cinéma a fait non seulement preuve de vitalité, mais aussi de maturité. L'industrie innovait en matière de politique culturelle lorsqu'elle proposait, dès le début des années soixante-dix, la création d'un institut dirigé par ses pairs, où serait élaborée, en concertation avec le gouvernement, une politique d'aide pour le cinéma. L'épreuve du temps a fait en sorte que l'institut a gagné, en très peu d'années, la confiance et l'estime de la profession et du gouvernement. L'institut se félicite de ses bonnes relations avec les ministres responsables et remercie tous ceux dont la collaboration a été utile au cours de son existence.

La décision de confier l'administration des programmes de l'institut à la Société générale du cinéma et de la vidéo suscite diverses réactions. L'institut se fait l'écho et partage les craintes qui se sont exprimées dans le milieu de voir le pouvoir réel du milieu diminuer.

Personne ne conteste le souci de transparence du ministre dans l'administration et l'attribution des sommes que le gouvernement destine au secteur du cinéma et de la vidéo. Plusieurs s'interrogent et craignent, cependant, tout changement qui pourrait avoir comme résultat que l'administration des affaires du cinéma se fonctionnarise. Les sommes disponibles pour le cinéma étant forcément limitées, il serait, en effet, pour le moins discutable d'injecter des sommes dans une nouvelle structure plutôt que dans des projets.

Nous sommes d'avis que le texte de la loi doit être explicite sur certains aspects fondamentaux. Il doit être clair qu'il revient à l'institut, avec le ministre, de déterminer les budgets alloués pour les programmes et l'administration de la Société générale du cinéma et de la vidéo.

L'objectif premier de la réforme au niveau de l'institut étant de dégager ce dernier de l'administration quotidienne des programmes et du plan d'aide, nous soumettons que son esprit pourrait être respecté et le milieu, à juste titre, rassuré si l'expression "plan d'aide" était définie ou précisée, afin qu'il soit clair que le plan d'aide détermine les budgets de l'Institut québécois du cinéma et de la vidéo et de la Société générale du cinéma et de la vidéo tant pour leur administration que pour celle des programmes.

L'Institut québécois du cinéma est favorable à l'élargissement de sa structure pour accueillir d'autres représentants du milieu. Il craint, cependant, que le nombre de douze administrateurs prévu dans le projet de loi n'annonce une machine lourde, si l'on considère que les tâches confiées à l'institut exigent de la part de ses administrateurs une présence active et suivie. L'institut propose donc de réduire le nombre d'administrateurs d'au moins deux représentants, sans pour autant éliminer de représentants du milieu. L'industrie se verrait donc dotée d'une structure de fonctionnement représentative, bien qu'allégée.

L'institut est d'avis que le ministre doit confier au conseil d'administration de l'Institut québécois du cinéma et de la vidéo le soin de choisir, parmi les huit représentants du milieu, son président et son vice-président.

L'institut conseille au ministre d'introduire dans le texte de la loi, à l'article 49, l'obligation pour le ministre responsable de consulter l'institut lors du choix des administrateurs de la Société générale du cinéma et de la vidéo. Nous savons jusqu'à quel point le ministre veut faire disparaître toute notion, voire apparence, de conflit d'intérêts. Le problème du conflit d'intérêts est un problème avant tout de structure. L'institut et la société sont deux organismes distincts et nous soumettons que l'inclusion dans le texte de la loi d'une obligation de consulter l'institut lors du choix des administrateurs de la société ne fait que confirmer, sur un point précis fort important, le rôle de conseiller de l'institut, sans risquer d'engendrer de conflits d'intérêts. Cette consultation n'est qu'une manifestation de la concertation qui est la clef de voûte de la politique d'aide que le gouvernement veut mettre de l'avant.

L'institut est également d'avis que le nombre prévu de cinq administrateurs pour la Société générale du cinéma et de la vidéo devrait être révisé à la baisse. Selon notre expérience de l'administration des programmes, un nombre de trois administrateurs, incluant le président-directeur général, est suffisant.

L'institut approuve la volonté du ministre de créer une Régie du cinéma et de la vidéo. La régie aura surtout pour fonctions de classer les films et de contrôler par l'émission de permis et le dépôt d'entente l'industrie du cinéma et de la vidéo.

Certaines dispositions du projet de loi transformeront en profondeur le contexte dans lequel seront produits, distribués et exploités les films québécois et étrangers sur le territoire québécois.

En instituant une billetterie, le gouvernement se donne le moyen d'obtenir rapidement des renseignements pertinents concernant l'exploitation du cinéma au Québec. Ces informations sont de toute première importance. La création d'une billetterie constitue la première étape vers l'instauration de primes au succès et de programmes d'aide automatique basés sur le nombre d'entrées ou les recettes des films.

L'institut partage l'avis de la Commission d'étude sur le cinéma et l'audiovisuel qui considère que le contrôle du marché national constitue un des objectifs prioritaires que doit se fixer l'État lors du dépôt d'une loi-cadre en matière de cinéma. Le gouvernement a raison d'encourager la réappropriation du marché de la distribution par les distributeurs québécois, car il n'y a pas de doute, sans une consolidation de ce secteur, il n'y aura pas de cinéma national au Québec.

Les moyens prévus à l'article 97 du projet de loi représentent une nette amélioration. Force nous est de constater que les dispositions en cause laissent la place aux détours et à l'instauration de compagnies-relais qui risquent de compromettre l'objectif recherché. Il est vrai que la régie établira des règles d'attribution de permis qui pourraient représenter des correctifs appropriés. L'institut, à l'instar du milieu, préférerait lire dans le texte de la loi une ligne directrice qui corresponde à la volonté politique exprimée par l'article 97.

Comme nous l'avons déjà souligné, la

régie a des pouvoirs fort étendus en matière de réglementation, ce qui aura un impact considérable sur l'industrie cinématographique québécoise. La tenue d'audiences publiques constitue un moyen fort efficace pour la régie d'avoir l'opinion du milieu sur des matières qui marqueront profondément son évolution. Tous les règlements énumérés dans la loi ayant une grande importance, le milieu devra avoir la possibilité d'être entendu lors d'audiences publiques à tous les niveaux.

Il est impossible de compléter ce mémoire sans s'attacher à des considérations financières. L'institut a accueilli avec enthousiasme l'engagement du ministre "à l'effet que les sommes mises à la disposition du secteur privé du cinéma par le gouvernement seront sensiblement augmentées au cours des années à venir." Le ministre a souligné, à l'occasion du dépôt du projet de loi, que les questions de fonds de soutien, d'incitatifs fiscaux, de politique de commandite et d'acquisition de documents audiovisuels font actuellement l'objet de discussions approfondies avec ses collègues des Finances, du Trésor, des Communications et de l'Éducation et seront soumises ultérieurement au Conseil des ministres. Idéalement, M. le ministre, et pratiquement, la politique de commandite et d'acquisition de documents audiovisuels aurait dû accompagner le dépôt du projet de loi.

Des données difficilement contrôlables, mais sûrement fort conservatrices évaluent à plusieurs millions de dollars par année les sommes consacrées par le gouvernement pour produire ses propres films de commandite. Imaginons l'impact qu'aurait dans l'industrie l'injection à court terme de telles sommes.

Le gouvernement a sans doute compris que le milieu est prêt à le suivre dans sa démarche actuelle et à s'astreindre à des mesures de contrôle parce qu'il considère ces derniers comme des outils nécessaires à la mise en place de mécanismes rationnels d'attribution de l'aide de l'État. Bien que le texte de loi ne soit pas explicite au chapitre des garanties financières et que le milieu comprenne que le ministre ne puisse à l'heure actuelle, selon le système en vigueur, donner des garanties formelles, l'institut ne peut que souligner l'urgence d'accroître les sommes destinées à un secteur majeur de l'économie.

L'Institut québécois du cinéma compte sur le gouvernement pour soutenir avec encore plus de fermeté qu'autrefois l'ensemble des intervenants du monde du cinéma et de la vidéo. Au Québec comme partout ailleurs, le cinéma est devenu aussi important de nos jours que la tradition orale dans les anciennes sociétés. C'est autour de l'écran de cinéma que se groupent des foules silencieuses, émues ou bruyantes. C'est autour de l'écran de télévision que se retrouvent les familles, les enfants, les gens seuls. Le cinéma, comme le conteur d'autrefois, échauffe les esprits, émerveille, nourrit les rêves. Le cinéma enseigne et divertit. Créer, produire, présenter et distribuer du cinéma, c'est une façon de mieux se connaître et, également, d'ouvrir une fenêtre sur le monde. Je vous remercie. (15 h 45)

Le Président (M. Paré): Merci beaucoup, M. Godbout. La parole est maintenant à vous, M. le ministre.

M. Richard: M. Godbout, je vous remercie d'avoir tenu à venir présenter vous-même le mémoire de l'Institut québécois du cinéma. Je vous sais gré de la qualité de cette intervention. J'aurais maintenant quelques très brèves questions à vous poser. Voici la première: J'aurais souhaité que vous décriviez un peu plus en détail, quoique de façon sommaire, je le comprends, la situation qui prévaut en matière de production cinématograpique. Vous êtes l'un de ceux qui connaissent le mieux cette situation. Il serait intéressant, je pense, pour les membres de la commission que vous nous parliez du nombre de films produits, par exemple, dans les diverses catégories et de l'importance de la réduction dans la production des films au Québec ces dernières années.

M. Godbout: Je vais...

M. Richard: Je pourrais vous dire tout de suite l'autre question.

M. Godbout: Oui.

M. Richard: En ce qui a trait à l'article 97, je suis assez d'accord avec vous, mais j'aurais souhaité que l'institut nous formule une recommandation plus précise. Quand il parle que la loi devrait émettre une ligne directrice plus ferme pour éviter la constitution de ce que vous appelez les compagnies-relais. Je pense qu'il aurait été intéressant de voir quelle serait la suggestion de l'Institut québécois du cinéma là-dessus.

M. Godbout: Pour répondre à votre première question, M. le ministre, je pense que je vais commencer par les choses les plus positives et je terminerai par les choses négatives. Dans le texte, il est dit que l'institut a, au cours des années, investi dans plusieurs projets de films et a produit un certain impact dans le milieu de l'industrie du cinéma. J'aimerais donner ici quelques chiffres pour quantifier cette affirmation. L'impact des trois dernières années: la participation financière de l'institut s'est concrétisée dans 12 longs métrages de fiction au cours des trois dernières années. J'en cite quelques-uns en passant, que Mme Major n'a pas cités: Les fleurs sauvages, Les doux aveux, Les yeux rouges, Coffin, Les Plouffe,

etc. Aussi, 12 longs métrages documentaires; 12 moyens métrages documentaires; 20 courts métrages de fiction; 7 séries télédocumentaires; 3 séries de téléfiction et celle dont on parle le plus actuellement et qui est Bonheur d'occasion. L'institut a également aidé à la scénarisation de 93 projets de films dans les deux dernières années, dont 42 scénarios de longs métrages de fiction et plusieurs documentaires, en plus de l'aide que nous apportons au lancement des films, à l'exploitation et aux propriétaires de salles de cinéma.

Par ailleurs, je me sens obligé et en devoir de donner quelques chiffres de la situation actuelle qui est assez dramatique. Selon des enquêtes que nous avons fait faire à l'institut et, d'ailleurs, avec la collaboration la plus entière des gens de l'industrie, il y a une diminution de la production de l'ordre de 35% à 40% dans les films publicitaires en 1982 par rapport à 1981. Il faut expliquer qu'on peut avoir différentes opinions au sujet des films publicitaires, mais n'empêche que c'est un type de produit qui sert énormément à consolider l'infrastructure d'une industrie. Donc, quand on parle d'une perte de 40%, c'est une perte sérieuse et dramatique.

Quant à la commandite gouvernementale, la baisse de production est de 16%, de 1981 à 1982. Mais, par ailleurs, elle est de 72% si nous nous reportons à 1976. Ces 72%, finalement, le gouvernement du Québec y est impliqué largement puisque, depuis 1976, très peu de films de commandite ont été confiés au secteur indépendant. Là aussi, nous sommes en présence d'un produit qui génère des profits et qui a un effet extrêmement positif sur l'infrastructure de l'industrie. L'augmentation du coût de production - j'en ai cité, tout à l'heure, des bribes - est de l'ordre de 124% au niveau du film publicitaire en 1982 par rapport à 1976, soit une moyenne annuelle de 20%. C'est dire que l'aide de l'institut dans un tel contexte est très difficile. D'autre part, une analyse faite par l'institut démontre une augmentation de 82,5% également dans le long métrage. Donc, 20,6% également.

Je pense que l'industrie est dans une situation extrêmement précaire. Je pense qu'on doit s'avouer que l'endettement dans les entreprises de cinéma est important et que, passé un certain seuil d'endettement -je pense que tout le monde en conviendra -il devient difficile de rester en affaires. Je sais qu'il y a des années et des années de travail investies autant par les créateurs que par les producteurs pour créer cette industrie. Il serait dommage, au moment même où le gouvernement s'apprête à déposer sa loi 109, que l'industrie se trouve presque en voie de disparition.

Est-ce que j'ai apporté les précisions que vous souhaitiez avoir, M. le ministre?

M. Richard: Oui. Je vous remercie, M. Godbout.

M. Godbout: J'avoue que, pour l'article 97, nous n'avons pas de recommandation de la part de l'institut. Nous soulignons le fait que nous sommes tout à fait en harmonie avec l'article de loi 97 pour ce qui est de voir la propriété des entreprises de distribution être à 80% québécoise ou canadienne. Par ailleurs, nous nous sentons l'obligation morale de souligner que certains arrangements ou la création de certaines compagnies fantômes pourraient indirectement ne pas apporter les fruits que nous souhaitons voir retomber dans l'industrie de la distribution. C'est pourquoi nous avons souligné ce phénomène et, comme il n'y a pas au monde une industrie de la production cinématographique qui ait pu survivre sans un secteur de la distribution fort, nous soulignons cette petite imperfection dans la loi et nous n'avons pas de recommandation à faire présentement.

M. Richard: Vous signalez aussi, à juste titre, je pense, que, par le biais de la régie, on pourrait probablement remédier à ce problème.

M. Godbout: Effectivement, une certaine réglementation, à la suite d'une certaine analyse de la situation, pourrait apporter des correctifs à la situation si jamais le problème se manifestait et était endémique.

M. Richard: Une dernière question, M. Godbout. Vous suggérez de réduire de 12 à 10 le nombre de membres du conseil d'administration de l'institut. Compte tenu du nouveau rôle de l'institut qui n'aura plus à gérer les programmes, est-ce qu'on peut véritablement faire cette suggestion de réduction de 12 à 10 en alléguant la lourdeur de la structure puisque même mon collègue, le député de Saint-Henri, avait tendance à proposer que ce soit la parité, 6-6, si j'ai bien entendu? Il me semble que quatre personnes émanant du public ou même d'autres associations à l'égard desquelles on serait moins engagé, moins lié que ce que le projet de loi propose à l'égard des huit associations... Je vous souligne qu'au-delà d'une vingtaine de groupes ont demandé d'avoir un siège au conseil d'administration de l'institut. Vous vous imaginez qu'en pareille circonstance réduire de 12 à 10... Il y a le public cinéphile et l'Association des critiques de films, par exemple, qui demandent d'y siéger. Il m'apparaît intéressant d'élargir plutôt que de comprimer le conseil d'administration, compte tenu du fait que le rôle de l'institut sera

essentiellement différent et qu'il n'aura plus à gérer les programmes. Alors, on peut difficilement parler, il me semble, de lourdeur administrative.

M. Godbout: Écoutez, je m'inspire d'autres lois. Quand nous réclamons cette chose-là et que nous évoquons la lourdeur, nous nous inspirons d'autres lois qui relèvent, d'ailleurs, du ministère des Affaires culturelles, où il y a d'autres conseils d'administration. Par exemple, la Société de développement des industries culturelles et des communications a neuf membres. Je sais que, par ailleurs, ce conseil d'administration ne joue pas du tout le rôle que vous proposez de voir l'institut jouer. L'Institut de la recherche et de la culture a également neuf membres. Nous soulignons qu'actuellement nous sommes sept et que, du jour au lendemain, nous allons passer à douze. Nous sommes d'accord pour l'ouverture sauf qu'il faut admettre que le travail demeurera un travail de réflexion, un travail pratique également, parce que c'est l'institut qui approuvera les programmes, donc qui devra les étudier; c'est l'institut qui proposera les orientations; c'est l'institut qui fera le travail d'analyse et de recherche. Donc, douze personnes autour d'une table -je le dis en toute simplicité - nous paraissait beaucoup. Mais si, par ailleurs, c'est la façon, selon vous, d'assurer une meilleure représentativité du milieu, nous convenons que c'est une chose extrêmement faisable. Nous aurions préféré avoir un conseil d'administration allégé; c'est ce que notre texte soulignait.

M. Richard: Je vous remercie encore une fois, M. Godbout.

Le Président (M. Paré): M. le député de Saint-Henri.

M. Hains: Je vous félicite, moi aussi, M. Godbout, pour votre beau mémoire. Il est bien structuré et rempli de louanges pour le plan lui-même. Je pense que beaucoup sont méritées, d'ailleurs, mais vous maintenez, quand même, un peu comme nous, certaines restrictions.

D'abord, à propos des sommes à investir dans le domaine cinématograpique, vous vous dites d'accord avec la création d'un fonds d'aide sur le modèle que propose le rapport Fournier. Mais vous dites aussi: "II faudrait également que des sommes plus importantes soient tout de même consenties si on veut parler vraiment d'un cinéma national." Dans cette optique, j'aimerais savoir si vous jugez que les 25 000 000 $ dont parle le rapport Fournier sont suffisants. Quelle devrait être l'orientation -c'est là-dessus que j'insiste - que vous allez donner à ce fonds vers le côté commercial et aussi vers le côté de la qualité? Il faudrait que ce ne soit pas simplement un fonds qui existe pour l'industrie elle-même, mais qu'il existe aussi pour promouvoir la qualité; si vous préférez, on pourrait dire le côté culturel de l'utilisation de ce fonds?

Le Président (M. Paré): M. Godbout.

M. Godbout: Concernant la qualité et l'utilisation des fonds pour la culture, le nouvel Institut québécois du cinéma devra s'y pencher. Mais je ne crois pas qu'il s'écartera des gestes qui sont posés actuellement par l'actuel institut. Les projets à l'institut reçoivent une aide sélective qui est accordée à la suite de recommandations faites par des jurys, qu'il s'agisse de projets de scénarisation, qu'il s'agisse de projets de production. Ces jurys sont autonomes et n'émanent pas du tout de la structure de l'institut et sont représentatifs du milieu. Donc, aide sélective, selon nous, égale choix par des jurys. Je ne vois pas pourquoi cette chose-là changerait.

Pour ce qui est des 25 000 000 $ suggérés par M. Fournier, je crois qu'on va tous s'entendre ici. 25 000 000 $ demain, pour l'industrie du cinéma et de la vidéo - il ne faut pas oublier qu'il y aurait aussi l'industrie de la vidéo à aider - nous paraît un chiffre tout à fait correct. Le rapport Fournier proposait un système, qui n'a pas été retenu, mais qui est peut-être encore à l'étude, de taxation dans différents secteurs de notre industrie au niveau de la consommation; donc, une taxe qui était la taxe d'amusement sur les salles de cinéma. Il y avait également une taxe sur la câblodistribution; il y avait une taxe de 2 $, je crois, sur la vente des cassettes, une taxe sur la publicité et l'attribution, disons, d'une somme annuelle par le ministère des Affaires culturelles, venant du fonds consolidé. Il y avait une qualité, tout au moins un état d'esprit, dans cette proposition Fournier, à savoir que c'étaient le travail et les résultats des gens de l'industrie qui allaient nécessairement gonfler ou ne pas gonfler le fonds. Par la suite, et M. Fournier et ses commissaires ont imaginé qu'un tel système pouvait bon an mal an rapporter 25 000 000 $ à un fonds d'aide. (16 heures)

Pour ce qui est des suggestions qui ont été faites par le rapport de la Commission d'étude sur le cinéma et l'audiovisuel concernant la distribution de ces sommes en primes à la qualité, en primes automatiques et tout, elles ont notre accord, mais, pour le moment, les sommes d'argent qui seront allouées à l'institut n'étant pas connues, il est difficile de fixer nos priorités. Effectivement, nous aimerions mettre tout un train de mesures d'aide sur pied aussitôt que la loi sera adoptée, mais, selon les fonds qui

seront alloués au milieu du cinéma, à l'institut et à la Société générale du cinéma et de la vidéo, il faudra faire des choix. Je ne suis pas sûr qu'on pourra atteindre tous les buts visés par le rapport Fournier.

M. Hains: Merci. En page 13, vous parlez de la nécessité de clarifier les champs respectifs de fonctionnement de l'institut et de la société. Est-ce que je pourrais vous demander concrètement de nous parler rapidement des petits conflits possibles que vous verriez entre les deux?

M. Godbout: Je pense que oui. Je vais même retourner à la page 12. L'institut craint par la création de cette nouvelle société la fonctionnarisation des affaires du cinéma. Je pense que je dois m'expliquer plus clairement sur cette image. Pour commencer, ceux qui s'occuperont d'attribuer les fonds que l'État destine au secteur indépendant de la vidéo et du cinéma ne seront plus du milieu. Les administrateurs ne seront obligatoirement plus du milieu. Notre crainte, c'est que les gens qui travailleront à l'intérieur de la SGCV risquent d'être également coupés du milieu. C'est une crainte et elle pourrait se réaliser parce qu'on a vu souvent certaines structures s'éloigner petit à petit des besoins du milieu. Mais il s'agit surtout de la création d'une nouvelle structure, comme vous l'avez souligné tout à l'heure, et toute structure -peu importe ce qui se dira aujourd'hui - a tendance à grossir. Il arrive très souvent qu'après quelques années les budgets d'exploitation dépassent de beaucoup les budgets consacrés à la réalisation des objectifs. Il y a des exemples dans le milieu du cinéma qui nous font réagir et craindre cette chose. Par exemple, vous avez l'Office national du film, vous avez Radio-Canada et, également, Radio-Québec, dont les budgets d'exploitation sont plus gros que les budgets de réalisation. Donc, je crois que notre crainte est tout à fait justifiée.

Pour éviter une chose semblable, nous aimerions que soit écrit dans la loi que le plan d'aide détermine les budgets de la Société générale du cinéma et de la vidéo et que le plan d'aide soit déterminé entre le ministre et l'institut. Je peux vous donner un exemple de l'état d'esprit qui prévaut actuellement à l'institut. En 1979-1980, il y avait 21 employés permanents à l'institut. Malgré l'augmentation du travail et de la demande, nous avons réussi, par un certain travail de rationalisation, à réduire de 21 employés à 14 employés. C'est donc dire l'effort fait par le conseil d'administration actuellement pour limiter l'expansion d'une structure que l'on considère être au service du milieu et qui ne doit pas manger tous les fonds que le gouvernement destine à l'industrie. Donc, je crois avoir répondu à votre question.

M. Hains: Maintenant, vous suggérez aussi que les membres de la société soient nommés par l'institut, évidemment de concert avec le ministre. Je pense que vous suggérez cela.

M. Godbout: Non, pas nommés. Non, que le ministre...

M. Hains: ...consulte...

M. Godbout: ...consulte...

M. Hains: ...l'institut...

M. Goldbout: ...l'institut lors du choix.

M. Hains: C'est cela.

M. Godbout: Mais évidemment, la nomination relève toujours du ministre et du Conseil des ministres.

M. Hains: Maintenant, pour y aller d'une façon plus abrupte, est-ce que vous verriez la disparition, disons comme nom, de la société qui ferait vraiment partie de l'institut et qu'il ne reste plus que deux organismes comme ce que nous avons actuellement?

M. Godbout: Semble-t-il que la création de la Société générale du cinéma et de la vidéo règle un problème qui a été soulevé à l'occasion. Du fait que les administrateurs actuels de l'institut sont des gens de l'industrie, il y a, semble-t-il, risque d'apparence de conflits d'intérêts. Donc, comme je le soulignais tout à l'heure, en créant une société distincte de l'institut pour ce qui est de l'attribution des fonds, on élimine l'apparence des conflits d'intérêts. C'est pour cette raison, en se disant: Maintenant qu'il n'y a plus de conflits d'intérêts, ni d'apparence de conflits d'intérêts, pourquoi M. le ministre ne consulte-t-il pas l'institut lors du choix des administrateurs?

Le Président (M. Paré): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Merci, M. le Président. J'ai juste deux ou trois questions précises. Premièrement, j'aimerais qu'on s'entende sur les chiffres, parce que chacun donne des chiffres assez différents. Les chiffres que j'ai ici, c'est, par exemple, qu'il y a au Canada 1037 salles de cinéma, 280 au Québec, 279 en Ontario, que le nombre d'entrées payantes au Canada était de 89 000 000, 18 000 000 au Québec, 35 000 000 en Ontario et que la taxe d'amusement au Canada était - je ne sais

pas si c'est tellement important - de 8 600 000 $, 5 400 000 $ au Québec, seulement 500 000 $ en Ontario et ainsi de suite.

Juste pour prendre des chiffres en ce qui concerne le nombre d'entrées payantes au Québec dans les salles de cinéma, est-ce que c'est vraiment 18 000 000 ou 29 000 000 comme vous avez dit, ou 30 000 000 comme le ministre l'a dit? Je vois que vous n'avez pas discuté cette question avec le ministre auparavant parce que vous n'avez pas les mêmes chiffres.

Le Président (M. Paré): M. Godbout.

M. Godbout: Parlons de 30 000 000 de spectateurs-films. J'ai mentionné 29 000 000 dans le texte. J'ai corrigé tout à l'heure, c'est 30 000 000 de spectateurs-films dans les salles de cinéma. Si vous mettez le coût du billet à 3 $ ou 4 $ -disons que c'est peut-être meilleur marché à certains endroits en province; des fois, peut-être plus élevé à Montréal - selon les informations qui sont faciles à retrouver auprès du Bureau de surveillance du cinéma actuel, les revenus dans les salles de cinéma, selon moi, dépassent 50 000 000 $ par année et non pas les 18 000 000 $ que vous avez cités.

M. Marx: 18 000 000 de spectateurs, 35 000 000 en Ontario et 18 000 000 au Québec.

M. Godbout: J'aimerais savoir d'où vous...

M. Marx: Cela vient du mémoire de l'Association canadienne des distributeurs de films, à l'annexe...

M. Godbout: Les 18 000 000 auxquels vous faites référence, je me permets de croire qu'il s'agit plutôt d'argent. Il s'agit des 18 000 000 $ que les "MAJORS" font sur le territoire du Québec et non pas de 18 000 000 de spectateurs.

Le Président (M. Paré): M. le ministre.

M. Richard: Peut-être que je pourrais juste corriger. Dans leur mémoire, les "MAJORS" américains ne font état que de leurs propres films, alors que si on va au "Canadian Films Digest, 1982, Yearbook", on voit très bien: "Number of paid admissions: 18 463 000".

M. Marx: C'est ce que je viens de dire.

M. Richard: Ah! C'est parce qu'il faut ajouter à cela les "drive-in theaters".

M. Marx: Cela fait combien? Cela ne fait pas 12 000 000.

M. Godbout: Je peux juste préciser que je n'avais pas vu ce document. Donc, je ne l'ai même pas lu, ni analysé. Les 29 000 000 ou les 30 000 000 de spectateurs-films, c'est tiré du rapport de la Commission d'étude sur le cinéma et l'audiovisuel et cela me semble tout à fait conforme et plausible sur le territoire du Québec.

M. Marx: D'accord. Je vois que la taxe sur les spectacles au Québec est deux fois plus élevée qu'en Ontario, mais on discutera de cela dans un autre mémoire.

À l'article 97 de la loi, on prévoit que le distributeur pourrait être une compagnie contrôlée par des Canadiens. D'accord?

M. Godbout: Oui.

M. Marx: En ce qui concerne la culture québécoise, y a-t-il une différence si le distributeur est contrôlé par des gens à Toronto ou par des gens à New York, ou par des gens à Chicago? Y a-t-il vraiment une différence pour la culture québécoise, pour l'industrie du film au Québec, si le contrôle de ces compagnies reste à Toronto, ou à New York, ou à Chicago?

M. Godbout: Je vous répondrai oui. Cela a une très grande importance.

M. Marx: Comment?

M. Godbout: Dans la mesure où les distributeurs locaux, s'ils distribuent les films étrangers, qu'ils soient américains ou qu'ils soient d'autres origines, vont réinvestir certaines de ces sommes dans du cinéma québécois. Actuellement, l'argent retourne à Hollywood pour y fabriquer des films qui reviennent ici refaire de l'argent qui retourne à Hollywood. Tous les pays qui ont un cinéma national ont été obligés, à un certain moment, de passer à l'action. Chacun a trouvé son moyen. Je crois que, lorsqu'on regarde le territoire du Québec, le marché du Québec, les 6 000 000 que nous sommes, le moyen choisi par le gouvernement se justifie, une certaine somme d'argent restant entre les mains des distributeurs nationaux. Et on sait ce qu'ils ont apporté dans le passé à la production québécoise. Vous savez, les années où il y a eu le plus de films produits au Québec, ce sont les années où les distributeurs ont investi. Cette chose-là a cessé vers les années 1976-1977, parce que, eux aussi, ont eu des problèmes et ont cessé d'investir dans le cinéma.

M. Marx: II y a national et national. Je pense que, lorsque le ministre a parlé de national, il a voulu parler du Québec. Quand

vous avez parlé de national, vous avez voulu parler du Canada. Ma question est: Supposons que les distributeurs sont contrôlés par les compagnies canadiennes à Toronto, par des Anglais de l'Ontario, ou que ces distributeurs sont des compagnies américaines contrôlées par des Anglais à New York ou par des Américains, si vous voulez, si c'est moins péjoratif, à Chicago, y aurait-il une différence pour l'industrie du film au Québec? Les gens de Toronto vont-ils investir plus dans l'industrie du film au Québec?

Le ministre a dit à la page 7 de son discours: "Sans vouloir lui jeter la pierre, on doit constater que l'intervention du fédéral n'est pas étrangère à cette récession du film québécois" et ainsi de suite. Il a fait sa chanson sur la faute du fédéral et des Anglais, mais y a-t-il une différence si le contrôle reste avec des compagnies anglophones à Toronto ou si le contrôle reste avec des compagnies contrôlées par les Américains à New York ou à Chicago? Je ne vois pas pourquoi des compagnies anglophones à Toronto seraient plus généreuses vis-à-vis de l'industrie québécoise du film.

M. Godbout: La seule province où il y a une infrastructure de distribution qui est assez solide et qui, bon an mal an, distribue pas mal de films, c'est le Québec. Au Canada anglais, vous trouvez très peu de distributeurs de films. Depuis fort longtemps, ils ont été avalés, assimilés et évacués par les distributeurs américains ou internationaux, tandis qu'au Québec vous avez depuis de nombreuses années...

M. Marx: Donc, il n'y a pas de problème. Tout le monde est ici, il n'y a pas de problème.

M. Godbout: Mais si vous donnez à ces distributeurs nationaux, québécois ou canadiens... Parce qu'il y a des distributeurs canadiens anglais qui oeuvrent à Montréal et qui ont déjà investi dans le cinéma francophone. Il faut comprendre que le cinéma est un produit international et qu'on a déjà vu des distributeurs de langue anglaise investir dans du produit francophone. Donc, ce qui est souhaité par la loi et le moyen qui y est proposé, c'est que la distribution des films étrangers passe par ces entreprises qui sont localisées à Montréal et qui ont des liens et des racines avec l'industrie du cinéma depuis près de quarante ans. (16 h 15)

M. Marx: Mais est-ce que...

M. Godbout: Je crois que cela fait une différence par rapport à une propriété ou à un conseil d'administration qui serait à Chicago ou à New York. Je crois que c'est substantiel comme différence.

M. Marx: Mais est-ce que les films sont déjà distribués au Québec par les distributeurs qui se trouvent à Montréal? C'est cela?

M. Godbout: Non. M. Marx: Non.

M. Godbout: Non. Beaucoup de films qui sont distribués actuellement dans les salles de cinéma sont distribués par des entreprises américaines.

M. Marx: Où se trouvent-elles? Où sont leurs sièges sociaux?

M. Godbout: Ils sont soit à Toronto, soit à New York, soit à Los Angeles.

M. Marx: C'est cela, la question que je vous ai posée. Supposons que ces distributeurs, qui se trouvent maintenant à Toronto, à Los Angeles et ailleurs, forment une compagnie avec leur siège social à Toronto, une compagnie canadienne à Toronto pour faire la distribution des films au Québec et au Canada, qu'est-ce que cela ajouterait qu'on ait une compagnie, une entité canadienne qui fasse cela de Toronto? Cela ne va pas aider davantage l'industrie du film au Québec.

M. Godbout: Cela, c'est un scénario possible. Il y a d'autres scénarios; je pense que la loi en prévoit d'autres. C'est un scénario. Effectivement, vous pourriez avoir la concentration, mais je pense...

M. Marx: Tout ce que la loi exige, à l'article 97, c'est que les distributeurs soient contrôlés par des compagnies canadiennes. Cela peut être des compagnies canadiennes à Toronto, à Calgary ou je ne sais où. Cela peut être une compagnie canadienne à Montréal, qui a un bureau ici, qui a même son siège social à Montréal, mais tout se fait à Toronto. On a déjà vu cela ici.

M. Godbout: Oui, on le voit encore.

M. Marx: C'est-à-dire que "canadiani-ser" les compagnies, cela ne veut rien dire. Il n'y a pas de garanties dans cela.

M. Godbout: Je crois, effectivement, que c'est un scénario possible. J'ai souligné dans mon texte tout à l'heure qu'il y avait un certain risque que le but visé ne soit pas atteint.

M. Marx: Bien, voilà!

M. Godbout: Par ailleurs, la régie peut - je crois que c'est à l'article 107; non, ce n'est pas à l'article 107, c'est à l'article

159, je crois, si je ne me trompe pas -déterminer les droits et obligations que chacune des catégories de permis confère à son titulaire. Je crois que, si le gouvernement du Québec trouve qu'on lui fait un coup de la Brinks une deuxième fois, il passera tout simplement à l'action.

M. Marx: Oui. J'aurais une dernière question qui touche cet article 97. Je ne sais pas si vous avez demandé à votre contentieux de se pencher sur la légalité de cet article. C'est-à-dire que l'article 97 prévoit qu'une corporation qui veut distribuer des films au Québec doit avoir 80% d'actionnaires canadiens d'accord? Supposons - heureusement, le ministre est aussi avocat, il doit connaître cela - que la compagnie distributrice est une compagnie à charte fédérale, on ne peut pas, au Québec, décider qui doit être actionnaire d'une telle compagnie à charte fédérale. Supposons que c'est une compagnie à charte fédérale à Montréal et que 90% des actionnaires sont des Américains, le Québec n'a pas la compétence voulue pour exiger que les actionnaires de cette compagnie à charte fédérale soient d'une nationalité ou d'une autre, d'une citoyenneté ou d'une autre. Donc, ce serait une façon très facile d'échapper aux exigences de l'article 97.

Mme Lussier (Zénaïde): Si vous me le permettez, là, je pense que je parle à mon ex-professeur de droit constitutionnel.

M. Marx: Ah bon!

Mme Lussier: C'est sûr que, lorsque...

M. Marx: Elle va avoir la bonne réponse.

Mme Lussier: ...le gouvernement légifère en matière d'échanges et de commerce, il entre sur un terrain glissant, pour le moins. Je ne voudrais pas interpréter le ministre actuel, mais je pense que, si le terrain avait été moins glissant, ce n'est peut-être pas "canadien" qu'on aurait mis à l'article 97.

C'est ainsi qu'à l'article 91, je pense, c'est assez explicite, M. Marx, que quand on s'avance sur les échanges de commerce ou de compétence fédérale... Je pense qu'on va avoir l'occasion d'en parler; il y a d'autres personnes qui vont en parler au cours des prochains jours. Je suis certaine que le contentieux de M. Richard, a vu qu'il y a quand même certains arrêts Parsons, Shannon, Home Oil, Dominion Stores qui viennent au secours, d'une certaine tendance qui dit que, même lorsqu'une loi comporte des aspects de réglementation des échanges et du commerce, elle n'est pas forcément invalide parce que promulguée par une autorité provinciale. Là, on entre dans un monde de nuances que je pense, vous êtes encore mieux que moi capable d'évaluer. C'est ainsi que la réglementation...

Une voix: Manifestement, vous allez dépasser le maître.

Mme Lussier: Surtout quand je parle de nuances et que je n'insiste pas. C'est ainsi que, lorsque la régie aura à parler de réglementation, c'est là que cela va se jouer et c'est là qu'est toute la subtilité. On en reparlera probablement.

M. Marx: Tout ce qu'on avait souligné au ministre, c'est qu'on ne peut pas exiger de chaque distributeur au Québec, qui distribue des voitures ou qui distribue des chaussures et qui a une charte fédérale, d'avoir des actionnaires canadiens. Ce n'est pas notre système. J'aimerais demander au ministre s'il peut demander à son contentieux un avis juridique sur cette question. Je pense que la question juridique est importante. Cela saute aux yeux qu'on n'atteindra pas ce que le ministre veut atteindre par l'article 97. Il y a tellement de façons de contourner cet article que j'imagine que le ministre aimerait bloquer tous les trous avant que ce soit trop tard. J'aimerais demander au ministre de demander à son contentieux si cet article, plus précisément le paragraphe 2 de l'article 97, s'applique aux compagnies à charte fédérale. Ce serait intéressant si le ministre pouvait nous déposer un avis sur cette question.

M. Richard: M. le Président, je pense qu'on a déjà amorcé un peu la réponse à cela. C'est que la jurisprudence, autant que je sache, n'interdit pas tout contrôle. J'aurais bien voulu, au nom de la souveraineté culturelle prônée par toutes les formations politiques à l'Assemblée nationale, restreindre cela au mot "québécois". Je pense que, comme on l'a évoqué tout à l'heure, j'étais en terrain un peu trop glissant et, plutôt que de voir contester l'article 97, j'aime mieux y aller de façon indirecte. On a rappelé, tout à l'heure, que toute l'industrie présentement de la distribution est au Québec et je pense que prochainement on aura des nouvelles à cet égard, d'ailleurs. D'autre part, je pense que, par le biais de la régie et par le biais des programmes, il y a moyen d'échapper à ce que ceux qui voudraient contourner le paragraphe 2 de l'article 97 seraient tenté de faire.

M. Marx: Mais le ministre a trop vite donné son opinion juridique sans vérifier avec son contentieux. Je pense que ce serait utile d'avoir une opinion sur la validité de ces dispositions parce que le Québec ne peut pas exiger d'une compagnie à charte fédérale

d'avoir des actionnaires canadiens ou américains ou quoi que ce soit, exactement comme le fédéral ne peut pas exiger d'une compagnie québécoise d'avoir des actionnaires de telle et telle citoyenneté. Pour avoir la sécurité judiciaire, le ministre de la Justice a dit l'autre jour qu'on a écarté les deux chartes dans la loi 111. En ce qui concerne cet article de la loi 109, j'aimerais demander une autre fois au ministre de bien vouloir nous fournir un avis juridique de son service du contentieux. Je pense que ce n'est pas trop demander. Cela prendra peut-être deux pages et 20 minutes d'un de ses experts, pour produire un tel avis.

M. Richard: Des opinions verbales ont été émises. Je demanderai maintenant qu'il y ait des opinions écrites que je soumettrai à la commission avec plaisir. Voilà pourquoi vous devriez, avec moi, M. le député, réclamer la souveraineté culturelle.

M. Marx: Ce sont les libéraux qui ont pensé à cela avant vous autres.

Une voix: Oui, mais nous autres, on va aller plus loin.

Le Président (M. Paré): Vous aviez terminé? La parole est maintenant au député de Rousseau.

M. Blouin: M. le Président, M. Godbout... Pardon?

Une voix: On vous écoute.

M. Blouin: D'accord. J'étais content que le député de D'Arcy McGee aborde cette question, qui m'avait frappé aussi. Je pense qu'on en a fait le tour de façon assez exhaustive. J'espère que les garanties que le ministre fournira sauront rassurer le député de D'Arcy McGee et qu'effectivement, il n'y aura pas de danger que, parce que la distribution est fondamentale, cette mesure, qui est essentielle dans la loi, nous glisse entre les mains et que la situation redevienne comme elle était. Donc, je n'aborderai pas de nouveau ce sujet qui a été abondamment discuté.

Toutefois, j'aimerais savoir, M. Godbout - il y a différents types de cinémas -pourquoi souhaiteriez-vous que le cinéma pour enfants ait un traitement à part. Est-ce que ce cinéma, comme bien d'autres, ne pourrait pas bénéficier des mesures générales qui sont contenues dans les orientations qui sont indiquées dans le projet de loi? Pourquoi voulez-vous absolument donner un statut particulier au cinéma pour enfants et non pas à d'autres catégories de cinéma également qui pourraient nous demander ce genre d'attitude privilégiée?

M. Godbout: Je suis content que vous posiez la question. Effectivement, pourquoi du cinéma pour enfants et pourquoi pas certains types de cinéma pour d'autres catégories de citoyens? Le cinéma québécois est, dans son expression, un cinéma encore jeune. Selon moi et selon l'avis de plusieurs, il faudrait que le cinéma québécois se retrouve le plus rapidement possible dans les écoles afin que, petit à petit, se créent des habitudes, des liens affectifs disons, entre le futur spectateur adulte et le cinéma québécois. De plus, il y a, je crois, 700 000 enfants dans les écoles. Le ministère de l'Éducation a besoin de films éducatifs. Quand on dit "film pour enfants", cela peut être des films de divertissement, mais cela peut être également des films à caractère éducatif. Donc, le film pour enfants est un créneau que l'État devrait privilégier. De plus, le cinéma pour enfants est probablement un des créneaux qui, sur le plan industriel, serait le plus rentable, parce qu'il y a une forte demande à l'extérieur du Québec. C'est un public qui se renouvelle sans arrêt.

Donc, on atteindrait, en favorisant le cinéma pour enfants, plusieurs buts à la fois. On ferait d'une pierre deux coups. La loi de 1975 le citait. On aurait cru valable de le citer de nouveau dans le texte du projet de loi no 109.

M. Blouin: Cela va. Merci.

Le Président (M. Paré): La parole est maintenant à Mme la députée de L'Acadie. (16 h 30)

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. En page 7, vous parlez du nombre de demandes que vous avez reçues concernant l'assistance financière, si je comprends bien. Votre taux moyen d'acceptation de 36% dénote l'impact certain sur la vie de l'Institut cinématographique québécois. Est-ce que vous avez une liste -vous avez cité un certain nombre de longs métrages, de courts métrages, de documentaires, etc. - de tous ces longs et courts métrages que vous avez subventionnés depuis que vous existez et les montants qui ont été alloués à chacun de ces films?

M. Godbout: Mme la députée ou le député...

Mme Lavoie-Roux: C'est devenu la députée, maintenant.

M. Godbout: II me fera plaisir de vous faire parvenir les bilans de l'institut, depuis son ouverture jusqu'à maintenant, dans lesquels vous trouverez la liste des films. Cela est le bilan de cette année, le rapport annuel où vous retrouvez la liste des films et des projets auxquels l'institut a accordé

son aide financière.

Mme Lavoie-Roux: Quels sont les critères d'acceptation ou de rejet? Je comprends que cela appartient à des jurys dont on respecte l'autonomie et le jugement, mais il reste que vous avez un taux moyen d'acceptation de 36% qui indique qu'à partir de certains critères, vous en éliminez. Quels sont les critères d'acceptation ou d'élimination? Est-ce que cela est établi quelque part? Enfin, au moins un grand cadre.

M. Godbout: II y a des critères d'admissibilité. Ce n'est pas n'importe quel réalisateur ou entreprise qui peut déposer un projet à l'institut. Il y a déjà une sélection qui se fait. Quand un projet a franchi l'étape de l'admission à l'institut, il est analysé à deux niveaux. Le premier niveau est auprès d'un jury qui le juge sur le plan de la qualité. Est-ce que ce scénario est plus valable que tel autre scénario pour avoir de l'aide de l'institut et entrer en production? Est-ce que telle idée de film mérite d'être aidée pour qu'on en développe un scénario? Ces choses-là sont, règle générale, discutées par des jurys autonomes, comme je le disais tout à l'heure, où nous retrouvons des représentants du milieu, c'est-à-dire soit des réalisateurs, soit des producteurs, soit des distributeurs, donc des gens du milieu qui ont une certaine expérience du cinéma et qui, je pense, peuvent juger les demandes à l'étape où elles nous sont soumises. Il demeure qu'il n'est pas facile de juger d'une idée par rapport au scénario que cela donnera. Ces jurys interviennent dans des étapes et nous essayons de les choisir, de les rendre de plus en plus compétents et de plus en plus précis dans leur façon de procéder.

Par ailleurs, à l'intérieur de l'institut, il y a quand même un budget attaché à la production des films. Ces budgets sont étudiés par notre personnel. Quand le personnel s'est prononcé en faveur d'un projet et que sa faisabilité financière est évidente, parce que l'aide de l'institut, très souvent, ne peut atteindre que 20% du budget d'un film... Quand on considère qu'un film coûte 2 000 000 $ et que notre aide est de 150 000 $, il faut quand même vérifier le sérieux du projet et sa faisabilité financière. Cet avis sur la faisabilité, cet avis sur la qualité est remis au conseil d'administration qui prend la décision d'aider ou de ne pas aider un projet.

Mme Lavoie-Roux: À la page 15, au troisième paragraphe, vous demandez que le ministre confie au conseil d'administration de l'institut, après que les membres du conseil d'administration auront été nommés, le soin de choisir, parmi eux, le président et le vice-président. J'aimerais connaître vos raisons. Au haut de la page 12 - il y a une certaine relation - quand vous parlez de la Société générale du cinéma et de la vidéo, élément neutre, vous ne semblez pas vous inquiéter que tous les membres soient nommés par le ministre, sauf que vous demandez d'être consulté. Est-ce que vous avez pensé à une formule autre que la nomination de tous les membres par le ministre ou sans consultation de qui que ce soit? Dans le fond, s'il s'agissait uniquement d'administrer des fonds, je comprendrais la volonté du gouvernement de nommer des administrateurs compétents pour administrer un certain nombre de millions. Ce sont eux aussi qui voient à l'attribution des fonds. Alors, c'est un rôle supplémentaire où, si je comprends bien, ils devront porter des jugements que vous portiez par le passé. Est-ce que vous croyez que c'est la meilleure formule? Ou est-ce qu'il y aurait une formule qui pourrait rendre plus autonome à l'égard d'un gouvernement, quel qu'il soit, l'attribution de ces fonds?

M. Godbout: Je suis obligé de faire un peu l'historique de cette chose-là. À l'heure actuelle, les membres de l'Institut québécois du cinéma sont nommés par le ministre à la suite d'une consultation avec le milieu et les cinq associations représentatives. Donc, ce que propose M. Richard dans la loi 109, pour ce qui est de la nomination des huit représentants du milieu à l'institut, ne diffère pas de la manière qui est utilisée actuellement pour choisir les administrateurs de l'institut.

Là, nous aimerions voir le texte de loi changer.

Mme Lavoie-Roux: Pour quel motif?

M. Godbout: Tout simplement parce que lors de la consultation pour le choix des administrateurs de la SGCV, qui d'ailleurs vont attribuer les fonds comme vous le dites, je pense que l'institut a trop de responsabilités, conseille le ministre sur trop de choses pour ne pas être son conseiller là-dessus également. Ces administrateurs ne seront pas du milieu du cinéma, puisqu'ils ne devront détenir aucune action, aucun intérêt dans le milieu, d'où, à mon avis, l'importance de très bien les choisir. Je pense que le ministre aurait avantage, lors du choix de ces administrateurs et du président-directeur général de cette nouvelle société, de consulter les membres de l'institut. Pour ce qui est de l'élection du président et du vice-président par le conseil d'administration, c'est le système retenu par la loi de 1975. Nous vivons sous ce régime actuellement.

Mme Lavoie-Roux: Le conserver.

M. Godbout: Nous aimerions le conserver.

Mme Lavoie-Roux: Merci.

Le Président (M. Paré): Alors, M. Godbout, Mme Ranger et Mme Lussier, merci beaucoup pour la présentation de votre mémoire et d'avoir accepté de répondre à nos questions.

J'inviterais maintenant le deuxième organisme, le Conseil du statut de la femme, à prendre place à l'avant, s'il vous plaît!

Bienvenue, je demanderais à la porte-parole du groupe de vouloir s'identifier, s'il vous plaît, et présenter les personnes qui l'accompagnent.

Conseil du statut de la femme

Mme Bonenfant (Claire): M. le Président, M. le ministre, M. le représentant de l'Opposition, Mmes membres de la commission, MM. les députés membres de la commission, il me fait plaisir de vous présenter, à ma gauche, Elizabeth Powers, qui est la directrice de notre service de l'information, et Lise Dunnigan, de notre service de recherche, qui travaille depuis longtemps sur le dossier de la pornographie. Je suis Claire Bonenfant. Je suis la présidente du Conseil du statut de la femme.

Je ne sais pas s'il se trouve ici des personnes pour s'étonner que le Conseil du statut de la femme ait quelque intérêt à venir se présenter devant une commission parlementaire qui doit traiter de la Loi sur le cinéma et la vidéo. Bien sûr, comme nous sommes citoyennes à part entière, tous les projets de loi doivent nécessairement nous intéresser. Mais celui-ci nous intéresse à un autre point de vue et, histoire de jouer à visage découvert, je voudrais, avant même de commencer la lecture de notre mémoire, vous dire que notre premier objectif, en nous présentant à cette commission parlementaire et en nous intéressant à ce dossier, c'est d'être bien sûres que dans ce projet de loi il n'existe aucune porte, il n'existe aucune faille, aucun endroit où pourrait passer la permission d'exploiter des salles où on pourrait projeter ce qu'on appelle le cinéma X c'est-à-dire la pornographie violente. Alors, les jeux sont clairs. Nous nous intéressons aussi à d'autres articles de la loi. Nous en traiterons tout au long de notre mémoire. Je veux vous dire tout de suite aussi que ce n'est pas d'hier que le Conseil du statut de la femme s'intéresse au problème de la pornographie. C'est l'arrivée sur le marché de la télévision payante qui vient de relancer ce dossier, mais pour nous, c'était un dossier qui a été continuellement chaud depuis plusieurs années.

Déjà, en 1978, la politique d'ensemble du Conseil du statut de la femme. Pour les Québécoises: égalité et indépendance, recommandait entre autres au ministère de la Justice d'effectuer une recherche conjointe dans une perspective féministe afin de travailler à trouver les moyens de contrer ce phénomène. En 1980, au conseil, nous avons fait, à l'aide de trois stagiaires un document qui a été publié qui s'appelait aussi Réflexion pour une approche féministe de la pornographie. Dans cela, les auteurs recommandaient de désamorcer la tendance à l'apathie et à l'indifférence en démontrant qu'il est possible et réalisable d'agir concrètement contre la prolifération de la pornographie. On recommandait aussi de sensibiliser les corps policiers à exercer une plus grande vigilance à l'égard de la distribution. Encore une fois, on a publié un autre document qui s'appelait Aperçu des actions et démarches entreprises sur le dossier de la pornographie au Québec. Ensuite, toujours en 1981, on a publié un autre document qui s'appelait La pornographie et l'érotisation de la violence. En décembre de la même année, le CSF a comparu devant la Commission d'étude sur le cinéma et l'audiovisuel au cours de laquelle on annonçait cette intention que nous avions de nous opposer - intention que nous concrétiserons aujourd'hui - fortement à la création de salles X.

En plus, à la commission Fournier, nous affirmions que, quel que soit l'avenir du bureau de surveillance ou l'évolution de ses activités, le conseil entendait explorer les mécanismes appropriés pouvant être employés pour les femmes pour la défense de leurs droits collectifs et individuels. Enfin, nous avons publié récemment un dossier sur la pornographie dans la Gazette des femmes qui est l'organe officiel d'information du Conseil du statut de la femme. Ce numéro de la Gazette a été tiré à 40 000 copies, ce dossier s'intitulait Faire la lumière.

Les pressions des femmes et leur analyse objective de l'impact des salles de cinéma X leur ont fait gagner cette bataille temporairement. Mais la victoire dépasse largement cet enjeu. Les femmes du Québec ont décidé de mener le combat sur tous les fronts. C'est pourquoi, en tant qu'organisme représentant les intérêts des femmes, nous nous présentons aujourd'hui à cette commission parlementaire concernant la Loi sur le cinéma et la vidéo.

C'est la fin de mon introduction, monsieur, je passe au mémoire.

À la suite du dépôt du projet de loi no 109 sur le cinéma et la vidéo, nous désirons à nouveau nous exprimer sur certains points correspondant à des avis déjà transmis à la Commission d'étude sur le cinéma et l'audiovisuel et au ministère des Communications. Il nous apparaît nécessaire de réitérer nos positions concernant: 1 la

représentation des intérêts de la population et des femmes en particulier à l'intérieur de l'organisme chargé de la surveillance du cinéma. 2 La formulation et la publication des critères devant présider à l'émission de visas et au classement des films. 3 Le droit de recours de la population en regard des décisions de l'organisme chargé de la surveillance et, finalement, la question de la violence et surtout de la violence sexuelle envers les femmes au cinéma. (16 h 45)

L'actuel projet de loi apporte peu de réponses à ces grandes préoccupations.

Au chapitre de la représentation des intérêts du public, la composition prévue de la Régie du cinéma et de la vidéo ne répond en rien à nos attentes. Nous tenons à ce que la responsabilité du classement des films soit confiée à des personnes qui puissent veiller à la protection des droits de la personne et, en particulier, des droits des femmes. À cet effet, nous proposons une formule de nomination par consultation auprès d'organismes publics et privés, préoccupés de la défense de ces droits, tel que nous l'avions suggéré dans notre commentaire dans le rapport de la commission Fournier.

Par ailleurs, la régie étant chargée de plusieurs autres fonctions pour lesquelles ces mêmes personnes n'auraient éventuellement ni compétence, ni intérêt, il nous semble qu'il y aurait intérêt de leur conférer un statut particulier à l'intérieur de la régie en les réunissant, par exemple, en un comité interne chargé uniquement du classement des films.

Sur la question des normes de classification des films, nous ne trouvons, dans l'actuel projet de loi, aucune disposition assurant leur élaboration, ni leur publication. Comme nous l'avions déjà fait valoir auprès de la commission Fournier, il s'agit là, selon nous, d'une fonction que devrait remplir l'organisme chargé de la surveillance du cinéma si l'on espère réduire, dans la mesure du possible, la part d'arbitraire dans son processus de décision, et permettre aux citoyens et citoyennes de le mieux comprendre et évaluer. Le processus réglementaire nous apparaîtrait adéquat pour assurer la tenue de débats et la large publication de normes adoptées.

Les audiences publiques prévues à l'article 128 devraient d'ailleurs fournir à la régie l'occasion de recevoir directement l'opinion de la population sur ce sujet et de réviser périodiquement l'adéquation de ces normes ou de leur application.

Concernant le droit de recours de la population à l'égard des décisions de l'organisme qui n'est pas davantage prévu dans le projet de loi à l'étude, nous le considérons nécessaire et justifié, au même titre que celui qui est accordé aux personnes qui soumettent des films pour classement.

La révision des décisions devrait être effectuée par des personnes autres que celles qui l'ont formulée au départ, sans toutefois exiger des démarches, des délais ou des coûts qui décourageraient l'utilisation de ce recours.

En considération de ce qui précède, nous demandons au législateur d'amender le projet de loi de façon à prévoir, à l'intérieur de la régie, un comité interne formé de membres nommés selon la formule déjà mentionnée, c'est-à-dire par consultation, et qui disposerait d'une autonomie semblable à celle des comités internes prévus par la Loi sur le conseil supérieur de l'éducation. Nous recommandons de confier à ce comité la tâche d'élaborer des normes de classification des films, de les rendre publiques et de consulter périodiquement la population à ce sujet dans le cadre des audiences de la régie.

Nous recommandons, en outre, que ces personnes puissent constituer l'instance de révision des décisions de classement des films prises par la régie lorsqu'une demande à cet effet est présentée par un groupe ou par un individu.

En ce qui a trait au problème de l'incitation à la violence à l'endroit des femmes, nous constatons avec plaisir que l'article 77 du projet de loi mentionne que la régie émettra un visa d'exploitation pour un film pour autant, et je cite: "Qu'il n'encourage ni ne soutient, à son avis, la violence sexuelle." Il s'agit là d'une modification intéressante en regard de la loi présentement en vigueur puisqu'elle correspond à un problème qui ne cesse de s'aggraver et face auquel les groupes de femmes et la population en général ont souvent tenté d'attirer l'attention du gouvernement.

Nous sommes cependant d'avis que cet article serait amélioré si on utilisait la formule suivante: "Pour autant qu'il n'exploite, n'encourage ni ne soutient la violence sexuelle ou la violence gratuite ou excessive."

Par ailleurs, même si le mandat du Conseil du statut de la femme le rend d'abord préocuppé de la situation de l'ensemble des femmes, nous ne pouvons qu'appuyer les efforts déployés par plusieurs groupes du milieu au sujet de l'exploitation sexuelle et des agressions contre les mineures, d'autant plus qu'il s'agit, le plus souvent, d'adolescentes. Nous suggérons donc comme autre motif de rejet d'un film le fait qu'il encourage ou soutienne l'exploitation sexuelle des personnes mineures.

Le Conseil du statut de la femme regrette qu'étant donné les événements des dernières semaines - vous savez que nous avons été victimes, encore une fois, je ne dirai pas de discrimination, mais nos locaux ont été insalubres pendant plusieurs semaines,

ce qui a retardé considérablement nos travaux - nous ne sommes pas en mesure de commenter plus en détails les dispositions de ce projet de loi, ni d'examiner avec tout le soin nécessaire les nombreuses recommandations formulées par les groupes de femmes et autres groupes du milieu mobilisés sur la question. Nous ne pouvons que mentionner rapidement certains points du volumineux mémoire déposé par le front commun et qui sera défendu, je crois, demain par le front commun contre la pornographie auquel le Conseil du statut de la femme peut s'associer immédiatement. Ces recommandations sont les suivantes: La réduction à trois ans de la durée du mandat des membres de la régie ainsi que le souhait que le gouvernement marque mieux sa volonté de changement dans l'exercice de la surveillance du cinéma en nommant de nouvelles personnes à l'intérieur de cet organisme, étant donné les nombreuses critiques suscitées par l'actuel bureau de surveillance.

Nous appuyons aussi la tenue d'audiences publiques dès le début du mandat de la régie comme préalable à l'élaboration de normes de classification. Nous appuyons la modification de l'article 73 qui semble réduire le mandat de surveillance uniquement aux films "présentés en public", ce qui pourrait, entre autres, compromettre l'application de l'article 34 du règlement adopté en mars 1982 sur les entreprises de télévision payante; nous appuyons la modification de l'article 164, qui restreint l'éventail des personnes autorisées à vérifier l'application de la loi en matière de classement des films. Il n'y a déjà pas beaucoup de personnes, si on enlève aussi les policiers et qu'on laisse seulement quelques officiers de surveillance, je pense que cela serait très inefficace. Nous appuyons également l'amendement de l'article 169, pour ajouter aux sanctions prévues la révocation du permis lors d'une seconde infraction à la loi.

En conclusion, nous rappelons au gouvernement que le mouvement des femmes se montre de plus en plus mobilisé face à l'extension nouvelle des moyens techniques utilisés pour perpétuer la dépendance, l'exploitation, l'abus et la violence dont elles sont victimes quotidiennement. Toute la population, hommes et enfants inclus, est affectée par ce phénomène. Nous voulons donc donner notre appui entier aux luttes et aux démarches entreprises par ces groupes. Nous souhaitons que leurs voix soient mieux écoutées et que les droits des femmes soient mieux protégés dans la rédaction finale de ce projet de loi. Nous rappelons également, encore une fois, l'existence d'un politique d'ensemble de la condition féminine adoptée par le gouvernement, il y a déjà plusieurs années, et dont une éventuelle politique du cinéma et de la vidéo doit tenir compte pour contribuer à établir de meilleures conditions de vie pour toutes les Québécoises. Je vous remercie.

Le Président (M. Paré): Je vous remercie beaucoup, Mme Bonenfant. La parole est maintenant à vous, M. le ministre.

M. Richard: Je vous remercie, Mme Bonenfant, d'avoir tenu à vous présenter dans des conditions que je sais pas très faciles devant la commission puisque vous êtes presque obligée de nous quitter bientôt.

Mme Bonenfant: Je peux garder du temps pour répondre à la commission. Il y a des priorités, vous savez.

M. Richard: Je vais céder la parole à d'autres intervenants.

Le Président (M. Paré): Mme la députée de Chomedey.

Mme Bacon: II est évident que les positions du conseil sont toujours très précises. Je pense qu'on n'a rien de nouveau aujourd'hui. Déjà votre prise de position sur le projet de loi est vraiment précise. Je pense que vos exigences aussi sont des plus réalistes dans ce que vous nous présentez aujourd'hui. Même si vous nous dites que vous avez eu des conditions assez pénibles pour faire votre travail, on doit vous féliciter de ce qui a été préparé par le Conseil du statut de la femme et qui, pour nous, est très clair, à la lecture de votre document. Je ne voudrais pas, moi non plus, vous retenir plus longtemps que le ministre, mais il y a quand même un point qui m'inquiète un peu. Quand on parle d'amende, quand on parle d'un retrait de permis, de ces choses-là, c'est toujours arbitraire. Et à la page 5 de votre mémoire, vous parlez de l'amendement à l'article 169 pour ajouter aux sanctions prévues la révocation du permis, lors d'une seconde infraction. Pourquoi pas une troisième infraction? Pourquoi pas une quatrième infraction? Est-ce que cela n'est pas un peu arbitraire?

Mme Bonenfant: Quand on décide du nombre d'infractions, il faut toujours s'arrêter quelque part. Le principe qu'on a voulu énoncer surtout, c'est qu'il faut vraiment que ces sanctions soient sévères parce que - dans ce cas-ci comme dans d'autres cas; je pense, en particulier, aux heures d'ouverture des magasins ou des trucs comme cela - finalement, les coûts d'administration comprennent les amendes qu'on aura à verser si on enfreint la loi quand les amendes sont modérées comme elles le sont présentement. Ce qu'on a voulu affirmer, c'est l'obligation de mettre des

dents. C'est-à-dire qu'on réévalue si c'est une première, deuxième ou troisième offense, mais ce que nous voulons affirmer, c'est que la perte du permis est de nature à décourager les récidives, alors que les amendes peuvent être incluses dans les coûts d'administration d'une compagnie.

Mme Bacon: Dois-je comprendre qu'on ne doit pas mettre les offenses sur le même pied? C'est un peu votre perception, en fait, de ce problème. On ne doit pas mettre toutes les offenses sur le même pied, comme c'est la loi actuellement.

Mme Bonenfant: Non. C'est-à-dire qu'une première offense peut être un impair, mais lorsque des compagnies récidivent et exploitent sur cette base on fait fi de la loi, mais on paie toujours nos amendes régulièrement et on recommence. Le sens de l'intervention du conseil, c'est que les amendes, les sanctions doivent être de nature à décourager la récidive.

Mme Powers (Elizabeth): Je voudrais ajouter une précision. Dans le texte de loi, déjà, il est prévu que la régie puisse suspendre ou révoquer un permis dès la première infraction à la loi. C'est simplement une nuance qui est ajoutée, à savoir qu'au moment de la seconde infraction on considère que la révocation du permis devrait s'ensuivre, même si la régie peut déjà prendre cette décision à la première infraction.

Mme Bacon: C'est toujours difficile de qualifier la gravité de l'offense. Si on met les offenses sur un même pied, je pense que c'est assez difficile de le faire, à ce moment-là, d'être assez précis en disant: Dès la deuxième infraction. Parce que les offenses ne sont pas toujours de la même nature.

Mme Bonenfant: Non, c'est évident. Mme Bacon: D'accord.

Le Président (M. Paré): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Nous nous sentons toutes très concernées par ces questions, c'est peut-être ce qui explique pourquoi il n'y a que des femmes députées qui sont intervenues jusqu'à maintenant. Je ne sais pas si mes collègues voudront intervenir également.

Mme Bonenfant, vous avez dit un peu plus tôt que vous appuyiez sans réserve, semble-t-il, le mémoire du front commun contre la pornographie...

Mme Bonenfant: Non.

Mme Harel: Ah? D'accord.

Mme Bonenfant: Excusez-moi, je veux spécifier tout de suite que nous n'avons eu le temps d'examiner à fond que les recommandations que nous avons appuyées. Nous appuyons la démarche, mais c'est pour cette raison que nous n'avons pas voulu endosser le mémoire complètement. Les seules recommandations qui sont appuyées formellement par le conseil sont celles qui ont été énumérées. Par contre, nous appuyons leur démarche et nous nous sentons très à l'aise; seulement, comme c'est important de venir en commission parlementaire et que les propos que nous y tenons soient retenus par le législateur, compte tenu du peu de temps que nous avions, nous n'avons pu endosser complètement le mémoire. Je m'excuse de vous avoir interrompue.

Mme Harel: Non, très bien. Mais je vous pose quand même la question sur le contenu des amendements que vous recherchez au projet de loi. Déjà, à l'article 77, on peut y lire que la régie peut ne pas accréditer un film si tant est qu'il porte atteinte ou encourage ou soutienne la violence sexuelle. Là, vous recherchez comme amendement, vous élargissez, je pense, le cadre en faisant référence à toute violence gratuite ou excessive. Il s'agit, à ce moment-là, de violence physique ou de violence morale en général et non pas spécifiquement de violence sexuelle, si je comprends bien. Mais vous ajoutez également le terme "exploite". Je pense que, dans le mémoire du front commun, on s'en tient à une appellation très générale de "présente". Il s'agirait, semble-t-il, dans ce mémoire, d'interdire toute présentation. Là-dessus, je voudrais connaître votre point de vue. Je ne suis pas la première à le dire, je lisais dernièrement que des organismes internationaux, par exemple, soulignaient qu'il y avait peut-être eu deux millions de personnes torturées ou emprisonnées dans différents pays depuis une décennie. Je pense à des films sur la question de présenter... On ne fera pas référence à plusieurs films... (17 heures)

Mme Bonenfant: Non.

Mme Harel: ...mais je pense à un film que j'ai vu cet été au festival des films du monde, qui s'intitulait "Vent de sable", un film algérien produit par la télévision algérienne, un film extraordinaire, qui présentait un homme qui effectivement battait sa femme immédiatement après un accouchement parce que c'était sa sixième fille. Cette présentation de la violence était dans un contexte où elle était en fait sujet à des critiques. Les thèmes sont très importants, parce le mieux est l'ennemi du

bien. Dans quelle mesure une vision lénifiante de la société n'est-elle pas justement sujette à ne pas permettre aux personnes d'être confrontées à cette violence qui enfin assaille, contre laquelle il faut réagir?

Mme Bonenfant: Lise va répondre parce qu'elle a travaillé beaucoup les deux mémoires.

Mme Dunnigan (Lise): Je n'ai pas la copie sous la main du mémoire du front commun contre la pornographie, mais la citation que j'en ai extraite dans le document que j'ai avec moi dit bien que le front commun recommandait comme motif qu'un film exploite, encourage ou soutient explicitement, et le reste s'ensuit, et non pas le fait que le film "présente" un thème de violence sexuelle. Je pense que c'est très évident. D'ailleurs, on peut trouver deux exemples très proches de la problématique qui nous touche, soit le film "Mourir à tue-tête", qui traitait de la question du viol, et le film "C'est surtout pas de l'amour", qui traitait de la question de la violence dans la pornographie, qui présentaient tous les deux des images de violence assez explicites, mais qui, en aucune façon, ne pouvaient soutenir ou encourager l'exercice d'une telle forme de violence dans notre société, bien au contraire.

Mme Harel: Permettez-moi de vous demander pourquoi renchérir en ajoutant "exploite" si déjà on interdit les films qui "encouragent ou soutiennent".

Mme Dunnigan: Disons que c'est la formulation qui avait été proposée par le front commun. On considérait que, sans qu'un film prenne explicitement une position idéologique en faveur de la violence, le fait de faire une exploitation gratuite de la violence envers les femmes - je pense que c'est le cas d'une grande partie; d'une partie de plus en plus grande de la pornographie dans le moment - nous amène un peu au même résultat de renforcer...

Mme Bonenfant: Je pense que c'est un plus que d'ajouter le mot "exploite" à "encourage", parce qu'il y a une nuance entre l'exploitation et l'encouragement. Même si on ne l'encourage pas, on peut exploiter ce type d'images d'une façon sensationnelle sans nécessairement avoir cette notion d'encouragement et dire: Oui, oui, oui bats ta femme! Il peut y avoir une exploitation de l'image sans avoir un encouragement, nécessairement. Je pense que cela ajoute. En mettant "exploite" plus "encourage", je pense qu'on cernait toute la problématique de l'expression de la violence au cinéma. C'est dans ce sens-là qu'on l'a ajouté. Enfin, je demeure persuadée que cela couvre encore davantage.

Mme Harel: Vous sentez-vous à l'aise avec la formulation actuelle de l'article 77?

Mme Bonenfant: Non. Il y a des mots qui me mettent mal à l'aise, c'est "si elle est d'avis" parce qu'il n'y a pas de consultation. Il n'y a pas de comité consultatif pour définir des critères, pour définir sur quoi on va juger les films. On refuse toujours de nous donner des barèmes puis des critères sur lesquels on juge, puis là on va dire "si elle est d'avis". Cela veut dire beaucoup d'arbitraire, et cela me laisse très mal à l'aise, "si elle est d'avis".

Mme Powers: On pourrait dire aussi que le fait d'ajouter la violence excessive ou la violence gratuite à l'expression "violence sexuelle", cela correspond aussi à une problématique plus large qui concerne les femmes en particulier qui est que le caractère sexuel des agressions ne couvre pas l'ensemble des formes de violence qui sont plus ou moins encouragées dans le moment dans les médias, que ce soit le cinéma ou ailleurs. On voulait élargir la problématique à ce concept de violence, en soulignant le fait que la violence sexuelle en fait partie, en établissant le fait que...

Mme Bonenfant: II y a un lien entre cela.

Mme Powers: C'est cela.

Mme Harel: Mais l'arbitraire que vous appréhendez de la part de la régie, vous voulez le confier à quel organisme?

Mme Bonenfant: C'est toujours en disant que nous réclamons depuis toujours que les critères du bureau de surveillance, qu'il s'appelle le bureau de surveillance ou un comité de surveillance, mais enfin que celui-ci définisse les critères dont il se sert pour classer les films. On a toujours revendiqué cela. J'en ai discuté, je ne sais trop combien de fois, avec le Bureau de surveillance du cinéma, mais il paraît que c'est impossible. Mais nous considérons qu'aussi longtemps que ces critères ne seront pas publiés, nous n'aurons jamais aucune base de contestation.

Mme Harel: Je reviens à votre intervention de tantôt. Vous disiez que ce qui vous tracassait dans cette formulation, c'était que la régie puisse, à son avis, ne pas donner le permis. Alors, vous préconisez...

Mme Powers: C'est une expression qui rend...

Mme Harel: Permettez-moi. Vous préconisez de confier à un comité - vous faisiez référence au Conseil supérieur de l'éducation, par ses comités internes - vous confieriez à un comité de la régie... C'est bien cela, n'est-ce pas?

Mme Bonenfant: ...de définir les critères par lesquels la régie devrait classer les films.

Mme Harel: Et de quel ordre seraient ces critères? Par exemple, vous y avez travaillé au Conseil du statut de la femme?

Mme Powers: Pas jusqu'ici. Pas de façon précise, non.

Mme Harel: Vous pouvez en proposer? Vous dites que, depuis bien longtemps, c'est exact, vous en réclamez. Est-ce que vous en avez à proposer?

Mme Bonenfant: Je ne pense pas que ce soit le rôle du conseil d'établir lui-même les critères. Quand on réclame qu'un organisme se donne des critères, je ne pense pas que ce soit le rôle ou le mandat du conseil de lui définir ces critères. Voilà un organisme qui s'occupe de cinéma, qui a des compétences en la matière, je pense qu'on leur demande de définir les critères. Les groupes de femmes l'ont demandé à plusieurs reprises.

Quand on arrivera au moment de juger ces critères, le conseil pourra se pencher et pourra les évaluer, à savoir s'ils sont satisfaisants. Mais je ne pense pas qu'il revienne au conseil de rédiger des critères.

Mme Harel: Donc, en conclusion, cela vous paraît plus vraisemblable de ne pas évaluer au mérite chacun des films et de les passer dans une grille qui vous paraît plausible?

Mme Bonenfant: II me paraît nécessaire d'avoir une grille afin qu'on puisse juger de la qualité des jugements d'un bureau de surveillance. Si on n'a rien sur quoi se baser, comment voulez-vous qu'on puisse juger de la qualité du travail du bureau? Sur cela, on n'a jamais eu de réponse. Quand on demandait au bureau de surveillance: Sur quoi vous êtes-vous basés pour classer ce film? on n'a jamais eu de réponse.

Mme Harel: Mais vous êtes d'avis, par ailleurs, qu'avec cette formulation, il y a là, en fait, un principe nouveau qui vient s'ajouter aux bonnes moeurs et à l'ordre public?

Mme Bonenfant: Oui, oui. Il est sûr que le conseil est content. J'ai pris la peine de le dire dès le début. Nous sommes contentes que l'article 67 ait été amendé et on suggère d'aller encore plus loin. Puisque le législateur semble ouvert à écouter nos préoccupations et à s'assurer que les droits des femmes sont protégés, on lui demande d'aller encore plus loin.

Le Président (M. Paré): M. le ministre.

M. Richard: Oui, si vous me le permettez, M. le Président. Je partage les objectifs du Conseil du statut de la femme, mais je pense qu'on reconnaîtra qu'il n'est pas tout à fait facile d'établir les critères. On l'a évoqué tout à l'heure justement quant à la question du film récent "Ce n'est surtout pas de l'amour", "Not a Love Story". Je voudrais rappeler que ce film qui veut combattre la pornographie a été censuré en Ontario. J'ai un collègue, ministre du gouvernement ontarien, qui a dû venir le voir à Montréal. Il était heureux de savoir que nos critères étaient plus larges que ceux de l'Ontario en la matière.

Mme Bonenfant: Je voudrais bien savoir sur quel critère le Québec s'est basé pour accepter ce film.

M. Richard: Mme Bonenfant, j'aimerais bien que vous m'aidiez dans l'élaboration de critères. Je pense que vous reconnaîtrez que cela n'est pas très facile.

Mme Bonenfant: Ce n'est pas facile, je le reconnais. Je ne sais pas si on s'y est vraiment attardé et si on y a vraiment travaillé. Je pense qu'on devrait essayer de déployer un peu, puisqu'il y a tant de gens qui vous demandent ces critères... Il y a tout un regroupement qui s'est fait. La lutte contre la pornographie, contre la violence faite aux femmes dans la pornographie prend de l'ampleur. Le conseil est très fier. J'en profite, puisque c'est une commission parlementaire publique, pour appuyer la démarche des femmes à propos de cette loi et à propos d'autres dossiers. Je pense que jamais ce dossier n'a été aussi bien porté par les femmes. C'est le devoir du législateur d'écouter les groupes lorsqu'ils s'expriment aussi clairement.

Ce qui est intéressant dans la démarche des femmes - je voudrais le dire publiquement - c'est que si les femmes s'opposent à la pornographie, si les femmes s'opposent aux programmes qu'on va présenter à la télévision payante, ce n'est plus au nom d'une morale étroite - ce qui fait tellement peur à plusieurs personnes, c'est ce fameux mot "censure" - ce n'est plus au nom de la censure que les femmes s'opposent, mais c'est au nom de leur dignité et du respect qu'elles ont d'elles-mêmes. Elles refusent d'être utilisées comme un produit marchand. Je pense que le législateur

doit être plus attentif que jamais aux motifs qui font que les femmes s'élèvent contre la pornographie.

M. Richard: Je vous remercie encore une fois, Mme Bonenfant.

Le Président (M. Paré): Je m'excuse, M. le ministre. J'ai d'autres intervenants sur la liste. Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Ce sera très court parce que je pense que toute la question -même si elle n'a pas été résolue - de la violence sexuelle ou pas demeure un problème difficile. Je me reporte à votre remarque en page 5 où vous soulignez que la modification de l'article 73 semble réduire le mandat de surveillance uniquement aux films présentés en public. Je voudrais comprendre la portée que vous donnez à votre remarque selon laquelle cela ne toucherait pas ce qui sera transmis par la télévision payante. Est-ce que c'est cela? Qu'est ce que vous suggérez? Est-ce que vous suggérez qu'il y ait ce genre d'interdiction à la télévision payante? On tombe dans le débat de First Choice. Si je ne m'abuse, je pense que le ministre des Communications s'est prononcé là-dessus en disant qu'en ce qui touchait la présentation dans les foyers privés de films pornographiques, il ne voulait pas intervenir. Je pense que votre point de vue est à l'opposé.

Mme Powers: Ce qu'on a constaté, c'est qu'il existait dans le moment un règlement qui permettait à la Régie des services publics d'intervenir, c'est-à-dire de voir à ce que les films présentés à la télévision payante soient visés par le Bureau de surveillance du cinéma. Quant à la formulation de l'article 73, on est encore en référence avec l'argumentation qui est développée dans le mémoire du front commun. Vous pourrez peut-être vous y référer. Ce n'est pas une argumentation qui a été développée au conseil même. C'est une proposition du front commun à laquelle on adhère parce qu'on considère que si on restreint le mandat de l'organisme de surveillance de façon à compromettre le droit de regard sur ce qui se passe à la télévision payante, on se coupe d'une partie prépondérante de la diffusion du film au Québec. C'est pourquoi on a repris cette recommandation du front commun.

Maintenant, on n'a pas tout le dossier d'analyse juridique que le front commun a développé pour arriver à cette proposition. Peut-être que vous pourrez avoir plus d'éclaircissements en vous adressant directement aux représentants du front commun. (17 h 15)

Mme Lavoie-Roux: Mais, vous l'avez endossé quand même.

Mme Powers: Oui, dans le sens où on se voit devant le fait que la télévision payante et beaucoup d'autres moyens technologiques de diffusion du film sont en train de prendre la première place au Québec, en Amérique du Nord. On croit que l'article 34 du règlement concernant les entreprises de télévision est un article qui assure un droit de regard intéressant qui ne devrait pas être compromis par la formulation du projet de loi. Je ne sais pas s'il y a déjà eu des analyses de faites et si cela relève du même ministère... pas du même ministère, je veux dire. Je ne sais pas s'il y a eu des échanges entre les ministères là-dessus. Si l'analyse qui a été faite par le front commun est exacte, on pense qu'on doit appuyer cette recommandation.

Mme Lavoie-Roux: Alors, dans le fond, ce que vous dites c'est que, en ce qui a trait aux représentations dans les foyers privés, l'État devrait intervenir.

Mme Powers: C'est actuellement contenu dans une disposition du ministère des Communications.

Mme Lavoie-Roux: Oui, mais il n'avait pas eu à l'appliquer ou s'il avait à l'appliquer, il ne l'avait pas fait. Un des deux, parce qu'on a parlé de films à Sherbrooke ou ailleurs et je ne vois pas dans quelle mesure il a...

M. Bertrand: ...canaux 9 et 13, qui diffusent déjà, à certaines heures, le vendredi ou le samedi soir - enfin je n'en sais rien - je ne peux pas l'écarter.

Mme Lavoie-Roux: Vous ne les regardez pas.

M. Marx: Cela ne le regarde pas.

M. Bertrand: Mais, un des problèmes...

Mme Lavoie-Roux: ...oui.

M. Bertrand: ...si Mme la députée de L'Acadie me le permet, c'est qu'effectivement il y a un problème d'interprétation de l'article 73 et de l'article 34 du règlement sur la télévision payante. Comme on le sait, la télévision payante est un service introduit par le câble. Donc les gens doivent faire une démarche personnelle pour s'abonner à un, deux, trois ou quatre canaux. Et quand on lit l'article 73 tel qu'il est libellé "Nul ne peut présenter un film en public si un visa attestant de son classement n'a pas été apposé sur la copie de ce film conformément à la présente loi", il y a un problème d'interprétation au niveau de la

portée de l'article 34 du règlement, si on se réfère au projet de loi sur le cinéma qui parle bien de films en public et non pas de films en privé. Évidemment, chez ceux qui parlent de la télévision payante, on associe le service de télévision payante à un type de service de télévision en circuit fermé dans la mesure où l'abonné est libre de s'abonner ou pas à ces canaux de télévision payante. Il y a un problème à ce niveau-là. D'ailleurs, le Conseil du statut de la femme m'a envoyé des représentations là-dessus pour voir ce qu'il y avait lieu de faire. Je dois ajouter à cela, évidemment, que je réitère la position que j'ai prise à cette occasion, avant de recevoir des représentations du Conseil du statut de la femme.

Vous aurez remarqué qu'au moment où l'entente a été conclue entre la compagnie First Choice/Premier Choix et Playboy, aux États-Unis, il y a eu tout un débat tenu à deux niveaux. Le premier tournait autour de la question de l'érotisme, de la pornographie dure ou douce, et le deuxième tournait autour du problème du contenu canadien. J'ai dit, quant à moi, que sur le dossier de l'érotisme et de la pornographie, comme de toute façon on était loin de savoir exactement quel était le matériel qui allait vraiment être diffusé, je considérais, comme ministre des Communications, et en cela me ralliant aux opinions émises par plusieurs personnes au sein de la société québécoise... Je ne pense pas qu'il y ait de consensus qui se soit vraiment dégagé autour de ces notions d'érotisme. Là-dessus, j'aurais des opinions toutes personnelles que je pourrais émettre autour de la pornographie. C'est une autre question, par ailleurs, où là, effectivement, plusieurs représentations ont été faites.

J'ai vu la position qui a été prise par le ministre fédéral des Communications, M. Fox, dès que l'entente a été conclue. Il indiquait, par le fait même, qu'il avait invité le CRTC à intervenir dans le dossier, à défaut de quoi le gouvernement fédéral le ferait. Or, le CRTC est intervenu avec les résultats qu'on connaît. Finalement, il disait n'avoir aucune possibilité d'empêcher que cette entente se réalise entre First Choice et Playboy et, donc, d'empêcher la diffusion de ces émissions. Deuxièmement, M. Fox, ayant appris cela, ne voyait pas non plus comment le gouvernement fédéral pourrait intervenir sur ce type de programmation.

J'ai indiqué qu'il m'apparaissait que si l'on devait faire quelque chose, c'était par l'entremise du Code criminel, c'est-à-dire qu'on devait s'assurer que, si des plaintes devaient être formulées relativement à des types de programmation qui seraient diffusées par quelque moyen que ce soit, les plaintes devaient être portées en vertu du Code criminel. Il existe des lois à cet effet. Au-delà de cela, effectivement, j'ai adopté une attitude marquée au coin - je ne sais pas comment on pourrait l'appeler...

Mme Lavoie-Roux: ...de la prudence.

M. Bertrand: ...d'une certaine prudence et d'une certaine sagesse, dans un contexte où il m'apparaît que le consensus est loin d'être fait.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je pense qu'on ne peut pas poursuivre ce débat, puisque Mme Bonenfant doit quitter de toute façon, mais les questions posées par la députée de Maisonneuve, les remarques du ministre des Communications, le besoin que ressent le Conseil du statut de la femme que des critères un peu plus précis soient établis, tout cela pose le problème dans toute sa perspective, dans toute sa dimension, dans le sens qu'on marchera sur des oeufs dans bien des occasions.

Je souscris au désir du Conseil du statut de la femme de dire qu'il faut restreindre, qu'il faut limiter, qu'il faut imposer des balises, mais, du point de vue du débat public, je pense que la question est loin d'être vidée. Elle est même à peine amorcée, sauf qu'il y a peut-être un élément de sensibilisation au moins à ce que les gens réfléchissent sur le problème, mais c'est loin d'être aussi clair qu'un projet de loi peut sembler vouloir l'être en inscrivant, en quatre ou cinq mots, les restrictions qu'on veut apporter.

Mme Bonenfant: Je me permets d'ajouter aux propos de Mme Lavoie-Roux un exemple, à savoir que nous avons fait de la sensibilisation quant à la publicité sexiste. Je pense que c'est un dossier qui a percé, dont on parle beaucoup, et par lequel on a sensibilisé les gens. Maintenant, les gens sont beaucoup plus sensibles à l'image de la femme dans la publicité. Je pense que c'est un dossier par lequel il faut continuer aussi de faire de la sensibilisation.

Je me permets, en terminant, de vous souligner à nouveau la page 3 - je pense qu'on n'en a pas assez parlé - c'est le droit de recours de la population à l'égard des décisions.

Le Président (M. Paré): Si vous nous accordez encore quelques minutes, Mme Bonenfant...

Mme Bonenfant: Oui.

Le Président (M. Paré): ...et les deux autres dames, deux autres intervenants auraient des questions à vous poser. La parole est maintenant au député de Beauharnois.

M. Lavigne: M. le Président, je m'en

serais voulu de ne pas prendre la parole sur une question qui m'est chère parce que je me considère comme un homme de paix et d'amour. Toute action, qu'elle soit prise par un groupe ou par un autre, qui veut contrecarrer la violence sous toutes ses formes, que ce soit la violence dans la pornographie, que ce soit la violence faite aux femmes, comme on le dit souvent, que ce soit la violence faite aux hommes ou même aux animaux, la violence, pour moi, au départ, doit être combattue par tous les gens de la terre, au fond. C'est peut-être un bien grand voeu; malheureusement, on voit, particulièrement aux temps modernes que nous vivons, de la violence tous les jours. On en voit dans les revues, on en voit chez le dépanneur du coin, on en voit à la télévision quand on nous montre les combats entre les hommes, on en voit au cinéma.

Tout ce que j'espère, c'est que les batailles que nous aurons à livrer contre la violence, ce sera pour au moins protéger les enfants qui ne peuvent pas encore décider d'eux-mêmes où commence et où se termine la violence. Quand on est adulte, on peut se faire, pour le moins, sa propre censure. Je me censure des choses que je n'aime pas voir parce qu'il y a des choses qu'il me déplaît de voir. Donc, je me fais critique et je fais ma propre censure. Malheureusement, tous les gens ne sont pas encore - bien sûr, quand on parle surtout de la jeunesse -formés sur le plan du jugement et, nécessairement, ne peuvent pas faire cette espèce de censure. J'espère que le monde des adultes pourra, pour le moins, si lui ne veut pas se protéger de cette violence, protéger nos enfants contre cette violence en attendant qu'ils puissent, individuellement, faire cette autocensure. C'étaient les quelques paroles que je voulais dire sur ce débat parce que, pour terminer, je le répète, je suis d'abord et avant tout un homme d'amour et de paix.

Mme Bonenfant: Merci, monsieur.

Le Président (M. Paré): La parole est maintenant au député de Notre-Dame de Grâce.

M. Scowen: Merci, M. le Président. Mme Bonenfant, je veux très brièvement poursuivre les questions du député de Maisonneuve concernant la violence.

Si je vous comprends, de même que le ministre, vous êtes d'avis que notre système de classement et de censure des films n'est pas adéquat, dans le sens qu'aujourd'hui il y a certains films qui sont distribués au Québec avec la permission du Bureau de surveillance et qui ne devraient pas l'être. Est-ce que c'est vrai? Est-ce que notre système actuel ne fonctionne pas d'une façon adéquate dans le sens qu'on est trop libéral, si vous voulez, trop large dans ce domaine?

Mme Bonenfant: C'est-à-dire que le système actuel ne nous permet pas d'être sûr que les films qui dévalorisent les femmes, qui violentent les femmes, enfin qui les traitent en dépendantes, en objets, ne passeront pas. C'est-à-dire qu'il n'y ait pas de critères, qu'on ne sache pas sur quoi on se base fait qu'on est livré à l'arbitraire de quelques personnes qui peuvent avoir la prétention de connaître le consensus d'une population.

Ce consensus dont on m'a souvent parlé, je n'ai jamais entendu dire qu'on avait consulté les femmes pour savoir si elles étaient d'accord. C'est peut-être le consensus des consommateurs de pornographie mais ce n'est pas le consensus de la population parce que, à mon avis, les femmes n'ont jamais été consultées. C'est pour cela que nous insistons sur un mécanisme qui pourrait donner un droit de recours à la population. Seuls les producteurs, seuls les propriétaires de salles ont des recours contre le jugement du Bureau de surveillance. Pourquoi, nous, les femmes, qui sommes l'objet de ces films, n'aurions-nous pas le droit de contester une classification?

M. Scowen: Je comprends l'argument mais je voulais vous demander: Est-ce que vous pensez - en effet, je pense que vous m'avez donné la réponse - aujourd'hui qu'il y a des films qui sont présentés dans les cinémas du Québec et qui ne devraient pas l'être?

Mme Bonenfant: Je vous fais remarquer que je ne suis pas une cliente assidue des salles mais il me semble que je n'ai pas de garanties que ces films... Regardons simplement la publicité des films soi-disant érotiques, qui est de la largeur des pages de journaux, simplement dans les titres; je respecte trop cette assemblée pour les énumérer et on a raison de penser que les portes par lesquelles on peut être permissif dans le classement des films sont largement ouvertes.

M. Scowen: Je pose la question simplement parce que... Avant qu'on commence ici à se pencher sur un problème, on veut s'assurer au moins qu'il existe. Je pense que vous avez bien exprimé l'opinion de votre organisation qu'aujourd'hui, quant à vous, il existe un problème dans ce domaine. Si c'est le cas, je reviens à cette question de critères. Vous avez dit que ce n'était pas votre responsabilité d'élaborer les critères; je vous comprends mais, dans un autre sens, je ne vous comprends pas parce que... C'est vrai que c'est le cinéma et vous avez dit, effectivement, que ce sont les gens du cinéma qui doivent établir les critères. Mais

ce n'est pas seulement le cinéma, c'est la violence sexuelle. Quant à moi, si c'est possible, ce serait certainement une contribution importante; quant à la définition de la violence sexuelle excessive, si c'est possible de l'écrire dans le sens des critères, ce serait une initiative importante qui pourrait venir de vous autres.

Mme Bonenfant: Bon...

M. Scowen: Je pose la question parce que j'ai l'impression que la raison pour laquelle les personnes qui sont chargées de cette responsabilité ne l'ont pas fait, c'est parce qu'elles trouvaient que c'était trop compliqué, trop difficile. Il faut prendre chaque geste, chaque moment dans le contexte du film et dans le contexte de l'objectif du créateur parce que c'est finalement une oeuvre d'art, d'une façon ou de l'autre. (17 h 30)

Je conviens que vous ne pouvez pas être d'accord, mais vous êtes dans le domaine de l'expression artistique où, finalement, les opinions de l'un et les opinions de l'autre sont, à court terme du moins, également valables et vous ne parlez pas d'une question d'art précise, vous parlez de la violence sexuelle. Par hasard, j'ai vu un film cet été qui était un court métrage fait par un organisme du gouvernement du Québec. C'était avant un film au cinéma Dauphin, je crois, dont je ne me rappelle pas le nom, mais c'était le film le plus violent sur le plan de la violence sexuelle que je n'aie jamais vu de ma vie. C'était stupéfiant. C'était l'histoire d'un bonhomme de l'est de la ville de Montréal. De toute façon, ce film était vraiment incroyable. C'était uniquement au sujet de la violence sexuelle. J'ai quitté la salle littéralement stupéfié, mais je n'étais pas capable moi-même de dire si on aurait dû présenter ce film ou pas. Si vous me demandiez d'établir des critères écrits au sujet de films de ce genre à savoir s'ils doivent être présentés ou pas... C'est un sujet de grande importance et vous avez certainement une opinion très ferme que des critères doivent être établis. Votre organisme semble avoir une idée assez précise de quoi il s'agit. Je pense que ce serait très utile pour tout le monde si vous acceptiez l'invitation du ministre au moins de faire un essai pour nous tous.

Mme Bonenfant: Je suis d'accord avec vous. La première chose qu'on exige est qu'on accepte le principe que cet organisme devra définir des critères. Le jour où ce principe sera accepté, on a aussi proposé que dès le début de cet organisme, il devrait y avoir des consultations. À ce moment-là, je pense que le Conseil du statut de la femme - pas plus que les groupes de femmes - ne se refusera pas à travailler pour essayer de définir ces critères. C'est sûr que c'est toujours très difficile à cerner, des critères, surtout dans un art aussi mouvant, aussi complexe que le cinéma. Mais je pense qu'un exemple qu'on peut donner des critères... D'abord, le conseil s'en est donné pour évaluer la publicité sexiste. Quand on a voulu faire des grilles d'analyse pour la publicité sexiste, on s'en est trouvé, on les a publiés. Mais ce que je veux dire, c'est que des critères, par exemple, pour juger de la valeur d'un film pour le subventionner, c'est aussi difficile à trouver. Or on les a trouvés pour cela. Alors, pourquoi on ne les trouverait pas pour savoir ce qui est acceptable au niveau de la violence dans les images qu'on présente au cinéma? Quand on a une volonté politique, ensuite il faut y joindre l'imagination. Ce qu'on demande au gouvernement, c'est d'avoir la volonté politique d'établir des critères pour que les gens puissent savoir sur quoi on se base pour classer un film lorsqu'on lui donne une cote à un Bureau de surveillance du cinéma.

M. Scowen: Puis-je vous poser une dernière question? Le ministre propose d'ajouter à l'article 77 ce critère, effectivement, même si ce sont seulement quelques mots, qui touche la question de la violence. Je pense que tout le monde est d'accord avec vous pour l'élargir à la violence en général. C'est une première dans un sens parce qu'on donne une directive pour un malaise social, et il en existe d'autres. On s'engage pour la première fois sur une pente, sur une voie qui peut avoir des conséquences, parce qu'il y a d'autres personnes qui vont certainement proposer que les choses qu'elles trouvent les plus aberrantes soient aussi visées dans un tel article. Je peux imaginer, à titre d'exemple, qu'il y a des gens qui trouvent que le racisme est quelque chose qu'on ne doit absolument pas encourager dans un film et qu'on doit expliciter dans cet article 77 que les films ne doivent soutenir ni la violence sexuelle, ni le racisme. On peut aller encore plus loin, parce que d'autres personnes peuvent penser aux autres problèmes, par exemple, les tendances sociales qui sont complètement aberrantes, et vouloir qu'on les précise dans un tel article. La question que je vous pose est la suivante: Est-ce que vous pensez que la violence en général est un vice à part de tous les autres vices avec lesquels on vit dans notre société, ce qui donne à ce vice, si vous voulez, un statut particulier pour un tel article? Ou est-ce qu'on doit sérieusement penser à d'autres vices humains qui doivent être visés dans un tel article?

Mme Bonenfant: Je pense que la violence est la base d'intervention qui

permet toutes les expressions dont vous avez parlé tout à l'heure et je pense qu'il y a déjà le Code criminel qui couvre toutes ces expressions par l'expression "littérature haineuse", "expression de haine". Je pense que la lutte contre le racisme a gagné ses lettres de noblesse depuis longtemps. Je pense que quand le sexisme sera aussi reconnu et aussi combattu que le racisme, on pourra les englober dans des concepts un peu plus globaux. Mais notre lutte est spécifique et elle n'est pas encore reconnue, parce qu'il se trouve encore de nombreuses personnes pour penser que ce que nous réclamons n'a pas de raison d'être.

M. Scowen: Effectivement, la lutte contre le racisme est gagnée, mais la lutte contre les problèmes des femmes ne l'est pas. Merci beaucoup.

Le Président (M. Paré): La parole est maintenant au député de Vachon.

M. Payne: Très brièvement, M. le Président, le député de Notre-Dame-de-Grâce faisait allusion tout à l'heure au fait qu'il avait vu un film qui, manifestement, dépassait les moeurs acceptables. Il s'agissait de la violence sexuelle. Si je me souviens bien de son intervention, il s'agissait d'une production du gouvernement du Québec.

M. Scowen: Non, je m'excuse, vous me permettez?

Le Président (M. Paré): M. le député, oui.

M. Scowen: Si je me souviens bien, à la fin du film, les titres indiquaient que c'était soit subventionné, soit produit par un organisme qui découle de l'Institut québécois du cinéma. C'est cela que j'ai dit. Je pense que le nom de cet organisme apparaissait à la fin du film.

M. Payne: Pour continuer, M. le Président, je pense que c'est absolument important et capital que le député de Notre-Dame-de-Grâce apporte devant cette commission les détails exacts. Il s'agit d'une affirmation gratuite, d'une affirmation très importante et sérieuse. Je pense qu'il serait dans l'intérêt de la commission... À ce moment-là, je propose et demande, avec le consentement de la commission, que le député dépose le nom du film, quand cela a-t-il été préparé et, peut-être, avant 20 heures ce soir...

M. Marx: Ce n'était pas tourné à l'Assemblée nationale.

Le Président (M. Paré): Je demanderais seulement d'accélérer, j'avais un autre intervenant avant...

M. Payne: J'aimerais savoir si ma demande est acceptée par le député de Notre-Dame-de-Grâce.

Le Président (M. Paré): Le député de Notre-Dame-de-Grâce cherche présentement le titre et nous allons l'avoir. J'avais le député de D'Arcy McGee qui m'avait aussi demandé la parole.

M. Dussault: Sur la même question, j'en fais une question de règlement...

Le Président (M. Paré): Un instant. Est-ce que, M. le député de D'Arcy McGee, c'est sur la même question?

M. Marx: Non, je cède ma place à monsieur...

M. Scowen: Le nom du film, si vous me permettez, M. le Président...

Le Président (M. Paré): Oui, M. le député.

M. Scowen: ...parce qu'il y a plusieurs personnes, ici, dans le salon rouge, qui le connaissent, cela s'appelle "Piwi".

M. Payne: Donc, ce n'était pas, effectivement, fabriqué par le gouvernement du Québec. Qu'est-ce que c'est, votre accusation, votre suggestion?

M. Scowen: M. le Président, je pense que je dois être très précis ici, je n'ai jamais prétendu...

M. Payne: On cherche les correctifs.

M. Scowen: ...que le film avait été tourné par le gouvernement du Québec. J'ai dit que c'était un film qui traitait certainement de la question de la violence sexuelle, que c'était une firme qui était en partie subventionnée par le gouvernement du Québec parce que le nom d'un des organismes du gouvernement du Québec apparaissait sur les titres, et que je n'étais par certain à la fin si c'était quelque chose qui devait être présenté ou non; j'étais dans l'indécision moi-même.

M. Payne: Mon point est très clair, je pense que c'est dans l'intérêt du public de savoir quel organisme du gouvernement du Québec a subventionné une telle firme.

Le Président (M. Paré): Un instant, s'il vous plaît, s'il vous plaît.

M. Richard: M. le Président, si c'est le film "Piwi", s'il s'agit bien de celui-là, c'est

un film de Jean-Claude Lauzon qui a été subventionné par l'Institut québécois du cinéma. Ce n'est pas le gouvernement du Québec quand même.

Le Président (M. Paré): Les choses étant tirées au clair, je crois que s'il n'y a pas d'autre question à poser directement à l'organisme et directement reliée à une autre question... Est-ce que, vous aussi, c'est une question pour Mme Bonenfant? La parole est au député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Oui.

M. Richard: Je voudrais ajouter que le film "Piwi" a été également subventionné par Radio-Québec.

M. Marx: Parfait.

Le Président (M. Paré): La parole est maintenant au député de D'Arcy McGee.

Mme Lavoie-Roux: Cela indique que c'est fort subjectif. C'est la démonstration que le député de Notre-Dame-de-Grâce essayait de faire.

M. Richard: Voilà.

Le Président (M. Paré): S'il vous plaît; à l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît. Je crois que les choses ont été tirées au clair, on pourrait continuer cette discussion à l'heure du souper, si vous le permettez. À l'ordre, s'il vous plaît!

Mme Lavoie-Roux: ...mais lui, il ne comprend pas.

M. Richard: M. le Président, je voudrais ajouter un détail intéressant, je pense que cela va faire sourire le député de Notre-Dame-de-Grâce. Seulement un détail. C'est un film qui a gagné un prix, si ma mémoire est fidèle, celui du court métrage au Festival international du film de Montréal.

Le Président (M. Paré): S'il vous plaît, on revient maintenant au Conseil du statut de la femme...

M. Scowen: Je demande...

Le Président (M. Paré): Un instant, non. Un instant. Je vous demanderais, s'il vous plaît, un peu d'ordre. Un peu d'ordre, s'il vous plaît! Étant donné qu'on retient ici un groupe qui était pressé au départ, je vous demanderais un peu de sérieux. Le sujet étant maintenant clos, la parole est au député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Je suis heureux qu'on ait rassuré le député de Vachon et qu'on ait donné une réponse à sa question tellement importante.

Sur l'obscénité, définir l'obscénité, la pornographie, je me demande si c'est vraiment possible. On a déjà demandé à un juge américain: Comment allez-vous définir l'obscénité? Sa réponse était: I know it when I see it. Je le sais quand je le vois. C'est-à-dire que définir l'obscénité, la pornographie, c'est très difficile.

J'aimerais passer à une autre chose. Si on lit l'article 77, on voit que la régie, dans les 15 jours suivant la date où la demande a été présentée et si elle est d'avis que le contenu du film ne porte pas atteinte à l'ordre public ou aux bonnes moeurs, notamment en ce qui concerne la violence sexuelle...

Donc, la régie aura le pouvoir de censurer les films qui portent atteinte à l'ordre public et aux bonnes moeurs, c'est-à-dire que, si cet article est adopté tel quel, on donne une très grande juridiction à cette régie. On sait, au Québec, qu'on voit des films qui ne sont pas censurés. Ils le sont peut-être dans d'autres provinces. Par exemple, le film "Dernier tango à Paris" a été censuré en Nouvelle-Écosse, mais pas au Québec. Je me demande si les critères, à l'article 77, ne sont pas trop larges. Parce que cela permet à la régie de censurer les films qui portent atteinte à l'ordre public et aux bonnes moeurs, notamment en ce qui concerne la violence sexuelle. Mais c'est le mot "notamment". Ce sont des exemples. La compétence de la régie porterait sur les films qui portent atteinte à l'ordre public et aux bonnes moeurs. Je pense qu'il serait peut-être nécessaire de restreindre les critères que l'on retrouve dans cet article. Ils sont assez larges. (17 h 45)

Ma question à Mme Bonenfant est la suivante: Le ministre des Communications a déjà parlé d'obscénité, qui est définie dans le Code criminel et qui vise aussi une certaine violence sexuelle. Je pense que le Code criminel interdit une certaine violence sexuelle. Au Québec, est-ce qu'il y a eu des poursuites criminelles en ce qui concerne certains films? C'est-à-dire, est-ce que le gouvernement, le Procureur général du Québec ou certains corps policiers dans certaines villes ont déjà pris des actions criminelles contre la distribution ou le visionnement de certains films parce qu'ils étaient obscènes en vertu du Code criminel?

Mme Powers: Je vais répondre à votre première question. D'abord le membre de phrase "que le contenu du film ne porte pas atteinte à l'ordre public ou aux bonnes moeurs" n'a pas été proposé par le Conseil du statut de la femme. C'est dans le texte de la loi. Si je ne m'abuse, c'est la reprise de la formulation de la loi actuelle sur le

Bureau de surveillance du cinéma, c'est l'expression utilisée pour décrire le motif de rejet d'un film par le bureau de surveillance. Il est exact que c'est une expression très large et très nébuleuse. Je pense que la formulation concernant la violence sexuelle est plus claire et correspond de façon plus concrète à un problème auquel on est sensibilisé.

Quant à la deuxième question, les seules poursuites actuellement qui peuvent être entreprises concernant des films se font toutes à partir du Code criminel canadien et de la définition de l'obscénité qui en est donnée. Elle est aussi très nébuleuse. La décision même d'entreprendre des procès a été beaucoup plus souvent déterminée par les chances de succès de remporter le procès, en se basant sur la jurisprudence.

M. Marx: Est-ce que le Conseil du statut de la femme n'a jamais porté à l'attention du ministre de la Justice le fait qu'un film est visionné dans telle ou telle salle au Québec et qu'il doit peut-être voir s'il y a une poursuite à intenter en vertu du Code criminel?

Mme Powers: Jusqu'à maintenant, on ne s'est jamais arrêté sur le cas particulier d'un film. On considère, de toute façon, que c'est un recours assez lourd et complexe et, pour le cas par cas, il aurait fallu avoir un cas type clair.

Mme Bonenfant: Le principal travail du Conseil du statut de la femme dans ce dossier en est un de sensibilisation auprès des femmes parce que le mandat du conseil est, bien sûr, de conseiller le gouvernement, mais aussi d'informer les femmes. À notre avis, les dossiers n'auront la chance d'être étudiés par le gouvernement que lorsqu'ils seront portés par les femmes elles-mêmes. L'action du conseil dans le domaine de la pornographie a été de sensibiliser les femmes, même à l'existence de la pornographie, parce que la plupart des femmes n'ont pas vu de pornographie. Elles en subissent les effets, mais elles n'ont pas vu de pornographie.

Le Président (M. Paré): II n'y a plus de questions. Je vous remercie, Mme Bonenfant, ainsi que vos collaboratrices de votre patience et d'y avoir consacré tout le temps nécessaire, malgré votre horaire chargé. On vous remercie beaucoup.

Mme Bonenfant: Ce n'est pas l'horaire chargé comme la distance entre Québec et Trois-Rivières.

Le Président (M. Paré): On va vous souhaiter un bon voyage à Trois-Rivières. On s'excuse auprès des autres groupes, dont le

Regroupement des intervenants de l'industrie du cinéma de l'Est du Québec qui est le groupe suivant. Etant donné l'heure tardive et que selon nos règlements on doit terminer à 18 heures, on n'aurait pas le temps d'entendre l'autre intervenant, alors la commission suspend ses travaux jusqu'à 20 heures. On entendra les intervenants dans l'ordre énuméré au début.

(Suspension de la séance à 17 h 50)

(Reprise de la séance à 20 h 17)

Le Président (M. Paré): À l'ordre, mesdames et messieurs, s'il vous plaît!

La commission élue permanente des affaires culturelles reprend ses travaux pour entendre les personnes et les organismes en regard du projet de loi 109, Loi sur le cinéma et la vidéo. Nous étions rendus, lors de la suspension des travaux, au troisième intervenant. Il s'agit du Regroupement des intervenants de l'industrie du cinéma de l'Est du Québec.

Bonsoir messieurs...

Une voix: Bonsoir.

Le Président (M. Paré): ...qui êtes déjà rendus à la table en avant. J'inviterais le représentant à se nommer et à nous faire connaître la personne qui l'accompagne, s'il vous plaît.

RIICEQ

M. Filion (Jean-Claude): Jean-Claude Filion du RIICEQ. Je ferais une rectification, M. le Président. Ce n'est pas Mme Denise Lévesque qui m'accompagne mais plutôt M. Denis Lévesque.

Le Président (M. Paré): Ah bon! C'est très bien.

M. Filion: Avant de discuter du projet de loi no 109, nous croyons qu'il serait pertinent de vous définir ce qu'est le RIICEQ, ses origines et ce vers quoi il tend. Le Regroupement des intervenants de l'industrie du cinéma de l'Est du Québec a vu le jour après plusieurs mois de réflexion, de consultation et de démarches de toutes sortes. Le RIICEQ est issu d'une prise de conscience de la situation difficile que vivent les artisans et les promoteurs de l'industrie cinématographique dans l'est du Québec. Ces derniers ont donc scruté les options et les choix qui s'offraient à eux afin de pallier cette carence de conditions minimales nécessaires à une production de qualité.

La première solution adoptée fut de regrouper les travailleurs professionnels en cinéma ainsi que des professionnels de

secteurs aussi diversifiés que ceux des domaines juridique et administratif au sein de la première association sérieuse vouée à la revendication et à la promotion des intérêts cinématographiques de l'Est du Québec.

On se rappellera que depuis plus de deux ans, la corporation LOUPIFILM Inc., ayant son champ d'activité dans la région de Rivière-du-Loup, avait entrepris des démarches visant à l'obtention de fonds (subventions et investissements) afin de réaliser des productions cinématographiques. Ces démarches confirmèrent l'inaptitude des programmes existants à stimuler les besoins de la production cinématographique dans la région.

Devant cet état de fait, LOUPIFILM accentua ses efforts et orienta son action et ce, afin de renvendiquer des conditions minimales pour la production, ces conditions étant d'ordre financier et technique. Ces revendications prirent la forme de mémoires présentés à l'occasion de diverses consultations: l'une étant la commission d'étude du cinéma et de l'audiovisuel, et l'autre, lors de la tournée du ministre Clément Richard ayant pour thème: "L'enjeu culturel au Québec".

Dans la même lancée, LOUPIFILM multiplia les rencontres avec des représentants de l'industrie québécoise du cinéma... l'Institut québécois du cinéma, pardon, avec M. Clément Richard, ministre des Affaires culturelles ainsi qu'avec des représentants de ce même ministère.

Toutes ces démarches et interventions ont permis aux représentants de LOUPIFILM de réaliser qu'il était nécessaire, pour obtenir un véritable développement cinématograpique régional, de se doter d'un outil représentatif du territoire de l'Est du Québec en matière de stratégie de développement. Dans cette optique, le RIICEQ présentera dans les prochains mois au gouvernement du Québec et au gouvernement canadien un plan conjoint de développement pour la production cinématographique régionale. Cette expérience pilote proposera une intervention originale et planifiée permettant de contrer les préjugés existants dans certains milieux et organismes gouvernementaux accrédités au domaine du cinéma, préjugés voulant que la production cinématographique et régionale de qualité soit pratiquement impossible vu la non-rentabilité et la marginalité de ce type d'action.

Peut-on vraiment tenir de tels propos lorsqu'on sait que jamais on n'a essayé d'implanter un véritable développement réfléchi et planifié avec des artisans et promoteurs de la région? Tout au plus, s'est-on contenté de quelques interventions à la pièce ou encore avec des moyens insuffisants. Lorsqu'on connaît le manque d'infrastructures minimales de production qu'on retrouve en région, comment peut-on s'attendre que des produits régionaux puissent atteindre leur niveau d'excellence dont parlent le rapport Fournier et le ministre des Affaires culturelles, M. Clément Richard?

Ayant la volonté d'implanter une structure éclairée de production régionale dans l'Est du Québec et déterminé plus que jamais à obtenir une plus grande marge de manoeuvre relativement à son action, le Regroupement des intervenants de l'industrie du cinéma de l'Est du Québec aimerait faire part de ses commentaires concernant le rapport Fournier et le projet de loi no 109.

Tout d'abord, nous voudrions féliciter la Commission d'étude sur le cinéma et l'audiovisuel pour la qualité du rapport qu'elle a présenté et pour la somme de travail investie dans la réalisation de cet important document. Il va sans dire que dans l'état actuel de l'industrie du cinéma québécois une telle réflexion en profondeur s'imposait pour doter le Québec d'une véritable loi en matière de cinéma.

Si nous nous réjouissons de plusieurs propositions énoncées dans le rapport et le projet de loi, nous partageons cependant certaines réticences face à quelques propositions qui, selon nous, défavorisent et ne rendent pas justice au cinéma régional.

Considérant que le rapport Fournier reconnaissait le cinéma régional comme l'une des sources de la vitalité du cinéma national et cette vitalité régionale comme essentielle au développement culturel du Québec et que le cinéma national s'enrichit directement de ses dynamismes régionaux, qui méritent d'être encouragés, nous recommandons en conséquence qu'à l'article 18 de la section IV soit précisé que deux des quatre membres nommés par le ministre proviennent du milieu cinématographique régional. Ce nombre de représentants des régions nous semble nécessaire, considérant le nombre des régions, la superficie de leur territoire et les disparités régionales existantes.

D'ailleurs il faut bien reconnaître que depuis sa création l'Institut québécois du cinéma n'a jamais eu de représentant de régions à son conseil d'administration; c'est à se demander quelle sorte de perception du cinéma en région on pouvait avoir à ce conseill Une telle vision ne permet pas au cinéma régional d'être compétitif et, de ce fait, pénalise les régions qui éprouvent déjà des difficultés en matière de cinéma.

En conséquence, nous réitérons devant cette commission la nécessité d'établir dans le plan d'aide au cinéma des programmes spécifiques à la régionalisation. Nous voulons exprimer devant cette commission notre accord avec la commission Fournier concernant la création d'un fonds de soutien de 25 000 000 $, nécessaire à une relance de l'industrie québécoise du cinéma. Déjà,

cette industrie culturelle s'est vue pénalisée au cours des dernières années par un insuffisant montant de 4 000 000 $ qui, d'ailleurs, d'année en année, se révélait de moins en moins productif en raison de sa non-indexation.

Peut-on parler d'une industrie nationale avec une intervention si minime du gouvernement? Il faudra, une fois pour toutes, décider si on aide le cinéma au Québec ou si on ne l'aide pas. Si la décision est positive, encore faudra-t-il passer aux actes plutôt qu'entretenir de simples voeux pieux.

Il va sans dire que, pour nous, l'objectif de 25 000 000 $ fixé par la commission Fournier représente un minimum nécessaire à une véritable politique de développement, sans quoi nous risquons, une fois de plus, d'hériter de bonnes intentions mais de peu de moyens réels.

Nous terminons en réitérant notre profonde conviction en une production régionale de qualité et en espérant que la future loi québécoise sur le cinéma saura permettre à notre industrie culturelle et cinématographique d'atteindre sa maturité.

M. Richard: Je vous remercie. Une voix: Merci, M. Filion.

M. Richard: M. le Président, avec votre permission... Je vous remercie, M. Filion. J'aurais une question à vous poser. Vous savez quHl y a une vingtaine de demandes, comme j'ai eu l'occasion de l'expliquer cet après-midi, d'associations ou de groupes différents pour siéger au conseil d'administration du nouvel institut qui est proposé. Là-dedans, vous proposez qu'il y ait au moins deux sièges réservés à ce que vous appelez "des régionaux", ce qui veut dire qu'il en resterait seulement deux pour l'ensemble des autres associations et, parmi celles-là, il y a des associations quand même assez importantes. Est-ce que vous seriez disposé à sacrifier les autres associations?

M. Lévesque (Denis): Si vous me permettez, un des objectifs de la loi, section I, article 3, deuxièmement, c'est "le développement du cinéma québécois et la diffusion de la culture cinématographique dans toutes les régions du Québec." Dans l'optique où l'on veut que cet objectif ait du sens, je pense qu'il est très important qu'au conseil d'administration de l'IIQC il y ait des représentants pour parler du cinéma régional. S'il n'y a personne, c'est évident qu'il n'y aura à peu près jamais de programmes ou ils connaîtront très peu les problèmes que nous vivons en région. Donc, c'est dans cette optique que cette demande a été faite, c'est pour que cet objectif ait du sens, en réalité.

M. Richard: J'aurais une dernière question à vous poser.

M. Filion: Oui.

M. Richard: Si je comprends bien la portée de votre mémoire, vous êtes d'accord pour qu'il y ait un organisme qui soit chargé de la distribution des subventions à l'ensemble du milieu du cinéma: producteurs, distributeurs, exploitants de salles, etc. Vous êtes d'accord avec cela, n'est-ce pas?

M. Filion: Oui, oui.

M. Richard: Donc, vous êtes d'accord avec le projet de loi qui prévoit qu'il y aura une société d'aide plus un Institut québécois du cinéma?

M. Filion: Oui.

M. Richard: Êtes-vous également d'accord pour que, si cela existe, le ministre n'ait pas à intervenir par-dessus la tête des organismes spécifiquement chargés, en vertu de pouvoirs délégués, pour accorder des subventions à des groupes, parce qu'il y a une référence dans votre mémoire, à savoir que certaines démarches auprès du ministre des Affaires culturelles auraient été vaines, après que vous ayez fait des démarches auprès de l'Institut québécois du cinéma. Vous ne seriez pas d'accord, n'est-ce pas, pour que le ministre intervienne, en quelque sorte, en appel des décisions de l'Institut québécois du cinéma?

M. Filion: Effectivement, ce à quoi vous faites allusion, M. Richard, et une chose qui est sûre. Mais si vous me permettez, j'aimerais d'abord ajouter quelque chose concernant la question de tout à l'heure sur la nomination, à la suite du rapport Fournier où l'on précisait l'importance... Je ne sais pas si vous avez pris connaissance des mémoires provenant de différentes régions qui ont été présentés à la commission d'étude sur le cinéma et l'audiovisuel. Je crois que les revendications étaient claires et bien définies. Face à cela, je crois que le rapport Fournier avait raison de demander que les quatre autres postes nécessaires devaient provenir des régions et du public. À cet effet, nous avons dit: Vu le nombre important de régions, il se révèle nécessaire d'en voir à peu près deux. C'était la parenthèse que j'ouvrais à la suite de votre première question.

En réponse à votre deuxième question, je pense que si on se trouve dans une région et qu'on vit présentement les difficultés pour obtenir de l'argent, on sait qu'on n'a même pas de conditions minimales à la production, il devient très difficile de faire la promotion et de préparer des projets. Lorsqu'on arrive

pour présenter ces projets, à cause de ce manque d'outils, d'instruments qu'on n'a pas en région, plus souvent qu'à leur tour, les régions - je pense que tous les mémoires qui avaient été présentés à la commission d'étude du cinéma et de l'audiovisuel le disaient - se voient léser, c'est-à-dire qu'elles se voient refuser l'aide financière qu'elles demandent. Je pose la question au ministre des Affaires culturelles: Si vous n'intervenez pas et s'il n'y a personne qui intervient, est-ce qu'on va continuer à avoir toujours le même système quant à l'industrie du cinéma en région? (20 h 30)

Lorsqu'on a fait des démarches auprès du ministère et auprès de vous, c'était justement à cause de ce problème qui est ressenti dans toutes les régions. Je pense que vous avez fait la tournée l'Enjeu culturel, vous avez entendu des gens en ce sens dans pratiquement toutes les régions, si on se fie aux rapports sur la consultation.

M. Richard: Oui, mais, M. Filion, que je sache, il n'y avait rien dans les statuts et règlements de l'Institut québécois du cinéma pour interdire l'aide au financement de projets cinématographiques régionaux et, bien sûr, l'institut québécois ne pouvait pas répondre par l'affirmative à toutes les demandes qui lui étaient formulées. Cela était causé, essentiellement, par un manque de disponibilités budgétaires plus que par autre chose, il me semble. Là-dessus, vous avez raison.

M. Filion: Certes.

M. Richard: Sur le manque de disponibilités, de disponibilités budgétaires...

M. Filion: C'est une réalité.

M. Richard: ...par rapport aux besoins qui existaient et qui existent toujours.

M. Filion: Oui.

M. Lévesque (Denis): Mais il n'en demeure pas moins que je pense qu'il ne faut pas se servir de... D'accord, les conditions administratives sont là, les budgets sont là, mais, quand on est intervenu et qu'on a demandé votre intervention, il reste que ce sont toutes les régions qui doivent, je pense, bénéficier de ces sommes d'argent qui sont allouées au cinéma. C'est évident qu'avec 4 000 000 $, on ne peut pas structurer toutes les régions du Québec, avec un minimum d'infrastructures pour développer le cinéma. Mais je pense qu'il y a des projets dans lesquels on peut entrer plus facilement. Une région qui ne reçoit rien, qui fait demandes sur demandes, demandes sur demandes, on se demande, selon les critères de l'IQC ou autres: Qu'est-ce qui fait que ces régions sont toujours refusées et que ce sont toujours certaines régions en particulier qui bénéficient plus de ces demandes vis-à-vis l'IQC?

M. Richard: Cela, c'est la première nouvelle que j'en ai, vraiment.

M. Lévesque (Denis): Je pense que les mémoires en faisaient mention.

M. Richard: Que des régions en particulier seraient en quelque sorte les victimes des politiques de l'Institut québécois du cinéma?

M. Lévesque (Denis): ...bien, des victimes...

M. Richard: ...ou seraient victimes de discrimination?

M. Lévesque (Denis): Je vais vous donner un exemple. Prenez un critère d'admissibilité d'un programme de première oeuvre qui demande cinq années d'expérience. Au niveau des régions, c'est impossible d'avoir l'expérience de cinq ans dans le cinéma quand il ne se fait pratiquement rien. Cela, c'est une règle qui...

M. Richard: Oui, mais les cinq ans s'appliquent à l'ensemble des régions du Québec, ce n'est pas 12 ans pour l'Estrie, puis 3 ans pour la Gaspésie.

M. Lévesque (Denis): C'est ça. Mais s'il ne se fait rien en Gaspésie ou dans l'Est du Québec, s'il n'y a jamais de subvention, c'est évident que ce critère ne sera jamais applicable à nous autres, il nous exclut en partant.

M. Richard: J'ai une question naïve à vous poser. Est-ce que quand vous parlez de cinéma régional vous incluez Québec?

M. Lévesque (Denis): Pour nous, le Québec, c'est constitué de régions. Il y a Montréal, Québec et toutes les autres régions aussi.

M. Richard: Vous savez qu'à cet égard, la région de Québec n'a pas été non plus particulièrement favorisée pour les raisons que j'expliquais tout à l'heure, le manque de disponibilité budgétaire de l'institut. Je ne pense pas, ce serait la première nouvelle que j'en aurais, qu'il y ait eu d'exercice discriminatoire de la part de l'institut.

Le Président (M. Paré): La parole est maintenant à Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le

Président. Je veux remercier nos invités de leur mémoire. Dans la même veine que le ministre, je me demande si tout à l'heure j'ai suffisamment insisté auprès de l'Institut du cinéma quand je lui ai demandé quels étaient ses critères d'approbation ou de rejet d'un projet. On m'a dit qu'il y avait d'abord des critères d'admissibilité. J'aimerais avoir cette liste de critères d'admissibilité avant que le jugement du jury s'exerce, à savoir si on va subventionner un projet ou non.

Je ne sais pas si c'est le même problème qui existe dans les autres régions. J'aimerais vous demander si vous avez fait un relevé des subventions qui ont été accordées dans d'autres régions du Québec. C'est peut-être au président de l'institut que j'aurais dû poser la question. En général, est-ce que les subventions ont été accordées à des gens de la région de Montréal ou à des gens de la région de Québec? Est-ce qu'on est sorti des régions de Montréal et de Québec pour accorder des subventions? Vous ne le savez pas?

M. Filion: On n'a pas effectué de recensement. Par contre, je reviens encore là-dessus parce que, lorsqu'il y a eu la commission d'étude sur le cinéma et l'audiovisuel, je crois que les mémoires qui provenaient des différentes régions, par exemple, de l'Abitibi, du Saguenay-Lac-Saint-Jean, de l'Est du Québec, de la région de l'Estrie, étaient clairs à ce sujet. De plus en plus, les gens en région ont de la difficulté à obtenir du financement pour leurs projets. Je pense que c'est un élément qui revenait dans tous les mémoires provenant des régions. On peut le vérifier, les mémoires sont encore là. C'était un malaise qu'on avait dans toutes les régions éloignées.

Mme Lavoie-Roux: Évidemment, vous avez déjà dû faire certaines expériences cinématographiques dans la région de l'Est du Québec. Pouvez-vous nous dire vers quoi vous vous orientez? De quelle nature ont été les expériences cinématographiques que vous avez faites dans une région comme la vôtre?

M. Filion: On pourrait remonter à plusieurs années en arrière. On peut dire, depuis deux ans, qu'il ne s'est pratiquement fait aucune production cinématographique, sauf par l'entremise de Radio-Canada ou de Radio-Québec, à Rimouski. Dans le secteur indépendant, il ne s'est rien fait depuis deux ans, comme tel.

Au cours des années passées, si on remonte à il y a quatre ou cinq ans, il s'est tourné du court métrage en 16 mm. Il s'est tourné aussi des productions, tel un long métrage en vidéo. C'est ce qui fait qu'à ce moment-là cela semblait plus facile de tourner dans les régions. Des gens qui ne travaillent pas présentement dans ce secteur, mais qui sont des artisans depuis de nombreuses années, avaient tourné plusieurs documents cinématographiques. Par contre, depuis deux ans, l'activité cinématographique dans l'Est du Québec est pratiquement à son point mort, sauf pour quelques productions par l'entremise de Radio-Québec ou de Radio-Canada à Rimouski.

Mme Lavoie-Roux: Qu'est-ce qui explique que, depuis quelques années, il y ait cette diminution?

M. Filion: Comme le disait M. Richard, tout à l'heure, c'est une question financière, c'est-à-dire que la marge de manoeuvre, avec les 4 000 000 $, d'une année à l'autre diminuait. Ce qui fait, naturellement, que les régions en subissent un contrecoup énorme. Je m'explique cela par cette question financière.

Mme Lavoie-Roux: Mais, M. le ministre, est-ce que les subventions ont diminué, de fait, depuis deux ou trois ans ou n'ont-elles simplement pas été indexées?

M. Richard: Depuis deux ou trois ans, peut-être trois ans, la subvention n'a pas été indexée, Mme la députée de L'Acadie. Mais il faut bien comprendre que la subvention n'est pas le budget total de l'institut. La preuve en est que le budget de l'institut, si je ne m'abuse, est de 5 700 000 $ pour l'année en cours, parce qu'il y a des retours. Il est dommage que la subvention accordée à l'institut n'ait pas été augmentée compte tenu de l'augmentation faramineuse des coûts. Cela a créé des problèmes évidents depuis trois ou quatre ans pour l'institut et donc pour l'ensemble du milieu du cinéma au Québec.

Mme Lavoie-Roux: De toute façon, je ne sais pas si cela peut vous encourager mais on voyait dans le mémoire de l'institut qu'il souscrivait au principe de la loi qui était d'encourager le développement du cinéma québécois et de la diffusion cinématographique dans toutes les régions du Québec. Même si vous les jugez sévèrement, en fonction de la loi, ils semblent avoir de meilleures intentions pour l'avenir.

M. Lévesque (Denis): Cela a toujours existé dans la loi.

Mme Lavoie-Roux: Cela a toujours existé dans la loi. Alors il n'y a pas de changement. Ce n'étaient que des paroles pieuses.

M. Lévesque (Denis): Non, je ne dirais pas des paroles pieuses, parce qu'il y a une marge de manoeuvre et qu'on est très conscient que les coûts ne seraient que de

4 000 000 $. On en est très, très conscient. Il faudrait aussi savoir quels sont les critères. On se demande sur quoi on se base, quel est le cadre de référence pour qu'on accepte un projet ou non. Il reste qu'on est très conscient que les 4 000 000 $ ne seraient pas suffisants pour arriver à développer les régions d'une façon encourageante. Il n'en demeure pas moins que je pense qu'il pourrait y avoir quelque chose de fait et d'entrepris par l'IQC. Je pense aussi que les gens du conseil d'administration pourraient amener la réflexion de l'IQC sur les problèmes des régions. Je pense que cela serait très, très, très important. Je pense qu'on comprendrait plus les besoins des régions avec des gens au conseil d'administration.

Mme Lavoie-Roux: Vous demandez que l'ensemble des régions soit représenté par deux personnes. Est-ce que vous en accepteriez une? Je comprends que dans le moment il n'y en a pas du tout. Est-ce que je me trompe?

M. Filion: Ce serait déjà un bon point d'avoir une personne représentant les régions, c'est évident.

Mme Lavoie-Roux: J'aimerais demander au ministre, je réitère ma demande: est-ce qu'il y aurait moyen de remettre à cette commission les critères d'admissibilité...

M. Richard: ...dire Mme la députée de L'Acadie, au moment où vous avez pris la parole, j'ai l'intention de vous remettre, demain, l'ensemble des programmes de l'Institut québécois du cinéma. Cela inclut, bien sûr, tous les critères d'admissibilité et l'ensemble des programmes qui existent à l'institut.

Mme Lavoie-Roux: Je pense que cela serait utile parce que j'ai l'impression que c'est le genre de critique qui va revenir à plusieurs reprises. On serait alors en meilleure position pour... Je vous remercie.

Le Président (M. Paré): Merci, Mme la députée. La parole est maintenant à M. le député de Mille-Îles.

M. Champagne: Merci, M. le Président. Je veux remercier le Regroupement des intervenants de l'industrie du cinéma de l'Est du Québec pour leur mémoire.

M. Filion, vous parlez d'opter simplement pour une régionalisation du cinéma et d'avoir peut-être des personnes au conseil d'administration central. Je trouve que cela est timide. N'auriez-vous pas dû suggérer un per capita? Vous êtes peut-être en faveur qu'on donne 25 000 000 $, à un moment donné, pour le cinéma, qu'on aille chercher ces 25 000 000 $. Est-ce que vous n'auriez pas dû parler de régions? En parlant de régions, vous avez dix régions administratives, selon le ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, et vous avez dix-huit régions administratives, selon le ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche. Qu'est-ce que vous entendez par régions? Deuxièmement, est-ce qu'on devrait, selon vous, distribuer les sommes d'argent selon l'importance des régions? Je puis vous dire que ceux de l'agglomération montréalaise se sentent lésés. D'accord?

M. Lévesque (Denis): Disons que c'est toujours difficile de définir une région. C'est facile au niveau administratif, on peut y aller par le nombre de têtes dans la région ou une division géopolitique. Mais, si on pousse un peu plus la réflexion, on s'aperçoit qu'une région est beaucoup plus que cela. C'est beaucoup plus une réalité socioculturelle. Si on élargit le débat au niveau culturel, je dirais un petit peu ce tissu social à travers lequel l'imaginaire québécois se façonne, autant des créateurs que de tous les Québécois, et chaque région a ses particularités. Si j'arrête la définition à ce niveau, on devient "régionaleux". Une région se définit aussi par rapport aux autres régions, aux autres particularités culturelles. Je pense qu'une culture nationale est forte dans la mesure où il y a des interactions entre les régions, autant de Montréal vis-à-vis de l'Est du Québec qu'entre toutes les régions.

Imaginez 4 000 000 $, ou plus, ventilés dans tout le Québec. Je pense qu'il y a des régions qui ne sont pas encore prêtes, dans leur développement, dans leur réflexion, à embarquer dans l'industrie régionale du cinéma. Nous, on dit: Essayons au moins dans certaines régions. C'est pourquoi on veut présenter un projet pilote et on va le faire. Au moins, faisons l'expérience dans certaines régions pour voir s'il est possible de développer l'industrie cinématographique dans les régions. Nous y croyons sincèrement et nous demandons d'essayer dans certaines régions qui commencent à avoir une réflexion et une infrastructure intéressantes. Mais nous ne croyons pas qu'en ventilant tout le budget dans toutes les régions cela va répondre vraiment aux besoins. Parce que je pense qu'il y a des régions qui ne sont pas prêtes à recevoir cet argent-là.

M. Filion: J'ajouterais, si vous me le permettez, M. le député, que ce développement en régions doit se faire de façon planifiée et réfléchie, donc avec les gens en place qui ont déjà eu une réflexion et une discussion à la suite de rencontres, de colloques et tout ce qu'on veut au niveau de la concertation régionale. À cet effet, je pense que ce n'est pas toutes les régions qui

ont fait cette démarche, qui sont arrivées à cette démarche. À la suite des rencontres que nous avions eues avec des représentants de l'IQC, il était très clair que, puisqu'on avait des moyens financiers très restreints, on avait déjà de la difficulté à planifier au niveau d'une grande région une industrie cinématographique québécoise. Alors, on ne l'avait pas fait non plus au plan des régions. Étant conscients de cela, ce que nous proposons, c'est tout simplement de l'essayer dans une région, c'est-à-dire de façon planifiée, réfléchie, avec des représentants de l'IQC ou de la Société de financement; qu'on s'assoie avec les intervenants d'une région ou des régions et qu'on planifie, sur une période de temps, un schéma de développement. (20 h 45)

II est sûr que la réflexion n'est pas encore arrêtée. Il y a des consultations qui vont se faire dans les semaines à venir avec des représentants du ministère de l'Expansion économique régionale. Il y a eu des rencontres avec des représentants du milieu du cinéma du gouvernement canadien dont le service de la direction cinématographique du ministère des Communications. Une réflexion s'amorce avec les gens en région, avec l'Office de planification et de développement du Québec. Des rencontres de consultation auront lieu dans les semaines à venir. Ce que nous pensons vraiment, c'est justement de prendre une région spécifique et de lui donner pendant X temps les conditions minimales nécessaires à la production et permettre à ces artisans, à ces promoteurs en région de faire leurs preuves. On sera alors en mesure de dire: Cela se peut ou cela ne se peut pas. On a eu des réflexions de coulisses, si je peux me permettre, qui bien souvent disaient: On ne croit pas au cinéma en région. Par contre, nous y croyons. Je pense qu'on ne peut pas parler de développement culturel ou de cinéma national si on oublie les régions. On a seulement à regarder vers nos artistes régionaux, ceux qui proviennent des régions. Je pense à Jean Lapointe, qui vient de l'Est du Québec, à Félix Leclerc, etc. Il y en a dans bien d'autres domaines aussi. Donc, nos revendications portent sur un principe fondamental qui est qu'on a le droit, en région, d'exister et de vivre dans tous les secteurs d'activité. Il s'agit que les gens s'assoient à une table et trouvent des moyens pour en venir à ces résultats.

M. Champagne: M. le Président, je m'associe à cette demande au sujet de la représentativité au sein du conseil d'administration pour qu'on puisse penser justement aux régions aussi. Je représente la région métropolitaine et je sais qu'il y a là aussi des cinéastes qui ont été lésés. N'oubliez pas qu'il y a eu plus de 2600 demandes d'aide à l'Institut québécois du cinéma et que beaucoup ont été refusées. Si vous avez été refusés dans l'Est du Québec, dans les régions de Québec et de Montréal, il y a eu aussi des refus. Je vois votre préoccupation d'augmenter le budget. Il est de 4 000 000 $. Il sera - on l'espère avec vous - de 25 000 000 $ parce qu'on croit que cette industrie du cinéma doit prospérer car elle est créatrice d'emplois. Elle est dynamique, elle aide au point de vue économique, elle aide à la créativité et je pense qu'elle aide aussi à décrire notre identité.

Je m'associe à cette association pour voir au fonds de soutien qu'elle souhaite et à la répartition des membres au sein du conseil d'administration qui peut la représenter.

Le Président (M. Paré): M. Filion et M. Lévesque, nous vous remercions beaucoup de votre présentation et du temps que vous avez consacré à la commission. Merci.

J'inviterais maintenant le quatrième organisme à prendre place à la table ici en avant. Il s'agit de l'Association des cinémas parallèles du Québec.

Comme pour les autres groupes, j'inviterais le porte-parole à se présenter et aussi à identifier les personnes qui l'accom-pagnent.

Association des cinémas parallèles du Québec

M. Pesot (Jurgen): M. le Président, M. le ministre, messieurs les représentants de l'Opposition, mesdames les députées, messieurs les députés, je vous présente l'équipe qui représente ici ce soir l'Association des cinémas parallèles du Québec. À l'extrême gauche, M. Jacques Labrecque, qui représente d'une certaine façon l'Estrie, les Cantons de l'Est; à gauche, M. Renaud Thériault, qui représente le Saguenay-Lac-Saint-Jean et, à ma droite, Guillaume Bélanger qui représente d'une certaine façon Québec, Sainte-Foy, et moi-même Jurgen Pesot qui ai l'honneur de présider cette association. Je viens de Rimouski. Je signale tout de suite en partant que, si je vous ai donné d'emblée nos provenances respectives, c'est parce que je pense que c'est un détail significatif pour l'association. C'est que nous sommes présentement présents dans toutes les régions du Québec, y compris la région métropolitaine et la région de Québec. Nous sommes absolument partout et c'est une des caractéristiques les plus essentielles de l'association. Nous ne nommes pas massés dans une des régions; nous sommes là essentiellement pour encourager les initiatives locales.

Le mémoire que vous avez sous les yeux représente la position officielle de

l'Association des cinémas parallèles du Québec, non pas face à l'ensemble de la proposition de loi mais seulement face aux parties du projet de loi qui la concernent. Cela ne veut pas dire que l'association n'a pas d'opinion en ce qui concerne l'ensemble du projet de loi ou de certaines parties, mais tout simplement qu'étant donné que nous sommes à peu près tous des bénévoles seulement, nous n'avons pas eu les énergies, l'argent, le temps, etc., nécessaires pour étudier de fond en comble l'ensemble du projet de loi. Nous avons eu l'énergie et le temps nécessaires pour présenter une position face aux parties qui concernent les salles parallèles. Voilà:

Ce projet de loi, que vous avez sous les yeux, disait en trois parties... Une première partie qui reprend les parties essentielles du rapport Fournier, étant donné que nous pensons qu'il y a deux pages dans ce rapport Fournier qui concernent les salles parallèles et qui n'ont pas porté fruit, semble-t-il, concernant le projet de loi. Il n'y a effectivement absolument rien dans le projet de loi qui fasse mention de l'existence même des salles parallèles et il nous a semblé donc intéressant de reprendre les quelques phrases, les quelques paragraphes que le rapport Fournier a consacrés aux réseaux parallèles. Alors on reproduit ici, dans ce mémoire, ces quelques passages.

La deuxième partie porte plus spécifiquement sur les cinémas parallèles, ce qu'ils veulent, ce qu'ils font, ce qu'ils devraient faire, etc., et aussi sur leur association, qui nous sommes ici: qui nous sommes, l'association, combien de personnes nous regroupons etc.

Et, ensuite, une troisième partie qui représente les recommandations formelles. Il y en a quatre en tout. Le tout est précédé d'un préambule avec lequel je vais commencer maintenant la lecture du mémoire.

Au printemps de l'année 1979, le ministre des Communications, qui était alors responsable du secteur du cinéma, faisait une tournée pour connaître les réactions des organismes concernés à son livre bleu vers une politique de cinéma au Québec.

À ce moment, l'Association des cinémas parallèles du Québec venait à peine de naître - c'est en 1979 effectivement que nous avons été créés, que nous nous sommes mis sur pied - et n'était donc pas en mesure de réagir au nom de ses membres. Cependant, sans se concerter, plusieurs membres ont déposé des mémoires qui étaient basés sur des expériences similaires et, avant tout, sur une même philosophie et sur une même volonté. Ces mémoires ont été unanimes à rejeter les principales recommandations du livre bleu concernant l'exploitation cinématographique.

Ils ont, sans aucun doute, fortement contribué à la décision du gouvernement d'abandonner tout le projet. Trois ans et demi plus tard, la commission d'étude sur le cinéma et l'audiovisuel, la commission Fournier, publie un rapport assorti d'un ensemble complexe de recommandations, rapport qui est accueilli par le milieu avec satisfaction, voire avec enthousiasme. L'ACPQ, elle aussi, donne son appui global au rapport et en particulier aux recommandations concernant le réseau des salles parallèles. C'est qu'elle a la nette impression que ses interventions dans les travaux de la commission ont porté fruit.

Aujourd'hui, on nous soumet un projet de loi qui, dit-on, s'inspire du rapport Fournier. Il est vrai que ce projet de loi a l'ambition de régler certains des problèmes évoqués dans le rapport Fournier. Mais, en ce qui a trait aux cinémas parallèles, il n'en souffle mot. Le cinéma y est considéré exclusivement, sous l'angle de l'industrie et du commerce, en négligeant complètement le fait que le cinéma est aussi, et en même temps, une forme d'art, un médium privilégié de l'imaginaire collectif et une activité culturelle. C'est un passage d'ailleurs qui rappelle étrangement le discours du ministre, tout à l'heure.

Le projet de loi eut été présenté par le ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, nous aurions compris. Venant du ministère des Affaires culturelles, nous demeurons quelque peu perplexe. Mais, avant d'aller plus loin, il est impératif, pour mieux nous faire comprendre, de rappeler quelques passages clés du rapport Fournier. Pour aller au plus pressant, vu qu'il est tard, je vais sauter plusieurs parties. Je vais prendre, pour commencer, seulement les deux premiers alinéas, si vous voulez bien.

En 1981, le Bureau de surveillance du cinéma répertoriait 82 salles parallèles au Québec. C'est encore à peu près la même chose aujourd'hui. Une soixantaine d'entre elles étaient considérées comme cinémas parallèles majeurs et l'Association des cinémas parallèles du Québec en regroupait 39. Nous sommes 45 maintenant. On estimait approximativement à 1 000 000 $ les sommes dépensées à leurs guichets. La fréquence, la nature et l'ampleur des activités des cinémas parallèles du Québec varient énormément en fonction des institutions et des régions où ils sont implantés. Cela est très important. Alors, je vais sauter le reste de la page pour aller au deuxième alinéa de la page 4.

La commission estime donc que l'ensemble de la politique de l'État à l'égard des salles parallèles doit répondre aux orientations suivantes: Premièrement, définir et clarifier les mandats du réseau parallèle; les activités de ce réseau devraient se conformer aux objectifs spécifiques suivants et s'y limiter strictement: assurer

l'information, l'éducation et l'animation cinématographique des citoyens; combler, lorsqu'il y a lieu, les lacunes de l'exploitation commerciale en offrant un éventail varié d'oeuvres classiques et modernes de genres et de cultures diverses; deuxièmement, favoriser le processus de fédération formelle dans lequel le réseau parallèle s'est déjà engagé; troisièmement, accorder une reconnaissance officielle à la fédération ainsi constituée.

La situation se termine sur le passage suivant: La commission estime qu'ainsi, les zones de friction et de compétition entre le réseau parallèle et le réseau commercial seront considérablement réduites. Elle considère également que seront alors réunies les conditions pour l'émergence d'une fédération des salles parallèles dont le poids économique, l'originalité des activités et l'enracinement dans le milieu constitueront autant d'outils d'enrichissement de la culture cinématographique de tous les citoyens. L'industrie cinématographique y trouvera, du même coup, un interlocuteur exigeant et un puissant allié.

Au moment de la parution du rapport Fournier, ces passages n'ont pas manqué de nous séduire. Aujourd'hui, scrutant le projet de loi qui s'en inspire, nous constatons que pas un article, pas un paragraphe, pas une phrase n'y font la moindre allusion, sauf, il faut ajouter cela, au chapitre qui porte sur la réglementation où, effectivement, les salles parallèles sont mentionnées. Je préviens effectivement une question sur ce sujet, non pas qu'on n'avait pas vu cela au moment de l'élaboration de notre mémoire, mais c'est parce qu'on trouve qu'on passe là dans le menu fretin d'une certaine façon, on est une sous-catégorie d'exploitants. C'est justement une chose qu'on essaie d'éviter ici. En ce qui concerne le réseau parallèle, le projet de loi ne fait que consacrer, une fois pour toutes, la situation actuelle, c'est-à-dire, d'un côté, les tensions, les chicanes, les bris de contrats, l'attitude "pressons le citron" de certains distributeurs, et de l'autre, la lassitude des organisateurs cinéphiles, l'éclatement des efforts, l'essoufflement d'initiatives locales: des ciné-clubs qui se créent à gauche, des ciné-clubs qui se ferment à droite. C'est un monde en mouvement. Seules les cinq ou six grandes salles parallèles continueront d'émerger de ce "free-for-all" traditionnel. Les autres, apparaissant et disparaissant, au gré du goût pour l'aventure de quelques individus, devront attendre une nouvelle loi, car aucune réglementation, aucune catégorisation établie ultérieurement par la nouvelle régie ne pourra, dans la pratique, corriger des erreurs ou des omissions commises au niveau des principes. Dans ce qui suit, nous passerons en revue quelques-uns de ces principes.

Je saute ici. Une petite précision pour éviter la confusion qu'on pourrait tenter de faire entre nous, les cinémas parallèles, et le Cinéma parallèle, qui est un cinéma commercial à Montréal. Alors même si on entretient des relations fort amicales avec ces gens, ce n'est pas la même chose. (21 heures)

Qu'est-ce qu'un cinéma parallèle? Sur le plan légal, un cinéma parallèle est tout simplement un organisme qui a pour but de diffuser du cinéma, et ce, sans but lucratif. Le lieu de projection n'entre pas en ligne de compte. Les représentations peuvent avoir Heu dans un auditorium d'une polyvalente ou d'une université, dans une salle de cours, un gymnase, une salle de conférence d'un motel, un cinéma commercial et, pourquoi pas, un sous-sol d'église ou un sous-sol privé. Toutes ces choses ne sont pas inventées, cela existe. On pourrait même envisager d'être propriétaire d'une salle, pourquoi pas? Il ne joue aucun rôle non plus.

Le prix payé aux distributeurs. On paie toutes sortes de prix, de 100 $ et même moins, jusqu'à 600 $, 900 $ parfois, à taux fixe ou à pourcentage.

La provenance de la copie. Cela non plus n'entre pas en ligne de compte. Que cela provienne de l'ONF, de l'entreprise privée, d'organisme sans but lucratif. Le type de film non plus: fiction ou documentaire, long, moyen, court métrage. Le format de la copie non plus: 35 ou 16 millimètres ou peut-être, un jour, vidéo. L'âge du film non plus: vieux classique, film récent ou même primeur. Ni même - et cela est extrêmement important - la qualité du film. Peu importe ce qu'on entend par qualité, parce qu'il y aura d'énormes difficultés à définir des critères de ce qu'est la qualité dans le domaine cinématographique. Un seul critère doit être maintenu et défendu: L'organisme ne doit pas poursuivre un but lucratif en présentant des films. Mais, en apparence, ce critère a d'énormes implications sur le plan économique et culturel.

Aspect économique. En général, les propriétaires de salles commerciales ne nous aiment pas ou nous ignorent. Ils nous ignorent quand nous présentons des films "flop", des films dont ils ne veulent pas ou quand nous n'avons que peu de spectateurs. Ils commencent à nous envier quand ces mêmes films qui échoueraient chez eux ont du succès chez nous. Cette envie devient carrément irrationnelle quand nous remplissons nos salles avec des films de grande qualité. Là, ils nous reprochent de présenter des films "commerciaux". Autrement dit, pour eux, un film de qualité est un film qui ne marche pas, un film sans spectateur. Un film commercial est un film qui marche, fut-il de qualité. Ils sont prêts à tolérer une salle parallèle vide. Bref, aussi longtemps qu'on laisse aux commerces le loisir d'exploiter n'importe quel film, tout en

imposant au réseau parallèle une quelconque définition restrictive, ce réseau continuera d'être plus ou moins la poubelle de l'industrie.

Pour sortir de cette situation, une salle parallèle pourra avoir les mêmes obligations qu'une salle commerciale: les taxes, le prix des films, visa, etc., mais elle devra avoir les mêmes droits: celui de la fréquence et de l'horaire, celui de faire de la publicité, celui du choix des films, etc. Le seul droit qu'elle n'aura pas, c'est celui de faire des profits.

Qu'arrive-t-il alors lorsque le cinéma parallèle X - cela n'a rien à voir avec les cinémas X - enregistre un surplus avec la présentation du film Y? D'abord, qu'est-ce qu'un surplus? On s'imagine souvent, en pensant par exemple aux salles opérant dans les institutions scolaires, que tout est gratuit à l'exception du film lui-même. Or, les taxes, certains services, certaines rémunérations, la publicité, etc., sont de plus en plus aux frais de la salle parallèle, sans compter ce que coûtent l'information et l'animation cinématographique dont les salles commerciales ne s'occupent aucunement. Considérant qu'un film est loué 100 $, 200 $, 300 $ par représentation, on calcule facilement le nombre de spectateurs requis pour éviter le déficit. Tout surplus sert automatiquement à éponger des déficits antérieurs ou à constituer un fonds de roulement. Si, par contre, la loi ou la réglementation subséquente devait restreindre d'une façon ou d'une autre l'activité cinématographique des salles parallèles, ce serait tout à fait en contradiction avec les recommandations du rapport Fournier qui comptaient, au contraire, la promouvoir et la stimuler. En d'autres termes, si l'orientation non commerciale des salles parallèles devait être définie, dans la nouvelle loi ou la nouvelle réglementation, par d'autres critères que celui prévu par la troisième partie de la Loi sur les compagnies ou éventuellement la loi des coopératives, ce réseau ne pourra jamais avoir ce poids économique, dont parle le rapport Fournier, et l'industrie cinématographique n'y trouvera pas non plus un interlocuteur exigeant et un puissant allié, comme le dit le rapport Fournier.

Aspect culturel. Le rapport Fournier mentionne surtout, à propos de la fédération des salles parallèles - et je cite "l'originalité des activités et l'enracinement dans le milieu qui constitueront autant d'outils d'enrichissement de la culture cinématographique de tous les citoyens". Autant nous rejetons catégoriquement toute limitation concrète du champ d'intervention des cinémas parallèles, que ce soit par l'octroi d'un sous-permis contraignant, que ce soit par une obligation sélective déterminée par les autorités, la régie, ou par le commerce, autant nous souhaitons que la loi reconnaisse explicitement notre rôle culturel et éducatif.

Deux métaphores, si vous le voulez bien. Lorsque le CRTC accorde des permis à des radios éducatives, il reconnaît leurs buts spécifiques par lesquels elles se distinguent des stations de radio commerciales. Lorsque le gouvernement du Québec a mis sur pied Radio-Québec, c'était dans le but explicite de créer une télévision éducative. Mais le CRTC n'interdit pas aux radios éducatives de passer les disques qu'elles veulent, de parler du sujet de leur choix, de diffuser aux mêmes heures que les autres radios, etc. De même Radio-Québec a le droit de présenter les émissions, les dramatiques et les films de son choix. Il ne viendrait à l'esprit de personne d'accorder à Télé-Métropole le droit de déterminer quels films Radio-Québec pourra présenter. Ce qui compte, c'est que les radios éducatives et la télévision québécoise aient un mandat culturel explicite et que globalement, elles tentent de le remplir.

Quant aux cinémas parallèles, la situation est semblable. Présentement, rares sont les salles qui ont le simple divertissement pour but explicite. Dans les faits, plusieurs s'adonnent, il est vrai, au cinéma de divertissement, mais avec une mauvaise conscience plus ou moins marquée. La plupart ont des objectifs clairement culturels ou éducatifs. D'ailleurs, cela découle de leur statut d'organisme sans but lucratif formé en général d'un groupe de bénévoles. On sait que le bénévolat est fondé sur une volonté d'amélioration, sur la conviction de pouvoir accroître la qualité de la vie, de pouvoir contribuer au bien-être physique ou psychique des citoyens d'un quartier, d'une région ou d'un pays.

Les organisateurs de cinémas parallèles ont pratiquement tous cette qualité des bénévoles d'être indépendants de l'appât du gain et de la loi du profit. Leur rémunération, c'est le plaisir de participer à une initiative locale, le plaisir de pouvoir montrer des films de qualité que la salle commerciale ne veut pas ou ne peut pas montrer, le plaisir de voir beaucoup de spectateurs pour un film totalement inconnu ou différent de la production courante, le plaisir d'amener des gens à réfléchir, à s'intéresser à de nouvelles formes d'expression, à élargir l'horizon de leurs connaissances et de leur sensibilité.

Plus concrètement, que fait un cinéma parallèle? Il est bon de signaler ici le fait que la grande majorité des membres de notre association travaillent en dehors de Montréal: à Saint-Jean-Port-Joli, Mont-Laurier,

Beauharnois, Laval, Port-Cartier, Rimouski, Rouyn, Sainte-Anne-des-Monts, etc. Cela est assez symptomatique. Ce n'est pas à Montréal, mais en région que des citoyens sentent le besoin de suppléer à une diffusion

déficiente. La diffusion commerciale est précisément contrôlée à partir de Montréal. Ce sont particulièrement les régions périphériques qui doivent se doter de moyens pour sortir du sous-développement culturel. Ces régions constituent le tiers monde du cinéma au Québec. La création et la promotion d'un cinéma parallèle constitue un de ces moyens.

Un film de qualité, au moment où il est lancé à Montréal, profite d'une information relativement adéquate. Six, douze, vingt mois plus tard, lorsque ce film peut être montré dans les régions périphériques, une information et une promotion toute particulière se révèlent nécessaires. Seul un cinéma parallèle peut intervenir sur ce plan. Même dans les grands centres, Québec, Trois-Rivières, Sherbrooke, un cinéma parallèle pourrait non seulement accorder un soin particulier à l'information, mais créer des habitudes de visionnement et proposer un encadrement et une animation qu'un cinéma commercial ne peut se permettre.

En outre, précisément à cause de ce qui vient d'être mentionné, un cinéma parallèle est en mesure de présenter, souvent avec beaucoup de succès, des films difficilement rentables: documentaires, courts et moyens métrages, films québécois, films engagés, classiques, films de provenance ou de facture peu courante. En région, un cinéma parallèle peut créer des événements cinématographiques: semaines de cinéma, journées consacrées à un thème, festivals. Un cinéma parallèle peut mettre son public en contact avec un cinéaste.

Par ailleurs, les salles commerciales sont pratiquement toutes programmées à partir de Montréal et ne peuvent donc pas se soucier du caractère propre des régions. Les cinémas parallèles pour leur part sont tous mis sur pied et programmés par les gens mêmes de la région. Ce cinéma leur appartient et leur ressemble. Bien souvent, les spectateurs collaborent directement au fonctionnement de leur cinéma parallèle, par exemple par des sondages, par la participation bénévole au comité ou par leur apport comme membre. Mieux encore, à bien y réfléchir, un cinéma parallèle peut être considéré, non comme une entreprise qui offre un produit à consommer, mais plutôt comme un regroupement de consommateurs avertis qui choisissent eux-mêmes et de façon plus critique les produits qu'ils consomment.

On nous fait souvent l'objection que les cinémas parallèles, en dépit de leur vocation culturelle, font bon gré mal gré de l'exploitation. Comme les producteurs à vocation culturelle, par exemple l'ACPAV, fait de la production et les distributeurs à vocation culturelle, par exemple J.-A Lapointe, font de la distribution.

Cette objection, si elle était fondée, justifierait le projet de loi qui ne nous voit que comme une sous-catégorie de l'exploitation. Voici ce que nous répondons: Un écrivain, un musicien, un écolier et un banquier sont tous des consommateurs de papier. Ce n'est pourtant pas suffisant pour les caractériser. L'écrivain et le musicien se trouveraient sans doute plus d'affinité entre eux qu'avec le banquier. Un cinéma parallèle fait de l'exploitation, c'est vrai. Mais il se trouve au moins autant d'affinités avec des cinéastes, qui se retrouvent pourtant du côté de la production, des producteurs de spectacles, les jeunesses musicales et les troupes de théâtre qu'avec des exploitants commerciaux.

Les termes "production", "distribution", "exploitation" correspondent aux trois étages de l'industrie cinématographique. Oui, je dis bien de l'industrie cinématographique; je devrais mettre l'accent là-dessus. Du côté de la culture cinématographique, sans nier les réalités de l'industrie, on parle davantage de la réalisation d'un film d'un côté et de sa diffusion de l'autre. Ce dernier terme recouvre exactement le champ d'activités des cinémas parallèles et leur association. L'association pourra même, un jour, acheter des films et en assurer la distribution. Là, je fais une petite hypothèse entre parenthèses, si vous me le permettez. Supposons que, d'ici 5 à 10 ans, tous les distributeurs indépendants seront disparus et qu'il ne restera que les "MAJORS", quelques vendeurs de chaussures, etc. - enfin, mettons cela au pire - il n'y aura plus de film de qualité et nous, à ce moment-là, on n'aura plus de produit à présenter. L'association aimerait, à ce moment-là, avoir la possibilité d'aller acheter nos propres films à Cannes, à Berlin, n'importe où, et les diffuser ici, au Québec, dans le réseau parallèle. (21 h 15)

Troisièmement, si nous réclamons une reconnaissance à part du réseau d'exploitation commerciale, ce n'est évidemment pas seulement en raison de notre vocation culturelle. L'ACPAV pourrait à ce titre réclamer son statut particulier. Ce qui nous confère de fait ce statut particulier c'est que, parmi tous les intervenants en cinéma, nous sommes les seuls, du moins en région périphérique, à avoir un contact avec le dernier maillon de la chaîne qu'on oublie souvent, les spectateurs. Comme nous l'avons détaillé précédemment, nous faisons plus que considérer ceux-ci comme de simples consommateurs.

Voilà pour le mémoire. Nous passons à la dernière partie, les recommandations. Première recommandation. L'article 94 interdit toute distribution de films sur une base commerciale sans permis de distributeur. L'article 100 interdit tout tournage sur une base professionnelle sans

permis de tournage. L'article 103 interdit toute production sur une base professionnelle sans permis de producteur. En revanche, l'article 87 interdit toute présentation de films en public sans permis d'exploitation, peu importe la base. Nous réclamons que cette interdiction soit restreinte comme pour les autres permis à l'activité commerciale. Cet article devrait donc se lire comme suit: "87. Nul ne peut, sur une base commerciale, exploiter un lieu de présentation de films en public s'il n'est titulaire d'un permis d'exploitation de la catégorie appropriée déterminée par règlement de la régie."

Deuxième recommandation. Le permis d'exploitation ne s'appliquant plus aux cinémas parallèles, étant donné qu'on vient de s'en exclure, nous réclamons l'instauration d'un permis spécifique dont les exigences soient mieux adaptées à la réalité fort diversifiée des salles dans les régions. Une des exigences - à déterminer par la régie -qui garantiraient dans l'ensemble le mandat culturel de l'organisme qui fait la demande pourrait être l'appartenance à une fédération reconnue. Ce pourrait être nous, ce pourrait être un jour une autre association. Le permis, qui pourrait être appelé "permis de diffusion non commerciale", devrait être exigé de toute personne physique ou morale qui présente des films sur une base non commerciale, y compris les institutions scolaires à l'exception toutefois des présentations à des fins didactiques, c'est-à-dire dans les cours, les activités scolaires créditées. Je pourrais ajouter le début de cette nouvelle section que nous proposons dans le projet de loi. Cela pourrait se lire ainsi: "1. Nul ne peut, sur une base non commerciale, présenter des films s'il n'est titulaire d'un permis de diffusion non commerciale; 2. Aux fins de l'article 1, est considéré comme film tout moyen ou long métrage d'une heure ou plus sans égard à son format ou son support; 3. La demande d'un permis de diffusion non commerciale ou son renouvellement doit être faite conformément aux règlements de la régie." Comme vous le voyez, je copie la section du permis d'exploitation et je l'adapte à notre réalité. "4. Un permis de diffusion non commerciale est valable pour la période que détermine la régie mais cette période ne peut excéder dix ans - on serait prêt à baisser cela à cinq et peut-être même à trois ans; 5. Un permis de diffusion peut être renouvelé ...". Il faut mentionner à ce moment-là un petit article qui exclurait les présentations de films à des fins didactiques et il faudrait rendre, bien sûr, l'ensemble du projet de loi concordant avec la création d'une nouvelle section.

La troisième recommandation se lit comme suit: Nous croyons avoir suffisamment expliqué la spécificité des cinémas parallèles comme lieux de contact entre les produits de l'industrie cinématographique et leurs consommateurs, les spectateurs. Nous réclamons au chapitre de l'Institut québécois du cinéma et de la vidéo, l'article 16, que les cinémas parallèles soient reconnus comme un groupe à part entière, appelé à occuper un siège à l'institut. Il faudrait que j'ajoute à cela, étant donné que j'ai appris aujourd'hui qu'il y en a 19 autres qui demandent à peu près la même chose, que je pense que notre demande est bien fondée. Je ne parlerai pas contre les autres mais je parlerai pour nous. Nous ne voudrons pas que la représentativité au conseil d'administration de l'institut soit morcelée. On ne veut pas qu'il y ait 40, 50, 60 membres qui siègent à ce conseil d'administration et que nous n'ayons qu'une voix, mais on voudrait qu'il y ait les huit représentants présentement prévus par le projet de loi plus un neuvième, pour les diffuseurs non commerciaux, plus les quatre autres qui sont présentement prévus pour n'importe qui, c'est-à-dire probablement les spectateurs. Alors, c'est pour permettre au secteur - que nous croyons important - de la diffusion non commerciale d'être reconnu officiellement, pratiquement et concrètement au niveau de la loi.

Quatrième proposition; là, vous allez me dire que c'est au niveau de la réglementation, que c'est donc à venir et que ça ne peut pas entrer dans un projet de loi, mais je vais la lire quand même. De façon plus générale, eu égard à l'orientation que le présent projet de loi semble vouloir donner à la réglementation, nous réclamons que cette réglementation soit élaborée en conformité avec l'esprit du rapport Fournier en ce qui a trait au mandat et au statut du réseau parallèle. Le rôle de la diffusion non commerciale devra y être carrément reconnu. Merci.

M. Richard: Je vous remercie, M. Pesot. J'aurais quelques brèves questions à vous poser qui, je pense, appellent aussi des réponses brèves. J'avoue que j'arrive difficilement à saisir votre mémoire, précisément parce que le projet de loi, à l'article 159, a voulu créer un statut spécial pour les cinémas parallèles. Je vous rappelle qu'au premier paragraphe de l'article 159 on dit que "la régie peut également, par règlement: 1° établir des catégories de permis d'exploitation en tenant compte de la nature des lieux de présentation de films etc." Parce que c'était, en quelque sorte, un permis général d'exploitation et que nous savions que vous réclamiez un statut spécial, que cela était endossé par le rapport Fournier, nous avons précisément voulu prévoir et inclure le dernier paragraphe de l'article 159 qui dit ceci et qui répond, il me semble, précisément aux demandes formulées dans votre rapport et dans vos propos. "Aux fins du paragraphe 1 du

premier alinéa, les permis d'exploitation - et il y en a deux qui sont tout à fait spéciaux, donc plus qu'à part entière, parce que les conditions imposées aux autres ne sont pas imposées au réseau parallèle - de ciné-parcs constituent une catégorie de permis d'exploitation. Il en est de même du permis d'exploitation de salle parallèle pourvu qu'il soit délivré à une corporation sans but lucratif..." Ceci correspond exactement à la définition que vous nous donnez d'un cinéma parallèle.

De surcroît, vous ajoutez, avec raison, à la toute fin de votre mémoire, à la quatrième recommandation: "De façon plus générale, eu égard à l'orientation que le présent projet de loi semble vouloir donner à la réglementation, nous réclamons que cette réglementation soit élaborée en conformité avec l'esprit du rapport Fournier en ce qui a trait au mandat et au statut du réseau parallèle. Le rôle de la diffusion non commerciale devra y être clairement reconnu."

Vous avez un statut spécial non seulement à part entière, mais vraiment bien reconnu dans la loi par l'article 159. Je vous indique immédiatement que, pour des raisons évidentes puisqu'on vous reconnaît un statut dans la loi, il faudra bien vous suivre en ce qui a trait à la recommandation quatrième de votre mémoire. Je me dis alors: Que manque-t-il? C'est ma question, M. le Président.

M. Pesot: M. le Président, vous pouvez être sûr que les articles du projet de loi auxquels vous venez de faire allusion, nous les avons lus. Je les ai soulignés deux fois dans mon exemplaire, je connais ces passages par coeur. Nous avons donc tous vu la mention qui est faite des salles parallèles dans le projet de loi. Cela est clair. Donc, d'une certaine façon nous sommes présentement reconnus en ce sens que le projet de loi reconnaît que les salles parallèles existent; c'est vrai. Maintenant, dès qu'on regarde la façon dont la régie devra établir sa réglementation, là cela devient différent parce qu'on a essayé de préparer plusieurs scénarios pour voir à quoi cette réglementation peut ressembler. Peu importe la façon dont nous avons tourné ces scénarios, il en est toujours ressorti ceci, c'est qu'il y aura au minimum quatre catégories de permis d'exploitation. Il y aura la première catégorie: l'exploitation en général. Cela, c'est n'importe qui, en particulier, les salles commerciales, évidemment, qui auront tous les droits, qui s'approvisionneront au "pool" général des films que les distributeurs leur fourniront etc. C'est la catégorie très générale, sans restriction aucune. Ensuite, les trois autres sont: les ciné-parcs qui sont mentionnés à l'article 159, il y a les salles parallèles et - ce n'est peut-être pas ici, mais ailleurs dans le projet de loi - il y a aussi les bars, les hôtels etc., qui peuvent présenter des films. On se demande de quel genre, mais il y a des bars et des hôtels qui peuvent présenter des films tout en servant de l'alcool. Cela est aussi une catégorie qui sera prévue par la régie.

Cela veut dire que, de façon très concrète, il y aura au moins quatre catégories d'exploitation: une catégorie générale pour les salles commerciales qui auront tous les droits, plus trois ou plusieurs catégories qui seront nécessairement définies restrictivement par rapport à la première. Ici, on appelle cela des catégories, mais, au fond, ce sont des espèces de sous-catégories. On sera nécessairement défini par restriction aux salles commerciales. On a cherché à savoir quelles pourraient être les conditions d'admission pour avoir un permis de cette catégorie et tout ce qu'on a pu nous répondre, effectivement, c'était toujours en nous donnant des exemples de restrictions.

Dans le temps du livre bleu qui a heureusement été abandonné, mais dont les idées circulent peut-être encore, on parlait du type de films que nous aurons le droit de présenter. Donc, ce seront, par exemple, des films vieux de tant d'années, peu importe, d'un an, deux ans, cinq ans, dix ans, pour mettre l'emphase sur la diffusion du cinéma classique. Si ce n'est pas cela, ce sera le cinéma québécois. On nous imposera un quota de cinéma québécois, 30% ou 50% ou ne serait-ce que 10%. Ou bien, alors, ce sont des films de toutes sortes d'autres catégories. Cela n'a pas marché en 1979; on le rejette encore maintenant et il paraît qu'à la régie ils ne retiendront pas cette possibilité, non plus.

Alors, s'ils ne retiennent pas la possibilité de nous catégoriser en fonction du type de films que nous aurons le droit de présenter, ils en trouveront d'autres. On nous a donné des exemples, comme: Vous aurez le droit de présenter des films seulement trois fois par semaine, pas cinq fois, pas six fois, pas huit fois, mais trois fois ou n'importe quoi d'autre. J'ai amené des contre-exemples; on a de grosses salles parallèles qui présentent des films six à huit fois par semaine. Cela serait exclu. Si ce n'est pas cela, ce sera une autre restriction du genre: II faut que votre salle ne soit pas réservée exclusivement au cinéma, mais il faut qu'il y ait aussi du spectacle, de la musique, etc. Ce serait encore une restriction. Donc, un cinéma parralèle qui aurait la chance unique de présenter des films dans une salle qui serait toujours vide et qui servirait de temps en temps au cinéma, cela serait exclu aussi. Bref, cela sera toujours par exclusion, par restriction par rapport aux salles commerciales qui, une fois de plus, auront tous les droits. C'est exactement pour cette

raison que nous voulons nous en sortir pour créer le secteur parallèle, la diffusion parallèle.

M. Thériault (Renaud): J'aurais juste une petite chose à ajouter qui me semble bien simple. Ce qu'on nous propose en gros, c'est un statut particulier dans la catégorie commerciale, alors qu'on demande l'indépendance dans une catégorie non commerciale. Je pense que vous comprenez très bien ce qu'on demande là-dessus.

M. Richard: Avec votre permission, M. le Président, on crée un statut spécial pour le réseau non commercial. C'est exactement ce que vous demandez dans votre mémoire. D'autre part, ce que vous me dites, c'est que vous appréhendez les restrictions d'une régie qui n'existe pas. Vous me dites qu'elle fera telle et telle chose alors qu'elle n'existe pas encore. Elle n'a pas encore été créée; les membres de cette régie, bien sûr, ne sont pas encore nommés et vous appréhendez les restrictions, les contraintes que pourrait vous imposer cette régie alors que, pour éviter ce problème, nous avons voulu, précisément dans la loi, vous reconnaître un statut spécial et vous exclure des conditions prévues au premier alinéa de l'article 159. C'est cela, la conséquence. (21 h 30)

Ce que vous demandez, vous l'obtenez, à moins qu'il n'y ait une incompréhension de la loi. Si vous voulez changer de section dans la loi, je n'en ferai pas un grand débat, mais il y a un statut spécial pour le cinéma parallèle, un permis spécial qui est réservé au cinéma parallèle, exclu des contraintes du premier alinéa de l'article 159. C'est exactement ce que vous visez. On verra après, quant aux contraintes prévues aux paragraphes 2, 3, 4, 5 et 6, mais qui sont surtout prévues pour les autres. Vous voyez tout de suite l'esprit qui marque le projet de loi. Quant aux restrictions et aux contraintes qui pourraient vous être imposées par une régie qui n'existe pas, inutile de vous dire que je ne voudrais pas qu'on discute trop longtemps là-dessus. Je peux vous dire que cela irait à l'encontre de l'esprit et de la lettre même du projet de loi.

M. Pesot: M. le Président, j'ai deux choses à répondre à cela. Premièrement, j'aimerais que vous reprécisiez ce que vous venez tout juste de dire au sujet de l'exclusion qui nous serait offerte, d'une certaine façon, des obligations. Je lis le dernier paragraphe de l'article 159 et je ne vois pas du tout en quoi nous serions exclus ou exonérés, quelque chose comme cela; je ne me souviens plus du terme que vous avez utilisé. "Aux fins du paragraphe 1, les permis d'exploitation de ciné-parcs constituent une catégorie...", une sur plusieurs, une sur quatre probablement. Il en est de même pour les salles parallèles; il y en aura une aussi pour les bars et une aussi pour les salles commerciales. Quelle serait l'exonération dont nous pourrions jouir?

M. Richard: C'est qu'on précise, au dernier alinéa, que votre statut non commercial vous donne droit à un permis. Voilà ce que je veux vous dire.

M. Pesot: Cela veut dire très clairement, si vous me permettez, M. le Président, que nous aurons effectivement un permis spécifique sur lequel seront mentionnés les mots "salle parallèle" ou "salle non commerciale".

M. Richard: Non commerciale, c'est cela qui est indiqué dans la loi.

M. Pesot: Oui.

M. Richard: Et c'est tout à fait conforme à la définition que vous donnez du cinéma parallèle.

M. Pesot: Cela, ça va. Mais il y a une deuxième chose. Évidemment, nous aussi, on a discuté beaucoup de la question parce qu'on savait très bien que vous alliez nous poser ces questions. Nous aussi, on a parlé du fait qu'il ne faut pas - comment on appelle cela? - intenter un procès d'intention.

M. Richard: À une personne morale qui n'existe pas encore.

M. Pesot: Voilà, faire un procès d'intention à une régie qui n'existe pas. Nous aussi, nous savons cela, bien sûr. Sauf qu'on sait que la régie s'en vient. La régie va être instituée et elle aura un travail à faire. On sait aussi quel travail elle devra faire; on sait que la régie aura l'obligation de définir... "Elle peut également, par règlement, établir des catégories." C'est donc la régie qui devra le faire. Je pense que, vu qu'on est des gens intelligents ici, on a le droit de prévoir, non pas de faire des procès d'intention, mais de penser. Et nous, on a pensé et on a trouvé qu'il était logique de dire ce que j'ai dit tout à l'heure, c'est-à-dire qu'il y aura au moins quatre catégories, dont une générale. Cela, c'est important. Elle n'existe peut-être pas; la régie n'a peut-être rien fait encore, mais elle le fera, elle ne peut pas faire autrement, à mon avis. Donc, un permis pour les salles commerciales, plus les permis spécifiques; donc, des espèces de sous-permis, juste des sous-permis, qui auront des obligations de plus ou des restrictions de plus. Si ce n'est pas cela, qu'on éclaire ma lanterne. Nous, on ne voit pas la possibilité pour la régie de

s'en sortir autrement. Comme on ne voit pas comment elle peut s'en sortir autrement, nous, on dit: On s'en sort avant qu'elle ne s'en sorte pas, d'une certaine façon.

M. Richard: M. Pesot, je prends bonne note de vos recommandations et de vos suggestions. Je vous remercie encore une fois.

Le Président (M. Paré): La parole est maintenant à M. le député de Laprairie.

M. Saintonge: En fait, vous désirez une reconnaissance formelle de par le texte de loi et non pas simplement être reconnus comme une catégorie d'exploitants de permis. C'est bien cela?

M. Pesot: Une sous-catégorie.

M. Saintonge: Bon, une sous-catégorie de permis. Je pense que c'est dans le cadre que ce que le rapport Fournier pouvait recommander. J'ai lu un peu votre mémoire, j'ai suivi votre lecture du mémoire et je comprends que vous vous attachez principalement à la diffusion du cinéma. Considérant le fait qu'on vous mentionne comme étant un interlocuteur exigeant et un puissant allié, et qu'on parle aussi du poids économique que vous pourriez exercer au niveau du cinéma, considérant le fait également que vous avez une importance assez grande en région, quels sont les liens que vous entretenez ou de quelle façon êtes-vous impliqués dans les activités de cinéma au sens large et plus particulièrement avec les producteurs régionaux?

M. Pesot: Je pense que la réponse à cela est fort simple. Nous sommes impliqués dans la diffusion, traditionnellement appelée l'exploitation. Nous présentons des films à des cinéphiles, c'est-à-dire que ce sont les cinéphiles eux-mêmes, les spectateurs avertis qui se regroupent, qui forment un ciné-club ou une salle parallèle quelconque pour faire venir des films de Montréal, ou du distributeur, pour les présenter. C'est uniquement cela. Nous n'avons aucun lien avec des producteurs régionaux. Si jamais il y en a - j'ai appris aujourd'hui qu'il y en avait ou qu'on voulait qu'il y en ait - nous n'aurons pas d'objection à entretenir des relations avec eux. Nous encourageons les initiatives locales, c'est ce qu'on a dit dans le mémoire; alors, si on veut être conséquents avec nous-mêmes, nous le ferons aussi au niveau de la production lorsque le moment sera venu, mais pour le moment, nous sommes des diffuseurs exclusivement.

M. Thériault: J'aimerais apporter une précision là-dessus. La situation est très différente dans chacune des régions. Pour ce qui est de Chicoutimi, il y a des revenus du ciné-club cette année qui ont servi à financer la production de films super-huit d'un groupe d'étudiants ou d'amateurs de super-huit. C'est une aide financière qu'un ciné-club apporte à la production de super-huit, mais cela n'est pas un moule, cela n'appartient pas à l'ensemble des régions, c'est propre à chacune des régions.

M. Pesot: C'est vrai qu'il y a eu d'autres expériences du genre, mais ce n'est pas très important. À Rimouski aussi, il y a eu une expérience de ce genre à un moment donné, mais c'est encore infime comme importance.

Le Président (M. Paré): M. le député de Mille-Îles.

M. Champagne: Seulement une remarque. J'ai été un peu froissé comme résident de Laval. Vous parlez de Laval et de ces régions périphériques en disant: "Ces régions constituent le tiers monde du cinéma au Québec." Alors, j'ai été un peu froissé. À Laval, il y a quand même plusieurs salles de cinéma. C'est sûr qu'il y a des salles de cinéma parallèle, peut-être, mais je m'inscris en faux. J'ai mon bon ami, Lome Bernard, qui représente les cinémas Odéon et je pense qu'avec moi il a été froissé en entendant que Laval est le tiers monde du cinéma au Québec. Enfin, c'est à la blague que je vous envoie cela.

Je vous trouve un peu sévères face au cinéma commercial. Vous vous donnez tous les droits et, à un moment donné, dans une de vos recommandations, la recommandation no 2, vous dites: "Le permis, qui pourrait être appelé permis de diffusion non commerciale, devrait être exigé de toute personne physique ou morale qui présente des films sur une base non commerciale, y compris les institutions scolaires". J'ai déjà organisé un ciné-club et je me demande pourquoi j'aurais dû demander un permis. Comme je vous l'ai dit, vous êtes bien sévères envers la commercialisation du cinéma. Le cinéma parallèle devrait avoir tous les droits. Vous exigez beaucoup des autres. Je me demande pourquoi vous exigez autant de ces personnes qui, souvent, font oeuvre d'éducation, d'initiation au cinéma et qui font souvent des festivals du cinéma québécois. Justement, cette semaine, au cégep d'Ahuntsic, jeudi, vendredi et samedi, il y a un festival du cinéma québécois. C'est à Montréal que cela se fait, ce n'est pas seulement ailleurs que cela se fait. Ce n'est pas à Laval, mais cela ne fait rien. Je me demande pourquoi vous êtes si exigeants même pour les institutions scolaires, entre autres.

M. Pesot: À votre première intervention

en ce qui concerne Laval, il est bien évident que Laval n'est pas, selon nous, le tiers monde cinématographique au Québec. Quand nous parlions de régions - nous l'avons spécifié quelques fois, mais peut-être pas toujours systématiquement - nous parlions des régions périphériques. C'est une notion qui a cours maintenant dans les programmes universitaires de développement régional. La région est définie toujours comme étant périphérique. Un ne sait pas trop quoi faire avec Laval.

M. Champagne: La ville de Laval. Merci beaucoup.

M. Pesot: Toujours dans le même ordre d'idées, il faut bien admettre - nous sommes les premiers à l'admettre - que les grandes régions métropolitaines, Montréal et Québec dans une moindre mesure, sont favorisées dans le domaine du cinéma. Elles ont accès à presque toutes les sortes de cinéma qu'elles veulent. Il y a suffisamment de cinémas commerciaux qui présentent vraiment toutes sortes de films, y compris des films d'art et d'essai, des films de toute provenance, de toute facture. Il y a l'Outremont, il y a un foisonnement culturel assez extraordinaire à Montréal, dans l'agglomération montréalaise et j'inclus, vous me le permettrez, Laval dans l'agglomération montréalaise.

Les cinémas parallèles à Montréal, s'il y en a - et il y en a effectivement -devront, selon nous - et cela est tout à fait conforme au rapport Fournier - avoir une vocation toute particulière. Il n'est pas question, pour nous en tout cas, d'encourager un cinéma parallèle à Montréal qui viendrait faire de la concurrence indue au réseau commercial. Cela nous semble clair. C'était clair à l'époque Fournier; pour nous, c'est encore clair maintenant. Que tel cégep -sans nommer personne - présente La guerre du feu une semaine après l'Impérial ou des trucs comme cela, on ne marche pas avec cela. S'il y en a, si cela existe, c'est pour poursuivre un but tout à fait spécifique; par exemple, l'éducation cinématographique, l'information, un certain traitement, un encadrement qu'on peut offrir en présentant un filin même comme La guerre du feu ou La guerre des étoiles. N'importe quoi peut être présenté dans toutes les régions, y compris à Montréal, à condition que cela soit dans un but spécifique, par exemple, si on veut faire de l'animation autour de cela. Ne serait-ce que pour vitupérer contre le colonialisme américain, ou je ne sais quoi, on peut faire toutes sortes de choses avec une présentation de film. Là, les cinémas parallèles, même à Montréal, peuvent avoir un rôle à jouer.

Je reviendrai à votre deuxième question après, Renaud.

M. Thériault: Je voudrais ajouter quelque chose au sujet de votre deuxième question. Il nous a semblé évident, à la lecture autant du rapport de la commission Fournier que du projet de loi, qu'on voulait accorder des droits à ce qu'on appelle le cinéma parallèle ou les ciné-clubs, selon l'ancienne appellation. Il nous est apparu tout aussi évident, dans les deux documents, qu'en nous donnant des droits on nous donnait aussi des obligations ou des devoirs. Premièrement, celui d'avoir une espèce de permis d'exploitation qui permette à la régie ou à un autre organisme de cinéma de contrôler un peu l'action. Cela nous a paru d'une évidence assez criante, de sorte qu'on ne voit pas comment on pourrait être exigeant -c'est le terme que vous avez employé - face aux cinémas parallèles ou aux ciné-clubs. Cela fait partie de la "game", c'est sur la table, tout simplement, ce n'est pas plus que cela; si cela apparaît là, c'est cela.

M. Pesot: J'aimerais intervenir encore en réponse à votre deuxième question, si vous le permettez, M. le Président.

Le Président (M. Paré): Oui, allez-y.

M. Pesot: Vous parliez de notre incroyable sévérité à l'endroit de certains ciné-clubs. On est peut-être sévère. On est sévère à l'endroit des salles commerciales. Elles sont sévères avec nous. C'est de bonne guerre. Mais je pense que nous, on est également sévère envers nous-mêmes. Cela, c'est drôlement plus important pour nous. Ce qu'on voudrait, par exemple, en exigeant non seulement un permis spécifique, mais plus, toute une reconnaissance officielle, etc., c'est justement qu'on mette un terme à ce que notre mémoire appelle le "free for all" traditionnel.

Je vous exclus, évidemment. Votre initiative, à l'époque, était fort louable mais, de façon générale, si tout le monde peut faire cela de la même façon, tout le monde peut présenter n'importe quoi, n'importe où, dans n'importe quelles conditions, à n'importe quel prix, à n'importe qui, etc. - on ne sait pas ce qui se passe dans le monde de la diffusion du cinéma au Québec, il n'y a pas une statistique, on ne peut pas savoir ce qui se passe, on ne connaît rien - c'est un peu -le terme est peut-être un peu fort, mais je l'aime bien quand même - la loi de la jungle qui prévaut, à ce moment-là. La loi de la jungle, ce sont les distributeurs qui la contrôlent, parce qu'eux connaissent, évidemment, leur livre de programmation et ils savent quel film va où, à quel prix, etc. Ce sont eux, en définitive, qui jusqu'à présent fixent les prix, fixent au détriment même des impératifs régionaux élémentaires, les conditions de diffusion du cinéma. (21 h 45)

Ils peuvent dire, vu que ce sont eux qui connaissent la situation seulement: Dans telle région, tel film ne sortira pas avant un an. Ou bien ils peuvent par exemple, vu que ce sont eux qui connaissent la situation, mettre une salle parallèle dos à dos avec une salle commerciale pour essayer de faire pression sur l'une ou sur l'autre dépendamment de la situation. C'est cela, le "free for all". Donc, on n'est pas sévère pour être sévère envers nous-mêmes; on est sévère dans le but d'augmenter la qualité de la diffusion du cinéma au Québec. Je ne sais pas si cela répond à votre intervention.

Le Président (M. Paré): La parole est maintenant au député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: J'ai une question à poser, que je dois peut-être poser aux réalisateurs ou aux distributeurs. C'est votre mémoire qui m'a fait penser à cela. Donc, je vais vous la poser. À la page 8, vous avez comparé un peu les cinémas parallèles à Radio-Québec. Vous m'avez fait penser à quelque chose: si on décidait d'installer à Trois-Rivières, à Sherbrooke, à Saint-Jean-Port-Joli, à Montréal une salle nationale, propriétée de l'État, laquelle aurait pour but de "diffuser -et je vous cite à la page 9 - des films difficilement rentables: documentaires, courts et moyens métrages, films québécois, films engagés, classiques, films de provenance ou de facture peu courante." Cette salle serait bien aménagée. La publicité serait faite d'une façon intelligente et correcte, et tout le monde à Trois-Rivières saurait qu'il existe au moins un endroit dans la ville où il peut voir les personnes qui s'intéressent à ce genre de films que je viens de définir. Tous les réalisateurs et les distributeurs québécois sauraient qu'il existe dans chaque centre québécois au moins une salle vouée explicitement à la diffusion de ce genre de films. Ils ne seraient pas obligés de projeter dans les salles paroissiales, les sous-sols des églises, les cégeps et les universités, et avec probablement très peu de publicité, les films qui les intéressent: Si on avait, un peu dans le même sens que Radio-Québec, un moyen de diffusion national - j'imagine que cette affaire serait beaucoup moins coûteuse qu'un réseau de télévision - est-ce que cette idée pourrait régler, en quelque sorte, au moins quelques-uns des problèmes que vivent quotidiennement les gens du cinéma québécois?

M. Pesot: Je répondrais ceci à votre intervention: Je ne pense pas que ce serait une bonne idée. Enfin, il y en a plusieurs, mais la principale raison est la suivante: si l'État instituait, à toutes fins utiles, un réseau parallèle, mais public, ce serait un réseau qui serait imposé par en haut. Ce ne serait plus un réseau qui tablerait sur des initiatives locales, sur des entreprises faites par des gens de la place qui s'intéressent à quelque chose et qui veulent faire des choses intéressantes. Ce serait quelque chose de parachuté et qui, de ce simple fait, je pense, serait plus ou moins voué à l'échec.

Une salle parallèle appartenant à l'État, qui présenterait des films peu rentables, à mon avis, il n'y aurait pas grand monde qui irait là parce que, justement, ce serait imposé d'une certaine façon, même si c'est quelque chose de bien; ce serait imposé d'en haut et ce ne serait pas leur affaire, ce ne serait pas l'affaire des spectateurs, des gens qui iraient. C'est ma première réaction.

Ma deuxième, c'est que je pense qu'un tel réseau ferait revivre des idées un peu anciennes qui avaient rapport au circuit Arts et essai, qui serait forcément et statutairement subventionné par le ministère des Affaires culturelles. C'est une idée qui courait, il y a déjà plusieurs années. Au moment du livre bleu, on en a aussi parlé. Le mot "élitiste" n'a peut-être pas été mentionné dans le livre bleu comme tel, mais c'était assez clair à l'époque que ce livre bleu voulait, d'une certaine manière, faire revivre un esprit d'excellence dans le monde des spectateurs, c'est-à-dire créer une élite de spectateurs cinématographiques, comme il en existe dans le domaine des sports.

Alors, le but, l'objectif profond de l'association, c'est justement le contraire de cela. Ce n'est pas de créer une élite et de dire: Voici le petit groupuscule - les "upper ten thousands" ou je ne sais trop quoi - de cinéphiles heureux qui savent quelque chose, qui sont au courant, qui sont éduqués et instruits, comme on disait dans le temps, et le reste, c'est la populace qui n'y va pas, qui continue à aller dans les salles commerciales voir son E.T. ou sa Guerre des étoiles.

Pour ces deux raisons principales, je ne pense pas finalement que cette idée, qui est la vôtre, devrait être retenue.

M. Scowen: Oui, laissez-moi répondre à vos deux raisons. Je ne veux pas éterniser le débat, mais, premièrement, je suis prêt à accorder à chacune de ces salles nationales un statut juridique indépendant et à assurer que le conseil d'administration, si vous voulez, sera composé de gens de Saint-Jean-Port-Joli effectivement, afin que le choix des films par le directeur général soit le choix des gens du milieu.

Quant à votre deuxième raison, vous dites qu'il y a un danger que les dirigeants de cette salle n'aillent chercher une espèce d'excellence en créant une élite et des films d'élite. Il me semble que cet effort qu'on vise dans le projet de loi est effectivement de créer une excellence, de créer une élite,

si vous voulez, des gens qui font des films d'une qualité supérieure, dans le sens de meilleure. Pour vous, le mot "élite" est peut-être quelque chose de négatif, mais, pour moi, un excellent film est quelque chose qu'on recherche.

J'ai parlé avec des gens du domaine de la distribution des films de 16 mm et, à l'encontre de ce que vous avez dit, ils m'ont dit que le problème n'est pas les distributeurs qui ont le contrôle de tout; c'est le fait que les distributeurs de très bons films sont contrôlés par les gens qui contrôlent les salles aujourd'hui. C'est effectivement vous qui êtes la cause de la plupart des problèmes des gens qui veulent distribuer les films de qualité québécoise, parce que vous préférez très souvent, effectivement, passer dans vos cégeps et dans vos universités des films qui sont commerciaux plutôt que d'excellents films qui sont peu connus parce qu'ils sont québécois.

Alors, je veux régler ce problème parce que je vais insister pour que cette société sans but lucratif, représentative de la communauté et nationale, s'occupe de la liste des films que je viens d'énoncer et que vous avez énoncés à la page 9. Je trouve que c'est quand même une idée passablement intéressante.

Le Président (M. Paré): M. Pesot.

M. Thériault: Je me permets de vous répondre là-dessus. Vous avez plusieurs éléments dans votre question. Je commence par la fin. Premièrement, pour ce qui est des films québécois, le dernier point que vous avez touché, la proportion de films québécois dans les différents ciné-clubs ou salles parallèles est différente d'une région ou d'une salle à l'autre. Prenons le cas de Chicoutimi, si je peux parler de mon patelin, par exemple, dans une session, on a 15 longs métrages. À cette session-ci, il y a 2 longs métrages québécois et il y a 11 courts métrages québécois. C'est peut-être un exemple particulier, mais il y a une très forte proportion de longs et de courts métrages québécois.

Pour votre information, le Québec est reconnu mondialement non pas pour ses longs métrages, mais pour la production de ses courts métrages. C'est une espèce de fausse idée qu'on charrie du fait qu'il y a relativement peu de longs métrages québécois qui se produisent par rapport à notre production de courts métrages. C'est plutôt de ce côté-là qu'il faudrait insister parce que notre industrie et nos moyens de production, nos limites financières font en sorte qu'on produit ce type de cinéma qui est moins dispendieux que le long métrage traditionnel. La proportion de films québécois dans les ciné-clubs est nettement supérieure à celle des films commerciaux, si vous la prenez dans la même région. Comparez chez nous, à Chicoutimi, la projection de films québécois dans les salles commerciales et dans les salles parallèles, faites les statistiques, ce n'est pas gênant du tout pour nous.

Je reviens à l'exemple de votre salle nationale qui me fait penser un peu au Centre national des arts à Ottawa. J'ai apprécié que vous commenciez par Trois-Rivières parce que c'est un exemple typique. Trois-Rivières est le prototype des ciné-clubs au Québec, qui regroupe 9000 membres, c'est-à-dire une population "at large" - on ne parie pas d'élite, on parle de 9000 membres dans la région de Trois-Rivières - et, à ma connaissance, cela ne coûte pas un sou à l'État québécois. Ces 9000 membres autofinancent entièrement leurs activités et ce sont les gens du milieu qui décident et qui programment leur cinéma chez eux. Je regrette, mais je ne vois vraiment pas, dans ce cas-là en particulier et dans d'autres cas que je pourrais citer - par exemple, Sherbrooke, Trois-Rivières, Rimouski et Chicoutimi - l'intérêt de créer ce type de salle. Ce besoin est déjà comblé, et avantageusement, sans que cela coûte un sou au gouvernement. J'ai oublié quelque chose, mais, si cela me revient, je vous le dirai.

Le Président (M. Paré): Vous avez terminé?

M. Labrecque (Jacques): Je voudrais ajouter quelque chose à ce sujet-là. Je pense que c'est tentant, ce réseau de salles d'État où on pourrait passer des films québécois ou des films de qualité mais je pense aussi qu'on tendrait à marginaliser certains produits qui s'en trouveraient desservis. Je pense que ce n'est pas une idée qui pourrait vraiment aider le secteur de la diffusion du film au Québec. Je crains très fort de ce côté-là parce qu'il est difficile d'étiqueter les productions. Je pense que le film québécois a droit à tous les écrans, que le film québécois ou le film de qualité a droit à toutes sortes d'écrans.

M. Pesot: Effectivement, si on crée une sorte de salle spécifique, on court le risque que les films rentables soient "catégorisés" et les films québécois seront dans les films non rentables qui ne passeront que dans ces salles avec à peu près pas de spectateurs et de grosses subventions. Le Nouveau réseau -c'est comme cela que cela s'appelait il y a quelques années - est une espèce d'initiative officielle qui a été créée un peu dans ce but. Ce n'était pas l'ouverture de salles comme telles mais on voulait créer quelque chose à part et cela a été un échec total.

M. Scowen: Excusez-moi. Je n'ai pas

l'intention de reprendre le débat, mais si je comprends bien, vous me dites que, si on prend des films québécois et qu'on les présente dans des salles bien aménagées avec une bonne publicité, ils risquent quand même d'être présentés dans des salles vides.

M. Pesot: Absolument. M. Scowen: Pourquoi?

M. Pesot: Parce que notre expérience nous prouve hors de tout doute que, lorsqu'on crée des catégories de cinéma québécois, par exemple, les gens n'iront pas. Il faut que, comme le disait Jacques Labrecque tout à l'heure, le cinéma québécois passe sur n'importe quel écran comme n'importe quel autre cinéma, à côté du cinéma américain, à côté du cinéma allemand qui s'en vient de plus en plus ici. Il ne faut pas créer de salles de cinéma québécois parce que les Québécois vont dire: C'est encore du produit québécois. C'est notre expérience qui est très claire là-dessus.

M. Scowen: Mais je répète que, dans la salle que je vois, ce ne sont pas seulement des films québécois; ce sont des documentaires, des courts et moyens métrages, des films québécois, des films engagés, classiques, des films de provenance ou de facture peu courante. C'est un mélange. C'est votre mélange et vous me dites que dans des salles bien aménagées, avec une bonne publicité, dans des centres comme Sherbrooke et Trois-Rivières, ces films risquent d'être présentés dans une salle vide. (22 heures)

M. Pesot: Oui, parce qu'il y a aussi une suite à votre proposition. Si effectivement on crée ce genre de salles nationales, il faut bien se rendre compte que les autres salles, les commerciales, ne sentiront plus aucun besoin de présenter ce genre de films. Donc, les films classés engagés, québécois, documentaires, etc., passeront exclusivement dans vos salles nationales et les salles commerciales, à ce moment-là, auront beau jeu et ce ne sera que du cinéma américain, à toutes fins utiles. C'est cela qui crée, finalement, le partage très net entre les deux. Ce serait la "ghettoïsation", si vous me permettez l'expression, du cinéma québécois et du cinéma engagé, etc.

Le Président (M. Paré): Avant de passer à un autre intervenant et en vertu des règlements de l'Assemblée nationale, il est spécifié que les travaux doivent cesser à vingt-deux heures à moins du consentement unanime des membres de la commission. Donc, comme il nous reste encore à terminer l'audition du groupe qui est présentement devant nous et quatre autres groupes, je demande le consentement unanime pour poursuivre les travaux.

Des voix: Cela va.

Le Président (M. Paré): Cela va? Pas de problèmes?

M. Proulx: Est-ce qu'on fixe une heure? Est-ce qu'on pourrait fixer une heure, M. le Président?

Le Président (M. Paré): Oui. Une voix: Vingt-trois heures.

M. Marx: En général, est-ce qu'on ne pourrait pas revenir demain matin?

Le Président (M. Paré): J'aimerais vous rappeler qu'on a des groupes qui sont ici depuis quelques heures déjà et qu'ils ont été convoqués pour être entendus aujourd'hui. Ce qu'on peut faire, c'est filer jusqu'à minuit et, si ce n'est pas terminé, il faudra à nouveau le consentement unanime des membres pour continuer. J'ai le consentement pour jusqu'à minuit?

Des voix: Oui.

Le Président (M. Paré): Donc, la parole est maintenant au député de Châteauguay et j'aimerais lui rappeler, de même qu'à tous les autres membres de la commission, qu'il nous reste deux heures pour entendre les quatre autres groupes qui sont ici présentement. La parole est à vous, M. le député de Châteauguay.

M. Dussault (Châteauguay): Je vais essayer d'être bref. M. le Président, merci. D'abord, je voudrais dire à l'Association des cinémas parallèles du Québec que son mémoire est très intéressant. S'ils avaient trouvé une très grande satisfaction dans le projet de loi, cela méritait quand même qu'ils viennent nous parler parce que c'est un aspect important qu'ils ont fait ressortir devant notre commission. Je pense qu'il valait la peine de les entendre.

Je voudrais poser une petite question avant d'aller plus loin. Est-ce que les cinémas, comme le cinéma Cartier et le cinéma Outremont à Montréal, sont considérés comme des salles parallèles?

M. Pesot: Non.

M. Dussault (Châteauguay): C'est vraiment du commercial, d'accord. Est-ce que je me trompe en disant que vous êtes tous des bénévoles, que personne de votre association n'est payé à la base et partout où on intervient pour faire du travail dans le sens de présenter des films?

M. Pesot: Bon, notre mémoire fait état d'une majorité de bénévoles. On est, la plupart du temps, des bénévoles et, en fait, je dirais que dans 95% à 99% des cinémas parallèles, c'est comme cela. Mais il arrive, dans le cas de gros cinémas parallèles qui existent déjà depuis un certain nombre d'années, que la tâche est tellement énorme parce qu'il y a tellement de spectateurs - là, on compte en termes de milliers et de dizaines de milliers de spectateurs, il y a un roulement énorme - que les bénévoles ne peuvent pas, finalement, administrer cela, c'est trop lourd. Il peut arriver que, dans ces cas-là, l'organisme engage un permanent et le paie ou aille même chercher une subvention, éventuellement, pour le payer. Cela arrive, mais ce n'est pas...

M. Dussault (Châteauguay): D'accord, Mais, en général, vraiment vous êtes des bénévoles?

M. Thériault: Ou il y a des formules bicéphales, comme dans notre cas à Chicoutimi. Je suis un animateur culturel à l'université, je travaille à la base pour le ciné-club, c'est-à-dire que j'en fais pendant mon travail et j'en fais aussi en dehors de mon travail, mais je suis le seul qui est payé en partie pour le faire, sur une partie de son temps. Les autres sont des bénévoles pour ce qui est de leur participation. Donc, quand on tourne autour d'un organisme scolaire, il arrive qu'il y a du travail de gens déjà en place dans l'institution et cela est bon.

M. Dussault (Châteauguay): D'accord. Je voudrais vous dire en terminant que je vous trouve sympathiques. Je trouve sympathique le travail que vous faites, l'encadrement que vous avez pour le faire et je pense que le rôle que vous jouez est important parce que vous palliez à des lacunes du système commercial. C'est clair que le système commercial ne fera jamais ce que vous faites. L'éducation populaire que vous faites pour l'art cinématograhique ne se fait pas dans les cinémas. Certaines salles comme le Cartier et l'Outremont posent des gestes un peu de cet ordre-là, c'est pour cela que je me suis posé des questions tout à l'heure, mais je pense que vous êtes les seuls à pouvoir faire véritablement ce qui se fait. Je pense que par le passé vous avez rendu certains services. Je me rappelle que certains films ne passaient pas dans les salles de cinéma commerciales parce qu'ils avaient un certain caractère politique. Cela a permis à certains films d'être vus par les Québécois. Sinon, on ne les aurait jamais vus.

Je pense que vous devez continuer à faire votre travail. Vous avez pris des risques. Vous êtes venus nous dire, ici, d'avance que certaines choses devaient se faire même s'il pouvait être plus ou moins clair que c'est comme cela que cela se passerait. Vous aviez le droit de le faire et ne lâchez pas!

M. Pesot: Merci. On vous adressera un carte de membre de nos ciné-clubs.

Le Président (M. Paré): La parole est maintenant à Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: J'ai une seule question à poser. Après tous les compliments du député de Châteauguay, je pense que vous devriez avoir quelqu'un qui intercédera pour vous auprès du ministre parce que, quand on entend un ministre qui dit "Je prends bonne note", je vous assure que ce n'est pas très prometteur.

Une voix: M. le ministre, ne laissez pas passer cela.

M. Richard: M. le Président...

Le Président (M. Paré): S'il vous plaît! Non, s'il vous plaît! S'il vous plaît!

M. Richard: M. le Président, c'est la première fois en six ans que je me fais injurier par Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: II y a un...

M. Richard: Je tiens à en faire une question de privilège...

Mme Lavoie-Roux: Ce n'était pas une très grosse injure, c'est simplement pour vous piquer.

M. Richard: ...et à lui demander de retirer ses paroles injurieuses.

Mme Lavoie-Roux: Je pourrai toujours les retirer en temps et lieu, si vous vous amendez.

Est-ce que je suis correcte en pensant que, jusqu'à maintenant, il n'y avait rien de prévu dans la Loi du Québec sur le cinéma qui touchait les salles parallèles. Il n'y avait rien?

M. Thériault: Vous êtes correcte.

Mme Lavoie-Roux: Chacun fonctionnait selon son initiative, enfin selon les intérêts du milieu, etc.

M. Thériault: Sur le tas.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce que, dans l'hypothèse où le ministre - pour reprendre votre expression - vous reléguerait au statut de menu fretin, à l'article 159, et où, par la

suite, vous craindriez davantage de subir des restrictions de la part de la régie, est-ce qu'il ne vaudrait pas mieux alors, à vos yeux, que vous soyez complètement retirés du projet de loi, que vous continuiez à fonctionner comme vous le faites présentement, pour ne pas être exposés à ce type de restrictions de la régie ou si, malgré les inconvénients, les craintes ou les appréhensions que vous avez présentement, il vaut encore mieux être traités à l'article 159 que pas du tout dans le projet de loi?

M. Pesot: Votre proposition me semble intéressante d'une certaine manière. Effectivement, on pourrait dire que ce serait quasiment mieux d'en être retirés que de nous laisser là où nous sommes, d'une certaine manière, mais, si nous sommes complètement sortis du projet de loi, on n'a plus aucune garantie quant à nos droits futurs, on ne sait plus du tout ce qui peut arriver. Nous ne serons certainement pas reconnus; si nous n'obtenons pas aujourd'hui d'être reconnus officiellement par le ministre, je pense que nous ne le serons jamais; ce sera dans une prochaine loi. Ensuite, une autre remarque, c'est que je pense que, si nous sommes sortis du projet de loi, nous n'aurons très certainement plus aucun accès aux différents programmes d'aide qui existent présentement à l'Institut québécois du cinéma et de la vidéo pour bientôt. Il existe des programmes d'aide pour la production dans différents secteurs, y compris aussi pour l'exploitation présentement, je pense que c'est à revoir. Mais on voudra au moins, dans l'avenir, avoir accès à cela au même titre que les salles commerciales. Si on en est sorti, je pense que cette possibilité est terminée.

M. Thériault: J'aimerais aussi ajouter un point qui me semble essentiel. C'est un préjugé qui était véhiculé et je ne pense pas qu'il soit disparu encore actuellement. Beaucoup de gens ont encore dans la tête le fait que les salles parallèles ou les ciné-clubs sont des gens qui bénéficient assez souvent à pleines poches des avantages d'être dans le cadre d'une institution scolaire. Laissez-moi vous dire que c'est de moins en moins vrai dans la plupart des cas. Je n'ai pas besoin de vous faire de dessin: les coupures budgétaires, principalement au ministère de l'Éducation, font en sorte que, dans notre cas comme dans le cas de la plupart des gens, l'autofinancement doit se faire complètement, c'est-à-dire qu'il n'est pas question de faire de déficit pour le ciné-club, celui-ci doit faire ses frais. Donc, cela nous a obligés à formaliser notre organisation, à nous organiser, à nous structurer, à prévoir des programmations, à améliorer notre publicité, notre information, à faire du recrutement, à vendre des cartes de membres, parce que nous fonctionnons principalement par cartes de membres, et à nous autofinancer, de sorte que, maintenant, nous sommes prêts à embarquer dans un projet de loi, en fait, parce qu'on peut accepter des devoirs à remplir et une certaine tâche administrative à effectuer. Donc, ce travail de préparation est déjà fait, si vous voulez, du simple fait des contraintes budgétaires qu'on a eues à subir depuis quatre ou cinq ans.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce que vous percevez une taxe sur les spectacles quand des gens viennent à vos ciné-clubs?

M. Pesot: Oui. On est obligé, de toute façon. On est obligé de remettre, je pense, 8%...

M. Thériault: 10%.

M. Pesot: ...10% aux municipalités.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce que, à votre connaissance, les taxes qui sont perçues dans le fonctionnement d'un cinéma parallèle rapportent moins au trésor public qu'un cinéma commercial?

M. Pesot: Je pense que oui, effectivement. On n'est quand même pas au même palier que les salles commerciales. Notre chiffre...

Mme Lavoie-Roux: Non, mais je veux dire... Même avec un nombre, supposons qu'on mettrait un nombre égal de spectateurs...

M. Pesot: Ce serait les mêmes 10%, de toute façon, c'est la même billetterie et tout.

Mme Lavoie-Roux: Ce serait la même chose pour les deux.

M. Richard: ...municipale.

M. Thériault: Mais cela va directement à la ville. Dans notre cas, c'est cela.

M. Pesot: Et cela ne revient que très rarement au monde du cinéma, d'ailleurs. Cela va souvent dans les sports ou dans autre chose.

M. Thériault: C'est le cas chez nous. Mme Lavoie-Roux: Merci.

Le Président (M. Paré): La parole est au dernier intervenant. Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Une remarque et ensuite

une question. La remarque s'adresse à vous de Chicoutimi. J'ai trouvé très intéressant le fait que vous aviez soutenu financièrement une production en super-huit. C'est peut-être peu prometteur l'émergence des salles parallèles avec la fédération. C'était d'ailleurs favorisé dans le rapport Fournier, parce que cela va peut-être renouer avec la tradition des cinémas indépendants, des grandes salles de cinéma, des distributeurs indépendants dans les années cinquante qui finançaient la production cinématographique. Et il n'y a que vous qui avez tenté cette expérience à votre connaissance?

M. Thériault: Je ne sais pas.

M. Pesot: À Rimouski, il y a dix ans, ça s'est déjà fait. À Trois-Rivières, ça s'est fait.

M. Thériault: À Trois-Rivières, c'est fait depuis longtemps.

Mme Harel: La question que je vais vous poser est la suivante: Compte tenu des appréhensions dont vous faisiez état tantôt, votre fédération regroupe, je crois, une trentaine...

M. Pesot: Quarante.

M. Thériault: Quarante-cinq.

Mme Harel: Quarante-cinq salles parallèles présentement.

M. Pesot: Sur soixante-dix-neuf.

Mme Harel: Sur soixante-dix-neuf. Donc vous vous êtes donné des règlements internes j'imagine qui vous permettent de juger les demandes d'admission des salles parallèles à votre fédération. Vous avez déjà des critères, j'imagine...

M. Pesot: Absolument.

Mme Harel: ...que vous utilisez pour déterminer s'il s'agit bien d'une salle parallèle ou... Quand vous notiez, avec raison je pense, que vous étiez seulement exclus de l'application de l'alinéa 1 de l'article 159 mais que les alinéas suivants assujettissaient, finalement, le permis d'exploitation que vous recevriez de la régie, donc, qu'il y aurait l'établissement de conditions pour l'obtention d'un permis d'exploitation de votre catégorie, vous craignez les conditions qui vont être assujetties pour obtenir le permis d'exploitation en vertu des alinéas 2 et suivants de l'article...

Mais, je me disais: je ne sais pas s'il n'y a pas une garantie du fait que la régie doit quand même procéder à une consultation à l'article 162, paragraphe 2. La régie doit, une fois que l'avis est fait à la Gazette officielle, dans les trente jours qui suivent, procéder à une consultation s'il y a eu une demande écrite et motivée en ce sens qui est parvenue.

Je me demande s'il n'y a pas lieu de penser que, si tant est que vos appréhensions se trouvaient à être confirmées dans des conditions qui ne vous sembleraient pas acceptables, vous pouvez avoir recours à ce mécanisme d'une part, et, d'autre part, vous pouvez peut-être vous-mêmes indiquer déjà les critères - je pense à vos règlements internes - qui vous permettent justement de distinguer ce qu'est une salle parallèle au sens où vous le concevez.

M. Thériault: La meilleure garantie, en tout cas celle qu'on a demandée - on n'est pas plus bêtes que d'autres - c'est d'être dans la machine, c'est-à-dire d'avoir un siège à l'institut. C'est aussi simple que cela. Lorsqu'on a l'occasion d'avoir un siège à la bonne place, on ne perdra pas trop de temps sur les autres choses; pour nous, c'était ce jeu.

Mme Harel: Mais l'institut, ce n'est quand même pas la régie.

M. Thériault: Oui mais l'institut va participer à toutes les étapes qui vont...

M. Pesot: Je pense que ce qui est très important, c'est le niveau du principe; c'est qu'on ne peut pas ne pas voir qu'actuellement, peu importe la façon dont on tourne l'article 159, l'article 87, etc., on sera toujours une sous-catégorie des exploitants commerciaux. Cela, peu importe quels sont les critères qu'on pourra nous-mêmes élaborer en collaboration avec la régie ou les critères que la régie élaborera et, nous, on réagira. Cela, peu importe, on sera nécessairement en dessous et c'est contre cela finalement qu'on s'élève. On ne veut même pas commencer à embarquer dans cette élaboration des critères, on n'en veut pas de critères, on veut comme seul critère qu'une salle parallèle, c'est une salle, un organisme sans but lucratif ou éventuellement une coopérative - on ne s'est pas tellement penché là-dessus - c'est tout. Le reste, c'est comme pour Radio-Québec, c'est comme pour les radios éducatives, on veut avoir tout simplement un mandat culturel et éducatif général et, nous, comme fédération, comme association, nous voudrions avoir le droit de gérer nous-mêmes cette activité et de veiller nous-mêmes à l'atteinte de l'objectif culturel. On ne voudrait pas que ce soit fait par rapport à des critères quelconques. (22 h 15)

Le Président (M. Paré): M. le député de Saint-Henri.

M. Hains: Messieurs, vous avez reçu des encouragements et des félicitations du côté ministériel, alors, nous aussi, de ce côté-ci -on pourrait presque dire du côté parallèle -nous vous témoignons notre admiration et nous vous offrons nos meilleurs voeux de survie et d'excellence. Bonne chancel

M. Pesot: Merci.

Le Président (M. Paré): Alors, M. Pesot, M. Labrecque et M. Bélanger, merci du temps que vous avez consacré à la commission.

M. Pesot: Merci.

Le Président (M. Paré): J'inviterais maintenant l'autre organisme, le Regroupement des bibliothèques centrales de prêt du Québec, à prendre place à la table ici en avant.

Comme pour les groupes précédents, j'invite le porte-parole à se présenter et à nous présenter la personne qui l'accompagne, s'il vous plaît!

Regroupement des bibliothèques centrales de prêt

M. Tremblay (Jean-Pierre): M. le Président, M. le ministre des Affaires culturelles, M. le représentant de l'Opposition ainsi que mesdames et messieurs, tout d'abord, je tiens à corriger ce qui est inscrit à l'ordre du jour. Mon nom est Jean-Pierre Tremblay. Je suis de la Bibliothèque centrale de prêt de la région de Québec et je remplace Gilles Dubé, président de la Bibliothèque centrale de prêt des Portages, qui n'a pas pu se rendre. Pour m'accompagner, j'ai M. Yves Savard, directeur général de la BCP des Portages.

Alors, pour rassurer les groupes qui viennent après nous ainsi que les membres, je tiens à vous souligner qu'au niveau du mémoire écrit qui a été déposé, pour la présentation, je vais sauter par-dessus toutes les citations ou les rapports qui peuvent exister avec la Loi sur le cinéma et la vidéo que vous connaissez très bien.

Avant de commencer la lecture du mémoire proprement dit, voici quelques explications pour présenter la Bibliothèque centrale de prêt ou le réseau des BCP. Tout d'abord, signalons que le cadre juridique d'une BCP, c'est une bibliothèque qui est constituée selon la troisième partie de la Loi sur les compagnies, donc, à but non lucratif. Cela est un organisme régional, dans le sens des régions administratives du Québec, à part une ou deux petites exceptions. Les sources de revenus des BCP sont, à peu près à 50%, le ministère des Affaires culturelles et les municipalités qui sont sous contrat avec les BCP. Tout le territoire du Québec est maintenant couvert. Cela s'est développé entre 1960 et 1980. Actuellement, l'ensemble des BCP dessert environ la moitié des 1358 municipalités de 5000 habitants et moins.

Pour ce qui est du fonctionnement, les BCP achètent et préparent des biens culturels, principalement, les livres, mais il y a aussi les disques, les jouets éducatifs et les reproductions des films qu'elles mettent à la disposition des municipalités. Un contrat lie la municipalité à la BCP. Ensuite, les biens culturels sont évidemment déposés dans les bibliothèques municipales sous contrat et ces livres sont échangés périodiquement par la BCP. Finalement, comme dernière explication, on vous précise que, dans l'année 1981-1982, l'ensemble du réseau des BCP a fait circuler quelque 2 500 000 biens culturels.

Alors, la présentation qu'on a à faire, c'est en quelque sorte une offre de services puisque, comme vous avez pu le constater, notre spécialité n'est pas en premier lieu le cinéma, notre spécialité est beaucoup plus un réseau de distribution, de diffusion non commerciale qui est principalement axée sur le livre. Mais il y a des possibilités pour le cinéma et la vidéo. Les onze bibliothèques centrales de prêt constituent le réseau des bibliothèques régionales au Québec. Depuis 20 ans, elles y diffusent le livre, d'autres biens culturels et des manifestations dans 700 municipalités de moins de 5000 habitants.

Les bibliothèques centrales de prêt sont particulièrement fières de l'utilisation des bibliothèques par les citoyens des régions et de l'implication communautaire des bibliothèques affiliées à leur réseau. Nous croyons que cette réponse du milieu et sa participation tient en bonne partie au fait que les BCP oeuvrent dans le sens d'une conception très élargie de la culture. Dans cette conception, plusieurs BCP diffusent gratuitement le film depuis de nombreuses années. Elles participent également et régulièrement à la tenue de tournées de films. Ces deux éléments de programme affichent tous deux des performances dignes de considération.

Il nous tient donc à coeur de voir s'édifier au Québec un réseau de cinémathèques-vidéothèques régional communautaire. Les BCP désirent s'y impliquer. Elles ont même déjà exprimé un intérêt certain pour toutes les hypothèses qui les appelleraient à assumer elles-mêmes cette mission auprès de leur région.

Maintenant regroupées en un réseau national, les BCP s'intéressent à la culture dans le milieu non urbanisé, qui représente près du tiers de la population du Québec, et tiennent, par leur porte-parole officiel, à exprimer un avis au sujet du projet de loi sur le cinéma et la vidéo. Le sujet les intéresse d'autant plus si l'on considère qu'il y a une demande pour les produits québécois

et que ces produits québécois ne sont pas toujours facilement accessibles, qu'il s'agisse d'oeuvres d'imagination ou de documentaires, de produits commerciaux ou de documents publics.

Nous croyons que tout projet d'encadrement et de promotion des produits culturels au Québec doit inclure des mesures favorisant la desserte des régions. Cette conviction s'harmonise bien, croyons-nous, avec le mouvement effervescent de la régionalisation que nous commençons à vivre avec le ministère des Affaires culturelles et le gouvernement.

Concernant le projet de loi. Le projet de loi no 109 a prévu une politique globale du cinéma et de la vidéo; il a prévu aussi l'encadrement nécessaire à la mise en place, au maintien et au contrôle des entreprises de production et de diffusion.

Le regroupement des BCP, quant à lui, est préoccupé par le traitement que la loi doit prévoir pour la diffusion communautaire des oeuvres. À ce titre, le Regroupement des bibliothèques centrales de prêt du Québec propose que le projet de loi sur le cinéma et la vidéo prévoie l'établissement d'un réseau de cinémathèques-vidéothèques régionales communautaires au Québec en vue de rencontrer le second objectif de la politique du cinéma et de la vidéo proposé de la façon suivante: Le développement du cinéma québécois et la diffusion de la culture cinématographique dans toutes les régions du Québec, ce qui est un objectif de la loi.

Les BCP favorisent la mise en place d'un réseau de cinémathèques-vidéothèques régional par l'utilisation de cinémathèques existantes ou, à défaut, d'autres organismes existants.

Conscientes de leurs moyens, les BCP ne revendiquent pas a priori ce mandat pour elles-mêmes. Cependant, elles sont prêtes à considérer toute proposition qui les mettrait à contribution ou, si les moyens le permettaient, qui les appellerait à réaliser le mandat elles-mêmes.

Quelques vues maintenant sur la proposition. Le projet de loi no 109 suggère une politique dont le premier acteur serait une cinémathèque-vidéothèque nationale. Les BCP souscrivent à l'idée d'une institution majeure pour conserver et diffuser les oeuvres.

Trois préoccupations principales nous animent cependant: la constitution de la collection nationale, la décentralisation des services de l'institution et la reconnaissance du matériel vidéo.

Au niveau de la collection, nous souhaitons que la cinémathèque-vidéothèque nationale puisse constituer un fonds national complet, incluant le fonds rétrospectif et les documents publics produits par le gouvernement et ses organismes. Nous souscrivons à l'idée d'acquérir tous les films produits au Québec et présentés au public, mais désirons que ce dépôt soit fait obligatoirement et gratuitement, au même titre que notre société l'exige de ses éditeurs.

Advenant l'éventualité que la cinémathèque nationale du Québec - ici, on corrige le texte, c'était écrit "la bibliothèque", c'est une déformation professionnelle, si on peut dire - est bien près de sa mission actuelle, nous croyons qu'il faudrait la sortir d'une politique qui favorise clairement la diffusion des oeuvres, car, c'est dans cette ligne de pensée que s'inscrit le second volet de nos préoccupations, volet principal.

La décentralisation. S'il nous plaît d'entrevoir l'avènement de l'institution centrale, il nous importe encore davantage d'assurer la ventilation de sa riche collection auprès des résidents des 1300 petites municipalités que nous visons à desservir, retrouvant ainsi le film et le matériel vidéo parmi les biens culturels accessibles en région. Les bibliothèques centrales de prêts font déjà des grands efforts pour accentuer la diffusion des livres, disques, jouets, tableaux, revues, spectacles, conférences, oeuvres et manifestations québécoises de toutes sortes et pour leur assurer une place privilégiée parmi la multitude des biens culturels qu'elles diffusent. Le film et le matériel vidéo doivent y prendre place également.

Nous croyons donc qu'il faut absolument assortir le Centre québécois du cinéma et vidéo de satellites en région, eux-mêmes bien organisés, et qui réaliseront son mandat de diffusion. C'est, selon nous, la seule façon de réussir l'objectif no 2 de la politique prévue au projet de loi. Il ne faut surtout pas croire ou exiger même que le réseau de distribution commerciale puisse se charger de tout ce service de distribution à lui seul.

En ce qui concerne le matériel vidéo en tant que médium d'avenir, les bibliothèques centrales de prêt s'affichent preneur de l'avancement technologique et partagent avec le ministre le désir d'étendre au matériel vidéo le titre de bien culturel. Les BCP insistent spécifiquement sur ce point parce que ce médium permettra bientôt de domestiquer le cinéma au même titre que le livre ou le disque. Dans cette perspective, les bibliothèques deviendront un véhicule naturel pour ce nouveau médium et nul doute que le réseau des bibliothèques publiques deviendra fort attrayant pour les promoteurs du matériel vidéo comme il l'est pour ceux des autres biens culturels.

Nous estimons donc que la cinémathèque-vidéothèque nationale devrait s'assurer au plus tôt une place de premier choix, et là sans jeu de mots, dans les bibliothèques publiques pour la diffusion du matériel vidéo auprès des individus.

Quelques petites suggestions concrètes au niveau du fonctionnement pour la collection, les dépôts de films. La collection nationale se composera probablement ultimement du rassemblement de tous les documents québécois. On peut y prévoir des qualités, des niveaux d'accessibilité, des quantités de copies, des supports physiques et d'autres considérations très diversifiées, qui n'obligeront pas, si cela n'est pas nécessaire, de doubler la collection nationale dans chaque région.

Un dépôt de films en région. On devrait donc déposer en région les titres populaires que la demande oblige à rendre disponibles continuellement. On devrait aussi déposer en région les documents sélectionnés pour leur pertinence locale, leur qualité reconnue, ceux devant faire l'objet de promotion ou devant jouer un rôle dans une vocation de développement culturel. On rendrait alors accessible à la région la collection de base d'une cinémathèque-vidéothèque communautaire québécoise.

Des rotations de blocs. Beaucoup d'autres documents ne font pas l'objet d'emprunts intensifs ou soutenus, ou ne participent pas d'une façon manifeste au développement culturel ou même au goût du jour. On pourrait alors envisager des formules de dépôts rotatifs ou rotations de blocs de documents. Ainsi les cinémathèques-vidéothèques régionales recevraient-elles et échangeraient-elles des séries, des blocs thématiques pour des périodes de six mois ou annuellement. Elles les retourneraient à la cinémathèque-vidéothèque nationale après consommation régionale et ces séries seraient acheminées intégralement ou autrement vers d'autres régions.

Un accès privilégié au fonds national. Enfin les cinémathèques-vidéothèques régionales auraient accès à un service privilégié pour l'emprunt de titres individuels à la banque nationale et pour l'obtention - là encore il n'y a pas de jeu de mots désiré évidemment - de matériel de promotion ou d'animation. Donc tout cela constitue un ensemble. Ces collections, ce renouvellement de stock, ces services de demandes spéciales à l'unité, l'assistance interrégionale des cinémathèques-vidéothèques entre elles ajoutée à celle de la centrale permettraient d'accentuer la tenue de manifestations culturelles reliées au cinéma et à la vidéo de façon que la "culture (ne soit pas) livrée comme une marchandise à une clientèle passive." Là on réfère évidemment à "La politique québécoise du développement culturel."

Le service au client serait double en ce sens qu'il permettrait l'accès en libre service sur place - à la cinémathèque-vidéothèque régionale - ou le service postal qui est une pratique très courante en région via les BCP. De plus il permettrait l'accès aux projections et sessions animées dans le cadre de manifestations culturelles programmées par la cinémathèque-vidéothèque, voire par la bibliothèque municipale.

Si on parle maintenant un petit peu de pignon sur rue. Pour parvenir à réaliser ce mandat de diffuseur et de promoteur dans l'optique de l'objectif no 2 de la politique proposée par le projet de loi, les BCP croient qu'il faudrait clarifier les règles du jeu où évolueront les cinémathèques-vidéothèques régionales. En effet, il faut prévoir le financement adéquat des collections de la centrale qui alimente les unités régionales, de même que prévoir le financement du fonctionnement de ces unités régionales.

Les structures actuelles en région n'arriveront pas à jouer leur rôle adéquatement, ni les BCP, ni d'autres, sans compléter leur équipement et sans leur insuffler un supplément minimal de ressources humaines. Cela dit, l'utilisation de structures existantes favorisera les économies d'installation et de développement des unités. Plus ces structures seront homoqènes, déjà rodées, efficaces et interreliées, plus l'installation du réseau s'effectuera rapidement. Toutefois, le financement supplémentaire nous semble nécessaire. Il l'est d'autant plus si l'on considère qu'il concerne l'établissement d'un équipement dont la densité de la clientèle ne permettrait pas l'autonomie, même dans le contexte d'une tarification. (22 h 30)

Un autre élément maintenant, avant de conclure, qui va ajouter finalement à la préoccupation ou au casse-tête du ministre pour la question de la représentation, la voix au chapitre. Le Regroupement des BCP estime proposer ici un complément nouveau au projet de loi. Ce complément vise à opérationnaliser l'objectif no 2 de la régionalisation. Il lui paraît donc essentiel, à peu près comme à tout le monde, d'assurer une présence appropriée tout au cours de son élaboration à venir.

Dans cet esprit, il lui semble raisonnable de penser que des cinémathèques-vidéothèques régionales seront représentées au sein du conseil d'administration de l'Institut québécois du cinéma et de la vidéo proposé par le projet de loi. Cette voix au chapitre leur permettra, comme à tous les autres, d'élaborer d'autres aspects du projet de loi ou de sa politique qui leur tiennent à coeur, comme à tous les autres, tel celui de l'objectif no 4 visant "la conservation et la mise en valeur du patrimoine cinématographique et vidéo".

En guise de conclusion, les 11 bibliothèques centrales de prêt ont atteint une nouvelle étape de leur développement par la constitution récente du Regroupement des BCP du Québec. Ce réseau national permet maintenant d'intensifier une action

cohérente à travers tout le Québec, tout en respectant un service fortement régionalisé et individualisé.

C'est ce qui nous amène, M. le ministre et mesdames et messieurs, à vous proposer ici ce complément essentiel au réseau commercial de diffusion du film et du matériel vidéo au Québec, de façon à former un système complet et efficace dans la ligne de pensée de la politique du cinéma et de la vidéo, plus spécifiquement - nous le rappelons - en accord avec l'objectif no 2, "le développement du cinéma québécois et la diffusion de la culture cinématographique dans toutes les régions du Québec."

Merci, M. le ministre.

Le Président (M. Paré): Merci, M. Tremblay.

M. Richard: Je vous remercie beaucoup, M. Tremblay. Nonobstant les propos que tiendrait Mme la députée de L'Acadie, je prends bonne note de votre offre de service.

M. Tremblay (Jean-Pierre): Alors, nous allons garder un espoir tout aussi bon.

Le Président (M. Paré): Mme la députée de Chomedey.

Mme Bacon: Le regroupement demande, évidemment compte tenu de l'implantation des bibliothèques, de servir de structure de base. Vous avez parlé vous-même d'une offre de service au ministre. À la page 2, vous dites que vous vous êtes déjà impliqué dans la diffusion gratuite de films. J'aimerais savoir de quel genre de films il s'agissait à ce moment-là. Quelle a été en fait votre expérience jusqu'à maintenant? Même si on parle des services que vous avez déjà rendus, est-ce qu'on pourrait être plus spécifique, expliquer le genre de films et dire à quelles fins ces films étaient projetés? Enfin, quant à y être, est-ce que vous avez fait des tournées de films ou si ce n'était que dans des endroits bien précis?

M. Tremblay (Jean-Pierre): Je vais demander à M. Yves Savard, qui est le directeur et qui a eu des expériences, de vous en parler.

Mme Bacon: Cela n'est pas indiqué dans votre mémoire.

M. Tremblay (Jean-Pierre): D'accord.

M. Savard (Yves): Jusqu'à maintenant, les bibliothèques qui ont fait des expériences, cela a été principalement avec des films documentaires. Mais il faut dire aussi qu'il se fait actuellement des tournées de films. Quand on parle du film, par exemple, "La bête lumineuse", je ne pense pas qu'on parle de documentaire. C'est une tournée qu'une BCP fait actuellement avec ce film. Il y a eu des tournées avec des films comme "J.-A. Martin photographe". Il y a eu des tournées avec des films produits par l'ONF ou propriété de l'ONF très souvent. C'est à peu près, actuellement, pour une BCP, le seul marché accessible, celui de l'ONF, parce qu'il n'y a pas beaucoup de films qu'on peut acquérir, acheter ou prêter. Cela prend une source et c'est principalement l'ONF, plus quelques autres films qui viennent d'autres sources.

Mme Bacon: II n'y a pas vraiment de cinéma commercial, par exemple?

M. Savard: Absolument pas.

Mme Bacon: II est plutôt éducatif? Est-ce qu'on va beaucoup du côté éducatif?

M. Savard: Plusieurs BCP ont une cinémathèque. Je pense que c'est environ la moitié des BCP qui ont une cinémathèque. Ces films sont prêtés d'abord aux bibliothèques affiliées au réseau et qui sont des bibliothèques municipales. Mais ces films sont aussi disponibles pour le réseau scolaire qui veut les emprunter. Tout cela est sur une base non lucrative. Alors, les principaux clients sont les bibliothèques municipales, quelques commissions scolaires, parfois des cégeps et parfois aussi des groupes constitués qui ont besoin de films pour des besoins précis.

Mme Bacon: Dans la mesure où vous pourriez développer vos services de cinématographie, est-ce que vous ne seriez pas quand même tentés de développer tout ce système de vidéo? Vous dites vous-même que c'est quand même le système d'avenir.

M. Tremblay (Jean-Pierre): Au fond, je pense que la vidéo est même un élément essentiel. Au sujet du produit, on dit même actuellement que la vidéo va remplacer le livre. C'est que toute l'infrastructure, l'organisation du système de prêt des bibliothèques est déjà en place. Dans un pareil contexte, il s'agit tout simplement d'ajouter un service supplémentaire qui peut exiger, quand on parle de coût de ressources humaines, peut-être certains coûts qui sont quand même minimes par rapport à ce qu'on pourrait penser si on voulait établir un nouveau réseau. À toutes fins utiles, ce sont des questions de conservation qui seront à envisager et qui impliqueront peut-être certaines modifications ou certaines attentions ou certains équipements un petit peu plus particuliers dans les bibliothèques. Finalement quant à la vidéo, les coûts peuvent devenir un élément majeur du système de diffusion des bibliothèques. On

dit que le coût d'ajustement à cela serait très minime.

Mme Bacon: Est-ce que cela ne serait pas au détriment du service cinématographique?

M. Tremblay (Jean-Pierre): Pardon?

Mme Bacon: Est-ce que cela ne serait pas au détriment du service cinématographique?

M. Tremblay (Jean-Pierre): Non, comme cela ne serait pas au détriment du service du livre. À toutes fins utiles, le principal service des bibliothèques dans le contexte est le livre. Toutes les autres activités qui s'y greffent, on pourrait les qualifier de miniréseaux spécialisés dans le cinéma ou dans le disque. Des mini-réseaux qui se greffent au réseau plus global du livre et qui finalement, confèrent à la bibliothèque un statut beaucoup plus global en termes d'animation culturelle et en termes de diffuseur de produits culturels.

Mme Bacon: Dans la page 11 et les pages qui suivent vous parlez beaucoup de mesures qui sont propres à concrétiser une circulation des films en région. Il y a une question qui se pose à ce moment-là: est-ce qu'on a envisagé les coûts et les sources de financement?

M. Tremblay (Jean-Pierre): Pour la distribution même?

Mme Bacon: En région, oui.

M. Tremblay (Jean-Pierre): Le réseau des BCP est fait de la façon suivante: vous avez un organisme central qui est situé dans une ville d'une région et c'est à cet endroit que se fait l'achat, la codification, la classification de professionnels. Tout le service professionnel est centralisé là. Ensuite, pour la distribution dans les municipalités de 5000 habitants et moins qui sont contractantes, il y a déjà un système de camionnettes, il y a déjà tout un système de fiches organisé pour ce prêt. En ce qui concerne le coût, en termes de distribution comme telle sur l'implication de la distribution, il n'y en aurait pratiquement pas. Comme je le disais tout à l'heure, cette infrastructure de distribution est maintenant généralisée à travers le Québec par des organismes régionaux. Il reste à la compléter par les bibliothèques locales. Il y en a environ 600 à qui il reste à y adhérer; il y a une question de ressources, là aussi. Il reste que, dans le cas de la distribution, ce qu'il faut surtout prévoir c'est un personnel un petit peu plus spécialisé dans le cas de la vidéo et de la cinémathèque parce que actuellement le personnel qui est rémunéré l'est pour le livre et pour un ou deux autres biens culturels. Il faut tout simplement prévoir le financement pour des ressources humaines supplémentaires et du financement pour toutes les préoccupations d'entretien qui pourront être spécifiques au cinéma comme à la vidéo.

Mme Bacon: Si je comprends bien, les bibliothèques centrales de prêt ont maintenant tout l'équipement nécessaire pour la tâche que vous voudriez vous voir confier par le ministre. Est-ce qu'on aurait besoin d'équipement supplémentaire?

M. Tremblay (Jean-Pierre): Actuellement, tout l'équipement, toute l'infrastructure pour la distribution sont organisés. Ce qui manque c'est l'équipement d'entretien, d'entreposage, la personne pour faire la rotation. Évidemment il y a une analyse chiffrée qui pourrait se faire en termes d'application pour chacune. On ne serait pas obligé de refaire un réseau de distribution, il existe.

En plus, ce qui est important de signaler c'est que la municipalité qui adhère au réseau de la BCP doit passer une résolution municipale de sorte que ce ne sont pas des succursales quelconques qu'on a dans les bibliothèques, ce sont vraiment des bibliothèques à part entière, ce sont des bibliothèques municipales qui sont créées par réglementation. Dans le contrat qui les lie avec les BCP, chaque municipalité doit mettre sur pied, doit avoir un comité de responsables qui sont des gens bénévoles de sorte que, sur les 600, vous pouvez facilement faire une moyenne d'une dizaine de bénévoles par bibliothèque locale. Il y en a environ 700 qui sont desservies. On peut donc figurer 7000 bénévoles qui travaillent dans tout le réseau. Non seulement, la distribution et la diffusion profitent d'une infrastructure professionnelle centralisée dans chacune des régions mais aussi d'une infrastructure professionnelle pour la distribution et pour l'animation locale. Elles profitent de ressources d'environ 7000 bénévoles pour percevoir les besoins et aussi pour organiser des activités. C'est tout cela comme réseau qui existe. On considère la distribution en particulier du vidéo, comme du cinéma, comme un autre service profesionnel distribué par ce réseau.

Mme Bacon: D'accord, merci. Quant à votre siège à l'institut, on vous souhaite bonne chance.

M. Tremblay (Jean-Pierre): On avait compris.

Le Président (M. Paré): M. Tremblay et M. Savard, merci beaucoup de votre intervention.

M. Tremblay (Jean-Pierre): On se rend compte que notre mémoire est très clair et on vous remercie beaucoup de votre accueil.

Le Président (M. Paré): Je vous en prie. À la suite d'une demande des trois intervenants qui suivent et d'une entente intervenue de chaque côté de la table, nous allons procéder d'une façon un peu différente pour les trois intervenants suivants. Il s'agit, entre autres, de la Société de distribution cinéma libre Inc., représentée par Mme Sylvie Groulx; les Films du crépuscule, représentée par M. Louis Dussault, et l'Association vidéo et cinéma du Québec, représentée par M. Pierre Goupil.

Il va y avoir lecture de chacun des mémoires à présenter par les personnes que je viens de nommer, dans l'ordre, et il n'y aura qu'une période de questions pour les trois intervenants. Donc, comme c'est une demande qui vient des gens à la table et qu'il y a entente, on va procéder de cette façon. Donc, la parole est à vous, en commençant par la Société de distribution cinéma libre Inc. Mme Sylvie Groulx, la parole est à vous.

Société de distribution cinéma libre Inc.

Mme Groulx (Sylvie): Je vous remercie. On regrette d'être entendu à une heure aussi tardive. Si on l'avait su, on aurait peut-être même synthétisé le mémoire. On doit prendre notre autobus pour Montréal à minuit, c'est le dernier. Nos budgets de promoteurs du cinéma québécois ne nous permettent pas de passer la nuit à l'hôtel à Québec. Ce n'était pas prévu, en tout cas.

Je vais commencer par présenter Cinéma libre. Cinéma libre est une société sans but lucratif vouée à la diffusion et la distribution du cinéma québécois indépendant. Nous représentons 75 réalisatrices et réalisateurs d'ici et une centaine de leurs films. Pour en nommer quelques-uns et quelques-unes: André Fortier, Arthur Lamothe, Yolaine Rouleau, Jean Chabot, Marilu Mallet, Jean Gagné, Paul Tana, Paule Baillargeon, Martin Duckworth, Brigitte Sauriol, Mario Bolduc, Fernand Dansereau, Luce Guilbeault, Pierre Falardeau, Robert Favreau et bien d'autres.

Cinéma libre est né en 1976 de la volonté de cinéastes de se regrouper au sein d'un organisme qui pourrait répondre à l'urgence d'organiser et de développer des outils, des services, des approches respectant le pourquoi, la forme et le fond de leurs films et de ceux de nombreux autres cinéastes indépendants dont les films reposaient sur les tablettes. À la même époque naissaient les Films du crépuscule, dont les objectifs étaient sensiblement les mêmes.

Après la mort du Conseil québécois pour la diffusion du cinéma, il était urgent de répondre à la nécessité de permettre aux films réalisés et produits ici de rejoindre les publics auxquels ils s'adresaient. Depuis six ans, nous avons grandement contribué à faire connaître notre cinématographie partout où cela se révélait possible. Sans ce travail, ce sont des milliers de personnes qui n'auraient pas été sensibilisées à l'existence et à la spécificité d'une part importante de notre cinématographie.

Ce travail s'est fait dans des conditions difficiles, non seulement faute de moyens financiers, mais aussi à cause d'un contexte qui ne le favorise en rien: absence de politiques d'intervention de l'État en matière de diffusion, manque de sensibilisation du public et des agents culturels concernés, distribution de films gratuite de l'ONF et d'autres organismes gouvernementaux, "piratage" à peu près institutionnalisé des films, etc.

Le cinéma qui nous intéresse et que nous travaillons à faire connaître est avant tout culturel. Son objectif premier n'est pas de faire rouler une industrie, mais de permettre l'expression de la créativité, la réflexion, l'interrogation. Lorsqu'il permet des retours d'argent intéressants, nous nous en réjouissons, mais là n'est pas l'objectif premier de ses auteurs et producteurs, ni le nôtre. Ce cinéma représente, à ce jour, l'essentiel de notre culture cinématographique. Pour nous, il n'est pas question de parler de cinématographie nationale sans lui accorder la large place qui lui revient.

Alors qu'une nouvelle loi doit enfin voir le jour après tant d'années d'attente, alors que l'État québécois manifeste enfin la volonté d'intervenir dans le développement de la cinématograhie québécoise, nous devrions nous réjouir. Pourtant, nous sommes inquiets et non sans raisons.

Ni le projet de loi ni le rapport de la Commission d'étude sur le cinéma et l'audiovisuel ne précisent l'existence de deux types de cinéma dont les objectifs sont différents, culturels et commerciaux, et qui nécessitent des formes d'intervention et des moyens de développement spécifiques. On parle du cinéma et on propose des solutions globales qui semblent le plus souvent destinées à développer son aspect commercial au détriment du culturel.

La loi sert d'encadrement et ce sont les organismes chargés de définir des politiques de développement qui nous éclaireront sur sa pertinence.

À la lumière des dernières années, nous croyons qu'il y a là matière à inquiétude, en tout à cas, à réflexion. L'écart peut être grand entre l'esprit d'une loi et son application, dans ce cas, entre de nombreux voeux émis dans le rapport Fournier et les

mesures concrètes qui devront faire en sorte qu'ils seront exaucés. (22 h 45)

L'Institut québécois du cinéma. Depuis sa création, l'institut a été responsable de l'orientation et du développement de la cinématographie indépendante au Québec. Après six années d'existence, nous devons constater qu'il y a eu absence de continuité dans son orientation et ses politiques. Celles-ci relèvent souvent plus des intérêts des individus qui composent son conseil d'administration que d'une volonté réelle de se doter d'une véritable politique de développement tant au chapitre de la création que de la production et de la distribution.

De par son rôle et sa composition, l'institut devrait établir un lien permanent avec l'ensemble du milieu du cinéma. Mais il a toujours été étonnamment absent des grands débats. Aucune prise de position publique n'est venue confirmer qu'il défendait et représentait l'ensemble des forces de ce milieu.

Cette absence de prise de position et d'esprit de concertation nous inquiète. La nouvelle loi n'empêchera en rien une telle absence de philosophie d'intervention, un tel silence. Un budget de 25 000 000 $ engendrerait-il une ouverture d'esprit? Il nous est permis d'en douter.

De l'esprit d'ouverture peut-être trop grand, mais sûrement sain, des débuts de l'institut, on a glissé peu à peu vers une mentalité de gestionnaires. La comptabilité a pris le dessus sur la création. On cherche des formules miracles pour des retours d'argent. On travaille à colmater des brèches plutôt qu'à s'attaquer aux véritables problèmes. Une méthode de gestion vaut pour autant qu'elle est guidée par des grands principes directeurs. À l'institut, la gestion semble tourner à vide.

Bien sûr, le ridicule budget de l'institut maintenu à 4 000 000 $ depuis sa création oblige son conseil d'administration à essayer de trouver des formules rendant ce budget le plus efficace possible. Mais l'orientation de l'institut, compte tenu justement de son petit budget, a été critiquable. Son plan quinquennal entre autres a proposé la production de deux longs métrages de plus de 1 000 000 $ par année plutôt qu'un plus grand nombre de films à budget plus modique, ceci dans l'espoir que les deux gagnants annuels permettront des retours sur investissements. C'est se fermer les yeux que de s'imaginer que des retours se feront dans le contexte actuel d'exploitation des films au Québec, d'autant plus que l'institut ne récupère qu'après les investisseurs privés, autrement dit à peu près jamais. Combien Les Plouffe a-t-il retourné à l'institut? Qu'on ne nous cite pas ce genre de film en exemple, alors que bien des films à budget modique ont permis des retours à l'institut supérieurs, compte tenu des sommes investies. On essaie des formules sans jamais trouver la bonne, mais toujours dans un esprit de rentabilité économique, au détriment de la création. On met la charrue devant les boeufs, on veut implanter une infrastructure industrielle, mais on oublie la matière première.

La rentabilité économique. De quelle rentabilité économique parle-t-on? Elle est devenue l'obsession du milieu et des fonctionnaires. Comment peut-on s'illusionner dans le contexte actuel de production, distribution, exploitation? Tout le monde sait qu'aucun film n'est rentable au Québec actuellement. Ce n'est pas en faisant un cinéma dit exportable qu'on réglera les problèmes. Il n'existe pas de diffusion importante à l'étranger tant qu'il n'en existe pas une dans le pays d'origine. Si la France n'avait pas établi un contingentement à l'écran de 38%, elle aurait peu de films à nous exporter, car il n'y aurait pas de grande industrie française du cinéma.

La rentablité économique est un leurre et le restera tant qu'on ne se sera pas attaqué aux véritables problèmes: l'aide à la création, sans considération économique, et l'aide à la diffusion, sensibilisation, éducation, problème fondamental depuis longtemps identifié, mais encore jamais abordé de front.

Cette année, l'institut a proposé aux organismes de distribution sans but lucratif une formule de subvention au rendement basée essentiellement sur les performances économiques obtenues dans la location de films dans le réseau dit parallèle: scolaire, communautaire. Notre survie ne peut dépendre essentiellement de nos performances économiques. Où est la logique? Aider un travail dont les objectifs sont culturels en fonction de son seul rendement économique? La rentabilité culturelle n'entre jamais en ligne de compte à l'institut, ou peu. Où est le respect de son mandat?

Un mot sur la subvention. La notion de subvention est de plus en plus mal vue en ce qui concerne le cinéma. On traite les "subventionnés" avec condescendance, voire avec mépris. Cela dénote encore une fois que l'industrie passe avant la culture. Dans tous les autres secteurs culturels, la subvention est reconnue comme nécessaire depuis longtemps. Axe-t-on le développement des arts plastiques, de l'opéra, du théâtre sur leur rentabilité économique?

Et, s'il est vrai que cette nouvelle orientation de l'institut, basée sur les seules performances financières, n'est attribuable qu'à son budget trop limité, nous demandons alors au gouvernement d'adopter des crédits suffisants à l'institut pour que celui-ci cesse de négliger le secteur de la diffusion et le subventionne là où c'est nécessaire. Mais

nous craignons que l'insuffisance des budgets ne soit pas la seule raison de cette orientation.

La diffusion de la cinématographie nationale. L'absence de diffusion de nos films a depuis longtemps été identifiée comme le problème clé de notre développement cinématographique. Pourtant, aucune politique cohérente n'a jamais été mise de l'avant. Le public québécois peut difficilement juger de la qualité de sa cinématographie puisqu'il n'a jamais eu les moyens de la connaître. Un énorme travail de sensibilisation et d'éducation est nécessaire. ûes mesures incitatives visant à augmenter la présence de nos films dans les salles commerciales sont, bien sûr, nécessaires. Face à l'envahissement américain, seuls les pays qui ont exigé des contingentements à l'écran de leur production nationale ont pu conserver un état de santé satisfaisant.

La télévision a un rôle important à jouer dans la sensibilisation à la production d'ici et on sait qu'elle l'a ignoré. L'avènement de la télévision payante, dont plusieurs ont cru qu'il ferait se produire le miracle tant attendu, ne semble pas vouloir venir corriger la situation. "Valérie", "La pomme, la queue et les pépins", voilà le cadeau de lancement qu'on nous propose! 11 faudrait voir à ce que le temps-écran réservé au contenu national inclue d'autres types de films. On en revient à notre distinction nécessaire de tout à l'heure entre le cinéma culturel et commercial.

S'assurer que le contrôle de la distribution reviendra aux mains des distributeurs québécois est nécessaire. Il faudra aussi voir à investir des réseaux où notre cinématographie devrait avoir fait sa marque depuis longtemps. Il ne faut pas sous-estimer le rôle que peut jouer à cet effet le réseau dit parallèle: ciné-clubs, réseau scolaire, réseau communautaire.

Les salles dites parallèles et les ciné-clubs - je précise ici qu'on parle de l'ensemble du réseau parallèle incluant toutes les salles qui sont dans le réseau scolaire, cégeps, universités et non seulement les salles de l'association qui est venue tout à l'heure présenter son point de vue. Donc, les salles dites parallèles et les ciné-clubs, qui sont pour la plupart situés dans des institutions scolaires, programment du cinéma étranger, surtout américain, à plus de 90% -c'est marqué 97% ici. Pourtant, les fonds publics participent largement à leur fonctionnement. Ces lieux de diffusion sont censés jouer un rôle éducatif. Il faudrait y voir.

De plus en plus, on utilise les films comme outils de réflexion, d'animation, tant dans le secteur communautaire que scolaire. Cet autre réseau constitue un bassin important de lieux de diffusion de nos films, auquel on accorde trop peu d'importance, à notre avis. Une grande partie de la production cinématographique québécoise est particulièrement propice à ce type d'utilisation. Mais l'ignorance de notre cinématographie de la part des utilisateurs et l'absence de politiques conjointes entres les organismes responsables de cinéma et d'éducation font qu'encore là, notre présence est infime. Le gouvernement a dépensé des millions en achat d'équipement audiovisuel, au détriment du développement de politiques de sensibilisation des jeunes à la création et à la production actuelles. Le public des jeunes cinéphiles s'accroît très vite et constitue déjà la plus grande partie de la clientèle cinématographique. Il apprend à connaître les cinéastes étrangers et leurs oeuvres, mais il ignore tout des créateurs et créatrices d'ici.

Si le tableau est sombre, nous savons que la lumière pointe à l'horizon. Notre travail, depuis six ans, nous a permis de constater que lorsque nous rejoignons les publics auxquels s'adressent nos films leur réponse est étonnamment positive. C'est tous les jours que des clients et spectateurs, étonnés de voir la qualité de plusieurs films québécois, nous demandent pourquoi ceux-ci sont confinés à une diffusion marginale. À moyen terme, une réelle préoccupation de voir notre cinéma présent dans le secteur socio-culturel aura inévitablement des répercussions sur les autres réseaux commercial et télévisuel.

L'incurie gouvernementale et celle des organismes responsables du cinéma indépendant a été totale dans le secteur de la diffusion. Comme nous l'avons dit, aucune espèce de politique de développement. Le peu d'importance qu'on accorde à la diffusion et à ses retombées, non seulement culturelles, mais aussi économiques, se traduit d'ailleurs dans les faits par une sous-estimation des budgets réservés à ce secteur. À titre d'exemple, lorsque l'institut vote, en 1983, la somme de 2200 $ pour sa participation au lancement d'un long métrage dans lequel il a investi à la production au-delà de 120 000 $, on se demande s'il existe quelque part une logique. Quand on sait que les Américains investissent 50% du budget de production d'un film pour sa diffusion, faut-il pleurer ou rire?

Le gouvernement doit reconnaître la nécessité de son intervention dans le secteur de la diffusion/distribution. Il doit soutenir les organismes qui travaillent à la promotion, à la réflexion, à l'animation, à la distribution de notre cinématographie. Le cinéma libre en est un qui, de plus, représente de nombreux cinéastes québécois qui se reconnaissent dans les objectifs qu'il poursuit. Le projet de loi propose d'élargir la représentation professionnelle du conseil d'administration de l'institut à l'ensemble du secteur de

l'industrie pour que tous puissent prendre une part active dans l'élaboration des politiques qui les concernent. Soulignons que, une fois, on a oublié le secteur de la diffusion. Le rapport Fournier suggère de faire siéger un représentant de la télévision, la loi propose une voix aux maisons de services. Si on pousse la logique jusqu'au bout, à quand les fabricants de pellicules?

Ainsi, on s'efforce de suivre jusqu'au bout la ligne industrielle, mais la ligne culturelle, elle, est brisée, pour ne pas dire qu'elle est une suite de points de suspension. La culture, on la sert dans les discours officiels, mais on la remise quand elle nous dérange. L'article 18 du projet de loi prévoit quatre voix flottantes au futur conseil d'administration, voix nommées par le ministre. La diffusion du cinéma culturel doit en faire partie. C'est là la seule façon de parvenir à développer des politiques de diffusion cohérentes, efficaces et adaptées au contexte actuel. Aucun membre du présent conseil de l'institut ne connaît ce contexte de diffusion du cinéma culturel. À preuve, une rencontre avec chacun des membres du conseil d'administration à ce sujet le mois dernier. C'est donc un dossier négligé, faute de représentants pour le défendre. Les distributeurs et les exploitants sont en grande partie responsables de l'absence de notre cinématographie sur nos écrans pour des raisons d'intérêt financier. Ceux et celles qui travaillent à rétablir un équilibre ont sûrement autant un droit de parole.

Notre travail nous a amenés à identifier clairement des problèmes et des solutions, mais il nous sera impossible de mettre celles-ci en pratique si nous ne sommes pas présents officiellement pour les défendre. Sans levier de pouvoir, la diffusion est condamnée à demeurer éternellement un sous-secteur. Cinéma libre fait partie de l'Association vidéo et cinéma de Québec, l'AVECQ, et trouverait normal qu'elle devienne son porte-parole au sein de l'institut.

En guise de conclusion, pour que la loi crée un encadrement propice au développement de notre cinématographie, il faudra voir à ce que son esprit soit traduit concrètement par des politiques de développement et de coordination au sein des ministères et organismes concernés: culture, communication, éducation. Il faudrait aussi voir à ce que le cinéma de type culturel soit abordé de façon spécifique, doté d'outils propres à son épanouissement. Les intervenants responsables de la diffusion du cinéma québécois devront siéger au CA de l'institut. L'État et l'institut devront montrer leur volonté de soutenir les organismes de diffusion au sens large en leur donnant des moyens économiques assurant plus que leur survie.

L'État ne devra pas se contenter de voter une loi-cadre. Tout en respectant, bien sûr, leur autonomie, il devra veiller à ce que les organismes responsables de son application élaborent des politiques cohérentes et de création, production, distribution, exploitation, en faisant appel aux milieux concernés dans un esprit de collaboration et de concertation inexistant à l'heure actuelle.

Si vous permettez, M. le Président, j'ajouterais simplement quelques lignes. Cinéma libre a pris connaissance du mémoire de l'Association des réalisateurs et réalisatrices de films du Québec concernant le projet de loi no 109 et veut signifier publiquement son appui à l'esprit de ce mémoire, aux objectifs qu'il vise, ainsi qu'au libellé des amendements proposés. En ce sens, nous croyons nécessaire de dégager les points suivants. Premièrement, la nécessité d'inscrire au chapitre des objectifs de la loi la reconnaissance de la spécificité culturelle québécoise. Deuxièmement, notre inquiétude face à la consécration de l'arbitraire ministériel. Troisièmement, la nécessité de la reconnaissance du droit d'association et celle de consultation des intervenants et organismes de toutes tendances dans l'élaboration des politiques et programmes de développement cinématographique. Quatrièmement, la nécessité de la création d'un conseil de surveillance du cinéma pour les raisons énoncées dans le rapport de la Commission d'étude sur le cinéma et l'audiovisuel.

Le Président (M. Paré): Merci, Mme Groulx. La parole est mainteant à M. Louis Dussault pour Les films du crépuscule.

Les films du crépuscule

M. Dussault (Louis): Je vais laisser tomber certains éléments de notre mémoire pour pouvoir enchaîner avec ce que Sylvie Groulx vient de dire.

Les films du crépuscule ont été fondés en 1976, au mois d'août. C'est une corporation sans but lucratif qui est vouée à la promotion, la diffusion et la distribution du cinéma québécois. Nous avons une centaine de films de court, moyen et long métrage en distribution et nous représentons à peu près le même nombre de réalisatrices et de réalisateurs.

Je vais plutôt passer en page 2 à la définition de cinématographie nationale. Le cinéma, c'est un langage, on en conviendra. Plusieurs diront davantage une industrie, car, bien sûr, ce langage a comme support technique toute une technologie qui ne peut provenir que d'une infrastructure industrielle. Nous affirmons toutefois que la matière première du cinéma c'est la création. Etonnamment, le projet de loi 109 ne reconnaît pas comme priorité la création et

est loin de changer la situation qui asservit notre cinéma au "box office". Le cinéma se nourrit de conditions très particulières, du renouvellement du langage, entres autres, de son avant-gardisme, de la mosaïque d'influences qu'il va subir, de l'enracinement de ce langage dans le vécu du peuple et dans son imaginaire.

Le cinéma, ce n'est surtout pas d'imiter les succès publics de ses voisins puissants, de nier son originalité pour l'apparat luxueux ou de répondre fidèlement aux études des marchés. Le cinéma est un langage culturel très puissant qu'on ne doit pas négocier pour de la marchandise, et si sa santé paraît chancelante au Québec, il faut surtout comprendre le contexte, sur lequel nous allons donner notre point de vue à la lumière de la prochaine loi 109.

Je me permettrai de citer un texte que le cinéaste Jean Renoir écrivait à un cinéaste québécois lors de sa visite au festival international de Montréal en 1967. Le cinéaste québécois François Dupuis demandait alors à Jean Renoir de lui donner son opinion écrite du point de vue qu'il avait du cinéma québécois, qu'à l'époque on appelait le cinéma canadien. Je lis: "Le cinéma canadien (québécois) me semble posséder une qualité essentielle à la confection de n'importe quelle oeuvre d'art: la curiosité. Les réalisateurs dont j'ai visionné les oeuvres me semblent anxieux de découvrir. C'est là une attitude saine et en contraste avec celle de la grande industrie internationale qui, elle, veut jouer sûr. Or, la sécurité en art c'est la mort." Jean Renoir.

Après ce long préambule, nous allons circonscrire notre intervention autour de l'Institut québécois du cinéma, de ce qu'il a été, de ce qu'il est devenu et, à notre avis, avec ce projet de loi de ce qu'il deviendra. (23 heures)

Le point de départ de la loi sanctionnée le 19 juin 1975, la première loi sur le cinéma est celui-ci: "Attendu que le cinéma constitue l'un des moyens les plus puissants d'expression et de diffusion de la culture, attendu que le Québec se doit d'affirmer sa souveraineté dans ce domaine..." et le projet de loi commençait. Je ferai remarquer que la loi 109 n'a pas ce préambule. Si on constate que dans un projet de loi les mots sont importants, cette loi de 1975 créa l'Institut québécois du cinéma qui se révéla au début un outil important dans le développement du cinéma au Québec. On sentait une volonté de la part de l'équipe à l'époque de respecter les notions de culture dans l'aide au cinéma ce qui appuya la production d'une cinématographie originale. Le cinéma indépendant représentait la plus grande proportion des films de la production nationale destinée au public dans les salles. Je dis bien destinée au public dans les salles pour éviter immédiatement la production gouvernementale, la production publicitaire et tout cela.

C'est à ce moment qu'est né l'outil de diffusion que se sont donnés les cinéastes, Les films du crépuscule. Il y avait aussi le cinéma libre qui, à peu près en même temps, a été fondé. Citons quelques titres de films, Puisqu'on parle de cinéma, on va citer des films. "Le Grand remue-ménage", "Comme des chiens en paccage", "Tout le Québec au monde sur la job", "Belle famille", "Vidanges", "Plusieurs tombent en amour", "Depuis que le monde est monde", "La cuisine rouge", "L'hiver bleu", "La maladie chez les compagnies", "Une histoire de femme", "On n'est pas des anges", les films sur les Amérindiens, d'Arthur Lamothe, "Les grands enfants", et je pourrais en nommer beaucoup d'autres, entre autres, les nombreux et excellents courts métrages. Graduellement, l'esprit bureaucratique n'orientait l'aide que vers des projets soi-disant rentables économiquement. Le plan quinquennal, entre autres, mis sur pied par l'Institut québécois du cinéma en fait foi, qui imposait des standards à modèle unique purgeant, à notre avis, toute liberté de création.

Les Québécois ont une réalité, une spécificité, un imaginaire que notre cinéma doit refléter selon ses moyens et en fonction de son public. Ce qu'il faut consolider dans notre contexte national, ce sont les outils que le milieu s'est donné. Les problèmes auxquels la loi 109 ne s'attaque pas, c'est 95% du marché des cégeps qui sont occupés par des films étrangers, américains pour la plupart. On appelle ce réseau celui des salles parallèles. Encore, je fais la nuance quand je parle de salles parallèles, je définis le réseau des cégeps comme étant un réseau parallèle au réseau commercial et je ne fais pas mention spécifiquement de l'Association des cinémas parallèles du Québec. Les télévisions, quand elles ne paient pas un prix ridicule pour les films nationaux qu'elles achètent, n'en programment que très peu, à l'exception, parfois, de Radio-Québec, mais son champ d'intervention est très limité.

La télévision payante qui cherche à conquérir le public friand de cinéma américain ne fera que contraindre les réalisateurs et les réalisatrices québécois à tourner en anglais. Déjà plusieurs producteurs l'exigent actuellement, les lois du marché obligeant à faire des films de plus en plus semblables au cinéma américain de grande consommation. Les conditions offertes par les salies de cinéma actuellement font que les salles elles-mêmes retirent les gains que feraient les films québécois, pas les producteurs ni les distributeurs. L'Institut québécois du cinéma n'a jamais dénoncé ces situations dont nous parlons depuis belle lurette. D'abord, au sommet sur les industries culturelles tenu à Québec en 1978, ensuite à la Commission d'étude sur le

cinéma et la vidéo, la commission Fournier, et lors de la tournée du ministre des Affaires culturelles à Montréal, entre autres.

Au lieu de cela, l'institut actuellement restreint à ce point son champ d'aide ne souhaitant produire que quelques gros films par année qui éliminent systématiquement le cinéma indépendant de la carte et leurs outils de diffusion dont Les films du crépuscule. Le représentant de l'Association de vidéo et de cinéma du Québec, dont nous faisons partie, rappellera que l'institut ne représente pas à son CA la plus grande partie du secteur culturel regroupé dans l'AVECQ, l'Association de vidéo et de cinéma du Québec, soit les corporations sans but lucratif qui oeuvrent dans la production, la diffusion et la distribution du cinéma et de la vidéo au Québec. Que l'institut, par étouffement économique, veuille faire disparaître, par exemple, un outil comme Les films du crépuscule, tout cela s'inscrit parfaitement dans une logique de comptable qui n'aurait sa place que dans une institution bancaire ou une société d'investissement, mais pas dans un outil de développement de la cinématographie nationale.

À cet égard, l'institut peut ainsi manoeuvrer et détourner son mandat culturel à volonté, qui était toutefois inscrit dans la loi de 1975. La loi 109, elle, ne parle pas de spécificité culturelle. Que deviendra l'institut alors malgré son budget haussé à 25 000 000 $? La loi 109 ne parle que du cinéma au Québec, ne donne aucune définition de la spécificité culturelle. Aucun mandat en ce sens et il faut compter les endroits où on retrouve le mot "culture". Dans ce contexte, à l'institut, on ne s'impliquera que dans la production de gros films.

Nous pensons qu'une véritable loi du cinéma devrait être protectionniste pour contrer les influences mercantiles du marché cinématographique international et protéger les outils collectifs que le milieu s'est donnés. Nous pensons que, si ce gouvernement adopte cette loi intégralement sans considération pour la créativité, il en va, bien sûr, de notre avenir, mais du vôtre aussi.

En ce qui me concerne, j'ai terminé. Je voudrais simplement faire une observation. On parlait du réseau scolaire, du réseau gouvernemental qui était occupé en grande partie par le cinéma étranger. Le ministre de l'Éducation pourrait parfaitement être ici aussi et écouter nos doléances et ce serait de rigueur, je crois, parce que le réseau du ministère de l'Éducation a une utilisation du cinéma étranger. Si tout cela pouvait être changé de façon à apporter une aide au cinéma québécois, ce serait très significatif. Mon intervention est terminée.

Le Président (M. Paré): Je vous remercie, M. Dussault. La parole est maintenant à vous, M. Goupil, de l'Association vidéo et cinéma du Québec.

Association vidéo et cinéma du Québec

M. Gagné (Serge): M. le Président, j'aimerais d'abord vous demander la permission... M. Goupil n'ayant pas pu se déplacer - mon nom est Serge Gagné - je vais faire la lecture des commentaires que vous faisait parvenir l'Association vidéo et cinéma du Québec.

M. le ministre, mesdames et messieurs de la commission, lors de la dernière assemblée générale de l'Association vidéo et cinéma du Québec, l'AVECQ, les membres présents ont échangé des observations concernant le projet de loi no 109, Loi sur le cinéma et la vidéo. J'aimerais d'abord, avant d'aller plus loin, faire une petite parenthèse pour présenter un peu ce qu'est l'AVECQ.

L'AVECQ est l'Association vidéo et cinéma du Québec qui s'est donné pour but de regrouper des organismes à but non lucratif et des coopératives travaillant à la distribution, la production, l'exploitation, la diffusion, la préservation, l'éducation, l'information et l'animation dans le cinéma et la vidéo, les créations de recherche et d'intervention au Québec. L'AVECQ existe depuis octobre 1980 et regroupe, entre autres, l'Association coopérative des productions audiovisuelles, Carrefour international, Cinéma d'information politique, Cinéma parallèle de Montréal, Les films du crépuscule, la Société de distribution cinéma libre, Parlimage, Groupe d'intervention vidéo, le Vidéographe, la Coop Vidéo de Montréal, Spirafilm, Vidéo Femmes, Ciné-Forum, les Productions 89, les Productions du lundi matin, Diffusion de l'amorce, les Productions Vent d'est, l'Association pour le jeune cinéma et Prime Vidéo. Et je vais continuer maintenant la lecture.

Certains de ces commentaires font état de revendications spécifiques propres aux types d'activité et d'intervention de chacun des groupes. Nous n'allons pas reprendre ici ces constatations, quoique nous les endossions dans l'ensemble. La commission parlementaire aura l'occasion d'entendre plusieurs de ces groupes lors des audiences.

Certains de ces commentaires font état de questions générales sur l'orientation du projet de loi. Nous trouvons important de souligner ici les points marquants qui s'en dégagent. Entre autres, la formulation de certains articles laisse entrevoir des excès de pouvoir, d'abord par le ministre. Nous avons donné quelques exemples ici qui sont par rapport à des pouvoirs de nomination, de recommandation et de reconnaissance de choix: articles 16, 23, 47 et 116. Aussi par

rapport à la structure bureaucratique. On donne comme exemple la régie où trois personnes auront le pouvoir quasi-judiciaire d'intervenir à tous les niveaux du travail de création et de diffusion cinématographique et vidéographique. Nous allons faire disparaître le mot "québécoise" à l'article 127, entre autres.

L'orientation du projet de loi 109 ne privilégie en aucun cas la sauvegarde d'un des outils culturels essentiels à l'affirmation de notre identité. Nous parlons ici du cinéma. En tant que représentants du secteur culturel, les 18 organismes constituant l'AVECQ constatent que notre voix n'a pas accès aux processus décisionnels et consultatifs. En conséquence, pour que la diversité du milieu cinématographique et vidéographique existe et s'exprime par une participation réelle de toutes ses composantes - on enlève le point-virgule et on met une virgule - l'AVECQ demande la reconnaissance de son statut d'association représentative des organismes à but non lucratif oeuvrant dans le cinéma et la vidéo.

L'article 16, dans son libellé, ne faisant aucunement mention de cette catégorie, nous demandons qu'il soit modifié en conséquence.

Nous vous remercions de l'attention que vous avez portée à ces recommandations et commentaires. Merci.

Le Président (M. Paré): Merci, M. Gagné. M. le ministre.

M. Richard: Je voudrais remercier M. Gagné, Mme Groulx et M. Dussault.

J'aurais deux observations à faire. La première, c'est qu'il m'apparaît évident et peut-être même nécessaire que des personnes qui représentent la diffusion soient représentées au sein du conseil d'administration de l'institut. Mais encore faudrait-il, pour faciliter la tâche, qu'il y ait une entente entre ceux et celles qui demandent à être représentés au sein du conseil d'administration, puisque chaque association réclame un siège au conseil d'administration. Cependant, je vous répète qu'à cet égard cela me paraît non seulement évident, mais nécessaire que le secteur de la diffusion et de la promotion soit représenté au conseil d'administration de l'institut québécois. C'est, d'ailleurs, une des raisons pour lesquelles il y a quatre personnes qu'il reste à nommer sur les huit émanant du secteur professionnel et des autres associations que vous connaissez.

Ma deuxième observation, c'est que vous faites état du fait qu'il ne serait pas question de la création dans le projet de loi. Je vous réfère à l'article 3 du projet de loi qui dit: "La politique du cinéma et de la vidéo, tout en respectant la liberté de création et d'expression, ainsi que la liberté de choix du public, doit donner la priorité aux objectifs suivants: 1° l'implantation et le développement de l'infrastructure artistique". Le premier mot c'est "artistique", avant "industrielle et commerciale". Il me semble que cela nous amènerait peut-être à nuancer un peu les propos tenus dans vos mémoires respectifs. "2° le développement du cinéma québécois - c'est le deuxième objectif de la loi - et la diffusion de la culture cinématographique dans toutes les régions du Québec." Il me semble que cela doit répondre à vos aspirations et que cela répond en très grande partie aux questions que vous vous posez.

J'aurais deux questions à poser à l'une ou aux autres. Vous revenez fréquemment -je pense que les trois l'ont fait - avec un cinéma de type culturel. Seriez-vous en mesure de me définir ce qu'est un cinéma de type culturel? Et je vous pose également tout de suite ma deuxième question: Seriez-vous en mesure de définir ce qu'est la spécificité culturelle?

Le Président (M. Paré): Vous avez le choix de vous entendre sur la personne qui répondra aux questions posées. M. Gagné.

M. Gagné: Je voudrais juste faire une petite remarque avant d'essayer d'attaquer les questions de 100 000 $. Je crois, que tout à l'heure, Crépuscule et Cinéma libre ont fait mention que la demande de structure que les organismes faisaient était quand même référée à l'AVECQ, c'est-à-dire que la représentativité que, entre autres, Cinéma libre et Crépuscule préconisaient était référée à l'Association vidéo et cinéma du Québec.

Je voulais aussi ajouter que, dans l'Association vidéo et cinéma du Québec, il y a aussi des producteurs, il y a d'autres types d'intervenants, comme on l'a mentionné. C'est pour cela que nous avons constaté que c'était une structure qui, à notre avis, était assez représentative. En plus de rejoindre un peu la préoccupation, avez-vous semblé dire, par rapport à des participants de la diffusion dans un conseil d'administration réformé de l'institut, cela aurait la particularité que cette association regroupe aussi des personnes qui oeuvrent dans la vidéo, ce qui serait aussi assez intéressant par rapport à la représentativité de cette association. En tout cas, c'était juste cette espèce de petite parenthèse que je voulais vous communiquer. (23 h 15)

Ensuite, quand vous faites une remarque quant à la création, effectivement, c'est un peu vrai que le libellé de l'article 3 reconnaît cela. Nous avons bien pris note aussi de votre insistance sur l'infrastructure "artistique" avant "industrielle", etc. On l'a pris en note pour être sûr qu'on a bien compris. Il y a des choses, quand même, qui

nous font réfléchir. Si on se reporte à l'article 3, au deuxième alinéa on parle de "la diffusion de la culture cinématographique". Quand on s'en va à l'article 61 - je vais juste faire une remarque qui m'a paru drôle - à l'alinéa 3, on parle "de promouvoir ou d'aider financièrement le cinéma québécois en favorisant sa représentation dans les festivals et autres manifestations cinématographiques - et on dit - et de promouvoir la culture cinématograaphique au Québec". On ne dit pas "aider", on dit "promouvoir", alors qu'au début on avait dit: "de promouvoir ou d'aider financièrement". Donc, on apporte une nuance.

Vous nous direz que c'est peut-être charrier sur les mots, mais on sait que fairp de la promotion, ce n'est pas nécessairement aider spécifiquement. Cela pourrait ne pas aider aussi. C'est un peu ce qu'on voulait dire. Nous croyons que le ministre est, quand même, très préoccupé. Votre intervention nous dit que vous avez, quand même, cette préoccupation. On va peut-être atténuer nos critiques sur ce point après avoir regardé comme il faut pour voir si on peut vraiment interpréter votre déclaration dans ce sens.

Pour ce qui est de répondre à la fameuse question de 100 000 $, cinéma culturel, spécificité culturelle, il serait difficile d'essayer de faire une définition de façon très systématique pour savoir comment on peut préciser ce type de cinéma qu'on appelle culturel. On a l'habitude de le faire en fonction d'un autre type de cinéma qu'on appelle industriel, ce qui nous fait dire que la définition du cinéma en soi ne devrait pas avoir cette ambivalence. Elle devrait se suffire à elle-même, c'est-à-dire qu'on devrait parler de cinéma et ne pas avoir besoin d'introduire des notions culturelles, industrielles, films d'intervention. On croit que le cinéma soutient lui-même sa définition totale.

Lorsque nous parlons de cinéma culturel, c'est vraiment pour préciser que le cinéma qui se fait ici s'est quand même beaucoup préoccupé d'une société dans toutes ses manifestations. La culture étant finalement une excroissance de notre société, étant un phénomène qu'on regarde, on a pu constater que ce cinéma s'était préoccupé de regarder la réalité, à la fois pour témoigner de ce qui se passait réellement et aussi pour pénétrer l'imaginaire des gens et aller chercher un peu comment le Québécois percevait socialement le monde.

Donc, on a pu penser que le cinéma culturel représentait un peu ce type d'intervention de la cinématographie dans une société. Si on se réfère aux catégories qui sont, quand même, connues, le cinéma industriel, le cinéma hollywoodien, c'est, bien sûr, directement en opposition à ce type de cinéma qu'on tenterait de nous implanter. Il y a cette nuance qu'il faut faire. Je crois que l'intervention que nous avons faite là-dessus, ce n'est pas vraiment pour dire: Nous autres, on veut avoir toute la place. On dit que dans l'image, dans le portrait de l'espèce de facette qui devrait exister, il y a des types d'expression qui ne sont pas présents lorsque c'est le temps d'exprimer un point de vue ou de faire valoir des opinions sur des choses. Donc, c'est un peu pour cela que ce cinéma qu'on appelle culturel, on s'en est fait un peu le porte-parole, sans dire que l'autre type de cinéma n'est pas culturel.

M. Richard: Ce n'est pas tout à fait facile à définir dans une disposition législative.

M. Gagné: Non.

M. Richard: Je vais vous poser une question très directe. Est-ce que les films suivants, qui sont ou seront - je pense que vous l'admettrez - à vocation commerciale, sont des films de type culturel? Je pense à Gandhi, d'Attenborough; je pense à Maria Chapdelaine, je pense à Bonheur d'occasion. Est-ce que ce seront des films de type culturel?

M. Gagné: Pour autant qu'ils respecteront, qu'ils présenteront une image culturelle dans le sens qu'ils représentent la spécificité culturelle. C'est là que le cinéma culturel rejoint la spécificité culturelle. Il y a des associations qui vont intervenir, je crois, un peu plus tard, sur ce sujet et qui vont très bien expliquer ce point de vue. J'aimerais laisser à ces structures la responsabilité d'éclairer les membres de la commission sur ces particularités. Je crois qu'il y a des associations, dans le moment, qui sont un peu plus représentatives et qui sont capables d'être plus précises à ce sujet. Dans le fond, ce n'est pas notre responsabilité dans le moment. Il y a d'autres gens qui vont le faire.

Je voudrais, quand même, relever quelque chose qui, tantôt, m'a paru important concernant le commercial, le non-commercial, le lucratif et le non-lucratif. Dans le projet de loi, on semble jouer avec ces notions, à savoir que ce qui va être à but non lucratif va s'occuper du non-commercial et ce qui va être à but lucratif va s'occuper du commercial. C'est ce que vous avez semblé dire à l'Association des cinémas parallèles du Québec, qui est un organisme à but non lucratif et qui va avoir un permis d'exploitation non commercial. Dans la pratique du cinéma, de la diffusion du cinéma, de la distribution, entre autres, nous, qui sommes à but non lucratif - je parle de nos membres, même de l'ensemble -faisons commerce dans le cinéma, c'est-à-dire qu'il y a, quand même, un aspect commercial dans ce travail.

M. Richard: Là-dessus, M. Gagné, vous n'avez pas à avoir d'inquiétude. Je vous rejoins parfaitement. J'aurais voulu le signaler tout à l'heure, mais je le signale maintenant: N'est pas nécessairement à but non commercial un cinéma à but non lucratif.

M. Gagné: Dans le projet de loi, je crois qu'il y a des petites nuances.

M. Richard: Pour certaines fonctions précises. Mais c'est pour cela qu'on l'exclut, contrairement à ce que réclamait le réseau des cinémas parallèles, de la catégorie de l'exploitation, des permis d'exploitation.

M. Gagné: Quand vous parlez de permis de distributeur, vous employez la...

M. Richard: Oui, pour la distribution, mais pas pour le permis d'exploitation.

M. Gagné: C'est cela, mais...

M. Richard: C'est là qu'intervient la distinction.

M. Gagné: Quand vous dites, à l'article 94, que "nul ne peut, sur une base commerciale", on parle du distributeur. Relativement au permis de producteur, on dit: "Nul ne peut, sur une base professionnelle". Les nuances nous apparaissent importantes, parce que, même si nous sommes une association à but non lucratif, nous faisons une pratique commerciale dans le cinéma.

M. Richard: Je le sais et je le reconnais. Vous n'avez pas à avoir d'inquiétude là-dessus.

M. Gagné: D'accord.

M. Richard: Même le réseau parallèle fait une pratique commerciale.

M. Gagné: Dans ce cas-là, je vais passer la parole à d'autres. S'il y en a qui ont de meilleures idées.

M. Richard: Si je comprends bien vos propos, pour la spécificité culturelle, cela poserait les mêmes problèmes que pour un cinéma de type culturel.

M. Gagné: Non, je ne le crois pas.

M. Richard: Les mêmes problèmes de définition.

M. Gagné: C'est-à-dire qu'il y a quand même l'histoire qui peut être utile, à ce moment-là, pour le définir. Je ne parle pas de l'histoire qu'on a l'habitude de comprendre quand on parle d'histoire; je parle de l'histoire récente de la cinémato-graphie nationale, qui s'est quand même très préoccupée de signifier ce qu'elle entendait par spécificité culturelle. Donc, il y a le cinéma dont vous avez parlé tout à l'heure, mais il y a aussi le cinéma qui s'est fait avant et qui exprime ce que le milieu a voulu appeler spécificité culturelle. Je crois que, là-dedans, il y a des définitions qui sont très empiriques et très facilement retrouvables. C'est notre impression.

M. Richard: Je vous avoue, M. Gagné, que j'aurais très peur d'une définition, comme vous dites, empirique.

M. Gagné: Dans la loi, c'est sûr que c'est possible quand même. C'est difficile de choisir entre deux maux. On aimerait choisir plutôt entre deux biens. On a toujours l'habitude de choisir entre deux maux. On croit, dans le moment, que la situation de la cinématographie est quand même dans le pire. Dans cette situation, je crois que le ministre a le devoir d'intervenir de façon très catégorique et vraiment de limiter. Il y aura une discussion probablement avec ceux qui parleront de société de normes, mais on croit que dans la situation présente le ministre n'a qu'à resserrer. Nous croyons que dans le moment il y a tellement de possibilités pour ceux et celles qui veulent intervenir dans un type de cinéma ne respectant pas nécessairement l'aspect culturel du cinéma et la spécificité culturelle qu'un tel cinéma doit avoir. Nous croyons qu'il y a des possibilités énormes pour ces gens d'intervenir dans la structure présente de production, de diffusion et d'exploitation.

M. Richard: N'avez-vous pas la conviction, M. Gagné, que, s'il y a des films faits au Québec par des Québécoises et des Québécois, ils porteront les marques de la spécificité culturelle et que c'est là quelque chose de bien suffisant?

M. Gagné: Oui, mais il y a, quand même, des réalités économiques. Je pense que Mme Groulx voudrait intervenir, si M. le Président le permet.

Mme Groulx: Moi, je voudrais m'exprimer sur les points que vous avez soulevés concernant la voix qu'on demande au conseil d'administration. Je ne sais pas si cela a été bien compris, mais les Films du crépuscule et Cinéma libre font partie de l'AVECQ et ne demandent pas un siège en tant qu'organismes, mais d'être représentés par l'AVECQ. Pour ce qui est de la définition du cinéma culturel, c'est sûr que c'est difficile à définir, mais on pourrait dire, entre autres, que le cinéma culturel inclut le cinéma documentaire, inclut le

cinéma d'intervention sociale, le cinéma d'information, le cinéma politique. Quand on parle de cinéma, on ne parle pas que de longs métrages de fiction. C'est ce que je veux dire.

Ensuite, la spécificité culturelle, on pense que c'est important de l'inscrire et que ce soit dans l'esprit de la loi. Par exemple, regardons ce qui est arrivé avec un organisme fédéral comme la SÛICC, où on a produit des films dits canadiens qui ne reflétaient en aucune façon la spécificité culturelle canadienne, si elle existe. Ils étaient tournés ici avec des gens d'ici et avec des services techniques canadiens, des techniciens canadiens, mais souvent on faisait appel à des scénaristes, des réalisateurs de l'étranger. Cela a donné des produits qui ne reflétaient en rien la spécificité culturelle d'ici et, pourtant, c'étaient des films canadiens. On pense qu'éventuellement cette chose pourrait se produire au Québec, c'est-à-dire qu'avec des fonds québécois et des compagnies québécoises on pourrait, à un moment donné, dans le but de faire des films rentables économiquement, faire appel à des gens, à des créateurs qui pourraient faire des films qui ne refléteraient pas la spécificité des Québécois. On a la preuve. Cela existe. Cela a été dénoncé par beaucoup de monde, ce qui est arrivé à la SÛICC et cela pourrait arriver à l'institut. On ne dit pas que c'est ce qui se fera, mais cela pourrait arriver. C'est pour cela qu'on trouve cela important. C'est sûr que c'est difficile de déterminer exactement ce qu'est la spécificité culturelle.

M. Richard: Mme Groulx, si jamais cela devait arriver au Québec - parce que vous faites référence à des films produits au Canada anglais, si je ne m'abuse - le jour où cela arrivera au Québec, est-ce que ce ne sera pas, justement, parce qu'on n'aura plus de spécificité culturelle?

Mme Groulx: C'est possible.

M. Dussault (Louis): Moi, je voudrais revenir sur ce que le ministre disait tout à l'heure à propos de l'article 3, la citation qu'il avait faite. Une commission parlementaire, c'est d'abord l'ouverture de l'Assemblée nationale sur l'extérieur, pour aller chercher des témoignages sur le vécu des gens de la profession ou du milieu sur lequel la commission se penche; entre autres, en ce moment, c'est le cinéma. Vous avez des témoignages sur le vécu de gens qui travaillent surtout à la diffusion du cinéma québécois, qui se consacrent à ce travail. Moi, l"'attendu que", je le trouve, par rapport à la loi de 1975, par exemple -parce qu'on compare toujours, tout étant relatif, à quelque chose - beaucoup plus mince, beaucoup moins énergique. Je ne dis pas que la loi de 1975 était parfaite, loin de là, et la situation qu'on vit actuellement est de beaucoup tributaire de l'absence, justement, de lois solides et efficaces. Mais les "attendus que" de la loi 109 sont très timides et ressemblent davantage à des voeux pieux qu'à une véritable volonté politique. (23 h 30)

Si une loi veut avoir les reins solides pour protéger les outils que s'est donné le milieu, il faut d'abord qu'elle puisse s'asseoir sur des outils que la loi prévoirait construire. Il n'y en a pas. Il n'y a rien de prévu dans la loi qui change actuellement la situation que nous vivons. Entre autres, l'outil de développement du cinéma québécois, c'est l'Institut québécois du cinéma, et l'orientation qu'a prise l'Institut québécois du cinéma ces dernières années va s'intensifier dans le sens tout à fait contraire à nos besoins. On a tout lieu d'être tout à fait inquiets de cette situation, surtout si la loi 109 contient encore moins de mesures que la précédente, encore que la précédente n'en contenait presque pas non plus. Le témoignage de notre vécu, c'est cela. On se méfie énormément de l'orientation actuelle de l'institut. Il n'y a rien qui prévoit ramener l'institut vers un mandat davantage culturel. J'insiste beaucoup sur l'aspect culturel de notre travail puisque c'est la matière première du cinéma.

Le Président (M. Paré): Je vous remercie pour la réponse. J'ai deux autres intervenants qui ont demandé la parole, mais connaissant les contraintes au sujet de votre transport, j'aimerais savoir, parce qu'il est près de 23 h 30, si vous...

M. Dussault (Louis): Non. On a eu une information nous disant qu'il y a un autobus...

Le Président (M. Paré): Donc, si je comprends bien, vous pouvez poursuivre sans problème. Cela ne dérange pas l'argumentation qu'il y avait au début. D'accord, on poursuit. La parole est maintenant au député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: On a parlé longuement de la question à savoir ce qu'est la culture et ce qu'est la spécificité. J'aurais préféré que le débat porte sur des questions d'excellence et de beauté, parce que ce sont deux questions qui sont aussi très difficiles à définir, mais elles sont pour ma part beaucoup plus pertinentes au débat auquel nous participons ce soir. Ceci étant dit, je n'ai aucune difficulté à accepter qu'il existe des films qui sont beaux et excellents, tout comme il existe de la peinture et de la musique qui le sont aussi et qui vont

probablement intéresser une population plus limitée, contrairement à quelque chose de plus populaire qui fait appel à un commun dénominateur plus large. Cette idée, même s'il n'est pas possible de la définir - on sait qu'il y a non seulement des livres, mais des bibliothèques qui s'efforcent de définir cette idée - j'accepte quand même qu'elle existe, mais la question que je veux poser - et c'est à Mme Groulx qu'elle s'adresse - a trait à quelque chose de plus pratique. Si je tiens pour acquis ce que vous et les réalisateurs que vous représentez ont fait jusqu'à maintenant, vous êtes capables de faire des choses excellentes et belles - pour le moment, je fais fi de la question de la spécificité ou de la culture - mais, à cause du sujet ou de la façon dont le sujet est traité, elles vont forcément intéresser une population limitée. La question qui se pose aujourd'hui, c'est comment faire passer ces films. Si je comprends votre mémoire, vous dites des choses qui sont en contradiction importante avec ce qu'ont dit des représentants de l'Association des cinémas parallèles qui vous ont précédés. Vous dites: "Mais si le tableau est sombre - c'est à la page 10 de votre mémoire - nous savons que la lumière pointe à l'horizon: notre travail depuis six ans nous a permis de constater que lorsque nous rejoignons les publics auxquels s'adressent nos films, la réponse est étonnamment positive."

Vous avez parlé des films culturels que j'ai décidé de décrire comme des films excellents et beaux. Vous dites en plus, effectivement, que quand vous pouvez diffuser vos films, la population les aime beaucoup, du moins la population qui s'intéresse à ce genre de films. Et vous dites à la page 9: "Les salles dites parallèles et les ciné-clubs, qui sont pour la plupart situés dans des institutions scolaires, programment du cinéma étranger, surtout américain, à 90%." Bon! Des films excellents qui, lorsqu'ils sont présentés, ont l'appui de la population d'une façon étonnante et des salles parallèles et ciné-clubs qui persistent à diffuser des films du cinéma étranger à 90% - surtout américain - plutôt que vos films.

Cependant, quand on a posé quelques questions à l'Association des cinémas parallèles, qui est propriétaire de ces salles parallèles, j'ai proposé la création d'un réseau de cinémas national pour régler votre problème. J'ai dit: Écoutez, on va installer une salle nationale dans chaque ville du Québec comptant une certaine population; ce sera une salle bien aménagée, dirigée par les gens du milieu, on fera une bonne publicité bien orchestrée et, en conséquence, on aura un bon débouché pour vos films qui, selon vous, sont excellents. En réponse ces gens ont dit: M. le député, si vous faites cela, les salles seront vides, parce que les gens ne viendront pas voir les films québécois.

Alors, à moins que j'aie mal compris votre argumentation et la leur, il existe une contradiction entre les deux mémoires. Je pensais que ce serait peut-être intéressant pour vous de refaire brièvement votre présentation en tenant compte de la présentation des gens qui vous ont précédés.

Mme Groulx: Si vous permettez, je vais essayer de répondre.

Le Président (M. Paré): Oui, allez.

Mme Groulx: Quand vous proposez à l'Association des salles parallèles un tel réseau, c'est sûr que vous intervenez directement dans leur champ d'activité et c'est normal que, en tant qu'association, elle défende son point de vue.

Il y a certains arguments qui ont été apportés par les représentants de cette association concernant le fait qu'on marginaliserait le cinéma québécois si on faisait cela. Par contre, ce dont vous avez parlé, c'est-à-dire des salles présentant le cinéma québécois, mais aussi du cinéma étranger de qualité, du cinéma d'intervention, d'information, etc., c'est ce que l'association dit qu'elle fait. Alors, je comprends mal pourquoi il n'y aurait personne dans de telles salles, si elle attire son public avec une telle programmation. Je pense que c'est simplement le fait que vous interféreriez dans leur domaine et qu'ils ne sont pas d'accord.

Si cela allait bien pour la diffusion du cinéma québécois, on n'aurait pas besoin de créer un réseau de salles pour se donner la permission de présenter nos films sur des écrans. Idéalement, nous non plus nous ne voudrions pas de ce type de solution, mais il reste que le contexte est loin d'être idéal. Actuellement, nous, en tant que distributeurs de films, distribuons beaucoup de films en 16mm, pour parler du format; plusieurs sont des films d'intervention, des films d'information et aussi des films de fiction qui ne peuvent pas forcément s'inscrire dans le réseau commercial. Nous croyons qu'une hypothèse comme celle-là est à étudier et d'ailleurs nous nous penchons depuis longtemps sur cette question en tant que diffuseurs, parce que nous sommes pris concrètement dans des situations où on a des films que finance, entre autres, l'Institut québécois du cinéma qui nous vote des budgets, qui sont petits, mais on sait que c'est aussi dû au petit budget de l'institut, et quand vient le moment de passer ces films sur un écran, on cherche désespérément une salle. En tout cas, pour organiser un lancement, une salle où le film peut être à l'affiche au moins pendant quelques jours alors qu'on peut faire un minimum de campagne de promotion. En ce moment, cela n'existe à peu près pas. Même à Montréal, la seule salle où on peut trouver des débouchés en ce moment, c'est le Cinéma parallèle, où

les films restent à l'affiche pour un maximum d'une semaine. Si on parle d'économie, investir beaucoup d'argent sur la promotion d'un film qui tient l'affiche une semaine dans une salle, ce n'est pas très rentable, si on veut parler de rentabilité.

Donc pour nous, l'hypothèse d'avoir des salles dans les principales régions du Québec où il y aurait une aide financière substantielle du gouvernement, nous pensons que c'est une hypothèse intéressante. Nous sommes les premiers à ne pas vouloir marginaliser le cinéma québécois, mais il nous semble qu'il y aurait moyen de trouver une formule où le cinéma québécois ne serait pas présenté de façon marginale. Il n'y a pas seulement le cinéma québécois. Il y a d'autres cinémas nationaux, d'autres productions nationales qui s'apparentent à la nôtre de par leurs moyens économiques, leurs infrastructures et tout. On pense qu'une hypothèse comme celle-là est à envisager, même si on sait que beaucoup de gens disent que ce n'est pas la bonne solution, que la bonne solution, c'est de s'inscrire dans le réseau traditionnel. On est bien d'accord, mais, pour le moment, s'inscrire dans le réseau qui existe, c'est extrêmement difficile. Ûans le réseau des salles parallèles, c'est extrêmement difficile parce qu'on fait face, entre autres, à la méconnaissance des programmateurs de salles qui ne connaissent pas les films québécois et qui, quand ils ont une liste de films devant eux, ne vont pas choisir ces films, ils ne les ont pas vus, ni à la télévision, ni dans les salles commerciales. Il y a ce problème.

Il y a aussi le problème, parce qu'il y en a plusieurs, de l'Office national du film ou d'autres organismes gouvernementaux qui diffusent leur production gratuitement. C'est évident que, quand on arrive avec un film qu'on loue à un certain prix, puisqu'on distribue la production indépendante et il faut qu'il y ait des retours, quand on arrive avec un film qu'on va louer 150 $ et que l'ONF arrive à côté avec un film qui est donné gratuitement, c'est sûr que la personne qui a un petit budget pour programmer ses films durant l'année va prendre le film de l'ONF. D'ailleurs, dans une étude qui avait été faite en 1977, commandée par l'Institut québécois du cinéma et faite par M. Pierre Demers, de Jonquière, il avait noté qu'au-delà de 90% de la programmation des salles parallèles au Québec présentaient du cinéma étranger, du cinéma pas particulièrement culturel, du cinéma assez commercial et que, sur à peu près 9% de production québécoise et canadienne qui était présentée, la majorité de ces films était des films de l'Office national du film, parce que cela ne leur coûtait rien et que cela leur permettait de payer plus cher pour des films américains sur leur budget annuel. On est confronté à beaucoup de problèmes comme cela.

M. Scowen: Une dernière question. Je ne sais pas si, vous et moi, ensemble, allons promouvoir un réseau de salles nationales ce soir...

Mme Groulx: Ce n'est pas une nouvelle idée.

M. Scowen: Si ce n'est pas le cas, je veux simplement avoir une précision, des faits sur la situation actuelle. Dans le mémoire de l'Association des cinémas parallèles, ils disent qu'ils présentent des films difficilement rentables, documentaires, courts et moyens métrages, films québécois, films engagés, classiques, etc. Vous prétendez que ces mêmes personnes font à 90% du cinéma étranger, surtout américain et probablement commercial, et que les programmateurs de ces salles manifestent une méconnaissance importante des films québécois. Est-ce que...

Mme Groulx: Oui. On l'a précisé tout à l'heure. L'Association des cinémas parallèles, je ne me souviens plus exactement, regroupe 45 salles. Il y en a au-delà de 200, ce qu'on appelle le réseau parallèle. Parmi les gens qui étaient ici ce soir et qu'on connaît parce qu'on fait affaires avec eux, on peut dire que c'étaient justement les intervenants les plus corrects, si on peut dire, face aux films qu'on distribue et qui essaient d'en présenter, pas beaucoup, mais un de temps en temps. Ils n'étaient pas représentatifs de la majorité des programmateurs de salles parallèles. Là, on parle du réseau des salles parallèles dans son ensemble, dans les cégeps, les universités, etc., au Québec et où, comme je vous disais tantôt, il y a moins de 10% de films d'ici qui sont présentés, et souvent des films commerciaux.

M. Scowen: Est-ce que ces mauvais, les autres, ont une voix officielle?

Mme Groulx: S'ils ont une voix officielle?

M. Scowen: Oui, est-ce qu'ils ont une association des mauvais?

Mme Groulx: Cela ne me dérange pas pour autant que nous en ayons une.

Le Président (M. Paré): Merci. Mme Groulx, M. Dussault et M. Gagné, merci de votre patience et de votre participation à la commission.

Mme Groulx: Merci.

Le Président (M. Paré): Étant donné que les derniers groupes pour aujourd'hui viennent d'être entendus, les travaux sont ajournés à demain matin, 10 heures. Bonne nuit, mesdames et messieurs.

(Fin de la séance à 23 h 45)

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