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(Quatorze heures vingt-trois minutes)
Le Président (M. Paré): À l'ordre, mesdames
et messieurs!
Je suis Roger Paré, député de Shefford. Je
déclare la séance de la commission des affaires culturelles
ouverte. Le mandat de la commission est d'entendre les personnes et les
organismes en regard du projet de loi no 109, Loi sur le cinéma et la
vidéo.
Les membres de la commission sont: Mme Bacon (Chomedey), M. Champagne
(Mille-Îles), Mme Harel, (Maisonneuve), M. Hains (Saint-Henri), M. Proulx
(Saint-Jean), M. Richard (Montmorency), M. Ryan (Argenteuil), M. Payne
(Vachon), M. Saintonge (Laprairie), M. Dussault (Châteauguay), M. LeBlanc
(Montmagny-L'Islet).
Les intervenants à la même commission sont: M. Bisaillon
(Sainte-Marie), M. Blouin (Rousseau), M. Dauphin (Marquette), M. Lavigne
(Beauharnois), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), M. Leduc (Fabre), M. Scowen
(Notre-Dame-de-Grâce), M. Marx (D'Arcy McGee), Mme Lachapelle (Dorion) et
M. Bertrand (Vanier).
À ce moment-ci, je demanderais qu'on désigne un rapporteur
à la commission.
M. Proulx: M. Dussault, député de
Châteauguay, un député jeune et brillant.
M. Dussault: Je le ferai avec plaisir, M. le
Président.
Mme Lavoie-Roux: Le député de Saint-Jean...
Le Président (M. Paré): Je m'excuse. Il faudrait
qu'on aille en ordre.
Mme Bacon: Moins jeune et moins brillant.
M. Proulx: Madame.
Le Président (M. Paré): M'ont été
recommandés M. Blouin de Rousseau et M. Dussault de Châteauguay.
Est-ce que...
M. Dussault: M. le Président, je décline en faveur
de M. le député de Roussseau.
Le Président (M. Paré): M. Blouin,
député de Rousseau, vous acceptez d'être rapporteur?
M. Blouin: Qu'est-ce que je fais?
Le Président (M. Paré): Rapporteur de la commission
à l'Assemblée nationale. Merci. Donc le rapporteur
désigné sera M. Blouin, député de Rousseau.
Je vais maintenant vous donner l'ordre du jour, la séquence de
présentation des mémoires à la présente commission.
Pour aujourd'hui, mardi le 22 février 1983, j'aimerais vous rappeler que
les travaux doivent se poursuivre jusqu'à 18 heures pour être
ensuite interrompus jusqu'à 20 heures et reprendre ensuite
jusqu'à 22 heures.
Les intervenants seront, dans l'ordre: l'Institut
québécois du cinéma, représenté par M.
Claude Godbout, Mme Louise Ranger et M. Zénaïde Lussier; le Conseil
du statut de la femme, représenté par Mme Claire Bonenfant, Mme
Elizabeth Powers et Mme Lise Dunnigan; le Regroupement des intervenants de
l'industrie du cinéma de l'Est du Québec,
représenté par M. Jean-Claude Filion et Mme Denise
Lévesque.
Le quatrième organisme est l'Association des cinémas
parallèles du Québec, représentée par M. Jurgen
Pesot, M. Jacques Labrecque, M. Guillaume Bélanger et M. Renaud
Thériault; le cinquième, le Regroupement des bibliothèques
centrales de prêt du Québec, représenté par M.
Gilles Dubé; le sixième, la Société de distribution
cinéma libre Inc., représentée par Mme Sylvie Groulx; le
septième organisme, les Films du crépuscule,
représentés par M. Louis Dussault, et le huitième et
dernier organisme pour aujourd'hui, l'Association vidéo et cinéma
du Québec, représentée par M. Pierre Goupil.
M. le député de Rousseau.
M. Blouin: Compte tenu que l'organisme qui suivra l'Institut
québécois du cinéma est le Conseil du statut de la femme,
et pour éviter de créer un incident, je vous signale que la
troisième représentante de l'Institut québécois du
cinéma est, non pas M. Zénaïde Lussier, mais Mme
Zénaïde Lussier.
Le Président (M. Paré): Je vous remercie, M. le
député, mais j'avais seulement un "M." Maintenant, j'inviterais
le ministre des Affaires culturelles à nous faire ses remarques
préliminaires.
Remarques préliminaires M. Clément
Richard
M. Richard: M. le Président, ces audiences publiques de la
commission permanente des affaires culturelles sont pour moi l'occasion de
poursuivre un processus de consultation sur la politique du cinéma et de
la vidéo au Québec amorcé en janvier 1981.
En effet, le projet de loi no 109 que je soumets aujourd'hui à la
discussion est le fruit d'une démarche approfondie d'analyse et d'un
effort de concertation dont je voudrais rappeler ici les principales
étapes.
En janvier 1981, le gouvernement du Québec, par la voie de mon
prédécesseur aux Affaires cultures, M. Denis Vaugeois,
créait une commission d'étude sur le cinéma et
l'audiovisuel, chargée de lui faire des recommandations sur certains
aspects précis et spécifiques de la politique
cinématographique. Parallèlement, un projet de loi sur le
cinéma était déposé devant l'Assemblée
nationale. Il visait à pallier les carences de la loi 1 de 1975, dont
plusieurs des articles n'avaient jamais été promulgués.
Quelques mois après, j'étais appelé à prendre la
direction du ministère des Affaires culturelles.
En prenant connaissance du dossier cinéma, il m'apparut
évident qu'une réforme globale de l'intervention de l'État
s'imposait. Elle s'imposait avec urgence compte tenu des grandes
difficultés que connaissent l'industrie et la création
cinématographiques québécoises et des conséquences
néfastes d'une telle situation sur le développement culturel et
économique du Québec. J'ai donc décidé de ne pas
reconduire le projet de loi no 20 et d'élargir plutôt le mandat de
la commission, de façon que celle-ci soit amenée à
proposer des solutions globales et cohérentes à l'ensemble des
problèmes qui confrontent le cinéma et la vidéo
québécois ou afférents à la diffusion de la culture
cinématographique au Québec.
Le 2 septembre 1982, la commission, à la suite de nombreuses
recherches, consultations et analyses, rendait public son rapport
intitulé "Le cinéma, une question de survie et d'excellence". Ce
rapport unanime fut, règle générale, favorablement
accueilli par les milieux du cinéma et de la vidéo. J'ai plaisir
à souligner qu'il fut réalisé à l'intérieur
des délais et des budgets impartis à la commission, chose tout
à fait exceptionnelle dans l'histoire des commissions d'étude ou
des commissions d'enquête. (14 h 30)
J'en profite d'ailleurs pour remercier de nouveau les membres de la
commission: M. Guy Fournier, président; Mme Andréanne Bournival,
MM. Fernand Dansereau, Paul Gendron et André Link, pour l'excellence du
travail accompli et la diligence avec laquelle ils ont travaillé.
Dès la réception du rapport Fournier, je m'engageais
à déposer avant Noël un projet de loi-cadre sur le
cinéma et la vidéo, ce qui fut fait le 17 décembre
dernier; c'est-à-dire que nous avons agi avec
célérité et que la volonté politique que la
commission Fournier appelait de ses voeux n'a pas tardé à se
manifester.
Fidèle à un autre de mes engagements, j'annonçais
alors la tenue d'une commission parlementaire où tous les intervenants
concernés, à un titre ou à un autre, pourraient faire
valoir leurs points de vue sur ce projet de loi-cadre, demandé par la
profession depuis près de 20 ans.
Nous voici donc aujourd'hui au rendez-vous. C'est un rendez-vous
important, d'une part, parce que j'entends accorder aux propos qui seront
énoncés devant cette commission toute l'attention qu'ils
méritent. J'ai maintes fois indiqué que je demeure ouvert au
dialogue et que je suis disposé à accueillir favorablement toute
proposition susceptible d'améliorer ce projet de loi et qui respecte ses
objectifs fondamentaux. Je me réjouis d'ailleurs que plus de quarante
intervenants aient annoncé leur intention de se présenter devant
cette commission.
C'est aussi un rendez-vous important en raison de ce qui fera l'objet
même de nos délibérations: l'essor d'une véritable
cinématographie nationale et la promotion de la culture
cinématographique au Québec.
Le cinéma est un art majeur, un des plus important du XXe
siècle, un moyen d'expression privilégié par un nombre
grandissant de créateurs, ici comme à l'étranger. À
la fois témoin de la réalité d'un peuple et porteur de son
imaginaire, le cinéma est un extraordinaire instrument d'affirmation des
identités nationales et de communication entre les peuples.
C'est aussi un véhicule de création et d'expression
culturelle qui atteint un nombre sans cesse croissant de spectateurs. Bien que
la fréquentation des salles de cinéma n'ait plus l'ampleur
populaire qu'elle avait avant la télévision, il n'en reste pas
moins que les longs métrages programmés dans les salles et
ciné-parcs du Québec sont vus chaque année par près
de 30 000 000 de personnes, ce qui signifie qu'ils rejoignent plus de
spectateurs payants que ne le font tous les sports professionnels
réunis: hockey, baseball, football, soccer, etc.
Mais il n'y a pas que les spectateurs des salles commerciales qui
fréquentent le cinéma. Si l'on tient compte des autres canaux de
diffusion qui s'offrent à lui -télévision, diffusion en
réseaux scolaires et parallèles, vidéodisques,
vidéocassettes, etc. -c'est près d'un milliard de spectateurs qui
sont rejoints chaque année au Québec par le cinéma.
Le cinéma et la vidéo ont donc un
impact social et culturel profond en nos sociétés. Cet
impact risque d'être encore amplifié par les années
à venir. L'apparition de la télévision payante, la
vidéodiffusion sur grand écran, la télédiffusion
par satellite, le cinéma en trois dimensions, la
vidéolégère, l'accessibilité plus grande des
appareils d'enregistrement et de reproduction des oeuvres audiovisuelles sont
autant de phénomènes susceptibles d'accroître et de
multiplier à court terme leur auditoire.
C'est par les contenus, par une production nourrie et de qualité
d'oeuvres audiovisuelles de tous types que le Québec peut et doit
prendre sa place dans ce vaste réseau de communications. Ce faisant, non
seulement pourrons-nous offrir à nos créateurs l'occasion de
raffermir les liens qui unissent un peuple à sa cinématographie
et participer au dialogue culturel entre les nations, mais nous contribuerons
à lancer l'économie, à créer des milliers d'emplois
directs et indirects, à consolider des dizaines de petites et moyennes
entreprises de production et de services. Le Québec pourra ainsi, et
c'est important, rétablir une balance des paiements actuellement
largement déficitaire dans ce secteur.
Il est d'autant plus important de s'arrêter à
réfléchir à ces phénomènes lorsque l'on
constate que ce milliard de spectateurs québécois se voient
aujourd'hui offrir une programmation presque totalement
étrangère. En effet, le cinéma québécois
occupe moins de 1% du temps-écran consacré au long métrage
sur l'ensemble des réseaux de télévision et moins de 3% de
la programmation des salles de cinéma au Québec. C'est dire le
colonialisme qui nous afflige.
Pourtant, la cinématographie québécoise est
déjà riche de plus de 500 longs métrages dramatiques ou
documentaires. Bon nombre d'entre eux ont connu, au Québec, des
succès d'estime et de public considérables. Que l'on songe aux
Plouffe, à La tête de Normande St-Onge, de Gilles Carle, aux Bons
débarras, de Francis Mankiewickz, aux Dernières
fiançailles, de Jean-Pierre Lefebvre, à Réjane Padovani,
de Denys Arcand, aux Ordres, de Michel Brault, à Mourir à
tue-tête, d'Anne-Claire Poirier, à Not a love story, de Bonnie
Klein, à J.-A. Martin photographe, de Jean Beaudin, à L'affaire
Coffin, de Jean-Claude Labrecque, à Mon oncle Antoine et Kamouraska, de
Claude Jutras et bien d'autres encore.
Depuis 20 ans, chaque année, des films québécois de
court, moyen ou long métrage méritent des " honneurs dans des
manifestations cinématographiques importantes: Cannes, Los Angeles,
Berlin, Chicago, Venise. Plusieurs des créateurs, artisans et
interprètes d'ici jouissent d'une renommée internationale. Le
Québec a acquis, dans certains domaines spécialisés -
cinéma d'animation, cinéma direct, vidéo d'intervention -
une expertise qui fait mondialement envie. Pourtant, en 1981, seulement deux
longs métrages québécois de fiction et de langue
française ont pris l'affiche sur nos écrans: Les Plouffe et Les
beaux souvenirs, alors qu'en 1971, on en comptait 17 qui accaparaient alors
près de 11% du temps-écran. La grave crise économique que
nous traversons, conjuguée au problème que l'étroitesse du
marché québécois pose à toutes nos industries
culturelles, ont entraîné un ralentissement
généralisé de la production dans tous les secteurs.
Sans vouloir lui jeter la pierre, on doit constater que l'intervention
du gouvernement fédéral n'est pas étrangère
à cette récession des films québécois. Un des
effets directs de sa politique de déduction à 100% pour
amortissement des capitaux investis dans les longs métrages "canadiens"
et de la réglementation qui l'accompagnait fut de drainer la
quasi-totalité des investissements privés vers le film de langue
anglaise et de culture américaine. Ce qui eut pour effet
d'accroître dramatiquement les difficultés de financement des
films québécois de langue française, et ce, avant
même que la hausse vertigineuse des taux d'intérêt ne vienne
à son tour contribuer au tarissement des investissements
privés.
De son côté, la Société de
développement de l'industrie cinématographique canadienne,
contrairement à ses engagements initiaux, réduisait
progressivement ses investissements dans la production de langue
française. Ceux-ci s'établissaient à 40% des
investissements dans la production anglaise, entre 1975 et 1978, mais à
seulement 20% entre 1979 et 1981. L'Institut québécois du
cinéma se retouvait pratiquement seul dans ce contexte pour soutenir une
production originale québécoise, ce qui l'a obligé
à abandonner de nombreux programmes existants: aide au court, moyen et
long métrages documentaires, aide au court métrage d'animation et
au moyen métrage de fiction. Il a dû surseoir, faute de fonds
suffisants, à l'instauration de programmes d'aide à l'entreprise
et à la vidéo. Il a dû accroître sa participation en
termes de pourcentage du budget global dans les deux seuls longs
métrages prévus pour l'exercice financier en cours.
Résultat net: le Québec se trouve menacé d'une
perte de ses infrastructures. Déjà, plusieurs
sociétés de production, laboratoires et maisons de services ont
du fermer leurs portes ou mettre à pied jusqu'à la moitié
de leur personnel. Un fort pourcentage de créateurs, techniciens,
scénographes et interprètes, même parmi les plus
chevronnés et les plus talentueux sont sans emploi. Et il devient
extrêmement
difficile dans un pareil contexte d'assurer la formation d'une
relève.
Le cinéma québécois se trouve donc menacé de
perdre une expertise chèrement acquise, de prendre des retards à
la fois au plan des équipements, des capacités d'innovation
technologique et des performances de création. Car il en est de la
création cinématographie ou vidéo, comme de l'exploration
minière ou pétrolière: on ne trouve pas le filon à
tous les coups. La continuité est un facteur indispensable si l'on veut
atteindre la qualité et l'excellence que toute cinématographie
forte requiert.
Tout État soucieux de son identité culturelle et de son
développement économique doit donc intervenir avec constance et
fermeté pour soutenir le développement d'une
cinématographie nationale.
Cet encouragement de l'État doit, bien sûr, prendre la
forme d'une assistance financière: fonds de soutien, incitatifs fiscaux.
Sur ce point, je réitère mon engagement afin que les sommes que
le gouvernement destine au secteur privé du cinéma soient
sensiblement augmentées au cours des années à venir. Il
est toutefois prématuré de s'engager plus à fond sur cette
question qui sera considérée dans l'ensemble des interventions
budgétaires du gouvernement.
L'État se doit aussi d'intervenir pour atténuer les
menaces, arbitrer certains conflits, établir, en concertation avec la
profession, des mécanismes de distribution de l'aide gouvernementale qui
protègent l'autonomie des créateurs et assurent la
vitalité des entreprises culturelles. Il doit également faire en
sorte que les citoyens du Québec aient accès à une culture
et à un patrimoine cinématographiques riches et
diversifiés; que l'exploitation du cinéma et de la vidéo
s'effectue dans des conditions qui respectent tant les oeuvres que les droits
de la personne.
Bref, le gouvernement se doit d'élaborer un cadre
législatif qui concoure à créer les meilleures conditions
d'épanouissement du cinéma et de la vidéo au
Québec, dans le respect de la liberté d'expression et de
création ainsi que de la liberté de choix du public.
Dans cette optique, le projet de loi no 109 propose une réforme
des sociétés d'aide au cinéma. Il crée un nouvel
Institut québécois du cinéma et de la vidéo
doté d'un conseil d'administration de douze membres: huit membres
émanant d'autant de secteurs distincts de la profession, les quatre
autres représentant le public.
Comme son prédécesseur, l'institut a pour fonctions de
conseiller le ministre sur l'élaboration et l'application de la
politique du cinéma et de la vidéo, de la mettre en oeuvre et
d'en coordonner l'exécution.
L'institut se voit toutefois dégagé de l'administration
quotidienne des programmes et du plan d'aide, qui est confié à la
Société générale du cinéma et de la
vidéo, dont le conseil d'administration est formé de cinq
membres, tous nommés par le gouvernement sur recommandation du ministre,
et qui, bien que familiers avec le cinéma, ne sont pas actifs dans la
profession.
Cette nouvelle structure à double volet réaffirme le
principe d'une représentation majoritaire et élargie de la
profession au sein de l'organisme chargé, en vertu d'un contrat
signé avec le ministre, de mettre en oeuvre la politique du
cinéma. Elle permet en outre de se prémunir contre
d'éventuels conflits d'intérêts, voire d'éliminer
toute apparence de conflits d'intérêts, ce qui doit être la
règle dans l'administration des fonds publics. Elle favorise, enfin, une
qualité de réflexion et une efficacité de gestion qui
profiteront, il me semble, à tous et à toutes.
Le projet de loi propose également une Régie du
cinéma et de la vidéo qui prend la relève de l'actuel
Bureau de surveillance du cinéma, un organisme qui a accompli pendant
quinze ans un travail remarquable, mais dont les mandats se devaient
d'être élargis pour prendre en compte les bouleversements qui ont
affecté et qui affecteront encore davantage dans les années
à venir le monde du cinéma et de l'audiovisuel.
La régie prendra en charge l'émission des
différents permis, l'administration d'un système national de
billetterie, l'émission de certificats de dépôt aux
distributeurs de matériel vidéo, la fonction de surveillance du
cinéma et l'établissement de normes techniques dans les domaines
de sa compétence.
Certains trouveront que cette régie se voit dotée de trop
de pouvoirs réglementaires. J'aimerais les inviter à prendre en
ligne de compte le retard historique du Québec en ces matières.
Tous les pays européens ont adopté depuis un demi-siècle
des mesures qui leur permettent de régir la circulation des films sur
leur territoire, de briser les monopoles, de se doter d'instruments d'analyse
du marché, de protéger les droits de propriété
intellectuelle sur les oeuvres et d'assurer au public cinéphile
l'équivalent du droit au texte intégral en littérature.
(14 h 45)
Chez nos voisins du Sud, par exemple, la Cour suprême a interdit
l'intégration verticale des activités de production, de
distribution et d'exploitation, cette intégration étant
jugée préjudiciable à l'intérêt public.
Au Québec et au Canada, elle est toujours tolérée
puisque le plus important réseau de salles, Famous Players, est
contrôlé par un conglomérat qui contrôle un des
grands producteurs et distributeurs
d'Hollywood. Plusieurs États américains obligent les
distributeurs à procéder par voie d'enchères publiques
pour mettre leurs films en circulation.
Mon homologue français, M. Jack Lang, vient d'annoncer une
série de dispositions visant à briser les monopoles de
programmation, même ceux qui sont propriété
française. La France, encore une fois exige que les films doublés
présentés sur son territoire, le soient chez eux.
Bref, tous les États modernes ont légiféré
pour réglementer ce domaine au nom de l'intérêt collectif.
À ce jour, le Québec n'a hélasl fait que subir les effets
du protectionnisme législatif, réglementaire ou de fait des
autres pays. Sans compter qu'une large portion des activités de
distribution et d'exploitation au Québec sont sous mainmise
étrangère.
D'ailleurs relativement à ce point j'aimerais insister sur deux
aspects fondamentaux du projet de loi no 109: la réappropriation du
marché de la distribution et la présentation des versions
françaises des films au Québec.
Sur le continent américain, le Québec et ses citoyens
jouissent d'une situation privilégiée si l'on considère la
qualité et la diversité de la programmation
cinématographique qui leur est offerte. Grâce à la
présence de plusieurs distributeurs indépendants
québécois, des films de toutes nationalités sont
présentés régulièrement sur nos écrans:
films français, italiens, allemands, suédois, japonais, etc. En
raison de sa situation linguistique et culturelle particulière, le
Québec témoigne d'une ouverture au monde unique et
exceptionnelle.
Ailleurs au Canada anglais et aux États-Unis où la
distribution est sous contrôle exclusif des grands studios
américains, appelés "MAJORS", la production américaine
monopolise presque entièrement les écrans. Ainsi, aux
États-Unis, 1% seulement du temps-écran de toutes les salles de
cinéma est-il consacré aux films de langue originale autre que
l'anglais. C'est dire la fermeture aux cultures étrangères qui
caractérise, à cet égard, le marché
nord-américain.
Au Québec, les entreprises américaines de distribution
contrôlent 40% de la programmation et 56,5% des recettes-guichets. En
raison de leur poids économique, ces distributeurs disposent de
surcroît d'ententes privilégiées et exclusives avec les
deux grands circuits pan-canadiens d'exploitation, Cinémas Unis et
Odéon, pour la programmation en première exclusivité de
leurs films.
Concrètement, cela signifie qu'une part importante des
décisions de programmation qui affectent l'ensemble des citoyens et
citoyennes du Québec, c'est-à-dire choix des films, des dates de
leur sortie, de la langue et du nombre des copies mises en circulation, sont
prises à Los Angeles et relayées ici, via Toronto.
Cela implique également que les distributeurs
québécois ne disposent, le plus souvent, que de ce qu'on appelle
les "trous de programmation" laissés vacants par les distributeurs
américains pour présenter les films dont ils ont acquis les
droits.
Cette situation a constitué historiquement une entrave au
développement de ces entreprises québécoises. Mais
voilà que plus récemment les distributeurs américains ont
conclu avec leurs homologues européens des ententes en vertu desquelles
ils s'emparaient des droits de distribution pour l'Amérique du Nord
entière, y compris le Québec, de plusieurs des films
européens les plus populaires. Privés de ces films qui leur
assuraient l'essentiel de leurs revenus, les distributeurs
québécois, dont la situation était déjà
précaire, sont carrément menacés de disparition.
On pourrait invoquer une volonté légitime de
protectionnisme économique pour justifier l'intervention du
Québec dans ce dossier, certes. Mais les enjeux sont, quant à
nous, beaucoup plus importants encore.
D'une part, en l'absence d'un secteur national de distribution qui
puisse participer financièrement à la production des films, c'est
le développement même d'un cinéma national qui se trouve
compromis. D'autre part, c'est l'ouverture même du Québec aux
films de toutes cultures et de toutes origines qui est remise en cause. Aucun
gouvernement responsable, aucun ministre des Affaires culturelles ne peut
accepter de prendre le risque que la programmation des salles se voie
réduite aux seuls films américains et à quelques grands
succès du cinéma français susceptibles d'intéresser
l'ensemble des spectateurs nord-américains.
Il en va du respect de la spécificité culturelle du
Québec et du droit de ses citoyens d'avoir accès à un
éventail varié de films produits partout dans le monde, y compris
bien sûr les films américains.
C'est pour toutes ces raisons et, notamment, pour éviter une
fermeture, un rétrécissement inadmissible du marché que la
loi 109 propose que seules les entreprises qui sont majoritairement
propriété québécoise ou canadienne puissent obtenir
des permis de distribution au Québec.
Une autre disposition du projet de loi devrait être
bénéfique pour l'ensemble des spectateurs
québécois. C'est celle qui vise à accélérer
la présentation des films en version française. On sait que la
plupart des films de langue anglaise connaissent une double carrière au
Québec. D'abord présentés exclusivement en version
originale, ils seront repris quelques mois, souvent même plus d'une
année, plus tard en version française.
À première vue, on pourrait croire que
ces retards considérables sont le résultat d'une
non-disponibilité des versions françaises. En fait, il n'en est
rien. Une étude d'une firme indépendante révèle, en
effet, que les versions françaises des films américains sont
présentés à Paris deux à trois mois, en moyenne,
avant d'être exploités au Québec.
La pratique commerciale des doubles sorties est évidemment
rentable pour les distributeurs puisqu'une fraction importante du public
québécois est amenée ainsi à voir deux fois le
même film. Cette pratique témoigne d'un manque de respect flagrant
à l'endroit du public et, notamment, de la majorité francophone
du Québec.
Le projet de loi no 109 affirme donc le principe d'une sortie
simultanée: versions françaises/autres versions. Toutefois, pour
éviter de retarder la sortie des films en version autre que
française, et pour ne pas entraver la circulation des films à
faibles possibilités commerciales ou destinés aux diverses
communautés ethniques, plusieurs dispositions ont été
prévues. Nos objectifs sont, sur ce point, fort clairs: le projet de loi
no 109 vise à accélérer la présentation de versions
françaises au public québécois et non à provoquer
un quelconque repli du Québec sur lui-même. Je m'engage à
ce que le principe fondamental d'ouverture aux films de toutes cultures, que
j'évoquais plus tôt, soit, lui aussi, respecté.
En terminant, M. le Président, j'aimerais insister à
nouveau sur l'importance pour le Québec de supporter le
développement d'un cinéma national. Nous sommes à
l'orée d'une nouvelle révolution des communications et tous les
spécialistes s'accordent pour affirmer qu'au cours de la nouvelle
décennie la demande d'oeuvres audiovisuelles de tout type
excédera l'offre. Si nous n'intervenons pas fermement et rapidement,
tous les nouveaux moyens de diffusion qui s'annoncent continueront, comme les
anciens, à être massivement alimentés par des productions
étrangères avec tout ce que cela implique d'aliénation
culturelle et politique.
Pouvons-nous ainsi continuer à nous laisser définir par
d'autres sans encourir le risque de voir se dissoudre notre
identité?
Il faut également prendre conscience que dans le domaine des
industries culturelles et notamment du cinéma, la vieille dichotomie
culture-économie est à ranger au musée du folklore.
En soutenant l'émergence d'une cinématographie
québécoise dans toutes ses composantes, le gouvernement que je
représente engage aussi la relance économique, concourt à
la création de milliers d'emplois et arme le Québec pour
conquérir un marché qui, il n'est pas inutile de le rappeler, est
évalué à plusieurs centaines de millions de dollars. On
oublie trop souvent que la qualité que nos créateurs, nos
artistes et nos artisans insufflent aux produits culturels contribue à
l'enrichissement du Québec à plus d'un titre. Enfin, je voudrais
remercier toutes les personnes, tous les groupes ou associations qui ont
déposé des mémoires et qui viendront, dans la
quasi-totalité des cas, les présenter devant cette commission. Je
puis les assurer que toute mon attention leur est acquise. Merci, M. le
Président.
Le Président (M, Paré): Merci, M. le ministre. La
parole est maintenant au député de Saint-Henri.
M. Roma Hains
M. Hains: M. le Président, M. le ministre, chers
collègues, mesdames et messieurs, nous voici donc réunis en des
assises officielles pour étudier ensemble le projet de loi no 109, Loi
sur le cinéma et la vidéo. M. le ministre, avec sa verve
habituelle et son accent grave, vient presque de canoniser son projet de loi,
pour l'exposer à la vénération des artisans et du peuple
québécois. C'est vrai que le bébé est beau, qu'il a
subi le baptême de sa première lecture, que son père et son
parrain sont bien fins, mais le chemin est peut-être long cependant avant
qu'il ne reçoive sa confirmation. Il faudra qu'il affronte les feux de
l'Opposition, que le poupon cesse de mouiller sa couche et qu'il mûrisse
en sagesse et en grâce devant nous et devant les hommes.
C'est à cette oeuvre de perfectionnement que tous ensemble nous
travaillerons aujourd'hui et dans les jours à venir. C'est avec
conviction que nous offrons notre opposition et notre coopération - ici,
les deux mots sont synonymes - pour parfaire le nouveau-né qui a
vraiment créé beaucoup d'émoi et de joie dans le monde
cinématographique. C'est avec une oreille attentive et condescendante
que nous écouterons les mémoires de nos participants et que nous
saurons faire une place à leurs suggestions, avec la
bénédiction du culte... de la ministre... de la culture...
M. Proulx: Pardon, je n'ai pas compris.
M. Hains: ...avec la bénédiction du ministre du
culte ou de la culture, excusez-moi.
En général, le projet de loi a reçu un accueil
favorable, sinon vraiment chaleureux, dans le milieu. Évidemment, tous
les invités à ces assises n'apporteront pas que de l'encens, mais
tous reconnaissent le bien-fondé de ce projet de loi qui répond
à une attente et à un besoin certains. Mais que de questions,
cependant, que de réactions, positives, sans doute, mais aussi
négatives,
soulève ce projet de loi. Si nous n'avons pas encore une
levée de boucliers contre cette réforme, et personne n'ose
affirmer qu'il n'y en aura pas, surtout de la part des fournisseurs
américains et des traducteurs français, nous avons tout au moins
une levée de mémoires qui, même s'ils sont polis et
laudatifs, en expriment pas moins beaucoup de réticences, de
récriminations et de réclamations. Mais c'est de bon aloi. Ce
n'est pas la guerre des dentelles, M. le ministre, mais c'est la guerre des
rubans et la chasse aux pellicules. Comme vous le disiez si bien, vous vous
attendez à des remous. Il y en aura certes de tous bords, de tous
côtés, des petits et des gros. Mais l'important, c'est de conduire
ce projet de loi à bon port, renforcé et regaillardi par le vent,
l'air salin vraiment de la liberté et les marées des opinions.
Surtout, n'oubliez pas les provisions. Il faudra certes faire appel à
MM. les ministres des Finances et du Revenu et les embarquer aussi dans notre
bateau.
Après cette entrée en scène quelque peu
imagée, nous en arrivons à la toile de fond de notre
intervention. En général, ce projet de loi foissonne de bonnes
intentions. On veut revaloriser le cinéma et la vidéo, en faire
une entreprise de plus en plus rentable et autonome et faire la promotion du
film québécois. Il y a, dans ce milieu, un monde qui bouillonne
de talent, d'ambition, de dynamisme et d'énergie; pourtant, cette
industrie a peine à sortir de l'ombre, à cumuler des recettes et
à réaliser des succès, autant chez nous qu'à
l'extérieur. Ce projet est là, maintenant, aujourd'hui, devant
nous. Apportera-t-il la solution à nos maux? Apportera-t-il l'aide qu'on
espère pour sortir le cinéma de sa situation vraiment
précaire? (15 heures)
À première vue nous émettons des doutes sur la
valeur de certaines dispositions de la réforme. Nous notons par exemple
des oublis très sérieux au sujet des artistes qui semblent
oubliés, du cinéma parallèle, des propriétaires
indépendants, du cinéma pour enfants, du cinéma en
région, etc.
Nous soulignons aussi l'absence totale d'une analyse des prix, des
coûts et bénéfices, un exposé même sommaire de
financement, et pour moi la grande inconnue qui demeure la qualité de la
production. Selon le projet, on créera un institut, une
société et une régie du cinéma et de la
vidéo. La grosse trinité, quoi! Déjà, l'on alourdit
l'ancien régime d'un nouvel organisme avec tout ce qu'il comporte de
nouveaux fonctionnaires et de dépenses accrues. L'élargissement
du cercle de l'institut permettra à un certain public d'occuper quatre
des douze fauteuils à l'administration, bien qu'on aurait pu souhaiter
une parité de membres de chaque côté de l'écran.
Peut-être que l'idée de créer une
société comme pourvoyeur de fonds assurera-t-elle une plus grande
liberté et une meilleure équité dans l'octroi des
subventions du cinéma? Quant à la régie, certains groupes
ont déposé des mémoires sur sa composition et son
fonctionnement, et quelques-uns sont très très incisifs.
Mais, une chose est frappante dans cette structure nouvelle: c'est
l'omnipotence du ministre dans les nominations. Pour l'institut, il choisit
huit personnes parmi les 24 suggérées par les associations
citées à l'article 16, puis il nomme les quatre autres ainsi que
le président du conseil d'administration. À la
société, sans fausse pudeur, il nomme les cinq membres dont le
président. Trois membres, dont un président, sont nommés
encore par le ministre plénipotentiaire pour la régie. C'est
presque un peu, j'ose à peine le dire, de l'impertinence.
Dans plusieurs mémoires d'ailleurs, on rappellera cette
incongruité, car le public veut avoir son mot à dire; les membres
de l'institut et, les dames aussi, avec raison, veulent tous s'en mêler.
Dans cette philosophie globable qui entoure le projet, une autre remarque
générale: la multiplication des permis. C'est presque navrant
sinon hilarant. C'est la politique du décret qui se poursuit. On
décrète qu'il faut obtenir un permis d'exploitation, un permis de
distributeur, un permis de producteur, un permis de tournage de films, et qui
plus est, il faudra un permis, et je cite, "à toute personne qui vend,
loue, prête ou échange du matériel vidéo à un
commerçant au détail".
Un éditorialiste ironisait là-dessus en disant qu'il
faudra ouvrir tous les colis venant de Toronto ou installer des douaniers
spéciaux aux frontières pour empêcher l'invasion, surtout
des vidéocassettes. Un autre disait, toujours en ironisant, qu'il
faudrait peut-être un jour un permis de spectateur. Vraiment c'est une
attaque aiguë de "contrôlite". De plus, il y aura encore la
billetterie, qui peut être fort utile, mais où un
propriétaire devra déclarer "sous serment" combien de spectateurs
sont allés voir tel ou tel film, et ce, à chaque semaine. Dans
l'article 107, la loi réglementerait "le pourcentage minimum de la
recette brute" entre distributeurs et exploitants de salle. Si ce n'est pas
mettre le nez dans la chambre du voisin, c'est certainement mettre la main dans
ses affaires.
Cela va mettre de l'ordre dans la boutique, dit-on. Bravo! Mais
l'exagération a surtout des limites. C'est clair et évident qu'il
y a eu des abus dans ce domaine, que les petits ont souffert et souffrent
encore, qu'il faut colliger toutes les informations sur cette industrie, mais
il ne faut pas céder cependant aux menées tâtillonnes. Les
réglementations excessives créent trop souvent des
barrières artificielles, des tracasseries administratives que
détestent le
secteur privé et le monde artistique. Se sentir
épiés et espionnés, surveillés et
quadrillés, décourage souvent les grands esprits et les grands
gestionnaires qui veulent exploiter librement leurs propres entreprises.
Face à toutes ces réglementations, où sont les
incitations à la création? Où est le souffle de la
liberté? Où sont les clauses de la qualité? Où est
l'appel au dépassement? Où est l'espoir des chefs-d'oeuvre
québécois? Une loi, c'est clair, de par sa nature, est froide et
dure. Il faut que je sorte mon latin aujourd'hui: Dura lex sed lex, comme on
dit. La loi est dure, mais c'est la loi. Mais ne pourrait-elle pas être
autre chose que restrictive et punitive? Sans devenir évidemment un
chant ou un poème, une loi sur les arts, sur le cinéma, ne
pourrait-elle pas, par ses encouragements financiers et honorifiques, inspirer
créateurs, producteurs et artistes et leur insuffler le désir et
la joie de produire des choses remarquables sinon immortelles?
Ce que je vais dire ici est assez triste mais je le dis. C'est une
citation de Ginette Major: "Chez nous, malheureusement, nos cinéastes
possèdent une vision déterministe et fataliste de la
société québécoise, d'où un cinéma
qui est axé sur l'échec qui mènerait indubitablement
même à l'échec commercial. Notre cinéma retrouvera
sa note d'espoir, lorsqu'il cessera d'être - comme elle le dit
brutalement - le miroir complaisant d'une société avachie".
Oui, il faut se l'avouer, la désaffection que les
Québécois manifestent envers leur cinéma frôle
vraiment le tragique et le projet de loi no 109 devrait aider à
recouvrer et à apprivoiser la clientèle de chez nous par des
oeuvres de qualité.
Il ne s'agit pas de créer, seulement par la loi, une industrie
bureaucratique bien structurée car elle ne sera jamais rentable. Il faut
une loi, une politique réaliste de marketing pour percer non seulement
sur la scène québécoise ou canadienne, mais aussi sur les
marchés étrangers. Il faut mettre l'accent sur la qualité,
une politique du cinéma que l'on ignore et que l'on attend encore.
Inutile autrement de parler de rentabilité et de
prospérité.
C'est dans cette optique qu'il faut se dire que la meilleure protection
et la meilleure expansion à donner à notre cinéma et aux
gens qui y travaillent est d'essayer de les grandir nous-mêmes et non,
nécessairement, de brimer et de limiter les autres. Notre champ d'action
est vaste et immense et point n'est nécessaire, ici comme ailleurs, de
nous enfermer derrière des clôtures qui risquent d'être
néfastes. Les articles 79 et 97, dans cette vision, méritent
qu'on s'y arrête.
Dans l'article 79, le projet de loi vise le louable objectif de
promouvoir la parution la plus rapide des versions françaises de films
étrangers, par le biais du sous-titrage et du doublage. Tous
s'accordent: c'est le désir de tous les francophones. Mais, au point de
départ, est-ce que les moyens énumérés dans le
projet de loi n'enfreignent pas les chartes canadienne et
québécoise des droits? En restreignant la circulation des films
dans leur version originale, est-ce qu'on n'empiète pas sur les
libertés d'expression et d'opinion? Est-ce qu'on a vraiment pris un avis
juridique sur ce sujet?
On sait aussi que la loi française exige que tous les films
étrangers, exploités sur son territoire, soient doublés en
France. Le ministre a-t-il alors entrepris des démarches pour
régler le problème de la traduction? Les producteurs et les
distributeurs seront-ils disposés à payer deux versions
françaises, une pour la France et une pour le Québec? C'est cela
la politique du cinéma et c'est cela que nous ne retrouvons pas,
malheureusement, dans ce projet de loi.
Pourquoi légiférer sur des clauses incertaines qui peuvent
bloquer tout le mécanisme de francisation au Québec ou retarder
et même exclure la présentation de certaines primeurs
américaines dans nos cinémas? Selon la politique de
négociation et d'incitation dont je parle, n'aurait-on pas de meilleurs
résultats qu'avec des directives toujours restrictives ou coercitives
qui risquent de se tourner contre le public? C'est par des stimulants à
la postsynchronisation au Québec et par des ententes
négociées qu'on pourra arriver à réduire les
délais de traduction. N'est-ce pas jouer un peu faux le violon
nationaliste que d'affirmer qu'on peut espérer une meilleure assistance
en salle "lorsque le film parle une langue plus proche de celle de la
population qui le reçoit" et que surtout cette langue est
malheureusement trop souvent émaillée de toutes les fleurs
sacrées de la sacristie?
Quant à l'article 97, il pose le même problème de
contrainte envers les distributeurs. C'est clair et c'est normal que l'on
veuille se protéger contre les "MAJORS" américains qui dictent et
imposent leurs volontés aux propriétaires de salles de
cinéma. L'intention d'exiger 80% de contenu canadien dans la
propriété des distributeurs est vraiment généreuse.
Mais, là encore, M. le ministre a-t-il contacté les magnats
américains avant de légiférer? Il est presque gratuit et
naïf d'affirmer qu'Hollywood va modifier ses habitudes pour se plier
à notre loi, nous qui ne représentons que 2% de son "domestic
market". Ce serait l'idéal si cette réglementation favorisait
effectivement nos entreprises québécoises sans nuire pourtant au
public amateur. Sinon, faute d'entente, on peut craindre des effets
négatifs dont le public et les cinéphiles feront les frais.
Et même à 100% canadiennes, nos compagnies pourraient-elles
mettre certainement la main sur les films améri-
cains? Les "MAJORS" n'exigeront-ils pas des redevances même
à 90% pour libérer le champ québécois de la
distribution? Tout en se conformant à cette loi 109, ne pourront-ils pas
établir leurs centres et leurs organismes de distribution à
Toronto? Comme le disait joliment M. Michel Nadeau dans le Devoir du 23
décembre dernier: "Rien ne sert à Québec de jouer à
la mouche du coche sous la feuille d'érable".
Le mieux, évidemment, serait d'unifier nos forces et de
bâtir ici une organisation solide, capable de négocier avec le
géant américain. En France, Mitterrand n'a-t-il pas signé
une entente entre Gaumont et Columbia? Alors, au lieu de
décréter, de légiférer sans aucune politique
sérieuse préalable, pourquoi ne pas essayer d'en venir à
un accord avec les "MAJORS"? Pourquoi toujours fermer portes et fenêtres
pour nous isoler et ensuite pleurer et maudire ceux qui ne veulent pas nous
aider alors qu'on leur tire dessus souvent pour les éloigner? Dans les
jours douloureux que nous traversons, la cruelle leçon des
décrets devrait vraiment nous instruire.
Un autre aspect politique de la législation
cinématographique a été oublié. Pourquoi ne pas
insérer dans la loi des structures d'accueil, de marketing, des
protocoles d'entente afin d'attirer chez nous des producteurs de films
étrangers et leur offrir nos incomparables sites comme plateau de
tournage? L'an dernier, selon le Devoir du 5 février dernier, ce
marché a généré 100 000 000 $ en retombées
directes au Canada, sans compter la création et le maintien de plusieurs
centaines d'emplois. Que font nos importantes délégations
provinciales à Los Angeles? Nous n'avons recueilli au Québec
qu'une infime partie de ce marché, l'Ontario, la Colombie britannique,
l'Alberta et même la Nouvelle-Écosse rammassant le gros du
magot.
(15 h 15)
Voilà ce qu'on appelle le dynamisme d'une loi et non une froide
charpente législative. Il ne faudrait donc pas qu'une politique
casanière nous isole du cinéma extérieur, du vent du large
et qu'elle nous cantonne dans un ghetto culturel. Comme le disait Jean-Guy
Dubuc, dans la Presse du 26 décembre dernier: La commission
parlementaire devra étudier les dimensions idéologiques du projet
de loi."
L'on pourrait poursuivre longtemps encore toutes ces remarques sur ce
projet de loi qui est intéressant à plusieurs égards mais
qui demeure incomplet tant que l'on ignorera les démarches politiques du
ministre pour appuyer son projet, tant qu'on ignorera les intentions
précises du ministre quant au soutien financier qu'il entend donner
à cette industrie et tant qu'on ignorera aussi tout l'aspect de la
réglementation qui doit inévitablement découler de ce
projet de loi.
L'industrie de l'image de la région du Québec
réclame, par exemple, des mesures concrètes de financement car,
nous dit Jean-Robert Faucher, "si on nous offre une nouvelle caméra, il
faut mettre des pellicules dedans". Il demandait même que les ministres
Parizeau, Bérubé et Fréchette soient présents
à notre commission parlementaire.
De son côté, aussi, le Conseil du patronat veut un
débat sur les coûts impliqués et la répartition de
ces coûts entre les contribuables. Selon le CPQ, le projet de loi
suggère de mettre en place un ensemble de règlements dont le
nombre et l'objet semblent nettement exagérés. De plus, on se
demande ce que cette loi-cadre apportera de concret aux petites entreprises qui
sont au bord de la faillite.
Voilà autant de questions et encore beaucoup d'autres non
soumises aujourd'hui qui attendront des réponses, jointes à
toutes les interrogations qu'apportent nos invités. Durant ces jours,
nous étudierons ensemble tous ces problèmes et les suggestions
que nous communiquera cette riche collection de plus de 40 mémoires.
Quant à nous, de l'Opposition, nous vous écouterons avec
attention et bienveillance afin que, avec votre concours et celui du parti
ministériel, nous puissions façonner - et nous l'espérons
-une loi sur le cinéma et la vidéo, pour le plus grand avantage
de notre industrie et, aussi, pour notre peuple québécois.
Merci.
Le Président (M. Paré): Merci, M. le
député de Saint-Henri.
M. Richard: M. le Président.
Le Président (M. Paré): Oui, M. le ministre.
Réponse du ministre
M. Richard: Avec votre permission, je pourrais intervenir pour
répondre aux questions que se pose mon collègue le
député de Saint-Henri, mais je vais plutôt céder la
place aux intervenants, à ceux qui ont accepté de
présenter des mémoires dont plusieurs vont répondre aux
questions que se pose le député de Saint-Henri. Alors, je ne
voudrais pas occuper tout le temps mais je voudrais quand même faire une
remarque. Quand le député de Saint-Henri a parlé de la
guerre des dentelles, il m'a fait penser à la Guerre des boutons, mais
quand j'ai entendu sa conclusion, j'ai compris qu'il songeait davantage
à Pour qui sonne le glas. M. le Président, je cède la
parole aux intervenants.
M. Marx: M. le Président.
Le Président (M. Paré): M. le député
de D'Arcy McGee.
M. Marx: Question de, comment dirais-je, procédure. Le
ministre a dit, à la page 15 de son discours, que l'étude d'une
firme indépendante révèle, et ainsi de suite. Est-ce que
le ministre est prêt à déposer cette étude? Je sais
que le ministre va faire état d'un certain nombre d'études, lors
des séances de cette commission, et j'aimerais avoir ces études
pour que nous puissions les évaluer nous-mêmes.
M. Richard: M. le Président, je prends l'engagement,
immédiatement, de déposer toutes les études dont nous
disposons.
M. Marx: Est-ce que le ministre a aussi des avis juridiques en ce
qui concerne la validité d'un certain nombre des articles de ce projet
de loi?
M. Richard: Non, à cet égard, il n'y a eu que des
avis verbaux.
M. Marx: Verbaux...
M. Richard: Des opinions.
M. Marx: ...c'est-à-dire que vous avez
téléphoné à un avocat et il vous a
donné...
M. Richard: Non, non. Des opinions émises verbalement
par...
M. Marx: Vous n'avez pas d'opinion de poids?
M. Richard: ...par le... M. Marx: Ce n'est pas...
M. Richard: ...secrétariat du comité de
législation et par le contentieux du ministère de la Justice.
M. Marx: C'est-à-dire qu'on a
téléphoné à un avocat pour avoir son opinion sans
se munir d'une opinion écrite.
Le Président (M. Paré): M. le ministre.
M. Richard: II n'y a pas eu d'opinion écrite en la
matière, sauf que le projet de loi a été examiné
par les légistes et il semblerait que cela ne pose pas de
problème à cet égard.
Le Président (M. Paré): J'inviterais maintenant
l'Institut québécois du cinéma à prendre place ici
à l'avant pour la présentation de son mémoire.
J'inviterais le porte-parole à s'identifier et à nous
présenter aussi les personnes qui l'accompagnent. La parole est à
vous.
Institut québécois du
cinéma
M. Godbout (Claude): M. le Président, M. le ministre des
Affaires culturelles, j'aimerais présenter aux membres de la commission
parlementaire, à ma gauche, Mme Zénaïde Lussier, qui est la
conseillère juridique de l'institut et, à ma droite, Mme Louise
Ranger, directrice générale de l'institut. Pour ma part, mon nom
est Claude Godbout et je préside le conseil d'administration de
l'Institut québécois du cinéma.
Si vous le permettez, M. le Président, j'aimerais maintenant
passer à la lecture du mémoire de l'institut, intitulé
Pour une politique de développement. En 1975, le gouvernement
reconnaissait l'importance de donner au Québec une politique
cinématographique lorsqu'il adopta la Loi sur le cinéma qui
créait, entre autres choses, l'Institut québécois du
cinéma. Moins de sept ans après l'adoption de la première
loi favorable à l'industrie cinématographique
québécoise, le gouvernement amorce une autre démarche
majeure: doter le Québec d'une véritable loi-cadre sur le
cinéma et la vidéo. Les membres de l'Institut
québécois du cinéma sont heureux d'avoir été
associés au processus de réflexion ayant amené, le 17
décembre dernier, le dépôt du projet de loi no 109; ils
sont fiers de jouer pleinement le rôle de conseillers que leur avait
octroyé la Loi sur le cinéma et de déposer le
présent mémoire.
Le cinéma est devenu, pour de nombreuses sociétés,
un puissant instrument d'affirmation culturelle et nationale. La Commission
d'étude sur le cinéma et l'audiovisuel, constituée en
janvier 1981, remettait en septembre 1982 au ministre des Affaires culturelles
un rapport sur l'industrie du cinéma au Québec. Le rapport,
intitulé fort à propos Une question de survie et d'excellence,
soulignait que le lien qui unit aujourd'hui le cinéma et
l'identité d'un peuple est tel qu'il constitue le motif le plus puissant
pour justifier l'intervention de l'Etat québécois en faveur de
son industrie cinématographique. Le rapport constatait que le
cinéma et la vidéo sont des instruments dont le Québec
doit dès aujourd'hui s'assurer la maîtrise et le rayonnement s'il
veut prendre la place qui lui revient dans le concert des peuples.
Nous tenons à souligner ici le remarquable travail de la
commission qui a su mettre en perspective l'ensemble des demandes du milieu du
cinéma et faire preuve d'imagination au niveau des solutions
proposées.
L'importance du cinéma dans la vie moderne est un
phénomène qu'on ne se lasse pas d'analyser. Au Québec,
comme le disait tout à l'heure le ministre, plus de 900 000 000 de
spectateurs visionnent des
films de longs métrages sans aller au cinéma, ce qui
confirme qu'un consommateur québécois voit en moyenne 150 films
de longs métrages par année à la télévision,
auxquels il faut ajouter les quelque 30 000 000 de spectateurs-films qui
fréquentent les salles commerciales.
Le cinéma québécois et canadien occupe moins de 1%
du temps-écran à la télévision et un maigre 3% de
la programmation des salles de cinéma. Les films
québécois, même présentés en aussi petite
quantité, ont enrichi notre vie culturelle et servi plusieurs fois de
véhicules à l'identité nationale.
Ces statistiques mettent l'accent sur l'urgence de passer à
l'action si le Québec veut cesser de se nourrir presque exclusivement de
films qui, même excellents, nous détournent de nous-mêmes,
ne nous parlent jamais de notre société et nous encouragent
à un exil culturel permanent. Le lien entre le cinéma et
l'identité nationale est tel qu'à l'étranger le
Québec n'est parfois connu que par les oeuvres de ses cinéastes.
On peut, d'ailleurs, se poser la question: Un peuple qui ne possède pas
de cinéma au XXe siècle peut-il avoir un visage pour
lui-même et pour les autres?
D'autres raisons, toutes aussi importantes que celles que nous venons de
citer, militent en faveur d'une loi qui encourage une industrie qui, pendant de
longues années, a vécu dans l'ombre et qu'aujourd'hui le
gouvernement reconnaît comme étant un outil important de sa
politique culturelle.
Dès le début de l'exploitation du cinéma parlant
sur le territoire du Québec, c'est grâce aux propriétaires
de salles de cinéma et aux distributeurs indépendants que le
public francophone a eu accès à des films français. Puis,
le goût du public évoluant, ces mêmes distributeurs
présentèrent, à côté de la production
américaine distribuée par les "MAJORS", des films italiens,
suédois, allemands et, plus tard, québécois. À la
fin de la dernière guerre, ce sont encore les distributeurs
indépendants qui financèrent les premiers longs métrages
canadiens-français. Au cours des années soixante, Montréal
devient le principal centre de production au Canada. L'industrie
indépendante a été impliquée dans plus de 65% des
longs métrages produits à ce jour au Québec.
Les oeuvres des cinéastes québécois dans les
années soixante-dix accèdent à la notoriété
dans les festivals internationaux. L'industrie, pour sa part, multiplie ses
efforts pour percer les marchés étrangers et le Québec se
transforme en partenaire important dans les coproductions. Les années
quatre-vingt voient l'arrivée en force de l'industrie
indépendante de la vidéo. Mais c'est également à
cette époque que l'inflation frappe l'ensemble de l'économie et
enregistre des ravages dans le cinéma. À tel point que
l'industrie cinématographique la plus importante du Canada vit
aujourd'hui en sursis et est même menacée de disparition.
On tourne de moins en moins au Québec. On tourne de moins en
moins de films pour enfants, de films éducatifs, de films d'information,
de messages publicitaires. Même si le documentaire, la fiction, le long,
le moyen, le court métrage sont pratiqués au Québec depuis
plus de 40 ans, il y en a très peu sur les écrans de la
télévision et des salles de cinéma. Les plateaux sont
déserts. Dix-sept longs métrages ont été produits
en 1971, neuf en 1976, deux en 1981. Ce phénomène de
décroissance, s'il se poursuivait, aurait des conséquences
incalculables sur la vie culturelle et économique de notre
société.
L'institut a été, depuis sa création en 1975, non
seulement un soutien financier précieux pour l'industrie du
cinéma, mais aussi un témoin privilégié de
l'évolution de la création cinématographique. L'institut
constitue un lieu d'échange et de concertation, un forum où ont
été élaborés plusieurs projets d'action dont on
retrouve l'esprit dans le projet de loi no 109. Le ministère met
à la disposition de l'institut un montant annuel qui a été
toujours de 4 000 000 $ au cours des quatre dernières années.
L'institut a reçu à ce jour plus de 2600 demandes à tous
les niveaux. C'est dire l'intérêt soulevé dans le milieu du
cinéma pour les programmes de l'institut. Son taux moyen d'acceptation
de 36% dénote l'impact certain sur la vie de l'industrie
cinématographique québécoise.
Depuis quelques années, le pouvoir d'intervention de l'institut
s'est amenuisé considérablement, principalement à cause de
l'inflation qui a connu une augmentation moyenne de 20% par année depuis
1978. Plusieurs programmes d'aide à la création et à la
production ont dû être mis en veilleuse, ce qui a provoqué
d'énormes frustrations et fait parfois douter le milieu du cinéma
de la volonté de l'État de soutenir son cinéma
national.
Dans le contexte nord-américain où nous vivons, la
cinématographie québécoise a besoin, en plus de l'aide
financière de l'État, d'un train de mesures législatives
pour protéger son industrie. La loi de 1975, dont je parlais tout
à l'heure, avait opté pour le développement de l'industrie
du cinéma et de l'audiovisuel, mais cette loi, dont une grande partie
n'a pas été promulguée, comporte des lacunes et des
omissions importantes. L'Institut québécois du cinéma est
heureux de constater qu'après de si nombreuses années de
discussion il y ait entre l'industrie et le gouvernement une identité de
points de vue sur les grandes réformes à mettre de l'avant. (15 h
30)
Le projet de loi no 109 propose à l'industrie et aux
créateurs un cadre de développement. Ceci constitue le principal
mérite de la démarche et son originalité. Plusieurs des
dispositions du texte du projet de loi dénotent du courage, de
l'innovation et une volonté certaine de proposer à l'industrie
cinématographique québécoise un projet global. Le projet
de loi à l'étude corrige et évite certains excès de
structures que nous avions pu craindre à la suite des conclusions de la
Commission d'étude sur le cinéma et l'audiovisuel. Le projet de
loi donne à la vidéo ses lettres de noblesse, ce qui correspond
à la réalité et au développement technologique.
L'institut est heureux de constater que le cadre juridique
proposé permette la poursuite de l'oeuvre entreprise par la
Cinémathèque québécoise, qu'il apprécie et
encourage. L'institut note le souci du gouvernement de préserver les
droits relatifs à la propriété intellectuelle et salue
l'arrivée de moyens pour parer à certains excès qui ont
cours actuellement. L'institut considère que les dispositions de
l'article 79 accéléreront, par des exigences raisonnables, la
sortie des films en langue française.
L'analyse exhaustive que l'institut a fait du texte de loi l'a
amené à commenter certains points qu'il juge
particulièrement importants. L'institut qui est continuellement en
action dans le milieu du cinéma croit sincèrement que la
réflexion qu'il propose aux membres de la commission parlementaire
mérite d'être entendue parce qu'elle s'inspire du souci de mettre
en lumière non seulement les qualités, mais aussi les correctifs
qui pourraient être apportés à une loi nécessaire au
développement de notre cinéma national.
Le projet de loi no 109, dans sa forme actuelle, annonce
déjà un virage important pour l'industrie du film et de la
vidéo, suscite l'intérêt et provoque l'interrogation.
L'institut adhère aux grands principes et objectifs qui sous-tendent le
projet de loi à l'étude. L'institut considère
également que la politique du cinéma et de la vidéo du
gouvernement doit, tout en respectant la liberté de création et
d'expression, respecter également la liberté de choix du public.
L'institut partage la déception de plusieurs qui auraient
souhaité voir le cinéma pour enfants faire partie des objectifs
de la loi. La présence de cet objectif dans celle de 1975 avait fait
l'unanimité, car c'est en cultivant nos rapports avec les jeunes
générations que nous assurons un public pour notre cinéma
national.
Pour réaliser les objectifs du projet de loi, le gouvernement met
en place trois organismes: la Régie du cinéma et de la
vidéo, l'Institut québécois du cinéma et de la
vidéo et la Société générale du
cinéma et de la vidéo. De plus, il compte sur une
cinémathèque ou vidéothèque pour la conservation du
patrimoine cinématographique et vidéo.
La Régie du cinéma et de la vidéo est l'organisme
de contrôle qui surveille l'application de la loi. Cette structure de
nature quasi judiciaire exerce des pouvoirs dont la portée pourra
être considérable, mais dont la mesure sera réellement
prise à travers la réglementation qu'elle élaborera. La
régie exerce aussi une fonction de conseiller auprès du ministre
sur toute question qu'il lui soumet.
L'Institut québécois du cinéma et de la
vidéo est le siège du milieu cinématographique
québécois où toutes les tendances s'expriment.
Tourné vers la réflexion et la concertation, c'est à lui
que reviennent les fonctions de conseiller le ministre sur l'élaboration
et l'application de la politique du cinéma et de la vidéo, de la
mettre en oeuvre selon le plan d'aide et les orientations qu'il
détermine et d'en coordonner l'exécution à travers les
programmes qu'il approuve.
La Société générale du cinéma et de
la vidéo - élément neutre - voit à l'administration
et à l'attribution des fonds que le gouvernement destine au secteur
privé de l'industrie, conformément aux orientations, plan d'aide
et programmes établis ou approuvés par l'institut.
Nous sommes devant un projet de loi qui vise une concertation avec
l'industrie et propose des contrôles qui trouvent leur justification dans
les moyens dont ils sont censés doter le milieu qu'ils assujettissent.
Quelle sera la nature des contrôles, de quoi sera faite cette
concertation?
L'institut est fier de voir le rôle de premier plan du milieu du
cinéma confirmé par cette loi. Certains prophètes de
malheur, qui entretenaient de sombres présages au sujet de sa
viabilité, doivent aujourd'hui reconnaître que l'industrie du
cinéma a fait non seulement preuve de vitalité, mais aussi de
maturité. L'industrie innovait en matière de politique culturelle
lorsqu'elle proposait, dès le début des années
soixante-dix, la création d'un institut dirigé par ses pairs,
où serait élaborée, en concertation avec le gouvernement,
une politique d'aide pour le cinéma. L'épreuve du temps a fait en
sorte que l'institut a gagné, en très peu d'années, la
confiance et l'estime de la profession et du gouvernement. L'institut se
félicite de ses bonnes relations avec les ministres responsables et
remercie tous ceux dont la collaboration a été utile au cours de
son existence.
La décision de confier l'administration des programmes de
l'institut à la Société générale du
cinéma et de la vidéo suscite diverses réactions.
L'institut se fait l'écho et partage les craintes qui se sont
exprimées dans le milieu de voir le pouvoir réel du milieu
diminuer.
Personne ne conteste le souci de transparence du ministre dans
l'administration et l'attribution des sommes que le gouvernement destine au
secteur du cinéma et de la vidéo. Plusieurs s'interrogent et
craignent, cependant, tout changement qui pourrait avoir comme résultat
que l'administration des affaires du cinéma se fonctionnarise. Les
sommes disponibles pour le cinéma étant forcément
limitées, il serait, en effet, pour le moins discutable d'injecter des
sommes dans une nouvelle structure plutôt que dans des projets.
Nous sommes d'avis que le texte de la loi doit être explicite sur
certains aspects fondamentaux. Il doit être clair qu'il revient à
l'institut, avec le ministre, de déterminer les budgets alloués
pour les programmes et l'administration de la Société
générale du cinéma et de la vidéo.
L'objectif premier de la réforme au niveau de l'institut
étant de dégager ce dernier de l'administration quotidienne des
programmes et du plan d'aide, nous soumettons que son esprit pourrait
être respecté et le milieu, à juste titre, rassuré
si l'expression "plan d'aide" était définie ou
précisée, afin qu'il soit clair que le plan d'aide
détermine les budgets de l'Institut québécois du
cinéma et de la vidéo et de la Société
générale du cinéma et de la vidéo tant pour leur
administration que pour celle des programmes.
L'Institut québécois du cinéma est favorable
à l'élargissement de sa structure pour accueillir d'autres
représentants du milieu. Il craint, cependant, que le nombre de douze
administrateurs prévu dans le projet de loi n'annonce une machine
lourde, si l'on considère que les tâches confiées à
l'institut exigent de la part de ses administrateurs une présence active
et suivie. L'institut propose donc de réduire le nombre
d'administrateurs d'au moins deux représentants, sans pour autant
éliminer de représentants du milieu. L'industrie se verrait donc
dotée d'une structure de fonctionnement représentative, bien
qu'allégée.
L'institut est d'avis que le ministre doit confier au conseil
d'administration de l'Institut québécois du cinéma et de
la vidéo le soin de choisir, parmi les huit représentants du
milieu, son président et son vice-président.
L'institut conseille au ministre d'introduire dans le texte de la loi,
à l'article 49, l'obligation pour le ministre responsable de consulter
l'institut lors du choix des administrateurs de la Société
générale du cinéma et de la vidéo. Nous savons
jusqu'à quel point le ministre veut faire disparaître toute
notion, voire apparence, de conflit d'intérêts. Le problème
du conflit d'intérêts est un problème avant tout de
structure. L'institut et la société sont deux organismes
distincts et nous soumettons que l'inclusion dans le texte de la loi d'une
obligation de consulter l'institut lors du choix des administrateurs de la
société ne fait que confirmer, sur un point précis fort
important, le rôle de conseiller de l'institut, sans risquer d'engendrer
de conflits d'intérêts. Cette consultation n'est qu'une
manifestation de la concertation qui est la clef de voûte de la politique
d'aide que le gouvernement veut mettre de l'avant.
L'institut est également d'avis que le nombre prévu de
cinq administrateurs pour la Société générale du
cinéma et de la vidéo devrait être révisé
à la baisse. Selon notre expérience de l'administration des
programmes, un nombre de trois administrateurs, incluant le
président-directeur général, est suffisant.
L'institut approuve la volonté du ministre de créer une
Régie du cinéma et de la vidéo. La régie aura
surtout pour fonctions de classer les films et de contrôler par
l'émission de permis et le dépôt d'entente l'industrie du
cinéma et de la vidéo.
Certaines dispositions du projet de loi transformeront en profondeur le
contexte dans lequel seront produits, distribués et exploités les
films québécois et étrangers sur le territoire
québécois.
En instituant une billetterie, le gouvernement se donne le moyen
d'obtenir rapidement des renseignements pertinents concernant l'exploitation du
cinéma au Québec. Ces informations sont de toute première
importance. La création d'une billetterie constitue la première
étape vers l'instauration de primes au succès et de programmes
d'aide automatique basés sur le nombre d'entrées ou les recettes
des films.
L'institut partage l'avis de la Commission d'étude sur le
cinéma et l'audiovisuel qui considère que le contrôle du
marché national constitue un des objectifs prioritaires que doit se
fixer l'État lors du dépôt d'une loi-cadre en
matière de cinéma. Le gouvernement a raison d'encourager la
réappropriation du marché de la distribution par les
distributeurs québécois, car il n'y a pas de doute, sans une
consolidation de ce secteur, il n'y aura pas de cinéma national au
Québec.
Les moyens prévus à l'article 97 du projet de loi
représentent une nette amélioration. Force nous est de constater
que les dispositions en cause laissent la place aux détours et à
l'instauration de compagnies-relais qui risquent de compromettre l'objectif
recherché. Il est vrai que la régie établira des
règles d'attribution de permis qui pourraient représenter des
correctifs appropriés. L'institut, à l'instar du milieu,
préférerait lire dans le texte de la loi une ligne directrice qui
corresponde à la volonté politique exprimée par l'article
97.
Comme nous l'avons déjà souligné, la
régie a des pouvoirs fort étendus en matière de
réglementation, ce qui aura un impact considérable sur
l'industrie cinématographique québécoise. La tenue
d'audiences publiques constitue un moyen fort efficace pour la régie
d'avoir l'opinion du milieu sur des matières qui marqueront
profondément son évolution. Tous les règlements
énumérés dans la loi ayant une grande importance, le
milieu devra avoir la possibilité d'être entendu lors d'audiences
publiques à tous les niveaux.
Il est impossible de compléter ce mémoire sans s'attacher
à des considérations financières. L'institut a accueilli
avec enthousiasme l'engagement du ministre "à l'effet que les sommes
mises à la disposition du secteur privé du cinéma par le
gouvernement seront sensiblement augmentées au cours des années
à venir." Le ministre a souligné, à l'occasion du
dépôt du projet de loi, que les questions de fonds de soutien,
d'incitatifs fiscaux, de politique de commandite et d'acquisition de documents
audiovisuels font actuellement l'objet de discussions approfondies avec ses
collègues des Finances, du Trésor, des Communications et de
l'Éducation et seront soumises ultérieurement au Conseil des
ministres. Idéalement, M. le ministre, et pratiquement, la politique de
commandite et d'acquisition de documents audiovisuels aurait dû
accompagner le dépôt du projet de loi.
Des données difficilement contrôlables, mais sûrement
fort conservatrices évaluent à plusieurs millions de dollars par
année les sommes consacrées par le gouvernement pour produire ses
propres films de commandite. Imaginons l'impact qu'aurait dans l'industrie
l'injection à court terme de telles sommes.
Le gouvernement a sans doute compris que le milieu est prêt
à le suivre dans sa démarche actuelle et à s'astreindre
à des mesures de contrôle parce qu'il considère ces
derniers comme des outils nécessaires à la mise en place de
mécanismes rationnels d'attribution de l'aide de l'État. Bien que
le texte de loi ne soit pas explicite au chapitre des garanties
financières et que le milieu comprenne que le ministre ne puisse
à l'heure actuelle, selon le système en vigueur, donner des
garanties formelles, l'institut ne peut que souligner l'urgence
d'accroître les sommes destinées à un secteur majeur de
l'économie.
L'Institut québécois du cinéma compte sur le
gouvernement pour soutenir avec encore plus de fermeté qu'autrefois
l'ensemble des intervenants du monde du cinéma et de la vidéo. Au
Québec comme partout ailleurs, le cinéma est devenu aussi
important de nos jours que la tradition orale dans les anciennes
sociétés. C'est autour de l'écran de cinéma que se
groupent des foules silencieuses, émues ou bruyantes. C'est autour de
l'écran de télévision que se retrouvent les familles, les
enfants, les gens seuls. Le cinéma, comme le conteur d'autrefois,
échauffe les esprits, émerveille, nourrit les rêves. Le
cinéma enseigne et divertit. Créer, produire, présenter et
distribuer du cinéma, c'est une façon de mieux se connaître
et, également, d'ouvrir une fenêtre sur le monde. Je vous
remercie. (15 h 45)
Le Président (M. Paré): Merci beaucoup, M. Godbout.
La parole est maintenant à vous, M. le ministre.
M. Richard: M. Godbout, je vous remercie d'avoir tenu à
venir présenter vous-même le mémoire de l'Institut
québécois du cinéma. Je vous sais gré de la
qualité de cette intervention. J'aurais maintenant quelques très
brèves questions à vous poser. Voici la première: J'aurais
souhaité que vous décriviez un peu plus en détail, quoique
de façon sommaire, je le comprends, la situation qui prévaut en
matière de production cinématograpique. Vous êtes l'un de
ceux qui connaissent le mieux cette situation. Il serait intéressant, je
pense, pour les membres de la commission que vous nous parliez du nombre de
films produits, par exemple, dans les diverses catégories et de
l'importance de la réduction dans la production des films au
Québec ces dernières années.
M. Godbout: Je vais...
M. Richard: Je pourrais vous dire tout de suite l'autre
question.
M. Godbout: Oui.
M. Richard: En ce qui a trait à l'article 97, je suis
assez d'accord avec vous, mais j'aurais souhaité que l'institut nous
formule une recommandation plus précise. Quand il parle que la loi
devrait émettre une ligne directrice plus ferme pour éviter la
constitution de ce que vous appelez les compagnies-relais. Je pense qu'il
aurait été intéressant de voir quelle serait la suggestion
de l'Institut québécois du cinéma là-dessus.
M. Godbout: Pour répondre à votre première
question, M. le ministre, je pense que je vais commencer par les choses les
plus positives et je terminerai par les choses négatives. Dans le texte,
il est dit que l'institut a, au cours des années, investi dans plusieurs
projets de films et a produit un certain impact dans le milieu de l'industrie
du cinéma. J'aimerais donner ici quelques chiffres pour quantifier cette
affirmation. L'impact des trois dernières années: la
participation financière de l'institut s'est concrétisée
dans 12 longs métrages de fiction au cours des trois dernières
années. J'en cite quelques-uns en passant, que Mme Major n'a pas
cités: Les fleurs sauvages, Les doux aveux, Les yeux rouges, Coffin, Les
Plouffe,
etc. Aussi, 12 longs métrages documentaires; 12 moyens
métrages documentaires; 20 courts métrages de fiction; 7
séries télédocumentaires; 3 séries de
téléfiction et celle dont on parle le plus actuellement et qui
est Bonheur d'occasion. L'institut a également aidé à la
scénarisation de 93 projets de films dans les deux dernières
années, dont 42 scénarios de longs métrages de fiction et
plusieurs documentaires, en plus de l'aide que nous apportons au lancement des
films, à l'exploitation et aux propriétaires de salles de
cinéma.
Par ailleurs, je me sens obligé et en devoir de donner quelques
chiffres de la situation actuelle qui est assez dramatique. Selon des
enquêtes que nous avons fait faire à l'institut et, d'ailleurs,
avec la collaboration la plus entière des gens de l'industrie, il y a
une diminution de la production de l'ordre de 35% à 40% dans les films
publicitaires en 1982 par rapport à 1981. Il faut expliquer qu'on peut
avoir différentes opinions au sujet des films publicitaires, mais
n'empêche que c'est un type de produit qui sert énormément
à consolider l'infrastructure d'une industrie. Donc, quand on parle
d'une perte de 40%, c'est une perte sérieuse et dramatique.
Quant à la commandite gouvernementale, la baisse de production
est de 16%, de 1981 à 1982. Mais, par ailleurs, elle est de 72% si nous
nous reportons à 1976. Ces 72%, finalement, le gouvernement du
Québec y est impliqué largement puisque, depuis 1976, très
peu de films de commandite ont été confiés au secteur
indépendant. Là aussi, nous sommes en présence d'un
produit qui génère des profits et qui a un effet
extrêmement positif sur l'infrastructure de l'industrie. L'augmentation
du coût de production - j'en ai cité, tout à l'heure, des
bribes - est de l'ordre de 124% au niveau du film publicitaire en 1982 par
rapport à 1976, soit une moyenne annuelle de 20%. C'est dire que l'aide
de l'institut dans un tel contexte est très difficile. D'autre part, une
analyse faite par l'institut démontre une augmentation de 82,5%
également dans le long métrage. Donc, 20,6% également.
Je pense que l'industrie est dans une situation extrêmement
précaire. Je pense qu'on doit s'avouer que l'endettement dans les
entreprises de cinéma est important et que, passé un certain
seuil d'endettement -je pense que tout le monde en conviendra -il devient
difficile de rester en affaires. Je sais qu'il y a des années et des
années de travail investies autant par les créateurs que par les
producteurs pour créer cette industrie. Il serait dommage, au moment
même où le gouvernement s'apprête à déposer sa
loi 109, que l'industrie se trouve presque en voie de disparition.
Est-ce que j'ai apporté les précisions que vous souhaitiez
avoir, M. le ministre?
M. Richard: Oui. Je vous remercie, M. Godbout.
M. Godbout: J'avoue que, pour l'article 97, nous n'avons pas de
recommandation de la part de l'institut. Nous soulignons le fait que nous
sommes tout à fait en harmonie avec l'article de loi 97 pour ce qui est
de voir la propriété des entreprises de distribution être
à 80% québécoise ou canadienne. Par ailleurs, nous nous
sentons l'obligation morale de souligner que certains arrangements ou la
création de certaines compagnies fantômes pourraient indirectement
ne pas apporter les fruits que nous souhaitons voir retomber dans l'industrie
de la distribution. C'est pourquoi nous avons souligné ce
phénomène et, comme il n'y a pas au monde une industrie de la
production cinématographique qui ait pu survivre sans un secteur de la
distribution fort, nous soulignons cette petite imperfection dans la loi et
nous n'avons pas de recommandation à faire présentement.
M. Richard: Vous signalez aussi, à juste titre, je pense,
que, par le biais de la régie, on pourrait probablement remédier
à ce problème.
M. Godbout: Effectivement, une certaine réglementation,
à la suite d'une certaine analyse de la situation, pourrait apporter des
correctifs à la situation si jamais le problème se manifestait et
était endémique.
M. Richard: Une dernière question, M. Godbout. Vous
suggérez de réduire de 12 à 10 le nombre de membres du
conseil d'administration de l'institut. Compte tenu du nouveau rôle de
l'institut qui n'aura plus à gérer les programmes, est-ce qu'on
peut véritablement faire cette suggestion de réduction de 12
à 10 en alléguant la lourdeur de la structure puisque même
mon collègue, le député de Saint-Henri, avait tendance
à proposer que ce soit la parité, 6-6, si j'ai bien entendu? Il
me semble que quatre personnes émanant du public ou même d'autres
associations à l'égard desquelles on serait moins engagé,
moins lié que ce que le projet de loi propose à l'égard
des huit associations... Je vous souligne qu'au-delà d'une vingtaine de
groupes ont demandé d'avoir un siège au conseil d'administration
de l'institut. Vous vous imaginez qu'en pareille circonstance réduire de
12 à 10... Il y a le public cinéphile et l'Association des
critiques de films, par exemple, qui demandent d'y siéger. Il
m'apparaît intéressant d'élargir plutôt que de
comprimer le conseil d'administration, compte tenu du fait que le rôle de
l'institut sera
essentiellement différent et qu'il n'aura plus à
gérer les programmes. Alors, on peut difficilement parler, il me semble,
de lourdeur administrative.
M. Godbout: Écoutez, je m'inspire d'autres lois. Quand
nous réclamons cette chose-là et que nous évoquons la
lourdeur, nous nous inspirons d'autres lois qui relèvent, d'ailleurs, du
ministère des Affaires culturelles, où il y a d'autres conseils
d'administration. Par exemple, la Société de développement
des industries culturelles et des communications a neuf membres. Je sais que,
par ailleurs, ce conseil d'administration ne joue pas du tout le rôle que
vous proposez de voir l'institut jouer. L'Institut de la recherche et de la
culture a également neuf membres. Nous soulignons qu'actuellement nous
sommes sept et que, du jour au lendemain, nous allons passer à douze.
Nous sommes d'accord pour l'ouverture sauf qu'il faut admettre que le travail
demeurera un travail de réflexion, un travail pratique également,
parce que c'est l'institut qui approuvera les programmes, donc qui devra les
étudier; c'est l'institut qui proposera les orientations; c'est
l'institut qui fera le travail d'analyse et de recherche. Donc, douze personnes
autour d'une table -je le dis en toute simplicité - nous paraissait
beaucoup. Mais si, par ailleurs, c'est la façon, selon vous, d'assurer
une meilleure représentativité du milieu, nous convenons que
c'est une chose extrêmement faisable. Nous aurions
préféré avoir un conseil d'administration
allégé; c'est ce que notre texte soulignait.
M. Richard: Je vous remercie encore une fois, M. Godbout.
Le Président (M. Paré): M. le député
de Saint-Henri.
M. Hains: Je vous félicite, moi aussi, M. Godbout, pour
votre beau mémoire. Il est bien structuré et rempli de louanges
pour le plan lui-même. Je pense que beaucoup sont méritées,
d'ailleurs, mais vous maintenez, quand même, un peu comme nous, certaines
restrictions.
D'abord, à propos des sommes à investir dans le domaine
cinématograpique, vous vous dites d'accord avec la création d'un
fonds d'aide sur le modèle que propose le rapport Fournier. Mais vous
dites aussi: "II faudrait également que des sommes plus importantes
soient tout de même consenties si on veut parler vraiment d'un
cinéma national." Dans cette optique, j'aimerais savoir si vous jugez
que les 25 000 000 $ dont parle le rapport Fournier sont suffisants. Quelle
devrait être l'orientation -c'est là-dessus que j'insiste - que
vous allez donner à ce fonds vers le côté commercial et
aussi vers le côté de la qualité? Il faudrait que ce ne
soit pas simplement un fonds qui existe pour l'industrie elle-même, mais
qu'il existe aussi pour promouvoir la qualité; si vous
préférez, on pourrait dire le côté culturel de
l'utilisation de ce fonds?
Le Président (M. Paré): M. Godbout.
M. Godbout: Concernant la qualité et l'utilisation des
fonds pour la culture, le nouvel Institut québécois du
cinéma devra s'y pencher. Mais je ne crois pas qu'il s'écartera
des gestes qui sont posés actuellement par l'actuel institut. Les
projets à l'institut reçoivent une aide sélective qui est
accordée à la suite de recommandations faites par des jurys,
qu'il s'agisse de projets de scénarisation, qu'il s'agisse de projets de
production. Ces jurys sont autonomes et n'émanent pas du tout de la
structure de l'institut et sont représentatifs du milieu. Donc, aide
sélective, selon nous, égale choix par des jurys. Je ne vois pas
pourquoi cette chose-là changerait.
Pour ce qui est des 25 000 000 $ suggérés par M. Fournier,
je crois qu'on va tous s'entendre ici. 25 000 000 $ demain, pour l'industrie du
cinéma et de la vidéo - il ne faut pas oublier qu'il y aurait
aussi l'industrie de la vidéo à aider - nous paraît un
chiffre tout à fait correct. Le rapport Fournier proposait un
système, qui n'a pas été retenu, mais qui est
peut-être encore à l'étude, de taxation dans
différents secteurs de notre industrie au niveau de la consommation;
donc, une taxe qui était la taxe d'amusement sur les salles de
cinéma. Il y avait également une taxe sur la
câblodistribution; il y avait une taxe de 2 $, je crois, sur la vente des
cassettes, une taxe sur la publicité et l'attribution, disons, d'une
somme annuelle par le ministère des Affaires culturelles, venant du
fonds consolidé. Il y avait une qualité, tout au moins un
état d'esprit, dans cette proposition Fournier, à savoir que
c'étaient le travail et les résultats des gens de l'industrie qui
allaient nécessairement gonfler ou ne pas gonfler le fonds. Par la
suite, et M. Fournier et ses commissaires ont imaginé qu'un tel
système pouvait bon an mal an rapporter 25 000 000 $ à un fonds
d'aide. (16 heures)
Pour ce qui est des suggestions qui ont été faites par le
rapport de la Commission d'étude sur le cinéma et l'audiovisuel
concernant la distribution de ces sommes en primes à la qualité,
en primes automatiques et tout, elles ont notre accord, mais, pour le moment,
les sommes d'argent qui seront allouées à l'institut
n'étant pas connues, il est difficile de fixer nos priorités.
Effectivement, nous aimerions mettre tout un train de mesures d'aide sur pied
aussitôt que la loi sera adoptée, mais, selon les fonds qui
seront alloués au milieu du cinéma, à l'institut et
à la Société générale du cinéma et de
la vidéo, il faudra faire des choix. Je ne suis pas sûr qu'on
pourra atteindre tous les buts visés par le rapport Fournier.
M. Hains: Merci. En page 13, vous parlez de la
nécessité de clarifier les champs respectifs de fonctionnement de
l'institut et de la société. Est-ce que je pourrais vous demander
concrètement de nous parler rapidement des petits conflits possibles que
vous verriez entre les deux?
M. Godbout: Je pense que oui. Je vais même retourner
à la page 12. L'institut craint par la création de cette nouvelle
société la fonctionnarisation des affaires du cinéma. Je
pense que je dois m'expliquer plus clairement sur cette image. Pour commencer,
ceux qui s'occuperont d'attribuer les fonds que l'État destine au
secteur indépendant de la vidéo et du cinéma ne seront
plus du milieu. Les administrateurs ne seront obligatoirement plus du milieu.
Notre crainte, c'est que les gens qui travailleront à l'intérieur
de la SGCV risquent d'être également coupés du milieu.
C'est une crainte et elle pourrait se réaliser parce qu'on a vu souvent
certaines structures s'éloigner petit à petit des besoins du
milieu. Mais il s'agit surtout de la création d'une nouvelle structure,
comme vous l'avez souligné tout à l'heure, et toute structure
-peu importe ce qui se dira aujourd'hui - a tendance à grossir. Il
arrive très souvent qu'après quelques années les budgets
d'exploitation dépassent de beaucoup les budgets consacrés
à la réalisation des objectifs. Il y a des exemples dans le
milieu du cinéma qui nous font réagir et craindre cette chose.
Par exemple, vous avez l'Office national du film, vous avez Radio-Canada et,
également, Radio-Québec, dont les budgets d'exploitation sont
plus gros que les budgets de réalisation. Donc, je crois que notre
crainte est tout à fait justifiée.
Pour éviter une chose semblable, nous aimerions que soit
écrit dans la loi que le plan d'aide détermine les budgets de la
Société générale du cinéma et de la
vidéo et que le plan d'aide soit déterminé entre le
ministre et l'institut. Je peux vous donner un exemple de l'état
d'esprit qui prévaut actuellement à l'institut. En 1979-1980, il
y avait 21 employés permanents à l'institut. Malgré
l'augmentation du travail et de la demande, nous avons réussi, par un
certain travail de rationalisation, à réduire de 21
employés à 14 employés. C'est donc dire l'effort fait par
le conseil d'administration actuellement pour limiter l'expansion d'une
structure que l'on considère être au service du milieu et qui ne
doit pas manger tous les fonds que le gouvernement destine à
l'industrie. Donc, je crois avoir répondu à votre question.
M. Hains: Maintenant, vous suggérez aussi que les membres
de la société soient nommés par l'institut,
évidemment de concert avec le ministre. Je pense que vous
suggérez cela.
M. Godbout: Non, pas nommés. Non, que le ministre...
M. Hains: ...consulte...
M. Godbout: ...consulte...
M. Hains: ...l'institut...
M. Goldbout: ...l'institut lors du choix.
M. Hains: C'est cela.
M. Godbout: Mais évidemment, la nomination relève
toujours du ministre et du Conseil des ministres.
M. Hains: Maintenant, pour y aller d'une façon plus
abrupte, est-ce que vous verriez la disparition, disons comme nom, de la
société qui ferait vraiment partie de l'institut et qu'il ne
reste plus que deux organismes comme ce que nous avons actuellement?
M. Godbout: Semble-t-il que la création de la
Société générale du cinéma et de la
vidéo règle un problème qui a été
soulevé à l'occasion. Du fait que les administrateurs actuels de
l'institut sont des gens de l'industrie, il y a, semble-t-il, risque
d'apparence de conflits d'intérêts. Donc, comme je le soulignais
tout à l'heure, en créant une société distincte de
l'institut pour ce qui est de l'attribution des fonds, on élimine
l'apparence des conflits d'intérêts. C'est pour cette raison, en
se disant: Maintenant qu'il n'y a plus de conflits d'intérêts, ni
d'apparence de conflits d'intérêts, pourquoi M. le ministre ne
consulte-t-il pas l'institut lors du choix des administrateurs?
Le Président (M. Paré): M. le député
de D'Arcy McGee.
M. Marx: Merci, M. le Président. J'ai juste deux ou trois
questions précises. Premièrement, j'aimerais qu'on s'entende sur
les chiffres, parce que chacun donne des chiffres assez différents. Les
chiffres que j'ai ici, c'est, par exemple, qu'il y a au Canada 1037 salles de
cinéma, 280 au Québec, 279 en Ontario, que le nombre
d'entrées payantes au Canada était de 89 000 000, 18 000 000 au
Québec, 35 000 000 en Ontario et que la taxe d'amusement au Canada
était - je ne sais
pas si c'est tellement important - de 8 600 000 $, 5 400 000 $ au
Québec, seulement 500 000 $ en Ontario et ainsi de suite.
Juste pour prendre des chiffres en ce qui concerne le nombre
d'entrées payantes au Québec dans les salles de cinéma,
est-ce que c'est vraiment 18 000 000 ou 29 000 000 comme vous avez dit, ou 30
000 000 comme le ministre l'a dit? Je vois que vous n'avez pas discuté
cette question avec le ministre auparavant parce que vous n'avez pas les
mêmes chiffres.
Le Président (M. Paré): M. Godbout.
M. Godbout: Parlons de 30 000 000 de spectateurs-films. J'ai
mentionné 29 000 000 dans le texte. J'ai corrigé tout à
l'heure, c'est 30 000 000 de spectateurs-films dans les salles de
cinéma. Si vous mettez le coût du billet à 3 $ ou 4 $
-disons que c'est peut-être meilleur marché à certains
endroits en province; des fois, peut-être plus élevé
à Montréal - selon les informations qui sont faciles à
retrouver auprès du Bureau de surveillance du cinéma actuel, les
revenus dans les salles de cinéma, selon moi, dépassent 50 000
000 $ par année et non pas les 18 000 000 $ que vous avez
cités.
M. Marx: 18 000 000 de spectateurs, 35 000 000 en Ontario et 18
000 000 au Québec.
M. Godbout: J'aimerais savoir d'où vous...
M. Marx: Cela vient du mémoire de l'Association canadienne
des distributeurs de films, à l'annexe...
M. Godbout: Les 18 000 000 auxquels vous faites
référence, je me permets de croire qu'il s'agit plutôt
d'argent. Il s'agit des 18 000 000 $ que les "MAJORS" font sur le territoire du
Québec et non pas de 18 000 000 de spectateurs.
Le Président (M. Paré): M. le ministre.
M. Richard: Peut-être que je pourrais juste corriger. Dans
leur mémoire, les "MAJORS" américains ne font état que de
leurs propres films, alors que si on va au "Canadian Films Digest, 1982,
Yearbook", on voit très bien: "Number of paid admissions: 18 463
000".
M. Marx: C'est ce que je viens de dire.
M. Richard: Ah! C'est parce qu'il faut ajouter à cela les
"drive-in theaters".
M. Marx: Cela fait combien? Cela ne fait pas 12 000 000.
M. Godbout: Je peux juste préciser que je n'avais pas vu
ce document. Donc, je ne l'ai même pas lu, ni analysé. Les 29 000
000 ou les 30 000 000 de spectateurs-films, c'est tiré du rapport de la
Commission d'étude sur le cinéma et l'audiovisuel et cela me
semble tout à fait conforme et plausible sur le territoire du
Québec.
M. Marx: D'accord. Je vois que la taxe sur les spectacles au
Québec est deux fois plus élevée qu'en Ontario, mais on
discutera de cela dans un autre mémoire.
À l'article 97 de la loi, on prévoit que le distributeur
pourrait être une compagnie contrôlée par des Canadiens.
D'accord?
M. Godbout: Oui.
M. Marx: En ce qui concerne la culture québécoise,
y a-t-il une différence si le distributeur est contrôlé par
des gens à Toronto ou par des gens à New York, ou par des gens
à Chicago? Y a-t-il vraiment une différence pour la culture
québécoise, pour l'industrie du film au Québec, si le
contrôle de ces compagnies reste à Toronto, ou à New York,
ou à Chicago?
M. Godbout: Je vous répondrai oui. Cela a une très
grande importance.
M. Marx: Comment?
M. Godbout: Dans la mesure où les distributeurs locaux,
s'ils distribuent les films étrangers, qu'ils soient américains
ou qu'ils soient d'autres origines, vont réinvestir certaines de ces
sommes dans du cinéma québécois. Actuellement, l'argent
retourne à Hollywood pour y fabriquer des films qui reviennent ici
refaire de l'argent qui retourne à Hollywood. Tous les pays qui ont un
cinéma national ont été obligés, à un
certain moment, de passer à l'action. Chacun a trouvé son moyen.
Je crois que, lorsqu'on regarde le territoire du Québec, le
marché du Québec, les 6 000 000 que nous sommes, le moyen choisi
par le gouvernement se justifie, une certaine somme d'argent restant entre les
mains des distributeurs nationaux. Et on sait ce qu'ils ont apporté dans
le passé à la production québécoise. Vous savez,
les années où il y a eu le plus de films produits au
Québec, ce sont les années où les distributeurs ont
investi. Cette chose-là a cessé vers les années 1976-1977,
parce que, eux aussi, ont eu des problèmes et ont cessé
d'investir dans le cinéma.
M. Marx: II y a national et national. Je pense que, lorsque le
ministre a parlé de national, il a voulu parler du Québec.
Quand
vous avez parlé de national, vous avez voulu parler du Canada. Ma
question est: Supposons que les distributeurs sont contrôlés par
les compagnies canadiennes à Toronto, par des Anglais de l'Ontario, ou
que ces distributeurs sont des compagnies américaines
contrôlées par des Anglais à New York ou par des
Américains, si vous voulez, si c'est moins péjoratif, à
Chicago, y aurait-il une différence pour l'industrie du film au
Québec? Les gens de Toronto vont-ils investir plus dans l'industrie du
film au Québec?
Le ministre a dit à la page 7 de son discours: "Sans vouloir lui
jeter la pierre, on doit constater que l'intervention du fédéral
n'est pas étrangère à cette récession du film
québécois" et ainsi de suite. Il a fait sa chanson sur la faute
du fédéral et des Anglais, mais y a-t-il une différence si
le contrôle reste avec des compagnies anglophones à Toronto ou si
le contrôle reste avec des compagnies contrôlées par les
Américains à New York ou à Chicago? Je ne vois pas
pourquoi des compagnies anglophones à Toronto seraient plus
généreuses vis-à-vis de l'industrie
québécoise du film.
M. Godbout: La seule province où il y a une infrastructure
de distribution qui est assez solide et qui, bon an mal an, distribue pas mal
de films, c'est le Québec. Au Canada anglais, vous trouvez très
peu de distributeurs de films. Depuis fort longtemps, ils ont été
avalés, assimilés et évacués par les distributeurs
américains ou internationaux, tandis qu'au Québec vous avez
depuis de nombreuses années...
M. Marx: Donc, il n'y a pas de problème. Tout le monde est
ici, il n'y a pas de problème.
M. Godbout: Mais si vous donnez à ces distributeurs
nationaux, québécois ou canadiens... Parce qu'il y a des
distributeurs canadiens anglais qui oeuvrent à Montréal et qui
ont déjà investi dans le cinéma francophone. Il faut
comprendre que le cinéma est un produit international et qu'on a
déjà vu des distributeurs de langue anglaise investir dans du
produit francophone. Donc, ce qui est souhaité par la loi et le moyen
qui y est proposé, c'est que la distribution des films étrangers
passe par ces entreprises qui sont localisées à Montréal
et qui ont des liens et des racines avec l'industrie du cinéma depuis
près de quarante ans. (16 h 15)
M. Marx: Mais est-ce que...
M. Godbout: Je crois que cela fait une différence par
rapport à une propriété ou à un conseil
d'administration qui serait à Chicago ou à New York. Je crois que
c'est substantiel comme différence.
M. Marx: Mais est-ce que les films sont déjà
distribués au Québec par les distributeurs qui se trouvent
à Montréal? C'est cela?
M. Godbout: Non. M. Marx: Non.
M. Godbout: Non. Beaucoup de films qui sont distribués
actuellement dans les salles de cinéma sont distribués par des
entreprises américaines.
M. Marx: Où se trouvent-elles? Où sont leurs
sièges sociaux?
M. Godbout: Ils sont soit à Toronto, soit à New
York, soit à Los Angeles.
M. Marx: C'est cela, la question que je vous ai posée.
Supposons que ces distributeurs, qui se trouvent maintenant à Toronto,
à Los Angeles et ailleurs, forment une compagnie avec leur siège
social à Toronto, une compagnie canadienne à Toronto pour faire
la distribution des films au Québec et au Canada, qu'est-ce que cela
ajouterait qu'on ait une compagnie, une entité canadienne qui fasse cela
de Toronto? Cela ne va pas aider davantage l'industrie du film au
Québec.
M. Godbout: Cela, c'est un scénario possible. Il y a
d'autres scénarios; je pense que la loi en prévoit d'autres.
C'est un scénario. Effectivement, vous pourriez avoir la concentration,
mais je pense...
M. Marx: Tout ce que la loi exige, à l'article 97, c'est
que les distributeurs soient contrôlés par des compagnies
canadiennes. Cela peut être des compagnies canadiennes à Toronto,
à Calgary ou je ne sais où. Cela peut être une compagnie
canadienne à Montréal, qui a un bureau ici, qui a même son
siège social à Montréal, mais tout se fait à
Toronto. On a déjà vu cela ici.
M. Godbout: Oui, on le voit encore.
M. Marx: C'est-à-dire que "canadiani-ser" les compagnies,
cela ne veut rien dire. Il n'y a pas de garanties dans cela.
M. Godbout: Je crois, effectivement, que c'est un scénario
possible. J'ai souligné dans mon texte tout à l'heure qu'il y
avait un certain risque que le but visé ne soit pas atteint.
M. Marx: Bien, voilà!
M. Godbout: Par ailleurs, la régie peut - je crois que
c'est à l'article 107; non, ce n'est pas à l'article 107, c'est
à l'article
159, je crois, si je ne me trompe pas -déterminer les droits et
obligations que chacune des catégories de permis confère à
son titulaire. Je crois que, si le gouvernement du Québec trouve qu'on
lui fait un coup de la Brinks une deuxième fois, il passera tout
simplement à l'action.
M. Marx: Oui. J'aurais une dernière question qui touche
cet article 97. Je ne sais pas si vous avez demandé à votre
contentieux de se pencher sur la légalité de cet article.
C'est-à-dire que l'article 97 prévoit qu'une corporation qui veut
distribuer des films au Québec doit avoir 80% d'actionnaires canadiens
d'accord? Supposons - heureusement, le ministre est aussi avocat, il doit
connaître cela - que la compagnie distributrice est une compagnie
à charte fédérale, on ne peut pas, au Québec,
décider qui doit être actionnaire d'une telle compagnie à
charte fédérale. Supposons que c'est une compagnie à
charte fédérale à Montréal et que 90% des
actionnaires sont des Américains, le Québec n'a pas la
compétence voulue pour exiger que les actionnaires de cette compagnie
à charte fédérale soient d'une nationalité ou d'une
autre, d'une citoyenneté ou d'une autre. Donc, ce serait une
façon très facile d'échapper aux exigences de l'article
97.
Mme Lussier (Zénaïde): Si vous me le permettez,
là, je pense que je parle à mon ex-professeur de droit
constitutionnel.
M. Marx: Ah bon!
Mme Lussier: C'est sûr que, lorsque...
M. Marx: Elle va avoir la bonne réponse.
Mme Lussier: ...le gouvernement légifère en
matière d'échanges et de commerce, il entre sur un terrain
glissant, pour le moins. Je ne voudrais pas interpréter le ministre
actuel, mais je pense que, si le terrain avait été moins
glissant, ce n'est peut-être pas "canadien" qu'on aurait mis à
l'article 97.
C'est ainsi qu'à l'article 91, je pense, c'est assez explicite,
M. Marx, que quand on s'avance sur les échanges de commerce ou de
compétence fédérale... Je pense qu'on va avoir l'occasion
d'en parler; il y a d'autres personnes qui vont en parler au cours des
prochains jours. Je suis certaine que le contentieux de M. Richard, a vu qu'il
y a quand même certains arrêts Parsons, Shannon, Home Oil, Dominion
Stores qui viennent au secours, d'une certaine tendance qui dit que, même
lorsqu'une loi comporte des aspects de réglementation des
échanges et du commerce, elle n'est pas forcément invalide parce
que promulguée par une autorité provinciale. Là, on entre
dans un monde de nuances que je pense, vous êtes encore mieux que moi
capable d'évaluer. C'est ainsi que la réglementation...
Une voix: Manifestement, vous allez dépasser le
maître.
Mme Lussier: Surtout quand je parle de nuances et que je
n'insiste pas. C'est ainsi que, lorsque la régie aura à parler de
réglementation, c'est là que cela va se jouer et c'est là
qu'est toute la subtilité. On en reparlera probablement.
M. Marx: Tout ce qu'on avait souligné au ministre, c'est
qu'on ne peut pas exiger de chaque distributeur au Québec, qui distribue
des voitures ou qui distribue des chaussures et qui a une charte
fédérale, d'avoir des actionnaires canadiens. Ce n'est pas notre
système. J'aimerais demander au ministre s'il peut demander à son
contentieux un avis juridique sur cette question. Je pense que la question
juridique est importante. Cela saute aux yeux qu'on n'atteindra pas ce que le
ministre veut atteindre par l'article 97. Il y a tellement de façons de
contourner cet article que j'imagine que le ministre aimerait bloquer tous les
trous avant que ce soit trop tard. J'aimerais demander au ministre de demander
à son contentieux si cet article, plus précisément le
paragraphe 2 de l'article 97, s'applique aux compagnies à charte
fédérale. Ce serait intéressant si le ministre pouvait
nous déposer un avis sur cette question.
M. Richard: M. le Président, je pense qu'on a
déjà amorcé un peu la réponse à cela. C'est
que la jurisprudence, autant que je sache, n'interdit pas tout contrôle.
J'aurais bien voulu, au nom de la souveraineté culturelle
prônée par toutes les formations politiques à
l'Assemblée nationale, restreindre cela au mot
"québécois". Je pense que, comme on l'a évoqué tout
à l'heure, j'étais en terrain un peu trop glissant et,
plutôt que de voir contester l'article 97, j'aime mieux y aller de
façon indirecte. On a rappelé, tout à l'heure, que toute
l'industrie présentement de la distribution est au Québec et je
pense que prochainement on aura des nouvelles à cet égard,
d'ailleurs. D'autre part, je pense que, par le biais de la régie et par
le biais des programmes, il y a moyen d'échapper à ce que ceux
qui voudraient contourner le paragraphe 2 de l'article 97 seraient tenté
de faire.
M. Marx: Mais le ministre a trop vite donné son opinion
juridique sans vérifier avec son contentieux. Je pense que ce serait
utile d'avoir une opinion sur la validité de ces dispositions parce que
le Québec ne peut pas exiger d'une compagnie à charte
fédérale
d'avoir des actionnaires canadiens ou américains ou quoi que ce
soit, exactement comme le fédéral ne peut pas exiger d'une
compagnie québécoise d'avoir des actionnaires de telle et telle
citoyenneté. Pour avoir la sécurité judiciaire, le
ministre de la Justice a dit l'autre jour qu'on a écarté les deux
chartes dans la loi 111. En ce qui concerne cet article de la loi 109,
j'aimerais demander une autre fois au ministre de bien vouloir nous fournir un
avis juridique de son service du contentieux. Je pense que ce n'est pas trop
demander. Cela prendra peut-être deux pages et 20 minutes d'un de ses
experts, pour produire un tel avis.
M. Richard: Des opinions verbales ont été
émises. Je demanderai maintenant qu'il y ait des opinions écrites
que je soumettrai à la commission avec plaisir. Voilà pourquoi
vous devriez, avec moi, M. le député, réclamer la
souveraineté culturelle.
M. Marx: Ce sont les libéraux qui ont pensé
à cela avant vous autres.
Une voix: Oui, mais nous autres, on va aller plus loin.
Le Président (M. Paré): Vous aviez terminé?
La parole est maintenant au député de Rousseau.
M. Blouin: M. le Président, M. Godbout... Pardon?
Une voix: On vous écoute.
M. Blouin: D'accord. J'étais content que le
député de D'Arcy McGee aborde cette question, qui m'avait
frappé aussi. Je pense qu'on en a fait le tour de façon assez
exhaustive. J'espère que les garanties que le ministre fournira sauront
rassurer le député de D'Arcy McGee et qu'effectivement, il n'y
aura pas de danger que, parce que la distribution est fondamentale, cette
mesure, qui est essentielle dans la loi, nous glisse entre les mains et que la
situation redevienne comme elle était. Donc, je n'aborderai pas de
nouveau ce sujet qui a été abondamment discuté.
Toutefois, j'aimerais savoir, M. Godbout - il y a différents
types de cinémas -pourquoi souhaiteriez-vous que le cinéma pour
enfants ait un traitement à part. Est-ce que ce cinéma, comme
bien d'autres, ne pourrait pas bénéficier des mesures
générales qui sont contenues dans les orientations qui sont
indiquées dans le projet de loi? Pourquoi voulez-vous absolument donner
un statut particulier au cinéma pour enfants et non pas à
d'autres catégories de cinéma également qui pourraient
nous demander ce genre d'attitude privilégiée?
M. Godbout: Je suis content que vous posiez la question.
Effectivement, pourquoi du cinéma pour enfants et pourquoi pas certains
types de cinéma pour d'autres catégories de citoyens? Le
cinéma québécois est, dans son expression, un
cinéma encore jeune. Selon moi et selon l'avis de plusieurs, il faudrait
que le cinéma québécois se retrouve le plus rapidement
possible dans les écoles afin que, petit à petit, se
créent des habitudes, des liens affectifs disons, entre le futur
spectateur adulte et le cinéma québécois. De plus, il y a,
je crois, 700 000 enfants dans les écoles. Le ministère de
l'Éducation a besoin de films éducatifs. Quand on dit "film pour
enfants", cela peut être des films de divertissement, mais cela peut
être également des films à caractère
éducatif. Donc, le film pour enfants est un créneau que
l'État devrait privilégier. De plus, le cinéma pour
enfants est probablement un des créneaux qui, sur le plan industriel,
serait le plus rentable, parce qu'il y a une forte demande à
l'extérieur du Québec. C'est un public qui se renouvelle sans
arrêt.
Donc, on atteindrait, en favorisant le cinéma pour enfants,
plusieurs buts à la fois. On ferait d'une pierre deux coups. La loi de
1975 le citait. On aurait cru valable de le citer de nouveau dans le texte du
projet de loi no 109.
M. Blouin: Cela va. Merci.
Le Président (M. Paré): La parole est maintenant
à Mme la députée de L'Acadie. (16 h 30)
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. En page 7, vous
parlez du nombre de demandes que vous avez reçues concernant
l'assistance financière, si je comprends bien. Votre taux moyen
d'acceptation de 36% dénote l'impact certain sur la vie de l'Institut
cinématographique québécois. Est-ce que vous avez une
liste -vous avez cité un certain nombre de longs métrages, de
courts métrages, de documentaires, etc. - de tous ces longs et courts
métrages que vous avez subventionnés depuis que vous existez et
les montants qui ont été alloués à chacun de ces
films?
M. Godbout: Mme la députée ou le
député...
Mme Lavoie-Roux: C'est devenu la députée,
maintenant.
M. Godbout: II me fera plaisir de vous faire parvenir les bilans
de l'institut, depuis son ouverture jusqu'à maintenant, dans lesquels
vous trouverez la liste des films. Cela est le bilan de cette année, le
rapport annuel où vous retrouvez la liste des films et des projets
auxquels l'institut a accordé
son aide financière.
Mme Lavoie-Roux: Quels sont les critères d'acceptation ou
de rejet? Je comprends que cela appartient à des jurys dont on respecte
l'autonomie et le jugement, mais il reste que vous avez un taux moyen
d'acceptation de 36% qui indique qu'à partir de certains
critères, vous en éliminez. Quels sont les critères
d'acceptation ou d'élimination? Est-ce que cela est établi
quelque part? Enfin, au moins un grand cadre.
M. Godbout: II y a des critères d'admissibilité. Ce
n'est pas n'importe quel réalisateur ou entreprise qui peut
déposer un projet à l'institut. Il y a déjà une
sélection qui se fait. Quand un projet a franchi l'étape de
l'admission à l'institut, il est analysé à deux niveaux.
Le premier niveau est auprès d'un jury qui le juge sur le plan de la
qualité. Est-ce que ce scénario est plus valable que tel autre
scénario pour avoir de l'aide de l'institut et entrer en production?
Est-ce que telle idée de film mérite d'être aidée
pour qu'on en développe un scénario? Ces choses-là sont,
règle générale, discutées par des jurys autonomes,
comme je le disais tout à l'heure, où nous retrouvons des
représentants du milieu, c'est-à-dire soit des
réalisateurs, soit des producteurs, soit des distributeurs, donc des
gens du milieu qui ont une certaine expérience du cinéma et qui,
je pense, peuvent juger les demandes à l'étape où elles
nous sont soumises. Il demeure qu'il n'est pas facile de juger d'une
idée par rapport au scénario que cela donnera. Ces jurys
interviennent dans des étapes et nous essayons de les choisir, de les
rendre de plus en plus compétents et de plus en plus précis dans
leur façon de procéder.
Par ailleurs, à l'intérieur de l'institut, il y a quand
même un budget attaché à la production des films. Ces
budgets sont étudiés par notre personnel. Quand le personnel
s'est prononcé en faveur d'un projet et que sa faisabilité
financière est évidente, parce que l'aide de l'institut,
très souvent, ne peut atteindre que 20% du budget d'un film... Quand on
considère qu'un film coûte 2 000 000 $ et que notre aide est de
150 000 $, il faut quand même vérifier le sérieux du projet
et sa faisabilité financière. Cet avis sur la faisabilité,
cet avis sur la qualité est remis au conseil d'administration qui prend
la décision d'aider ou de ne pas aider un projet.
Mme Lavoie-Roux: À la page 15, au troisième
paragraphe, vous demandez que le ministre confie au conseil d'administration de
l'institut, après que les membres du conseil d'administration auront
été nommés, le soin de choisir, parmi eux, le
président et le vice-président. J'aimerais connaître vos
raisons. Au haut de la page 12 - il y a une certaine relation - quand vous
parlez de la Société générale du cinéma et
de la vidéo, élément neutre, vous ne semblez pas vous
inquiéter que tous les membres soient nommés par le ministre,
sauf que vous demandez d'être consulté. Est-ce que vous avez
pensé à une formule autre que la nomination de tous les membres
par le ministre ou sans consultation de qui que ce soit? Dans le fond, s'il
s'agissait uniquement d'administrer des fonds, je comprendrais la
volonté du gouvernement de nommer des administrateurs compétents
pour administrer un certain nombre de millions. Ce sont eux aussi qui voient
à l'attribution des fonds. Alors, c'est un rôle
supplémentaire où, si je comprends bien, ils devront porter des
jugements que vous portiez par le passé. Est-ce que vous croyez que
c'est la meilleure formule? Ou est-ce qu'il y aurait une formule qui pourrait
rendre plus autonome à l'égard d'un gouvernement, quel qu'il
soit, l'attribution de ces fonds?
M. Godbout: Je suis obligé de faire un peu l'historique de
cette chose-là. À l'heure actuelle, les membres de l'Institut
québécois du cinéma sont nommés par le ministre
à la suite d'une consultation avec le milieu et les cinq associations
représentatives. Donc, ce que propose M. Richard dans la loi 109, pour
ce qui est de la nomination des huit représentants du milieu à
l'institut, ne diffère pas de la manière qui est utilisée
actuellement pour choisir les administrateurs de l'institut.
Là, nous aimerions voir le texte de loi changer.
Mme Lavoie-Roux: Pour quel motif?
M. Godbout: Tout simplement parce que lors de la consultation
pour le choix des administrateurs de la SGCV, qui d'ailleurs vont attribuer les
fonds comme vous le dites, je pense que l'institut a trop de
responsabilités, conseille le ministre sur trop de choses pour ne pas
être son conseiller là-dessus également. Ces
administrateurs ne seront pas du milieu du cinéma, puisqu'ils ne devront
détenir aucune action, aucun intérêt dans le milieu,
d'où, à mon avis, l'importance de très bien les choisir.
Je pense que le ministre aurait avantage, lors du choix de ces administrateurs
et du président-directeur général de cette nouvelle
société, de consulter les membres de l'institut. Pour ce qui est
de l'élection du président et du vice-président par le
conseil d'administration, c'est le système retenu par la loi de 1975.
Nous vivons sous ce régime actuellement.
Mme Lavoie-Roux: Le conserver.
M. Godbout: Nous aimerions le conserver.
Mme Lavoie-Roux: Merci.
Le Président (M. Paré): Alors, M. Godbout, Mme
Ranger et Mme Lussier, merci beaucoup pour la présentation de votre
mémoire et d'avoir accepté de répondre à nos
questions.
J'inviterais maintenant le deuxième organisme, le Conseil du
statut de la femme, à prendre place à l'avant, s'il vous
plaît!
Bienvenue, je demanderais à la porte-parole du groupe de vouloir
s'identifier, s'il vous plaît, et présenter les personnes qui
l'accompagnent.
Conseil du statut de la femme
Mme Bonenfant (Claire): M. le Président, M. le ministre,
M. le représentant de l'Opposition, Mmes membres de la commission, MM.
les députés membres de la commission, il me fait plaisir de vous
présenter, à ma gauche, Elizabeth Powers, qui est la directrice
de notre service de l'information, et Lise Dunnigan, de notre service de
recherche, qui travaille depuis longtemps sur le dossier de la pornographie. Je
suis Claire Bonenfant. Je suis la présidente du Conseil du statut de la
femme.
Je ne sais pas s'il se trouve ici des personnes pour s'étonner
que le Conseil du statut de la femme ait quelque intérêt à
venir se présenter devant une commission parlementaire qui doit traiter
de la Loi sur le cinéma et la vidéo. Bien sûr, comme nous
sommes citoyennes à part entière, tous les projets de loi doivent
nécessairement nous intéresser. Mais celui-ci nous
intéresse à un autre point de vue et, histoire de jouer à
visage découvert, je voudrais, avant même de commencer la lecture
de notre mémoire, vous dire que notre premier objectif, en nous
présentant à cette commission parlementaire et en nous
intéressant à ce dossier, c'est d'être bien sûres que
dans ce projet de loi il n'existe aucune porte, il n'existe aucune faille,
aucun endroit où pourrait passer la permission d'exploiter des salles
où on pourrait projeter ce qu'on appelle le cinéma X
c'est-à-dire la pornographie violente. Alors, les jeux sont clairs. Nous
nous intéressons aussi à d'autres articles de la loi. Nous en
traiterons tout au long de notre mémoire. Je veux vous dire tout de
suite aussi que ce n'est pas d'hier que le Conseil du statut de la femme
s'intéresse au problème de la pornographie. C'est
l'arrivée sur le marché de la télévision payante
qui vient de relancer ce dossier, mais pour nous, c'était un dossier qui
a été continuellement chaud depuis plusieurs années.
Déjà, en 1978, la politique d'ensemble du Conseil du
statut de la femme. Pour les Québécoises: égalité
et indépendance, recommandait entre autres au ministère de la
Justice d'effectuer une recherche conjointe dans une perspective
féministe afin de travailler à trouver les moyens de contrer ce
phénomène. En 1980, au conseil, nous avons fait, à l'aide
de trois stagiaires un document qui a été publié qui
s'appelait aussi Réflexion pour une approche féministe de la
pornographie. Dans cela, les auteurs recommandaient de désamorcer la
tendance à l'apathie et à l'indifférence en
démontrant qu'il est possible et réalisable d'agir
concrètement contre la prolifération de la pornographie. On
recommandait aussi de sensibiliser les corps policiers à exercer une
plus grande vigilance à l'égard de la distribution. Encore une
fois, on a publié un autre document qui s'appelait Aperçu des
actions et démarches entreprises sur le dossier de la pornographie au
Québec. Ensuite, toujours en 1981, on a publié un autre document
qui s'appelait La pornographie et l'érotisation de la violence. En
décembre de la même année, le CSF a comparu devant la
Commission d'étude sur le cinéma et l'audiovisuel au cours de
laquelle on annonçait cette intention que nous avions de nous opposer -
intention que nous concrétiserons aujourd'hui - fortement à la
création de salles X.
En plus, à la commission Fournier, nous affirmions que, quel que
soit l'avenir du bureau de surveillance ou l'évolution de ses
activités, le conseil entendait explorer les mécanismes
appropriés pouvant être employés pour les femmes pour la
défense de leurs droits collectifs et individuels. Enfin, nous avons
publié récemment un dossier sur la pornographie dans la Gazette
des femmes qui est l'organe officiel d'information du Conseil du statut de la
femme. Ce numéro de la Gazette a été tiré à
40 000 copies, ce dossier s'intitulait Faire la lumière.
Les pressions des femmes et leur analyse objective de l'impact des
salles de cinéma X leur ont fait gagner cette bataille temporairement.
Mais la victoire dépasse largement cet enjeu. Les femmes du
Québec ont décidé de mener le combat sur tous les fronts.
C'est pourquoi, en tant qu'organisme représentant les
intérêts des femmes, nous nous présentons aujourd'hui
à cette commission parlementaire concernant la Loi sur le cinéma
et la vidéo.
C'est la fin de mon introduction, monsieur, je passe au
mémoire.
À la suite du dépôt du projet de loi no 109 sur le
cinéma et la vidéo, nous désirons à nouveau nous
exprimer sur certains points correspondant à des avis déjà
transmis à la Commission d'étude sur le cinéma et
l'audiovisuel et au ministère des Communications. Il nous apparaît
nécessaire de réitérer nos positions concernant: 1 la
représentation des intérêts de la population et des
femmes en particulier à l'intérieur de l'organisme chargé
de la surveillance du cinéma. 2 La formulation et la publication des
critères devant présider à l'émission de visas et
au classement des films. 3 Le droit de recours de la population en regard des
décisions de l'organisme chargé de la surveillance et,
finalement, la question de la violence et surtout de la violence sexuelle
envers les femmes au cinéma. (16 h 45)
L'actuel projet de loi apporte peu de réponses à ces
grandes préoccupations.
Au chapitre de la représentation des intérêts du
public, la composition prévue de la Régie du cinéma et de
la vidéo ne répond en rien à nos attentes. Nous tenons
à ce que la responsabilité du classement des films soit
confiée à des personnes qui puissent veiller à la
protection des droits de la personne et, en particulier, des droits des femmes.
À cet effet, nous proposons une formule de nomination par consultation
auprès d'organismes publics et privés, préoccupés
de la défense de ces droits, tel que nous l'avions suggéré
dans notre commentaire dans le rapport de la commission Fournier.
Par ailleurs, la régie étant chargée de plusieurs
autres fonctions pour lesquelles ces mêmes personnes n'auraient
éventuellement ni compétence, ni intérêt, il nous
semble qu'il y aurait intérêt de leur conférer un statut
particulier à l'intérieur de la régie en les
réunissant, par exemple, en un comité interne chargé
uniquement du classement des films.
Sur la question des normes de classification des films, nous ne
trouvons, dans l'actuel projet de loi, aucune disposition assurant leur
élaboration, ni leur publication. Comme nous l'avions déjà
fait valoir auprès de la commission Fournier, il s'agit là, selon
nous, d'une fonction que devrait remplir l'organisme chargé de la
surveillance du cinéma si l'on espère réduire, dans la
mesure du possible, la part d'arbitraire dans son processus de décision,
et permettre aux citoyens et citoyennes de le mieux comprendre et
évaluer. Le processus réglementaire nous apparaîtrait
adéquat pour assurer la tenue de débats et la large publication
de normes adoptées.
Les audiences publiques prévues à l'article 128 devraient
d'ailleurs fournir à la régie l'occasion de recevoir directement
l'opinion de la population sur ce sujet et de réviser
périodiquement l'adéquation de ces normes ou de leur
application.
Concernant le droit de recours de la population à l'égard
des décisions de l'organisme qui n'est pas davantage prévu dans
le projet de loi à l'étude, nous le considérons
nécessaire et justifié, au même titre que celui qui est
accordé aux personnes qui soumettent des films pour classement.
La révision des décisions devrait être
effectuée par des personnes autres que celles qui l'ont formulée
au départ, sans toutefois exiger des démarches, des délais
ou des coûts qui décourageraient l'utilisation de ce recours.
En considération de ce qui précède, nous demandons
au législateur d'amender le projet de loi de façon à
prévoir, à l'intérieur de la régie, un
comité interne formé de membres nommés selon la formule
déjà mentionnée, c'est-à-dire par consultation, et
qui disposerait d'une autonomie semblable à celle des comités
internes prévus par la Loi sur le conseil supérieur de
l'éducation. Nous recommandons de confier à ce comité la
tâche d'élaborer des normes de classification des films, de les
rendre publiques et de consulter périodiquement la population à
ce sujet dans le cadre des audiences de la régie.
Nous recommandons, en outre, que ces personnes puissent constituer
l'instance de révision des décisions de classement des films
prises par la régie lorsqu'une demande à cet effet est
présentée par un groupe ou par un individu.
En ce qui a trait au problème de l'incitation à la
violence à l'endroit des femmes, nous constatons avec plaisir que
l'article 77 du projet de loi mentionne que la régie émettra un
visa d'exploitation pour un film pour autant, et je cite: "Qu'il n'encourage ni
ne soutient, à son avis, la violence sexuelle." Il s'agit là
d'une modification intéressante en regard de la loi présentement
en vigueur puisqu'elle correspond à un problème qui ne cesse de
s'aggraver et face auquel les groupes de femmes et la population en
général ont souvent tenté d'attirer l'attention du
gouvernement.
Nous sommes cependant d'avis que cet article serait
amélioré si on utilisait la formule suivante: "Pour autant qu'il
n'exploite, n'encourage ni ne soutient la violence sexuelle ou la violence
gratuite ou excessive."
Par ailleurs, même si le mandat du Conseil du statut de la femme
le rend d'abord préocuppé de la situation de l'ensemble des
femmes, nous ne pouvons qu'appuyer les efforts déployés par
plusieurs groupes du milieu au sujet de l'exploitation sexuelle et des
agressions contre les mineures, d'autant plus qu'il s'agit, le plus souvent,
d'adolescentes. Nous suggérons donc comme autre motif de rejet d'un film
le fait qu'il encourage ou soutienne l'exploitation sexuelle des personnes
mineures.
Le Conseil du statut de la femme regrette qu'étant donné
les événements des dernières semaines - vous savez que
nous avons été victimes, encore une fois, je ne dirai pas de
discrimination, mais nos locaux ont été insalubres pendant
plusieurs semaines,
ce qui a retardé considérablement nos travaux - nous ne
sommes pas en mesure de commenter plus en détails les dispositions de ce
projet de loi, ni d'examiner avec tout le soin nécessaire les nombreuses
recommandations formulées par les groupes de femmes et autres groupes du
milieu mobilisés sur la question. Nous ne pouvons que mentionner
rapidement certains points du volumineux mémoire déposé
par le front commun et qui sera défendu, je crois, demain par le front
commun contre la pornographie auquel le Conseil du statut de la femme peut
s'associer immédiatement. Ces recommandations sont les suivantes: La
réduction à trois ans de la durée du mandat des membres de
la régie ainsi que le souhait que le gouvernement marque mieux sa
volonté de changement dans l'exercice de la surveillance du
cinéma en nommant de nouvelles personnes à l'intérieur de
cet organisme, étant donné les nombreuses critiques
suscitées par l'actuel bureau de surveillance.
Nous appuyons aussi la tenue d'audiences publiques dès le
début du mandat de la régie comme préalable à
l'élaboration de normes de classification. Nous appuyons la modification
de l'article 73 qui semble réduire le mandat de surveillance uniquement
aux films "présentés en public", ce qui pourrait, entre autres,
compromettre l'application de l'article 34 du règlement adopté en
mars 1982 sur les entreprises de télévision payante; nous
appuyons la modification de l'article 164, qui restreint l'éventail des
personnes autorisées à vérifier l'application de la loi en
matière de classement des films. Il n'y a déjà pas
beaucoup de personnes, si on enlève aussi les policiers et qu'on laisse
seulement quelques officiers de surveillance, je pense que cela serait
très inefficace. Nous appuyons également l'amendement de
l'article 169, pour ajouter aux sanctions prévues la révocation
du permis lors d'une seconde infraction à la loi.
En conclusion, nous rappelons au gouvernement que le mouvement des
femmes se montre de plus en plus mobilisé face à l'extension
nouvelle des moyens techniques utilisés pour perpétuer la
dépendance, l'exploitation, l'abus et la violence dont elles sont
victimes quotidiennement. Toute la population, hommes et enfants inclus, est
affectée par ce phénomène. Nous voulons donc donner notre
appui entier aux luttes et aux démarches entreprises par ces groupes.
Nous souhaitons que leurs voix soient mieux écoutées et que les
droits des femmes soient mieux protégés dans la rédaction
finale de ce projet de loi. Nous rappelons également, encore une fois,
l'existence d'un politique d'ensemble de la condition féminine
adoptée par le gouvernement, il y a déjà plusieurs
années, et dont une éventuelle politique du cinéma et de
la vidéo doit tenir compte pour contribuer à établir de
meilleures conditions de vie pour toutes les Québécoises. Je vous
remercie.
Le Président (M. Paré): Je vous remercie beaucoup,
Mme Bonenfant. La parole est maintenant à vous, M. le ministre.
M. Richard: Je vous remercie, Mme Bonenfant, d'avoir tenu
à vous présenter dans des conditions que je sais pas très
faciles devant la commission puisque vous êtes presque obligée de
nous quitter bientôt.
Mme Bonenfant: Je peux garder du temps pour répondre
à la commission. Il y a des priorités, vous savez.
M. Richard: Je vais céder la parole à d'autres
intervenants.
Le Président (M. Paré): Mme la
députée de Chomedey.
Mme Bacon: II est évident que les positions du conseil
sont toujours très précises. Je pense qu'on n'a rien de nouveau
aujourd'hui. Déjà votre prise de position sur le projet de loi
est vraiment précise. Je pense que vos exigences aussi sont des plus
réalistes dans ce que vous nous présentez aujourd'hui. Même
si vous nous dites que vous avez eu des conditions assez pénibles pour
faire votre travail, on doit vous féliciter de ce qui a
été préparé par le Conseil du statut de la femme et
qui, pour nous, est très clair, à la lecture de votre document.
Je ne voudrais pas, moi non plus, vous retenir plus longtemps que le ministre,
mais il y a quand même un point qui m'inquiète un peu. Quand on
parle d'amende, quand on parle d'un retrait de permis, de ces choses-là,
c'est toujours arbitraire. Et à la page 5 de votre mémoire, vous
parlez de l'amendement à l'article 169 pour ajouter aux sanctions
prévues la révocation du permis, lors d'une seconde infraction.
Pourquoi pas une troisième infraction? Pourquoi pas une quatrième
infraction? Est-ce que cela n'est pas un peu arbitraire?
Mme Bonenfant: Quand on décide du nombre d'infractions, il
faut toujours s'arrêter quelque part. Le principe qu'on a voulu
énoncer surtout, c'est qu'il faut vraiment que ces sanctions soient
sévères parce que - dans ce cas-ci comme dans d'autres cas; je
pense, en particulier, aux heures d'ouverture des magasins ou des trucs comme
cela - finalement, les coûts d'administration comprennent les amendes
qu'on aura à verser si on enfreint la loi quand les amendes sont
modérées comme elles le sont présentement. Ce qu'on a
voulu affirmer, c'est l'obligation de mettre des
dents. C'est-à-dire qu'on réévalue si c'est une
première, deuxième ou troisième offense, mais ce que nous
voulons affirmer, c'est que la perte du permis est de nature à
décourager les récidives, alors que les amendes peuvent
être incluses dans les coûts d'administration d'une compagnie.
Mme Bacon: Dois-je comprendre qu'on ne doit pas mettre les
offenses sur le même pied? C'est un peu votre perception, en fait, de ce
problème. On ne doit pas mettre toutes les offenses sur le même
pied, comme c'est la loi actuellement.
Mme Bonenfant: Non. C'est-à-dire qu'une première
offense peut être un impair, mais lorsque des compagnies
récidivent et exploitent sur cette base on fait fi de la loi, mais on
paie toujours nos amendes régulièrement et on recommence. Le sens
de l'intervention du conseil, c'est que les amendes, les sanctions doivent
être de nature à décourager la récidive.
Mme Powers (Elizabeth): Je voudrais ajouter une précision.
Dans le texte de loi, déjà, il est prévu que la
régie puisse suspendre ou révoquer un permis dès la
première infraction à la loi. C'est simplement une nuance qui est
ajoutée, à savoir qu'au moment de la seconde infraction on
considère que la révocation du permis devrait s'ensuivre,
même si la régie peut déjà prendre cette
décision à la première infraction.
Mme Bacon: C'est toujours difficile de qualifier la
gravité de l'offense. Si on met les offenses sur un même pied, je
pense que c'est assez difficile de le faire, à ce moment-là,
d'être assez précis en disant: Dès la deuxième
infraction. Parce que les offenses ne sont pas toujours de la même
nature.
Mme Bonenfant: Non, c'est évident. Mme Bacon:
D'accord.
Le Président (M. Paré): Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Nous nous sentons toutes très concernées
par ces questions, c'est peut-être ce qui explique pourquoi il n'y a que
des femmes députées qui sont intervenues jusqu'à
maintenant. Je ne sais pas si mes collègues voudront intervenir
également.
Mme Bonenfant, vous avez dit un peu plus tôt que vous appuyiez
sans réserve, semble-t-il, le mémoire du front commun contre la
pornographie...
Mme Bonenfant: Non.
Mme Harel: Ah? D'accord.
Mme Bonenfant: Excusez-moi, je veux spécifier tout de
suite que nous n'avons eu le temps d'examiner à fond que les
recommandations que nous avons appuyées. Nous appuyons la
démarche, mais c'est pour cette raison que nous n'avons pas voulu
endosser le mémoire complètement. Les seules recommandations qui
sont appuyées formellement par le conseil sont celles qui ont
été énumérées. Par contre, nous appuyons
leur démarche et nous nous sentons très à l'aise;
seulement, comme c'est important de venir en commission parlementaire et que
les propos que nous y tenons soient retenus par le législateur, compte
tenu du peu de temps que nous avions, nous n'avons pu endosser
complètement le mémoire. Je m'excuse de vous avoir
interrompue.
Mme Harel: Non, très bien. Mais je vous pose quand
même la question sur le contenu des amendements que vous recherchez au
projet de loi. Déjà, à l'article 77, on peut y lire que la
régie peut ne pas accréditer un film si tant est qu'il porte
atteinte ou encourage ou soutienne la violence sexuelle. Là, vous
recherchez comme amendement, vous élargissez, je pense, le cadre en
faisant référence à toute violence gratuite ou excessive.
Il s'agit, à ce moment-là, de violence physique ou de violence
morale en général et non pas spécifiquement de violence
sexuelle, si je comprends bien. Mais vous ajoutez également le terme
"exploite". Je pense que, dans le mémoire du front commun, on s'en tient
à une appellation très générale de
"présente". Il s'agirait, semble-t-il, dans ce mémoire,
d'interdire toute présentation. Là-dessus, je voudrais
connaître votre point de vue. Je ne suis pas la première à
le dire, je lisais dernièrement que des organismes internationaux, par
exemple, soulignaient qu'il y avait peut-être eu deux millions de
personnes torturées ou emprisonnées dans différents pays
depuis une décennie. Je pense à des films sur la question de
présenter... On ne fera pas référence à plusieurs
films... (17 heures)
Mme Bonenfant: Non.
Mme Harel: ...mais je pense à un film que j'ai vu cet
été au festival des films du monde, qui s'intitulait "Vent de
sable", un film algérien produit par la télévision
algérienne, un film extraordinaire, qui présentait un homme qui
effectivement battait sa femme immédiatement après un
accouchement parce que c'était sa sixième fille. Cette
présentation de la violence était dans un contexte où elle
était en fait sujet à des critiques. Les thèmes sont
très importants, parce le mieux est l'ennemi du
bien. Dans quelle mesure une vision lénifiante de la
société n'est-elle pas justement sujette à ne pas
permettre aux personnes d'être confrontées à cette violence
qui enfin assaille, contre laquelle il faut réagir?
Mme Bonenfant: Lise va répondre parce qu'elle a
travaillé beaucoup les deux mémoires.
Mme Dunnigan (Lise): Je n'ai pas la copie sous la main du
mémoire du front commun contre la pornographie, mais la citation que
j'en ai extraite dans le document que j'ai avec moi dit bien que le front
commun recommandait comme motif qu'un film exploite, encourage ou soutient
explicitement, et le reste s'ensuit, et non pas le fait que le film
"présente" un thème de violence sexuelle. Je pense que c'est
très évident. D'ailleurs, on peut trouver deux exemples
très proches de la problématique qui nous touche, soit le film
"Mourir à tue-tête", qui traitait de la question du viol, et le
film "C'est surtout pas de l'amour", qui traitait de la question de la violence
dans la pornographie, qui présentaient tous les deux des images de
violence assez explicites, mais qui, en aucune façon, ne pouvaient
soutenir ou encourager l'exercice d'une telle forme de violence dans notre
société, bien au contraire.
Mme Harel: Permettez-moi de vous demander pourquoi
renchérir en ajoutant "exploite" si déjà on interdit les
films qui "encouragent ou soutiennent".
Mme Dunnigan: Disons que c'est la formulation qui avait
été proposée par le front commun. On considérait
que, sans qu'un film prenne explicitement une position idéologique en
faveur de la violence, le fait de faire une exploitation gratuite de la
violence envers les femmes - je pense que c'est le cas d'une grande partie;
d'une partie de plus en plus grande de la pornographie dans le moment - nous
amène un peu au même résultat de renforcer...
Mme Bonenfant: Je pense que c'est un plus que d'ajouter le mot
"exploite" à "encourage", parce qu'il y a une nuance entre
l'exploitation et l'encouragement. Même si on ne l'encourage pas, on peut
exploiter ce type d'images d'une façon sensationnelle sans
nécessairement avoir cette notion d'encouragement et dire: Oui, oui, oui
bats ta femme! Il peut y avoir une exploitation de l'image sans avoir un
encouragement, nécessairement. Je pense que cela ajoute. En mettant
"exploite" plus "encourage", je pense qu'on cernait toute la
problématique de l'expression de la violence au cinéma. C'est
dans ce sens-là qu'on l'a ajouté. Enfin, je demeure
persuadée que cela couvre encore davantage.
Mme Harel: Vous sentez-vous à l'aise avec la formulation
actuelle de l'article 77?
Mme Bonenfant: Non. Il y a des mots qui me mettent mal à
l'aise, c'est "si elle est d'avis" parce qu'il n'y a pas de consultation. Il
n'y a pas de comité consultatif pour définir des critères,
pour définir sur quoi on va juger les films. On refuse toujours de nous
donner des barèmes puis des critères sur lesquels on juge, puis
là on va dire "si elle est d'avis". Cela veut dire beaucoup
d'arbitraire, et cela me laisse très mal à l'aise, "si elle est
d'avis".
Mme Powers: On pourrait dire aussi que le fait d'ajouter la
violence excessive ou la violence gratuite à l'expression "violence
sexuelle", cela correspond aussi à une problématique plus large
qui concerne les femmes en particulier qui est que le caractère sexuel
des agressions ne couvre pas l'ensemble des formes de violence qui sont plus ou
moins encouragées dans le moment dans les médias, que ce soit le
cinéma ou ailleurs. On voulait élargir la problématique
à ce concept de violence, en soulignant le fait que la violence sexuelle
en fait partie, en établissant le fait que...
Mme Bonenfant: II y a un lien entre cela.
Mme Powers: C'est cela.
Mme Harel: Mais l'arbitraire que vous appréhendez de la
part de la régie, vous voulez le confier à quel organisme?
Mme Bonenfant: C'est toujours en disant que nous réclamons
depuis toujours que les critères du bureau de surveillance, qu'il
s'appelle le bureau de surveillance ou un comité de surveillance, mais
enfin que celui-ci définisse les critères dont il se sert pour
classer les films. On a toujours revendiqué cela. J'en ai
discuté, je ne sais trop combien de fois, avec le Bureau de surveillance
du cinéma, mais il paraît que c'est impossible. Mais nous
considérons qu'aussi longtemps que ces critères ne seront pas
publiés, nous n'aurons jamais aucune base de contestation.
Mme Harel: Je reviens à votre intervention de
tantôt. Vous disiez que ce qui vous tracassait dans cette formulation,
c'était que la régie puisse, à son avis, ne pas donner le
permis. Alors, vous préconisez...
Mme Powers: C'est une expression qui rend...
Mme Harel: Permettez-moi. Vous préconisez de confier
à un comité - vous faisiez référence au Conseil
supérieur de l'éducation, par ses comités internes - vous
confieriez à un comité de la régie... C'est bien cela,
n'est-ce pas?
Mme Bonenfant: ...de définir les critères par
lesquels la régie devrait classer les films.
Mme Harel: Et de quel ordre seraient ces critères? Par
exemple, vous y avez travaillé au Conseil du statut de la femme?
Mme Powers: Pas jusqu'ici. Pas de façon précise,
non.
Mme Harel: Vous pouvez en proposer? Vous dites que, depuis bien
longtemps, c'est exact, vous en réclamez. Est-ce que vous en avez
à proposer?
Mme Bonenfant: Je ne pense pas que ce soit le rôle du
conseil d'établir lui-même les critères. Quand on
réclame qu'un organisme se donne des critères, je ne pense pas
que ce soit le rôle ou le mandat du conseil de lui définir ces
critères. Voilà un organisme qui s'occupe de cinéma, qui a
des compétences en la matière, je pense qu'on leur demande de
définir les critères. Les groupes de femmes l'ont demandé
à plusieurs reprises.
Quand on arrivera au moment de juger ces critères, le conseil
pourra se pencher et pourra les évaluer, à savoir s'ils sont
satisfaisants. Mais je ne pense pas qu'il revienne au conseil de rédiger
des critères.
Mme Harel: Donc, en conclusion, cela vous paraît plus
vraisemblable de ne pas évaluer au mérite chacun des films et de
les passer dans une grille qui vous paraît plausible?
Mme Bonenfant: II me paraît nécessaire d'avoir une
grille afin qu'on puisse juger de la qualité des jugements d'un bureau
de surveillance. Si on n'a rien sur quoi se baser, comment voulez-vous qu'on
puisse juger de la qualité du travail du bureau? Sur cela, on n'a jamais
eu de réponse. Quand on demandait au bureau de surveillance: Sur quoi
vous êtes-vous basés pour classer ce film? on n'a jamais eu de
réponse.
Mme Harel: Mais vous êtes d'avis, par ailleurs, qu'avec
cette formulation, il y a là, en fait, un principe nouveau qui vient
s'ajouter aux bonnes moeurs et à l'ordre public?
Mme Bonenfant: Oui, oui. Il est sûr que le conseil est
content. J'ai pris la peine de le dire dès le début. Nous sommes
contentes que l'article 67 ait été amendé et on
suggère d'aller encore plus loin. Puisque le législateur semble
ouvert à écouter nos préoccupations et à s'assurer
que les droits des femmes sont protégés, on lui demande d'aller
encore plus loin.
Le Président (M. Paré): M. le ministre.
M. Richard: Oui, si vous me le permettez, M. le Président.
Je partage les objectifs du Conseil du statut de la femme, mais je pense qu'on
reconnaîtra qu'il n'est pas tout à fait facile d'établir
les critères. On l'a évoqué tout à l'heure
justement quant à la question du film récent "Ce n'est surtout
pas de l'amour", "Not a Love Story". Je voudrais rappeler que ce film qui veut
combattre la pornographie a été censuré en Ontario. J'ai
un collègue, ministre du gouvernement ontarien, qui a dû venir le
voir à Montréal. Il était heureux de savoir que nos
critères étaient plus larges que ceux de l'Ontario en la
matière.
Mme Bonenfant: Je voudrais bien savoir sur quel critère le
Québec s'est basé pour accepter ce film.
M. Richard: Mme Bonenfant, j'aimerais bien que vous m'aidiez dans
l'élaboration de critères. Je pense que vous reconnaîtrez
que cela n'est pas très facile.
Mme Bonenfant: Ce n'est pas facile, je le reconnais. Je ne sais
pas si on s'y est vraiment attardé et si on y a vraiment
travaillé. Je pense qu'on devrait essayer de déployer un peu,
puisqu'il y a tant de gens qui vous demandent ces critères... Il y a
tout un regroupement qui s'est fait. La lutte contre la pornographie, contre la
violence faite aux femmes dans la pornographie prend de l'ampleur. Le conseil
est très fier. J'en profite, puisque c'est une commission parlementaire
publique, pour appuyer la démarche des femmes à propos de cette
loi et à propos d'autres dossiers. Je pense que jamais ce dossier n'a
été aussi bien porté par les femmes. C'est le devoir du
législateur d'écouter les groupes lorsqu'ils s'expriment aussi
clairement.
Ce qui est intéressant dans la démarche des femmes - je
voudrais le dire publiquement - c'est que si les femmes s'opposent à la
pornographie, si les femmes s'opposent aux programmes qu'on va présenter
à la télévision payante, ce n'est plus au nom d'une morale
étroite - ce qui fait tellement peur à plusieurs personnes, c'est
ce fameux mot "censure" - ce n'est plus au nom de la censure que les femmes
s'opposent, mais c'est au nom de leur dignité et du respect qu'elles ont
d'elles-mêmes. Elles refusent d'être utilisées comme un
produit marchand. Je pense que le législateur
doit être plus attentif que jamais aux motifs qui font que les
femmes s'élèvent contre la pornographie.
M. Richard: Je vous remercie encore une fois, Mme Bonenfant.
Le Président (M. Paré): Je m'excuse, M. le
ministre. J'ai d'autres intervenants sur la liste. Mme la députée
de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Ce sera très court parce que je pense que
toute la question -même si elle n'a pas été résolue
- de la violence sexuelle ou pas demeure un problème difficile. Je me
reporte à votre remarque en page 5 où vous soulignez que la
modification de l'article 73 semble réduire le mandat de surveillance
uniquement aux films présentés en public. Je voudrais comprendre
la portée que vous donnez à votre remarque selon laquelle cela ne
toucherait pas ce qui sera transmis par la télévision payante.
Est-ce que c'est cela? Qu'est ce que vous suggérez? Est-ce que vous
suggérez qu'il y ait ce genre d'interdiction à la
télévision payante? On tombe dans le débat de First
Choice. Si je ne m'abuse, je pense que le ministre des Communications s'est
prononcé là-dessus en disant qu'en ce qui touchait la
présentation dans les foyers privés de films pornographiques, il
ne voulait pas intervenir. Je pense que votre point de vue est à
l'opposé.
Mme Powers: Ce qu'on a constaté, c'est qu'il existait dans
le moment un règlement qui permettait à la Régie des
services publics d'intervenir, c'est-à-dire de voir à ce que les
films présentés à la télévision payante
soient visés par le Bureau de surveillance du cinéma. Quant
à la formulation de l'article 73, on est encore en
référence avec l'argumentation qui est développée
dans le mémoire du front commun. Vous pourrez peut-être vous y
référer. Ce n'est pas une argumentation qui a été
développée au conseil même. C'est une proposition du front
commun à laquelle on adhère parce qu'on considère que si
on restreint le mandat de l'organisme de surveillance de façon à
compromettre le droit de regard sur ce qui se passe à la
télévision payante, on se coupe d'une partie
prépondérante de la diffusion du film au Québec. C'est
pourquoi on a repris cette recommandation du front commun.
Maintenant, on n'a pas tout le dossier d'analyse juridique que le front
commun a développé pour arriver à cette proposition.
Peut-être que vous pourrez avoir plus d'éclaircissements en vous
adressant directement aux représentants du front commun. (17 h 15)
Mme Lavoie-Roux: Mais, vous l'avez endossé quand
même.
Mme Powers: Oui, dans le sens où on se voit devant le fait
que la télévision payante et beaucoup d'autres moyens
technologiques de diffusion du film sont en train de prendre la première
place au Québec, en Amérique du Nord. On croit que l'article 34
du règlement concernant les entreprises de télévision est
un article qui assure un droit de regard intéressant qui ne devrait pas
être compromis par la formulation du projet de loi. Je ne sais pas s'il y
a déjà eu des analyses de faites et si cela relève du
même ministère... pas du même ministère, je veux
dire. Je ne sais pas s'il y a eu des échanges entre les
ministères là-dessus. Si l'analyse qui a été faite
par le front commun est exacte, on pense qu'on doit appuyer cette
recommandation.
Mme Lavoie-Roux: Alors, dans le fond, ce que vous dites c'est
que, en ce qui a trait aux représentations dans les foyers
privés, l'État devrait intervenir.
Mme Powers: C'est actuellement contenu dans une disposition du
ministère des Communications.
Mme Lavoie-Roux: Oui, mais il n'avait pas eu à l'appliquer
ou s'il avait à l'appliquer, il ne l'avait pas fait. Un des deux, parce
qu'on a parlé de films à Sherbrooke ou ailleurs et je ne vois pas
dans quelle mesure il a...
M. Bertrand: ...canaux 9 et 13, qui diffusent déjà,
à certaines heures, le vendredi ou le samedi soir - enfin je n'en sais
rien - je ne peux pas l'écarter.
Mme Lavoie-Roux: Vous ne les regardez pas.
M. Marx: Cela ne le regarde pas.
M. Bertrand: Mais, un des problèmes...
Mme Lavoie-Roux: ...oui.
M. Bertrand: ...si Mme la députée de L'Acadie me le
permet, c'est qu'effectivement il y a un problème
d'interprétation de l'article 73 et de l'article 34 du règlement
sur la télévision payante. Comme on le sait, la
télévision payante est un service introduit par le câble.
Donc les gens doivent faire une démarche personnelle pour s'abonner
à un, deux, trois ou quatre canaux. Et quand on lit l'article 73 tel
qu'il est libellé "Nul ne peut présenter un film en public si un
visa attestant de son classement n'a pas été apposé sur la
copie de ce film conformément à la présente loi", il y a
un problème d'interprétation au niveau de la
portée de l'article 34 du règlement, si on se
réfère au projet de loi sur le cinéma qui parle bien de
films en public et non pas de films en privé. Évidemment, chez
ceux qui parlent de la télévision payante, on associe le service
de télévision payante à un type de service de
télévision en circuit fermé dans la mesure où
l'abonné est libre de s'abonner ou pas à ces canaux de
télévision payante. Il y a un problème à ce
niveau-là. D'ailleurs, le Conseil du statut de la femme m'a
envoyé des représentations là-dessus pour voir ce qu'il y
avait lieu de faire. Je dois ajouter à cela, évidemment, que je
réitère la position que j'ai prise à cette occasion, avant
de recevoir des représentations du Conseil du statut de la femme.
Vous aurez remarqué qu'au moment où l'entente a
été conclue entre la compagnie First Choice/Premier Choix et
Playboy, aux États-Unis, il y a eu tout un débat tenu à
deux niveaux. Le premier tournait autour de la question de l'érotisme,
de la pornographie dure ou douce, et le deuxième tournait autour du
problème du contenu canadien. J'ai dit, quant à moi, que sur le
dossier de l'érotisme et de la pornographie, comme de toute façon
on était loin de savoir exactement quel était le matériel
qui allait vraiment être diffusé, je considérais, comme
ministre des Communications, et en cela me ralliant aux opinions émises
par plusieurs personnes au sein de la société
québécoise... Je ne pense pas qu'il y ait de consensus qui se
soit vraiment dégagé autour de ces notions d'érotisme.
Là-dessus, j'aurais des opinions toutes personnelles que je pourrais
émettre autour de la pornographie. C'est une autre question, par
ailleurs, où là, effectivement, plusieurs représentations
ont été faites.
J'ai vu la position qui a été prise par le ministre
fédéral des Communications, M. Fox, dès que l'entente a
été conclue. Il indiquait, par le fait même, qu'il avait
invité le CRTC à intervenir dans le dossier, à
défaut de quoi le gouvernement fédéral le ferait. Or, le
CRTC est intervenu avec les résultats qu'on connaît. Finalement,
il disait n'avoir aucune possibilité d'empêcher que cette entente
se réalise entre First Choice et Playboy et, donc, d'empêcher la
diffusion de ces émissions. Deuxièmement, M. Fox, ayant appris
cela, ne voyait pas non plus comment le gouvernement fédéral
pourrait intervenir sur ce type de programmation.
J'ai indiqué qu'il m'apparaissait que si l'on devait faire
quelque chose, c'était par l'entremise du Code criminel,
c'est-à-dire qu'on devait s'assurer que, si des plaintes devaient
être formulées relativement à des types de programmation
qui seraient diffusées par quelque moyen que ce soit, les plaintes
devaient être portées en vertu du Code criminel. Il existe des
lois à cet effet. Au-delà de cela, effectivement, j'ai
adopté une attitude marquée au coin - je ne sais pas comment on
pourrait l'appeler...
Mme Lavoie-Roux: ...de la prudence.
M. Bertrand: ...d'une certaine prudence et d'une certaine
sagesse, dans un contexte où il m'apparaît que le consensus est
loin d'être fait.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je pense qu'on ne peut
pas poursuivre ce débat, puisque Mme Bonenfant doit quitter de toute
façon, mais les questions posées par la députée de
Maisonneuve, les remarques du ministre des Communications, le besoin que
ressent le Conseil du statut de la femme que des critères un peu plus
précis soient établis, tout cela pose le problème dans
toute sa perspective, dans toute sa dimension, dans le sens qu'on marchera sur
des oeufs dans bien des occasions.
Je souscris au désir du Conseil du statut de la femme de dire
qu'il faut restreindre, qu'il faut limiter, qu'il faut imposer des balises,
mais, du point de vue du débat public, je pense que la question est loin
d'être vidée. Elle est même à peine amorcée,
sauf qu'il y a peut-être un élément de sensibilisation au
moins à ce que les gens réfléchissent sur le
problème, mais c'est loin d'être aussi clair qu'un projet de loi
peut sembler vouloir l'être en inscrivant, en quatre ou cinq mots, les
restrictions qu'on veut apporter.
Mme Bonenfant: Je me permets d'ajouter aux propos de Mme
Lavoie-Roux un exemple, à savoir que nous avons fait de la
sensibilisation quant à la publicité sexiste. Je pense que c'est
un dossier qui a percé, dont on parle beaucoup, et par lequel on a
sensibilisé les gens. Maintenant, les gens sont beaucoup plus sensibles
à l'image de la femme dans la publicité. Je pense que c'est un
dossier par lequel il faut continuer aussi de faire de la sensibilisation.
Je me permets, en terminant, de vous souligner à nouveau la page
3 - je pense qu'on n'en a pas assez parlé - c'est le droit de recours de
la population à l'égard des décisions.
Le Président (M. Paré): Si vous nous accordez
encore quelques minutes, Mme Bonenfant...
Mme Bonenfant: Oui.
Le Président (M. Paré): ...et les deux autres
dames, deux autres intervenants auraient des questions à vous poser. La
parole est maintenant au député de Beauharnois.
M. Lavigne: M. le Président, je m'en
serais voulu de ne pas prendre la parole sur une question qui m'est
chère parce que je me considère comme un homme de paix et
d'amour. Toute action, qu'elle soit prise par un groupe ou par un autre, qui
veut contrecarrer la violence sous toutes ses formes, que ce soit la violence
dans la pornographie, que ce soit la violence faite aux femmes, comme on le dit
souvent, que ce soit la violence faite aux hommes ou même aux animaux, la
violence, pour moi, au départ, doit être combattue par tous les
gens de la terre, au fond. C'est peut-être un bien grand voeu;
malheureusement, on voit, particulièrement aux temps modernes que nous
vivons, de la violence tous les jours. On en voit dans les revues, on en voit
chez le dépanneur du coin, on en voit à la
télévision quand on nous montre les combats entre les hommes, on
en voit au cinéma.
Tout ce que j'espère, c'est que les batailles que nous aurons
à livrer contre la violence, ce sera pour au moins protéger les
enfants qui ne peuvent pas encore décider d'eux-mêmes où
commence et où se termine la violence. Quand on est adulte, on peut se
faire, pour le moins, sa propre censure. Je me censure des choses que je n'aime
pas voir parce qu'il y a des choses qu'il me déplaît de voir.
Donc, je me fais critique et je fais ma propre censure. Malheureusement, tous
les gens ne sont pas encore - bien sûr, quand on parle surtout de la
jeunesse -formés sur le plan du jugement et, nécessairement, ne
peuvent pas faire cette espèce de censure. J'espère que le monde
des adultes pourra, pour le moins, si lui ne veut pas se protéger de
cette violence, protéger nos enfants contre cette violence en attendant
qu'ils puissent, individuellement, faire cette autocensure. C'étaient
les quelques paroles que je voulais dire sur ce débat parce que, pour
terminer, je le répète, je suis d'abord et avant tout un homme
d'amour et de paix.
Mme Bonenfant: Merci, monsieur.
Le Président (M. Paré): La parole est maintenant au
député de Notre-Dame de Grâce.
M. Scowen: Merci, M. le Président. Mme Bonenfant, je veux
très brièvement poursuivre les questions du député
de Maisonneuve concernant la violence.
Si je vous comprends, de même que le ministre, vous êtes
d'avis que notre système de classement et de censure des films n'est pas
adéquat, dans le sens qu'aujourd'hui il y a certains films qui sont
distribués au Québec avec la permission du Bureau de surveillance
et qui ne devraient pas l'être. Est-ce que c'est vrai? Est-ce que notre
système actuel ne fonctionne pas d'une façon adéquate dans
le sens qu'on est trop libéral, si vous voulez, trop large dans ce
domaine?
Mme Bonenfant: C'est-à-dire que le système actuel
ne nous permet pas d'être sûr que les films qui dévalorisent
les femmes, qui violentent les femmes, enfin qui les traitent en
dépendantes, en objets, ne passeront pas. C'est-à-dire qu'il n'y
ait pas de critères, qu'on ne sache pas sur quoi on se base fait qu'on
est livré à l'arbitraire de quelques personnes qui peuvent avoir
la prétention de connaître le consensus d'une population.
Ce consensus dont on m'a souvent parlé, je n'ai jamais entendu
dire qu'on avait consulté les femmes pour savoir si elles étaient
d'accord. C'est peut-être le consensus des consommateurs de pornographie
mais ce n'est pas le consensus de la population parce que, à mon avis,
les femmes n'ont jamais été consultées. C'est pour cela
que nous insistons sur un mécanisme qui pourrait donner un droit de
recours à la population. Seuls les producteurs, seuls les
propriétaires de salles ont des recours contre le jugement du Bureau de
surveillance. Pourquoi, nous, les femmes, qui sommes l'objet de ces films,
n'aurions-nous pas le droit de contester une classification?
M. Scowen: Je comprends l'argument mais je voulais vous demander:
Est-ce que vous pensez - en effet, je pense que vous m'avez donné la
réponse - aujourd'hui qu'il y a des films qui sont
présentés dans les cinémas du Québec et qui ne
devraient pas l'être?
Mme Bonenfant: Je vous fais remarquer que je ne suis pas une
cliente assidue des salles mais il me semble que je n'ai pas de garanties que
ces films... Regardons simplement la publicité des films soi-disant
érotiques, qui est de la largeur des pages de journaux, simplement dans
les titres; je respecte trop cette assemblée pour les
énumérer et on a raison de penser que les portes par lesquelles
on peut être permissif dans le classement des films sont largement
ouvertes.
M. Scowen: Je pose la question simplement parce que... Avant
qu'on commence ici à se pencher sur un problème, on veut
s'assurer au moins qu'il existe. Je pense que vous avez bien exprimé
l'opinion de votre organisation qu'aujourd'hui, quant à vous, il existe
un problème dans ce domaine. Si c'est le cas, je reviens à cette
question de critères. Vous avez dit que ce n'était pas votre
responsabilité d'élaborer les critères; je vous comprends
mais, dans un autre sens, je ne vous comprends pas parce que... C'est vrai que
c'est le cinéma et vous avez dit, effectivement, que ce sont les gens du
cinéma qui doivent établir les critères. Mais
ce n'est pas seulement le cinéma, c'est la violence sexuelle.
Quant à moi, si c'est possible, ce serait certainement une contribution
importante; quant à la définition de la violence sexuelle
excessive, si c'est possible de l'écrire dans le sens des
critères, ce serait une initiative importante qui pourrait venir de vous
autres.
Mme Bonenfant: Bon...
M. Scowen: Je pose la question parce que j'ai l'impression que la
raison pour laquelle les personnes qui sont chargées de cette
responsabilité ne l'ont pas fait, c'est parce qu'elles trouvaient que
c'était trop compliqué, trop difficile. Il faut prendre chaque
geste, chaque moment dans le contexte du film et dans le contexte de l'objectif
du créateur parce que c'est finalement une oeuvre d'art, d'une
façon ou de l'autre. (17 h 30)
Je conviens que vous ne pouvez pas être d'accord, mais vous
êtes dans le domaine de l'expression artistique où, finalement,
les opinions de l'un et les opinions de l'autre sont, à court terme du
moins, également valables et vous ne parlez pas d'une question d'art
précise, vous parlez de la violence sexuelle. Par hasard, j'ai vu un
film cet été qui était un court métrage fait par un
organisme du gouvernement du Québec. C'était avant un film au
cinéma Dauphin, je crois, dont je ne me rappelle pas le nom, mais
c'était le film le plus violent sur le plan de la violence sexuelle que
je n'aie jamais vu de ma vie. C'était stupéfiant. C'était
l'histoire d'un bonhomme de l'est de la ville de Montréal. De toute
façon, ce film était vraiment incroyable. C'était
uniquement au sujet de la violence sexuelle. J'ai quitté la salle
littéralement stupéfié, mais je n'étais pas capable
moi-même de dire si on aurait dû présenter ce film ou pas.
Si vous me demandiez d'établir des critères écrits au
sujet de films de ce genre à savoir s'ils doivent être
présentés ou pas... C'est un sujet de grande importance et vous
avez certainement une opinion très ferme que des critères doivent
être établis. Votre organisme semble avoir une idée assez
précise de quoi il s'agit. Je pense que ce serait très utile pour
tout le monde si vous acceptiez l'invitation du ministre au moins de faire un
essai pour nous tous.
Mme Bonenfant: Je suis d'accord avec vous. La première
chose qu'on exige est qu'on accepte le principe que cet organisme devra
définir des critères. Le jour où ce principe sera
accepté, on a aussi proposé que dès le début de cet
organisme, il devrait y avoir des consultations. À ce moment-là,
je pense que le Conseil du statut de la femme - pas plus que les groupes de
femmes - ne se refusera pas à travailler pour essayer de définir
ces critères. C'est sûr que c'est toujours très difficile
à cerner, des critères, surtout dans un art aussi mouvant, aussi
complexe que le cinéma. Mais je pense qu'un exemple qu'on peut donner
des critères... D'abord, le conseil s'en est donné pour
évaluer la publicité sexiste. Quand on a voulu faire des grilles
d'analyse pour la publicité sexiste, on s'en est trouvé, on les a
publiés. Mais ce que je veux dire, c'est que des critères, par
exemple, pour juger de la valeur d'un film pour le subventionner, c'est aussi
difficile à trouver. Or on les a trouvés pour cela. Alors,
pourquoi on ne les trouverait pas pour savoir ce qui est acceptable au niveau
de la violence dans les images qu'on présente au cinéma? Quand on
a une volonté politique, ensuite il faut y joindre l'imagination. Ce
qu'on demande au gouvernement, c'est d'avoir la volonté politique
d'établir des critères pour que les gens puissent savoir sur quoi
on se base pour classer un film lorsqu'on lui donne une cote à un Bureau
de surveillance du cinéma.
M. Scowen: Puis-je vous poser une dernière question? Le
ministre propose d'ajouter à l'article 77 ce critère,
effectivement, même si ce sont seulement quelques mots, qui touche la
question de la violence. Je pense que tout le monde est d'accord avec vous pour
l'élargir à la violence en général. C'est une
première dans un sens parce qu'on donne une directive pour un malaise
social, et il en existe d'autres. On s'engage pour la première fois sur
une pente, sur une voie qui peut avoir des conséquences, parce qu'il y a
d'autres personnes qui vont certainement proposer que les choses qu'elles
trouvent les plus aberrantes soient aussi visées dans un tel article. Je
peux imaginer, à titre d'exemple, qu'il y a des gens qui trouvent que le
racisme est quelque chose qu'on ne doit absolument pas encourager dans un film
et qu'on doit expliciter dans cet article 77 que les films ne doivent soutenir
ni la violence sexuelle, ni le racisme. On peut aller encore plus loin, parce
que d'autres personnes peuvent penser aux autres problèmes, par exemple,
les tendances sociales qui sont complètement aberrantes, et vouloir
qu'on les précise dans un tel article. La question que je vous pose est
la suivante: Est-ce que vous pensez que la violence en général
est un vice à part de tous les autres vices avec lesquels on vit dans
notre société, ce qui donne à ce vice, si vous voulez, un
statut particulier pour un tel article? Ou est-ce qu'on doit
sérieusement penser à d'autres vices humains qui doivent
être visés dans un tel article?
Mme Bonenfant: Je pense que la violence est la base
d'intervention qui
permet toutes les expressions dont vous avez parlé tout à
l'heure et je pense qu'il y a déjà le Code criminel qui couvre
toutes ces expressions par l'expression "littérature haineuse",
"expression de haine". Je pense que la lutte contre le racisme a gagné
ses lettres de noblesse depuis longtemps. Je pense que quand le sexisme sera
aussi reconnu et aussi combattu que le racisme, on pourra les englober dans des
concepts un peu plus globaux. Mais notre lutte est spécifique et elle
n'est pas encore reconnue, parce qu'il se trouve encore de nombreuses personnes
pour penser que ce que nous réclamons n'a pas de raison
d'être.
M. Scowen: Effectivement, la lutte contre le racisme est
gagnée, mais la lutte contre les problèmes des femmes ne l'est
pas. Merci beaucoup.
Le Président (M. Paré): La parole est maintenant au
député de Vachon.
M. Payne: Très brièvement, M. le Président,
le député de Notre-Dame-de-Grâce faisait allusion tout
à l'heure au fait qu'il avait vu un film qui, manifestement,
dépassait les moeurs acceptables. Il s'agissait de la violence sexuelle.
Si je me souviens bien de son intervention, il s'agissait d'une production du
gouvernement du Québec.
M. Scowen: Non, je m'excuse, vous me permettez?
Le Président (M. Paré): M. le député,
oui.
M. Scowen: Si je me souviens bien, à la fin du film, les
titres indiquaient que c'était soit subventionné, soit produit
par un organisme qui découle de l'Institut québécois du
cinéma. C'est cela que j'ai dit. Je pense que le nom de cet organisme
apparaissait à la fin du film.
M. Payne: Pour continuer, M. le Président, je pense que
c'est absolument important et capital que le député de
Notre-Dame-de-Grâce apporte devant cette commission les détails
exacts. Il s'agit d'une affirmation gratuite, d'une affirmation très
importante et sérieuse. Je pense qu'il serait dans
l'intérêt de la commission... À ce moment-là, je
propose et demande, avec le consentement de la commission, que le
député dépose le nom du film, quand cela a-t-il
été préparé et, peut-être, avant 20 heures ce
soir...
M. Marx: Ce n'était pas tourné à
l'Assemblée nationale.
Le Président (M. Paré): Je demanderais seulement
d'accélérer, j'avais un autre intervenant avant...
M. Payne: J'aimerais savoir si ma demande est acceptée par
le député de Notre-Dame-de-Grâce.
Le Président (M. Paré): Le député de
Notre-Dame-de-Grâce cherche présentement le titre et nous allons
l'avoir. J'avais le député de D'Arcy McGee qui m'avait aussi
demandé la parole.
M. Dussault: Sur la même question, j'en fais une question
de règlement...
Le Président (M. Paré): Un instant. Est-ce que, M.
le député de D'Arcy McGee, c'est sur la même question?
M. Marx: Non, je cède ma place à monsieur...
M. Scowen: Le nom du film, si vous me permettez, M. le
Président...
Le Président (M. Paré): Oui, M. le
député.
M. Scowen: ...parce qu'il y a plusieurs personnes, ici, dans le
salon rouge, qui le connaissent, cela s'appelle "Piwi".
M. Payne: Donc, ce n'était pas, effectivement,
fabriqué par le gouvernement du Québec. Qu'est-ce que c'est,
votre accusation, votre suggestion?
M. Scowen: M. le Président, je pense que je dois
être très précis ici, je n'ai jamais prétendu...
M. Payne: On cherche les correctifs.
M. Scowen: ...que le film avait été tourné
par le gouvernement du Québec. J'ai dit que c'était un film qui
traitait certainement de la question de la violence sexuelle, que
c'était une firme qui était en partie subventionnée par le
gouvernement du Québec parce que le nom d'un des organismes du
gouvernement du Québec apparaissait sur les titres, et que je
n'étais par certain à la fin si c'était quelque chose qui
devait être présenté ou non; j'étais dans
l'indécision moi-même.
M. Payne: Mon point est très clair, je pense que c'est
dans l'intérêt du public de savoir quel organisme du gouvernement
du Québec a subventionné une telle firme.
Le Président (M. Paré): Un instant, s'il vous
plaît, s'il vous plaît.
M. Richard: M. le Président, si c'est le film "Piwi", s'il
s'agit bien de celui-là, c'est
un film de Jean-Claude Lauzon qui a été
subventionné par l'Institut québécois du cinéma. Ce
n'est pas le gouvernement du Québec quand même.
Le Président (M. Paré): Les choses étant
tirées au clair, je crois que s'il n'y a pas d'autre question à
poser directement à l'organisme et directement reliée à
une autre question... Est-ce que, vous aussi, c'est une question pour Mme
Bonenfant? La parole est au député de D'Arcy McGee.
M. Marx: Oui.
M. Richard: Je voudrais ajouter que le film "Piwi" a
été également subventionné par
Radio-Québec.
M. Marx: Parfait.
Le Président (M. Paré): La parole est maintenant au
député de D'Arcy McGee.
Mme Lavoie-Roux: Cela indique que c'est fort subjectif. C'est la
démonstration que le député de Notre-Dame-de-Grâce
essayait de faire.
M. Richard: Voilà.
Le Président (M. Paré): S'il vous plaît;
à l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous
plaît. Je crois que les choses ont été tirées au
clair, on pourrait continuer cette discussion à l'heure du souper, si
vous le permettez. À l'ordre, s'il vous plaît!
Mme Lavoie-Roux: ...mais lui, il ne comprend pas.
M. Richard: M. le Président, je voudrais ajouter un
détail intéressant, je pense que cela va faire sourire le
député de Notre-Dame-de-Grâce. Seulement un détail.
C'est un film qui a gagné un prix, si ma mémoire est
fidèle, celui du court métrage au Festival international du film
de Montréal.
Le Président (M. Paré): S'il vous plaît, on
revient maintenant au Conseil du statut de la femme...
M. Scowen: Je demande...
Le Président (M. Paré): Un instant, non. Un
instant. Je vous demanderais, s'il vous plaît, un peu d'ordre. Un peu
d'ordre, s'il vous plaît! Étant donné qu'on retient ici un
groupe qui était pressé au départ, je vous demanderais un
peu de sérieux. Le sujet étant maintenant clos, la parole est au
député de D'Arcy McGee.
M. Marx: Je suis heureux qu'on ait rassuré le
député de Vachon et qu'on ait donné une réponse
à sa question tellement importante.
Sur l'obscénité, définir l'obscénité,
la pornographie, je me demande si c'est vraiment possible. On a
déjà demandé à un juge américain: Comment
allez-vous définir l'obscénité? Sa réponse
était: I know it when I see it. Je le sais quand je le vois.
C'est-à-dire que définir l'obscénité, la
pornographie, c'est très difficile.
J'aimerais passer à une autre chose. Si on lit l'article 77, on
voit que la régie, dans les 15 jours suivant la date où la
demande a été présentée et si elle est d'avis que
le contenu du film ne porte pas atteinte à l'ordre public ou aux bonnes
moeurs, notamment en ce qui concerne la violence sexuelle...
Donc, la régie aura le pouvoir de censurer les films qui portent
atteinte à l'ordre public et aux bonnes moeurs, c'est-à-dire que,
si cet article est adopté tel quel, on donne une très grande
juridiction à cette régie. On sait, au Québec, qu'on voit
des films qui ne sont pas censurés. Ils le sont peut-être dans
d'autres provinces. Par exemple, le film "Dernier tango à Paris" a
été censuré en Nouvelle-Écosse, mais pas au
Québec. Je me demande si les critères, à l'article 77, ne
sont pas trop larges. Parce que cela permet à la régie de
censurer les films qui portent atteinte à l'ordre public et aux bonnes
moeurs, notamment en ce qui concerne la violence sexuelle. Mais c'est le mot
"notamment". Ce sont des exemples. La compétence de la régie
porterait sur les films qui portent atteinte à l'ordre public et aux
bonnes moeurs. Je pense qu'il serait peut-être nécessaire de
restreindre les critères que l'on retrouve dans cet article. Ils sont
assez larges. (17 h 45)
Ma question à Mme Bonenfant est la suivante: Le ministre des
Communications a déjà parlé d'obscénité, qui
est définie dans le Code criminel et qui vise aussi une certaine
violence sexuelle. Je pense que le Code criminel interdit une certaine violence
sexuelle. Au Québec, est-ce qu'il y a eu des poursuites criminelles en
ce qui concerne certains films? C'est-à-dire, est-ce que le
gouvernement, le Procureur général du Québec ou certains
corps policiers dans certaines villes ont déjà pris des actions
criminelles contre la distribution ou le visionnement de certains films parce
qu'ils étaient obscènes en vertu du Code criminel?
Mme Powers: Je vais répondre à votre
première question. D'abord le membre de phrase "que le contenu du film
ne porte pas atteinte à l'ordre public ou aux bonnes moeurs" n'a pas
été proposé par le Conseil du statut de la femme. C'est
dans le texte de la loi. Si je ne m'abuse, c'est la reprise de la formulation
de la loi actuelle sur le
Bureau de surveillance du cinéma, c'est l'expression
utilisée pour décrire le motif de rejet d'un film par le bureau
de surveillance. Il est exact que c'est une expression très large et
très nébuleuse. Je pense que la formulation concernant la
violence sexuelle est plus claire et correspond de façon plus
concrète à un problème auquel on est
sensibilisé.
Quant à la deuxième question, les seules poursuites
actuellement qui peuvent être entreprises concernant des films se font
toutes à partir du Code criminel canadien et de la définition de
l'obscénité qui en est donnée. Elle est aussi très
nébuleuse. La décision même d'entreprendre des
procès a été beaucoup plus souvent
déterminée par les chances de succès de remporter le
procès, en se basant sur la jurisprudence.
M. Marx: Est-ce que le Conseil du statut de la femme n'a jamais
porté à l'attention du ministre de la Justice le fait qu'un film
est visionné dans telle ou telle salle au Québec et qu'il doit
peut-être voir s'il y a une poursuite à intenter en vertu du Code
criminel?
Mme Powers: Jusqu'à maintenant, on ne s'est jamais
arrêté sur le cas particulier d'un film. On considère, de
toute façon, que c'est un recours assez lourd et complexe et, pour le
cas par cas, il aurait fallu avoir un cas type clair.
Mme Bonenfant: Le principal travail du Conseil du statut de la
femme dans ce dossier en est un de sensibilisation auprès des femmes
parce que le mandat du conseil est, bien sûr, de conseiller le
gouvernement, mais aussi d'informer les femmes. À notre avis, les
dossiers n'auront la chance d'être étudiés par le
gouvernement que lorsqu'ils seront portés par les femmes
elles-mêmes. L'action du conseil dans le domaine de la pornographie a
été de sensibiliser les femmes, même à l'existence
de la pornographie, parce que la plupart des femmes n'ont pas vu de
pornographie. Elles en subissent les effets, mais elles n'ont pas vu de
pornographie.
Le Président (M. Paré): II n'y a plus de questions.
Je vous remercie, Mme Bonenfant, ainsi que vos collaboratrices de votre
patience et d'y avoir consacré tout le temps nécessaire,
malgré votre horaire chargé. On vous remercie beaucoup.
Mme Bonenfant: Ce n'est pas l'horaire chargé comme la
distance entre Québec et Trois-Rivières.
Le Président (M. Paré): On va vous souhaiter un bon
voyage à Trois-Rivières. On s'excuse auprès des autres
groupes, dont le
Regroupement des intervenants de l'industrie du cinéma de l'Est
du Québec qui est le groupe suivant. Etant donné l'heure tardive
et que selon nos règlements on doit terminer à 18 heures, on
n'aurait pas le temps d'entendre l'autre intervenant, alors la commission
suspend ses travaux jusqu'à 20 heures. On entendra les intervenants dans
l'ordre énuméré au début.
(Suspension de la séance à 17 h 50)
(Reprise de la séance à 20 h 17)
Le Président (M. Paré): À l'ordre, mesdames
et messieurs, s'il vous plaît!
La commission élue permanente des affaires culturelles reprend
ses travaux pour entendre les personnes et les organismes en regard du projet
de loi 109, Loi sur le cinéma et la vidéo. Nous étions
rendus, lors de la suspension des travaux, au troisième intervenant. Il
s'agit du Regroupement des intervenants de l'industrie du cinéma de
l'Est du Québec.
Bonsoir messieurs...
Une voix: Bonsoir.
Le Président (M. Paré): ...qui êtes
déjà rendus à la table en avant. J'inviterais le
représentant à se nommer et à nous faire connaître
la personne qui l'accompagne, s'il vous plaît.
RIICEQ
M. Filion (Jean-Claude): Jean-Claude Filion du RIICEQ. Je ferais
une rectification, M. le Président. Ce n'est pas Mme Denise
Lévesque qui m'accompagne mais plutôt M. Denis
Lévesque.
Le Président (M. Paré): Ah bon! C'est très
bien.
M. Filion: Avant de discuter du projet de loi no 109, nous
croyons qu'il serait pertinent de vous définir ce qu'est le RIICEQ, ses
origines et ce vers quoi il tend. Le Regroupement des intervenants de
l'industrie du cinéma de l'Est du Québec a vu le jour
après plusieurs mois de réflexion, de consultation et de
démarches de toutes sortes. Le RIICEQ est issu d'une prise de conscience
de la situation difficile que vivent les artisans et les promoteurs de
l'industrie cinématographique dans l'est du Québec. Ces derniers
ont donc scruté les options et les choix qui s'offraient à eux
afin de pallier cette carence de conditions minimales nécessaires
à une production de qualité.
La première solution adoptée fut de regrouper les
travailleurs professionnels en cinéma ainsi que des professionnels
de
secteurs aussi diversifiés que ceux des domaines juridique et
administratif au sein de la première association sérieuse
vouée à la revendication et à la promotion des
intérêts cinématographiques de l'Est du Québec.
On se rappellera que depuis plus de deux ans, la corporation LOUPIFILM
Inc., ayant son champ d'activité dans la région de
Rivière-du-Loup, avait entrepris des démarches visant à
l'obtention de fonds (subventions et investissements) afin de réaliser
des productions cinématographiques. Ces démarches
confirmèrent l'inaptitude des programmes existants à stimuler les
besoins de la production cinématographique dans la région.
Devant cet état de fait, LOUPIFILM accentua ses efforts et
orienta son action et ce, afin de renvendiquer des conditions minimales pour la
production, ces conditions étant d'ordre financier et technique. Ces
revendications prirent la forme de mémoires présentés
à l'occasion de diverses consultations: l'une étant la commission
d'étude du cinéma et de l'audiovisuel, et l'autre, lors de la
tournée du ministre Clément Richard ayant pour thème:
"L'enjeu culturel au Québec".
Dans la même lancée, LOUPIFILM multiplia les rencontres
avec des représentants de l'industrie québécoise du
cinéma... l'Institut québécois du cinéma, pardon,
avec M. Clément Richard, ministre des Affaires culturelles ainsi qu'avec
des représentants de ce même ministère.
Toutes ces démarches et interventions ont permis aux
représentants de LOUPIFILM de réaliser qu'il était
nécessaire, pour obtenir un véritable développement
cinématograpique régional, de se doter d'un outil
représentatif du territoire de l'Est du Québec en matière
de stratégie de développement. Dans cette optique, le RIICEQ
présentera dans les prochains mois au gouvernement du Québec et
au gouvernement canadien un plan conjoint de développement pour la
production cinématographique régionale. Cette expérience
pilote proposera une intervention originale et planifiée permettant de
contrer les préjugés existants dans certains milieux et
organismes gouvernementaux accrédités au domaine du
cinéma, préjugés voulant que la production
cinématographique et régionale de qualité soit
pratiquement impossible vu la non-rentabilité et la marginalité
de ce type d'action.
Peut-on vraiment tenir de tels propos lorsqu'on sait que jamais on n'a
essayé d'implanter un véritable développement
réfléchi et planifié avec des artisans et promoteurs de la
région? Tout au plus, s'est-on contenté de quelques interventions
à la pièce ou encore avec des moyens insuffisants. Lorsqu'on
connaît le manque d'infrastructures minimales de production qu'on
retrouve en région, comment peut-on s'attendre que des produits
régionaux puissent atteindre leur niveau d'excellence dont parlent le
rapport Fournier et le ministre des Affaires culturelles, M. Clément
Richard?
Ayant la volonté d'implanter une structure éclairée
de production régionale dans l'Est du Québec et
déterminé plus que jamais à obtenir une plus grande marge
de manoeuvre relativement à son action, le Regroupement des intervenants
de l'industrie du cinéma de l'Est du Québec aimerait faire part
de ses commentaires concernant le rapport Fournier et le projet de loi no
109.
Tout d'abord, nous voudrions féliciter la Commission
d'étude sur le cinéma et l'audiovisuel pour la qualité du
rapport qu'elle a présenté et pour la somme de travail investie
dans la réalisation de cet important document. Il va sans dire que dans
l'état actuel de l'industrie du cinéma québécois
une telle réflexion en profondeur s'imposait pour doter le Québec
d'une véritable loi en matière de cinéma.
Si nous nous réjouissons de plusieurs propositions
énoncées dans le rapport et le projet de loi, nous partageons
cependant certaines réticences face à quelques propositions qui,
selon nous, défavorisent et ne rendent pas justice au cinéma
régional.
Considérant que le rapport Fournier reconnaissait le
cinéma régional comme l'une des sources de la vitalité du
cinéma national et cette vitalité régionale comme
essentielle au développement culturel du Québec et que le
cinéma national s'enrichit directement de ses dynamismes
régionaux, qui méritent d'être encouragés, nous
recommandons en conséquence qu'à l'article 18 de la section IV
soit précisé que deux des quatre membres nommés par le
ministre proviennent du milieu cinématographique régional. Ce
nombre de représentants des régions nous semble
nécessaire, considérant le nombre des régions, la
superficie de leur territoire et les disparités régionales
existantes.
D'ailleurs il faut bien reconnaître que depuis sa création
l'Institut québécois du cinéma n'a jamais eu de
représentant de régions à son conseil d'administration;
c'est à se demander quelle sorte de perception du cinéma en
région on pouvait avoir à ce conseill Une telle vision ne permet
pas au cinéma régional d'être compétitif et, de ce
fait, pénalise les régions qui éprouvent
déjà des difficultés en matière de
cinéma.
En conséquence, nous réitérons devant cette
commission la nécessité d'établir dans le plan d'aide au
cinéma des programmes spécifiques à la
régionalisation. Nous voulons exprimer devant cette commission notre
accord avec la commission Fournier concernant la création d'un fonds de
soutien de 25 000 000 $, nécessaire à une relance de l'industrie
québécoise du cinéma. Déjà,
cette industrie culturelle s'est vue pénalisée au cours
des dernières années par un insuffisant montant de 4 000 000 $
qui, d'ailleurs, d'année en année, se révélait de
moins en moins productif en raison de sa non-indexation.
Peut-on parler d'une industrie nationale avec une intervention si minime
du gouvernement? Il faudra, une fois pour toutes, décider si on aide le
cinéma au Québec ou si on ne l'aide pas. Si la décision
est positive, encore faudra-t-il passer aux actes plutôt qu'entretenir de
simples voeux pieux.
Il va sans dire que, pour nous, l'objectif de 25 000 000 $ fixé
par la commission Fournier représente un minimum nécessaire
à une véritable politique de développement, sans quoi nous
risquons, une fois de plus, d'hériter de bonnes intentions mais de peu
de moyens réels.
Nous terminons en réitérant notre profonde conviction en
une production régionale de qualité et en espérant que la
future loi québécoise sur le cinéma saura permettre
à notre industrie culturelle et cinématographique d'atteindre sa
maturité.
M. Richard: Je vous remercie. Une voix: Merci, M.
Filion.
M. Richard: M. le Président, avec votre permission... Je
vous remercie, M. Filion. J'aurais une question à vous poser. Vous savez
quHl y a une vingtaine de demandes, comme j'ai eu l'occasion de l'expliquer cet
après-midi, d'associations ou de groupes différents pour
siéger au conseil d'administration du nouvel institut qui est
proposé. Là-dedans, vous proposez qu'il y ait au moins deux
sièges réservés à ce que vous appelez "des
régionaux", ce qui veut dire qu'il en resterait seulement deux pour
l'ensemble des autres associations et, parmi celles-là, il y a des
associations quand même assez importantes. Est-ce que vous seriez
disposé à sacrifier les autres associations?
M. Lévesque (Denis): Si vous me permettez, un des
objectifs de la loi, section I, article 3, deuxièmement, c'est "le
développement du cinéma québécois et la diffusion
de la culture cinématographique dans toutes les régions du
Québec." Dans l'optique où l'on veut que cet objectif ait du
sens, je pense qu'il est très important qu'au conseil d'administration
de l'IIQC il y ait des représentants pour parler du cinéma
régional. S'il n'y a personne, c'est évident qu'il n'y aura
à peu près jamais de programmes ou ils connaîtront
très peu les problèmes que nous vivons en région. Donc,
c'est dans cette optique que cette demande a été faite, c'est
pour que cet objectif ait du sens, en réalité.
M. Richard: J'aurais une dernière question à vous
poser.
M. Filion: Oui.
M. Richard: Si je comprends bien la portée de votre
mémoire, vous êtes d'accord pour qu'il y ait un organisme qui soit
chargé de la distribution des subventions à l'ensemble du milieu
du cinéma: producteurs, distributeurs, exploitants de salles, etc. Vous
êtes d'accord avec cela, n'est-ce pas?
M. Filion: Oui, oui.
M. Richard: Donc, vous êtes d'accord avec le projet de loi
qui prévoit qu'il y aura une société d'aide plus un
Institut québécois du cinéma?
M. Filion: Oui.
M. Richard: Êtes-vous également d'accord pour que,
si cela existe, le ministre n'ait pas à intervenir par-dessus la
tête des organismes spécifiquement chargés, en vertu de
pouvoirs délégués, pour accorder des subventions à
des groupes, parce qu'il y a une référence dans votre
mémoire, à savoir que certaines démarches auprès du
ministre des Affaires culturelles auraient été vaines,
après que vous ayez fait des démarches auprès de
l'Institut québécois du cinéma. Vous ne seriez pas
d'accord, n'est-ce pas, pour que le ministre intervienne, en quelque sorte, en
appel des décisions de l'Institut québécois du
cinéma?
M. Filion: Effectivement, ce à quoi vous faites allusion,
M. Richard, et une chose qui est sûre. Mais si vous me permettez,
j'aimerais d'abord ajouter quelque chose concernant la question de tout
à l'heure sur la nomination, à la suite du rapport Fournier
où l'on précisait l'importance... Je ne sais pas si vous avez
pris connaissance des mémoires provenant de différentes
régions qui ont été présentés à la
commission d'étude sur le cinéma et l'audiovisuel. Je crois que
les revendications étaient claires et bien définies. Face
à cela, je crois que le rapport Fournier avait raison de demander que
les quatre autres postes nécessaires devaient provenir des
régions et du public. À cet effet, nous avons dit: Vu le nombre
important de régions, il se révèle nécessaire d'en
voir à peu près deux. C'était la parenthèse que
j'ouvrais à la suite de votre première question.
En réponse à votre deuxième question, je pense que
si on se trouve dans une région et qu'on vit présentement les
difficultés pour obtenir de l'argent, on sait qu'on n'a même pas
de conditions minimales à la production, il devient très
difficile de faire la promotion et de préparer des projets. Lorsqu'on
arrive
pour présenter ces projets, à cause de ce manque d'outils,
d'instruments qu'on n'a pas en région, plus souvent qu'à leur
tour, les régions - je pense que tous les mémoires qui avaient
été présentés à la commission d'étude
du cinéma et de l'audiovisuel le disaient - se voient léser,
c'est-à-dire qu'elles se voient refuser l'aide financière
qu'elles demandent. Je pose la question au ministre des Affaires culturelles:
Si vous n'intervenez pas et s'il n'y a personne qui intervient, est-ce qu'on va
continuer à avoir toujours le même système quant à
l'industrie du cinéma en région? (20 h 30)
Lorsqu'on a fait des démarches auprès du ministère
et auprès de vous, c'était justement à cause de ce
problème qui est ressenti dans toutes les régions. Je pense que
vous avez fait la tournée l'Enjeu culturel, vous avez entendu des gens
en ce sens dans pratiquement toutes les régions, si on se fie aux
rapports sur la consultation.
M. Richard: Oui, mais, M. Filion, que je sache, il n'y avait rien
dans les statuts et règlements de l'Institut québécois du
cinéma pour interdire l'aide au financement de projets
cinématographiques régionaux et, bien sûr, l'institut
québécois ne pouvait pas répondre par l'affirmative
à toutes les demandes qui lui étaient formulées. Cela
était causé, essentiellement, par un manque de
disponibilités budgétaires plus que par autre chose, il me
semble. Là-dessus, vous avez raison.
M. Filion: Certes.
M. Richard: Sur le manque de disponibilités, de
disponibilités budgétaires...
M. Filion: C'est une réalité.
M. Richard: ...par rapport aux besoins qui existaient et qui
existent toujours.
M. Filion: Oui.
M. Lévesque (Denis): Mais il n'en demeure pas moins que je
pense qu'il ne faut pas se servir de... D'accord, les conditions
administratives sont là, les budgets sont là, mais, quand on est
intervenu et qu'on a demandé votre intervention, il reste que ce sont
toutes les régions qui doivent, je pense, bénéficier de
ces sommes d'argent qui sont allouées au cinéma. C'est
évident qu'avec 4 000 000 $, on ne peut pas structurer toutes les
régions du Québec, avec un minimum d'infrastructures pour
développer le cinéma. Mais je pense qu'il y a des projets dans
lesquels on peut entrer plus facilement. Une région qui ne reçoit
rien, qui fait demandes sur demandes, demandes sur demandes, on se demande,
selon les critères de l'IQC ou autres: Qu'est-ce qui fait que ces
régions sont toujours refusées et que ce sont toujours certaines
régions en particulier qui bénéficient plus de ces
demandes vis-à-vis l'IQC?
M. Richard: Cela, c'est la première nouvelle que j'en ai,
vraiment.
M. Lévesque (Denis): Je pense que les mémoires en
faisaient mention.
M. Richard: Que des régions en particulier seraient en
quelque sorte les victimes des politiques de l'Institut québécois
du cinéma?
M. Lévesque (Denis): ...bien, des victimes...
M. Richard: ...ou seraient victimes de discrimination?
M. Lévesque (Denis): Je vais vous donner un exemple.
Prenez un critère d'admissibilité d'un programme de
première oeuvre qui demande cinq années d'expérience. Au
niveau des régions, c'est impossible d'avoir l'expérience de cinq
ans dans le cinéma quand il ne se fait pratiquement rien. Cela, c'est
une règle qui...
M. Richard: Oui, mais les cinq ans s'appliquent à
l'ensemble des régions du Québec, ce n'est pas 12 ans pour
l'Estrie, puis 3 ans pour la Gaspésie.
M. Lévesque (Denis): C'est ça. Mais s'il ne se fait
rien en Gaspésie ou dans l'Est du Québec, s'il n'y a jamais de
subvention, c'est évident que ce critère ne sera jamais
applicable à nous autres, il nous exclut en partant.
M. Richard: J'ai une question naïve à vous poser.
Est-ce que quand vous parlez de cinéma régional vous incluez
Québec?
M. Lévesque (Denis): Pour nous, le Québec, c'est
constitué de régions. Il y a Montréal, Québec et
toutes les autres régions aussi.
M. Richard: Vous savez qu'à cet égard, la
région de Québec n'a pas été non plus
particulièrement favorisée pour les raisons que j'expliquais tout
à l'heure, le manque de disponibilité budgétaire de
l'institut. Je ne pense pas, ce serait la première nouvelle que j'en
aurais, qu'il y ait eu d'exercice discriminatoire de la part de l'institut.
Le Président (M. Paré): La parole est maintenant
à Mme la députée de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le
Président. Je veux remercier nos invités de leur
mémoire. Dans la même veine que le ministre, je me demande si tout
à l'heure j'ai suffisamment insisté auprès de l'Institut
du cinéma quand je lui ai demandé quels étaient ses
critères d'approbation ou de rejet d'un projet. On m'a dit qu'il y avait
d'abord des critères d'admissibilité. J'aimerais avoir cette
liste de critères d'admissibilité avant que le jugement du jury
s'exerce, à savoir si on va subventionner un projet ou non.
Je ne sais pas si c'est le même problème qui existe dans
les autres régions. J'aimerais vous demander si vous avez fait un
relevé des subventions qui ont été accordées dans
d'autres régions du Québec. C'est peut-être au
président de l'institut que j'aurais dû poser la question. En
général, est-ce que les subventions ont été
accordées à des gens de la région de Montréal ou
à des gens de la région de Québec? Est-ce qu'on est sorti
des régions de Montréal et de Québec pour accorder des
subventions? Vous ne le savez pas?
M. Filion: On n'a pas effectué de recensement. Par contre,
je reviens encore là-dessus parce que, lorsqu'il y a eu la commission
d'étude sur le cinéma et l'audiovisuel, je crois que les
mémoires qui provenaient des différentes régions, par
exemple, de l'Abitibi, du Saguenay-Lac-Saint-Jean, de l'Est du Québec,
de la région de l'Estrie, étaient clairs à ce sujet. De
plus en plus, les gens en région ont de la difficulté à
obtenir du financement pour leurs projets. Je pense que c'est un
élément qui revenait dans tous les mémoires provenant des
régions. On peut le vérifier, les mémoires sont encore
là. C'était un malaise qu'on avait dans toutes les régions
éloignées.
Mme Lavoie-Roux: Évidemment, vous avez déjà
dû faire certaines expériences cinématographiques dans la
région de l'Est du Québec. Pouvez-vous nous dire vers quoi vous
vous orientez? De quelle nature ont été les expériences
cinématographiques que vous avez faites dans une région comme la
vôtre?
M. Filion: On pourrait remonter à plusieurs années
en arrière. On peut dire, depuis deux ans, qu'il ne s'est pratiquement
fait aucune production cinématographique, sauf par l'entremise de
Radio-Canada ou de Radio-Québec, à Rimouski. Dans le secteur
indépendant, il ne s'est rien fait depuis deux ans, comme tel.
Au cours des années passées, si on remonte à il y a
quatre ou cinq ans, il s'est tourné du court métrage en 16 mm. Il
s'est tourné aussi des productions, tel un long métrage en
vidéo. C'est ce qui fait qu'à ce moment-là cela semblait
plus facile de tourner dans les régions. Des gens qui ne travaillent pas
présentement dans ce secteur, mais qui sont des artisans depuis de
nombreuses années, avaient tourné plusieurs documents
cinématographiques. Par contre, depuis deux ans, l'activité
cinématographique dans l'Est du Québec est pratiquement à
son point mort, sauf pour quelques productions par l'entremise de
Radio-Québec ou de Radio-Canada à Rimouski.
Mme Lavoie-Roux: Qu'est-ce qui explique que, depuis quelques
années, il y ait cette diminution?
M. Filion: Comme le disait M. Richard, tout à l'heure,
c'est une question financière, c'est-à-dire que la marge de
manoeuvre, avec les 4 000 000 $, d'une année à l'autre diminuait.
Ce qui fait, naturellement, que les régions en subissent un contrecoup
énorme. Je m'explique cela par cette question financière.
Mme Lavoie-Roux: Mais, M. le ministre, est-ce que les subventions
ont diminué, de fait, depuis deux ou trois ans ou n'ont-elles simplement
pas été indexées?
M. Richard: Depuis deux ou trois ans, peut-être trois ans,
la subvention n'a pas été indexée, Mme la
députée de L'Acadie. Mais il faut bien comprendre que la
subvention n'est pas le budget total de l'institut. La preuve en est que le
budget de l'institut, si je ne m'abuse, est de 5 700 000 $ pour l'année
en cours, parce qu'il y a des retours. Il est dommage que la subvention
accordée à l'institut n'ait pas été
augmentée compte tenu de l'augmentation faramineuse des coûts.
Cela a créé des problèmes évidents depuis trois ou
quatre ans pour l'institut et donc pour l'ensemble du milieu du cinéma
au Québec.
Mme Lavoie-Roux: De toute façon, je ne sais pas si cela
peut vous encourager mais on voyait dans le mémoire de l'institut qu'il
souscrivait au principe de la loi qui était d'encourager le
développement du cinéma québécois et de la
diffusion cinématographique dans toutes les régions du
Québec. Même si vous les jugez sévèrement, en
fonction de la loi, ils semblent avoir de meilleures intentions pour
l'avenir.
M. Lévesque (Denis): Cela a toujours existé dans la
loi.
Mme Lavoie-Roux: Cela a toujours existé dans la loi. Alors
il n'y a pas de changement. Ce n'étaient que des paroles pieuses.
M. Lévesque (Denis): Non, je ne dirais pas des paroles
pieuses, parce qu'il y a une marge de manoeuvre et qu'on est très
conscient que les coûts ne seraient que de
4 000 000 $. On en est très, très conscient. Il faudrait
aussi savoir quels sont les critères. On se demande sur quoi on se base,
quel est le cadre de référence pour qu'on accepte un projet ou
non. Il reste qu'on est très conscient que les 4 000 000 $ ne seraient
pas suffisants pour arriver à développer les régions d'une
façon encourageante. Il n'en demeure pas moins que je pense qu'il
pourrait y avoir quelque chose de fait et d'entrepris par l'IQC. Je pense aussi
que les gens du conseil d'administration pourraient amener la réflexion
de l'IQC sur les problèmes des régions. Je pense que cela serait
très, très, très important. Je pense qu'on comprendrait
plus les besoins des régions avec des gens au conseil
d'administration.
Mme Lavoie-Roux: Vous demandez que l'ensemble des régions
soit représenté par deux personnes. Est-ce que vous en
accepteriez une? Je comprends que dans le moment il n'y en a pas du tout.
Est-ce que je me trompe?
M. Filion: Ce serait déjà un bon point d'avoir une
personne représentant les régions, c'est évident.
Mme Lavoie-Roux: J'aimerais demander au ministre, je
réitère ma demande: est-ce qu'il y aurait moyen de remettre
à cette commission les critères d'admissibilité...
M. Richard: ...dire Mme la députée de L'Acadie, au
moment où vous avez pris la parole, j'ai l'intention de vous remettre,
demain, l'ensemble des programmes de l'Institut québécois du
cinéma. Cela inclut, bien sûr, tous les critères
d'admissibilité et l'ensemble des programmes qui existent à
l'institut.
Mme Lavoie-Roux: Je pense que cela serait utile parce que j'ai
l'impression que c'est le genre de critique qui va revenir à plusieurs
reprises. On serait alors en meilleure position pour... Je vous remercie.
Le Président (M. Paré): Merci, Mme la
députée. La parole est maintenant à M. le
député de Mille-Îles.
M. Champagne: Merci, M. le Président. Je veux remercier le
Regroupement des intervenants de l'industrie du cinéma de l'Est du
Québec pour leur mémoire.
M. Filion, vous parlez d'opter simplement pour une
régionalisation du cinéma et d'avoir peut-être des
personnes au conseil d'administration central. Je trouve que cela est timide.
N'auriez-vous pas dû suggérer un per capita? Vous êtes
peut-être en faveur qu'on donne 25 000 000 $, à un moment
donné, pour le cinéma, qu'on aille chercher ces 25 000 000 $.
Est-ce que vous n'auriez pas dû parler de régions? En parlant de
régions, vous avez dix régions administratives, selon le
ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, et vous avez
dix-huit régions administratives, selon le ministère du Loisir,
de la Chasse et de la Pêche. Qu'est-ce que vous entendez par
régions? Deuxièmement, est-ce qu'on devrait, selon vous,
distribuer les sommes d'argent selon l'importance des régions? Je puis
vous dire que ceux de l'agglomération montréalaise se sentent
lésés. D'accord?
M. Lévesque (Denis): Disons que c'est toujours difficile
de définir une région. C'est facile au niveau administratif, on
peut y aller par le nombre de têtes dans la région ou une division
géopolitique. Mais, si on pousse un peu plus la réflexion, on
s'aperçoit qu'une région est beaucoup plus que cela. C'est
beaucoup plus une réalité socioculturelle. Si on élargit
le débat au niveau culturel, je dirais un petit peu ce tissu social
à travers lequel l'imaginaire québécois se façonne,
autant des créateurs que de tous les Québécois, et chaque
région a ses particularités. Si j'arrête la
définition à ce niveau, on devient "régionaleux". Une
région se définit aussi par rapport aux autres régions,
aux autres particularités culturelles. Je pense qu'une culture nationale
est forte dans la mesure où il y a des interactions entre les
régions, autant de Montréal vis-à-vis de l'Est du
Québec qu'entre toutes les régions.
Imaginez 4 000 000 $, ou plus, ventilés dans tout le
Québec. Je pense qu'il y a des régions qui ne sont pas encore
prêtes, dans leur développement, dans leur réflexion,
à embarquer dans l'industrie régionale du cinéma. Nous, on
dit: Essayons au moins dans certaines régions. C'est pourquoi on veut
présenter un projet pilote et on va le faire. Au moins, faisons
l'expérience dans certaines régions pour voir s'il est possible
de développer l'industrie cinématographique dans les
régions. Nous y croyons sincèrement et nous demandons d'essayer
dans certaines régions qui commencent à avoir une
réflexion et une infrastructure intéressantes. Mais nous ne
croyons pas qu'en ventilant tout le budget dans toutes les régions cela
va répondre vraiment aux besoins. Parce que je pense qu'il y a des
régions qui ne sont pas prêtes à recevoir cet
argent-là.
M. Filion: J'ajouterais, si vous me le permettez, M. le
député, que ce développement en régions doit se
faire de façon planifiée et réfléchie, donc avec
les gens en place qui ont déjà eu une réflexion et une
discussion à la suite de rencontres, de colloques et tout ce qu'on veut
au niveau de la concertation régionale. À cet effet, je pense que
ce n'est pas toutes les régions qui
ont fait cette démarche, qui sont arrivées à cette
démarche. À la suite des rencontres que nous avions eues avec des
représentants de l'IQC, il était très clair que, puisqu'on
avait des moyens financiers très restreints, on avait déjà
de la difficulté à planifier au niveau d'une grande région
une industrie cinématographique québécoise. Alors, on ne
l'avait pas fait non plus au plan des régions. Étant conscients
de cela, ce que nous proposons, c'est tout simplement de l'essayer dans une
région, c'est-à-dire de façon planifiée,
réfléchie, avec des représentants de l'IQC ou de la
Société de financement; qu'on s'assoie avec les intervenants
d'une région ou des régions et qu'on planifie, sur une
période de temps, un schéma de développement. (20 h
45)
II est sûr que la réflexion n'est pas encore
arrêtée. Il y a des consultations qui vont se faire dans les
semaines à venir avec des représentants du ministère de
l'Expansion économique régionale. Il y a eu des rencontres avec
des représentants du milieu du cinéma du gouvernement canadien
dont le service de la direction cinématographique du ministère
des Communications. Une réflexion s'amorce avec les gens en
région, avec l'Office de planification et de développement du
Québec. Des rencontres de consultation auront lieu dans les semaines
à venir. Ce que nous pensons vraiment, c'est justement de prendre une
région spécifique et de lui donner pendant X temps les conditions
minimales nécessaires à la production et permettre à ces
artisans, à ces promoteurs en région de faire leurs preuves. On
sera alors en mesure de dire: Cela se peut ou cela ne se peut pas. On a eu des
réflexions de coulisses, si je peux me permettre, qui bien souvent
disaient: On ne croit pas au cinéma en région. Par contre, nous y
croyons. Je pense qu'on ne peut pas parler de développement culturel ou
de cinéma national si on oublie les régions. On a seulement
à regarder vers nos artistes régionaux, ceux qui proviennent des
régions. Je pense à Jean Lapointe, qui vient de l'Est du
Québec, à Félix Leclerc, etc. Il y en a dans bien d'autres
domaines aussi. Donc, nos revendications portent sur un principe fondamental
qui est qu'on a le droit, en région, d'exister et de vivre dans tous les
secteurs d'activité. Il s'agit que les gens s'assoient à une
table et trouvent des moyens pour en venir à ces résultats.
M. Champagne: M. le Président, je m'associe à cette
demande au sujet de la représentativité au sein du conseil
d'administration pour qu'on puisse penser justement aux régions aussi.
Je représente la région métropolitaine et je sais qu'il y
a là aussi des cinéastes qui ont été
lésés. N'oubliez pas qu'il y a eu plus de 2600 demandes d'aide
à l'Institut québécois du cinéma et que beaucoup
ont été refusées. Si vous avez été
refusés dans l'Est du Québec, dans les régions de
Québec et de Montréal, il y a eu aussi des refus. Je vois votre
préoccupation d'augmenter le budget. Il est de 4 000 000 $. Il sera - on
l'espère avec vous - de 25 000 000 $ parce qu'on croit que cette
industrie du cinéma doit prospérer car elle est créatrice
d'emplois. Elle est dynamique, elle aide au point de vue économique,
elle aide à la créativité et je pense qu'elle aide aussi
à décrire notre identité.
Je m'associe à cette association pour voir au fonds de soutien
qu'elle souhaite et à la répartition des membres au sein du
conseil d'administration qui peut la représenter.
Le Président (M. Paré): M. Filion et M.
Lévesque, nous vous remercions beaucoup de votre présentation et
du temps que vous avez consacré à la commission. Merci.
J'inviterais maintenant le quatrième organisme à prendre
place à la table ici en avant. Il s'agit de l'Association des
cinémas parallèles du Québec.
Comme pour les autres groupes, j'inviterais le porte-parole à se
présenter et aussi à identifier les personnes qui
l'accom-pagnent.
Association des cinémas parallèles du
Québec
M. Pesot (Jurgen): M. le Président, M. le ministre,
messieurs les représentants de l'Opposition, mesdames les
députées, messieurs les députés, je vous
présente l'équipe qui représente ici ce soir l'Association
des cinémas parallèles du Québec. À l'extrême
gauche, M. Jacques Labrecque, qui représente d'une certaine façon
l'Estrie, les Cantons de l'Est; à gauche, M. Renaud Thériault,
qui représente le Saguenay-Lac-Saint-Jean et, à ma droite,
Guillaume Bélanger qui représente d'une certaine façon
Québec, Sainte-Foy, et moi-même Jurgen Pesot qui ai l'honneur de
présider cette association. Je viens de Rimouski. Je signale tout de
suite en partant que, si je vous ai donné d'emblée nos
provenances respectives, c'est parce que je pense que c'est un détail
significatif pour l'association. C'est que nous sommes présentement
présents dans toutes les régions du Québec, y compris la
région métropolitaine et la région de Québec. Nous
sommes absolument partout et c'est une des caractéristiques les plus
essentielles de l'association. Nous ne nommes pas massés dans une des
régions; nous sommes là essentiellement pour encourager les
initiatives locales.
Le mémoire que vous avez sous les yeux représente la
position officielle de
l'Association des cinémas parallèles du Québec, non
pas face à l'ensemble de la proposition de loi mais seulement face aux
parties du projet de loi qui la concernent. Cela ne veut pas dire que
l'association n'a pas d'opinion en ce qui concerne l'ensemble du projet de loi
ou de certaines parties, mais tout simplement qu'étant donné que
nous sommes à peu près tous des bénévoles
seulement, nous n'avons pas eu les énergies, l'argent, le temps, etc.,
nécessaires pour étudier de fond en comble l'ensemble du projet
de loi. Nous avons eu l'énergie et le temps nécessaires pour
présenter une position face aux parties qui concernent les salles
parallèles. Voilà:
Ce projet de loi, que vous avez sous les yeux, disait en trois
parties... Une première partie qui reprend les parties essentielles du
rapport Fournier, étant donné que nous pensons qu'il y a deux
pages dans ce rapport Fournier qui concernent les salles parallèles et
qui n'ont pas porté fruit, semble-t-il, concernant le projet de loi. Il
n'y a effectivement absolument rien dans le projet de loi qui fasse mention de
l'existence même des salles parallèles et il nous a semblé
donc intéressant de reprendre les quelques phrases, les quelques
paragraphes que le rapport Fournier a consacrés aux réseaux
parallèles. Alors on reproduit ici, dans ce mémoire, ces quelques
passages.
La deuxième partie porte plus spécifiquement sur les
cinémas parallèles, ce qu'ils veulent, ce qu'ils font, ce qu'ils
devraient faire, etc., et aussi sur leur association, qui nous sommes ici: qui
nous sommes, l'association, combien de personnes nous regroupons etc.
Et, ensuite, une troisième partie qui représente les
recommandations formelles. Il y en a quatre en tout. Le tout est
précédé d'un préambule avec lequel je vais
commencer maintenant la lecture du mémoire.
Au printemps de l'année 1979, le ministre des Communications, qui
était alors responsable du secteur du cinéma, faisait une
tournée pour connaître les réactions des organismes
concernés à son livre bleu vers une politique de cinéma au
Québec.
À ce moment, l'Association des cinémas parallèles
du Québec venait à peine de naître - c'est en 1979
effectivement que nous avons été créés, que nous
nous sommes mis sur pied - et n'était donc pas en mesure de
réagir au nom de ses membres. Cependant, sans se concerter, plusieurs
membres ont déposé des mémoires qui étaient
basés sur des expériences similaires et, avant tout, sur une
même philosophie et sur une même volonté. Ces
mémoires ont été unanimes à rejeter les principales
recommandations du livre bleu concernant l'exploitation
cinématographique.
Ils ont, sans aucun doute, fortement contribué à la
décision du gouvernement d'abandonner tout le projet. Trois ans et demi
plus tard, la commission d'étude sur le cinéma et l'audiovisuel,
la commission Fournier, publie un rapport assorti d'un ensemble complexe de
recommandations, rapport qui est accueilli par le milieu avec satisfaction,
voire avec enthousiasme. L'ACPQ, elle aussi, donne son appui global au rapport
et en particulier aux recommandations concernant le réseau des salles
parallèles. C'est qu'elle a la nette impression que ses interventions
dans les travaux de la commission ont porté fruit.
Aujourd'hui, on nous soumet un projet de loi qui, dit-on, s'inspire du
rapport Fournier. Il est vrai que ce projet de loi a l'ambition de
régler certains des problèmes évoqués dans le
rapport Fournier. Mais, en ce qui a trait aux cinémas parallèles,
il n'en souffle mot. Le cinéma y est considéré
exclusivement, sous l'angle de l'industrie et du commerce, en négligeant
complètement le fait que le cinéma est aussi, et en même
temps, une forme d'art, un médium privilégié de
l'imaginaire collectif et une activité culturelle. C'est un passage
d'ailleurs qui rappelle étrangement le discours du ministre, tout
à l'heure.
Le projet de loi eut été présenté par le
ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, nous aurions
compris. Venant du ministère des Affaires culturelles, nous demeurons
quelque peu perplexe. Mais, avant d'aller plus loin, il est impératif,
pour mieux nous faire comprendre, de rappeler quelques passages clés du
rapport Fournier. Pour aller au plus pressant, vu qu'il est tard, je vais
sauter plusieurs parties. Je vais prendre, pour commencer, seulement les deux
premiers alinéas, si vous voulez bien.
En 1981, le Bureau de surveillance du cinéma répertoriait
82 salles parallèles au Québec. C'est encore à peu
près la même chose aujourd'hui. Une soixantaine d'entre elles
étaient considérées comme cinémas parallèles
majeurs et l'Association des cinémas parallèles du Québec
en regroupait 39. Nous sommes 45 maintenant. On estimait approximativement
à 1 000 000 $ les sommes dépensées à leurs
guichets. La fréquence, la nature et l'ampleur des activités des
cinémas parallèles du Québec varient
énormément en fonction des institutions et des régions
où ils sont implantés. Cela est très important. Alors, je
vais sauter le reste de la page pour aller au deuxième alinéa de
la page 4.
La commission estime donc que l'ensemble de la politique de
l'État à l'égard des salles parallèles doit
répondre aux orientations suivantes: Premièrement, définir
et clarifier les mandats du réseau parallèle; les
activités de ce réseau devraient se conformer aux objectifs
spécifiques suivants et s'y limiter strictement: assurer
l'information, l'éducation et l'animation
cinématographique des citoyens; combler, lorsqu'il y a lieu, les lacunes
de l'exploitation commerciale en offrant un éventail varié
d'oeuvres classiques et modernes de genres et de cultures diverses;
deuxièmement, favoriser le processus de fédération
formelle dans lequel le réseau parallèle s'est déjà
engagé; troisièmement, accorder une reconnaissance officielle
à la fédération ainsi constituée.
La situation se termine sur le passage suivant: La commission estime
qu'ainsi, les zones de friction et de compétition entre le réseau
parallèle et le réseau commercial seront considérablement
réduites. Elle considère également que seront alors
réunies les conditions pour l'émergence d'une
fédération des salles parallèles dont le poids
économique, l'originalité des activités et l'enracinement
dans le milieu constitueront autant d'outils d'enrichissement de la culture
cinématographique de tous les citoyens. L'industrie
cinématographique y trouvera, du même coup, un interlocuteur
exigeant et un puissant allié.
Au moment de la parution du rapport Fournier, ces passages n'ont pas
manqué de nous séduire. Aujourd'hui, scrutant le projet de loi
qui s'en inspire, nous constatons que pas un article, pas un paragraphe, pas
une phrase n'y font la moindre allusion, sauf, il faut ajouter cela, au
chapitre qui porte sur la réglementation où, effectivement, les
salles parallèles sont mentionnées. Je préviens
effectivement une question sur ce sujet, non pas qu'on n'avait pas vu cela au
moment de l'élaboration de notre mémoire, mais c'est parce qu'on
trouve qu'on passe là dans le menu fretin d'une certaine façon,
on est une sous-catégorie d'exploitants. C'est justement une chose qu'on
essaie d'éviter ici. En ce qui concerne le réseau
parallèle, le projet de loi ne fait que consacrer, une fois pour toutes,
la situation actuelle, c'est-à-dire, d'un côté, les
tensions, les chicanes, les bris de contrats, l'attitude "pressons le citron"
de certains distributeurs, et de l'autre, la lassitude des organisateurs
cinéphiles, l'éclatement des efforts, l'essoufflement
d'initiatives locales: des ciné-clubs qui se créent à
gauche, des ciné-clubs qui se ferment à droite. C'est un monde en
mouvement. Seules les cinq ou six grandes salles parallèles continueront
d'émerger de ce "free-for-all" traditionnel. Les autres, apparaissant et
disparaissant, au gré du goût pour l'aventure de quelques
individus, devront attendre une nouvelle loi, car aucune réglementation,
aucune catégorisation établie ultérieurement par la
nouvelle régie ne pourra, dans la pratique, corriger des erreurs ou des
omissions commises au niveau des principes. Dans ce qui suit, nous passerons en
revue quelques-uns de ces principes.
Je saute ici. Une petite précision pour éviter la
confusion qu'on pourrait tenter de faire entre nous, les cinémas
parallèles, et le Cinéma parallèle, qui est un
cinéma commercial à Montréal. Alors même si on
entretient des relations fort amicales avec ces gens, ce n'est pas la
même chose. (21 heures)
Qu'est-ce qu'un cinéma parallèle? Sur le plan
légal, un cinéma parallèle est tout simplement un
organisme qui a pour but de diffuser du cinéma, et ce, sans but
lucratif. Le lieu de projection n'entre pas en ligne de compte. Les
représentations peuvent avoir Heu dans un auditorium d'une polyvalente
ou d'une université, dans une salle de cours, un gymnase, une salle de
conférence d'un motel, un cinéma commercial et, pourquoi pas, un
sous-sol d'église ou un sous-sol privé. Toutes ces choses ne sont
pas inventées, cela existe. On pourrait même envisager
d'être propriétaire d'une salle, pourquoi pas? Il ne joue aucun
rôle non plus.
Le prix payé aux distributeurs. On paie toutes sortes de prix, de
100 $ et même moins, jusqu'à 600 $, 900 $ parfois, à taux
fixe ou à pourcentage.
La provenance de la copie. Cela non plus n'entre pas en ligne de compte.
Que cela provienne de l'ONF, de l'entreprise privée, d'organisme sans
but lucratif. Le type de film non plus: fiction ou documentaire, long, moyen,
court métrage. Le format de la copie non plus: 35 ou 16
millimètres ou peut-être, un jour, vidéo. L'âge du
film non plus: vieux classique, film récent ou même primeur. Ni
même - et cela est extrêmement important - la qualité du
film. Peu importe ce qu'on entend par qualité, parce qu'il y aura
d'énormes difficultés à définir des critères
de ce qu'est la qualité dans le domaine cinématographique. Un
seul critère doit être maintenu et défendu: L'organisme ne
doit pas poursuivre un but lucratif en présentant des films. Mais, en
apparence, ce critère a d'énormes implications sur le plan
économique et culturel.
Aspect économique. En général, les
propriétaires de salles commerciales ne nous aiment pas ou nous
ignorent. Ils nous ignorent quand nous présentons des films "flop", des
films dont ils ne veulent pas ou quand nous n'avons que peu de spectateurs. Ils
commencent à nous envier quand ces mêmes films qui
échoueraient chez eux ont du succès chez nous. Cette envie
devient carrément irrationnelle quand nous remplissons nos salles avec
des films de grande qualité. Là, ils nous reprochent de
présenter des films "commerciaux". Autrement dit, pour eux, un film de
qualité est un film qui ne marche pas, un film sans spectateur. Un film
commercial est un film qui marche, fut-il de qualité. Ils sont
prêts à tolérer une salle parallèle vide. Bref,
aussi longtemps qu'on laisse aux commerces le loisir d'exploiter n'importe quel
film, tout en
imposant au réseau parallèle une quelconque
définition restrictive, ce réseau continuera d'être plus ou
moins la poubelle de l'industrie.
Pour sortir de cette situation, une salle parallèle pourra avoir
les mêmes obligations qu'une salle commerciale: les taxes, le prix des
films, visa, etc., mais elle devra avoir les mêmes droits: celui de la
fréquence et de l'horaire, celui de faire de la publicité, celui
du choix des films, etc. Le seul droit qu'elle n'aura pas, c'est celui de faire
des profits.
Qu'arrive-t-il alors lorsque le cinéma parallèle X - cela
n'a rien à voir avec les cinémas X - enregistre un surplus avec
la présentation du film Y? D'abord, qu'est-ce qu'un surplus? On
s'imagine souvent, en pensant par exemple aux salles opérant dans les
institutions scolaires, que tout est gratuit à l'exception du film
lui-même. Or, les taxes, certains services, certaines
rémunérations, la publicité, etc., sont de plus en plus
aux frais de la salle parallèle, sans compter ce que coûtent
l'information et l'animation cinématographique dont les salles
commerciales ne s'occupent aucunement. Considérant qu'un film est
loué 100 $, 200 $, 300 $ par représentation, on calcule
facilement le nombre de spectateurs requis pour éviter le
déficit. Tout surplus sert automatiquement à éponger des
déficits antérieurs ou à constituer un fonds de roulement.
Si, par contre, la loi ou la réglementation subséquente devait
restreindre d'une façon ou d'une autre l'activité
cinématographique des salles parallèles, ce serait tout à
fait en contradiction avec les recommandations du rapport Fournier qui
comptaient, au contraire, la promouvoir et la stimuler. En d'autres termes, si
l'orientation non commerciale des salles parallèles devait être
définie, dans la nouvelle loi ou la nouvelle réglementation, par
d'autres critères que celui prévu par la troisième partie
de la Loi sur les compagnies ou éventuellement la loi des
coopératives, ce réseau ne pourra jamais avoir ce poids
économique, dont parle le rapport Fournier, et l'industrie
cinématographique n'y trouvera pas non plus un interlocuteur exigeant et
un puissant allié, comme le dit le rapport Fournier.
Aspect culturel. Le rapport Fournier mentionne surtout, à propos
de la fédération des salles parallèles - et je cite
"l'originalité des activités et l'enracinement dans le milieu qui
constitueront autant d'outils d'enrichissement de la culture
cinématographique de tous les citoyens". Autant nous rejetons
catégoriquement toute limitation concrète du champ d'intervention
des cinémas parallèles, que ce soit par l'octroi d'un sous-permis
contraignant, que ce soit par une obligation sélective
déterminée par les autorités, la régie, ou par le
commerce, autant nous souhaitons que la loi reconnaisse explicitement notre
rôle culturel et éducatif.
Deux métaphores, si vous le voulez bien. Lorsque le CRTC accorde
des permis à des radios éducatives, il reconnaît leurs buts
spécifiques par lesquels elles se distinguent des stations de radio
commerciales. Lorsque le gouvernement du Québec a mis sur pied
Radio-Québec, c'était dans le but explicite de créer une
télévision éducative. Mais le CRTC n'interdit pas aux
radios éducatives de passer les disques qu'elles veulent, de parler du
sujet de leur choix, de diffuser aux mêmes heures que les autres radios,
etc. De même Radio-Québec a le droit de présenter les
émissions, les dramatiques et les films de son choix. Il ne viendrait
à l'esprit de personne d'accorder à
Télé-Métropole le droit de déterminer quels films
Radio-Québec pourra présenter. Ce qui compte, c'est que les
radios éducatives et la télévision
québécoise aient un mandat culturel explicite et que globalement,
elles tentent de le remplir.
Quant aux cinémas parallèles, la situation est semblable.
Présentement, rares sont les salles qui ont le simple divertissement
pour but explicite. Dans les faits, plusieurs s'adonnent, il est vrai, au
cinéma de divertissement, mais avec une mauvaise conscience plus ou
moins marquée. La plupart ont des objectifs clairement culturels ou
éducatifs. D'ailleurs, cela découle de leur statut d'organisme
sans but lucratif formé en général d'un groupe de
bénévoles. On sait que le bénévolat est
fondé sur une volonté d'amélioration, sur la conviction de
pouvoir accroître la qualité de la vie, de pouvoir contribuer au
bien-être physique ou psychique des citoyens d'un quartier, d'une
région ou d'un pays.
Les organisateurs de cinémas parallèles ont pratiquement
tous cette qualité des bénévoles d'être
indépendants de l'appât du gain et de la loi du profit. Leur
rémunération, c'est le plaisir de participer à une
initiative locale, le plaisir de pouvoir montrer des films de qualité
que la salle commerciale ne veut pas ou ne peut pas montrer, le plaisir de voir
beaucoup de spectateurs pour un film totalement inconnu ou différent de
la production courante, le plaisir d'amener des gens à
réfléchir, à s'intéresser à de nouvelles
formes d'expression, à élargir l'horizon de leurs connaissances
et de leur sensibilité.
Plus concrètement, que fait un cinéma parallèle? Il
est bon de signaler ici le fait que la grande majorité des membres de
notre association travaillent en dehors de Montréal: à
Saint-Jean-Port-Joli, Mont-Laurier,
Beauharnois, Laval, Port-Cartier, Rimouski, Rouyn,
Sainte-Anne-des-Monts, etc. Cela est assez symptomatique. Ce n'est pas à
Montréal, mais en région que des citoyens sentent le besoin de
suppléer à une diffusion
déficiente. La diffusion commerciale est
précisément contrôlée à partir de
Montréal. Ce sont particulièrement les régions
périphériques qui doivent se doter de moyens pour sortir du
sous-développement culturel. Ces régions constituent le tiers
monde du cinéma au Québec. La création et la promotion
d'un cinéma parallèle constitue un de ces moyens.
Un film de qualité, au moment où il est lancé
à Montréal, profite d'une information relativement
adéquate. Six, douze, vingt mois plus tard, lorsque ce film peut
être montré dans les régions périphériques,
une information et une promotion toute particulière se
révèlent nécessaires. Seul un cinéma
parallèle peut intervenir sur ce plan. Même dans les grands
centres, Québec, Trois-Rivières, Sherbrooke, un cinéma
parallèle pourrait non seulement accorder un soin particulier à
l'information, mais créer des habitudes de visionnement et proposer un
encadrement et une animation qu'un cinéma commercial ne peut se
permettre.
En outre, précisément à cause de ce qui vient
d'être mentionné, un cinéma parallèle est en mesure
de présenter, souvent avec beaucoup de succès, des films
difficilement rentables: documentaires, courts et moyens métrages, films
québécois, films engagés, classiques, films de provenance
ou de facture peu courante. En région, un cinéma parallèle
peut créer des événements cinématographiques:
semaines de cinéma, journées consacrées à un
thème, festivals. Un cinéma parallèle peut mettre son
public en contact avec un cinéaste.
Par ailleurs, les salles commerciales sont pratiquement toutes
programmées à partir de Montréal et ne peuvent donc pas se
soucier du caractère propre des régions. Les cinémas
parallèles pour leur part sont tous mis sur pied et programmés
par les gens mêmes de la région. Ce cinéma leur appartient
et leur ressemble. Bien souvent, les spectateurs collaborent directement au
fonctionnement de leur cinéma parallèle, par exemple par des
sondages, par la participation bénévole au comité ou par
leur apport comme membre. Mieux encore, à bien y
réfléchir, un cinéma parallèle peut être
considéré, non comme une entreprise qui offre un produit à
consommer, mais plutôt comme un regroupement de consommateurs avertis qui
choisissent eux-mêmes et de façon plus critique les produits
qu'ils consomment.
On nous fait souvent l'objection que les cinémas
parallèles, en dépit de leur vocation culturelle, font bon
gré mal gré de l'exploitation. Comme les producteurs à
vocation culturelle, par exemple l'ACPAV, fait de la production et les
distributeurs à vocation culturelle, par exemple J.-A Lapointe, font de
la distribution.
Cette objection, si elle était fondée, justifierait le
projet de loi qui ne nous voit que comme une sous-catégorie de
l'exploitation. Voici ce que nous répondons: Un écrivain, un
musicien, un écolier et un banquier sont tous des consommateurs de
papier. Ce n'est pourtant pas suffisant pour les caractériser.
L'écrivain et le musicien se trouveraient sans doute plus
d'affinité entre eux qu'avec le banquier. Un cinéma
parallèle fait de l'exploitation, c'est vrai. Mais il se trouve au moins
autant d'affinités avec des cinéastes, qui se retrouvent pourtant
du côté de la production, des producteurs de spectacles, les
jeunesses musicales et les troupes de théâtre qu'avec des
exploitants commerciaux.
Les termes "production", "distribution", "exploitation" correspondent
aux trois étages de l'industrie cinématographique. Oui, je dis
bien de l'industrie cinématographique; je devrais mettre l'accent
là-dessus. Du côté de la culture cinématographique,
sans nier les réalités de l'industrie, on parle davantage de la
réalisation d'un film d'un côté et de sa diffusion de
l'autre. Ce dernier terme recouvre exactement le champ d'activités des
cinémas parallèles et leur association. L'association pourra
même, un jour, acheter des films et en assurer la distribution.
Là, je fais une petite hypothèse entre parenthèses, si
vous me le permettez. Supposons que, d'ici 5 à 10 ans, tous les
distributeurs indépendants seront disparus et qu'il ne restera que les
"MAJORS", quelques vendeurs de chaussures, etc. - enfin, mettons cela au pire -
il n'y aura plus de film de qualité et nous, à ce
moment-là, on n'aura plus de produit à présenter.
L'association aimerait, à ce moment-là, avoir la
possibilité d'aller acheter nos propres films à Cannes, à
Berlin, n'importe où, et les diffuser ici, au Québec, dans le
réseau parallèle. (21 h 15)
Troisièmement, si nous réclamons une reconnaissance
à part du réseau d'exploitation commerciale, ce n'est
évidemment pas seulement en raison de notre vocation culturelle. L'ACPAV
pourrait à ce titre réclamer son statut particulier. Ce qui nous
confère de fait ce statut particulier c'est que, parmi tous les
intervenants en cinéma, nous sommes les seuls, du moins en région
périphérique, à avoir un contact avec le dernier maillon
de la chaîne qu'on oublie souvent, les spectateurs. Comme nous l'avons
détaillé précédemment, nous faisons plus que
considérer ceux-ci comme de simples consommateurs.
Voilà pour le mémoire. Nous passons à la
dernière partie, les recommandations. Première recommandation.
L'article 94 interdit toute distribution de films sur une base commerciale sans
permis de distributeur. L'article 100 interdit tout tournage sur une base
professionnelle sans
permis de tournage. L'article 103 interdit toute production sur une base
professionnelle sans permis de producteur. En revanche, l'article 87 interdit
toute présentation de films en public sans permis d'exploitation, peu
importe la base. Nous réclamons que cette interdiction soit restreinte
comme pour les autres permis à l'activité commerciale. Cet
article devrait donc se lire comme suit: "87. Nul ne peut, sur une base
commerciale, exploiter un lieu de présentation de films en public s'il
n'est titulaire d'un permis d'exploitation de la catégorie
appropriée déterminée par règlement de la
régie."
Deuxième recommandation. Le permis d'exploitation ne s'appliquant
plus aux cinémas parallèles, étant donné qu'on
vient de s'en exclure, nous réclamons l'instauration d'un permis
spécifique dont les exigences soient mieux adaptées à la
réalité fort diversifiée des salles dans les
régions. Une des exigences - à déterminer par la
régie -qui garantiraient dans l'ensemble le mandat culturel de
l'organisme qui fait la demande pourrait être l'appartenance à une
fédération reconnue. Ce pourrait être nous, ce pourrait
être un jour une autre association. Le permis, qui pourrait être
appelé "permis de diffusion non commerciale", devrait être
exigé de toute personne physique ou morale qui présente des films
sur une base non commerciale, y compris les institutions scolaires à
l'exception toutefois des présentations à des fins didactiques,
c'est-à-dire dans les cours, les activités scolaires
créditées. Je pourrais ajouter le début de cette nouvelle
section que nous proposons dans le projet de loi. Cela pourrait se lire
ainsi: "1. Nul ne peut, sur une base non commerciale, présenter
des films s'il n'est titulaire d'un permis de diffusion non commerciale; 2. Aux
fins de l'article 1, est considéré comme film tout moyen ou long
métrage d'une heure ou plus sans égard à son format ou son
support; 3. La demande d'un permis de diffusion non commerciale ou son
renouvellement doit être faite conformément aux règlements
de la régie." Comme vous le voyez, je copie la section du permis
d'exploitation et je l'adapte à notre réalité. "4. Un
permis de diffusion non commerciale est valable pour la période que
détermine la régie mais cette période ne peut
excéder dix ans - on serait prêt à baisser cela à
cinq et peut-être même à trois ans; 5. Un permis de
diffusion peut être renouvelé ...". Il faut mentionner à ce
moment-là un petit article qui exclurait les présentations de
films à des fins didactiques et il faudrait rendre, bien sûr,
l'ensemble du projet de loi concordant avec la création d'une nouvelle
section.
La troisième recommandation se lit comme suit: Nous croyons avoir
suffisamment expliqué la spécificité des cinémas
parallèles comme lieux de contact entre les produits de l'industrie
cinématographique et leurs consommateurs, les spectateurs. Nous
réclamons au chapitre de l'Institut québécois du
cinéma et de la vidéo, l'article 16, que les cinémas
parallèles soient reconnus comme un groupe à part entière,
appelé à occuper un siège à l'institut. Il faudrait
que j'ajoute à cela, étant donné que j'ai appris
aujourd'hui qu'il y en a 19 autres qui demandent à peu près la
même chose, que je pense que notre demande est bien fondée. Je ne
parlerai pas contre les autres mais je parlerai pour nous. Nous ne voudrons pas
que la représentativité au conseil d'administration de l'institut
soit morcelée. On ne veut pas qu'il y ait 40, 50, 60 membres qui
siègent à ce conseil d'administration et que nous n'ayons qu'une
voix, mais on voudrait qu'il y ait les huit représentants
présentement prévus par le projet de loi plus un neuvième,
pour les diffuseurs non commerciaux, plus les quatre autres qui sont
présentement prévus pour n'importe qui, c'est-à-dire
probablement les spectateurs. Alors, c'est pour permettre au secteur - que nous
croyons important - de la diffusion non commerciale d'être reconnu
officiellement, pratiquement et concrètement au niveau de la loi.
Quatrième proposition; là, vous allez me dire que c'est au
niveau de la réglementation, que c'est donc à venir et que
ça ne peut pas entrer dans un projet de loi, mais je vais la lire quand
même. De façon plus générale, eu égard
à l'orientation que le présent projet de loi semble vouloir
donner à la réglementation, nous réclamons que cette
réglementation soit élaborée en conformité avec
l'esprit du rapport Fournier en ce qui a trait au mandat et au statut du
réseau parallèle. Le rôle de la diffusion non commerciale
devra y être carrément reconnu. Merci.
M. Richard: Je vous remercie, M. Pesot. J'aurais quelques
brèves questions à vous poser qui, je pense, appellent aussi des
réponses brèves. J'avoue que j'arrive difficilement à
saisir votre mémoire, précisément parce que le projet de
loi, à l'article 159, a voulu créer un statut spécial pour
les cinémas parallèles. Je vous rappelle qu'au premier paragraphe
de l'article 159 on dit que "la régie peut également, par
règlement: 1° établir des catégories de permis
d'exploitation en tenant compte de la nature des lieux de présentation
de films etc." Parce que c'était, en quelque sorte, un permis
général d'exploitation et que nous savions que vous
réclamiez un statut spécial, que cela était endossé
par le rapport Fournier, nous avons précisément voulu
prévoir et inclure le dernier paragraphe de l'article 159 qui dit ceci
et qui répond, il me semble, précisément aux demandes
formulées dans votre rapport et dans vos propos. "Aux fins du paragraphe
1 du
premier alinéa, les permis d'exploitation - et il y en a deux qui
sont tout à fait spéciaux, donc plus qu'à part
entière, parce que les conditions imposées aux autres ne sont pas
imposées au réseau parallèle - de ciné-parcs
constituent une catégorie de permis d'exploitation. Il en est de
même du permis d'exploitation de salle parallèle pourvu qu'il soit
délivré à une corporation sans but lucratif..." Ceci
correspond exactement à la définition que vous nous donnez d'un
cinéma parallèle.
De surcroît, vous ajoutez, avec raison, à la toute fin de
votre mémoire, à la quatrième recommandation: "De
façon plus générale, eu égard à
l'orientation que le présent projet de loi semble vouloir donner
à la réglementation, nous réclamons que cette
réglementation soit élaborée en conformité avec
l'esprit du rapport Fournier en ce qui a trait au mandat et au statut du
réseau parallèle. Le rôle de la diffusion non commerciale
devra y être clairement reconnu."
Vous avez un statut spécial non seulement à part
entière, mais vraiment bien reconnu dans la loi par l'article 159. Je
vous indique immédiatement que, pour des raisons évidentes
puisqu'on vous reconnaît un statut dans la loi, il faudra bien vous
suivre en ce qui a trait à la recommandation quatrième de votre
mémoire. Je me dis alors: Que manque-t-il? C'est ma question, M. le
Président.
M. Pesot: M. le Président, vous pouvez être
sûr que les articles du projet de loi auxquels vous venez de faire
allusion, nous les avons lus. Je les ai soulignés deux fois dans mon
exemplaire, je connais ces passages par coeur. Nous avons donc tous vu la
mention qui est faite des salles parallèles dans le projet de loi. Cela
est clair. Donc, d'une certaine façon nous sommes présentement
reconnus en ce sens que le projet de loi reconnaît que les salles
parallèles existent; c'est vrai. Maintenant, dès qu'on regarde la
façon dont la régie devra établir sa
réglementation, là cela devient différent parce qu'on a
essayé de préparer plusieurs scénarios pour voir à
quoi cette réglementation peut ressembler. Peu importe la façon
dont nous avons tourné ces scénarios, il en est toujours ressorti
ceci, c'est qu'il y aura au minimum quatre catégories de permis
d'exploitation. Il y aura la première catégorie: l'exploitation
en général. Cela, c'est n'importe qui, en particulier, les salles
commerciales, évidemment, qui auront tous les droits, qui
s'approvisionneront au "pool" général des films que les
distributeurs leur fourniront etc. C'est la catégorie très
générale, sans restriction aucune. Ensuite, les trois autres
sont: les ciné-parcs qui sont mentionnés à l'article 159,
il y a les salles parallèles et - ce n'est peut-être pas ici, mais
ailleurs dans le projet de loi - il y a aussi les bars, les hôtels etc.,
qui peuvent présenter des films. On se demande de quel genre, mais il y
a des bars et des hôtels qui peuvent présenter des films tout en
servant de l'alcool. Cela est aussi une catégorie qui sera prévue
par la régie.
Cela veut dire que, de façon très concrète, il y
aura au moins quatre catégories d'exploitation: une catégorie
générale pour les salles commerciales qui auront tous les droits,
plus trois ou plusieurs catégories qui seront nécessairement
définies restrictivement par rapport à la première. Ici,
on appelle cela des catégories, mais, au fond, ce sont des
espèces de sous-catégories. On sera nécessairement
défini par restriction aux salles commerciales. On a cherché
à savoir quelles pourraient être les conditions d'admission pour
avoir un permis de cette catégorie et tout ce qu'on a pu nous
répondre, effectivement, c'était toujours en nous donnant des
exemples de restrictions.
Dans le temps du livre bleu qui a heureusement été
abandonné, mais dont les idées circulent peut-être encore,
on parlait du type de films que nous aurons le droit de présenter. Donc,
ce seront, par exemple, des films vieux de tant d'années, peu importe,
d'un an, deux ans, cinq ans, dix ans, pour mettre l'emphase sur la diffusion du
cinéma classique. Si ce n'est pas cela, ce sera le cinéma
québécois. On nous imposera un quota de cinéma
québécois, 30% ou 50% ou ne serait-ce que 10%. Ou bien, alors, ce
sont des films de toutes sortes d'autres catégories. Cela n'a pas
marché en 1979; on le rejette encore maintenant et il paraît
qu'à la régie ils ne retiendront pas cette possibilité,
non plus.
Alors, s'ils ne retiennent pas la possibilité de nous
catégoriser en fonction du type de films que nous aurons le droit de
présenter, ils en trouveront d'autres. On nous a donné des
exemples, comme: Vous aurez le droit de présenter des films seulement
trois fois par semaine, pas cinq fois, pas six fois, pas huit fois, mais trois
fois ou n'importe quoi d'autre. J'ai amené des contre-exemples; on a de
grosses salles parallèles qui présentent des films six à
huit fois par semaine. Cela serait exclu. Si ce n'est pas cela, ce sera une
autre restriction du genre: II faut que votre salle ne soit pas
réservée exclusivement au cinéma, mais il faut qu'il y ait
aussi du spectacle, de la musique, etc. Ce serait encore une restriction. Donc,
un cinéma parralèle qui aurait la chance unique de
présenter des films dans une salle qui serait toujours vide et qui
servirait de temps en temps au cinéma, cela serait exclu aussi. Bref,
cela sera toujours par exclusion, par restriction par rapport aux salles
commerciales qui, une fois de plus, auront tous les droits. C'est exactement
pour cette
raison que nous voulons nous en sortir pour créer le secteur
parallèle, la diffusion parallèle.
M. Thériault (Renaud): J'aurais juste une petite chose
à ajouter qui me semble bien simple. Ce qu'on nous propose en gros,
c'est un statut particulier dans la catégorie commerciale, alors qu'on
demande l'indépendance dans une catégorie non commerciale. Je
pense que vous comprenez très bien ce qu'on demande
là-dessus.
M. Richard: Avec votre permission, M. le Président, on
crée un statut spécial pour le réseau non commercial.
C'est exactement ce que vous demandez dans votre mémoire. D'autre part,
ce que vous me dites, c'est que vous appréhendez les restrictions d'une
régie qui n'existe pas. Vous me dites qu'elle fera telle et telle chose
alors qu'elle n'existe pas encore. Elle n'a pas encore été
créée; les membres de cette régie, bien sûr, ne sont
pas encore nommés et vous appréhendez les restrictions, les
contraintes que pourrait vous imposer cette régie alors que, pour
éviter ce problème, nous avons voulu, précisément
dans la loi, vous reconnaître un statut spécial et vous exclure
des conditions prévues au premier alinéa de l'article 159. C'est
cela, la conséquence. (21 h 30)
Ce que vous demandez, vous l'obtenez, à moins qu'il n'y ait une
incompréhension de la loi. Si vous voulez changer de section dans la
loi, je n'en ferai pas un grand débat, mais il y a un statut
spécial pour le cinéma parallèle, un permis spécial
qui est réservé au cinéma parallèle, exclu des
contraintes du premier alinéa de l'article 159. C'est exactement ce que
vous visez. On verra après, quant aux contraintes prévues aux
paragraphes 2, 3, 4, 5 et 6, mais qui sont surtout prévues pour les
autres. Vous voyez tout de suite l'esprit qui marque le projet de loi. Quant
aux restrictions et aux contraintes qui pourraient vous être
imposées par une régie qui n'existe pas, inutile de vous dire que
je ne voudrais pas qu'on discute trop longtemps là-dessus. Je peux vous
dire que cela irait à l'encontre de l'esprit et de la lettre même
du projet de loi.
M. Pesot: M. le Président, j'ai deux choses à
répondre à cela. Premièrement, j'aimerais que vous
reprécisiez ce que vous venez tout juste de dire au sujet de l'exclusion
qui nous serait offerte, d'une certaine façon, des obligations. Je lis
le dernier paragraphe de l'article 159 et je ne vois pas du tout en quoi nous
serions exclus ou exonérés, quelque chose comme cela; je ne me
souviens plus du terme que vous avez utilisé. "Aux fins du paragraphe 1,
les permis d'exploitation de ciné-parcs constituent une
catégorie...", une sur plusieurs, une sur quatre probablement. Il en est
de même pour les salles parallèles; il y en aura une aussi pour
les bars et une aussi pour les salles commerciales. Quelle serait
l'exonération dont nous pourrions jouir?
M. Richard: C'est qu'on précise, au dernier alinéa,
que votre statut non commercial vous donne droit à un permis.
Voilà ce que je veux vous dire.
M. Pesot: Cela veut dire très clairement, si vous me
permettez, M. le Président, que nous aurons effectivement un permis
spécifique sur lequel seront mentionnés les mots "salle
parallèle" ou "salle non commerciale".
M. Richard: Non commerciale, c'est cela qui est indiqué
dans la loi.
M. Pesot: Oui.
M. Richard: Et c'est tout à fait conforme à la
définition que vous donnez du cinéma parallèle.
M. Pesot: Cela, ça va. Mais il y a une deuxième
chose. Évidemment, nous aussi, on a discuté beaucoup de la
question parce qu'on savait très bien que vous alliez nous poser ces
questions. Nous aussi, on a parlé du fait qu'il ne faut pas - comment on
appelle cela? - intenter un procès d'intention.
M. Richard: À une personne morale qui n'existe pas
encore.
M. Pesot: Voilà, faire un procès d'intention
à une régie qui n'existe pas. Nous aussi, nous savons cela, bien
sûr. Sauf qu'on sait que la régie s'en vient. La régie va
être instituée et elle aura un travail à faire. On sait
aussi quel travail elle devra faire; on sait que la régie aura
l'obligation de définir... "Elle peut également, par
règlement, établir des catégories." C'est donc la
régie qui devra le faire. Je pense que, vu qu'on est des gens
intelligents ici, on a le droit de prévoir, non pas de faire des
procès d'intention, mais de penser. Et nous, on a pensé et on a
trouvé qu'il était logique de dire ce que j'ai dit tout à
l'heure, c'est-à-dire qu'il y aura au moins quatre catégories,
dont une générale. Cela, c'est important. Elle n'existe
peut-être pas; la régie n'a peut-être rien fait encore, mais
elle le fera, elle ne peut pas faire autrement, à mon avis. Donc, un
permis pour les salles commerciales, plus les permis spécifiques; donc,
des espèces de sous-permis, juste des sous-permis, qui auront des
obligations de plus ou des restrictions de plus. Si ce n'est pas cela, qu'on
éclaire ma lanterne. Nous, on ne voit pas la possibilité pour la
régie de
s'en sortir autrement. Comme on ne voit pas comment elle peut s'en
sortir autrement, nous, on dit: On s'en sort avant qu'elle ne s'en sorte pas,
d'une certaine façon.
M. Richard: M. Pesot, je prends bonne note de vos recommandations
et de vos suggestions. Je vous remercie encore une fois.
Le Président (M. Paré): La parole est maintenant
à M. le député de Laprairie.
M. Saintonge: En fait, vous désirez une reconnaissance
formelle de par le texte de loi et non pas simplement être reconnus comme
une catégorie d'exploitants de permis. C'est bien cela?
M. Pesot: Une sous-catégorie.
M. Saintonge: Bon, une sous-catégorie de permis. Je pense
que c'est dans le cadre que ce que le rapport Fournier pouvait recommander.
J'ai lu un peu votre mémoire, j'ai suivi votre lecture du mémoire
et je comprends que vous vous attachez principalement à la diffusion du
cinéma. Considérant le fait qu'on vous mentionne comme
étant un interlocuteur exigeant et un puissant allié, et qu'on
parle aussi du poids économique que vous pourriez exercer au niveau du
cinéma, considérant le fait également que vous avez une
importance assez grande en région, quels sont les liens que vous
entretenez ou de quelle façon êtes-vous impliqués dans les
activités de cinéma au sens large et plus particulièrement
avec les producteurs régionaux?
M. Pesot: Je pense que la réponse à cela est fort
simple. Nous sommes impliqués dans la diffusion, traditionnellement
appelée l'exploitation. Nous présentons des films à des
cinéphiles, c'est-à-dire que ce sont les cinéphiles
eux-mêmes, les spectateurs avertis qui se regroupent, qui forment un
ciné-club ou une salle parallèle quelconque pour faire venir des
films de Montréal, ou du distributeur, pour les présenter. C'est
uniquement cela. Nous n'avons aucun lien avec des producteurs régionaux.
Si jamais il y en a - j'ai appris aujourd'hui qu'il y en avait ou qu'on voulait
qu'il y en ait - nous n'aurons pas d'objection à entretenir des
relations avec eux. Nous encourageons les initiatives locales, c'est ce qu'on a
dit dans le mémoire; alors, si on veut être conséquents
avec nous-mêmes, nous le ferons aussi au niveau de la production lorsque
le moment sera venu, mais pour le moment, nous sommes des diffuseurs
exclusivement.
M. Thériault: J'aimerais apporter une précision
là-dessus. La situation est très différente dans chacune
des régions. Pour ce qui est de Chicoutimi, il y a des revenus du
ciné-club cette année qui ont servi à financer la
production de films super-huit d'un groupe d'étudiants ou d'amateurs de
super-huit. C'est une aide financière qu'un ciné-club apporte
à la production de super-huit, mais cela n'est pas un moule, cela
n'appartient pas à l'ensemble des régions, c'est propre à
chacune des régions.
M. Pesot: C'est vrai qu'il y a eu d'autres expériences du
genre, mais ce n'est pas très important. À Rimouski aussi, il y a
eu une expérience de ce genre à un moment donné, mais
c'est encore infime comme importance.
Le Président (M. Paré): M. le député
de Mille-Îles.
M. Champagne: Seulement une remarque. J'ai été un
peu froissé comme résident de Laval. Vous parlez de Laval et de
ces régions périphériques en disant: "Ces régions
constituent le tiers monde du cinéma au Québec." Alors, j'ai
été un peu froissé. À Laval, il y a quand
même plusieurs salles de cinéma. C'est sûr qu'il y a des
salles de cinéma parallèle, peut-être, mais je m'inscris en
faux. J'ai mon bon ami, Lome Bernard, qui représente les cinémas
Odéon et je pense qu'avec moi il a été froissé en
entendant que Laval est le tiers monde du cinéma au Québec.
Enfin, c'est à la blague que je vous envoie cela.
Je vous trouve un peu sévères face au cinéma
commercial. Vous vous donnez tous les droits et, à un moment
donné, dans une de vos recommandations, la recommandation no 2, vous
dites: "Le permis, qui pourrait être appelé permis de diffusion
non commerciale, devrait être exigé de toute personne physique ou
morale qui présente des films sur une base non commerciale, y compris
les institutions scolaires". J'ai déjà organisé un
ciné-club et je me demande pourquoi j'aurais dû demander un
permis. Comme je vous l'ai dit, vous êtes bien sévères
envers la commercialisation du cinéma. Le cinéma parallèle
devrait avoir tous les droits. Vous exigez beaucoup des autres. Je me demande
pourquoi vous exigez autant de ces personnes qui, souvent, font oeuvre
d'éducation, d'initiation au cinéma et qui font souvent des
festivals du cinéma québécois. Justement, cette semaine,
au cégep d'Ahuntsic, jeudi, vendredi et samedi, il y a un festival du
cinéma québécois. C'est à Montréal que cela
se fait, ce n'est pas seulement ailleurs que cela se fait. Ce n'est pas
à Laval, mais cela ne fait rien. Je me demande pourquoi vous êtes
si exigeants même pour les institutions scolaires, entre autres.
M. Pesot: À votre première intervention
en ce qui concerne Laval, il est bien évident que Laval n'est
pas, selon nous, le tiers monde cinématographique au Québec.
Quand nous parlions de régions - nous l'avons spécifié
quelques fois, mais peut-être pas toujours systématiquement - nous
parlions des régions périphériques. C'est une notion qui a
cours maintenant dans les programmes universitaires de développement
régional. La région est définie toujours comme
étant périphérique. Un ne sait pas trop quoi faire avec
Laval.
M. Champagne: La ville de Laval. Merci beaucoup.
M. Pesot: Toujours dans le même ordre d'idées, il
faut bien admettre - nous sommes les premiers à l'admettre - que les
grandes régions métropolitaines, Montréal et Québec
dans une moindre mesure, sont favorisées dans le domaine du
cinéma. Elles ont accès à presque toutes les sortes de
cinéma qu'elles veulent. Il y a suffisamment de cinémas
commerciaux qui présentent vraiment toutes sortes de films, y compris
des films d'art et d'essai, des films de toute provenance, de toute facture. Il
y a l'Outremont, il y a un foisonnement culturel assez extraordinaire à
Montréal, dans l'agglomération montréalaise et j'inclus,
vous me le permettrez, Laval dans l'agglomération
montréalaise.
Les cinémas parallèles à Montréal, s'il y en
a - et il y en a effectivement -devront, selon nous - et cela est tout à
fait conforme au rapport Fournier - avoir une vocation toute
particulière. Il n'est pas question, pour nous en tout cas, d'encourager
un cinéma parallèle à Montréal qui viendrait faire
de la concurrence indue au réseau commercial. Cela nous semble clair.
C'était clair à l'époque Fournier; pour nous, c'est encore
clair maintenant. Que tel cégep -sans nommer personne - présente
La guerre du feu une semaine après l'Impérial ou des trucs comme
cela, on ne marche pas avec cela. S'il y en a, si cela existe, c'est pour
poursuivre un but tout à fait spécifique; par exemple,
l'éducation cinématographique, l'information, un certain
traitement, un encadrement qu'on peut offrir en présentant un filin
même comme La guerre du feu ou La guerre des étoiles. N'importe
quoi peut être présenté dans toutes les régions, y
compris à Montréal, à condition que cela soit dans un but
spécifique, par exemple, si on veut faire de l'animation autour de cela.
Ne serait-ce que pour vitupérer contre le colonialisme américain,
ou je ne sais quoi, on peut faire toutes sortes de choses avec une
présentation de film. Là, les cinémas parallèles,
même à Montréal, peuvent avoir un rôle à
jouer.
Je reviendrai à votre deuxième question après,
Renaud.
M. Thériault: Je voudrais ajouter quelque chose au sujet
de votre deuxième question. Il nous a semblé évident,
à la lecture autant du rapport de la commission Fournier que du projet
de loi, qu'on voulait accorder des droits à ce qu'on appelle le
cinéma parallèle ou les ciné-clubs, selon l'ancienne
appellation. Il nous est apparu tout aussi évident, dans les deux
documents, qu'en nous donnant des droits on nous donnait aussi des obligations
ou des devoirs. Premièrement, celui d'avoir une espèce de permis
d'exploitation qui permette à la régie ou à un autre
organisme de cinéma de contrôler un peu l'action. Cela nous a paru
d'une évidence assez criante, de sorte qu'on ne voit pas comment on
pourrait être exigeant -c'est le terme que vous avez employé -
face aux cinémas parallèles ou aux ciné-clubs. Cela fait
partie de la "game", c'est sur la table, tout simplement, ce n'est pas plus que
cela; si cela apparaît là, c'est cela.
M. Pesot: J'aimerais intervenir encore en réponse à
votre deuxième question, si vous le permettez, M. le
Président.
Le Président (M. Paré): Oui, allez-y.
M. Pesot: Vous parliez de notre incroyable
sévérité à l'endroit de certains ciné-clubs.
On est peut-être sévère. On est sévère
à l'endroit des salles commerciales. Elles sont sévères
avec nous. C'est de bonne guerre. Mais je pense que nous, on est
également sévère envers nous-mêmes. Cela, c'est
drôlement plus important pour nous. Ce qu'on voudrait, par exemple, en
exigeant non seulement un permis spécifique, mais plus, toute une
reconnaissance officielle, etc., c'est justement qu'on mette un terme à
ce que notre mémoire appelle le "free for all" traditionnel.
Je vous exclus, évidemment. Votre initiative, à
l'époque, était fort louable mais, de façon
générale, si tout le monde peut faire cela de la même
façon, tout le monde peut présenter n'importe quoi, n'importe
où, dans n'importe quelles conditions, à n'importe quel prix,
à n'importe qui, etc. - on ne sait pas ce qui se passe dans le monde de
la diffusion du cinéma au Québec, il n'y a pas une statistique,
on ne peut pas savoir ce qui se passe, on ne connaît rien - c'est un peu
-le terme est peut-être un peu fort, mais je l'aime bien quand même
- la loi de la jungle qui prévaut, à ce moment-là. La loi
de la jungle, ce sont les distributeurs qui la contrôlent, parce qu'eux
connaissent, évidemment, leur livre de programmation et ils savent quel
film va où, à quel prix, etc. Ce sont eux, en définitive,
qui jusqu'à présent fixent les prix, fixent au détriment
même des impératifs régionaux élémentaires,
les conditions de diffusion du cinéma. (21 h 45)
Ils peuvent dire, vu que ce sont eux qui connaissent la situation
seulement: Dans telle région, tel film ne sortira pas avant un an. Ou
bien ils peuvent par exemple, vu que ce sont eux qui connaissent la situation,
mettre une salle parallèle dos à dos avec une salle commerciale
pour essayer de faire pression sur l'une ou sur l'autre dépendamment de
la situation. C'est cela, le "free for all". Donc, on n'est pas
sévère pour être sévère envers
nous-mêmes; on est sévère dans le but d'augmenter la
qualité de la diffusion du cinéma au Québec. Je ne sais
pas si cela répond à votre intervention.
Le Président (M. Paré): La parole est maintenant au
député de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: J'ai une question à poser, que je dois
peut-être poser aux réalisateurs ou aux distributeurs. C'est votre
mémoire qui m'a fait penser à cela. Donc, je vais vous la poser.
À la page 8, vous avez comparé un peu les cinémas
parallèles à Radio-Québec. Vous m'avez fait penser
à quelque chose: si on décidait d'installer à
Trois-Rivières, à Sherbrooke, à Saint-Jean-Port-Joli,
à Montréal une salle nationale, propriétée de
l'État, laquelle aurait pour but de "diffuser -et je vous cite à
la page 9 - des films difficilement rentables: documentaires, courts et moyens
métrages, films québécois, films engagés,
classiques, films de provenance ou de facture peu courante." Cette salle serait
bien aménagée. La publicité serait faite d'une
façon intelligente et correcte, et tout le monde à
Trois-Rivières saurait qu'il existe au moins un endroit dans la ville
où il peut voir les personnes qui s'intéressent à ce genre
de films que je viens de définir. Tous les réalisateurs et les
distributeurs québécois sauraient qu'il existe dans chaque centre
québécois au moins une salle vouée explicitement à
la diffusion de ce genre de films. Ils ne seraient pas obligés de
projeter dans les salles paroissiales, les sous-sols des églises, les
cégeps et les universités, et avec probablement très peu
de publicité, les films qui les intéressent: Si on avait, un peu
dans le même sens que Radio-Québec, un moyen de diffusion national
- j'imagine que cette affaire serait beaucoup moins coûteuse qu'un
réseau de télévision - est-ce que cette idée
pourrait régler, en quelque sorte, au moins quelques-uns des
problèmes que vivent quotidiennement les gens du cinéma
québécois?
M. Pesot: Je répondrais ceci à votre intervention:
Je ne pense pas que ce serait une bonne idée. Enfin, il y en a
plusieurs, mais la principale raison est la suivante: si l'État
instituait, à toutes fins utiles, un réseau parallèle,
mais public, ce serait un réseau qui serait imposé par en haut.
Ce ne serait plus un réseau qui tablerait sur des initiatives locales,
sur des entreprises faites par des gens de la place qui s'intéressent
à quelque chose et qui veulent faire des choses intéressantes. Ce
serait quelque chose de parachuté et qui, de ce simple fait, je pense,
serait plus ou moins voué à l'échec.
Une salle parallèle appartenant à l'État, qui
présenterait des films peu rentables, à mon avis, il n'y aurait
pas grand monde qui irait là parce que, justement, ce serait
imposé d'une certaine façon, même si c'est quelque chose de
bien; ce serait imposé d'en haut et ce ne serait pas leur affaire, ce ne
serait pas l'affaire des spectateurs, des gens qui iraient. C'est ma
première réaction.
Ma deuxième, c'est que je pense qu'un tel réseau ferait
revivre des idées un peu anciennes qui avaient rapport au circuit Arts
et essai, qui serait forcément et statutairement subventionné par
le ministère des Affaires culturelles. C'est une idée qui
courait, il y a déjà plusieurs années. Au moment du livre
bleu, on en a aussi parlé. Le mot "élitiste" n'a peut-être
pas été mentionné dans le livre bleu comme tel, mais
c'était assez clair à l'époque que ce livre bleu voulait,
d'une certaine manière, faire revivre un esprit d'excellence dans le
monde des spectateurs, c'est-à-dire créer une élite de
spectateurs cinématographiques, comme il en existe dans le domaine des
sports.
Alors, le but, l'objectif profond de l'association, c'est justement le
contraire de cela. Ce n'est pas de créer une élite et de dire:
Voici le petit groupuscule - les "upper ten thousands" ou je ne sais trop quoi
- de cinéphiles heureux qui savent quelque chose, qui sont au courant,
qui sont éduqués et instruits, comme on disait dans le temps, et
le reste, c'est la populace qui n'y va pas, qui continue à aller dans
les salles commerciales voir son E.T. ou sa Guerre des étoiles.
Pour ces deux raisons principales, je ne pense pas finalement que cette
idée, qui est la vôtre, devrait être retenue.
M. Scowen: Oui, laissez-moi répondre à vos deux
raisons. Je ne veux pas éterniser le débat, mais,
premièrement, je suis prêt à accorder à chacune de
ces salles nationales un statut juridique indépendant et à
assurer que le conseil d'administration, si vous voulez, sera composé de
gens de Saint-Jean-Port-Joli effectivement, afin que le choix des films par le
directeur général soit le choix des gens du milieu.
Quant à votre deuxième raison, vous dites qu'il y a un
danger que les dirigeants de cette salle n'aillent chercher une espèce
d'excellence en créant une élite et des films d'élite. Il
me semble que cet effort qu'on vise dans le projet de loi est effectivement de
créer une excellence, de créer une élite,
si vous voulez, des gens qui font des films d'une qualité
supérieure, dans le sens de meilleure. Pour vous, le mot "élite"
est peut-être quelque chose de négatif, mais, pour moi, un
excellent film est quelque chose qu'on recherche.
J'ai parlé avec des gens du domaine de la distribution des films
de 16 mm et, à l'encontre de ce que vous avez dit, ils m'ont dit que le
problème n'est pas les distributeurs qui ont le contrôle de tout;
c'est le fait que les distributeurs de très bons films sont
contrôlés par les gens qui contrôlent les salles
aujourd'hui. C'est effectivement vous qui êtes la cause de la plupart des
problèmes des gens qui veulent distribuer les films de qualité
québécoise, parce que vous préférez très
souvent, effectivement, passer dans vos cégeps et dans vos
universités des films qui sont commerciaux plutôt que d'excellents
films qui sont peu connus parce qu'ils sont québécois.
Alors, je veux régler ce problème parce que je vais
insister pour que cette société sans but lucratif,
représentative de la communauté et nationale, s'occupe de la
liste des films que je viens d'énoncer et que vous avez
énoncés à la page 9. Je trouve que c'est quand même
une idée passablement intéressante.
Le Président (M. Paré): M. Pesot.
M. Thériault: Je me permets de vous répondre
là-dessus. Vous avez plusieurs éléments dans votre
question. Je commence par la fin. Premièrement, pour ce qui est des
films québécois, le dernier point que vous avez touché, la
proportion de films québécois dans les différents
ciné-clubs ou salles parallèles est différente d'une
région ou d'une salle à l'autre. Prenons le cas de Chicoutimi, si
je peux parler de mon patelin, par exemple, dans une session, on a 15 longs
métrages. À cette session-ci, il y a 2 longs métrages
québécois et il y a 11 courts métrages
québécois. C'est peut-être un exemple particulier, mais il
y a une très forte proportion de longs et de courts métrages
québécois.
Pour votre information, le Québec est reconnu mondialement non
pas pour ses longs métrages, mais pour la production de ses courts
métrages. C'est une espèce de fausse idée qu'on charrie du
fait qu'il y a relativement peu de longs métrages
québécois qui se produisent par rapport à notre production
de courts métrages. C'est plutôt de ce côté-là
qu'il faudrait insister parce que notre industrie et nos moyens de production,
nos limites financières font en sorte qu'on produit ce type de
cinéma qui est moins dispendieux que le long métrage
traditionnel. La proportion de films québécois dans les
ciné-clubs est nettement supérieure à celle des films
commerciaux, si vous la prenez dans la même région. Comparez chez
nous, à Chicoutimi, la projection de films québécois dans
les salles commerciales et dans les salles parallèles, faites les
statistiques, ce n'est pas gênant du tout pour nous.
Je reviens à l'exemple de votre salle nationale qui me fait
penser un peu au Centre national des arts à Ottawa. J'ai
apprécié que vous commenciez par Trois-Rivières parce que
c'est un exemple typique. Trois-Rivières est le prototype des
ciné-clubs au Québec, qui regroupe 9000 membres,
c'est-à-dire une population "at large" - on ne parie pas d'élite,
on parle de 9000 membres dans la région de Trois-Rivières - et,
à ma connaissance, cela ne coûte pas un sou à l'État
québécois. Ces 9000 membres autofinancent entièrement
leurs activités et ce sont les gens du milieu qui décident et qui
programment leur cinéma chez eux. Je regrette, mais je ne vois vraiment
pas, dans ce cas-là en particulier et dans d'autres cas que je pourrais
citer - par exemple, Sherbrooke, Trois-Rivières, Rimouski et Chicoutimi
- l'intérêt de créer ce type de salle. Ce besoin est
déjà comblé, et avantageusement, sans que cela coûte
un sou au gouvernement. J'ai oublié quelque chose, mais, si cela me
revient, je vous le dirai.
Le Président (M. Paré): Vous avez
terminé?
M. Labrecque (Jacques): Je voudrais ajouter quelque chose
à ce sujet-là. Je pense que c'est tentant, ce réseau de
salles d'État où on pourrait passer des films
québécois ou des films de qualité mais je pense aussi
qu'on tendrait à marginaliser certains produits qui s'en trouveraient
desservis. Je pense que ce n'est pas une idée qui pourrait vraiment
aider le secteur de la diffusion du film au Québec. Je crains
très fort de ce côté-là parce qu'il est difficile
d'étiqueter les productions. Je pense que le film
québécois a droit à tous les écrans, que le film
québécois ou le film de qualité a droit à toutes
sortes d'écrans.
M. Pesot: Effectivement, si on crée une sorte de salle
spécifique, on court le risque que les films rentables soient
"catégorisés" et les films québécois seront dans
les films non rentables qui ne passeront que dans ces salles avec à peu
près pas de spectateurs et de grosses subventions. Le Nouveau
réseau -c'est comme cela que cela s'appelait il y a quelques
années - est une espèce d'initiative officielle qui a
été créée un peu dans ce but. Ce n'était pas
l'ouverture de salles comme telles mais on voulait créer quelque chose
à part et cela a été un échec total.
M. Scowen: Excusez-moi. Je n'ai pas
l'intention de reprendre le débat, mais si je comprends bien,
vous me dites que, si on prend des films québécois et qu'on les
présente dans des salles bien aménagées avec une bonne
publicité, ils risquent quand même d'être
présentés dans des salles vides.
M. Pesot: Absolument. M. Scowen: Pourquoi?
M. Pesot: Parce que notre expérience nous prouve hors de
tout doute que, lorsqu'on crée des catégories de cinéma
québécois, par exemple, les gens n'iront pas. Il faut que, comme
le disait Jacques Labrecque tout à l'heure, le cinéma
québécois passe sur n'importe quel écran comme n'importe
quel autre cinéma, à côté du cinéma
américain, à côté du cinéma allemand qui s'en
vient de plus en plus ici. Il ne faut pas créer de salles de
cinéma québécois parce que les Québécois
vont dire: C'est encore du produit québécois. C'est notre
expérience qui est très claire là-dessus.
M. Scowen: Mais je répète que, dans la salle que je
vois, ce ne sont pas seulement des films québécois; ce sont des
documentaires, des courts et moyens métrages, des films
québécois, des films engagés, classiques, des films de
provenance ou de facture peu courante. C'est un mélange. C'est votre
mélange et vous me dites que dans des salles bien
aménagées, avec une bonne publicité, dans des centres
comme Sherbrooke et Trois-Rivières, ces films risquent d'être
présentés dans une salle vide. (22 heures)
M. Pesot: Oui, parce qu'il y a aussi une suite à votre
proposition. Si effectivement on crée ce genre de salles nationales, il
faut bien se rendre compte que les autres salles, les commerciales, ne
sentiront plus aucun besoin de présenter ce genre de films. Donc, les
films classés engagés, québécois, documentaires,
etc., passeront exclusivement dans vos salles nationales et les salles
commerciales, à ce moment-là, auront beau jeu et ce ne sera que
du cinéma américain, à toutes fins utiles. C'est cela qui
crée, finalement, le partage très net entre les deux. Ce serait
la "ghettoïsation", si vous me permettez l'expression, du cinéma
québécois et du cinéma engagé, etc.
Le Président (M. Paré): Avant de passer à un
autre intervenant et en vertu des règlements de l'Assemblée
nationale, il est spécifié que les travaux doivent cesser
à vingt-deux heures à moins du consentement unanime des membres
de la commission. Donc, comme il nous reste encore à terminer l'audition
du groupe qui est présentement devant nous et quatre autres groupes, je
demande le consentement unanime pour poursuivre les travaux.
Des voix: Cela va.
Le Président (M. Paré): Cela va? Pas de
problèmes?
M. Proulx: Est-ce qu'on fixe une heure? Est-ce qu'on pourrait
fixer une heure, M. le Président?
Le Président (M. Paré): Oui. Une voix:
Vingt-trois heures.
M. Marx: En général, est-ce qu'on ne pourrait pas
revenir demain matin?
Le Président (M. Paré): J'aimerais vous rappeler
qu'on a des groupes qui sont ici depuis quelques heures déjà et
qu'ils ont été convoqués pour être entendus
aujourd'hui. Ce qu'on peut faire, c'est filer jusqu'à minuit et, si ce
n'est pas terminé, il faudra à nouveau le consentement unanime
des membres pour continuer. J'ai le consentement pour jusqu'à
minuit?
Des voix: Oui.
Le Président (M. Paré): Donc, la parole est
maintenant au député de Châteauguay et j'aimerais lui
rappeler, de même qu'à tous les autres membres de la commission,
qu'il nous reste deux heures pour entendre les quatre autres groupes qui sont
ici présentement. La parole est à vous, M. le
député de Châteauguay.
M. Dussault (Châteauguay): Je vais essayer d'être
bref. M. le Président, merci. D'abord, je voudrais dire à
l'Association des cinémas parallèles du Québec que son
mémoire est très intéressant. S'ils avaient trouvé
une très grande satisfaction dans le projet de loi, cela méritait
quand même qu'ils viennent nous parler parce que c'est un aspect
important qu'ils ont fait ressortir devant notre commission. Je pense qu'il
valait la peine de les entendre.
Je voudrais poser une petite question avant d'aller plus loin. Est-ce
que les cinémas, comme le cinéma Cartier et le cinéma
Outremont à Montréal, sont considérés comme des
salles parallèles?
M. Pesot: Non.
M. Dussault (Châteauguay): C'est vraiment du commercial,
d'accord. Est-ce que je me trompe en disant que vous êtes tous des
bénévoles, que personne de votre association n'est payé
à la base et partout où on intervient pour faire du travail dans
le sens de présenter des films?
M. Pesot: Bon, notre mémoire fait état d'une
majorité de bénévoles. On est, la plupart du temps, des
bénévoles et, en fait, je dirais que dans 95% à 99% des
cinémas parallèles, c'est comme cela. Mais il arrive, dans le cas
de gros cinémas parallèles qui existent déjà depuis
un certain nombre d'années, que la tâche est tellement
énorme parce qu'il y a tellement de spectateurs - là, on compte
en termes de milliers et de dizaines de milliers de spectateurs, il y a un
roulement énorme - que les bénévoles ne peuvent pas,
finalement, administrer cela, c'est trop lourd. Il peut arriver que, dans ces
cas-là, l'organisme engage un permanent et le paie ou aille même
chercher une subvention, éventuellement, pour le payer. Cela arrive,
mais ce n'est pas...
M. Dussault (Châteauguay): D'accord, Mais, en
général, vraiment vous êtes des
bénévoles?
M. Thériault: Ou il y a des formules bicéphales,
comme dans notre cas à Chicoutimi. Je suis un animateur culturel
à l'université, je travaille à la base pour le
ciné-club, c'est-à-dire que j'en fais pendant mon travail et j'en
fais aussi en dehors de mon travail, mais je suis le seul qui est payé
en partie pour le faire, sur une partie de son temps. Les autres sont des
bénévoles pour ce qui est de leur participation. Donc, quand on
tourne autour d'un organisme scolaire, il arrive qu'il y a du travail de gens
déjà en place dans l'institution et cela est bon.
M. Dussault (Châteauguay): D'accord. Je voudrais vous dire
en terminant que je vous trouve sympathiques. Je trouve sympathique le travail
que vous faites, l'encadrement que vous avez pour le faire et je pense que le
rôle que vous jouez est important parce que vous palliez à des
lacunes du système commercial. C'est clair que le système
commercial ne fera jamais ce que vous faites. L'éducation populaire que
vous faites pour l'art cinématograhique ne se fait pas dans les
cinémas. Certaines salles comme le Cartier et l'Outremont posent des
gestes un peu de cet ordre-là, c'est pour cela que je me suis
posé des questions tout à l'heure, mais je pense que vous
êtes les seuls à pouvoir faire véritablement ce qui se
fait. Je pense que par le passé vous avez rendu certains services. Je me
rappelle que certains films ne passaient pas dans les salles de cinéma
commerciales parce qu'ils avaient un certain caractère politique. Cela a
permis à certains films d'être vus par les
Québécois. Sinon, on ne les aurait jamais vus.
Je pense que vous devez continuer à faire votre travail. Vous
avez pris des risques. Vous êtes venus nous dire, ici, d'avance que
certaines choses devaient se faire même s'il pouvait être plus ou
moins clair que c'est comme cela que cela se passerait. Vous aviez le droit de
le faire et ne lâchez pas!
M. Pesot: Merci. On vous adressera un carte de membre de nos
ciné-clubs.
Le Président (M. Paré): La parole est maintenant
à Mme la députée de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: J'ai une seule question à poser.
Après tous les compliments du député de Châteauguay,
je pense que vous devriez avoir quelqu'un qui intercédera pour vous
auprès du ministre parce que, quand on entend un ministre qui dit "Je
prends bonne note", je vous assure que ce n'est pas très prometteur.
Une voix: M. le ministre, ne laissez pas passer cela.
M. Richard: M. le Président...
Le Président (M. Paré): S'il vous plaît! Non,
s'il vous plaît! S'il vous plaît!
M. Richard: M. le Président, c'est la première fois
en six ans que je me fais injurier par Mme la députée de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: II y a un...
M. Richard: Je tiens à en faire une question de
privilège...
Mme Lavoie-Roux: Ce n'était pas une très grosse
injure, c'est simplement pour vous piquer.
M. Richard: ...et à lui demander de retirer ses paroles
injurieuses.
Mme Lavoie-Roux: Je pourrai toujours les retirer en temps et
lieu, si vous vous amendez.
Est-ce que je suis correcte en pensant que, jusqu'à maintenant,
il n'y avait rien de prévu dans la Loi du Québec sur le
cinéma qui touchait les salles parallèles. Il n'y avait rien?
M. Thériault: Vous êtes correcte.
Mme Lavoie-Roux: Chacun fonctionnait selon son initiative, enfin
selon les intérêts du milieu, etc.
M. Thériault: Sur le tas.
Mme Lavoie-Roux: Est-ce que, dans l'hypothèse où le
ministre - pour reprendre votre expression - vous reléguerait au statut
de menu fretin, à l'article 159, et où, par la
suite, vous craindriez davantage de subir des restrictions de la part de
la régie, est-ce qu'il ne vaudrait pas mieux alors, à vos yeux,
que vous soyez complètement retirés du projet de loi, que vous
continuiez à fonctionner comme vous le faites présentement, pour
ne pas être exposés à ce type de restrictions de la
régie ou si, malgré les inconvénients, les craintes ou les
appréhensions que vous avez présentement, il vaut encore mieux
être traités à l'article 159 que pas du tout dans le projet
de loi?
M. Pesot: Votre proposition me semble intéressante d'une
certaine manière. Effectivement, on pourrait dire que ce serait
quasiment mieux d'en être retirés que de nous laisser là
où nous sommes, d'une certaine manière, mais, si nous sommes
complètement sortis du projet de loi, on n'a plus aucune garantie quant
à nos droits futurs, on ne sait plus du tout ce qui peut arriver. Nous
ne serons certainement pas reconnus; si nous n'obtenons pas aujourd'hui
d'être reconnus officiellement par le ministre, je pense que nous ne le
serons jamais; ce sera dans une prochaine loi. Ensuite, une autre remarque,
c'est que je pense que, si nous sommes sortis du projet de loi, nous n'aurons
très certainement plus aucun accès aux différents
programmes d'aide qui existent présentement à l'Institut
québécois du cinéma et de la vidéo pour
bientôt. Il existe des programmes d'aide pour la production dans
différents secteurs, y compris aussi pour l'exploitation
présentement, je pense que c'est à revoir. Mais on voudra au
moins, dans l'avenir, avoir accès à cela au même titre que
les salles commerciales. Si on en est sorti, je pense que cette
possibilité est terminée.
M. Thériault: J'aimerais aussi ajouter un point qui me
semble essentiel. C'est un préjugé qui était
véhiculé et je ne pense pas qu'il soit disparu encore
actuellement. Beaucoup de gens ont encore dans la tête le fait que les
salles parallèles ou les ciné-clubs sont des gens qui
bénéficient assez souvent à pleines poches des avantages
d'être dans le cadre d'une institution scolaire. Laissez-moi vous dire
que c'est de moins en moins vrai dans la plupart des cas. Je n'ai pas besoin de
vous faire de dessin: les coupures budgétaires, principalement au
ministère de l'Éducation, font en sorte que, dans notre cas comme
dans le cas de la plupart des gens, l'autofinancement doit se faire
complètement, c'est-à-dire qu'il n'est pas question de faire de
déficit pour le ciné-club, celui-ci doit faire ses frais. Donc,
cela nous a obligés à formaliser notre organisation, à
nous organiser, à nous structurer, à prévoir des
programmations, à améliorer notre publicité, notre
information, à faire du recrutement, à vendre des cartes de
membres, parce que nous fonctionnons principalement par cartes de membres, et
à nous autofinancer, de sorte que, maintenant, nous sommes prêts
à embarquer dans un projet de loi, en fait, parce qu'on peut accepter
des devoirs à remplir et une certaine tâche administrative
à effectuer. Donc, ce travail de préparation est
déjà fait, si vous voulez, du simple fait des contraintes
budgétaires qu'on a eues à subir depuis quatre ou cinq ans.
Mme Lavoie-Roux: Est-ce que vous percevez une taxe sur les
spectacles quand des gens viennent à vos ciné-clubs?
M. Pesot: Oui. On est obligé, de toute façon. On
est obligé de remettre, je pense, 8%...
M. Thériault: 10%.
M. Pesot: ...10% aux municipalités.
Mme Lavoie-Roux: Est-ce que, à votre connaissance, les
taxes qui sont perçues dans le fonctionnement d'un cinéma
parallèle rapportent moins au trésor public qu'un cinéma
commercial?
M. Pesot: Je pense que oui, effectivement. On n'est quand
même pas au même palier que les salles commerciales. Notre
chiffre...
Mme Lavoie-Roux: Non, mais je veux dire... Même avec un
nombre, supposons qu'on mettrait un nombre égal de spectateurs...
M. Pesot: Ce serait les mêmes 10%, de toute façon,
c'est la même billetterie et tout.
Mme Lavoie-Roux: Ce serait la même chose pour les deux.
M. Richard: ...municipale.
M. Thériault: Mais cela va directement à la ville.
Dans notre cas, c'est cela.
M. Pesot: Et cela ne revient que très rarement au monde du
cinéma, d'ailleurs. Cela va souvent dans les sports ou dans autre
chose.
M. Thériault: C'est le cas chez nous. Mme Lavoie-Roux:
Merci.
Le Président (M. Paré): La parole est au dernier
intervenant. Mme la députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Une remarque et ensuite
une question. La remarque s'adresse à vous de Chicoutimi. J'ai
trouvé très intéressant le fait que vous aviez soutenu
financièrement une production en super-huit. C'est peut-être peu
prometteur l'émergence des salles parallèles avec la
fédération. C'était d'ailleurs favorisé dans le
rapport Fournier, parce que cela va peut-être renouer avec la tradition
des cinémas indépendants, des grandes salles de cinéma,
des distributeurs indépendants dans les années cinquante qui
finançaient la production cinématographique. Et il n'y a que vous
qui avez tenté cette expérience à votre connaissance?
M. Thériault: Je ne sais pas.
M. Pesot: À Rimouski, il y a dix ans, ça s'est
déjà fait. À Trois-Rivières, ça s'est
fait.
M. Thériault: À Trois-Rivières, c'est fait
depuis longtemps.
Mme Harel: La question que je vais vous poser est la suivante:
Compte tenu des appréhensions dont vous faisiez état
tantôt, votre fédération regroupe, je crois, une
trentaine...
M. Pesot: Quarante.
M. Thériault: Quarante-cinq.
Mme Harel: Quarante-cinq salles parallèles
présentement.
M. Pesot: Sur soixante-dix-neuf.
Mme Harel: Sur soixante-dix-neuf. Donc vous vous êtes
donné des règlements internes j'imagine qui vous permettent de
juger les demandes d'admission des salles parallèles à votre
fédération. Vous avez déjà des critères,
j'imagine...
M. Pesot: Absolument.
Mme Harel: ...que vous utilisez pour déterminer s'il
s'agit bien d'une salle parallèle ou... Quand vous notiez, avec raison
je pense, que vous étiez seulement exclus de l'application de
l'alinéa 1 de l'article 159 mais que les alinéas suivants
assujettissaient, finalement, le permis d'exploitation que vous recevriez de la
régie, donc, qu'il y aurait l'établissement de conditions pour
l'obtention d'un permis d'exploitation de votre catégorie, vous craignez
les conditions qui vont être assujetties pour obtenir le permis
d'exploitation en vertu des alinéas 2 et suivants de l'article...
Mais, je me disais: je ne sais pas s'il n'y a pas une garantie du fait
que la régie doit quand même procéder à une
consultation à l'article 162, paragraphe 2. La régie doit, une
fois que l'avis est fait à la Gazette officielle, dans les trente jours
qui suivent, procéder à une consultation s'il y a eu une demande
écrite et motivée en ce sens qui est parvenue.
Je me demande s'il n'y a pas lieu de penser que, si tant est que vos
appréhensions se trouvaient à être confirmées dans
des conditions qui ne vous sembleraient pas acceptables, vous pouvez avoir
recours à ce mécanisme d'une part, et, d'autre part, vous pouvez
peut-être vous-mêmes indiquer déjà les
critères - je pense à vos règlements internes - qui vous
permettent justement de distinguer ce qu'est une salle parallèle au sens
où vous le concevez.
M. Thériault: La meilleure garantie, en tout cas celle
qu'on a demandée - on n'est pas plus bêtes que d'autres - c'est
d'être dans la machine, c'est-à-dire d'avoir un siège
à l'institut. C'est aussi simple que cela. Lorsqu'on a l'occasion
d'avoir un siège à la bonne place, on ne perdra pas trop de temps
sur les autres choses; pour nous, c'était ce jeu.
Mme Harel: Mais l'institut, ce n'est quand même pas la
régie.
M. Thériault: Oui mais l'institut va participer à
toutes les étapes qui vont...
M. Pesot: Je pense que ce qui est très important, c'est le
niveau du principe; c'est qu'on ne peut pas ne pas voir qu'actuellement, peu
importe la façon dont on tourne l'article 159, l'article 87, etc., on
sera toujours une sous-catégorie des exploitants commerciaux. Cela, peu
importe quels sont les critères qu'on pourra nous-mêmes
élaborer en collaboration avec la régie ou les critères
que la régie élaborera et, nous, on réagira. Cela, peu
importe, on sera nécessairement en dessous et c'est contre cela
finalement qu'on s'élève. On ne veut même pas commencer
à embarquer dans cette élaboration des critères, on n'en
veut pas de critères, on veut comme seul critère qu'une salle
parallèle, c'est une salle, un organisme sans but lucratif ou
éventuellement une coopérative - on ne s'est pas tellement
penché là-dessus - c'est tout. Le reste, c'est comme pour
Radio-Québec, c'est comme pour les radios éducatives, on veut
avoir tout simplement un mandat culturel et éducatif
général et, nous, comme fédération, comme
association, nous voudrions avoir le droit de gérer nous-mêmes
cette activité et de veiller nous-mêmes à l'atteinte de
l'objectif culturel. On ne voudrait pas que ce soit fait par rapport à
des critères quelconques. (22 h 15)
Le Président (M. Paré): M. le député
de Saint-Henri.
M. Hains: Messieurs, vous avez reçu des encouragements et
des félicitations du côté ministériel, alors, nous
aussi, de ce côté-ci -on pourrait presque dire du
côté parallèle -nous vous témoignons notre
admiration et nous vous offrons nos meilleurs voeux de survie et d'excellence.
Bonne chancel
M. Pesot: Merci.
Le Président (M. Paré): Alors, M. Pesot, M.
Labrecque et M. Bélanger, merci du temps que vous avez consacré
à la commission.
M. Pesot: Merci.
Le Président (M. Paré): J'inviterais maintenant
l'autre organisme, le Regroupement des bibliothèques centrales de
prêt du Québec, à prendre place à la table ici en
avant.
Comme pour les groupes précédents, j'invite le
porte-parole à se présenter et à nous présenter la
personne qui l'accompagne, s'il vous plaît!
Regroupement des bibliothèques centrales de
prêt
M. Tremblay (Jean-Pierre): M. le Président, M. le ministre
des Affaires culturelles, M. le représentant de l'Opposition ainsi que
mesdames et messieurs, tout d'abord, je tiens à corriger ce qui est
inscrit à l'ordre du jour. Mon nom est Jean-Pierre Tremblay. Je suis de
la Bibliothèque centrale de prêt de la région de
Québec et je remplace Gilles Dubé, président de la
Bibliothèque centrale de prêt des Portages, qui n'a pas pu se
rendre. Pour m'accompagner, j'ai M. Yves Savard, directeur
général de la BCP des Portages.
Alors, pour rassurer les groupes qui viennent après nous ainsi
que les membres, je tiens à vous souligner qu'au niveau du
mémoire écrit qui a été déposé, pour
la présentation, je vais sauter par-dessus toutes les citations ou les
rapports qui peuvent exister avec la Loi sur le cinéma et la
vidéo que vous connaissez très bien.
Avant de commencer la lecture du mémoire proprement dit, voici
quelques explications pour présenter la Bibliothèque centrale de
prêt ou le réseau des BCP. Tout d'abord, signalons que le cadre
juridique d'une BCP, c'est une bibliothèque qui est constituée
selon la troisième partie de la Loi sur les compagnies, donc, à
but non lucratif. Cela est un organisme régional, dans le sens des
régions administratives du Québec, à part une ou deux
petites exceptions. Les sources de revenus des BCP sont, à peu
près à 50%, le ministère des Affaires culturelles et les
municipalités qui sont sous contrat avec les BCP. Tout le territoire du
Québec est maintenant couvert. Cela s'est développé entre
1960 et 1980. Actuellement, l'ensemble des BCP dessert environ la moitié
des 1358 municipalités de 5000 habitants et moins.
Pour ce qui est du fonctionnement, les BCP achètent et
préparent des biens culturels, principalement, les livres, mais il y a
aussi les disques, les jouets éducatifs et les reproductions des films
qu'elles mettent à la disposition des municipalités. Un contrat
lie la municipalité à la BCP. Ensuite, les biens culturels sont
évidemment déposés dans les bibliothèques
municipales sous contrat et ces livres sont échangés
périodiquement par la BCP. Finalement, comme dernière
explication, on vous précise que, dans l'année 1981-1982,
l'ensemble du réseau des BCP a fait circuler quelque 2 500 000 biens
culturels.
Alors, la présentation qu'on a à faire, c'est en quelque
sorte une offre de services puisque, comme vous avez pu le constater, notre
spécialité n'est pas en premier lieu le cinéma, notre
spécialité est beaucoup plus un réseau de distribution, de
diffusion non commerciale qui est principalement axée sur le livre. Mais
il y a des possibilités pour le cinéma et la vidéo. Les
onze bibliothèques centrales de prêt constituent le réseau
des bibliothèques régionales au Québec. Depuis 20 ans,
elles y diffusent le livre, d'autres biens culturels et des manifestations dans
700 municipalités de moins de 5000 habitants.
Les bibliothèques centrales de prêt sont
particulièrement fières de l'utilisation des bibliothèques
par les citoyens des régions et de l'implication communautaire des
bibliothèques affiliées à leur réseau. Nous croyons
que cette réponse du milieu et sa participation tient en bonne partie au
fait que les BCP oeuvrent dans le sens d'une conception très
élargie de la culture. Dans cette conception, plusieurs BCP diffusent
gratuitement le film depuis de nombreuses années. Elles participent
également et régulièrement à la tenue de
tournées de films. Ces deux éléments de programme
affichent tous deux des performances dignes de considération.
Il nous tient donc à coeur de voir s'édifier au
Québec un réseau de
cinémathèques-vidéothèques régional
communautaire. Les BCP désirent s'y impliquer. Elles ont même
déjà exprimé un intérêt certain pour toutes
les hypothèses qui les appelleraient à assumer elles-mêmes
cette mission auprès de leur région.
Maintenant regroupées en un réseau national, les BCP
s'intéressent à la culture dans le milieu non urbanisé,
qui représente près du tiers de la population du Québec,
et tiennent, par leur porte-parole officiel, à exprimer un avis au sujet
du projet de loi sur le cinéma et la vidéo. Le sujet les
intéresse d'autant plus si l'on considère qu'il y a une demande
pour les produits québécois
et que ces produits québécois ne sont pas toujours
facilement accessibles, qu'il s'agisse d'oeuvres d'imagination ou de
documentaires, de produits commerciaux ou de documents publics.
Nous croyons que tout projet d'encadrement et de promotion des produits
culturels au Québec doit inclure des mesures favorisant la desserte des
régions. Cette conviction s'harmonise bien, croyons-nous, avec le
mouvement effervescent de la régionalisation que nous commençons
à vivre avec le ministère des Affaires culturelles et le
gouvernement.
Concernant le projet de loi. Le projet de loi no 109 a prévu une
politique globale du cinéma et de la vidéo; il a prévu
aussi l'encadrement nécessaire à la mise en place, au maintien et
au contrôle des entreprises de production et de diffusion.
Le regroupement des BCP, quant à lui, est préoccupé
par le traitement que la loi doit prévoir pour la diffusion
communautaire des oeuvres. À ce titre, le Regroupement des
bibliothèques centrales de prêt du Québec propose que le
projet de loi sur le cinéma et la vidéo prévoie
l'établissement d'un réseau de
cinémathèques-vidéothèques régionales
communautaires au Québec en vue de rencontrer le second objectif de la
politique du cinéma et de la vidéo proposé de la
façon suivante: Le développement du cinéma
québécois et la diffusion de la culture cinématographique
dans toutes les régions du Québec, ce qui est un objectif de la
loi.
Les BCP favorisent la mise en place d'un réseau de
cinémathèques-vidéothèques régional par
l'utilisation de cinémathèques existantes ou, à
défaut, d'autres organismes existants.
Conscientes de leurs moyens, les BCP ne revendiquent pas a priori ce
mandat pour elles-mêmes. Cependant, elles sont prêtes à
considérer toute proposition qui les mettrait à contribution ou,
si les moyens le permettaient, qui les appellerait à réaliser le
mandat elles-mêmes.
Quelques vues maintenant sur la proposition. Le projet de loi no 109
suggère une politique dont le premier acteur serait une
cinémathèque-vidéothèque nationale. Les BCP
souscrivent à l'idée d'une institution majeure pour conserver et
diffuser les oeuvres.
Trois préoccupations principales nous animent cependant: la
constitution de la collection nationale, la décentralisation des
services de l'institution et la reconnaissance du matériel
vidéo.
Au niveau de la collection, nous souhaitons que la
cinémathèque-vidéothèque nationale puisse
constituer un fonds national complet, incluant le fonds rétrospectif et
les documents publics produits par le gouvernement et ses organismes. Nous
souscrivons à l'idée d'acquérir tous les films produits au
Québec et présentés au public, mais désirons que ce
dépôt soit fait obligatoirement et gratuitement, au même
titre que notre société l'exige de ses éditeurs.
Advenant l'éventualité que la cinémathèque
nationale du Québec - ici, on corrige le texte, c'était
écrit "la bibliothèque", c'est une déformation
professionnelle, si on peut dire - est bien près de sa mission actuelle,
nous croyons qu'il faudrait la sortir d'une politique qui favorise clairement
la diffusion des oeuvres, car, c'est dans cette ligne de pensée que
s'inscrit le second volet de nos préoccupations, volet principal.
La décentralisation. S'il nous plaît d'entrevoir
l'avènement de l'institution centrale, il nous importe encore davantage
d'assurer la ventilation de sa riche collection auprès des
résidents des 1300 petites municipalités que nous visons à
desservir, retrouvant ainsi le film et le matériel vidéo parmi
les biens culturels accessibles en région. Les bibliothèques
centrales de prêts font déjà des grands efforts pour
accentuer la diffusion des livres, disques, jouets, tableaux, revues,
spectacles, conférences, oeuvres et manifestations
québécoises de toutes sortes et pour leur assurer une place
privilégiée parmi la multitude des biens culturels qu'elles
diffusent. Le film et le matériel vidéo doivent y prendre place
également.
Nous croyons donc qu'il faut absolument assortir le Centre
québécois du cinéma et vidéo de satellites en
région, eux-mêmes bien organisés, et qui réaliseront
son mandat de diffusion. C'est, selon nous, la seule façon de
réussir l'objectif no 2 de la politique prévue au projet de loi.
Il ne faut surtout pas croire ou exiger même que le réseau de
distribution commerciale puisse se charger de tout ce service de distribution
à lui seul.
En ce qui concerne le matériel vidéo en tant que
médium d'avenir, les bibliothèques centrales de prêt
s'affichent preneur de l'avancement technologique et partagent avec le ministre
le désir d'étendre au matériel vidéo le titre de
bien culturel. Les BCP insistent spécifiquement sur ce point parce que
ce médium permettra bientôt de domestiquer le cinéma au
même titre que le livre ou le disque. Dans cette perspective, les
bibliothèques deviendront un véhicule naturel pour ce nouveau
médium et nul doute que le réseau des bibliothèques
publiques deviendra fort attrayant pour les promoteurs du matériel
vidéo comme il l'est pour ceux des autres biens culturels.
Nous estimons donc que la
cinémathèque-vidéothèque nationale devrait
s'assurer au plus tôt une place de premier choix, et là sans jeu
de mots, dans les bibliothèques publiques pour la diffusion du
matériel vidéo auprès des individus.
Quelques petites suggestions concrètes au niveau du
fonctionnement pour la collection, les dépôts de films. La
collection nationale se composera probablement ultimement du rassemblement de
tous les documents québécois. On peut y prévoir des
qualités, des niveaux d'accessibilité, des quantités de
copies, des supports physiques et d'autres considérations très
diversifiées, qui n'obligeront pas, si cela n'est pas nécessaire,
de doubler la collection nationale dans chaque région.
Un dépôt de films en région. On devrait donc
déposer en région les titres populaires que la demande oblige
à rendre disponibles continuellement. On devrait aussi déposer en
région les documents sélectionnés pour leur pertinence
locale, leur qualité reconnue, ceux devant faire l'objet de promotion ou
devant jouer un rôle dans une vocation de développement culturel.
On rendrait alors accessible à la région la collection de base
d'une cinémathèque-vidéothèque communautaire
québécoise.
Des rotations de blocs. Beaucoup d'autres documents ne font pas l'objet
d'emprunts intensifs ou soutenus, ou ne participent pas d'une façon
manifeste au développement culturel ou même au goût du jour.
On pourrait alors envisager des formules de dépôts rotatifs ou
rotations de blocs de documents. Ainsi les
cinémathèques-vidéothèques régionales
recevraient-elles et échangeraient-elles des séries, des blocs
thématiques pour des périodes de six mois ou annuellement. Elles
les retourneraient à la
cinémathèque-vidéothèque nationale après
consommation régionale et ces séries seraient acheminées
intégralement ou autrement vers d'autres régions.
Un accès privilégié au fonds national. Enfin les
cinémathèques-vidéothèques régionales
auraient accès à un service privilégié pour
l'emprunt de titres individuels à la banque nationale et pour
l'obtention - là encore il n'y a pas de jeu de mots désiré
évidemment - de matériel de promotion ou d'animation. Donc tout
cela constitue un ensemble. Ces collections, ce renouvellement de stock, ces
services de demandes spéciales à l'unité, l'assistance
interrégionale des
cinémathèques-vidéothèques entre elles
ajoutée à celle de la centrale permettraient d'accentuer la tenue
de manifestations culturelles reliées au cinéma et à la
vidéo de façon que la "culture (ne soit pas) livrée comme
une marchandise à une clientèle passive." Là on
réfère évidemment à "La politique
québécoise du développement culturel."
Le service au client serait double en ce sens qu'il permettrait
l'accès en libre service sur place - à la
cinémathèque-vidéothèque régionale - ou le
service postal qui est une pratique très courante en région via
les BCP. De plus il permettrait l'accès aux projections et sessions
animées dans le cadre de manifestations culturelles programmées
par la cinémathèque-vidéothèque, voire par la
bibliothèque municipale.
Si on parle maintenant un petit peu de pignon sur rue. Pour parvenir
à réaliser ce mandat de diffuseur et de promoteur dans l'optique
de l'objectif no 2 de la politique proposée par le projet de loi, les
BCP croient qu'il faudrait clarifier les règles du jeu où
évolueront les cinémathèques-vidéothèques
régionales. En effet, il faut prévoir le financement
adéquat des collections de la centrale qui alimente les unités
régionales, de même que prévoir le financement du
fonctionnement de ces unités régionales.
Les structures actuelles en région n'arriveront pas à
jouer leur rôle adéquatement, ni les BCP, ni d'autres, sans
compléter leur équipement et sans leur insuffler un
supplément minimal de ressources humaines. Cela dit, l'utilisation de
structures existantes favorisera les économies d'installation et de
développement des unités. Plus ces structures seront
homoqènes, déjà rodées, efficaces et
interreliées, plus l'installation du réseau s'effectuera
rapidement. Toutefois, le financement supplémentaire nous semble
nécessaire. Il l'est d'autant plus si l'on considère qu'il
concerne l'établissement d'un équipement dont la densité
de la clientèle ne permettrait pas l'autonomie, même dans le
contexte d'une tarification. (22 h 30)
Un autre élément maintenant, avant de conclure, qui va
ajouter finalement à la préoccupation ou au casse-tête du
ministre pour la question de la représentation, la voix au chapitre. Le
Regroupement des BCP estime proposer ici un complément nouveau au projet
de loi. Ce complément vise à opérationnaliser l'objectif
no 2 de la régionalisation. Il lui paraît donc essentiel, à
peu près comme à tout le monde, d'assurer une présence
appropriée tout au cours de son élaboration à venir.
Dans cet esprit, il lui semble raisonnable de penser que des
cinémathèques-vidéothèques régionales seront
représentées au sein du conseil d'administration de l'Institut
québécois du cinéma et de la vidéo proposé
par le projet de loi. Cette voix au chapitre leur permettra, comme à
tous les autres, d'élaborer d'autres aspects du projet de loi ou de sa
politique qui leur tiennent à coeur, comme à tous les autres, tel
celui de l'objectif no 4 visant "la conservation et la mise en valeur du
patrimoine cinématographique et vidéo".
En guise de conclusion, les 11 bibliothèques centrales de
prêt ont atteint une nouvelle étape de leur développement
par la constitution récente du Regroupement des BCP du Québec. Ce
réseau national permet maintenant d'intensifier une action
cohérente à travers tout le Québec, tout en
respectant un service fortement régionalisé et
individualisé.
C'est ce qui nous amène, M. le ministre et mesdames et messieurs,
à vous proposer ici ce complément essentiel au réseau
commercial de diffusion du film et du matériel vidéo au
Québec, de façon à former un système complet et
efficace dans la ligne de pensée de la politique du cinéma et de
la vidéo, plus spécifiquement - nous le rappelons - en accord
avec l'objectif no 2, "le développement du cinéma
québécois et la diffusion de la culture cinématographique
dans toutes les régions du Québec."
Merci, M. le ministre.
Le Président (M. Paré): Merci, M. Tremblay.
M. Richard: Je vous remercie beaucoup, M. Tremblay. Nonobstant
les propos que tiendrait Mme la députée de L'Acadie, je prends
bonne note de votre offre de service.
M. Tremblay (Jean-Pierre): Alors, nous allons garder un espoir
tout aussi bon.
Le Président (M. Paré): Mme la
députée de Chomedey.
Mme Bacon: Le regroupement demande, évidemment compte tenu
de l'implantation des bibliothèques, de servir de structure de base.
Vous avez parlé vous-même d'une offre de service au ministre.
À la page 2, vous dites que vous vous êtes déjà
impliqué dans la diffusion gratuite de films. J'aimerais savoir de quel
genre de films il s'agissait à ce moment-là. Quelle a
été en fait votre expérience jusqu'à maintenant?
Même si on parle des services que vous avez déjà rendus,
est-ce qu'on pourrait être plus spécifique, expliquer le genre de
films et dire à quelles fins ces films étaient projetés?
Enfin, quant à y être, est-ce que vous avez fait des
tournées de films ou si ce n'était que dans des endroits bien
précis?
M. Tremblay (Jean-Pierre): Je vais demander à M. Yves
Savard, qui est le directeur et qui a eu des expériences, de vous en
parler.
Mme Bacon: Cela n'est pas indiqué dans votre
mémoire.
M. Tremblay (Jean-Pierre): D'accord.
M. Savard (Yves): Jusqu'à maintenant, les
bibliothèques qui ont fait des expériences, cela a
été principalement avec des films documentaires. Mais il faut
dire aussi qu'il se fait actuellement des tournées de films. Quand on
parle du film, par exemple, "La bête lumineuse", je ne pense pas qu'on
parle de documentaire. C'est une tournée qu'une BCP fait actuellement
avec ce film. Il y a eu des tournées avec des films comme "J.-A. Martin
photographe". Il y a eu des tournées avec des films produits par l'ONF
ou propriété de l'ONF très souvent. C'est à peu
près, actuellement, pour une BCP, le seul marché accessible,
celui de l'ONF, parce qu'il n'y a pas beaucoup de films qu'on peut
acquérir, acheter ou prêter. Cela prend une source et c'est
principalement l'ONF, plus quelques autres films qui viennent d'autres
sources.
Mme Bacon: II n'y a pas vraiment de cinéma commercial, par
exemple?
M. Savard: Absolument pas.
Mme Bacon: II est plutôt éducatif? Est-ce qu'on va
beaucoup du côté éducatif?
M. Savard: Plusieurs BCP ont une cinémathèque. Je
pense que c'est environ la moitié des BCP qui ont une
cinémathèque. Ces films sont prêtés d'abord aux
bibliothèques affiliées au réseau et qui sont des
bibliothèques municipales. Mais ces films sont aussi disponibles pour le
réseau scolaire qui veut les emprunter. Tout cela est sur une base non
lucrative. Alors, les principaux clients sont les bibliothèques
municipales, quelques commissions scolaires, parfois des cégeps et
parfois aussi des groupes constitués qui ont besoin de films pour des
besoins précis.
Mme Bacon: Dans la mesure où vous pourriez
développer vos services de cinématographie, est-ce que vous ne
seriez pas quand même tentés de développer tout ce
système de vidéo? Vous dites vous-même que c'est quand
même le système d'avenir.
M. Tremblay (Jean-Pierre): Au fond, je pense que la vidéo
est même un élément essentiel. Au sujet du produit, on dit
même actuellement que la vidéo va remplacer le livre. C'est que
toute l'infrastructure, l'organisation du système de prêt des
bibliothèques est déjà en place. Dans un pareil contexte,
il s'agit tout simplement d'ajouter un service supplémentaire qui peut
exiger, quand on parle de coût de ressources humaines, peut-être
certains coûts qui sont quand même minimes par rapport à ce
qu'on pourrait penser si on voulait établir un nouveau réseau.
À toutes fins utiles, ce sont des questions de conservation qui seront
à envisager et qui impliqueront peut-être certaines modifications
ou certaines attentions ou certains équipements un petit peu plus
particuliers dans les bibliothèques. Finalement quant à la
vidéo, les coûts peuvent devenir un élément majeur
du système de diffusion des bibliothèques. On
dit que le coût d'ajustement à cela serait très
minime.
Mme Bacon: Est-ce que cela ne serait pas au détriment du
service cinématographique?
M. Tremblay (Jean-Pierre): Pardon?
Mme Bacon: Est-ce que cela ne serait pas au détriment du
service cinématographique?
M. Tremblay (Jean-Pierre): Non, comme cela ne serait pas au
détriment du service du livre. À toutes fins utiles, le principal
service des bibliothèques dans le contexte est le livre. Toutes les
autres activités qui s'y greffent, on pourrait les qualifier de
miniréseaux spécialisés dans le cinéma ou dans le
disque. Des mini-réseaux qui se greffent au réseau plus global du
livre et qui finalement, confèrent à la bibliothèque un
statut beaucoup plus global en termes d'animation culturelle et en termes de
diffuseur de produits culturels.
Mme Bacon: Dans la page 11 et les pages qui suivent vous parlez
beaucoup de mesures qui sont propres à concrétiser une
circulation des films en région. Il y a une question qui se pose
à ce moment-là: est-ce qu'on a envisagé les coûts et
les sources de financement?
M. Tremblay (Jean-Pierre): Pour la distribution même?
Mme Bacon: En région, oui.
M. Tremblay (Jean-Pierre): Le réseau des BCP est fait de
la façon suivante: vous avez un organisme central qui est situé
dans une ville d'une région et c'est à cet endroit que se fait
l'achat, la codification, la classification de professionnels. Tout le service
professionnel est centralisé là. Ensuite, pour la distribution
dans les municipalités de 5000 habitants et moins qui sont
contractantes, il y a déjà un système de camionnettes, il
y a déjà tout un système de fiches organisé pour ce
prêt. En ce qui concerne le coût, en termes de distribution comme
telle sur l'implication de la distribution, il n'y en aurait pratiquement pas.
Comme je le disais tout à l'heure, cette infrastructure de distribution
est maintenant généralisée à travers le
Québec par des organismes régionaux. Il reste à la
compléter par les bibliothèques locales. Il y en a environ 600
à qui il reste à y adhérer; il y a une question de
ressources, là aussi. Il reste que, dans le cas de la distribution, ce
qu'il faut surtout prévoir c'est un personnel un petit peu plus
spécialisé dans le cas de la vidéo et de la
cinémathèque parce que actuellement le personnel qui est
rémunéré l'est pour le livre et pour un ou deux autres
biens culturels. Il faut tout simplement prévoir le financement pour des
ressources humaines supplémentaires et du financement pour toutes les
préoccupations d'entretien qui pourront être spécifiques au
cinéma comme à la vidéo.
Mme Bacon: Si je comprends bien, les bibliothèques
centrales de prêt ont maintenant tout l'équipement
nécessaire pour la tâche que vous voudriez vous voir confier par
le ministre. Est-ce qu'on aurait besoin d'équipement
supplémentaire?
M. Tremblay (Jean-Pierre): Actuellement, tout
l'équipement, toute l'infrastructure pour la distribution sont
organisés. Ce qui manque c'est l'équipement d'entretien,
d'entreposage, la personne pour faire la rotation. Évidemment il y a une
analyse chiffrée qui pourrait se faire en termes d'application pour
chacune. On ne serait pas obligé de refaire un réseau de
distribution, il existe.
En plus, ce qui est important de signaler c'est que la
municipalité qui adhère au réseau de la BCP doit passer
une résolution municipale de sorte que ce ne sont pas des succursales
quelconques qu'on a dans les bibliothèques, ce sont vraiment des
bibliothèques à part entière, ce sont des
bibliothèques municipales qui sont créées par
réglementation. Dans le contrat qui les lie avec les BCP, chaque
municipalité doit mettre sur pied, doit avoir un comité de
responsables qui sont des gens bénévoles de sorte que, sur les
600, vous pouvez facilement faire une moyenne d'une dizaine de
bénévoles par bibliothèque locale. Il y en a environ 700
qui sont desservies. On peut donc figurer 7000 bénévoles qui
travaillent dans tout le réseau. Non seulement, la distribution et la
diffusion profitent d'une infrastructure professionnelle centralisée
dans chacune des régions mais aussi d'une infrastructure professionnelle
pour la distribution et pour l'animation locale. Elles profitent de ressources
d'environ 7000 bénévoles pour percevoir les besoins et aussi pour
organiser des activités. C'est tout cela comme réseau qui existe.
On considère la distribution en particulier du vidéo, comme du
cinéma, comme un autre service profesionnel distribué par ce
réseau.
Mme Bacon: D'accord, merci. Quant à votre siège
à l'institut, on vous souhaite bonne chance.
M. Tremblay (Jean-Pierre): On avait compris.
Le Président (M. Paré): M. Tremblay et M. Savard,
merci beaucoup de votre intervention.
M. Tremblay (Jean-Pierre): On se rend compte que notre
mémoire est très clair et on vous remercie beaucoup de votre
accueil.
Le Président (M. Paré): Je vous en prie. À
la suite d'une demande des trois intervenants qui suivent et d'une entente
intervenue de chaque côté de la table, nous allons procéder
d'une façon un peu différente pour les trois intervenants
suivants. Il s'agit, entre autres, de la Société de distribution
cinéma libre Inc., représentée par Mme Sylvie Groulx; les
Films du crépuscule, représentée par M. Louis Dussault, et
l'Association vidéo et cinéma du Québec,
représentée par M. Pierre Goupil.
Il va y avoir lecture de chacun des mémoires à
présenter par les personnes que je viens de nommer, dans l'ordre, et il
n'y aura qu'une période de questions pour les trois intervenants. Donc,
comme c'est une demande qui vient des gens à la table et qu'il y a
entente, on va procéder de cette façon. Donc, la parole est
à vous, en commençant par la Société de
distribution cinéma libre Inc. Mme Sylvie Groulx, la parole est à
vous.
Société de distribution cinéma
libre Inc.
Mme Groulx (Sylvie): Je vous remercie. On regrette d'être
entendu à une heure aussi tardive. Si on l'avait su, on aurait
peut-être même synthétisé le mémoire. On doit
prendre notre autobus pour Montréal à minuit, c'est le dernier.
Nos budgets de promoteurs du cinéma québécois ne nous
permettent pas de passer la nuit à l'hôtel à Québec.
Ce n'était pas prévu, en tout cas.
Je vais commencer par présenter Cinéma libre.
Cinéma libre est une société sans but lucratif
vouée à la diffusion et la distribution du cinéma
québécois indépendant. Nous représentons 75
réalisatrices et réalisateurs d'ici et une centaine de leurs
films. Pour en nommer quelques-uns et quelques-unes: André Fortier,
Arthur Lamothe, Yolaine Rouleau, Jean Chabot, Marilu Mallet, Jean Gagné,
Paul Tana, Paule Baillargeon, Martin Duckworth, Brigitte Sauriol, Mario Bolduc,
Fernand Dansereau, Luce Guilbeault, Pierre Falardeau, Robert Favreau et bien
d'autres.
Cinéma libre est né en 1976 de la volonté de
cinéastes de se regrouper au sein d'un organisme qui pourrait
répondre à l'urgence d'organiser et de développer des
outils, des services, des approches respectant le pourquoi, la forme et le fond
de leurs films et de ceux de nombreux autres cinéastes
indépendants dont les films reposaient sur les tablettes. À la
même époque naissaient les Films du crépuscule, dont les
objectifs étaient sensiblement les mêmes.
Après la mort du Conseil québécois pour la
diffusion du cinéma, il était urgent de répondre à
la nécessité de permettre aux films réalisés et
produits ici de rejoindre les publics auxquels ils s'adresaient. Depuis six
ans, nous avons grandement contribué à faire connaître
notre cinématographie partout où cela se révélait
possible. Sans ce travail, ce sont des milliers de personnes qui n'auraient pas
été sensibilisées à l'existence et à la
spécificité d'une part importante de notre
cinématographie.
Ce travail s'est fait dans des conditions difficiles, non seulement
faute de moyens financiers, mais aussi à cause d'un contexte qui ne le
favorise en rien: absence de politiques d'intervention de l'État en
matière de diffusion, manque de sensibilisation du public et des agents
culturels concernés, distribution de films gratuite de l'ONF et d'autres
organismes gouvernementaux, "piratage" à peu près
institutionnalisé des films, etc.
Le cinéma qui nous intéresse et que nous travaillons
à faire connaître est avant tout culturel. Son objectif premier
n'est pas de faire rouler une industrie, mais de permettre l'expression de la
créativité, la réflexion, l'interrogation. Lorsqu'il
permet des retours d'argent intéressants, nous nous en
réjouissons, mais là n'est pas l'objectif premier de ses auteurs
et producteurs, ni le nôtre. Ce cinéma représente, à
ce jour, l'essentiel de notre culture cinématographique. Pour nous, il
n'est pas question de parler de cinématographie nationale sans lui
accorder la large place qui lui revient.
Alors qu'une nouvelle loi doit enfin voir le jour après tant
d'années d'attente, alors que l'État québécois
manifeste enfin la volonté d'intervenir dans le développement de
la cinématograhie québécoise, nous devrions nous
réjouir. Pourtant, nous sommes inquiets et non sans raisons.
Ni le projet de loi ni le rapport de la Commission d'étude sur le
cinéma et l'audiovisuel ne précisent l'existence de deux types de
cinéma dont les objectifs sont différents, culturels et
commerciaux, et qui nécessitent des formes d'intervention et des moyens
de développement spécifiques. On parle du cinéma et on
propose des solutions globales qui semblent le plus souvent destinées
à développer son aspect commercial au détriment du
culturel.
La loi sert d'encadrement et ce sont les organismes chargés de
définir des politiques de développement qui nous
éclaireront sur sa pertinence.
À la lumière des dernières années, nous
croyons qu'il y a là matière à inquiétude, en tout
à cas, à réflexion. L'écart peut être grand
entre l'esprit d'une loi et son application, dans ce cas, entre de nombreux
voeux émis dans le rapport Fournier et les
mesures concrètes qui devront faire en sorte qu'ils seront
exaucés. (22 h 45)
L'Institut québécois du cinéma. Depuis sa
création, l'institut a été responsable de l'orientation et
du développement de la cinématographie indépendante au
Québec. Après six années d'existence, nous devons
constater qu'il y a eu absence de continuité dans son orientation et ses
politiques. Celles-ci relèvent souvent plus des intérêts
des individus qui composent son conseil d'administration que d'une
volonté réelle de se doter d'une véritable politique de
développement tant au chapitre de la création que de la
production et de la distribution.
De par son rôle et sa composition, l'institut devrait
établir un lien permanent avec l'ensemble du milieu du cinéma.
Mais il a toujours été étonnamment absent des grands
débats. Aucune prise de position publique n'est venue confirmer qu'il
défendait et représentait l'ensemble des forces de ce milieu.
Cette absence de prise de position et d'esprit de concertation nous
inquiète. La nouvelle loi n'empêchera en rien une telle absence de
philosophie d'intervention, un tel silence. Un budget de 25 000 000 $
engendrerait-il une ouverture d'esprit? Il nous est permis d'en douter.
De l'esprit d'ouverture peut-être trop grand, mais sûrement
sain, des débuts de l'institut, on a glissé peu à peu vers
une mentalité de gestionnaires. La comptabilité a pris le dessus
sur la création. On cherche des formules miracles pour des retours
d'argent. On travaille à colmater des brèches plutôt
qu'à s'attaquer aux véritables problèmes. Une
méthode de gestion vaut pour autant qu'elle est guidée par des
grands principes directeurs. À l'institut, la gestion semble tourner
à vide.
Bien sûr, le ridicule budget de l'institut maintenu à 4 000
000 $ depuis sa création oblige son conseil d'administration à
essayer de trouver des formules rendant ce budget le plus efficace possible.
Mais l'orientation de l'institut, compte tenu justement de son petit budget, a
été critiquable. Son plan quinquennal entre autres a
proposé la production de deux longs métrages de plus de 1 000 000
$ par année plutôt qu'un plus grand nombre de films à
budget plus modique, ceci dans l'espoir que les deux gagnants annuels
permettront des retours sur investissements. C'est se fermer les yeux que de
s'imaginer que des retours se feront dans le contexte actuel d'exploitation des
films au Québec, d'autant plus que l'institut ne récupère
qu'après les investisseurs privés, autrement dit à peu
près jamais. Combien Les Plouffe a-t-il retourné à
l'institut? Qu'on ne nous cite pas ce genre de film en exemple, alors que bien
des films à budget modique ont permis des retours à l'institut
supérieurs, compte tenu des sommes investies. On essaie des formules
sans jamais trouver la bonne, mais toujours dans un esprit de
rentabilité économique, au détriment de la
création. On met la charrue devant les boeufs, on veut implanter une
infrastructure industrielle, mais on oublie la matière
première.
La rentabilité économique. De quelle rentabilité
économique parle-t-on? Elle est devenue l'obsession du milieu et des
fonctionnaires. Comment peut-on s'illusionner dans le contexte actuel de
production, distribution, exploitation? Tout le monde sait qu'aucun film n'est
rentable au Québec actuellement. Ce n'est pas en faisant un
cinéma dit exportable qu'on réglera les problèmes. Il
n'existe pas de diffusion importante à l'étranger tant qu'il n'en
existe pas une dans le pays d'origine. Si la France n'avait pas établi
un contingentement à l'écran de 38%, elle aurait peu de films
à nous exporter, car il n'y aurait pas de grande industrie
française du cinéma.
La rentablité économique est un leurre et le restera tant
qu'on ne se sera pas attaqué aux véritables problèmes:
l'aide à la création, sans considération
économique, et l'aide à la diffusion, sensibilisation,
éducation, problème fondamental depuis longtemps
identifié, mais encore jamais abordé de front.
Cette année, l'institut a proposé aux organismes de
distribution sans but lucratif une formule de subvention au rendement
basée essentiellement sur les performances économiques obtenues
dans la location de films dans le réseau dit parallèle: scolaire,
communautaire. Notre survie ne peut dépendre essentiellement de nos
performances économiques. Où est la logique? Aider un travail
dont les objectifs sont culturels en fonction de son seul rendement
économique? La rentabilité culturelle n'entre jamais en ligne de
compte à l'institut, ou peu. Où est le respect de son mandat?
Un mot sur la subvention. La notion de subvention est de plus en plus
mal vue en ce qui concerne le cinéma. On traite les
"subventionnés" avec condescendance, voire avec mépris. Cela
dénote encore une fois que l'industrie passe avant la culture. Dans tous
les autres secteurs culturels, la subvention est reconnue comme
nécessaire depuis longtemps. Axe-t-on le développement des arts
plastiques, de l'opéra, du théâtre sur leur
rentabilité économique?
Et, s'il est vrai que cette nouvelle orientation de l'institut,
basée sur les seules performances financières, n'est attribuable
qu'à son budget trop limité, nous demandons alors au gouvernement
d'adopter des crédits suffisants à l'institut pour que celui-ci
cesse de négliger le secteur de la diffusion et le subventionne
là où c'est nécessaire. Mais
nous craignons que l'insuffisance des budgets ne soit pas la seule
raison de cette orientation.
La diffusion de la cinématographie nationale. L'absence de
diffusion de nos films a depuis longtemps été identifiée
comme le problème clé de notre développement
cinématographique. Pourtant, aucune politique cohérente n'a
jamais été mise de l'avant. Le public québécois
peut difficilement juger de la qualité de sa cinématographie
puisqu'il n'a jamais eu les moyens de la connaître. Un énorme
travail de sensibilisation et d'éducation est nécessaire.
ûes mesures incitatives visant à augmenter la présence de
nos films dans les salles commerciales sont, bien sûr,
nécessaires. Face à l'envahissement américain, seuls les
pays qui ont exigé des contingentements à l'écran de leur
production nationale ont pu conserver un état de santé
satisfaisant.
La télévision a un rôle important à jouer
dans la sensibilisation à la production d'ici et on sait qu'elle l'a
ignoré. L'avènement de la télévision payante, dont
plusieurs ont cru qu'il ferait se produire le miracle tant attendu, ne semble
pas vouloir venir corriger la situation. "Valérie", "La pomme, la queue
et les pépins", voilà le cadeau de lancement qu'on nous propose!
11 faudrait voir à ce que le temps-écran réservé au
contenu national inclue d'autres types de films. On en revient à notre
distinction nécessaire de tout à l'heure entre le cinéma
culturel et commercial.
S'assurer que le contrôle de la distribution reviendra aux mains
des distributeurs québécois est nécessaire. Il faudra
aussi voir à investir des réseaux où notre
cinématographie devrait avoir fait sa marque depuis longtemps. Il ne
faut pas sous-estimer le rôle que peut jouer à cet effet le
réseau dit parallèle: ciné-clubs, réseau scolaire,
réseau communautaire.
Les salles dites parallèles et les ciné-clubs - je
précise ici qu'on parle de l'ensemble du réseau parallèle
incluant toutes les salles qui sont dans le réseau scolaire,
cégeps, universités et non seulement les salles de l'association
qui est venue tout à l'heure présenter son point de vue. Donc,
les salles dites parallèles et les ciné-clubs, qui sont pour la
plupart situés dans des institutions scolaires, programment du
cinéma étranger, surtout américain, à plus de 90%
-c'est marqué 97% ici. Pourtant, les fonds publics participent largement
à leur fonctionnement. Ces lieux de diffusion sont censés jouer
un rôle éducatif. Il faudrait y voir.
De plus en plus, on utilise les films comme outils de réflexion,
d'animation, tant dans le secteur communautaire que scolaire. Cet autre
réseau constitue un bassin important de lieux de diffusion de nos films,
auquel on accorde trop peu d'importance, à notre avis. Une grande partie
de la production cinématographique québécoise est
particulièrement propice à ce type d'utilisation. Mais
l'ignorance de notre cinématographie de la part des utilisateurs et
l'absence de politiques conjointes entres les organismes responsables de
cinéma et d'éducation font qu'encore là, notre
présence est infime. Le gouvernement a dépensé des
millions en achat d'équipement audiovisuel, au détriment du
développement de politiques de sensibilisation des jeunes à la
création et à la production actuelles. Le public des jeunes
cinéphiles s'accroît très vite et constitue
déjà la plus grande partie de la clientèle
cinématographique. Il apprend à connaître les
cinéastes étrangers et leurs oeuvres, mais il ignore tout des
créateurs et créatrices d'ici.
Si le tableau est sombre, nous savons que la lumière pointe
à l'horizon. Notre travail, depuis six ans, nous a permis de constater
que lorsque nous rejoignons les publics auxquels s'adressent nos films leur
réponse est étonnamment positive. C'est tous les jours que des
clients et spectateurs, étonnés de voir la qualité de
plusieurs films québécois, nous demandent pourquoi ceux-ci sont
confinés à une diffusion marginale. À moyen terme, une
réelle préoccupation de voir notre cinéma présent
dans le secteur socio-culturel aura inévitablement des
répercussions sur les autres réseaux commercial et
télévisuel.
L'incurie gouvernementale et celle des organismes responsables du
cinéma indépendant a été totale dans le secteur de
la diffusion. Comme nous l'avons dit, aucune espèce de politique de
développement. Le peu d'importance qu'on accorde à la diffusion
et à ses retombées, non seulement culturelles, mais aussi
économiques, se traduit d'ailleurs dans les faits par une
sous-estimation des budgets réservés à ce secteur.
À titre d'exemple, lorsque l'institut vote, en 1983, la somme de 2200 $
pour sa participation au lancement d'un long métrage dans lequel il a
investi à la production au-delà de 120 000 $, on se demande s'il
existe quelque part une logique. Quand on sait que les Américains
investissent 50% du budget de production d'un film pour sa diffusion, faut-il
pleurer ou rire?
Le gouvernement doit reconnaître la nécessité de son
intervention dans le secteur de la diffusion/distribution. Il doit soutenir les
organismes qui travaillent à la promotion, à la réflexion,
à l'animation, à la distribution de notre cinématographie.
Le cinéma libre en est un qui, de plus, représente de nombreux
cinéastes québécois qui se reconnaissent dans les
objectifs qu'il poursuit. Le projet de loi propose d'élargir la
représentation professionnelle du conseil d'administration de l'institut
à l'ensemble du secteur de
l'industrie pour que tous puissent prendre une part active dans
l'élaboration des politiques qui les concernent. Soulignons que, une
fois, on a oublié le secteur de la diffusion. Le rapport Fournier
suggère de faire siéger un représentant de la
télévision, la loi propose une voix aux maisons de services. Si
on pousse la logique jusqu'au bout, à quand les fabricants de
pellicules?
Ainsi, on s'efforce de suivre jusqu'au bout la ligne industrielle, mais
la ligne culturelle, elle, est brisée, pour ne pas dire qu'elle est une
suite de points de suspension. La culture, on la sert dans les discours
officiels, mais on la remise quand elle nous dérange. L'article 18 du
projet de loi prévoit quatre voix flottantes au futur conseil
d'administration, voix nommées par le ministre. La diffusion du
cinéma culturel doit en faire partie. C'est là la seule
façon de parvenir à développer des politiques de diffusion
cohérentes, efficaces et adaptées au contexte actuel. Aucun
membre du présent conseil de l'institut ne connaît ce contexte de
diffusion du cinéma culturel. À preuve, une rencontre avec chacun
des membres du conseil d'administration à ce sujet le mois dernier.
C'est donc un dossier négligé, faute de représentants pour
le défendre. Les distributeurs et les exploitants sont en grande partie
responsables de l'absence de notre cinématographie sur nos écrans
pour des raisons d'intérêt financier. Ceux et celles qui
travaillent à rétablir un équilibre ont sûrement
autant un droit de parole.
Notre travail nous a amenés à identifier clairement des
problèmes et des solutions, mais il nous sera impossible de mettre
celles-ci en pratique si nous ne sommes pas présents officiellement pour
les défendre. Sans levier de pouvoir, la diffusion est condamnée
à demeurer éternellement un sous-secteur. Cinéma libre
fait partie de l'Association vidéo et cinéma de Québec,
l'AVECQ, et trouverait normal qu'elle devienne son porte-parole au sein de
l'institut.
En guise de conclusion, pour que la loi crée un encadrement
propice au développement de notre cinématographie, il faudra voir
à ce que son esprit soit traduit concrètement par des politiques
de développement et de coordination au sein des ministères et
organismes concernés: culture, communication, éducation. Il
faudrait aussi voir à ce que le cinéma de type culturel soit
abordé de façon spécifique, doté d'outils propres
à son épanouissement. Les intervenants responsables de la
diffusion du cinéma québécois devront siéger au CA
de l'institut. L'État et l'institut devront montrer leur volonté
de soutenir les organismes de diffusion au sens large en leur donnant des
moyens économiques assurant plus que leur survie.
L'État ne devra pas se contenter de voter une loi-cadre. Tout en
respectant, bien sûr, leur autonomie, il devra veiller à ce que
les organismes responsables de son application élaborent des politiques
cohérentes et de création, production, distribution,
exploitation, en faisant appel aux milieux concernés dans un esprit de
collaboration et de concertation inexistant à l'heure actuelle.
Si vous permettez, M. le Président, j'ajouterais simplement
quelques lignes. Cinéma libre a pris connaissance du mémoire de
l'Association des réalisateurs et réalisatrices de films du
Québec concernant le projet de loi no 109 et veut signifier publiquement
son appui à l'esprit de ce mémoire, aux objectifs qu'il vise,
ainsi qu'au libellé des amendements proposés. En ce sens, nous
croyons nécessaire de dégager les points suivants.
Premièrement, la nécessité d'inscrire au chapitre des
objectifs de la loi la reconnaissance de la spécificité
culturelle québécoise. Deuxièmement, notre
inquiétude face à la consécration de l'arbitraire
ministériel. Troisièmement, la nécessité de la
reconnaissance du droit d'association et celle de consultation des intervenants
et organismes de toutes tendances dans l'élaboration des politiques et
programmes de développement cinématographique.
Quatrièmement, la nécessité de la création d'un
conseil de surveillance du cinéma pour les raisons
énoncées dans le rapport de la Commission d'étude sur le
cinéma et l'audiovisuel.
Le Président (M. Paré): Merci, Mme Groulx. La
parole est mainteant à M. Louis Dussault pour Les films du
crépuscule.
Les films du crépuscule
M. Dussault (Louis): Je vais laisser tomber certains
éléments de notre mémoire pour pouvoir enchaîner
avec ce que Sylvie Groulx vient de dire.
Les films du crépuscule ont été fondés en
1976, au mois d'août. C'est une corporation sans but lucratif qui est
vouée à la promotion, la diffusion et la distribution du
cinéma québécois. Nous avons une centaine de films de
court, moyen et long métrage en distribution et nous représentons
à peu près le même nombre de réalisatrices et de
réalisateurs.
Je vais plutôt passer en page 2 à la définition de
cinématographie nationale. Le cinéma, c'est un langage, on en
conviendra. Plusieurs diront davantage une industrie, car, bien sûr, ce
langage a comme support technique toute une technologie qui ne peut provenir
que d'une infrastructure industrielle. Nous affirmons toutefois que la
matière première du cinéma c'est la création.
Etonnamment, le projet de loi 109 ne reconnaît pas comme priorité
la création et
est loin de changer la situation qui asservit notre cinéma au
"box office". Le cinéma se nourrit de conditions très
particulières, du renouvellement du langage, entres autres, de son
avant-gardisme, de la mosaïque d'influences qu'il va subir, de
l'enracinement de ce langage dans le vécu du peuple et dans son
imaginaire.
Le cinéma, ce n'est surtout pas d'imiter les succès
publics de ses voisins puissants, de nier son originalité pour l'apparat
luxueux ou de répondre fidèlement aux études des
marchés. Le cinéma est un langage culturel très puissant
qu'on ne doit pas négocier pour de la marchandise, et si sa santé
paraît chancelante au Québec, il faut surtout comprendre le
contexte, sur lequel nous allons donner notre point de vue à la
lumière de la prochaine loi 109.
Je me permettrai de citer un texte que le cinéaste Jean Renoir
écrivait à un cinéaste québécois lors de sa
visite au festival international de Montréal en 1967. Le cinéaste
québécois François Dupuis demandait alors à Jean
Renoir de lui donner son opinion écrite du point de vue qu'il avait du
cinéma québécois, qu'à l'époque on appelait
le cinéma canadien. Je lis: "Le cinéma canadien
(québécois) me semble posséder une qualité
essentielle à la confection de n'importe quelle oeuvre d'art: la
curiosité. Les réalisateurs dont j'ai visionné les oeuvres
me semblent anxieux de découvrir. C'est là une attitude saine et
en contraste avec celle de la grande industrie internationale qui, elle, veut
jouer sûr. Or, la sécurité en art c'est la mort." Jean
Renoir.
Après ce long préambule, nous allons circonscrire notre
intervention autour de l'Institut québécois du cinéma, de
ce qu'il a été, de ce qu'il est devenu et, à notre avis,
avec ce projet de loi de ce qu'il deviendra. (23 heures)
Le point de départ de la loi sanctionnée le 19 juin 1975,
la première loi sur le cinéma est celui-ci: "Attendu que le
cinéma constitue l'un des moyens les plus puissants d'expression et de
diffusion de la culture, attendu que le Québec se doit d'affirmer sa
souveraineté dans ce domaine..." et le projet de loi commençait.
Je ferai remarquer que la loi 109 n'a pas ce préambule. Si on constate
que dans un projet de loi les mots sont importants, cette loi de 1975
créa l'Institut québécois du cinéma qui se
révéla au début un outil important dans le
développement du cinéma au Québec. On sentait une
volonté de la part de l'équipe à l'époque de
respecter les notions de culture dans l'aide au cinéma ce qui appuya la
production d'une cinématographie originale. Le cinéma
indépendant représentait la plus grande proportion des films de
la production nationale destinée au public dans les salles. Je dis bien
destinée au public dans les salles pour éviter
immédiatement la production gouvernementale, la production publicitaire
et tout cela.
C'est à ce moment qu'est né l'outil de diffusion que se
sont donnés les cinéastes, Les films du crépuscule. Il y
avait aussi le cinéma libre qui, à peu près en même
temps, a été fondé. Citons quelques titres de films,
Puisqu'on parle de cinéma, on va citer des films. "Le Grand
remue-ménage", "Comme des chiens en paccage", "Tout le Québec au
monde sur la job", "Belle famille", "Vidanges", "Plusieurs tombent en amour",
"Depuis que le monde est monde", "La cuisine rouge", "L'hiver bleu", "La
maladie chez les compagnies", "Une histoire de femme", "On n'est pas des
anges", les films sur les Amérindiens, d'Arthur Lamothe, "Les grands
enfants", et je pourrais en nommer beaucoup d'autres, entre autres, les
nombreux et excellents courts métrages. Graduellement, l'esprit
bureaucratique n'orientait l'aide que vers des projets soi-disant rentables
économiquement. Le plan quinquennal, entre autres, mis sur pied par
l'Institut québécois du cinéma en fait foi, qui imposait
des standards à modèle unique purgeant, à notre avis,
toute liberté de création.
Les Québécois ont une réalité, une
spécificité, un imaginaire que notre cinéma doit
refléter selon ses moyens et en fonction de son public. Ce qu'il faut
consolider dans notre contexte national, ce sont les outils que le milieu s'est
donné. Les problèmes auxquels la loi 109 ne s'attaque pas, c'est
95% du marché des cégeps qui sont occupés par des films
étrangers, américains pour la plupart. On appelle ce
réseau celui des salles parallèles. Encore, je fais la nuance
quand je parle de salles parallèles, je définis le réseau
des cégeps comme étant un réseau parallèle au
réseau commercial et je ne fais pas mention spécifiquement de
l'Association des cinémas parallèles du Québec. Les
télévisions, quand elles ne paient pas un prix ridicule pour les
films nationaux qu'elles achètent, n'en programment que très peu,
à l'exception, parfois, de Radio-Québec, mais son champ
d'intervention est très limité.
La télévision payante qui cherche à
conquérir le public friand de cinéma américain ne fera que
contraindre les réalisateurs et les réalisatrices
québécois à tourner en anglais. Déjà
plusieurs producteurs l'exigent actuellement, les lois du marché
obligeant à faire des films de plus en plus semblables au cinéma
américain de grande consommation. Les conditions offertes par les salies
de cinéma actuellement font que les salles elles-mêmes retirent
les gains que feraient les films québécois, pas les producteurs
ni les distributeurs. L'Institut québécois du cinéma n'a
jamais dénoncé ces situations dont nous parlons depuis belle
lurette. D'abord, au sommet sur les industries culturelles tenu à
Québec en 1978, ensuite à la Commission d'étude sur le
cinéma et la vidéo, la commission Fournier, et lors de la
tournée du ministre des Affaires culturelles à Montréal,
entre autres.
Au lieu de cela, l'institut actuellement restreint à ce point son
champ d'aide ne souhaitant produire que quelques gros films par année
qui éliminent systématiquement le cinéma
indépendant de la carte et leurs outils de diffusion dont Les films du
crépuscule. Le représentant de l'Association de vidéo et
de cinéma du Québec, dont nous faisons partie, rappellera que
l'institut ne représente pas à son CA la plus grande partie du
secteur culturel regroupé dans l'AVECQ, l'Association de vidéo et
de cinéma du Québec, soit les corporations sans but lucratif qui
oeuvrent dans la production, la diffusion et la distribution du cinéma
et de la vidéo au Québec. Que l'institut, par étouffement
économique, veuille faire disparaître, par exemple, un outil comme
Les films du crépuscule, tout cela s'inscrit parfaitement dans une
logique de comptable qui n'aurait sa place que dans une institution bancaire ou
une société d'investissement, mais pas dans un outil de
développement de la cinématographie nationale.
À cet égard, l'institut peut ainsi manoeuvrer et
détourner son mandat culturel à volonté, qui était
toutefois inscrit dans la loi de 1975. La loi 109, elle, ne parle pas de
spécificité culturelle. Que deviendra l'institut alors
malgré son budget haussé à 25 000 000 $? La loi 109 ne
parle que du cinéma au Québec, ne donne aucune définition
de la spécificité culturelle. Aucun mandat en ce sens et il faut
compter les endroits où on retrouve le mot "culture". Dans ce contexte,
à l'institut, on ne s'impliquera que dans la production de gros
films.
Nous pensons qu'une véritable loi du cinéma devrait
être protectionniste pour contrer les influences mercantiles du
marché cinématographique international et protéger les
outils collectifs que le milieu s'est donnés. Nous pensons que, si ce
gouvernement adopte cette loi intégralement sans considération
pour la créativité, il en va, bien sûr, de notre avenir,
mais du vôtre aussi.
En ce qui me concerne, j'ai terminé. Je voudrais simplement faire
une observation. On parlait du réseau scolaire, du réseau
gouvernemental qui était occupé en grande partie par le
cinéma étranger. Le ministre de l'Éducation pourrait
parfaitement être ici aussi et écouter nos doléances et ce
serait de rigueur, je crois, parce que le réseau du ministère de
l'Éducation a une utilisation du cinéma étranger. Si tout
cela pouvait être changé de façon à apporter une
aide au cinéma québécois, ce serait très
significatif. Mon intervention est terminée.
Le Président (M. Paré): Je vous remercie, M.
Dussault. La parole est maintenant à vous, M. Goupil, de l'Association
vidéo et cinéma du Québec.
Association vidéo et cinéma du
Québec
M. Gagné (Serge): M. le Président, j'aimerais
d'abord vous demander la permission... M. Goupil n'ayant pas pu se
déplacer - mon nom est Serge Gagné - je vais faire la lecture des
commentaires que vous faisait parvenir l'Association vidéo et
cinéma du Québec.
M. le ministre, mesdames et messieurs de la commission, lors de la
dernière assemblée générale de l'Association
vidéo et cinéma du Québec, l'AVECQ, les membres
présents ont échangé des observations concernant le projet
de loi no 109, Loi sur le cinéma et la vidéo. J'aimerais d'abord,
avant d'aller plus loin, faire une petite parenthèse pour
présenter un peu ce qu'est l'AVECQ.
L'AVECQ est l'Association vidéo et cinéma du Québec
qui s'est donné pour but de regrouper des organismes à but non
lucratif et des coopératives travaillant à la distribution, la
production, l'exploitation, la diffusion, la préservation,
l'éducation, l'information et l'animation dans le cinéma et la
vidéo, les créations de recherche et d'intervention au
Québec. L'AVECQ existe depuis octobre 1980 et regroupe, entre autres,
l'Association coopérative des productions audiovisuelles, Carrefour
international, Cinéma d'information politique, Cinéma
parallèle de Montréal, Les films du crépuscule, la
Société de distribution cinéma libre, Parlimage, Groupe
d'intervention vidéo, le Vidéographe, la Coop Vidéo de
Montréal, Spirafilm, Vidéo Femmes, Ciné-Forum, les
Productions 89, les Productions du lundi matin, Diffusion de l'amorce, les
Productions Vent d'est, l'Association pour le jeune cinéma et Prime
Vidéo. Et je vais continuer maintenant la lecture.
Certains de ces commentaires font état de revendications
spécifiques propres aux types d'activité et d'intervention de
chacun des groupes. Nous n'allons pas reprendre ici ces constatations, quoique
nous les endossions dans l'ensemble. La commission parlementaire aura
l'occasion d'entendre plusieurs de ces groupes lors des audiences.
Certains de ces commentaires font état de questions
générales sur l'orientation du projet de loi. Nous trouvons
important de souligner ici les points marquants qui s'en dégagent. Entre
autres, la formulation de certains articles laisse entrevoir des excès
de pouvoir, d'abord par le ministre. Nous avons donné quelques exemples
ici qui sont par rapport à des pouvoirs de nomination, de recommandation
et de reconnaissance de choix: articles 16, 23, 47 et 116. Aussi par
rapport à la structure bureaucratique. On donne comme exemple la
régie où trois personnes auront le pouvoir quasi-judiciaire
d'intervenir à tous les niveaux du travail de création et de
diffusion cinématographique et vidéographique. Nous allons faire
disparaître le mot "québécoise" à l'article 127,
entre autres.
L'orientation du projet de loi 109 ne privilégie en aucun cas la
sauvegarde d'un des outils culturels essentiels à l'affirmation de notre
identité. Nous parlons ici du cinéma. En tant que
représentants du secteur culturel, les 18 organismes constituant l'AVECQ
constatent que notre voix n'a pas accès aux processus
décisionnels et consultatifs. En conséquence, pour que la
diversité du milieu cinématographique et vidéographique
existe et s'exprime par une participation réelle de toutes ses
composantes - on enlève le point-virgule et on met une virgule - l'AVECQ
demande la reconnaissance de son statut d'association représentative des
organismes à but non lucratif oeuvrant dans le cinéma et la
vidéo.
L'article 16, dans son libellé, ne faisant aucunement mention de
cette catégorie, nous demandons qu'il soit modifié en
conséquence.
Nous vous remercions de l'attention que vous avez portée à
ces recommandations et commentaires. Merci.
Le Président (M. Paré): Merci, M. Gagné. M.
le ministre.
M. Richard: Je voudrais remercier M. Gagné, Mme Groulx et
M. Dussault.
J'aurais deux observations à faire. La première, c'est
qu'il m'apparaît évident et peut-être même
nécessaire que des personnes qui représentent la diffusion soient
représentées au sein du conseil d'administration de l'institut.
Mais encore faudrait-il, pour faciliter la tâche, qu'il y ait une entente
entre ceux et celles qui demandent à être
représentés au sein du conseil d'administration, puisque chaque
association réclame un siège au conseil d'administration.
Cependant, je vous répète qu'à cet égard cela me
paraît non seulement évident, mais nécessaire que le
secteur de la diffusion et de la promotion soit représenté au
conseil d'administration de l'institut québécois. C'est,
d'ailleurs, une des raisons pour lesquelles il y a quatre personnes qu'il reste
à nommer sur les huit émanant du secteur professionnel et des
autres associations que vous connaissez.
Ma deuxième observation, c'est que vous faites état du
fait qu'il ne serait pas question de la création dans le projet de loi.
Je vous réfère à l'article 3 du projet de loi qui dit: "La
politique du cinéma et de la vidéo, tout en respectant la
liberté de création et d'expression, ainsi que la liberté
de choix du public, doit donner la priorité aux objectifs suivants:
1° l'implantation et le développement de l'infrastructure
artistique". Le premier mot c'est "artistique", avant "industrielle et
commerciale". Il me semble que cela nous amènerait peut-être
à nuancer un peu les propos tenus dans vos mémoires respectifs.
"2° le développement du cinéma québécois -
c'est le deuxième objectif de la loi - et la diffusion de la culture
cinématographique dans toutes les régions du Québec." Il
me semble que cela doit répondre à vos aspirations et que cela
répond en très grande partie aux questions que vous vous
posez.
J'aurais deux questions à poser à l'une ou aux autres.
Vous revenez fréquemment -je pense que les trois l'ont fait - avec un
cinéma de type culturel. Seriez-vous en mesure de me définir ce
qu'est un cinéma de type culturel? Et je vous pose également tout
de suite ma deuxième question: Seriez-vous en mesure de définir
ce qu'est la spécificité culturelle?
Le Président (M. Paré): Vous avez le choix de vous
entendre sur la personne qui répondra aux questions posées. M.
Gagné.
M. Gagné: Je voudrais juste faire une petite remarque
avant d'essayer d'attaquer les questions de 100 000 $. Je crois, que tout
à l'heure, Crépuscule et Cinéma libre ont fait mention que
la demande de structure que les organismes faisaient était quand
même référée à l'AVECQ, c'est-à-dire
que la représentativité que, entre autres, Cinéma libre et
Crépuscule préconisaient était
référée à l'Association vidéo et
cinéma du Québec.
Je voulais aussi ajouter que, dans l'Association vidéo et
cinéma du Québec, il y a aussi des producteurs, il y a d'autres
types d'intervenants, comme on l'a mentionné. C'est pour cela que nous
avons constaté que c'était une structure qui, à notre
avis, était assez représentative. En plus de rejoindre un peu la
préoccupation, avez-vous semblé dire, par rapport à des
participants de la diffusion dans un conseil d'administration
réformé de l'institut, cela aurait la particularité que
cette association regroupe aussi des personnes qui oeuvrent dans la
vidéo, ce qui serait aussi assez intéressant par rapport à
la représentativité de cette association. En tout cas,
c'était juste cette espèce de petite parenthèse que je
voulais vous communiquer. (23 h 15)
Ensuite, quand vous faites une remarque quant à la
création, effectivement, c'est un peu vrai que le libellé de
l'article 3 reconnaît cela. Nous avons bien pris note aussi de votre
insistance sur l'infrastructure "artistique" avant "industrielle", etc. On l'a
pris en note pour être sûr qu'on a bien compris. Il y a des choses,
quand même, qui
nous font réfléchir. Si on se reporte à l'article
3, au deuxième alinéa on parle de "la diffusion de la culture
cinématographique". Quand on s'en va à l'article 61 - je vais
juste faire une remarque qui m'a paru drôle - à l'alinéa 3,
on parle "de promouvoir ou d'aider financièrement le cinéma
québécois en favorisant sa représentation dans les
festivals et autres manifestations cinématographiques - et on dit - et
de promouvoir la culture cinématograaphique au Québec". On ne dit
pas "aider", on dit "promouvoir", alors qu'au début on avait dit: "de
promouvoir ou d'aider financièrement". Donc, on apporte une nuance.
Vous nous direz que c'est peut-être charrier sur les mots, mais on
sait que fairp de la promotion, ce n'est pas nécessairement aider
spécifiquement. Cela pourrait ne pas aider aussi. C'est un peu ce qu'on
voulait dire. Nous croyons que le ministre est, quand même, très
préoccupé. Votre intervention nous dit que vous avez, quand
même, cette préoccupation. On va peut-être atténuer
nos critiques sur ce point après avoir regardé comme il faut pour
voir si on peut vraiment interpréter votre déclaration dans ce
sens.
Pour ce qui est de répondre à la fameuse question de 100
000 $, cinéma culturel, spécificité culturelle, il serait
difficile d'essayer de faire une définition de façon très
systématique pour savoir comment on peut préciser ce type de
cinéma qu'on appelle culturel. On a l'habitude de le faire en fonction
d'un autre type de cinéma qu'on appelle industriel, ce qui nous fait
dire que la définition du cinéma en soi ne devrait pas avoir
cette ambivalence. Elle devrait se suffire à elle-même,
c'est-à-dire qu'on devrait parler de cinéma et ne pas avoir
besoin d'introduire des notions culturelles, industrielles, films
d'intervention. On croit que le cinéma soutient lui-même sa
définition totale.
Lorsque nous parlons de cinéma culturel, c'est vraiment pour
préciser que le cinéma qui se fait ici s'est quand même
beaucoup préoccupé d'une société dans toutes ses
manifestations. La culture étant finalement une excroissance de notre
société, étant un phénomène qu'on regarde,
on a pu constater que ce cinéma s'était préoccupé
de regarder la réalité, à la fois pour témoigner de
ce qui se passait réellement et aussi pour pénétrer
l'imaginaire des gens et aller chercher un peu comment le
Québécois percevait socialement le monde.
Donc, on a pu penser que le cinéma culturel représentait
un peu ce type d'intervention de la cinématographie dans une
société. Si on se réfère aux catégories qui
sont, quand même, connues, le cinéma industriel, le cinéma
hollywoodien, c'est, bien sûr, directement en opposition à ce type
de cinéma qu'on tenterait de nous implanter. Il y a cette nuance qu'il
faut faire. Je crois que l'intervention que nous avons faite là-dessus,
ce n'est pas vraiment pour dire: Nous autres, on veut avoir toute la place. On
dit que dans l'image, dans le portrait de l'espèce de facette qui
devrait exister, il y a des types d'expression qui ne sont pas présents
lorsque c'est le temps d'exprimer un point de vue ou de faire valoir des
opinions sur des choses. Donc, c'est un peu pour cela que ce cinéma
qu'on appelle culturel, on s'en est fait un peu le porte-parole, sans dire que
l'autre type de cinéma n'est pas culturel.
M. Richard: Ce n'est pas tout à fait facile à
définir dans une disposition législative.
M. Gagné: Non.
M. Richard: Je vais vous poser une question très directe.
Est-ce que les films suivants, qui sont ou seront - je pense que vous
l'admettrez - à vocation commerciale, sont des films de type culturel?
Je pense à Gandhi, d'Attenborough; je pense à Maria Chapdelaine,
je pense à Bonheur d'occasion. Est-ce que ce seront des films de type
culturel?
M. Gagné: Pour autant qu'ils respecteront, qu'ils
présenteront une image culturelle dans le sens qu'ils
représentent la spécificité culturelle. C'est là
que le cinéma culturel rejoint la spécificité culturelle.
Il y a des associations qui vont intervenir, je crois, un peu plus tard, sur ce
sujet et qui vont très bien expliquer ce point de vue. J'aimerais
laisser à ces structures la responsabilité d'éclairer les
membres de la commission sur ces particularités. Je crois qu'il y a des
associations, dans le moment, qui sont un peu plus représentatives et
qui sont capables d'être plus précises à ce sujet. Dans le
fond, ce n'est pas notre responsabilité dans le moment. Il y a d'autres
gens qui vont le faire.
Je voudrais, quand même, relever quelque chose qui, tantôt,
m'a paru important concernant le commercial, le non-commercial, le lucratif et
le non-lucratif. Dans le projet de loi, on semble jouer avec ces notions,
à savoir que ce qui va être à but non lucratif va s'occuper
du non-commercial et ce qui va être à but lucratif va s'occuper du
commercial. C'est ce que vous avez semblé dire à l'Association
des cinémas parallèles du Québec, qui est un organisme
à but non lucratif et qui va avoir un permis d'exploitation non
commercial. Dans la pratique du cinéma, de la diffusion du
cinéma, de la distribution, entre autres, nous, qui sommes à but
non lucratif - je parle de nos membres, même de l'ensemble -faisons
commerce dans le cinéma, c'est-à-dire qu'il y a, quand
même, un aspect commercial dans ce travail.
M. Richard: Là-dessus, M. Gagné, vous n'avez pas
à avoir d'inquiétude. Je vous rejoins parfaitement. J'aurais
voulu le signaler tout à l'heure, mais je le signale maintenant: N'est
pas nécessairement à but non commercial un cinéma à
but non lucratif.
M. Gagné: Dans le projet de loi, je crois qu'il y a des
petites nuances.
M. Richard: Pour certaines fonctions précises. Mais c'est
pour cela qu'on l'exclut, contrairement à ce que réclamait le
réseau des cinémas parallèles, de la catégorie de
l'exploitation, des permis d'exploitation.
M. Gagné: Quand vous parlez de permis de distributeur,
vous employez la...
M. Richard: Oui, pour la distribution, mais pas pour le permis
d'exploitation.
M. Gagné: C'est cela, mais...
M. Richard: C'est là qu'intervient la distinction.
M. Gagné: Quand vous dites, à l'article 94, que
"nul ne peut, sur une base commerciale", on parle du distributeur. Relativement
au permis de producteur, on dit: "Nul ne peut, sur une base professionnelle".
Les nuances nous apparaissent importantes, parce que, même si nous sommes
une association à but non lucratif, nous faisons une pratique
commerciale dans le cinéma.
M. Richard: Je le sais et je le reconnais. Vous n'avez pas
à avoir d'inquiétude là-dessus.
M. Gagné: D'accord.
M. Richard: Même le réseau parallèle fait une
pratique commerciale.
M. Gagné: Dans ce cas-là, je vais passer la parole
à d'autres. S'il y en a qui ont de meilleures idées.
M. Richard: Si je comprends bien vos propos, pour la
spécificité culturelle, cela poserait les mêmes
problèmes que pour un cinéma de type culturel.
M. Gagné: Non, je ne le crois pas.
M. Richard: Les mêmes problèmes de
définition.
M. Gagné: C'est-à-dire qu'il y a quand même
l'histoire qui peut être utile, à ce moment-là, pour le
définir. Je ne parle pas de l'histoire qu'on a l'habitude de comprendre
quand on parle d'histoire; je parle de l'histoire récente de la
cinémato-graphie nationale, qui s'est quand même très
préoccupée de signifier ce qu'elle entendait par
spécificité culturelle. Donc, il y a le cinéma dont vous
avez parlé tout à l'heure, mais il y a aussi le cinéma qui
s'est fait avant et qui exprime ce que le milieu a voulu appeler
spécificité culturelle. Je crois que, là-dedans, il y a
des définitions qui sont très empiriques et très
facilement retrouvables. C'est notre impression.
M. Richard: Je vous avoue, M. Gagné, que j'aurais
très peur d'une définition, comme vous dites, empirique.
M. Gagné: Dans la loi, c'est sûr que c'est possible
quand même. C'est difficile de choisir entre deux maux. On aimerait
choisir plutôt entre deux biens. On a toujours l'habitude de choisir
entre deux maux. On croit, dans le moment, que la situation de la
cinématographie est quand même dans le pire. Dans cette situation,
je crois que le ministre a le devoir d'intervenir de façon très
catégorique et vraiment de limiter. Il y aura une discussion
probablement avec ceux qui parleront de société de normes, mais
on croit que dans la situation présente le ministre n'a qu'à
resserrer. Nous croyons que dans le moment il y a tellement de
possibilités pour ceux et celles qui veulent intervenir dans un type de
cinéma ne respectant pas nécessairement l'aspect culturel du
cinéma et la spécificité culturelle qu'un tel
cinéma doit avoir. Nous croyons qu'il y a des possibilités
énormes pour ces gens d'intervenir dans la structure présente de
production, de diffusion et d'exploitation.
M. Richard: N'avez-vous pas la conviction, M. Gagné, que,
s'il y a des films faits au Québec par des Québécoises et
des Québécois, ils porteront les marques de la
spécificité culturelle et que c'est là quelque chose de
bien suffisant?
M. Gagné: Oui, mais il y a, quand même, des
réalités économiques. Je pense que Mme Groulx voudrait
intervenir, si M. le Président le permet.
Mme Groulx: Moi, je voudrais m'exprimer sur les points que vous
avez soulevés concernant la voix qu'on demande au conseil
d'administration. Je ne sais pas si cela a été bien compris, mais
les Films du crépuscule et Cinéma libre font partie de l'AVECQ et
ne demandent pas un siège en tant qu'organismes, mais d'être
représentés par l'AVECQ. Pour ce qui est de la définition
du cinéma culturel, c'est sûr que c'est difficile à
définir, mais on pourrait dire, entre autres, que le cinéma
culturel inclut le cinéma documentaire, inclut le
cinéma d'intervention sociale, le cinéma d'information, le
cinéma politique. Quand on parle de cinéma, on ne parle pas que
de longs métrages de fiction. C'est ce que je veux dire.
Ensuite, la spécificité culturelle, on pense que c'est
important de l'inscrire et que ce soit dans l'esprit de la loi. Par exemple,
regardons ce qui est arrivé avec un organisme fédéral
comme la SÛICC, où on a produit des films dits canadiens qui ne
reflétaient en aucune façon la spécificité
culturelle canadienne, si elle existe. Ils étaient tournés ici
avec des gens d'ici et avec des services techniques canadiens, des techniciens
canadiens, mais souvent on faisait appel à des scénaristes, des
réalisateurs de l'étranger. Cela a donné des produits qui
ne reflétaient en rien la spécificité culturelle d'ici et,
pourtant, c'étaient des films canadiens. On pense
qu'éventuellement cette chose pourrait se produire au Québec,
c'est-à-dire qu'avec des fonds québécois et des compagnies
québécoises on pourrait, à un moment donné, dans le
but de faire des films rentables économiquement, faire appel à
des gens, à des créateurs qui pourraient faire des films qui ne
refléteraient pas la spécificité des
Québécois. On a la preuve. Cela existe. Cela a été
dénoncé par beaucoup de monde, ce qui est arrivé à
la SÛICC et cela pourrait arriver à l'institut. On ne dit pas que
c'est ce qui se fera, mais cela pourrait arriver. C'est pour cela qu'on trouve
cela important. C'est sûr que c'est difficile de déterminer
exactement ce qu'est la spécificité culturelle.
M. Richard: Mme Groulx, si jamais cela devait arriver au
Québec - parce que vous faites référence à des
films produits au Canada anglais, si je ne m'abuse - le jour où cela
arrivera au Québec, est-ce que ce ne sera pas, justement, parce qu'on
n'aura plus de spécificité culturelle?
Mme Groulx: C'est possible.
M. Dussault (Louis): Moi, je voudrais revenir sur ce que le
ministre disait tout à l'heure à propos de l'article 3, la
citation qu'il avait faite. Une commission parlementaire, c'est d'abord
l'ouverture de l'Assemblée nationale sur l'extérieur, pour aller
chercher des témoignages sur le vécu des gens de la profession ou
du milieu sur lequel la commission se penche; entre autres, en ce moment, c'est
le cinéma. Vous avez des témoignages sur le vécu de gens
qui travaillent surtout à la diffusion du cinéma
québécois, qui se consacrent à ce travail. Moi, l"'attendu
que", je le trouve, par rapport à la loi de 1975, par exemple -parce
qu'on compare toujours, tout étant relatif, à quelque chose -
beaucoup plus mince, beaucoup moins énergique. Je ne dis pas que la loi
de 1975 était parfaite, loin de là, et la situation qu'on vit
actuellement est de beaucoup tributaire de l'absence, justement, de lois
solides et efficaces. Mais les "attendus que" de la loi 109 sont très
timides et ressemblent davantage à des voeux pieux qu'à une
véritable volonté politique. (23 h 30)
Si une loi veut avoir les reins solides pour protéger les outils
que s'est donné le milieu, il faut d'abord qu'elle puisse s'asseoir sur
des outils que la loi prévoirait construire. Il n'y en a pas. Il n'y a
rien de prévu dans la loi qui change actuellement la situation que nous
vivons. Entre autres, l'outil de développement du cinéma
québécois, c'est l'Institut québécois du
cinéma, et l'orientation qu'a prise l'Institut québécois
du cinéma ces dernières années va s'intensifier dans le
sens tout à fait contraire à nos besoins. On a tout lieu
d'être tout à fait inquiets de cette situation, surtout si la loi
109 contient encore moins de mesures que la précédente, encore
que la précédente n'en contenait presque pas non plus. Le
témoignage de notre vécu, c'est cela. On se méfie
énormément de l'orientation actuelle de l'institut. Il n'y a rien
qui prévoit ramener l'institut vers un mandat davantage culturel.
J'insiste beaucoup sur l'aspect culturel de notre travail puisque c'est la
matière première du cinéma.
Le Président (M. Paré): Je vous remercie pour la
réponse. J'ai deux autres intervenants qui ont demandé la parole,
mais connaissant les contraintes au sujet de votre transport, j'aimerais
savoir, parce qu'il est près de 23 h 30, si vous...
M. Dussault (Louis): Non. On a eu une information nous disant
qu'il y a un autobus...
Le Président (M. Paré): Donc, si je comprends bien,
vous pouvez poursuivre sans problème. Cela ne dérange pas
l'argumentation qu'il y avait au début. D'accord, on poursuit. La parole
est maintenant au député de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: On a parlé longuement de la question à
savoir ce qu'est la culture et ce qu'est la spécificité. J'aurais
préféré que le débat porte sur des questions
d'excellence et de beauté, parce que ce sont deux questions qui sont
aussi très difficiles à définir, mais elles sont pour ma
part beaucoup plus pertinentes au débat auquel nous participons ce soir.
Ceci étant dit, je n'ai aucune difficulté à accepter qu'il
existe des films qui sont beaux et excellents, tout comme il existe de la
peinture et de la musique qui le sont aussi et qui vont
probablement intéresser une population plus limitée,
contrairement à quelque chose de plus populaire qui fait appel à
un commun dénominateur plus large. Cette idée, même s'il
n'est pas possible de la définir - on sait qu'il y a non seulement des
livres, mais des bibliothèques qui s'efforcent de définir cette
idée - j'accepte quand même qu'elle existe, mais la question que
je veux poser - et c'est à Mme Groulx qu'elle s'adresse - a trait
à quelque chose de plus pratique. Si je tiens pour acquis ce que vous et
les réalisateurs que vous représentez ont fait jusqu'à
maintenant, vous êtes capables de faire des choses excellentes et belles
- pour le moment, je fais fi de la question de la spécificité ou
de la culture - mais, à cause du sujet ou de la façon dont le
sujet est traité, elles vont forcément intéresser une
population limitée. La question qui se pose aujourd'hui, c'est comment
faire passer ces films. Si je comprends votre mémoire, vous dites des
choses qui sont en contradiction importante avec ce qu'ont dit des
représentants de l'Association des cinémas parallèles qui
vous ont précédés. Vous dites: "Mais si le tableau est
sombre - c'est à la page 10 de votre mémoire - nous savons que la
lumière pointe à l'horizon: notre travail depuis six ans nous a
permis de constater que lorsque nous rejoignons les publics auxquels
s'adressent nos films, la réponse est étonnamment positive."
Vous avez parlé des films culturels que j'ai décidé
de décrire comme des films excellents et beaux. Vous dites en plus,
effectivement, que quand vous pouvez diffuser vos films, la population les aime
beaucoup, du moins la population qui s'intéresse à ce genre de
films. Et vous dites à la page 9: "Les salles dites parallèles et
les ciné-clubs, qui sont pour la plupart situés dans des
institutions scolaires, programment du cinéma étranger, surtout
américain, à 90%." Bon! Des films excellents qui, lorsqu'ils sont
présentés, ont l'appui de la population d'une façon
étonnante et des salles parallèles et ciné-clubs qui
persistent à diffuser des films du cinéma étranger
à 90% - surtout américain - plutôt que vos films.
Cependant, quand on a posé quelques questions à
l'Association des cinémas parallèles, qui est propriétaire
de ces salles parallèles, j'ai proposé la création d'un
réseau de cinémas national pour régler votre
problème. J'ai dit: Écoutez, on va installer une salle nationale
dans chaque ville du Québec comptant une certaine population; ce sera
une salle bien aménagée, dirigée par les gens du milieu,
on fera une bonne publicité bien orchestrée et, en
conséquence, on aura un bon débouché pour vos films qui,
selon vous, sont excellents. En réponse ces gens ont dit: M. le
député, si vous faites cela, les salles seront vides, parce que
les gens ne viendront pas voir les films québécois.
Alors, à moins que j'aie mal compris votre argumentation et la
leur, il existe une contradiction entre les deux mémoires. Je pensais
que ce serait peut-être intéressant pour vous de refaire
brièvement votre présentation en tenant compte de la
présentation des gens qui vous ont précédés.
Mme Groulx: Si vous permettez, je vais essayer de
répondre.
Le Président (M. Paré): Oui, allez.
Mme Groulx: Quand vous proposez à l'Association des salles
parallèles un tel réseau, c'est sûr que vous intervenez
directement dans leur champ d'activité et c'est normal que, en tant
qu'association, elle défende son point de vue.
Il y a certains arguments qui ont été apportés par
les représentants de cette association concernant le fait qu'on
marginaliserait le cinéma québécois si on faisait cela.
Par contre, ce dont vous avez parlé, c'est-à-dire des salles
présentant le cinéma québécois, mais aussi du
cinéma étranger de qualité, du cinéma
d'intervention, d'information, etc., c'est ce que l'association dit qu'elle
fait. Alors, je comprends mal pourquoi il n'y aurait personne dans de telles
salles, si elle attire son public avec une telle programmation. Je pense que
c'est simplement le fait que vous interféreriez dans leur domaine et
qu'ils ne sont pas d'accord.
Si cela allait bien pour la diffusion du cinéma
québécois, on n'aurait pas besoin de créer un
réseau de salles pour se donner la permission de présenter nos
films sur des écrans. Idéalement, nous non plus nous ne voudrions
pas de ce type de solution, mais il reste que le contexte est loin d'être
idéal. Actuellement, nous, en tant que distributeurs de films,
distribuons beaucoup de films en 16mm, pour parler du format; plusieurs sont
des films d'intervention, des films d'information et aussi des films de fiction
qui ne peuvent pas forcément s'inscrire dans le réseau
commercial. Nous croyons qu'une hypothèse comme celle-là est
à étudier et d'ailleurs nous nous penchons depuis longtemps sur
cette question en tant que diffuseurs, parce que nous sommes pris
concrètement dans des situations où on a des films que finance,
entre autres, l'Institut québécois du cinéma qui nous vote
des budgets, qui sont petits, mais on sait que c'est aussi dû au petit
budget de l'institut, et quand vient le moment de passer ces films sur un
écran, on cherche désespérément une salle. En tout
cas, pour organiser un lancement, une salle où le film peut être
à l'affiche au moins pendant quelques jours alors qu'on peut faire un
minimum de campagne de promotion. En ce moment, cela n'existe à peu
près pas. Même à Montréal, la seule salle où
on peut trouver des débouchés en ce moment, c'est le
Cinéma parallèle, où
les films restent à l'affiche pour un maximum d'une semaine. Si
on parle d'économie, investir beaucoup d'argent sur la promotion d'un
film qui tient l'affiche une semaine dans une salle, ce n'est pas très
rentable, si on veut parler de rentabilité.
Donc pour nous, l'hypothèse d'avoir des salles dans les
principales régions du Québec où il y aurait une aide
financière substantielle du gouvernement, nous pensons que c'est une
hypothèse intéressante. Nous sommes les premiers à ne pas
vouloir marginaliser le cinéma québécois, mais il nous
semble qu'il y aurait moyen de trouver une formule où le cinéma
québécois ne serait pas présenté de façon
marginale. Il n'y a pas seulement le cinéma québécois. Il
y a d'autres cinémas nationaux, d'autres productions nationales qui
s'apparentent à la nôtre de par leurs moyens économiques,
leurs infrastructures et tout. On pense qu'une hypothèse comme
celle-là est à envisager, même si on sait que beaucoup de
gens disent que ce n'est pas la bonne solution, que la bonne solution, c'est de
s'inscrire dans le réseau traditionnel. On est bien d'accord, mais, pour
le moment, s'inscrire dans le réseau qui existe, c'est extrêmement
difficile. Ûans le réseau des salles parallèles, c'est
extrêmement difficile parce qu'on fait face, entre autres, à la
méconnaissance des programmateurs de salles qui ne connaissent pas les
films québécois et qui, quand ils ont une liste de films devant
eux, ne vont pas choisir ces films, ils ne les ont pas vus, ni à la
télévision, ni dans les salles commerciales. Il y a ce
problème.
Il y a aussi le problème, parce qu'il y en a plusieurs, de
l'Office national du film ou d'autres organismes gouvernementaux qui diffusent
leur production gratuitement. C'est évident que, quand on arrive avec un
film qu'on loue à un certain prix, puisqu'on distribue la production
indépendante et il faut qu'il y ait des retours, quand on arrive avec un
film qu'on va louer 150 $ et que l'ONF arrive à côté avec
un film qui est donné gratuitement, c'est sûr que la personne qui
a un petit budget pour programmer ses films durant l'année va prendre le
film de l'ONF. D'ailleurs, dans une étude qui avait été
faite en 1977, commandée par l'Institut québécois du
cinéma et faite par M. Pierre Demers, de Jonquière, il avait
noté qu'au-delà de 90% de la programmation des salles
parallèles au Québec présentaient du cinéma
étranger, du cinéma pas particulièrement culturel, du
cinéma assez commercial et que, sur à peu près 9% de
production québécoise et canadienne qui était
présentée, la majorité de ces films était des films
de l'Office national du film, parce que cela ne leur coûtait rien et que
cela leur permettait de payer plus cher pour des films américains sur
leur budget annuel. On est confronté à beaucoup de
problèmes comme cela.
M. Scowen: Une dernière question. Je ne sais pas si, vous
et moi, ensemble, allons promouvoir un réseau de salles nationales ce
soir...
Mme Groulx: Ce n'est pas une nouvelle idée.
M. Scowen: Si ce n'est pas le cas, je veux simplement avoir une
précision, des faits sur la situation actuelle. Dans le mémoire
de l'Association des cinémas parallèles, ils disent qu'ils
présentent des films difficilement rentables, documentaires, courts et
moyens métrages, films québécois, films engagés,
classiques, etc. Vous prétendez que ces mêmes personnes font
à 90% du cinéma étranger, surtout américain et
probablement commercial, et que les programmateurs de ces salles manifestent
une méconnaissance importante des films québécois. Est-ce
que...
Mme Groulx: Oui. On l'a précisé tout à
l'heure. L'Association des cinémas parallèles, je ne me souviens
plus exactement, regroupe 45 salles. Il y en a au-delà de 200, ce qu'on
appelle le réseau parallèle. Parmi les gens qui étaient
ici ce soir et qu'on connaît parce qu'on fait affaires avec eux, on peut
dire que c'étaient justement les intervenants les plus corrects, si on
peut dire, face aux films qu'on distribue et qui essaient d'en
présenter, pas beaucoup, mais un de temps en temps. Ils n'étaient
pas représentatifs de la majorité des programmateurs de salles
parallèles. Là, on parle du réseau des salles
parallèles dans son ensemble, dans les cégeps, les
universités, etc., au Québec et où, comme je vous disais
tantôt, il y a moins de 10% de films d'ici qui sont
présentés, et souvent des films commerciaux.
M. Scowen: Est-ce que ces mauvais, les autres, ont une voix
officielle?
Mme Groulx: S'ils ont une voix officielle?
M. Scowen: Oui, est-ce qu'ils ont une association des
mauvais?
Mme Groulx: Cela ne me dérange pas pour autant que nous en
ayons une.
Le Président (M. Paré): Merci. Mme Groulx, M.
Dussault et M. Gagné, merci de votre patience et de votre participation
à la commission.
Mme Groulx: Merci.
Le Président (M. Paré): Étant donné
que les derniers groupes pour aujourd'hui viennent d'être entendus, les
travaux sont ajournés à demain matin, 10 heures. Bonne nuit,
mesdames et messieurs.
(Fin de la séance à 23 h 45)